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Version finale

37th Legislature, 1st Session
(June 4, 2003 au March 10, 2006)

Wednesday, December 3, 2003 - Vol. 38 N° 35

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, bonne journée. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Aux affaires courantes aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Dépôt de documents. Mme la vice-première ministre, ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie. Mme la ministre.

Rapport d'activité de l'Office Québec-Amériques
pour la jeunesse et rapport annuel du ministère
des Relations internationales

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'activité de l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse pour l'année financière comprise entre le 1er avril 2002 et le 31 mars 2003 et le rapport annuel de gestion 2002-2003 du ministère des Relations internationales du Québec.

Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale

Le Président: Ces documents sont déposés. Pour ma part, je dépose les décisions nos 1172, 1174 à 1176, 1178-1 et 1178-2 du Bureau de l'Assemblée nationale.

Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. Mme la présidente de la commission de l'économie et du travail et députée de Bourget.

Étude détaillée du projet de loi n° 22

Mme Lemieux: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 20 novembre et le 1er décembre 2003 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur les coopératives. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Merci, Mme la députée.

Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je demande le consentement pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, cette pétition est conforme, M. le député. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt de cette pétition? Consentement. Mais, selon moi, elle était conforme. Alors, M. le député de l'Acadie.

Préserver et développer le parc d'habitations
à loyer modique, et maintenir les loyers actuels

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 71 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le Québec;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus et permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

n(10 h 10)n

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bouchard (Mégantic-Compton): Oui, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition conforme adressée à l'Assemblée nationale, signée par 42 personnes, par l'Association des locataires de l'OMH de Lac-Mégantic.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important dans notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le Québec;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir le loyer à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bouchard (Mégantic-Compton): M. le Président, je sollicite la Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bouchard (Mégantic-Compton): Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 846 personnes, provenant de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec du comté de Saint-François.

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé 2,3 % de leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir le loyer à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition, M. le Président.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je demanderais le consentement pour le dépôt d'une pétition.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le député de Rivière-du-Loup.

Poursuivre les activités policières
de l'opération Scorpion afin de mettre
un terme à la prostitution juvénile à Québec

M. Dumont: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 2 150 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la ville de Québec et de ses environs, qui font partie d'un groupe de 80 158 pétitionnaires de trois libellés différents. Et ces 2 150 là on adressé leur pétition à l'Assemblée nationale.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que l'enquête sur la prostitution juvénile à la police de Québec a pris fin au mois de septembre dernier;

«Considérant qu'il s'agit de l'intérêt de notre société et surtout celui de nos enfants;

«Considérant que la confiance des Québécois et Québécoises dans le système de justice québécois est considérablement ébranlé;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, citoyens et citoyennes de la ville de Québec et de ses environs, réclamons l'intervention des membres de l'Assemblée nationale afin que l'opération Scorpion puisse poursuivre ses activités et mette un terme à la prostitution juvénile qui touche notre région.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Montmorency.

M. Bernier: M. le Président, je sollicite le consentement pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le député de Montmorency.

Préserver et développer le parc d'habitations
à loyer modique, et maintenir les loyers actuels

M. Bernier: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 1 510 pétitionnaires, locataires de HLM de la circonscription de Jean-Lesage.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Aux membres de l'Assemblée nationale:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante pour la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard: M. le Président, je demande le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 57 pétitionnaires, locataires d'habitations à loyer modique du comté de Duplessis.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et menace directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 %...» Je m'excuse.

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important pour notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, Mme la députée. Cette pétition est déposée. Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 149 signataires, locataires d'habitations à loyer modique du comté de Matane.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prendra des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer multiple, protéger et rénover son parc de logements à loyer multiple, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus et permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, votre pétition est déposée, Mme la députée. Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Mme la députée de Matane.

Mme Charest (Matane): Je dépose. M. le Président, l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 73 signataires, locataires d'habitations à loyer multiple du comté de Bonaventure.

n(10 h 20)n

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré de 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social au Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prendra des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député de Masson.

M. Thériault: M. le Président, je demande le consentement de l'Assemblée pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le député de Masson.

M. Thériault: Alors, M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 192 pétitionnaires, locataires d'habitations à loyer modique du comté de Masson.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le gouvernement du Québec révise ses programmes en habitation et que certaines mesures envisagées menacent directement l'ensemble des familles et des personnes âgées habitant dans les HLM;

«Attendu que le gouvernement du Québec a sabré 25 % dans les budgets alloués en 2003 à la rénovation des HLM et coupé de 2,3 % leur budget de fonctionnement;

«Attendu que le parc de logement social du Québec constitue un patrimoine précieux pour tous les citoyens et citoyennes à revenus modestes et qu'il est un rouage important de notre filet de protection sociale;

«Attendu que les HLM sont une partie importante de la solution à la pénurie de logements que connaît le Québec;

«Attendu qu'il serait injuste que les plus pauvres de notre société fassent les frais de la baisse des impôts promise par le gouvernement;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale de bien vouloir s'assurer que le gouvernement du Québec prenne des mesures énergiques afin de conserver la propriété de ses 65 000 logements à loyer modique, protéger et rénover son parc de logements à loyer modique, maintenir les loyers à 25 % des revenus des locataires à faibles revenus, permettre la réalisation de nouveaux logements publics.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période des questions et réponses orales, et je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition officielle.

Résultat de la révision de la preuve
dans le dossier de la prostitution juvénile à Québec

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, vendredi dernier, le ministre de la Justice annonçait par communiqué, et je cite: «Rien, dans les renseignements soumis jusqu'à maintenant aux substituts du Procureur général par le Service de police de Québec, ne pourrait justifier que des accusations criminelles soient portées contre quiconque.»

Alors, M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice et Procureur général peut confirmer en cette Chambre qu'après révision de la preuve aucun membre ou ex-membre de cette Assemblée n'est lié au réseau de prostitution juvénile?

Le Président: M. le ministre de la Justice et Procureur général.

M. Marc Bellemare

M. Bellemare: ...M. le Président. Alors, suite aux événements qui ont été rendus publics fin septembre, début octobre dans la région de La Malbaie ? à l'époque, nous étions en réunion avec les ministres de la Justice et de la Sécurité publique du Canada ? allégations à l'effet que certains membres de la classe politique auraient été impliqués dans le scandale de la prostitution juvénile, j'ai demandé à une équipe particulière de procureurs de la couronne qui travaillent au sein du Procureur général depuis des années, des procureurs compétents, expérimentés, de revoir l'ensemble de la preuve qui avait été soumise par les services policiers de la ville de Québec, une demande exceptionnelle répondant à une problématique exceptionnelle qui avait été rendue publique à l'époque, fin septembre.

Après six semaines de travail, après avoir révisé l'ensemble de la preuve documentaire, toutes les déclarations qui ont été produites à l'attention de la couronne, les preuves audio, les preuves vidéo, l'ensemble des conversations qui avaient été relevées, qui avaient été analysées dans un premier temps déjà par les procureurs de la couronne, nous en sommes venus à la conclusion qu'il n'y avait aucune preuve de nature à permettre que des accusations criminelles soient déposées contre des gens de la classe politique du Québec.

Et j'insiste sur le fait que cet examen-là est une mesure exceptionnelle de nature à rassurer d'abord la classe politique, mais aussi la population, et de permettre que la population du Québec ait confiance dans ses institutions parce que je crois que le rôle premier d'un parlementaire et d'un ministre de la Justice, de surcroît, est de faire en sorte que la population du Québec ait confiance dans ses institutions, non seulement les institutions judiciaires, mais les institutions parlementaires.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Question additionnelle. Pourquoi le ministre, dans les vérifications ? et le communiqué de presse est clair ? pourquoi le ministre n'a fait porter la révision de la preuve uniquement que sur les personnalités politiques et non pas sur l'ensemble des dossiers dont il devait réviser la preuve? Et, deuxièmement, est-ce qu'il se rend compte aujourd'hui, dans sa réponse qu'il vient de nous donner, que ce qu'il est en train de faire, c'est de rassurer la classe politique seulement, pas la population ? ou d'essayer de le faire ? pas la population?

Le Président: M. le ministre de la Justice et Procureur général.

M. Marc Bellemare

M. Bellemare: M. le Président, je répondrai simplement au député de Rivière-du-Loup, comme je l'ai fait il y a quelques semaines, qu'il ne suffit pas d'avancer des suppositions et de laisser croire des choses, surtout en cette Chambre. Parce que, quand un député se lève pour affirmer des choses, des choses qui sont de nature à remettre en doute et à attaquer la crédibilité d'institutions ? la police, les tribunaux, l'Assemblée nationale ? le député doit se fonder sur des faits. Et ce n'est pas la première fois que le député de Rivière-du-Loup affirme des choses qui sont de nature à discréditer l'ensemble de ces institutions.

Je répète ici ce que je lui ai dit déjà il y a deux semaines, dans le cadre d'un point de presse: si le député de Rivière-du-Loup possède quelque information que ce soit qui puisse permettre que des accusations de nature criminelle soient déposées contre quiconque ? je ne parle pas juste de la classe politique ou des gens qui siègent en cette Chambre ou qui y ont déjà siégé, je parle de quiconque ? s'il possède des informations, plutôt que de laisser croire des choses, d'alimenter des rumeurs et de créer la zizanie non seulement dans cette Chambre, mais dans l'ensemble de la population de la région de Québec, qu'il se lève, qu'il se dirige dans les locaux de la police de Québec et qu'il dise ce qu'il sait. Et, s'il le faut, s'il le faut, je l'accompagnerai après la période de questions, dans exactement 40 min 16 s. Je paierai le taxi, puis on se rendra ensemble à la police de Québec, et il dira à la police de Québec ce qu'il sait. S'il ne sait rien, qu'il cesse de laisser croire des choses.

Le Président: Alors, je rappelle la prudence. Nous en sommes en matière criminelle sub judice, alors c'est absolu. Alors, attention. Dernière question additionnelle, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Dernière question additionnelle. Est-ce que le ministre pourrait simplement répondre à la question? Pourquoi les vérifications n'ont porté que sur des dossiers dans lesquels il manquait de preuves, dossiers qui existent néanmoins concernant des personnalités politiques, et pourquoi pas sur l'ensemble des cas? La question est simple.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: M. le Président, vous avez fait appel à la prudence, l'article 35, bien sûr. Je pense que là il faut aller à un pas de plus et dire au député de Rivière-du-Loup qu'il pose une question qui est contraire à l'article 35, compte tenu évidemment du dossier dont il est question.

Le Président: Alors, l'article 35.3° est très clair, c'est sub judice. Si on veut mettre en cause la conduite d'un député, on peut le faire par le règlement. Alors, je vous permettrai, votre question, de la reprendre, mais la prudence est plus qu'exceptionnelle à ce moment-ci.

n(10 h 30)n

M. Dumont: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous expliquer simplement son communiqué de presse? Je ne l'ai que cité dans la dernière question: il n'existait pas une preuve suffisante, «une preuve suffisante pour justifier des accusations contre des personnalités politiques». Communiqué de presse du ministre de la Justice. Pourquoi juste une révision sur les personnalités politiques? Pourquoi pas sur l'ensemble des cas? C'est un communiqué de presse...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Toujours invoquant l'article 35, troisième paragraphe. M. le Président, il y a, devant les tribunaux criminels, des règles de preuve qui sont claires, et on parle abondamment, devant les tribunaux criminels, d'une preuve hors de tout doute raisonnable. On doit tenir compte des règles qui sont en vigueur devant les tribunaux criminels. Et la question du député de Rivière-du-Loup...

Une voix: ...

M. Dupuis: ...la question du député de Rivière-du-Loup fait en sorte qu'on bafoue les règles fondamentales qui ont cours devant les tribunaux criminels.

Le Président: C'est la dernière question, M. le ministre, avec beaucoup de prudence. Si vous voulez répondre à la question, vous me permettrez, avec beaucoup de prudence.

M. Marc Bellemare

M. Bellemare: Merci, M. le Président. Alors, le député de Rivière-du-Loup vient de faire référence à un communiqué qui est un communiqué qui a été lu la semaine dernière et qui, à mon avis, était très, très clair. Et je me permettrai de relire un extrait de ce communiqué, qui a été largement diffusé d'ailleurs dans la presse écrite de samedi dernier. Alors, je cite: «Un nouveau groupe de cinq substituts du Procureur général, rattachés au Bureau des affaires criminelles du ministère de la Justice, a procédé à une révision minutieuse et complète de toute la preuve soumise par la police de Québec dans cette affaire.» Et, à la fin du communiqué, il est indiqué, et je cite: «Toute personne susceptible d'apporter des informations supplémentaires dans le cadre de cette enquête doit les soumettre immédiatement aux policiers.» Alors, ce paragraphe, M. le Président, était précisément destiné au député de Rivière-du-Loup, mais je comprends aujourd'hui qu'il n'a pas saisi l'affaire.

Et je me permettrai simplement d'ajouter ceci: nos tribunaux de juridiction criminelle sont appelés à se pencher, chaque année, sur quelque 100 000 accusations. Le niveau de preuve qui nous permet de déposer des accusations de nature criminelle est un niveau de preuve très élevé. Une preuve hors de tout doute raisonnable suffit à convaincre un juge de juridiction criminelle à condamner quelqu'un dans notre société.

Alors, il est important de le dire au député de Rivière-du-Loup, parce qu'on a l'impression, à l'écouter, qu'on devrait rendre publics les noms de tous ceux qui, tous les jours, font l'objet de dénonciations, de plaintes, d'appels téléphoniques. Alors, il est important pour moi d'assurer une certaine confidentialité au niveau des informations que le Procureur général possède, et on va continuer de le faire. Mais je lui répète qu'il a une responsabilité importante comme parlementaire et comme citoyen. S'il connaît des choses, s'il sait des choses, qu'il aille le dire à la police de Québec, il y a plusieurs bureaux de la police de Québec ici, à Québec, je peux lui donner l'adresse tantôt, et je réitère mon invitation, je l'accompagnerai, dans 35 min 17 s, à la police de Québec pour qu'il puisse dénoncer ce qu'il sait. Seulement ça.

Le Président: En question principale, M. le député de Rousseau.

Niveau de l'indexation des tables d'impôt

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, maintenant qu'on sait que le Parti libéral du Québec a fait une erreur de 2,3 milliards dans son cadre financier utilisé durant la campagne électorale, on apprend que le ministre des Finances a annoncé vendredi dernier, en fin de journée ?  un hasard probablement ? qu'il réduisait l'indexation des tables d'impôt pour tenir compte de l'inflation, ce qui va coûter 140 millions de dollars aux contribuables québécois. M. le Président, pourquoi le ministre des Finances a-t-il essayé de laisser croire à une baisse d'impôts alors qu'il annonce une hausse d'impôts de 140 millions de dollars?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. On a effectivement annoncé une indexation de l'ensemble des tables d'impôt et mesures fiscales. L'indexation annoncée est de 2 %. Elle était, l'an passé, au 1er janvier 2003, de 1,5 %, donc l'annonce qui a été communiquée à la population vendredi est une hausse de l'indexation.

C'est important de comprendre, M. le Président, pourquoi c'est important, c'est que ça permet à l'ensemble des contribuables de bénéficier de mesures fiscales qui vont être haussées de 2 %. Et je pense que c'est une bonne nouvelle, dans les circonstances, étant donné que les finances sont serrées et que les contribuables le savent, et je pense que, déjà de faire un effort supérieur à l'ancien gouvernement, c'est certainement une bonne nouvelle, M. le Président.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre des Finances réalise que le régime d'impôt du Québec avait déjà été indexé par le Parti québécois? Est-ce qu'il réalise que, lorsqu'on regarde les chiffres de l'Institut de la statistique du Québec, lorsqu'on regarde la formule qui est déjà en place pour les 12 mois terminés le 30 septembre, il aurait dû indexer de 3,1 %? Donc, en indexant de seulement 2 %, entre autres, il réduit les crédits aux familles pour les enfants à charge, donc il vient encore piger dans les poches des familles 140 millions, M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Oui, merci, M. le Président. Je répondrais à mon collègue que, pendant six ans, l'ancien gouvernement n'avait pas indexé les tables d'impôt et les mesures fiscales. Pendant six ans... M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Séguin: Pendant six ans, pendant six ans, jusqu'en 2001, l'ancien gouvernement n'avait pas indexé les tables d'impôt, ce qui a fait payer à l'ensemble des contribuables du Québec 1 milliard de dollars de plus d'impôts et de taxes au Québec, ce qui faisait qu'on était les seuls en Amérique du Nord à ne pas avoir d'indexation.

L'an passé, l'ancien gouvernement avait indexé à 1,5 %, ce qui était l'indexation la plus élevée qu'il n'avait jamais faite. On a battu le record, on a donné 2 % cette année.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: M. le Président, c'est incroyable, ce qu'on entend ce matin, c'est un... En tout cas...

Le Président: La question.

M. Legault: M. le Président. M. le Président, le Parti québécois a indexé les tables au cours des deux dernières années...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Alors, je rappelle, M. le député de Rousseau, que, avec votre expérience parlementaire, nous sommes en question additionnelle, et j'apprécierais que vous posiez votre question immédiatement.

M. Legault: Est-ce que le ministre des Finances peut nous confirmer que, s'il avait utilisé la formule qui était déjà en place, il aurait indexé à 3,1 %, et ce qu'il a fait, c'est qu'il a annoncé une indexation à 2 %? Et donc, il ne nous a pas annoncé une baisse d'impôts, il nous a annoncé une hausse d'impôts, une hausse d'impôts de 140 millions. Il continue à laisser croire à la population à des baisses d'impôts, comme en campagne électorale. C'est inadmissible, M. le Président.

Le Président: Alors, M. le député de Rousseau, vous avez posé une question, mais le préambule est venu après! M. le ministre des Finances.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Yves Séguin

M. Séguin: Merci, M. le Président. C'est la première fois au Québec qu'il y a un facteur d'indexation de 2 %. C'est le taux le plus élevé au Québec depuis 10 ans. Alors, ce n'est pas une augmentation d'impôts, c'est une baisse d'impôts. L'ancien gouvernement avait indexé à 1,5 %, nous l'avons fait à 2 %. C'est plus généreux... dans tous les neuf ans qu'a occupé l'ancien gouvernement... C'est plus généreux.

Le Président: Bon, un instant! S'il vous plaît! La question a été posée dans l'ordre, alors je m'attends que la réponse se fasse dans l'ordre.

M. Séguin: Je voulais terminer en disant que, si j'avais pris la même formule que l'ancien gouvernement, compte tenu des hausses sur le tabac, la taxe sur le tabac, si j'excluais la taxe sur le tabac, ça aurait donné, cette année, 1,5 %, la même formule que l'an passé. Alors, je change la formule, parce qu'on veut être généreux, puis on va donner 2 % aux contribuables.

Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.

Niveau des impôts et des tarifs
de certains services publics

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, durant la campagne électorale, la population du Québec s'est fait promettre de façon formelle des baisses d'impôts de 1 milliard de dollars dès le premier budget du nouveau gouvernement.

Comment le premier ministre entend-il compenser la même population qu'il a induite en erreur pour les hausses suivantes: 140 millions pris par des moyens obscurs par le ministre des Finances, on vient de le voir; 170 millions en frais de garde; 40 millions pour les transports en commun; 500 millions pour les tarifs d'Hydro-Québec; 62 millions d'augmentation des primes d'assurance médicaments?

À première vue, à peu près 1 milliard de dollars. Comment est-ce que le premier ministre concilie sa promesse de baisse virtuelle de 1 milliard avec la hausse bien réelle que les gens doivent endurer dès maintenant?

n(10 h 40)n

Le Président:«Induire en erreur», M. le chef de l'opposition: motif indigne, que je ne peux pas... que je ne permettrais pas de nouveau. Oui?

M. Landry: Je peux préciser, M. le Président. Il a dit qu'il baisserait les taxes, puis il les monte de 1 milliard.

Le Président: Ça, je comprends mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Mais je n'ai pas à faire ce commentaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Merci de n'avoir rien dit, M. le Président! Ce n'est pas la seule erreur que fait le chef de l'opposition. Il est obligé de retirer ses paroles, et il vient d'affirmer dans son préambule que, dès le premier budget, on s'était engagé à faire certaines choses. On a publié, on a pris la peine de publier un document où on a mis un cadre financier, alors que le Parti....

Des voix: ...

M. Charest: Le député de Rousseau s'excite encore, M. le Président. J'ai cet effet-là sur lui, je sais ça, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, M. le député de Rousseau...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Rousseau, je vous demande votre collaboration. M. le premier ministre.

M. Charest: Difficile pour lui de contenir ses émotions. Mais, dans le document qu'on a rendu public, on disait très clairement qu'à partir de l'année fiscale 2004-2005 nous allions mettre en oeuvre le programme et notre cadre financier. Bon. Alors, ce n'est pas une, c'est deux erreurs qu'il a faites dans sa question.

L'autre erreur, c'est de croire et de laisser croire à la population du Québec que l'héritage qu'il nous a laissé passe... est inaperçu ou inexistant.

Il parlait des tarifs du transport en commun. Le meilleur exemple de ce qui s'est passé dans le transport en commun, c'est votre annonce pour le métro de Laval, qui devait coûter 160 millions, puis on est rendu à 550 millions. Vous le saviez puis vous n'en parliez pas, alors que la décision, elle est assumée par les sociétés de transport, qui sont, soit dit en passant, parmi les plus financées, subventionnées au Canada par rapport aux autres provinces canadiennes. C'est à la hauteur de 23 % que l'État québécois finance. À Hydro-Québec ? on est devant la Régie d'énergie ? il parlait de 500 millions de dollars; il n'y a aucune décision de prise.

Alors, ce n'est pas une, deux, trois, on pourrait probablement compter une dizaine d'affirmations qui sont en dehors de la réalité, dans la question que pose le chef de l'opposition.

Le Président: En question additionnelle, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: Premièrement, je vais citer sa plateforme: «Un gouvernement du Parti libéral enclenchera, dès le dépôt de son premier budget, un plan de réduction des impôts des particuliers de 1 milliard.» C'est ce que je lis, entre guillemets.

Mais là, dans ces conditions, ma question: Est-ce que le premier ministre est en train d'annoncer une série de bonnes nouvelles, là, qu'il n'y aura pas de hausse de 140 millions; que les frais de garde ne seront pas haussés de 70 millions; qu'il n'y a pas de hausse de 40 millions pour les transports en commun; et qu'il n'y aura pas de hausse des tarifs de l'Hydro-Québec; et que les médicaments ne seront pas augmentés? Si le premier ministre affirme tout ça ce matin dans cette Chambre, nous allons l'applaudir chaleureusement et le féliciter.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Yves Séguin

M. Séguin: Oui. Voici, M. le Président. Il est quand même toujours surprenant de voir l'ancien gouvernement, actuellement dans l'opposition, essayer de nous donner des leçons sur les questions de hausse de taxes. S'il y a un championnat qui va être difficile à battre, c'est bien celui-là qui a été celui de leur ancien gouvernement: 54 hausses de taxes entre 1993 et l'an 2001, juste pour mentionner cette période; 4 milliards...

Des voix: ...

Le Président: Alors, s'il vous plaît! Alors, nous sommes à la période des questions. Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. Séguin: Merci, M. le Président. On voit là où ça fait mal, hein? Alors, M. le Président, si vous pouviez me donner une heure, je pourrais vous énumérer les 54 mesures...

Le Président: M. le ministre, vous n'avez pas une heure. Si vous voulez terminer.

M. Séguin: L'ancien gouvernement a levé un ensemble de taxes. Et, pour mentionner la pire, que nous payons encore aujourd'hui à tous les jours, la taxe de vente du Québec, que l'ancien chef de l'opposition, alors ministre des Finances, a eu le plaisir d'augmenter de 7,5 % à 8,5 %, que nous payons toujours et qui fait de nous les plus taxés au point de vue taxe de vente en Amérique du Nord.

Le Président: En question principale, M. le député des Îles-de-la-Madeleine

Adoption et application
de modifications au Code du travail

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci, M. le Président. Hier, le premier ministre du Québec lançait un appel au calme. M. le Président, alors que tous les spécialistes entendus en commission parlementaire, que tous les observateurs et analystes reconnaissent que les impacts des modifications prévues par le projet de loi n° 31 au Code du travail doivent faire l'objet d'études plus vastes et aussi que les effets positifs escomptés exigent que ces réformes se réalisent dans un contexte de paix industrielle, le premier ministre du Québec reconnaît-il que ce projet de loi se doit d'être adopté dans l'ordre, certainement pas dans un contexte de fin de session, par le biais d'un bâillon?

M. le Président, quelle sera la contribution du premier ministre du Québec pour ramener le calme? Est-il disposé à donner plus de temps pour l'adoption du projet de loi n° 31?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président, pour la question du député des Îles-de-la-Madeleine. M. le Président, c'est un projet de loi qui a été discuté depuis longtemps, M. le Président, parce que c'est un sujet, M. le Président, c'est un sujet qu'on aborde et qu'on traite au Québec depuis 1996-1997, avec le rapport Mireault, M. le Président. C'est un projet de loi dont on avait, dès l'arrivée du gouvernement, avisé les organisations syndicales et patronales qu'il y aurait dépôt sur le Code du travail, M. le Président.

C'est un projet de loi qui respecte les fondements du Code, qui laisse le droit d'association, le droit de négociation, permet aux parties de négocier ce qu'elles vont mettre dans les conventions collectives, M. le Président. C'est un projet de loi qui a des mesures de sauvegarde. C'est un projet de loi qui respecte les parties, M. le Président. Et je vous dirai que, dans le projet de loi qui... la consultation qu'on a eue en commission parlementaire, on a entendu les groupes. Tous les groupes ont été invités à faire des propositions, et toutes les propositions qui ont été déposées sont analysées présentement au ministère du Travail.

Et je lui dirai en terminant, M. le Président, que la raison pour laquelle le gouvernement fait ce projet de loi, comme on l'a toujours dit... Et c'est Pierre Fortin qui l'a si bien dit, M. le Président, lors de sa présentation ? qui est un des grands économistes du Québec ? il a dit: «Il y aura plus de sous-traitance, plus de création d'entreprises, plus d'investissements étrangers et plus d'emplois créés au Québec», M. le Président.

Et, en terminant, le projet de loi vaut la peine d'aller de l'avant avec l'amendement à l'article 45 proposé par le projet de loi n° 31. Une interprétation large de l'article 45 par les tribunaux spécialisés, en ce qui concerne la sous-traitance, a conduit à des exagérations nuisibles à la création d'emplois, M. le Président.

Le Président: En question additionnelle, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci, M. le Président. Est-ce que, justement, le ministre va écouter M. Fortin? Et, sa longue lecture, il aurait pu la prolonger. Est-ce qu'il va écouter M. Fortin quand il dit... À la question à savoir s'il y aurait plus d'emplois si on fait plus de sous-traitance, il a répondu, et je cite M. Fortin: «Oui, mais il y a une condition. Il faut que les échanges, il faut que les relations entre les diverses parties dans le monde du travail demeurent calmes, demeurent facilitées.» Est-ce qu'il va écouter M. Fortin et les autres qui demandent plus de temps et est-ce qu'il est prêt à convoquer le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Michel Després

M. Després: Oui, je lui citerai, parce qu'on peut bien en citer, M. le Président, des citations, je peux lui citer M. Mallette, qui dit que «le projet de loi ne véhicule aucun relent d'antisyndicalisme. Le projet de loi n° 31 me semble perfectible mais modéré, équilibré, raisonnable, il ne bouleverse pas fondamentalement le rapport de force entre les parties. C'est plutôt le courant jurisprudentiel auquel la loi a donné lieu et que veut corriger le présent projet de loi qui est déraisonnable», M. le Président. Et, en terminant, par rapport à M. Fortin, «la sous-traitance conduit rarement à des mises à pied, même en l'absence de protection syndicale», M. le Président.

n(10 h 50)n

Le Président: En question additionnelle, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre du Travail va écouter M. Fortin, va écouter M. Sansfaçon, va écouter tous les analystes? Est-ce qu'il va écouter tous les spécialistes en droit du travail, le Barreau du Québec, la Commission des droits de la personne, qui sont prêts à s'asseoir, qui sont venus demander plus de temps pour le projet de loi? Est-ce qu'il va écouter la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, qui sont venus supplier le ministre du Travail de ne pas adopter son projet de loi avant Noël, de prendre plus de temps? Que répond-il à ces gens, M. le Président?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Michel Després

M. Després: M. le Président, le temps, on l'a pris. Même son gouvernement l'a pris, le temps, a essayé de le prendre, le temps, M. le Président. Quand Jean Rochon disait: «Depuis 1997, différents comités ont été mandatés, ont travaillé sur l'article 45, ont été consultées largement toutes les parties, qui ont conduit à des rapports, à des recommandations, ont soulevé des discussions, un travail important s'est fait au ministère du Travail.» Et M. Mallette nous disait en commission: «On a commencé à en parler en 1996, le débat n'est pas nouveau, les enjeux sont clairs.» M. le Président, on va agir pour les citoyens du Québec, on va agir pour les travailleurs du Québec, puis on va agir pour l'économie du Québec.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Blainville.

Composition des conférences régionales des élus

M. Richard Legendre

M. Legendre: Oui, M. le Président. En même temps que le premier ministre lance un appel au calme, le gouvernement est en train d'allumer un autre feu avec le projet de loi n° 34. Non seulement le gouvernement refuse d'entendre les régions en commission parlementaire, mais il refuse également de garantir une place aux leaders socioéconomiques dans la nouvelle Conférence régionale des élus. Et, évidemment, l'inquiétude grandit: Le monde scolaire exige sa place, Les femmes veulent avoir leur mot à dire, Les gens d'affaires sont indispensables, Quelle place pour le développement social?Un manifeste des conseils de la culture, et l'UPA qui est en désaccord.

Le ministre peut-il, M. le Président, écouter les régions et s'engager à modifier le projet de loi pour garantir à nos partenaires socioéconomiques une vraie place décisionnelle au sein de la Conférence régionale des élus?

Le Président: M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Michel Audet

M. Audet: M. le Président, je remercie le député de Blainville de sa question. Il parlait effectivement d'écouter les régions. Pour la première fois, la première fois ? qu'on m'a dit, en tout cas, et sauf erreur ? il y a un ministre qui se promène actuellement, fait le tour du Québec...

Des voix: ...

M. Audet: Un instant, un instant! Laissez-moi terminer.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. L'article 32. S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Audet: Je ne comprends pas l'énervement, effectivement, de mes collègues d'en face. Effectivement, c'est la première fois qu'un ministre prend la peine d'aller faire le tour des régions comme on le fait actuellement, rencontrer les élus et les non-élus sur un projet de loi qu'on vient de déposer pour leur expliquer, les écouter précisément et obtenir leurs réactions. C'est ce qu'on a, c'est ce qu'on a actuellement, ce qu'on est en train de faire. On fait le tour des 17 régions. Hier, on était dans le Nord, précisément, avec les communautés autochtones, qui vont faire des propositions, et ça va donner lieu à des ajustements au projet de loi pour tenir compte des particularités régionales. C'est ce qu'on prépare actuellement. On ne veut pas un projet de loi mur à mur, mais qui va tenir compte des particularités. C'est précisément la réponse qu'on apportera dans la version finale du projet de loi.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Blainville.

M. Richard Legendre

M. Legendre: Oui, M. le Président. Je m'excuse, mais ce n'est pas parce que c'est la première fois que c'est nécessairement bon.

Oui ou non, M. le Président, oui ou non, c'est simple, est-ce que le ministre va s'engager à faire une vraie place aux partenaires socioéconomiques qui veulent contribuer au développement régional? Oui ou non? Oui aux régions ou non aux régions?

Le Président: Alors, M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Michel Audet

M. Audet: La réponse est bien claire, je pense qu'il vient de la donner lui-même, c'est évident que c'est oui aux régions, puisque tout l'objectif du projet de loi est de faire confiance aux régions.

Ce qu'on voudrait, ce qu'on voudrait, de l'autre côté, c'est qu'on prenne des décisions en lieu et place des élus locaux et des responsables locaux. Nous, on a confiance. On n'a pas de mépris pour la démocratie locale, on y croit. Et les gens nous le rendent bien, puisque la Fédération québécoise des municipalités, l'Union des municipalités du Québec se dit entièrement d'accord avec ça, et ils vont...

Des voix: ...

M. Audet: Un instant, si vous voulez me permettre de terminer. Ils vont faire la place qui leur revient aux membres, aux partenaires socioéconomiques. Et je reconnais avec vous qu'ils doivent y être associés, et on va s'assurer qu'ils le soient.

Le Président: En question additionnelle? En question additionnelle, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Oui, en additionnelle. Est-ce que le ministre peut prendre ses responsabilités? Est-ce qu'il peut corriger son projet de loi pour reconnaître que la place des femmes dans les instances décisionnelles, c'est une question d'équité, au lieu de souhaiter, comme l'a dit sa ministre déléguée, et je cite, «que les élus masculins fassent preuve d'un devoir de moralité envers les femmes»?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre du Développement économique et régional.

M. Michel Audet

M. Audet: Je ne comprends pas pourquoi la députée se fâche à l'égard d'une intervention comme celle-là qui faisait un appel, effectivement, à la responsabilité des élus locaux. Mais, pour bien comprendre la dynamique du projet de loi, si vous voulez bien comprendre la dynamique du projet de loi, il y aura des ententes avec les conférences régionales des élus; dans l'entente, il y aura des attentes qui vont être signifiées, et c'est évident que ça va faire partie des préoccupations qui vont être formulées pour qu'ils fassent la place de choix aux femmes et aux autres groupes. Et, vous avez parfaitement raison, madame, nous nous assurerons qu'elles aient la place qui leur revient.

Le Président: Alors, M. le ministre...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Vous vous adressez toujours à la présidence, M. le ministre. En question additionnelle, dernière question additionnelle, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre peut au moins comprendre que sa ministre déléguée reconnaît que son gouvernement a donné le pouvoir décisionnel de choisir les autres partenaires aux élus masculins et que c'est une question d'inéquité que c'est à eux de corriger?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Le temps passe. M. le ministre.

M. Michel Audet

M. Audet: Alors, M. le Président, simplement pour m'étonner du fait que cette préoccupation n'ait pas été au centre de... je dois dire, des objectifs du gouvernement précédent lorsqu'il a fait les fusions forcées et qu'il a fait disparaître plusieurs postes de maire.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En question principale, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Réforme de l'organisation des soins de santé

Mme Louise Harel

Mme Harel: Oui. Alors, M. le Président, je peux quand même confirmer qu'il y a statistiquement autant de mairesses.

n(11 heures)n

Alors, M. le Président, en commission parlementaire hier, à l'unanimité, les médecins spécialistes, les médecins omnipraticiens, les infirmières, les organisations communautaires, le personnel syndiqué, tous sont venus reprocher au ministre de la Santé son absence de consultation, sa précipitation à vouloir imposer une mauvaise solution. Ils ont déploré le caractère autoritaire, pernicieux, inutile du projet de loi n° 25, qui ne contient aucune des conditions nécessaires à la réussite de l'intégration et de la continuité des soins pour la population.

Le premier ministre, qui a lancé hier un appel à la raison, peut-il nous dire s'il juge raisonnable d'adopter en deux semaines deux projets de loi dans le secteur de la santé qui, au dire même de l'Association des hôpitaux du Québec, et je les cite, «constituent une transformation majeure, certainement la plus importante depuis la réforme des années soixante-dix. Cette transformation modifie les institutions, les territoires...»

Des voix: ...

Mme Harel: Cessez d'être des matamores parlementaires!

Des voix: ...

Le Président: Madame... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, connaissant votre expérience et votre implication dans l'institution, je vous demanderais de retirer le mot «matamores».

Mme Harel: Oui. Bon. Je comprends...

Le Président: Est-ce que vous le retirez?

Mme Harel: Vous ajoutez ce mot, je comprends...

Le Président: Je l'ajoute, oui.

Mme Harel: ...aux propos non parlementaires, alors je le retire.

Le Président: Avec la définition du mot «matamore», je dois le rajouter. Alors, je vous demanderais de le retirer.

Mme Harel: Je le retire, M. le Président. Mais je cite à nouveau l'Association des hôpitaux du Québec: «Cette transformation modifie les institutions, les territoires et annonce des défis organisationnels d'une rare complexité.»

La contribution personnelle du premier ministre au calme pourrait-elle être de convaincre son ministre de la Santé de prendre le temps nécessaire durant l'intersession pour examiner calmement ces bouleversements qu'il veut imposer au réseau de la santé?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, je fermais les yeux, j'avais l'impression d'entendre l'ancienne opposition, maintenant le gouvernement, questionner la députée sur le projet de loi sur les fusions municipales forcées, ce qui est quand même assez...

Des voix: ...

M. Couillard: Maintenant, le bienfait de la consultation d'hier et de celles qui suivront, M. le Président, d'abord ? c'est que la députée semble prendre un peu ses désirs pour les réalités ? il y avait plus d'appui sur le principe et sur, même, la lettre du projet de loi que ce qu'elle décrit actuellement. Il y en aura d'autres aujourd'hui et d'autres lundi lorsque nous terminerons les consultations.

