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Version finale

36th Legislature, 2nd Session
(March 22, 2001 au March 12, 2003)

Friday, June 8, 2001 - Vol. 37 N° 35

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

Le Président: Bien. À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons nous recueillir un moment.

Bien. Veuillez-vous asseoir.

Alors, nous allons immédiatement aborder...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Affaires courantes

Nous abordons immédiatement les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles, ni présentation de projets de loi, ni dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, Mme la présidente de commission des affaires sociales et députée de Saint-François.

Étude détaillée du projet de loi n° 166

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 7 juin 2001 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions

Maintenant, au dépôt de pétitions, Mme la députée de Mercier.

Mme Rochefort: M. le Président, je demande la permission de déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement, Mme la députée.

Investir dans les réseaux de la santé
et de l'éducation pour offrir des services
adéquats aux enfants dysphasiques

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. Je dépose donc l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 21 247 pétitionnaires de toutes les régions du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que les enfants dysphasiques ne peuvent plus attendre après les services! Il en va de leur avenir;

«Considérant que nous dénonçons le problème d'accès aux services de la santé et réclamons des ajouts de budget rapidement afin d'offrir aux enfants dysphasiques les services auxquels ils ont droit et qui sont nécessaires à leur intégration sociale;

«Considérant que des situations inacceptables se multiplieront;

«Considérant que des enfants sont inscrits sur de longues listes d'attente, et ce, afin de pouvoir consulter des spécialistes pour recevoir un diagnostic ? on parle souvent de plus d'une année;

«Considérant que des enfants dont le diagnostic de dysphasie est posé attendent de deux à quatre ans avant d'avoir accès à des services de réadaptation en raison des listes d'attente trop longues. Leur entrée scolaire ainsi que les services auxquels ils ont droit en sont largement compromis;

«Considérant que ceci pourrait être évité si les services de soins étaient accessibles dès que le problème est identifié;

«Considérant que des enfants attendent entre un et deux ans avant d'avoir accès à un service de garde adéquat selon leur état et qu'aucun service d'accompagnement n'est disponible et que les ressources sont manquantes;

«Considérant que les enfants dysphasiques n'ont pas droit aux classes de langage pour des raisons de manque de budget de la part des commissions scolaires;

«Considérant que selon la Loi sur l'instruction publique ces enfants ont droit à ce service;

«Considérant que l'intégration des enfants dysphasiques dans le réseau scolaire est inadéquate à plusieurs niveaux;

«L'intervention réclamée se résume ainsi, M. le Président:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'investir immédiatement dans les services de santé ? exemple: services de réadaptation ? dans les services de garde ainsi que de voir à l'amélioration des services au sein des commissions scolaires.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Bien. Cette pétition est déposée. M. le député de Brome-Missisquoi, maintenant.

M. Paradis: Oui, M. le Président, je sollicite le consentement afin de déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement.

Dénoncer le coût abusif des médicaments
pour les personnes âgées

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je dépose donc l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale du Québec par 411 pétitionnaires du comté de Brome-Missisquoi.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, sommes contre le coût abusif des médicaments pour les personnes âgées;

«We the undersigned are against the cost of prescription drugs for senior citizens.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Bien, cette pétition est aussi déposée. M. le député de Châteauguay, maintenant.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Par votre entremise, j'aimerais demander le consentement de la Chambre pour déposer l'extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Alors, vous avez le consentement, M. le député.

Surseoir à l'adoption du projet de loi n° 28
modifiant le mode de nomination
des conseils d'administration dans le
secteur de la santé et des services sociaux

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 702 pétitionnaires citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Le gouvernement a déposé le projet de loi n° 28 qui soustraira le contrôle de nos établissements de soins de santé aux représentants communautaires pour le confier aux personnes nommées par le gouvernement;

«The Government is trying to ram it through the National Assembly before its summer break.

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous avons construit nos hôpitaux, nos cliniques, nos résidences de soins infirmiers ainsi que les agences et centres de réadaptation pour enfants, familles et personnes ayant des besoins spéciaux. Nous les avons maintenus pendant des générations. Ils nous appartiennent, ils n'appartiennent pas au gouvernement.

«Say no to Premier Landry and to his Health and Social Services Minister Rémy Trudel.

«Cette pétition s'oppose à ce projet de loi.

«Ensemble, nous pouvons arrêter l'adoption du projet de loi n° 28.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien. Alors, cette pétition est également déposée.

Nous allons aborder immédiatement la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Avant que ne débute la période de questions, M. le Président, nous avons été prévenus de l'absence aujourd'hui du ministre de la Sécurité publique, de la ministre d'État à la Culture et aux Communications et responsable de la Charte de la langue française ainsi que de l'Autoroute de l'information, de l'absence de la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole, responsable de la grande région de Montréal, de l'absence de la ministre d'État aux Relations internationales et de la Francophonie, de l'absence de la ministre d'État à l'Économie et aux Finances, ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, responsable de la région de la Montérégie, de l'absence du ministre des Transports, responsables de la Faune et des Parcs, ministre délégué aux Affaires autochtones, ministre responsable de la Réforme électorale, ministre responsable des régions de Lanaudière et de la Côte-Nord.

Qu'est-ce qui explique l'absence de ces ministres, si ce n'est qu'on est vendredi aujourd'hui, et la présence du ministre de l'Éducation un vendredi, à Québec?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: M. le Président...

n(10 h 10)n

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, d'abord, le ministre de l'Éducation adore Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Deuxièmement, tous ces ministres, qu'on vient de citer, ne sont pas en vacances. Ils sont donc occupés; ils vaquent à des occupations importantes et prioritaires. La plupart sont en mission, comme le ministre de la Sécurité publique qui est en mission à Indianapolis; la ministre des Finances est en Suède et la ministre des Relations internationales est au Brésil. Donc, c'est ce qui explique leur absence.

Le Président: Bien. Alors, nous allons aborder la période de questions...

M. Paradis: Nous n'avons pas été prévenus cependant de l'absence du ministre de la Justice. Est-ce qu'on peut confirmer sa présence?

M. Brassard: Tout à fait.

Le Président: Bien. Alors...

M. Brassard: Il sera là au moment opportun.

Questions et réponses orales

Le Président: Très bien. Alors, je vais donc céder la parole maintenant au chef de l'opposition officielle pour la première question principale.

Performance en matière de création
d'emplois et de lutte au chômage

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, on a eu une mauvaise nouvelle ce matin. On apprend que le taux de chômage augmente de 0,3 % au Québec, pour atteindre la barre de 9 %, que le Québec a perdu 10 000 emplois le mois dernier, que la situation du Québec ne cesse de se détériorer. Le Québec n'a créé que 8 000 emplois au cours des 12 derniers mois, alors qu'il s'en est créé 210 000 ailleurs au Canada. C'est donc 4 % des emplois au Canada au cours des 12 derniers mois, M. le Président.

Pourtant, le gouvernement du Parti québécois avait pris un engagement ferme en 1996 à l'effet que le Québec devait atteindre la moyenne canadienne au chapitre du taux de création d'emplois dans un délai de trois ans. Depuis ce temps-là, ce délai est écoulé, M. le Président, et, au lieu de chercher à réduire l'écart, on commence à le creuser et à le creuser sérieusement, M. le Président.

Je comprends que le premier ministre va vouloir blâmer encore les prédécesseurs, va vouloir blâmer le gouvernement fédéral, mais il conviendra avec moi qu'au moment où son engagement a été pris, en 1996, il se trouvait dans une situation où il était bien au fait de la situation économique du Québec. Il a donc pris un engagement ferme.

Peut-il nous expliquer aujourd'hui pourquoi les politiques de son gouvernement sont un échec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Si nos politiques étaient un échec, il faudrait que le chef de l'opposition nous explique pourquoi il pose sa première question économique à peu près en cinq ans. C'est parce que la progression de l'économie a été telle, a été telle que l'opposition officielle a évité soigneusement ? et c'était la prudence élémentaire ? de s'aventurer sur ce terrain.

En effet, l'emploi peut varier en dents de scie de mois en mois. Ça n'était pas arrivé au Québec depuis longtemps, parce qu'on a enregistré pendant six mois consécutifs des hausses d'emploi, on en a 43 000 de plus. Évidemment, 85 % de nos exportations internationales se font vers les États-Unis d'Amérique. Le monde entier sait qu'un ralentissement, non pas catastrophique mais significatif, se produit sur ces marchés. Alors, on y exporte moins de produits de base mais moins de produits de haute technologie aussi, parce que le Québec étant une puissance de haute technologie, le Québec, maintenant restructuré, contribuant pour la moitié de toutes les exportations de haute technologie du Canada, il est sûr que, quand ce secteur fléchit un peu, notre économie en souffre.

Mais je console le chef de l'opposition officielle, il y a plusieurs indicateurs extrêmement positifs, malgré ce que je viens de dire du ralentissement américain.

Les reventes d'habitations ont augmenté de 10,1 au Québec, 5,2 au Canada; les ventes de gros ? un bon indicateur avancé, parce qu'on vend en gros avant de vendre au détail ? on a augmenté de 5,8, 2,3 % au Canada; les ventes au détail, hausse de 3,1, 4,7 au Canada dans ce cas; les mises en chantier, progression de 13,4, plus 4,3 au Canada. Tout ça pour dire que, quand nous sommes arrivés au pouvoir, comme les finances publiques, l'économie, étaient dans un état lamentable, on avait un taux de chômage qui jouxtait le 14 %. Nous avons réussi à le baisser.

Des voix: ...

M. Landry: Ils veulent pas m'entendre parler de santé, hier, interrompu à peu près 20 fois...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Landry: Ou c'est trop compliqué pour eux ou les succès de l'économie du Québec les embêtent. Mais je redis que ce gouvernement, qui est intervenu puissamment en faveur de l'économie, a réussi à aider, avec les gens d'affaires évidemment et nos secteurs associatif et coopératif, à redresser cette économie d'une façon spectaculaire. Et, pour peu que la température revienne aussi favorable aux États-Unis, on va encore en voir de meilleures dans les années à venir.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Alors, le premier ministre nous a vraiment habitués, M. le Président, à dire à peu près n'importe quoi. Il reste toujours une chose: En 1996, le premier ministre, alors ministre des Finances, avait pris en engagement ferme et très clair qu'il allait faire en sorte qu'au Québec on allait rejoindre la moyenne canadienne au chapitre du taux de création d'emplois. Ç'a été un échec. Au lieu de réduire l'écart, on creuse l'écart, M. le Président. On creuse l'écart. Et pourtant, les échanges économiques avec les États-Unis, à ce que je sache, il s'en fait ailleurs au Canada. On vit exactement dans le même contexte économique.

Alors, comment expliquer cet écart-là, M. le Président? Et comment expliquer que ce gouvernement est toujours le gouvernement qui taxe le plus ses citoyens, alors que partout ailleurs il y a des réductions d'impôts? Est-ce que le premier ministre pense pas que le temps est venu justement de réexaminer sa fiscalité à lui et ses décisions absurdes de continuer à taxer les citoyens du Québec au niveau le plus élevé en Amérique du Nord, alors que tout ça est un frein à la création d'emplois, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Ne connaissant pas l'économie d'aujourd'hui, le chef de l'opposition ne connaît pas non plus l'histoire économique. L'histoire économique... Et j'ai été, avec tous les autres économistes du Québec, à l'oeuvre pour dénoncer cet écart. De Robert Bourassa, qui a été le plus virulent critique de la politique monétaire canadienne qu'on a connu dans la vie publique, en passant par François-Albert Angers ou Rodrigue Tremblay, tout le monde sait, tout le monde sait... Et Pierre Fortin, évidemment, Pierre Fortin, un des plus brillants d'aujourd'hui.

M. le Président, quelle est cette stratégie de l'opposition, qui n'aide pas l'image du parlementarisme, et elle ne les aide pas à comprendre l'économie et nos réponses? Je peux pas prononcer un mot, M. le Président, vous en êtes le témoin, sans être interrompu. Est-ce que ça les intéresse, sérieusement, l'économie? Est-ce que ça les intéresse que les gens qui nous écoutent, soit dans les galeries ou dans l'ensemble du Québec, aient quelques chiffres au sujet de notre économie et de l'histoire économique?

M. le Président, je vous demande formellement, parce que là ça fait deux jours de suite qu'à chaque intervention ils font la preuve, à mesure de ce...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Landry: Merci, M. le Président. Donc, je parlais de cet écart historique, qui est connu vraiment de tout le monde. Ce n'est pas une question partisane. Quand Maurice Le Noblet Duplessis occupait ce siège, l'écart entre le Québec et l'Ontario et le reste du Canada était plus grand qu'il ne l'est encore aujourd'hui. C'est un écart historique. Le niveau de vie de l'Ontario, je l'ai dit 100 fois, est encore de 25 % plus élevé que le nôtre. Quand Duplessis était premier ministre, il était de 40 % et au-delà plus élevé que le nôtre.

Alors, on rattrape, et puis ça prend du temps, et ça prend des efforts. Et, comme l'a souligné le gouvernement... comme l'a souligné souvent le gouvernement de Robert Bourassa, qui était, encore une fois, un critique impeccable de l'économie canadienne et du système centralisé de gouvernement, bien, il faut que je redise que, quand on envoie la moitié de nos impôts à un système qui fait 50 % des dépenses de recherche et développement en Ontario, à un système qui ne nous donne pas notre per capita pour les subventions aux entreprises ni pour les achats gouvernementaux... Il y a des députés de la région de l'Outaouais ici qui devraient savoir qu'il y a 1 % des dépenses gouvernementales fédérales qui se font du côté est de la rivière des Outaouais. Ça coûte des dizaines de milliers d'emplois. Il y a 50 centres de recherche fédéraux à l'ouest de la rivière des Outaouais. Alors, ne vous demandez pas d'où vient l'écart. Et ce n'est pas pour rien, ce n'est pas pour rien que tous les partis en cette Chambre veulent changer ce système qui a un coût économique énorme.

n(10 h 20)n

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, au moment où le premier ministre avait pris l'engagement, en 1996, de ramener ça au taux moyen canadien, Maurice Duplessis, à ce que je sache, avait déjà quitté ce siège-là, puis il vivait dans le même régime fédéral qu'il vit aujourd'hui. Et je veux que les gens s'en rappellent, parce que, malgré cela, ça l'a pas empêché de prendre un engagement qu'il n'a pas tenu, qu'il n'a pas respecté. Et, aujourd'hui, bien, on a le constat de son échec. Le pire, c'est dans les régions du Québec: Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine, le taux de chômage est toujours au-delà de 22 %; dans le Bas-Saint-Laurent, de mai 2000 à mai 2001, le chômage a augmenté de 10,8 à 13,9 %; dans le Centre-du-Québec, de 9,9 % à 11,7 %; dans les Laurentides, de 7,6 % à 8,9 %; l'Abitibi-Témiscamingue, de 12,5 % à 13,4 %; en Mauricie, 11,1 % à 11,5 %; Côte-Nord et Nord-du-Québec, 13,9 % à 17,4 %, M. le Président. Voilà le résultat des politiques.

Le premier ministre aime bien citer les économistes. Il y en a un, économiste, aujourd'hui, qui justement avait des choses à dire au gouvernement. Simon Prévost, qui est l'économiste en chef de la Banque Laurentienne, qui, dans un article publié dans le journal La Presse aujourd'hui, dit que le gouvernement, au lieu de mettre 950 millions en réserve pour des dépenses ultérieures, pour se faire une cagnotte électorale, aurait dû baisser les impôts, M. le Président. Il est le seul gouvernement qui continue à refuser d'indexer les tables d'impôts. Pourquoi il pose pas un geste aujourd'hui pour favoriser la création d'emplois? Parce que, au-delà de tous vos beaux discours pour blâmer le fédéral, le gouvernement précédent, George W. Bush, il y a des gens qui ont pas d'emploi au Québec et qui mériteraient d'avoir un peu de justice. Au lieu de vous asseoir sur vos mains, bougez! Faites quelque chose! Commencez donc à agir pour créer de l'emploi au Québec!

Des voix: Bravo!

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, il y a 200 000 assistés sociaux de moins au Québec, M. le Président, des hommes et des femmes qui, à cause de négligences antérieures, ne pouvaient pas s'intégrer dans le marché du travail. Aujourd'hui, ils ont la dignité que donnent le travail et le fait de s'intégrer dans la société. En matière de régions, le chômage a baissé de façon spectaculaire dans toutes les régions du Québec, sauf les régions-ressources.

Et, en parlant de régions-ressources, nous leur avons donné, dans le dernier budget, la meilleure instrumentation d'action économique qui n'a jamais été mise à leur disposition. Et je la rappelle: pour les deuxième et troisième transformations de ressources naturelles précisément dans ces régions: statut fiscal comparable à celui de la Cité du multimédia à Montréal. Dans toutes les régions-ressources, M. le Président. Dans toutes les régions-ressources, exemption totale d'impôts québécois pour les PME manufacturières pendant une période de 10 ans, les trois types de fiscalité. Et, dans la Gaspésie, des mesures supplémentaires parce que sa détresse est plus grande qu'ailleurs. C'est pourquoi... C'est pourquoi 72 % des manufacturiers du Québec se disent plutôt ou très satisfaits du climat d'affaires au Québec, des niveaux sans précédent.

En 2001, s'il faut parler de régions, 12 des 17 régions du Québec connaîtront une croissance de leurs investissements. Les régions qui obtiendront les meilleurs taux de croissance de leurs investissements seraient la Côte-Nord, l'Abitibi-Témiscamingue, la Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine, le Nord-du-Québec et le Centre-du-Québec, précisément les régions dont le chef de l'opposition a parlé. Ça veut dire que les mesures qu'on a mises en place non seulement ne sont pas théoriques, mais commencent déjà à donner leur effet.

Le Président: En question principale, maintenant, Mme la députée de Bourassa.

Financement des ressources en supervision
de droit de visite en matière familiale

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. M. le Président, dans des cas de violence conjugale, d'aliénation parentale, d'absence prolongée d'un parent ou encore de troubles psychiatriques ou de toxicomanie, la Cour supérieure du Québec prescrit, par ordonnance, des droits de visites supervisées. Ces droits de visites supervisées sont assurés par des organismes communautaires spécialisés. Or, il s'avère que, faute d'un financement stable, les ressources en supervision de droit d'accès ne peuvent pas respecter les ordonnances de la Cour supérieure.

Actuellement donc, il y a des centaines d'enfants dont l'âge varie entre cinq et 10 ans qui sont carrément privés d'un contact sécuritaire avec leur parent non-gardien. Conséquemment donc, également, il y a des milliers d'enfants dont le sort va dépendre et dépend de l'absence de financement stable des ressources en supervision de droit d'accès au Québec.

M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice est conscient de la problématique? Est-ce qu'il compte exiger de la part de ses collègues des Services sociaux et de la Famille et de l'Enfance qu'elles financent adéquatement ces organismes afin que les ordonnances de la Cour supérieure soient respectées, et bien sûr pour assurer le caractère essentiel de ces services?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, il y a deux volets dans la question: un concernant les expertises psychosociales et l'autre concernant ces centres qui n'ont pas encore un nom totalement défini mais qui consistent à permettre à des couples en instance de divorce, et quand la garde a été partagée, de faire le passage entre l'un des parents à l'autre parent d'un enfant, pour éviter qu'il y ait violence ou qu'on craigne de la violence.

Ce sont des établissements qui se sont bâtis peu à peu au cours des dernières années. Je me rappelle, dans mon premier mandat comme ministre de la Justice, d'avoir visité les premiers établissements de ce genre, ça commençait, et ça s'est développé depuis. Il pourrait arriver effectivement, M. le juge, qu'on ait besoin d'augmenter les sommes d'argent...

Une voix: M. le juge?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ç'a l'air qu'on peut pas sortir l'avocat de moi, M. le juge!

Le Président: Et rassurez-vous, comme je ne suis pas avocat, je n'aurai jamais droit à ce titre. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Alors, il semble bien qu'on ait de la difficulté à sortir 25 ans de pratique de quelqu'un.

Une voix: Votre Honneur!

M. Bégin: Alors, je ne vous appellerai pas Votre Honneur, mais M. le Président.

Des voix: ...

M. Bégin: Hein? Ha, ha, ha! Alors, je pense...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Non, mais, M. le Président, c'est une fonction extrêmement importante, délicate, ça permet que des actes de violence ne soient pas commis et que le transfert d'un parent à un autre d'un enfant se fasse dans des circonstances correctes. Alors, il est évident que nous aurons à investir des sommes additionnelles dans l'avenir pour aider ces centres à accomplir leurs fonctions. D'autant plus que les tribunaux effectivement ont compris qu'il y avait là un instrument extrêmement intéressant pour compléter les ordonnances qu'ils émettent. Alors, M. le Président, nous allons regarder ça de très près.

n(10 h 30)n

Quant aux études psychosociales, nous fournissons normalement les services requis, mais il peut arriver, dans certaines périodes où il y a un accroissement de demandes, que, dans une région, il y ait des retards qui s'accumulent. Mais, généralement, ces retards-là se résorbent de façon... dans le temps.

Alors, M. le Président, nous ferons donc le nécessaire pour nous assurer qu'en tout temps les services soient donnés pour faire suite aux décisions des tribunaux.

Le Président: Mme la députée.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, j'écoute le ministre de la Justice et je me demande s'il a pris connaissance de la lettre de la juge en chef de la Cour supérieure du Québec, l'honorable Lise Lemieux, qui, le 14 février dernier, dénonçait que la précarité de ces ressources s'explique par l'absence ? l'absence ? de subventions de l'État. Alors, vous disiez tantôt qu'il faudrait peut-être les augmenter; encore faudrait-il qu'elles en aient. Il n'y en a pas, à l'heure actuelle.

Et, deuxièmement, M. le ministre, qu'est-ce que vous entendez faire pour vous assurer du meilleur intérêt des enfants? Parce que, ces ressources-là existent bel et bien à travers le Québec, hein? Elles vivent des conditions extrêmement précaires. On les appelle les «ressources en supervision de droit d'accès» au Québec. Et ces ressources-là interviennent pas seulement dans le cas de transfert d'enfants, comme vous l'avez mentionné.

Le Président: M. le ministre.

M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, j'ai fait état que j'étais conscient de cette demande de ressources additionnelles. Je ferais remarquer que, dans ce domaine, le ministère de la Justice est partie prenante au système mais qu'il y a aussi des services sociaux, puisqu'on est au-delà du système judiciaire lui-même mais vraiment dans le cheminement normal dans la société, et les services sociaux sont impliqués là-dedans. Mais soyez assuré, M. le Président, que nous allons nous assurer qu'on puisse continuer à développer ces ressources-là, qui sont essentielles, et qui évitent beaucoup de drames dans la société. Mais il faut que nous prenions le temps de trouver les ressources nécessaires et requises pour les accorder à ces personnes.

Le Président: En question principale...

Mme Rochefort: En complémentaire.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Mercier.

Mme Nathalie Rochefort

Mme Rochefort: M. le Président, qu'est-ce que la ministre déléguée à la Santé et aux Services sociaux entend faire pour que les organismes communautaires qui assument la supervision de ces visites ? souvent pour un financement de 3 $ de l'heure ? soient financés correctement dans l'intérêt des enfants?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, nous avons bien entendu les députés de l'opposition nous soumettre le problème. Nous accompagnons effectivement au fur et à mesure que se développent de nouvelles ressources dans la communauté... parce qu'il faut dire que les gens, les parents, les familles ont beaucoup d'initiative, trouvent des solutions qui sont originales, innovatrices, intéressantes. On les accompagne et on les soutient au fur et à mesure que se développent de telles ressources. Alors, nous examinerons, comme l'a exprimé mon collègue le ministre de la Justice, nous examinerons comment nous pourrons en venir à appuyer effectivement ces nouvelles ressources.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Russell Copeman

M. Copeman: Oui. M. le Président, est-ce que la ministre d'État à la Famille et à l'Enfance se souvient qu'elle a été saisie de ce même dossier il y a maintenant deux ans? Le gouvernement est au courant du problème depuis deux ans, pas depuis aujourd'hui. Et, compte tenu de son rôle de coordination gouvernementale qu'elle doit exercer, qu'est-ce que la ministre de la Famille et de l'Enfance entend faire pour assurer que les enfants visés par ces ordonnances reçoivent les visites, l'accès dont ils ont besoin, l'accès sécuritaire pour maintenir les liens avec leurs parents dans des situations sécuritaires, suite à des ordonnances de la Cour ou recommandations de la Protection de la jeunesse?

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État à la Famille et à l'Enfance.

Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, je suis contente que le député de Notre-Dame-de-Grâce ait posé cette question. Et la question qui est soulevée par l'opposition, elle est très pertinente, mais elle met en perspective trois choses fort importantes.

À juste titre, le ministre de la Justice a mentionné qu'il y a trois intervenants dans ces dossiers particulièrement. Il y a le ministère de la Justice qui accompagne, par la médiation familiale, les parents en rupture. Il y a également la ministre déléguée aux Services sociaux qui aide les personnes qui, dans le cas de rupture, vivent soit de la violence... et il y a, bien sûr, des cas où les parents, pour différentes raisons, ne sont pas capables ou ne peuvent pas se rencontrer pour exercer des droits d'accès. Alors là il y a une troisième mesure qui est celle, bien sûr, de ces maisons d'accès.

Actuellement, elles sont financées par différents ministères qui, ensemble, ont réussi à donner des petites sommes pour leur permettre de soutenir les parents dans des réalités qui sont... Il faut le dire, elles ne sont pas en nombre fort important, mais elles existent. Alors, ce que nous avons fait pour être capables d'avoir un meilleur arrimage, nous avons bien sûr créé un comité tripartite dans lequel le ministère de la Famille et de l'Enfance, qui est interpellé, le ministère de la Justice et au niveau...

Des voix: ...

Mme Goupil: M. le Président, c'est important d'expliquer. C'est important...

Des voix: ...

Mme Goupil: M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Bien. Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, M. le Président, nous avons convenu de financer un colloque de la Fédération des unions de famille qui, à l'automne, avec les différents partenaires, vont s'asseoir ensemble pour voir comment on peut maximiser nos ressources humaines et nos ressources financières pour offrir des services aux enfants lorsque les parents vivent cette réalité. Et nous allons, M. le Président, trouver des solutions, mais, bien sûr, ça interpelle l'ensemble de la société dans des cas qui sont extrêmement particuliers, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, est-ce que la ministre réalise aujourd'hui qu'après l'intervention de trois ministres de ce gouvernement, après avoir été informés du dossier il y a deux ans, il y a des centaines, même des milliers d'enfants dont l'accès sécuritaire à leurs parents est menacé faute de fonds? Aujourd'hui, immédiatement, il y a déjà des centres qui sont fermés parce que votre gouvernement ne les supporte pas. Vous les supportez pas. Comment pouvez-vous nous donner une telle réponse, que vous allez créer un comité, que vous allez faire des études? Vous êtes saisis du dossier depuis deux ans, il est temps d'agir avec des fonds aujourd'hui, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce exagère grandement. Au Québec, nous avons des données statistiques qui confirment qu'une famille sur deux qui connaît la rupture... plus de 80 % des familles utilisent le service de médiation familiale qui est un service extraordinaire qui permet aux parents de demeurer responsables et qui permet de demeurer des parents même après une rupture. Alors, 80 %, ce ne sont pas des centaines et des dizaines de milliers, comme il exagère à chaque fois en cette Chambre, M. le Président.

Et, M. le Président, les gens qui travaillent dans les milieux, ils interpellent au premier chef le sens des responsabilités des parents. Il y a des mesures qui sont en place pour les soutenir. Nous finançons des organismes familiaux. Nous finançons également des organismes qui soutiennent les parents en amont. Mais, M. le Président, l'État à lui seul ne peut pas intervenir dans tous les dossiers. Et, en même temps que le chef de l'opposition ne cesse, avec tous ses collègues, de nous dire que nous sommes les plus taxés, bien, en même temps, il faut interpeller le sens des responsabilités. On a des budgets à gérer, puis on travaille en équipe pour trouver des solutions. Alors, M. le Président, il est pas équipé aujourd'hui pour nous dire qu'on ne fait rien.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

Des voix: ...

Le Président: Bien. Maintenant, peut-on permettre au chef de l'opposition officielle de poser une question?

Accessibilité des services de réadaptation
en déficience intellectuelle ou physique

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, pour l'information de la ministre, il s'agit d'ordonnances de cour et non pas de médiation. Et je suis sûr que les gens dans les galeries qui s'intéressent à la question en ont pris bonne note, que la ministre a passé à côté de la réponse.

Mais c'est intéressant qu'elle invoque la responsabilité des parents, parce qu'il y en a une, responsabilité, sur laquelle je veux revenir aujourd'hui, c'est celle de la situation des enfants dysphasiques. La députée de Mercier a déposé une pétition, il y a quelques minutes, de plus de 21 000 noms de parents exaspérés qui en ont assez de ce gouvernement qui reste assis sur ses deux mains. Hier, on a eu des longs échanges là-dessus à la période de questions.

n(10 h 40)n

Je veux juste rappeler au premier ministre, parce que c'est à lui que je m'adresse pour cette question-là, qu'il y a des enfants, là, qui ont été diagnostiqués, qui sont en attente de deux à quatre ans avant d'avoir accès à des services de réadaptation. Mais il y a pire que ça. Quand on va au-delà des chiffres, ce qu'on apprend, M. le Président, là, c'est que, dans certains cas, les centres qui offrent des services aux enfants de zéro à cinq ans ont de la difficulté, dans certains cas, à leur donner des services. Les listes d'attente sont tellement longues qu'il y en a qui sont expulsés de la liste d'attente parce que les enfants atteignent l'âge de cinq ans et doivent intégrer le milieu scolaire, hein? Alors...

Et le problème est pas nouveau, M. le Président. Je souligne au premier ministre que ça doit faire bien au-delà de deux ans ? deux ans ? qu'on pose ces questions-là à l'Assemblée nationale du Québec. Mais ç'a pas l'air à émouvoir ce gouvernement-là, ç'a pas l'air... Sont devenus tellement arrogants, ç'a pas l'air à les émouvoir.

On a eu un échange là-dessus pendant toute la période de questions, hier. Ma question est directement au premier ministre: Compte tenu de l'importance du sujet et des gens qui se sont déplacés ici, à l'Assemblée nationale, aujourd'hui, j'aimerais savoir quelle instruction il a donnée à ses ministres et à son gouvernement depuis hier pour qu'on fasse ensemble puis qu'on bouge ensemble pour aider ces gens-là, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, je sais qu'il y a des parents et des enfants, entre autres... des parents d'enfants dysphasiques, qui sont ici, des enfants aussi. Je tiens d'abord à les saluer, à leur dire que, comme gouvernement, comme gouvernement responsable, nous sommes très conscients qu'il y a des problèmes avec le dépistage, l'évaluation et l'intervention auprès des enfants dysphasiques. Hier, nous avons eu effectivement de longs échanges, M. le Président, mais je pense qu'il faut rappeler quelques éléments et apporter aussi quelques éléments supplémentaires, informations, pour le bien de l'Assemblée.

Nous avons, bien sûr, énoncé des budgets additionnels que nous avons, dans les dernières années, donnés en déficience physique. Nous avons parlé aussi des problèmes de recrutement et de formation de la main-d'oeuvre. À ce sujet, une nouvelle information. J'ai rencontré Louis Beaulieu. M. Beaulieu est le président de l'Ordre des orthophonistes et audiophonistes. Il y a des efforts importants de recrutement à l'étranger en cours, notamment en Belgique, et ces efforts sont appuyés par le ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi que par le ministère de l'Éducation. Donc, les résultats semblent extrêmement positifs. Il y a des professionnels de ces disciplines qui se sont dits intéressés à venir exercer leur métier au Québec. Parce que, on le sait, il y a un problème sérieux auprès des enfants... des enfants dysphasiques, c'est le manque d'orthophonistes. On est en train de travailler résolument, là, activement à résoudre ce problème.

D'autre part, on a parlé de listes d'attente, M. le Président. Or, il est assez compliqué, dans le cas de la déficience physique, de faire des listes d'attente, puisque le nombre de personnes sur une liste d'attente n'est pas... le nombre d'inscrits sur une liste d'attente n'équivaut pas nécessairement au nombre de personnes. C'est pourquoi j'ai été vérifier dans le système qu'on a, qui est... on gère... combien de personnes reçoivent des services. Parce que c'est ça, qui est important: Combien de personnes au Québec reçoivent des services dans nos centres de réadaptation? Les chiffres montrent une réussite spectaculaire depuis 1991, depuis 1991. En 1991, en déficience physique, nous servions 33 328 personnes, en 1991; aujourd'hui, 57 077 personnes. Près du double de personnes actuellement reçoivent des services des centres de réadaptation au Québec. C'est une formidable avancée, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

 

M. Jean J. Charest

M. Charest: La ministre doit être contente, elle est allée voir le système, elle est allée voir ses chiffres, ses statistiques. Sauf qu'il y a un petit hic aujourd'hui: il y a du vrai monde assis dans les galeries, aujourd'hui, hein, du vrai monde. Je vais lui donner un exemple de ce que c'est quand on va voir les chiffres, hein? Elle prétend qu'on donne plus de services?

On nous rapporte que dans... Un des problèmes que nous vivons actuellement dans le système, c'est qu'il y a tellement peu de ressources qui ont été investies que certaines personnes ne sont vues que deux fois par année. C'est bon pour les statistiques de la ministre, ça, hein? Ça lui permet de se vanter à l'Assemblée nationale qu'on voit beaucoup de monde, sauf qu'ils sont juste vus deux fois par année, M. le Président.

Et on nous dit en même temps... Je vais lui donner un exemple, parce que M. Lachapelle, qui est du centre Raymond Dewar, dit, et je cite: «Aujourd'hui, on doit suivre et donner des services à 60 enfants qui ont reçu des implants cochléaires et pour lesquels on n'a reçu aucun budget.» On n'avance pas, on recule. C'est exactement ce que ces gens-là viennent vous dire aujourd'hui, M. le premier ministre.

Et, comme on a eu un échange assez long là-dessus hier et que ça fait plusieurs fois qu'on vous pose ces questions-là à l'Assemblée nationale, qu'il y a une pétition de 20 000 noms, que ces gens-là sont ici aujourd'hui... Mais ça va vous prendre quoi au juste pour écouter? Ça vous prend quoi pour que vous puissiez bouger dans ce gouvernement-là, puis s'occuper de ces gens-là, puis ces enfants-là qui méritent un peu de justice?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, quand je parle de personnes qui ont reçu des services et que j'en donne le nombre, je parle de personnes. Nous travaillons, nous allons régulièrement sur le terrain voir les gens, voir les personnes. J'étais hier dans un centre de la petite enfance où justement il y a des personnes, il y a des enfants, il y a des parents qui sont là et qui expliquent et qui disent la qualité des services.

Nous n'avons pas réglé tous les problèmes, M. le Président; je tiens à le dire aux parents, aux enfants qui sont ici. Nous sommes conscients à quel point ils veulent développer le plein potentiel de leur enfant, c'est d'une grande importance pour eux et pour elles. Mais nous travaillons activement, année après année, jour après jour, avec toutes les personnes qui travaillent dans le réseau de la santé et des services sociaux, à aller de plus en plus rapidement. Nous comprenons leurs besoins et nous agissons année après année, jour après jour.

Ce sont 55 000 personnes au lieu de 33 000 qui ont reçu des services, M. le Président. Je ne parle pas de statistiques, je ne parle pas de chiffres, je parle de personnes, d'êtres humains, de parents, d'enfants. C'est de ça... de Québécois et de Québécoises. Oui, il y a encore des problèmes, mais on travaille deux fois plus fort, deux fois plus efficacement que les gens qu'il y avait de l'autre côté en 1991.

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien. Maintenant, en question principale, M. le député de Westmount?Saint-Louis.

Pratiques administratives sous l'ancienne
administration de la Société des alcools du Québec

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. M. le Président, le premier ministre a été responsable de la Société des alcools de 1994 à cette année. M. le Président, le premier ministre a lui-même été responsable de la nomination de M. Frigon. M. Frigon a porté hier des accusations de vol à l'endroit de ses prédécesseurs, et je vais le citer, M. le Président: «Sous l'ancienne administration de la Société, autant les vice-présidents que le président de la Société des alcools du Québec puisaient de façon illimitée dans les réserves de la cave de la Société pour s'approvisionner en vin[...]. On pillait sans vergogne les caves de la Société des alcools du Québec.»

M. le Président, je voudrais savoir: Quand le premier ministre en a été informé pour la première fois et quel geste concret a-t-il posé?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, l'opposition vient enfin de rendre hommage à Gaétan Frigon après avoir essayé, par toute sorte de détails et d'astuces, de discréditer le meilleur gestionnaire du secteur public à peu près qu'on a eu pour cette Société et pour bien d'autres.

