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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Thursday, November 23, 2000 - Vol. 36 N° 142

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Table des matières

Affaires du jour

Présence du délégué de la communauté française et de la Région wallonne de Belgique, M. Jules Gheude

Présence de Mme Pierrette Cardinal, ex-députée de Châteauguay

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants avant le début de nos travaux.

Affaires du jour

Merci beaucoup. M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît, vous nous appelez...

M. Boisclair: M. le Président, l'article 40.

Projet de loi n° 139

Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 40. À l'article 40 de votre feuilleton, Mme la ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du projet de loi n° 139, Loi sur le notariat.

Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 139? Alors, Mme la ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Merci, M. le Président. Alors, c'est avec beaucoup de fierté que nous proposons aujourd'hui de procéder à la dernière étape législative du projet de loi n° 139, qui vise l'adoption, bien sûr.

Alors, en préambule, je tiens à souligner d'abord que la Loi sur le notariat n'a pas fait l'objet de modifications significatives depuis près de 30 ans et qu'une adaptation des dispositions de cette loi était devenue essentielle.

Ainsi, à l'image d'un notariat québécois moderne, tourné résolument vers l'avenir, le projet de loi n° 139 propose des mesures de nature à permettre aux notaires du Québec de faire leur marque dans le cadre de la mondialisation des marchés en mettant à profit notamment les nouvelles technologies de l'information. De la plume d'oie de l'encrier, le notaire passera à la signature électronique; du gratte-papier, il passera au greffe informatisé.

Le projet de loi constitue donc une première, d'abord au Québec, puisqu'il est le premier projet portant sur un ordre professionnel qui habilite les nouvelles technologies, puis mondiale, puisqu'il est le premier projet au monde à proposer l'usage aux notaires de ces nouvelles technologies, tant pour la réception des actes que pour leur conservation.

Je ne saurais, M. le Président, vous exprimer suffisamment la portée du geste que nous posons aujourd'hui et toute l'importance que celui-ci a sur la profession des notaires au Québec. Alors, je suis donc fière d'avoir participé avec les membres de cette commission à la concrétisation de cette révision qui permettra aux notaires québécois de moderniser leur pratique et de relever les défis qu'offre l'ère nouvelle de la mondialisation et de la modernisation.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition en matière de lois professionnelles, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. C'est un honneur et un privilège pour moi de prendre la parole aujourd'hui à l'occasion de l'adoption finale du projet de loi n° 139, Loi sur le notariat, Bill 139, Notaries Act.

Avant de commencer, M. le Président, je voudrais clarifier un point. Il est vrai que j'exerce la profession de notaire depuis 1965, mais, aujourd'hui, je m'adresse à vous en ma qualité de député et de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'application des lois professionnelles, et mes propos résultent d'une analyse approfondie du projet de loi n° 139 et des commentaires recueillis lors de nos travaux en commission parlementaire.

J'aimerais vous faire un court rappel historique de cette noble profession qu'est le notariat. Le notariat, issu du Régime français, commence son histoire dès le début de la Nouvelle-France.

M. le Président, l'honorable juge Édouard Rinfret, dans son livre intitulé Histoire du Barreau de Montréal, citant un extrait du livre de Me Maréchal Nantel, L'histoire du droit et du Barreau, mentionne, et je cite: «Comme on l'a déjà vu et comme le note Nantel ? citation ? "avant l'Ordonnance de 1785, on n'exigeait aucune préparation des praticiens; les avocats étaient de simples fonctionnaires cumulant les fonctions de notaires et d'arpenteurs et détenant leur patente de gouverneur qu'on leur octroyait selon leur caprice ou sous la pression d'influences plus ou moins recommandables".» Fin de la citation.

n(10 h 10)n

Le juge Rinfret continue ainsi ? citation: «L'ordonnance du 6 avril 1785 qui a suivi marque une date importante et des plus déterminantes dans l'évolution de notre histoire, et ce, à un double point de vue. Elle édictait des règles précises sur l'éducation requise pour devenir avocat et elle ordonnait la séparation des professions d'avocat, de notaire et d'arpenteur.» Fin de la citation.

C'est cependant en 1847 que les notaires du Québec décident de se regrouper en organisation professionnelle dont l'objectif premier est la protection du public, mais c'est au chapitre XXXIX des lois du Parlement de l'Union, le 10 août 1850, que l'on retrouve une première énumération des pouvoirs du notaire.

M. le Président, cette profession dynamique, aux racines profondes, a su enrichir le monde juridique québécois par sa vision particulière du droit. L'histoire nous démontre d'ailleurs que les notaires ont toujours été associés de près au développement social, économique et culturel de notre province.

M. le Président, le notariat, c'est plus de 150 années de dévouement auprès de la population du Québec. C'est l'expression d'une complicité bâtie au fil des années entre ces professionnels du droit et les hommes, les femmes et les familles de notre société québécoise, une complicité issue du respect et du partage des connaissances des notaires de toutes les régions du Québec au profit des individus. Les notaires sont des juristes et des conseillers juridiques dont l'expertise est de plus en plus recherchée, particulièrement par le monde des affaires. Le notariat, au Québec, est unique sans pour autant être un phénomène isolé. En effet, la profession notariale existe dans tous les pays de droit latin et est en évolution dans d'autres pays.

As you can see, Mr. Speaker, notwithstanding its history and more than 150 years of tradition, the Québec notarial field stays one which is a modern profession. The notaries know how to adapt to the present social and economic context and to the new international and national environment. Aware of the challenges posed by internalization and globalization of the markets and the increase of competition, the notaries of Québec have also understood that, in a competitive market, customer service can make all the difference.

Mr. Speaker, the bill before us today for final adoption has been long due in coming, since the Notaries Act has not been modified for a good number of years. I would like to pay tribute to the Board of notaries, their officers, members, staff, and, lastly but surely not least, their current president, Me Denis Marsolais, who is with us here today in the balcony, a man who distinguishes himself by his timeless devotion to the notarial profession and its Order. Those who benefit from this man's efforts are not only members of the Order but the entire population of the province of Québec. And we owe a great deal of thanks to this very fine gentleman.

M. le Président, nonobstant le soutien qu'offriront les membres de l'opposition officielle à l'adoption du projet de loi qui est devant nous, c'était notre responsabilité, comme législateurs, d'examiner en détail, comme nous l'avons fait lors des travaux de la commission des institutions, chaque article du projet de loi n° 139. Nous croyons fermement qu'il était de notre devoir de demander des précisions, de questionner certaines dispositions et de proposer des amendements à la ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Je suis d'ailleurs heureux que le gouvernement ait reconnu l'importance et la pertinence de deux amendements proposés et qu'il les ait adoptés.

J'ai l'intention, M. le Président, d'utiliser le temps qui m'est alloué aujourd'hui pour justement commenter certains aspects et certaines dispositions du projet de loi n° 139. Le but premier du projet de loi était de moderniser la Loi sur le notariat afin d'adapter la pratique aux nouvelles réalités technologiques en permettant entre autres aux notaires de signer des actes sur un support autre que sur un support papier. Les notaires pourront également constituer des greffes communs détenus en indivision par les notaires qui y versent leurs actes notariés en minute ainsi que des greffes sociaux détenus par des sociétés en nom collectif de notaires.

L'objet visé par la conservation des actes dans un greffe commun ou social est d'assurer la continuité des greffes et aussi d'encourager les notaires à se regrouper en grandes études notariales ou encore de privilégier une approche multidisciplinaire afin de mieux répondre aux besoins de ceux et celles qui requièrent des services professionnels dans un milieu hautement compétitif.

Bien que je comprenne pertinemment les buts visés par ces dispositions, je me suis questionné, et je le fais encore aujourd'hui, sur la possibilité d'atteindre les résultats recherchés et également de savoir si vraiment un grand bureau sera plus efficace et servira mieux les intérêts du public. J'ai partagé avec mes collègues de la commission parlementaire certaines de mes appréhensions à cet égard et je voulais également vous les exprimer aujourd'hui.

M. le Président, je crois notre rôle fort important, et, bien que nous voulions moderniser une loi pour l'adapter aux réalités de l'an 2000, il ne faut surtout pas hésiter à passer le temps qu'il faut pour examiner en profondeur ce projet de loi qui révise entièrement la profession notariale afin de nous assurer qu'au moment où il recevra des services efficaces et de qualité le public sera adéquatement protégé.

L'article 5 du projet de loi n° 139 prévoit la possibilité pour l'Ordre des notaires du Québec d'établir sa propre école de formation professionnelle. Mes collègues de l'opposition officielle et moi avons soulevé la nécessité qu'il y ait uniformité du programme d'études et du programme de formation de cette école qui pourrait être créée avec les programmes des trois écoles de formation qui existent actuellement à l'Université Laval, l'Université de Montréal et l'Université de Sherbrooke. M. le Président, vous comprendrez qu'il est essentiel que le client qui fera affaire avec un notaire diplômé de l'un de ces établissements soit assuré qu'il obtiendra les mêmes standards de compétence, de qualification et de qualité.

L'opposition officielle a discuté également, lors de l'étude en commission parlementaire, du financement du fonds d'indemnisation maintenu par l'Ordre des notaires qui, en vertu des dispositions de l'article 5.2, pourra désormais trouver des sommes additionnelles par voie de donations, legs, revenus des comptes généraux tenus en fidéicommis par les notaires et le Fonds d'études notariales.

La commission parlementaire a obtenu des réponses à ses questionnements sur cet article du président lui-même de l'Ordre des notaires du Québec, qui nous a assuré que le fonds d'indemnisation détenait les ressources suffisantes, mais que cette nouvelle disposition permettrait de trouver des sommes supplémentaires, advenant une catastrophe, pour indemniser les citoyens lésés.

n(10 h 20)n

Le président de l'Ordre des notaires du Québec est d'avis que l'utilisation de cet argent s'inscrit adéquatement dans leur mission première de protection du public. Avec tout le respect que je lui dois, je suis cependant d'opinion que tout transfert d'argent devrait, avant d'être effectué, être examiné attentivement par l'Office des professions du Québec et le gouvernement afin de s'assurer que cette démarche soit juste, motivée et raisonnable.

M. le Président, la mission du notaire est définie aux articles 9 et 10 du projet de loi n° 139. Le premier paragraphe de l'article 9 tel qu'amendé stipule ce qui suit, et je cite: «9. Le notaire est un officier public. Il collabore à l'administration de la justice, il est également un conseiller juridique.»

Comme nous le savons, M. le Président, la mission principale du notaire, à titre d'officier public, est d'agir par délégation de l'État pour assurer le caractère d'authenticité des conventions et déclarations signées par une ou plusieurs parties. Ce caractère d'authenticité a une signification très particulière et est un concept très difficile de contester, sauf par l'inscription en faux.

L'obligation pour le notaire d'agir avec impartialité dans le cadre de sa mission d'officier public fait l'objet d'une disposition spécifique du projet de loi n° 139, que l'on retrouve à l'article 10. L'opposition officielle a demandé à la ministre d'ajouter la notion que nous considérons fondamentale, soit celle de l'intégrité à celle de l'impartialité, mais cette demande fut refusée. Nous croyons pourtant qu'un professionnel pourrait être impartial dans l'exercice de ses fonctions sans pour autant être intègre. Nous avons donc demandé aux représentants du gouvernement ? mais ils n'ont pu nous répondre ? de nous expliquer ce qui arriverait dans le cas où une transaction aurait lieu en présence de deux parties dont l'une serait représentée par avocat et l'autre non. Le notaire devant agir avec impartialité, nous ne croyons pas que l'individu qui ne bénéficie pas des conseils d'un avocat pourrait recevoir un traitement impartial, puisqu'il n'aurait pas accès aux mêmes conseils juridiques.

M. le Président, l'opposition officielle a aussi manifesté une certaine inquiétude face à l'article 14, sous-paragraphe 6°, qui touche l'exercice de la profession, et il se lit comme suit:

«14. L'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 15, nul autre qu'un notaire ne peut, pour le compte d'autrui ? et le sous-paragraphe 6° se lit comme suit:

«6° faire toute mise en demeure résultant d'un acte qu'il a reçu, pourvu qu'elle soit faite sans frais contre la personne à qui elle est adressée.» Fin de la citation.

Nous avons demandé à la ministre si nous devions comprendre, par le libellé, que ceci incluait également les avis de délaissement et autres avis semblables consécutifs à la réalisation de défauts par un emprunteur hypothécaire. La prétention de la ministre a été à l'effet que les frais, dans de tels cas, seraient de la responsabilité des emprunteurs, alors que la mienne est que, dans les faits, ceux-ci seront directement ou indirectement payés par la personne à qui l'avis sera adressé.

M. le Président, l'opposition officielle s'est questionnée aussi sur le respect de la vie privée des citoyens au moment où les nouvelles dispositions du projet de loi n° 139 seront mises en application et plus particulièrement lorsque le notaire devra s'acquitter de son obligation d'attester de l'identité, de la qualité et de la capacité d'une personne pour accomplir ou passer un acte notarié.

Le gouvernement nous a assuré que le notaire n'aura pas à indiquer à l'acte passé devant lui et subséquemment enregistré les informations personnelles et privées qu'il aurait recueillies sur le client, à savoir ses date et lieu de naissance et son numéro d'assurance sociale, bien qu'il doive prendre tous les moyens nécessaires pour remplir les obligations prévues par la loi.

M. le Président, nous avons aussi étudié avec beaucoup d'attention l'article 17 tel qu'amendé. Et je me permets de vous faire la lecture de cet article tel qu'amendé que nous avons soutenu pour adoption:

«17. Demeure assujetti aux dispositions du Code des professions et de la présence loi le notaire:

«a) qui agit à titre d'arbitre, de médiateur ou de planificateur successoral;

«b) qui, dans l'exercice de ses fonctions, se livre à une opération de courtage immobilier, tel que prévu à la Loi sur le courtage immobilier ou à des activités en valeurs mobilières pour lesquelles il bénéficie d'une dispense d'inscription prévue par la Loi sur les valeurs mobilières.» Fin de la citation de cet article.

M. le Président, dans l'ancien article 4.3 de la Loi sur le notariat, tant dans sa version française qu'anglaise, on retrouvait la possibilité pour le notaire d'utiliser le terme «title attorney». Or, cette possibilité n'existait plus au niveau du projet de loi n° 139. Nous avons, l'opposition officielle, fait comprendre à la ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles qu'il était de pratique courante pour les notaires qui transigent avec des clients hors province et hors pays de se servir de l'appellation «title attorney» et que ce n'était certes pas leur rendre service que de leur enlever ce droit et plus particulièrement alors que l'une des raisons pour réviser la Loi sur le notariat est justement de permettre aux professionnels de s'adapter au contexte de mondialisation. M. le Président, il me fait plaisir de vous dire qu'un amendement a été apporté à l'article 18 du projet de loi n° 139, suite à mes commentaires, afin d'inclure la permission pour le notaire d'utiliser le terme «title attorney».

Quant à l'article 21 du projet de loi n° 139, il introduit un important concept dans la pratique notariale, à savoir l'utilisation d'un code ou d'une marque spécifique au moment de transactions électroniques qui aura la même valeur et la même authenticité qu'une signature apposée sur support papier. M. le Président, ce mode de signature sera accessible aux notaires qui en feront la demande auprès du secrétaire de l'Ordre des notaires. Ceci permettra aux notaires de recevoir un acte ou d'autres documents sur un support autre que le papier et ils pourront éventuellement effectuer aussi leur enregistrement par le même procédé. Les conditions et les modalités d'attribution de ce code ou marque spécifique pour tenir lieu de signature seront définies au règlement qui sera adopté par le Bureau de l'Ordre, conformément à l'article 96 du projet de loi n° 139.

n(10 h 30)n

Malheureusement, M. le Président, le règlement qui devra être adopté par l'Ordre n'étant pas disponible, il ne pouvait être étudié au moment des travaux de la commission parlementaire. M. le Président, j'aimerais d'ailleurs exprimer les inquiétudes de l'opposition officielle à ce sujet en général, mais plus particulièrement sur le fait que le projet de loi faisait justement référence à plusieurs règlements sans que nous ayons la possibilité de les examiner.

M. le Président, le gouvernement devrait prendre en considération les recommandations du comité de réflexion sur le travail des commissions, qui statuait clairement que les règlements auxquels il est fait référence dans les projets de loi devraient être déposés au même moment, afin qu'ils puissent éclairer les travaux et ainsi permettre aux parlementaires réunis en commission parlementaire une étude en profondeur.

M. le Président, vous n'êtes pas sans savoir que l'introduction d'une signature numérique dans le cadre des fonctions du notaire est une étape importante dans l'adaptation de la profession notariale aux nouvelles réalités technologiques qu'il ne faut pas prendre à la légère. De toujours, on a reconnu le caractère solennel d'un document notarié. Il ne faudrait pas perdre cette qualité au seul profit de la modernisation.

M. le Président, l'opposition officielle s'est penchée aussi sur l'article 28 du projet de loi qui prévoit qu'un notaire qui, en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, fait cession de ses biens, est l'objet d'une ordonnance de séquestre ou a fait une proposition refusée ou annulée doit en aviser immédiatement le secrétaire de l'Ordre qui, lui, devrait retirer son nom du tableau de l'Ordre. M. le Président, ce notaire pourrait cependant demander à être réinscrit. C'est alors le comité administratif de l'Ordre qui déciderait si ce notaire peut reprendre l'exercice de la profession s'il considère que la protection du public n'est pas en danger et qui pourrait imposer certaines limitations.

Bien que nous reconnaissions l'importance de cet article, l'opposition officielle aimerait que le gouvernement fasse preuve de compassion envers ce notaire dont il est évident que la faillite n'est aucunement reliée et n'affecte en rien sa pratique professionnelle et n'est donc pas susceptible d'entacher son obligation de protection du public. En effet, M. le Président, ce notaire devra faire face à un processus long et pénible en attendant de pouvoir être réintégré à la profession, ce qui causerait un préjudice certain à sa crédibilité comme professionnel et aux liens de confiance qu'il a établis avec ses clients au fil des années.

M. le Président, nous avons aussi discuté de cette question épineuse et malheureusement toujours présente qu'est l'exercice illégal de la profession. Le président de l'Ordre des notaires s'est prononcé à ce sujet à la suite d'une question de l'opposition officielle et a rappelé avec justesse d'ailleurs que l'Ordre doit toujours être vigilant pour prévenir et se prémunir contre l'exercice illégal de la profession. Les dispositions des articles 40 et 41 du projet de loi n° 139 concernent l'impartialité du notaire, et nous avons tenté de rallier le gouvernement à notre opinion qu'il était essentiel d'y ajouter la notion de probité.

L'article 40 indique, je cite: «Un notaire ne peut recevoir un acte dans lequel lui ou son conjoint est ou représente l'une des parties.» Fin de citation de cet article. L'opposition officielle a suggéré que l'on ajoute les parents en ligne directe à cette liste d'exception, ce qui a été refusé par la ministre.

Quant à l'article 41, il mentionne que, sous réserve des dispositions de l'article 40, l'acte reçu par un notaire qui est parent ou allié de l'une des parties et celui reçu par un notaire qui est dirigeant ou employé d'une personne morale qui est partie à l'acte conserve son caractère authentique. Afin de préserver l'impartialité, l'intégrité et la neutralité du notaire, l'opposition officielle a suggéré que, dans les cas prévus à l'article 41, ce notaire ait l'obligation d'annexer à l'acte une déclaration spéciale dénonçant son intérêt, ce qui fut refusé par le gouvernement.

Nous avons soulevé également, M. le Président, lors de notre étude en commission parlementaire, le concept du notaire délégué. C'était au moment de nos discussions sur l'article 49 du projet de loi, alors que nous avons stipulé que le notaire délégué a l'obligation de faire lecture et d'offrir les explications nécessaires sur le contenu de l'acte. L'opposition officielle a fait connaître au gouvernement sa désapprobation sur quelques items de cet article pour les motifs suivants.

Premièrement, nous avons mis en cause cette pratique courante de certaines banques et institutions financières qui font préparer leurs dossiers de prêts par leurs avocats pour ensuite envoyer les documents par la poste à un notaire délégué qui recevra la signature. Ce procédé privera et, en fait, prive actuellement les citoyens et les notaires des régions de pouvoir établir une vraie relation professionnel-client solide et durable, M. le Président, cette relation qui se bâtit au fil des ans, alors que le professionnel qui peut représenter un client plus d'une fois devient familier avec ses besoins, son caractère, son profil financier et souvent l'histoire des membres de sa famille, ce qui est réciproque également pour ce client qui deviendra plus à l'aise avec son professionnel, sera satisfait de ses services et ne va pas hésiter à lui demander des conseils.

Il faut bien se rendre compte que le notaire qui prépare un dossier du début à la fin a un rôle bien différent de celui du notaire délégué. Et nous devons faire bien attention, en adoptant ce projet de loi, de ne pas priver le citoyen de sa relation très importante avec son notaire. L'opposition officielle a tenté d'apporter une solution au gouvernement, celle où le débiteur-emprunteur ne pourrait pas signer un acte de prêt devant un notaire délégué. Mais cette solution, qui aurait protégé le notaire, a été refusée par le gouvernement au moment de notre étude en commission parlementaire.

M. le Président, l'opposition officielle est aussi préoccupée par la disposition du second paragraphe de l'article 49 du projet de loi n° 139, qui prévoit que ? et je cite ?  «la signature de toute partie à un acte notarié peut être donnée en présence d'un autre notaire que le notaire instrumentant pourvu que ce dernier reçoive la dernière signature; la signature peut aussi être reçue par un notaire habilité à exercer dans un État dont l'ordre professionnel est membre de l'Union internationale du notariat latin et qui est désigné par résolution du Bureau, pourvu que cette signature soit reçue dans les limites territoriales de l'État dans lequel ce notaire exerce ses fonctions». Fin de la citation.

n(10 h 40)n

M. le Président, nos inquiétudes sont de plusieurs natures. En effet, nous nous demandons comment un notaire issu d'une juridiction différente pourra adéquatement expliquer à l'individu ou aux individus qui se trouvent devant lui le contenu de l'acte faisant l'objet de la transaction dans toutes ses ramifications, alors qu'il n'a pas étudié et n'est pas au courant de notre système juridique.

M. le Président, il est inévitable que l'article 49 tel que rédigé causera beaucoup de difficultés aux notaires du Québec confrontés avec ce genre de situation, spécialement dans leur examen des titres des actes de cette nature. Rien à cet article ne répond aux questions suivantes: Premièrement, qui doit s'assurer auprès de l'Ordre des notaires du Québec que le notaire étranger répond aux exigences de l'article 49? Deuxièmement, même si le notaire étranger fait partie d'un ordre professionnel qui fait l'objet d'une entente avec l'Ordre des notaires du Québec, qui nous dit qu'il est membre en règle, qu'il ne fait pas l'objet d'une radiation ou d'une suspension? Troisièmement, nous savons que les délais sont souvent très importants pour l'accomplissement des transactions. Alors, quel sera le délai dans lequel l'Ordre des notaires du Québec devra répondre à ces questions? Et, finalement, qui, à l'Ordre des notaires du Québec, sera responsable de répondre à ces demandes et est-ce qu'il y aura des frais?

M. le Président, l'opposition officielle croit fermement qu'avant de mettre en pratique une disposition semblable, un mécanisme aurait dû être prévu au projet de loi n° 139 par lequel le notaire d'une juridiction extérieure aurait eu l'obligation, avant de signer cet acte, d'y annexer un certificat émanant de son ordre professionnel établissant qu'il est bien membre en règle de son ordre et qui serait certifié par l'Ordre des notaires du Québec.

M. le Président, l'article 50 du projet de loi n° 139 a aussi retenu notre attention parce qu'il vient permettre qu'un acte notarié soit lu aux parties non seulement par le notaire lui-même mais aussi par un tiers commis par lui, c'est-à-dire pratiquement n'importe quelle personne. Il s'agit d'une disposition extrêmement importante pour le public. J'ai tenté de faire comprendre à la ministre que cette obligation faite par la loi aux notaires n'implique pas seulement la lecture comme telle, cette lecture implique de donner les explications nécessaires à la compréhension du contenu de l'acte en question.

M. le Président, cette responsabilité qui incombe aux notaires est d'une importance telle que le législateur en fait une obligation. Alors, je ne comprends donc pas comment on peut confier cette tâche à quelqu'un qui n'a pas les compétences et les qualifications requises par l'Ordre des notaires du Québec, et je crois sincèrement que ceci va à l'encontre du respect de la protection du public.

Par la suite, en réponse aux préoccupations soulevées par l'opposition officielle ayant trait à la possibilité ou non que le greffe du notaire soit tenu dans un endroit autre que le Québec, le gouvernement a déposé un amendement à l'article 61 du projet de loi n° 139. Nous étions en effet sérieusement concernés par le fait que nulle part dans le projet de loi nous ne retrouvions des dispositions empêchant un notaire de déménager son greffe à l'extérieur du Québec, ce qui, pour nous, affectait grandement la protection du public.

Comment en effet un citoyen pourrait reconstituer une chaîne de titres ou rechercher une série d'actes? Et pensez à ce qu'il lui en coûterait s'il devait se promener partout dans le monde, au gré des déménagements des différents notaires consultés. Je suis donc heureux de voir que le gouvernement a compris nos interventions et accepté les arguments de l'opposition officielle, puisque, maintenant, l'article 61, tel qu'amendé en commission parlementaire, prévoit, et je cite: «Les actes reçus en minutes par un notaire doivent être versés dans un greffe conservé au Québec ou dans tout lieu qui permet d'assurer la conservation du greffe, et qui est déterminé par résolution du Bureau.» Fin de la citation.

M. le Président, comme je l'ai mentionné au début de ma présentation, le projet de loi, par certaines de ses dispositions, vient favoriser le regroupement de notaires en larges études, motivé par des objectifs de modernisation et de globalisation. M. le Président, ce concept de «société en nom collectif», qui n'est d'ailleurs pas nouveau dans le monde juridique, est cependant nouveau pour la profession notariale. À ce nouveau concept se rattache aussi l'introduction de trois types de greffe dont le choix sera à l'entière discrétion du notaire: premièrement, le greffe individuel; deuxièmement, le greffe commun; et, troisièmement, le greffe social.

Le projet de loi nous dit que le greffe commun est celui constitué par des notaires et qui est détenu par ceux-ci en indivision. Le greffe social est celui constitué par des notaires exerçant leur profession sous la forme d'une société en nom collectif. Bien que l'opposition officielle soit consciente qu'un regroupement de notaires puisse encourager et favoriser la concentration de ressources tout en réunissant sous un même toit ou dans une même étude des spécialistes de divers domaines du droit notarial, nous sommes quand même inquiets de la possibilité que le client perde ainsi le service personnalisé auquel il était habitué et qui a fait la réputation des notaires.

Qu'arrivera-t-il également des greffes communs ou sociaux, M. le Président, au moment des déménagements ou de cessation de partenariats des notaires? Le greffe ne suivra pas nécessairement le notaire au moment de son départ. Ceci sera un autre inconvénient pour la clientèle du notaire, puisque la continuité, la disponibilité des actes et l'efficacité du travail du notaire seront mises en cause.

M. le Président, le projet de loi n° 139 nous a également appris que la ministre de la Justice et Procureur général du Québec sera maintenant aussi Notaire général du Québec. À ce titre, il lui sera permis de maintenir des greffes communs pour l'usage des notaires de la fonction publique québécoise. Cette nouvelle fonction reflète bien la réalité de notre système juridique québécois où deux ordres professionnels distincts sont représentés, et j'en suis fier: le Barreau et la Chambre des notaires.