Mais je veux d'ores et déjà indiquer que j'ai écouté ce qui a été dit en commission parlementaire. Certaines remarques ont été très constructives et très utiles pour notre réflexion. Et je salue en particulier l'attitude de l'Association des CLSC et CHSLD qui a fait preuve d'une ouverture que je qualifierais d'historique dans ce dossier, qui partage nos objectifs, amène des solutions concrètes qui nous guideront dans les améliorations à apporter au projet de loi.

Le Président: Alors, question additionnelle, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé pourrait lire les comptes rendus dans les journaux quotidiens: Barrage de critiques contre deux projets de loi en santé; Tirs à boulets rouges sur le ministre Couillard ? Réforme de la santé; Au tour des infirmières de manifester, et ainsi de suite? Alors, s'il transforme... Imaginez la pensée magique, M. le Président, il transforme cette levée de boucliers en appuis. On vient d'en voir la démonstration.

Le Président: Votre question.

Mme Harel: Alors, ma question, M. le Président, c'est la suivante: Est-il raisonnable en deux semaines... Il reste deux semaines d'ici l'ajournement de Noël. Nous venons de débuter la discussion des projets de loi nos 25 et 30. Est-il normal en deux semaines d'imposer une transformation majeure au réseau de la santé?

Le Président: Je rappelle aux membres de cette Assemblée qu'en question additionnelle il faut poser la question et non faire de préambule. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, la nécessité d'une intégration, d'une mise en réseau de notre système de santé est connue depuis longtemps, presque 20 ans. Les Québécois et Québécoises attendent depuis longtemps qu'on améliore le système de santé. Nous avons été élus avec ce mandat de donner notre première priorité à l'amélioration du système de santé. Le temps est venu de passer à l'action. Mais nous écoutons, M. le Président, et nous prenons acte de ce qui nous est dit dans les commissions parlementaires.

Le Président: En question principale, M. le leader de l'opposition officielle et député de Gouin.

Adoption de certains projets
de loi controversés

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, hier, le premier ministre lançait son appel au calme. Aujourd'hui, ses ministres persistent et signent. Aucun changement de cap, aucune volonté claire d'ouvrir les portes du parlement. L'intention du leader du gouvernement d'imposer un bâillon continue de planer, comme déjà plusieurs quotidiens le laissent entendre.

Est-ce que le premier ministre réalise que, par son silence, en refusant d'indiquer aux Québécois et aux Québécoises quelle sera sa contribution à l'appel au calme, il est plutôt en train de mettre de l'huile sur le feu?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. On a l'occasion justement de faire un contraste, de faire la démonstration de l'approche de l'ancien gouvernement et de l'approche du gouvernement actuel. La députée d'Hochelaga-Maisonneuve a procédé à des fusions forcées de municipalités sans mandat et, on se rappelle, là, avec des projets de loi, là, où il n'y a pas eu de consultations. Et là, sur la question qui intéresse le député et le leader de l'opposition, on a pris la peine, nous, de publier le 12 septembre 2002 un document où on disait... Je veux le citer, je sais que c'est... je sais qu'ils n'aiment pas ça, là...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, M. le député de Rousseau! M. le député! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Charest: Je sais que le dossier... Le député de Rousseau est toujours aussi intéressé à mes propos.

À la page 11 du document, en parlant de la réorganisation du travail, par exemple, on disait: «Dans la première année de son premier mandat, va réorganiser le travail.»

Je peux même aller plus loin que ça et vous dire que Mme Carbonneau, qui est présidente de la CSN, reconnaissait, au mois de mars 2003, pendant la campagne électorale, ceci, et c'est tiré du journal La Tribune, et je la cite: «Nous, on dit à nos syndicats de tenter de se fusionner et, au gouvernement, on demande que les patrons cessent de faire des demandes devant le Tribunal du travail en faveur du fractionnement. Notre position, c'est de favoriser des unités plus larges. Oui, il faut s'investir dans une réorganisation du travail dans le secteur de la santé, qui peut être le plus sclérosé et où on retrouve une hiérarchie syndicale et une hiérarchie professionnelle.» Fin de la citation. Ce n'est pas de moi, c'est de Claudette Carbonneau, présidente de la CSN, M. le Président, et c'était le 19 mars 2003.

Le Président: En terminant, M. le premier ministre.

M. Charest: Je vais terminer en rappelant également au député qu'on a publié un document dans lequel on disait, noir sur blanc, ce qu'on allait faire, parce que ça fait 20 ans qu'on le fait. Mais, sur la question de l'écoute, le ministre de la Santé vient tout juste de vous dire ceci, qu'on est à l'écoute en commission parlementaire, qu'il y a des gens qui ont fait des suggestions qui nous semblent valables, qui peuvent bonifier les projets de loi et les rendre meilleurs et que, justement dans cet esprit-là, on va tenir compte de ces recommandations-là. Alors, affirmer le contraire aujourd'hui, là, c'est très loin de la réalité.

Le Président: En question additionnelle, M. le leader de l'opposition officielle.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Est-ce que le premier ministre, qui lance cet appel au calme, qui lance cette ouverture au dialogue, peut au moins donner l'assurance aux membres de cette Assemblée que le dialogue que nous avons ici dans ce salon ainsi qu'en commission parlementaire sera maintenu et que, d'aucune façon, il ne sera rompu par un bâillon de son leader? Peut-il nous donner l'assurance qu'il ne fera pas passer ses impératifs stratégiques par-dessus les intérêts des Québécois et des Québécoises, en particulier des travailleurs et des travailleuses?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, on a pris tous les moyens à notre disposition pour que la population du Québec puisse participer activement au débat démocratique. Ils les connaissent, ces moyens-là, incluant le fait qu'on ait pris, nous, la peine d'annoncer clairement ce que nous avions l'intention de faire dans l'intérêt de la population du Québec.

Et, dans le cas du projet de loi que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve soulève aujourd'hui, c'est extrêmement important qu'on mette le système en réseau pour qu'on puisse livrer des services aux patients. C'est ça, l'objectif qu'on poursuit. La même chose du côté de la réorganisation du travail, hein, c'est de faire en sorte qu'on puisse consacrer le plus de ressources possible dans les soins aux patients. Dans le cas de la réorganisation du travail, c'est 40 millions de dollars qu'on pourra réinvestir en soins au lieu d'avoir de la bureaucratie. Ce n'est pas rien, ça. Ce n'est pas rien. Le député de Johnson disait, dans la même entrevue avec Mme Carbonneau pendant la campagne électorale, qu'il était d'accord avec ça.

n(11 h 10)n

Cela étant dit, est-ce que l'opposition officielle va nous garantir aujourd'hui qu'ils ne feront pas d'obstruction à la volonté démocratiquement exprimée de la population du Québec? Est-ce qu'ils vont nous garantir aujourd'hui qu'ils ne feront pas d'obstruction alors que, nous, on a obtenu un mandat pour faire ce qu'on est en train de faire aujourd'hui?

Le Président: Alors, ceci met fin à la période de questions orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Souligner la Journée internationale
des personnes handicapées

M. Couillard: M. le Président, je sollicite le consentement de l'Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée internationale des personnes handicapées.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion? Oui.

M. Dupuis: Il y a consentement, M. le Président, pour un intervenant de part et d'autre, cinq minutes maximum.

Le Président: Alors, il y a consentement pour une intervention des deux formations et d'un député indépendant de cinq minutes? Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, chaque année, depuis 1992, nous sommes invités, à l'initiative de l'Organisation des Nations unies, à faire le point sur nos actions, nos comportements et sur nos façons de vivre avec nos concitoyennes et nos concitoyens vivant avec une déficience ou une incapacité.

Notre gouvernement a reconnu pour sa part dès son élection, Mme la Présidente, la nécessité d'améliorer la condition de vie des Québécoises et des Québécois vivant avec un handicap. Dans le discours inaugural, le premier ministre a exprimé la volonté gouvernementale de favoriser une plus grande participation sociale des personnes handicapées. Et nous sommes sensibles, Mme la Présidente, à la situation parfois difficile des personnes handicapées et de leurs familles...

La Vice-Présidente: Je m'excuse, je vous arrête un... Alors, encore une fois, je vous demande votre collaboration. Le ministre est en train de débattre d'une motion très importante concernant la Journée pour les personnes handicapées, alors je vous demanderais de quitter le salon bleu, ceux qui doivent le faire, en silence. M. le ministre.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. J'avais déjà eu l'occasion d'indiquer aux membres de l'Assemblée que nous allions respecter nos engagements. Depuis notre entrée en fonction, nous avons effectivement fait un bon bout de chemin. Nous sommes intervenus sans tarder pour corriger les problèmes d'accès particulièrement criants et honorer nos engagements auprès des personnes les plus vulnérables auprès de qui il était plus urgent d'intervenir.

Par exemple, nous avons injecté 18 millions de dollars pour financer les services offerts aux personnes vivant avec un trouble envahissant du développement, dont l'autisme, et 3 millions de dollars afin d'augmenter les services de réadaptation aux personnes, enfants en particulier, qui doivent composer avec une déficience du langage et de la parole. La population doit voir dans ces investissements un premier signal de notre volonté de mieux assister les personnes et leurs familles le plus en attente de services.

L'allocation financière de 18 millions de dollars au budget de l'année en cours pour les personnes présentant un trouble envahissant du développement servira d'abord à mettre en place des services d'intervention intensive permettant aux enfants de moins de six ans, en particulier, de faire des gains importants sur le plan de leurs acquisitions. Les personnes âgées mais également l'ensemble des personnes dont l'autonomie est réduite, dont évidemment les personnes handicapées, pourront d'ailleurs en plus grand nombre, Mme la Présidente, recevoir plus de services dans leur milieu, près de leurs proches, grâce aux 40 millions de dollars additionnels qui ont été alloués dans le dernier budget de soutien à domicile.

Parce que l'intégration sociale des personnes handicapées n'est pas l'affaire d'un seul ministère ou d'un seul organisme, 150 programmes gérés par 16 ministères et organismes publics contribuent à améliorer les conditions de vie des personnes handicapées. Les attachés politiques de la majorité des cabinets politiques de notre gouvernement se rencontrent régulièrement afin d'identifier des solutions à long terme aux différents problèmes et obstacles qui empêchent toujours l'intégration pleine et entière des Québécoises et des Québécois vivant avec une déficience ou une incapacité.

M. le Président, ainsi que je l'ai déjà annoncé ici même, l'Assemblée nationale sera invitée à réviser la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Il y a 25 ans cette année, Mme la Présidente, pardon, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. En adoptant cette loi et en confiant à l'Office des personnes handicapées du Québec un mandat de coordination intersectorielle, le Québec se distinguait alors des autres provinces canadiennes.

Des progrès ont été réalisés depuis l'adoption de la loi. Toutefois, en dépit des efforts déployés jusqu'à maintenant, les personnes handicapées rencontrent toujours divers obstacles à leur intégration et à leur participation aux activités courantes de la société, tels le travail, l'éducation, le transport, les loisirs, la culture, sans compter les problèmes d'accessibilité à certains immeubles. Et d'ailleurs M. Rodrigue, le président de l'Office des personnes handicapées, en faisait état dans une publication dans les médias, il y a quelques jours.

Nous souhaitons donc améliorer le projet de loi déposé par le gouvernement précédent, M. le Président... Mme la Présidente, pardon ? je m'excuse encore une fois ? afin de soutenir très concrètement l'exercice des droits des personnes handicapées. Personne aujourd'hui ne peut plus plaider l'ignorance ni ne devrait se délester de ses responsabilités face aux personnes handicapées, et ce, à chaque niveau de la société, incluant la présente Assemblée, sans oublier les partenaires du privé et du secteur communautaire. Enfin, ce nouveau projet de loi pourrait permettre à l'Office des personnes handicapées du Québec de mieux représenter les personnes handicapées auprès du gouvernement et d'exercer ainsi son rôle de leader de façon encore plus efficace dans le cadre de l'amélioration de la situation des personnes handicapées.

J'invite toutes les Québécoises et tous les Québécois, Mme la Présidente, et les membres de cette Assemblée à souligner à leur façon la Journée internationale des personnes handicapées afin que nous en arrivions à lever le plus tôt possible l'ensemble des obstacles qui se dressent encore sur le chemin de leur pleine intégration à leur société. Je réitère pour ma part, au nom du gouvernement, notre détermination à favoriser la participation sociale des personnes handicapées. Nous allons les seconder activement dans la conquête de leur autonomie. Nous serons solidaires de nos concitoyens dans tous les aspects de leur vie. Nous contribuerons à améliorer leurs conditions de vie. Bref, Mme la Présidente, nous allons continuer...

Des voix: ...

La Vice-Présidente: Bon. Alors, je sais qu'on a beaucoup de visiteurs dans les tribunes aujourd'hui. Toutefois, je vous rappelle la consigne: qu'il faut absolument garder le silence. Alors, ceux qui doivent quitter doivent le faire aussi en silence. C'est une règle simplement à respecter. M. le ministre, si vous voulez poursuivre.

M. Couillard: Je termine là-dessus. Mme la Présidente, nous allons continuer de tout mettre en oeuvre afin d'élargir l'horizon de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants qui incontestablement font partie des forces du Québec. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole à la députée de Pointe-aux-Trembles et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux. Madame.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir aussi de venir souligner la Journée internationale des personnes handicapées au nom de l'opposition officielle, Mme la Présidente. Alors, rarement nous entendons parler de la défense des droits des personnes handicapées, cette clientèle étant un peu plus vulnérable et peu revendicatrice pour des raisons assez évidentes, Mme la Présidente. Alors, il est donc heureux qu'une telle journée existe afin de nous donner l'opportunité de sensibiliser la population, mais aussi d'entendre le ministre de la Santé et des Services sociaux sur la situation des personnes handicapées et comment il voit... sa vision au niveau des personnes handicapées.

Il y a longtemps qu'on adhère, au Québec, au principe de l'égalité des chances et que l'on reconnaît à chacune et à chacun, indépendamment de ses différences, le droit de mener une vie digne et responsable. Au cours des deux dernières années, deux dernières décennies particulièrement, le Québec a éliminé plusieurs obstacles à l'intégration sociale des personnes présentant une déficience ou un handicap. Toute la société québécoise peut être fière des progrès importants qui ont été réalisés. Il ne faut pas croire pour autant, Mme la Présidente, que tout est actuellement réglé, loin de là.

Il y a évidemment beaucoup d'inquiétudes qui sont soulevées à l'égard de toute la réorganisation de la santé. Le ministre laisse peu de place à la mission sociale du système de santé et des services sociaux. A-t-il pensé aux personnes plus vulnérables en choisissant d'axer tout le système autour de l'hôpital, du centre hospitalier? On le voit dans le projet de loi n° 25 présentement, où tout sera axé autour d'un réseau local. Alors, beaucoup d'inquiétudes sur la mission première des CLSC mais aussi toute la mission de l'ensemble des services sociaux que le système a actuellement. On peut dire aussi, Mme la Présidente, que ce sont près de 1 million de Québécoises et de Québécois, de tout âge, de toutes conditions, qui ont des incapacités de toutes sortes. Les problématiques sont donc complexes, et chaque cas est vraiment unique.

Je voyais un communiqué aujourd'hui, Les personnes handicapées... qui disait... Les personnes handicapées et l'emploi au Québec, qui vient du Conseil québécois des entreprises adaptées: «Le Québec compte sur un réseau de 44 entreprises vouées à la création d'emplois pour les personnes handicapées qui ne peuvent intégrer le marché régulier de l'emploi. Ces organisations sans but lucratif procurent de l'emploi à 3 700 salariés dont 2 700 personnes handicapées telles quelles. En 2001, le Conseil québécois des entreprises adaptées a présenté un projet de création de 750 emplois qui prévoyait des investissements de 15 millions sur trois ans.»

n(11 h 20)n

Mme la Présidente, au-delà de la rentabilité économique, chaque emploi créé permet à des personnes qui ont cumulé plusieurs échecs dans leur cheminement de carrière d'intégrer enfin un emploi permanent et de quitter l'assistance-emploi avec toute la dignité qui y est rattachée. C'est ce qu'on voit dans le communiqué que la CQEA a lancé aujourd'hui. La CQEA déplore l'inaction du gouvernement du Québec qui donne le message à ce réseau d'entreprises de cesser le développement et de freiner la création d'emplois. Pourtant, le Québec compte plus de 100 000 personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi et qui sont totalement dépendantes de l'État. Je cite en exemple: Une entreprise adaptée à Chandler, que le comité nous relève, en Gaspésie, fermera ses portes avant Noël si le gouvernement du Québec n'intervient pas rapidement. L'entreprise adaptée a eu l'audace de créer neuf nouveaux emplois pour les personnes handicapées, sans subvention, sur la base de l'engagement du gouvernement. L'entreprise compte 30 salariés. Ils n'ont pas encore de réponse aujourd'hui.

Alors, Mme la Présidente, c'est sûr que le discours du ministre de vouloir soutenir davantage les personnes handicapées, ils ont des inquiétudes sur l'avenir de leurs organismes et particulièrement tous les organismes communautaires du Québec.

Nous avons à l'époque, en cette Chambre, il y a un peu moins d'un an, déposé le projet de loi n° 155, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Le Parti libéral, alors dans l'opposition, réclamait une loi avec des dents. Je laisse au ministre faire la preuve de ses aspirations à améliorer la situation des personnes handicapées au Québec, de s'en faire l'ambassadeur auprès de son Conseil des ministres et de livrer le plus tôt possible le projet de loi.

Alors, Mme la Présidente, je souhaite que le ministre lève les obstacles à l'intégration sociale des personnes handicapées, d'une part, et évidemment de donner une mission au nouveau projet de loi n° 25, que nous n'avons pas encore adopté et que nous espérons, il ne sera pas adopté nécessairement, mais qu'il donne, qu'il puisse donner vraiment une implication et une vision par rapport à toute l'intégration sociale et par rapport à la mission sociale des nouveaux réseaux locaux de centres de services de santé et sociaux. Les personnes handicapées ont besoin, Mme la Présidente, de notre support, mais... surtout à une vie digne et à une vie responsable. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, je reconnais immédiatement la députée de Lotbinière. Madame.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir de prendre la parole, au nom de mon équipe parlementaire, pour souligner la Journée internationale des personnes handicapées. Chaque année, le 3 décembre, c'est la Journée internationale des personnes handicapées, et c'est l'ONU qui l'a proclamée, en 1992, en vue de favoriser la compréhension sur les incapacités et augmenter la sensibilisation aux bénéfices qui peuvent découler de l'intégration sociale des personnes handicapées pour l'ensemble de la population.

Je m'arrête ici pour attirer votre attention sur un texte qui a paru aujourd'hui dans Le Journal de Québec: 300 des 2 000 usagers privés de services ? des usagers en déficience intellectuelle ? faute de budget. C'est un cri d'alarme qu'ils lancent au ministre. Autisme Québec et l'Association pour l'intégration sociale dénoncent les listes d'attente au CRDIQ, qui ont augmenté de 61 %. Ils réclament une rencontre avec le ministre Couillard à ce sujet.

Il est d'autant plus cruel aujourd'hui, quand on fait l'apogée, l'éloge des services d'intégration des personnes handicapées, de voir que des jeunes qui voudraient participer ou qui ont participé à tout le processus et qui se voient, au bout d'une certaine intégration, privés de continuer dans cette voie-là, se voient par manque de budget arrêtés dans leurs démarches. Donc, je demande au gouvernement de porter une attention particulière à ce sujet et de remédier rapidement à la situation.

Les personnes handicapées reçoivent toutes des compensations différentes selon qu'elles soient nées avec une déficience, qu'elles aient été victimes d'un accident de la route ou du travail ou qu'elles aient une maladie invalidante. On parle ici de compensation en termes de revenus ou de services liés aux besoins découlant de leur déficience. Tous seront d'accord, il est bien légitime pour tout le monde d'étudier, de travailler, de se distraire, de se déplacer et de communiquer, mais, pour cela, il faut maintenir en place les services, que les délais soient raisonnables et que les personnes qui s'impliquent auprès de ces bénéficiaires soient aussi supportées autant par la reconnaissance des mouvements communautaires que par les ressources nécessaires dans les programmes disponibles. Ce sont autant de domaines de vie qui restent inaccessibles sinon pour ces personnes handicapées. Pourtant, il n'est pas compliqué de les intégrer à la société, il suffit d'y penser, faire des aménagements et de s'organiser.

Le Québec célèbre cette année son 25e anniversaire de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, connue sous le nom de loi 9. Dans une société où tout passe par la reconnaissance des droits, par l'adoption de lois de toute nature, il est intéressant de constater que, si un léger encadrement législatif a permis de développer tout un réseau de services, nous devons aujourd'hui lever notre chapeau à la volonté sans faille d'individus qui ont mis en place le réseau de services que nous connaissons aujourd'hui pour les personnes handicapées.

Il nous reste encore beaucoup de travail à faire, car les services sont insuffisants. Il y a trop de disparités régionales, et certaines clientèles sont laissées pour compte. Les listes d'attente, encore une fois je le redis, pour certains services sont beaucoup trop longues, et les familles manquent encore beaucoup de soutien. Bien que les services pour les personnes handicapées ne soient pas parfaits, nous avons quand même fait beaucoup de chemin.

Cette Journée constitue une excellente occasion de connaître les Québécois présentant un handicap. Rappelons-nous que ces personnes font partie de notre voisinage, qu'elles fréquentent la garderie, l'école, le terrain de jeu, qu'elles vivent avec des parents, des amis ou un conjoint. Comme les autres, elles souhaitent travailler, exercer une activité reconnue socialement. Faisons donc l'effort de mieux comprendre leurs réalités, leurs caractéristiques et leurs besoins.

En terminant, je tiens à saluer le mérite et la réussite des femmes et des hommes ayant un handicap, toutes leurs familles, les intervenants de tous les milieux qui contribuent avec patience et détermination à actualiser le mouvement de participation sociale que cette Journée internationale des personnes handicapées veut favoriser. Merci, Mme la Présidente.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Merci. Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions

La Vice-Présidente: Adopté. Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, Mme la leader adjointe du gouvernement, s'il vous plaît.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 33, Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal, procédera à des consultations particulières, aujourd'hui, après les affaires courantes, pour une durée de 60 minutes, et de 15 heures à 16 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

J'avise également, Mme la Présidente, que la commission des affaires sociales, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 25, Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, poursuivra les consultations particulières aujourd'hui, après les affaires courantes, pour une durée de 90 minutes, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 h 15, à la salle du Conseil législatif.

J'avise que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 13, Loi modifiant la Loi sur les mines, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Mme la Présidente, j'avise également cette Assemblée que la commission des finances publiques entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 202, Loi concernant le Cimetière Protestant Hillcrest de Deux-Montagnes, mercredi le 10 décembre 2003, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

La Vice-Présidente: Alors, pour ma part, je vous avise que deux commissions se réuniront en séance de travail aujourd'hui, mercredi, 3 décembre 2003: la commission de l'administration publique, de 13 heures à 15 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement, et cette séance a pour objet, d'une part, l'acceptation du rapport de la commission sur l'imputabilité des sous-ministres et dirigeants d'organismes publics et sur le projet-pilote relatif à la loi n° 82 et, d'autre part, l'organisation des travaux de la commission pour l'année 2004; la commission des institutions, de 13 heures à 14 h 30, au salon Johnson de l'hôtel du Parlement, afin d'organiser les travaux de la commission quant à ses mandats d'initiative.

Alors, est-ce qu'il y a maintenant des demandes de renseignements concernant les travaux de l'Assemblée? Pas de demande.

Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je vous réfère à l'article 4 du feuilleton.

Projet de loi n° 31

Adoption du principe

La Vice-Présidente: Alors, à l'article 4, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. Alors, pour la première intervention, je reconnais le ministre du Travail et député de Jean-Lesage. M. le ministre.

M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, Mme la Présidente, de me donner la parole sur effectivement le projet de loi n° 31 pour l'adoption du principe.

Mme la Présidente, avant de vous faire une présentation détaillée du projet de loi n° 31, qui est la Loi modifiant le Code du travail, et des motifs de l'intervention législative, vous me permettrez de faire oeuvre de pédagogie en vous expliquant, de même qu'aux membres de l'Assemblée, la raison d'être et le contenu des articles 45 à 46 de notre Code du travail, des dispositions qui ne sont pas uniques au Québec, comme on le verra dans la partie comparative de ma présentation.

n(11 h 30)n

Depuis 42 ans, les lois d'encadrement des rapports collectifs du travail, le Code du travail et, avant lui, la Loi sur les relations ouvrières comportent une disposition qui garantit la survie d'une accréditation et d'une convention collective. Malgré le changement de main en totalité ou d'une partie de l'entreprise à laquelle elles sont rattachées ? à l'article 45 ? en l'absence d'une telle règle qui fait exception au droit civil, la Cour d'appel du Québec avait décidé, en 1958, que la vente d'une entreprise après qu'un syndicat accrédité eut conclu une convention collective emportait la disparition de l'accréditation et de la convention collective, puisque l'acquéreur n'avait pas participé à la conclusion de cette dernière. C'était l'application sans nuance de la règle civiliste...

M. Bédard: ...

La Vice-Présidente: M. le leader, vous voulez avoir la parole? Question de règlement?

M. Bédard: Question de règlement. Pourriez-vous établir le quorum, s'il vous plaît?

La Vice-Présidente: Alors, qu'on appelle les députés pour le quorum.

n(11 h 31 ? 11 h 33)n

La Vice-Présidente: Alors, puisque nous avons quorum, si vous voulez poursuivre, M. le ministre.

M. Després: Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'étais rendu, Mme la Présidente, à dire que, en l'absence d'une règle qui fait exception au droit civil, la Cour d'appel du Québec avait décidé, en 1958, que la vente d'une entreprise après qu'un syndicat ait été accrédité, eut conclu une convention collective, emportait la disparition de l'accréditation et de la convention, puisque l'acquéreur n'avait pas participé à la conclusion de cette dernière. C'était l'application sans nuance de la règle civiliste voulant que les contrats n'aient pas d'effet entre les parties contractantes.

Elle justifia l'intervention législative en 1961 sous forme d'un amendement sur la Loi des relations ouvrières pour y introduire une disposition ? qui est à l'article 10a ? visant à faire en sorte qu'à l'avenir les droits collectifs des salariés visés, M. le Président, soient rattachés à un employeur... soient rattachés à l'employeur et non à l'entreprise plutôt qu'à la personne de l'employeur.

Jusqu'à leur modification en 2001, les articles 45 et 46 du code furent les héritiers presque mot pour mot de cet article de la Loi sur les relations ouvrières. Pour bien saisir l'importance de cette mesure en droit des rapports collectifs du travail et pour mieux comprendre les passions que toute cette velléité de changement soulève, qu'il suffise de constater qu'au cours des deux dernières années où de telles données apparaissaient au rapport annuel du ministère du Travail le nombre de requêtes en transmission de droits et d'obligations, comme on les appelle couramment, égalait presque le nombre de demandes en accréditation.

La sous-traitance, qui, comme on le sait, peut constituer une forme de concession partielle d'entreprise à laquelle s'applique parfois l'article 45, est aussi une question abordée dans bon nombre de conventions collectives, notamment pour en baliser l'usage par l'employeur. En fait, tous les secteurs confondus et même s'il existe divers degrés de contrainte, un peu plus de 50 % des conventions collectives analysées par le ministère comportent une clause sur le sujet.

La plupart des six changements introduits dans la loi de modification sur le Code du travail en 2001 au regard des règles en matière de transmission de droits et d'obligations sont entrés en vigueur en novembre 2002, au moment où démarrait la nouvelle Commission des relations du travail. Parmi ceux-là, on comporte un certain nombre, Mme la Présidente, de mesures applicables aux situations de concessions partielles d'entreprises. Depuis cette date, en effet, l'article 45 du Code n'est plus d'application automatique.

L'association accréditée doit manifester son intention de vouloir s'appliquer par une demande en ce sens à la Commission des relations de travail dans un délai déterminé. Elle peut même s'entendre avec le cédant pour ne pas en réclamer l'application, une entente qui lie la Commission des relations de travail aux deux parties, à ce moment-là. Si cette Commission vient à la conclusion que toutes les conditions requises sont satisfaites, le concessionnaire est lié par l'accréditation syndicale, mais la convention collective prend fin selon la première échéance, à sa date d'expiration ou 12 mois après la date de concession partielle, une mesure qui ne s'applique toutefois pas à une concession partielle d'entreprise entre employeurs des secteurs public et parapublic.

La loi comporte également une mesure de sauvegarde en vertu de laquelle la Commission des relations de travail, si elle juge que la concession partielle a été faite dans le but principal de fragmenter une unité de négociation ou de porter atteinte au pouvoir de représentation d'une association de salariés accréditée, la Commission des relations de travail est autorisée à déclarer que le concessionnaire demeure lié par la convention collective jusqu'à son expiration même si celle-ci devait survenir plus de 12 mois après la date de concession.

S'appuyant notamment sur la loi modifiée, la Commission des relations de travail peut exercer les pouvoirs nécessaires à aplanir les difficultés qui résultent de l'application éventuelle des articles 45 et suivants du Code, allant de la redéfinition d'une ou plusieurs unités de négociation à la modification ou à la non-application d'une convention collective qui ne serait pas adaptée à la nouvelle réalité.

On ne doit toutefois pas perdre de vue, pour bien saisir l'à-propos de l'intervention législative dans le cadre de l'actuel projet de loi, qu'il s'agit de solutions dont la mise en oeuvre dépend de la discrétion de l'organisme spécialisé que plutôt que d'être impérativement dictée par le texte de loi, Mme la Présidente.

De plus, à la différence du droit qui a cours au sein des autres administrations canadiennes, on continue d'observer que la jurisprudence québécoise en la matière tend à réduire le concept de concession partielle d'entreprise au seul transfert de fonctions jumelé à la concession d'un droit d'exploitation lors de la sous-traitance pratiquée à l'intérieur des murs de l'entreprise ou sur le territoire municipal. Ce faisant, elle néglige de se préoccuper du fait que parfois la concession partielle n'a pour effet de transférer chez le concessionnaire un nombre suffisant d'éléments caractéristiques partie de l'entreprise visée.

n(11 h 40)n

C'est ce qui explique, dans l'affaire de la ville de Sept-Îles, une décision de la Cour suprême qui a eu pour effet de cristalliser l'approche des instances québécoises spécialisées sur cette question. On a déclaré un concessionnaire lié par l'accréditation et la convention collective visant la municipalité, même si celui-ci n'utilisait, pour réaliser son contrat, Mme la Présidente, de cueillette des ordures municipales, aucun employé ni aucun équipement municipal, exclusion faite du site d'enfouissement.

Par ailleurs, la modification évoquée précédemment en regard de la durée maximale d'application, chez le concessionnaire, de la convention collective héritée du cédant n'est pas sans soulever certaines questions quant au comportement que doit adopter le concessionnaire. Que doit-il faire le jour où débutent les travaux concédés? Doit-il se comporter comme si l'article 45 s'appliquait et octroyer à son personnel le bénéfice des conditions de travail inscrites à la convention en attendant la décision de la Commission des relations de travail ou l'expiration du délai pour la saisir d'une demande de déterminer l'application de la mesure sur l'article 45? Ou peut-il, au contraire, attendre une décision positive de la Commission des relations de travail avant d'agir?

On perçoit vite les conséquences non négociables, c'est-à-dire en récupération de traitement versé en trop ou paiement de celui non versé, selon le cas, pour le nouvel employeur comme pour les salariés du flottement occasionné par une compréhension différente des droits et des obligations qui découlent des textes en vigueur depuis novembre 2002, Mme la Présidente. Le gouvernement a donc décidé d'apporter des assouplissements et des correctifs qui s'imposent pour, d'une part, faire échec à l'orientation prise par la jurisprudence québécoise au regard de la définition de l'entreprise susceptible d'être l'objet d'une concession partielle pour les fins de l'application de l'article 45 et, d'autre part, garantir la sécurité juridique des parties au premier jour d'une telle concession tout en assurant le maintien des protections contre l'utilisation de ces assouplissements à des fins déloyales.

Toutes les administrations canadiennes, Mme la Présidente, ont inscrit dans leurs lois régissant les rapports collectifs du travail des dispositions qui sont semblables aux nôtres. On ne se préoccupe pas de la manière dont l'entreprise ou l'une de ses parties s'est retrouvée entre les mains d'un autre employeur. De ce fait, l'application des mesures semblables à notre article 45 ne dépend pas formellement de l'occurrence d'un événement qui exige un quelconque concours de volonté entre employeurs successifs, ce qu'on appelle le lien de droit, une condition imposée chez nous, ce qui importe, c'est que l'on retrouve cette entreprise ou une de ses parties en d'autres mains.

Lors d'une vente de l'entreprise, la situation quant à la survie des droits collectifs est la même qu'au Québec. En matière de sous-traitance, celle qui se pratique en dehors des murs de l'entreprise principale ne conduit pas davantage qu'au Québec à l'application des mesures protectrices de l'accréditation et de la convention collective parce qu'elle n'a généralement pas pour effet de transférer au sous-traitant ce qu'on appelle les éléments caractéristiques de l'entreprise visée par la transaction, Mme la Présidente.

La sous-traitance qui se pratique dans l'établissement du cédant peut également conduire à la transmission de l'accréditation et de la convention collective si, n'eût été de la mise à la disposition du sous-traitant de certains équipements ou de personnel, par exemple, il lui aurait été impossible de réaliser le contrat. Par contre, s'il ne s'agit que de sous-traitance de fonction, le sous-traitant sera dégagé de l'accréditation et de la convention collective. Ainsi, à la différence de la situation prévalant au Québec, la simple concession du droit d'exploitation qui caractérise la sous-traitance des services municipaux ne suffit pas à constater une concession d'entreprise, Mme la Présidente.

Pendant trois jours, du 25 au 27 novembre dernier, les membres de la commission de l'économie et du travail se sont réunis pour procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 31. Ce projet concerne essentiellement les règles du Code qui traitent du sort d'une accréditation et d'une convention collective lors de la concession d'une entreprise à laquelle ces droits collectifs sont rattachés, Mme la Présidente.

Ces règles, dont l'existence remonte à 1961, tel qu'indiqué précédemment, n'ont pas été retouchées dans leur substance avant 2001. Elles ont maintenant besoin d'être revues pour, d'une part, corriger les imperfections de leur dernière révision et, d'autre part, pour les adapter au nouveau mode de fonctionnement des entreprises caractérisé par le recours de plus en plus fréquent à la sous-traitance.

J'évoquais tout à l'heure trois motifs de fond supportant l'intervention législative. Vous me permettrez de les rappeler brièvement en portant une attention toute particulière au troisième.

Il y a d'abord lieu de constater, au motif d'alléger les contraintes pesant sur les entreprises dont les salariés sont représentés par une association accréditée ou en formation au moment d'une concession partielle, les modifications introduites au Code de 2001 ou plus tôt... eut été source de confusion. Nul ne sait désormais et de manière précise ce que sont les droits ou les obligations au premier jour de la concession et jusqu'à ce qu'une décision de la Commission des relations de travail soit rendue sur la question.

En second lieu, l'application de la règle actuelle, quant aux conséquences d'une concession partielle sur la survie d'une convention collective, peut avoir pour effet de lier le concessionnaire pour une période pouvant aller jusqu'à 12 mois à une convention collective qui est inadaptée à son entreprise, inadaptée au nouvel environnement de travail, Mme la Présidente.

Enfin, le Québec ou, devrais-je dire, ses décideurs spécialisés ont interprété notre article 45 d'une manière différente selon que le concessionnaire hérite en quelque sorte d'une concession partielle d'entreprise qui s'exécute dans l'établissement ou sur le territoire du cédant. À la différence de la partie de l'entreprise que l'on recherche en d'autres mains pour y rattacher les droits collectifs des salariés lorsque le concessionnaire exécute son contrat chez lui, celle que l'on recherche en situation de sous-traitance interne se trouve réduite à sa plus simple expression, l'exercice des mêmes fonctions que celles auparavant exécutées par des salariés du donneur d'ouvrage et la concession d'un droit d'exploitation d'une partie de l'entreprise de ce dernier.

Pour illustrer mon propos, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de rappeler mon désaccord avec l'issue d'une demande de constater l'application de l'article 45 dans le fameux dossier célèbre qui est de Sept-Îles, Mme la Présidente. Nos tribunaux spécialisés, dont la décision ne fut pas de juger manifestement déraisonnable par la Cour suprême du Canada, en 2001, ont tranché qu'un sous-traitant de la ville ? chercher des cueillettes, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, d'ordures, avec son personnel et ses équipements ? irritait, irritait les conditions de la municipalité, de l'accréditation syndicale et de la convention collective. La décision d'appliquer l'article 45 s'appuyait sur le fait que le concessionnaire, en plus d'exercer les mêmes fonctions, avait acquis le droit d'exploiter une partie de l'entreprise municipale et pouvait disposer des ordures du site d'enfouissement de la même ville.