Il est vrai que j'ai été ministre responsable de la Société des alcools. J'ai jamais eu la prétention d'aller compter les bouteilles dans la cave. Mais quand Frigon est arrivé, lui, il l'a fait. Et quand vous avez accusé les vice-présidents, là, quand vous avez accusé les vice-présidents dans cette Chambre, il y a quelques jours, de recevoir des quantités de vin d'une façon que vous disiez suspecte, c'est le contraire, Frigon a nettoyé ça. Avant, on pillait la cave, on faisait n'importe quoi sans pièces justificatives, sous votre régime et pendant des années. Vous-même avez été au ministère des Finances, vous-même avez été, en tout cas, dans un gouvernement responsable de la Société des alcools. Nous avons mis fin à ces excès. Vous n'avez pas eu le courage de le faire; nous sommes fiers de l'avoir fait.

Et, quant aux vice-présidents qui reçoivent une certaine quantité de vin, M. Frigon vous l'a très bien expliqué, de quoi il s'agit: ce sont des outils de représentation. Parce qu'ils n'ont pas droit premièrement d'accepter de la représentation. M. Frigon a établi un haut niveau d'éthique et il a permis à ses vice-présidents de faire de la promotion des produits sur pièces justificatives, en quantité limitée, et c'est la raison pour laquelle le chiffre d'affaires de la Société des alcools, à cause de cette gestion exemplaire, a été multiplié par quatre depuis votre administration.

Le Président: M. le député.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Ma question est bien simple, M. le Président: Quand le premier ministre a-t-il été informé pour la première fois de ces actes illégaux et quel geste concret a-t-il posé?

Le Président: M. le premier ministre.

n(10 h 50)n

M. Bernard Landry

M. Landry: Je vous l'ai dit, là. Je vous l'ai dit, ce n'était pas dans mes attributions de compter les bouteilles. C'était dans mes attributions de faire que la Société soit bien gérée et elle le fut. Et, quand M. Frigon est arrivé aux commandes, il a fait les nettoyages qui s'imposaient. Nous en sommes fiers et, moi, personnellement, je n'ai jamais été mis au courant de tels excès avant que les journaux et que Frigon en parlent, mais je réitère que c'est à l'honneur de M. Frigon d'avoir rendu ces choses publiques pour montrer comment, à une époque de négligence, tout le gouvernement était mal administré, y compris la Société des alcools.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Saint-Laurent.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le premier ministre a repris les accusations de M. Frigon, ce matin. Piller, c'est voler. Les accusations sont sérieuses.

Est-ce que la Sûreté du Québec va être saisie de l'affaire et quand?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. Frigon, je le réitère, est un gestionnaire de qualité. Quand il écrit ce qu'il écrit, c'est qu'il en est sûr et qu'il l'a vérifié. Et ce qu'il a dit: «Avant 1998, la SAQ possédait une cave à vin appelée "cave du président". Le président et les vice-présidents de l'époque avaient accès illimité à cette cave lorsque ces derniers avaient des réceptions privées ou des cadeaux à donner.» Alors, ils avaient accès illimité. Je ne sais pas, c'est probablement pas contre le Code pénal, mais c'est stupide.

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Landry: Bon. Alors, dans une Société mal gérée, où on donne un accès illimité à la cave, je ne vois pas comment, en droit pénal, ensuite, par après, on pourrait prétendre qu'un crime a été commis. Ça fait très longtemps que j'ai pas pratiqué le droit, mais il faut faire la différence entre le crime et la mauvaise gestion. On n'a jamais dit que vous aviez eu une gestion criminelle quand vous nous avez précédés, on a juste dit que vous avez géré d'une façon catastrophique et lamentable.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat-là, mais est-ce que le premier ministre...

Des voix: ...

Le Président: M. le président du Conseil du trésor, s'il vous plaît, là. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: J'allais vous dire, M. le Président, que je n'avais pas l'intention d'intervenir dans ce débat-là, sauf que je veux dire au premier ministre que, lorsque j'ai pris connaissance des déclarations de M. Frigon, ce matin, moi, j'ai pris ça au sérieux et je veux le reciter à nouveau, là, il parle de «pillaient sans vergogne les caves de la SAQ» en parlant de ses prédécesseurs. Ça, c'est du vol. C'est un acte criminel.

Non, je regrette, M. le Président, vous venez d'affirmer, vous aussi, que les prédécesseurs pillaient les caves de la SAQ. C'est très grave, ça, M. le Président. Il s'agit de l'intégrité de gens qui ont accepté de servir l'État et c'est une accusation qui ne peut pas...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: Le député de Vachon a l'air de dire que, oui, c'est effectivement le cas, il le réitère, puis d'autres députés le réitèrent, bon. Alors, vous venez d'affirmer que les prédécesseurs étaient coupables d'un acte criminel...

Des voix: ...

M. Charest: Non, non, M. le Président, là, je regrette, là. Quand on accuse les gens de piller les caves de la SAQ, là, on joue plus sur les mots. Vous avez fait une deuxième affirmation, M. le premier ministre ? M. le Président ? vous venez d'affirmer que M. Frigon était un administrateur sérieux, qu'il a dû vérifier les faits. Bon. Il y a plus beaucoup de marge de manoeuvre, là. Vous vous êtes peinturé dans le coin...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: Le ministre de la Justice... Le ministre, votre ministre...

Des voix: ...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: M. le Président, les ministériels peuvent trouver ça très amusant, mais j'imagine que les administrateurs et leur famille, ce matin, quand ils ont pris connaissance de ce que M. Frigon affirmait, ont pas dû trouver ça très amusant, apprendre que leur mari ou leur père pillait sans vergogne les caves de la SAQ. Bon.

Le premier ministre a fait des déclarations qui sont sans équivoque, qu'il y aurait eu des vols, donc des actes criminels. Il confirme en même temps que le président de la SAQ, s'il a affirmé de telles choses, a donc dû les vérifier. Il fait aucune équivoque là-dessus.

Son ministre de la Justice a maintenant le devoir ? il a pris connaissance de tout ce débat ? de demander à la Sûreté du Québec de faire une enquête. Parce que, s'il y a eu...

Des voix: ...

M. Charest: Je regrette... je regrette, il y a des conséquences. Lorsqu'on déclare des choses, il y a des conséquences qui s'y rattachent. Et je vous rappelle que ces gens-là ont droit, eux aussi, au même principe d'équité et de justice que tout le monde.

Alors, si vous affirmez ces choses-là et si c'est vrai, comme vous le dites, le président de la SAQ a donc le devoir d'en informer les autorités compétentes pour qu'elles fassent enquête.

Et, si, M. le Président ? on verra au résultat de l'enquête ? si ça devait pas être le cas, je présume que le président de la SAQ posera les gestes qu'il doit poser dans les circonstances, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien. M. le premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: À mon avis, M. le Président, pas fort en gestion, pas fort en droit non plus. Ce que le président a dit ? on l'a, là, c'est écrit: «...la SAQ possédait une cave[...]. Le président et les vice-présidents de l'époque avaient accès illimité à cette cave.»

Si le patron du Cosmos...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Landry: Bien sûr que je vais continuer, M. le Président: «...accès illimité à cette cave lorsque ces derniers avaient des réceptions privées ou des cadeaux à donner.» C'est ce que dit M. Frigon. Pas un mot de plus, pas un mot de moins. Alors...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de l'Acadie, faites attention à ce que vous dites, actuellement. Vous avez pas le droit de parole, mais je vous entends trop pour que ces paroles puissent rester sans conséquence. Alors, pour le moment...

Des voix: ...

Le Président: Un instant, là! Je me suis levé avant que vous vous leviez, M. le leader de l'opposition officielle, et je voulais réclamer... pour qu'on puisse entendre le premier ministre, comme j'ai bien entendu le chef de l'opposition et que j'ai fait le nécessaire également pour qu'il soit entendu correctement.

Alors, maintenant, je souhaiterais entendre le premier ministre. Sur une question de règlement, monsieur le leader?

M. Paradis: En vertu de 214. Le premier ministre a signé un extrait d'un document; qu'il le dépose, maintenant.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Landry: M. le Président, alors, c'est sûr que je peux le déposer avec joie, mais ils vont me le laisser encore quelques minutes, au cas où j'aurais des citations qui leur feraient encore plus mal à donner.

Des voix: Ha, ha, ha!

n(11 heures)n

M. Landry: Alors, je continue mon exposé. Ce document dit «accès illimité». On parle, en face, de droit pénal. Faiblesse en droit. Si le patron du Cosmos fait publier un communiqué de presse: Vous avez accès illimité à mon bar, le monde vont y aller puis ils vont se servir. Est-ce que ça va nous donner le droit d'envoyer la police après? Ils leur ont donné accès.

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Landry: Bon. Alors, cette affaire se retourne contre l'opposition officielle. Ils l'ont amorcée en disant: Les vice-présidents ont un droit à recevoir un remboursement maximum annuel de 2 500 $. C'est comme ça que ça a commencé, puis ils en ont fait un drame, alors que c'était pas un drame, c'était la correction d'un drame antérieur de mauvaise gestion qui vient d'être parfaitement bien décrite par M. Frigon. M. Frigon a mis ordre dans cette affaire. Il y avait un accès illimité, il l'a limité. Et il faut maintenant des factures et il faut justifier le fait qu'on utilise, pour la promotion de la Société, 2 500 $ de vin.

Alors, d'abord, je félicite M. Frigon pour ce nettoyage. Et puis, s'il doit aller plus loin et fouiller davantage avec son conseil d'administration, j'ai tout à fait confiance qu'il le fera. Il ne nous a donné que des preuves: faible en droit, faible en gestion, faible en discipline. Il nous a...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre, en terminant.

M. Landry: M. Frigon ne nous a donné que des raisons...

Une voix: ...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition?

M. Paradis: Sur l'engagement que le premier ministre s'est engagé à faire, de déposer son papier. Il vient d'en ajouter un deuxième. Moi, je voudrais que ce soit celui d'en dessous qui soit déposé, celui qu'il a cité à l'Assemblée nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: ...

Le Président: Je pense qu'il y a déjà eu des décisions de rendues à l'effet que les notes personnelles d'un ministre ne sont pas des documents. Et le premier ministre s'est engagé à rendre public le texte qu'il citait, qui était un texte formel, qui n'était pas ses notes. Je ne pense pas qu'en vertu du règlement la présidence puisse obliger ni le premier ministre ni quelque membre de l'Assemblée à déposer ses notes personnelles.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, à partir de quelle information vous affirmez qu'il s'agit de notes personnelles?

Le Président: Je le sais pas.

Des voix: ...

Le Président: Bien, M. le leader de l'opposition officielle...

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le premier ministre, en terminant.

Documents déposés

M. Landry: Ce sont effectivement des notes personnelles que me préparent mes adjoints. Mais j'ai tellement d'estime pour l'opposition que, même sur le plan personnel, je les rends publiques avec joie et je les dépose, mes notes personnelles. L'autre, c'est le communiqué de la SAQ. J'en ai deux dans les mains, je les dépose tous les deux. Voilà.

Mais vous venez de me donner l'opportunité de lire dans mes notes personnelles ce qu'il y a ici: Revue Commerce, en mars 2000, parmi les 131 entreprises québécoises citées par Léger & Léger, la SAQ...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Chomedey, s'il vous plaît! En terminant, M. le premier ministre, s'il vous plaît.

M. Landry: Ça m'étonne qu'il n'ait pas crié quand j'ai dit RevueCommerce. Ne serait-ce pas la preuve de leur attitude partisane en tout? Alors, je continue ma citation, et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de la faire: La Société des alcools du Québec arrivait, sur 131 entreprises, au huitième rang pour sa notoriété et pour l'appréciation et l'attachement des Québécois. Et, deux ans avant, deux ans avant...

Des voix: ...

Le Président: Bien. M. le premier ministre.

M. Landry: Je termine et conclus, M. le Président. Deux ans avant, le nom de la Société n'apparaissait même pas dans la liste des sociétés appréciées. Alors, j'en conclus qu'il y a eu un virage salutaire à la Société des alcools, première conclusion. Et, deuxième conclusion, j'en conclus que les gens de l'opposition sont de petite nature parce que le simple fait de parler de vin les enivre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, la période de questions et réponses orales pour aujourd'hui est terminée.

Motions sans préavis

Quand le calme sera revenu, nous pourrons passer aux motions sans préavis. Bien, M. le député d'Orford, en motion sans préavis.

Souligner la Journée
mondiale des océans

M. Benoit: M. le Président, «que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale des océans», qu'elle reconnaisse les problèmes de pollution dans tous les océans, de l'importance des océans sur le climat et finalement de la mauvaise gestion de la ressource.

Merci, M. le Président.

Le Président: Bien. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Brassard: Il y a consentement pour adoption sans débat.

M. Paradis: ...à ce moment-ci, à mon bon ami le leader...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader, je ne vous entends pas, malheureusement. Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Je me permets d'intervenir auprès de mon bon ami le leader du gouvernement pour lui souligner que, en ce qui concerne le dossier de l'environnement, c'est la cinquième motion, en faisant appel à son ouverture, qu'il refuse de débattre ? je sais qu'il a déjà été ministre de l'Environnement: le 20 avril, c'était la motion sur le Jour de la terre; le 1er juin, la Semaine de l'environnement; le 5 juin, la Journée nationale de l'environnement; le 6 juin, la Journée de l'air pur; et aujourd'hui la Journée mondiale des océans.

Est-ce qu'on pourrait... Est-ce qu'on doit comprendre de ces refus systématiques de débattre qu'il a banni l'environnement de cette enceinte, les discours sur l'environnement, ou qu'il ne veut pas laisser à son successeur le plaisir de s'exprimer, peut-être de reprocher à ses prédécesseurs le travail qu'ils n'ont pas fait?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, le leader de l'opposition a tort. Ce que j'attends, c'est une motion sur l'Année de l'environnement. Là, à ce moment-là, on pourra parler.

Le Président: Bien. M. le député d'Orford.

n(11 h 10)n

M. Benoit: Oui. Juste un point d'explication, M. le Président, là. Est-ce que...

Le Président: Je pense que, à l'égard d'une question de règlement... À moins que vous veniez sur une question de règlement, je crois que votre leader vient de tenter de voir s'il pourrait pas y avoir consentement. Il n'y a pas consentement. À ce moment-ci, vous avez lu votre motion. Celle-ci ne peut être que adoptée sans débat, sans explication aussi. Alors, si c'est le cas, cette motion est-elle adoptée?

M. Paradis: Simplement pour ne pas que vous mésinterprétiez les propos de mon bon ami le leader du gouvernement, il nous a déjà indiqué que, dans le cas d'une motion sur l'Année de l'environnement, il y avait accord et pour l'adopter et pour la débattre.

Le Président: C'est ce que j'ai compris. Je n'ai pas compris par ailleurs une indication sur le nombre d'intervenants.

Mise aux voix

Alors, est-ce que cette motion, celle du député d'Orford, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. Maintenant, j'avais des indications pour deux autres motions. Une, d'abord, du député de Roberval.

Souligner le 50e anniversaire
des Industries Tanguay de Saint-Prime

M. Laprise: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne le 50e anniversaire des Industries Tanguay de Saint-Prime, lesquelles ont été fondées par M. Jean-Paul Tanguay, l'un des premiers artisans de la mécanisation et de la réalisation d'activités d'exploitation forestière à l'échelle internationale.»

Le Président: Bien. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre?

Une voix: Sans débat.

Le Président: Adoption sans débat. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, nous, de notre côté, nous consentons à entendre le député auteur de la motion, et le député de Témiscouata serait prêt à répondre immédiatement, très brièvement. Il s'agit d'une PME québécoise d'envergure, du développement des régions. Je pense que ça mérite d'être considéré quelques instants par l'Assemblée nationale du Québec.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, sans débat. Et nous ferons parvenir aux députés de l'opposition des notes biographiques sur l'illustre famille des Tanguay qui a fait un travail extraordinaire sur le plan économique dans la région.

Le Président: Bien. Est-ce que... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, il y a consentement pour dépôt des notes biographiques, mais ça ne devait pas priver le député de son droit d'intervenir. D'ailleurs, c'est une entreprise de la région dont est responsable le leader du gouvernement. Là, je fais appel à son sens de responsabilité sur le plan régional, à moins qu'il me dise qu'il en a pas.

Mise aux voix

Le Président: Bien. Alors, la motion est-elle adoptée? Adopté.

Alors, maintenant, M. le député de Frontenac.

Souligner le 125e anniversaire de la découverte
de l'amiante dans la région de Thetford Mines

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne le 125e anniversaire de la découverte de l'amiante dans la région de Thetford Mines.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre?

M. Brassard: M. le Président, il y a consentement pour qu'on fasse de brèves remarques, parce que le député de Richmond étant présent, il va pouvoir enfin féliciter le gouvernement pour la mise en oeuvre d'une politique de l'amiante.

Le Président: Alors, tel que... Cela est conforme à une entente qui est intervenue il y a deux jours. Alors, d'abord, M. le député de Frontenac.

M. Marc Boulianne

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, c'est en 1876 qu'un citoyen de Thetford Mines du nom de Joseph Fecteau, en grattant quelques fibres sur une pierre verdâtre, fit une découverte majeure pour la région. Il découvrit l'amiante, M. le Président, dans le petit village de Kingsville qui allait officiellement devenir, en 1905, la ville de Thetford Mines.

Évidemment, il s'agit d'une découverte contemporaine, puisque l'amiante existait déjà. Tout au long de l'histoire, nous avons des anecdotes qui démontrent que, même au Moyen Âge, même dans l'Antiquité, on avait cette fibre, qu'on disait magique, qu'on utilisait, M. le Président, soit pour faire des vêtements ou encore pour d'autres usages, mais la découverte contemporaine se situant au Québec, donc, en 1876. Il y a aussi tout l'historique de l'amiante au Musée minéralogique et minier de Thetford Mines qui raconte, tout au long de ces découvertes, le cheminement de ce produit qu'est l'amiante.

À partir de cette découverte, M. le Président, toute l'économie agricole non seulement d'une région allait être transformée, mais aussi au niveau du Québec en général et même du Canada. Si bien que, deux ans plus tard, soit en 1878, la région produisit 50 t de minerai que l'on transporta, évidemment, de Thetford à Lévis par le Québec Central. Alors, c'était déjà un premier pas, et on pouvait d'ores et déjà exporter l'amiante. Et on a continué à évoluer. Si bien qu'en 1960 le Québec produisit son premier million de tonnes d'amiante, et n'a cessé de croître jusqu'au début des années quatre-vingt, décennie où les différents pays européens ont décidé de bannir l'amiante pour des raisons strictement politiques. Et, ajoutée à la même utilisation chez nous, une campagne étrangère de désinformation bien orchestrée a donné des résultats positifs jusqu'à maintenant.

Cependant, en 1996, alors c'est... que le Québec a donné un premier coup de barre pour contrecarrer les intentions des bannisseurs européens. En effet, à ce moment-là, le gouvernement du Québec a mis sur pied un plan de défense de l'amiante avec un budget de 2,7 millions sous la responsabilité de la ministre déléguée aux Mines de l'époque, l'actuelle députée de Chutes-Chaudière et adjointe au leader, qui fit un travail, M. le Président, extraordinaire dans le domaine de l'amiante, et reconnu par tous les intervenants.

Déjà, la ministre avait ce principe d'utilisation sécuritaire de l'amiante. Et, si vous me permettez de la citer à l'époque, disait-elle: «L'ensemble de nos actions qui seront menées en étroite collaboration avec nos divers partenaires s'inscrivent dans une demande structurée s'appuyant sur des données scientifiques qui nous permettront de rétablir les faits et de faire la démonstration que l'on peut utiliser de façon sécuritaire l'amiante chrysotile.» Alors donc, j'en profite, M. le Président, au nom de toute la région de l'Amiante et en mon nom, pour la remercier sincèrement de cette action pour la région de l'Amiante.

M. le Président, c'est un peu sa relève que je prends aujourd'hui en demandant au gouvernement de se donner... de nous donner une véritable politique de l'amiante. En mars dernier, je faisais parvenir un document au ministre des Ressources naturelles, un document qui contenait 10 recommandations pour une véritable politique de l'amiante. Déjà, en mai, le ministre répondait positivement à ma demande et procéda à la création d'un comité interministériel avec le mandat d'élaborer une véritable politique d'utilisation de l'amiante. Cette rapidité, M. le Président, s'explique par la foi, la confiance inébranlable que manifeste le ministre des Ressources naturelles dans l'amiante, M. le Président. Et je peux dire, en passant, que ça a été le premier, en tout cas le premier ministre des Ressources naturelles, à vraiment parler de nous donner une véritable politique de l'amiante qui pourrait assurer l'avenir, si vous voulez, de la région. Et évidemment il y a eu, suite à ça, l'unanimité du Conseil des ministres.

Je me dois aussi, M. le Président, de souligner l'apport de mon collègue le député de Richmond qui a présenté dernièrement une importante motion sur l'utilisation sécuritaire des produits d'amiante, alors motion que j'ai appuyée et qui a été votée à l'unanimité par cette Chambre. M. le Président, la région de l'Amiante a confiance et demeure très optimiste quant à la politique de l'amiante.

Je peux donner quelques chiffres, si vous voulez, avant de terminer. Alors, j'aimerais vous rappeler que l'amiante génère plus de 70 millions de dollars en masse salariale dans la région de l'Amiante. Elle crée plus ou moins 2 500 emplois, alors directs, indirects et de proximité, ainsi que toute l'activité économique qu'elle génère. Elle a rapporté l'an passé des exportations pour un montant de 170 millions de dollars. Elle permet ? on a fait des statistiques plus pointues ? à nos familles de la région de l'Amiante de dépenser plus de 900 000 $ par semaine, d'investir 900 000 $ par semaine dans nos régions, dans nos commerces. Elle permet aussi aux familles de dépenser, dans le simple domaine de l'épicerie, plus de un demi-million de dollars par mois.

Et, si on fait un retour en arrière ? je pense que le député de Richmond sera d'accord là-dessus aussi ? l'Amiante, avec la grève de 1949, a changé toutes les relations de travail au Québec, a changé la société même au point de vue économique, au point de vue social, culturel et même religieux. On se rappellera de l'épisode de Mgr Charbonneau.

Malheureusement, l'amiante aussi a causé des morts. Je pense que c'est à une époque ? il faut rendre hommage à ces personnes ? où on contrôlait mal le produit, comme le cuivre, le plomb. Mais maintenant c'est une époque qui est dépassée, et on a, si vous voulez, tout le contrôle sur notre amiante chrysotile sécuritaire.

Donc, M. le Président, c'est la survie d'une région. Alors, en terminant, ce que la région de l'Amiante souhaite ? et je pense que ce serait un cadeau important pour son 125e anniversaire ? c'est de recevoir une politique, d'avoir une politique efficace de l'utilisation de l'amiante qui permettrait à la région de reprendre son élan vers un développement économique majeur et assurer ainsi son avenir et celui de nos enfants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. Je vais céder la parole à M. le député de Richmond. M. le député.

M. Yvon Vallières

M. Vallières: Je vous remercie, M. le Président. En premier lieu, je voudrais féliciter mon collègue de Frontenac de cette initiative qui nous permet aujourd'hui de faire un retour sur 125 ans d'histoire. Évidemment, si le temps le permettrait, on pourrait, pendant au moins une heure, parler de ce sujet important. Et, contrairement à ce que le ministre des Ressources naturelles nous indiquait, j'ai pas l'intention de féliciter très longtemps le gouvernement.

n(11 h 20)n

Alors, évidemment, c'est un retour dans l'histoire, M. le Président, qu'on veut faire ce matin en indiquant que, oui, il y a 125 ans on découvrait des mines d'amiante au Québec. Et j'ai ici quelques données, si le temps le permettait, qui nous conduiraient jusqu'à 1 000 ans avant Jésus-Christ, où on parlait déjà d'amiante, et, vers 1 200 après Jésus-Christ, Marco Polo en parlait lui-même et décrivait à ce moment-là un site amiantifère en Tartarie, à ce moment-là.

Et évidemment ici, au Québec, eh bien, en 1847, pour la première fois, en 1847, donc, on retrouvait de la présence d'amiante dans le canton de Bolton, dans le comté de Brome-Missisquoi, à environ 35 km de Sherbrooke. Et les premiers travaux sur une propriété d'amiante ont été faits en Beauce, dans la région du député de Frontenac, pour la première fois, donc, en 1860, des travaux. Et, en 1876, première découverte du chrysotile au Québec dans la région, la petite municipalité de Kingsville, dans la région de Thetford Mines.

Et, M. le Président, évidemment, vous comprendrez que je vais vous indiquer qu'en 1878 W. H. Jeffrey commence à s'intéresser à l'amiante du canton de Shipton, qui maintenant fait partie de la ville de Danville, et qu'en 1879 débute, en juillet, des travaux de mise en valeur sur une propriété du canton de Shipton, pour, en 1881, voir quelque 70 à 80 hommes produire environ 450 t d'amiante durant la première année de production de la mine Jeffrey, en 1881, ce qui nous mène à 120 ans d'ici.

Et, M. le Président, ça m'a pas... Ces données-là m'ont amené à la nouvelle mine Jeffrey, dans le fond, à cette nouvelle façon de faire qu'on a chez nous. Donc, on parlait à ce moment-là de quelque 450 t; on parle aujourd'hui de l'exploitation d'environ 225 000 t de fibre d'amiante annuellement à la mine Jeffrey d'Asbestos. Et cette mine a produit environ, depuis 1881, quelque 23 millions de tonnes de fibre. Alors, la réserve de minerai prouvée de cette mine de chez nous est encore d'environ 200 millions de tonnes, à une teneur de 5 % de fibre environ, ce qui nous donne une assurance de vie de notre mine d'environ 40 à 50 ans.

Et, M. le Président, je veux mentionner qu'actuellement se déroule un autre fait historique au Québec, c'est qu'on est en train de forer une mine souterraine à Asbestos, qui va être la mine la plus moderne au monde dans ce secteur de l'activité et dont on peut être, je pense, très fier. Et vous me permettrez de féliciter, là, toute la détermination de ceux qui sont à la base de ce projet, et en particulier le travail inlassable de M. Bernard Coulombe qui est celui qui a initié ce projet et bien d'autres dans notre région, qui, je l'espère, pourra se couronner par d'excellents succès économiques.

Alors, M. le Président, cette motion du député de Frontenac s'inscrit, il le mentionnait lui-même, à l'intérieur d'une autre motion que, moi-même, j'avais présentée pour que le gouvernement... exigeant du gouvernement du Québec qu'il mette en place une politique d'usage de l'amiante au Québec et, par ce fait même, donnant l'exemple à travers le monde entier qu'on peut ici même, au Québec, en territoire québécois, utiliser de façon sécuritaire ce minerai bien de chez nous.

Alors, 125 ans d'histoire, M. le Président, pour une fibre qui était considérée quasiment comme une fibre miracle, à l'époque. Et le député qui m'a précédé avait raison de dire que ça avait été utilisé à toutes sortes de choses. J'ai une note historique qui me disait ici que, 1 000 ans avant Jésus-Christ, Hérodote mentionne que les Grecs et les Romains utilisaient depuis plusieurs siècles de l'amiante pour manufacturer, notamment, des linceuls devant servir à envelopper les corps de personnages importants décédés. Alors, c'est vous dire que ça date pas d'hier.

Mais c'est vous dire aussi que ç'a beaucoup évolué. Autant c'était un produit miracle, on a fait face au cours des dernières années à toutes sortes de problèmes qui font en sorte que c'est une fibre maintenant qui est malheureusement prise à partie un peu partout dans le monde, et ça, probablement à cause de la très mauvaise connaissance du produit et des qualités exceptionnelles. Et, s'il y avait un problème, M. le Président, c'est pas avec le produit lui-même, mais bien avec sa manipulation, problème qu'on a rencontré au fil du temps et plus particulièrement dans les temps passés, puisque, au plan de l'hygiène industrielle, il y avait des problèmes importants qui ont été repérés, qui se sont manifestés. Et évidemment, sans l'hygiène industrielle requise, on a développé malheureusement des usages et également des maladies professionnelles qui font en sorte qu'aujourd'hui l'image comme telle du produit est à refaire.

Et c'est en ce sens que, un peu comme mon collègue de Frontenac, et la population également de nos régions, et je pense à l'ensemble du Québec, on doit maintenant, avec le gouvernement, avec ceux qui sont les principaux porte-parole, ne plus laisser rien passer. Moi, je pense que, dans le dossier de l'amiante, tout étant perception, on n'a pas le droit, comme parlementaires en cette Chambre, de laisser passer les événements qui travailleraient contre un produit dont on a véritablement à refaire carrément les lettres de noblesse.

M. le Président, on parle ici de 125 ans d'histoire. Je me souviens de plusieurs événements qui se sont produits en cette Chambre même concernant ce produit. Mais il y en a un qui m'a marqué plus particulièrement ? parce que j'étais très jeune, c'est l'année de ma naissance ? c'est la grève de 1949 dans mon milieu. C'est aussi une grève qui me marque... qui m'a marqué parce que mon père était lui-même gréviste lors de cette grève de 1949. Et vous me permettrez de rendre un hommage particulier non seulement aux travailleurs et travailleuses du secteur de l'amiante d'aujourd'hui, mais aussi à ceux et celles qui se sont battus à l'époque afin d'obtenir des conditions de travail, afin d'obtenir des employeurs de l'époque des relations de travail et un milieu de travail davantage salubre, qui font en sorte qu'aujourd'hui nos travailleurs et travailleuses peuvent opérer dans des conditions qui sont remarquables au plan de l'hygiène industrielle plus particulièrement.

Et ces maladies... et ces maladies professionnelles qu'on a connues dans le temps passé, jadis, ne sont plus présentes aujourd'hui, ne se développent plus aujourd'hui précisément à cause de ces efforts considérables qui ont été consentis par des centaines de travailleurs à l'époque qui ont travaillé dans des conditions d'empoussiérage qui étaient, M. le Président, qui étaient complètement hors du commun. Et je veux les féliciter, de même que le milieu syndical de cette époque, et ceux d'aujourd'hui qui font le maximum afin de nous assurer que dans l'industrie de l'amiante on puisse prêcher par l'exemple, et c'est le cas présentement, M. le Président.

Donc, 1949, une période importante qui est venue changer l'ensemble des relations de travail dans ce milieu, mais aussi sur l'ensemble du territoire québécois, et je pense que c'est à l'honneur du secteur de l'amiante d'avoir pu le faire.

J'étais également en cette Chambre quand on a adopté, le gouvernement libéral, la loi 52 qui, suite à ces exagérations auxquelles on a assisté dans le passé, a dû mettre en place une loi visant à indemniser les victimes d'amiantose et de silicose plus particulièrement et les nombreuses veuves malheureusement de travailleurs qui étaient décédés comme suite à cette maladie. Alors, je pense qu'on peut aujourd'hui dire qu'il était normal que, dans cette période, nous puissions procéder de la sorte. Et, M. le Président, compte tenu que l'amiantose est une maladie qui est évolutive, je pense que nous sommes dans les derniers segments de travailleurs et travailleuses qui sont atteints de cette maladie. Et nous souhaitons que plus jamais nous ayons à nous servir de cette loi pour les travailleurs ou les travailleuses qui auraient... qui seraient devenus malades comme suite à une exposition longue aux fibres d'amiante à l'intérieur des entreprises québécoises. C'est du passé, M. le Président, mais 125 ans d'histoire, il faut y référer.

Il y a eu aussi, M. le Président, au cours de ces 125, des gestes importants qui ont été posés. Je vous parlais de cette loi 52 ici, en cette Assemblée, par M. Jean Cournoyer, à l'époque ministre du Travail. Il y a eu aussi une autre marque importante qui a été faite, cette fois-là par l'ancien ministre des Finances qui était un grand défenseur de la politique de l'amiante de l'époque. On avait mis à ce moment-là le gouvernement en garde contre l'achat des mines d'amiante au Québec. Bien, oui, il faut rappeler que le gouvernement du Québec de l'époque, M. le Président, avait nationalisé l'amiante. Ça avait coûté... En fait, c'est quelque 500 millions de dollars qui ont été littéralement flushés ? passez-moi l'expression ? dans une opération dans laquelle personne ne croyait, à l'exception du gouvernement du Québec de l'époque; une erreur qui a d'ailleurs été reconnue, une fois qu'il n'était plus premier ministre et ministre des Finances, par M. Parizeau lui-même qui disait, qui admettait son échec en disant que la nationalisation de l'amiante avait été une erreur.

n(11 h 30)n

Alors, c'est vous dire, M. le Président, que parfois on pense poser des gestes qui sont bons, puis ils le sont pas. C'est la raison pour laquelle, à l'époque, nous le disions au gouvernement. Puis j'espère que cette fois-ci le gouvernement va nous écouter aussi, l'opposition officielle, et qu'il va effectivement accoucher d'une politique globale de l'usage de l'amiante au Québec, faire en sorte que, quand un gouvernement de la main gauche pose un geste, le même gouvernement sache... que la main droite du même gouvernement sache ce que la main gauche a fait. Donc, une politique qui couvre l'ensemble de l'activité gouvernementale dans le secteur, ça nous paraît être quelque chose de très important, M. le Président, et, ma foi, beaucoup plus, beaucoup plus rentable que l'investissement de sommes publiques dans ce secteur de l'activité qui n'ont conduit nulle part, M. le Président, faut-il le mentionner.

Il y a eu aussi au cours des dernières années le bannissement par la France. Je suis obligé de dire au ministre des Ressources naturelles que je suis pas très... que j'ai pas de félicitations à faire à son gouvernement parce que, à la veille du bannissement, de l'annonce du bannissement, M. le premier ministre Jospin était ici, rencontrait à l'époque son premier ministre, M. Bouchard. Il n'a pas été question du sujet du tout, puis, quelque 72 heures plus tard, le même premier ministre était en France, puis il annonçait le bannissement de l'amiante. Alors, c'est plutôt bizarre comme attitude.

Et, M. le Président, si le gouvernement a pris la défense de l'amiante à l'époque, c'était sur le tard, et il l'a défendu silencieusement, avec la France à l'époque. Et je connais tout l'acharnement qu'a mis l'ex-ministre, actuellement députée de Chutes-de-la-Chaudière. Mais, M. le Président, nous disions à l'époque jusqu'à quel point elle aurait été bien outillée si le gouvernement avait accepté au même moment d'accoucher d'une politique de l'usage de l'amiante et de témoigner à travers le monde que le Québec utilisait ici, de façon sécuritaire, ce produit. Alors, M. le Président, malheureusement, l'ex-ministre, ça a pris l'allure d'un pèlerinage à travers le monde qui malheureusement n'a pas donné les résultats escomptés parce qu'on n'avait pas les outils requis. Alors, il faut que le gouvernement s'attende à ce qu'on continue à mettre de la pression pour obtenir une véritable politique de l'usage de l'amiante chez nous.

M. le Président, j'insiste et je profite de cette occasion parce qu'on doit parler plus souvent de l'amiante, ici, en cette Chambre. Je suis heureux que le leader du gouvernement, qui est en même temps ministre des Ressources naturelles, nous donne cette opportunité, mais je veux qu'il sache qu'il est non seulement important qu'il y ait une politique, mais qu'elle soit globale et qu'elle embrasse l'ensemble des activités gouvernementales et qu'elle arrive le plus vite possible. On sait que plusieurs de ses collègues sont concernés, il y en a un entre autres...

M. le Président ? je terminerai là-dessus ? il me paraît très important que les normes qui sont utilisées actuellement au niveau des chantiers de construction, dans la construction, puissent être revues afin de permettre, par exemple, que les subventions que le gouvernement du Québec donne actuellement aux commissions scolaires pour procéder au désamiantage de certaines écoles où l'amiante aurait été floqué... de faire en sorte que ça se fasse dans des règles correctes, avec des normes qui sont vérifiables scientifiquement. Au même titre qu'on défend à travers le monde que l'amiante peut être utilisé de façon sécuritaire, de façon scientifique, on devrait le faire au Québec. Et ça, M. le Président, ça devrait pas attendre, à mon sens, la fin des travaux que se donne le ministre des Ressources naturelles. Son collègue du Travail devrait intervenir très rapidement à ce niveau afin que l'opération de désamiantage dans les édifices publics se fasse avec des règles correctes, pas de façon arbitraire comme ça se fait présentement, et, M. le Président, ne pas, dans le fond, défaire le travail qu'on fait actuellement ou que tente de faire actuellement, de bâtir, le ministre des Ressources naturelles et les députés qui s'occupent de l'amiante, en cette Chambre, et qui vont, M. le Président, être de tous les instants du combat afin de s'assurer que l'on redonne ses lettres de noblesse à ce minerai bien de chez nous et faire en sorte que les investissements aussi qui ont été consentis, dans le temps, par les différents niveaux de gouvernement à la défense de cette cause trouvent oreille attentive et résultats à travers des prochains marchés qui se découvrent, que ce soit en Afrique et dans les pays en voie de développement.