En terminant, M. le Président, je veux vous dire que nous voterons en faveur de l'adoption du projet de loi n° 139 et que mes collègues de l'opposition officielle et moi sommes très heureux d'avoir pu contribuer, avec l'appui des membres des divers ordres professionnels et des représentants du ministère de la Justice, à cette démarche fort constructive visant à repositionner la profession notariale auprès de la population du Québec initiée par la Chambre des notaires du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee et également critique officiel de l'opposition en matière de lois professionnelles. Nous cédons maintenant la parole à M. le député de Dubuc. M. le député.

M. Jacques Côté

M. Côté (Dubuc): Merci, M. le Président. Permettez-moi de prendre quelques secondes pour vous dire combien je suis fier, d'abord comme député, mais aussi comme notaire, d'avoir participé aux travaux qui ont procédé à l'adoption imminente de cette loi, une loi du notariat moderne, une loi qui permettra à tous les notaires du Québec d'avoir en main les instruments nécessaires au développement de leur profession.

n(10 h 50)n

Vous savez, M. le Président, le notariat a toujours été tourné vers l'avenir. La profession de notaire, le notariat, n'a pas attendu les années; il a été une des premières professions au Québec à permettre l'utilisation de l'informatique dans la réalisation des travaux de ses membres. Le notariat est également ouvert sur le monde, M. le Président. Le notariat fait partie de plusieurs associations, dont l'Union internationale du notariat latin, et il ne faut pas oublier qu'avec la Zone de libre-échange des Amériques, qui sera en force, qui est en train de se construire et qui devrait prendre force en 2005, le notariat sera outillé pour justement faire face à ces changements très importants qui vont survenir dans les échanges.

Le notaire québécois, officier public, conseiller juridique, sera donc le professionnel tout désigné pour les transactions en matière électronique comme certificateur de l'identité de la capacité des parties à des actes. Et c'est pour cette raison, M. le Président, que je suis fier de participer à l'adoption de cette loi.

Je termine ? parce que je sais que je n'ai pas beaucoup de temps ? en disant tout simplement que le notariat a toujours été associé au Québec moderne et qu'il le sera davantage avec l'adoption de cette nouvelle loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Dubuc. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 139?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous désirez intervenir sur le sujet, M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Boisclair: Sachant, M. le Président, que vous êtes vous-même notaire, il y aurait consentement pour vous permettre de vous exprimer quelques instants sur cette question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Il y aurait consentement, M. le Président. Nous serions heureux d'écouter votre point de vue sur cette importante loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie infiniment de permettre au président de la Chambre actuel d'exposer son point de vue sur ce projet de loi. Merci, M. le leader adjoint, merci, M. le critique de l'opposition.

Alors, je fais miens les propos qui ont été exprimés en cette Chambre par Mme la ministre de la Justice, également par le critique officiel de l'opposition, qui est également un collègue, un confrère, le député de D'Arcy-McGee, ainsi que par le député de Dubuc.

Je crois, moi aussi, personnellement, que c'est un projet de loi qui projette la profession au XXIe siècle. C'est un projet de loi qui va permettre à tous les collègues, confrères, consoeurs, de pouvoir exercer leur profession avec un avenir beaucoup plus prometteur.

Je tiens à féliciter les partis, à la fois l'opposition officielle et le gouvernement, d'avoir travaillé avec beaucoup de diligence. Ce matin, je pense que tous les collègues, consoeurs, confrères, vont être véritablement très heureux de l'adoption de ce projet de loi.

Alors, ceci met fin, je crois...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous désirez intervenir? Alors, nous cédons la parole maintenant au député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Je tiens, moi aussi, à intervenir sur cet important projet de loi et signaler le travail exceptionnel, la collaboration qu'il y a eu dans l'étude article par article entre la ministre, qui n'était pas notaire mais qui néanmoins a démontré une certaine ouverture d'esprit, et l'expert qu'a été dans ce dossier le député de D'Arcy-McGee, qui, lui, comme vous le savez, M. le Président, comme vous, est notaire. Et je dois signaler aussi, parce que je suis membre de la commission des institutions, le travail important du député de Dubuc, qui a une longue expérience du notariat et qui a fait profiter cette commission de son expertise.

M. le Président, il est rare dans ce Parlement, où bien souvent on a tendance à s'invectiver de part et d'autre, de voir une collaboration de cette qualité, et je voudrais ici, au nom de l'opposition officielle, remercier particulièrement mes deux collègues, le député de Dubuc et le député de D'Arcy-McGee. Je me permets... Oui, on peut applaudir, vous avez raison.

Je voudrais cependant, M. le Président, signaler un petit point. On ouvre la porte, évidemment, aux nouvelles technologies dans ce projet de loi. Ceux qui travaillent actuellement sur l'autre projet de loi qui va toucher les actes notariés, à savoir le projet de loi n° 115, voient les difficultés que l'on a actuellement pour avancer quant aux nouveaux supports qui vont être propres dans les actes. Vous comprenez que, si, dans le temps, on écrivait sur parchemin avec de l'encre de Chine, etc., et qu'on avait des sceaux, il est clair que les nouvelles technologies amènent à devoir se poser des questions quant à l'utilisation des nouveaux supports.

Je n'ai qu'un regret, si vous me permettez. Et je veux encore féliciter une deuxième fois ? et c'est rare que je le fasse deux fois, parce qu'après je ne le ferai plus dans les autres projets de loi dans lesquels on va commencer ? le gouvernement sur le dépôt du projet de loi n° 161 sur les transformations de l'information. Le député de Vimont, qui est le ministre responsable de l'autoroute électronique, comme vous le savez, M. le Président, a déposé un important projet de loi quant aux nouveaux supports, c'est-à-dire la sécurisation de l'information sur les nouveaux supports, qu'ils soient magnétiques, électroniques, voire optiques, pour le futur.

J'aurais peut-être souhaité, si vous me permettez... On a le même problème ici, dans la Loi sur le notariat, que nous avons à l'intérieur de la loi n° 115. J'aurais souhaité que l'on retarde peut-être un peu l'adoption de ce projet de loi pour voir toute la complexité... la réflexion ? je dis bien «la réflexion» ? qui avait été mise de l'avant par le comité mis sur pied par le député de Vimont, ministre responsable de l'autoroute électronique, qui avait été à même d'aborder ces questions. Et on aurait pu intégrer et amener certains amendements quant aux nouveaux types de supports pour les questions des actes notariés. Ça pourra évidemment faire l'objet, M. le Président, d'amendements plus tard, ça pourra faire l'objet de choses qui seront modifiées dans le futur.

Je terminerai en rappelant quand même la question qui a été soulevée par mon collègue, parce qu'elle m'a inquiété, moi aussi, et je suis sûr qu'elle vous inquiète, comme je suis sûr qu'elle doit inquiéter aussi le député de Dubuc: à l'article 50, le fait qu'un notaire peut faire lire l'acte par un tiers qu'il désigne et qu'on ne précise pas les qualifications que doit avoir ce tiers. Je me permets, et vous êtes notaire... Je sais ce que les gens vont me répondre: Tout membre d'une corporation professionnelle est tenu de s'assurer que, dans son code d'éthique, il fasse en sorte que, lorsqu'un acte professionnel est posé, il soit posé dans les normes et en fonction de la pratique courante. Je le sais. Mais j'aurais peut-être souhaité, comme l'a soulevé d'ailleurs le député de D'Arcy-McGee, et probablement le député de Dubuc, et probablement vous-même aussi, M. le Président, qui avez été membre de cette commission... qu'il est important, le cas échéant, de s'assurer que la personne qui lit l'acte ne soit pas n'importe qui.

Je sais qu'un notaire responsable ne fera pas lire son acte par n'importe qui, il a probablement du personnel qui est à même de pouvoir faire une telle lecture si lui-même ne peut pas le faire. Et, bien souvent, vous le savez, M. le Président, les secrétaires juridiques sont bien aussi compétentes, bien des fois, que certains notaires, je pense que vous en convenez sans difficulté. Mais il aurait été important et utile qu'on le précise dans la loi. Je dois dire qu'il y a là un petit regret de notre part, regret que nous aurions voulu voir corrigé.

Je termine cette intervention que je veux brève, M. le Président, en réitérant mes félicitations à mon collègue le député de D'Arcy-McGee, mes félicitations à mon collègue le député de...

Une voix: ...

M. Gautrin: Pardon?

Une voix: ...

n(11 heures)n

M. Gautrin: Oui. Et je dois, M. le Président, comme me le signale mon collègue le député de D'Arcy-McGee... Je voudrais saluer, dans les galeries, le président de la Chambre des notaires qui suit nos débats. Et je pense qu'on peut ici l'applaudir pour la collaboration qu'il a faite à nos travaux.

Alors, en terminant, je pense qu'on arrive à un projet de loi qui va être adopté ici à l'unanimité des personnes présentes. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le projet de loi n° 139, Loi sur le notariat, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Boisclair: En espérant, M. le Président, la même collaboration de l'opposition...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: ...je vous demanderais de prendre en considération l'article 37 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 102

Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 37 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 14 novembre 2000 sur l'adoption du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives.

Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du projet de loi n° 102? M. le député de Kamouraska-Témiscouata avait terminé son intervention. M. le député de Verdun interviendra à titre de représentant de l'opposition officielle. Il a donc droit à 60 minutes, à moins qu'il ne fasse motion pour transmettre son droit de parole à un autre collègue, en vertu de l'article 100. Alors, à ce stade-ci, je dois entendre le député de Verdun.

M. Bordeleau: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Est-ce qu'on doit comprendre que le débat sur le projet de loi n° 102 est terminé et qu'on est rendu maintenant à la réplique du porte-parole de l'opposition?

Le Vice-Président (M. Pinard): Non. Je demanderais au député de Verdun de bien vouloir reprendre sa place afin que j'aie une communication avec ce dernier. Alors, M. le député de Verdun, vous aviez donc demandé l'ajournement du débat. Et, en vertu de notre règlement, vous avez le choix: ou bien vous prenez immédiatement votre temps de parole ou vous cédez votre droit de parole, votre priorité de parole.

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. D'accord.

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, non. Vous ne perdez pas votre temps de 60 minutes, monsieur, comme je l'ai bien mentionné. Mais je vous demande, à ce stade-ci: Est-ce que vous désirez vous prévaloir immédiatement...

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, je serais prêt maintenant à reconnaître le député de l'Acadie. M. le député, vous avez un temps de parole de 10 minutes.

M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, j'ai déjà eu l'occasion d'intervenir dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, il y a quelques semaines, M. le Président. Et je trouve important, à cette étape-ci, parce qu'on est rendu à la dernière étape pratiquement du processus législatif qui nous emmènera, disons, à un vote final sur ce projet de loi, d'intervenir encore une fois auprès du gouvernement pour faire part de mes commentaires mais surtout des commentaires que j'ai eus de mes concitoyens retraités.

J'ai eu l'occasion, M. le Président, la semaine dernière de discuter avec des retraités de mon comté, de discuter avec eux, disons, du contenu du projet de loi n° 102. Je dois vous dire que ces concitoyens acceptent difficilement la voie que prend actuellement le gouvernement dans le cadre de ce projet de loi. Alors, essentiellement, pour résumer un peu la situation, il s'agit d'un projet de loi qui va affecter un très grand nombre de citoyens retraités. Au Québec, on parle de 600 000 à 700 000 personnes qui sont retraitées et qui bénéficient de régimes de retraite complémentaires. Alors, c'est beaucoup de personnes.

Essentiellement, le noeud du problème vise à savoir comment on peut utiliser les surplus actuariels qui se sont développés dans les régimes de retraite au cours des dernières années. On sait que, au fur et à mesure qu'on a eu une croissance économique rapide dans les dernières années, nombre de régimes de retraite se sont retrouvés avec des surplus actuariels, et il y avait un caractère flou, un peu, à savoir comment on pouvait utiliser ces revenus. Le gouvernement veut clarifier cette situation-là. Je pense que, à ce niveau-là, c'est sûrement une bonne décision. Mais, essentiellement, le problème qu'il reste à ce niveau-ci, c'est le rôle ou l'exclusion, de façon plus précise, qu'on réserve aux retraités. Alors, on sait, comme je l'ai mentionné, qu'il existe actuellement des surplus actuariels excessivement importants.

Et qu'est-ce qui s'est passé au cours des dernières années, M. le Président? On a juste à retourner une couple d'années en arrière et on va prendre connaissance que, compte tenu du vague qui existait à ce niveau-là, on a vu des employeurs décider de ne pas cotiser aux régimes de retraite compte tenu qu'il y avait des surplus actuariels. Alors, ça a été le cas d'employeurs et ça a été aussi le cas d'employés actifs. Il y a eu des négociations, et les gens s'entendaient, soit l'employeur soit les syndicats. Dans certains cas, bon, il y avait des frictions compte tenu que les règles n'étaient pas très, très claires, mais, essentiellement, ce qui est arrivé, c'est que les employeurs et les employés actifs se sont donné des congés de cotisation.

Et ces congés de cotisation là, M. le Président, ont été pris où? Ont été pris sur les surplus actuariels qui existaient dans les régimes de retraite. Ces surplus actuariels, ils viennent d'où exactement? Bien, ils viennent du fait qu'il y avait des gens qui étaient là avant, qui ont cotisé, puis qui ont possiblement cotisé plus que ce qui était nécessaire. Mais on sait que c'est toujours difficile à établir parce qu'on marche avec des prévisions. Alors, il y a eu des revenus d'intérêts ou des placements qui ont été très avantageux, et on s'est réveillé avec ces surplus-là. Mais, essentiellement, les surplus qu'on récolte aujourd'hui viennent des cotisations qui ont été faites par les retraités dans le passé. Et qu'est-ce qui s'est passé essentiellement? Bien, c'est qu'on a souvent pris avantage de cette situation favorable des régimes complémentaires de retraite pour donner des congés de cotisation aux employeurs et aux employés, et les retraités, on ne s'en est pas occupé. Ça, ça existait comme ça parce que c'était vague.

Mais là, ce qui est plus dangereux, c'est qu'on veut maintenant rendre ça plus clair, mais ce qu'on rend plus clair aussi, c'est qu'on va exclure de façon définitive les retraités. On ne leur donnera pas le même rôle qu'on donne, par exemple, à l'employeur ou aux syndicats qui représentent les employés actifs. On nous dit: Ah oui! mais les retraités vont être représentés par les syndicats. Vous savez très bien, M. le Président, qu'un syndicat s'occupe des gens qui paient régulièrement les cotisations, et les retraités ne paient plus de cotisations. Et on sait très bien qu'on arrivera facilement à des conflits d'intérêts, parce qu'un syndicat va défendre les intérêts de ses membres actifs et non pas les intérêts des cotisants passés, qui sont aujourd'hui devenus des retraités. Et il n'y aura personne qui va prendre l'intérêt de ces personnes-là, M. le Président.

Juste pour illustrer ça, par exemple, un syndicat qui se réveillera avec des employés relativement jeunes, bien il prendra des décisions qui sont à l'avantage de jeunes employés dans cette dynamique, disons, des plans de retraite. Et les retraités qui ne cotisent plus, bien ils ne seront pas représentés par ces gens-là. Ce que les retraités demandent, M. le Président, ils demandent d'être représentés et d'avoir un rôle décisionnel, pas un rôle consultatif comme le gouvernement veut faire à partir du projet de loi n° 102 où on dit: On va les consulter. Mais on n'a pas à les consulter, on doit leur permettre de décider, parce que les revenus supplémentaires qui existent actuellement ont été accumulés parce que eux ont cotisé hier ou avant-hier.

Et quelle est la situation des retraités? On le sait très bien, on a des retraités dans nos comtés, partout. Et je dois vous dire, par exemple, que, dans le comté de l'Acadie, les retraités ne sont pas des gens qui roulent sur l'or. C'est des gens qui vivent avec des revenus fixes, souvent très, très, très raisonnables, et il n'y a pas d'exagération de ce côté-là. Et ces gens-là ont payé leur maison, par exemple, vivent dans une petite maison. Et, au cours des dernières années, bien, ce qu'on a vu, c'est des augmentations de taxes. On a vu ça régulièrement. Je pense à la taxe scolaire, aux taxes foncières. Et, un jour ou l'autre... J'en ai vu combien depuis 10 ans, M. le Président, des retraités qui sont venus me dire: Écoutez, là, je suis rendu que je ne pense plus d'être capable de pouvoir rester dans ma maison parce que, avec la retraite que j'ai, moi, je n'ai pas de revenus additionnels puis je ne peux pas compter avoir des revenus additionnels, j'arrive difficilement à boucler... Les taxes que j'ai à payer, l'entretien de la maison, etc., je pense que je vais devoir vendre. Et ce n'est pas leur choix. Leur choix, ce serait de demeurer chez eux, dans leur quartier, dans le milieu qu'ils ont choisi. Mais ces gens-là, souvent, ont des systèmes de retraite où il n'y a pas d'indexation.

n(11 h 10)n

Alors, imaginons, M. le Président, que ces retraités-là auraient un rôle décisionnel au même titre que les employeurs et que les employés actifs dans l'utilisation qu'on va faire des surplus actuariels des régimes complémentaires. Ces gens-là pourraient défendre le point de vue qu'il pourrait y avoir une indexation de leur retraite, compte tenu qu'il y a des surplus actuariels, ou qu'il pourrait y avoir des augmentations, tout simplement, du niveau de retraite, parce que ces argents-là ont été mis là et ont fructifié à partir des argents qu'eux-mêmes ont déposés là-dedans. Et ça avantagerait à ce moment-là grandement la qualité de vie de ces concitoyens retraités.

Alors, ce qu'on fait avec le projet de loi n° 102, c'est qu'on les exclut définitivement. On va les consulter, mais ceux qui vont décider, ce sera les employeurs et les syndicats qui représentent les employés actifs. Et c'est ça, M. le Président, qui est inadmissible. C'est inadmissible qu'on exclue de cette catégorie des citoyens qui ont, dans le passé, cotisé à ces régimes et qui ont fait en sorte qu'on se réveille aujourd'hui avec des surplus actuariels.

M. le Président, on a eu énormément de représentations dans les comtés sur ce projet de loi n° 102. Malheureusement, le temps passe rapidement, mais je dois vous dire qu'à peu près toutes les associations de retraités souhaitent qu'on les inclue au même titre que l'employeur et les employés actifs dans les décisions éventuelles qui seront prises sur l'utilisation des surplus.

Et je veux juste vous énumérer un peu le nombre de regroupements qui nous ont fait valoir leur point de vue: l'Association des employés retraités de la ville de Montréal et de la Communauté urbaine de Montréal, l'Alliance des associations de retraités, l'Organisation des retraités de l'entretien et du transport de Montréal, l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, l'Alliance des associations de retraités prestataires des régimes complémentaires de retraite du Québec.

Alors, je pourrais vous dire exactement... Malheureusement, le temps nous manque, mais j'aurais aimé ça parler en leur nom en vous lisant ce qu'ils nous disent, eux, dans les correspondances qu'ils nous ont fait parvenir. C'est un cri du coeur, M. le Président. On est en train d'exclure aujourd'hui 700 000 citoyens du Québec qui ont le droit ? et c'est une question d'équité et de justice ? de décider avec leurs partenaires, les employés actifs et les employeurs, de l'utilisation qu'on fera des surplus accumulés à partir de l'argent qu'ils ont eux-mêmes déposé dans les fonds de retraite complémentaires.

Alors, encore une fois j'amène le même message que j'ai fait il y a quelque temps et je souhaiterais que le gouvernement, pour une fois, manifeste du respect à l'égard de ces citoyens et que le ministre qui s'appelle le ministre de la Solidarité sociale ne soit pas celui de l'exclusion sociale, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement, une question en vertu de 213.

M. Boisclair: Le député vient de faire des accusations assez graves. Est-ce qu'il me permettrait au moins, en vertu de notre règlement, de lui poser une question?

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous accepteriez? Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, on nous accuse de tous les maux. Est-ce que le député est capable de me nommer une seule autre province ou un seul autre État américain qui accorde des droits aux retraités comme la loi québécoise les accorde? Ne doit-il pas convaincre ou conclure que c'est au Québec que les retraités auront le plus de droits? Pourquoi s'offusquer de cette façon quand il sait la comparaison?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: M. le Président, je pense qu'au Québec on est capables de décider par nous-mêmes de quelle façon on veut traiter nos retraités. Je pense que ce sont des gens qui ont contribué à la société québécoise, qui ont même contribué monétairement aux surplus qu'on a accumulés aujourd'hui. Et je pense qu'on est capables de décider, nous, du respect qu'on veut attribuer à la catégorie des citoyens retraités.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie. Nous allons poursuivre notre débat. Je cède maintenant la parole, pour un temps de 10 minutes, à Mme la députée de Sauvé. Mme la députée.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Comme la très grande majorité de mes collègues, je considère extrêmement important de prendre la parole sur le projet de loi n° 102, projet de loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, comme je l'ai fait également au printemps dernier lors de l'adoption du principe de ce projet de loi et que je l'ai fait à chacune des étapes de ce projet de loi.

M. le Président, ce projet de loi, et bien sûr avec le projet de loi sur les fusions municipales forcées, est l'un des projets de loi pour lesquels j'ai reçu le plus de lettres, le plus de commentaires et, je pourrais même dire plus que ça, le plus de témoignages de la part de citoyens de mon comté, le comté de Sauvé, qui comprend une bonne part de personnes âgées et donc de personnes retraitées. Ces citoyens sont venus témoigner à mon bureau, ou par lettre, ou par envoi par courrier électronique de leur profond désarroi et de leur incompréhension vraiment totale du fait qu'on ait choisi délibérément... Parce qu'il y a eu de multiples tentatives pour convaincre du fait qu'on devrait prendre en considération les retraités dans ce projet de loi. Vraiment, ils ont une profonde incompréhension de ce silence que l'on fait autour de leurs revendications du côté gouvernemental.

M. le Président, il faut rappeler que ce projet de loi est très contesté. C'est un projet de loi qui a fait place à nombre de pétitions, à des manifestations, même, entre autres dans le comté du ministre qui présente ce projet de loi. Je pense qu'il faut se mettre en marche, à l'écoute de ces citoyens et citoyennes. Je pense qu'il faut faire le parallèle avec le projet de loi sur les fusions forcées au niveau municipal. On se drape dans certains consensus alors qu'en fait il y a une personne qui est oubliée, et c'est le simple citoyen. Ici, ce pour quoi je plaide, c'est qu'on se rappelle qu'il y a, à la base de notre démocratie, un citoyen qui veut être entendu, qui veut être écouté, qui veut être respecté. Et ici, nommément par le projet de loi n° 102, ce sont nos citoyens retraités.

Juste pour vous dresser un peu le portrait de cette contestation extrêmement importante qui sévit actuellement à l'échelle du Québec, j'aimerais citer un article publié dans Le Devoir du 19 août dernier, par Gérard Bérubé, qui fait un bon résumé de la situation. On y dit que «le ministre de la Solidarité sociale a obtenu l'appui des organisations patronales et syndicales avec son projet de loi n° 102, mais au prix d'une opposition généralisée à l'ensemble des associations de retraités. Si les deux premières se voient conférer plus de pouvoirs quant à l'utilisation des surplus, c'est donc dire que la troisième partie ? on fait ici référence aux retraités ? s'en voit retirer. L'Alliance des associations de retraités, comprenant 30 associations, 70 000 retraités, est, dans son combat, appuyée par l'Alliance des associations de retraités et d'aînés du Québec, l'Association québécoise de la défense des droits des retraités et préretraités du Québec, la Fédération de l'âge d'or et même l'organisme gouvernemental conseiller de ce gouvernement, l'organisme gouvernemental qu'est le Conseil des aînés. Ce front commun ? je vous rappelle que je cite un article du 19 août dernier ? s'est élargi cette semaine avec l'expression de solidarité manifestée par l'Association des retraités de l'enseignement du Québec qui représente 33 000 membres.» M. le Président, le journaliste, entre autres, conclut ainsi: «Au total, les associations mobilisées représentent plus de 1 million de membres.» M. le Président, nous sommes donc devant une contestation extrêmement importante et qui peut dégénérer.

Je pense qu'il faut à ce moment-ci, dans cette ultime étape vers l'adoption de ce projet de loi, rappeler des principes de base. C'est le fait que, entre autres, pour nous, pour le Parti libéral du Québec, et pour un bon nombre bien sûr des gens qui contestent ce projet de loi, il y a une réalité de base incontestable, c'est qu'un régime de retraite, c'est d'abord un contrat qui crée une fiducie et qui implique quatre parties, et non pas deux comme l'établit le projet de loi n° 102, mais bien quatre parties qui sont l'employeur, les employés syndiqués bien sûr, les employés non syndiqués cadres et les bénéficiaires ou, si vous voulez, les retraités.

Il y a un déséquilibre à l'intérieur du projet de loi n° 102 qu'on invite le ministre à corriger. Ce déséquilibre, c'est bien sûr quant à l'utilisation des excédents d'actif en cours d'exercice. Ce que nous recherchons, c'est une approche plus équilibrée, en fait, M. le Président, non seulement plus équilibrée, mais, il faut dire, carrément plus équitable entre ces différentes parties au contrat. Puisqu'une caisse de retraite, donc, lie quatre parties, il est vraiment inéquitable d'en exclure, comme les retraités. On ne peut pas demander à deux parties, soit la partie patronale et la partie syndicale, de décider comment on va disposer, utiliser des choses qui appartiennent en fait aussi à d'autres personnes, à d'autres parties. Donc, il est injuste que les employés syndiqués et l'employeur se partagent à eux seuls la part des surplus des régimes de retraite.

n(11 h 20)n

Parce qu'il faut se rappeler aussi d'une chose fondamentale et qui, je pense, explique vraiment l'appel, le cri du coeur des retraités, c'est que, pour eux, ils ont l'impression, et c'est plus qu'une impression, c'est qu'ils ont la conviction que cet argent qui a été déposé dans les caisses de retraite, c'est bel et bien leur argent. C'est leur salaire, en fait, M. le Président. On a pris une partie de leur salaire, qu'on a disposée dans cette caisse de retraite. Mais, en fait, pour eux, c'est du salaire différé, et il est inconvenant et inéquitable que, tout d'un coup, ils n'aient plus leur mot à dire sur la disposition de leur salaire différé.

Il faut réaliser jusqu'à quel point, émotivement, les retraités accordent bien sûr de l'importance à leur caisse de retraite et à la disposition de surplus, puisque c'est synonyme de leur sécurité financière. C'est leur épargne, M. le Président, c'est leur sécurité financière. Et, tout d'un coup, on fait fi du fait qu'ils puissent être une partie décisionnelle. Donc, il y a un aspect, je pense, vraiment bien terre-à-terre qu'il faut rappeler, c'est un aspect d'équité.

Il faut aussi rappeler quelque chose, M. le Président, c'est que la loi reconnaît déjà aux retraités un certain droit de regard sur l'argent de leur caisse de retraite, et ça, c'est en terminaison de régime. En terminaison de régime, le partage des excédents d'actif se fait entre tous les participants, qu'ils soient actifs ou non actifs. Pourquoi les retraités seraient-ils seulement consultés et non pas partie prenante à la décision lorsqu'il est question des excédents d'actif en cours de régime?

Ce projet de loi, M. le Président, est injuste. Et il est encore temps de corriger la situation, d'autant plus que nous nous en allons, si ce projet de loi est adopté tel quel, vers une saga juridique qui va être assez interminable. Je pense que, collectivement, en cette Assemblée, nous sommes ici, je l'espère, pour faire du bon travail, pour adopter de bonnes lois au bénéfice de l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec et, entre autres, bien sûr au bénéfice de nos retraités. Or, M. le Président, déjà, de nombreuses associations ont indiqué au gouvernement et au ministre responsable du dossier leur ferme intention de procéder à des contestations devant des tribunaux.