Les solutions, Mme la Présidente, éminemment pratiques et voulues dans ce projet de loi, inscrites, sont là pour répondre à la problématique énoncée précédemment, au nombre de trois. Tout d'abord, toute concession partielle d'entreprise, en outre des fonctions ou d'un droit d'exploitation... n'aura pas pour effet de transférer au concessionnaire la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie de l'entreprise concédée échappera à l'application de l'article 45.

n(11 h 50)n

Au regard des concessions partielles auxquelles l'article 45 continuera de s'appliquer, le projet maintient la règle voulant que l'accréditation, la convention collective et toute procédure se rapportant à l'une et à l'autre passent chez le concessionnaire. Cependant, pour permettre au concessionnaire d'adapter les conditions de travail à la réalité de son entreprise, on prévoit que la convention collective, dans le cas où elle n'aurait pas pris fin avant la concession, est réputée expirer, chez le concessionnaire et pour la partie de l'entreprise concernée, au premier jour de cette concession. Les partenaires se retrouvent donc exactement dans la même situation que s'ils entreprenaient la négociation en vue du renouvellement d'une convention collective expirée à laquelle ils auraient été partie depuis les débuts.

Plus précisément, ces derniers peuvent, dans les 30 jours de la prise d'effet de la concession partielle, se donner un avis de rencontre en vue de la négociation et de la conclusion d'une convention collective. S'ils n'échangent pas un semblable avis, le projet prévoit qu'il est présumé reçu, Mme la Présidente, le 30e jour suivant cette prise d'effet. La réception réelle ou présumée de l'avis de la rencontre marque le début de la phase des négociations, période au cours de laquelle les parties doivent négocier avec diligence et de bonne foi sous réserve de leur droit, au moment opportun, de déclarer une grève ou un lock-out. Au moins jusqu'à l'exercice de tels moyens de pression, ce qui ne saurait survenir qu'avant 90 jours ne soient écoulés depuis le début de la phase des négociations, les conditions de travail prévues à la convention collective expirée continuent de régir les rapports entre le concessionnaire et les salariés concernés par la concession partielle.

Enfin, le projet introduit une mesure de sauvegarde autorisant la Commission des relations de travail, sur preuve qu'une concession traduit principalement la volonté du donneur d'ouvrage de nuire à l'association accréditée ou en formation de l'être, de passer outre aux assouplissements proposés et d'appliquer l'article 45 dans toute sa rigueur.

On constate donc que ce projet ne bouleverse nullement les fondements du Code du travail, puisque, si tant qu'il est vrai que le but de l'article 45 est de rattacher une accréditation et une convention collective à l'entreprise, il n'y a rien d'inusité à exiger qu'on définisse cette entreprise par une somme suffisante d'éléments caractéristiques. Comme on le voit, Mme la Présidente, le projet de loi n'abolit pas l'article 45, il ne modifie pas ni ne réglemente d'autorité le contenu des conventions collectives, qui demeurent libres de définir les règles qui entourent l'octroi de contrats de sous-traitance.

Et, Mme la Présidente, on l'a dit, on l'a répété à maintes occasions, ce qui est le plus important dans les modifications que l'on apporte dans le projet de loi, c'est que justement les fondements du Code sont respectés. Tout travailleur au Québec a le droit d'être associé, d'être accrédité à une organisation syndicale, a le droit d'être représenté par cette association syndicale qui négocie avec les parties. Et, comme on l'a fait à chaque fois, ce n'est pas le ministre du Travail, ce n'est pas le gouvernement, ce sont les parties, Mme la Présidente, qui vont décider de ce qu'il y a dans leur convention collective. C'est eux qui vont déterminer s'ils mettent des balises pour traiter la sous-traitance dans leur convention collective. Parce qu'on essaie depuis le début, bien souvent, de dire que les gens vont perdre leurs conventions collectives, vont perdre leurs droits.

Mme la Présidente, je le répète régulièrement, 71 % des entreprises au Québec sont venues au monde ou existent parce qu'elles ont obtenu et vivent de contrats de sous-traitance, qui sont les PME au Québec, Mme la Présidente, dont bon nombre d'entre elles sont déjà accréditées, qui ont des conventions collectives. Quand je demande aux centrales syndicales, qui représentent très bien leurs membres, qui vont continuer à le faire, qui négocient serré leurs conventions collectives, si ces gens-là ont de mauvaises conditions de travail, je n'ai pas eu de réponse, Mme la Présidente. Elles ont de bonnes conditions de travail parce qu'elles sont bien représentées, parce qu'on négocie serré, puis qu'on identifie, et on règle, dans une convention collective, un bon nombre de choses, et on peut y traiter des sujets qu'on veut. Mais ce sont les parties, ce n'est pas le gouvernement, ce sont les parties, Mme la Présidente.

On a reçu en commission parlementaire, pendant trois jours de temps, tous les intervenants qui s'étaient aussi déjà manifestés lors des modifications de 2001. Et tous les groupes qui ont voulu être entendus, même si c'étaient des consultations particulières, ont été acceptés, Mme la Présidente, toute demande qu'on a reçue. Même la demande particulière de l'opposition pour donner plus de temps à un groupe, on a accepté, Mme la Présidente. Maintenant, nous sommes en période de pouvoir débattre. Et c'était important justement de faire cette consultation avant de venir débattre du principe du projet de loi, auquel nous aurons le droit, avec le député des Îles-de-la-Madeleine et les autres membres de la commission, de pouvoir débattre article par article du projet de loi, Mme la Présidente.

Mais je veux vous dire, en terminant, que nous étions... nous avons été à l'écoute des gens. Il y a des groupes qui ont décidé de ne pas faire de propositions, d'autres ont fait des propositions, et on regarde l'ensemble de son projet de loi en gardant, Mme la Présidente, les mêmes orientations, les mêmes objectifs que le gouvernement s'est donnés quand il a décidé de déposer ce projet de loi. Et un débat, je tiens à le répéter... Parce que, régulièrement, de l'autre côté, on a essayé de dire qu'on est arrivé subitement. Mme la Présidente, on en avait parlé déjà depuis longtemps, c'est un débat qui est sur la table depuis déjà très longtemps, le Code du travail, c'est des travaux qui avaient déjà été discutés, dont l'ancien gouvernement a copie de ces documents, que le député des Îles-de-la-Madeleine a aussi comme documents, dont on s'est inspiré, M. le Président. Donc, on n'a pas inventé, Mme la Présidente, on s'est inspiré des écrits, des documents, des analyses, d'études, de ce qui s'était fait sur le sujet pour trouver une proposition qui nous permet aujourd'hui d'être effectivement avec un projet de loi qui va permettre de protéger les travailleurs du Québec, de leur permettre d'être accrédités, de leur permettre de négocier, comme ils le font toujours, leur projet de loi, Mme la Présidente.

Et, au-delà de tous les débats ? parce que tout le monde peut dire: Il y a moins de sous-traitance, il y a plus de sous-traitance au Québec qu'il y en a en Ontario ? Pierre Fortin, qui est un des grands économistes au Québec, qui a été conseiller du gouvernement, un ex-conseiller du gouvernement du Parti québécois, Mme la Présidente, dans son mémoire, il se pose lui-même la question: Combien d'emplois l'amendement proposé à l'article 45 générera-t-il? Il répond: «Il y aura plus de sous-traitance, plus de création d'entreprises, plus d'investissements étrangers et plus d'emplois créés. Il n'est pas exagéré ? je ne l'avais pas encore citée, Mme la Présidente, celle-là ? il n'est pas exagéré de s'attendre à ce que le secteur de la sous-traitance au Québec regagne le terrain perdu aux dépens de l'Ontario depuis une quinzaine d'années.»

Contrairement à ce que le chef de l'opposition nous dit régulièrement, Pierre Fortin, pas le ministre du Travail, Pierre Fortin confirme qu'effectivement ? je lui ai posé la question en commission parlementaire ? il y a, en proportion, moins de sous-traitance au Québec qu'en Ontario. Et c'est prouvé, Mme la Présidente, plus il y a d'activités de sous-traitance, plus on crée des emplois, Mme la Présidente, plus on crée d'entreprises au Québec.

Mme la Présidente, il disait, en conclusion: «Cette analyse vaut la...» C'est-à-dire: «Il vaut la peine d'aller de l'avant avec l'amendement à l'article 45 proposé par le projet de loi n° 31. Une interprétation large de l'article 45 par les tribunaux spécialisés en ce qui concerne la sous-traitance a conduit à des exagérations nuisibles à la création d'emplois», Mme la Présidente.

Mme la Présidente, mieux que ça, il nous a déposé un tableau sur lequel il nous démontre que, en termes de pourcentage sur la répartition des entreprises, celles qui donnent de l'ouvrage en octroyant des contrats de sous-traitance... quel impact ça avait sur leur entreprise. Est-ce qu'il y avait diminution de personnel parce que je cède une activité de mon entreprise? Il nous a dit que, dans 44... sur un échantillonnage de 1 950 entreprises, 44 %, Mme la Présidente, étaient en augmentation de personnel même si elles cédaient des activités de son entreprise, 52 % qui n'avaient aucun changement et 4 % qui étaient en diminution.

n(12 heures)n

Mme la Présidente, le gouvernement qui est en place veut donner des conditions favorables, des conditions favorables, parce que c'est prouvé que ce qu'on va faire dans le projet de loi n° 31, Mme la Présidente, on va le faire, oui, pour les citoyens du Québec, parce qu'il y a des citoyens du Québec qui veulent avoir des emplois. Oui, Mme la Présidente, on va le faire pour les travailleurs du Québec, parce qu'ils vont garder le droit de pouvoir être associés à une organisation syndicale comme ils ont toujours eu le droit de le faire. On va leur donner le droit...

On va leur donner le droit, Mme la Présidente, de négocier ce qu'ils ont toujours eu. Et, ne l'oubliez pas, 71 % des entreprises au Québec vivent déjà de sous-traitance. Il y en a, puis tant mieux s'il y en a encore plus, Mme la Présidente, parce qu'il y aura plus de monde qui vont travailler puis il va y avoir plus de gens qui, au Québec, pourront être sollicités par les organisations syndicales, parce que c'est un droit qui existe. Et ils auront le droit aussi, Mme la Présidente, de négocier leurs conditions de travail. Et on va le faire, comme je le disais, oui, pour les citoyens, oui, pour les travailleurs du Québec et, oui, pour l'économie du Québec parce que ce gouvernement croit à la modernisation de son économie, et à la modernisation des emplois de demain, et à l'importance d'accorder des bons emplois pour les travailleurs du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre. Alors, je reconnais immédiatement le député des Îles-de-la-Madeleine et porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail. M. le député.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Il me fait vraiment plaisir de pouvoir... C'est d'ailleurs avec beaucoup d'énergie que j'anticipais ce moment de pouvoir intervenir sur le projet de loi n° 9, un projet de loi extrêmement important. Et j'écoutais très attentivement le ministre qui répétait et répétait les arguments qu'on a entendus à satiété en commission parlementaire pendant trois jours, mais ce n'est pas nécessairement parce qu'on répète certains arguments qu'ils deviennent de plus en plus crédibles nécessairement.

Mme la Présidente, le projet de loi n° 31 a soulevé dans la société québécoise un débat d'une très grande importance. Les travailleurs du Québec, desquels... qui seront affectés ou qui pourront potentiellement être affectés par les modifications à l'article 45 du Code du travail, sont essentiellement des travailleurs syndiqués. C'est entre 1 million et 1,3 million au Québec, mais potentiellement l'ensemble des travailleurs du Québec. Et la force du Québec et, je dirais même, la force économique du Québec, s'il en est une, c'est bien sûr la force des travailleurs du Québec.

Alors, ce que nous allons essayer de démontrer, c'est que le gouvernement actuel, sous le prétexte de vouloir créer des emplois ? et on en reparlera ultérieurement ? est en train de vouloir diminuer les conditions de travail de certains travailleurs et travailleuses du Québec. Si ce n'était le cas, Mme la Présidente, il ne faut pas penser que les gens actuellement manifesteraient une telle inquiétude dans la société québécoise. Si la conséquence des modifications qu'on s'apporte à apporter n'était pas à l'effet qu'il y ait des risques pour la diminution des conditions de travail des travailleuses et des travailleurs du Québec, ils ne s'inquiéteraient pas, si c'était pour leur bien, Mme la Présidente.

Alors, c'est dans cet esprit que je veux aborder les modifications à l'article 45 du Code du travail présentées par le projet de loi n° 31. Parce que, dans le fond, ce projet de loi n° 31 est un projet de loi qui est très court, une dizaine d'articles, Mme la Présidente, essentiellement deux articles, mais ce à quoi il s'attaque, comme l'a dit le ministre du Travail déjà en réponse à une question, c'est fondamental pour les relations de travail au Québec. Et je dirais que l'article 45 ? parce que j'écoutais aussi le ministre, j'essayais... vous savez, c'est très technique, Mme la Présidente, et, pour le monde, pour les gens... pour les gens ordinaires, pour les travailleurs, les travailleuses dont je parle, pour la société québécoise qui entend ces débats qui sont d'une très grande technicalité, je dirais, c'est assez difficile de s'y reconnaître et de s'y comprendre.

Alors, Mme la Présidente, je suis très heureux de prendre le temps qui est ma disposition pour essayer d'être un peu plus clair que le ministre. C'est mon souhait. Maintenant, on verra qu'à certains moments, c'est peut-être compliqué.

D'abord, Mme la Présidente, l'article 45 a été adopté pour la première fois ? ou un article semblable ? il y a une quarantaine d'années, et il y a plus de 40 ans même, c'est en 1961. Et qu'est-ce qu'il visait essentiellement, cet article 10a? Il visait à protéger les travailleurs contre la dévalorisation des emplois pouvant résulter d'une vente, d'une aliénation ou d'une concession totale ou partielle d'une entreprise. Une longue phrase.

En gros, ça voulait dire qu'il s'est passé un événement ? souvent le législateur réagit à ça ? en 1961, il y a deux... C'était un propriétaire d'entreprise qui décide de vendre son entreprise à un autre individu. Ça se fait de toute façon, tout à fait conforme, tout à fait légal, mais il se trouve que, dans les deux entreprises, il y a des syndicats, et là il y a un syndicat qui demande: «Est-ce que la convention suit?» ou «Quel est le syndicat qui est reconnu?» Et finalement la décision... on se rend compte que, pour que le syndicat soit reconnu ? essentiellement, c'est ça ? il faut qu'il y ait un lien. Et les prétentions du syndicat qui avait été en appel, la prétention était à l'effet que c'est lui qui devait être reconnu, et la décision du tribunal, c'était que non, ça ne pouvait pas être lui, pas ce syndicat, parce qu'il n'avait pas de lien contractuel entre le nouveau propriétaire de l'entreprise et le syndicat en question.

Ça, c'est une première distinction qu'on a au Québec. Ça fait référence à notre droit civil, qui est très différent de ce qu'on a dans le reste du Canada, et qui fait que, chez nous ? et on est restés avec ça dans nos relations de travail, dans notre Code du travail ? pour que 45 s'applique, il faut absolument qu'il y ait un lien contractuel entre le nouveau propriétaire ou celui qui effectue maintenant le travail qui se faisait par le donneur d'ouvrage d'origine. C'est une première distinction. Et il n'y a qu'au Québec où on a de telles dispositions dans notre Code du travail. Ailleurs, ailleurs... et on verra, puisque, dans les autres provinces, ils en ont tous, des dispositions qui ressemblent à l'article 45 du Code du travail, mais ils n'ont pas cette obligation de lien contractuel.

Alors donc, la question, c'était de savoir: est-ce que le législateur à l'époque, lorsqu'ils ont adopté ces mesures législatives de façon à protéger les travailleurs pour assurer que la convention... que la convention suive l'accréditation, la convention et les conditions de travail... quel était... est-ce que l'intention du législateur était aussi de protéger les travailleurs contre la sous-traitance? Alors là on a discuté longuement puis les spécialistes ne s'entendent pas, mais on pourra y revenir dans quelques instants. Mais une chose qui est certaine, c'est que, actuellement, l'intention du gouvernement du Québec, quand il veut modifier, par le projet de loi n° 31, l'article 45 du Code du travail, son intention, c'est de réduire la portée de la protection qui a été donnée par les tribunaux au fil des ans lorsqu'on a interprété la volonté initiale du législateur. La portée de cette protection qu'on avait donnée à nos travailleurs et à nos travailleuses du Québec, le gouvernement actuel veut en réduire la portée. Le projet de loi, il vise, entre autres, à faire en sorte que l'article 45 ne s'applique pas dans le cas de sous-traitance. Donc, c'est vraiment son intention.

n(12 h 10)n

Mais la discussion vient aussi du fait que, nulle part dans le Code du travail, nulle part dans les dispositions de l'article 45, on ne parle de la sous-traitance de façon formelle. Nulle part ailleurs dans les lois, dans les législations, dans les autres composantes du Canada, on ne parle précisément de sous-traitance, sauf en Nouvelle-Écosse. Alors, c'est assez difficile de savoir effectivement quelle était, là, l'interprétation et qu'est-ce qu'on doit donner. Alors, comme la loi ne définit pas ce qu'est la sous-traitance, l'article 45, avec les modifications que veut apporter le ministre, risque de ne plus s'appliquer souvent, et donc nos travailleurs risquent de perdre leur protection parce que, avec les modifications contenues dans ce projet de loi là, dans les rares cas où l'article 45 s'appliquerait, seule l'accréditation syndicale suivrait, ce qui ferait perdre aux travailleurs et aux travailleuses les conditions qu'ils avaient pourtant négociées de bonne foi.

Vous comprenez que, s'il y a une entreprise, il y a un syndicat, il y a des employés, et les employés effectuent des tâches, et qu'à un moment donné l'entreprise décide de céder en sous-traitance ses activités à une autre et que les employés suivent, parce qu'il pourrait arriver même que les employés suivent, bien, le syndicat... l'accréditation suivrait, mais pas la convention collective. Il faut... Selon le ministre, on laisse ça aux employés à se renégocier de nouvelles conditions de travail. Si c'est les mêmes employés, ça fait 20 ans qu'ils sont là, ils se sont négocié des conditions de travail, ils ont une convention collective, puis, parce que le donneur d'ouvrage décide de céder ces activités-là à un autre, ils perdent tous les droits, ils perdent tous les avantages qu'ils avaient dans leurs conventions collectives... Quand on commence à zéro, Mme la Présidente, après 15 ans et 20 ans, ce n'est pas agréable, ce n'est pas intéressant. C'est pour ça que les travailleurs du Québec s'inquiètent. C'est pour ça que les travailleurs du Québec disent: C'est un mauvais projet de loi. Ça va nous appauvrir, ça va nous enlever des droits. Comme l'a dit le ministre du Travail, le gouvernement s'attaque à quelque chose de fondamental dans les relations de travail. D'ailleurs, le professeur en relations industrielles de l'Université du Québec à Trois-Rivières, M. Jean-Claude Bernache, illustre bien l'importance de l'article 45 lorsqu'il affirme dans son mémoire: «L'article 45 du Code du travail est en quelque sorte au travail ce que la langue française est à la culture des Québécois.» Donc, c'est quelque chose qui est important pour les travailleurs du Québec, l'article 45. C'est les fondements de 40 ans de droit du travail au Québec.

Et, très souvent, dans les interventions et dans les questions que j'ai posées au ministre en Chambre, à chaque fois qu'on a eu l'occasion, on a dit: M. le ministre, il s'agit d'un équilibre qui existe dans le Code du travail du Québec. Ce que vous êtes en train de faire, c'est briser cet équilibre. Pourtant, le ministre refuse de voir l'importance des modifications qu'il apporte à l'article 45. Ce ne sont pas, comme il dit, des changements mineurs qu'il est en train d'apporter ou des ajustements, comme il le laisse entendre. Et, en plus, Mme la Présidente ? et on en a fait écho encore ce matin ? il est sourd face aux nombreuses manifestations qui dénoncent son projet de loi, qui demandent plus de temps, qui veulent discuter davantage, voir les impacts et les conséquences. Le gouvernement est en train actuellement d'ébranler les colonnes du temple des relations de travail, et ce, c'est en train de se faire, Mme la Présidente, à la sauvette, en deux petites semaines. Je vous demande, Mme la Présidente, quelle est l'urgence pour le gouvernement de mener des changements aussi drastiques en si peu de temps avec si peu de consultations.

Mme la Présidente, je dirais ? mais il y a des mots qui ne sont pas parlementaires et qu'on ne peut pas prononcer dans cette auguste Assemblée, dans cette auguste Chambre... mais je voudrais relever certains des arguments du gouvernement et du ministre pour essayer de démontrer qu'ils contiennent des éléments d'inexactitude qui pourraient faire en sorte que les gens aient une mauvaise compréhension des réalités.

D'abord, contrairement à ce que laisse entendre le ministre, qui laisse entendre justement que ces changements ne sont pas importants, sont des changements qui sont mineurs ? les arguments qu'il nous sert pour faire passer son projet de loi sont tout simplement assez caricaturaux... D'abord, il dit: Il faut augmenter la sous-traitance. C'est important, c'est essentiel. Le Québec a un retard par rapport à la sous-traitance. Comme si, au Québec, il ne se faisait pas de sous-traitance. Alors ça, c'est un mauvais argument. Le gouvernement qui est en face de nous dit vouloir, par ce projet de loi, rendre le Québec plus compétitif, laissant entendre qu'il se ferait moins de sous-traitance au Québec qu'en Ontario, par exemple. Or, rien n'est plus inexact, Mme la Présidente. Personne n'a réussi à faire un lien entre le projet de loi et une amélioration certaine de l'économie québécoise.

Parce qu'il faut bien comprendre que le ministre a reconnu: il n'y a pas d'études d'impact qui ont été menées au Québec sur les conséquences, pour les travailleurs et les travailleuses du Québec, en regard de leurs conditions de travail. Il y a bien eu deux études: une qui a été rendue publique récemment par la Fédération des travailleurs du Québec, une autre par le Conseil du patronat, où on prétend, dans un cas, qu'il se fait plus de sous-traitance au Québec, et, dans l'autre, qu'il se fait moins de sous-traitance au Québec. Évidemment, chacun va chercher des arguments qui font son affaire.

Mais, moi, Mme la Présidente, je voudrais, pour la compréhension des citoyens et des citoyennes du Québec, leur expliquer ceci. Il se fait beaucoup de sous-traitance au Québec. Il se fait beaucoup de sous-traitance au Québec dans le secteur manufacturier. Il a été démontré, il est reconnu, par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et par d'autres, que 72 % des entreprises du Québec sont nées ou vivent grâce à la sous-traitance. C'est de la sous-traitance, ça, Mme la Présidente: 72 % de ces entreprises. Alors, le Québec, effectivement, dans beaucoup de domaines, participe à cette mondialisation et à cette réalité nouvelle qui s'appelle la sous-traitance.

Par ailleurs, il y a une étude qui démontre que, dans le secteur des services, le Québec pourrait avoir un retard. Comparé à l'Ontario, il se ferait moins de sous-traitance dans le secteur des services. Et je ne parle pas des services, je dirais, accessoires, dans certaines entreprises, comme, par exemple, j'y reviendrai, Mme la Présidente, plus en détails, mais en ce qui concerne l'entretien ménager, la restauration, enfin, les cafétérias et ces domaines-là; on parle du domaine des services aux entreprises, services bancaires, etc. Dans ce secteur, dans ce domaine, Mme la Présidente, les prétentions de certains chercheurs et de certains économistes qui font dire à une recherche de M. Audenrode, pour essayer de le nommer, que le Québec a un retard par rapport à l'Ontario dans le secteur de la sous-traitance en regard des services, dans les grandes corporations, les grandes entreprises, où, semble-t-il, il y aurait des conditions de travail intéressantes...

Or, l'économiste Pierre Fortin ? que cite très souvent le ministre, qui est heureux de la prestation et de la présentation de M. Fortin en commission parlementaire ? propose une hypothèse, mais cette hypothèse de M. Fortin laisse plusieurs questions en suspens. Parce que, s'il prétend qu'il pourrait y avoir certaine création d'emplois dans ce secteur, à une question qu'on lui demandait: Est-ce que, par exemple, ça aura un impact sur la baisse des conditions de travail ou des salaires de ces gens-là? à cette question, il répond: Oui, mais ça ne sera pas dramatique. Est-ce que les effets vont être majeurs, importants? Il dit: Non, ni d'un côté ni de l'autre. Il dit: Il y aura création d'emplois. Mais il met une condition, il met une condition fondamentale, que j'ai soulevée ce matin en période de questions pour le ministre, il dit: Il est pour ça très important et fondamental que les relations de travail au Québec restent calmes, que cela se fasse dans une certaine sérénité. On est loin, Mme la Présidente, de ces conditions et de cette réalité.

Pourtant, si les bienfaits, selon M. Fortin, semblent clairs, l'impact sur les petits travailleurs a été clairement expliqué: les salaires vont baisser. Le Conseil du patronat et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante l'ont confirmé. Les travailleurs qui gagnent actuellement 17 $, 18 $ de l'heure pourraient se retrouver à 12 $ de l'heure. C'est la loi du marché, nous disent le Conseil du patronat. C'est la loi du marché, nous dit la Fédération canadienne des entreprises indépendantes. Je crois plutôt que c'est la loi de la jungle, Mme la Présidente.

n(12 h 20)n

Est-ce qu'on doit rappeler au ministre que, pour protéger les travailleurs, il existe un code du travail? Quelle urgence économique lui a été démontrée, quelle urgence économique a-t-il pour qu'on modifie à toute vapeur ce fondement du Code du travail? Donc, Mme la Présidente, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a deux études: une étude qui dit: Il se fait beaucoup de sous-traitance au Québec dans tous les secteurs. Puis c'est facile à comprendre. Dans l'aérospatiale, dans des secteurs où les Québécois sont très performants, sont très connaissants, c'est normal, c'est logique qu'il se fasse de la sous-traitance. Nous sommes d'accord avec la sous-traitance, les travailleurs sont d'accord avec la sous-traitance, parce qu'il y a là des moyens de créer de l'emploi, de créer des emplois intéressants, dans ce secteur. Nous sommes tout à fait d'accord avec le ministre pour ça, et tous ceux qui ont témoigné sont d'accord avec ça.

Mais, par exemple, dans le domaine des services, n'est-il pas pensable que les prétentions d'une seule étude, pas très élaborée d'ailleurs ? et le professeur, le professeur dont se targue... l'économiste dont se targue le ministre, nous fait une preuve circonstancielle de certaines études, ce n'est pas certain... mais ne serait-il pas possible que les économies du Québec et de l'Ontario soient différentes, que nous ne retrouvions pas les besoins en services aux entreprises et des entreprises dont il est question en Ontario et au Québec et que donc les prétentions qui sont à l'effet de créer plus d'emplois ne sont pas exactes?

Et on pourrait ajouter, Mme la Présidente, parce que ça a été vécu en Ontario où certains gouvernements ont voulu protéger davantage les travailleurs... Et un gouvernement est venu par après un peu plus de droite, un peu plus conservateur, a voulu encourager plus la création d'emplois et le patronat et a élargi les mesures de protection des travailleurs. Qu'est-ce qu'on a vu en Ontario? On a vu une augmentation des négociations pour protéger dans les conventions collectives les travailleurs. Ça a eu pour effet de diminuer la création d'emplois, et c'est ça qui risque d'arriver au Québec. Parce que, si le gouvernement nie ses responsabilités, ne protège pas ses travailleurs de façon adéquate, ses travailleurs syndiqués, ils vont négocier et se battre pour négocier des clauses de sous-traitance dans leurs conventions collectives. Donc, nous n'aurons pas la paix industrielle nécessaire pour créer les emplois, et donc les emplois ne seront pas créés, comme le prétend le ministre.

Et nous avons une autre préoccupation, Mme la Présidente, puisque quelqu'un est venu nous dire, dans les spécialistes: Si vous vous demandez pourquoi le gouvernement vient maintenant avec cette volonté, avec ces conditions, avec le souhait d'élargir ou de restreindre l'application de l'article 45, de favoriser davantage la sous-traitance, il a dit, demandez-vous qui a le plus d'employés syndiqués sous sa responsabilité, qui a le plus intérêt à faire en sorte qu'il puisse se faire plus de sous-traitance. Et là, bien sûr, on est obligé d'identifier le gouvernement du Québec, et là on est obligé de regarder les autres projets de loi qui sont dans cette Assemblée, et là on est obligé de regarder qui pourrait être affecté par la sous-traitance que voudrait faire le gouvernement du Québec, avec la négociation des conventions collectives qui s'en vient, avec, dans le secteur de la santé, cinq catégories et lorsqu'on n'omet plus la plupart des éléments caractéristiques de l'entreprise. Qui pourraient être les personnes les plus visées par la sous-traitance? Ils ne gagnent même pas 19 $, ou 20 $, ou 18 $ de l'heure, ces gens-là, Mme la Présidente, et là il y a beaucoup d'inquiétude.

Mme la Présidente, l'autre prétention du ministre est à l'effet de ramener le Québec au diapason. Il dit vouloir mettre le Code du travail du Québec au diapason de celui des autres provinces. Bien, c'est une habitude du gouvernement libéral qu'on peut comprendre de faire en sorte qu'on soit pareil ou identique au reste du Canada. Mais qu'en est-il au juste, Mme la Présidente, en regard des relations de travail? J'ai déjà parlé de notre Code civil, je ne suis pas un avocat, mais j'ai expliqué pourquoi on a des choses au Québec en ce qui concerne, par exemple, le lien d'entreprise qui est nécessaire. Parce que, en Ontario, en Ontario, si, par exemple ? et ça a été prouvé dans un cas à la Cour... ça a été amené à la Cour suprême, où, par exemple, une compagnie aérienne cède tous ses vols, tous ses biens, elle ferme, elle cède à une autre entreprise, même s'il n'y a pas de lien contractuel entre les deux entreprises, les cours ont reconnu en Ontario qu'il y avait application des mesures comparables à celles qu'on a à l'article 45 du Code du travail. C'est donc plus sévère en Ontario que c'est au Québec dans certains secteurs, parce que nous sommes différents. Alors, le ministre veut nous ramener pareils. Mais, pareils, il faudrait que ce soit pareil tout le long, il faudrait que ce soit pareil de tous les côtés, Mme la Présidente.

Il est vrai que les lois des autres provinces et de même que le Code du travail canadien comportent tous des dispositions qui sont semblables à l'article 45 suivant le Code du travail, mais avec la différence notable, Mme la Présidente, que ces dispositions législatives ne visent pas la sous-traitance. Cependant, il faut tout de même signaler qu'un résultat non pas identique, mais similaire est souvent atteint dans les autres provinces. Donc, on n'a pas les mêmes moyens mais on atteint les mêmes résultats, que ce soit au Québec, ou en Ontario, ou au Nouveau-Brunswick, ou en Colombie-Britannique, en vertu du Code canadien du travail, au moyen d'autres concepts dont on vous a sans doute entretenu. Mais le concept, c'est celui de l'employeur unique que connaissent toutes les autres juridictions mais pas le Québec.

Autrement dit, au Québec il n'est pas possible de reconnaître ou d'étendre l'application de l'article 45 en fonction de l'employeur unique, question, probablement, de lien contractuel. En effet, si le Code québécois du travail est plus généreux avec les travailleurs sur le concept de sous-traitance, il l'est beaucoup moins quant aux liens qui doivent exister entre le donneur d'ouvrage et le sous-contractant pour que l'article 45 s'applique.

Or, avec le projet de loi n° 31, on ne fait que prendre le parti pour les intérêts des patrons. C'est ça, l'équilibre dont je vous parlais tantôt, Mme la Présidente; c'est ça, l'équilibre dont je vous parlais tantôt. Dans le Code du travail du Québec, on a une paix industrielle, on est arrivés à un fonctionnement, et, si on parle d'équilibre, c'est parce que, actuellement, bien sûr il y a une protection pour les travailleurs et les travailleuses, c'est l'objet de l'article 45 du Code du travail.

Mais, si on ouvre pour faciliter la sous-traitance, comme le veut ce projet de loi, pourquoi à ce moment-là on ne compense pas, comme c'est dans les autres provinces, en apportant des éléments pour équilibrer les modifications qu'on s'apprête à faire? Donc, faciliter la sous-traitance, peut-être, d'un côté, mais donner plus de protection aux travailleurs du Québec avec, par exemple, la question de l'employeur unique. Le ministre ne fait pas ça. Le ministre brise l'équilibre, parce qu'il avantage... avec les modifications, il avantage nettement le Conseil du patronat, les patrons, et c'est pour ça que M. Taillon est si joyeux et si heureux.

Donc, le Québec ne sera pas au diapason, Mme la Présidente, il sera carrément à la remorque de ce qui se fait ailleurs. Certaine personne a même employé l'expression qu'on serait «à la queue» en regard de la protection des travailleurs du Québec.

Et, d'ailleurs, Mme la Présidente, j'ouvre une parenthèse. Le ministre cite souvent le rapport Mireault comme une source d'inspiration pour ce projet de loi. Mais j'ai l'impression que le ministre n'a lu le rapport Mireault que d'un oeil. J'ai l'impression que le ministre n'a pris dans le rapport Mireault que ce qu'il souhaite ou ce qu'il voulait ou ce qui faisait son affaire ? comme les études, vous savez, Mme la Présidente. Mais je pense qu'en toute objectivité dans cette Assemblée, dans cette Chambre, les parlementaires, pour éclairer la population du Québec quant aux choix, quant aux décisions que s'apprête à prendre ce gouvernement, on doit dire les choses de façon claire. On ne peut pas ouvrir juste un oeil, on doit absolument regarder tout ce qui se passe des deux côtés.

Mme la Présidente, ce rapport Mireault dont il est question, c'est une brique importante, c'est un rapport de la plus haute importance en ce qui concerne les relations de travail au Québec, qui a étudié tout ce qui entoure l'article 45 du Code du travail. C'est donc quelque chose de très important, c'est donc quelque chose sur lequel on peut se fier et c'est donc quelque chose qu'il faut regarder intensément.

Alors donc, ce rapport a été commandé ? par l'ancien gouvernement d'ailleurs ? et il y avait neuf recommandations dans le rapport Mireault, et, dans les neuf recommandations, bien, l'ancien gouvernement avait décidé de procéder à des modifications au Code du travail. Ça n'avait pas été fait au cours des 30 dernières années. C'est toute une tâche que de modifier le Code du travail du Québec à cause de l'historique, à cause de l'équilibre dont je vous parle, à cause, je dirais, des intérêts qui sont en cause, qui ne sont pas souvent en accord, même si le principe et le but, c'est de faire en sorte que le travail ou les relations de travail au Québec permettent le développement économique.

n(12 h 30)n

Or donc, nous avons modifié le Code du travail en 2001. Ça s'est fait... des consultations, des études que nous avons commandées. Et, sur les neuf recommandations du rapport Mireault, l'ancien gouvernement en a mis en application sept, recommandations. Deux recommandations n'ont pas été mises en application. Et la raison pour cela, c'est qu'il n'y avait pas d'entente pour que nous modifiions également, d'un bord et l'autre, le Code du travail. Alors, le ministre, actuellement, s'apprête, avec son projet de loi n° 31, à modifier l'article 45 et à briser l'équilibre.

Et je vous cite, Mme la Présidente, parce que c'est extrêmement important que les citoyens du Québec comprennent ce qu'il y a dans le rapport Mireault en regard de ce que s'apprête à faire le gouvernement qui est devant nous, à la page 198, à la recommandation 1.7: «Nous proposons que, de manière absolument concomitante au retrait de la sous-traitance de fonction de la portée de l'article 45, le Code soit également modifié pour permettre, par un nouvel article 46.1, que, sur requête, un commissaire du travail puisse émettre une déclaration d'employeur unique.»

Je veux que les gens comprennent que le mot «concomitant», ça veut dire en même temps, Mme la Présidente. Il dit: De manière absolument concomitante au fait d'élargir la portée de 45 pour permettre plus de sous-traitance, en même temps qu'on fait ça, qu'on reconnaisse au Commissaire du travail le fait qu'il puisse émettre une déclaration d'employeur unique. C'est ça qu'il dit Mireault. Ce n'est pas ce que fait le ministre. C'est pour ça que les travailleurs et les travailleuses du Québec, c'est pour ça que les organisations qu'ils se sont données pour défendre leurs droits et leurs intérêts sont inquiets.

Donc, il est très important, si on se réfère à un document avec autant d'énergie que l'a fait le ministre dans son discours il y a quelques instants, qu'il nous parle complètement, et entièrement, et franchement de ce dont parle le rapport Mireault. Donc, comme on le voit, Mme la Présidente, le ministre se cache derrière le rapport Mireault, duquel il utilise seulement ce qui fait son affaire pour réduire la protection des travailleurs du Québec.

Je vous demande, M. le Président, quelle est l'urgence, quelle est... Mme la Présidente, bien sûr, quelle est l'urgence d'autant abaisser les conditions de travail des Québécoises et Québécois? Voilà pour le premier argument de mettre le Québec au diapason.