Et, M. le Président, en terminant ? en terminant pour le vrai, cette fois-là, je sens l'impatience du leader ? je veux féliciter le député de Frontenac de son initiative et lui indiquer qu'aucune occasion ne sera manquée, en cette Chambre, afin de souligner le travail exceptionnel qui est fait par les gens du milieu dans ce dossier, dont le comité Pro-amiante qui a eu une naissance récente, et assurer l'ensemble de mes collègues, y incluant le ministre, M. le Président, de notre collaboration afin de faire un succès dans la continuité pour ce secteur de l'activité économique très important pour de nombreuses familles de chez nous et pour le Québec tout entier.

Une voix: Bravo!

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Richmond. Il n'y a pas d'autres intervenants? Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Et ceci met fin aux motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions

Nous sommes maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Alors, M. le Président, je saurai maintenant, à l'avenir, en quoi consiste le concept de brèves remarques dans l'esprit du député de Richmond.

M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des transports et de l'environnement procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 7, Loi modifiant la Loi sur la voirie, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

Que la commission des affaires sociales entreprendra les consultations particulières sur le projet de loi n° 27, Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 9, Loi modifiant la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, et cette même commission poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 175, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine et, si nécessaire, le lundi 11 juin 2001, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le leader du gouvernement.

Pour ma part, je vous avise que la commission de la culture se réunira en séance de travail aujourd'hui, vendredi 8 juin 2001, à compter de 13 heures, au salon Johnson du restaurant Le Parlementaire. L'objet de cette séance est de préparer le rapport final sur la concentration des médias.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, j'aimerais poser quelques questions au leader du gouvernement concernant le projet de loi n° 122, qui doit entendre des groupes en commission parlementaire la semaine prochaine. On sait que la commission a été convoquée assez rapidement, parce que la lettre date du 4 juin. C'était tout à fait imprévu. On me dit que les groupes pour la plupart ne sont tous prêts de comparaître devant la commission parlementaire.

Compte tenu, M. le Président, que le premier ministre a décidé de reporter les élections qui étaient peut-être prévues pour l'automne, je me demande si le leader du gouvernement ne prendrait pas quelques heures aujourd'hui pour consulter le ministre responsable du projet de loi pour voir si ça ne serait pas davantage opportun de tenir les mêmes audiences au mois d'août. Parce que de toute façon, même si on siège jusqu'à minuit la semaine prochaine pour entendre les différents groupes, la consultation est prévue jusqu'au 15 juin. À 24 heures, on n'aura manifestement pas le temps d'amorcer l'étude détaillée du projet de loi.

Alors, je soumets ça à la considération du leader du gouvernement et je pense que ça serait fortement apprécié de la part des groupes.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Marquette. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: D'abord, dissipons toute équivoque. Ça n'a rien à voir avec les élections à l'automne ou dans un autre moment de l'année. Il est apparu opportun de tenir ces audiences particulières. Ah, quand? À la fin du mandat. Le mandat est pas terminé. Et, donc, je veux bien en discuter, moi, avec mon collègue, mais c'est clair que ces audiences particulières doivent avoir lieu avant l'ajournement. Et, s'il y a des groupes qui ne souhaitent pas... Sont pas obligés non plus de... Un groupe n'est pas obligé de répondre à l'invitation et de venir comparaître. Ils peuvent choisir d'envoyer leur mémoire, donc leur avis à ce moment-là sera pris en compte de la même façon que s'ils décidaient de venir témoigner en commission.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, une suggestion additionnelle à celle de mon collègue le député de Marquette. Si le mois d'août ne faisait pas l'affaire du ministre, comme tel, dans les discussions que vous aurez avec lui, à ce moment-là on pourrait possiblement considérer de reporter d'une semaine ces auditions-là, compte tenu que nous siégeons jusqu'au 23.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je vais analyser de façon très approfondie la suggestion du leader de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, très bien. Alors, ceci met fin aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

Et, aux affaires du jour, j'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer l'article.

n(11 h 40)n

M. Brassard: C'est 49, M. le Président.

Projet de loi n° 194

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Voilà. À l'article 49, M. le député de Bellechasse propose l'adoption du principe du projet de loi n° 194, Loi constituant Capital régional et coopératif Desjardins. Alors, M. le député de Bellechasse, je vous cède la parole.

M. Claude Lachance

M. Lachance: Alors, merci, M. le Président. C'est avec plaisir et enthousiasme que j'ai accepté de parrainer le projet de loi n° 194, Loi constituant Capital régional et coopératif Desjardins. M. le Président, je n'entends toutefois pas prendre les 60 minutes que notre règlement m'autorise à utiliser.

Vous savez, M. le Président, le Mouvement Desjardins, c'est quelque chose de très important au Québec, dans toutes les régions du Québec, ce mouvement qui a pris naissance il y a un peu plus d'un siècle maintenant ? en décembre 1900 précisément ? avec la formation de la première caisse populaire à Lévis. Il faut souligner la capacité remarquable d'Alphonse Desjardins, d'homme visionnaire, d'avoir créé un mouvement qui, aujourd'hui, au Québec, dans toutes les régions du Québec, possède un actif de plusieurs dizaines de milliards de dollars et qui est présent dans toutes les régions du Québec.

À titre d'exemples, M. le Président, dans la municipalité, la toute petite municipalité de 415 habitants que j'habite ? Saint-Nazaire ? il y a une caisse populaire, caisse populaire qui, depuis maintenant un an, s'est regroupée avec celles des municipalités voisines de Saint-Malachie et de Saint-Léon, sous le nom de caisse populaire de la Vallée de l'Etchemin. Alors, c'est vous dire jusqu'à quel point Desjardins, c'est présent partout au Québec.

Et, dans une vie antérieure, lorsque j'étais directeur d'école, j'ai pu profiter des avantages aussi de Desjardins lorsqu'il était question d'aider les parents à financer les activités des étudiants, des élèves. Et, à ce moment-là, grâce au fonds social et communautaire, on pouvait disposer de fonds, année après année, des fonds quand même très importants qui n'étaient, d'aucune façon, en compétition, je dirais, avec les institutions bancaires. Au moment où j'obtenais, par exemple, 1 000 $ ou 1 500 $ de la caisse populaire à Saint-Damien de Bellechasse, lorsque j'y étais directeur, j'obtenais peut-être un 25 ou 30 $ ? vous avez bien entendu, un 25 ou 30 $ ? de la succursale de la banque du même endroit.

M. le Président, le projet de loi n° 194 qui a été déposé ici même en cette Chambre, le 15 mai dernier, comporte 44 articles. Capital régional et coopératif Desjardins est une entité nouvelle, dont la création avait été annoncée lors du discours du budget de la ministre des Finances, le 29 mars dernier. Capital régional et coopératif Desjardins pourra recueillir, au cours des 10 prochaines années, jusqu'à 1,5 milliard de dollars pour réinvestir dans des coopératives partout à travers le Québec et dans des entreprises ayant un actif inférieur à 50 millions, localisées dans les régions dites ressources que sont Abitibi-Témiscamingue, Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, la Mauricie, le Nord-du-Québec et le Saguenay?Lac-Saint-Jean.

Donc, comme je vous le disais, le projet de loi a été déposé le 15 mai ici même, à l'Assemblée nationale, et nous souhaitons, comme les gens de Desjardins souhaitent, que ce projet de loi devienne loi le plus rapidement possible pour permettre aux groupes, pour permettre aux coopératives, aux régions de pouvoir en bénéficier.

Le lancement de ce nouveau fonds là qui est non admissible au régime enregistré d'épargne-retraite va offrir tout de même un crédit d'impôt non remboursable de 50 % applicable sur le revenu des particuliers qui vont y souscrire. La contribution maximale d'un contribuable à ce fonds sera plafonnée à 2 500 $ par année, et l'argent devra y demeurer pendant au moins sept ans, sauf dans quelques cas tout à fait exceptionnels. De plus, le plafonnement annuel de la campagne de financement sera de 150 millions par année pour éviter un engouement excessif de la part des investisseurs, parce qu'il y aurait peut-être une demande qui pourrait être au-delà de ce 150 millions.

Il y a déjà des gens qui appellent chez Desjardins, M. le Président, pour s'informer, et les membres des caisses et autres investisseurs privés pourront y souscrire aussitôt que le projet de loi sera adopté et que Capital régional et coopératif Desjardins sera actif.

C'est accueilli avec beaucoup d'enthousiasme, depuis qu'on en parle, dans le monde des caisses, comme le disait lui-même le président du Mouvement Desjardins, M. Alban D'Amours, dans son allocution à l'assemblée générale du Mouvement Desjardins, au début d'avril dernier, et je cite, il disait ceci: «Dès mon arrivée à la présidence, j'ai témoigné de la grande sensibilité de Desjardins à l'égard du développement des régions et des besoins en capitalisation des coopératives. L'élaboration de notre politique de développement régional a d'ailleurs été l'occasion de souligner une fois de plus le besoin que nous avions de nouveaux outils, et de faire à ce sujet des propositions au gouvernement.» Eh bien, c'était ce que disait M. D'Amours, en avril dernier, aux membres présents lors de la dernière assemblée générale.

M. D'Amours mentionnait aussi que ce nouveau véhicule financier va venir compléter l'action des divers fonds de capital de risque qui existent au Québec, notamment les Fonds d'investissement régionaux de Desjardins et les fonds des travailleurs, comme le Fonds de solidarité de la FTQ et Fondaction, qui sont des fonds très bien connus.

Il y a longtemps, M. le Président, chez Desjardins... Il y a depuis longtemps, chez Desjardins, un fort courant en faveur de la création d'un fonds qui offrirait des avantages fiscaux semblables à ceux du Fonds de solidarité et de Fondaction, et cette volonté s'est clairement manifestée l'automne dernier dans le cadre d'un colloque des administrateurs en vue de la mise au point d'une politique de développement régional. Mais il y a quand même une nuance importante, ici, que je dois apporter: Capital régional et coopératif Desjardins n'est pas, n'est pas une copie conforme des fonds de travailleurs, bien que les objectifs généraux soient comparables, soit d'aider à la capitalisation d'entreprises et de maintenir ou de créer des emplois.

Avec l'adoption du projet de loi n° 194, le gouvernement va permettre à ce fonds de recueillir d'ici le 31 décembre 2010, donc d'ici une dizaine d'années, un maximum de 1,5 milliard, à raison de 150 millions par année. Si, par exemple, l'accroissement du capital était inférieur à 150 millions une année, la différence pourrait être applicable l'année suivante. Exemple, si on recueille dans une année 125 millions, eh bien, l'année suivante, on pourra recueillir 175 millions.

Capital régional et coopératif Desjardins sera autorisé à émettre des actions ou fractions d'actions sans valeur nominale qui seront rachetables après une période d'au moins sept ans. Il y a certains cas d'exception. Par exemple, un retrait avant l'expiration de la période de sept ans va être possible à la demande d'une personne qui serait déclarée atteinte d'une invalidité mentale ou physique grave et prolongée qui la rendrait inapte à poursuivre son travail; une personne pourrait aussi retirer son investissement si elle en faisait la demande par écrit dans les 30 jours suivant la date de la souscription; une personne qui aurait acquis des actions par voie de succession pourrait également en faire le rachat.

Capital régional et coopératif Desjardins va être une entité autonome ayant son propre conseil d'administration, un conseil d'administration qui, selon le projet de loi, serait composé de 13 personnes, dont le directeur général.

Capital régional et coopératif Desjardins pourra compter sur l'expertise d'Investissement Desjardins, dont la vocation consiste précisément à investir dans des entreprises. Mais on a une importante question qu'on peut se poser: Qu'est-ce qu'on va faire avec cet argent-là? Un minimum de 60 % des capitaux devront être investis dans des coopératives ou autres entreprises admissibles. Le reste, c'est-à-dire un maximum de 40 %, devra être investi en placements sécuritaires, sans contraintes, en liquidités. Sur les 60 % investis dans des entreprises ou coopératives, il en faudra au moins 35 % dans des entreprises en régions-ressources, ou dans des coopératives au Québec, et au plus 65 % dans des entreprises admissibles dans les autres régions.

Les entreprises admissibles seront celles possédant un actif inférieur à 50 millions de dollars ou ayant un avoir net d'au plus 20 millions de dollars. Les coopératives admissibles sont celles qui sont définies comme telles dans la Loi sur les coopératives ainsi que les entreprises contrôlées par ces coopératives.

n(11 h 50)n

Depuis déjà longtemps, les coopératives se plaignent d'avoir du mal à obtenir des capitaux. Capital régional et coopératif Desjardins voudra certainement répondre à cette demande, du moins en partie.

M. Luc Labelle, qui est président du Conseil de la coopération du Québec, déclarait, après sa nomination, qu'avec un meilleur accès au capital de risque les coopératives québécoises pourraient créer deux fois plus d'emplois, soit 20 000 sur une période de cinq ans. Et je cite M. Labelle: «Les fonds de capital de risque sont peu adaptés aux besoins des coopératives, puisqu'ils exigent une appréciation du capital et des droits de propriété et de veto dans l'entreprise, conditions peu conciliables avec le modèle coopératif. À toutes fins utiles, disait M. Labelle, les coopératives ne disposent pas de tous les outils de capitalisation nécessaires à leur développement.»

M. le Président, il est devenu évident que certaines coopératives ont besoin de capitaux considérables pour accélérer leur développement. Mises à part les coopératives agricoles, qui font face à ce problème depuis assez longtemps, le cas des coopératives funéraires, par exemple, est le plus patent. La vente, depuis quelques années, de plusieurs des plus importantes entreprises funéraires québécoises à des intérêts étrangers a suscité une certaine réaction, et on se demande s'il est possible de renverser cette situation.

M. le Président, en terminant, je souhaite que ce projet de loi puisse obtenir l'appui, le consensus de tous les collègues de l'Assemblée nationale afin que ça devienne une loi adoptée et que Capital régional et coopératif Desjardins puisse entrer en fonction le plus rapidement possible, pour le plus grand bénéfice des citoyens, afin de créer des emplois en région. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bellechasse. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, nous sommes à étudier un projet de loi qui va ? nous espérons, nous espérons ? qui va nous permettre d'apporter des correctifs au problème du capital de risque, en région, en particulier. Il s'agit du projet de loi n° 194, Loi constituant Capital régional et coopératif Desjardins.

Je vous dirai, M. le Président, à prime abord, quand on m'a demandé mon opinion sur ce projet de loi, j'ai eu beaucoup de réserves. J'ai eu beaucoup de réserves parce que je me suis dit: Voilà un autre fonds qu'on veut mettre en place, qu'on veut proposer aux Québécois et aux Québécoises, et ce fonds manifestement coûtera de l'argent aux contribuables québécois, et, comme nous sommes déjà garnis de deux autres fonds qui ont des vocations à peu près analogues, où j'y reviendrai, ou en apparence analogues, dont le Fonds de solidarité de la FTQ et le Fondaction de la CSN... Alors, M. le Président, au départ j'étais plutôt hésitante parce que je me disais: Bien, est-ce qu'on va multiplier ces fonds comme ça indéfiniment, puisqu'il y a d'autres groupes qui font des demandes analogues pour qu'on mette en place des fonds, et par conséquent des bénéfices au niveau des impôts pour les gens qui décident d'investir dans ces fonds?

Alors, M. le Président, ce projet de loi veut créer, à l'intérieur du Mouvement Desjardins, à l'intérieur de sa filiale Investissement Desjardins, un fonds de capital de risque, un nouveau fonds pour lequel les investisseurs, pour un maximum de 2 500 $ chacun, auraient un remboursement de 50 % de crédits d'impôt de cet investissement. C'est donc là un intérêt, M. le Président, parce que manifestement on veut attirer les investisseurs à contribuer à ce fonds et investir dans ce fonds.

Ce fonds se veut... Une des missions de ce fonds... C'est pour ça qu'on l'appelle Loi constituant Capital régional et coopératif Desjardins, ce fonds veut se porter au développement des régions-ressources. Pas complètement, parce que c'est vraiment un fonds de capital de risque. Contrairement au Fonds de solidarité, contrairement au fonds de Fondaction de la CSN, dans ce fonds, on ne peut pas investir pour un REER. Il s'agit d'une épargne autre qu'un REER, et il faut être conscient que ce fonds voudra investir, comme un autre fonds, dans des actions, dans du commerce, dans des entreprises au Québec, mais on exige que, d'ici quatre ans, 21 % ? 21 % ? des sommes qui seront investies soient investies dans les régions-ressources. C'est donc un fonds qui est différent de Fondaction et du Fonds de solidarité. C'est un fonds dont la mission, une partie de sa mission, c'est pour faire du développement en région. Et, bien sûr, étant du capital de risque, M. le Président, il faut que ce soit géré prudemment, et c'est la raison pour laquelle... Le Mouvement Desjardins est un organisme qui a ses racines au Québec, qui est bien établi en région, qui a une base proche des citoyens en région, et c'est la raison pour laquelle Desjardins a senti un attrait à créer un tel fonds.

M. le Président, j'ai dit au départ que j'étais un peu hésitante parce qu'il y avait déjà deux autres fonds. Rappelons-nous que nous avions voté ici, dans cette Assemblée nationale, n'est-ce pas, la loi pour mettre en place le Fonds de solidarité en 1983 et Fondaction en 1995. Et, comme je le disais précédemment, dans ces deux fonds, il était possible d'y mettre son épargne pour un REER, donc pour ses vieux jours.

Alors, M. le Président, combien va coûter ce fonds aux contribuables québécois? Ce fonds, aux contribuables québécois, va coûter 75 millions de dollars par année si on réussit ? si on réussit ? à aller chercher 150 millions de dollars, puisqu'il est déductible à 50 % d'impôts. Il est possible par ailleurs que le gouvernement fédéral embarque dans la démarche, et, si tel était le cas, bien sûr, à ce moment-là, le coût serait de moitié pour le gouvernement du Québec.

Qu'est-ce que ce fonds exige, M. le Président? Il exige que... Ce fonds s'adresse principalement pour des PME au Québec. Il faut qu'une entreprise ait moins de 50 millions d'actifs et moins de 20 millions d'avoir net. Donc, ce n'est pas un fonds pour des grandes entreprises, c'est essentiellement pour mousser de nouvelles entreprises, de nouveaux projets, pour qu'il y ait du développement économique en région et plus de développement économique qu'on connaît actuellement.

M. le Président, je disais que c'est un fonds, donc, d'Investissement Desjardins. Par conséquent, il faut que ce soit géré comme si c'était un fonds du secteur financier, et, par conséquent, on exigera... on a mis la limite à 21 % en région. C'est 21 %, puisque c'est 35 %, rappelons-nous, en région, d'un 60 %. Rappelons-nous qu'il y a un 40 % qui est investi de façon extrêmement prudente, comme le font ces gens-là, parce que, si vous voulez que ce soit un fonds actif, qu'il ait un impact au niveau des régions, que, vous et moi, nous voulions investir dans ce fonds, il faut manifestement qu'il y ait un rendement. Parce que vous allez vous dire: Ce n'est pas simplement pour avoir un bénéfice au niveau de l'impôt, vous voulez que votre argent, si vous l'investissez dans un investissement de capital de risque, qu'il y ait des retours, M. le Président. Or, on sait qu'il faut gérer prudemment, et donc, c'est la raison pour laquelle Desjardins a mis la limite à 21 % d'ici quatre ans.

Essentiellement, M. le Président, il faut appuyer des projets, mais il ne faut pas appuyer n'importe quel projet, puisqu'il s'agira de votre épargne et de mon épargne et de tout l'épargne des Québécois, et, par conséquent, il faut être prudent quand on gère une maison d'investissement.

n(12 heures)n

M. le Président, ce qui est remarquable, c'est que, au niveau du capital de risque, ce que me disaient, n'est-ce pas, les gestionnaires de Desjardins, c'est que, au niveau du capital de risque, les régions n'ont pas eu leur juste part. Manifestement, il y a de l'épargne en région, mais les régions ont tendance à aller investir là où il y a des projets et, très souvent, le capital de risque des régions est utilisé pour aller investir à Montréal, Québec et dans des entreprises dans ces localités. Or, seulement 5 %, dit-on, du capital de risque serait investi dans les régions. 5 %, c'est bien peu, et, considérant les problèmes aigus que connaissent les régions, manifestement, l'idée de porter ce 5 % là à 21 %, vous imaginez qu'il y a un attrait.

Je vois ma collègue la députée de Bonaventure ici. Bien, je suis sûre, elle qui s'intéresse en particulier aux régions, elle va trouver séduisant de voir un projet qui va investir davantage au niveau des régions, et non seulement investir dans les régions, mais investir de façon rigoureuse, investir de façon structurée, investir de façon sérieuse, de sorte qu'on va utiliser l'argent des contribuables, mais on va l'utiliser de façon extrêmement bien entourée, bien encerclée, M. le Président.

Manifestement, M. le Président, comme je disais, la députée de Bonaventure, ma collègue qui est porte-parole pour le développement régional dans ma formation politique... Le développement régional, c'est une priorité pour ma formation politique. C'est une priorité du Parti libéral du Québec, et, si on veut que Montréal se porte bien et que Québec se porte bien, il faut que les régions soient en santé. Et, pour être en santé, c'est pas d'avoir des subventions du gouvernement. Pour être en santé, M. le Président, il faut générer de l'activité économique régionale, faut inciter des... inviter des projets intéressants, susciter des projets de création d'emplois, et c'est par ce moyen qu'on va développer au niveau des régions une santé économique prospère et qui va créer des emplois durables, M. le Président.

Pourquoi est-ce intéressant de donner ce projet à Desjardins, Mouvement Desjardins? Bien, M. le Président, il s'agit là du secteur financier. Nous avons au Québec le Mouvement Desjardins qui est bien établi à travers toute la province. Il y en a dans toutes les régions, et les caisses populaires font partie de notre culture; ils font partie de notre environnement et ils connaissent notre environnement. Non seulement connaissent-ils notre environnement, ils ont... le réseau existant offre des sécurités, offre un encadrement financier rigoureux, soumis aux règles du secteur financier, rigoureux et exigeant. Ils ont pas, par exemple, une courbe d'apprentissage; ils sont dans cette business-là. Ils le font déjà, et, par conséquent, d'élargir au niveau des régions et d'accroître leur présence avec ce capital au niveau des régions, je pense que c'est là une avenue prometteuse.

C'est prometteur, M. le Président, parce qu'ils possèdent l'expertise, ils ont déjà les experts financiers. Ils ont des planificateurs financiers au niveau des succursales, M. le Président, des commissions... pas des commissions scolaires, des succursales du Mouvement Desjardins. Alors, comme ils ont déjà cette expertise, il s'agit, M. le Président, d'élargir cette expertise, qui va avoir un soutien central, que les gens de Desjardins au niveau central connaissent bien... sont bien entraînés; ils sont au courant des mécanismes à utiliser, des protections, de la surveillance. Et, M. le Président, ce sont là des facteurs importants dans ce projet de loi. C'est là probablement l'élément déterminant de ce projet de loi, c'est d'inviter une entreprise qui a déjà cette connaissance, qui a déjà sur le terrain une connaissance du milieu et une connaissance de cet environnement... que de leur donner cette possibilité d'investir au niveau régional.

M. le Président, non seulement vont-ils pouvoir financer des entreprises... Parce que, c'est une chose, de financer des entreprises; c'est une autre chose, M. le Président, qu'elles réussissent, les entreprises. C'est une autre chose qu'elles réussissent, parce qu'il faut que les entreprises... Des entreprises qui naissent, des entreprises qui débutent n'ont pas seulement besoin d'argent ? bien sûr, l'argent, c'est le nerf de la guerre, bien sûr, mais ils ont pas seulement besoin d'argent ? ils ont besoin également de soutien, ils ont besoin d'un accompagnement, ils ont besoin, M. le Président, que quelqu'un les mette en garde quand il y a quelque chose qui ne va pas, ils ont besoin d'avoir des analyses bien développées.

Dans le moment, M. le Président, on peut faire... on peut développer des projets, des projets intéressants, mais, entre développer un projet, avoir une analyse quelconque d'un projet susceptible de voir le jour et le faire, mettre en place ce projet-là, il faut qu'il y ait de l'accompagnement, il faut qu'il y ait du soutien, il faut qu'il y ait des agents planificateurs qui aident ces investisseurs pour réussir dans la démarche.

M. le Président, non seulement faut-il qu'ils investissent, mais ils ont également le devoir et l'obligation d'investir prudemment. Il va falloir que Desjardins non seulement investisse dans des projets... Parce qu'il y a des projets qui vont réussir et il y a des projets qui vont échouer, donc il va falloir qu'ils soient extrêmement prudents dans leur démarche, puisque ça sera l'épargne des Québécois et des Québécoises. Et donc, c'est la raison pour laquelle ils en gardent une partie dans du financement, je dirais, plus conventionnelle ? plus conventionnelle ? pour permettre justement d'en investir 21 % dans cette business de capital de risque.

M. le Président, je me posais la question: Pourquoi avoir limité à 2 500 $ par personne et pourquoi avoir limité à 150 millions? Bien, M. le Président, c'est par prudence. Vous ne voulez pas donner des fonds à des gens qui... et leur demander de faire quelque chose qui risque d'échouer. Je pense que c'est là un bon point de départ, 150 millions qui vont coûter... qui va coûter 75 millions par année aux contribuables, donc ce n'est pas négligeable. Mais, M. le Président, pour créer une espèce de synergie au niveau régional, pour créer des emplois stables au niveau régional, je pense que c'est là une approche, qu'on peut dire, une approche prudente.

Pourquoi également avoir mis le maximum de 2 500 $? Bien, évidemment, je pense que ça fait partie de la culture de Desjardins d'inviter le plus grand nombre de contribuables. Par ailleurs, M. le Président, ce que me disait un administrateur de Desjardins: manifestement, ce sera pas n'importe qui qui va investir dans ça; il va falloir que ce soient des investisseurs avertis, parce que ? encore, je le répète ? il s'agit d'un fonds de capital de risque. Et, si vous investissez dans un fonds de capital de risque, même si c'est bien géré, même si c'est géré prudemment, même si c'est géré consciencieusement, il en demeure pas moins, M. le Président, qu'il s'agit d'un fonds de capital de risque.

n(12 h 10)n

La façon dont fonctionnera cet organisme, il y aura un conseil d'administration. Même si ça relève bien sûr d'Investissement Desjardins, il y aura un conseil d'administration dont huit personnes seront nommées par Desjardins. Alors, je présume que les cinq autres, ce seront des experts, n'est-ce pas, dans des investissements, dans du capital, qui seront invités à siéger au conseil d'administration. Je ne sais pas, on ne fait pas mention dans ce projet de loi s'il y aura des gens venant des régions. Je présume que Desjardins va vouloir s'assurer du succès de cette démarche, je présume que Desjardins va vouloir... ne voudra pas perdre son argent et perdre l'argent des investisseurs de chacune des succursales des caisses populaires, alors... Mais on pourrait penser qu'il y aurait peut-être eu lieu de mettre un ou deux membres du conseil d'administration qui viennent des régions. Il faudrait pas qu'on se retrouve avec des gens de Montréal ou de Québec seulement qui siègent sur le conseil d'administration de cet organisme. Je pense qu'il y a des investisseurs régionaux qui connaissent la culture de leur environnement et qui seront tout à fait capables, M. le Président, de s'associer à cette démarche et de s'assurer que les investissements sont faits de façon rigoureuse, que les projets sont étudiés de façon sérieuse et que le suivi est fait de façon bien entourée et bien structurée.

M. le Président, il s'agit d'une institution financière, Desjardins, qui a toutes les obligations de toutes les institutions financières, et c'est probablement la raison pour laquelle je trouve ce projet intéressant. Parce que, vous savez, il y a plusieurs groupes qui m'appellent pour obtenir les bénéfices qu'obtiennent ou le Fonds de solidarité ou Fondaction, qui se demandent pourquoi eux n'auraient pas les mêmes privilèges, après tout. Il s'agit pas ici seulement de donner un privilège, il s'agit là d'inviter une institution financière québécoise bien structurée, bien organisée, bien financée et qui a les reins solides et qui va pouvoir, n'est-ce pas, assumer ses responsabilités.

M. le Président, on connaît les règles du secteur financier. Ce sont des règles strictes, ce sont des règles rigoureuses qui nécessitent, n'est-ce pas, une vérification rigoureuse pour protéger les investissements que les gens y font. Manifestement, une fois qu'on investit dans un fonds, une fois qu'on investit dans un fonds, également, de capital de risque, on va savoir, on va nous informer, on va informer les investisseurs qu'ils prennent, n'est-ce pas, un certain risque, pas pour tout perdre, mais... Est-ce qu'ils feront un gain en capital de 8 % par année, 12 % par année, 16 % par année, 3 % par année? Je pense qu'un capital de risque, c'est le risque qu'il faille prendre. Alors, M. le Président, ce fonds, ça ne s'adresse pas aux gens qui ont des très petits revenus. Ce sont des gens... ce n'est pas de l'épargne pour votre retraite. Ce n'est pas de l'épargne pour vos vieux jours. C'est de l'investissement, et donc ça s'adresse à une clientèle qui peut se permettre ? qui peut se permettre ? finalement, pas de perdre totalement, mais quand même de pouvoir assumer un certain risque.

M. le Président, c'est donc la raison... et j'ai invoqué plusieurs raisons pour lesquelles je vais appuyer le principe... nous allons appuyer le principe de ce projet de loi. Nous allons l'appuyer à cause d'une certaine sagesse, une certaine garantie que nous avons obtenue de la part des gestionnaires de Desjardins, des administrateurs de Desjardins, et, par conséquent, je suis sûre que ma collègue la députée de Bonaventure, qui est très, très, très axée sur les régions, qui fait le tour des régions semaine après semaine depuis belle lurette et qui se déplace, n'est-ce pas, toutes les semaines de son comté de Bonaventure pour venir à l'Assemblée nationale, va vouloir joindre sa voix à la mienne pour appuyer ce projet de loi. M. le Président, j'appuie ce projet de loi avec beaucoup d'enthousiasme et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Alors, sur ce projet de loi, Mme la députée de Bonaventure, je vous cède la parole.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, évidemment, il me fait très plaisir, grandement plaisir de joindre ma voix à celle de ma collègue de Marguerite-Bourgeoys pour commenter, M. le Président, ce projet de loi n° 194 intitulé Loi constituant Capital régional et coopératif Desjardins. Ma collègue a eu l'occasion de vous livrer un argumentaire extrêmement, je vous dirais, convaincant et un argumentaire très détaillé sur la pertinence de la présentation ou de la création d'un fonds comme celui-là.

M. le Président, le gouvernement du Parti québécois, lors du dernier budget, nous a annoncé plusieurs mesures à l'endroit des régions, hein, en déposant ce document qui est intitulé La Force des régions, un maillon essentiel de notre économie. Je vais vous dire, M. le Président, que cet effort déployé par le gouvernement du Parti québécois à l'endroit des régions, bien, en a laissé plus d'un, je vous dirais... en fait, en a surpris plus d'un. Parce que le gouvernement qui est en face de nous, qui est là depuis sept ans, hein, depuis sept ans, n'a pas entendu l'appel des régions qui lui a été formulé au cours... depuis 1994 jusqu'à aujourd'hui. Et les efforts consentis dans le dernier budget qui a été déposé, M. le Président, donc viennent confirmer le fait que le gouvernement qui est en face de nous a failli à la tâche au cours des sept dernières années. Et il y a un député qui me regarde avec un grand sourire, M. le Président, et probablement qu'intérieurement il se dit: Bien oui, la députée de Bonaventure a raison effectivement de rappeler donc l'engagement de ce gouvernement ? de son gouvernement ? à l'endroit des régions.

Parce que les besoins, M. le Président, dans les régions du Québec et en particulier dans certaines régions, ils sont nombreux. Ç'a pris, M. le Président, sept ans avant que le gouvernement du Parti québécois donc se rende compte que les besoins étaient tellement criants qu'il a décidé de consentir un certain nombre d'efforts. Mais je vous dirais qu'à ce stade-ci nous serons très critiques, dans la mesure où plusieurs mesures, justement, ou programmes, ou politiques annoncées dans le cadre de ce budget en mars dernier... les effets liés à ces mesures, les effets espérés liés à ces mesures ne se feront sentir que dans deux, trois ans, quatre ans ou cinq ans.

Et je prends bien sûr à témoin les fameux crédits d'impôt pour les régions dites ressources, M. le Président, et je prends bien le soin de mettre «ressources» entre guillemets, puisque, à mon sens, qui est une députée qui vient d'une région comme la Gaspésie, je trouve extrêmement déplorable que notre Parlement, que l'ensemble des parlementaires continuent donc d'utiliser cette expression de «région-ressource» pour qualifier la Gaspésie, la Côte-Nord, la Mauricie et Saguenay?Lac-Saint-Jean, le Nord-du-Québec. M. le Président, il me semble que nous avons là une définition qui est extrêmement réductrice du rôle des économies de l'ensemble de ces régions, et je pense que nous aurions tout intérêt donc à faire preuve d'un peu plus d'imagination dans la typologie qui peut être utilisée. C'est comme si, M. le Président, on disait, à l'endroit des citoyens qui habitent dans les régions dites ressources, que: Vous ne pouvez vous développer qu'à partir de l'exploitation qui est faite des ressources naturelles. C'est comme si, M. le Président, on disait à ces régions: Point de salut, point de salut en dehors de l'exploitation des ressources naturelles.

Alors, M. le Président, je dois vous dire que nous aurions... Et le comble du scandale, M. le Président, c'est que, dans le budget qui a été déposé, c'est la ministre des Finances qui a utilisé, en plus de parler de régions-ressources, «régions-ressources éloignées». Et je vais vous dire que, de mon siège, lorsqu'on entend ce genre d'expression, bien, ça nous fait sursauter. Parce que, encore une fois, M. le Président, on contribue, avec l'utilisation d'une typologie comme celle-là... Donc, on contribue à creuser davantage le fossé entre ces régions qui vivent des difficultés sur le plan économique et des régions donc en meilleure posture sur le plan économique. On pense ici bien sûr à des régions comme Québec, Montréal, comme Hull, par exemple.

Alors, M. le Président, je suis évidemment très heureuse, et j'ai écouté attentivement ma collègue de Marguerite-Bourgeoys vous livrer donc les arguments qui militent en faveur de notre soutien que nous allons donc... qui a été annoncé il y a quelques minutes par ma collègue et que je vais aujourd'hui réitérer, à l'endroit du projet de loi n° 194.

M. le Président, lorsqu'on parle de fonds de capital de risque pour les régions, il y a un constat qui a été fait déjà depuis plusieurs années. C'est que dans plusieurs régions on constate ? et ma collègue également y a fait référence ? qu'il y a peu de capital de risque qui a été dépensé en région. Je pense qu'on a un défi, là, qui nous interpelle, c'est d'être en mesure de déployer et d'adapter nos outils financiers aux différentes réalités régionales. M. le Président, les besoins exprimés en Gaspésie sont différents de ceux exprimés dans le Nord-du-Québec, de ceux de la Côte-Nord, de la Mauricie, du Saguenay?Lac-Saint-Jean, de Québec ou de Montréal. Alors, je pense, M. le Président, qu'on devra donc déployer une énergie et un effort particuliers pour s'adapter justement à l'ensemble de ces réalités régionales parce qu'il en va, M. le Président, de l'avenir de plusieurs économies des régions au Québec. Et ma collègue y a également fait référence, et c'est la position que nous soutenons, M. le Président.

n(12 h 20)n

Dans toute politique de développement régional et rural, nous devons militer en faveur d'une philosophie qui soit inclusive, c'est-à-dire, M. le Président, pour nous, il y a une place dans l'économie provinciale pour l'ensemble des régions du Québec, et contrairement aux politiques économiques qui ont été mises de l'avant par le gouvernement qui est en face de nous, et en particulier par l'actuel premier ministre qui était à l'époque ministre des Finances, qui a contribué à la mise sur place de politiques qui ont, M. le Président, contribué à creuser le fossé entre 11 régions du Québec sur 17 entre avril 1996 et avril 2001.

M. le Président, pour m'appuyer dans cette affirmation que je viens de vous livrer, nous avons investigué davantage et donc fait un peu parler les chiffres. Et, lorsque le premier ministre, je vous dirais, se fait triomphaliste dans son analyse à l'effet que l'économie du Québec se porte bien, bien, ce matin, à la période de questions, il y a le chef de l'opposition qui a quand même pris soin de lui rappeler qu'aujourd'hui on a appris que le taux de chômage au Québec a augmenté. Et le taux de chômage au Québec, M. le Président, a augmenté dans plusieurs régions du Québec. On voyait, ce matin, quand même la Colombie-Britannique faire des choix, des choix qui contribuent donc sur le plan fiscal à miner la position du Québec à l'échelle canadienne. Même chose pour l'Ontario, M. le Président. Et ce qu'on constate depuis plusieurs années, c'est que le Québec est en perte de vitesse, le Québec s'appauvrit.