M. le Président, j'aimerais ici rappeler au ministre certaines informations dont il a bien sûr pris connaissance, mais il faut aussi les rappeler en cette Chambre. Premièrement, par exemple, la position de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université qui rappelle au ministre qu'elle regroupe plus de 8 000 membres, que ce sont tous des membres actifs de régimes de retraite et qu'ils sont donc directement concernés par ce dossier. Lors de la commission parlementaire, cette Fédération a rappelé que le législateur était parfaitement en mesure de répondre favorablement aux demandes équitables des retraités concernant l'utilisation des régimes de retraite.

J'aimerais aussi rappeler au ministre cette résolution adoptée par le conseil d'administration de l'Association des employés retraités de la ville de Montréal et de la Communauté urbaine de Montréal, qui indique que ce projet de loi est inéquitable et qui rappelle au ministre que «si, malheureusement, le gouvernement devait maintenir sa position quant au projet de loi ? je cite le document, M. le Président ? nous, membres du conseil d'administration de l'Association des employés retraités de la ville de Montréal et de la Communauté urbaine réunis en assemblée le 8 novembre 2000, promettons d'informer tous nos membres et autres retraités de la ville de Montréal et de la Communauté urbaine sur les effets néfastes de cette loi et de livrer bataille au gouvernement du Québec autant sur les plans juridique que politique».

Hier, M. le Président, le 21 novembre dernier, c'est l'Alliance des associations de retraités prestataires de régimes complémentaires de retraite qui adoptait la résolution suivante: «Il est résolu à l'unanimité qu'advenant que le projet de loi n° 102 soit adopté tel quel l'Alliance des associations de retraités prestataires de régimes complémentaires de retraite du Québec contestera cette loi devant les tribunaux.»

M. le Président, afin d'éviter une saga juridique, mais surtout au nom de l'équité pour les retraités du Québec, on invite ce gouvernement à revoir son projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Sauvé. Nous allons maintenant céder la parole au député de Beauce-Nord. M. le député.

M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. J'interviens sur l'adoption du principe du projet de loi n° 102, loi modifiant les régimes complémentaires de retraite. Ce projet de loi vise les régimes de retraite privés et donne droit à l'employeur et aux syndicats de disposer des excédents de la caisse de retraite, excluant ainsi du processus décisionnel les employés non syndiqués et les employés retraités.

M. le Président, l'apparition de ces surplus soulève de nombreuses questions. À qui appartiennent ces surplus? Comment en disposer? Faut-il accorder des congés de cotisation ou améliorer les bénéfices du régime? La loi actuelle reconnaît qu'une partie des sommes qui constituent un régime de retraite appartient aux retraités. Malheureusement, le ministre de la Solidarité sociale refuse d'appliquer ce principe à son projet de loi et s'obstine à mettre en place une mécanique qui exclut les centaines de milliers de retraités du processus décisionnel.

Les retraités revendiquent le droit de participer à l'utilisation des surplus, mais ils revendiquent également un droit de recours ou l'arbitrage si la décision les brime. Or, ces droits, M. le Président, les retraités, ils y ont droit au même titre que tous ceux qui ont cotisé à ces régimes de retraite. D'ailleurs, ils ont démontré leur mécontentement en manifestant à plusieurs reprises, soit sous forme de rencontres massives ou d'envoi de lettres.

Ce projet de loi bâillonne les retraités, et c'est avec raison qu'ils doivent se rebeller et dénoncer ce projet de loi. Le 10 octobre dernier, l'Alliance des associations de retraités prestataires des régimes complémentaires de retraite du Québec adressait aux membres de l'Assemblée nationale une correspondance faisant l'objet des recommandations des participants à l'assemblée publique des retraités tenue le 28 septembre 2000 à Montréal: «La réunion, qui a regroupé 700 participants, a une fois de plus démontré la solidarité des aînés et des retraités contre la tentative du gouvernement du Québec de brimer les droits des retraités avec son projet de loi n° 102.»

Toujours selon ce même envoi, M. Guy Huot, président de l'Alliance, nous rappelle que «le projet de loi n° 102 détourne au profit des employeurs et des syndicats le droit de décider de l'utilisation de tous les surplus des caisses de retraite. Ce projet du gouvernement enlève aux retraités toutes les possibilités de participer équitablement aux décisions qui les concernent et de contester une injustice lors de l'utilisation des surplus de leur caisse de retraite.

«Les retraités représentent 47 % des participants et ont contribué à 50 % de l'actif des caisses de retraite du Québec. Les cotisations qui ont été payées dans les caisses de retraite par les employeurs font partie du salaire des travailleurs. L'argent des caisses de retraite appartient aux retraités et aux employés actifs, syndiqués ou non. Les employeurs sont les fiduciaires et non les propriétaires des caisses. Les syndicats ne représentent pas les retraités. Un régime de retraite est un contrat auquel le groupe de retraités est participant.

«Notre Alliance s'est engagée à continuer la lutte pour dénoncer le gouvernement et faire connaître les droits des retraités dans les régimes complémentaires de retraite», de conclure M. Huot.

Il semble logique que, dans une situation de surplus, l'indexation des rentes de retraite soit nécessairement envisagée, puisqu'une grande partie de l'argent constituant le régime appartient à ceux qui sont retraités. Sans indexation, les retraités perdent d'année en année leur pouvoir d'achat, et ce, en raison de l'inflation et de l'augmentation du coût de la vie. De ce fait, ils s'appauvrissent.

M. le Président, le Parti libéral du Québec s'est clairement prononcé contre le principe du projet de loi n° 102. Les dispositions entourant l'utilisation des surplus sont inacceptables dans la mesure où elles favorisent indûment deux des quatre parties au contrat, c'est-à-dire les employeurs et les employés actifs. Notre porte-parole le député de Verdun a déposé des amendements créatifs qui auraient permis une approche innovatrice et simple impliquant l'ensemble des parties à la prise de décision, sur: le remboursement des cotisations patronales versées aux excédents pour réduire un éventuel déficit actuariel passé; l'équité entre chaque groupe qui a contribué à la constitution des surplus; le maintien d'une réserve raisonnable. Ces amendements ont été rejetés du revers de la main par les députés péquistes. Ces modifications auraient permis une équité entre les groupes liés au contrat du régime, mais on ne partage pas les principes de justice et d'équité du côté péquiste.

J'ai ici une autre missive. Celle-ci est de la Fédération québécoise des professeurs d'université qui nous demande, nous, membres de l'Assemblée nationale, de joindre ses amendements. Ils trouvent aberrant que les retraités soient à la merci de décisions relevant d'une négociation dont ils sont exclus. Le ministre fait la sourde oreille, M. le Président.

Une autre lettre ici. M. le Président, elle concerne l'Association des employés retraités de la ville de Montréal et de la CUM. Celle-ci demande de revoir les orientations du ministre de la Solidarité sociale et précise que, s'il y a maintien de la position, ils s'engagent à livrer bataille.

Le ministre continue donc, avec l'arrogance qu'on lui connaît, de faire fausse route avec un projet de loi divisant. Devant cette situation, M. le Président, nous, de l'opposition officielle, ne pouvons être d'accord sur le principe du projet de loi n° 102. Je joins ma voix à mes collègues libéraux et je voterai donc contre le principe de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Beauce-Nord. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, je m'empresse d'adresser une question à mon collègue de Beauce-Nord.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que, M. le député de Beauce-Nord, vous acceptez de répondre?

M. Gautrin: Vous qui connaissez bien la situation en région et particulièrement dans la Beauce, est-ce que vous pourriez nous expliquer l'effet pernicieux que pourrait avoir ce projet de loi sur les Beaucerons?

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Beauce-Nord.

n(11 h 30)n

M. Poulin: Il faut comprendre que, M. le Président, 700 000 personnes sont concernées par ce projet de loi. Ça touche plusieurs retraités de la région de la Beauce, des gens qui souvent ont de la difficulté à rejoindre les deux bouts. On le sait, avec les augmentations du coût du pétrole, avec les augmentations de toutes sortes, avec les taxes qui ont été imposées par ce gouvernement-là, on se doit, on va dire, de rattraper le pouvoir d'achat qu'on a perdu. Je pense qu'il aurait été équitable que les retraités de la région de la Beauce, de l'ensemble du Québec puissent profiter de ces argents-là en indexant leur pension pour leur permettre d'augmenter leur pouvoir d'achat. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Nous allons maintenant céder la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais participer dans le débat sur l'adoption finale du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives, Bill 102, An Act to amend the Supplemental Pension Plans Act.

Je pense, tout le long de ce débat, dans notre caucus, ici, en Chambre, dans les commissions parlementaires, moi, j'ai écouté attentivement les suggestions mises de l'avant par mon collègue le député de Verdun, qui est quelqu'un qui a regardé la question des régimes de retraite de notre société. Chez nous, dans notre caucus, c'est de loin notre grand expert, notre savant. Et, dès le départ du débat sur ça, il a soulevé un problème fort simple d'équité dans la loi n° 102.

Alors, la présence et les discours et l'opposition au projet de loi n° 102, de notre côté de la Chambre, ici, sont basés uniquement sur la question d'équité, que vraiment il y a quatre partenaires, il y a quatre parties qui sont concernées dans la gestion d'un régime de retraite, c'est-à-dire l'employeur, c'est-à-dire les employés syndiqués, c'est-à-dire les employés non syndiqués, surtout les cadres, mais également les personnes qui ont déjà pris leur retraite. Et qu'est-ce que nous avons essayé de faire, c'est de mettre en place un nouveau régime, un régime innovateur, mais qui corresponde aux intérêts de ces quatre partenaires plutôt que deux. Et le député de Verdun a plaidé à maintes reprises, et je pense avec justesse, que le projet de loi est incomplet parce qu'on ne touche que deux de ces quatre. Alors, je pense qu'au niveau d'avoir un meilleur partage, parce que qu'est-ce qu'on parle aujourd'hui, c'est le partage des surplus...

Parce que les régimes de retraite, et je suis loin d'être expert, M. le Président, mais, si j'ai bien compris, ils sont basés sur les prévisions. On fait les estimés au cours des années à venir sur l'augmentation des salaires potentielle, le taux d'inflation, une série de facteurs qui sont toujours les estimés. Parce que, qui sait? Il n'y a pas quelqu'un ici avec la boule de cristal qui peut prévoir les augmentations de salaire des prochains 10 ans, 15 ans, 20 ans. Et, sur la vie d'un régime de retraite, il faut avoir les prévisions à très long terme. Et c'est très difficile, c'est une science inexacte, mais on fait le mieux possible.

Dans les années quatre-vingt-dix, une série de conditions économiques ont généré des surplus dans ces caisses des régimes de retraite. Alors, la question est fort simple: De quelle manière équitable est-ce qu'on va partager ces surplus? Et la position défendue de ce côté de la Chambre: c'est très important que toutes les personnes impliquées... Et les personnes qui sont maintenant à la retraite sont les personnes qui ont injecté l'argent, sur leur chèque de paye, à toutes les deux semaines. Et qu'est-ce qu'on cherche ici? Qu'elles aient un mot à dire dans le partage.

Parce qu'il y a une tendance qui est compréhensible, entre les employeurs et les syndicats, de prendre ces surplus et juste les utiliser pour donner les congés de cotisation. Et, dans un contexte d'une entreprise en difficulté ou avec la concurrence, au lieu peut-être de donner des augmentations de salaire qu'on n'a pas les moyens de donner, on donne une cotisation pour le régime de retraite. Alors, au bout de la ligne, j'ai plus d'argent dans mes poches. Alors, si c'est une augmentation de salaire ou un congé de cotisation, ça arrive au même effet. Et ça se comprend. Mais, dans un échange comme ça, les retraités, les personnes qui ont contribué peut-être la moitié de l'argent qui est dans la caisse aujourd'hui sont oubliées.

Et nous avons plaidé qu'il faut rééquilibrer ça, avoir une meilleure place pour les retraités. Parce qu'il faut comprendre que, surtout avec les gestes de ce gouvernement, la vie pour nos retraités devient de plus en plus difficile. On a juste à penser aux augmentations très importantes des taxes scolaires, surtout dans la région de Montréal, où on a vu des augmentations dans le régime du gouvernement du Parti québécois de l'ordre de 60 % des taxes scolaires. On a vu également la création d'un régime d'assurance médicaments, avec les primes maintenant qui sont de l'ordre de 700 $ pour un couple à la retraite au Québec. Alors, ça a doublé depuis trois ans. Et ça, c'est une augmentation très importante des coûts pour les personnes retraitées qu'elles doivent supporter grâce aux politiques de ce gouvernement.

On a juste à regarder dans mon comté, à Pointe-Claire, qui, année après année... Dans une étude publiée dans la revue L'actualité, c'est la ville la mieux gérée au Québec. Donc, les taxes sur les résidences sont inférieures à la moyenne sur l'île de Montréal. Avec le beau projet des fusions, on prévoit des augmentations de taxes très importantes à Pointe-Claire et surtout pour les personnes retraitées, à Pointe-Claire. Alors, grâce à sa bonne gestion, grâce au fait que la ville de Pointe-Claire a fait une gestion très serrée de son argent, les retraités, les personnes dans cette ville vont passer à la caisse de nouveau pour une autre bonne idée de ce gouvernement, M. le Président.

I think you just have to look at what has happened to retired people in the last ten years or in the last six years under a PQ government to see that the cost, the downloading has had a detrimental effect on retired people in our society. We have seen school taxes go up 60% on the Island of Montréal, in the last six years, as more and more responsibilities were downloaded. We have seen the creation of a drug insurance plan which now costs seniors, a couple, $700 a year. The PQ, when they were in Opposition, blamed us for being heartless and cruel because we charged $2 per prescription, $100 maximum. And that was evil, that was terrible, the speeches that went on the other side. But we tried to find something reasonable. Now, it's $700, 20% of the cost, after that. So, seniors in our society, again, are being pressed like that lemon to try to get every last penny out of their pockets. The downloading...

I look at the city of Pointe-Claire, in my riding, which year after year is identified as one of the best-run cities in the Province of Québec. People who are retired there will look forward over the next few years to see their taxes increase no less than 5%, if Bill 170 is adopted ? we hope not on this side of the House. We're talking about increases of at least 5% per year through the next decade. So, these people who are retired, who see their costs going up and up and up deserve to have a place at the table when we discuss what to do with surpluses inside pension plans. That's what we're talking about here. It's just that there has to be a fairer system, there has to be a system so that, when we take the money that is created as a surplus inside these pension plans, the people who are retired, the people who have their costs going up and up because of the short-sighted policies of this Government will be able to have their say.

What I haven't understood all along is the logic of the Minister, who says: Well, don't worry about it, because it happens anyway. And he said in his initial speech, a couple of weeks ago in this House, that, in 59% of the cases, there is a «partage» which includes people who are retired. But, if it is happening, let's put it in the law. Let's put those people who are retired on an equal footing, as opposed to having them as some inferior partners that, if the other two parties do decide to be generous, if the two other parties do decide to include them, they can, but they don't have the same standing. If the Minister believes that this is going to happen anyway, we put it into a law. So, if there are problems, if we need arbitration, if there are disputes, if it does go in the management of a certain pension plan, everyone arrives in the same footing.

n(11 h 40)n

That's what we're looking for from this side of the House, au lieu d'avoir deux partenaires qui ont un statut supérieur et, le troisième, les personnes retraitées, on doit se fier sur la générosité des personnes. Qu'est-ce qu'on cherche? Mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Il y aura des conflits, il y aura des litiges; ça arrive dans la gestion de n'importe quel fonds. Mais, si ça arrive comme ça, je pense que c'est très important de mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Alors, comme ça, les personnes retraitées, qui ont des besoins qui sont très importants, qui sont réels, elles seraient capables de se défendre, elles seraient capables de dire que, dans la gestion d'un surplus...

Parce qu'on ne sait pas, les années à venir, c'est quoi, les conditions. Est-ce qu'il y aura d'autres surplus? Mais l'argent qui est dans ces caisses, les retraités y ont participé, c'est leur argent avec l'argent des travailleurs d'aujourd'hui, avec l'employeur d'aujourd'hui. Alors, ça, c'est l'équilibre qu'il faut établir. On ne le trouve pas dans le projet de loi n° 102, alors je pense qu'on a tout intérêt à revoir la loi une dernière fois pour mettre ces trois partenaires sur un pied d'égalité. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Je trouve que c'est aujourd'hui une journée fort triste, fort triste parce que mon collègue le député de Verdun a tenté à plusieurs reprises d'amener le ministre responsable de ce projet de loi, le ramener au bon sens. Or, malgré tout le plaidoyer qu'ont fait mes collègues et qu'a fait en particulier le porte-parole responsable de dossier, le député de Verdun, tout le monde a fait, le gouvernement a fait sourde oreille.

Ce pourquoi je pense qu'il est très important ici qu'on exprime la voix de ceux qui se sentent abandonnés, de ceux qui se sentent isolés, c'est que ce qui se présente aujourd'hui n'est pas isolé. Je vous rappellerai, M. le Président, une commission parlementaire, la commission parlementaire des finances publiques qui a siégé l'an dernier et où on avait invité, n'est-ce pas, des représentants de la communauté à venir expliquer, exprimer leurs souhaits quant aux baisses d'impôts. Or, lors de cette rencontre, il y a eu plusieurs groupes de personnes retraitées qui sont venus nous rencontrer. Plusieurs groupes. Il y a eu l'Association provinciale des retraités d'Hydro-Québec, le 13 du mois d'octobre; le 20 octobre, le Groupe Pensionnés Bell; le 26 octobre, le Front commun sur la fiscalité des associations des personnes retraitées du Québec et région de la Montérégie de l'Association québécoise des retraités(es) des secteurs public et parapublic; et finalement, le 16 novembre, la Fédération de l'âge d'or du Québec.

Qu'est-ce que ces gens sont venus dire aux membres de la commission des finances publiques? Ils sont venus dire que, depuis plusieurs années, ils sentent leurs épargnes, leurs revenus à titre de retraités subir une érosion constante. Si bien, M. le Président, que les calculs, les estimés qu'ils avaient faits pour pouvoir être capables d'avoir une retraite raisonnable et confortable, eh bien, leur pouvoir d'achat diminuait d'année en année, et, par conséquent, ils se voyaient désarmés devant cette suite de nouveaux coûts qui apparaissaient dans leur budget, coûts qu'ils n'avaient pas estimés dans leur planification de retraite.

Mon collègue, juste avant moi, a parlé notamment des coûts de l'assurance médicaments. Rappelons-nous, effectivement ? moi, je n'étais pas dans ce Parlement, je n'avais pas encore eu le privilège d'être élue à l'Assemblée nationale ? que ce parti gouvernemental s'était soulevé parce qu'on chargeait 2 $ par prescription jusqu'à un maximum de 100 $ pour des personnes qui étaient retraitées et qui achetaient des médicaments. Or, ce qu'on me dit, ce que nous ont dit ces retraités qui sont venus nous rencontrer, c'est que désormais ces coûts, aujourd'hui, s'élèvent jusqu'à 700 $ par année, et même plus, il y a même une franchise après ce coût-là.

C'est donc dire, M. le Président, que nous sommes face à des groupes de citoyens qui ont des obligations croissantes et dont le revenu est souvent figé dans le temps. Ce sont des gens qui ont fait une planification, à qui d'ailleurs on avait soulevé énormément d'attraits pour prendre des retraites anticipées, parfois à l'âge de 55 ans, et ces gens-là se voient une espérance de vie de 30 ans, à titre de retraités.

Je ne reviendrai pas, M. le Président, sur ce volet d'inviter des gens à prendre des retraites à 55 ans alors que l'espérance de vie désormais est aux environs de 80 ans. Vous comprendrez que je pense qu'on fait le contraire du bon sens. Alors qu'on prenait une retraite à 65 ans il y a des années pour vivre jusqu'à l'âge de 70 ans, aujourd'hui on décide de prendre une retraite à 55 ans pour vivre jusqu'à l'âge de 80 ans. Alors, manifestement il faut protéger ces gens-là si on veut les inviter à prendre des retraites anticipées. Et d'ailleurs c'est ce que ce gouvernement a fait, n'est-ce pas, avec les employés, ses propres employés, les invitant, à coup de dizaines de milliers, à prendre des retraites anticipées. Eh bien, voilà, ces gens-là tout à coup se retrouvent face à des situations qui sont difficiles, une gestion de leur avoir qui fait qu'ils n'ont pas suffisamment de ressources pour pourvoir à leurs besoins.

M. le Président, mon collègue le député de Verdun a essayé à plusieurs reprises d'offrir des approches innovatrices pour essayer d'écouter ces gens-là, et non seulement de les écouter, d'en faire des partenaires au niveau décisionnel, d'en faire des partenaires, parce que l'épargne de ces gens, les surplus qu'on connaît aujourd'hui dans les régimes de retraite privés, ces surplus viennent de l'épargne différée de ces gens. Quand on prend un régime de retraite, c'est qu'on diffère son revenu et qu'on l'étale sur plus d'années pour être capable de vivre de façon raisonnablement confortable, un peu de la façon dont on vivait avant de prendre sa retraite, et de se protéger bien sûr pour ses vieux jours. Or, nous, vous, moi, nous avons mis de l'argent de côté, justement pendant des années, et, contrairement aux estimés qu'avaient faits les actuaires, bien cet argent-là a fluctué de façon plus rapide qu'on avait estimé.

Rappelons-nous, M. le Président, que les actuaires, ce sont les gens les plus conservateurs de la terre, généralement. Ce sont des gens qui bâtissent des estimés avec des hypothèses extrêmement conservatrices, d'accord? Et, donc, non seulement sont-ils très conservateurs dans leurs estimés, ils mettent en plus de ça un coussin, un coussin pour être sûrs que, s'il arrive des imprévus, ils seront capables de combler votre retraite, ma retraite, nos retraites. Alors, c'est comme ça que ces gens-là fonctionnent.

Or, voici qu'aujourd'hui on se retrouve avec des sommes fabuleuses d'argent de surplus et que là le gouvernement dit aux retraités: Bien, vous n'avez rien à dire sur la façon dont on va redistribuer ces argents, ces sommes d'argent, vous n'avez rien à dire puisque nous allons confier cette responsabilité aux employeurs et aux syndicats. Donc, les employés non syndiqués également sont exclus et, bien sûr, les retraités. Les plus grands concernés, les plus inquiets évidemment sont exclus du processus.

M. le Président, c'est là, à mon avis, une approche extrêmement autoritaire, autocratique, dictatoriale du gouvernement. Le ministre disait: Nommez-moi une province, nommez-moi un endroit où ça se fait, d'établir un régime de cette façon-là. Mais qui est-ce qui a privé le Québec dans le passé d'innover? Rappelons-nous la Charte québécoise des droits de la personne. Elle a précédé la Charte canadienne. Alors, l'idée qu'il faille copier à tout prix le monde autour de nous, moi, je ne trouve pas que ce soit très flatteur de dire ça. Je pense que, si on vient ici à titre de membre de l'Assemblée nationale, il y aurait peut-être lieu d'innover de temps en temps, de ne pas simplement aller copier ce que tout le monde a fait autour de nous. Je pense qu'il y a lieu parfois de s'interroger.

n(11 h 50)n

Est-ce qu'il y avait d'aussi grands risques qu'on le prétend d'inclure une personne en plus au niveau décisionnel et d'inclure les retraités? Moi, je pense, M. le Président, que ça aurait pu être un groupe parmi d'autres pour essentiellement refléter l'ensemble des partenaires qui ont des intérêts dans ce dossier. Alors, moi, je trouve ça bien dommage.

Et, quand Gérard Bérubé dit: André Boisclair a beau être le ministre de la Solidarité sociale, il est devenu celui de la division sociale, ayant désormais tous les retraités à dos, je pense que ça résume parfaitement bien l'image que nous avons aujourd'hui du processus qui a été suivi par le ministre responsable de cette loi. Et je trouve ça bien dommage qu'il n'ait pas été à l'écoute de mon collègue le député de Verdun, plus à l'écoute. Et innover, essayer d'innover, ce n'est pas un péché, essayer d'innover. Je pense qu'on pourrait se réjouir qu'il y ait un effort de ce côté-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Bonaventure. Madame, vous avez un temps de parole de 10 minutes.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis heureuse de joindre ma voix à celles de mes collègues, et plus particulièrement à celle de mon collègue de Verdun qui défend le projet de loi n° 102 avec conviction et avec des arguments face auxquels le ministre de la Solidarité sociale ne peut rester indifférent.

Alors, M. le Président, nous prenons la parole ce matin sur le projet de loi n° 102. Je tiens à le rappeler, c'est le projet de loi qui modifie la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. C'est un projet de loi important, qui touche au Québec 625 000 travailleurs, donc 625 000 travailleurs qui sont aujourd'hui à la retraite. C'est un projet de loi qui s'applique sur les régimes de retraite privés, régimes de retraite qui ont été constitués à partir de contributions qui ont été versées par les entreprises et bien sûr par les principaux intéressés, soit les retraités, les travailleurs à l'époque.

Et le projet de loi qui nous est déposé vise à proposer un nouveau mode de partage de ces surplus qui ont été accumulés dans cette fameuse caisse de retraite. Et les règles de partage qui nous sont suggérées par le ministre se feront à partir ou entre les parties syndicales et les parties patronales. Et c'est justement le coeur du litige à l'heure actuelle, qui fait en sorte que tous les retraités, dans toutes les régions du Québec, ont décidé de se mobiliser pour contester cette proposition du ministre de la Solidarité sociale.

M. le Président, le projet de loi n° 102 en est un qui a fait couler beaucoup d'encre. Il a fait couler beaucoup d'encre parce que les principaux intéressés sont aussi les grands absents du projet de loi qui a été déposé par le ministre. Ces absents, j'y ai fait référence tout à l'heure, ce sont les 625 000 travailleurs, ces 625 000 retraités. Nous avons tous été témoins de la lutte qu'ils ont décidé d'entamer, d'enclencher pour s'objecter au projet de loi qui est déposé par le ministre de la Solidarité sociale.

M. le Président, je pense qu'on a tous été émus devant les images qu'on a vues à la télévision, et je me souviens entre autres d'un retraité qui, dans la ville de Montréal, parcourait les escaliers, vous savez, les immenses escaliers dans les blocs-appartements à Montréal, et qui avait peine à retenir son souffle dans les allées et les descentes, justement pour convaincre la population du bien-fondé de la bataille qu'ils ont décidé de livrer. Et je pense que, comme parlementaires, il est impossible de rester insensible aux arguments que ces personnes âgées, que ces travailleurs nous livrent aujourd'hui.

Alors, M. le Président, j'aimerais également profiter de l'occasion qui m'est offerte ce matin pour saluer leur courage et leur détermination. Mes collègues y ont fait abondamment référence, tous les parlementaires dans cette Chambre ont reçu à tour de rôle plusieurs correspondances d'associations de retraités faisant état de leur grande déception, de leur désarroi face au projet de loi qui a été déposé par le ministre.

Encore une fois, le projet de loi n° 102 nous fait la démonstration que nos personnes âgées, que nos aînés sont les grands perdants, M. le Président. Et le Parti québécois, qui se veut toujours un parti social-démocrate, nous fait la démonstration que la social-démocratie chez les péquistes, c'est un mythe. C'est un grand mythe parce que, depuis plusieurs années, le gouvernement qui est en face de nous a adopté des mesures qui ont affecté de plein fouet la qualité de vie, les conditions de vie de nos aînés.

Un exemple concret: l'assurance médicaments, régime pour lequel nous n'avons pas hésité un instant à monter aux barricades pour dénoncer ce que nous proposait la ministre de la Santé. En fait, ce qu'on demandait aux personnes âgées, c'est de contribuer encore davantage à ce fameux régime d'assurance médicaments qui se voulait d'abord et avant tout un régime universel. Alors, le projet de loi nous dit, M. le Président, que les primes seront doublées, même plus que doublées. Alors, encore une fois, c'est les personnes âgées qui devront débourser un peu plus de leurs poches et, connaissant leurs conditions de vie, connaissant leurs conditions économiques et connaissant également toute l'importance d'un régime d'assurance médicaments pour nos personnes âgées, il ne faut pas s'étonner de voir à quel point donc cette mesure a été perçue, a été reçue de façon très négative par les personnes âgées.