Autre argument, Mme la Présidente, c'est l'argument de la jurisprudence. On a entendu cet argument, Mme la Présidente, quant à ce que la Cour suprême... Parce que, quand le ministre nous parle de glissement jurisprudentiel, il ne fait pas référence nécessairement à l'interprétation de notre Tribunal du travail ou à notre Commission des relations de travail, qui existe maintenant depuis 2001, il fait référence à la Cour suprême. Moi, j'ai presque applaudi quand on a dit que cette Cour suprême avait souvent la tendance à pencher du même côté, mais j'avais jamais ? ou du même bord ? mais je n'avais jamais pensé que la Cour suprême ou que les tribunaux fédéraux pouvaient glisser. C'est grave si on accuse la Cour suprême d'avoir glissé. En fait, le ministre affirme ? mais, ça, il dit ça, évidemment, pour dorer la pilule de son projet de loi ? qu'il corrige un supposé glissement de la jurisprudence. En effet, selon le ministre, les tribunaux auraient erré, se seraient trompés. Mme la Présidente, c'est une accusation grave ? je ne peux pas utiliser des mots antiparlementaires ? mais ce que fait le ministre...

Or, Mme la Présidente, il a été démontré par les spécialistes qui sont venus en commission parlementaire ? et ça a été très intéressant ? que la jurisprudence n'a pas glissé, que les tribunaux ont bien interprété les intentions du législateur, ont fait en sorte d'être conformes constamment aux interprétations qu'ils ont données. Je pense, Mme la Présidente, que ce sont les valeurs libérales qui ont glissé. Le ministre du Travail, qui est avant tout le député de Jean-Lesage, devrait être le premier, puisque c'était Jean Lesage qui était premier ministre à l'époque où on a justement initié cette protection pour les travailleurs et travailleuses du Québec, à bien saisir l'importance de l'héritage de cet ancien premier ministre. Mais non, le ministre affirme que l'intention du législateur de l'époque ne visait pas la sous-traitance.

Pourtant, lorsque vient le temps d'expliquer à l'Association des manufacturiers canadiens la portée de ses intentions en matière de protection des travailleurs, Louis-Philippe Pigeon, qui avait reçu le mandat de M. Lesage d'aller expliquer en cour la portée de l'article 45, y donna un exemple clair, M. Pigeon, d'une situation où il voulait voir protégés les employés. Et je cite le juge Pigeon quand il veut expliquer à cette fédération des employeurs canadiens, il dit: «Prenons un cas, l'exemple [...] un personnel chargé [...] l'exemple d'une entreprise qui veut céder ses activités pour servir les repas à ses employés, par motif d'économie, il veut avoir recours à un sous-traitant. Est-il juste qu'il puisse tout simplement congédier son personnel sans se préoccuper du fait qu'il peut s'agir de vieux employés qui perdent leur ancienneté, leurs avantages sociaux et qui sont susceptibles d'éprouver les plus grandes difficultés à trouver un autre emploi? Je ne le crois pas», dit le juge Pigeon.

Donc, comme il est nullement question nulle part dans le Code du travail spécifiquement de sous-traitance, je trouve qu'il est assez périlleux de vouloir essayer de démontrer qu'il faut revenir à l'esprit de 45, alors que nulle part on parle directement de sous-traitance mais alors que le législateur, celui même, Pigeon, qui avait contribué à élaborer l'article 10a, qui est à la base de notre Code du travail, pour aller expliquer justement son exemple... L'exemple qu'il prend, c'est un exemple de cafétéria, Mme la Présidente. C'est dans les groupes dont je vous parlais précédemment, qui risquent de faire l'objet le plus de sous-traitance. Donc, on peut dire que, sans nommer la sous-traitance directement, bien sûr que l'équipe de Jean Lesage voulait protéger les travailleuses et les travailleurs du Québec contre une cessation totale, complète de leur entreprise, ou partielle, aliénation totale ou partielle, mais aussi dans les cas de sous-traitance, puisque, dans l'exemple, ils nomment une catégorie d'emplois qui aujourd'hui, bien sûr, sont les plus susceptibles d'être touchés par les mesures que le gouvernement s'apprête à prendre.

Il est clair, Mme la Présidente, à la lumière de cette correspondance qui date de plus de 40 ans, qu'on cherchait, par l'article 45, à protéger les travailleurs en cas de sous-traitance. Depuis, le plus haut tribunal ? la Cour suprême du Canada ? a toujours confirmé les jugements du Tribunal du travail du Québec. Quelle est l'urgence, Mme la Présidente ? je pose la question ? quelle est l'urgence à renverser 20 ans de jurisprudence de la Cour suprême respectant les fondements du Code du travail?

Comme dernier argument, Mme la Présidente, pour vendre ? puisqu'on parlait de cafétéria et que l'heure approche ? sa salade, le ministre du Travail assure que son projet de loi respecte les fondements du Code du travail. Bien, il ne manquerait plus rien que ça, Mme la Présidente, s'il fallait que son projet de loi, en plus, ne respecte pas les fondements du Code.

Il est vrai que le gouvernement laissera aux parties le droit de négocier les conventions collectives, mais au détriment de tout ce qui avait été négocié et de tout ce que les travailleurs avaient négocié précédemment, parce que, dans les rares cas où l'article 45 s'applique ou s'appliquerait, dans ces rares cas, la convention tombe le jour même du contrat. Il faut que les parties reprennent à zéro. C'est l'exemple que j'ai donné il y a quelques instants où des travailleurs, avec plusieurs années d'ancienneté, avec une convention collective qui les protège minimalement, se voient obligés de repartir à zéro, avec un autre employeur, à se renégocier des conditions de travail. Pour ceux dont l'accréditation suivra en sous-traitance, ils devront renégocier, donc, à partir de rien. On respecte les fondements du Code mais pas les travailleurs. Mme la Présidente, on ne respecte pas les travailleurs que ce Code justement se doit de protéger.

n(12 h 40)n

Si on respecte les fondements du Code du travail, c'est moins clair si le projet de loi n° 31 respecte la Charte des droits et libertés de la personne. On s'est fait dire ça, on s'est fait dire ça en commission. Et non seulement le ministre s'est fait demander plus de temps, mais, moi, je n'ai jamais entendu ça. Les gens... la Charte, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse sont venus témoigner dans notre commission, et il nous ont dit: Il n'est pas de l'habitude de la Commission de demander des choses ou de poser des questions ou des interrogations. Il est de notre habitude de déclarer de façon déclaratoire: Voilà, vous contrevenez, etc. Et ils n'ont pas demandé du temps, ils ont supplié le ministre du Travail de ne pas passer et adopter son projet de loi avant Noël, pas avant que nous ayons répondu à toutes les questions et les préoccupations que se pose la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. C'est grave, Mme la Présidente.

Or donc, il n'est pas exagéré de poser la question, comme le fait la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, qui pose trois questions. Mentionnant qu'elle pose des questions... parce qu'elle n'a pas eu le temps de faire son travail adéquatement, c'est ça qu'elle demande, du temps. D'ailleurs, elle demande au gouvernement de reporter l'adoption.

La Commission des droits de la personne et de la jeunesse juge que le projet de loi n° 31 pourrait contrevenir à trois articles de la Charte des droits et libertés de la personne.

Premièrement, à la liberté fondamentale d'association. Les gens qui représentent les travailleurs du Québec nous ont dit: Non seulement il s'attaque aux droits des travailleurs, il va appauvrir les travailleurs. Il s'attaque aussi au droit fondamental d'association, d'accréditation, puisqu'il pourrait arriver, si on suit... Si, supposément, un sous-traitant qui a de la difficulté à s'entendre avec les employés ou les employés qu'il aurait reçus du donneur d'ouvrage décide, pour régler son cas et se débarrasser directement... de se débarrasser complètement du syndicat, il n'a qu'à donner le contrat de sous-traitance à un autre sous-traitant, une compagnie, par exemple, à numéro, impersonnelle, dans un bureau de, je ne sais trop, conseillers quelconques, et, à ce moment-là, le nouveau sous-traitant, le dernier sous-traitant en ligne, pour les travailleurs qui se retrouvent là, n'a aucun droit d'aucune accréditation syndicale, aucun avantage, aucun moyen pour faire défendre leurs droits qu'ils auraient eus en termes de convention collective. Voilà la question fondamentale que soulève la Commission des droits de la personne, la liberté fondamentale d'association, le droit à des conditions de travail justes et raisonnables et le droit à l'égalité. Ça pourrait contrevenir à ces articles de notre Charte. Sans entrer dans le détail, Mme la Présidente, force est de constater que ce projet de loi, le projet de loi n° 31, souffre d'un manque d'explications.

Je voudrais aborder brièvement, Mme la Présidente, toute la question des résultats et des impacts de ce projet de loi sur l'économie du Québec et sur les travailleurs. L'empressement du ministre dans ce dossier fait en sorte qu'il est impossible de mener un débat sérieux sur les impacts de ce projet de loi sur les travailleurs et les travailleuses et sur l'économie du Québec. Dans cette refonte majeure du Code du travail, il a décidé que son ministère ne mènerait aucune étude sur l'article 45. Il dit: Il y en a plein. Je vous l'ai mentionné, Mme la Présidente, il y a deux études: une qui dit qu'il se fait beaucoup de sous-traitance au Québec, une autre qui dit qu'il s'en fait moins. Celle qui dit qu'il s'en fait plus, c'est dans le secteur manufacturier; celle qui dit qu'on s'en fait moins, c'est dans le secteur des services. Moi, je prétends que les deux économies, celle du Québec et de l'Ontario, sont tellement différentes qu'on ne peut pas faire une preuve circonstancielle en se comparant uniquement sur l'Ontario. Et je vous dis que, si on avait seulement 50 % de ce qui se fait dans le secteur de l'automobile en Ontario, l'économie du Québec serait complètement différente.

C'est complètement aberrant que de vouloir transposer des réalités alors que, de toute évidence, l'économie du Québec... Et je ne suis pas un économiste non plus, Mme la Présidente, mais j'ai déjà enseigné l'éducation économique en secondaire V, et, à la base, on nous disait que l'économie, ça repose sur la confiance et que, si les employeurs, si les investisseurs, si les patrons ailleurs dans le monde regardent le Québec et qu'ils voient les longs conflits de travail... Vous savez, Mme la Présidente, que les plus longs conflits de travail que nous avons eus au Québec touchaient à la sous-traitance et touchaient, en plus, à des entreprises qui relevaient non pas du Code québécois du travail, mais du Code canadien du travail, et que nous avons corrigé cette situation pour protéger des cas comme les travailleuses de Bell, Mme la Présidente.

Alors, je dis que, si les investisseurs et si les créateurs et les donneurs d'ouvrage d'ailleurs regardent le Québec et que nous sommes dans une série de conflits dans les relations de travail, ils vont dire: Nous n'avons pas confiance pour aller investir au Québec. Ce n'est pas un bon endroit parce que les relations de travail sont dans un climat tel qu'il n'est pas pertinent d'aller investir au Québec. Et je défie n'importe quel économiste de me contredire sur ce sujet, Mme la Présidente. Je m'en viens un peu prétentieux, mais, quand même, c'est clair. C'est clair.

Et rien n'a été prouvé, il faut se fier à des preuves circonstancielles, à des données parcellaires, Mme la Présidente. Les conclusions du Pr Pierre Fortin doivent être bien comprises. Il affirme clairement que, si la réduction de la portée de l'article 45 amène une diminution des clauses restreignant la sous-traitance dans les conventions collectives, il s'ensuivra une hausse de l'emploi. Cependant, en Ontario ? c'est ça qu'on a vu en Ontario ? durant les années quatre-vingt-dix, il s'est passé exactement le contraire lorsque le gouvernement Rae, pour le nommer ? je peux le nommer, Mme la Présidente ? a resserré le Code du travail; le nombre de conventions collectives est resté stable. Lorsque le gouvernement Harris a diminué la protection des travailleurs, comme le fait le gouvernement présent, ici, au Québec, le nombre de ces clauses a explosé. La conclusion: ce n'est pas clair.

Pourtant, il y a une chose qui est claire, Mme la Présidente. Le Conseil du patronat, lui, lui, il a été très clair; le patronat affirmait, lors du dépôt du projet de loi n° 31, qu'ils avaient des interrogations majeures sur plusieurs points, soit la clarté du projet et la capacité de la Commission des relations de travail d'assumer le fardeau supplémentaire que lui imposera la loi remodelée. Oui, on va faire appel à la Commission des relations de travail plus souvent, mais, en plus, les tribunaux administratifs sont en train de couper des bureaux un peu partout dans le Québec; ça va alourdir le processus. Mais, en plus, ils avaient des questionnements quant à la clarté, la clarté du projet de loi. Pourtant, en commission parlementaire, lorsque le Conseil du patronat est venu nous rencontrer et présenter son mémoire, ils n'ont pas soulevé ces points, disant plutôt quelque chose comme: Bien, fonçons tout de suite, constatons les effets plus tard, puis on verra ? c'est ça qu'ils ont dit ? même si ce n'est pas très clair, il faut aller. Et le Conseil du patronat a répété ces propos, Mme la Présidente. Mais le législateur ne peut pas, lorsqu'il est en son pouvoir d'améliorer, de clarifier un projet de loi, le législateur ne peut pas décemment adopter un texte qui est flou, Mme la Présidente, en disant: On va aller voir qu'est-ce que ça donne. Un tel empressement, selon nous, est hautement imprudent, hautement risqué.

Me Marc Sauvé, du Barreau du Québec, résume le mieux le manque d'information entourant le projet de loi n° 31: «Avant de passer au vote par les membres de l'Assemblée nationale, il est important, je crois, d'être le plus transparent possible et de rendre publiques les études, que ce soient des études comparatives, par exemple, si on parle de mettre à niveau, bien, qu'on les sorte, les études, qu'on les examine de façon ouverte et transparente. Si on dit, par exemple, que les impacts de certains amendements antérieurs sont insuffisants, bien, qu'on communique les études ou les analyses qui établissent ça et qu'on en discute.» Fin de la citation, Mme la Présidente.

Pourtant, à chaque intervention, le ministre rappelle son empressement à faire adopter ce projet de loi. Durant les trois jours de commission, comprenant bien que le libellé du projet de loi était imprécis, des députés du parti ministériel, que je salue, avec courage, en faisant leur travail de parlementaires, les députés du parti ministériel demandaient eux-mêmes aux groupes venus nous rencontrer d'apporter des amendements, de suggérer des modifications, parfois sur le coin de la table. D'ailleurs, c'est ce qu'on s'est fait dire: Avec le temps qu'on a eu pour préparer nos mémoires, s'il faut en plus vous amener... donnez-nous du temps, puis on va vous régler ça.

n(12 h 50)n

Mme la Présidente, Mme la Présidente, on ne modifie pas les colonnes du temple des relations de travail comme ça, à la sauvette, sous l'inspiration du moment, sur le coin de la table. Quelle est l'urgence, Mme la Présidente?

Quels seront les effets du projet de loi n° 31? Au-delà des arguments du ministre, ce sont les conditions de travail des Québécoises et des Québécois, mais surtout celles des Québécoises, Mme la Présidente, qui risquent de s'affaiblir et que risque d'affaiblir le projet de loi n° 31. Le ministre minimise les impacts des changements qu'il propose, disant simplement vouloir corriger un abus des tribunaux, mettre le Québec au diapason. On assiste plutôt à un important recul dans les droits des travailleurs. C'est par une baisse des conditions de travail que risque de se faire la réingénierie.

Le Code du travail a été modifié il y a deux ans à peine. Loin d'affirmer que le Code du travail n'est pas perfectible, le gouvernement doit comprendre qu'on ne s'attaque pas au Code du travail sans consulter les principaux intéressés. Ce matin, Mme la Présidente, je demandais au ministre s'il entendait convoquer la commission avec les partenaires, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui n'a pas été réuni une fois depuis le scrutin du 14 avril. Bien sûr, il y avait les intentions du parti qui forme aujourd'hui le gouvernement, bien sûr, c'était indiqué. Pourquoi n'a-t-il pas commencé par réunir ses partenaires autour de la table, pour mieux expliquer ce qui était contenu dans les intentions? Pourquoi n'a-t-il pas rencontré les principaux intéressés? Mais le ministre ne veut pas considérer les effets de son projet de loi.

Comprend-il qu'il sera maintenant possible que les employés soient transférés, avec d'importantes pertes de salaire, à un sous-traitant, et que ces salariés perdent leurs conditions de travail et leur accréditation syndicale? Comprend-il cela, Mme la Présidente? N'est-il pas normal, alors, qu'il y ait de l'inquiétude parmi les travailleurs et les travailleuses du Québec? Ne doit-on pas comprendre, Mme la Présidente, que, si on brise l'équilibre, comme je vous ai mentionné précédemment, et qu'il y a un risque, pour les travailleurs et les travailleuses du Québec, qu'ils perdent des droits fondamentaux, et si jamais, Mme la Présidente, après de longues contestations juridiques, la Commission des relations de travail juge que la plupart des éléments caractéristiques a été transférée et que l'article 45 s'applique, que leurs employés perdent tout de même leur convention collective et se voient tout de même dans l'obligation de renégocier, plus souvent qu'autrement à la baisse, leurs conditions de travail?

Et, Mme la Présidente, je voudrais juste parler quelques instants sur cette expression «de la plupart des éléments caractéristiques de l'entreprise». Plusieurs personnes ont soulevé de grandes inquiétudes, de grandes préoccupations, avec ce flou artistique qu'on retrouve, Mme la Présidente. Je voudrais prendre le projet de loi, je pense que c'est le deuxième... parce que c'est un projet de loi qui n'a pas beaucoup d'articles, alors on va facilement les retrouver. À l'article 2, on dit: «L'article 45 de ce Code est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant:

"Le deuxième alinéa ne s'applique pas dans un cas de concession partielle d'entreprise lorsque la concession n'a pas pour effet..."» Donc, c'est tout négatif. Ça devrait être rédigé de façon positive, ce serait plus compréhensible; les gens nous l'ont suggéré. Mais je reprends, Mme la Présidente: «Le deuxième alinéa ne s'applique pas dans un cas de concession partielle d'entreprise lorsque la concession n'a pas pour effet de transférer au concessionnaire, en plus de fonctions ou ?  du ? droit d'exploitation, la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée.» C'est l'expression «la plupart». Et des gens, dans cette Assemblée, ont beaucoup plus d'ancienneté que moi dans ces fonctions, mais ce qu'on nous a dit, c'est que, dans toute l'histoire du Québec et de l'adoption, je suppose, volumineuse des lois, il n'y avait que deux lois, Mme la Présidente, où cette expression, «la plupart», se retrouve. Donc, il faudra, pour les tribunaux, et pour la Cour suprême qui glisse ou penche, prévoir de longs débats pour savoir que signifie «la plupart des éléments caractéristiques de l'entreprise». Est-ce que ce sera interprété de façon restrictive ou de façon à protéger plus ou moins les travailleurs? Nul ne le sait.

Et beaucoup, nombreux, même le Conseil du patronat, à la Fédération canadienne d'entreprise indépendante, tout le monde l'a soulevé, ces imprécisions, et c'est pour ça qu'on peut comprendre que les gens d'en face ont cherché à voir s'il n'y avait pas un libellé qui pourrait dire la même chose en le disant autrement. Ce n'est pas évident, Mme la Présidente. Comment peut-on aller dire qu'on va être d'accord avec un projet de loi qui montre une telle imprécision? C'est incroyable. Et on connaît l'importance des mots. Moi, j'ai travaillé un peu dans des organisations syndicales, il est vrai, mais il y a des choses de base, des éléments entre le mot «peut» et «doit», il y a la différence. On peut mettre tout ce qu'on voudra ailleurs, c'est le mot «peut» ou «doit» qui lie, mettons, dans le cas, là, le patron, qui est le mot important. Alors, que signifie «la plupart des éléments caractéristiques de l'entreprise»?

Le ministre nous a dit, je ne sais pas combien de fois en commission parlementaire, revenant incessamment sur le cas de Sept-Îles, qu'il veut, de toute façon, faire en sorte qu'il ne se reproduise plus jamais dans l'histoire du Québec. Il dit: C'est ça que je veux, puisqu'à Sept-Îles c'était que le droit d'exploitation, la conception reprise de fonction. Et, pour régler cela, il amène «la plupart des éléments», il faut donc qu'il y ait un transfert de «la plupart des éléments caractéristiques de l'entreprise». On n'est pas sortis du bois, Mme la Présidente, les tribunaux vont prendre un temps considérable, les avocats vont faire fortune pour discuter de cela, mais on n'aura pas clarifié le Code du travail, Mme la Présidente, de toute évidence. Je ne crois pas que l'on va clarifier et préciser les choses dans le Code du travail avec une expression comme celle-là.

Les employés donc perdront des droits, et, avant que les tribunaux puissent réparer ces erreurs et ces injustices, beaucoup de mal aura été fait aux travailleurs du Québec et à l'économie du Québec. Il est vrai que certaines catégories d'emploi ne souffriront pas outre mesure de la sous-traitance: les ingénieurs, les techniciens spécialisés, les informaticiens, ces gens dont je vous parlais précédemment, qui sont dans des services aux grandes entreprises, bien sûr ils vont demeurer des travailleurs spécialisés, des travailleurs équipés pour se défendre. Mais les petits salariés seront les plus touchés, Mme la Présidente: services de buanderie, d'entretien, des services périphériques dont on parle, d'entretien ménager, de gardiennage, de cafétéria. Ces emplois sont souvent occupés par des femmes, Mme la Présidente, par des jeunes. Et on a oublié, là, l'employeur unique qui aurait pu venir en aide à ces catégories: des immigrants en majorité. Ce n'est pas pour rien que la Commission des droits de la personne juge que le projet de loi n° 31 pose de sérieuses questions quant au respect de la Charte des droits et libertés.

De plus, Mme la Présidente, il y aura des conséquences étranges à ce projet de loi. Une autre conséquence du projet de loi, que ne semble pas considérer le ministre du Travail, est qu'il sera possible d'utiliser la sous-traitance de manière détournée pour se soustraire à l'application de la Loi sur l'équité salariale. Nous avons découvert cela, Mme la Présidente. Voilà pourquoi nous disons que ça peut toucher les femmes. Une loi adoptée unanimement par cette Assemblée en 1996.

La Vice-Présidente: ...M. le député. Il reste environ quatre minutes au député pour terminer son intervention. Est-ce qu'il y aurait consentement à ce que l'on dépasse 13 heures?

Des voix: ...

La Vice-Présidente: Consentement. Alors, vous pouvez poursuivre, M. le député.

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente, et j'apprécie beaucoup qu'on puisse... qu'on me permette de terminer cette présentation avant la pause.

Est-ce que le ministre, Mme la Présidente, a envisagé les situations absurdes où un sous-traitant devra s'assurer de ne pas engager des ex-employés ou de ne pas utiliser son matériel s'il ne veut pas que ses responsabilités ou que 45 ou l'article 45 s'applique? Donc, il y a des situations assez embarrassantes, aberrantes. Alors, on enverra, dans ces situations, le matériel au dépotoir et probablement les employés au chômage pour éviter de se voir obligé d'appliquer ce qui restera du Code du travail pour les travailleuses et les travailleurs du Québec.

n(13 heures)n

Alors, il y a un point sur lequel c'est certain que l'ensemble des intervenants se sont entendus, c'est que le libellé du projet de loi est flou; le Barreau dit que c'est flou, les professeurs en droit du travail affirment que c'est flou. Ce que les professeurs du droit du travail nous ont clairement fait comprendre, c'est que le projet de loi n° 31 rejette du revers de la main plus de 20 ans de jurisprudence du plus haut tribunal et 15 ans de jurisprudence des tribunaux du travail chez nous.

Après seulement deux années de calme, de stabilité, de prévisibilité ? ça, c'est un mot aussi qu'on nous a donné, et je sais qu'il y en a qui sont plus férus, mais la prévisibilité, c'est important lorsqu'il s'agit de la loi, puisqu'on peut prévoir, s'entendre plus facilement sur ce que veut dire justement la loi qui est devant nous ou le Code du travail, puisque c'est de lui dont on parle ? le projet de loi n° 31 sonne donc un nouveau départ des querelles juridiques sans doute. En effet, depuis les derniers arrêts de la Cour suprême, la Commission des relations de travail rend très facilement ses jugements. Plus souvent qu'autrement, elle n'a qu'à constater que les parties s'entendent sur l'applicabilité ou non de 45. Cette prédicabilité a une valeur que semble ignorer le ministre du Travail. Quelle est l'urgence d'insérer un article flou, un article de loi lorsqu'on sait pertinemment qu'il est flou et qu'il engendrera d'interminables débats?

Mais je pense que l'effet le plus néfaste ? puisque le temps file, Mme la Présidente ? c'est qu'il menace la paix sociale, industrielle si chèrement gagnée ces dernières années. En voulant agir à toute vapeur, sans consultation, en ne faisant siens que les arguments patronaux, le gouvernement s'embourbe, nuit, dans le fond, à l'économie du Québec. Le projet de loi, il est mauvais, Mme la Présidente. Je dois le dire comme cela. Est-ce qu'il pourrait être pire? Le ministre peut au moins se satisfaire d'un fait: peut-être qu'il aurait pu être pire. Le projet de loi n° 195 présenté par l'ADQ en 1997, quoique semblable dans sa volonté de réduire les droits des travailleurs, était encore plus imprécis que celui qui nous est présenté aujourd'hui, mais je pense que ce n'est pas un point de comparaison que cherche le gouvernement actuellement.

Donc, Mme la Présidente, devant le fait que les travailleurs du Québec demandent à être entendus davantage, qu'il y a des structures, il y a des organismes qui existent, ils sont prêts à collaborer pour moderniser davantage les relations de travail, pour toutes ces raisons, Mme la Présidente, nous opposons au projet de loi n° 31. Dans sa forme actuelle, il constitue une menace pour les travailleuses et les travailleurs du Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Alors, merci, M. le député. Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux à cet après-midi, 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci. Veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Alors, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. Et je serais prêt à reconnaître le prochain intervenant, qui serait Mme la députée de Matapédia. Alors, Mme la députée.

Mme Danielle Doyer

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, après trois jours d'auditions, où on n'a d'ailleurs pas vu un des députés adéquistes de l'Assemblée nationale, s'il y a une certitude dans ce dossier, c'est que nous ne devons pas aller de l'avant maintenant avec cette loi n° 31 et que nous devons donner du temps au temps. Encore une fois, le gouvernement libéral est prêt, oui, il est prêt à faire adopter un projet de loi sans que ce projet de loi n'ait fait l'objet d'une étude sérieuse et rigoureuse sur les conséquences sociales et économiques qui pourraient s'ensuivre. Nous en sommes alors à nous prononcer sur des suppositions. Qu'est-ce que le gouvernement... ce gouvernement improvisé veut faire avec les valeurs que porte la société québécoise?

Oui, je suis d'accord, on est en plein dans l'ère de la mondialisation, les marchés s'internationalisent de plus en plus. Il est important, dans ce contexte d'affaires, oui, que le Québec tire son épingle du jeu. Il est primordial que les entreprises québécoises soient concurrentielles. Est-il nécessaire pour autant de semer la zizanie dans nos entreprises? Les conflits, à ce que je sache, n'apportent rien de positif ni pour les patrons, ni pour les travailleurs, ni pour la population en général. Non, rien de positif, M. le Président.

Pourtant, il semble que ce que le Parti libéral veut faire par le cadre du projet de loi, c'est tout simplement de permettre aux entreprises de revoir la productivité, mais de revoir aussi l'organisation du travail. Voilà ce qu'a dit le ministre du Travail en commission. Ça me fait me poser des questions en tant que députée, et j'ai le devoir, M. le Président, nous avons tous le devoir de travailler dans l'intérêt du bien de la collectivité. Alors, pourquoi, chaque fois que ce gouvernement présente un projet de loi, j'ai l'impression qu'au-delà des objectifs présentés il y a des objectifs cachés ou inconnus? Parce que, si les objectifs quant à ce projet de loi sont louables en soi, même très souhaitables pour l'avancement de la société québécoise, je me permets de critiquer sévèrement les moyens que ce gouvernement emploie pour y arriver.

D'ailleurs, M. Barré, qui est un spécialiste en droit du travail, a dit en commission parlementaire, et je le cite: «Si on adopte le projet de loi, il va y avoir des inconvénients, et je ne suis pas en mesure de les mesurer exactement, mais il va sûrement y avoir des inconvénients ? majeurs ? importants ? c'est-à-dire importants ? pour les travailleurs qui oeuvrent dans ces secteurs, que je qualifie de vulnérables face au nouveau texte de l'article 45. Est-ce que ces inconvénients-là sont contrebalancés par les avantages que l'on va apporter à nos entreprises? Bien, si l'article 45 ne s'applique pas en matière de sous-traitance externe sur le plan de la concurrence, la nécessaire compétitivité de nos entreprises face à un contexte de mondialisation, il n'y a pas d'avantage. À moins qu'on me dise que, pour une firme comme Bombardier... c'est l'exemple que je donnais tantôt ? c'est encore M. Barré qui parle ? le fait que Bombardier va sauver quelques dollars, c'est certain qu'elle va sauver de l'argent dans l'octroi en sous-traitance de ses services alimentaires.» Et il continue: «Je comprends que je vois là un petit avantage, mais très petit par rapport à tous les inconvénients que je vois pour les travailleurs qui vont être visés dans ces secteurs d'activité.»

Alors, M. le Président, si l'article 45 n'a aucune incidence sur la compétitivité de nos entreprises, pourquoi le gouvernement Charest s'acharne-t-il à vouloir adopter ce projet de loi? Parce que le gouvernement est le plus grand employeur syndiqué du Québec, parce que ce gouvernement libéral a besoin d'aller chercher un peu plus d'argent dans les poches des travailleurs, M. le Président, les gens de la classe moyenne, les familles.

C'est de cette façon qu'on s'y prend au Parti libéral pour donner encore plus d'argent aux riches. Qui va encore payer pour cela? Les régions, et le ministre du Travail le sait, cela. Dans mon comté de Matapédia, l'État est l'employeur principal, et d'ailleurs dans la région du Bas-Saint-Laurent, et j'imagine que la situation doit être à peu près semblable dans les autres régions du Québec. Est-ce que le gouvernement souhaite appauvrir nos régions, M. le ministre?

Il y a autre chose aussi qui n'est pas cohérent dans ce projet de loi. Est-ce que, M. le ministre, vous croyez réellement que maintenir les travailleurs dans un climat d'insécurité peut être une source de rentabilité pour une entreprise, quelle qu'elle soit? Non. Pour accroître la productivité dans une entreprise ? et cela, on l'enseigne dans nos meilleures écoles ? il faut miser sur la formation et l'innovation, M. le Président. Le stress généré par la confrontation ou l'inquiétude n'est en aucun temps une source fiable de productivité, M. le Président. Il faudrait faire attention à ne pas créer des problèmes inutiles.

Le SFPQ soulignait que, si le gouvernement persiste avec son intention et adopte le projet de loi n° 31, le Québec connaîtra inévitablement une hausse des conflits de travail. Tous en sortiront perdants: les entreprises, les travailleuses et les travailleurs, l'économie québécoise et la population en général. L'article 45 du Code du travail constitue un équilibre fondamental de la société québécoise, M. le Président. Le SFPQ a dénoncé vivement l'attitude du gouvernement, qui désire faire adopter ce projet de loi n° 31 à toute vapeur sans tenir le débat de société que méritent ces questions fondamentales.

n(15 h 10)n

Qui seront donc les grands gagnants, M. le Président? Pierre Fortin nous l'a dit, le Barreau, bien d'autres: le saucissonnage d'une entreprise, le morcellement rend de plus en plus difficile l'application de l'article 2 de ce projet de loi, alors qu'on tente de définir ce qu'est une entreprise, un employeur. Beaucoup des discussions qu'on a eues tournent d'ailleurs autour de l'article 2 du projet de loi n° 31, l'article 2 qui, dans l'article... qui est celui--ci, M. le Président: L'article 45 de ce Code est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant:

«Le deuxième alinéa ne s'applique pas dans un cas de concession partielle d'entreprise lorsque la concession n'a pas pour effet de transférer au concessionnaire, en plus de fonctions ? au pluriel ? ou d'un droit d'exploitation, la plupart des autres éléments caractéristiques de la partie d'entreprise visée.»

Donc, beaucoup de discussions ont eu lieu et beaucoup de mémoires ont touché à cet article, qui est au coeur du projet de loi. Et on tente de définir ce qu'est une entreprise, un employeur. Et, de plus en plus, c'est difficile, M. le Président, plusieurs nous l'ont souligné, avec l'exemple de Nike, avec l'exemple de... le dépanneur du coin. On nous disait que c'est plus facile de définir ce qu'est un dépanneur. Mais, de plus en plus, dans ce monde de mondialisation, c'est difficile de définir vraiment ce qu'est une entreprise, ce qu'est aussi un employeur unique.

M. le Président, la seule certitude que nous avons, c'est que le projet de loi n° 31 va certainement combattre le chômage chez les avocats en droit du travail. Et cela, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Marc Sauvé, du Barreau du Québec. Alors, cela crée de l'emploi, de ce temps-là, chez les avocats du droit du travail, et le gouvernement engage davantage de gardes du corps. On l'a vu dernièrement, les médias nous l'ont dit. Est-ce que c'est ça, le développement économique à la libérale, M. le Président? Je ne penserais pas.

Et je vous cite un article; M. Michel Venne, dans Le Devoir du 24 novembre 2003. Qu'est-ce qu'il nous dit? Dans un article titré Ce gouvernement veut nous briser, il dit: «Chaque citoyen assis devant son téléviseur a parfois peine à reconnaître les liens entre les différentes décisions gouvernementales. Le gouvernement actuel agit comme s'il voulait justement profiter de cette dispersion qui devient apathie pour monter les groupes les uns contre les autres, diviser pour régner. Au profit de qui? On se le demande encore.

«Mais on monte les non-syndiqués contre les syndiqués, les non-parents contre les parents, la classe moyenne contre les assistés sociaux, les banlieusards contre les urbains, les anglophones contre les francophones, la société civile contre les élus municipaux, la santé publique contre la médecine curative, les pauvres contre les riches. Ce gouvernement suscite des querelles, même entre les syndicats, et des jalousies entre les groupes sociaux.»

M. le Président, j'ai rencontré lundi dernier des membres de l'exécutif du Conseil régional de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec du Bas-Saint-Laurent. Cette rencontre visait à signifier l'opposition féroce qu'entend accorder le CRFTQ au projet de loi n° 31, proposé par l'actuel gouvernement libéral, modifiant l'article 45 du Code du travail, visant à favoriser la sous-traitance. MM. Gilles Lévesque et Alain Castonguay soutiennent que ce projet de loi du gouvernement Charest est inacceptable, rétrograde et qu'il aura pour effet d'appauvrir les travailleurs et travailleuses pour enrichir ses amis du Conseil du patronat.

Dans une région comme le Bas-Saint-Laurent, particulièrement pour les villes de Mont-Joli, Amqui, Rimouski, dans nos petites villes-centres qui reposent principalement sur une économie de services, réduire la qualité des emplois aura un effet catastrophique pour le développement régional, une soi-disant priorité de l'équipe du premier ministre actuel.

La foulée des actions de protestation des mouvements syndicaux des dernières semaines, M. le Président. Je n'accepte pas, bien sûr ? on l'a dit ici, en Chambre, on s'est prononcés ? lorsqu'il y a des gestes de violence, je ne les approuve pas, M. le Président, mais, soyons réalistes, plusieurs autres actions étaient et sont à prévoir, tant sur la scène du Québec que régionale et locale, d'ici la fin de cette session-ci pendant laquelle nous siégerons probablement jusqu'au 19 décembre.

Des sections locales affiliées sont mobilisées, la FTQ compte près de 15 000 membres juste dans le Bas-Saint-Laurent, et ce, dans tous les secteurs d'activité. N'est-ce pas un signal évident, M. le Président, qu'on doit s'asseoir et revoir ce projet de loi, plus particulièrement l'article 45?

Le dévoilement d'une étude importante portant, entre autres choses, sur les impacts de l'article 45 dans la décision des entreprises de recourir ou non à la sous-traitance a permis d'enfoncer le clou encore plus profondément, M. le Président.

Les représentants de la FTQ du Bas-Saint-Laurent qualifient de fantomatique l'actuel ministre du Travail, qui se gardait bien de dévoiler comment le Conseil du patronat aurait pu mener une étude de statistiques sur la croissance de l'emploi dans l'industrie des services, comme l'Ontario, qu'on compare encore une fois au Québec. C'est toujours plus beau en Ontario, mais on oublie souvent de dire qu'on est très différents de l'Ontario, qu'on a des particularités, des spécificités qui nous sont vraiment... qui sont le Québec et qui font le Québec, et ce n'est pas comme l'Ontario.