Et je prends à témoin donc plusieurs données, M. le Président, et je vais commencer tout de suite peut-être par la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Ce qu'on constate, M. le Président, entre avril 1996 et avril 2001, le taux de chômage donc a augmenté, mais, si on compare... Et c'est important, M. le Président, donc de faire des nuances, ce que le gouvernement du Parti québécois, en particulier le premier ministre, n'a pas fait ce matin. Ce qu'il faut dire, c'est que ce taux de chômage, entre avril 1996 et avril 2001, par rapport à la moyenne provinciale, ce taux de chômage, M. le Président, a augmenté, mais c'est surtout l'écart qui s'est creusé entre le taux de chômage qu'on retrouve en Abitibi-Témiscamingue par rapport à la moyenne provinciale, ce qui fait que l'écart s'est creusé donc de 89 % à 138 %.

Autre région, M. le Président, celle du Bas-Saint-Laurent. Et ça, c'est particulier, parce que, au même moment où le taux de chômage a diminué, de 1996 à 2001 ? je vous dirais, on est passé de 14,6 à 13,9... Ce qui est le plus surprenant, c'est que, au même moment où ce taux de chômage a diminué, c'est que, par rapport à la moyenne provinciale, bien, l'écart a augmenté, l'écart s'est creusé, passant de 119 % à 151 %, M. le Président. Pour le Centre-du-Québec, même réalité. L'écart par rapport à la moyenne provinciale au niveau du chômage s'est creusé, passant de 109 % à 141 %, M. le Président.

Pour la Côte-Nord et le Nord-du-Québec, on est passé d'un écart assez considérable, donc de 128 % à 168 %. Ça, M. le Président, des chiffres comme ceux-là, là, au-delà des statistiques que je vous livre ce matin, bien, il y a une réalité qui est vécue sur le terrain: il y a des entreprises qui ferment leurs portes, il y a des gens qui quittent la région, il y a des jeunes qui quittent la région. Il y a vraiment des économies qui se portent très mal, M. le Président.

Autre région, M. le Président, celle, bien sûr, que je connais bien, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine. Et le chef de l'opposition nous le disait à juste titre ce matin: la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine est la région au Québec qui connaît les difficultés économiques les plus importantes. Nous sommes, de l'ensemble des 17 régions du Québec, celle qui bat tous les records au niveau du chômage, M. le Président. Et, pour nous, entre 1996 et avril 2001, bien, l'écart s'est creusé, et c'est encore une fois la région qui subit un écart par rapport à la moyenne provinciale, le plus important, de 173 % à 255 %.

Et quand le premier ministre, M. le Président, dans son analyse, tente de nous faire croire que tout va bien au Québec, bien, ce qu'il prend bien soin surtout de faire, c'est d'occulter bien sûr une certaine réalité. Le nouveau phénomène, qui est le nouveau phénomène qu'on constate dans nos régions, c'est que non seulement, M. le Président, les jeunes quittent, mais il y a un nouveau phénomène, c'est aujourd'hui les familles qui quittent, c'est les familles qui quittent pour aller... c'est les parents qui quittent, par exemple, pour aller rejoindre leurs enfants qui font leurs études, à Québec ou à Montréal.

Et j'étais, M. le Président, cette semaine, à Jonquière. J'étais à Jonquière, dans la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean que connaît bien, bien sûr, le leader du gouvernement. Et j'étais dans cette belle région, M. le Président, et j'ai discuté avec un retraité. Un retraité qui m'a livré sa grande frustration à l'endroit de la situation qu'il vit dans sa région. Et vous me permettrez de prendre quelques minutes, M. le Président, de vous livrer le fruit de notre conversation.

Alors, notre retraité en question me dit, M. le Président, qu'il est très frustré de voir, lui, comme ex-travailleur, qu'il a contribué toute sa vie à payer des impôts, il a contribué toute sa vie à payer des impôts, et, aujourd'hui, à l'âge de sa retraite, il serait en droit de s'attendre à recevoir des services de santé. Et là, ce qu'il constate, c'est que les services de santé dans sa région, comme dans plusieurs régions du Québec, s'effritent.

Et, M. le Président, il a fait un exercice de son côté, il a comparé sa situation financière ou fiscale, ici, au Québec, par rapport à celle du Nouveau-Brunswick. Si notre retraité, M. le Président, de Jonquière quittait demain matin le Québec pour le Nouveau-Brunswick ? et je dois vous dire qu'il songe sérieusement à quitter le Québec pour le Nouveau-Brunswick ? bien, il mettrait 2 000 $ de plus dans ses poches à chaque année. C'est ça, M. le Président, la vraie réalité, celle, évidemment, que s'emploient donc à occulter, à évacuer les gens qui sont en face de nous, et en particulier le premier ministre du Québec.

Et l'autre réalité, M. le Président, c'est notre génération, celle qu'on a appelée les baby-boomers, celle qui aujourd'hui est à sa retraite, ceux et celles qui ont de l'argent pour consommer, qui ont de l'argent pour dépenser. Bien, le nouveau phénomène, c'est ces gens-là qui quittent nos régions aujourd'hui parce qu'ils ont besoin, par exemple, de services de santé auxquels ils peuvent avoir difficilement accès dans plusieurs régions du Québec.

Alors, M. le Président, lorsqu'on vous dit, de ce côté-ci, contrairement au discours triomphaliste des députés qui sont en face de nous, que c'est loin de bien aller dans l'ensemble des régions du Québec, bien, on s'appuie évidemment sur des faits vécus, sur des réalités également qui sont vécues, des hommes et des femmes, M. le Président, qui donc ont un droit fort légitime, celui de travailler dans leur région, celui d'élever leurs enfants. Alors, collectivement, M. le Président, est-ce qu'on peut donner droit, donner donc ce droit, accorder ce droit à l'ensemble des hommes et des femmes du Québec, et des jeunes, à l'endroit des régions du Québec?

Et je peux vous dire, moi qui ai fait le choix de quitter ma région, comme plusieurs jeunes, et qui ai fait le choix également de revenir dans ma région, bien, je vais vous dire, M. le Président, que la décision que j'ai prise, c'est également une décision qui a été prise par plusieurs jeunes, et c'est un sentiment également dont sont animés plusieurs jeunes des régions qui sont aujourd'hui dans les grands centres, qui souhaiteraient revenir dans leur région d'origine. Mais, M. le Président, ils ne peuvent pas le faire aujourd'hui parce qu'on n'a pas déployé tous les moyens sur le plan politique, sur le plan économique, sur le plan social, pour redonner leurs lettres de noblesse à l'ensemble des régions du Québec.

Alors, M. le Président, ma collègue aussi le soulignait à juste titre dans sa présentation, c'est la priorité donc que nous nous sommes donnée comme formation politique. Le défi est colossal, M. le Président, mais c'est le défi, donc, comme formation politique responsable, que nous nous sommes donné.

Autre région, M. le Président, qui connaît donc sur le plan économique, qui a connu, entre 1996 et 2001, des difficultés importantes, donc je pense à la région des Laurentides. Mais, encore une fois, M. le Président, c'est une réalité qui doit être dénoncée... c'est-à-dire qui doit être nuancée, plutôt. Dans les Laurentides, donc, entre avril 1996 et avril 2001, le taux de chômage est passé de 10,2 % à 9,4 %. Mais, au même moment où le taux de chômage a diminué, M. le Président, on a constaté que l'écart par rapport à la moyenne provinciale, lui, s'est creusé, passant de 109 à 128 %.

Pour la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean ? hein, M. le Président ? où le taux de chômage a diminué donc de 1996 à 2001... Et si ce n'avait été, M. le Président, du vaste chantier d'Alcan à Alma, bien, chose certaine, on serait peut-être arrivé à des conclusions, au niveau du taux de chômage, qui seraient beaucoup moins reluisantes aujourd'hui. Alors, malgré le fait que le chômage ait diminué, l'écart par rapport à la moyenne provinciale, lui, s'est creusé, passant de 120 à 127 %.

Pour l'Estrie, M. le Président, le même phénomène. Au même moment où le taux de chômage diminue, l'écart, lui, par rapport à la moyenne provinciale, a augmenté, passant donc de 83 % à 90 %.

Pour la région de Chaudière-Appalaches, M. le Président, une région qui est réputée, sur le plan économique, être très dynamique ? on pense bien sûr à la région de la Beauce, évidemment, le comté de Frontenac, le député de Frontenac qui me fait signe, oui, M. le député, certainement que votre région est très dynamique ? on constate, M. le Président, encore une fois que la réalité est très nuancée et donc mérite, je vous dirais, qu'on approfondisse notre analyse au niveau des chiffres, parce que ce qu'on constate, M. le député de Frontenac, c'est que, dans la région de Chaudière-Appalaches, l'écart s'est creusé, par rapport à la moyenne provinciale au niveau du chômage, de 70 % à 82 %.

Alors, évidemment, ça, M. le Président, l'ensemble de ces statistiques... Et c'est la même chose pour la Mauricie, en terminant, où l'écart s'est creusé de 109 % à 128 %. Alors, ce qu'on constate, M. le Président, c'est que cet écart donc par rapport à la moyenne provinciale témoigne que l'ensemble de ces régions, donc, sur le plan économique, se sont, je vous dirais, distancées par rapport aux performances affichées par d'autres régions du Québec.

n(12 h 30)n

Alors, M. le Président, le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, le projet de loi n° 194, viendra, nous l'espérons, combler certains besoins au niveau des régions, et en particulier au niveau de certaines régions qui, sur le plan économique, en ont bien besoin, et je pense ici donc aux régions de l'Abitibi-Témiscamingue, du Bas-Saint-Laurent, de la Côte-Nord, de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, de la Mauricie, du Nord-du-Québec et du Saguenay?Lac-Saint-Jean.

Ma collègue a fait évidemment très brillamment donc référence à l'ensemble des mesures qui sont contenues dans ce projet de loi et elle a fait également référence au fait que 60 % de l'actif du fonds qui sera de 150 millions la première année pour arriver, en 2010, M. le Président, à 1,5 milliard, donc 60 % de l'actif de ce fonds donc ne doit comporter aucune forme de garantie, aucune forme de cautionnement. Et on ajoute également, M. le Président, que, de ce 60 %, 35 % donc devra être investi dans des entreprises situées dans les régions dites ressources du Québec ou dans des coopératives. Évidemment, 35 % de 60 %, M. le Président, concrètement, ça veut dire, ça, 21 % qui va être investi dans les régions dites ressources.

Alors, ce que je souhaite, M. le Président, c'est que ce fonds réponde, puisse véritablement donc répondre à l'ensemble des besoins du Québec. Parce qu'on sait qu'il existe une panoplie de fonds au Québec. Je pense notamment aux SOLIDE ou le Fonds de solidarité de la FTQ donc qui est impliqué financièrement dans ces fonds, où les entrepreneurs donc dans nos régions peuvent obtenir une aide financière s'étalant de 5 000 à 50 000 $. On a bien sûr le Fondaction de la CSN, M. le Président; donc les CLD également qui sont gestionnaires donc d'un certain portefeuille de programmes et de mesures.

Alors, M. le Président, ça nous fait, ça, beaucoup de fonds, beaucoup d'argent, mais la réalité concrète, vécue, c'est que seulement 5 % des fonds liés au capital de risque au Québec se dépensent dans les régions. Et ma collègue bien sûr a apporté ce point qui me semble fondamental, M. le Président, et qui, je pense, témoigne de la difficulté que nous avons au Québec donc d'adapter ce type de fonds donc aux besoins de nos régions. Et, je pense, M. le Président, qu'il y a urgemment... donc qu'il y a urgence qu'on puisse s'adapter, adapter nos véhicules financiers au Québec à la réalité régionale. Je pense notamment à la Société générale de financement qui donc doit absolument s'adapter, justement donc, à la réalité vécue en région.

M. le Président, cette participation du Mouvement Desjardins, je vous dirais, trouve tout son sens dans l'engagement qu'a pris le Mouvement Desjardins depuis plusieurs années au niveau du développement régional. Et c'est un engagement qui s'est concrétisé et perpétué déjà depuis plusieurs années. Et je pense que, dans nos régions, on est tous à même de voir le dynamisme que déploient donc les institutions, nos caisses populaires Desjardins et nos institutions financières. Et ce qui est remarquable, M. le Président, pour le Mouvement Desjardins dans chacun de nos milieux, dans chacun de nos petites municipalités, nos villages, nos campagnes, M. le Président, c'est de voir à quel point donc, sur le plan social, il y a des engagements et un investissement souvent qui est consenti dans le milieu. Sur le plan communautaire, sur le plan social, sur le plan économique, M. le Président, le Mouvement Desjardins, les caisses populaires Desjardins donc ont une façon de faire qui favorise l'éclosion de projets adaptés à la réalité régionale.

Vous me permettrez donc, M. le Président, de vous livrer une citation de M. Alban D'Amours qui a livré donc à l'occasion des assemblées générales annuelles 2001 du Mouvement... donc qui a livré un petit peu sa vision par rapport à ce nouveau fonds qui est créé. Vous me permettrez rapidement de vous le citer, M. le Président.

Alors, M. D'Amours nous disait la chose suivante, le 7 avril dernier: «Capital régional et coopératif Desjardins ? ça, c'est le fonds qui nous occupe ce matin ? pourra recueillir, au cours des 10 prochaines années, jusqu'à 1,5 milliard de dollars.» L'échéancier annoncé, M. le Président, 2010. «Il viendra compléter l'action des divers fonds de capital de risque existant au Québec, notamment les fonds d'investissement Desjardins régionaux ainsi que les fonds de travailleurs, à qui nous tendons d'ailleurs la main. Nous souhaitons en effet concrétiser avec eux de nouveaux partenariats dont les régions de même que les coopératives seront les premières bénéficiaires.»

Alors, M. le Président, cet appel annoncé donc par M. D'Amours et qui tend la main aux autres fonds de capital de risque qui existent dans nos régions, notamment via les fonds de travailleurs. Et j'espère, M. le Président, que ces fonds pourront donc, une fois pour toutes, répondre véritablement aux besoins de nos régions, et susciter donc, et générer, je devrais dire, une plus grande prospérité dans l'ensemble de nos régions.

Et, tout comme ma collègue de Marguerite-Bourgeoys l'a fait, M. le Président, c'est avec plaisir donc que je joins ma voix à ma collègue pour vous annoncer que je serai bien sûr en accord avec l'ensemble de mes collègues sur l'adoption du principe de ce projet de loi n° 194. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Bonaventure. Et, sur le même sujet, Mme la députée de La Pinière, je vous cède la parole.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais joindre ma voix à mes collègues la députée de Marguerite-Bourgeoys et la députée de Bonaventure et porte-parole pour le caucus libéral des dossiers sur les régions. Je suis également une députée d'une région, la Montérégie, qui est évidemment proche d'une métropole. Les réalités, comme l'a dit ma collègue de Bonaventure, sont différentes d'une région à l'autre, et c'est ce qui fait en fait la beauté et la spécificité aussi du Québec.

Alors, M. le Président, le projet de loi n° 194, Loi constituant Capital régional et coopératif des régions, c'est un projet de loi, M. le Président, qui donne suite au discours sur le budget du 29 mars 2001. Dans les notes explicatives de ce projet de loi, M. le Président, il est écrit que ce projet de loi «a pour objet de constituer la société Capital régional et coopératif Desjardins qui a pour mission principale de mobiliser du capital de risque en faveur des régions-ressources du Québec et du milieu coopératif.

«Il pourvoit à l'organisation de la société et définit ses fonctions principales.

«La société pourra investir dans toute entreprise, mais elle devra consacrer aux petites et moyennes entreprises et aux coopératives au moins 60 % de son actif sous une forme ne comportant aucune garantie ou aucun cautionnement. Une partie représentant au moins 35 % de ce pourcentage devra être investie dans des entreprises situées dans les régions-ressources du Québec ou dans des coopératives.»

Ça, M. le Président, pour ce qui est de l'objectif d'investir dans les régions-ressources et dans les régions tout court, c'est un objectif que le Parti libéral et l'équipe libérale partagent. M. Charest a insisté beaucoup sur la nécessité de mailler les régions entre elles et de consolider le développement de nos régions.

Sur le fond du dossier, M. le Président, puisqu'on est en train de parler ici d'investissement, il est utile de rappeler que nous avons déjà une multitude de fonds qui existent, notamment le Fonds de solidarité de la FTQ, le fonds Fondaction de la CSN. Nous avons également différents outils, notamment les fonds de Desjardins, et également nous avons les CLD en région, dans toutes les régions du Québec, qui travaillent davantage dans le dossier de l'économie sociale et qui distribuent également des enveloppes pour le développement économique local. Ces fonds bien entendu ? je parle ici du Fonds de solidarité FTQ, Fondaction et les fonds d'investissement comme celui qui est devant nous ? sont populaires à cause justement des crédits d'impôt qui leur sont rattachés.

Le projet de loi n° 194 vient accorder au Mouvement Desjardins la possibilité de constituer, de promouvoir et de gérer un nouveau fonds sous l'appellation de société Capital régional et coopératif Desjardins. Il s'agit donc d'une société qui est créée au sein du Mouvement Desjardins et qui va s'adonner spécifiquement à la gestion de capital de risque, dont les investissements seraient orientés vers les régions-ressources.

Et on sait, M. le Président, que les régions sont sous-financées ou plutôt il y a moins de capital de risque qui est disponible dans les régions. On parle de 5 % seulement de capital de risque qui est disponible dans ces régions-là. Or, il est extrêmement important, si on veut aider les petites entreprises dans les régions, les travailleurs autonomes dans les régions à se prendre en main et à se développer, de leur donner les outils financiers. Les outils financiers sont des outils déterminants pour le succès de nos entreprises, aussi petites soient-elles.

n(12 h 40)n

Je pense, par exemple, au dossier des technologies de l'information, M. le Président. Un des avantages qui est rattaché aux technologies de l'information, c'est la possibilité pour les régions non seulement de se mailler à la métropole et aux grands centres urbains, mais de se mailler au monde entier. Or, ces petites entreprises, qu'on peut retrouver aussi bien en Gaspésie, en Abitibi et dans d'autres régions du Québec, ont besoin de soutien financier.

Et le fonds qui est devant nous, le fonds constituant Capital régional et coopératif Desjardins, pourrait s'avérer, M. le Président, pourrait s'avérer, sous réserve d'amélioration et de bonification du projet de loi, un outil extrêmement important pour aider ces entreprises-là dans les secteurs de l'économie du savoir. Parce que souvent les régions ont été associées, comme l'a si bien dit ma collègue la députée de Bonaventure... Quand on parle de régions-ressources, on parle de régions éloignées, mais de nos jours, avec les technologies de l'information, la distance réelle n'existe plus, puisque virtuellement on peut communiquer de façon instantanée partout dans le monde.

Donc, communiquer, ça veut dire quoi? Ça veut dire pouvoir échanger des biens et des services, des produits qui sont fabriqués dans les régions dites éloignées, dans les régions-ressources, et pouvoir les vendre, M. le Président, partout au Canada et partout dans le monde. Ça, c'est un avantage. Mais, pour y arriver, il faudrait que les conditions favorables pour le succès de ces entreprises-là soient réunies, et c'est pour ça, M. le Président, que, comme mes collègues, je vois un intérêt dans le fonds qui est devant nous et qui est constitué par le projet de loi n° 194.

Nous sommes donc, M. le Président, favorables avec l'objectif du développement des régions, des régions-ressources en particulier, compte tenu de l'écart qui existe entre le niveau de développement économique de ces régions, les autres régions plus périphériques et bien entendu les grands centres urbains. Donc, il faudrait que les régions puissent être maillées entre elles dans une complémentarité économique, ce qui permettrait de renforcer les créneaux porteurs dans chacune de ces régions-là. Et c'est la raison pour laquelle, M. le Président, ce projet de loi n° 194 acquiert notre accord de principe.

La question est de savoir si le fonds Capital régional et coopératif Desjardins, tel que libellé dans le projet de loi n° 194, répond à l'objectif justement qui est voulu, qui est souhaité, qui est celui de soutenir les développements économiques des régions, et plus particulièrement des régions-ressources. Alors, de quoi s'agit-il, M. le Président? Essentiellement, c'est un fonds d'investissement de capital de risque qui permet d'investir... qui ne permet pas d'ailleurs d'investir dans un REER, par exemple, ou dans l'épargne. C'est donc un fonds d'investissement qui s'adresse à des clientèles spécifiques et pas nécessairement aux petits épargnants. Alors, les épargnants qui souscrivent à des actions de la société Capital régional et coopératif Desjardins auront droit à un crédit d'impôt provincial de 50 % pour un achat maximum de 2 500 $. Le montant total de souscription d'actions sera limité à 150 millions de dollars par année pour les 10 prochaines années, soit un total de 1,5 milliard de dollars. Si le maximum n'est pas atteint au cours d'une année de calendrier, le montant non utilisé sera reporté sur les années postérieures.

M. le Président, lorsqu'on regarde le libellé du projet de loi dans le détail, on constate qu'effectivement les objectifs qui sont sous-tendus par ce projet de loi sont très louables. Alors, à qui s'adresse le projet de loi n° 194? À qui s'adresse la société Capital régional et coopératif Desjardins? Essentiellement, elle s'adresse, au niveau de l'admissibilité, à des coopératives et à une société ou une personne morale qui exploite une entreprise dont la majorité des employés résident au Québec et dont l'actif est inférieur à 50 millions de dollars ou l'avoir net est de moins de 20 millions de dollars. Donc, on voit très bien que c'est les petites et moyennes entreprises qui sont visées par le projet de loi n° 194.

La société devra investir au moins 60 % de son actif net moyen de l'année précédente dans des entités admissibles. De ce total, au moins 35 % devra être investi dans les régions-ressources, soit l'Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord, la Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine, la Mauricie, le Nord-du-Québec et le Saguenay?Lac-Saint-Jean. C'est donc 21 %, M. le Président, il faut le rappeler, 35 % de 60 % du total du portefeuille qui sera destiné à des investissements dans des coopératives ou dans des entreprises situées dans les régions-ressources. Et cette exigence, M. le Président, s'appliquera à compter de l'année financière qui débute le 1er janvier 2006.

Je dois vous dire que, comme porte-parole du dossier de l'habitation plus particulièrement, je me réjouis de voir que les régions, et particulièrement les régions-ressources, vont pouvoir avoir un outil financier comme celui de Capital régional et coopératif Desjardins. Pourquoi? Parce que, M. le Président, il y a une crise majeure, une crise très grave dans le domaine de l'habitation au Québec. Et souvent, quand on parle de la crise de logement, on a à l'esprit Montréal et, le plus loin qu'on va dans notre analyse, on parle de Québec et de Hull, autrement dit des grands centres urbains. Mais le problème ou la problématique du logement au Québec, et plus particulièrement du logement social, mais aussi il y a d'autres réalités, par exemple les maisons des personnes âgées qui ont besoin d'être rénovées et les établissements d'ailleurs pour l'accueil et l'hébergement des personnes âgées, on est dans une situation de crise, crise majeure qui n'a pas été vue depuis une quinzaine d'années.

Et comment donc... Comment réaliser, en tout cas, des progrès dans ce dossier-là? Comment le résoudre? Parce que, très souvent, on s'adresse évidemment au gouvernement parce qu'il a une responsabilité, une responsabilité majeure, mais on peut également s'appuyer sur les partenaires du milieu, dans le cadre d'un partenariat public-privé, communautaire et, en même temps, pour chercher des solutions novatrices, des méthodes et des façons de régler ce problème. Parce que, effectivement, M. le Président, l'État a une responsabilité, mais, compte tenu des investissements qui sont exigés pour non seulement offrir des logements dans le sens le plus large du terme, mais tout simplement pour répondre aux besoins urgents existant actuellement, que ça soit à Montréal, à Québec, à Hull ou dans les autres régions du Québec, M. le Président, bien il faut des investissements et ça prend des investissements majeurs.

On peut interpeller le gouvernement du Québec, on peut interpeller le gouvernement du Canada, et il contribue, le fédéral contribue annuellement pour 340 millions de dollars dans l'habitation au Québec, 340 millions de dollars, mais les investissements qui sont requis, M. le Président, sont majeurs, ils sont d'un autre ordre au niveau de la quantité et des montants qui sont exigés, M. le Président.

Donc, le fonds Capital régional et coopératif Desjardins pourrait s'avérer, face à ces besoins criants, face à cette crise, un outil aux mains des régions pour pouvoir monter des projets et faire un partenariat avec le Mouvement Desjardins, mais aussi avec d'autres partenaires privés, mais aussi avec l'État, mais aussi avec le milieu communautaire pour offrir des solutions, M. le Président, aux populations qui sont dans le besoin au niveau de l'habitation.

Parce que la crise, là, elle est majeure. Vous êtes un député, M. le Président, de la région du Québec, de Québec, et ici il y a des besoins criants dans le domaine de l'habitation. Dernièrement, il y a eu un sondage qui a été effectué justement dans la région de Québec concernant les fusions forcées dans la région, et les citoyens ont répondu... Parmi les trois éléments qu'ils considéraient comme étant prioritaires, les besoins prioritaires de la région, M. le Président, il y avait le dossier de l'habitation. C'est la preuve que le besoin est là. Et, pour moi, comme porte-parole du dossier de l'habitation, j'espère que les gens du Mouvement Desjardins m'écoutent au moment où je parle, ou sinon je leur ferai parvenir copie de mon intervention. Je les interpelle pour leur dire qu'il y a un besoin, un besoin réel, un besoin de la population. Et ça touche, M. le Président, ce besoin-là, toutes les catégories de citoyens: ça touche les jeunes, ça touche les femmes, ça touche les aînés, ça touche les familles, ça touche les familles monoparentales. Il y a des milliers et des milliers de familles, M. le Président, qui sont dans le besoin en matière de logement.

Alors, si, comme parlementaire, on peut se donner un outil de développement comme celui du projet de loi n° 194, qui va mettre à la disposition des citoyens, des groupes et des entreprises des outils pour les inviter à investir dans la communauté, plus particulièrement en région, nous, M. le Président, non seulement on souscrit à ce besoin, mais on le réclame de toute force, parce que la crise est très, très importante.

n(12 h 50)n

M. le Président, les régions... Ma collègue la députée de Bonaventure a bien argumenté concernant l'abandon du gouvernement par rapport aux régions. Ça fait sept ans que ce gouvernement est au pouvoir et ça fait sept ans qu'il a oublié les régions. Il se réveille à la veille d'une élection prévue, M. le Président, on dirait appréhendée, parce qu'on n'est pas capable de déterminer la date, nous, de notre côté, et tout d'un coup on s'intéresse aux régions. Hein, tout d'un coup, on s'intéresse aux régions. Mais où est-ce qu'ils étaient il y a sept ans, il y a six ans, il y a cinq ans, M. le Président? Ils dormaient sur leurs deux oreilles, parce que les régions, c'était le dernier de leur souci.

Bien, nous, M. le Président, ça fait sept ans, et encore aujourd'hui on réclame du gouvernement des investissements réels et concrets dans toutes les régions du Québec, et plus particulièrement dans les régions-ressources, qui ont été oubliées, M. le Président, dramatiquement oubliées. Et les chiffres sont très parlants, que ce soit au niveau du taux de chômage, M. le Président, ou que ce soit au niveau de l'exode des jeunes.

Imaginez ce que les régions perdent comme ressources. Le capital humain, on n'a pas généralement tendance à l'évaluer, mais vous ne pouvez pas imaginer, M. le Président, les coûts que ça représente pour une région de perdre une dizaine, une quinzaine de jeunes. Ça, c'est une dizaine, ou une quinzaine, ou une vingtaine, ou une centaine de jeunes qui quittent des régions, M. le Président. Ça veut dire que c'est un savoir qui est perdu, ça veut dire que c'est une connaissance qui est perdue, c'est une énergie qui est perdue. Et, très souvent, ces jeunes, M. le Président, se ramassent soit dans les grands centres urbains comme Montréal, ou se ramassent à Toronto, ou ils vont aux États-Unis pour réaliser... se réaliser eux-mêmes professionnellement et réaliser aussi des projets extrêmement novateurs, extrêmement importants, qu'ils auraient pu réaliser dans leur région si le gouvernement avait su leur tendre la main, leur donner les outils, leur donner les moyens, M. le Président, pour s'autodévelopper et pour garder, M. le Président, leurs forces dans les régions et bâtir sur ces forces-là.

Alors, M. le Président, il est extrêmement important que le gouvernement comprenne que, lorsqu'on parle de développement régional... Et, moi, M. le Président, depuis que je suis ici comme députée, depuis sept ans, j'ai vu... j'ai entendu de la parlotte de l'autre côté, hein? Le premier ministre des Régions que j'ai vu, M. le Président, c'était le député de Joliette, hein? La première personne que j'ai rencontrée en région, c'était le député de Joliette. Il était à l'époque ministre du Développement des régions. Il est arrivé avec un livre, M. le Président, vert pâle, et ça s'appelait La déconcentration, hein? Alors, on a perdu du temps à parler de la déconcentration des régions, M. le Président. Par après, il y a eu un autre livre, M. le Président, bleu celui-là, bleu foncé, et ça s'appelait Le développement des régions, M. le Président, projet de loi n° 171, je pense. Je me rappelle être restée en commission parlementaire jusqu'à minuit avec le député de Joliette pour discuter article par article, M. le Président, sur ce projet de loi.

Et, encore une fois, qu'est-ce que le gouvernement a fait dans les régions? Il a multiplié les structures. Il a multiplié les structures en région. Ça, c'est la maladie de la structurite. C'est une maladie spécifique au gouvernement du Parti québécois. Et plus ils déplacent, M. le Président, de l'air, plus ils déplacent des structures, plus ils ont l'impression, M. le Président, de faire du développement des régions. Or, c'est pas ça, le développement des régions. Le développement des régions, c'est de donner les outils aux opérateurs locaux et régionaux pour se prendre en main. Ils sont assez intelligents et assez équipés pour définir leurs besoins, pour mettre de l'avant les solutions, M. le Président, et pour les réaliser.

Mais le problème qu'on a avec ce gouvernement, qui n'écoute que lui-même et qui est déconnecté d'ailleurs des régions et du reste du Québec, c'est qu'il n'écoute pas. Il n'écoute pas les citoyens. Il n'écoute pas, M. le Président, les citoyens, écoute pas la population. C'est pour ça, M. le Président, que nous sommes dans une situation où aujourd'hui on plaide encore pour un véritable développement régional et rural, M. le Président. Les régions en ont besoin. Et aujourd'hui l'occasion nous est donnée, à la faveur de ce projet de loi n° 194, M. le Président, de plaider encore une fois pour le développement des régions et d'accorder notre accord de principe pour l'adoption du projet de loi n° 194, M. le Président, de plaider encore une fois pour le développement des régions et d'accorder notre accord de principe pour l'adoption du projet de loi n° 194, Loi constituant Capital régional et coopératif Desjardins, parce que, nous, M. le Président, le développement régional et rural, on y croit. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Il n'y a plus d'intervenants? Le principe du projet... M. le leader de l'opposition.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. M. le Président, il me fait plaisir... J'aurais cru qu'il s'agissait d'un projet de loi suffisamment important pour le gouvernement, considérant qu'il s'agit d'un projet de loi qui découle du dernier budget, pour que des députés ministériels interviennent sur ce projet de loi, M. le Président. Mais ils sont un peu, comme nous tous, assommés par les statistiques sur le chômage qui ont été publiées ce matin. Le Québec traîne encore une fois de la patte. Le Québec est dans le wagon de queue de la fédération canadienne en matière de création d'emplois. Et c'est pire, M. le Président, quand vous êtes un député de région. Vous le vivez avec davantage d'acuité, parce que, comme Mme la députée de La Pinière vient de le souligner, la perte d'emplois en région signifie que nos régions se vident. Au début, on parlait des jeunes qui quittaient les régions. Après sept ans de gouvernement du Parti québécois, on parle des parents qui vont rejoindre les jeunes en centre urbain, M. le Président. C'est ce qu'on appelle communément des régions qui se vident au Québec.

Et on ne peut rester insensible. En tout cas, le Mouvement Desjardins, lui, ne peut rester insensible face à un tel désastre gouvernemental. Le Mouvement Desjardins a plaidé auprès du gouvernement pour obtenir par voie législative... pour que l'Assemblée nationale du Québec lui confie une responsabilité additionnelle et des outils additionnels. Le Mouvement Desjardins a demandé de constituer par loi la société Capital régional et coopératif Desjardins. On aurait pu s'attendre, M. le Président, à ce que le gouvernement prenne au sérieux la demande du Mouvement Desjardins. On aurait pu s'attendre, M. le Président, à ce qu'un ministre senior, à ce que le premier ministre, à ce que la ministre des Finances, à ce que le numéro deux du gouvernement, le ministre responsable de l'Économie, prenne la parole ou parraine le projet de loi. Il y a beaucoup...

Il y a quelqu'un qui me dit Claude Lachance de l'autre côté, M. le Président. J'ai beaucoup de respect, moi, pour le député de Bellechasse. Il siège en cette Chambre depuis plusieurs années. Il est connu parmi nous comme le député qui a lâché la formule des patentes à gosses, à un moment donné. Mais on ne veut pas que ce projet de loi soit perçu, ni par le Mouvement Desjardins ni par l'ensemble de la population, comme une patente à gosses. On veut que ce fonds soit parrainé par quelqu'un qui siège au Comité des priorités du gouvernement du Québec pour que ça devienne, au moins sur le plan de la symbolique, une priorité. Quand on demande à un député d'arrière-ban de parrainer un projet de loi qui est supposé d'être important, la population, les gens qui s'intéressent, les gens du Mouvement Desjardins décodent des choses.

Quand on regarde le contenu du projet de loi pour ce qu'on en sait, parce que c'est amené à la dernière minute par un député d'arrière-ban, on se rend compte que ça ne rencontre pas, ça ne rencontre pas les mêmes avantages que les avantages qui ont été consentis au Fonds de solidarité de la FTQ. On se rend compte que ça ne rencontre pas les mêmes critères ou les mêmes avantages qui ont été attribués à la CSN. Pourquoi on veut pas donner au Mouvement Desjardins la même possibilité d'intervention? Pourquoi on présente le projet de loi à la dernière minute? Pourquoi on le fait parrainer par un député d'arrière-ban? Est-ce que c'est parce qu'on n'y croit pas, M. le Président?

Une voix: ...

M. Paradis: Pourquoi l'information n'a pas été communiquée dans des délais raisonnables?

Une voix: ...

M. Paradis: M. le Président, la députée, là, si elle souhaite intervenir, moi, je vous le dis tout de suite, il y aura consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le leader. Étant donné l'heure, je dois intervenir pour suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous étions au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 194, Loi constituant Capital régional et coopératif Desjardins. Y a-t-il d'autres intervenants?

Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 194, Loi constituant Capital régional et coopératif Desjardins est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Carrier-Perreault: Alors, M. le Président, je vous réfère à l'article 1 du feuilleton.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ça prend une motion peut-être...

Mme Carrier-Perreault: Ah oui! je suis désolée, M. le Président. Je voulais aller plus vite, je pensais que c'était comme hier, on roulait.

Renvoi à la commission des finances publiques

Alors, M. le Président, je fais motion, donc, pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques et que la ministre des Finances en soit membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe.

Mme Carrier-Perreault: Alors, maintenant, M. le Président, je vous réfère à l'article 1 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, l'article? Est-ce que j'ai l'article...

Mme Carrier-Perreault: 1.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...1? J'aimerais, s'il vous plaît, que la table me produise l'article 1; je ne l'ai pas avec moi. Merci, très bien.

Débats sur les rapports de commissions

Prise en considération du rapport
de la commission qui a étudié les impacts
du projet de Zone de libre-échange des Amériques

À l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur les impacts du projet de Zone de libre-échange des Amériques. Ce rapport qui a été déposé le 8 décembre 2000 et reçu à nouveau le 25 mai 2001 contient les recommandations.

Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 du règlement, cette prise en considération donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures, et qu'aucun amendement n'est recevable.

Vous me permettrez de suspendre quelques minutes pour m'entendre avec les parties pour la distribution du temps.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, quelques secondes, tout dépend. On peut se permettre le temps qu'il faudra, et normalement, ça va très vite.

Alors, je suspends quelques minutes... quelques secondes.

(Suspension de la séance à 15 h 8)

 

(Reprise à 15 h 9)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous voyez que ça a été très vite, ça a pris effectivement quelques secondes. Je m'en vais vous faire part de la répartition du temps pour le débat de deux heures: il y aura 10 minutes allouées au député indépendant; les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat; le temps non utilisé par l'un des groupes pourra être utilisé par l'autre groupe; et le temps non utilisé par le député indépendant sera réparti également entre les deux groupes.

Dans ce cadre, il n'y a pas de limite de temps dans les interventions. Enfin, je vous rappelle qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 95 ce débat n'entraîne aucune décision de l'Assemblée. Alors, je suis maintenant prêt à céder la parole au premier intervenant. Mme la leader adjointe.

Mme Carrier-Perreault: M. le Président, il était ici il y a quelques secondes et il a dû s'absenter. Le voilà qui revient, ça sera pas long.

n(15 h 10)n

M. Gautrin: ...puisse avoir la chance de pouvoir intervenir le premier.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Alors, on vient de me dire qu'il entre. Il a dû me prendre au sérieux tantôt quand j'ai dit quelques minutes. Il a pris ça... Il a dû quitter temporairement.