Un autre élément fort important, une autre réforme encore bâtie, improvisée, du gouvernement péquiste, c'est la fameuse réforme de la santé qui, elle aussi, a touché de plein fouet nos personnes âgées, nos aînés. On a juste à voir les conditions de vie souvent dans certains CHSLD; l'aide qui est apportée à nos aînés au niveau des soins à domicile, à peu près toutes les associations de retraités dans toutes les régions sont unanimes pour dénoncer également... revendiquer plus d'argent pour les soins à domicile pour les personnes âgées. Alors, encore une fois, M. le Président, une réforme qui les a touchées de plein fouet, et je prends ici à témoin les interventions qui ont été faites par deux de mes collègues, la députée de Beauce-Sud et le député de Beauce-Nord, qui ont déposé une pétition en cette Chambre et qui ont dénoncé les conditions de vie des personnes âgées dans le secteur de la Beauce, M. le Président. Aujourd'hui, coup de masse, coup de massue pour les personnes âgées: le projet de loi n° 102 qui est déposé, le projet de loi n° 102 qui vient littéralement évacuer, évincer nos personnes âgées d'un régime finalement qui les concerne, eux, d'abord et avant tout.

Il serait intéressant, M. le Président, d'entendre aujourd'hui l'ancien ministre de la Santé, qui est député de Charlesbourg, qui nous déclarait, en 1996, et c'est un article qui a été publié dans La Presse du 3 mai 1996: «Depuis des semaines, le ministre de la Santé souligne que les personnes âgées ne sont plus aussi démunies que dans les années soixante-dix quand ont été instaurées une foule de mesures sociales les favorisant.» Alors, M. le Président, après avoir été victimes du régime de l'assurance médicaments, après avoir souffert avec la réforme de la santé, après nous avoir donc convaincus du bien-fondé du projet de loi n° 102 qui, en d'autres termes, fait juste évacuer les personnes âgées, il serait intéressant de connaître la vision du ministre de la Santé de l'époque et lui demander si, aujourd'hui encore, nos personnes âgées vivent dans des conditions... sont bien nanties. Alors, M. le Président, ça pourrait être intéressant de l'entendre là-dessus.

Alors, le projet de loi qui est déposé par le gouvernement péquiste, M. le Président, s'explique très mal dans un contexte où 1999 a été une année importante pour les personnes âgées. Vous vous souviendrez, 1999, ça a été l'Année internationale des personnes âgées. Et la ministre responsable des Aînés, qui est aujourd'hui la ministre des Affaires municipales, a fait plusieurs déclarations, et je prendrai quelques minutes pour vous en faire lecture, sur l'importance d'inclure, l'importance de valoriser nos aînés. Le 4 mars 1999, elle disait la chose suivante sur nos aînés: «Ils sont et elles sont des citoyens à part entière. C'est une occasion de le rappeler à la société, de le rappeler aux aînés eux-mêmes et elles-mêmes.» Et d'ajouter, M. le Président: «Après avoir créé le Québec que nous connaissons aujourd'hui, ils ont, dans un très grand nombre de cas, continué à s'impliquer et à apporter leur contribution au développement de notre société. 1999 nous permettra de les remercier.» J'ai envie de vous dire, M. le Président: L'an 2000, avec le projet de loi n° 102 qui est déposé, permettra de les évacuer, permettra de les évincer. C'est ce que vivent les personnes âgées et c'est ce dont les 625 000 travailleurs, les 625 000 retraités qui sont touchés vont se rappeler. Alors, il serait intéressant de connaître le point de vue du ministre de la Solidarité sociale aujourd'hui et lui demander comment il peut concilier les voeux pieux qui ont été soutenus par sa prédécesseure, c'est-à-dire par la ministre des Affaires municipales qui était responsable, en 1999, de l'Année internationale des personnes âgées, donc comment il peut concilier ces voeux pieux avec le dépôt du projet de loi n° 102.

Alors, ce fameux mythe du bon gouvernement qui se porte à la défense des intérêts de ses citoyens, M. le Président, vient aujourd'hui d'en prendre un coup. Et les arguments du ministre de la Solidarité sociale sonnent faux et ne réussissent pas à convaincre les associations de retraités et les 625 000 aînés qui sont touchés par ce projet de loi. Et la preuve, M. le Président: si les propos qui sont soutenus par le ministre trouvaient écho, on n'aurait pas assisté à une telle mobilisation dans la population de la part des associations de retraités et de personnes âgées.

n(12 heures)n

Et vous me permettrez de rappeler un extrait de ce que lui a affirmé comme ministre. Il nous disait récemment, en mai 2000: «Nous négocions intensément avec des représentants du patronat, avec des représentants des centrales syndicales, et je veux dire notre détermination à trouver la zone de confort la plus grande possible.»

À chaque fois que le ministre intervient, il nous parle des syndicats et des patrons, et jamais il ne nous parle des personnes âgées, de celles qui sont touchées, les 625 000 travailleurs, nos 625 000 aînés, qui crient au ministre depuis des semaines et des mois qu'ils veulent un projet de loi qui va les inclure, qu'ils ont besoin d'un projet de loi à partir duquel ils vont pouvoir s'exprimer sur le partage des surplus de la caisse de retraite.

Il est important de le rappeler, M. le Président, ce surplus, il appartient d'abord et avant tout à ces aînés qui ont fait des efforts, des sacrifices pour améliorer leurs conditions de vie lors de leur retraite. Aujourd'hui, le gouvernement a décidé de faire un autre choix. Et nous avons raison de nous objecter au choix qu'a fait le ministre. Et j'aimerais vous rappeler, M. le Président, que le combat que nous livrons, qui est basé sur des principes d'équité et de justice, c'est aussi...

Le Vice-Président (M. Pinard): En vous remerciant beaucoup, Mme la députée de Bonaventure.

Considérant l'heure, je suspends donc nos travaux à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

 

(Reprise à 14 h 5)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir. Alors, nous allons débuter la séance.

Présence du délégué de la communauté
française et de la Région wallonne
de Belgique, M. Jules Gheude

D'abord, je voudrais souligner la présence dans nos tribunes du délégué de la communauté française et de la Région wallonne de Belgique, M. Jules Gheude.

Présence de Mme Pierrette Cardinal,
ex-députée de Châteauguay

Et je voudrais également signaler la présence parmi nous d'une ancienne collègue, Mme Pierrette Cardinal, ex-députée de Châteauguay.

Affaires courantes

Alors, nous débutons les affaires courantes. Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Nouveau diagramme de l'Assemblée nationale

Au dépôt de documents, je dépose le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale, daté d'aujourd'hui.

Dépôt de rapports de commissions

Et, au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Portneuf.

Étude détaillée du projet de loi n° 115

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 2, 12, 13, 14 juin, 11 octobre, 7, 8, 21 et 22 novembre 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 115, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité foncière. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements, ce qui est un résumé pour le moins court compte tenu de l'ampleur des travaux en cause. Merci.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de déposer un extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement.

Soumettre le projet de loi sur les fusions
municipales à un référendum populaire

M. Brouillet: Consentement. Je dépose l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 3 285 pétitionnaires. Désignation: Le conseil municipal de Lac-Saint-Charles.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Je soussigné(e), citoyen et citoyenne de Lac-Saint-Charles, suis en désaccord avec les fusions forcées; et

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Je demande à mon député, Raymond Brouillet, de tenir compte de mon opinion et de soumettre le projet de loi à un référendum populaire avant de forcer tout regroupement municipal.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original des pétitions.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Questions et réponses orales

Alors, puisqu'il n'y a pas d'interventions sur une question de droit ou de privilège, nous allons immédiatement aborder la période de questions et de réponses orales pour aujourd'hui, et je donne la parole évidemment au chef de l'opposition officielle.

Effets du projet de loi
sur l'organisation territoriale municipale
sur l'application des mesures d'équité salariale

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Je veux aujourd'hui poser une question au premier ministre concernant des dispositions de la loi n° 170 qui sont particulièrement insidieuses. Le premier ministre se rappellera qu'au moment où son gouvernement débattait l'adoption d'une loi sur l'équité salariale il avait dit... Et c'est une citation que j'ai du mois de septembre 1996. Il avait dit: «Il est parfaitement raisonnable d'adopter cette grande mesure sociale qui s'est fait attendre si longtemps. C'est justice pour tous.»

n(14 h 10)n

Or, une chose paraît très claire, M. le Président. Jusqu'à ce que le gouvernement dépose la loi n° 170, le projet de loi n° 170, dans le monde municipal, l'équité salariale allait s'appliquer de la même façon que pour tous les autres employeurs au Québec. C'est tellement vrai que le gouvernement avait pris une pleine page de publicité dans le journal, il y a quelques jours, où il disait: «Vous n'avez plus une minute à attendre.» Ça, c'était la situation pour les femmes qui travaillent dans le monde municipal avant le dépôt du projet de loi n° 170.

Depuis ce temps-là, à l'article 176.7 de cette loi, ce que le gouvernement dit dorénavant, c'est que «le délai prévu à l'article 37 de la Loi sur l'équité salariale ne s'applique plus». Et, au paragraphe 4°, ça s'adresse spécifiquement à la loi n° 170. À l'article suivant, on dit que «le délai prévu pour se conformer aux prescriptions de cette loi est à compter de la date de la détermination de la dernière unité de négociation ou au plus tard le 21 novembre 2005». Et là on revient à la loi n° 170 où, au paragraphe 2°, on dit: «de 48 mois, pour la ville qui succède aux municipalités visées au paragraphe 4°». Le délai est de 48 mois, donc après 2005 ou, alternativement, la négociation de la dernière unité de négociations. C'est donc dire que, potentiellement, ça repousse la date jusqu'en 2009, M. le Président.

Ma question est au premier ministre: Puisque c'est une question qui touche l'ensemble des femmes du Québec, et que la question de l'équité salariale, c'est une question de justice, de rajustement de salaires, est-ce que le premier ministre peut nous confirmer aujourd'hui que ses projets de fusions forcées seront dorénavant financés par les femmes du Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Le chef de l'opposition aurait peut-être intérêt à relire la réponse que j'ai faite hier sur cette question. Je vais redire la même chose: Le chef de l'opposition persiste à véhiculer une interprétation erronée des articles en cause.

Il aurait été d'abord, un, irresponsable que nous ne nous posions pas la question suivante: Quels effets avait la réorganisation municipale sur le processus qui est prévu à la Loi sur l'équité salariale? À partir du moment où on s'est rendu compte qu'il y aurait des problèmes si on ne trouvait pas une solution, il fallait le solutionner. C'est ce que nous avons fait.

Alors, ce que ça veut dire, c'est que c'est vrai que des municipalités qui vont devenir un nouvel employeur vont commencer la démarche d'équité salariale plus tard que les entreprises en général, au Québec. Mais ce qu'il est faux de prétendre, c'est que les résultats ne seront pas les mêmes.

Les résultats, ça veut dire deux choses: que les ajustements salariaux qui seront faits, en matière d'équité salariale, seront rétroactifs au 21 novembre 2001, et que les correctifs seront tous payés au 21 novembre 2005, comme c'est le cas pour l'ensemble des entreprises québécoises.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Je constate que la réponse d'hier, M. le Président, n'est certainement pas meilleure que la réponse qu'elle donne aujourd'hui. Ce qu'il y a de gros dans ce que vient d'affirmer la ministre, c'est qu'il y en a, des fusions, à chaque semaine, annoncées, à travers le Québec, dans le secteur privé, par exemple.

Est-ce que la ministre est en train de nous dire qu'à chaque fois qu'il y a une fusion d'entreprises au Québec et donc une renégociation des unités de négociations ? comme c'est le cas, par exemple, dans le cas de Quebecor et de Vidéotron ? est-ce qu'elle est prête à dire aujourd'hui qu'elle donnerait le même privilège à Quebecor-Vidéotron? J'espère que non, M. le Président.

Mais ce qui paraît très clair, pour une femme qui est déjà basse salariée, une femme qui a des enfants à sa charge puis une famille à sa charge et qui doit faire des achats cette année... qu'est-ce qu'elle dit à une mère de famille qui doit acheter un habit de neige à un de ses enfants cette année? À cet enfant-là d'attendre, parce qu'en 2005 elle pourra lui acheter l'habit de neige dont il avait besoin en 2001, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, écoutez, je pense que le chef de l'opposition commence à épuiser ses arguments au sujet de la réorganisation municipale et qu'il décide de faire du millage sur un dossier où il n'y a pas de problème, si ce n'est son interprétation erronée des dispositions que nous avons prévues à la loi.

Nous avons pris soin de nous poser une question. Il fallait se poser la question, si ces deux démarches, la démarche d'équité salariale et celle de la réorganisation municipale, ne créeraient pas un certain nombre de problèmes. Nous avons identifié qu'il y en avait et, comme justement nous voulions préserver les droits des travailleuses, nous avons trouvé une solution.

Alors, à terme, ça veut dire que, oui, la démarche d'équité va commencer un peu plus tard dans ces nouvelles municipalités, mais, en termes de résultat, je le répète ? et je trouve ça dommage que l'opposition suscite un doute alors qu'il n'y a pas raison d'y en avoir ? à terme, les ajustements salariaux ? je ne sais plus sur quel ton le dire ? seront rétroactifs au 21 novembre 2001.

Qu'est-ce que l'opposition veut de plus? C'est le droit de toutes les travailleuses du Québec. Ces ajustements seront rétroactifs au 21 novembre 2001 et ils seront payés au plus tard le 21 novembre 2005, point à la ligne, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: La ministre nous demande ce qu'on veut de plus, M. le Président. Nous, on ne veut rien de plus; tout ce qu'on veut, c'est exactement les mêmes droits pour les travailleuses qui seront affectées par la fusion de Quebecor et Vidéotron que pour les femmes qui travaillent dans le monde municipal. Et on a beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi une fusion dans le secteur privé serait soumise à des règles différentes qu'une fusion dans le secteur municipal, à moins qu'il y ait des raisons cachées pour faire cela. On savait que la ministre était prête à plier les genoux, mais on ne savait pas jusqu'à quel point elle était prête à aller.

Et ma prochaine question est au premier ministre, parce qu'il y a pire que ça dans la loi. Ce que l'article 176 prévoit également, à son paragraphe 28°, le dernier paragraphe dit ceci: «Malgré l'article 70 et le premier alinéa de l'article 71 de la Loi sur l'équité salariale, les ajustements salariaux qui pourraient être déterminés doivent être versés en totalité ? ils «doivent», il n'y a donc pas de discrétion ? à l'expiration du délai fixé aux premier et deuxième alinéas», donc dans le cas de la loi n° 170.

Ça veut dire quoi, ça, sur le plan pratique, M. le Président, quand on dit que ça doit être versé dans un seul versement? Ça veut dire que le gouvernement du Québec va reprendre d'une main ce qu'il donne de l'autre en taxant au maximum ces femmes-là, contrairement à toutes les autres femmes du Québec qui vont bénéficier de mesures sous la Loi sur l'équité salariale. Ce n'était pas assez de retarder les paiements, il fallait que le premier ministre aille chercher l'argent dans les poches des femmes du Québec pour fusionner ses fusions forcées.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, c'est assez étonnant que le Parti libéral se réclame autant de la Loi sur l'équité salariale, d'autant plus que je suis fière d'être associée à un gouvernement qui a eu le courage et l'audace d'aller au bout de cette idée de se donner un instrument permettant une équité salariale dans toutes les entreprises du Québec. Et d'ailleurs...

Et c'est parce que nous sommes allés au bout de cette démarche que nous avons prévu des mécanismes évitant que des droits ne soient pas respectés à l'occasion de la réorganisation municipale. C'est pour ça qu'on a donc prévu que cette démarche-là devait se faire dans toutes les conditions maximales. Ça voulait dire qu'il fallait être au clair sur qui est l'employeur, ça veut dire qu'il faut être au clair sur le système de classification, parce que c'est de ça qu'il s'agit. Je ne comprends pas que l'opposition ne comprenne pas des informations aussi de base que ça. Et, je le rappelle, les ajustements, ils vont être rétroactifs, et, s'il y a d'autres problèmes, s'il y a des problèmes que ça pose pour les travailleuses, on va les corriger. Si l'opposition arrête de faire de l'obstruction, on pourra examiner ensemble d'autres solutions en commission parlementaire.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le député de Hull, maintenant.

Coûts d'application des mesures d'équité
salariale dans les municipalités fusionnées

M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. La ministre de l'Emploi reconnaît qu'il y a des problèmes dans les fusions forcées. La solution qu'elle trouve, c'est qu'elle fait attendre entre cinq et neuf ans les femmes du Québec avant de toucher un sou noir de l'équité salariale. C'est ça, la solution de la ministre. Puisque le gouvernement, M. le Président, a pris la peine d'inscrire dans son projet de loi n° 170 sur les fusions forcées une mesure qui pénalise directement les femmes en matière d'équité salariale, le gouvernement a sûrement en main des études qui évaluent les impacts financiers sur cette question.

Ma question est claire à la ministre, c'est simple... à la ministre des Affaires municipales: Est-ce qu'elle peut jouer franc jeu et déposer en cette Chambre l'ensemble des études pour que les femmes connaissent exactement combien elles vont payer pour financer la réforme municipale?

n(14 h 20)n

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, je voudrais d'abord dissiper une impression qui a été laissée par le député de Hull suite à une question posée la semaine passée à l'effet qu'il y aurait eu un...

Une voix: La semaine passée?

Mme Harel: Oui, parce qu'il ne m'a pas posé de question qui m'aurait donné l'occasion, hier, de le lui rappeler.

M. le Président, je vous signale qu'il nous a déclaré qu'il y avait une étude secrète sur laquelle il avait mis la main; il l'a brandie ici, dans cette Chambre. Je voudrais simplement vous signaler que, à la demande de la Communauté urbaine de l'Outaouais, par résolution qui me fut adressée de bien vouloir fournir au Groupe Roche ltée toutes les données financières normalisées et comparatives afin de compléter les scénarios de restructuration possibles, cette information fut transmise...

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, je comprends. Si Mme la ministre des Affaires municipales a une réponse différée parce qu'elle n'avait pas la réponse, elle peut envoyer un avis à la présidence une heure avant la période des questions.

Maintenant, le député de Hull lui a adressé une question directe qui touche les femmes dans ce dossier-là. Elle est incapable de répondre.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, la ministre a parfaitement le droit de donner la réponse qu'elle veut et, comme on a abondamment répondu à la question posée par le député de Hull, alors elle répond sur une autre question.

Des voix: Ah!

Le Président: Ça, M. le leader du gouvernement, ça n'aide pas tellement votre cause.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je pense que la présidence et les membres de l'Assemblée sont, en général, assez larges quant aux réponses et à la pertinence. Mais, s'il y a un aveu que la réponse ne concerne pas la question, là vraiment je vais devoir inviter la ministre à répondre à la question.

Mme Harel: Vous aurez compris, M. le Président, qu'il en est de même aujourd'hui avec les questions du député de Hull comme il en fut la semaine passée, où finalement, après avoir prétendu que c'était un document secret, il s'est révélé que c'est à la demande de la Communauté urbaine de l'Outaouais, ces informations furent remises à 25 personnes à l'occasion d'une rencontre, en juillet dernier, avec le mandataire, M. Grégoire.

M. le Président, il y a 142 unités d'accréditation syndicale sur l'île de Montréal, qui deviendra la ville nouvelle de l'île de Montréal. Dès après l'adoption de ce projet de loi, le comité de transition, mis en place au 1er janvier 2001, sera chargé de procéder, entre autres choses, à l'intégration de ces unités d'accréditation, et le conseil de la nouvelle ville, qui sera élu le 4 novembre 2001 prochain, verra immédiatement par la suite à procéder aux comparaisons entre les emplois à majorité masculine et féminine pour donner lieu aux correctifs qui pourraient s'imposer. Et je récuse l'interprétation que fait à nouveau le député de Hull. C'est en 2005, en même temps que toutes les autres travailleuses du Québec, que les employés féminins des nouvelles villes regroupées sauront que la fin est enfin arrivée et qu'elles auront pu avoir gain de cause.

Le Président: M. le député.

M. Roch Cholette

M. Cholette: M. le Président, est-ce que je dois comprendre par la réponse de la ministre qu'il y en a pas, d'étude, que le gouvernement ignore quel est le coût en matière d'équité, en matière d'emploi pour les femmes dans le milieu municipal, et surtout que ça fait son affaire? Parce qu'elle a évité de le mettre dans les tableaux qu'elle nous a déposés la semaine dernière, pour éviter de dire aux citoyens du Québec combien ça va coûter, le vrai compte de taxes dans les municipalités.

Est-ce que ce n'est pas ça que la ministre vraiment a l'intention de faire, cacher les chiffres à la population du Québec?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Vous avez entendu comme moi, M. le Président, encore les gros mots habituels auxquels nous a habitués, justement, le député de Hull. Je rappelle que ce sont des gains que feront les employés en matière d'équité. Il est bien évident que, en intégrant 140 unités d'accréditation, tout cela va demander un délai, et ce délai cependant en rien n'altère la date d'ici laquelle le tout doit être complété. Il s'agit de 2005, et cette date est péremptoire pour l'ensemble des employés féminins au Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.

M. Charest: En additionnelle.

Le Président: En complémentaire.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Est-ce que le premier ministre, M. le Président, a l'intention de rester silencieux aujourd'hui sur cette question-là alors qu'il y a des fusions qui se font dans le secteur privé, des fusions qui se font dans le secteur de la santé? Est-ce que le premier ministre et son gouvernement ne sont pas en train d'ouvrir une brèche pour dire aux femmes du Québec que, s'ils réussissent à leur faire avaler ça dans les fusions forcées, ils vont ensuite imposer d'autres délais, après avoir dit: C'est justice pour tous?

J'aimerais savoir s'il va y avoir de la justice pour les femmes qui sont visées par ces fusions forcées, ou est-ce qu'elles vont juste être le guichet automatique des fusions forcées, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Je pense que tous auront pu constater que l'opposition est en panne d'arguments pour s'opposer au projet de réforme municipale. Elle s'est fait dire à d'innombrables reprises depuis hier que le personnel féminin qui bénéficiera d'ajustements à la faveur de la mise en application de la Loi sur l'équité salariale touchera les mêmes résultats que toutes les autres employées des autres secteurs qui seront parallèlement assujetties aux effets de cette loi que le gouvernement est fier d'avoir fait adopter ici, à l'Assemblée nationale. Alors, je répète que la ministre a clairement établi qu'en vertu du projet de loi, c'est le 21 novembre 2001 que les résultats seront computés de façon rétroactive et qu'au plus tard en novembre 2005 ces montants seront versés aux salariés en question.

J'ai noté cependant que le chef de l'opposition a fait grand cas du fait que le projet de loi prend l'engagement ou fait obligation aux municipalités de verser l'intégralité des montants des ajustements, en novembre 1995 rétroactivement, en novembre 2001. J'ai cru comprendre que le chef de l'opposition voyait un problème de surcroît d'imposition fiscale du fait que, dans une seule année, cela pourrait faire changer les gens de catégorie d'imposition fiscale et accroître leurs impôts.

M. le Président, l'intention du gouvernement, c'est de faire en sorte que les municipalités ne retardent pas indûment le montant de ces indemnités. Mais je crois qu'au cours des travaux à la commission parlementaire, avec l'appui et l'imagination de l'opposition, on pourra probablement trouver une disposition qui permettra à ceux qui voudront en bénéficier un étalement, de façon telle qu'il n'y ait pas d'impact fiscal.

Des voix: Ah!

M. Bouchard: Je crois qu'il est très... Mais oui, mais... M. le Président, pour une fois que l'opposition joue son rôle, elle pourrait...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, l'essentiel, c'est qu'aucun employé de municipalités regroupées ne puisse être pénalisé du fait de la réforme. C'est l'engagement du gouvernement, et, en particulier, les effets bénéfiques de la Loi sur l'équité salariale seront assujettis à ce même objectif. Et, dans cette mesure, nous sommes disposés à mettre en place tous les mécanismes techniques qui pourront faire en sorte que ce soit assuré. L'intention et le principe sont clairement posés dans le projet de loi, et, s'il y avait des effets fiscaux qu'il fallait neutraliser, nous sommes tout à fait disposés à examiner des scénarios pour le faire. Je crois que l'opposition est en panne quand elle prétend vouloir s'opposer à cette réforme pour des raisons comme celles-ci.

Des voix: Bravo!

n(14 h 30)n

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, en question additionnelle. Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire qu'on est en panne, alors que, dans sa réponse, il a réussi à commencer en disant qu'on était en panne et en terminant sa réponse en nous disant qu'on avait raison? Quel chemin parcouru, hein! S'il a le culot de reprocher à l'opposition d'être en panne, on peut certainement confirmer par sa réponse qu'ils sont en état permanent d'improvisation.

Des voix: Bravo!

M. Charest: M. le Président, les citoyens ont eu droit à cette pub il y a quelques jours, payée de leurs poches, pour leur dire qu'ils n'avaient plus une minute à perdre, et, jusqu'à ce que la loi n° 170 soit déposée, c'étaient les dispositions de cette loi qu'ils publicisaient eux-mêmes qui s'appliquaient aux femmes dans le monde municipal. Ça a changé. Il y a des dispositions dans la loi n° 170, ce qui veut donc dire que ce n'est pas la Loi sur l'équité qui s'applique. Ça veut donc dire que le gouvernement a dû faire des travaux là-dessus.

Moi, j'aimerais savoir du premier ministre où sont les études qui vont établir les coûts, à moins que le premier ministre veuille nous avouer aujourd'hui qu'il est en improvisation également sur la question des coûts que ça va engendrer dans le cadre des fusions forcées et pour les contribuables québécois.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, il n'y aura pas de coûts pour le personnel féminin, du fait de l'intégration des conventions existantes, je viens de le répéter. Et je constate que l'opposition est vraiment en panne, puisque ce n'est pas sur le fond qu'elle discute, maintenant. Donc, elle admet le fond, elle s'attache à des modalités. Or, les modalités, on travaillera ça ensemble pour nous assurer que ce sur quoi nous nous entendons, c'est-à-dire le fond de la réforme... Parce que je comprends maintenant qu'on s'entend sur le fait que nous avons raison de faire la réforme. Quant aux modalités d'application, nous pourrons travailler ensemble.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Est-ce que le premier ministre du Québec est en train de dire que les femmes du Québec, c'est des modalités? Parce que, si c'est ça qu'il dit, je peux vous dire que l'opposition va se battre pour les femmes du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Ce n'est pas seulement la panne, c'est la panne sèche. C'est désolant de démagogie et de ridicule.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de Marquette.

Nomination de personnes non élues au comité
de transition chargé de l'implantation de la nouvelle
structure municipale de l'île de Montréal

M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, pour les petits amis du premier ministre et du gouvernement, la fusion forcée sur l'île de Montréal sera le Klondike. En effet, les membres du comité de transition qui, entre autres, vont préparer le budget de plus de 3,3 milliards de dollars et qui vont nommer tous les hauts fonctionnaires de la grande ville de Montréal seront choisis et nommés par la ministre, payés par la ministre et redevables uniquement à la ministre. Ils pourront nommer les amis qu'ils voudront et donner les contrats qu'ils voudront. La loi dit même qu'ils devront faire tout ce que le gouvernement va demander. C'est inscrit dans la loi. Pire encore, ce se fera de la façon la plus clandestine et dans la plus grande noirceur.