Le ministre du Travail disait que le gouvernement ne commanderait pas d'étude et que ceux qui en avaient n'auraient qu'à les présenter en consultation publique. Ce n'est plus le temps des études, c'est le temps de l'action, nous a dit le ministre, ajoutant du même souffle qu'il fallait se débarrasser de cet irritant que constitue l'article 45. On va étudier quoi et consulter qui, M. le Président, si la table est déjà mise? Chez nous, on qualifie de dévastateur le recours aux agences privées à la sous-traitance qui fera plus de mal que de bien.

La FTQ, M. le Président, n'est pas contre la sous-traitance. Les syndicats sont venus nous le dire abondamment: On n'est pas contre la sous-traitance. Ils représentent, la FTQ, quelque 175 000 salariés qui sont reliés à la sous-traitance. Mais elle est contre la sous-traitance, et je le dis, laissée à elle-même, sans encadrement prévoyant des conditions de travail décentes; contre la sous-traitance, source d'appauvrissement généralisé des travailleurs et travailleuses, M. le Président.

J'ai entendu des choses terribles qui m'ont fait vraiment, là... Je n'en revenais pas d'entendre ça, des gens de l'entreprise qui sont venus nous dire: On va être gagnants; si on prend 15 emplois à 20 $ de l'heure puis qu'on modifie ça, on va les changer en 20 emplois à 15 $ de l'heure. Mais comment on fait pour prendre des travailleurs qui sont habitués à vivre à 20 $ de l'heure puis, du jour au lendemain, leur dire: Vous allez baisser vos conditions salariales? Voyons donc! Comment est-ce qu'on se trouve enrichis? Ce n'est pas ça. Il faut faire en sorte de rehausser les conditions salariales de l'ensemble des travailleurs. Ça, c'est bon pour l'économie.

L'encadrement de la sous-traitance par l'article 45 a donc permis, depuis plus de 40 ans, M. le Président, de maintenir une paix sociale, pour ne pas dire une paix sociale certaine et un équilibre dans les relations de travail.

Cet article a constitué un rempart important contre la dégradation générale des conditions de travail et des conditions de vie tant dans le secteur privé que dans les administrations publiques.

Pourquoi, M. le Président, le gouvernement Charest martèle-t-il que l'article 45 empêche la sous-traitance et persiste en ce sens, malgré une étude qui démontre le contraire? Pourquoi ça presse tellement?

Et, dans un article signé par André Pratte, le 24 novembre 2003, intitulé Le «sac à chicanes», il nous dit... Qu'est-ce qu'il nous dit, le journaliste André Pratte? Il dit: «Le gouvernement Charest a lancé une révision tous azimuts du modèle québécois. Même mené avec intelligence, un tel exercice susciterait de fortes résistances, aussi nécessaires soient-elles. Or, au lieu d'y aller avec la minutie et le doigté du chirurgien, les ministres libéraux se sont jetés dans le tas, armés de vieilles tronçonneuses.» Je connais ça, moi, comme députée de Matapédia, M. le Président, des tronçonneuses. Il dit aussi: «Ainsi en est-il pour un dossier éminemment complexe et émotif: la sous-traitance.» Il continue, il dit: «Trois questions se posent ici: L'article 45 doit-il être modifié? Est-ce que les amendements proposés par le ministre sont appropriés? La troisième: Est-il nécessaire de procéder à ces changements en vitesse, comme le souhaite Québec? Commençons par répondre à cette dernière question: Non.» Il continue: «En effet...», et là il revient à cette difficulté que nous avons par rapport à l'article 2, lorsque l'on parle de la plupart des éléments caractéristiques, il dit: «En effet, que signifie "la plupart" des éléments caractéristiques? Le fouillis juridique ne risque-t-il pas de s'épaissir?» Il dit: «Le législateur doit trouver le moyen, M. le Président, de protéger les travailleurs tout en évitant qu'un sous-traitant se voie imposer un contrat de travail qu'il n'a pas les moyens d'assumer. La loi devrait donc être rédigée dans les termes les plus clairs possible, en insistant sur le sort des personnes concernées, tout en laissant à la Commission des relations de travail la discrétion de juger les cas les plus délicats, comme elle le fait déjà...» Et il continue. Et en terminant sur l'article de M. Pratte, il dit: «L'approche du gouvernement dans ce dossier est précipitée et maladroite. Si le projet de loi est adopté tel quel, les relations de travail au Québec se détérioreront inutilement.» Ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est M. Pratte.

Oui, les syndicats sont inquiets. Ça va toucher des secteurs plus vulnérables, des gens plus vulnérables: les secteurs de l'alimentation, du gardiennage, des services ménagers, entre autres. Les études, elles sont nécessaires. Fouillons la question davantage. On a besoin de plus de clarté, de préciser des éléments au projet de loi. Même le Conseil du patronat, les gens d'entreprises le disent.

n(15 h 20)n

Qu'est-ce qu'il dit, M. Gilles Taillon, du Conseil du patronat? Bien sûr qu'il a réagi favorablement au projet de loi n° 31, mais il émet toutefois quelques réserves. Le libellé du projet de loi est-il suffisamment clair pour éviter les recours tous azimuts devant les tribunaux, entre parenthèses, la Commission des relations de travail? C'est non. Est-ce que... Il pose la question: La Commission des relations de travail dispose-t-elle des moyens pour traiter rapidement des requêtes dont elle sera saisie? On l'a dit, ça va être un fouillis juridique et ça va être une question de régler des litiges à l'infini. C'est un nid de litiges, l'adoption du projet de loi n° 31.

Et ils reviennent sur la difficulté... Et plusieurs sont revenus, en commission, de tous ceux qui sont venus ? le Barreau du Québec, Me Fernand Morin ? plusieurs sont venus nous dire qu'il y avait une extrême grande difficulté à définir ce qu'est une entreprise et que c'est complexe. Et toute la question, aussi... ils sont venus nous parler de la question de l'entreprise unique, M. le Président. On nous dit, donc, que ça rend difficile aussi la protection des salariés et qu'il faut le temps. Donnons du temps au temps.

Actuellement, donc, avec ce qui se vit, c'est clair, il n'y a pas d'incertitudes avec le projet de loi qu'on a modifié en 2001. Avec ce projet de loi qu'on a sur la table, si nous l'adoptons, on nous amène sur un terrain d'incertitudes, M. le Président, de litiges, de différends, de chicanes. Et les Québécois, ils n'aiment pas ça, la chicane. Nous avons besoin, avant d'adopter la loi n° 31, d'en creuser davantage les impacts, d'avoir davantage d'information sur tout ce qui concerne la sous-traitance, ici et ailleurs.

Il y a eu des chefs d'État au Québec, M. le Président, qui ont laissé leur marque par leurs réalisations. En général, on peut dire que chacun a fait prospérer le Québec, l'a fait croître. M. le Président, sur la pierre tombale de M. René Lévesque, il est gravé qu'il fait partie de la courte liste des libérateurs du peuple... de peuples. Mais là nous sommes devant ce qu'il y a de pire, comme premier ministre, au Québec, à mon avis. Nous sommes devant un perturbateur.

C'est quoi, un perturbateur? C'est celui qui crée des perturbations, qui sont des bouleversements politiques et sociaux, M. le Président.

Une voix: ...

Mme Doyer: C'est permis, «perturbateur».

Le Vice-Président (M. Sirros): Pardon? Oui, M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Question de règlement, M. le Président. Alors, ici, la définition du mot «perturbateur» n'a pas à être rappelée, j'ai l'impression. Mais, en vertu du paragraphe 6° de l'article 35 de notre règlement, je pense que la députée de Matapédia vient directement d'imputer des motifs indignes à un des membres de l'Assemblée nationale et...

Le Vice-Président (M. Sirros): M. le député. Non, j'estime, à l'intérieur des propos qui sont utilisés couramment dans les débats, ça ne traverse pas la ligne qui existe pour s'assurer que le débat puisse se tenir correctement, sans personnaliser et sans attribuer des motifs. Dans ce contexte-là, le mot ne se retrouve pas dans le recueil, si vous voulez, des mots antiparlementaires, et je ne crois pas qu'il y ait lieu de l'y mettre.

Mme Doyer: Merci. Merci bien, M. le Président. Merci, parce que, effectivement, «perturbateur» est dans le dictionnaire. Et qu'est-ce que c'est, «perturbateur»? C'est quelqu'un qui crée la perturbation. C'est quoi, la perturbation? C'est dans le Larousse: c'est un trouble qui entraîne une altération, du dérangement et du désordre. Et voilà, M. le Président, c'est un perturbateur qui gouverne le Québec, actuellement, et si les Québécoises et les Québécois voulaient et veulent du changement, eh bien, ils sont servis. Mais, j'en suis assurée, ils n'ont pas donné un chèque en blanc à ce gouvernement pour qu'il bouleverse le Québec à ce point-là, M. le Président.

Quant aux modifications apportées par le projet de loi n° 31, à l'article 45, Loi modifiant le Code du travail, comme nous le disait Me Fernand Morin en commission parlementaire, qui a vu se dérouler, depuis les années soixante, toutes les discussions et actions dans notre législation du travail quant à cette question, il est essentiel ? et je le demande, M. le Président, au ministre ? il est essentiel de donner du temps au temps.

Et, en terminant, je vous dis, l'équilibre des forces, avec ce projet de loi, il est brisé. De grands acquis de décennies de relations de travail au Québec, qui sont inscrits dans notre législation, sont remis en question. Et, je vous dirais, dans notre culture du travail, dans ces consensus qu'on a été obligés de faire, et qu'on a faits difficilement, et qu'on a réussi à faire à travers notre histoire.

Avec les libéraux, est-ce que nous sommes revenus à cette idée que nous sommes nés pour un petit pain? On est nés pour un petit pain, hein, vous souvenez de ça. Non, nous sommes capables de progresser et de nous donner de bonnes conditions de travail au Québec. Et, comme parlementaires, nous avons comme devoir, M. le Président, de protéger, sans compromis, les plus vulnérables de nos citoyens et citoyennes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, Mme la députée. Je serais prêt à reconnaître le prochain intervenant, mais peut-être que vous me permettrez, juste avant de le faire, un petit rappel préventif du règlement, surtout à l'article 35.1°, parce qu'il y a tendance, des fois, à oublier qu'un député qui a la parole ne peut désigner le président ou un député autrement que par son titre. Ça s'applique également quand on fait des citations à l'intérieur des journaux. Donc, si vous le faites, faites l'effort de remplacer le nom de famille de la personne par son titre. Le but, c'est justement pour permettre les échanges sans personnaliser les débats. Merci.

M. le député de Richelieu.

M. Sylvain Simard

M. Simard: Merci, M. le Président. Alors, je vais tenter de me plier à votre suggestion, à votre recommandation. Il est en effet parfois difficile de citer, à l'intérieur d'un texte, le comté de la personne qui est citée. Nous savons qu'à la table il y a des spécialistes qui connaissent parfaitement le comté de chacun des membres de cette Assemblée. Nous n'avons pas toujours cette connaissance, mais je vais tenter de le faire.

M. le Président, si je prends la parole cet après-midi sur le projet de loi n° 31, c'est que je suis convaincu que le gouvernement libéral actuel est en train de réaliser l'un de ses plus mauvais... de ses plus mauvaises actions en accélérant et en tentant d'amener cette Chambre à voter rapidement ce projet de loi. Je suis convaincu d'ailleurs, et je le dis sincèrement, que, si le gouvernement avait mesuré l'ampleur de l'opposition à ce changement, s'il avait mesuré la profondeur des commentaires et la valeur des commentaires négatifs qui ont été prononcés au cours des dernières semaines sur ce projet de loi, je suis convaincu qu'il y aurait pensé davantage et qu'il aurait donné, ainsi que le disait la députée de Matapédia il y a quelques instants, du temps au temps et qu'il se serait référé à cette règle de sagesse fondamentale qu'en matière de relations de travail il est toujours nécessaire d'associer les parties à une évolution des règles de conduite du Code du travail.

Vous savez, le Code du travail, ce n'est pas simplement une décision ponctuelle sur un sujet particulier. Le Code du travail, c'est la loi qui régit le mode de relations entre les patrons et les syndiqués, entre les travailleurs et leurs patrons, entre, souvent d'ailleurs, l'État et ses propres syndiqués. Le Code du travail, c'est la loi, c'est ce qui permet à ces relations... ce qui balise la vie quotidienne dans ce milieu extrêmement important des relations industrielles.

M. le Président, je crois qu'il y a eu, qu'il y a actuellement une grave erreur à vouloir forcer une modification dans un seul sens, sans avoir impliqué toutes les parties et présenté en cette Chambre une proposition, un projet de loi équilibré. Aux avantages consentis à une partie, il y aurait fallu des restrictions, des limitations à l'usage potentiellement dangereux des articles de ce projet de loi.

Je signale en passant que le rapport Mireault, auquel on fait allusion régulièrement, ne disait pas autre chose. Le rapport Mireault était d'accord, comme le gouvernement, pour modifier l'article 45, mais, en même temps, il disait: Ça ne peut être fait que si l'on détermine quel est l'employeur unique et si l'on donne en contrepoids, en contrepartie de cette libéralisation des règles des relations de travail sur la sous-traitance, si on donne aux travailleurs la garantie que cela n'ira pas trop loin, que cela permettra de défendre leurs droits, non seulement de maintenir leur accréditation syndicale, mais de pouvoir perpétuer leurs conditions de travail, leur convention collective.

Ce gouvernement... Et tous les observateurs actuellement ? je vais en citer quelques-uns ? sont perplexes, ne comprennent pas ce qui se passe: ce gouvernement a décidé de tirer dans toutes les directions, sur des groupes de la société québécoise, avec le résultat assez catastrophique que l'on observe actuellement.

On avait prédit... on avait prévu un automne chaud, mais on ne s'attendait pas à ce qu'il soit aussi chaud, malgré la température extérieure. On avait prévu qu'un certain nombre de groupes sociaux seraient heurtés et n'accepteraient pas facilement les modifications proposées, mais on n'avait pas, je pense, imaginé à quel point tous les secteurs de la société québécoise ou presque sont actuellement affectés et en colère contre ces actions du gouvernement du Québec.

Sur le projet n° 31, et je voudrais y revenir, les commentaires en commission parlementaire ont été en général très clairs. La conclusion était presque toujours... j'y suis allé quelques jours, et, à chaque fois, ça se terminait de la même façon: M. le ministre, il n'y a qu'une chose à faire; retirez votre projet de loi.

n(15 h 30)n

À part les organisations patronales ? et on voit très bien évidemment qu'il n'y a pas de limites à la liberté qu'elles peuvent réclamer, c'est leur rôle et c'est normal ? mais tous les spécialistes, tous ceux et celles qui vivent quotidiennement les relations de travail sont venus dire au ministre: S'il vous plaît, arrêtez! Vous allez à une vitesse folle contre un mur; vous allez briser ce qui existe depuis 1963, c'est-à-dire l'équilibre du Code du travail.

Il ne faut pas penser que ces articles qui régissent la sous-traitance, qui régissent les conséquences d'une sous-traitance au Québec, il ne faut pas penser que ces articles sont arrivés là par hasard et les interprétations juridiques qui en ont été faites. On parle souvent d'un glissement jurisprudentiel. On dit que, petit à petit, l'interprétation que les tribunaux en ont donnée... ont déformé, ont transformé le sens du projet de loi. Mais qui peut dire cela, puisque c'est la Cour suprême... je pense qu'ici on peut avoir des soupçons quant aux décisions de la Cour suprême lorsqu'il s'agit de questions constitutionnelles; Dieu sait si, parfois, j'ai été critique, moi-même, à l'égard de certaines décisions. Mais, en matière d'application du droit, si on ne peut plus avoir confiance à la Cour suprême, en qui pouvons-nous avoir confiance pour interpréter le droit? Comment peut le ministre... Avec quelle prétention le ministre peut se lever et dire qu'il y a eu dérive jurisprudentielle et que maintenant ça ne signifie plus ce que ça voulait dire au départ?

Je m'excuse, mais, si on se réfère au premier texte de Louis-Philippe Pigeon lors de l'adoption de cet article 45 ou de son équivalent à l'époque, en 1963, on s'aperçoit qu'effectivement l'application actuelle reflète encore fidèlement l'esprit de ce qui avait été voulu à l'époque. Louis-Philippe Pigeon, pour ceux qui ont fait du droit, tout le monde le sait, c'est probablement le plus grand spécialiste de l'histoire du Québec quant à la rédaction législative. Non seulement il fut un grand juriste, mais il fut un grand professeur de législation. Il n'avait pas l'habitude de s'exprimer sans précision, et c'était extrêmement précis. Ce que nous dit Louis-Philippe Pigeon reste... est exactement ce qu'est devenu le sens de l'article 45. Donc, il n'y a pas eu de dérive jurisprudentielle qui aurait transformé l'esprit même de la loi au point de départ. Donc, il y a une erreur ici.

Mais revenons aux commentaires de ceux... Je ne suis pas un spécialiste de droit du travail, même si j'ai pu, à titre de président du Conseil du trésor et dans des fonctions ministérielles antérieures, devoir évidemment oeuvrer à l'intérieur des règles du Code du travail et me mêler très étroitement de négociations. Mais je me réfère à des gens qui s'y connaissent, par exemple le bâtonnier du Québec. Le Barreau, c'est une institution essentielle. Je me souviens que le député de Chomedey, qui est devant moi actuellement, le député de Chomedey qui est lui-même juriste, faisait souvent appel, en commission et en Assemblée, à l'expérience du Barreau, aux commentaires du Barreau. Quand le Barreau, lorsque nous étions au pouvoir, critiquait un projet de loi ? vous étiez sur la même commission que nous, M. le Président, vous le savez très bien ? lorsque le Barreau critiquait un projet de loi, nous en avions pour plusieurs heures de démonstration du député de Chomedey de l'absurdité à aller contre, de façon systématique, contre l'avis du Barreau.

Mais le Barreau, sur ce projet de loi, il est très critique. Me Pierre Gagnon dit que «le Barreau est d'avis que le législateur doit prendre le temps nécessaire pour revoir le libellé de ces dispositions législatives importantes». Prendre le temps nécessaire pour revoir le libellé. Et Me Marie-France Bich, du Barreau du Québec, qui est aussi venue témoigner ici, dit: «...le législateur a bien sûr tout intérêt à légiférer sans précipitation et de façon également à favoriser un consensus porteur de stabilité et de paix industrielle, deux éléments qui sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie, et sans lesquels celle-ci périclite.»

Et aussi du Barreau, dans ces témoignages extrêmement éclairants qu'ils sont venus livrer devant la commission: «Avant de passer au vote par les membres de l'Assemblée, il est important ? dit-il ? d'être le plus transparent possible et de rendre publiques les études, que ce soient des études comparatives, par exemple, si on parle de mettre à niveau, bien, qu'on les sorte, les études, qu'on les examine d'une façon ouverte et transparente. Si on dit, par exemple, que les impacts de certains amendements antérieurs sont insuffisants, bien, qu'on communique les études ou les analyses qui établissent ça et qu'on en discute.» Si Me Sauvé évidemment se plaint de l'absence de ces études, c'est qu'elles n'existent pas, ces études.

La commission a entendu pendant, je pense, 1 h 30 min un grand professeur de l'Université Laval, M. Alain Barré, professeur de droit du travail. Et le professeur Barré, j'en cite un simple extrait, mais a vraiment rendu pièce à ce projet de législation, a bien montré l'inanité des intentions du gouvernement. Il dit: «La Cour suprême a noté que le Tribunal du travail avait élaboré, depuis l'arrêt Bibeault de 1988, des critères lui permettant de déterminer de façon cohérente si une concession partielle d'entreprise a eu lieu. Le nouveau texte de loi ? dit-il ? va créer beaucoup d'incertitude et d'insécurité.» Je répète, là: «Le nouveau texte va créer beaucoup d'incertitude et d'insécurité.» C'est un grand spécialiste qui parle.

Fernand Morin ? on l'a cité tout à l'heure ? Fernand Morin, pour moi, pour ceux de ma génération, c'est sans doute l'un des grands des relations industrielles. Il a été ici, au gouvernement, il était là d'ailleurs au moment de la création, de la rédaction du Code du travail. On se souvient que c'est à l'initiative du gouvernement Lesage, en 1963, qu'on a codifié, dans un ensemble jurisprudentiel précis, le Code du travail. Eh bien, Fernand Morin, de l'Université Laval, est venu témoigner devant la commission. Il a vu l'évolution du droit du travail, il a vu l'évolution de la pratique des relations patronales-syndicales au cours des 40 dernières années, avec grande précision.

Et que dit M. le Pr Morin? «Le projet de loi n° 31, dit-il, est une secousse législative qui nous paraît intempestive et dangereuse.»«Intempestive et dangereuse». C'est à peu près les commentaires les plus violents qu'un professeur d'université comme M. Morin peut émettre en cette Chambre, «intempestive et dangereuse». «Un tel critère nous paraît très nébuleux ? je cite à l'intérieur de son témoignage ? et ne peut que rendre poreux l'application d'une telle exception et, en conséquence, provoquer de laborieux débats judiciaires.» Vous voyez, il retrouve exactement, M. Morin, ce que Me Pierre Gagnon, bâtonnier du Barreau du Québec, disait devant la commission.

Au sujet de la solide clause de protection des travailleurs ? selon le ministre ? Fernand Morin disait qu'«il serait très difficile, sinon impossible, à un syndicat de réunir les éléments de preuve nécessaires en vue de l'établissement d'une intention semblable: avoir comme principal but de nuire à l'exercice du droit d'association. C'est presque impossible à prouver, dit-il. Je ne connais pas de cas où on a pu être empêché de faire de la sous-traitance.» C'est encore plus important, ça: «Je ne connais pas de cas...» Vous parlez... le plus grand spécialiste au Québec des relations de travail dit: «Je ne connais pas de cas où on a pu être empêché de faire de la sous-traitance, pas du «cheap labor», mais de la vraie sous-traitance, de l'impartition à des entreprises spécialisées. Je ne connais pas de cas où on n'a pas pu le faire au Québec. Je ne crois pas que le projet de loi n° 31 va améliorer la question.» C'est pour ça que j'ai commencé en vous disant: Certains pensent qu'en allégeant ou en affadissant l'article 45 on va améliorer la prospérité du Québec. Ça me paraît une aberration, avec tout respect pour les opinions contraires, et je ne changerai pas d'avis.

Vous avez là le plus grand spécialiste des relations de travail au Québec et qui a... c'est un spécialiste auquel ont fait appel tous les ministres du Travail depuis les 40 dernières années. C'est à lui que Jean Cournoyer a confié des mandats importants, c'est à lui que Pierre Marois a confié des mandats importants, c'est à lui que Pierre Marc Johnson a confié des mandats importants, c'est à lui que tous les gouvernements... depuis Pierre Laporte, tous les ministres du Travail ont confié des mandats majeurs pour l'amélioration de nos lois du travail. Alors, ce spécialiste, cette autorité incontestée, je dirais, vient nous dire que ce projet de loi est tout simplement une erreur majeure, ne donnera pas de raison... ne donnera pas de résultats économiques valables, mais ne pourra que créer du «cheap labor» et non pas de l'emploi de qualité au Québec.

n(15 h 40)n

J'ai fait mention tout à l'heure de Pierre Marois. Vous savez qu'il est venu ici, devant cette commission, à titre de président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. La Commission des droits de la personne et de la jeunesse, nous serons tous d'accord dans cette Chambre, puisque son président est nommé par nous, qu'elle relève de l'Assemblée nationale, nous sommes tous d'accord pour dire que c'est l'une de nos institutions les plus importantes, chargée d'appliquer, de promouvoir notre Charte des droits et libertés. Alors, c'est très important, lorsque le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse vient en cette Chambre, son opinion doit être entendue très sérieusement. Encore là, je vous réfère à des débats que nous avons eus ensemble et à quel point nous avons toujours cherché... en tout cas, quand le parti au pouvoir avait peut-être un peu tendance à l'oublier, l'opposition lui rappelait la nécessité d'écouter avec beaucoup d'attention l'opinion de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

Eh bien, M. Marois est venu dire, de façon... est venu supplier le gouvernement d'arrêter. «Les modifications au Code du travail proposées, dit-il, par le projet de loi qui est devant nous soulèvent certaines questions quant à leur conformité avec les principes fondamentaux de la Charte des droits et libertés de la personne.» Peut-on aller plus loin? Peut-on avoir une critique plus inquiétante de ce projet de loi que celle qui émane de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui vient nous dire que certains aspects de ce projet de loi posent, soulèvent des questions quant à leur conformité avec les principes fondamentaux de la Charte des droits? «La Commission des droits de la personne estime que trois principes de la Charte pourraient avoir été atteints par le projet de loi n° 31: la liberté fondamentale d'association, le droit à des conditions de travail justes et raisonnables et le droit à l'égalité. Mais ? et c'était sa conclusion ? compte tenu du très, très court délai, trop court délai qui nous a été accordé ? et c'est le délai qui a été accordé à la société québécoise et à cette Chambre, évidemment, pour discuter, débattre de ce projet de loi, hein ? compte tenu de ce trop court délai qui nous a été accordé pour procéder à l'analyse du projet de loi, les commentaires que nous formulerons ce soir sont d'abord, disait-il, des interrogations et des mises en garde.» Et ce qu'il demandait... Je me souviens d'avoir entendu le président, en toute fin de soirée ? on l'a entendu, je pense, vers onze heures et demie ? le président de la Commission des droits de la personne supplier le ministre, supplier le gouvernement d'arrêter, de prendre un temps d'arrêt, de mettre ensemble les gens concernés et de demander à ce que l'on réfléchisse à la formulation d'un projet de loi plus respectueux des droits fondamentaux des Québécois, des droits inscrits dans la Charte des droits et libertés.

Maintenant, évidemment, beaucoup d'opposition à ce projet de loi, évidemment, des milieux syndicaux. Mais ce n'est pas... Je sais qu'en face une défense qui vient des milieux syndicaux n'est pas acceptable. Je pense qu'il y a eu une expression très souvent juste, profonde des milieux syndicaux. La CSD n'est pas un syndicat extrémiste, elle a même été créée à l'époque d'une scission avec la CSN, qui était beaucoup plus politisée. Rappelons-nous de la volonté de changer le système de la CSN dans les années soixante-dix. Bien, la CSD, syndicat beaucoup plus modéré, on l'admettra tous, est venue nous dire ici, par la bouche de son président, M. Vaudreuil: «Jamais depuis sa fondation ? jamais depuis sa fondation; c'est un homme très pondéré, M. Vaudreuil ? la CSD n'a été confrontée à un projet de loi aussi destructeur que le projet de loi n° 31. Jamais non plus, à notre connaissance, un ministre du Travail n'a proféré autant d'inexactitudes dans la présentation d'un projet de loi.»

Vous aurez compris, M. le Président, qu'il ne faut pas s'étonner, dès lors, de lire dans tous les médias, tous les jours, des attaques extrêmement violentes à l'égard et du projet de loi et de l'ensemble des politiques libérales actuellement: Toutes portes ouvertes vers la sous-traitance, titre Le Devoir, Toutes portes ouvertes vers la sous-traitance, L'écart diminue nettement entre l'Ontario et le Québec. M. le Président, dans tous les articles de journaux que j'ai pu feuilleter... 20 000 syndiqués de la CSN ont manifesté samedi contre les politiques libérales. Il faisait un temps absolument incroyable, une tempête comme on n'en avait pas vue cette année, et 20 000 personnes sont venues ici, devant cette Chambre, nous rappeler à quel point cette loi affecte directement les travailleurs.

M. le Président, je vais vous dire que, sans mettre de l'huile sur le feu, l'opposition ? et vous avez entendu le brillant plaidoyer du député des Îles-de-la-Madeleine et critique officiel en matière de travail tout à l'heure ? l'opposition, jusqu'à la dernière minute, je dirais jusqu'à ce qu'elle... jusqu'à ce que toutes ses forces l'aient lâchée, va s'opposer par tous les moyens légaux, parlementaires à l'adoption de ce projet de loi, pas par désir de partisans de bloquer les travaux de la Chambre, pour rappeler à cette Chambre que nous ne sommes pas uniquement ici au service des intérêts partisans d'un groupe ou des intérêts du Conseil du patronat, mais que nous sommes ici au service de l'ensemble des citoyens du Québec et que le projet de loi, tel qu'il a été proposé par ce gouvernement et le ministre du Travail, le projet de loi n° 31, va, sur tous les plans, à l'encontre des intérêts des Québécois. Et, M. le Président, j'invite cette Chambre à repousser ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Sirros): Alors, merci, M. le député. Le prochain intervenant serait la députée de Prévost.

Mme Lucie Papineau

Mme Papineau: Je vous remercie, M. le Président. M. le Président, je veux intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 31 dont le titre est: Modifications apportées à l'article 45.

Qu'est-ce que c'est au juste, l'article 45? Dans le Code, c'est décrit, l'article 45 du Code du travail fait en sorte que la vente, l'aliénation ou la cession totale ou partielle d'une entreprise n'invalide aucune accréditation syndicale et lie le nouvel employeur à cette accréditation et à la convention collective qui en découle. Cet article est simple. Il vise à empêcher un propriétaire sans scrupules de se débarrasser d'un syndicat en créant de toutes pièces une entreprise pour contourner l'accréditation. Le regroupement de défense des travailleurs est donc obligatoirement reconduit dans une nouvelle entreprise et la durée de la convention est maintenue, point à la ligne.

M. le Président, en me levant ici aujourd'hui pour parler de relations de travail, ça me rappelle de très bons souvenirs, parce que dans une autre vie, avant d'entrer en politique, je travaillais avec mon mari, décédé aujourd'hui, dans son entreprise qui s'appelait les Consultants Jéroboam. Nous étions les porte-parole de la partie patronale de certaines grandes entreprises du Québec et de certaines PME et on les représentait lors d'arbitrages, de griefs et aussi de négociation de conventions collectives.

Il y avait une prémisse à laquelle Robert ne voulait jamais déroger, et c'était le respect de la partie adverse. Il disait que dans une négociation il y a toujours deux parties et que le respect doit s'établir entre les parties si l'on veut en arriver à un règlement satisfaisant pour les deux parties. Le respect, M. le Président, ça veut dire le dialogue, établir des pourparlers avec la partie adverse. Et il me disait: Lucie, si tu veux réussir une négociation, il faut mettre la partie adverse dans le coup, il faut prendre le temps, tout le temps nécessaire pour un bon règlement, lui dire, à la partie adverse, les vraies choses puis en discuter avec elle. Ah! c'est certain que ça prend du temps. On ne fait pas ça en 20 minutes. Et, justement, quand on respecte quelqu'un et que l'on veut effectuer un changement dans la vie des travailleurs et travailleuses du Québec, on doit prendre le temps. En 22 ans, M. le Président, nous n'avons eu que deux grèves de quelques jours seulement.

Si le gouvernement actuel avait pris le temps de s'asseoir avec le mouvement syndical, si on avait montré un peu plus de respect à l'égard des travailleurs et travailleuses du Québec, on n'en serait pas à ce genre de batailles de rue que je déplore fortement. Mais le dialogue, le vrai, est absent en ce qui a trait à ce projet de loi.

Le premier ministre dit que son gouvernement n'est pas contre le monde syndical et qu'il écoute attentivement ce que les syndicats ont à lui dire à l'occasion de commissions parlementaires. 20 minutes, M. le Président, 20 petites minutes, ce n'est pas assez pour un changement majeur. Lorsque le premier ministre a lancé son appel au calme, il aurait dû saisir l'occasion et démontrer sa bonne volonté de façon à ce qu'on passe du mode confrontation au mode concertation. Pourquoi, M. le Président, ne pas prendre le temps nécessaire, le temps qu'il faut pour une discussion franche avec le mouvement syndical? Comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas une affaire de 20 minutes. Pourquoi aller si vite? Qu'est-ce qui presse tant? Qu'est-ce que le fait d'amender l'article 45 ce mois-ci va aider aux malades, aux patients? Parce qu'on sait que ce projet de loi atteint beaucoup les travailleurs et les travailleuses en santé.

n(15 h 50)n

Qu'il me soit permis de rappeler que le Parti québécois avait apporté des modifications à l'article 45 en 2001. Ces modifications font en sorte que l'employeur est maintenant tenu d'aviser le syndicat lors d'une cession d'entreprise et que ce dernier doit alors demander à la Commission des relations de travail l'applicabilité de l'article 45. De plus, la convention collective transmise au nouvel employeur expire après 12 mois, forçant ainsi les parties à renégocier les conditions de travail. Il est aussi possible, M. le Président, que les parties s'entendent afin de s'exclure de l'application de l'article 45, si telle est la volonté des deux parties.

Pour en arriver à ces modifications, le gouvernement du Parti québécois, en 2000, avait déposé un document qui définissait clairement nos orientations sur les axes possibles de révision du Code du travail. Des consultations avaient eu lieu au début de 2001 et d'autres consultations avaient eu lieu avant, lors du dépôt du projet de loi. On avait pris notre temps, M. le Président. Un respect mutuel s'était établi entre les parties, et on s'était entendus. Vous voyez qu'il avait raison, mon Robert.

À ce que je sache, il n'existe aucune étude récente indiquant quelque problème que ce soit avec l'article 45 dans sa forme actuelle. Le gouvernement du Parti libéral a le fardeau de la preuve de convaincre la population des bien-fondés des modifications qu'il veut apporter. Oui, M. le Président, nous, au Parti québécois, n'avions pas concocté ces modifications derrière les portes closes, mais bien avec tous ceux concernés par le projet de loi. Quand un projet de loi tel que celui que nous avons devant nous a des impacts majeurs sur la vie des travailleurs et des travailleuses du Québec, un projet de loi qui pourrait les appauvrir, il y a de la décence au moins de leur en parler plus que 20 minutes. Rarement, M. le Président, un projet de loi aura-t-il soulevé autant d'indignation. Vouloir soustraire une majorité de travailleurs et de travailleuses à la protection de l'article 45, c'est condamner des centaines de milliers d'hommes et de femmes à ne plus gagner dignement leur vie, c'est les laisser sur le carreau sans syndicat, sans voix pour faire valoir leurs droits. C'est en quelque sorte amener plusieurs de ces personnes à perdre leurs emplois.

Dans Le Journal de Québec, Michel Auger estime que le gouvernement actuel n'a aucunement fait la preuve qu'il est nécessaire et même utile de modifier l'article 45, pas plus qu'il n'a même tenté de démontrer que ces modifications permettront autre chose qu'appauvrissement pur et simple de certaines catégories de travailleurs. Mais le gouvernement actuel a peur de dire la vérité à ces travailleurs et travailleuses. Il a peur de leur dire que ce projet de loi fait en sorte que le transfert vers le sous-traitant d'un droit d'exploitation sans transfert de la plupart des autres éléments caractéristiques de l'entreprise n'entraîne plus l'application de l'article 45. Le projet de loi n° 31 va entraîner devant les tribunaux des contestations à savoir quelle est la valeur et la quantité de la plupart des autres éléments caractéristiques de l'entreprise. Et, dans ces cas-là, quelle est la conséquence pour les travailleurs et les travailleuses du Québec? Perte de syndicats, perte d'occasions de transfert, adieu, bien sûr, aux conditions décentes de travail.

Il a peur également de leur dire que l'article 45 s'applique, l'accréditation syndicale suit le nouvel employeur mais, M. le Président, pas la convention collective qui est réputée expirer au moment de la cession. Actuellement, la convention suit pour 12 mois. Également, ce projet de loi fait sauter l'avis que devait fournir l'employeur avant d'effectuer une concession, réintègre l'application automatique de l'article 45 en éliminant l'obligation pour le syndicat de demander à la Commission des relations de travail de déterminer l'application de l'article 45. En fait, M. le Président, et on n'osera jamais le dire l'autre côté de la Chambre, c'est qu'on veut faire des économies avec la sous-traitance et qu'il n'y a aucune preuve que ça ne se fera pas sur le dos des travailleurs et de leurs conditions de travail.

Les intentions du nouveau gouvernement, c'est de la musique aux oreilles du monde patronal, depuis le temps que le patronat peste contre l'article 45, mais les travailleurs et les travailleuses ne le prennent pas parce que c'est une brèche aussi importante qu'inacceptable dans les acquis, dont la sécurité d'emploi, d'une perte de postes de travail doublée d'une rémunération inférieure par le personnel du sous-traitant.

Je vous l'ai dit et je vous le redis, M. le Président, ce projet de loi appauvrit les travailleurs et les travailleuses du Québec. Avec ce projet de loi, le gouvernement se fera le complice du «cheap labor» à chaque fois qu'il économisera sur le dos des travailleurs, advenant que les sous-traitants ne paient que le salaire minimum ou à peu près. On voit bien ce qui s'en vient: ça nous ramènera avec de la main-d'oeuvre bon marché, «cheap labor», et les conditions sociales diminueront, et cela, M. le Président, aura un impact sur toute la société.

Regardez maintenant ce qu'on fait avec le décret sur l'industrie du vêtement. Les gens d'en face ont décidé de ne pas reconduire les conditions de travail des travailleuses et travailleurs de l'industrie du vêtement, et, comme femme et comme porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration, je suis très inquiète, car l'on sait très bien, M. le Président, que l'on retrouve beaucoup de femmes issues de l'immigration dans ce secteur. Que va-t-il leur arriver?