M. Gautrin: ...je suggérerais qu'on suspende jusqu'à ce qu'il puisse entrer, je suis sûr qu'il va être de retour dans un instant.

Mme Carrier-Perreault: Alors, vous comprendrez...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Très bien.

Mme Carrier-Perreault: ...au sérieux les propos de la présidence.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons suspendre quelques minutes en attendant M. le président de la commission, qui doit intervenir le premier.

(Suspension de la séance à 15 h 11)

 

(Reprise à 15 h 12)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Tout est dans l'ordre. Et je vais donner la parole à M. le député de Portneuf, qui est également président de la commission des institutions. M. le député.

M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Il me fait plaisir, effectivement, en tant que parlementaire et également, bien sûr, à titre de président de la commission des institutions, d'intervenir dans le cadre de ce débat restreint. Effectivement, la commission des institutions déposait, au mois de décembre dernier, si je me souviens bien, le 8 décembre dernier, un important rapport intitulé Le Québec et la ZLEA ? ZLEA pour Zone de libre-échange des Amériques ? effets politiques et socioéconomiques.

Je tiens également à souligner, M. le Président, cette motion importante que nous avons adoptée le 11 avril dernier à l'effet:

«Que l'Assemblée nationale, dans la foulée du rapport unanime de la commission des institutions, affirme que l'ouverture des marchés des Amériques constitue un potentiel majeur pour l'économie du Québec, que le processus de négociation de cette Zone doit être transparent et démocratique et qu'un éventuel traité de libre-échange des Amériques devra respecter nos compétences constitutionnelles, nos valeurs sociales et notre identité collective.»

C'est une motion adoptée à l'unanimité des membres de cette Assemblée.

Je rappelle également une motion tout aussi importante adoptée le 25 mai 2001:

«Que, nonobstant la prorogation de la première session, l'Assemblée reçoive à nouveau le rapport de la commission des institutions sur les effets socioéconomiques et politiques de la Zone de libre-échange des Amériques et que ce rapport soit inscrit au feuilleton à l'étape appropriée.»

Si cette dernière démarche a l'air d'une technicalité, elle permet effectivement, malgré que nous soyons maintenant dans une autre session, que l'Assemblée se ressaisisse du rapport de la commission des institutions, en débatte les conclusions et les recommandations, et tienne compte, donc, éventuellement, de celles-ci pour la suite des choses en ce qui regarde nos travaux.

Mais je tiendrais à souligner que tous ces gestes, c'est-à-dire le dépôt du rapport de la commission à deux reprises, à toutes fins pratiques, plus la motion unanime à laquelle je faisais référence, d'avril dernier, témoignent très bien de la cohérence, voire de l'opiniâtreté, manifestée par cette Assemblée relativement à cette vaste question, une question critique pour l'avenir de nos institutions que constitue, d'une part, le projet d'intégration des Amériques et, à l'intérieur de ce projet, cette difficile et délicate question d'une grande zone de libre-échange pour l'ensemble des trois Amériques.

Opiniâtreté, M. le Président, quand on réfère au dictionnaire, ça veut dire quoi? Ça veut dire constance, détermination, fermeté, résolution, ténacité, volonté, de la part de cette Assemblée, de se saisir de ces questions, de suivre l'évolution de ce vaste projet et de faire en sorte que nous puissions agir et influencer ce que pourrait être un tel projet au cours des prochaines années.

Donc, je tiens... je tenais à souligner le grand intérêt de cette Assemblée à l'égard de ce sujet, et, je dois le souligner, M. le Président, une des assemblées les plus proactives en ce qui regarde l'analyse des tenants et aboutissants de ce projet, et également l'importance que les parlementaires, comme représentants de la population et garants des intérêts de celle-ci dans nos champs de compétence, puissent exercer la vigilance la plus serrée possible. Je tiens également à souligner l'éveil que les travaux de la commission et l'action de l'Assemblée nationale, notamment son président, M. le Président, a su susciter dans la population de même que chez nos collègues parlementaires de l'ensemble des Amériques. Souligner également ? je pense qu'on doit le mentionner ? le leadership qu'affiche également notre gouvernement sur cette question.

Donc, la commission ? comme on le sait, une des 10 commissions permanentes de l'Assemblée nationale ? qui, avec ses 12 députés, à l'intérieur de cette vaste compétence, comme commission des institutions, a pris l'initiative d'amorcer un mandat avec l'accord de l'ensemble des membres de la commission ? on sait que les mandats d'initiative nécessitent la double majorité, c'est-à-dire, au fond, que les deux côtés de la Chambre soient d'accord pour procéder à un tel mandat et ça a été le cas ? a donc procédé, à l'intérieur d'une démarche non partisane, à une analyse des enjeux du projet, a entendu les représentants de différents groupes et la population en général sur ses craintes et ses espoirs, ses effets également anticipés d'un tel projet, et a produit le rapport qu'on connaît, un rapport unanime, après avoir travaillé très fort. Dès janvier 2000, des travaux internes s'amorçaient au sein même des membres de la commission de façon à bien nous outiller. Nous lancions, en juin 2000, la consultation proprement dite: 41 mémoires, 25 opinions par Internet, 36 organismes ou personnes rencontrées, un rapport, comme je le disais tout à l'heure, déposé à deux reprises, et le tout ne constituant cependant qu'une première étape, puisque nous avons d'autres devoirs à assumer en ce qui regarde cet ambitieux projet, et j'y ferai référence un peu plus tard.

La ZLEA, c'est quoi? C'est une partie d'un très vaste plan d'action que se sont donné les 34 chefs d'État des Amériques et un projet dont on a continué à dessiner les contours et à préciser le contenu lors de trois sommets successifs: ceux de Miami, de Santiago et de Québec. Quatre volets dans ce grand plan d'action. Le premier, qui concerne la protection et le renforcement de la démocratie; le second, l'intégration économique, le libre-échange, et c'est ce qu'on appelle la ZLEA; troisième volet, la lutte à la pauvreté et à la discrimination, et enfin, quatrième volet, développement durable et environnement.

Il faut reconnaître qu'il s'agit là d'un véritable projet de société, et j'oserais dire... On sait que c'est une expression souventefois utilisée, «projet de société». Mais, cette fois-ci, je le mets au pluriel: un projet de sociétés, au pluriel, puisqu'il embrasse éventuellement l'avenir de plus de 34 pays et de bon nombre de nations à l'intérieur de ces différents pays. Donc, un projet de sociétés, au pluriel, qui nous amène à nous interroger sur les développements politiques, sociaux et économiques qui sont devant nous pour les prochaines décennies.

Cette Zone de libre-échange des Amériques, cependant ? il faut toujours s'en souvenir ? n'est qu'un des quatre volets du vaste projet d'intégration hémisphérique. Mais, c'est le dossier moteur, c'est le dossier le plus avancé, et nous devrons, au cours des prochains mois, des prochaines semaines, des prochaines années, faire en sorte que l'ensemble des trois volets avancent tout autant que le volet économique proprement dit. Un projet, donc, ambitieux: 2005, une mise en oeuvre qui pourrait être complétée; 800 millions de consommateurs visés; plus de 10 000 milliards de dollars par an de produit intérieur brut pour l'ensemble des trois Amériques ? un seul grand marché et, bien sûr, dans une variété invraisemblable de peuples, de nations et d'économies.

Alors, voilà pourquoi la commission des institutions s'est intéressée à cette question. Nous en avons examiné les impacts sur, par exemple, la démocratie, le fonctionnement de nos démocraties, sur l'économie, sur l'environnement, sur nos politiques sociales, sur le domaine de la culture, par exemple, et, de façon générale, sur l'ensemble de nos institutions québécoises. Nous en sommes arrivés à un certain nombre de conclusions que j'aimerais rappeler, mais vraiment à grands traits, M. le Président. D'autres personnes interviendront certainement cet après-midi, au cours de ce débat de deux heures, pour mettre en relief l'un ou l'autre des aspects touchés par le rapport de la commission.

Premièrement, la transparence: Transparence? point d'interrogation. Pourquoi? Nous avons constaté effectivement une nette absence d'informations sur tout ce qui peut toucher le contenu des ententes qui font l'objet actuellement de beaucoup de discussions, et ceci, malgré les engagements qui avaient été pris par les chefs d'État lors des Sommets précédents. Il s'agit là d'une critique quasi unanime de l'ensemble des gens qui sont venus nous rencontrer et, bien sûr, une situation qui alimente les pires craintes puisque, à défaut d'informations, on peut imaginer toutes espèces de scénarios susceptibles de... certainement pas de rassurer les gens, bon.

Alors donc, nous avons noté également une absence d'évaluation sur les expériences passées en matière de développement de zones de libre-échange et qui pourrait nous permettre d'en tirer des enseignements dans le cadre de la négociation actuellement en cours.

Autre grand constat: celui d'un déficit démocratique important. Premièrement, par cet effet de rareté de l'information. À partir du moment où peu d'information circule, comment pouvons-nous espérer avoir une démarche la moindrement démocratique? Deuxièmement, déficit démocratique également de par le peu d'implication et de la société civile dans le processus et des parlementaires eux-mêmes. Nous sommes, parlementaires, les personnes qui avons la responsabilité première de veiller au grain, de représenter les intérêts de ceux qui nous ont élus. Or, nous avons constaté que les parlementaires n'étaient à toutes fins pratiques pas impliqués dans le processus ni en amont du processus, dans les mandats que nous aurions normalement la responsabilité de confier à nos exécutifs, ni dans le suivi de ces mandats-là, ni en aval lorsque vient le temps, par exemple, par motion ou par décision d'une telle assemblée, de ratifier un accord qui aurait été signé au niveau... en principe signé, bon, et qu'on devrait ratifier par la suite. Donc, des parlementaires impliqués ni en amont, ni pendant, ni en aval, d'où ce déficit démocratique.

Et bien d'autres réserves également que nous avons pointées, que nous avons mises en relief. Par exemple, au niveau du partage de la richesse, plusieurs personnes sont venues nous dire: C'est beau, vouloir créer davantage de richesse, mais, si on ne la répartit pas davantage équitablement qu'on l'a fait jusqu'à présent à l'intérieur de grands ensembles économiques, qu'est-ce qu'on y gagne véritablement? Si une telle zone sert à enrichir les plus riches encore davantage sans relever aucunement le statut socioéconomique des populations les plus pauvres, y gagne-t-on vraiment? Également, d'autres réserves sur le plan des clauses sociales.

J'élabore pas davantage, M. le Président, je pense que, même en deux heures, on n'a pas le temps d'aller dans tous les détails d'un tel rapport aussi riche. D'autres réserves sur l'environnement, sur le règlement des différends, sur l'accès aux marchés, sur la commercialisation de certains biens et sur les services commerciaux.

n(15 h 20)n

Il y a un ensemble de recommandations. J'invite mes collègues membres de cette Chambre à bien vouloir aller effectivement dans la partie conclusion et recommandations pour y constater que nous souhaitons fortement finalement, à grands traits, là ? je ne vais pas dans les détails, il y a plusieurs dizaines de recommandations qu'on retrouve au rapport qui s'adressent soit à cette Chambre, soit à nos collègues parlementaires d'autres Parlements: qu'on informe davantage; qu'on implique les gens dans les discussions et dans les réflexions; qu'on assume nos rôles, notamment comme parlementaires qui avons essentiellement, comme dans tous les Parlements, trois rôles: bien sûr, faire de la législation mais aussi représenter les intérêts de nos commettants et surveiller l'action des exécutifs, donc qu'on assume, comme parlementaires, nos rôles dans ce vaste projet; qu'on se respecte aussi.

Qu'on se respecte, ça veut dire quoi? Bien, qu'on respecte les compétences des Législatures existantes lorsqu'on discute et on négocie ces choses. Qu'on respecte également non seulement les compétences, mais les valeurs d'une société qui peut amener, par exemple, la société québécoise, la nation québécoise à vouloir s'y prendre d'une façon différente d'une autre collectivité, en regard, par exemple, supposons, de l'organisation des services de santé, pour ne trouver que... pour ne citer que cet exemple.

Qu'on travaille également l'ensemble des volets. J'ai mentionné tout à l'heure que le volet économique de la ZLEA était celui qui était le plus avancé. En fait, c'est pratiquement le seul qui a avancé véritablement. Il faut que les trois autres volets avancent à un rythme aussi vigoureux.

Et, finalement, que le Québec soit prêt. C'est-à-dire que le Québec, que le gouvernement du Québec, notamment, soit en mesure d'appuyer efficacement son économie lorsque viendra le temps d'ouvrir justement nos frontières de façon encore plus large au marché extérieur.

Alors, vous comprenez que, comme parlementaires, ce projet d'intégration des Amériques, notamment les négociations autour de la ZLEA, qui portent sur des thèmes aussi importants que l'investissement, les services, l'agriculture, la diversité culturelle, et j'en passe, risque d'avoir un grand impact sur nos collectivités. C'est un projet qui nous interpelle directement comme parlementaires du Québec et des Amériques, comme législateurs, comme surveillants des actions de nos gouvernements et protecteurs de l'intérêt des personnes que nous avons le devoir de représenter.

Par exemple. Je donnerai des exemples du côté des investissements. Les règles en matière d'investissement dans la ZLEA se rapprocheront-elles des thèmes du chapitre de l'ALENA qui porte sur cette question, le célèbre chapitre XI? Or, on sait que les dispositions sur les investissements dans l'ALENA permettent aux entreprises, M. le Président, de poursuivre les gouvernements lorsqu'ils prennent des mesures qui ont pour effet de limiter leurs profits, entre guillemets, réels ou envisagés. Ainsi, dans deux cas différents où le Canada avait imposé de nouvelles normes en matière d'environnement, des entreprises américaines ont pu le poursuivre parce que les lois canadiennes avaient un effet sur les profits qu'elles pouvaient présumément réaliser. Et, dans les deux cas, on a dû révoquer les lois environnementales à l'origine des poursuites en plus de verser des indemnités importantes. En somme, les règles en matière d'investissement tendent à limiter les pouvoirs des gouvernements de légiférer, notamment dans le domaine de l'environnement. Il faut être conscient de ça, d'où l'importance de s'intéresser à ces questions-là pour des parlementaires et des législateurs.

Du côté des services, autre exemple. On sait que l'importation de services produits par des entreprises étrangères est généralement limitée par les lois ou les règlements adoptés par les États. Donc, ça va de soi. En l'espèce, la libéralisation du commerce des services impliquerait-elle une réduction du pouvoir des États de légiférer dans certains domaines? Il faut se poser sérieusement la question. Éventuellement, les règles en matière de services qui seraient incluses dans l'accord créant la ZLEA pourraient-elles nous empêcher de dispenser des services dans des secteurs d'activité où les entreprises privées pourraient aussi les offrir? Exemple, pensons à la santé, pensons à l'éducation, pensons au domaine des garderies, aux services aux personnes âgées, pensons au domaine de la culture, musées, bibliothèques, du tourisme et même des assurances. On a, au Québec, un régime d'assurance maladie, un régime d'assurance automobile. Qu'en est-il de ces régimes, de ces choix que nous avons faits, dans ce nouveau grand ensemble, dépendant de ce qu'on signe comme entente? De ce qu'on signe, parce que je vous rappelle que le Québec n'est pas à la table des négociations. Même si on peut chercher à influencer ceux qui négocient en notre nom, il y a rien qui nous garantit que nos intérêts seront représentés au niveau où nous pensons pouvoir les représenter si nous étions assis à la même table.

Le vaste dossier de l'eau, M. le Président, le vaste dossier de l'énergie, le contrôle ou l'encadrement de l'exercice des professions sur notre territoire, autant de questions qu'on doit examiner. Autre exemple, le domaine de l'agriculture. Selon certains experts en matière de commerce international, le groupe de négociations sur l'agriculture de la ZLEA s'inspirerait, selon les dernières données qu'on possédait, des règles de l'OMC dans le domaine des subventions et des mesures sanitaires et phytosanitaires. Donc, les règles adoptées dans le cadre de la ZLEA pourraient limiter le pouvoir des gouvernements d'imposer des restrictions à l'importation de produits agricoles, soit pour des raisons de santé ou encore pour des raisons environnementales.

Du côté de la culture, ce domaine n'est pas mentionné dans les mandats des groupes de négociations. Est-il possible, M. le Président, que les produits culturels soient soumis aux mêmes règles que n'importe quel autre bien ou service? Et, si tel était le cas, l'accord créant la ZLEA limiterait grandement la marge de manoeuvre des gouvernements, de celui du Québec en particulier, qui voudraient protéger ou développer leurs industries culturelles nationales.

Autres enjeux. Les négociations de la ZLEA soulèvent un tas d'autres questions très importantes. Comment seront partagés les bénéfices de la ZLEA entre les pays et les nations concernés? Non seulement entre les personnes à l'intérieur de ces nations mais entre les nations elles-mêmes? Quelle sera la place des petites économies dans cette ZLEA? Y aura-t-il des mesures pour tenir compte des différents niveaux de développement? Qu'adviendra-t-il des projets d'intégration sous-régionaux suite à la création de la ZLEA?

n(15 h 30)n

Alors, vous comprendrez, M. le Président, que, comme parlementaires, nous, parlementaires du Québec et de l'Amérique, nous avons le devoir, au nom de ceux qui nous ont élus, d'évaluer pleinement les conséquences de la ZLEA, tout comme celles du vaste projet d'intégration hémisphérique, en regard de notre capacité de veiller aux intérêts de celles et ceux qui nous ont élus. Il nous faut, dans chacun de nos champs de compétence, au sein des commissions permanentes, par exemple, en examiner les conséquences et notamment entendre celles et ceux désireux de s'exprimer. Il nous faut, au besoin, rencontrer, questionner, discuter avec les ministres concernés et leurs administrations. Il nous faut souhaiter que nos collègues des Amériques en fassent tout autant dans leur Parlement.

Pour ma part, M. le Président, je me suis donné un certain nombre de devoirs; je les cite à titre d'illustration de ce qui pourrait être fait par d'autres membres de cette Assemblée, sans vouloir donner de leçon à personne. Je veux juste vous dire quelle est la liste des devoirs que je me suis donnés. Premièrement, rencontrer mes collègues présidents, présidentes de chacune des autres commissions permanentes pour les inviter explicitement à regarder à l'intérieur de leur compétence, la compétence de leur commission, l'impact de la Zone de libre-échange dans leur domaine particulier. Parce que la commission a fait quand même un portrait assez large des impacts possibles, sans aller dans le détail des choses.

Soumettre également à mes collègues de la commission des institutions un certain nombre de propositions d'examen, par exemple notre régime professionnel. Nous nous sommes donné au Québec un régime professionnel, on avait des objectifs derrière ça. Est-ce que, dans le cadre d'une ZLEA, dans le cadre d'une intégration hémisphérique, nous pourrons toujours pouvoir compter sur le genre de qualité d'encadrement de services professionnels qu'on s'est donnée jusqu'à présent? Possibilité, donc, par exemple, de mandats d'initiative. Évidemment, tout ceci est sous réserve, bien sûr, que mes collègues acceptent éventuellement d'initier un tel mandat.

Poursuivre également l'étude des textes de la ZLEA. Je rappelle que nous avons eu l'occasion brièvement de voir certains textes, mais tout reste à faire non seulement par la commission des institutions, mais également par d'autres membres, d'autres commissions au sein de cette Assemblée.

Profiter également des outils à notre disposition. On sait que le temps de la Chambre est compté, on en a règle générale fort peu pour faire tout ce qu'on a à faire. Par exemple, profitons de l'étude des crédits. Quand on fait l'étude des crédits, qu'est-ce qui nous empêche d'interroger un ministre sur l'impact éventuellement de ce qui se discute actuellement dans son domaine et jusqu'à quel point on peut être en mesure de bien défendre les intérêts du Québec dans nos compétences. Bon. C'est une période de questions et de réponses orales. Quand est-ce que j'ai entendu jusqu'à présent, de la part d'un côté ou de l'autre de la Chambre, une question sur la défense des intérêts du Québec dans le cadre... Bon, il y en a peut-être eu, mais, de mémoire, là, ça m'apparaît pas évident. Il y a des sujets pas mal moins importants que ça, si vous voulez mon opinion, qui sont régulièrement abordés, alors qu'on passe carrément à côté d'enjeux aussi importants.

La reddition de comptes de l'administration. L'administration a de la reddition de comptes à faire, on peut en profiter pour interroger l'administration sur certaines dispositions actuellement en discussion dans le cadre de la Zone de libre-échange. Donc, c'est pas les moyens qui manquent.

J'ai l'intention de rencontrer ma collègue également, la ministre responsable des Relations internationales, pour connaître quelle est, de son point de vue, la suite des choses en ce qui regarde l'action du gouvernement. Je vais sensibiliser nos milieux de toutes espèces de façons, être à l'écoute de mes commettants sur ces questions-là, leur permettre de s'exprimer au fur et à mesure de l'évolution de ce vaste projet, sensibiliser également mes collègues de l'extérieur. Autant d'exemples et de choses qui sont à notre disposition pour aider notre communauté, notre société, notre nation à avancer dans ces questions-là.

Je vous donnerais un exemple, un bel exemple de choses qui se sont faites, l'initiative de quelques étudiantes de l'Université Laval. Vous me permettrez, M. le Président, de fouiller dans mon pupitre. Il y a eu justement, au cours des dernières semaines, un excellent travail qui a été fait à même le cours de sciences politiques de l'Université Laval. À l'intérieur d'un cours qui s'intéresse au Québec dans l'environnement international, on a examiné la question de la ZLEA et de la vision du gouvernement du Québec à cet égard. Excellente initiative.

Alors, c'est autant de choses qui m'encouragent quand on commence à regarder de façon un peu critique les enjeux de la ZLEA. De toutes espèces de façons, moi, je me dis, je pense que le Québec est bien parti pour faire autre chose que rien que se laisser emporter dans une vague, sans pouvoir réagir, réfléchir et influencer les contenus.

Et ce n'est qu'à de telles conditions ? je termine là-dessus, M. le Président ? que nous pourrons vraiment réduire le déficit qui entache actuellement toutes les discussions autour du projet d'intégration des Amériques et, notamment, celui d'une zone de libre-échange pour les Amériques: déficit d'information, déficit démocratique, déficit de sensibilisation, déficit de présence des parlementaires et de leurs assemblées. C'est ça que, comme Assemblée, chacun et chacune d'entre nous peut arriver à combler, si on s'intéresse hardiment à ces questions. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Portneuf et président de la commission des institutions.

Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. Je crois que vous êtes le vice-président, hein, M. le député de Verdun, de la commission?

M. Gautrin: Vous avez parfaitement raison.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vice-président, très bien. Je vous cède la parole.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir, après l'intervention du député de Portneuf, et de rappeler à cette Chambre que, sur cette question, la commission a travaillé sans ligne partisane, a travaillé comme un groupe de parlementaires qui faisaient face à une question et tâchaient de l'approfondir, et voulaient permettre à nos concitoyens un forum pour pouvoir débattre des questions qui touchaient la ZLEA.

Le député de Portneuf l'a rappelé brièvement, je voudrais aussi le dire: La ZLEA, c'est beaucoup plus que des manifestations du Sommet des Amériques à Québec. C'est une Déclaration de Santiago où les chefs d'États se sont donné, comme à Québec, des objectifs éminemment élevés de lutter contre la pauvreté, de consolider la démocratie, d'éradiquer la consommation des drogues, de favoriser l'éducation dans les pays les plus pauvres. Et, le moyen pour atteindre cet objectif ? et on peut en douter parfois, de la pertinence du moyen ? mais le moyen pour atteindre cet objectif, était la libéralisation des échanges.

Alors, force nous est de constater ? et c'est une des constatations que la commission a faites ? force est de constater que, sur le plan économique, sur le plan de la libération des échanges, sur le plan de la constitution d'une Zone de libre-échange des Amériques, il y a eu de sérieux progrès. Sur les autres plans, sur ce qu'on appelle, dans notre jargon, les clauses sociales, malheureusement, nous avons dû constater que les progrès étaient plus minimes, voire parfois relativement nuls. Alors, M. le Président, c'est une des premières constatations que notre commission a faites.

Il faut comprendre ? et le président de la commission des institutions, le député de Portneuf, l'a rappelé ? que ces accords de libre-échange vont nous concerner tous, un jour ou l'autre. Il y a, dans ces accords, en ce qui touche, par exemple, des domaines comme la culture, comme l'environnement, comme l'agriculture, des champs de compétence qui sont soit des champs de compétence propres au Québec, dans la Constitution canadienne, soit des champs de compétence partagés où nous devons pouvoir avoir, au minimum, un mot à dire, pouvoir s'exprimer.

Deuxièmement, M. le Président, il me semble et il nous a semblé que, si, dans la Déclaration de Santiago, les chefs d'État, comme à Québec, avaient affirmé que les négociations devaient être transparentes, on devait impliquer au maximum la société civile, force nous a été de constater que, à l'exception d'un groupe qu'on a appelé le Forum des gens d'affaires qui est régulièrement consulté par les négociateurs, le reste de la société civile n'avait pas vraiment voix aux négociations.

Alors, devant cette situation, nous, l'Assemblée nationale du Québec, le Parlement qui est le nôtre, on a fait ce que nous pouvions faire dans le champ de nos responsabilités. Mais, bizarrement, nous sommes le premier et peut-être le seul Parlement qui s'est saisi de la question par un de ses organismes, à savoir sa commission des institutions.

n(15 h 40)n

Il est important de rappeler que nous avons voulu donner à la population la chance de faire valoir son point de vue. À chaque personne qui a décidé ou qui a demandé de vouloir s'exprimer sur ce qui se négociait, la commission les a entendues. C'est un processus qui nous a semblé important, compte tenu de ce qu'on pourrait dire: le manque... le déficit démocratique, c'est-à-dire que les accords se font principalement entre les exécutifs, sans impliquer ni les parlementaires ni la société civile de pouvoir donner voix, voix à l'ensemble de nos concitoyens dans ce débat.

Une fois ceci dit, on doit rappeler qu'il y a d'énormes préoccupations, et on les a résumées dans quelques recommandations dans notre rapport, M. le Président. Ces recommandations sont regroupées en des recommandations qui s'adressent au gouvernement canadien ? le gouvernement canadien est notre porte-parole sur les tables de négociations ? des recommandations qui s'adressent à notre gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement du Québec, et en fin de compte des recommandations que nous, comme commission, nous adressons à l'Assemblée nationale, où l'Assemblée nationale peut agir, peut prendre position, peut faire quelque chose.

Il me semble important, par exemple, M. le Président, de rappeler l'énorme préoccupation qu'il y a chez nos concitoyens face à une partie d'un accord qui existe déjà, c'est-à-dire je fais référence à l'Accord de libre-échange nord-américain et, en particulier, à l'article 11 qui traite du règlement des différends et du sens qu'on a donné au mot «expropriation», ou, disons, qui permet à une compagnie de poursuivre un gouvernement non pas parce qu'on lui a confisqué un bien, mais parce qu'une réglementation l'a empêchée de faire un profit virtuel. Comprenez-moi bien, l'article 11 a permis, dans la manière dont on l'a interprété actuellement... permet à une corporation de contester un règlement passé par un État pour, sur la base, que ce règlement empêche la corporation de faire tous les profits qu'elle aurait pu faire.

L'exemple est celui de la Corporation qui était Ethyl Corporation, qui ajoutait à l'essence une toxine MMT, qui a été bannie par le gouvernement canadien parce que le gouvernement canadien considérait que cet additif à l'essence était nuisible pour l'environnement. La corporation... Donc, ce n'est pas le gouvernement américain ni aucun État américain qui a poursuivi, mais réellement cette corporation a poursuivi le gouvernement canadien sur la base de l'article 11 de l'Accord de l'ALENA, en disant: Voici, parce que vous émettez ce règlement environnemental, ça limite ma possibilité de faire des profits en vendant mon additif MMT à ajouter dans l'essence, et en l'occurrence vous devez me compenser pour cette perte de profits. Et de fait, devant le tribunal de l'ALENA, la corporation a gagné, et le gouvernement canadien a dû verser, en 1998, une compensation en dédommagement de l'ordre de 13 millions, 13 millions de dollars.

Donc, parmi les préoccupations de nos concitoyens, cet... Les effets de cet article 11 ont semé beaucoup, beaucoup de questionnements où des grandes corporations pourraient poursuivre, poursuivre les gouvernements sur la base de règlements environnementaux ou de règlements de nature culturelle qu'ils pourraient, qu'ils pourraient émettre. Nous avons demandé... Et je voudrais ici réitérer cette demande et m'adresser plus spécifiquement au gouvernement et aux représentants du gouvernement du Québec, et au ministre de l'Industrie et du Commerce, ou au premier ministre, ou au ministre des Finances. Il me semble qu'il serait important que les experts, que chacun de ces ministères... qui sont présents dans chacun de ces ministères fassent une étude de l'impact et de ce qu'on appelle le chapitre 11 de l'Accord de l'ALENA sur la possibilité qu'a un gouvernement de réglementer des secteurs aussi vitaux pour nous que le domaine culturel ou le domaine de l'environnement. Nous l'avons demandé dans nos recommandations, M. le Président, et je voudrais profiter ici du débat que nous avons, suite à notre rapport, pour réitérer et insister auprès du gouvernement du Québec sur cette recommandation qui a été une des recommandations du rapport de la commission.

Le président l'a rappelé tout à l'heure, et je voudrais moi aussi ajouter ma voix: On ne peut pas aujourd'hui dire, lorsqu'on étudie le rapport de la commission ? et je suis sûr que chacun des parlementaires de cette Assemblée va y concourir: Vous avez fait un bon travail, vous avez sorti un bon rapport, bravo et merci. Ce n'est qu'une première étape. Pour nous. Pour nous, de la commission des institutions, M. le Président, ce n'est qu'une première étape. Je connais les règles de ce Parlement et je sais parfaitement que, dans ce débat restreint, nous ne pouvons pas présenter de motions. Je sais parfaitement qu'il est impossible pour ce Parlement de se prononcer sur les recommandations que nous avons faites à l'Assemblée nationale, mais néanmoins je voudrais vous rappeler que les négociations de l'Accord de libre-échange n'en sont qu'à leur début, et il importe qu'au moins pour nous, parlementaires, pour les populations que nous représentons, les négociations continuent d'être suivies.

Je pense, quant à moi, que ceux qui ont fait ce travail sont probablement les plus à même parmi les parlementaires pour poursuivre la surveillance des accords de libre-échange. Je dois dire que nous avons eu, obtenu, et des négociateurs canadiens et du ministère des Relations internationales, une collaboration complète. Donc, je me plains pas ici ni de la collaboration qu'on a eue des fonctionnaires du ministère du Commerce extérieur, de M. Pettigrew à Ottawa, ni de la collaboration du ministère des Relations internationales, du MRI, mais il est important, M. le Président, qu'un groupe de parlementaires continue, sur une longue période, de deux ans ou... sur la longue période de deux ans ou trois ans sur laquelle va s'élaborer cette négociation pour un accord final...

Et vous savez, M. le Président, dans ces négociations, il y a beaucoup de tables de négociations, il y a beaucoup de secteurs, il y a... J'ai abordé la question de l'agriculture; on parlera des économies de petite taille. Il y a des tables de négociations sur l'accès au marché, les investissements, les services, les règlements des différends; la passation... le pouvoir... la possibilité de donner des contrats; l'ouverture des marchés publics, c'est-à-dire la possibilité d'ouvrir complètement nos marchés publics; le droit à la propriété intellectuelle. Vous savez à quel point, aussi bien dans le domaine de la science et de la technologie... Et j'en profite aussi pour le rappeler au ministre délégué à la Science et à la Technologie... qu'à la ministre de la Culture: Les questions de propriété intellectuelle, c'est quelque chose sur lequel nous avons, nous ici, fait déjà une certaine réflexion et une certaine démarche, et il est important que les démarches que nous avons faites ici puissent être incluses dans tout le débat des accords de libre-échange: la politique de concurrence; il y a aussi les groupes consultatifs sur les économies de petite taille, sur le commerce électronique et sur la participation de la société civile.

n(15 h 50)n

Il me semble, M. le Président, que l'Assemblée, du moins par ses intervenants, par le consensus qui peut s'établir, puisque, comme je vous l'ai rappelé tout à l'heure, nous ne pouvons pas voter formellement sur une motion, il me semble que l'Assemblée devrait... devrait adhérer à ce que la commission des institutions continue son travail de vérification, de suivi sur les négociations de libre-échange. Bien sûr, comme l'a rappelé tout à l'heure le député de Portneuf et président de la commission des institutions, il faudra que, lorsqu'un sujet est plus présent dans le champ de telle ou telle commission, que les présidents des commissions en réfèrent aux autres présidents des commissions. C'est-à-dire, la commission des institutions ne veut pas nécessairement suivre les questions qui touchent la culture; la commission des institutions ne veut pas, dans le cadre des accords de libre-échange, suivre les questions qui touchent l'agriculture et l'importance que peut avoir sur les tarifs un accord de libre-échange. Mais il me semble important qu'il y ait un groupe de parlementaires qui voient d'une manière globale l'ensemble de ces négociations, quitte à en référer à chacune des commissions particulières de notre Parlement. Alors, M. le Président, c'est une des premières démarches, un des premiers pas dans lequel je crois que nous devons nous engager.

Il y en a... il y en a un deuxième ? il y en a un deuxième ? et ce qui touche la société civile. Cet accord de libre-échange va perturber ou modifier plutôt ? c'est le terme qui est le plus à même d'utiliser ? va modifier grandement notre façon de fonctionner. Il est clair que, contrairement au Marché commun européen, les accords de libre-échange ne se font pas dans une zone où tous les pays ont le même poids.

Vous savez comme moi que, dans le continent aussi bien américain, les États-Unis sont le joueur majeur. Il y a un deuxième joueur majeur qui est le Brésil, et les autres joueurs sont, sinon des joueurs mineurs, des joueurs qui ont une importance plus relative, M. le Président. Donc, il y a une dimension différente que dans le cas de l'accord de libre-échange... de l'accord de libre-échange américain que celle qu'on a pu voir, par exemple, dans la situation européenne. Il est donc important de suivre, de pouvoir impliquer nos sociétés.

Donc, le rôle du Parlement, si tant est que nous sommes à la fois, un, en mesure de suivre les négociations, en mesure de pouvoir avoir l'information sur ce qui se passe dans les négociations de l'accord de libre-échange, nous devons aussi, à mon sens, en informer la société civile. Donc, dans le mandat que je crois que ce Parlement devrait donner aux parlementaires qui voudront bien s'en charger ? et à mon sens, la commission des institutions est le groupe privilégié pour s'en charger ? on devrait lui confier ce double mandat où, à la fois ? à la fois ? nous devons suivre les négociations de la Zone de libre-échange avec l'appui des différentes commissions, mais aussi on doit maintenir ? on doit maintenir ? le forum, le forum qui a été le nôtre, pour permettre, tout au cours de ces... des trois prochaines années, tout au cours des trois prochaines années où vont s'établir les consensus, vont s'établir les accords sur les différents secteurs ? et je vous ai rappelé les grands secteurs tout à l'heure ? que, durant cette période, la population du Québec puisse être informée, puisse être au courant de ce qui se négocie dans ces tables sectorielles et dans la grande table des ministres du Commerce extérieur. Je crois que c'est notre devoir.

Enfin, M. le Président, une des recommandations touche aussi la présidence et l'ensemble des parlementaires. Nous sommes, comme parlementaires, membres d'une association de parlementaires qu'on appelle la COPA, qui est une association des parlementaires américains. Il me semble important aussi ? et c'est une des recommandations de notre rapport ? que, ceux d'entre nous qui siégeons ? ceux d'entre nous qui siégeons dans ce forum qu'est l'Association des parlementaires d'Amérique, et on peut y siéger à différents titres ? je vois ici la présidente du comité féminin de ce forum, la députée de Mille-Îles ? ceux d'entre nous qui, à différents titres, siégeons dans cette association de parlementaires puissent les inciter à se saisir du suivi des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques, M. le Président.

Alors, en terminant et en résumant, premièrement, il faut dire que nous sommes heureux de vous présenter notre rapport. J'ai rappelé certains points sur lesquels le témoignage de la population est particulièrement sensible, à savoir l'importance de protéger nos caractéristiques en matière d'environnement, en matière de culture, l'importance aussi de se questionner sur la portée de l'article 11 de l'Accord, de l'ALENA, mais surtout de voir pour le futur, de voir ce que nous allons faire dans l'avenir et s'assurer que, dans l'avenir, M. le Président, nous n'arrêtions pas aujourd'hui avec le débat sur le rapport de la commission des institutions, mais nous acceptions collectivement par une forme de consensus, même si nous ne pouvons pas aujourd'hui prendre un vote, que la commission des institutions poursuive son travail de surveillance des négociations de l'Accord de libre-échange, puisse en informer les autres commissions, et surtout, M. le Président, puisse en informer la société civile du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marguerite-D'Youville. M. le député.