La ministre peut-elle nous expliquer pourquoi le gouvernement a choisi d'écarter toutes les règles fondamentales de notre démocratie, puisque ce comité de transition sera composé de non-élus? Ce comité n'aura aucun compte à rendre aux Montréalais, ce comité ne siégera pas en public. À qui profite ce crime contre la démocratie?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, chose certaine, ils ne sont pas en panne de gros mots. Je dois vous dire que, la semaine passée, encore une fois le député de Marquette parlait d'abus de pouvoir, de véritable dictature, d'outrage au Parlement.

Des voix: Bravo!

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Cependant, M. le Président, faut-il le dire, il parlait de cette façon à propos de l'article 9 du projet de loi n° 170, alors qu'il est inspiré d'un disposition ? 214.3 ? de la Loi sur l'organisation municipale territoriale introduite par mon prédécesseur, M. Ryan, lorsqu'il était ministre du gouvernement libéral précédent.

Alors, M. le Président, les comités de transition sont inspirés, dans le projet de loi, des comités de transition mis en place dans le cadre du regroupement d'Ottawa, de celui d'Halifax, de celui de Toronto, en fait, de tous ceux des regroupements qui nous ont précédés. Cependant, nous nous sommes inspirés mais nous n'avons pas calqué, puisque ces comités ont un pouvoir de recommandation et que, contrairement aux conseils de transition mis en place par le gouvernement ontarien à Ottawa, qui prenaient toutes les décisions, dans le cas des comités, et non pas des conseils, des comités de transition au Québec, ces comités feront des recommandations au gouvernement et feront des recommandations à la ville nouvelle une fois élu le conseil de la nouvelle ville en novembre prochain. Ils sont composés de non-élus mais qui s'engagent à ne pas postuler d'emploi et à ne pas non plus solliciter de candidature parce qu'ils préparent les élections, mais ils seront accompagnés ? et c'est dans la loi ? d'un comité aviseur de maires dans chacune des villes nouvelles regroupées avec qui ils travailleront étroitement.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Marquette.

M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la ministre peut-elle relire attentivement sa loi n° 170? Le comité de transition va prendre des décisions, et des décisions très importantes. Si la ministre s'inspire du modèle d'Ottawa, peut-elle nous dire pourquoi elle a écarté une disposition qui est dans la loi adoptée pour Ottawa, c'est-à-dire que le conseil de transition rend des comptes à la population et non pas à la ministre, que ses séances sont tenues en public et non pas à huis clos et que le conseil de transition a toute l'autonomie et l'indépendance d'un véritable conseil municipal comme ça devrait être? Vous êtes en train de paqueter les affaires pour revivre ce que nous avons déjà vécu avec le premier ministre: la nomination d'amis au niveau des structures.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, que le député de Marquette attende d'abord de voir qui on va nommer, étant entendu qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de c.v. qui nous arrivent des rangs libéraux pour nous dire à quel point ils appuient le regroupement présentement.

Des voix: ...

Mme Harel: C'est vrai. C'est tout à fait vrai. M. le Président, c'est renversant ? renversant ? de voir à quel point le député de Marquette dit le contraire de ce qui est. À Ottawa, le conseil de transition, qui était composé de non-élus, avait un pouvoir décisionnel exécutoire, y compris celui d'adopter un budget, alors que nous nous sommes dit que, en vertu de nos traditions démocratiques au Québec, ce comité de transition aurait un pouvoir essentiellement de recommandation, que le premier budget pro forma et la répartition des budgets entre les arrondissements et la nouvelle ville seraient recommandés et adoptés par le conseil de la nouvelle ville. Ce que fait le comité de transition: il va préparer le budget, il va aussi préparer les élections en collaboration avec le Directeur général des élections, y compris la mise en place des districts électoraux, et ce ne sont que les postes-clés de direction générale qui seront mis en place par le comité de transition, parce qu'il organise la ville nouvelle.

En terminant, M. le Président, je pense que ces attaques sont très basses, parce que les personnes qui vont accepter de travailler vont le faire avec enthousiasme, compétence et professionnalisme.

Des voix: Bravo!

n(14 h 40)n

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de Limoilou.

Tenue de référendums sur le projet
de fusions municipales

M. Michel Després

M. Després: En principale, M. le Président. Effectivement, les citoyens de la capitale trouvent qu'on est en panne. Ils trouvent que le gouvernement est en panne de démocratie, par les temps qui courent.

Des voix: Bravo!

M. Després: M. le Président, dans le débat actuel sur les fusions municipales, tout le monde a compris que le gouvernement n'a pas le mandat de procéder comme il le fait. Aucun candidat péquiste, à la dernière campagne électorale, n'a parlé de ce sujet des fusions municipales. Maintenant, plus de 82 000 personnes ont fait connaître leur opposition au gouvernement. Malheureusement, ces consultations n'ont pas été reconnues par le gouvernement, et la ministre agit de façon antidémocratique et de façon unilatérale, Mme la ministre.

Ma question est fort simple, M. le Président: Est-ce que la ministre est prête à faire un référendum sur la question des fusions, comme le gouvernement en a le pouvoir en vertu de la loi sur les consultations populaires et comme l'a demandé le député de Chauveau, vice-président de l'Assemblée nationale, par le dépôt de sa pétition?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, puis-je rappeler au député de Limoilou ce Pacte 2000, ce rapport de la Commission nationale sur les finances et la fiscalité locales mise en place en concertation entre le gouvernement et l'Union des municipalités du Québec et qui a procédé à 13 journées d'audiences pour entendre 125 organismes, recevoir plus de 118 mémoires et entendre plus d'une centaine d'experts?

M. le Président, en matière de consultation, on peut dire qu'au Québec on a été champion en matière municipale. Les commissions d'enquête, les groupes de travail, les livres blancs se sont multipliés, au cours des décennies, mais c'est de décisions qu'on a manqué. On n'a pas l'intention de remettre à demain ce qu'on aurait dû faire hier.

Une voix: Avant-hier.

Mme Harel: Avant-hier. M. le Président, je crois que le député de Limoilou le sait aussi très bien, les référendums nous auraient... À date, ceux qui ont été menés sur la couronne nord nous auraient, par exemple, amenés à ne pas mettre en place la Communauté métropolitaine de Montréal ? qui connaîtra sa première séance publique ce soir ? puisqu'il y avait, donc, 100 000 personnes qui, dans le cadre de référendums municipaux, avaient dit non à la Communauté métropolitaine. On aurait donc également... Tout simplement, ç'aurait pu paralyser le regroupement de Mont-Tremblant et Saint-Jovite village et paroisse qui est maintenant une réalité depuis hier. Nous aurions été paralysés dans les changements pour une bonne raison: qu'on ne peut pas vouloir un droit de veto pour maintenir le statu quo. Ces référendums, le député le sait, ne peuvent pas être décisionnels.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Michel Després

M. Després: M. le Président, la ministre ne répond pas. Voyez-vous, elle vient nous dire qu'il y a deux démocraties au Québec.

Le Président: Vous êtes en question complémentaire, mon cher collègue. Alors, en question complémentaire, directement.

M. Després: M. le Président, est-ce que la ministre est en train de nous dire qu'il y a deux démocraties? Quand c'est le temps de mettre leur option sur la table, oui, on consulte le monde; quand c'est le temps de décider de l'avenir des citoyens, on ne consulte pas. Si la ministre trouve que son projet est si bon, bien, qu'elle aille consulter la population.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre...

M. Landry: C'est pour ça qu'ils votent non, ils ne comprennent pas le fond de l'affaire, de la question qui est posée...

Mme Harel: M. le Président...

Des voix: Oh!

Des voix: ...

Le Président: Bien. Maintenant, nous allons permettre à la ministre de répondre.

Mme Harel: M. le Président...

Le Président: Un instant. Sur une question de règlement?

M. Paradis: Oui.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: On a entendu les propos du ministre des Finances qui ont été prononcés hors caméra. Est-ce qu'il aurait le courage de les reprononcer dans la caméra?

Des voix: Bravo!

Le Président: Non. Écoutez... Non, non, non. Ce n'était pas une question de règlement, c'était une question qui se pose à la période de questions et de réponses orales. Je vais d'abord donner à la ministre la possibilité de répondre à votre collègue, et je donnerai au vice-premier ministre l'occasion de vous répondre par la suite. Mme la ministre d'abord.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, c'est offensant pour le peuple québécois de comparer le droit des peuples à l'autodétermination, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, droit reconnu en droit international, avec prétendument le droit des villes à disposer d'elles-mêmes. On ferait rire de nous si on parlait de ça ailleurs qu'ici.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, puisque j'ai indiqué que la question du député de Brome-Missisquoi ? en fait, l'intervention ? était une véritable question, M. le vice-premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Ma collègue a très bien répondu et elle a repris vraiment le fond de ma pensée.

Des voix: ...

Le Président: Un instant! Un instant, s'il vous plaît! Bon! Est-ce que vous avez complété votre réponse, M. le vice-premier ministre?

M. Landry: M. le Président, ils veulent que je répète, et je vais répéter. Une formation politique qui ne...

Des voix: ...

M. Landry: On est à la période de questions, là. Je suis maître de mes réponses.

Des voix: ...

Le Président: Pourrais-je rappeler que cet échange a été initié par le député de Brome-Missisquoi? Le vice-premier ministre a la parole, et j'ai vu que le député de Brome-Missisquoi voudrait poser une question complémentaire. M. le vice-premier ministre.

M. Landry: M. le Président, une formation politique, dans notre Assemblée nationale, qui ne fait pas la différence entre le destin d'une nation et un destin municipal ne peut pas comprendre la question nationale du Québec. C'est ce que j'ai dit, et je le répète.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Est-ce que le vice-premier ministre peut répéter les propos qu'il a tenus, c'est-à-dire qu'au moment d'un référendum national la population vote non parce qu'elle n'a pas compris le fond de la question?

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! La question a été posée.

Des voix: ...

Le Président: Alors, la question a été posée. La réponse, maintenant, M. le vice-premier ministre.

M. Bernard Landry

M. Landry: Bien, il me semble que j'ai été absolument clair, mais des fois il faut préciser. Il faut préciser. Un député se lève et, dans sa question, compare le destin d'une municipalité, qui est une créature du gouvernement national du Québec, au destin national du Québec, et il dit ça avec l'approbation évidente de tous ses collègues. Or, la question nationale du Québec, elle n'est pas réglée, M. le Président, et, si l'opposition officielle la confond...

Des voix: ...

Le Président: Alors, j'inviterais... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, je vous rappelle qu'il y a des salles adjacentes pour ceux qui voudraient poursuivre la discussion. Je vous invite à quitter le salon bleu. Pour le moment, ici il y a un peu de silence qui doit régner. J'ai une réponse à entendre, qui doit être complétée, et une question complémentaire. M. le vice-premier ministre.

n(14 h 50)n

M. Landry: Ça s'aggrave, tout ça, M. le Président. J'ai cru entendre de la part des banquettes de l'opposition officielle que la question nationale du Québec était réglée, et elle dit qu'elle l'est, réglée. Alors là, à la face du monde, le peuple québécois, qui est reconnu à peu près comme le Manitoba par le gouvernement du Canada, aurait sa question nationale réglée? Ça me scandalise d'entendre ça de l'opposition officielle. Jamais du temps de Jean Lesage on n'aurait entendu une chose comme ça! Jamais du temps de Daniel Johnson!

Le Président: Bien. Maintenant, une autre question principale. M. le député de Saint-Laurent.

Dépôt du plan d'organisation des services
de police des municipalités fusionnées

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, ce n'est pas facile de se lever après un vaudeville pareil.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis: Mais, comme le taux d'électricité me semble assez élevé dans l'Assemblée, je vais poser une question qui s'adresse à la principale panne de courant de ce gouvernement-là, le ministre de la Sécurité publique. M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Alors, s'il vous plaît, peut-on revenir à un peu plus de calme? Merci. M. le député.

M. Dupuis: Me permettrez-vous tout de même de paraphraser Sacha Guitry, M. le Président, qui disait: «Si tous les gens qui disent du mal de moi savaient ce que, moi, je pense d'eux, ils en diraient bien davantage»?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je vous prierais, M. le député de Saint-Laurent... Parce que ça fait déjà presque une minute que vous avez la parole, et je voudrais entendre au moins votre préambule.

M. Dupuis: Au mois d'avril...

Des voix: ...

Le Président: Alors, je peux très bien comprendre qu'un bon moment de détente est agréable pour tout le monde, mais je ne suis pas convaincu que ceux qui nous écoutent comprennent la même chose. M. le député.

M. Dupuis: Alors, M. le Président, au mois d'avril dernier, dans son livre blanc sur la réorganisation municipale, la ministre des Affaires municipales s'exprimait ainsi en page 87 du livre blanc: «Quant à l'organisation des services policiers pour le territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal hors l'île de Montréal, pour celui de la Communauté métropolitaine de Québec et celui de la Communauté métropolitaine de l'Outaouais, le ministre de la Sécurité publique rendra publiques ses orientations dans un avenir prochain.» On était, je le répète, en avril dernier.

Voici que le projet de loi n° 170 sur les fusions forcées a été déposé, et le silence du ministre de la Sécurité publique est de plus en plus lourd, puisque toutes les organisations policières concernées voudraient savoir quel est le plan du ministre dans les régions concernées, mais pas seulement les organisations policières, les populations aussi, parce qu'il en va de leur sécurité et aussi il en va de leurs comptes de taxes.

Alors, c'est pour quand le dépôt de votre plan, M. le ministre?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, je m'aperçois que le député de Saint-Laurent joue encore son rôle de la mouche du coche, n'est-ce pas, et qu'il veut absolument nous aider, nous commander de faire ce que nous sommes en train de faire. Il est bien évident que l'organisation des corps de police municipaux devait suivre le plan, la réorganisation municipale. J'ai élaboré les grands principes au cours de l'année. J'ai mené plusieurs consultations. La carte policière était prête et prête à s'ajuster à plusieurs scénarios de réorganisation municipale, et donc je vais l'annoncer bientôt, avant la fin de cette session, après l'avoir présentée dans sa version finale d'abord à mes collègues. C'est tout.

Le Président: Alors, cela termine la période de questions et de réponses orales pour aujourd'hui.

Nous allons immédiatement aller aux motions sans préavis. Alors, s'il n'y en a pas, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je voudrais aviser cette Assemblée...

Une voix: Mais il n'est pas grand.

M. Paradis: Il a le même problème que vous. M. le Président, on sait que le député de Hull est au coin. Vous ne l'avez peut-être pas aperçu, mais il a une motion sans préavis. Parfois, il y a des problèmes qui sont partagés dans cette salle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Disons qu'on dit qu'il y a l'heure du président puis qu'il y a la vision du président. Disons qu'il y a les retours du président. M. le député de Hull, rapidement.

M. Cholette: Merci, M. le Président. J'espère que ce n'est pas ma petite taille qui a fait que vous ne m'avez pas vu, mais...

Le Président: Ne vous inquiétez pas, vous avez...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, en ce qui concerne la petite taille, je pense que nous avons la même.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Et ne jouez pas avec les poignées de votre tombe. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, je désire présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'aménagement du territoire, qui procédera à des consultations particulières sur le projet de loi n° 170, loi sur les fusions forcées, puisse également entendre l'organisme suivant, et ce, à compter du 7 décembre 2000, c'est-à-dire l'Association des citoyens et des citoyennes du quartier Wright, association qui oeuvre dans la ville de Hull.» Merci, M. le Président.

Le Président: Y a-t-il consentement pour la présentation de cette motion?

Des voix: Non.

Le Président: Il n'y a pas consentement, M. le député de Hull.

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je voudrais aviser cette Assemblée, M. le Président, que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 150, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, immédiatement après l'élection du vice-président de la commission de l'éducation, jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Et, le mardi 28 novembre 2000, de 10 heures à midi, cette même commission procédera à des consultations particulières sur le projet de loi n° 170, Loi portant réforme de l'organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Bien. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'éducation va se réunir aujourd'hui, après les affaires courantes, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, afin de procéder à l'élection du vice-président de la commission.

Je vous avise également que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation va se réunir également aujourd'hui, cette fois à la salle du Conseil législatif, jusqu'à 18 heures, afin d'entendre Me Jules Brière dans le cadre du mandat d'initiative que la commission s'est donné relativement à l'application de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles.

Je vous avise aussi que la commission de l'administration publique va se réunir aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 17 h 45, cette fois à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May, afin d'entendre le sous-ministre de la Solidarité sociale concernant le suivi de l'audition du 16 novembre 1999 relativement au Fonds de lutte contre la pauvreté.

Et, finalement, je vous avise que cette même commission va se réunir, après l'audition du sous-ministre de la Solidarité sociale, à la même salle afin de procéder à l'élection du vice-président de cette commission.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, moi, je vais immédiatement vous indiquer en rappel, d'abord, qu'à la suite de la période des questions d'hier nous avons reçu deux demandes pour la tenue de débats de fin de séance aujourd'hui, jeudi. Alors, le premier sur une question adressée hier par M. le député de Châteauguay à Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux concernant le manque de ressources des CLSC et des CHSLD, et le second sur une question adressée hier par Mme la députée de Bonaventure à M. le ministre des Transports concernant le transport aérien régional.

Je vous rappelle, de plus, que l'interpellation prévue pour demain, vendredi, le 24 novembre, portera sur le sujet suivant: Le mandat donné à la police de Laval concernant l'enquête sur l'effondrement du viaduc sur l'autoroute 15. Alors, à ce moment-là, M. le député de Chomedey va s'adresser au ministre de la Sécurité publique.

Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons aller aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

n(15 heures)n

M. Boisclair: M. le Président, l'article 37 du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 102

Reprise du débat sur l'adoption

Le Président: Alors, à cet article, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives. Alors, je suis prêt à reconnaître une autre intervention. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. Le projet de loi n° 102 est un projet de loi qui va avoir un impact très, très, très important sur des milliers de travailleurs au Québec, et on dit que c'est jusqu'à, quoi, 625 000 travailleurs qui sont visés par ce projet de loi, si ma mémoire est fidèle.

Mais il y a beaucoup plus que ça, M. le Président. Il y a non seulement les travailleurs, mais il y a également des milliers et des milliers de retraités, à travers tout le Québec, qui sont directement concernés par ce projet de loi là, et qui ne sont malheureusement pas inclus dans le projet de loi. C'est ça, le problème que nous soulevons depuis le début. Le ministre est ici aujourd'hui. Je suis heureux qu'il soit là, qu'il puisse entendre nos arguments à nouveau, parce que le député de Verdun, lui, a fait un travail colossal dans ce dossier-là...

Des voix: Bravo!

M. Charest: Et, M. le Président, j'en profite pour ajouter que, oui, l'opposition a un devoir de critiquer, de rendre le gouvernement imputable. Mais le député de Verdun, avec ses collègues de l'opposition officielle, a fait également le travail de contribution, le travail constructif qu'on attend de la part de l'opposition en proposant des amendements au projet de loi, et j'en parlerai dans quelques minutes.

D'abord, la première chose qu'il faut rappeler, M. le Président, c'est l'élément suivant, qui est fondamental pour comprendre pourquoi nous défendons des amendements, pourquoi nous défendons les gens retraités.

Un régime de retraite, M. le Président, ce n'est pas un privilège, ce n'est pas une faveur. Quand on contribue à un régime de retraite et qu'on s'entend avec notre employeur, il met une contribution, on en met une, mais ça fait partie de notre salaire. Ce n'est pas quelque chose de gratuit; ce n'est pas donné. Ce n'est pas quelque chose qu'on va voler à quelqu'un d'autre. Bien au contraire, on s'entend avec un employeur pour qu'il ajoute à la rémunération qu'on reçoit, à chaque semaine ou de façon journalière, qu'on ajoute un montant, chacun de notre côté, qu'on met de côté pour un fonds de pension. C'est donc un salaire différé, M. le Président. Et c'est un choix qu'un individu fait, sachant très bien que, un jour, il prendra sa retraite, qu'il devra évidemment continuer à vivre, faire vivre sa famille, qu'il voudra se donner un certain standard de vie. Donc, les gens qui sont dans un milieu de travail s'entendent sur le fait qu'on prévoit pour notre retraite.

Or, pas tous les travailleurs sont pareils. Pas tous les travailleurs ont le même statut, M. le Président. Il arrive qu'il y ait des travailleurs syndiqués, puis il y a des travailleurs qui sont non syndiqués. Et ça, c'est la réalité. Bien, c'était la réalité jusqu'à ce qu'on lise le projet de loi, parce que, dans le projet de loi ? puis si on constate le choix que fait le gouvernement ? il n'y en a que pour les travailleurs syndiqués, dans le projet de loi. Tous les autres sont oubliés, ils n'existent pas ou à peu près pas.

Et il y a plus que ça, M. le Président. Le régime de retraite des employés qui ont contribué, ce régime-là qui est en vigueur pour leur durée de vie, selon les dispositions prévues entre l'employeur et son employé, bien, ce régime de retraite là, c'est pour eux aussi, ils y ont contribué.

Or, dans le projet de loi comme tel, aussi incroyable que ça puisse paraître compte tenu de ce que nous savons de l'évolution des caisses de retraite, les retraités sont exclus du projet de loi. Et rappelons le contexte du projet de loi. C'est pour établir des règles qui nous permettent de redistribuer les surplus ou de gérer une situation de surplus. Appelons-le comme ça, M. le Président. Rendons ça simple: une situation où il y a des surplus dans une caisse, dans un plan déterminé, bon.

Alors, il arrive quoi? Il y a des gens qui ont contribué à cette caisse-là, ils y ont mis de leur argent à eux; il y a un lien direct entre les deux. Ça a sorti de leurs poches puis c'est allé directement dans la caisse de retraite. Et, lorsqu'il y a une situation de surplus, ils aimeraient bien avoir leur mot à dire sur la façon dont on doit administrer ce surplus-là. Cet argent-là n'est pas tombé du ciel, il n'est pas apparu de nulle part; ça vient directement de leurs poches.

Bien, ce qu'on souhaitait, M. le Président, ce que le député de Verdun a défendu corps et âme jour après jour, c'est un principe fort simple: c'est que l'argent qui appartient aux retraités, que ce soit de l'argent où ils puissent avoir leur mot à dire, tout en reconnaissant ? tout en reconnaissant ? les intérêts légitimes des autres parties, incluant les employeurs, incluant les employés actifs qui contribuent à la caisse, incluant, M. le Président, les employés qui sont non syndiqués ? il peut y avoir des cadres, par exemple ? alors, ces gens-là ont payé dans la caisse aussi.

Or, voilà un projet de loi qui fait de l'arbitraire, qui dit aux employeurs: Vous avez des droits. Si vous êtes syndiqués, vous avez des droits. Ah, vous êtes retraité, vous? Non. Fini. Ah, vous n'êtes pas syndiqués, vous? Fini. Non, non. Est-ce qu'on vous remet votre argent? Non. Est-ce qu'ils vont leur remettre leur argent, comme ils n'ont plus le droit de se prononcer sur l'avenir de l'argent avec lequel ils ont eux-mêmes contribué à la caisse? Non. Ah, non, non, on va contrôler votre argent pour vous.

Or, M. le Président, on présume, dans le projet de loi, par exemple, que les syndicats, qui ont des intérêts qui sont assez définis, qui relèvent de quelque chose d'élémentaire, c'est qu'ils représentent les employés actifs, qui contribuent à la caisse d'opération des syndicats, bien, les syndicats vont représenter les gens qui les paient. On ne peut pas s'attendre à autre chose que ça. Ce n'est pas un reproche que je leur fais, c'est comme ça, la nature humaine. Bon. Mais, dans le projet de loi comme tel, on présume que le syndicat va représenter les retraités, qui ne contribuent plus aux activités du syndicat et qui sont dorénavant dans une situation où ils sont indépendants du syndicat. Ça explique pourquoi il y a des milliers, mais littéralement des milliers de personnes au Québec qui ont protesté contre le projet de loi. Et on a reçu des lettres, des courriels, des messages, des téléphones dans nos bureaux, il y a eu des réunions. Le député de Verdun était présent d'ailleurs à un rassemblement qui a eu lieu récemment sur l'île de Montréal. Il y a littéralement des centaines de milliers de personnes qui manifestent contre ça.

Ces gens-là qui ont contribué à la caisse, et qui, dans beaucoup de cas, n'ont pas de pension indexée, et qui voient les surplus s'accumuler soudainement, et qui perdent, eux, sur leur revenu disponible, parce qu'il y a un phénomène d'effritement puis d'érosion de leur revenu, eux autres, ces gens-là qui ont travaillé toute leur vie puis qui ont contribué à la caisse aimeraient bien, dans une situation de surplus qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer ? ce n'est pas quelqu'un d'autre qui l'a fait, c'est leur argent à eux qui crée la situation de surplus ? ils demandent quelque chose de très simple: le droit de participer à la décision sur ce qu'on va faire dans une situation de surplus. Ils ne demandent pas de pouvoir décider seuls, ils ne demandent pas d'être les seuls à dire: Je veux mon argent. Ils ne demandent de retirer leur argent puis de partir avec. Ils veulent simplement participer, puis ils reconnaissent, légitimement, qu'il y a d'autres acteurs. Il y a les employeurs, puis ils reconnaissent le rôle du syndicat, ces gens-là, puis ils reconnaissent le rôle des employés qui sont non syndiqués, puis ils se demandent pourquoi ce gouvernement-là ne veut pas reconnaître qu'ils existent, eux, puis qu'ils auraient le droit de participer à une décision sur comment cet argent-là serait géré.

M. le Président, ce qui nous a surpris un petit peu là-dedans, c'est la réaction du gouvernement. Si j'ai bien compris, on a l'air à nous dire que c'est trop compliqué, que, ah! ça ne sera pas possible de gérer ça. C'est mal connaître le député de Verdun que de lui faire une réponse comme celle-là, c'est très mal le connaître. Je peux en témoigner, il est dans notre caucus à tous les jours. Les réponses...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: Le député de Verdun est un académique, est un homme d'une très grande intelligence, surtout très créatif. Je vais arrêter là parce qu'après ça, bien, ça va être difficile dans le caucus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre de la Solidarité sociale, vous allez l'avoir, votre droit de réplique, vous parlerez à ce moment-là. M. le chef de l'opposition, si vous voulez poursuivre.

M. Charest: Bien, justement, le député de Verdun a fait une suggestion au gouvernement. Comme le gouvernement ne semblait pas... Peut-être que le gouvernement n'avait pas eu le temps de faire ses devoirs, peut-être que ça s'est fait dans le même... Je ne sais pas, il doit y avoir une pièce, dans le gouvernement, où ils ont dû faire la réforme pour la santé, ça a dû être fait au même endroit, au même endroit que la réforme de l'assurance médicaments, qui a doublé, au même endroit que la réforme d'Emploi-Québec et dans la même pièce où il y a la réforme des fusions forcées. Sauf que le député de Verdun a fait une suggestion, M. le Président. Dans le cas où il y aurait un surplus excédentaire, c'est-à-dire un surplus que la loi de l'impôt fédérale oblige à résorber, on procéderait comme ceci: si les parties n'arrivent pas à obtenir une entente, la question serait référée à un arbitre qui verrait à indiquer les moyens de résorber le surplus. Cet arbitre devrait prendre en considération, dans sa décision, les éléments suivants: le remboursement des cotisations patronales versées en excédent pour réduire un éventuel déficit actuariel passé; l'équité entre chaque groupe qui a contribué à la constitution du surplus; le maintien d'une réserve raisonnable. Alors, voilà une suggestion qui a été faite et qui était fort simple.