Actuellement, nous avions une paix sociale au Québec, et cette paix, actuellement, est en danger. On le voit bien avec ce qui se passe. En Chambre, ce matin, le chef de l'opposition officielle s'est levé pour demander au premier ministre qu'est-ce qu'il pouvait faire justement pour ramener le calme. Pas grand-chose. On se pose la question: Veut-il vraiment le ramener, ce calme?

Avec une application très exceptionnelle de l'article 45 aux cas de sous-traitance, les clauses de limitation, voire l'interdiction de la sous-traitance deviendront l'enjeu de rapports de force entre les parties. Dans les milieux de travail où ces clauses n'existent pas, des conflits majeurs surgiront dont l'enjeu sera le maintien du lien d'emploi.

Est-ce que le gouvernement a seulement une petite idée de l'incertitude qui frappera les milieux de travail quand les salariés réaliseront que leur employeur refuse de négocier une clause de limitation de la sous-traitance? Ne seront-ils pas amenés à penser que c'est parce que l'employeur justement peut se lancer dans la sous-traitance tous azimuts et que leur emploi ne tient plus qu'à un fil? Dans ces conditions, dans ces situations, les conditions de travail des salariés se détérioreront, des salariés insatisfaits seront mis à la porte alors que les autres n'auront d'autre choix que d'accepter les conditions dictées par le sous-traitant, puisqu'il n'y aura plus d'agent négociateur.

n(16 heures)n

D'autre part, dans les rares cas où l'article 45 pourra être appliqué, c'est-à-dire quand il y aura transfert de l'accréditation et de la convention collective, dès le premier jour de la prise d'effet de la concession, les parties devront renégocier leurs conditions de travail. Cette situation placera les salariés en position intenable, car, dès le premier jour, les parties seront précipitées dans un conflit dont l'objet sera justement le maintien des conditions de travail dont on veut pourtant abaisser substantiellement la barre par la transmission d'entreprises. Ce gouvernement, M. le Président, cultive la confrontation avec tous les travailleurs et les travailleuses du Québec.

Il est important de noter, M. le Président, qu'une plus grande proportion d'entreprises qu'ailleurs au Canada sont nées d'un premier contrat d'un donneur d'ouvrage: 57,8 % contre 43,9 % pour l'ensemble du Canada. On estime que ces entreprises n'auraient pas vu le jour ? ou survivre ? sans sous-traitance... qu'ailleurs au Canada: 71,5 % contre 65 %. Près de 40 % du chiffre d'affaires des PME au Québec provient de la sous-traitance, une part plus élevée que dans le reste du Canada où il est établi à 33 %. On estime que la part du chiffre d'affaires réalisée en sous-traitance s'est accrue au cours des trois années précédentes. Il est aussi reconnu que les contrats réalisés par les entreprises québécoises leur sont donnés très majoritairement par d'autres entreprises québécoises, en plein terrain d'application de l'article 45. Si l'article 45 était l'empêcheur de tourner en rond, comme certains le prétendent, on se serait attendu à ce que les entreprises du Québec se tournent vers l'étranger pour y donner des sous-contrats.

Ce qui est intéressant pour le Québec, M. le Président, c'est de se réclamer d'une vision moderne de l'économie; ce n'est pas le «cheap labor», ce n'est pas le nivellement par le bas. La productivité, dans un société moderne, c'est: recherche-développement, formation professionnelle et c'est le développement des régions. Bref, c'est tout autre chose que la chanson qu'on entend, assez inadmissible, de travailler systématiquement à appauvrir les travailleurs et les travailleuses du Québec et à se refuser, au nom d'une prétendue création de la richesse... à vouloir refuser de la partager en s'attaquant notamment au droit à la syndicalisation. En termes d'économie, l'enjeu des prochaines années, au Québec, c'est le vieillissement de la main-d'oeuvre, c'est des centaines de milliers d'emplois qui vont être vacants. Alors, qu'a-t-on besoin de rechercher du «cheap labor»?

Je termine, M. le Président, en citant Michel Venne: «Ce gouvernement-là nie la société. Au lieu de favoriser le lien social, de lisser les relations entre les citoyens, il exacerbe les tensions, tue le goût de développer. Son idéologie, qui réduit l'État à un Wal-Mart des services publics dont le seul slogan est Le plus bas prix possible ? en anglais: le plus cheap ? a prouvé partout dans le monde ses déficiences. Pourtant, lui qui prétendait être pragmatique s'entête à l'appliquer. Il appelle ça du courage; appelons cela de l'aveuglement dont nous paierons tous le prix.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, Mme la députée. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, qui serait M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. M. le député.

M. Marc Picard

M. Picard: Merci, M. le Président. Dans le cadre de l'adoption de principe de ce projet de loi, j'aimerais d'abord vous faire part de la position que ma formation politique a toujours eue à l'égard de la révision de l'article 45. L'Action démocratique du Québec a toujours été favorable à une révision de cet article, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, parce que, depuis plusieurs années, s'est établie une incertitude coûteuse sur l'interprétation de l'article 45 quant à la sous-traitance. Coûteuse pour les entreprises, mais aussi coûteuse pour le secteur public, comme les municipalités. Dans les faits, les tribunaux ont à plusieurs reprises appliqué l'article 45 à la cession, pour un employeur, d'une partie de ses fonctions à un sous-entrepreneur sans cession de d'autres éléments d'actif ou d'autres moyens de production. L'objectif premier du législateur ne visait pas la sous-traitance, mais visait plutôt de mettre fin aux manoeuvres déloyales de certains employeurs.

Deuxièmement, nous sommes favorables à une révision de cet article parce que nous croyons que cette mesure permettra au Québec d'harmoniser le cadre légal, en matière de maintien de l'accréditation, avec les autres membres de l'espace économique nord-américain.

Troisièmement, nous croyons qu'une révision de cet article permettrait une amélioration de la compétitivité des entreprises québécoises dans le contexte nord-américain. Ultimement, nous considérons que cela aiderait le développement économique du Québec.

Pour terminer, M. le Président, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 31, nous sommes prêts à étudier la possibilité de modifier l'article 45. Cependant, je peux vous assurer que nous allons demeurer attentifs à l'intérêt des Québécois et des Québécoises dans ce débat. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Sirros): Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Alors, la parole est maintenant au député de Bertrand. M. le député.

M. Claude Cousineau

M. Cousineau: Merci, M. le Président. M. le Président, le ministre du Travail a déposé le projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. C'est un petit projet de loi de quelques articles seulement ? 11, pour être plus précis ? mais combien important au niveau de sa portée, de ses conséquences sur bon nombre de travailleurs et de travailleuses du Québec.

Ce projet de loi, M. le Président, vise principalement l'article 45 du Code du travail, et, s'il est adopté tel quel, il risque de provoquer une détérioration des relations de travail au Québec. Est-il vraiment nécessaire à ce moment-ci de réouvrir cet article? Est-il utile de le faire? Quelle commande le ministre a-t-il reçue du Conseil du patronat? Cette ouverture va sans doute accroître l'insécurité des petits travailleurs et travailleuses qui risquent d'aller grossir les rangs de ceux qui ont un emploi atypique, au statut précaire et vulnérable. Où est l'urgence? Pourquoi s'en prendre à ceux et celles qui sont parmi les salariés qui ont les plus bas salaires de notre société et ceux et celles qui forment la classe moyenne en grande partie?

M. le Président, normalement, on devrait s'attendre à ce que le gouvernement pose des actions en relations de travail qui visent à maintenir un équilibre de force entre patrons et travailleurs syndiqués, tout en ayant en toile de fond l'intérêt public. Cet équilibre, M. le Président, est un gage de succès et de garantie de paix sociale. Le ministre aurait eu avantage à revoir certaines dispositions de la loi sur les services essentiels pour permettre une plus grande sécurité à la population, pour sécuriser les plus vulnérables, les plus dépendants des services publics, comme le transport en commun. Je suis certain que les patrons et les représentants syndicaux auraient collaboré sans ménage et se seraient employés à rafraîchir ces dispositions qui sont, dans beaucoup de cas, à revoir et à actualiser.

M. le Président, le ministre cherche la confrontation, avec son projet de loi n° 31. Plutôt que d'être constructif en impliquant les décideurs sur des projets qui visent la protection des Québécois et des Québécoises, il fragilise des acquis et hypothèque l'avenir des familles en semant l'insécurité et le doute. M. le Président, le projet de loi n° 31 constitue l'une des pièces maîtresses du casse-tête de la réingénierie du gouvernement libéral. Il met en place les mécanismes, les paramètres favorisant la prise de contrôle petit à petit, par l'entreprise privée, de services jusqu'ici dispensés par l'État.

M. le Président, lorsque nous regardons de près l'ensemble des projets de loi déposés cet automne et dont nous faisons présentement l'étude, on fait rapidement le lien entre eux et on s'aperçoit que tout converge vers un affaiblissement de l'État en faveur de l'entreprise privée. La responsabilité de l'État à l'égard du bien commun est sacrifiée sur l'autel de la réingénierie, pour la plus grande joie des investisseurs et de l'entreprise privée. M. le Président, ce qui choque, ce qui ébranle, c'est que ces changements se font en catimini dans les officines privées, sans débat réel à l'Assemblée nationale, surtout sans débat public, teintés d'un mépris de la démocratie, une réingénierie axée sur l'individualisme et les gains pour une minorité versus le bien commun et la solidarité.

n(16 h 10)n

M. le Président, l'article 45 du Code du travail, que vient modifier le projet de loi n° 31, est actuellement libellé et interprété sans qu'il ne pose problème. Il n'est pas un frein au développement de l'économie québécoise, il ne nuit pas, dans sa présentation actuelle, au développement et à l'évolution des entreprises. Alors, pourquoi vouloir rouvrir cet article si ce n'est que d'affaiblir les travailleurs et les travailleuses, les placer en état de vulnérabilité? Cet article, M. le Président, ne fait que protéger des conditions de travail librement négociées, alors que le but de la sous-traitance est de réaliser des économies sur le dos des travailleurs et des travailleuses. Ce projet de loi, M. le Président, touche durement dans ce contexte des femmes, des femmes du Québec.

Vous connaissez l'histoire du soldat dans un régiment qui n'a pas le même pas que les autres, il pense être le seul à être correct. C'est comme le ministre du Travail. Il pense avoir raison, et les milliers de travailleurs et de travailleuses qui manifestent devant le parlement, à Québec, sont dans l'erreur: les 7 000 personnes de mercredi dernier, les 20 000 personnes de samedi sont complètement déphasées, elles n'ont aucune raison de manifester. Ce que le ministre fait avec le projet de loi n° 31, M. le Président, est pour leur bien. Ça ne changera rien à leurs conditions de travail; au contraire, ça créera même des emplois supplémentaires. Alors, expliquez-moi, M. le Président, pourquoi ces milliers de personnes manifestent, et, parallèlement, le Conseil du patronat se pète les bretelles, se bidonne? Il y a sûrement un problème et il est majeur. Le ministre a décidé de prendre le taureau par les cornes. Il s'est dit: Vous allez voir. Avec moi, je vais mettre les syndicats au pas et les travailleurs. Moi, je vais rouvrir l'article 45; moi, je vais être celui qui n'a pas froid aux yeux. Tel un petit général, le ministre dicte sa volonté, même au détriment de la paix sociale.

M. le Président, l'étude portant sur les activités de sous-traitance chez les entreprises canadiennes démontre très bien qu'il n'y avait pas péril en la demeure au Québec. Certains résultats sont pour le moins contradictoires. Par exemple, deux fois plus d'entreprises du Québec sont totalement satisfaites de la législation actuelle qu'en Ontario. Cette étude montre qu'il se fait déjà beaucoup de sous-traitance. M. le Président, la sous-traitance est un phénomène très important. Il faut éviter, par un alourdissement de la législation, comme le fait le ministre avec son projet de loi n° 31, d'affaiblir la confiance et les relations de travail entre patrons et syndicats.

M. le Président, le gouvernement libéral procède à la hâte, sans consultation véritable. Il se prépare à bâillonner les parlementaires. Il confronte les syndicats. Le ministre a une attitude autoritaire, voire même dictatoriale, lorsqu'il dit qu'il ne changera pas de virgule, rien de plus... il ne changera pas aucune virgule. Malheureusement, M. le Président, des cas accablants de sous-traitance sauvage pourront désormais se faire en toute impunité, sacrifiant des travailleurs et des travailleuses, bafouant leurs droits en les appauvrissant.

Rappelons que Bombardier, en recourant à la sous-traitance pour son service de cafétéria, a fait passer les salaires des employés de 19,25 $ à 7,75 $, un véritable scandale. En plus de fragiliser les revenus de ces travailleurs, l'entreprise entraîne et condamne des familles à la pauvreté. Pendant ce temps, les hauts dirigeants se promènent en limousine et en jet privé.

M. le Président, le libellé du projet de loi n° 31 est extrêmement ambigu; beaucoup d'articles portent à interprétation. Les avocats pourront débattre longtemps, par exemple, de l'article 2 qui dit: «la plupart des autres éléments caractéristiques de[...] ? l' ? entreprise». Comment doit-on interpréter cette phrase très ambiguë?

Depuis 2001, l'applicabilité de l'article 45 était très claire, et la Commission des relations du travail rendait facilement des décisions à cet effet. Mais, avec le projet de loi n° 31, les guerres juridiques basées sur des interprétations opposées sont ouvertes.

Dans les cas où l'article 45 s'appliquera, les syndicats devront dorénavant renégocier leurs conventions collectives avec l'épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes, dans un climat difficile, avec, il faut malheureusement le dire, des arrêts de travail, des journées d'étude, des grèves et, possiblement, du côté patronal, des lock-out. M. le Président, le ministre aurait eu intérêt à s'asseoir avec ses partenaires, patrons et représentants syndicaux, afin de trouver sereinement, dans un climat de respect, des solutions novatrices pour accroître la productivité des travailleurs et des travailleuses du Québec. Tous en seraient sortis gagnants.

M. le Président, le gouvernement libéral, avec le projet de loi n° 31 modifiant le Code du travail, le projet de loi n° 34, loi créant le ministère du Développement économique et régional et créant les CRE, les conférences régionales des élus, le projet de loi n° 32, qui touche les centres de la petite enfance, le projet de loi n° 25 en santé, le projet de loi n° 9 sur les défusions, est en train de transformer le Québec en une simple province.

M. le Président, prenons le cas d'une petite entreprise d'une trentaine de travailleurs et de travailleuses qui change de main. La convention collective sera à renégocier le lendemain, et toutes les positions seront à revoir et à rediscuter avec le nouvel employeur. Avec les anciennes dispositions, la convention collective était reconduite pour au moins un an, ce qui permettait aux parties d'avoir amplement de temps pour s'ajuster dans un climat de négociation calme et serein, toujours avec comme toile de fond la paix sociale.

Avec le projet de loi n° 31, M. le Président, il sera maintenant possible que des employés soient transférés, avec d'importantes pertes de salaire, en hypothéquant leur niveau de vie, à un sous-traitant qui voudra offrir les plus bas salaires possible. Il sera désormais difficile pour ces salariés de retrouver leurs conditions de travail et leurs accréditations syndicales. Malheureusement, M. le Président, comme je le disais auparavant, les employés qui perdront leurs conventions collectives, plus souvent qu'autrement, verront leurs salaires revus à la baisse ainsi que leurs conditions de travail.

Il est vrai que certaines catégories d'emploi ne souffriront pas outre mesure de la sous-traitance. On pense, entre autres, aux professionnels, comme les ingénieurs, les techniciens spécialisés, les informaticiens. Ceux et celles qui souffriront sont les petits salariés: services de buanderie, d'entretien ménager, de gardiennage, de cafétéria, des hommes et des femmes, des jeunes et des immigrants à majorité. Une ombre majeure au tableau, au projet de loi n° 31: il sera désormais possible d'utiliser la sous-traitance de manière détournée pour se soustraire à l'application de la Loi sur l'équité salariale, loi pourtant votée unanimement à l'Assemblée nationale, loi amenée par le gouvernement du Parti québécois, une loi réclamée depuis de nombreuses années par les Québécois et les Québécoises.

M. le Président, le projet de loi n° 31 créera des situations absurdes et largement discutables. Par exemple, le sous-traitant devra s'assurer de ne pas engager les employés ou encore de ne pas utiliser son matériel s'il ne veut pas risquer de voir l'accréditation syndicale suivre. On verra, M. le Président, du matériel au recyclage et des travailleurs et des travailleuses au chômage. Il est clair que le gouvernement libéral veut faire des économies sur le dos des salariés, les plus susceptibles d'être confiés sans condition à la sous-traitance.

Beaucoup de questions se posent: quel sera l'impact du projet de loi n° 31 sur les relations de travail? quel sera son impact économique? Les études sont très contradictoires à ce sujet. Quelles sont les véritables intentions du gouvernement? À qui le ministre veut-il plaire? Les syndicats sont farouchement opposés et exigent son retrait. Ils demandent plus de consultations, ils implorent le ministre à prendre son temps, à retourner à sa table de travail en y conviant ses partenaires, comme l'ont toujours fait les gouvernements antérieurs lorsqu'il a été question de relations de travail au Québec.

n(16 h 20)n

Le ministre devrait revoir les positions de Robert Bourassa, ancien chef libéral, qui, lui, se faisait un devoir d'écouter les citoyens et les citoyennes avec l'objectif premier: la paix sociale.

Les représentants du Barreau demandent au ministre, M. le Président, de prendre son temps parce que le projet de loi n° 31 soulève de nombreuses questions d'interprétation et d'application. En général, M. le Président, à l'exception des représentants patronaux, qui en tirent leur profit, il faut bien le préciser, les opinions des autres intervenants vont de «acceptable si, et seulement si, des amendements importants y sont introduits ? je le dis bien, "amendements importants introduits" ? au projet de loi n° 31» à «tout à fait inacceptable».

M. le Président, nous, de l'opposition officielle, n'endosserons jamais des actes de violence et de débordement qui se traduisent par du vandalisme. Mais le droit de manifester librement fait partie de notre démocratie. Les milliers de manifestants, face au Parlement, la semaine dernière, ont des raisons majeures de vouloir se faire entendre et de dire à ce gouvernement qu'ils refusent ce virage à droite dangereux, effectué par un gouvernement libéral à cabinet hautement conservateur non progressiste.

Les projets de loi nos 31, 34, 32, 25 et 30, ainsi que le 9 sur les défusions, sont des atteintes à nos droits collectifs. Ils tassent du revers de la main les acquis sociaux chèrement gagnés durant les 40 dernières années.

M. le Président, le premier ministre fait appel au calme. Il s'aperçoit que ses orientations ne passent pas au niveau du peuple. Les citoyens et les citoyennes du Québec, après sept mois de gouvernement libéral, en ont ras-le-bol. Ils sont déçus et anxieux. Ils voient l'héritage des acquis s'effriter au profit du secteur privé.

Voici, M. le Président, quelques citations qui portent à réfléchir, qui devraient amener les libéraux à réajuster leur tir. Pierre Gagnon, bâtonnier du Québec, disait ? ça sous-tend ce que je disais tantôt: «Le Barreau est d'avis que le législateur doit prendre le temps nécessaire pour revoir le libellé de ces dispositions législatives importantes.» Prendre le temps nécessaire.

Marie-France Bich, du Barreau du Québec: «Le législateur a bien sûr tout intérêt à légiférer sans précipitation et de façon également à favoriser un consensus porteur de stabilité et de paix industrielle, deux éléments qui sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie et sans lesquels celle-ci périclite.»

M. Marc Sauvé, encore du Barreau: Afin de passer au vote par les membres de l'Assemblée nationale... «Avant de passer au vote, il est important, je crois, d'être le plus transparent possible et de rendre publiques les études, que ce soient des études comparatives, par exemple. Si on parle de mettre à niveau, eh bien, qu'on les sorte, ces études, qu'on les examine d'une façon ouverte et transparente. Si on dit, par exemple, que les impacts de certains amendements antérieurs sont insuffisants, bien, qu'on communique les études ou les analyses qui établissent ça et qu'on en discute. Il faut prendre notre temps.»

Tout le monde le dit, présentement, le ministre est allé trop rapidement. Il faudrait qu'il retourne à sa table de travail, il faudrait qu'il convoque ses partenaires pour faire en sorte de revoir l'ensemble des dispositions du projet de loi n° 31.

D'autres exemples. De M. Bernatchez, professeur en relations industrielles: «Nous avons fait ressortir, implicitement du moins, le caractère prématuré d'une action législative qui ne rechercherait pas suffisamment l'ensemble des informations pertinentes.» Alors, encore ici, on dit que c'est trop précipité, c'est trop rapide, ça manque d'informations, ça manque d'études.

Évidemment, les syndicats, que ce soit la FTQ, le SFPQ, le CSD, ça va dans le même sens; les gens disent qu'ils n'ont pas été consultés suffisamment et puis que c'est une atteinte à leurs droits.

Claude Le Corre: «Pourquoi le gouvernement intervient-il maintenant avec le projet de loi n° 31? Pourquoi? Il suffit de découvrir qui est l'employeur le plus paralysé par cette interprétation de la sous-traitance. L'entreprise visée par ce carcan est nécessairement un donneur d'ouvrage dont le personnel est syndiqué et qui veut réduire ses coûts pour être plus performant en sous-traitant, ce qui n'est pas essentiel à son entreprise. Or, le grand employeur syndiqué au Québec, c'est le gouvernement.»

Voici, M. le Président, quelques autres citations. Évidemment, si on parcourt les journaux, on voit très bien que, dans La Presse, avec André Pratte, c'est un peu la même chose; Brigitte Breton, dans Le Soleil. Dans Le Journal de Québec, Michel Auger estime que le gouvernement Charest... excusez, que le gouvernement du Parti libéral n'a aucunement fait la preuve qu'il est nécessaire de réouvrir l'article 45. C'est ce qu'on disait au ministre. J'en ai d'autres, mais évidemment il ne me reste pratiquement plus de temps.

En terminant, vous comprendrez, M. le Président, que je demande au ministre de retirer purement et simplement son projet de loi n° 31, parce qu'il est contre-productif, qu'il heurte les travailleurs et les travailleuses du Québec. Le ministre ne nous a pas fait la preuve du bien-fondé de cette législation. Il n'a fait que soulever l'indignation, la frustration de beaucoup d'intervenants et de partenaires. Il provoque et met en danger la paix sociale au Québec. Je voterai, M. le Président, contre le projet de loi n° 31.

Le Vice-Président (M. Sirros): ...M. le député. Le prochain intervenant sera la députée de Marie-Victorin. Mme la députée.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Donc, à mon tour, il me fait plaisir de parler sur le projet n° 31 parce que, effectivement, c'est un projet qui est tout de même un projet de loi très important. Il met en évidence les relations de travail ici, au Québec, et qui ont eu une paix relativement sociale à cause de notre Code du travail qui fait qu'en sorte les gens ont appris à se faire confiance mutuellement, que ce soit du côté patronal ou du côté syndical, pour favoriser, en fait, des conditions de travail de l'ensemble des gens du Québec qui sont dans le domaine du travail et qui sont liés par une convention collective, avoir comme objectif une équité, et aussi d'avoir des salaires décents et une qualité de vie qui leur fait permettre de pouvoir contribuer dans notre société à part entière, et d'avoir un rôle, aussi, intéressant, et de pouvoir se développer dans un milieu de travail qui répond à un environnement des plus agréables.

M. le Président, aujourd'hui, nous sommes obligés de constater que le gouvernement est très pressé de faire passer ses projets de loi et que, pour lui, en fait, son objectif, c'est de pelleter en avant les irritants que puissent apporter les projets de loi, et notamment celui de la loi n° 31, qui met en cause cette paix sociale importante dans une société et qui favorise aussi l'harmonie entre le monde patronal et le monde des travailleurs.

Et j'aurais pensé qu'un gouvernement qui se disait prêt, qui était à l'écoute des citoyens, ce serait donné le temps nécessaire pour faire toute la lumière sur les conséquences des modifications du Code du travail, surtout en ce qui touche cet article, l'article 45, qui s'applique dans le Code du travail, qui a fait ses preuves, M. le Président, et qui permettait à certains moments de pouvoir aussi aller vers la sous-traitance.

Et actuellement on essaie d'accréditer, dans la pensée populaire, on essaie d'accréditer, au niveau de l'ensemble de la population, qu'il y a urgence actuellement au Québec en ce qui concerne cette modification de l'article 45 du Code du travail parce que l'économie va se porter plus mal si on ne légifère pas dans le sens de la loi 45. C'est réellement tordu comme approche parce que tout prouve à l'heure actuelle que l'économie au Québec, à cause d'un gouvernement antérieur, qui était notre gouvernement, a favorisé l'éclosion et les développements de l'économie, et surtout la nouvelle économie, et qui a permis aussi de donner à des travailleurs accès à des salaires qui sont assez intéressants et qui leur permettent aussi de pouvoir tendre vers une forme d'équité salariale en ce qui concerne l'ensemble des femmes du Québec qui sont dans des milieux de travail qui normalement auraient eu de la difficulté.

n(16 h 30)n

Donc, je crois que, effectivement, quand un gouvernement considère que c'est le seul qui a le pas, et qui a décidé d'atteindre ses objectifs au niveau de sa plateforme électorale, et que les conséquences, quant à lui, ne lui pèsent guère, ce qui est important, c'est de dire que, dans les premiers mois de leur mandat, ils ont réussi, en fait, à satisfaire les exigences du monde patronal...

Alors, M. le Président, j'aimerais vous faire part aussi des arguments de ce gouvernement en faveur du projet de loi n° 31. Donc, il nous dit, en fin de compte, qu'on est les seuls au Québec qui ne favorisent pas la sous-traitance. Il nous compare souvent aussi à l'Ontario. Mais il faut dire, M. le Président, que, l'Ontario, à l'heure actuelle, on ne peut pas nous comparer avec l'Ontario tout à fait. Nous avons aussi notre culture qui est propre, de nos relations de travail, et je pense que, malgré tout, quand on s'assoit avec les dirigeants syndicaux et qu'on élabore certaines stratégies ou certains objectifs, on finit par s'entendre. Il peut y avoir des grèves, oui, parce que c'est reconnu dans notre société et c'est reconnu dans le monde du travail et dans le Code du travail, mais aussi il y a des normes et il y a des choses à respecter. Et, notamment, ce qui est à respecter, c'est la syndicalisation et la reconnaissance de l'accréditation syndicale d'un syndicat.

Est-ce que la loi 45... Avec la loi 45, est-ce qu'on peut considérer que, maintenant, en ce qui concerne les accréditations, au niveau du droit d'exploitation, on va favoriser réellement l'éclosion de nouvelles entreprises, qu'on va favoriser l'économie et que nos travailleurs ne vont s'en porter que mieux, et qu'ils auront de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires? J'en doute, M. le Président, parce que le projet de loi fera en sorte que les employés vont perdre leur convention collective. Ils vont se voir obligés que, 90 jours après finalement le... 90 jours après le changement, l'accréditation sera transférée, mais la convention ne s'appliquera plus. Donc, après 90 jours, les travailleurs et les accréditations syndicales devront recommencer, en fait, la négociation. Et vous savez ce que ça peut représenter dans une société, à l'heure actuelle, quand on brise ce lien de confiance entre un employeur et un employé.

Nous avons connu, en fait, des situations même assez dramatiques, et il y a eu des situations aussi... On a juste à penser à Sept-Îles qui avait eu, en fait, une grève qui a duré 38 mois, parce qu'ils étaient en lock-out. Donc, M. le Président, effectivement, c'est fragile, le domaine des relations de travail, et c'est important d'établir un lien de confiance au point de départ entre un employeur et l'employé.

Mais l'article 45, à l'heure actuelle, que le gouvernement veut maintenant modifier fera en sorte que c'est seulement... Et, je le répète, et c'est très important, c'est le coeur même des discussions à l'heure actuelle. Et ce qui fait qu'actuellement l'ensemble des travailleurs et des chefs syndicaux sont montés aux barricades, c'est que, par cette nouvelle disposition qu'on s'apprête à vouloir voter à toute vapeur, et probablement dans un bâillon ? c'est ce qu'on est en train de faire ? c'est empêcher, en fin de compte, de reporter la convention collective et d'obliger les employés et leurs représentants syndicaux à renégocier.

Et, vous savez, quand un patron arrive, un nouveau patron veut toujours modifier certaines choses. Et, en fait, il y a des bons patrons puis il y en a d'autres qui sont plus portés à faire des profits rapidement parce que pour eux, en fait, leur intérêt, c'est de faire des profits le plus rapidement possible, monter une entreprise, puis après ils la vendent, bingo! c'est fait. Souvent, ce n'est pas nécessairement pour l'intérêt de l'ensemble des Québécois, c'est pour l'intérêt, en fin de compte, d'un portefeuille d'actions ou d'une autre forme de bénéfices. Mais, dans le fond, on est très loin des intérêts de l'ensemble des travailleurs. Donc, maintenant, dorénavant, les travailleurs devront renégocier une convention collective et, plus souvent qu'autrement, à la baisse de leurs conditions de travail. Et, encore plus, M. le Président, il est fort à parier que, en plus de leurs conditions de travail, on voudra aussi baisser leur salaire, ce qui fait que...

Parce qu'on n'a pas arrêté de nous faire dire, en fait, par nombreux représentants de l'autre côté de la Chambre qu'actuellement ce qui nuit au développement économique du Québec et ce qui nuit au développement des entreprises, c'est les syndicats et les conventions collectives. Donc, on dit: Bon, on va trouver un moyen. Comme on ne peut pas actuellement complètement éliminer la syndicalisation et les syndicats, on va trouver une autre méthode... de le faire. Et on répond réellement à un voeu, à un souhait que les ténors du monde patronal ont exigé, en campagne électorale, chez les libéraux. Oui, effectivement, ça fait part des promesses du Parti libéral, mais pas pour l'ensemble des travailleurs, par exemple, mais surtout pour aider la classe patronale à atteindre certains de leurs objectifs, entre autres de mettre un terme à la syndicalisation ou aux irritants que peut représenter une négociation aussi, M. le Président.

Donc, je vous disais que les effets du projet de loi n° 31 seront maintenant assez néfastes pour l'ensemble des travailleurs qui sont protégés actuellement par une convention collective. Je le répète, et c'est très important aussi parce que les gens des fois se posent des questions à savoir: Oui, mais ils vont avoir... Ils vont transférer l'accréditation, oui, mais c'est une coquille vide. On va transférer l'accréditation, mais, finalement, 90 jours après, il faudra renégocier une convention collective.

S'il est vrai que certaines catégories d'emplois ne souffriront pas plus qu'il faut de cette mesure-là au niveau de la sous-traitance ? notamment les ingénieurs, les techniciens spécialistes, les informaticiens ? les petits salariés, eux, par exemple, M. le Président, comme les services de buanderie ou d'entretien ménager, de gardiennage, de cafétéria, surtout des femmes, des jeunes, parce qu'ils sont au tout début de leur travail, de leur expérience de travail, les immigrants en majorité, parce que, eux aussi, ce sont de petits salariés et que c'est difficile pour eux ? parce que, quand on regarde les statistiques à l'heure actuelle, on sait que, pour les immigrants, c'est très difficile de rentrer sur le marché du travail ? donc tous ces gens-là n'auront plus les mêmes garanties et on sera beaucoup plus porté à négocier vers la baisse que, en fait, de donner des salaires un peu décents. Parce qu'on nous dit qu'il faut être compétitif et il faut être dans la mondialisation. Et, pour être dans la mondialisation, bien, les salaires ici, au Québec, coûtent trop cher. Donc, on voudrait qu'on se compare à qui par rapport à la mondialisation?

Les grandes entreprises qui font énormément de profits, M. le Président, ne font pas faire faire leurs choses ici; elles font faire faire leurs choses dans des pays qu'on sait qu'ils sont exploités. Est-ce qu'au Québec c'est ce qu'on veut faire? C'est ce à quoi on veut revenir, au Québec? En fin de compte, faire des profits sur le dos des travailleurs et l'exploitation des travailleurs, je croyais que ça faisait longtemps qu'on avait dépassé... qu'on était rendu beaucoup plus loin que ça.

Et, quand un travailleur a un salaire décent, il contribue à l'activité économique et à l'enrichissement économique de l'ensemble de la société du Québec. Il paie des impôts, il paie des taxes, il favorise le cycle économique par ses dépenses, par ses achats, par ses actions sur le plan économique. Donc, M. le Président, je considère que c'est à petite vue, dans le fond, quand on dit que finalement les gros salaires, ça étouffe les petites entreprises et ça empêche les entreprises de pouvoir se développer au Québec. Moi, je pense qu'il faut être un petit peu plus imaginatif si on veut développer des entreprises. Mais ce n'est pas par ce biais-là qu'on va favoriser finalement le rayonnement et le développement d'entreprises.

En plus de ça, M. le Président, le projet de loi, en fait, est extrêmement ambigu. Et ce qu'on en arrive, en fait, comme conclusion, c'est que les avocats vont débattre longtemps à savoir si la plupart des autres éléments caractéristiques ont été transférés. Ça, ça va être un débat de juridiction où ils vont dire: Bon, bien, qu'est-ce qui a été transféré et n'a pas été transféré? Et là finalement tout le monde vont... Il va y avoir des contestations judiciaires qui vont nuire autant aux deux parties. Ce n'est pas tout à fait l'objectif qui est souhaité et souhaitable, si on veut parler de développement économique à l'heure actuelle.

n(16 h 40)n

Donc, on va pouvoir utiliser la sous-traitance d'une façon tout à fait détournée, avec la bénédiction, dans le fond, de ce gouvernement-là qui va permettre maintenant, dorénavant... L'irritant majeur pour certains va devenir la règle, tout à fait, qu'on pourra détourner, parce que finalement ce sera possible maintenant à la sous-traitance pour se soustraire à la Loi sur l'équité salariale. Et vous savez très bien que le dossier de l'équité salariale est un dossier important pour la reconnaissance du travail des femmes dans notre société et permettre aux femmes aussi, pour du travail qui est équivalent à certaines autres formes de travail, qui est dans la même catégorie et qui se ressemble, de pouvoir avoir des salaires tout à fait équitables et conformes, à peu près, dans les mêmes catégories de salaire.

C'était nous... Nous avons voté cette loi, de ce côté-ci, sur l'équité salariale parce qu'on croyait que c'était la reconnaissance pour la contribution des femmes dans notre société, dans le monde du travail. Mais, ceci étant, M. le Président, beaucoup de conventions reconnaissaient l'équité salariale qui devait donner, dans les temps prescrits, cette reconnaissance aux femmes par le biais de l'équité salariale. Mais là, maintenant, c'est un autre irritant pour quelques employeurs. Mais là cet irritant-là, en fin de compte, pourra être détourné par justement des transferts d'accréditation, et on pourra finalement remettre en question l'ensemble de la négociation et reprendre la convention collective. Alors, je ne crois pas que c'est du progrès social. Ça ne favorise pas non plus la reconnaissance des femmes et du travail des femmes dans notre société.

Pourtant, on demande aux femmes de travailler autant que les hommes. Et essayez de considérer un salaire familial sans l'apport du salaire de la femme. Et le salaire de la femme n'est pas un salaire d'appoint. Donc, il faudrait peut-être aussi que les gens, de l'autre côté, se mettent au pas par rapport à ça et se mettent à l'heure juste par rapport à la participation des femmes. Ce sont des femmes qui ont fait des études avancées, des études poussées qui peuvent jouer un rôle important dans la société et qui apportent une qualité, au niveau de la main-d'oeuvre, extraordinaire. Je pense qu'une société doit cette reconnaissance-là à l'ensemble des femmes du Québec. C'est une façon de se défier par rapport à ça.

Donc, M. le Président, j'ai un petit peu de peine à suivre ce gouvernement dans sa démarche en ce qui concerne ce qu'ils veulent faire à l'heure actuelle avec le projet de loi n° 31 qui touche l'application de l'article 45 du Code du travail. Donc, aussi, le projet de loi n° 31 va créer des situations absurdes où le sous-traitant devra s'assurer de ne pas engager les ex-employés ou ne pas utiliser son matériel s'il ne veut pas risquer de voir l'accréditation syndicale suivre.

C'est assez particulier, M. le Président, en fin de compte, ce qu'on est après faire à l'heure actuelle. C'est-à-dire, c'est qu'on essaie d'orienter des actions sociales, des actions civiles par du détournement. Avez-vous vu ça, comme exemple d'un gouvernement, dire aux gens: Bien, ce que vous ne pouvez pas faire directement, faites-le donc indirectement. Ça va être correct, on va être contents avec ça, puis on va même vous donner les outils, les moyens nécessaires pour faire ça?