M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. En décembre de l'an dernier, la commission des institutions déposait son rapport sur le Québec et la Zone de libre-échange des Amériques, qu'on appelle communément la ZLEA. Après avoir entendu 41 mémoires et reçu 25 opinions provenant de sources variées, la commission, à l'instar de la majorité des témoins entendus, s'est déclarée favorable à l'instauration d'une zone de libre-échange des Amériques, mais non pas sans conditions.

La première réserve concerne le partage des bénéfices attendus de cet accord, tant entre les classes d'une même société qu'entre les États du continent. Ce partage, à notre avis, doit s'appuyer sur la protection des droits de la personne et des travailleurs à l'échelle continentale. En ce sens, ils rejoignent les propos que tenait le président Cardoso du Brésil quand, au dernier Sommet des chefs d'État et de gouvernement des Amériques, il plaidait pour une intégration économique à visage humain. Cette mise en garde m'apparaît d'autant plus pertinente que le projet de la Zone de libre-échange des Amériques innove par rapport aux autres traités de libre-échange signés dans le monde. Il innove en ce sens qu'il couvre une zone plus vaste et qu'il associe des partenaires moins bien assortis que n'importe quel autre traité signé antérieurement tout en débordant du strict cadre commercial. Il est donc tout à fait normal qu'un projet aussi ambitieux suscite des craintes légitimes. Plusieurs se demandent si, dans la mouvance de la mondialisation, la création d'une zone de libre-échange des Amériques ne constitue pas une menace à la souveraineté des États.

Dernièrement, notre ancien premier ministre, M. Jacques Parizeau, nous mettait en garde contre l'extension de l'article 11 de l'ALENA à la Zone de libre-échange des Amériques, c'est-à-dire des dispositions qui permettent à une entreprise de poursuivre un gouvernement si elle juge que ce gouvernement a adopté des règlements ou pris des dispositions qui, à son avis, nuisent à sa quête de profits. Cette crainte est en bonne partie fondée. On a déjà sur la table des cas d'entreprises qui poursuivent le gouvernement canadien devant les tribunaux en soutenant, par exemple, que ses normes environnementales constituent une entrave commerciale. En poussant ce raisonnement, on pourrait par exemple envisager que le gouvernement québécois puisse être poursuivi parce qu'il impose l'étiquetage en français, ce qui, pour une entreprise étrangère, ajoute à ses coûts de fabrication et de mise en marché. Les coûts de traduction ne pourraient-ils pas être considérés comme une entrave au commerce? Présentement, les gouvernements ne sont pas assez protégés contre ce genre de poursuites qui empiètent effectivement sur la capacité des États de légiférer dans les domaines de leur compétence. En toute objectivité, il faut reconnaître toutefois que l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques pourrait fournir les protections nécessaires aux États membres pourvu que la volonté politique soit au rendez-vous.

n(16 heures)n

En matière d'environnement et de droits humains, on peut penser que les gouvernements de certains pays seront tentés d'adoucir leurs normes du travail ou leurs contraintes environnementales pour attirer des entreprises. Le Mexique l'a déjà fait dans la zone des «maquiladoras», située à proximité de la frontière américaine. La libéralisation des échanges, aux craintes de certains, pourrait contribuer à accélérer le mouvement. Par contre, rien ne dit que, dans la Zone de libre-échange des Amériques, les entreprises pourront faire ce qu'elles veulent. Là aussi, rien n'est interdit au gouvernement de se donner les instruments nécessaires pour surveiller les délinquants. Encore faut-il, encore une fois, que la volonté politique soit au rendez-vous.

D'autres opposants font valoir que la Zone de libre-échange des Amériques consacrera et même accentuera la domination des États-Unis. Certains y voient même la poursuite, dans le secteur commercial, de la doctrine Munroe. Le déséquilibre est tel entre les États-Unis et ses futurs partenaires de la Zone de libre-échange que la question est effectivement pertinente. À elle seule, par exemple, la taille de l'économie américaine est deux fois supérieure à celle des 33 autres pays réunis. La future Zone de libre-échange compte une quinzaine de petits pays dont le produit intérieur brut est inférieur à celui d'une ville comme Laval ou Longueuil.

À ces préoccupations d'ordre économique, social ou environnemental, il faut ajouter les enjeux et les défis linguistiques de l'intégration des Amériques. Dans un avis remis en février dernier à la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, le Conseil de la langue française reconnaissait que les aspects linguistiques des processus d'intégration sont généralement si peu abordés que nous sommes portés à considérer qu'il n'y en a pas ou qu'ils sont sans conséquence. Pourtant, les processus de mondialisation et d'intégration économique font en sorte que l'avenir des dossiers linguistiques se joue de plus en plus sur la scène internationale. Cela m'apparaît particulièrement vrai à l'échelle continentale où les accords régionaux tels que l'ALENA et la future Zone de libre-échange des Amériques soulèvent de nouveaux enjeux sur le plan linguistique.

Qu'il s'agisse des entreprises qui s'ouvrent à de nouveaux marchés, des travailleurs qui ont à composer avec un cadre de plus en plus internationalisé ou des jeunes qui auront à évoluer au sein d'économies intégrées, pour l'ensemble de ces acteurs et de ces organisations, l'importance du multilinguisme va croissant. L'ouverture des frontières, associée au développement des liens interétatiques, laisse parfois croire que nous assistons à un processus d'homogénéisation où le recours à l'anglais comme langue de communication internationale devient presque inéluctable.

Tout comme la commission des institutions, le Conseil de la langue française croit que l'actuel processus d'intégration continentale constitue un cadre favorable pour valoriser la diversité linguistique et entreprendre des actions collectives en ce sens. On évalue à environ 1 000 le nombre de langues parlées sur le continent, ce qui représente 15 % des quelque 6 700 langues vivantes de la planète. Bien entendu, ces langues ont des statuts qui diffèrent. Ainsi, parmi les 35 pays du continent, seules neuf langues ont un statut officiel. Ces langues officielles se répartissent comme suit: 18 pays ont l'espagnol comme langue officielle; 15 pays ont l'anglais; deux pays ont le français; deux pays ont le quechua, la Bolivie et le Pérou; un pays a le portugais; un pays a l'aymara, la Bolivie; un pays a le créole; un pays a le guarani, le Paraguay; et un pays a le néerlandais, le Surinam. En réalité, quatre langues ont un statut officiel au sein des organisations internationales: le français, l'anglais, l'espagnol et le portugais. Au niveau des langues de travail, ce sont à nette prédominance l'anglais et l'espagnol qui sont utilisées.

Même si le français est parlé par moins de personnes que les trois autres langues, il continue d'exercer un attrait considérable chez ceux et celles qui souhaitent apprendre une langue étrangère. Le français bénéficie d'un prestige qui lui vient de son histoire, de son statut de langue internationale et du fait qu'il est la langue officielle de nombreuses organisations internationales. De plus, selon une étude du British Council, la puissance économique du français est forte, occupant le troisième rang mondial. Malgré ces observations, le français connaît actuellement une période de stagnation au sein du continent, tandis que l'anglais vit une phase d'expansion hégémonique en raison de son statut de langue des communications internationales et langue des nouvelles technologies.

Les chefs d'État et de gouvernement réunis lors des trois derniers sommets des Amériques ont à ce jour fait peu de cas des questions linguistiques. À l'occasion du premier Sommet de Miami, en 1994, ils ont certes convenu de la nécessité de promouvoir les valeurs culturelles, mais ils s'en sont tenus à des généralités pour expliquer ce concept. Ainsi, aucune directive ne figure dans les déclarations et dans les plans d'action des sommets des Amériques au sujet de la nécessité, pour les organisations interaméricaines liées au processus d'intégration, de fonctionner et d'être accessibles en quatre langues.

Rien n'incite par ailleurs les entreprises exportatrices à respecter la langue d'usage des consommateurs auxquels elles s'adressent. Certains prétendent que les questions portant sur le respect de la langue nationale dans l'affichage et que l'information relative à un produit relèvent uniquement des législations nationales. Mais à ce jour seulement 17 pays du continent, excluant le Canada et les États-Unis, ont légiféré en matière de protection des consommateurs. L'encadrement législatif national de nombreux pays ne permet donc pas d'assurer la protection des consommateurs au chapitre de la langue ? on se croirait au Sommet des Amériques.

En ce sens, une déclaration de l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement quant à l'importance de respecter les langues nationales sur le plan commercial s'avérerait utile. Faute de cet engagement, ce sont les parlementaires du continent, regroupés autour de la Conférence parlementaire des Amériques, la COPA, à l'initiative de l'Assemblée nationale, en septembre 1997, qui s'en sont faits les défenseurs en signant une déclaration à l'effet que l'intégration des Amériques devait se faire dans le respect, entre autres, de la diversité culturelle et linguistique des peuples qui la composent.

Ce principe qui, pour nous, Québécois, nous apparaît fondamental a été repris par la commission des institutions dans son rapport final. Il est à souhaiter que, lors du prochain sommet, qui se tiendra en 2004 à Buenos Aires, les chefs d'État et de gouvernement se montrent plus sensibles à cette réalité. La commission, tout comme la Conférence parlementaire des Amériques, recommande que les parlementaires, à titre de représentants élus de la société civile, soient inclus dans le processus d'intégration, puisque ce sont eux en définitive qui, dans chacune de leur législature, devront ratifier les traités et conventions donnant naissance et régissant la Zone de libre-échange des Amériques.

Cette recommandation s'avère d'autant plus pertinente que l'engagement du Sommet de Québec en faveur de la démocratie a frappé un mur il y a quelques jours à Costa Rica lorsque l'assemblée générale de l'Organisation des États américains a refusé d'adopter la clause démocratique pourtant entérinée par les 34 présidents et chefs de gouvernement présents dans notre capitale nationale en avril dernier. Cet échec résulte du fait que les ministres des Affaires étrangères ont été incapables de s'entendre sur la définition de la démocratie. Ils n'ont d'ailleurs pas réussi non plus à trouver les fonds pour renforcer les institutions de protection des droits humains de l'Organisation des États américains.

Et dire que, pour impliquer les parlementaires dans le processus d'intégration des Amériques, le gouvernement canadien n'a pu trouver mieux que de susciter la création d'un regroupement de députés des partis au pouvoir sous l'égide de cette même OEA, initiative qu'il a surnommée la FIPA, le Forum interparlementaire des Amériques, et qui se voulait essentiellement motivé par la volonté de torpiller la Conférence parlementaire des Amériques, elle-même créée à l'initiative de notre propre Assemblée nationale en vue de regrouper, dans un même forum, les représentants de tous les Parlements des Amériques, et ce, sur une base multipartite, comme le recommande la commission des institutions. À mon avis, suite au mur que vient de frapper la démocratie au sein de l'Organisation des États américains, c'est véritablement la Conférence parlementaire des Amériques qui dorénavant s'inscrit comme seul forum parlementaire continental légitime au sens où le recommande la commission des institutions.

Je m'en voudrais de conclure sans remercier les groupes et les personnes qui ont participé à nos échanges, sans souligner également l'apport soutenu et bien senti de mes collègues, tant du côté du gouvernement que de l'opposition, et sans rendre hommage à notre président, le député de Portneuf, M. Roger Bertrand, qui a dirigé nos travaux de main de maître, ainsi qu'au personnel de la commission qui nous a accompagnés tout au long de cette réflexion de qualité, à la hauteur de ce que le peuple québécois est en droit de s'attendre de ses parlementaires. Je vous remercie.

n(16 h 10)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de La Pinière, je vous cède la parole.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour, M. le Président, c'est avec plaisir que j'interviens à cette étape de l'étude du rapport de la commission des institutions qui a procédé en septembre-octobre 2000, lors de la dernière session parlementaire, à une consultation publique sur les impacts pour le Québec du projet de la Zone de libre-échange des Amériques, plus communément connue sous l'appellation ZLEA. J'ai eu l'occasion de participer à cette consultation en commission parlementaire avec mes collègues, mon collègue le député de Verdun et mon collègue de Marguerite-D'Youville notamment, et j'ai eu également l'occasion d'écouter les commentaires et les propositions des groupes qui se sont présentés devant nous.

En lisant les mémoires qui ont été déposés à la commission parlementaire, M. le Président, j'ai constaté finalement qu'il y avait de nombreuses idées: certaines novatrices, d'autres exprimaient de l'inquiétude, d'autres exprimaient de l'incertitude. Mais le tout, M. le Président, nous a enrichis sur un sujet qui est fort intéressant et qui est majeur pour le Québec, car en effet les enjeux de la nouvelle Zone de libre-échange des Amériques sont déterminants pour le Québec tant au plan économique que sur le plan social, politique et culturel.

Durant les six jours d'audiences, nous avons écouté 34 groupes et individus et reçu 41 mémoires. Il faut souligner, M. le Président, que la commission des institutions, par un accord conjoint entre les partie gouvernementale et l'opposition officielle, s'est donnée un mandat pour analyser les impacts de la ZLEA. Donc, comme parlementaires, on s'est donné un forum approprié pour discuter d'une problématique qui nous interpelle tous, celle de l'ouverture de nos marchés, de notre société sur le reste des Amériques.

Il faut également rappeler que l'Assemblée nationale a accueilli la première Conférence des parlementaires des Amériques en septembre 1997, date à laquelle l'idée d'impliquer les parlementaires dans ce débat sur la ZLEA a été lancée. Cette idée de permettre aux parlementaires de jouer un rôle proactif dans les débats sur la Zone de libre-échange des Amériques a été réitérée lors de la deuxième Conférence des parlementaires des Amériques qui s'est tenue à Porto Rico, en juillet 2000.

Il est utile de souligner, M. le Président, que, même si le terme «ZLEA» est relativement nouveau et que le concept n'est pas encore compris par le grand public, il n'en demeure pas moins que l'idée d'une Zone de libre-échange des Amériques, elle, n'est pas nouvelle. Le débat sur l'élargissement de l'ALENA est en cours depuis plusieurs années déjà. Les gouvernements des Amériques et les partenaires économiques y travaillent depuis un certain nombre d'années.

Ce qui est nouveau ? ce qui est nouveau ? cependant, c'est le fait que la société civile, c'est-à-dire les organismes communautaires, les représentants des travailleurs, les groupes de femmes et les groupes de citoyens, à la faveur du Sommet des Amériques qui s'est tenu à Québec à la fin du mois d'avril dernier, se sont mobilisés et se sont approprié ce débat. C'était fort intéressant de voir cette mobilisation, M. le Président, et ces échanges, et ces réflexions, et ces débats, et ces manifestations qui se sont passés, dans la plupart des cas, M. le Président, dans le calme.

J'ai, pour ma part, été très heureuse de constater cette prise de conscience dans la population relativement aux impacts socioéconomiques de la ZLEA. C'est pourquoi j'ai tenu à participer au Sommet des peuples qui s'est tenu dans le Vieux-Québec, et suivi avec grand intérêt les débats qui en ont découlés.

Parallèlement à ces forums publics et en marge du Sommet des Amériques, il s'est tenu ici même, à l'Assemblée nationale du Québec, la Conférence des parlementaires des Amériques ainsi qu'une rencontre du Réseau des femmes parlementaires des Amériques. Pour y avoir participé, M. le Président, je constate avec satisfaction que les parlementaires des autres pays des Amériques, et plus particulièrement ceux et celles de l'Amérique du Sud, sont aussi préoccupés et intéressés que nous par les enjeux de la ZLEA. Ils y réfléchissent, M. le Président, et ils ont des préoccupations également qu'ils ont exprimées lors de la Conférence des parlementaires des Amériques d'avril dernier à Québec.

Pour notre part, nous, les députés de l'aile parlementaire libérale, nous avons reçu l'héritage de feu Robert Bourassa qui a été au coeur de la signature de l'Accord de libre-échange Canada?États-Unis, mieux connu sous l'appellation ALENA, et qui a été mis en oeuvre en 1989. Ce faisant, il a offert au Québec et aux générations futures du Québec le monde pour horizon, M. le Président. Feu Robert Bourassa a fait preuve d'une vision extraordinaire. Son intérêt pour la mondialisation et pour la promotion du Québec à l'étranger nous a ouvert des voies très prometteuses aussi bien sur le plan économique que sur le plan social et culturel. La Zone de libre-échange des Amériques s'inscrit donc dans ce contexte de mondialisation, et nous devons apprendre, nous, les Québécois et les Québécoises, à apprivoiser et à maîtriser cette mondialisation pour mieux positionner le Québec et mieux défendre ses intérêts à l'échelle mondiale.

Le débat sur la mondialisation est loin de faire consensus aussi bien dans la société québécoise qu'ailleurs dans le monde, mais les travaux de la commission des institutions nous ont permis justement de prendre le pouls de la population concernant ce sujet fort névralgique. Ils ont également révélé les divergences qu'il y a autour de la Zone de libre-échange des Amériques au Québec parmi les universitaires, parmi les gens d'affaires, parmi les milieux communautaires, parmi les syndicats. Nous avons, M. le Président, entendu ces groupes et donc on s'est rendu compte qu'il y a une divergence d'opinions sur ce sujet-là. Et, pour ma part, je trouve que c'est très sain dans une démocratie d'avoir des points de vue différents en rapport avec la mondialisation, en particulier, et en rapport avec la ZLEA, car c'est une question qui est très sensible et qui est approchée différemment selon les intérêts qu'on a par rapport à la mondialisation, selon qu'on se sent prêt à l'affronter, cette mondialisation, ou selon que l'on se sent insécure par rapport à la mondialisation.

Notre rôle comme parlementaires évidemment, c'est d'être à l'écoute de toutes les opinions et de toutes ces préoccupations et d'en tenir compte dans nos orientations politiques et dans nos engagements envers nos citoyens, car finalement ce débat sur la ZLEA et la ZLEA elle-même, on peut bien dire que ça se passe ailleurs, qu'il y a des négociateurs et qu'il y a des gens qui s'en préoccupent, mais ultimement ça implique tous les citoyens parce que les impacts, qu'ils soient économiques, sociaux, culturels ou politiques, ils vont se faire sentir sur l'ensemble des citoyens.

La mondialisation, M. le Président, ce n'est pas tout noir, ce n'est pas tout blanc. Il y a des avantages et il y a des inconvénients à une Zone de libre-échange des Amériques. D'ailleurs, il y a des avantages et des inconvénients à tout libre-échange, sur quelque territoire qu'il se manifeste, et à toute zone de libre-échange, qu'elle soit américaine, asiatique, européenne ou africaine. Dès lors qu'il s'agit d'ouvrir nos marchés aux compétiteurs étrangers, il y a des risques, on prend des risques. Il y a des gains et il y a des pertes. Il nous appartient, à nous, de bien tirer notre épingle du jeu, M. le Président.

Cette course à la mondialisation ne doit pas se faire uniquement sur le terrain de l'appât du gain. Il faut s'assurer que les valeurs qui nous sont chères, les valeurs d'égalité, les valeurs d'équité, les valeurs de démocratie, les valeurs de solidarité et toutes les valeurs, M. le Président, qu'on a codifiées dans la Charte des droits et libertés de la personne, ces valeurs, elles vont être sauvegardées dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques, voire même partagées avec nos voisins américains.

n(16 h 20)n

Il va sans dire que, lorsqu'on parle des valeurs, M. le Président, et plus particulièrement des droits que l'on reconnaît dans la Charte, ce n'est pas tous les États des Amériques qui sont au même niveau de développement, et de compréhension, et d'acceptation de ces droits, mais il nous appartient, à nous, de nous assurer que ces valeurs-là vont être partagées. Il faut également s'assurer que nos investisseurs, par exemple, dans les pays du Sud, respectent ces valeurs de façon à ce que nos entreprises, dans leur souci de maximiser leurs profits ? ce qui est tout à fait légitime, M. le Président ? ne s'adonnent pas à des pratiques répréhensibles comme l'exploitation du travail des enfants ou la discrimination systémique à l'égard des femmes, à l'égard des autochtones, à l'égard des personnes handicapées, à l'égard des minorités. Ce sont là les valeurs qui nous sont très chères, M. le Président, et qu'on doit défendre, et qu'on doit défendre en tout temps.

Car le commerce, puisqu'on parle de la Zone de libre-échange des Amériques et qu'on parle de commerce, M. le Président, ce commerce, il a une dimension sociale. Il y a une responsabilité sociale aux entreprises. Ils doivent être sensibilisées à cette réalité-là et l'assumer. Le développement économique, M. le Président, doit s'accompagner du respect des droits humains, du respect de la démocratie, du respect des spécificités culturelles et linguistiques, du respect de l'environnement. Ce développement de l'hémisphère, M. le Président, ne peut pas se faire sans la lutte à la pauvreté, parce que, s'il y a un développement, il y a une richesse qui est générée, et cette richesse, elle doit être équitablement répartie.

La Zone de libre-échange des Amériques est donc en voie de se réaliser. Au sens pur, on parle d'élimination des barrières tarifaires et non tarifaires, mais rappelons un peu le contexte. Le projet a été relancé officiellement par le président américain Bill Clinton lors du Sommet des Amériques qui a réuni à Miami, en 1994, 34 chefs d'État et de gouvernement, à l'exception de Cuba. Un plan d'action portant sur la nécessité d'une intégration économique a été proposé, mais il a fallu attendre le Sommet de Santiago, en 1998, pour définir les objectifs d'un tel projet. On a également déterminé le processus de négociation pour l'instauration de la Zone de libre-échange des Amériques dans un horizon de sept ans à l'époque, ce qui nous mènerait à 2005 si tout va bien dans les négociations, M. le Président.

La ZLEA, c'est un marché de 800 millions de consommateurs et un produit intérieur brut combiné de 10 000 milliards de dollars américains. C'est la plus vaste zone de libre-échange au monde, M. le Président. La ZLEA, c'est la rencontre entre deux visions différentes: celle de l'Amérique du Nord qui cherche à étendre le modèle de l'ALENA et celle de l'Amérique du Sud qui s'appuie sur le modèle du Mercosur pour se soustraire à la dépendance américaine. Et, on l'a vu au sein du Sommet des Amériques, M. le Président, la voix du Sud s'était exprimée par le président du Brésil, et c'était clair, M. le Président, qu'il y avait là deux tendances au sein de ce créneau des Amériques.

La ZLEA, c'est un ensemble d'enjeux économiques, politiques, culturels et sociaux sur lesquels s'affrontent différents acteurs et du Nord et du Sud. La ZLEA, c'est la rencontre entre des économies, au niveau du développement, très inégales, qui regroupe des pays aussi différents que les États-Unis et Haïti. La ZLEA est un créneau qui regroupe des pays se disant démocratiques. Dans les faits, M. le Président, un certain nombre d'entre eux ont des pratiques qui sont loin d'être démocratiques. Et on l'a vu d'ailleurs lors du Sommet encore en ce qui a trait au banc des accusés où on a placé Haïti en particulier en lui disant que la démocratie, c'était important, M. le Président, et que, si Haïti voulait faire partie du club des grands, elle a besoin d'adopter les valeurs qui sont partagées par les démocrates.

Au niveau de la négociation entourant la ZLEA, M. le Président, depuis 1998, neuf groupes de négociations sectorielles ont été constitués. Ils sont présidés par alternance par des pays membres, pour une période de 18 mois. Durant la première période de négociations, d'avril 1998 à novembre 1999, et durant la deuxième période, allant de novembre 1999 à avril 2001, le Canada a assuré la présidence et la vice-présidence d'un certain nombre de groupes de négociations, notamment celui de la passation des marchés, du commerce électronique et de la politique de la concurrence. Donc, M. le Président, le Canada est un acteur et un partenaire majeur de la ZLEA. Il est extrêmement important que le Québec puisse, à l'intérieur de ce créneau-là, développer ses propres orientations et défendre ses intérêts, M. le Président, et ce, dans l'intérêt de tous les Québécois.

Pour revenir à la commission parlementaire de l'automne dernier, à laquelle j'ai participé, il y a lieu de relever un certain nombre de constats, M. le Président. La plupart des groupes qui se sont fait entendre sont favorables au libre-échange et à la ZLEA, mais à des degrés différents. Plusieurs d'entre eux, même parmi les plus favorables, ont exprimé des préoccupations et des réserves. La plupart des réserves exprimées touchaient des secteurs vulnérables de notre société et de notre économie: la protection de la culture et de l'environnement, la promotion des valeurs de démocratie et de respect des droits humains et la protection des acquis sociaux et des normes du travail.

La quasi-totalité des intervenants ont dénoncé le manque de transparence dans le processus de négociation de la ZLEA, notamment en ce qui a trait à l'exclusion des parlementaires, des syndicats et des représentants de la société civile de la table de négociations. À cet effet, il y a eu un solide consensus autour de la nécessité de rendre publics les textes des négociations, et ces textes, M. le Président, ont été rendus publics en marge du Sommet du mois d'avril dernier.

Plusieurs groupes sont venus nous dire qu'avant de se lancer dans la ZLEA, c'est-à-dire avant d'avoir une zone de libre-échange qui inclurait 34 ou 35 pays des Amériques, il faut d'abord faire un bilan détaillé des accords de libre-échange. À cet effet, le débat a été tranché entre le monde des affaires et le monde communautaire et syndical. Les premiers ne voyaient que des avantages au libre-échange; les autres ont douté allégrement et allégué que les travailleurs et les populations défavorisées du Sud n'ont rien à gagner du libre-échange.

Ce discours a été porté par de nombreux groupes de la société civile qui insistent sur le fait que la ZLEA ne devrait pas se limiter à la seule finalité économique, mais intégrer les considérations sociales et politiques du type de l'Union économique européenne. Dans cette optique, le développement humain, les valeurs de démocratie et de respect de la personne doivent primer sur les échanges économiques et les bénéfices de la ZLEA doivent profiter à l'ensemble des citoyens et non seulement aux détenteurs des capitaux.

Certains groupes ont exprimé des inquiétudes quant à la perte de la souveraineté des États face au pouvoir des multinationales et des structures supranationales. D'autres ont manifesté des réserves quant à la vulnérabilité des économies des pays du Sud pour qui la ZLEA présente des défis considérables quant à la déstabilisation de leurs économies et des impacts sur l'environnement, la main-d'oeuvre et les droits de douane. Enfin, M. le Président, certains groupes ont soulevé la question de l'exclusion de Cuba du processus d'intégration des Amériques et du Sommet des Amériques, plus particulièrement.

À ces considérations très légitimes, M. le Président, qui se sont exprimées en commission parlementaire et qu'on retrouve d'ailleurs dans le rapport de la commission des institutions, il y a, M. le Président, deux points qui, pour moi, me touchent beaucoup, et je trouve que la commission ne les a pas abordés amplement ? évidemment, c'était une consultation.

La première, c'est la question de la diversité culturelle, qui présente un enjeu majeur pour le Québec et pour le Canada aussi, au sein des Amériques. On le sait, le Québec, c'est une société distincte. La langue française et la spécificité culturelle constituent des zones de vulnérabilité dans un contexte nord-américain dominé par l'anglais et par les produits culturels américains.

Donc, M. le Président, tout en mettant nos efforts pour favoriser la maîtrise de la langue française, pour favoriser la promotion de la langue française et la diffusion de la langue française, il faut, M. le Président, trouver un point d'équilibre pour qu'on puisse également, dans notre effort d'ouverture sur le monde, apprendre les autres langues, apprendre l'anglais bien entendu, ce dès le primaire ? c'est la position du Parti libéral du Québec ? mais apprendre aussi l'espagnol et pourquoi pas le chinois, le mandarin et d'autres langues. Parce qu'à chaque fois qu'on apprend une langue, M. le Président, c'est une richesse qu'on partage, c'est une acquisition importante.

n(16 h 30)n

Le deuxième point qui me préoccupe, M. le Président, c'est la question d'immigration internationale. L'un des effets tangibles de la mondialisation est le mouvement des personnes. C'est une réalité qu'on a tendance à oublier, mais qui se dessine de façon dramatique dans le monde d'aujourd'hui. Il faut rappeler que l'effet conjugué de la mondialisation des marchés, des disparités économiques nord-sud et de la montée des conflits intraétatiques conduit à des déplacements massifs de population. On estime à 110 millions le nombre de personnes vivant actuellement à l'extérieur de leur pays. M. le Président, cela veut dire que le Canada, voire le Québec, seront sollicités de plus en plus pour accueillir non seulement des travailleurs sélectionnés en fonction des besoins de notre marché du travail, mais aussi des réfugiés et des immigrants dans la catégorie humanitaire.

Alors, M. le Président, le Québec sera interpellé pour accueillir cette immigration, et j'espère qu'on fera toujours preuve d'ouverture et aussi pour atteindre les objectifs qu'on s'est déjà fixés, de considérer l'immigration, M. le Président, comme un apport au plan du développement économique du Québec, comme également un moyen d'assurer la pérennité du français et participer à l'équilibre démographique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de La Pinière, de votre intervention. Je vais reconnaître un prochain intervenant en indiquant à la formation ministérielle qu'il lui reste un 20... 20 minutes de droit de parole, mais, évidemment, il y aura peut-être un cinq minutes... un 10 minutes qui pourrait être redistribué après les droits de parole. Alors, M. le député de Saint-Jean, la parole est à vous.

M. Roger Paquin

M. Paquin: Merci, M. le Président. Alors, cet après-midi, nous discutons d'un rapport qui a été produit par la commission des institutions de notre Parlement et qui s'intitule Le Québec et la Zone de libre-échange des Amériques: effets politiques et socioéconomiques. Et je pense qu'il est heureux que notre Parlement se soit saisi de cette question et ait dégagé de façon unanime, de tous les parlementaires représentés, y compris du député indépendant, une position commune et 27 recommandations que nous formulons, certaines étant adressées à différents niveaux de gouvernement, mais portant essentiellement sur la transparence des processus, l'aspect démocratique des processus, sur l'Accord de libre-échange lui-même et sur les impacts pour nous, ici, au Québec. Et, compte tenu qu'on a déjà précisé un certain nombre des recommandations, des préoccupations et des différents aspects à prendre en compte au moment de discuter de ce rapport et de ce dont il traite, M. le Président, je voudrais insister sur la nécessité d'un contrôle parlementaire de l'ensemble de la Zone de libre-échange des Amériques et de l'ensemble des lieux où se décide le futur de nos citoyens un peu partout dans le monde à l'époque actuelle.

On parle de déficit démocratique et on le voit souvent par le bout de la lorgnette négative, c'est-à-dire on dénonce le fait que ça manque de transparence, que les documents circulent pas assez, que les parlementaires sont absents, que la société civile n'est pas suffisamment impliquée. Ça, c'est le côté critique, si on veut, un peu négatif. Ce que je voudrais surtout aujourd'hui positionner dans le débat, c'est la nécessité pour les Parlements et pour les élus du peuple de se positionner dans ce débat-là et d'intervenir à la fois en aval et en amont des processus.

M. le Président, de 1996 à 1998, la Trente-cinquième Législature du Québec dans sa deuxième session a parlé 4 500 fois dans des interventions de fait concernant les relations du Québec et de l'international, 4 500 fois, dont 160 fois de l'ALENA en particulier. Qu'est-ce que ça traduit? Ça traduit que, dans le quotidien du travail des parlementaires, ce qui se décide dans les lieux internationaux où on ébauche la façon de gérer l'avenir, eh bien, ça concerne ce que l'on fait dans le Parlement, ça concerne les lois que l'on vote, ça concerne les sujets qu'on prend en considération, ça concerne le type de contrôle qu'on fait de nos exécutifs et le type de représentation que nous faisons à l'interface de nos commettants, des citoyens et de l'État et du gouvernement et, désormais, de ces lieux de décision supragouvernementaux. Et c'est ainsi que notre Assemblée nationale participe à des relations internationales multilatérales et bilatérales où les députés de cette Assemblée qui sont mandatés par le citoyen pour veiller non seulement à la gérance du quotidien, mais à la gouvernance... Et, quand je parle de gouvernance, ça veut dire d'être capable de choisir les caps, de connaître les vents transversaux, de connaître les courants, les écueils qui sont présents, de façon à ce qu'on puisse choisir les destinations et y arriver dans la réalité du monde dans lequel on vit. Et, quand on a ces mandats-là, il est important de savoir ce qui se passe dans les autres lieux où se prennent des décisions analogues pour des citoyens.

Nous avons donc des relations multilatérales au sein du Commonwealth, par exemple. Nous en avons aussi au sein de la francophonie, également avec nos partenaires américains, avec les États américains en général, et les provinces canadiennes aussi. Et nous en avons ? vous avez entendu parler tantôt, M. le Président ? à l'intérieur de la Conférence des parlementaires des Amériques où tous les Parlements d'États fédérés, et d'États fédéraux, et d'États républicains, et les Parlements supranationaux de l'Amérique ? ça fait pas mal de monde qui sont représentés par des élus à l'intérieur de cette enceinte-là. Et ça nous permet, à nous qui avons des comptes à rendre à nos citoyens, de faire des échanges entre les différents élus des différents peuples de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud, de l'Amérique centrale, et d'en arriver à une compréhension de ce qu'il est nécessaire de faire au niveau de la législation qu'on fait ici, dans notre Parlement. Et on fait aussi des relations bilatérales, on en a avec Haïti, on en a avec l'Ontario, on en a avec différents États d'Amérique et un peu partout dans le monde. On le fait aussi par la coopération internationale et par des partenariats.

Alors, est-ce que c'est normal pour des députés de s'impliquer dans ces activités-là, d'aller réfléchir avec des collègues d'autres Parlements? Je vous dirai que, partout actuellement dans les pays avancés, les Parlements sont à réfléchir sur ces questions-là. J'ai participé, au mois de mars 1999, au séminaire de Westminster où des gens du Commonwealth... le Commonwealth, ça veut dire la prospérité commune, où des gens qui visent ? donc, un peu partout dans le monde, dans des pays démocratiques ? le meilleur intérêt de leurs citoyens pour la qualité de vie, ont abordé ces questions-là. J'étais à Detroit, au mois de décembre, où, à la Conférence... au Council of State Governments, on discutait entre autres de ces questions-là. Et on a travaillé sur le problème de la frontière entre les États-Unis et le Canada, ce qui n'est pas peu dans les relations commerciales et également dans d'autres aspects de notre vie au quotidien, surtout dans une circonscription comme la mienne, qui jouxte la frontière américaine de l'État de New York. Et, récemment, le Sénat et l'Assemblée nationale de la France m'avaient invité à prendre la parole pour expliquer cette dimension de la démocratie parlementaire émergente à l'intérieur des relations interparlementaires. Parce que, en France, depuis cinq ans, d'une façon très intensive, on travaille à aller de l'avant dans ces secteurs-là. Donc, dans les pays avancés, M. le Président, on travaille actuellement à ce que les Parlements aient une meilleure présence mutuelle, une meilleure compréhension mutuelle et donc un meilleur contrôle de ce qui se passe dans les enjeux internationaux.

n(16 h 40)n

Pour le Québec, pour le Québec qui est une des vieilles démocraties, un Parlement qui est actif depuis 1792, qui a des relations internationales depuis à peu près la même époque, le Québec est au 17e rang pour son territoire sur l'ensemble des États dans le monde. Pour le Québec, où on est en même temps des latins d'Amérique du Nord... En fait, on a une triple appartenance: on est français par la langue, on appartient à la francophonie; on est européens à quelque part; on est aussi américains par notre façon d'être, par notre culture, par notre façon d'avoir intégré les arrivants sur ce continent et de nous être mixés avec ceux qui étaient là avant nous; on est aussi britanniques par nos institutions. Et donc, on est rattaché par nos racines aux trois grandes dimensions, si on veut, de ces pays avancés dans le monde. On est 25 % de la population du Canada, soit, mais on représente, quoi, on représente..., pour le français, on est 82 % au Québec, 20 % au Canada, 3 % en Amérique du Nord, près de 1 % de l'ensemble des Amériques. Tantôt, le député de Marguerite-D'Youville avait décliné les différentes importances au niveau des langues. Donc, quand on parle du français dans le monde actuellement pour une économie de l'importance du Québec, qui est la 15e dans le monde, le septième partenaire des États-Unis avant la France, avant l'Allemagne, avant l'Angleterre, quand on dit que 52 % de ce qu'on produit est exporté, bien, les relations internationales, c'est fondamental, c'est important. Et comment se comportent nos gouvernements là-dedans si on veut pouvoir avoir un suivi de contrôle comme Parlement, vous constatez que c'est extrêmement important.

Alors, dans ces... et je pourrais continuer... des aspects des statistiques qui ont des incidences sur le quotidien des gens. Vous savez qu'au niveau international, on a 1 500 filiales de multinationales au Québec, qu'on a eu, de 1985 à 1995, 1 139 projets d'investissements étrangers pour 23 milliards. Ça, c'est des jobs qui sont faites ici. Donc, les règles qui sont suivies, les démarches internationales qui viennent encadrer ça, ça a des incidences sur le quotidien des citoyens et c'est appelé à en avoir de plus en plus. En fait, M. le Président, c'est ce qui milite pour que nous restions éveillés à ces questions-là, d'autant plus que nous vivons actuellement dans un univers international qui est en train de se modifier.