Si on était les seuls à dire ce qu'on vient de vous dire aujourd'hui depuis 10 minutes... C'est très, très peu de temps, là, c'est le temps qui m'est alloué pour le débat, on ne peut pas aller dans les détails, mais je vais donc terminer, M. le Président, en vous disant ceci. Si on était les seuls aujourd'hui debout à défendre ce qu'on défend, bien, peut-être que le gouvernement pourrait se lever puis dire: Vous, vous faites de la démagogie. Les réponses qu'il nous donne habituellement quand on s'oppose ou qu'on pose des questions: On n'écoute pas ou, comme le vice-premier ministre disait, apparemment, on ne comprend pas. Dans le cas des référendums, si les gens disent non, ils ne comprennent pas.

n(15 h 10)n

Bien, je ne pense pas que la Fédération québécoise des professeurs d'université ne comprend pas, M. le Président. Et je vais terminer là-dessus. Eux, ils nous ont écrit, ils appuient la position qu'on défend. C'est la même chose pour des centaines de représentants de groupes de retraités à travers tout le Québec. Alors, en dernier recours, on fait appel à la compassion du gouvernement. Peut-être ? sait-on jamais ? qu'il y aurait un sursaut, un moment de compassion, de compréhension et que le gouvernement reconnaîtrait enfin que ces retraités-là ont des droits. S'ils ne le font pas, eux, je terminerai en disant que, oui, bientôt il y aura un gouvernement libéral qui le fera à leur place.

Des voix: Bravo!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, un instant. M. le ministre de la Solidarité sociale.

M. Boisclair: Est-ce que le chef de l'opposition m'autoriserait une question, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous autorisez le ministre de la Solidarité sociale à vous poser une question en vertu de l'article 213? La question, cependant, doit être brève, et la réponse, brève également. M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, j'apprécie l'intervention du chef de l'opposition qui ajoute à la discussion. Mais je voudrais lui demander comment il se fait que, lorsque est venu le temps de discuter de ce qu'on a appelé l'option 2, qui permettait justement à un employeur de prendre un droit de congé de cotisation unilatéral à condition de bonifier la caisse, ce qui venait donc donner des avantages à des travailleurs non syndiqués, sa formation politique est restée coite et a été complice d'autres personnes qui ont rejeté l'option 2. Pourquoi a-t-il été silencieux en commission et «vocable» à l'Assemblée?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le chef de l'opposition officielle, la parole est à vous.

M. Charest: Tout simplement, M. le Président, je rappellerai au ministre que... Si l'option 2 était si forte que ça, pourquoi il l'a retirée?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: Je ne peux pas donner une réponse plus...

Des voix: Bravo!

M. Charest: Alors, M. le Président, si c'est ça, l'argument du ministre, il pourra se réunir avec lui-même plus tard et débattre de tout ça et essayer de savoir pourquoi il a retiré l'option 2.

Mais, M. le Président, je veux juste réitérer au ministre ? et je le dis amicalement ? que le ministre sait très bien qu'il y a des milliers de retraités à travers le Québec et que tous ces gens-là ont manifesté de façon assez civilisée, de façon très articulée leur opposition au projet de loi. Bon, il fait un signe de la tête pour dire oui, il est d'accord, que c'est vrai. Bon. Alors, est-ce que tous ces gens-là ont tort en même temps? Il fait signe de la tête que oui. Bon, bien, on a notre réponse. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le chef de l'opposition officielle.

Alors, nous en sommes à l'étape de l'adoption du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives. Je vais céder la parole à un prochain intervenant. M. le député de Shefford, porte-parole des transports de l'opposition officielle. M. le député, la parole est à vous.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. On vient d'entendre parler d'option 1, d'option 2. L'option 3 serait peut-être de donner l'opportunité au ministre de retirer son projet de loi et d'aller faire ses devoirs. Je pense que, lorsqu'on est devant un projet de loi devant lequel il y a autant d'opposition, le gouvernement doit, lui aussi, se poser des questions, pas attendre qu'on pose toutes les questions à la période de questions, mais doit faire un temps d'arrêt et faire en sorte de revoir les argumentations des gens qui s'y opposent. Et les gens qui s'y opposent, au projet de loi n° 102, ce sont une grande partie de la population, des gens qui sont aujourd'hui retraités, des gens qui ont contribué, comme le disait le chef de l'opposition il y a quelques instants, de leurs propres deniers durant leur vie. Ce n'est pas de l'argent qui leur a été donné, c'est de l'argent qui leur appartient. Et je pense que, lorsqu'on est devant un projet de loi qui leur enlève un droit de parole sur l'argent qui leur appartient, à ce moment-là, la seule option que le gouvernement doit regarder, c'est celle de retirer ce projet-là et de refaire ses devoirs.

Nous avons entendu à plusieurs reprises le député de Verdun nous expliquer de long en large la teneur, les tenants et aboutissants du projet de loi n° 102. M. le Président, le député de Verdun ? et vous le savez ? c'est un personnage excessivement intelligent, c'est une des personnes les plus qualifiées non seulement ici, à l'Assemblée nationale, mais partout au Québec pour débattre de ce genre de projet de loi, et les gens, la population retraitée, lui font une entière confiance.

Donc, M. le Président, nous sommes devant un projet de loi qui touche, comme l'a dit le chef de l'opposition il y a quelques instants, environ 625 000 travailleurs. Ce projet de loi modifie, en quelque sorte, en substance les paramètres d'administration des régimes de retraite. Vous avez, vous, comme moi, comme tous les membres de l'Assemblée nationale, j'en suis convaincu, y compris le ministre, reçu des gens à votre bureau de comté pour dénoncer la façon dont on traitait les personnes retraitées, et particulièrement les gens qui ont accumulé durant leur vie un fonds de pension.

Donc, M. le Président, ces retraités-là, il semble que le gouvernement fait fi de leur avis, fait fi de la démocratie, de la simple démocratie que l'on devrait normalement vivre au Québec, soit de décider de ce qui nous regarde. Et ce qui nous regarde et ce qui regarde les gens retraités, c'est leur propre argent, leur fonds de pension. Donc, c'est inacceptable de penser qu'un projet de loi les pousse, les tasse du processus décisionnel en ce qui concerne leur propre régime de retraite.

On peut comprendre, M. le Président, que les salariés actuels et que les employeurs aient des intérêts qui se poursuivent au cours des négociations d'une convention collective, mais ces mêmes argents là qui sont déposés aujourd'hui par les salariés qui travaillent maintenant ont été déposés par les salariés aussi d'autrefois. Donc, tous ces gens-là devraient normalement avoir un droit de regard sur leur régime de retraite, d'autant plus que les retraités constituent une partie très importante... d'autant plus qu'ils ont fourni presque la moitié des sommes qui font partie de la caisse actuelle.

Donc, M. le Président, il y a plusieurs personnes qui se sont jointes à la voix du député de Verdun puis à la voix de l'opposition officielle. On en a vu de tous les côtés. Même, j'avais un tas de lettres que j'ai reçues d'un tas d'associations de retraités. À tout hasard, j'en ai pris une, c'est l'Association des employés retraités de la ville de Montréal et de la CUM. M. le Président, vous êtes un député de la région de Montréal, le député de Verdun l'est également, je recevais cette lettre-là le 8 novembre, il n'y a pas si longtemps, accompagnée d'une résolution de l'Association.

Et puis, pour bien éclairer les gens qui nous écoutent à la maison ? je pense que c'est à peu près les résolutions types qu'on pouvait adopter dans les associations de retraités ? je vous en lis certains passages. Comme je vous le disais, c'est l'Association des employés retraités de la ville de Montréal et de la CUM.

«Résolution.

«Attendu que, contrairement à ce que prétend le ministre André Boisclair, le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, n'a aucunement dans ses objectifs l'intérêt des retraités, des préretraités et des aînés du Québec ? donc, en partant, M. le Président, c'est tout à fait clair;

«Attendu que le projet de loi n° 102 ne donne aucun pouvoir réel aux retraités sur la gestion de leur caisse de retraite, ne donne aucun pouvoir réel aux retraités quant à la disposition des surplus de leur régime de retraite;

«Attendu que le projet de loi n° 102, si adopté ? nous espérons tous, M. le Président, qu'il ne le sera pas tel quel ? aura pour effet de retirer aux retraités le droit de contester devant les tribunaux les injustices pouvant résulter de certaines décisions convenues entre le patronat et les syndicats, entre autres sur la disposition des surplus;

«Il est résolu de demander au gouvernement du Parti québécois de surseoir à l'adoption du projet de loi n° 102.»

M. le Président, sûrement que le ministre a reçu la même lettre non seulement de cette association de retraités, mais de plusieurs associations de retraités. D'ailleurs, il m'indique qu'il en a reçu ça d'épais. M. le Président, vous avez déjà siégé longtemps dans les autres banquettes de l'opposition, moi, quelques mois, et j'imagine que j'aurais été plus sensible que ça, lorsque le ministre fait signe qu'il a reçu ça d'épais de lettres de gens qui n'étaient pas d'accord avec son projet de loi.

M. le Président, on ne peut pas passer à côté de l'opinion de la majorité des citoyens qui sont concernés par un projet de loi comme ça. C'est impossible de penser que quelqu'un dise avoir le monopole de la vérité, le monopole de la raison. Dans ce cas-là, je pense qu'il faut s'arrêter puis faire des examens de conscience. Peut-être que le ministre pourrait s'arrêter, pourrait peut-être demander l'ajournement du débat ? je l'invite à faire ça ? puis dire peut-être: Je vais retourner chez moi, je vais retourner voir mes fonctionnaires; on va retourner faire nos devoirs parce qu'il semble qu'il y a quelque chose qui cloche.

n(15 h 20)n

Il n'y a pas juste l'opposition qui crie, il y a tout le monde qui crie sur le terrain, M. le Président. Donc, lorsqu'il y a injustice, j'imagine que la moindre des choses de la part d'un gouvernement, ça serait d'écouter ses citoyens.

Ils continuaient la lettre en disant: «Il est résolu que, si, malheureusement, le gouvernement devait maintenir sa position quant au projet de loi, nous, membres du conseil d'administration de l'Association des employés retraités de la ville de Montréal et de la CUM inc., réunis en assemblée générale à Montréal le 8 novembre 2000, nous nous permettrons d'informer tous nos membres et autres retraités de la ville de Montréal et de la CUM sur les effets néfastes de cette loi et de livrer bataille au gouvernement du Québec, autant sur le plan juridique que politique.»

Donc, M. le Président, on voit, par exemple, une association de retraités qui sont prêts... Ils avertissent le ministre immédiatement que, même si la loi est adoptée, elle ne sera pas plus juste parce que la majorité du gouvernement aura fait en sorte que cette loi-là sera adoptée, elle sera tout aussi injuste, et ils avertissent à l'avance le ministre et le gouvernement du Québec qu'ils vont attaquer devant les tribunaux la loi n° 102.

Donc, M. le Président, lorsqu'on est rendu à nier cette évidence-là, il m'apparaît que, pour un gouvernement qui se veut responsable, ce sont tout à fait des mesures inacceptables. Et, souvent, on voit une habitude qui se crée de la part d'un gouvernement ? je ne sais pas si c'est naturel pour un gouvernement à son deuxième mandat...

Vous m'indiquez deux mandats ou deux minutes? Deux minutes.

Alors, M. le Président, on l'a vu ? on le voit dans la loi sur les fusions forcées ? on a vu maintes lois qui imposaient des choses contre la volonté des citoyens. On le voit aussi, M. le Président, puis vous le savez très bien, dans l'industrie du taxi: cette loi-là ne fait pas l'unanimité. On a vu une certaine arrogance, une certaine...

On impose les choses, comme une dictature, M. le Président. Et j'ai été surpris, la semaine dernière ? puis je pense bien que tout le monde a été surpris, puis je pense que les députés, s'il y a des députés du Saguenay?Lac-Saint-Jean, ont été surpris ? lorsque le premier ministre a indiqué que le journal Le Quotidien, on ne devait pas lire ça, parce qu'on s'imagine facilement... Je ne suis pas de la région du Saguenay? Lac-Saint-Jean, mais j'imagine que le journal Le Quotidien a probablement été dur à l'endroit du gouvernement. Tout ça pour vous dire, M. le Président, qu'on ne doit pas s'emmurer en arrière d'idées préconçues, de préjugés.

Donc, M. le Président, on est devant un projet de loi qui est contesté, je dirais, presque à l'unanimité des intervenants, et on est encore devant un gouvernement qui va bulldozer, qui va imposer à des citoyens l'inacceptable et ce qui n'est pas acceptable aujourd'hui en démocratie.

Donc, comme vous le dites, M. le Président, il leur reste la moitié d'un mandat, et j'espère que les citoyens, lorsque viendra le jour de l'élection, qui sera plus tôt que tard, sauront se souvenir des projets de loi sur les fusions forcées, sur la loi n° 102 et d'innombrables lois qu'a fait voter ce gouvernement.

Donc, M. le Président, en conclusion, moi puis mes collègues, nous allons voter contre le projet de loi n° 102. Je vous remercie beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député.

Alors, nous poursuivons le débat sur ce même sujet. Je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de métropole et député de Marquette.

M. le député, la parole est à vous.

M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Comme l'a si bien dit le député de Shefford, comment pouvons-nous, de ce côté-ci de la Chambre, appuyer un projet de loi qui enlève de l'argent à des contribuables, de l'argent qu'ils ont gagné à la sueur de leur front pendant toute leur vie, et puis par la suite appuyer un projet de loi qui leur enlève le droit de contester ce que le gouvernement veut faire avec la loi n° 102? Je suis convaincu même que, de l'autre côté ? du côté des banquettes ministérielles ? il doit y avoir des députés qui sont très mal à l'aise avec cette loi-là.

On prend l'argent de contribuables qui sont rendus à l'âge de la retraite. Leur argent a fait fructifier des revenus additionnels non prévus dans des caisses de retraite, et on dit à ces personnes-là: Vous ne pouvez pas en bénéficier, on va réserver ça à deux catégories de personnes, même si quatre catégories de personnes y ont contribué. Et puis, par la suite, pour ajouter l'injure à l'insulte, on leur enlève cette capacité d'aller devant les tribunaux pour contester ce que le gouvernement fait.

Moi, ça me rappelle, M. le Président, le débat qui a eu cours aujourd'hui au niveau de l'équité salariale. Je pense que le premier ministre a eu l'honnêteté d'accepter que l'opposition avait raison, que son gouvernement avait tort. Le ministre devait imiter le geste de son premier ministre et constater lui aussi que nous avons raison, avec tous ceux et toutes celles qui dénoncent la loi n° 102 depuis plusieurs mois maintenant, et retourner, comme l'invitait à le faire le député de Shefford, pour réévaluer ce qu'ils sont en train de faire. Parce que le danger d'un gouvernement de deuxième mandat, c'est qu'on pense posséder la vérité, on pense être les seuls à savoir ce qui est bon pour le peuple et on ne prend même pas le soin de consulter ce peuple-là. Et on a tellement peur de leur dire les vraies choses que, pendant les campagnes électorales, on ne leur dit pas ce qu'on a l'intention de faire une fois qu'on sera au gouvernement. Ça, c'est le danger de gouvernements de deuxième mandat, qui sont devenus presque des gouvernements totalitaires, dans le cas du gouvernement du Parti québécois. Ils vont très, très, très loin dans ce qu'ils font. Ils en paieront le prix, parce que je suis convaincu que la population en a assez, en a soupé, en a suffisamment, particulièrement dans la ville de Saint-Bruno. Je vois la ministre, qui est ici, je suis convaincu que les citoyens de Saint-Bruno...

Une voix: ...

M. Ouimet: C'est la démocratie.

Une voix: ...

M. Ouimet: Bien, c'est la démocratie lorsqu'on consulte le peuple et lorsqu'on dit au peuple nos intentions.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous allez vous adresser à la présidence, là, parce que...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse, Mme la ministre, mais il y a un président. Adressez-vous à moi, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: Moi, j'aime bien vous adresser la parole, M. le Président. J'ai été interpellé par la ministre et députée de Chambly, qui a, semble-t-il, eu de la difficulté avec le dossier de la grande ville de Longueuil parce qu'elle voulait soustraire la ville de Saint-Bruno.

Alors, le discours gouvernemental que les fusions forcées, c'est bon, c'est bon pour le développement économique, la ministre, elle, ne le croyait pas, voyez-vous. Elle souhaitait faire en sorte que la ville de Saint-Bruno ne puisse pas profiter de cette grande manne de développement économique que nous annonce le gouvernement en regroupant de force des municipalités et en obligeant des citoyens à faire des choix, c'est-à-dire à leur imposer des choix qu'ils n'ont jamais faits. Je le sais parce que j'en ai eu des échos. Elle a tout fait, elle a tout essayé, malheureusement... presque tout, M. le Président. Reste qu'elle demeure solidaire du Conseil des ministres. On sait qu'un ministre qui n'est pas d'accord, normalement, avec un Conseil des ministres sait quel geste il ou elle doit poser. D'ailleurs, le député de Mercier, il n'y a pas si longtemps, a décidé de démissionner pour des raisons personnelles.

Une voix: ...

M. Ouimet: Non, non, non, mais, écoutez! Moi, je pense qu'on doit lui donner le bénéfice du doute, c'est ce qu'il a dit, «des raisons personnelles». Mais on savait, par ailleurs, qu'il y avait plusieurs politiques de son gouvernement avec lesquelles il était fortement en désaccord, comme ça arrive dans un gouvernement de deuxième mandat. Parce que, dans un gouvernement de deuxième mandat, voyez-vous, M. le Président, on oublie le sens de la vertu, on oublie ce qui est bon pour le peuple. On décide, on décide sans consulter, sans écouter, on fait toutes sortes de représentations par la suite.

n(15 h 30)n

Mais, M. le Président, on se rend bien compte que, dans plusieurs de ses projets, le gouvernement ne réussit pas à se décharger de son fardeau de la preuve. Dans le dossier de l'équité salariale, que se passe-t-il? Le gouvernement a tellement voulu essayer de démontrer à la population qu'il y aurait des baisses d'impôts qu'ils ont... Et là je ne veux pas employer un terme antiparlementaire, je ne veux pas dire ni «tripoter» ni «manipuler», mais ils ont joué avec les chiffres. Ils ont joué avec les chiffres et ils pensaient que personne ne verrait le coup ou l'astuce. Ils ont décidé que les femmes feraient les frais de la réforme des fusions forcées, en faisant en sorte que les montants qui leur sont dus aujourd'hui ? les montants qui leur sont dus aujourd'hui... le gouvernement a décidé: ces femmes-là attendront dans quatre ans dans cinq ans, la loi va jusqu'en 2009. Pourquoi? Parce que le gouvernement savait qu'en disant la vérité au peuple québécois par rapport aux fusions forcées le gouvernement ne pourrait pas promettre des baisses d'impôts. Ils le savent très bien, toutes les études le démontrent, il ne peut y avoir de baisse d'impôts et il ne peut y avoir d'économies.

Mais, lorsqu'on joue avec les chiffres, M. le Président, on peut faire dire aux chiffres à peu près n'importe quoi, sauf qu'il y a un prix à payer. Qui va payer ce prix? Ce sont les femmes, à moins que le premier ministre maintenant tienne parole et décide de modifier le projet de loi n° 170. Mais je dis à tous ceux et toutes celles qui nous écoutent de ne pas se fier à la parole du premier ministre parce que, il n'y a pas si longtemps, il avait pris l'engagement ici, devant tous les parlementaires, auprès du chef de l'opposition officielle, qu'il déposerait des études lors du dépôt du projet de loi. Or, le projet de loi a été déposé il y a deux semaines et le premier ministre n'a jamais honoré sa parole.

Alors là le ministre de la Solidarité sociale, qui nous fait toutes sortes de représentations par rapport à son projet de loi n° 102, a décidé, lui, de faire payer les retraités. Ce sont les retraités qui vont faire les frais de la loi parce qu'on les prive des fruits de leurs économies, de leur fonds de pension qu'ils ont travaillé si fort pour accumuler au fil des années. Alors, c'est eux qui vont faire les frais. Et, craignant une contestation judiciaire à bon droit, le gouvernement a inséré dans la loi n° 102 une disposition qui à toutes fins pratiques enlève les droits à ces citoyens.

Alors, M. le Président, on a vu un gouvernement dans une autre loi décider de s'accorder le privilège de modifier en Conseil des ministres des lois votées par l'Assemblée nationale. La ministre a beau évoquer le précédent de M. Ryan; qu'elle revienne, qu'on en fasse le débat. Vous allez voir que ce que dit la ministre est complètement faux. Mais ils sont tellement poignés avec cet argument-là que, là, ils sont obligés d'inventer des prétextes pour tenter de dire: Ce n'est pas nous qui l'avons fait, ça a déjà été fait dans le passé. Ce n'était pas du tout la même chose, ce n'était pas du tout dans le même contexte et ça n'a pas du tout le même effet.

Or, M. le Président, pour les gens qui nous écoutent ? et je suis sûr qu'ils sont d'accord avec nous, comme combien de personnes; combien de représentations avons-nous eues à nos bureaux de comté, tout comme le ministre ? la vérité sur ce projet de loi et sur bien d'autres projets de loi loge de ce côté-ci de la Chambre, et c'est la raison pour laquelle nous allons voter contre le projet de loi n° 102, parce qu'il prive les personnes retraitées de revenus qui devraient leur revenir, et ça, ce n'est tout simplement pas acceptable dans notre démocratie. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives, et je vais céder la parole à la porte-parole de l'opposition en matière de relations internationales et députée de Louis-Hébert... Non, Jean-Talon.

Mme Delisle: S'il vous plaît, M. le Président, Jean-Talon. Je l'ai gagné de grande misère, alors c'est Jean-Talon.

Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: M. le Président, j'interviens à mon tour pour inscrire le fait que je vais voter contre, comme mes collègues, le projet de loi n° 102 qui est la loi qui modifie la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Plusieurs de mes collègues m'ont précédée à cette tribune, et je dois vous dire que, l'ensemble des éléments qui ont été soulevés, j'en fais les miens. Mais j'aimerais revenir sur certains éléments, si vous le permettez, dans les courtes minutes qui me sont allouées.

On sait que ce projet de loi n° 102 modifie les paramètres de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Ça s'applique aux régimes de retraite privés, ceux que plusieurs entreprises et groupes de travailleurs ont mis sur pied pour améliorer les revenus de retraite. Il s'agit ici du régime de retraite qui touche 625 000 travailleurs au Québec. Le projet de loi n° 102 tente, entre autres, de baliser la façon dont l'employeur et le syndicat peuvent disposer des excédents d'actif qui sont générés par une caisse de retraite.

Le gouvernement a d'abord déposé un projet de loi qui permettait aux employeurs seulement, tout en respectant certaines modalités, de prendre de façon unilatérale des congés de cotisation. Il y a une deuxième version qui a été déposée, M. le Président, qui prévoit que les surplus devront être utilisés d'un commun accord entre la partie patronale et la partie syndicale, excluant du processus décisionnel les cadres ? alors, ça peut être des employés non syndiqués ? et les bénéficiaires, donc les employés retraités. La grande question qu'il faut se poser: À qui appartiennent les surplus des caisses de retraite? Et l'autre qui est, à mon avis, importante aussi, c'est: Comment doivent-ils être répartis, ces surplus-là?

M. le Président, j'ai un collègue, le député de Verdun, sans qui, je pense, on aurait eu beaucoup de difficultés à comprendre tout ce qui se passait, parce que vous pouvez admettre comme moi que, lorsqu'on parle des régimes de retraite, de surplus actuariels, de déficits actuariels, c'est quand même assez aride si ça ne fait pas partie des dossiers qu'on a l'habitude quotidiennement de travailler. Or, le député de Verdun a très bien travaillé ce dossier-là pour notre formation politique. Il a soumis des amendements au ministre responsable de ce dossier-là. Malheureusement, le ministre a choisi une autre voie et a complètement laissé en plan les retraités en ce qui regarde le choix que ces retraités-là pourraient avoir quant à la répartition finalement des surplus qui se retrouvent dans ces caisses puis, faut-il le rappeler, auxquels ces gens-là ont contribué en travaillant.

J'entendais tout à l'heure des gens sourire puis rire un peu parce qu'on parlait de la sueur de leurs fronts. Mais, en général, les trois quarts des gens travaillent à la sueur de leurs fronts. Peu importe le type de travail qu'ils font, on va partir du principe que ces gens-là ont bien gagné leur vie et qu'ils méritent les sommes auxquelles ils ont contribué, les cotisations qu'ils ont données finalement pour pouvoir se payer une retraite qui ne soit pas luxueuse mais une retraite qui a du bon sens.

M. le Président, j'ai été témoin... J'ai eu le plaisir de remplacer un collègue lors d'une commission parlementaire où les retraités ont tenté tant bien que mal de convaincre le ministre responsable du dossier de l'importance d'entendre non seulement leurs récriminations ? puis peut-être que ce mot-là a une connotation un peu négative ? mais d'entendre leurs arguments qui, à notre avis, avaient beaucoup de poids. Alors, j'ai été très étonnée de voir la façon dont le ministre responsable a tout simplement balayé du revers de la main les objections qu'avait ce groupe très important de personnes. 625 000 personnes qui ont accès à ces régimes de retraite privés, ce n'est pas rien, ce n'est pas un caprice de la journée, c'est vraiment quelque chose de majeur, et le ministre a tout simplement décidé qu'il n'écoutait pas ces gens-là.

J'ai reçu, comme le ministre, beaucoup de lettres. J'ai eu des téléphones, j'ai rencontré des gens. Le comté de Jean-Talon regroupe, je peux vous le dire, beaucoup de gens à la retraite, et cette loi les touche particulièrement. Et, si vous me permettez, M. le Président, je vais vous lire deux extraits, des extraits de deux lettres, une qui est signée par Mme Ida Thériault-Chevalier, qui est une dame de mon comté, qui dit ceci:

«Comme retraitée, je désire vous manifester ma grande insatisfaction envers le projet de loi n° 102. Les objectifs du gouvernement en vue de favoriser le développement des régimes privés de retraite partent certes de bonnes intentions. Cependant, en ce qui concerne le partage des surplus d'actif des caisses de retraite, le projet de loi néglige totalement l'équité envers les retraités.

n(15 h 40)n

«Le projet de loi ne tient pas compte d'un principe fondamental: les actifs des caisses de retraite sont constitués d'une partie de la rémunération des travailleurs. En conséquence, les surplus dégagés ? je cite toujours, M. le Président, Mme Chevalier ? doivent être partagés entre les employés actifs et les employés retraités, puisque les deux groupes ont un patrimoine propre et distinct. De fait, plus de 47 % des participants aux régimes complémentaires de retraite sont des retraités. C'est donc dire que les surplus des caisses de retraite sont générés en grande partie par l'épargne des retraités.»

M. le Président, ce projet de loi là, en plus de bâillonner deux des quatre groupes au contrat, dans la version révisée du projet de loi, introduit des dispositions qui sont assez insidieuses. Selon les dispositions proposées par le ministre, les retraités sont considérés comme un sous-groupe de la partie syndicale. Donc, si le syndicat devait s'entendre avec la partie patronale sur l'usage des surplus en ne tenant pas compte des revendications des employés retraités, il serait impossible à ces derniers de contester l'entente devant les tribunaux, puisque, légalement, le syndicat serait réputé avoir parlé en leur nom.

J'aimerais soumettre à votre attention, M. le Président, un exemple où l'exécutif syndical serait constitué en partie de plus jeunes. Les plus jeunes ? on le sait et on ne peut pas leur en tenir rigueur ? n'ont pas les mêmes réalités, ne vivent pas les mêmes réalités au quotidien que les aînés. Un jour, on fera partie de cette génération-là et on pourra aussi admettre qu'on n'a pas les mêmes priorités.

Qu'arrivera-t-il, à ce moment-là, lorsque des gens qui n'ont pas la même vision des choses, qui ne vivent pas la même réalité dans le quotidien, prendront des décisions qui vous affecteront, qui m'affecteront? Moi, je pense qu'il y a une inéquité, et, par respect pour ces gens qui ont contribué à faciliter, à améliorer le sort et la qualité de vie de ma génération ? puis je pense que, nous, on est ici pour essayer d'améliorer la qualité de vie de la génération qui nous suit ? bien, moi, je pense qu'il y a un manque de respect majeur dans ce projet de loi là.