Je pense que, actuellement, comme modèle social, ce n'est pas nécessairement le modèle le plus élogieux que j'ai pu voir actuellement dans les sociétés modernes. C'est plutôt un recul en arrière, M. le Président. C'est des époques qu'on pensait révolues. Mais, non, nous allons être obligés actuellement de faire notre travail ici, de ce côté de la Chambre, pour que ce gouvernement ne passe pas à la hâte, à toute vapeur, un projet de loi qui peut avoir des conséquences désastreuses dans la vie de plusieurs personnes ici, au Québec, et notamment au niveau des travailleurs les plus bas salariés de notre société. Au contraire, c'est l'inverse qu'il faut faire. Il faut protéger le filet social de notre société, il faut faire qu'en sorte on donne le goût aux gens d'avoir un environnement de travail qui est intéressant pour que justement le taux de productivité augmente, pour que le taux d'absentéisme diminue, pour qu'on soit aussi concurrentiels sur les marchés, autant local, international.

Ce n'est pas ces moyens-là qu'on prend. Ce n'est pas par l'affrontement qu'on arrive à développer qu'on arrive à développer un milieu de travail qui fait en sorte que l'ensemble des contribuables vont bénéficier de l'apport des travailleurs et de la paix sociale, au Québec. Non, M. le Président. Je considère qu'à l'heure actuelle l'ensemble des intervenants dans notre société ont demandé, ont même clairement manifesté au ministre qu'il devait retarder l'adoption de ce projet de loi là. M. le Président, j'ose espérer que le ministre entendra l'ensemble de tous les intervenants. Et, c'est peu dire, c'est les forces vives du Québec qui se sont manifestées auprès de ce ministre du Travail pour lui dire: M. le ministre, s'il vous plaît, prenez votre temps. C'est la paix sociale dont il est question à l'heure actuelle ici au Québec. Et, si vous ne voulez pas que ça glisse vers l'affrontement, s'il vous plaît, retardez votre projet de loi. Et j'espère que, M. le Président, nous n'aurons pas à voter contre ce projet de loi là, mais que nous pourrons en débattre ultérieurement.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Marie-Victorin. Je suis prêt à entendre l'intervenant suivant. Alors, je reconnais le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie et de finances, M. le député de Rousseau. M. le député.

M. François Legault

M. Legault: Oui. Merci, M. le président. Ça me fait plaisir de prendre la parole cet après-midi pour discuter de ce projet, le projet de loi n° 31, un projet de loi qui pose beaucoup de questions mais où on n'a pas beaucoup de réponses, au point tel, M. le Président, que même le Barreau du Québec ? le Barreau du Québec, je dis bien ? nous suggère de retarder ce projet, parce qu'il dit qu'il y a beaucoup de questions, d'interprétations et d'applications.

M. le Président, depuis son élection, le nouveau gouvernement libéral a voulu détruire un peu ce que le Parti québécois avait fait dans beaucoup de dossiers. Or, aujourd'hui, il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas de quelque chose qui a été mis en place par le Parti québécois, mais bien quelque chose qui a été mis en place par Jean Lesage, Jean Lesage, donc un autre gouvernement libéral, qui avait mis en place... À ce moment-là, c'était l'article 10a qui protégeait les travailleurs lorsqu'on cédait une partie ou l'entièreté d'une entreprise. Donc, on voulait s'assurer qu'on ne pouvait pas se débarrasser d'un syndicat en cédant une entreprise.

Donc, M. le Président, le nouveau gouvernement libéral ne recule devant rien. Il est en train non seulement d'éliminer ce qui a été fait par le Parti québécois, mais une bonne partie de ce qui a été fait depuis la Révolution tranquille. On l'a vu et puis on n'a pas eu de réponse à nos questions, mais on entend que le Parti libéral est en train de préparer un projet de loi sur la Caisse de dépôt, un autre instrument qui a été mis en place par Jean Lesage et où on veut faire disparaître la mission de développement économique de la Caisse de dépôt. Donc, on est en train, là, de se débarrasser de tout ce qui a été mis en place depuis Jean Lesage avec la Révolution tranquille.

Et on fait ça très rapidement, M. le Président. Ce qu'on comprend, c'est que, ce projet de loi n° 31, il faut que le Parti libéral l'adopte avant Noël. Pourquoi ça presse tant que ça, M. le Président? C'est ça, je pense, qui est la vraie question. Pourquoi le Parti libéral ne prend pas l'occasion et puis le temps de s'asseoir avec les représentants des travailleurs et travailleuses, c'est-à-dire les syndicats, et de discuter, essayer de trouver des compromis? On ne le sait pas, et c'est ça, là, qui est le mystère. Et là on est obligé de se demander qu'est-ce qu'il cache derrière ce projet de loi. Est-ce que c'est la première étape d'une deuxième étape? Et j'en reparlerai tantôt.

Mais, avant d'aller plus loin, M. le Président, ce qu'il est important de dire, là, c'est ce que je vous dis cet après-midi: ce n'est pas seulement ce que je pense ou ce que le Parti québécois pense, mais c'est ce que pensent à peu près tous les éditorialistes, tous les chroniqueurs au Québec, que ce projet de loi, le projet de loi n° 31, n'a pas de bons sens. Puis, quand je vous dis «tous les journaux», là, je vais vous citer La Presse, Le Journal de Montréal, Le Soleil et Le Devoir, donc quand même une belle brochette, là, de journalistes.

n(16 h 50)n

Commençons par André Pratte, de La Presse, l'éditorialiste en chef de La Presse, qui dit, à propos de cet article 45... D'abord, le titre de son éditorial, c'était Le «sac à chicanes». C'est André Pratte qui a choisi ce titre-là. Et il commence en nous disant: «Les ministres libéraux se sont jetés dans le tas armés de vieilles tronçonneuses!» Donc, vieilles, donc vieilles façons de faire les choses, et tronçonneuses, donc ils ne sont pas train, là, de faire quelque chose au scalpel, là, de façon précise, c'est la grosse tronçonneuse qui est sortie.

Et il ajoute: «Le ministre du Travail a déposé la semaine dernière des amendements à l'article 45 du Code du travail.» Or, «rien n'indique qu'il y ait urgence». C'est ça, là, qui inquiète tout le monde. «Rien n'indique qu'il y ait urgence. Procéder à une telle réforme à la sauvette est le meilleur moyen d'ouvrir le "sac à chicanes".»

Ce projet de loi n° 31 «propose de soustraire à l'application de l'article 45 toute sous-traitance où il n'y a pas transfert de "la plupart des éléments caractéristiques de la partie entreprise visée".» Donc, ça «pourrait signifier à la limite que, même en cas de transfert d'employés, si la machinerie, les locaux et le savoir-faire de l'entreprise originale ne sont pas cédés, les travailleurs en question ne jouiraient d'aucune protection». Et l'éditorialiste André Pratte nous dit: «Que signifie "la plupart ? la plupart, est-ce que c'est 10 %, 20 %, 50 %? la plupart ? des éléments caractéristiques"?» Et là il ajoute: «Le fouillis juridique ne risque-t-il pas de s'épaissir?»

Et il ajoute que, «dans les rares cas où, selon le projet de loi n° 31, l'article 45 s'appliquerait, la protection des travailleurs serait considérablement affaiblie». Ce n'est pas moi qui le dis, André Pratte, de La Presse. Et il dit: «À l'heure actuelle, le contrat de travail en vigueur reste valide jusqu'à son expiration, ou au plus tard un an après la concession. Le gouvernement veut faire en sorte que, dès la prise d'effet de la sous-traitance, la convention collective expire.» Or, «suivant le Code du travail, 90 jours plus tard, l'employeur pourrait décréter un lock-out, ce qui laisserait les employés à sa merci».

Et c'est André Pratte qui continue en disant: «Une telle disposition serait manifestement injuste. Une convention collective est signée, de bonne foi, par les deux parties. Pourquoi un employeur, ayant signé un contrat de travail de deux ans ou de trois ans, pourrait-il le jeter aux poubelles quelques mois plus tard au moyen d'un contrat de sous-traitance?

«L'approche du gouvernement dans ce dossier est précipitée et maladroite. Si le projet de loi est adopté tel quel, les relations du travail au Québec se détérioreront inutilement», M. le Président. Donc, il conclut en disant: «Ayant tourné ce dossier complexe de tous bords tous côtés, on arrive toujours à la même conclusion: le ministre du Travail doit refaire ses devoirs. Et, pour cela, il doit prendre tout le temps qu'il faut.» Ça, c'est La Presse.

Le Journal de Québec, M. le Président, Michel C. Auger qui nous dit: «Il ne manque qu'une seule petite chose dans le débat sur la modification de l'article 45: une démonstration claire, de la part des proposeurs, que cette réforme est nécessaire.» M. le Président, comme le dit Michel C. Auger, il n'y a aucune démonstration qui a été faite par le ministre du Travail, démontrant que c'est nécessaire et que ce sera bénéfique au niveau des emplois. On ne peut pas prétendre ça, il faut être capable de le démontrer. Or, il conclut en disant: «Le gouvernement Charest n'a toujours pas fait cette démonstration et ne peut s'attendre à ce que l'ensemble de la société québécoise accepte de légiférer ? c'est ça qu'on fait ici ? à l'Assemblée nationale sur la base d'actes de foi de ses amis du patronat.» Donc, deuxième commentaire, deuxième journal.

Troisième journal, M. le Président, Le Soleil, Brigitte Breton, qui nous dit: «Le ministre du Travail veut que le Québec soit concurrentiel et propose à cet effet des modifications majeures à l'article 45 du Code du travail. Des arrêts de travail, une multiplication des contestations juridiques et un appauvrissement des bas salariés, c'est plutôt cela que nous réserve son projet de loi n° 31.»Le Soleil donc du 15 novembre. Donc, troisième commentaire.

Le Devoir, M. le Président. Michel David nous dit: «Le premier ministre du Québec n'aurait pas pu choisir un meilleur homme pour modifier l'article 45. Le ministre du Travail n'est pas du genre à se laisser distraire par des considérations aussi triviales que la préservation de la paix sociale ou le maintien des conditions de travail des employés qui pourraient être affectés par un recours accru à la sous-traitance. Des études? Quelles études? "Ceux qui en ont à faire valoir n'auront qu'à les présenter", a déclaré le ministre du Travail. D'ailleurs, pourquoi se compliquer inutilement la vie? Ah! le brave petit soldat! S'ils étaient tous comme lui, la réingénierie ne traînerait pas. Ce n'est pas comme son collègue de la Solidarité sociale, ce pleutre qui fait du chichi parce qu'on lui demande de couper 150 millions de pauvres malheureux dollars à l'aide sociale.»

C'est un peu cynique, M. le Président, mais on voit, là, que le petit soldat, ministre du Travail, bien, lui, il fait le travail parce que c'est écrit dans le programme du Parti libéral, point final. Il ne se demande pas si ça a du bon sens; il procède, et on verra après, M. le Président. Mais la vraie question, c'est: Pourquoi est-on si pressé? Pourquoi tous les journaux, là, La Presse, Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, Le Soleil, Le Devoir, tous les éditorialistes, tous les chroniqueurs pensent que le ministre du Travail fait une grosse erreur? Mais le ministre du Travail dit: Non, non, c'est correct. Pourquoi fait-il ça?

Bon, moi, je pense, M. le Président, que ce que ça cache, c'est que c'est une première étape, et la deuxième étape, bien, c'est qu'on souhaite faire de la sous-traitance dans nos réseaux publics et en particulier dans un domaine que j'ai vu de près au cours de la dernière année, c'est-à-dire dans le réseau de la santé. Ce qu'on cherche à faire, c'est de préparer le terrain pour être capable de donner en sous-traitance au privé une bonne partie des services qui sont donnés actuellement dans nos hôpitaux, nos CLSC, nos centres d'hébergement pour personnes âgées. Or, M. le Président, je pense que c'est bien mal choisir les priorités.

Je l'ai dit lorsque j'étais ministre de la Santé et des Services sociaux, c'est vrai qu'il y a des améliorations à faire dans l'efficacité de nos réseaux de la santé et des services sociaux. C'est pour ça que j'avais commencé à faire des bulletins, des bulletins d'hôpitaux, des bulletins de CLSC. Et on avait promis, M. le Président, des bulletins pour cette année, en 2003, pour les CHSLD, les centres pour personnes âgées, dont on a beaucoup parlé cette semaine.

Mais, M. le Président, ce qui est important, c'est: quand on fait une évaluation de la qualité des services, il ne faut pas se fier sur un cas ou deux qui sont très ponctuels, il faut être capable d'avoir un échantillon représentatif. C'est pour ça que, lorsqu'on a fait nos bulletins dans les hôpitaux, dans les CLSC, on avait un échantillon où on exigeait d'avoir au moins 300 réponses de personnes qui avaient utilisé les services de l'établissement pour que l'échantillon soit représentatif. Et on a pu voir, effectivement, M. le Président, qu'il y avait des hôpitaux où la qualité des services était meilleure, d'autres hôpitaux où c'était moins bon. Même chose dans les CLSC. Et, à partir de ça, M. le Président, vous vous en rappellerez, j'avais demandé à tous les dirigeants d'établissement de préparer un contrat de performance pour se donner des objectifs pour les trois prochaines années pour améliorer la qualité des services. C'est comme ça qu'il faut procéder.

M. le Président, on n'a plus entendu parler, depuis l'arrivée des libéraux au pouvoir, ni de bulletins, ni d'évaluation de qualité des services, ni de contrats de performance. Rien, M. le Président. Le nouveau dogme, c'est la sous-traitance. On a conclu, M. le Président, que, dans les établissements publics, on n'a rien à faire pour améliorer l'efficacité. Il ne reste qu'une seule solution, sous-traiter au privé. C'est ça, la conclusion, là, qu'on a prise au Parti libéral du Québec. Donc, pour moi, on a tourné les coins rond, tourné les coins rond, parce qu'on s'est dit: Efficacité égale privé, inefficacité égale public. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. C'est une insulte. C'est une insulte pour tous les dirigeants de nos établissements publics. C'est une insulte pour tous les travailleurs, les travailleuses, pour tout le personnel qui travaille dans nos réseaux publics.

n(17 heures)n

M. le Président, moi, j'ai la ferme conviction que c'est possible d'avoir des réseaux publics qui soient efficaces, et ce n'est pas nécessaire de tomber dans ce dogme où la première étape, c'est le projet de loi n° 31. Donc, on se donne tous les pouvoirs pour être capable de sous-traiter et, dans un deuxième temps ? on va le voir arriver probablement à la session du printemps prochain ? bien, on sous-traite à l'entreprise privée. Or, M. le Président, lorsque j'étais ministre de la Santé et des Services sociaux, j'avais déposé un plan, un plan, le plan de la santé et des services sociaux. Dans ce plan, il y avait deux parties. Oui, il fallait améliorer l'efficacité de notre réseau de la santé et des services sociaux. Donc, décentralisation en échange d'une imputabilité. Donc, évaluation de la qualité des services. Mais, M. le Président, tout ça, là, ça devait se faire aussi avec des réinvestissements majeurs dans le réseau de la santé et des services sociaux, des réinvestissements qu'on avait évalués...

Bon. D'abord, les coûts de système. Les coûts de système, c'est les augmentations de salaire et les augmentations, à chaque année, de volume à cause du vieillissement de la population. C'est très élevé, M. le Président. Les libéraux parlaient de 5,1 %, je parlais de 5,2 %, donc on était très près, sur un budget de 19 milliards. Donc, il faut calculer à peu près à chaque année qu'il y a 1 milliard de dollars d'augmentation du budget de la santé qui doit aller seulement pour couvrir les coûts de système, donc les augmentations de salaire, les augmentations du coût des médicaments, les augmentations dues au volume qui augmente à cause du vieillissement. Donc, 1 million en coûts de système.

Par-dessus ça, M. le Président, il faut ajouter un rattrapage, un rattrape qui doit être fait, qu'on avait estimé à 1,6 milliard de dollars. Évidemment, là, on n'a pas les ressources au Québec pour être capable de faire ça rapidement, sur une première année. Donc, 1 milliard, auquel il faut ajouter 1,6 milliard, donc 1 milliard à chaque année, plus 1,6. M. le Président, nous, on avait dit: Bon, à chaque année, on va assumer les coûts de système, 1 milliard, et le 1,6, on va le fractionner sur cinq ans.

Le Parti libéral s'est présenté, en campagne électorale, en faisant une promesse impossible, M. le Président. On l'a dit, ça ne balançait pas. Il nous a dit: Dès la première année complète, pour l'année 2004-2005 ? dans quatre mois, là, même pas quatre mois ? le 1er avril 2004, nous, on va augmenter les budgets de la santé de 2,2 milliards. En tout cas, moi, je me suis assis avec les gens du ministère des Finances, qui sont à peu près les mêmes qui sont là encore aujourd'hui, et on ne comprenait pas, M. le Président, comment il pouvait trouver 2,2 milliards de dollars de plus en santé.

Mais là ça ne s'arrêtait pas là, M. le Président. En plus, le Parti libéral du Québec nous a dit, en campagne électorale: Nous, dès la première année, on va baisser les impôts de 1 milliard. Un instant! 2,2 milliards de plus en santé, 1 milliard en baisse de revenus, où vous allez prendre l'argent? Or, M. le Président, le chat est sorti du sac, le Parti libéral du Québec avait surestimé les revenus de transfert du gouvernement fédéral de 2,3 milliards, M. le Président. Ce n'est pas deux piastres et quart, ça. 2,3 milliards d'erreur dans le cadre financier des libéraux, ce qui leur a fait dire: Bien, on va mettre plus d'argent que le Parti québécois en santé, on va mettre plus d'argent que le Parti québécois dans les baisses d'impôts.

Mais là ils sont en train de se rendre compte que ça ne marche pas, tout ça. Ça fait qu'il leur reste juste une solution, c'est de dire: On va couper, on va sous-traiter puis on va espérer que ça marche. M. le Président, je vous le dis, ça ne marchera pas. Ça ne marchera pas, c'est impossible d'aller chercher des milliards de dollars d'économie, même en le faisant sur le dos des travailleurs et travailleuses. Parce que c'est ça qu'ils veulent faire, de l'autre côté, là. Ils s'en cachent à peine, on le voit à travers des déclarations parfois malheureuses, le Parti libéral, avec le patronat, a dans la tête de baisser les salaires, avec la sous-traitance, pour essayer de sauver de l'argent. Alors, M. le Président, même en faisant ça, ce qui est inacceptable ? il faut le dire clairement, c'est inacceptable ? même en faisant ça, une fois qu'ils vont avoir réussi à aller chercher 100 millions, 200 millions, ce sera le maximum. Or, M. le Président, on parle d'un trou de 2,3 milliards dans le cadre financier du Parti libéral du Québec.

M. le Président, je pense que c'est une grave erreur que font les libéraux actuellement. Ils nous déposent ce projet de loi, le projet de loi n° 31, pour préparer la sous-traitance, pour essayer de dire: On va réduire les coûts dans les réseaux publics. Donc, ça sera la même chose aussi tantôt dans les municipalités puis ailleurs. Mais, M. le Président, ce qu'on cherche, le seul but du projet de loi, là... Parce que, écoutez, là, quand même, il n'y a pas un gouvernement qui veut faire exprès, après quelques mois, pour être en confrontation totale avec les syndicats puis d'avoir tous les éditorialistes contre eux, tous les éditorialistes qui trouvent que ça n'a pas de bon sens où s'en va le Parti libéral du Québec.

Donc, M. le Président, le Parti libéral du Québec a décidé de brader nos réseaux publics et de les donner en sous-traitance, et c'est ça qui se prépare, avec le projet de loi n° 31. Et, moi, j'invite les députés du Parti libéral du Québec à se réveiller. M. le Président, la réingénierie puis la sous-traitance, ça ne donnera pas les milliards de dollars qui nous manquent. Et ces milliards de dollars, d'une certaine façon, M. le Président, l'objectif qui était visé dans le cadre financier du Parti libéral d'augmenter de 2,3 milliards les transferts du gouvernement fédéral, c'est ça qu'il faut faire. Mais, à quelque part, comment on le fait? Comment on le fait? On l'a vu, Paul Martin, le nouveau premier ministre qui va être en place dans quelques jours, nous a dit: Il n'y en a pas de déséquilibre fiscal. Or, M. le Président, si on ne va pas chercher cet argent, on est en train de brader nos services publics, nos services publics sont en péril, et c'est dangereux, ce qui se prépare avec ce projet de loi n° 31.

Donc, M. le Président, la seule solution qu'il nous reste, nous, on la connaît, de notre côté, c'est la souveraineté du Québec, avoir 100 % de ses revenus au même endroit, dégager des milliards de dollars. Le seul endroit qu'on peut faire ça, la seule vraie réingénierie, c'est à Ottawa. Entre-temps, M. le Président, bien, je conclus en disant que ce projet de loi est ambigu, n'a pas été discuté avec les représentants des salariés. Et je pense que le gouvernement libéral devrait prendre le temps de discuter avec les syndicats, avec les travailleurs. Quand il nous dit que ça va être bon pour les travailleurs, de toute évidence, il n'a pas réussi à faire cette démonstration-là à tous les éditorialistes du Québec. Donc, c'est pourquoi je propose un instant de lucidité au gouvernement libéral et qu'il retire ce projet de loi n° 31. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Rousseau. Et, pour poursuivre le débat sur le principe de ce projet de loi là, je reconnais maintenant la critique de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales, la députée de Bourget. Mme la députée de Bourget.

Des voix: ...

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Je ne sais pas s'il y a une raison pourquoi ça chahute au moment où je me lève, là. Je ne le prendrai pas personnel, M. le Président. Alors, M. le Président, je veux contribuer à ce débat autour de l'adoption de principe du projet de loi n° 31, qui modifie le Code du travail et, je dois dire, M. le Président, je le fais à plusieurs titres. D'abord, en partant de mes propres valeurs ? hein, quand on est députée, on a des valeurs ? alors mes valeurs sont frappées de plein fouet par l'adoption de principe de ce projet de loi, ensuite parce que j'ai eu l'honneur de présider une large partie des consultations, comme présidente de la commission économie et travail, des consultations portant sur ce projet de loi, et vraiment j'avais un statut d'observatrice, M. le Président, à ce moment-là. Parce que les gens savent que, lorsque nous occupons le siège que vous occupez ou lorsque nous occupons le siège de la présidence d'une commission, on se doit de s'assurer que les gens qui sont invités soient accueillis correctement et que les députés, quels qu'ils soient, du côté ministériel ou du côté de l'opposition, puissent faire leur travail en toute liberté et sans contrainte. Mais j'ai quand même entendu des propos, même si je ne suis pas intervenue sur le fond, j'ai entendu, et c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai entendu ce qui a été exprimé à l'occasion de ces travaux.

Et puis, M. le Président, je dois le dire, j'ai été ministre du Travail pendant deux ans et demi, et ce n'est pas du tout par nostalgie que je fais référence à cela, mais c'est un bagage dont il difficile de se défaire. On a connu des gens qui ont travaillé dans ce ministère, on a nous-mêmes plongé dans des réalités, dans des concepts, on a été gardiens et gardiennes d'un certain nombre de lois dont on avait la responsabilité, qui nous étaient confiées par cette nomination de ministre. Alors, j'ai moi-même contribué à ce qu'il y ait des débats autour du Code du travail et notamment au sujet de l'article 45. Et la vie a fait que c'est mon collègue, à ce moment, député de Charlesbourg, qui a pris le relais, qui a continué, qui a repris là où j'avais laissé mon travail, ayant été nommée ailleurs. Et ce qui me frappe, M. le Président, quand je mets tous ces chapeaux, ce qui me frappe, c'est le contexte et l'ambiance dans lesquels le gouvernement nous demande d'adopter ce projet de loi.

n(17 h 10)n

Hier soir, M. le Président, j'écoutais une entrevue très riche en contenu et très posée, à Radio-Canada, avec Gérald Larose et Jean Cournoyer. Jean Cournoyer a été ministre du Travail dans un gouvernement libéral et dans des années extrêmement difficiles. Rappelons-nous cette époque. On était au moment des événements durs de la Baie-James. Jean Cournoyer, il a gagné sa paie, comme on dit, M. le Président. Et, hier, dans sa sagesse, avec beaucoup de sagesse, il a dit des choses fondamentales. D'abord, il a dit une chose, et je le reprends en substance, je ne crois pas que je trahisse sa pensée, mais il a dit: Le Code du travail, ça fait partie des éléments fondamentaux de la société québécoise, qui a fait en sorte que, depuis 40 ans, nous nous sommes conduits avec cet instrument-là du Code du travail, ça a guidé notre société depuis 40 ans. Et il a dit, en substance: On ne peut pas changer ça du jour au lendemain, on ne peut pas changer ça sans qu'on soit au clair sur le fait qu'il doit y avoir des objectifs. Et là les objectifs ne sont pas clairs. On ne change pas le Code du travail comme on change de culotte, M. le Président. Je m'excuse de le dire crûment comme ça, mais ça fait partie des trois, quatre, peut-être cinq éléments fondamentaux qui ont défini le Québec. Et ça ne veut pas dire, M. le Président ? et ça, je reprends ça à mon compte et je ne parle pas au nom de Jean Cournoyer ? ça ne veut pas dire que rien ne doit bouger. Mais, quand on touche à ces piliers d'une société, on ne peut pas faire ça dans l'ambiance dans laquelle nous sommes actuellement, M. le Président.

Et je me rappelle, M. le Président, lorsque j'ai piloté, avec la ministre, à l'époque, des Affaires municipales, députée d'Hochelaga-Maisonneuve, les dispositions qui concernaient les relations de travail dans le cadre de la réorganisation municipale, les gens se souviendront que, le fait de regrouper des villes, il y avait là des enjeux en termes de relations de travail: qui travaillerait pour qui, puis comment, tu sais, les choses se passeraient, puis qu'est-ce qu'on ferait des unités d'accréditation, etc. Et je me rappelle aussi de ces événements où il nous faut, lorsqu'on a besoin d'introduire des changements qui ont une certaine complexité, il nous faut travailler avec soin, M. le Président. Et là ce qui me frappe, c'est qu'en matière de relations de travail le gouvernement s'est mis à dos à peu près tout le monde.

Puis l'idée, ce n'est pas d'avoir l'air sympathique et gentil avec les chefs syndicaux; ce n'est pas ça, l'idée, M. le Président. Mais, quand on fait un projet de loi comme ça, là, il faut être capable de le piloter correctement à l'Assemblée nationale, hein, il faut être crédible, puis il faut que ça ait du bon sens, il faut que ça tienne la route du point de vue légal, il faut que ce soit clair, net et précis ? ce qui n'est pas le cas, on y reviendra ? mais il faut être capable aussi de parler au monde qui sont concernés par ça. Et, quand on est ministre du Travail, là, on a un horaire de fou. en général, parce que non seulement il faut faire ce travail de législateur au Parlement, mais, en parallèle, il faut être capable d'avoir des rencontres formelles, informelles, réunions de travail, rencontres au sommet, il faut être capable de faire les deux en même temps. Parce qu'on est dans le domaine des relations de travail, il faut se comporter comme si nous étions en relations de travail, M. le Président. Alors, c'est ce que j'ai fait, moi, au moment où j'ai présenté des amendements au sujet du Code du travail, c'est ce que le député de Charlesbourg, à l'époque, aussi a fait. Il y avait le processus formel, mais il y avait plusieurs lieux de dialogue, d'échange, de confrontation aussi, M. le Président, oui, de moments qui n'étaient pas du tout complaisants.

Et c'est ça qui est fascinant dans le comportement du gouvernement et du ministre dans ce dossier-là, c'est qu'ils font ça «by the book», M. le Président. Puis les effets que ça a sur les gens, ce n'est pas grave: On nous a élus, on va le faire. M. le Président, je l'ai dit dans cette Chambre à d'autres occasions, oui, le gouvernement libéral a été élu, mais être élu, ça ne nous autorise pas à faire n'importe quoi. Être élu, ça nous donne aussi des responsabilités. Or, là, on doit constater que ce projet de loi, qui concerne un pilier fondamental de la société québécoise, va être adopté à toute vapeur, dans des conditions sociales extrêmement difficiles, où il y a une certaine perturbation. Mais le gouvernement dit: Non, on se baisse la tête puis on fonce dans le mur. Qu'est-ce que c'est, cette manière de travailler, M. le Président?

Le Québec, ce n'est pas ça. Le Québec est capable de débats. Le Québec est capable de ne pas être complaisant envers différents partenaires, par exemple, socioéconomiques. Mais le Québec est capable de se parler, le Québec est un lieu où il y a des dialogues. M. le Président, les grands mouvements, au Québec, les grands mouvements en termes de changements de notre État se sont faits avec le monde. Ça ne s'est pas fait dans le bureau du premier ministre, ça ne s'est pas fait dans les petits cercles fermés du pouvoir, ça s'est fait avec le monde. Et le plus bel exemple de ça, c'est l'atteinte du déficit zéro. Imaginons un instant, M. le Président, que le premier ministre, à l'époque, s'il avait eu cet objectif d'atteindre le déficit zéro et s'il avait décidé de le faire tout seul, on serait encore dans des relations difficiles. Non. Le premier ministre a convié les partenaires socioéconomiques. Il a convaincu d'abord tous les collègues du Conseil des ministres, à l'époque, il a fait en sorte que ce soit une corvée pour l'ensemble du Conseil des ministres, et il a convié les partenaires socioéconomiques, et il a fait en sorte que cet objectif de déficit zéro soit partagé par une très large partie de notre société. C'est ça, le Québec, avec ses défauts et ses qualités, avec quelquefois le sentiment que ça prend un petit peu plus de temps. Mais c'est le prix à payer pour être une société comme on est, M. le Président.

Ce gouvernement travaille mal. Et c'est vrai dans le dossier du Code du travail, c'est vrai dans le dossier des affaires municipales, des fusions municipales, c'est vrai dans le dossier des affaires de la santé. Là, il y a trois projets de loi en cascade qui sont déposés, des espèces de lubies du ministre. M. le Président, ce gouvernement travaille mal. Alors, je tenais à préciser l'importance que nous devons collectivement accorder au contexte d'une adoption, aux conséquences de l'adoption précipitée d'un projet de loi comme ce projet de loi qui amende et qui amenderait le Code du travail.

D'ailleurs, M. le Président, à l'occasion des mémoires qui ont été déposés, un professeur, qui est Jean-Claude Bernatchez, professeur en relations industrielles de l'Université du Québec à Trois-Rivières, a dit une chose toute simple mais qui démontre à quel point la question du Code du travail est un pilier de la société québécoise. Il a dit: «L'article 45 du Code du travail est en quelque sorte au travail ce que la langue française est à la culture des Québécois.» On ne dit pas ça de n'importe quoi, M. le Président. Ce n'est quand même pas banal de mettre dans le même, le même esprit ce Code du travail et de faire une comparaison avec ce que représente la langue française pour la culture québécoise. Alors, M. le Président, c'est donc le premier élément que je voulais aborder, à ce moment-ci.

Maintenant, sur le fond ? parce que j'ai parlé de la forme, qui a son importance, tout de même, dans la vie; on a un Québec perturbé, M. le Président, ces temps-ci ? sur le fond maintenant. Sur le fond, je crois qu'il faut être capable de dire honnêtement un certain nombre de choses. Pourquoi, tout d'un coup, le gouvernement veut amender aussi rapidement le Code du travail? Parce qu'il cherche à réduire les coûts de la main-d'oeuvre, le salaire. C'est ça qu'il cherche à faire.

L'article 45, M. le Président, pour que les gens nous comprennent bien, qu'est-ce que ça dit? Ça dit, en gros ? et là je n'y vais pas au texte, j'y vais d'une explication simple ? l'article 45 dit: Si un employeur avait l'habitude de faire faire un certain nombre de choses dans son entreprise par ses employés, qu'il décide soit de vendre son entreprise ou soit qu'une partie de ses activités soit faite à l'extérieur, l'article 45 prévoit ce qui se passe. Et ce qui se passe, en général ? et c'est ça, l'esprit de l'article 45 ? c'est qu'un employeur pourrait... Puis, écoutez, on connaît les humains. Ça peut arriver de temps en temps que des humains aient l'esprit un petit peu plus... moins éthique, dirons-nous. Alors, oui, un employeur, ça pourrait lui tenter de vouloir faire une transaction de changement de propriétaire dans le but non avoué, non dit de se débarrasser du syndicat. Hein? On peut comprendre qu'il y a là un comportement humain. Alors, en gros, c'est de ça dont parle l'article 45. L'article 45 donne des règles pour éviter ce genre de manoeuvre là. C'est ça, l'objectif de l'article 45.

Alors donc, le gouvernement actuellement veut affaiblir cet article-là. Il veut prévoir toutes sortes de situations où: Bien là cet article-là ne s'appliquerait pas vraiment, mais ça dépendra d'un certain nombre de choses. Et surtout il veut prévoir le fait que, lorsqu'il y a des changements de cet ordre-là, alors qu'actuellement la règle est claire, l'unité d'accréditation, c'est-à-dire le fait d'être syndiqué, demeure et la convention collective qui a été négociée entre les parties demeure également, donc, s'il y a un changement d'une entreprise A à l'entreprise B, ça demeure... ce que le gouvernement propose, c'est de dire: Nous allons conserver dans ce passage-là entre l'entreprise A et l'entreprise B l'unité d'accréditation ? c'est-à-dire le fait que les gens soient syndiqués ? mais la convention collective, elle n'existera plus au moment où cette transaction va se compléter. C'est de cette manière-là, M. le Président, que le gouvernement entend affaiblir la portée de l'article 45.

n(17 h 20)n

Or, M. le Président, il faut comprendre que ce geste, ce geste touche des gens. Et le ministre répète à satiété: Écoutez, on conserve un droit fondamental, celui des gens de demeurer syndiqués. Bien, comme diraient nos amis italiens, «who cares», M. le Président? S'il n'y a plus de convention collective... Une accréditation, M. le Président, c'est lié à des personnes. S'il n'y a plus de personnes, ça sert à quoi, M. le Président? Alors, ce changement-là, ce n'est pas un combat qu'on fait au nom, ou pour, ou je ne sais quoi des syndicats, c'est un combat pour les travailleurs et les travailleuses, M. le Président.

Et, deuxième effet fort négatif de cette mesure, c'est qu'il est clair, et je crois que, ça, même le patronat l'a reconnu... Gilles Taillon, président du Conseil du patronat, a dit: Oui, ça se peut que les gens soient un peu surpris de passer de 17 $ de l'heure à 12 $ de l'heure sans trop savoir pourquoi. Ils l'ont reconnu. Alors, cet article-là a effet, en plus, double effet odieux de toucher particulièrement des gens qui ne gagnent pas tant que ça, M. le Président.

De la sous-traitance, M. le Président, c'est-à-dire des activités très spécialisées, un truc très technique sur une chaîne de montage dans une grande entreprise d'aéronautique ou je ne sais quoi, il y en a amplement, M. le Président. Or, ce type de sous-traitance spécialisée, hein, quand un employeur ou une entreprise dit: Moi, je n'ai pas les compétences dans mon entreprise pour faire ce travail-là, je dois le confier à quelqu'un qui est bien meilleur que moi, ce type d'emplois là, ce sont en général des emplois bien rémunérés parce qu'on est dans la haute technologie, parce qu'on est dans les technologies de l'information, parce que ce sont des informaticiens, ce sont des ingénieurs, etc. Il n'y en a pas de problème, ils ne se feront pas baisser leur salaire, ces gens-là.

Ce dont on parle, c'est de travailleurs qui, par exemple, sont dans des services de buanderie, de cafétéria, etc., donc des travailleurs qui déjà ne gagnent pas tant que ça, ce n'est pas des travailleurs à hauts revenus, mais qui se verraient voir réduire dramatiquement leurs conditions de travail. Parce que le seul intérêt, M. le Président, pour un employeur d'essayer de trouver les trucs pour éviter que l'article 45 ne s'applique, c'est pour réduire leurs coûts de main-d'oeuvre, et ça, je ne peux pas le leur reprocher. Ce que je reproche, c'est au gouvernement de valider puis de donner la recette aux employeurs et les entreprises qui voudraient faire ça. C'est ça, le problème, M. le Président. Alors, ça touche des gens, ça touche des gens qui gagnent leur vie plus modestement et qui font un travail plus modeste, moins spécialisé.

Aujourd'hui, M. le Président, j'ai une citoyenne qui m'a écrit ? c'est l'avantage du courriel, tout ça est très rapide ? et elle me dit: «J'ai besoin de vous faire le commentaire suivant. Dans la tête de beaucoup de monde au Québec, "employé syndiqué" veut dire employé avec statut de permanence d'emploi. Je trouve dommage qu'on entende peu dans les différents médias ce qui est une évidence cependant, qu'une grande partie des travailleurs syndiqués sont des employés à statut précaire. Vous me direz que c'est une évidence, mais je pense que, pour bien du monde, malheureusement, il n'en est pas ainsi dans la perception.» Alors, M. le Président, je crois que c'est un commentaire qui vient, qui m'est arrivé comme ça et qui témoigne un peu de la réaction vive des gens et des inquiétudes que soulève ce projet de loi.

Je dirais également, M. le Président, que ce projet de loi a ici d'autres défauts. Et le député de Rousseau en a fait une illustration très claire tout à l'heure. Ce projet de loi arrive au moment où sont discutés d'autres projets de loi. Et je dirais, M. le Président, que le gouvernement n'est pas innocent là-dedans. Ce n'est pas vrai que c'est un hasard si quelques projets de loi sont discutés en parallèle. Ils ont des liens.