On peut se souvenir de l'époque des monarchies, des tyrans, des dictateurs qui... À une certaine époque, le pouvoir était celui d'une personne par État. Ç'a évolué et le passage qualitatif qui a eu lieu, c'est de faire passer le pouvoir de la souveraineté d'une personne à une assemblée, et à une assemblée élue, et dans plusieurs pays. Et cette démarche-là n'est pas terminée, M. le Président, dans le monde que déjà nous passons à un deuxième pas qualitatif aussi important et du même ordre, c'est-à-dire de passer des souverainetés nationales et des États établis par une dévolution supranationale. Ça change complètement le décor international sur le plan politique et ça se passe pas tout seul. En même temps, M. le Président, les enjeux économiques deviennent transnationaux. Les enjeux environnementaux deviennent transnationaux. Les droits de la personne et les questions sociales dans un pays ont des incidences sur la façon dont on les gère dans les autres pays. Il y a des questions aussi au niveau de la culture. Est-ce que l'internationalisation à laquelle on assiste, M. le Président, doit nous conduire à un aplatissement et à l'homogénéisation des cultures ou, au contraire, à une cohabitation harmonieuse dans le monde?

Et en même temps peuvent se produire toutes sortes de défis technologiques pour lesquels on a un retard législatif et un encadrement législatif insuffisant. Et ces découvertes de technologies et de science se passent partout dans le monde en même temps. Je veux parler, par exemple, des biotechnologies, de la procréatique, de la génomique ? il y a des organismes génétiquement modifiés ? des dossiers de pollution, des questions de santé ? avec les gens qui voyagent partout, les microbes, ils se promènent passablement ? toutes les techniques de l'information, le multimédia, tout ce qui innove et qui fait de cette planète un petit village et, en même temps, qui apporte des solutions novatrices extraordinaires à des problèmes posés à l'humanité. Eh bien, tout ça, M. le Président, ça s'adonne que, dans la plupart même des pays avancés, ce n'est pas encadré sur une base législative et qu'il y a des problèmes qui émergent d'un peu partout: Est-ce qu'on peut louer des utérus? Est-ce qu'on peut prêter des tissus? Et ainsi de suite.

Donc, un autre aspect de cette mondialisation, qui a lieu actuellement, c'est celle des communications, télécommunications, les médias, les journaux, tout est transfrontalier, et on a de l'information de partout, ce qui fait que, dans le décor actuel, M. le Président, les ONG ont fait des relations internationales, et c'est très correct. Et on peut dire que désormais les exécutifs qui représentent les États n'ont plus l'apanage des relations internationales et de la diplomatie. Les entreprises en font, les industries en font, les commerces en font, le milieu des affaires, le milieu universitaire, les milieux municipaux s'organisent en réseaux mondiaux, les syndicats, les groupes humanitaires, les groupes ecclésiastiques, tout le monde fait des relations internationales. Et je vous prie de remarquer que les intérêts des États sont légitimes et que les intérêts de ces groupes-là le sont aussi. Mais qui parle au nom des peuples, M. le Président? Parce que ces organismes-là, ils ont des objectifs, ils ont des missions particulières, ils ont des missions sectorielles et ils oeuvrent dans ces missions-là. Alors, qui parle au nom de la société civile? Qui influence dans ces lieux, interpelle dans ces lieux, infléchit dans ces lieux les décisions qui sont prises et qui concernent nos citoyens, non seulement au quotidien maintenant, mais qui organisent leur avenir?

C'est pour ça, M. le Président, que le travail des parlementaires est définitivement et irrémédiablement modifié, si tant est que l'on veuille continuer à ce que les parlementaires représentent les populations, parlent en leur nom et décident en leur nom, et puis qu'après ça les populations, si elles sont insatisfaites, peuvent les changer et, si elles sont satisfaites, peuvent leur dire: Continuez.

Alors, il y a quatre fonctions fondamentales et donc quatre responsabilités, et quatre devoirs des députés. La première, c'est la fonction législative. M. le Président, depuis la décision du Conseil privé de 1937, seul le Québec peut assurer la mise en oeuvre et donner force de loi à un traité, à un accord, à une convention puis à une entente. Actuellement, dans tous ces lieux, vous comprenez qu'on assiste à l'élaboration de telles choses. En conséquence, est-ce qu'on va être ici pour estampiller ce qui va être décidé ailleurs, par d'autres, ou est-ce qu'on va aussi être en mesure d'aller en amont, infléchir, influencer, interpeller ceux qui prennent des décisions? La question se pose.

Les tendances internationales sur l'environnement, le commerce, la culture et l'éducation sont pas sans avoir des échos ici? Au moment de légiférer, est-ce qu'on est suffisamment au courant des grandes tendances, des expériences qui ont été faites ailleurs, pour éviter les erreurs, et des bonnes choses qui ont été faites ailleurs pour les copier, s'il y a lieu, ou innover, s'il y a lieu, et changer des positions? M. le Président, quand on légifère au Québec, il faut être au fait de la situation et il faut aller dans ces lieux.

Il y a aussi le contrôle du pouvoir exécutif. Désormais, le contrôle du pouvoir exécutif, c'est de faire ce que le député de Portneuf disait tantôt, c'est d'aller aussi interpeller, au moment des crédits, dans différentes circonstances, nos élus et leur demander: Êtes-vous présents dans les instances internationales? Est-ce que vous connaissez les tendances? Est-ce que vous connaissez les courants? Est-ce que ce que sont les valeurs du peuple québécois, vous les défendez dans les lieux où il faut être, dans l'intérieur de nos juridictions? Et ça pose toute la question de la doctrine Gérin-Lajoie, bien sûr, où cette Assemblée, depuis toujours, souhaite que, dans nos relations internationales, nous soyons représentés par nous-mêmes lorsqu'il s'agit d'enjeux qui sont dans nos juridictions.

La troisième responsabilité, le troisième devoir des députés au nom de leurs commettants, c'est de prendre en considération les questions d'intérêt public. Est-ce qu'il faut insister sur toutes les choses que la députée de La Pinière ou que le député de Marguerite-D'Youville ont nommées tantôt pour comprendre qu'il y a lieu d'être présents dans ces lieux et dans nos préoccupations?

Même chose pour la fonction représentative. Le député représente ses commettants, il est à l'interface du citoyen, et de la machine d'État, et du gouvernement, et, désormais, il doit l'être dans ces lieux internationaux où les décisions se prennent pour lui. En fait, si on veut être pertinent, M. le Président, il faut de plus en plus que l'élu au Québec prenne la responsabilité de constater que l'avenir est irrémédiablement différent du passé et que, pour être pertinent comme député maintenant, dans l'ensemble de ses fonctions, il faut absolument prendre en compte ce qui se passe dans ces lieux-là. C'est pour ça, M. le Président, qu'on constate, bien sûr, que la ZLEA, c'est porteur de plein de possibilités, c'est plein de possibilités, et y compris des choses négatives et des choses positives. Il faut s'assurer que cette internationalisation qui a lieu ressemble à ce que nous portons comme intérêts, comme valeurs, ici, dans le coeur des Québécois. Il faut que ça soit pas une globalisation, mais que ce soit bien une mondialisation. Ce que je veux dire par là, M. le Président, c'est que, si on n'y prend garde, le nouvel ordre mondial pourrait devenir un cartel de gens d'affaires cautionnés par des gouvernements et qui parlent pour les États. Mais, quand on veut parler pour les peuples, ce qu'on veut, c'est un projet commun, un projet commun des sociétés pour la qualité de vie puis le progrès des uns et des autres dans l'harmonisation, la cohabitation des cultures, une prospérité accrue mais partagée, et une promotion de la qualité de vie pour nos commettants, pour nos citoyens. Et, si on veut faire ça, M. le Président, quand la ZLEA se présente, quand il y a d'autres enjeux comme ça, il faut que les assemblées réagissent. Et je pense qu'il était extrêmement important et pertinent que notre Assemblée le fasse et que l'on puisse ici lancer le débat. Le député, tantôt, de Verdun a insisté: le débat est lancé, il est pas fini, et il faut qu'on continue à s'approprier de toutes les dimensions et à travailler à faire un succès.

n(16 h 50)n

M. le Président, il faut accompagner le nouvel ordre mondial, dans son établissement et dans sa mise en place, par des mécanismes qui associent et qui assurent leur légitimité... qui associent les parlementaires, en particulier par un lieu où les parlementaires sont à l'interface entre les commettants et ces grands lieux de décision pour assurer qu'il s'agisse bien d'une démocratie internationale. Quand on dit qu'il ne faut pas de déficit démocratique, il faut plus que ça, il faut un contrepoids et il faut s'assurer que les parlementaires puissent influencer.

Le Marché commun européen s'est doté d'un parlement. En Amérique, la COPA, qui est une initiative de notre Assemblée, qui est très attentive à ces dossiers-là, est le lieu où peut se développer un contrepoids des parlementaires par rapport à ces décisions-là. Mais, ce qui est très important, M. le Président, je convie les citoyens du Québec à être exigeants envers nous, les parlementaires, et d'insister pour que nous soyons présents dans ces lieux de décision qui les concernent et que nous fassions en sorte que nous soyons capables d'une façon optimale de remplir notre rôle, parce que la ZLEA, M. le Président, c'est porteur de plein de bonnes choses à condition que ces choses-là ressemblent à ce qui est bon pour nos citoyens. Et c'est à nous de faire en sorte qu'elles le soient. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Saint-Jean, de votre intervention. J'indique immédiatement qu'il reste, après répartition du temps du député indépendant, 17 minutes à la formation de l'opposition officielle et cinq minutes à la formation ministérielle. Et je cède la parole au critique officiel de l'opposition en matière d'affaires canadiennes intergouvernementales, M. le député de Chapleau. La parole est à vous, M. le député.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai entendu mes collègues avec beaucoup de joie, parce que, finalement, je me retrouvais dans leurs propos, je retrouvais des choses que je partageais, des principes que je partage avec eux. Je dois vous dire d'ailleurs à quel point je suis heureux que la commission des institutions ait soumis un rapport sur la ZLEA, d'abord parce que je crois que c'est un excellent rapport, je pense que c'est un rapport qui est très bien fait, très bien construit. D'autre part, je dois dire que je trouve ça absolument fantastique, extraordinaire qu'un parlement, donc, permette à l'une de ses commissions, une commission parlementaire, de se donner un mandat d'initiative pour examiner d'un peu plus près justement le nouveau phénomène de la mondialisation, dans un premier temps; deuxièmement, le phénomène un peu plus particulier de l'intégration des Amériques ou, si vous préférez, de la ZLEA, et tout ça dans un but, finalement, de faire le point sur la place que le Québec devra occuper dans ces nouveaux développements, dans ces grands ensembles qui, finalement, sont en train de se construire au niveau des Amériques et au niveau mondial.

M. le Président, j'aimerais dire que j'approuve le projet d'une grande intégration qui va de la Terre de Feu à la terre de Baffin. J'approuve ce projet sous un certain nombre de réserves et je pense que ces réserves, vous allez les comprendre, parce qu'elles se justifient amplement, dans un premier temps, et je crois par ailleurs pouvoir parler au nom d'un bon nombre des députés de l'opposition officielle en disant ce qui suit.

La première réserve que nous exprimons, c'est que la ZLEA, vraiment, pour qu'elle vaille la peine d'être construite, pour qu'elle soit positive, pour que finalement elle soit viable, il faut qu'elle repose sur la transparence. À mon avis, c'est le premier principe que l'on peut exiger en ce qui concerne la création de la ZLEA. «Transparence», ça veut dire quoi essentiellement? Ça veut dire que les citoyens eux-mêmes doivent être informés des développements des négociations en ce qui concerne la ZLEA, les citoyens doivent être informés finalement de ce qui s'en vient, les citoyens doivent être informés quant à savoir quel impact la ZLEA aura sur leur vie quotidienne, quel impact ça aura sur leurs institutions, sur leur société, sur leur pays en tant que tel. Donc, la ZLEA doit reposer sur la transparence, ai-je dit, ou, si vous préférez, sur l'implication directe du citoyen. C'est le premier principe.

Le deuxième principe, non moins important, c'est que la ZLEA doit reposer sur la diversité culturelle. Et, je pense que le député de Saint-Jean l'a quand même bien illustré dans ses propos, si la ZLEA, M. le Président, ça veut dire la globalisation, nous sommes contre, parce que la globalisation, contrairement à la mondialisation... Parce que, en français, il y a une différence entre les deux termes, n'est-ce pas? La globalisation, M. le Président, ça veut dire avoir un modèle unique, avoir une pointure finalement qui est censée faire à tout le monde. Nous sommes contre cela, parce que nous savons très bien que le modèle unique, à ce moment-là, qui nous sera imposé, vraisemblablement ce serait le modèle américain avec une culture dans laquelle nous ne nous retrouverions pas nécessairement tout à fait.

Donc, nous sommes, au contraire, favorables à la mondialisation mais une mondialisation qui repose, par opposition toujours à la globalisation... à une mondialisation mais une mondialisation qui repose sur une véritable diversité culturelle. Et je pense qu'il est très, très important que les différents traités commerciaux qui marqueront l'évolution de la ZLEA dorénavant comportent des clauses d'exemption culturelle, et j'entends par là respectent finalement le phénomène même de la diversité culturelle des pays qui participeront à cette ZLEA.

Autre principe tout aussi fondamental que les autres, M. le Président, c'est la diversité linguistique. On se plaît à dire présentement que la ZLEA, vous savez, a quatre langues officielles: le portugais, le français, l'anglais, l'espagnol. Je me réjouis que la ZLEA ait quatre langues officielles. Cependant, vous savez, M. le Président, nous ne sommes pas naïfs. On a l'impression que le français puis le portugais passent au second rang. Bien ça, je peux vous dire que nous ne l'accepterons pas. Nous sommes d'accord pour que la ZLEA ait quatre langues officielles, mais nous entendons par là quatre langues officielles qui sont sur un pied d'égalité. Si c'est seulement que l'espagnol et l'anglais finalement qui ont la priorité et que le français et le portugais sont négligés dans le processus, là, à ce moment-là, vous allez voir que nous allons exprimer des réserves très, très importantes par rapport à ce phénomène de ZLEA. Donc, il faut absolument que la ZLEA repose sur la diversité linguistique et repose sur un respect adéquat de la langue française.

Il faut aussi, M. le Président, que la ZLEA repose sur le principe démocratique lui-même. Dans la mesure où la ZLEA, M. le Président, va dépasser les simples objectifs économiques et va véritablement embrasser un projet humain et va chercher à consolider les démocraties en Amérique, on pourra dire que ce projet-là n'aura pas été vain. J'espère que la ZLEA va servir effectivement à renforcer les États démocratiques et à renforcer même, je dirais, l'expérience démocratique au sein d'États qui, finalement, n'ont peut-être pas une expérience de la démocratie qui est aussi avancée, aussi sophistiquée que nous l'avons au Québec ou au Canada.

Donc, j'espère que la ZLEA sera mise au profit finalement, sera portée au profit du principe démocratique lui-même, sera portée au profit finalement du renforcement des États démocratiques et sera globalement portée au profit du renforcement de la démocratie au sein des États, fussent-ils démocratiques ou non.

Autre principe qui me semble important en ce qui concerne la ZLEA, M. le Président... Et vous voyez que ce que je suis en train de faire finalement, c'est essayer d'établir une espèce de cadre, un certain nombre de paramètres en ce qui concerne l'examen de la ZLEA. Autre principe donc qui me semble important, c'est que la ZLEA serve à la lutte contre la pauvreté. Parce que, comme l'a dit par ailleurs le député de Saint-Jean, et malheureusement je n'étais pas en Chambre pour entendre mes autres collègues qui probablement ont tenu des propos aussi convaincants, mais, comme l'a dit le député de Saint-Jean, la ZLEA ne doit pas être finalement tout simplement un prétexte pour renforcer le pouvoir des monopoles capitalistes. La ZLEA, ça doit pas seulement qu'avoir une vocation économique, M. le Président, ça doit pas être finalement le nouveau prétexte, le prétexte moderne pour un libéralisme sauvage, auquel d'ailleurs nous ne souscrivons pas, puisque nous sommes favorables à un libéralisme qui a une conscience sociale et qui est responsable et qui a le sens de la justice sociale.

n(17 heures)n

Donc, M. le Président, la ZLEA doit finalement servir à la lutte contre la pauvreté, ce qui implique forcément, vous allez le comprendre, ce qui implique forcément qu'il y ait une redistribution de la richesse, hein, n'est-ce pas, entre les pays, une certaine redistribution de la richesse entre les pays. Et pas seulement qu'entre les pays, mais une redistribution de la richesse entre les individus eux-mêmes, bien entendu, et une égalité des chances. Et ça, la redistribution de la richesse, M. le Président, et l'égalité des chances, c'est ce que nous appelons finalement l'équité. C'est ça, la ZLEA doit être mise au profit de l'équité tout simplement et de la justice sociale.

Bien entendu, il ne faut pas oublier non plus la responsabilité énorme qu'a la ZLEA en ce qui concerne la protection et la promotion des droits et des libertés des personnes humaines. Ça, c'est extrêmement important, M. le Président, les droits et libertés de la personne. Nous avons, nous, au Canada, au Québec, le plaisir de vivre dans des sociétés qui respectent les droits et libertés de la personne. Nous avons d'ailleurs des protections constitutionnelles, nous avons des protections quasi constitutionnelles, des protections législatives. Nous bénéficions de privilèges en ce qui concerne les droits et libertés de la personne. Mais tous les pays des Amériques ne bénéficient pas, finalement, des mêmes avantages, ne disposent pas des mêmes atouts. Alors, la ZLEA va devoir finalement se donner une vocation, une vocation tout à fait humaine, c'est-à-dire la vocation de se porter à la défense des droits et libertés de la personne un peu partout sur l'hémisphère.

Autre chose qui a été invoquée par mon collègue de Saint-Jean ? et, là-dessus, je pense que vous allez me permettre d'élaguer un petit peu, M. le Président, prendre un petit peu de temps pour expliquer mon point de vue ? c'est l'importance qu'il y ait une participation des parlementaires, n'est-ce pas? Le député de Saint-Jean mentionnait l'exemple de la COPA tout à l'heure, qui est finalement une initiative qui provient du Québec et qui vise à faire en sorte qu'il y ait une espèce de réseau qui s'établisse entre les Parlements de l'hémisphère et, finalement, qu'il y ait un réseau qui s'établisse entre les parlementaires aussi de l'ensemble du continent. Bien, moi, je peux vous dire que je suis tout à fait favorable à ce principe-là. Évidemment, il faut voir dans quelles modalités tout ça s'accomplit, mais je suis tout à fait favorable à ce principe-là. Je pense aussi que la ZLEA doit passer par un renforcement, finalement, des liens entre les parlementaires de toute l'Amérique et également des liens entre tous les Parlements de l'Amérique. Et, quand je parle, M. le Président, ainsi des liens entre tous les Parlements de l'Amérique, je parle pas rien que des liens des gouvernements centraux dans les états fédérés que sont, par exemple, les États-Unis ou le Canada, je parle aussi des gouvernements autonomes, je parle aussi des gouvernements provinciaux, j'inclus, bien entendu, là-dedans le gouvernement du Québec. Donc, il va falloir que, finalement, les régions autonomes, les entités constituantes des fédérations, les gouvernements provinciaux, ou leur équivalent dans d'autres pays, et également les gouvernements fédéraux centraux soient impliqués dans ce grand processus, si je puis dire, de rassemblement des parlementaires de tout l'hémisphère.

M. le Président, je ne vous apprendrai certainement rien, certainement rien, connaissant évidemment... Vous connaissant, je ne vous apprendrai certainement rien en rappelant que la ZLEA a pris naissance dans une volonté, finalement, si je puis dire, de renouveler les grandes institutions internationales de l'hémisphère, d'établir des partenariats entre l'ensemble des communautés qui composent le continent et de favoriser une meilleure communication entre les gouvernements et la société civile. C'est ça qui a établi, finalement, les fondements de la ZLEA, à côté d'un certain nombre d'autres préoccupations économiques, évidemment, et commerciales. Mais, moi, je vais vous dire que justement ça, là, pour nous, dans l'opposition officielle, ce sont trois axes fondamentaux, ce sont trois axes extrêmement importants.

Dans un premier temps, je rappelle: renouveler les principales institutions de l'hémisphère et faire en sorte que les liens entre elles, ces institutions-là, soient beaucoup plus étroits. Ça, ça me semble être extrêmement important, M. le Président, la ZLEA doit se donner une vocation, si je puis dire, institutionnelle. Si la ZLEA peut servir à revaloriser nos institutions, à ressourcer nos institutions démocratiques, notamment, et finalement à nous amener à les modifier quelque peu, bien je peux vous dire qu'à ce moment-là l'expérience de la ZLEA, vraisemblablement, vaudra la peine d'être vécue.

Même chose pour les partenariats entre les communautés. Si la ZLEA peut faire en sorte que finalement nous consolidions les liens de solidarité qui unissent tous les citoyens des Amériques, encore une fois, je peux vous dire que la ZLEA aura rendu un fier service, finalement, à l'évolution de notre continent.

Même chose en ce qui concerne la communication entre les gouvernements et la société civile, M. le Président. Si la ZLEA permet aux citoyens... Si la ZLEA permet aux citoyens de se rapprocher des centres dits de décision, de se rapprocher de leur gouvernement, encore là, je peux vous dire que la ZLEA aura sans doute joué un rôle très, très difficile, et ce sont là, à mon avis, trois des grands axes, trois des grandes vocations que la ZLEA devra assumer au cours des prochaines années.

Je viens de parler évidemment de la ZLEA en termes relativement philosophiques, mais, en termes plus concrets, M. le Président, et peut-être pour les citoyens qui nous écoutent, ça veut dire quoi, la ZLEA? Ça veut dire un immense marché économique de 800 millions de personnes, M. le Président, 34 pays qui en font partie. Il y a un seul pays des Amériques qui en est absent, et je le regrette et j'espère qu'un jour il pourra en faire partie, c'est Cuba. Et j'en profite d'ailleurs pour exprimer le souhait que, finalement, la ZLEA ouvre les portes à Cuba éventuellement et Cuba elle-même apporte un certain nombre d'ajustements à son régime politique, qui facilitent son adhésion à la ZLEA démocratique, si je puis dire. Mais, donc, c'est un vaste marché de 34 pays, de 800 millions de personnes, qui donc est censé voir le jour dès 2005.

C'est un changement absolument extraordinaire qui va avoir des implications sur la vie de tous les jours, sur la vie des citoyens. Il n'y a aucun doute que nous sommes en présence ici de phénomènes transnationaux, de phénomènes mondiaux, de phénomènes finalement qui dépassent ce à quoi nous sommes habitués. Et vous me permettrez de dire qu'à mon avis la ZLEA va remettre en question un certain nombre de principes, d'idées, que jusqu'à présent nous avons tenu pour acquises, et va remettre en question, à mon avis, un certain nombre d'idées classiques, des idées traditionnelles, et va nous obliger finalement à nous redéfinir. La ZLEA, M. le Président, va obliger le Québec à se redéfinir face aux États-Unis. La ZLEA va obliger le Québec à se redéfinir face à l'ensemble des Amériques.

Permettez-moi de vous dire en terminant, M. le Président, que le souhait de l'opposition officielle est le suivant. Nous sommes tout à fait conscients qu'un grand nombre de compétences québécoises sont en cause lorsque l'on parle de la ZLEA. Je n'en ferai pas la nomenclature parce qu'elles sont trop nombreuses, mais permettez-moi de vous mentionner simplement que la ZLEA touche à la santé, la ZLEA touche à l'éducation, deux domaines qui sont de compétence québécoise, deux domaines qui sont de compétence provinciale exclusive. La ZLEA touche aussi au commerce, la ZLEA touche aussi à l'agriculture, lesquels domaines ne sont pas de compétence provinciale exclusive, mais néanmoins lesquels domaines relèvent en bonne partie aussi de la compétence du Québec tout autant que de la compétence fédérale.

Alors, permettez-moi de souhaiter, M. le Président, que le Québec soit impliqué dans les négociations en ce qui concerne la ZLEA, que le Québec soit impliqué, d'abord parce que c'est une question qui est importante pour nous, cette question-là touche à l'essor international du Québec, deuxièmement, parce qu'il est tout à fait normal, surtout depuis la décision du comité judiciaire du Conseil privé dans l'avis sur les conventions de travail, décision à laquelle mon collègue a fait référence tout à l'heure, mon collègue de Saint-Jean, il est tout à fait normal que les provinces soient impliquées lorsque leurs compétences constitutionnelles sont en cause, d'autant plus ? et c'est avec cela que je termine ? d'autant plus, M. le Président, que, finalement, ce sont les provinces elles-mêmes qui ont le dernier mot en ce qui concerne la mise en oeuvre des traités internationaux qui affectent leurs compétences législatives et constitutionnelles. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Chapleau, de votre intervention. Et je cède la parole maintenant, pour un temps de parole de cinq minutes, à M. le député de Frontenac. M. le député.

M. Gautrin: Je m'excuse, M. le Président, j'aurais une question de règlement. Est-ce que vous pourriez vérifier le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés.

n(17 h 9 ? 17 h 10)n

Alors, je cède la parole au député de Frontenac pour un temps maximum de cinq minutes. M. le député, la parole est à vous.

M. Marc Boulianne

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors donc, à titre de membre de la commission des institutions, je suis très heureux d'intervenir sur le rapport de la ZLEA. Bon rapport, comme le soulignait tout à l'heure mon collègue, le député de Chapleau. Permettez-moi, dans un premier temps, de féliciter le président de la commission ainsi que le vice-président de la commission, le député de Portneuf et le député de Verdun, qui ont fait un très bon travail durant ces audiences-là.

Vous savez, M. le Président, moi, j'ai vu ça comme un privilège de siéger sur cette commission. On a eu l'avantage d'entendre plusieurs points de vue par plusieurs organismes qui nous ont, si vous voulez, donné des choses extrêmement intéressantes. On a eu des mémoires aussi variés que celui de l'Union des artistes, de la CSN et du Conseil du patronat... alors qui a été entendu. Les intervenants évidemment, on vient de le mentionner tout à l'heure, ont parlé de démocratie. On a parlé de coopération, de liberté, d'éducation et de culture. Mais il y a un aspect aussi, M. le Président, qu'il faut retenir et qui est important ? et je rejoins en cela le député de Saint-Jean, mon collègue ? il y a la population, la population aussi qui a manifesté son désir et qui a parlé et que les parlementaires ont pu écouter, la population, M. le Président, en général, qui, face aux mêmes appréhensions que les organismes, se sont exprimés. Alors, on s'inquiétait du partage de la richesse. On s'inquiétait aussi des clauses sociales. On a parlé de la place du Québec et aussi on a soulevé les problèmes de transparence, comme l'a soulevé le président de la commission.

Alors, j'ai eu l'occasion, M. le Président, d'assister, d'en discuter dans mon comté à différentes activités qui ont été organisées dans le cadre de la ZLEA. Je pense, par exemple, au collège de la région de l'Amiante qui a organisé, quelque temps avant le Sommet des Amériques, une semaine politique sur la ZLEA. Alors, il y a eu des groupes, c'était très bien structuré, des individus qui, le midi et le soir, ont exprimé leurs points de vue dans des conférences de presse sur le libre-échange et, à ce moment-là, il y a eu des choses extrêmement intéressantes et très enrichissantes qui nous ont permis de comprendre le point de vue de la population. Il y a eu des débats, M. le Président, qui ont témoigné, encore une fois, du vif intérêt de la population, ce qu'on appelle le monde ordinaire, d'être informée, de s'exprimer sur la question et aussi d'être écoutée. Je pense que c'est un point de vue extrêmement intéressant et qu'il faut tenir compte... La population, M. le Président, quand on leur parle de ZLEA, du libre-échange, est très heureuse d'y participer et aussi de contribuer à l'évolution d'un dossier aussi important, d'un chantier même aussi important que celui-ci. Alors, on n'hésite pas non plus à passer des messages extrêmement importants, que l'on retrouve d'ailleurs, comme on l'a vu à Miami, à Santiago, et aussi un principe qu'on énonce dans notre rapport. Alors, chacun insiste...

Si on prend, par exemple, la protection et le renforcement de la démocratie, c'est majeur, la population nous en parle, c'est des exigences extrêmement importantes qu'on doit retrouver dans des dossiers comme ça. L'intégration économique du libre-échange... l'intégration économique est indispensable. On s'inquiète... Évidemment, il y a des problèmes à régler pour arriver à cheminer vers un dossier aussi important. L'éradication de la pauvreté, alors on l'a vu, qui est une priorité extrêmement importante, et de la discrimination. Je pense que, dans n'importe quel forum de discussion, qu'il s'agisse au niveau des parlementaires ou de la population, alors c'est important, ces points-là, exactement comme la promotion, je parle, du développement durable et de l'environnement. Alors, la population, M. le Président, et c'est majeur, aime et doit participer, et on doit aussi lui donner l'avantage de participer à ces forums-là, parce que, si on comprend qu'un des objectifs du gouvernement et de notre commission à ce moment-là est d'évaluer les impacts de ce projet de libre-échange sur les institutions québécoises, alors qui est mieux placé, selon vous, pour donner son point de vue, sinon les Québécois et les Québécoises?

Alors, M. le Président, la commission aussi doit être félicitée pour son initiative dans ce sens-là, c'est-à-dire d'avoir réussi... de réussir à faire participer la population, et je parle ici, par exemple, de l'innovation de la commission, qui a permis, pour la première fois, aux citoyens, à la population ordinaire et organismes d'exprimer leurs points de vue par le moyen d'une consultation sur le site Internet. Alors, c'est extrêmement important.

Donc, M. le Président, il faut informer la population, il faut la faire participer, il faut corriger les erreurs, il faut apporter des solutions à nos problèmes pour réussir ? ce que disait, en conclusion, le député de Chapleau ? pour réussir ce projet ambitieux qui consiste à réunir donc 34 États qui comptent un potentiel de 800 millions de consommateurs, totalisant un PIB de 10 000 milliards, M. le Président... Alors, le défi de réunir en un seul marché s'étendant de la Terre de Feu au cercle arctique, que ce soit une réussite pour le Québec, la population du Québec, et que toute la population en général se trouve... se sente partie prenante dans ce projet-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Frontenac. Alors, ceci met fin au débat restreint de deux heures sur le rapport de la commission des institutions, qui a tenu des auditions publiques dans le cadre d'une consultation générale sur l'impact du projet de Zone de libre-échange des Amériques.

Alors, nous passons... nous continuons les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous réfère à l'article 12 du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi n° 29

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 12, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 1er juin 2001 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale. Je vais reconnaître un prochain intervenant, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, avant de débuter mon intervention, relativement à nos règles de procédure et aux us et coutumes de l'Assemblée nationale et particulièrement en fonction de la décision qui a été rendue par le président de l'Assemblée nationale le 6 juin dernier eu égard au premier vice-président de l'Assemblée, j'aimerais rappeler certains extraits de la décision du président. Et, M. le Président, loin de moi l'idée...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien, vous êtes sur une question de directive ? ça va? ? je vous ai pas donné la parole sur le projet de loi n° 29. Alors, M. le député, si vous voulez poursuivre.

Question de règlement concernant la possibilité pour
M. Bissonnet de présider les débats étant donné
sa prise de position publique sur ce sujet

M. François Ouimet

M. Ouimet: Sur une question de directive, M. le Président. Et, loin de moi l'idée de remettre en question votre conduite comme vice-président, vous savez toute l'admiration et le respect que j'ai pour le travail que vous effectuez ici même, à l'Assemblée nationale, et à l'extérieur de l'Assemblée nationale.

Le président a énoncé un certain nombre de critères dans sa décision du 6 juin dernier en invoquant l'importance de l'impartialité de la présidence et que c'est une question fort importante. Il disait ceci: «Cela dit, même si les règles sont plus souples à l'égard des vice-présidents, les vice-présidents doivent cependant faire preuve de sensibilité politique avant d'intervenir ou de voter sur une question, et, quant aux activités politiques à l'extérieur des travaux parlementaires, une attitude de prudence est également de mise.»

M. le Président, la question que je vous pose: Avez-vous l'intention de présider nos travaux sur le projet de loi n° 29 à la lumière de déclarations publiques que vous avez déjà faites concernant le projet de fusions forcées?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je voudrais, premièrement, que vous me rappeliez si j'ai fait des déclarations publiques.

M. Ouimet: M. le Président, j'ai été témoin de certaines déclarations que vous avez faites au mois de mars devant près d'un millier de personnes. Il y avait d'autres parlementaires de ma formation politique qui étaient présents.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Pourriez-vous me rappeler exactement? Je me rappelle pas d'avoir fait des déclarations devant 1 000 personnes.

M. Ouimet: M. le Président, c'était près de 1 000 personnes ? je n'ai pas le nombre exact ? vous avez pris position en faveur d'un candidat à la mairie de Montréal qui a tout intérêt...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ah! Je vais vous parler de ça. Alors, M. le député de Marquette, j'ai appuyé un candidat à la mairie de Montréal qui s'appelle M. Gérald Tremblay. Je l'ai fait comme citoyen de Saint-Léonard et je l'ai fait... Comme citoyen de Saint-Léonard, je peux appuyer qui je veux, comme citoyen, à la mairie de Montréal. Ça, c'est mon privilège à moi, et je l'ai fait, et je n'ai pas parlé, dans cet appui à ce candidat à la mairie, de la fusion. J'ai appuyé le candidat à la mairie simplement. Et j'ai toujours eu un droit de réserve assez... très exceptionnel dans ce cas. Et, compte tenu que j'ai déjà été maire de la ville de... comme je vous l'ai mentionné...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mais j'ai appuyé le candidat à la mairie comme individu et je l'ai fait comme citoyen de Saint-Léonard, comme citoyen de ma municipalité. Est-ce que vous voyez à ça...

M. Brassard: M. le Président.

n(17 h 20)n

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, sur ça.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, j'apprends que vous avez pris position en faveur d'un candidat pour une prochaine élection afin d'élire un conseil municipal... d'élire un maire et un conseil municipal de la ville de Montréal. Je n'en conclus pas pour autant que vous avez pris position publiquement, devant ces quelque 800 ou 1 000 personnes, en faveur ou en défaveur du projet de loi n° 29 qui est devant nous et qui est actuellement débattu devant l'Assemblée. Il y a pas de lien. Vous avez appuyé une candidature, c'est votre droit en tant que citoyen, vous n'avez pas pris position publiquement sur le contenu du projet de loi n° 29 qui est devant l'Assemblée, ça m'apparaît également évident, et, par conséquent, vous êtes... vous respectez les règles et les conditions de réserve que le président a de nouveau exprimées cette semaine. Alors, je ne vois pas en quoi votre impartialité, votre objectivité, votre neutralité peut être mise en doute dans la conduite de nos débats.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je me rappelle...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Juste un instant. Je me rappelle pas que ça soit au mois de mars cependant, je me rappelle pas de la date exacte que cette réunion a eu lieu, mais j'ai... Ce que j'ai fait, j'ai présenté monsieur... le candidat à la mairie, M. Gérald Tremblay, aux citoyens de mon comté qui étaient là, et j'ai parlé de lui comme homme et des capacités qu'il avait. Mais je me rappelle pas de la date, mais, me semble, ça fait pas si loin. En tout cas, je peux vérifier. De toute façon, je vais vous écouter, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je comprends les remarques du leader du gouvernement, son gouvernement est commis, à peu près tout le monde de l'autre côté est commis pour les fusions, même les députés qui, dans leur comté, disent qu'ils sont contre, à Québec ils sont commis pour parce qu'ils votent pour. Mais, moi, paroles ont été prononcées, c'était à l'occasion j'étais présent, M. le Président, au moment où les d'un événement, M. le Président, à laquelle vous avez eu l'amabilité de m'inviter, on soulignait le vingtième anniversaire de certains députés ? juste pour se replacer dans le contexte, M. le Président. Mais, pour moi, c'était comme si c'était hier, mais la date n'a pas d'importance, M. le Président.

Je reprends les propos du député de Marquette, c'est toujours une situation très délicate que nous avons vécue à l'Assemblée nationale vendredi soir dernier, il n'est pas question pour nous de remettre en cause, de ce côté-ci de la Chambre, votre impartialité. Comme nous l'avons fait avec le premier vice-président de l'Assemblée nationale, nous tenons à l'indiquer dès ce moment, vous êtes apte à présider à nos débats, vous l'avez fait avec un doigté, le fait que vous soyez issu de la formation minoritaire à l'Assemblée nationale du Québec et que vous ayez reçu l'appui de l'ensemble des députés de l'Assemblée témoigne d'une dextérité dans l'accomplissement de vos fonctions qui vous honore, M. le Président. C'est toujours plus difficile dans votre cas que dans celui des autres. Ça devrait être égal pour tout le monde, mais tout le monde comprend cette différence dans la perception.