M. le Président, je vous dirais que la seule chose que les retraités revendiquent, ce n'est pas compliqué, c'est le droit de participer à l'utilisation des surplus. Ils demandent, ces retraités-là, ces hommes et ces femmes, que leur soit laissé un droit de recours ou un droit à l'arbitrage afin de contester des décisions qui pourraient leur porter préjudice. Ils ont manifesté, vous le savez, leur mécontentement de plusieurs façons. L'argument qui est le plus souvent utilisé pour écarter les retraités du partage des surplus est le suivant: Pourquoi les retraités devraient-ils toucher une partie des surplus, puisqu'ils ne sont pas soumis aux risques des déficits futurs? Ça peut être un argument, sauf que c'est qu'il y a une partie du surplus qui est conservée dans le régime pour couvrir ces éventualités futures là. Donc, ce coussin-là, ils y participent aussi.

M. le Président, vous me faites signe qu'il ne me reste presque plus de temps. Je voudrais juste vous rappeler que notre position a été très claire au Parti libéral du Québec. On s'est non seulement prononcés contre le principe du projet de loi n° 102, mais on s'est prononcés également contre le manque de respect du gouvernement actuel à l'égard des retraités qui ont de toutes sortes de façons tenté de faire comprendre au gouvernement qu'ils ont construit leur sécurité financière en se constituant des caisses de retraite et que ce manque de respect du gouvernement... Nous, ici, de ce côté-ci, nous allons voter contre ce projet de loi là justement parce que nous savons qu'on doit respecter ces gens-là.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Alors, je voudrais informer les membres de cette Assemblée que la présidence a reçu dans les délais requis une demande du député de Brome-Missisquoi suite à une question qu'il a posée aujourd'hui au vice-premier ministre concernant des propos qu'il aurait tenus à l'égard des citoyens et citoyennes du Québec. Ce débat de fin de séance là aura lieu après les affaires courantes, à 18 heures, et c'est le troisième débat de fin de séance pour ce soir.

Alors, nous poursuivons le débat. Nous en sommes à l'adoption du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et modifiant d'autres dispositions législatives, et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation et député de Vaudreuil.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, je me permets d'intervenir quelques minutes aujourd'hui pour commenter le projet de loi n° 102, projet de loi qui touche les régimes complémentaires de retraite, régimes complémentaires qui existent dans le secteur privé, qui ont été établis par des entreprises et des employés et qui ont été mis sur pied afin que les employés puissent améliorer leurs revenus de retraite. Or, on s'aperçoit aujourd'hui que plusieurs régimes de retraite qui ont fait l'objet des cotisations et de l'employeur et des employés ? parce que les employés ont mis de l'argent dans ces régimes de retraite là également, et ça constitue une sorte de rémunération différée ? donc ces caisses de retraite ont des surplus parce que les revenus qui ont été générés sous forme de placements sont plus élevés que ce qui était requis pour payer les obligations des régimes de retraite et que le projet de loi propose des modalités pour pouvoir partager ces surplus de régimes de retraite sans cependant que les retraités et les non-syndiqués des entreprises aient une voix au chapitre sur la façon de répartir ces surplus. Seulement l'employeur et les syndicats pourront ensemble décider de l'affectation et de la répartition de ces revenus. Pourtant, les participants à ces régimes de retraite, il y en a plus de 47 % qui sont des retraités, des personnes, des hommes et des femmes, donc, qui ont mis de l'argent ? cet argent a fructifié ? et qui aujourd'hui n'ont pas un mot à dire sur la répartition de ces revenus.

M. le Président, je voudrais rendre hommage à mon collègue le député de Verdun qui a suivi le dossier depuis le début et qui, dès le point de départ, appuyé d'ailleurs par tous les groupes de retraités, s'est inscrit en faux, non seulement s'est inscrit en faux contre l'approche du ministre, mais également, de façon constructive, a proposé des amendements qui permettraient de mettre en place des mécanismes où les retraités pourraient avoir droit au chapitre dans la répartition des surplus d'argent, dans le fond, dont une partie leur appartient. Mais, malheureusement, le ministre persiste à ne pas vouloir accepter ces modifications qui permettraient aux retraités de faire valoir leur point de vue.

Essentiellement, vous savez, il y a quatre parties à un régime de retraite: l'employeur, les employés syndiqués, les employés non syndiqués et les retraités. Et là, lorsqu'on vient pour partager des surplus qui proviennent de l'argent évidemment des retraités, on dit: On va vous exclure de toute discussion quant à la répartition de ces sommes. Cette approche, M. le Président, nous apparaît tout à fait inéquitable et inacceptable pour les personnes retraitées, des personnes pour qui, vous savez, le régime de retraite, la rente représente leurs seuls revenus et représente leur sécurité financière pour les vieux jours. Souvent, c'est l'épargne de toute une vie que l'on retrouve dans la caisse de retraite pour des gens qui ont travaillé pendant 25, 30 ou 35 ans et qui aujourd'hui ne sont plus considérés comme étant une partie au contrat qui les lie avec leur employeur et les autres employés à leur régime de retraite. Pourtant, il y a déjà des dispositions dans la loi, par exemple lors de la terminaison d'un régime de retraite, où on prévoit qu'il y a un partage des excédents d'actif qui se fera entre tous les participants, ceux qui sont des employés encore actifs et les gens qui ont pris leur retraite.

Pourquoi, dans ce cas-là, c'est possible d'avoir la participation des retraités, mais, lorsqu'il s'agit de distribuer des surplus d'un régime de retraite qui est en cours, là, à ce moment-là, on dit aux retraités: Non, vous n'aurez plus voix au chapitre? Pourtant, vous savez, les surplus des caisses de retraite ne sont pas l'apanage et la propriété de l'une des parties mais plutôt de l'ensemble des quatre parties que j'ai mentionnées tout à l'heure au début: l'employeur, les employés syndiqués, les employés non syndiqués et les retraités.

n(15 h 50)n

Donc, le projet de loi n° 102 non seulement exclut les retraités de toute discussion sur le partage des surplus, mais également prévoit que les retraités, s'ils sont en désaccord ou constatent que la répartition se fait de façon préjudiciable à leur égard, n'auront plus aucun droit de contester, ils n'auront plus aucun recours. Donc, le syndicat, dit-on, sera présumé avoir parlé au nom des retraités alors qu'ils n'en sont plus membres, qu'ils sont chez eux et qu'ils ont, vous savez, des revenus de retraite souvent qui sont fixes pour faire face à l'inflation, à l'augmentation du coût de la vie.

Ce que ce projet de loi aura comme effet, c'est de priver les retraités de toute indexation et d'ajustements de leur retraite, alors que ça pourrait être fait, parce que, les argents qui sont dans les caisses de retraite, les surplus, il y en a une proportion qui est afférente aux argents et à la rémunération auxquels les employés ont participé pour les fins de la caisse de retraite, et également à l'employeur. Le ministre nous dit: C'est faux. Bien, c'est exactement la situation, et je pense que mon collègue de Verdun l'a entièrement démontré à cet égard-là. Donc, M. le Président, des retraités qui sont des citoyens qui, pendant plusieurs années de leur vie, ont travaillé fort, ont contribué au développement de notre société, ils ne pourront pas voir leurs prestations ou leur rente ajustées, ils n'auront même pas un mot à dire dans la répartition des surplus.

Et, comme bien d'autres, j'ai reçu beaucoup de commentaires des gens de mon comté, des gens qui vivent, vous savez, en comptant leurs sous, et qui ont la vie pas toujours facile, et qui nous disent: Écoutez ? et j'en ai de partout, Vaudreuil, Dorion, Saint-Rédempteur, Hudson, Terrasse-Vaudreuil, Saint-Lazare; je pourrais en apporter une pile comme ça ? les actifs des caisses de retraite, c'est une partie de la rémunération des travailleurs, et les surplus qui sont dégagés doivent être partagés entre les employés actifs et les employés retraités. C'est ça, le principe, M. le Président, qui devrait apparaître dans le projet de loi n° 102.

D'ailleurs, je pourrais citer un extrait d'un article qui a été écrit ? et qui est paru dans Le Devoir ? par M. Louison Ross, qui est l'ex-président de la Commission administrative des régimes de retraite du gouvernement, donc qui est un expert dans ce domaine-là, qui dit, et je cite: «Que l'on cesse de régler les problèmes de relations de travail et de surplus de personnel ? ce que le gouvernement d'ailleurs a fait avec les mises à la retraite anticipées il y a trois ans ? à même des fonds de retraite qui appartiennent à l'ensemble des participants, y compris les retraités. Que je sache, la caisse de retraite a toujours fait partie de la rémunération des employés, et ce qui m'est versé à ce titre m'appartient par la force des choses.» Fin de la citation.

Et on pourrait citer évidemment beaucoup d'autres groupes, M. le Président, qui représentent les retraités et qui sont venus dire au gouvernement leur désapprobation et leur désaccord quant aux propositions du projet de loi n° 102. Simplement, l'Alliance des associations de retraités du Québec dit: «Nous sommes obligés de constater que les personnes retraitées sont exclues d'un processus de décision que le gouvernement du Québec veut légaliser.» Un autre groupe: «Il est clair que l'équité n'existe pas dans ce projet de loi.»

M. le Président, cette mesure vient s'ajouter à beaucoup d'autres mesures qui ont été prises et qui ont affecté négativement les personnes âgées, au cours des dernières années, par le gouvernement péquiste. Mentionnons simplement l'assurance médicaments où les personnes âgées, jusqu'en 1996, payaient 100 $. Aujourd'hui, une personne âgée peut payer jusqu'à 1 100 $ pour ses médicaments par année. Et parlons également de la santé et de la situation extrêmement déplorable des personnes âgées dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée. Donc, le projet de loi n° 102, c'est une autre mesure qui vient affecter négativement les retraités et les personnes âgées de notre société. Donc, ce qui va arriver, c'est que des gens qui ont travaillé toute leur vie pour s'accumuler un pécule pour leur retraite vont devoir continuer de vivre avec des revenus fixes, des revenus qui ne pourront pas être ajustés pour prévoir faire face à l'augmentation du coût de la vie, à l'inflation, et le résultat net, c'est que des gens qui ont déjà des revenus, vous savez, très modestes dans la société, des revenus fixes, bien, ils vont continuer de s'appauvrir davantage dans notre société avec les mesures qu'a proposées le gouvernement péquiste, et notamment avec le projet de loi n° 102. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Vaudreuil. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives, et je vais céder la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière d'industrie et de commerce et leader adjoint de l'opposition officielle, M. le député de Chomedey.

M. Thomas J. Mulcair

Motion d'ajournement du débat

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. En vertu de l'article 100 de notre règlement, je propose l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a une motion d'ajournement du débat qui est déposée.

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant, je vais... Alors, il y a une motion d'ajournement du débat présentée par M. le député de Chomedey. Il s'agit d'une motion débattable, et le temps de parole... Le proposeur de la motion a un droit de 10 minutes, un membre de chaque formation politique a 10 minutes et un droit de réplique est autorisé, de cinq minutes, au proposeur de la motion. Alors, M. le député de Chomedey, je vous écoute.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Notre tâche de plaider notre motion d'ajournement du débat est d'autant plus facile aujourd'hui que le ministre lui-même, lorsqu'il a demandé la permission au chef de l'opposition de poser une question cet après-midi, nous a donné une indication claire qu'il avait peut-être des regrets, des regrets concernant certaines propositions que lui-même a retirées de la table.

M. le Président, mes collègues députés de Vaudreuil, de Dorion, d'autres qui ont parlé cet après-midi ont tous eu l'occasion de faire part au gouvernement des contradictions inhérentes dans ses propositions, aujourd'hui, un gouvernement qui se targue d'être social-démocrate. Peut-être que, pour eux autres, ça veut dire: Une fois que tu es collé au syndicat, tu as fait ta job. De notre côté de la Chambre, nous sommes persuadés que ça prend plus que ça, d'être au fait des réelles préoccupations du monde à la retraite dans une société comme celle dans laquelle on vit aujourd'hui.

M. le Président, le comté que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale, le comté de Chomedey, à Laval, comporte une très large population de retraités, des gens justement qui font partie des différentes associations qui ont rencontré mon collègue le député de Verdun dans le cadre des débats sur le projet de loi n° 102. Une des constantes de leurs observations était la chose suivante: ils disaient tous qu'ils ne comprenaient pas pourquoi le ministre s'entêtait à leur enlever ou à permettre qu'on leur enlève quelque chose qui leur appartenait en propre. Je crois que ça, ça doit être le point de départ de toute discussion dans ce dossier, que, lorsqu'on est en train de regarder de l'argent qui est en surplus dans un fonds de retraite, dans une compagnie, ça n'appartient pas à l'employeur seulement; ça appartient évidemment en partie aux employés syndiqués et non syndiqués et ça appartient aussi aux retraités, par définition les personnes qui ont constitué cette caisse de retraite. Alors, nous souhaitons ajourner le débat dans ce dossier-là. Nous croyons que le gouvernement profiterait de ce temps-là pour bonifier son projet de loi, parce que, jusqu'à date, on n'a pas réussi à lui faire voir que les modifications proposées par mon collègue le député de Verdun, notamment au chapitre d'une médiation proposée, auraient pour effet de rendre cette loi plus juste.

M. le Président, je connais le député de Gouin et ministre responsable de ce dossier-là depuis de nombreuses années. Il fut un temps où j'étais le président de l'Office des professions du Québec, et le député de Gouin était un jeune député, à l'époque, un des plus jeunes en Chambre et aussi un des plus travaillants. Il avait, à mon sens, vraiment une mission qui se sentait quand on l'entendait parler dans différents dossiers. C'était un travailleur acharné et quelqu'un qui connaissait le fond de ses dossiers. C'était surtout quelqu'un qui plaidait constamment pour la justesse et la justice, notamment la justice sociale. On dit en anglais: Power corrupts, and absolute power corrupts absolutely. Je crois que, malheureusement, le député de Gouin en est un exemple vivant.

n(16 heures)n

Fort de sa limousine, de ses prérogatives comme ministre de la couronne et de son pouvoir, il n'a plus besoin d'écouter ceux et celles qui l'ont mis là. Ses croyances qui l'ont animé lorsqu'il était dans l'opposition se sont évaporées devant la machine du gouvernement, se sont évanouies devant l'obligation de tenir la ligne de parti. C'est une commande, cette loi-là, M. le Président. Le projet de loi n° 102, détrompons-nous, il n'y a rien d'original là-dedans pour un ministre comme le député de Gouin. Ce n'est pas quelque chose auquel il avait pensé en commençant sa carrière en politique, disant: Coudon, il faudrait bien qu'un jour, quand je vais être ministre, là, j'aille jouer un tour aux retraités avec des revenus fixes. Tiens, c'est ça que je vais me donner comme mission dans la vie quand je vais être élu. J'espère être ministre, comme ça je vais pouvoir enlever de l'argent des poches des gens qui sont à la retraite, des travailleurs qui ont casqué toute leur vie, qui ont mis une petite somme de côté. Puis, maintenant, cette somme a grandi, il y a eu de la croissance ? parce que souvent ils sont à revenu fixe, leur retraite est fixée, et ce n'est pas indexé ? je pense que je vais me donner ça comme mission, je vais aller jouer un tour à ces retraités-là.

Je suis persuadé, M. le Président, parce que je le connais depuis de nombreuses années... je suis persuadé que ce n'est pas le cas. Je suis persuadé que le député de Gouin, celui qui se targuait d'avoir une conscience sociale lorsqu'il était dans l'opposition, n'a pas tout perdu. Pas tout. Je suis convaincu de ça. Et pourtant, on l'entendait encore aujourd'hui revenir à la charge lorsque le chef de l'opposition est intervenu ici, en Chambre. Il a demandé la permission au chef de l'opposition de lui poser une question, permission qui a été gracieusement donnée par le chef de l'opposition. Et je crois que le député de Gouin a commencé... il y a une petite lumière qui s'est allumée. C'est rare pour lui, parce que, une fois qu'il a fait son idée, il a tendance à balayer toutes les autres opinions, et c'est ce que les gens, les retraités, nous rapportaient. Ils venaient dans nos bureaux de comté, nos bureaux comme députés, ils disaient: Écoutez, qu'est-ce qu'on peut faire, là? Il n'écoute pas un mot. Une fois que, lui, il s'est fait une idée, bien, tous les autres ont tort.

Bien, j'ai commencé à sentir, cet après-midi, M. le Président ? et c'est la raison de notre motion d'ajournement ? que peut-être que le député de Gouin commençait à se rendre compte qu'il faisait une erreur, qu'il faisait fausse route en poussant pour l'adoption immédiate du projet de loi n° 102. Peut-être, les élans de cette conscience sociale qui l'ont animé lorsqu'il est arrivé en cette Chambre commencent à nouveau à le faire réfléchir à ce qu'il est en train de faire.

M. le Président, tout député va être mesuré non à l'aune de ses discours, mais à l'aune de ses actions. On a tous, lorsqu'on arrive ici, des idéaux. Mais je regarde le député de Gouin et je l'interpelle, M. le Président, par votre entremise, bien entendu... je l'interpelle et je lui demande de réfléchir à ce qu'il est en train de faire, parce que ce n'est pas juste, ce n'est pas correct. Il a beau vouloir garder ses prérogatives comme ministre, il a aussi l'obligation de réfléchir aux effets concrets de ses actions et mesurer leur justesse.

Est-ce que c'est correct pour un gouvernement de proposer à cette Assemblée une loi qui va faire en sorte que les gens, souvent les plus démunis, les gens qui ont un revenu fixe, très petit revenu de retraite... est-ce que c'est juste de leur dire: Vous savez, en casquant pendant des années, en mettant de côté de votre argent sur votre maigre paie semaine après semaine... vous savez quoi, ça finit par faire pas mal d'argent, ça? Ça a connu une certaine croissance parce que vous étiez à revenu fixe, on ne vous a pas indexés au coût de la vie, mais maintenant vous savez ce qu'on va faire? On va permettre aux patrons de venir jouer là-dedans, on va donner des passe-droits aux employés qui sont syndiqués, mais, vous qui êtes à la retraite, vous n'aurez pas droit au chapitre. Vous qui avez mis l'argent qui a fait en sorte qu'il existe un fonds de pension qui a, soi-disant, des surplus actuariels aujourd'hui, eh bien, vous, malheureusement, allez être laissés pour compte par le gouvernement du Parti québécois.

M. le Président, ce n'est pas juste le ministre, député de Gouin, qui étonne par son attitude dans ce dossier-là, parce que c'est un autre exemple où le discours du gouvernement du Parti québécois est entièrement opposé à ses actions. Je ne comprends pas pourquoi ils ont décidé de faire des projets-pilotes sur le virage à droite, ça fait six ans que ce gouvernement vire à droite. Ils ont de la pratique maintenant. Ils flashent à gauche, mais ils tournent droite. Ils font semblant d'être sociaux-démocrates, c'est leur discours devant leurs membres. Mais la réalité, c'est aujourd'hui. Ça, c'est la réalité. La triste réalité, c'est l'action proposée par le député de Gouin dans son rôle de ministre de la soi-disant solidarité. Quelle solidarité, quand on joue dans l'argent des pensions des plus démunis de notre société!

Alors, M. le Président... Oui, les plus démunis, parce qu'ils sont souvent... lorsqu'ils n'ont pas été... Le ministre lève les épaules et dit: Les plus démunis... C'est sûr que quelqu'un qui est sur le bien-être social est encore plus démuni. Mais est-ce que le ministre peut comprendre qu'une personne qui a contribué à une pension avec son argent, qui a vu cette pension grandir dans un fonds, a le droit de le récupérer avant qui que ce soit d'autre? Et pourquoi il n'est pas capable de comprendre ça et de le mettre dans un projet de loi? Oui, qu'il aille se promener et regarder les gens qui gagnent cette petite pension restreinte non indexée. C'est pour ça qu'il y a de l'argent en surplus dans ces comptes. Et c'est pour ça que nous proposons au ministre l'ajournement de ce débat, pour lui permettre de reconsidérer son action et de comprendre à quel point c'est injuste.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Chomedey. Alors, sur cette motion d'ajournement du débat, je cède la parole maintenant au ministre de la Solidarité sociale et leader adjoint du gouvernement. M. le leader.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, depuis que nous avons entrepris la dernière étape de l'adoption du projet de loi n° 102, je dois vous dire que j'ai écouté le plus attentivement possible l'ensemble des interventions qui ont été faites, particulièrement les interventions faites par les députés de l'opposition, et je dois à nouveau dire que je n'ai pas encore entendu un argument ? un argument ? qui viendrait nous expliquer pourquoi et en quoi la situation qui aujourd'hui prévaut serait inéquitable, alors que dans les faits la démonstration est faite que, lorsqu'on regarde la façon dont les surplus aujourd'hui sont utilisés, sans la loi n° 102, on remarque que 60 % des surplus qui ont été remis aux participants, qu'ils soient actifs ou retraités, l'ont été aux retraités. L'étude faite par la Régie des rentes sur un échantillon de régimes: 60 % des surplus remis aux participants l'ont été aux retraités. Alors, quand on regarde de quelle façon l'argent est distribué entre les actifs et les retraités, la majorité est allée aux retraités. Première chose.

Deuxièmement, comme grand argument force, l'opposition nous sert le fait qu'on priverait les retraités d'un droit de recours devant les tribunaux. Est-ce que je peux rappeler la réponse que j'ai donnée en cette Assemblée à l'occasion de la période de questions et rappeler de façon très claire que c'est faux? Les dispositions du Code civil en matière de contrat continuent de s'appliquer. Seul le congé de cotisation de l'employeur devient irréfragable. Une personne, un tiers ne pourra pas contester l'utilisation que fait un employeur du congé de cotisation, mais en tout temps des gens pourront critiquer et prendre des recours nécessaires s'ils pensent que la distribution des surplus entre des travailleurs et des retraités est inéquitable. Cette démonstration-là est claire. J'ai fait ce débat avec le député de Verdun à l'occasion d'un débat de fin de séance; je lui ai rappelé les dispositions de la loi. Et, à cet égard, je plaide simplement, M. le Président, pour une présomption d'innocence. Le député a beau évoquer son âge, son grand savoir, ses doctorats, sachez bien que, alentour des gens qui nous accompagnent et qui, dans le cadre d'un processus législatif... bien des gens ont eu l'occasion de valider le point de vue que je défends, que ce soient des gens du Conseil exécutif, que ce soient des gens du Comité de législation, que ce soient des avocats du ministère de la Justice, que ce soient des avocats du contentieux de la Régie des rentes. Donc, je plaide simplement sur cette question pour une présomption d'innocence.

Troisièmement, M. le Président, je tiens à rappeler que les régimes complémentaires de retraite sont des régimes qui sont libres d'adhésion. Il n'y a personne au Québec qui est obligé de mettre sur pied un régime complémentaire de retraite. C'est un employeur et un syndicat qui conviennent d'une entente, les deux, et d'un contrat. Et ce que nous demande l'opposition officielle, c'est de venir, au-delà de ce contrat, modifier des clauses de ce contrat par la loi. Le choix du gouvernement demeure clair, M. le Président: respecter la libre négociation entre les parties et respecter les dispositions du contrat et la responsabilité de l'État, dans un régime qui est tout à fait exceptionnel en Amérique du Nord: la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Nous avons une loi d'encadrement qui vient préciser un peu les règles minimales de protection du public.

n(16 h 10)n

Mais le débat que fait l'opposition n'a pas trait au projet de loi n° 102. La question qu'elle soulève est une question qui dépasse de beaucoup 102 et qui vient remettre en question, remettre en débat les fondements mêmes de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Si, demain, je retirais mon projet de loi, le problème ne serait pas réglé, M. le Président. Les retraités seraient encore aujourd'hui à nous faire les mêmes demandes. Le problème n'est donc pas le projet de loi n° 102, le problème tient, si on peut appeler ça ainsi, un problème... mais la question de fond soulevée par l'opposition concerne beaucoup plus les fondements mêmes, les bases de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Je tiens aussi à dire que, si nous agissons de cette façon, c'est parce que nous pensons que nous devons crédibiliser un bon outil qui est le régime complémentaire de retraite, et particulièrement les régimes à prestations déterminées, qui sont des régimes où se retrouvent les surplus. Pourquoi? Parce que ceux que le député de Chomedey a appelé les gens démunis, qui reçoivent, a-t-il dit, je ne pense pas trahir sa pensée en disant «une maigre pitance d'un régime de retraite», sont d'une certaine façon ? et comprenez-moi bien, là ? des gens qui sont privilégiés. Vous savez pourquoi je dis privilégiés? Parce qu'il y a seulement un travailleur sur quatre, dans le secteur privé, qui a accès à un régime de retraite. Seulement un travailleur sur quatre a accès à un régime de retraite.

Donc, la question est de savoir, dans le contexte d'une société vieillissante, quels gestes nous pouvons poser, comme Assemblée nationale, pour faire en sorte que tant des employeurs que des syndicats puissent avoir suffisamment d'intérêt pour convenir de mettre sur pied davantage de régimes complémentaires de retraite. Parce que, je le rappelle ? et je pense que le député de Chomedey devrait savoir ces choses ? les régimes complémentaires de retraite sont des régimes ? il le sait ? privés, et un retraité qui a droit à ce genre de régime reçoit aussi des allocations d'autres régimes, de régimes publics, particulièrement par le gouvernement fédéral, avec la pension de vieillesse, ensuite la Régie des rentes, et, par-dessus, un régime complémentaire de retraite.

Et c'est bien que ce soit comme ça, puis il en faut d'autres, régimes de retraite privés. Parce que la démonstration est faite, M. le Président, que, dès que quelqu'un gagne plus de 30 000 $ par année, cette personne, pour ne pas perdre de pouvoir d'achat au moment de la retraite, doit pouvoir compter sur environ 70 % de son salaire au moment où elle travaillait, et, pour ce faire, elle a besoin d'un revenu de retraite privé.

Donc, M. le Président, la question de fond qui est soulevée par le projet de loi n° 102... Il faut le rappeler, 95 % des articles du projet de loi ont été appuyés par l'opposition, parce qu'ils comprennent qu'il fallait simplifier l'administration, parce qu'ils comprennent qu'il fallait crédibiliser cet outil auprès des travailleurs et particulièrement des travailleurs mobiles. Et là apparaît un élément de dissension qui est réel, M. le Président, je ne le nie d'aucune façon. J'entends comme vous des retraités, j'ai rencontré de nombreuses associations de retraités, j'ai discuté avec des citoyens qui ont posé des questions légitimes sur le projet de loi n° 102. Mais, à chaque fois que j'ai discuté de cette question, j'ai rappelé qu'il y avait une différence entre un surplus en cours de régime et un surplus en fin de régime. Puis je dois encore aujourd'hui le rappeler.

Lorsqu'on est en fin de régime, les retraités ont droit à une partie des surplus, s'il y en a, mais, en cours de régime, c'est complètement différent, M. le Président. Et, à chaque fois j'ai posé la question: Est-ce que les retraités seraient prêts à obtenir ce droit en contrepartie du fait que, si jamais il y a un déficit dans un régime, on leur enlève la grande protection qu'ils ont d'avoir leur rente en tout temps garantie? Et c'est là que tout le monde nous dit: Non, non, non. Puis, moi, je ne suis pas prêt, M. le Président, et le gouvernement n'est pas prêt à troquer ce droit qu'ont les retraités d'avoir en tout temps leur rente de retraite protégée, quelle que soit la situation financière du régime. Pour ce faire, en rappelant que les surplus en cours de régime sont tout à fait des surplus qui sont, d'une certaine façon, virtuels, des surplus qui sont hypothétiques...

Une voix: ...

M. Boisclair: ...bien, oui, qui sont fonction d'hypothèses, M. le Président, et de rappeler que les conjonctures peuvent changer.