Prenons l'exemple, M. le Président, du projet de loi n° 30, qui concerne les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales. On le sait, M. le Président, dans le domaine de hospitalier et le domaine des soins aux personnes, il y a eu beaucoup de changements ? des hôpitaux qui se sont regroupés, des CSLC, etc., là ? dans la dernière décennie. Ça fait en sorte que, dans un même hôpital, par exemple, il peut y avoir des unités d'accréditation qui se chevauchent, alors que des gens font le même travail. Ils sont guidés, leurs conditions de travail sont inscrites dans des conditions de travail différentes et ils sont eux-mêmes dans des unités d'accréditation qui sont différentes. Il y a un problème là qui est très réel. C'est vrai que ça cause des problèmes, le fait qu'il n'y ait pas actuellement une harmonisation de tout ça.

Or, le ministre de la Santé présente ce projet de loi n° 30, mais, quand on voit ce projet de loi en même temps qu'est discuté le projet de loi qui changerait les règles au sujet de la sous-traitance, est-ce qu'on peut comprendre que les gens aient des inquiétudes? L'impression que ça me fait, M. le Président, je vais le dire dans mes mots. L'impression que ça me fait, c'est que le ministre de la Santé est en train d'organiser des beaux petits paquets cadeaux, bien ficelés, pour pouvoir, dans quelques mois ou quelques années, enlever ces activités-là dans le système de santé, et les privatiser, et les sortir du système public de santé. C'est ça qu'il est en train de faire.

Parce que, M. le Président, le ministre parle, hein, des fois, il va dire: Les employeurs ont besoin de ci et de ça. N'oublions pas une chose, l'employeur le plus important au Québec, c'est le gouvernement. Et les premiers qui auront des bénéfices ? si je peux m'exprimer ainsi ? d'un affaiblissement de l'article 45, c'est le gouvernement. Et les premiers qui sont touchés, M. le Président, par la superposition de ces deux manoeuvres, bien, c'est des employés qui sont des employés plus modestes dans notre système, c'est des préposés aux bénéficiaires, pas des docteurs, M. le Président.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, c'est clair que l'opposition va prendre la voix et va prendre le camp des hommes et des femmes au Québec qui essaient de gagner dignement leur vie. Et, je le répète, M. le Président, ce gouvernement a été élu, mais ça ne l'autorise pas à faire des folies, ça ne l'empêche pas d'avoir des responsabilités, et il a la responsabilité de faire en sorte que, si nous avons à adopter des changements au sujet du Code du travail, nous le fassions dans un contexte qui est sain, et ce n'est pas le cas actuellement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Bourget. Et je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Alors, M. le député de Roberval. M. le député de Roberval.

M. Karl Blackburn

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Vous savez, encore une fois, c'est toujours un privilège que j'ai de prendre la parole dans cette Assemblée, et je le fais avec beaucoup de fierté. Mais de le faire aujourd'hui sur un projet de loi qui est extrêmement important pour les Québécois et les Québécoises, pour les entreprises québécoises, qui est le projet de loi n° 31, c'est d'autant plus important pour moi de le faire.

Vous savez, ce qu'il faut que les gens comprennent, qui vont nous écouter ce soir, c'est qu'il se dit toutes sortes de choses. Bien sûr que, d'un côté, on entend les gens de l'opposition qui font valoir leur position, qui font valoir leurs idées. Et je respecte ça, c'est correct, ça fait partie, je vous dirais, de la game. Mais, de l'autre côté aussi, il y a quand même, je dirais, notre positionnement et notre vision quant au projet de loi n° 31.

Et, la semaine dernière, en commission parlementaire, j'écoutais la Fédération des policiers du Québec, les syndicats des policiers, et j'avais l'occasion, à ce moment-là, de parler avec M. Painchaud, qui est un représentant syndical, et je lui ai demandé, je lui ai dit: Comment qu'on peut arriver à avoir des visions si opposées l'une de l'autre? Je ne peux pas croire... Parce que je lui disais, à ce moment-là, je lui disais: Vous êtes quelqu'un d'intelligent, vous êtes quelqu'un de sensé, et les gens qui l'accompagnaient, à ce moment-là, dans la salle, c'étaient des gens qui étaient sensés aussi, et, de notre côté, je pense qu'on est des gens sensés aussi... Je lui ai dit: Comment qu'on peut arriver à avoir une vision aussi différente les unes que des autres de ce qu'on veut faire pour demain? Et bien sûr que, là, on a sorti l'artillerie lourde, on a sorti... Aïe, on retournait à l'esclavage, M. le Président. On a eu l'occasion d'entendre les gens dire qu'on retournait à l'esclavage, avec le projet de loi n° 31. Écoutez, on est en 2003. Puis, moi, je suis convaincu que les gens qui nous écoutent ce soir, puis les gens qui nous écoutent régulièrement ? parce que les travaux, c'est quand même assez suivis ? ne peuvent pas croire ces choses-là, ne peuvent pas imaginer que c'est aussi dramatique que ça.

Et, vous savez, M. le Président, les changements que nous sommes en train de vouloir instaurer au Québec, c'est de faire en sorte que les citoyens du Québec, qui sont les plus taxés en Amérique du Nord... Ici, au Québec on a encore un taux de chômage qui est extrêmement important. Nous, ce qu'on veut faire, c'est de permettre aux gens d'avoir de l'argent dans leurs poches. Parce que, quand ils vont payer leurs impôts, ils vont dire: Enfin, il y a quelqu'un qui s'occupe de moi, j'en ai pour mon argent. Mais l'autre chose qui est extrêmement importante, on veut créer un climat propice à la création d'emplois. Parce que la meilleure manière d'aider quelqu'un, M. le Président, ce n'est pas en lui donnant de l'argent, c'est en lui donnant une job pour qu'il puisse retrouver sa fierté, pour que cette personne-là puisse, jour après jour, avoir le plaisir et le privilège d'aller travailler, et se redonner une confiance en elle, et effectivement avoir la possibilité de le faire. Nous, ce qu'on veut faire, avec le projet de loi n° 31 ainsi que tous les autres projets de loi que nous sommes en train d'installer, c'est justement de permettre des mécanismes beaucoup plus faciles, beaucoup plus simples, qui vont justement permettre à la population du Québec de pouvoir avoir un accès au marché du travail.

n(17 h 30)n

On écoutait le député de Rousseau, tout à l'heure, citer des articles de journaux. J'écoutais la députée de Bourget faire part de certains documents aussi et citer certaines personnes qui sont presque au bord de l'hystérie. Mais, moi, je suis convaincu que ce n'est pas le cas, M. le Président, puis je suis convaincu que les gens qui nous écoutent ici, ce soir, pensent comme nous. Parce que, effectivement, on se doit de faire des choses exactement comme nous sommes en train de le faire actuellement. Et la chose que, nous, on se fait dire ? bien sûr qu'il y a des gens qui nous envoient des e-mails aussi ? mais la chose qu'on se fait dire le plus régulièrement sur le terrain lorsqu'on rencontre nos citoyens et nos citoyennes, c'est deux mots, M. le Président: Lâchez pas! Et, dans cette perspective-là, je vous avouerais qu'on se sent tout à fait confortables et tout à fait à l'aise de mettre de l'avant les changements que nous sommes en train de faire parce que le but, l'ultime but qui nous habite, M. le Président, c'est de faire en sorte que les citoyens et les citoyennes du Québec, qui sont les plus taxés actuellement en Amérique du Nord, bien, qu'il y ait quelqu'un qui s'occupe d'eux.

Et, juste pour ramener un petit peu des choses en perspective, parce que je ne peux pas laisser le député de Rousseau dire certains articles qui vont faire son affaire et laisser la population qui nous écoute ce soir sur une note très négative... Vous savez, moi, je suis un homme assez positif, et j'aimerais citer un article, j'aimerais citer un article qui va justement mettre un peu d'eau dans le vin de mon collègue de Rousseau, qui va justement permettre aux gens qui nous écoutent d'avoir une vision différente, et cet article nous est apparu hier matin dans le journal La Presse, et c'est écrit par Claude Picher. Claude Picher a quand même une plume reconnue à travers le Québec; il a quand même une vision, je vous dirais, qui est extrêmement importante et extrêmement, je dirais, juste de la situation du Québec actuellement, et des visions dans lesquelles nous voulons nous enligner.

Je cite M. Picher, M. le Président: «image percutante et rassembleuse.» Et ça, c'était dans les années 1972, lorsqu'il y avait une révolution syndicale, à ce moment-là. J'étais jeune, vous savez, à ce moment-là, je n'étais pas tellement préoccupé par ce genre de situation, mais, en 1972, il y a un slogan qui a été lancé par la CSN, à l'époque, suite aux mouvements syndicaux qui étaient extrêmement forts, et, à ce moment-là, l'idée qui était rassembleuse: Nous, le monde ordinaire. C'est ce que les centrales syndicales préconisaient à l'époque, et c'était leur slogan. Je vous avouerai que c'était un beau slogan, puis ça vient me chercher. À ce moment-là, ça représente toute une époque où le mouvement syndical était considéré comme le fer de lance des progrès sociaux. Ça, c'était en 1972, M. le Président.

«Avec le recul du temps ? là, je cite M. Picher encore une fois ? on sait aujourd'hui que cette vision utopique s'est évaporée. Les syndicats du secteur public, en particulier au niveau municipal, ont continué de réclamer et d'obtenir des salaires, des conditions de travail et des avantages sociaux de plus en plus attrayants. Pour payer tout cela, il a fallu taxer et surtaxer ? on sait de qui on parle, c'est de notre citoyen qu'on veut s'occuper ? d'autant plus que les salaires et avantages sociaux représentent la plus grande partie des dépenses des administrations publiques.» Ça, c'est M. Picher qui nous a écrit ça, hier matin, dans La Presse.

Et pour continuer un petit peu, M. le Président, vous allez me le permettre, j'en suis convaincu, pour justement apporter un éclairage très clair à la population qui nous écoute: «C'est ainsi qu'avec les années est apparue une nouvelle classe de privilégiés protégée par des puissants syndicats prêts à grimper aux barricades dès que le gouvernement veut toucher au moindre de leurs avantages. À côté, il existe des centaines de milliers de petits salariés dont beaucoup ne sont pas syndiqués, des travailleurs autonomes qui acceptent de faire des horaires démentiels pour joindre les deux bouts, des retraités qui doivent consacrer une part de plus en plus importante de leurs maigres revenus à financer le système. En 2003, ce ne sont plus les syndiqués confortablement assis sur leurs grasses conventions collectives, mais eux, ces centaines d'humbles contribuables, qui s'arrachent le coeur pour payer leurs impôts qui sont le monde ordinaire ? le slogan de 1972 revient en 2003 ? et qui commencent à avoir leur maudit voyage.» C'est une citation encore une fois, parce que vous comprendrez que c'est des mots qui, d'après moi, ne sont pas nécessairement parlementaires, mais c'est une citation qui est extrêmement importante.

Et juste un dernier paragraphe et je vais revenir à mon allocution: «Aujourd'hui, le Québec est la société nord-américaine la plus taxée et la plus bureaucratisée. Si on fait exception de Terre-Neuve, qui ne représente pas un modèle de développement particulièrement brillant, c'est aussi la plus endettée et une des plus durement touchées par le chômage. Certes, le front de l'emploi [...] le Québec a très bien fait ces dernières années. Depuis 1996, l'économie québécoise a créé en moyenne 75 000 emplois par année, ce qui constitue une excellente nouvelle. Le problème ? M. le Président ? c'est que cette performance demeure insuffisante pour combler l'écart qui la sépare toujours de ses voisins. Selon les chiffres les plus récents, le Québec était affligé d'un taux de chômage de 9,3 %, comparativement à 7 % en Ontario. La moyenne canadienne est de 7,6 %. Aux États-Unis, le taux de chômage est à 6 %. Plus taxé, plus bureaucratisé et moins riche, le Québec est aussi la société la plus fortement syndiquée. Se peut-il qu'il y ait un rapport?», M. le Président. Et c'est la citation de M. Piché d'hier.

Et, lorsqu'on entend des choses comme celles-ci... Vous savez, dans le fond, ce qu'il faut regarder concrètement dans la vie de tous les jours... actuellement, il y a des gens qui sont des entreprises, qui ont un travail, et ces gens-là sont très fiers. Et, lorsque, nous, on veut faire des modifications à l'article 45, avec le projet de loi n° 31, c'est de permettre justement une facilité davantage accrue aux entreprises de pouvoir être plus compétitives sur le marché international. Parce que vous savez, M. le Président, la boule aujourd'hui est petite. Nos compétiteurs sont la Chine, sont l'Asie, sont l'Europe, sont les États-Unis. Donc, on se doit de faire en sorte qu'effectivement on puisse se donner des mécanismes qui vont nous permettre d'affronter cette réalité-là qui nous afflige tous les jours.

Lors des commissions parlementaires, M. le Président, on a eu l'occasion d'avoir des gens qui sont venus nous rencontrer, nous déposer des mémoires, nous expliquer leur vision sur le projet de loi n° 31. Bien sûr, on avait les centrales syndicales, qui nous faisaient part, souvent de manière extrêmement précise, de leur position. Mais on avait aussi, je vous dirais, des gens qui ne sont pas dénudés de tout sens, qui sont venus nous faire part de certaines positions, puis je vous dirais avec des arguments qui étaient de taille, entre autres avec des données financières et des informations extrêmement pertinentes.

Et j'aimerais citer une personne de celles-ci, Pierre Fortin, qui est économiste, qui est un économiste extrêmement connu ici, au Québec, qui, à chaque occasion, a l'occasion effectivement de donner son commentaire et toujours de manière très, très, très justifiée, à mon sens. Et M. Fortin nous parle de deux choses ? tantôt j'aurai l'occasion de revenir sur les «job labor», j'aurai l'occasion de revenir là-dessus tout à l'heure... «cheap labor», excusez-moi ? mais la conclusion, M. Fortin, avant de revenir au «cheap labor», c'est que cette analyse qu'il a faite... D'abord, il y a eu des demandes et des rencontres qui ont été faites avec différentes entreprises du Québec, et, par rapport au fait que l'assouplissement de l'article 45 contribuerait à mettre du monde au chômage, je pense que M. Fortin a des arguments qui sont extrêmement vrais pour nous dire que ce n'est pas le cas.

Il a eu l'occasion de rencontrer et de faire des questionnements avec des entreprises qui sont des donneuses d'ouvrage. Entre autres, à la question qui était demandée à ces gens-là: S'il y a un assouplissement à l'article 45, si vous faites de la sous-traitance, est-ce qu'il y a des pertes d'emplois lorsque vous faites de la sous-traitance? Et les résultats de ce sondage-là, M. le Président, sont extrêmement clairs, et je vous dirais qu'ils nous portent à nous réconforter dans notre position qu'actuellement nous sommes en train de prendre. Les gens qui faisaient de la sous-traitance et qui disaient qu'il allait y avoir une perte d'emplois par rapport à la sous-traitance, 4 %. 52 % de ces gens-là qui répondaient au sondage disaient que, par rapport au nombre d'emplois, il n'y avait aucun changement. Mais ce qui est le plus important, M. le Président, c'est que 44 % de ces entreprises-là ont répondu qu'il y avait une augmentation d'emplois grâce à la sous-traitance. Alors, je comprends qu'il y a des gens qui peuvent s'inquiéter puis je comprends que les gens de l'opposition ne veulent rien savoir de ça, mais la personne qui est chez elle ce soir et qui nous écoute, et qui a besoin de travailler, bien, peut-être que l'aspect de la sous-traitance, c'est un moyen qui pourrait justement lui permettre d'avoir une job.

Et la conclusion de M. Fortin à cet aspect-là est extrêmement importante: «Cette analyse porte à croire, M. le Président, qu'il vaut ? mieux ? la peine d'aller de l'avant avec l'amendement de l'article 45 proposé par le projet de loi n° 31. Une interprétation large de l'article 45 par les tribunaux spécialisés en ce qui concerne la sous-traitance a conduit à des exagérations nuisibles à la création d'emplois. Cette évaluation surprenante de la jurisprudence a forcé le législateur à préciser et à baliser le texte de la loi afin de corriger la situation. Les emplois perdus seront regénérés à long terme, mais il n'y aura pas de catastrophe à court terme. Et, à court terme comme à long terme, l'amendement proposé ne paraît menacer ni le salaire, ni l'emploi des travailleurs syndiqués.» Ça, c'est la conclusion de M. Fortin. Et dans la conclusion de M. Fortin, il nous fait référence à l'aspect historique, je vous dirais, de l'article 45, lorsqu'il a été introduit dans le Code du travail en 1961.

n(17 h 40)n

Ce qu'il faut rappeler, M. le Président, c'est le contexte dans lequel cet article de loi là a été amené. Et j'ai une citation ici, faite, encore une fois, par une personne qui a travaillé extrêmement fort dans le domaine des relations de travail, M. Noël Mallette. M. Mallette est à l'École des sciences de gestion à l'Université du Québec à Montréal. Et un des aspects extrêmement importants que M. Mallette nous réfère dans son document: «Il faut par ailleurs comprendre le contexte historique de l'adoption de l'article 45 dans le Code du travail en 1961. À l'origine, l'intention du législateur visait la seule protection de l'accréditation contre la conséquence du principe civiliste de la relativité des contrats selon laquelle l'aliénation d'une entreprise par un propriétaire au profit d'un tiers annulait l'accréditation et la convention collective qui en résultaient.»

Alors, si on se ramène dans le contexte, ni les syndicats ni le législateur n'ont alors entrevu ou visé la couverture de la sous-traitance. Le légiste du gouvernement, au moment de l'adoption de ces dispositions, qui deviendra plus tard juge à la Cour suprême du Canada, M. Louis-Philippe Pigeon, estimait que la portée des dispositions pertinentes ne recouvrait pas la sous-traitance. Ça, ça a été dans le rapport Mireault, à la page 160: «La jurisprudence en a donc décidé autrement. Le projet de loi n° 31, M. le Président, ramène les dispositions pertinentes à l'intention du législateur et à une interprétation raisonnable.»

Vous avez eu l'occasion, au cours des dernières heures et au cours des derniers jours, d'entendre parler d'un cas qui est particulièrement frappant, celui du cas de Sept-Îles. Celui du cas de Sept-Îles où la municipalité de Sept-Îles a décidé de donner ses contrats de déneigement à un sous-traitant. Sept-Îles ne mettait pas à la porte aucun employé de la municipalité, c'est qu'elle désirait ne plus s'occuper de ce contrat-là parce que... ça peut-u arriver qu'ils avaient besoin de s'acheter un camion neuf? Ça peut-u arriver qu'il y avait des choses particulièrement intéressantes?

Alors... excusez-moi, je vous ai parlé des contrats de déneigement, c'est des contrats des vidanges.

Une voix: Ce n'est pas tout à fait pareil, mais c'est possible.

M. Blackburn: Mais le principe est le même. C'est l'émotion, vous savez, M. le Président.

Une voix: C'est la neige.

M. Blackburn: Vous savez, à Roberval, la semaine passée, c'est l'endroit au Québec où il y a eu le plus de neige. Alors, je me suis mis dans le bateau du contrat de déneigement. Mais, pour revenir à mon exemple, M. le Président...

Une voix: Les vidanges.

M. Blackburn: Les vidanges. Et Sept-Îles, à ce moment-là, a donné à un sous-traitant le contrat de faire l'enlèvement des vidanges dans la municipalité, sauf que la jurisprudence en a décidé autrement, et le sous-traitant a été obligé de se soumettre aux conditions de travail de la convention collective qui était déjà en place à la municipalité de Sept-Îles. Alors, vous comprendrez avec moi que je ne suis pas certain que c'était le but de l'article 45 en 1961, sauf qu'à quelque part on voit les résultats qui... Et, s'il y a des gens qui pensent que c'est normal, cette affaire-là, on a comme un problème, parce que c'est sûr qu'on va être divergents d'opinion à ce niveau-là. Et le but de l'article... du projet de loi n° 30, effectivement, c'est de redonner de la souplesse, de redonner beaucoup plus de facilité, justement, à ceux qui sont des créateurs d'emplois, de pouvoir le faire.

Dans le fond, ce qu'il faut regarder, M. le Président, c'est que les créateurs d'emplois aujourd'hui, là, il faut les traiter comme des bijoux. C'est effectivement des denrées qu'on se doit de protéger. Nous, comme État, on se doit de donner des mécanismes qui vont justement leur permettre de créer des emplois. Un créateur d'emplois, ce n'est pas nécessairement quelqu'un qui est familier avec l'ensemble des lois qui existent, ce n'est pas nécessairement quelqu'un qui est familier avec toute la législation qui... avec tous les règlements, avec tous les programmes qui existent. Nous, comme État, nous, comme organisme, on se doit de mettre des moyens qui vont permettre à ces gens-là de pouvoir créer des emplois. On se doit de les aider à peaufiner leurs facettes justement dans le but de faire travailler du monde.

Et, ce qu'il ne faut pas oublier, M. le Président, c'est qu'actuellement au Québec nous sommes l'endroit le plus taxé en Amérique du Nord, le taux de chômage est élevé. On se doit de trouver des mesures qui vont permettre aux Québécois et aux Québécoises de pouvoir aller travailler. Bien sûr que les gens de l'opposition officielle, ils vont continuer encore, dans les prochaines minutes, dans les prochaines heures, à faire des allocutions sur l'article 45, sur le projet de loi n° 31, mais, moi, ce que je veux faire, M. le Président, c'est sensibiliser les gens qui nous écoutent. Parce que, bien sûr, il y en a eu 20 000 qui sont venus, la semaine passée, à Québec, manifester, mais il y en a encore tout près de 7 millions qui sont restés chez eux, qui eux, chaque jour, travaillent, vont travailler. Puis il y en a qui ont des conditions de travail qui ne sont pas nécessairement évidentes, mais ces gens-là veulent avoir la chance de travailler, ces gens-là veulent avoir de l'argent dans leurs poches, puis ils savent qu'ils sont les plus taxés en Amérique du Nord.

Et, dans cette perspective-là, M. le Président, je suis extrêmement fier de faire partie du gouvernement qui, le 14 avril dernier, a été élu sur des propositions ou sur des changements qu'il proposait à la population du Québec. Lorsqu'on entend les gens de l'opposition nous mentionner que le 14 avril n'a rien changé, je comprends que ce n'est pas nécessairement leur apanage d'écouter les gens, les citoyens... Mais, nous, ce qu'on dit, c'est que, depuis septembre 2002, on a rencontré les citoyens du Québec dans chacune des régions du Québec, M. le Président, et je suis heureux de voir qu'il y a des gens de chacune des régions du Québec qui sont ici, ce soir, pour entendre ça et qu'il y a des gens chez eux qui nous écoutent. Et, lorsqu'on a rencontré les citoyens et les citoyennes de chacun de ces endroits-là du Québec, M. le Président, bien sûr on leur a fait part de notre planification, de notre programme, des visions et des ambitions qu'on avait pour les citoyens du Québec, mais, à l'intérieur de cette plateforme-là, effectivement, il y avait des modifications qui étaient apportées à l'article 45. Donc, dans ce contexte-là, je me sens, moi, comme député du comté de Roberval, extrêmement légitimé de faire ce que nous sommes en train de faire et je me sens extrêmement légitimé de faire partie d'un gouvernement qui fait exactement ce qui était marqué dans son document de la plateforme électorale du 12 septembre dernier... 2002, pardon, M. le Président.

Alors, dans cette perspective-là, vous comprendrez toute ma fierté et tout le privilège que j'ai de faire partie de ce gouvernement ici, et je vais défendre jusqu'au bout le projet de loi n° 31, qui va justement permettre aux entreprises du Québec des assouplissements qui vont, eux, leur permettre, aux citoyens et aux citoyennes du Québec, de pouvoir travailler, de pouvoir avoir quelqu'un qui travaille pour eux dans l'intérêt des citoyens et des citoyennes du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Roberval. Merci, M. le député de Roberval. Pour la poursuite du débat... Oui, M. le député de Gaspé, sur...

M. Lelièvre: Est-ce que le député de Roberval accepterait que je lui pose une brève question?

Le Vice-Président (M. Gendron): Bien, c'est... En vertu de l'article 213, vous avez le droit. Moi, j'attends la réponse... Il faut que la question soit brève et la réponse courte. Est-ce que, M. le député de Roberval, vous acceptez? Oui ou non, M. le député de Roberval?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, la question est acceptée. Alors, un instant, un instant!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, parce qu'il faut entendre la question, c'est ce qu'il vous demande.

M. Lelièvre: Rapidement, M. le Président, je voudrais savoir du député de Roberval... qu'il nomme quelques avantages pour les travailleurs à faire de la sous-traitance, comme il la défend actuellement.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, M. le député de Roberval, une courte réponse.

M. Blackburn: Alors, d'abord, juste pour essayer d'être un peu plus clair, il y a des gens qui, actuellement, au Québec, ont des emplois grâce à la sous-traitance, et il y a particulièrement 175 000 travailleurs qui font partie de la FTQ qui ont un job parce qu'il y a de la sous-traitance. Alors, ça, c'est extrêmement important. Et le contexte, actuellement, nous force à être un peu plus imaginatifs.

J'ai combien de temps, M. le Président, pour répondre?

Le Vice-Président (M. Gendron): Ah, très, très courtement, la question doit être courte puis la réponse doit être courte.

M. Blackburn: Ah! Excusez-moi. Excusez-moi, vous savez...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, si vous voulez conclure.

M. Blackburn: ...conclure. Alors, le contexte nous force à être très imaginatifs pour permettre aux entreprises du Québec de pouvoir faire face à la concurrence qui s'offre à eux. Et juste deux mots, M. le Président, qui nous sont répétés à chaque jour par des citoyens et des citoyennes du Québec: Lâchez pas!

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je reconnais maintenant Mme la députée de Rimouski. Mme la députée de Rimouski, pour votre intervention sur le principe du projet de loi n° 31.

Mme Solange Charest

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le député de Roberval, il ne répond pas aux questions. Enfin...

Le projet de loi n° 31, cette loi qui modifie le Code du travail, un si petit projet de loi, seulement 11 articles, mais combien, combien important pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du Québec, compte tenu des conséquences et des impacts que ce projet de loi aura sur toutes les relations de travail au Québec. L'intention du gouvernement libéral, je pense qu'elle est connue, M. le Président, de tous. Dans le fond, ce que le gouvernement actuel veut, c'est modifier l'article 45 pour faire en sorte de retirer les dispositions qui sont relatives à la sous-traitance, qui protègent de façon minimale l'accréditation et les conventions collectives lors de la cession partielle des activités d'une entreprise. Avec ce projet de loi, c'est 70 % de la sous-traitance qui existe déjà au Québec qui risque d'échapper complètement à l'article 45. Le projet de loi, s'il est adopté tel quel, va mettre fin immédiatement aux conditions de travail existantes du jour au lendemain. S'il y a transfert d'entreprise, donc sous-traitance, fini les salaires à 12 $, 13 $, 14 $ de l'heure. Mais ce sera plutôt dorénavant... ça ressemblera à des salaires de 7 $, 8 $, 9 $ de l'heure.

n(17 h 50)n

Que l'on pense à Bombardier, qui a donné à sous-contrat ses services alimentaires, et les travailleurs pourront vous témoigner aujourd'hui de la baisse incroyable de salaires et des conditions de travail qu'ils ont subie suite à cette activité de l'entreprise. Pourtant, Bombardier est supporté beaucoup par les gouvernements, entre autres le gouvernement fédéral, il est subventionné très largement dans différents programmes, et ils nous font croire que leur concurrence, que leur compétitivité repose sur les travailleurs des services alimentaires de leur usine. Franchement, il faut le faire.

Contrairement à ce que laissent entendre certains membres du gouvernement actuel, l'article 45 n'interdit pas du tout la sous-traitance. Au contraire, et c'est tout à fait correct, il laisse aux employeurs toute la latitude voulue de vendre ou de sous-traiter. Alors, je ne vois pas pourquoi on fait croire aux citoyens que l'article 45 empêche la sous-traitance.

Si les employeurs, les propriétaires d'entreprise ont le droit de vendre ou de sous-traiter, il me semble que, d'un autre côté, les employés ont le droit d'être protégés eux aussi, et donc il est juste, normal, équitable que les travailleurs conservent leurs conditions de travail.

Dans tout contrat d'affaires ? vous en avez fait, j'en fais, tout le monde fait des contrats d'affaires à un moment donné ? les parties, ce qu'ils doivent faire, c'est avant tout respecter les différents éléments du contrat. Et on sait très bien que, dans tout contrat, il y a une ou des clauses de prévues qui permettent que, s'il y a des changements aux éléments initiaux du contrat, certaines autres clauses s'appliquent. C'est ce que fait l'article 45. L'article 45 permet de civiliser le recours à la sous-traitance, parce que la sous-traitance existe déjà à grande échelle au Québec comme partout ailleurs. Le projet de loi n° 31 tel que rédigé est un danger public, et je mesure mes mots quand je dis cela. Non seulement il attaque de plein front le mouvement syndical, mais il vulnérabilise la situation des travailleurs, des travailleuses syndiqués. Il aura pour effet de légaliser l'appauvrissement des travailleurs et des travailleuses.

Le projet de loi est justifié par le ministre du Travail pour trois motifs. Selon lui, là, il y a trois motifs pour lesquels il faut absolument modifier l'article 45. Selon lui, c'est le glissement d'interprétation de l'article 45 sur le concept d'entreprise qui est un des motifs qui justifient les modifications à l'article 45. Et un autre motif, c'est à l'effet que les modifications, les amendements qui ont été portés en 2001 à l'article 45 sont incomplets, sont imprécis. Alors, il faudrait faire autre chose pour s'assurer que l'article 45 soit plus inopérant qu'il l'est. Alors, ça ne fait pas l'affaire du Conseil du patronat, et surtout pas du Parti libéral du Québec.

Et un des... un dernier motif qui est invoqué par le ministre du Travail, c'est que la compétitivité des entreprises et la nécessité de mettre le Québec au diapason des autres provinces justifie que l'on modifie l'article 45. Qu'en est-il au juste des prétentions du gouvernement pour amender, justement, l'article 45 dans le cadre de la loi n° 31? Je vous dirais que le gouvernement justifie les modifications par un prétendu glissement d'interprétation. Dans le fond, le gouvernement dit, ce qu'il dit, là, c'est que les tribunaux du travail ont modifié la portée de l'article 45, puis il faut absolument, toujours selon eux, corriger le tir. On se plaint que la jurisprudence, dans le cas de l'interprétation de l'article 45, ils prétendent que ce n'est plus ce qu'il était au moment de son adoption. Pourtant, au cours des dernières années, il n'y a eu aucun changement dans la façon dont l'article 45 a été interprété et appliqué, surtout dans le secteur de la sous-traitance. L'article 45, là, a toujours été interprété et appliqué de la même façon depuis son adoption, au mois de juin 1961, sous le règne de Jean Lesage, premier ministre libéral du Québec, à ce moment-là. L'interprétation de l'article 45 est stabilisée, et ce, malgré les nombreuses tentatives, autant du monde syndical que du monde patronal, d'élargir les effets de l'article.

C'est vrai que l'article 45 a fait l'objet de beaucoup l'objet d'avocasseries pour en réduire ou en augmenter les effets, mais les décisions qui ont été rendues, tout comme... hier, tout comme celles d'aujourd'hui, sont tout à fait conformes à celles rendues dès les premières années d'application, dès la première année de son adoption.

Alors, d'hier à aujourd'hui, on peut constater que, dès le début de l'application, l'objectif a toujours été de protéger les droits des travailleurs, des travailleuses, et les acquis de la négociation collective lorsqu'une décision d'entreprise d'avoir recours à la sous-traitance intervient. Devant cet état de fait, comment le gouvernement peut-il, honnêtement et de façon transparente, parler d'un glissement de la jurisprudence? En quoi la jurisprudence actuelle et, en particulier, la décision de la Cour suprême du Canada, justement dans le dossier de la ville de Sept-Îles, est-elle différente de celle des années 1960?

Je pense et, honnêtement, à la lecture de la documentation que j'ai consultée, que l'application de l'article 45 est restée fidèle, M. le Président, et je dis bien «fidèle» aux objectifs qu'avait le législateur en 1961. L'article 45 a produit les effets et les résultats visés par son adoption en juin 1961, je le répète et j'insiste. Est-ce que c'est son efficacité qui dérange? C'est plus ça, la question qu'on devrait se poser.

Le gouvernement conservateur libéral veut revenir à l'ère duplessiste. C'est un recul majeur dans la reconnaissance de la protection des conditions de travail des citoyens et citoyennes du Québec. Lors de sa conférence de presse sur le dépôt du projet de loi n° 31, le ministre du Travail avançait l'idée que l'article 45 constituait ? écoutez bien ça ? une lacune du droit québécois et que la législation québécoise du travail devait être mise au diapason de celle des autres provinces canadiennes.

On sait, puis on le constate jour après jour, que, de plus en plus, avec le gouvernement actuel, celui-ci veut canadianiser le Québec, rendre le Québec une province comme les autres. Je n'ai jamais pensé que le gouvernement libéral irait jusqu'à qualifier de «lacune de droit québécois» un régime mis en place par un autre gouvernement libéral dont son objectif était de faire du Québec une société moderne. Au contraire, avec le projet de loi n° 31, les travailleurs et les travailleuses du Québec seront les moins bien protégés au Canada. Le projet de loi retire du Code du travail une protection majeure sans la remplacer par les différentes mesures que compte la législation des autres provinces canadiennes. Le projet de loi n° 31 menace l'avenir des jeunes travailleurs et des jeunes travailleuses parce que, une des principales conséquences de l'adoption de ce projet de loi, c'est la dévaluation des emplois.

Pourquoi je dis cela, M. le Président? Bien, écoutez, la société québécoise connaîtra, au cours des années à venir, des changements sociaux majeurs, très importants. Le départ à la retraite d'un grand nombre de baby-boomers, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, est là et il s'accentuera au cours des mois et des années à venir. Des centaines, des milliers de travailleurs et de travailleuses seront remplacés par des plus jeunes sur le marché du travail. Compte tenu des modifications proposées à l'article 45, c'est évident que les entreprises et certains employeurs ? je ne dis pas tous, je dis certains employeurs ? en profiteront pour réduire les conditions salariales au minimum et réduire d'autant les conditions de travail. Ce sera la dévaluation des emplois, la normalisation de la dévaluation des emplois, le nivellement par le bas, quoi.

Pourtant, il s'est établi au Québec, depuis des décennies, une culture des relations de travail dont l'article 45 a toujours fait partie, en a même été le pivot. En changeant les règles du jeu avant que des milliers de conventions collectives ne viennent à échéance, le gouvernement donne un avantage incommensurable à une seule des deux parties. C'est un geste odieux, mesquin.

Le Vice-Président (M. Gendron): Excusez, Mme la députée. À ce moment-ci, moi, pour poursuivre, j'ai besoin d'un consentement, et, comme il vous reste un neuf minutes à votre intervention, je préférerais, compte tenu de l'heure, suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

Mme Charest (Rimouski): Pas de problème, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, les travaux sont suspendus jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

 

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, chers collègues, veuillez vous asseoir.

Alors, on va poursuivre le débat concernant l'adoption du principe du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le leader de l'opposition officielle.

Motion de report

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, après entente avec le leader du gouvernement, sans que pour autant j'aie à utiliser mon droit de parole, je voudrais faire la motion suivante:

«Que la motion en discussion soit modifiée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant, à la fin, les mots "dans six mois".»

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, M. le leader...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): C'est ça, oui, effectivement, c'est une motion qui est recevable. Donc, je suis prêt à entendre tout de suite des collègues qui voudraient intervenir sur cette motion qui est jugée recevable. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Ma compréhension de l'entente que nous avons, c'est qu'il n'y aura pas d'intervention, ni d'un côté ni de l'autre.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, comme il n'y a pas d'intervention, ni d'un côté ni de l'autre, est-ce que cette motion est acceptée?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Cette motion est rejetée. Alors, M. le leader, puisqu'on n'a pas de motion, pouvez-vous m'indiquer quel est le menu à partir de ce moment-ci?

M. Dupuis: Alors, en vertu du règlement et de l'article 100 de notre règlement, je vais vous faire une motion d'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, c'est une motion qui est débattable. Est-ce qu'il y a des gens qui veulent intervenir sur la motion d'ajournement du débat? Je ne vois personne qui veut intervenir. Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est acceptée?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, cette motion est adoptée. M. le leader du gouvernement, pour la suite de nos travaux.

Ajournement

M. Dupuis: Alors, dans les circonstances, M. le Président, j'apprécierais que vous ajourniez nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, est-ce que la motion d'ajournement est acceptée... adoptée?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, la motion étant adoptée, je me vois dans l'obligation d'indiquer aux collègues de cette Chambre que les travaux sont ajournés à demain, le 4 décembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 20 h 4)