Ceci étant dit, M. le Président, oui, vous avez toujours été très prudent dans vos propos. Je ne me souviens pas de vous avoir vu aller faire de la politique, à titre d'exemple, dans un comté occupé par un ministériel; vous vous occupez de Jeanne-Mance et vous ne sortez pas de Jeanne-Mance, vous vous imposez des règles strictes de comportement. Là, cependant, où je me dois de vous adresser la question, M. le Président, comme parlementaire et pour le bénéfice de l'impartialité de l'institution... Moi, je maintiens, comme le leader du gouvernement l'a fait, qu'un vice-président a le droit d'appuyer un candidat. On va clairer une question tout de suite, là. La semaine passée, il y a des gens de l'autre côté qui ont insinué que, parce que vous avez été maire de Saint-Léonard, vous n'avez pas le droit de présider ce débat-là. Moi, ça me pose pas de problème, puis je pense que, cette semaine, le côté ministériel s'est ravisé et que ça ne leur pose plus de problème.

Ceci étant évacué du débat, M. le Président, nous ne sommes pas dans un contexte où vous appuyez un candidat à la mairie, je vous le souligne bien respectueusement, M. le Président, vous appuyez un candidat à la mairie qui ne sera pas candidat à la mairie, qui ne saurait être candidat à la mairie, qui ne saurait être maire de Montréal s'il n'y avait pas de fusions forcées. Le lien est on ne peut plus direct. Si les projets de loi qui sont devant nous présentement devaient avorter, qu'il n'y avait pas de fusions forcées, que la Cour supérieure se prononce, M. le Président, à l'effet que la loi qui est devant le tribunal présentement est illégale, si cette loi-ci n'était pas adoptée, il n'y aura pas de fusions forcées et le candidat que vous avez mentionné ne bénéficiera pas... C'est, on me dira, pas du premier niveau d'intervention, mais un ne va pas sans l'autre, M. le Président...

Une voix: ...

M. Paradis: Bien, le leader dit «du 36e niveau.» Et, si c'était du 36e niveau, M. le Président, je ne serais pas debout à ce moment-ci. Si on est debout à ce moment-ci, M. le Président, c'est parce que Gérald Tremblay ne vise pas à être maire de Saint-Léonard. Est-ce qu'on peut se comprendre? Il vise... Il vise... Il vise à être maire de l'ensemble. Il y a des gens à Montréal, M. le Président, qui se sont prononcés en faveur de Peter Trent qui, lui, est contre les fusions municipales forcées. Je vais vous demander d'inverser le raisonnement, M. le Président. Si vous vous étiez prononcé en faveur de Peter Trent, qu'est-ce qu'on pourrait décoder de votre geste, M. le Président? C'est que vous êtes contre les fusions forcées. Quand vous vous prononcez pour un candidat qui se présente dans le cadre de fusions forcées, on peut raisonnablement en déduire, M. le Président, que vous êtes pour les fusions forcées. Et, dans ce cadre-là, M. le Président, les interventions que nous faisons ici, nous autres, de ce côté-ci, on est contre les fusions forcées, et qu'un président siège alors qu'il s'est déjà commis en faveur des fusions forcées en se prononçant en faveur d'un candidat qui va bénéficier des fusions forcées, ça nous pose un problème. Je vous le soumets.

Maintenant, M. le Président, autant je l'ai fait avec ? comment je pourrais dire? ? avec toute la réserve qui s'impose dans les circonstances à l'endroit du premier vice-président de l'Assemblée nationale, je le fais avec la même fermeté, mais avec la même réserve, M. le Président. La décision vous appartient, mais je vous demande de vous placer dans la tête des gens qui nous écoutent et qui nous observent. Il est pas question de partialité, il est question d'apparence de partialité. Qu'est-ce que les gens à Montréal qui sont contre les fusions forcées et qui ont le droit de l'être, M. le Président, vont penser de quelqu'un qui accepte de présider nos débats à l'Assemblée nationale et qui a déjà endossé publiquement un candidat des fusions forcées? Ça pose un premier problème, M. le Président.

Deuxième problème, M. le Président, je ne veux pas l'évoquer en public, mais je vais vous demander une conférence de leaders et je suis prêt à l'évoquer en privé.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette question, M. le leader du gouvernement.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Des mesures ou des interventions dilatoires, là, pour gagner du temps, là, on n'est pas dupes de ce côté-ci, là. M. le Président, vous avez appuyé un candidat, c'est votre droit le plus strict comme citoyen. Mais vous l'avez appuyé pourquoi? Parce que l'Assemblée nationale a adopté une loi qui s'appelle la loi n° 170 qui prévoit le regroupement. Alors, c'est en vertu d'une loi déjà adoptée que Gérald Tremblay aspire à la candidature... à devenir maire d'une ville regroupée en vertu d'une loi déjà adoptée à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas en vertu de la loi n° 29 que les villes regroupées vont apparaître, c'est en vertu de la loi n° 170, qui est déjà adoptée. Et vous avez appuyé un candidat dans la perspective, évidemment, d'une élection prévoyant la constitution, la composition d'un conseil d'une ville qui sera regroupée et sur la base d'une décision et d'une loi déjà adoptée par l'Assemblée nationale.

Moi, M. le Président, et nous, ici, de notre côté, nous vous réitérons notre confiance pleine et entière pour présider nos débats. Vous n'avez d'aucune façon pris position sur le projet de loi qui est actuellement débattu. Vous avez appuyé un candidat à la mairie d'une ville regroupée en vertu d'une loi déjà adoptée. Et je vous prierais de poursuivre le débat et de présider les débats puis de reconnaître les députés qui veulent intervenir sur le projet de loi n° 29 que j'ai appelé.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Si vous donniez raison au leader du gouvernement, c'est que vous auriez conclu que la loi qu'il vient d'appeler n'a rien à voir avec les fusions forcées. Je vous soumets respectueusement, M. le Président, qu'une lecture bien rapide de la loi sur laquelle vous vous apprêtez à présider nos débats vise à corriger des lacunes importantes de la loi sur les fusions forcées et de donner force et application aux fusions forcées.

n(17 h 30)n

Sans la loi qui est devant nous présentement, les fusions forcées ne pourraient fonctionner, parce que le gouvernement a commis trop d'erreurs dans le projet de loi qui a été adopté sous bâillon à l'Assemblée nationale du Québec. Si vous en venez à la conclusion ? c'est la première décision que je vous demande de rendre ? que la loi actuelle n'a rien à voir avec les fusions forcées, moi, M. le Président, je suis prêt à reprendre mon argumentation. Je vous soumets simplement que c'est au coeur du débat, M. le Président, que c'est inévitable et que vous vous êtes prononcé en faveur des fusions forcées devant 800 à 1 000... La salle était grande, M. le Président, c'était plein de monde. On a dit 1 000, c'était peut-être 1 200, c'était peut-être 800. Vous le savez, vous vous êtes prononcé, vous avez endossé, vous avez réitéré de votre siège de président de l'Assemblée nationale l'endossement en faveur d'un candidat qui ne peut pas être candidat si cette loi-là que nous nous apprêtons à discuter n'est pas adoptée par l'Assemblée nationale du Québec.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je vais suspendre les travaux pour quelques instants. Je vais parler avec mes conseillers. Je vais évidemment communiquer aussi avec d'autres personnes. Alors, je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

 

(Reprise à 17 h 43)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place.

J'ai rencontré les deux leaders des deux formations politiques et je vais prendre la question du député de Marquette et du leader de l'opposition officielle en délibéré. Et, mardi, au cours de notre dîner avec le président et les vice-présidents, j'en discuterai avec eux. Alors, je vais demander au vice-président du comté de Saint-Maurice de prendre ma place et je vous reviendrai mardi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons maintenant poursuivre le débat, et je cède la parole au député de... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour rappeler au vice-président qui vous a précédé sur le banc... M. le Président, nous avons évoqué, en séance de l'Assemblée nationale, certains arguments. Pendant son délibéré, M. le vice-président a convoqué le leader du gouvernement ainsi que le leader de l'opposition. J'ai à ce moment-là soulevé, en votre présence, M. le vice-président, une question additionnelle. Est-ce que la décision qui va être rendue mardi par la présidence de l'Assemblée nationale va également tenir compte de l'élément que j'ai soulevé en privé?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ce que le vice-président Bissonnet, député de Jeanne-Mance, a mentionné, c'est que mardi nous aurons une séance de travail au niveau de la présidence, le président et les trois vice-présidents, et nous allons approfondir les éléments que vous avez apportés lors de cette réunion avec le leader du gouvernement et les deux vice-présidents. Et, suite à ce travail, cette recherche, alors, à ce moment-là, les deux questions que vous avez soulevées fort possiblement seront traitées, et vous recevrez une réponse sur les deux.

Mais, à ce stade-ci, vous conviendrez qu'il faut absolument protéger, protéger la présidence. Comme vous avez soulevé certains doutes, il faut absolument qu'on donne une apparence... il faut que l'apparence d'impartialité soit maintenue en cette Chambre. Et le vice-président Bissonnet se retire. Mais nous allons approfondir définitivement la question que vous avez soulevée. Mais, pour la poursuite des débats actuels, je ferai le suivi jusqu'à temps que les travaux soient ajournés ce soir.

M. Paradis: Oui, M. le Président, je veux juste simplement vous indiquer que, si la présidence m'indique que l'argument sera considéré dans la décision qui sera prise, je n'insiste pas, étant donné que ç'a eu lieu en privé, que la présidence le mentionne dans sa décision. Je veux juste être rassuré sur le fait que l'argument va être pesé, soupesé et décidé.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, actuellement, ce que je peux vous mentionner, c'est que je peux pas présupposer ou supposer du verdict qui sera rendu en cette Chambre, mais bien entendu que les arguments que vous avez soulevés seront discutés au niveau de la réunion présidentielle qui aura lieu mardi midi. Ça va? Est-ce que, suite à cela, vous êtes... O.K. Alors, on va procéder. Et j'appellerais maintenant le député de Marquette. M. le député.

Question de règlement concernant la possibilité
de poursuivre l'étude du projet de loi n° 29
pendant que certaines dispositions du projet
de loi n° 170 sont contestées en cour

M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, M. le Président, avant d'aller plus loin, le troisième vice-président, lorsqu'il siégeait le 8 juin dernier, avait pris une question en délibéré sur une question de règlement que j'ai soumise et il devait revenir rendre sa décision. Pour vous éclairer, M. le Président, je vais vous situer, et ça va être très bref. Je mentionnais, le 8 juin dernier, je disais: «M. le Président, je vous soumets bien respectueusement que les articles du projet de loi n° 29...»

Le Vice-Président (M. Pinard): ...de règlement, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Question de règlement, oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

Une voix: ...

M. Ouimet: Sur la décision que devait rendre le troisième vice-président de l'Assemblée nationale. Si vous me permettez, M. le Président ? je vois qu'il n'est pas debout ? je veux juste compléter ma question de règlement. Écoutez-moi pendant trois ou quatre minutes, ça va vous situer.

Je soumettais, je disais: «Je vous soumets bien respectueusement...» Et c'était le troisième vice-président qui était... qui présidait nos délibérations, je lui disais: «Je vous soumets bien respectueusement que les articles du projet de loi n° 29, les articles 55 à 67, les articles 102 à 106 et les articles 102 à 238, ce qui constitue le coeur du projet de loi n° 29, c'est présentement devant les tribunaux.» Le leader adjoint du gouvernement a plaidé, M. le Président, et je cite les propos du député de Gouin: «Est-ce que je peux rappeler, pour votre considération, que le projet de loi de ma collègue vient modifier la loi n° 124? Celle qui est devant les tribunaux, c'est la loi n° 170.»

Le troisième vice-président, je lui ai soumis le fait que le député de Gouin lui avait donné une information qui était erronée, et le troisième vice-président devait aller vérifier le texte des galées avant de rendre sa décision. Il disait qu'il ne pensait pas l'avoir entendu. Or, M. le Président, c'était le deuxième argument qu'avait plaidé le député de Gouin. Le député de Gouin avait plaidé le fait que le projet de loi n° 29 venait modifier la loi n° 124 ? il était dans l'erreur ? et non pas le projet de loi n° 170.

Le troisième vice-président a dit ceci: «Moi, je n'ai pas entendu la ministre parler du projet de loi n° 124. Si ç'a été dit lorsque les micros étaient pas ouverts, je l'ai pas compris. Alors, moi, le 124, je l'ai pas entendu. Si vous voulez que je vérifie les galées», je les vérifierai.

Il était censé vérifier les galées. Nous n'avons toujours pas eu sa décision. M. le Président, le troisième vice-président lui avait soumis ceci: «Si vous voulez prendre cette importante question en délibéré, je vous invite à prendre cette motion en délibéré, ce qui nous permettrait de procéder à une motion d'ajournement de nos travaux.» C'est ce qui a été fait.

n(17 h 50)n

Cependant, M. le Président, nous ne savons aucunement à ce moment-ci si le troisième vice-président a effectivement... est allé, retourné voir le transcript de nos débats. Et, dans un deuxième temps, il n'a pas rendu de décision là-dessus. Ce sont des extraits des galées du 8 juin 2001, et ça se déroulait à partir de 17 h 40, et ça a procédé jusqu'à 18 heures, M. le Président. C'est quand même une question extrêmement importante, parce que, comme nous l'avions plaidé, le débat est présentement devant les tribunaux, et ce que nous avions soumis au vice-président, c'est que le projet de loi n° 170 venait modifier... le projet de loi n° 29 présentement sous étude vient modifier le projet de loi n° 170 et non pas le projet de loi n° 124.

Le Vice-Président (M. Pinard): Si vous le permettez, je vais prendre quelques instants.

Bon. Alors, écoutez, à ce stade-ci, vous allez comprendre que le troisième vice-président a quitté le salon bleu, et désirant se mettre à l'abri de problèmes... tout à fait normal de maintenir l'impartialité en cette Chambre. Et mardi... Ce que je peux vous assurer, M. le député de Marquette, c'est que mardi... Nous prenons une note, au niveau de la table, notre personnel de soutien va prendre une note. Et, moi, je m'engage auprès de vous, auprès de votre formation de vérifier mardi avec le troisième vice-président si effectivement les travaux ont été effectués et quelle est la réponse qu'ils doivent vous apporter. Parce que, comme je n'étais point présent lors de ces travaux, comme c'est pas moi qui ai pris en délibéré la question que vous posez, je me vois très mal être en mesure de vous répondre. Je ne suis absolument pas au fait de ces interrogations que vous avez demandées au troisième vice-président. Alors, moi, je suis carrément, là... excusez-moi, mais je suis carrément hors d'ordre en ce qui concerne ce dossier.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, comme nous devons poursuivre ce soir, suivant les intentions qui m'ont été annoncées par mon ami le leader du gouvernement, à compter de 20 heures nos travaux sur cette question et comme cette question doit être réglée avant que nous ne puissions poursuivre nos travaux, je vais vous remettre, si vous le permettez, ainsi qu'au personnel qui vous accompagne, pour une prise de décision, si possible dans l'intermission entre 18 heures et 20 heures, le transcript de ce qui s'est produit vendredi soir dernier, l'échange entre moi-même, le leader adjoint du gouvernement et la vice-présidence de l'Assemblée nationale.

Je vais également vous remettre, pour que vous le retrouviez rapidement, ce que je vous indique comme étant être la décision qui devrait guider la décision que vous avez à rendre et qui est une décision que l'on retrouve... qui date du 28 mars 1984. Le président s'exprimait ainsi: Dans les cas de poursuites civiles ? parce que nous sommes dans un cas de poursuite civile, c'était le président Richard Guay à l'époque, si ma mémoire ne me fait pas défaut ? on peut toujours s'y référer d'une manière générale, mais, lorsqu'on approche le coeur même du sujet et lorsque, en particulier, les remarques que l'on peut faire pourraient être de nature justement à porter préjudice à qui que ce soit, on s'apprête dangereusement au fur et à mesure qu'on s'approche du coeur du litige ? le coeur du litige étant les fusions forcées ? à aller à l'encontre d'un article du règlement. L'article du règlement, vous le connaissez bien, M. le Président, c'est l'article 35, alinéa 3.

Et je vais également vous remettre, M. le Président, et, si votre personnel peut en trouver d'autres, il pourra s'y alimenter, une décision importante qui a été rendue le 6 juin 1995 par le président de l'époque qui est aujourd'hui président de la Commission des services juridiques, Pierre Bélanger. Je le cite au texte: Maintenant, évidemment, quand c'est devant un tribunal civil ? on ne parle pas de poursuite pénale, là, un tribunal civil ? il faut faire attention à tout ce qui peut être dit en cette Chambre... que tout ce qui peut être dit en cette Chambre ne peut avoir une influence sur le procès qui est présentement en cours. Ce sont les deux décisions qui se rapprochent le plus.

Maintenant, vous avez à décider si le projet de loi qui est devant nous nous amène au coeur du débat de ce qui fait présentement l'objet d'une poursuite civile qui interpelle à peu près toute la communauté à Montréal, qui est surveillée de près par les gens de Dubuc, par les gens de Sherbrooke, par les gens de partout au Québec. Et je souhaite, M. le Président, je vous le dis comme je le pense, que vous puissiez rendre cette décision avant la reprise de nos travaux à 20 heures, parce que, si les députés ne peuvent s'adresser au coeur du débat, à quoi vont-ils s'adresser?

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition. M. le leader du gouvernement.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, en cette Chambre et en cette Assemblée, en vertu des pouvoirs qui sont conférés au Parlement, il y a des dizaines et des centaines de projets de loi qui sont débattus à chaque session et adoptés à chaque session. Si...

Une voix: ...

M. Brassard: Peut-être, peut-être. Mais supposons qu'à chaque projet de loi, n'importe quel projet de loi, un citoyen ? un citoyen, il y en a 7,5 millions ou à peu près, enfin il y en a peut-être un peu moins qui ont la majorité, mettons qu'il y en a 4 millions ? un citoyen pourrait entamer une démarche judiciaire et que, ce faisant, certains pourraient prétendre que ça mettrait un terme ou que ça suspendrait la procédure législative, vous imaginez un peu la situation? On tomberait dans le loufoque et surtout dans la confusion des pouvoirs, la confusion totale des pouvoirs.

Les décisions et la jurisprudence indiquent de façon très claire qu'il y a une séparation très nette entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire et que des poursuites ou des démarches devant les tribunaux, donc dans le cadre du système judiciaire, ne peuvent pas interférer, arrêter ou suspendre un processus législatif devant cette Assemblée. En vertu de la séparation des pouvoirs, il y a des... Sinon on pourrait être paralysé à plein temps, tout le temps. Il suffit qu'il y ait un citoyen qui dise: Bon, bien, moi, j'aime pas ce projet de loi là, j'entame une procédure judiciaire devant les tribunaux, puis tout s'arrête. Le Parlement serait complètement paralysé. Ça n'a aucun sens, on tombe dans l'absurdité la plus totale.

Alors, il est évident... Oui, je sais bien qu'il y a des poursuites judiciaires devant les tribunaux, qu'il y a des procédures judiciaires devant les tribunaux, je le sais, mais ça ne doit pas, d'aucune façon... Et, à cet égard, la jurisprudence est très claire, nos règles sont très claires: sur la base du principe fondamental de la séparation des pouvoirs, hein, le législatif doit... le judiciaire ne peut pas interférer dans le processus législatif de l'Assemblée. On en a un bel exemple avec le projet de loi n° 29.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: ...M. le Président, théoriquement, le leader du gouvernement a raison, mais vous allez comprendre facilement que c'est très rare qu'un citoyen conteste un projet de loi qui est pas adopté. La majorité des causes devant les tribunaux, et vous pouvez le vérifier avec votre secrétariat, la très vaste majorité des causes contestent des projets de loi qui ont déjà été adoptés par l'Assemblée nationale, et la théorie de la séparation des pouvoirs qui a été évoquée par mon bon ami le leader du gouvernement s'applique.

Nous sommes dans des circonstances exceptionnelles où vous avez de la jurisprudence exceptionnelle. Quand Richard Guay a été saisi d'une question de cette nature, il a statué pas strictement qu'il y ait une indépendance, puis qu'on peut parler de tout, puis qu'on peut affecter les causes devant les tribunaux civils, il a dit exactement le contraire de ce que le leader du gouvernement vient de dire. Quand le président de la Commission juridique du Québec, Pierre Bélanger, s'est prononcé en cette Chambre, il a dit exactement le contraire de ce que le leader du gouvernement... Ce que le leader du gouvernement vient de nous dire, c'est quelque chose qui n'a pas...

M. Brassard: ...

M. Paradis: ...qui n'a pas été reconnu par la jurisprudence. Il nous dit que c'est du gros bon sens, mais c'est pas le cas, M. le Président, parce que les citoyens attaquent généralement, majoritairement et presque exclusivement des lois qui ont déjà été adoptées par l'Assemblée nationale, les règlements qui ont été passés en vertu de lois adoptées par l'Assemblée nationale. Nous sommes dans un cas d'exception, et les décisions qui ont été rendues par vos prédécesseurs méritent d'être maintenues. Et le plaidoyer du leader du gouvernement mérite ? mérite ? M. le Président, d'être repris dans d'autres instances.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, messieurs...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, messieurs. Je vais suspendre nos travaux, et soyez certains qu'à 20 heures, à 20 heures ce soir, la décision vous sera communiquée. Entre-temps, à vous, je vous souhaite bon appétit. Quant à nous, on va aller travailler.

(Suspension de la séance à 18 heures)

 

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Comme je l'ai mentionné lors de la suspension de nos travaux, nous avons effectivement pris en délibéré la question du député de Marquette...

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition officielle.

Question de règlement concernant la possibilité
pour M. Pinard de présider les débats étant donné
sa prise de position publique sur ce sujet

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Avant que vous nous fassiez part de la décision que vous aviez prise en délibéré vers 18 heures, ce soir, compte tenu que le premier président de l'Assemblée nationale en est venu à la conclusion qu'il ne pouvait siéger sur ce projet de loi, compte tenu qu'un autre des vice-présidents a pris en délibéré une décision qu'il nous communiquera mardi prochain quant à ses déclarations sur les fusions forcées, est-ce que vous auriez à ce moment-ci des déclarations à faire à l'Assemblée nationale quant à certaines déclarations que vous auriez vous-même faites?

Le Vice-Président (M. Pinard): Je n'ai souvenance que d'une seule déclaration à l'effet que je n'ai pas l'intention de quitter mon siège de député du comté de Saint-Maurice pour me présenter à la mairie de la nouvelle ville, à moins que l'Assemblée nationale décide de modifier la loi actuelle qui permettrait aux députés de cumuler à la fois la tâche de député et de maire. Mais, dans les circonstances, dans les circonstances, j'ai assuré ma collectivité, ma population que je continuerai à travailler d'arrache-pied avec le plus de conscience professionnelle, avec ma façon de faire pour faire avancer de nouveau les dossiers de la future grande ville qui va probablement porter le nom de Shawinigan, une ville d'approximativement 55 000 habitants.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Paradis: Pendant la suspension de nos travaux entre 18 heures et 20 heures, des citoyens ont communiqué avec nous. Ils nous ont...

Des voix: ...

M. Paradis: M. le Président, il y a des gens qui ne saisissent pas là. Comme c'est le cas, le cas des deux autres vice-présidents, nous ne remettons pas en cause votre impartialité, mais nous vous soumettons que des citoyens nous ont informés que vous avez fait des déclarations publiques, que l'on peut retrouver dans les médias de votre région et sur le site Internet, quant à votre appui inconditionnel aux fusions forcées.

M. le Président, permettez-moi de vous rappeler quelques-unes des déclarations, dans le peu de temps mis à notre disposition, et les citoyens qui nous ont alertés nous ont dit que vos déclarations, à leurs yeux ? et c'est toujours subjectif ? sont pires que les déclarations qui avaient été faites par le premier vice-président de l'Assemblée nationale.

Je veux vous référer, M. le Président ? vous vous en souviendrez certainement ? à un article paru dans Le Nouvelliste, le vendredi 12 janvier 2001. Vous vous souvenez, M. le Président? et vous me direz si le...

Une voix: ...

M. Paradis: Vous en avez fait plusieurs, je sais que vous êtes très impliqué dans votre circonscription. Mais là ça débordait votre circonscription, ça touchait ce qu'on appelle l'application d'une législation sur le plan provincial. Vous auriez déclaré, suivant le journal Le Nouvelliste, et je le cite au texte, et c'est entre guillemets, donc ce sont des propos qui vous sont attribués, M. le vice-président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Que j'aimerais entendre.

M. Paradis: Pardon?

Le Vice-Président (M. Pinard): Que j'aimerais entendre.

M. Paradis: Oui, je vais...

Le Vice-Président (M. Pinard): Voulez-vous les répéter?

M. Paradis: Pas les répéter, je vais vous les dire: «"Lucien Bouchard est un modèle pour nous et il le restera", entre guillemets, de poursuivre Claude Pinard, en qualifiant de coup de poing cette annonce de son départ. Puis il passe en revue les réalisations de M. Bouchard en citant, lui aussi ? en citant, lui aussi ? la Loi de l'assurance-médicaments, les garderies et les fusions municipales forcées.»

n(20 h 10)n

Une voix: ...

M. Paradis: Non, c'est entre guillemets, y a des députés qui disent que «forcées» n'est pas dedans, mais vous connaissez le cadre législatif, vous avez vous-même présidé, M. le Président, en décembre dernier, l'adoption d'amendements sans que les députés puissent en discuter en cette Chambre.

Je vous réfère également, M. le Président, je vous réfère également, M. le Président, à un article du Nouvelliste du 30 mai 2001, l'avant-veille où le premier vice-président a décidé que, parce qu'il s'était prononcé sur les fusions forcées, il ne pouvait pas présider à nos débats, et je cite, M. le Président, au texte: «Samedi, après avoir rencontré les maires touchés par le rapport de Claude Gélinas, la ministre a par ailleurs rencontré les députés Désilets et Pinard, de même que le président de la Fédération de l'UPA de la Mauricie, Claude Trudel ? qui est un des candidats, là, annoncés. Le sujet aurait là aussi été ardemment discuté.» Vous étiez présent, M. le Président, vous savez...

Le Vice-Président (M. Pinard): Effectivement.

M. Paradis: ...ce dont vous avez discuté.

Le jeudi 31 mai 2001, M. le Président, Le Nouvelliste publiait ce qui suit: «De l'avis des députés de Saint-Maurice, Claude Pinard, et de Maskinongé, Rémy Désilets, l'idée de la ministre a beaucoup évolué, si bien que Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Grandes-Piles et Saint-Boniface-de-Shawinigan échappent maintenant au regroupement.»

Plus loin, on ajoute: «Claude Pinard s'attend lui aussi à des ajustements de la loi.» Puis on est justement dans une loi qui amende la loi sur les fusions forcées. Vous ajoutez, et c'est entre guillemets, M. le Vice-Président: «"Je ne crois pas que la portion rurale d'une MRC avec 12 000 habitants soit viable à côté d'une ville de 54 000 habitants", remarque-t-il. Selon lui, il pourrait être intéressant de ramener sur la table éventuellement la proposition de l'UPA visant à créer deux MRC rurales d'une part et, d'autre part, Rivière Saint-Maurice ? ouvrez les guillemets: "Ça pourrait, à tout le moins, donner une masse critique aux populations rurales, estime Claude Pinard. Ce n'est pas parce qu'on vient de passer un décret qui fixe les limites d'une nouvelle ville que les ruraux doivent se rasseoir et penser que tout est au beau fixe de leur côté. Il faut que le monde rural se prenne en main pour assurer son développement harmonieux. Pour ce qui est de la mise en place de nouvelles structures urbaines au centre de la Mauricie, tout indique que la ministre désignera un médiateur qui pourrait travailler en collaboration avec les élus municipaux. J'aimerais mieux que ce soit les maires et les fonctionnaires plutôt qu'un comité de transition formé de personnes extérieures, note Claude Pinard."»

M. le Président, je vous indique que ces propos de nature politique... Je ne vous dis pas si je suis pour ou si je suis contre les propos que vous avez tenus, vous en êtes maître, mais, en tenant ces propos, ce que je vous indique, M. le Président, c'est que vous vous êtes prononcé à l'intérieur du cadre du débat dont est saisie l'Assemblée nationale du Québec.

Le premier vice-président de l'Assemblée nationale, après avoir tenu des propos dans le cadre du même débat, a jugé approprié de se récuser de façon à ne pas laisser, je dirais, dans son cas, M. le Président, même pas une trace de partialité, mais une apparence de partialité. Cet après-midi, le vice-président de Jeanne-Mance, face à des déclarations de nature politique dans le cadre du même débat, a décidé, lui, non pas de se retirer, M. le Président, parce que sa décision n'est pas prise pour le moment ? il nous a indiqué que la présidence était pour se réunir en début de semaine prochaine et faire part de sa décision ? a décidé que, pour le moment, il n'était pas approprié qu'il siège pour entendre les discussions.

Comme vous-même avez prononcé ou vous êtes prononcé politiquement sur le débat dont cette Assemblée nationale est saisie ce soir, je vous invite, M. le Vice-Président, tout en vous maintenant complètement notre confiance, à prendre en considération et les propos que vous avez prononcés et les gestes qui ont été posés par la première vice-présidence de l'Assemblée nationale du Québec et par l'autre vice-président.

Cette question, M. le Président, a été tranchée par une décision de la présidence de l'Assemblée nationale il y a à peine quelques jours. C'est un débat qui interpelle l'ensemble de la population du Québec de façon plus ardente dans certaines régions du Québec, de façon moins ardente dans d'autres régions du Québec, mais tout le monde se sent interpellé et tout le monde a le droit à un débat qui soit présidé par un arbitre, par une présidence qui non seulement est neutre, mais qui a toute l'apparence de neutralité, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader de l'opposition officielle. Je... M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Pour le même sujet?

M. Brassard: Ah oui. Oui, oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Parce que je suis prêt à rendre immédiatement...

M. Brassard: Ah! dans ce cas-là, allez-y.

Décision du président

Le Vice-Président (M. Pinard): En ce qui me concerne, M. le leader de l'opposition officielle, je m'en réfère à la décision de la présidence de cette semaine. Et, dans la décision qui a été rendue cette semaine, il a été fait mention que, si le premier vice-président de l'Assemblée nationale se retire, c'est parce qu'il a travaillé à l'intérieur du processus législatif, il a été actif lors du travail en commission parlementaire. Alors, comme, moi, je n'ai pas... je ne me suis pas ingéré dans le processus législatif d'aucune espèce de façon, je n'ai que fait mon travail de député, au même titre que les membres ici, en cette Chambre...

Une voix: M. le Président, je m'excuse de vous interrompre...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Un instant, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Bon. Je ne prends pas de commande de personne. Vous m'avez interpellé. Vous me demandez poliment de me retirer. Vous me dites que je suis partial. Moi, je vous dis...

M. Paradis: C'est pas vrai. Ce n'est pas vrai.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je vous ai écouté religieusement. J'ai été poli à votre égard, je vous ai écouté. Vous m'avez donné vos argumentations. Moi, je vous rétorque, je vous rétorque tout simplement qu'à la lecture de la décision qui a été rendue ici par le président de l'Assemblée nationale, à laquelle j'ai participé ainsi que le premier et le troisième vice-présidents... mardi soir, on a travaillé là-dessus, sur cette décision-là, et ce qui a été retenu comme critère de partialité était le fait que, si un des vice-présidents, dans le cours normal de son travail, participe au travail législatif, à une des étapes législatives, à ce moment-là, le vice-président en question doit se retirer de son siège lors des débats de l'Assemblée.

Toutefois, il a été également accordé le fait que le vice-président, n'importe quel des trois vice-présidents, peut voter sur n'importe quel projet de loi lorsqu'on en arrive au processus final de l'adoption d'un projet de loi, pour ou contre. N'importe quel projet de loi.

Alors, ça, je vous invite à relire attentivement la décision qui a été rendue par le président Charbonneau. Et, moi, je maintiens que c'est le sens qui a été donné. Et je vous invite à relire la décision, parce que, si ce n'est pas ça, à ce moment-là...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez, j'ai...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez, j'ai participé pendant trois heures... Alors, moi, ma décision est rendue.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît, là! S'il vous plaît! S'il vous plaît, là!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! Laissez-moi... Laissez-moi travailler.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Laissez-moi travailler, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs! Messieurs! Messieurs! Messieurs! Messieurs!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs! Messieurs! Messieurs!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs! On en a déjà vécu des pires que ça, depuis six ans, là.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Non, mais, en ce qui me concerne, ça fait déjà six ans. Alors, prenons ça calmement. Vous m'interpellez sur un point, sur un point. Moi, je refuse votre opinion concernant ma partialité parce que j'ai travaillé dans mon comté. Oui, comme député, j'ai droit à mes opinions, j'ai le droit de les exprimer, mais je n'ai jamais participé au processus législatif en ce qui concerne le projet de loi en question, donc, ce qui me rend apte à siéger lors des débats sur ce projet de loi. Alors, à ce stade-ci, je refuse, je refuse carrément de me récuser comme président des débats sur ce projet de loi.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que vous accepteriez de suspendre quelques minutes pour aller relire vous-même...

Des voix: ...

n(20 h 20)n

M. Paradis: Non, non.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît, là!

M. Paradis: Est-ce que vous accepteriez de suspendre quelques minutes? La décision n'est pas longue, celle qui a été rendue par le président Charbonneau, elle est contenue dans cinq pages de texte. Et je m'excuse de vous le dire à ce moment...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, mais, M. le leader, j'en ai pris connaissance, de cette décision, je l'ai lue à plusieurs reprises et j'ai participé à la confection de la décision.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, monsieur... monsieur...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition...

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...je vous rappelle à l'ordre pour la première fois!

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous rappelle à l'ordre pour la deuxième fois!

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous rappelle à l'ordre pour la troisième fois!

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Dehors!

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Monsieur, je vous expulse de cette Chambre!

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je suspends les travaux et je reprendrai lorsque ce monsieur sera sorti. M. le sergent d'armes! Aïe! là, là, ça va faire!

(Suspension de la séance à 20 h 21)

(Reprise à 21 h 15)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

À mon grand étonnement, je considère... je constate que le leader de l'opposition officielle est toujours en cette Chambre, même après l'avoir expulsé. Mon rôle de président, j'essaie de le faire de la meilleure façon, en maintenant mon impartialité, en étant au-dessus des débats. Je considère que j'ai agi comme le règlement, la loi, la tradition, les us et coutumes le permettent. On m'a traité de menteur; j'ai réfuté. Les débats ont descendu à un niveau inférieur à ce qui se dit et qui se fait dans un sous-sol de taverne.

À ce compte-là, je vous demande une dernière fois de vous retirer.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à partir de ce moment-là, je tiens à vous dire que, moi, je n'ai pas l'intention de poursuivre le débat en cette Chambre alors que l'ensemble de la collectivité québécoise nous regarde, nous scrute et ont eu l'occasion d'assister à cette bouffonnerie ce soir.

Des voix: Vous êtes le responsable...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, en ce qui me concerne...

Des voix: Vous êtes le responsable...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...le président de l'Assemblée nationale se doit de maintenir l'institution au-dessus de certaines normes élémentaires, ce qui n'a pas été le cas ce soir. Et, à partir de ce fait, il est entendu que les débats devront se poursuivre ultérieurement. Et, moi, j'ai le privilège, en tant que président et pour maintenir le respect, si on en a encore, face à cette institution qu'est l'Assemblée nationale, je vous invite à vous retirer chacun dans vos comtés et j'ajourne les travaux à mardi matin, 10 heures.

M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, est-ce que ça veut dire que vous vous refusez à appliquer une décision que vous avez prise?

Le Vice-Président (M. Pinard): Ma décision, M. le leader, est toujours prise, mais je ne...

M. Brassard: Mais vous l'appliquez pas, M. le Président!

Le Vice-Président (M. Pinard): Mais je ne... Nous n'avons pas de...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je n'exigerai pas d'un service d'ordre, de la police de venir chercher le leader de l'opposition officielle pour le sortir de ces lieux!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il n'est pas...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il n'est pas suffisamment sérieux...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il n'est pas suffisamment sérieux pour connaître...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader, la caméra et le son est sur moi! Alors, je considère...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...je considère... Et je suis excessivement déçu ce soir, parce que, toujours, les deux leaders en cette Chambre ont toujours travaillé pour faire en sorte que les débats à l'Assemblée nationale soient maintenus à un niveau supérieur, qu'on n'assiste pas à des bouffonneries. Mais ce soir...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): J'ai dit...

M. Brassard: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je suis d'accord, monsieur... M. le leader du gouvernement, je suis parfaitement d'accord, je n'ai pas à vous impliquer dans cela. Mais il n'en demeure pas moins que pour... pour le respect... pour le respect de l'institution, je crois fermement que mon devoir comme président de l'Assemblée ce soir et le seul et dernier président qui peut siéger ici ce soir...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...alors, j'ajourne donc nos travaux à mardi matin, 10 heures.

Une voix: Bravo!

Ajournement

(Fin de la séance à 21 h 19)



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