Que disent les députés de l'opposition, M. le Président, lorsque, dans les années soixante-dix, il y a eu des déficits importants dans les régimes de retraite? Que dire des déficits, aujourd'hui, dans les régimes de retraite? Je comprends qu'il y a différentes sortes de déficits, ce ne sont pas tous des... Je comprends bien ça. Mais il y a, encore aujourd'hui, des déficits dans des régimes de retraite.

Donc, M. le Président, nous faisons un pas important avec le projet de loi n° 102. Nous en avons suffisamment débattu. Des jugements aussi sont venus confirmer la position du gouvernement. Le Barreau, dont le député de Chomedey plaide souvent la crédibilité ? il se sert des opinions du Barreau pour venir critiquer le gouvernement ? cette fois-ci, il les néglige, les avis du Barreau. Il néglige le droit puis il n'en parle pas, parce que le Barreau nous donne raison, M. le Président. Il est donc temps de procéder, tous les arguments sont sur la table et nous sommes suffisamment éclairés pour poursuivre ce débat.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.

Je vais céder maintenant la parole au vice-président de la commission des institutions. Il est le porte-parole officiel de l'opposition en matière de recherche, science et technologie, porte-parole des régimes de retraite, RREGOP et porte-parole de la Régie des rentes.

M. le député de Verdun, la parole est à vous.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, quand j'écoute le député de Gouin, j'ai l'impression qu'il croit que, plus il répète des choses inexactes ? parce que je ne voudrais pas changer les règles de cette Assemblée ? à la fin, elles vont devenir vraies. Alors, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Il pourra répéter mille fois ? mille fois ? que l'avis du Barreau lui donne raison, ce n'est pas vrai.

L'avis du Barreau dit qu'il n'y a pas à l'heure actuelle, en matière d'utilisation des surplus, de droit établi, ni pour les retraités, ni pour les employeurs, ni pour les participants actifs. Or, qu'est-ce que fait à l'heure actuelle le projet de loi n° 102? C'est qu'il crée un droit et, au lieu de le créer, ce droit, de manière équitable, il le crée de manière inéquitable en favorisant indûment deux parties au contrat, à savoir les employeurs et les travailleurs syndiqués, et en oubliant les deux autres parties au contrat, à savoir les retraités et les travailleurs non syndiqués.

M. le Président, l'avis du Barreau ? et je suis sûr que le ministre l'a lu, puisqu'il le cite bien des fois ? a dit: Il n'existe pas actuellement de droit établi. Le ministre est en train de créer par sa loi un droit, et ce droit est inéquitable. C'est pour ça, M. le Président, qu'on est en train de se battre contre l'adoption du projet de loi n° 102.

Deuxièmement, M. le Président, le ministre continue à parler de ce qui se passe à l'heure actuelle et de la fameuse étude de la Régie des rentes. Je vais vous donner le détail de l'étude de la Régie des rentes. Elle a porté sur 51 000 personnes actives dans un régime de retraite. Les coûts de l'ensemble des modifications qui ont été apportées au régime de retraite ont été de 812 809 325 $. Sur ces 812 809 325 $, seulement 139 463 782 $ ont été utilisés pour indexer les pensions des retraités. À moins qu'il ait une manière nouvelle, neuve, inappropriée de calculer, chez moi, ça fait 17 %; 17 %, on est bien loin du 60 %.

Et ça, je m'excuse, c'est essentiellement le document qui a été préparé par la Régie des rentes. Je peux vous donner les chiffres, ils sont là-dedans, et qu'on n'essaie pas de les changer. On pourra les répéter mille et une fois, les retourner de toutes les sortes de manières, on ne pourra pas changer cette étude-là. Vous ne pourrez pas répéter bien des fois des choses inexactes, elles ne deviendront pas vraies parce que vous les répétez bien souvent, M. le Président.

n(16 h 20)n

Mais, M. le Président, ici, je ne suis pas en train d'intervenir sur le fond de la loi, comme vous me le rappelez très justement, je suis en train de revenir sur la motion d'ajournement. J'en appelle à mes amis d'en face. J'en appelle au député de Vimont, qui est, je le sais, quelqu'un qui est de racines profondément sociales-démocrates. J'en appelle au député de Laval-des-Rapides, que j'ai connu dans ses jeunesses alors qu'il était à l'Université de Montréal, qui avait aussi des racines sociales-démocrates. J'en appelle au député de Charlesbourg, alors qu'il était président de l'AGEUM et qu'il était loin d'être quelqu'un qu'on pouvait taxer, à l'époque ? à l'époque ? de quelqu'un de droite. J'en appellerai aussi à la députée de Chambly, que j'ai bien connue dans d'autres batailles et dans d'autres...

Je n'en appelle pas au député de Labelle, pour d'autres raisons, parce que, lui, je le qualifie, je le taxerai, bien sûr, dans le même ordre que le député de Gouin, sans difficulté...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...sans difficulté, M. le Président. Mais j'en appelle à ces quelques personnes à l'heure actuelle pour leur dire: Vous ne pouvez pas, si vous croyez réellement à ce à quoi vous avez cru, vous ne pouvez pas être complices d'une situation où pratiquement ? pratiquement ? vous changez la loi.

Parce qu'on a bien compris, vous donnez des droits, et ces droits, vous les donnez ? quand vous modifiez la loi, quand vous clarifiez le droit ? à l'employeur et vous les donnez aux travailleurs syndiqués, au détriment des retraités et au détriment des personnes non syndiquées.

M. le Président, à cet effet-là, je pense qu'il serait sain qu'on puisse ajourner le débat et que vous puissiez plaider, plaider pour dire: On peut facilement trouver une solution. Et la solution, moi, je vous l'ai proposée et elle existe, je pourrais vous le réexpliquer encore une fois de plus.

Il est facile, dans une caisse de retraite, de déterminer la partie des retraités, la partie qui correspond pour payer, en quelque sorte, les rentes et la partie qui correspond pour les prévisions actuarielles des personnes actives. Et donc, s'il est facile de faire ce calcul-là... Ça se fait. Actuellement, ça se fait à l'Université Laval. Ça s'est fait aussi pour la demande de recours collectif quant à l'Hydro.

Une fois que c'est faisable, il est concevable que, en équité, lorsqu'on aura à utiliser le surplus actuariel, si la proposition qui est faite quant à l'utilisation du surplus actuariel ne paraît pas équitable à un groupe, à savoir les retraités, ils puissent utiliser cette technique, sans nécessairement en être contraints de devoir l'utiliser, mais qu'ils puissent utiliser cette technique où on identifie clairement, à l'intérieur de la caisse de retraite, la part du surplus qui est originaire des sommes qui sont des montants actuariels, des réserves actuarielles qui sont pour payer les retraites des personnes retraitées, et la part qui, à l'intérieur de la caisse de retraite, est utilisée pour payer la part de retraite pour les personnes qui sont les personnes encore actives. C'est absolument faisable, et, si vous avez besoin que je m'assoie avec vous, je vais recommencer. On prendra un crayon et on va être en mesure de vous l'expliquer, ce n'est pas la fin du monde.

Mais, à partir du moment où vous donnez un droit aux employeurs et au personnel syndiqué de dire: Ensemble, on va s'approprier le surplus des caisses de retraite, au détriment des retraités, M. le Président, et au détriment du personnel non syndiqué, vous créez une profonde inéquité, M. le Président.

Le ministre, bien des fois quand il questionnait, a posé des questions quant à la jurisprudence. Moi, je lui pose la question: Est-ce qu'il connaît, dans la tradition civiliste... Parce que vous savez, M. le Président, vous qui êtes un avocat, à l'heure actuelle, qu'il y a...

Une voix: ...

M. Gautrin: Non, non, mais il y a deux traditions, en termes de contrat, et qu'on ne peut pas nécessairement ? et c'est sur cette base-là que le juge Lebel, lorsqu'il s'est penché sur le jugement Singer, a rendu son jugement en faveur justement des retraités ? interpréter un jugement en droit, en «common law», comme on doit l'interpréter en tradition civiliste. Et on ne peut pas prendre, utiliser les précédents en tradition du «common law» pour en conclure qu'il y a automatiquement un droit acquis en tradition du droit civil, M. le Président.

C'est d'ailleurs à cet effet-là, si vous regardez, au moment où la Cour d'appel du Québec a autorisé le jugement en recours collectif pour les travailleurs d'Hydro-Québec, l'argument de la Cour d'appel, lorsqu'elle a utilisé le recours collectif pour les travailleurs d'Hydro-Québec, ça a été un argument de dire: Nous sommes dans une tradition civiliste, et il semble qu'il puisse... les prétentions des retraités d'Hydro-Québec ? quand j'interviendrai sur le fond de la question, je le dirai, j'expliquerai pourquoi ? il semble qu'il puisse avoir apparence de justice, pour les prétentions des retraités qui demandaient la possibilité de faire un recours collectif contre Hydro-Québec, et la Cour d'appel a accordé aux retraités d'Hydro-Québec la possibilité de se retourner et contre le syndicat et contre Hydro-Québec dans un recours collectif.

M. le Président, il y a éminemment matière ici pour pouvoir ajourner le débat, pour pouvoir revoir calmement, parce que... Et c'est vrai, le ministre a raison lorsqu'il dit: La majeure partie des articles techniques du projet de loi, on les a acceptés ensemble, sans difficulté. Mais cet élément-clé qui crée un droit nouveau, un droit nouveau qui va être inéquitable dans la mesure où il privilégie a posteriori deux parties à un contrat au détriment des deux autres parties, c'est quelque chose que nous considérons, de ce côté-ci, fondamentalement inéquitable et sur lequel je pense que, ceux d'entre vous qui ont un certain passé... vous ne pouvez quand même pas souscrire à ce genre de projet de loi, et j'en appelle à votre passé pour pouvoir, après l'ajournement du débat, changer ce projet de loi. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Verdun. Nous en sommes maintenant au droit de réplique de cinq minutes, et je cède la parole à l'auteur de la motion, M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chomedey.

M. Thomas J. Mulcair (réplique)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Quel contraste, la connaissance de fond du dossier de mon collègue le député de Verdun! Je ne sais pas pourquoi le député de Gouin a décidé que c'était pertinent de reprocher à mon collègue le fait qu'il détient effectivement un doctorat en mathématiques, ce qui est effectivement le cas. Est-ce qu'il est jaloux que notre porte-parole sache compter mieux que lui? C'est ça, le problème. Le député de Gouin, fort de son... quoi, fort de ses attachés politiques, fort de ses collègues en caucus, fort de la commande du «bunker» qui est le projet de loi n° 102, un autre petit «deal» avec les partenaires de la souveraineté... On fait un «deal» pour les syndicats pour shipper un nouveau droit vers eux autres, au détriment de qui? Eh bien, des travailleurs, travailleuses non syndiqués, qui sont aujourd'hui à la retraite.

C'est ça, la démonstration concluante que mon collègue le député de Verdun vient de faire. Parce que, lui, il connaît ça. Il a fait des propositions d'amendement. Parce que, vous savez, M. le Président, on entend parfois: L'opposition, bon, bien, c'est votre rôle de critiquer, puis, nous, on va vous passer avec notre bulldozer habituel, puis arrêtez de chialer. Mais le rôle de l'opposition, c'est aussi, par le biais de propositions concrètes, suggestions d'amendements, de bonifier un projet de loi. Parce que, à moins d'avoir une telle opinion de soi-même qu'on croie qu'il est impossible qu'on ne sache pas tout dès le départ dans un dossier, il faut toujours être prêt à admettre qu'on a pu faire fausse route ou que les gens qui nous ont conseillés n'ont pas tout vu ou que la commande venue du «bunker» peut connaître des améliorations. Et c'est ce que propose mon collègue le député de Verdun et c'est la raison pour laquelle, nous, on propose l'ajournement du débat. On ne souhaite pas voir le gouvernement mettre ces retraités-là devant un fait accompli. Du moment qu'on va commencer à piller dans l'argent, ça va être extrêmement difficile de rétablir la situation.

n(16 h 30)n

Il y a déjà eu, jurisprudence pour jurisprudence, des décisions importantes des tribunaux au Québec. Je pense notamment à une cause concernant les ingénieurs d'Hydro-Québec. Parce que ce n'est pas nouveau, là, que les employeurs regardent la masse monétaire que peut représenter un fonds de retraite qui a commencé à croître. Les ingénieurs d'Hydro-Québec se sont organisés. Ils ont pris de très bons avocats et ils ont eu gain de cause lorsque l'employeur avait voulu justement faire le genre de chose que le député de Gouin veut: donner aux employeurs carte blanche, le faire dorénavant. Sa référence à une jurisprudence sur l'Ontario ne tient pas la route. Peut-être qu'il va me reprocher maintenant d'être avocat; il vient de reprocher à mon collègue député de Verdun d'avoir un doctorat en mathématiques. Mais j'ai aussi, M. le Président, eu le plaisir de faire mon cours de droit à l'Université McGill où j'ai été justement diplômé en «common law» et en droit civil, deux systèmes différents, comme l'a si bien expliqué mon collègue de Verdun tantôt. Alors, je tiens amicalement à informer mon collègue le député de Gouin qu'on ne peut pas allégrement prendre une décision d'un tribunal en Ontario et faire semblant que ça s'applique au Québec, c'est nier une partie fondamentale de notre spécificité.

À entendre le ministre des Finances, celui qui donne des commandes au député de Gouin, à entendre le député des Finances cet après-midi en Chambre, on se rend compte à quel point c'est censé être important pour eux autres, ça. Ça l'est pour nous autres aussi. Alors, un peu de respect pour une différence fondamentale entre la société distincte québécoise et le reste du Canada, qui est notre droit civil de tradition française, d'inspiration du code Napoléon, qui a des tenants et aboutissants, des manières de raisonner et des façons de voir les choses différentes, parce que, dans notre tradition, ce n'est pas juste, ce que le ministre est en train de proposer. C'est pour ça qu'on lui demande de faire amende honorable et, en toute simplicité et en toute modestie, de reconnaître son erreur. Ce serait fort simple pour lui de se rallier à la proposition de mon collègue le député de Verdun, et c'est ce qu'on veut lui donner l'occasion de faire en lui présentant cette motion d'ajournement. On souhaiterait, M. le Président, que le député de Gouin, le ministre qui nous présente le projet de loi n° 102, comprenne que, contrairement à ce qu'il a dit tantôt, ce n'est pas un privilège que d'avoir accès à cet argent-là, c'est un droit. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chomedey. Est-ce que la motion d'ajournement du débat est adoptée? M. le leader adjoint.

M. Mulcair: M. le Président, on demande un vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, nous allons procéder au vote par appel nominal et nous allons appeler les députés, s'il vous plaît. Nous allons suspendre quelques minutes pour permettre aux députés de venir des commissions parlementaires à l'Assemblée.

n(16 h 32 ? 16 h 43)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes, MM. les députés, si vous voulez prendre votre place.

Mise aux voix

Nous allons maintenant mettre aux voix la motion d'ajournement du débat sur l'adoption du projet de loi n° 102.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Vallières (Richmond), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun)...

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ... Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), M. Dupuis (Saint-Laurent), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Léonard (Labelle), M. Rochon (Charlesbourg), M. Cliche (Vimont), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bertrand (Portneuf), M. Julien (Trois-Rivières), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), M. Facal (Fabre), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), M. Geoffrion (La Prairie), M. Laprise (Roberval), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), M. Paquin (Saint-Jean), M. Désilets (Maskinongé), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Côté (Dubuc), M. Boulianne (Frontenac).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 26

Contre: 43

Abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, la motion d'ajournement est rejetée. Nous allons donc permettre, tout d'abord, aux députés qui ont à vaquer à d'autres occupations de le faire immédiatement, et nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du projet de loi n° 102. J'inviterais les députés qui n'ont pas à prendre la parole, s'il vous plaît, à s'asseoir ou à vaquer à leurs occupations.

Reprise du débat sur l'adoption

Alors, je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant. M. le député de Chomedey.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Malheureusement, la majorité ministérielle vient de rejeter notre proposition d'ajourner le débat sur le projet de loi n° 102. C'est regrettable, parce que ça signale pour nous le fait que le gouvernement du Parti québécois est déterminé à aller de l'avant avec un projet de loi qui prive des retraités de droits.

Le ministre tentait tant bien que mal, tantôt, de se défendre en disant: Non, non, on donne des droits aux syndicats puis aux employeurs mais c'est à peu près le statu quo pour les employés non syndiqués qui sont aujourd'hui à la retraite, sauf que, M. le Président, c'est l'enfance de l'art: lorsqu'on donne plus à un groupe de personnes dans une nouvelle situation, par définition, les autres sont dans une position moins forte. On est en train de créer un système au Québec qui est fort regrettable, on va faire en sorte que, lorsqu'il y a un surplus dit actuariel, c'est-à-dire un surplus un peu théorique, sur papier, dans une caisse de retraite, il y a certains syndicats et les employeurs qui vont pouvoir aller mettre leurs mains là-dedans au détriment des autres employés.

M. le Président, on a eu l'occasion de le dire et mes collègues, notamment le député de Verdun, qui est notre porte-parole dans ce dossier, ont eu l'occasion de le dire, c'est surprenant, venant d'un gouvernement qui se vante, dans le discours, d'être social-démocrate, parce que, comme d'habitude, avec le gouvernement du Parti québécois, il y a une forte différence entre le discours et les actions. Je pourrais dire que c'est la même chose dans le domaine de la sécurité publique où le ministre de la Sécurité publique, demain, va être ici, en Chambre, pour débattre d'une importante question concernant le mandat qui a été donné à la ville de Laval, et son discours, c'est en faveur de la sécurité du public, mais, lorsque vient le temps d'agir, de mettre quelque chose sur la table pour qu'on puisse savoir ce qui s'est passé dans le cas de l'effondrement du viaduc sur l'autoroute 15, il refuse de donner les moyens nécessaires.

n(16 h 50)n

M. le Président, le projet de loi n° 102 crée une situation inacceptable, et j'ai été fort surpris d'entendre le ministre, tantôt, le député de Gouin, dire la chose suivante. Il a utilisé cette langue de bois qui est le propre de tout bureaucrate dans l'âme. Il a dit: C'est un projet de loi qui est bon parce que ça va crédibiliser un bon outil. Quelle phrase creuse! Extraordinaire! Il en a rajouté, il a traité les retraités non syndiqués, avec leur maigre pension non indexée, de privilégiés. C'est intéressant, ça, parce que c'est un discours qui est complètement en dissonance avec toute idée d'une société progressiste et moderne.

Il est en train de dire: Si tu as casqué toute ta vie, si tu as mis un peu de ta paie à chaque semaine dans une pension de retraite, on va t'enlever des droits parce que tu es privilégié. De quoi il parle? Est-ce qu'il sait la réalité de ces gens-là avec une pension fixe non indexée? Est-ce qu'il sait sur quoi ils doivent vivre? Est-ce qu'il se rend compte de l'effet d'une des nombreuses réformes bâclées du député de Charlesbourg, là, une assurance médicaments qui produit un résultat pervers? Les gens sur revenus fixes sont maintenant obligés de payer des centaines et des centaines de dollars par année pour leur assurance médicaments, tantôt en prime, tantôt en franchise.

C'est sûr, M. le Président, et vous ne nous entendrez jamais dire que ce n'est pas une bonne idée que les médicaments qui sont nécessaires pour la vie fassent partie d'un plan global, mais ce qui était pervers dans l'approche du député de Charlesbourg... Et André Pratte, dans son livre Le syndrome de Pinocchio, a fait une étude de cas du député de Charlesbourg là-dessus. Il a montré que c'était une patente montée pour prendre de l'argent dans les poches des citoyens en guise mesure sociale. C'est ça qu'a fait le député de Charlesbourg lorsqu'il était, au dire du premier ministre du Québec, le meilleur ministre de la Santé que le Québec n'ait jamais eu. Ça, c'était quelques semaines à peine avant que le même premier ministre l'ait mis à la porte pour incompétence.

C'est la même chose que le premier ministre a dite au député de Jean-Talon. Écoutez, M. le Président, lorsque le premier ministre dit que tu es un très bon ministre de quoi que ce soit, il faut que tu fasses bien attention. Le député de Louis-Hébert, qui était le ministre de la Justice, s'est fait dire qu'il était ? en Chambre ? le meilleur ministre de la Justice que le Québec ait jamais eu. Quelques semaines à peine plus tard, il s'est fait mettre à la porte par le premier ministre pour incompétence. Le ministre de la Solidarité et député de Gouin devrait aller demander au PM ce qu'il pense de sa performance dans le dossier du projet de loi n° 102. Si jamais il se fait dire: Tu es le meilleur ministre de la Solidarité sociale qu'on ait jamais eu au Québec, il a intérêt à se tenir les fesses serrées, à faire bien attention à son affaire, parce que ce n'est pas nécessairement bon pour lui.

Le projet de loi n° 102 ne fait pas ce que le ministre prétend. Ça ne vient pas crédibiliser un bon outil, ça vient créer une inégalité. Nous dirons même que ça dépasse l'inégalité. Ça frôle l'illégalité, ce qu'on est en train de proposer. Si on regarde la jurisprudence québécoise en matière de pensions de retraite, c'est toute une ironie d'entendre un ministre du Parti québécois se lever dans cette Chambre et se donner raison pour lui-même à lui-même en citant une jurisprudence venue de l'Ontario. Mon collègue le député de Verdun a réussi à prouver pour lui d'une manière on ne saurait plus claire que cette jurisprudence ne trouve pas application au Québec.

Par ailleurs, il a réussi à infirmer deux des assises du ministre dans le projet de loi n° 102. Le ministre a dit que le Barreau du Québec le soutenait là-dedans. Mon collègue le député de Verdun a démoli cette prétention, tantôt, démontrant clairement que le ministre tentait d'aller chercher un petit bout dans l'avis du Barreau pour tenter de se donner raison. Vous vous souvenez de ce jeu d'enfant, M. le Président, où il y avait un âne, et les enfants avaient la queue de l'âne, puis il fallait essayer de la placer? C'est un peu ce que le ministre fait lorsqu'il trouve un petit quelque chose dans un avis d'un organisme comme le Barreau pour tenter de se donner raison puis que, par la suite, il essaie de le placer où il veut. Ça ne marche pas, ça. Les gens ne sont pas dupes.

Les retraités, les membres de ces associations qui sont venus nous voir, surtout des retraités non syndiqués, évidemment, ne comprennent pas pourquoi le ministre maintient sa version, pourquoi il n'écoute pas l'opposition qui lui propose une manière honorable de modifier la loi pour ne pas créer cette situation inégale, et c'est ce que nous faisons encore aujourd'hui, M. le Président. Ouvertement, on demande au ministre de reconsidérer la proposition qui est sur la table. On l'invite à regarder la situation simplement et à reconnaître qu'en créant deux catégories, en s'assurant que les syndiqués et les employeurs vont avoir plus de droits vis-à-vis de ces fonds-là, par définition, il est en train d'enlever des droits aux retraités non syndiqués. On lui demande de reconsidérer son projet de loi.

En réponse, cet après-midi, le chef de l'opposition a dit que le gouvernement devrait faire amende honorable, et il avait raison, M. le Président. Mon collègue le député de Verdun l'a prouvé, l'a démontré chiffres à l'appui, que le projet de loi n° 102 fait fausse route. Ce n'est pas correct de procéder sur cette base-là.

M. le Président, on est au début ? on est au début ? de la session dite intensive, session pendant laquelle le gouvernement va avoir beaucoup plus de temps pour analyser ses projets de loi: on va siéger quatre jours au lieu de trois et on va siéger jusqu'à minuit. Il n'y a aucune raison de précipiter la démarche, il n'y a aucune raison de ne pas profiter du temps qui nous est offert. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, et c'est ce qu'on invite le gouvernement à faire. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: En fonction de 213, vous me permettrez d'adresser une question au député de Chomedey.

Une voix: Oui, oui, c'est accepté.

M. Gautrin: Est-ce que le député de Chomedey a eu beaucoup de représentations, dans son bureau de comté, de différents retraités quant aux effets pernicieux qui sont contenus éventuellement dans le projet de loi? Et peut-il nous expliquer le genre de représentations qu'il a eues à cet effet?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, je tiens à remercier profondément le député de Verdun pour cette excellente question parce que ça me permet de dire une chose au ministre, qu'il sait aussi, que les retraités, souvent avec revenus fixes non indexés, qui étaient non syndiqués, sont extrêmement déçus du gouvernement du Parti québécois. Ils viennent dans nos bureaux de comté, et, vous le savez, vous avez déposé une pétition importante aujourd'hui, vous savez que, lorsque les citoyens vont vers les élus, ils prennent la peine de téléphoner et de prendre rendez-vous. Il y a même des groupes de retraités qui sont venus dans mon bureau de comté sans rendez-vous pour dire: Écoutez, aidez-nous à faire quelque chose, ils ne comprennent pas ce qu'ils sont en train de faire. Ils nous enlèvent des droits sur de l'argent qui est à nous autres, dans nos pensions à nous autres. Aidez-nous.

Alors, oui, pour répondre à mon collègue le député de Verdun, M. le Président, on a eu beaucoup de représentations directes de citoyens très inquiets dans nos bureaux, et je ne peux, en terminant, que répéter ce que le chef de l'opposition, M. Jean Charest, a dit ici, en Chambre, cet après-midi: Help is on the way. Il y a une solution qui s'en vient, et ça s'appelle un gouvernement libéral aux prochaines élections.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. À ce moment-ci, vous me permettrez de remercier tous les collègues qui sont intervenus sur cet important projet de loi, de remercier le chef de l'opposition qui a tenté de convaincre ? et je pense que peut-être il a réussi partiellement; on le verra tantôt ? le ministre responsable du dossier que, quand on s'entête dans un dossier, quand on s'entête dans une réforme, il y a d'innocentes victimes. Le ministre de la Santé de l'époque en est un témoin privilégié, l'actuelle ministre des Affaires municipales, l'actuel ministre de l'Éducation et je dirais même l'actuel ministre de l'Agriculture. Je vois mon bon ami le député de Trois-Rivières qui, à l'époque où il était ministre de l'Agriculture, s'était entêté dans une réforme sur le droit de produire. Aujourd'hui, les gens paient pour.

n(17 heures)n

Je voudrais également remercier le député de Verdun, qui a continué de défendre ceux et celles qu'on appelle, dans la société, les «sans-voix». Pourquoi on les appelle les «sans-voix»? Parce qu'ils ne font pas partie d'une structure. Et, au Parti québécois, tu n'écoutes pas la population, tu es au service des structures. C'est l'erreur que commet présentement, je vous le soumets respectueusement, M. le Président, le député de Gouin, ministre de la Solidarité sociale.

Vous savez, dans le secteur privé, dans chacun de nos comtés et dans chacune de nos circonscriptions électorales, ce n'est pas la majorité des travailleurs et des travailleuses qui sont syndiqués. Dans le secteur privé, c'est une minorité de travailleurs et de travailleuses qui sont syndiqués. Je vais risquer une statistique, là, quitte à commettre une petite erreur: il y a à peu près deux tiers des travailleurs du secteur privé qui ne sont pas syndiqués au Québec, qui sont donc des victimes du projet de loi gouvernemental que nous avons devant nous. Moi, dans mon comté, ça représente plus que deux tiers. J'ai beaucoup de petites et moyennes entreprises, beaucoup, beaucoup, beaucoup de petites et moyennes entreprises, puis j'ai également de grandes entreprises qui ne sont pas syndiquées. Dans le parc industriel de Bromont, que vous connaissez bien, M. le Président, vous avez des entreprises de la taille de IBM ? on parle de milliers de travailleurs et de travailleuses ? vous avez des entreprises de l'importance de General Electric, de Mitel. Ce sont des entreprises qui ne sont pas syndiquées. Dans ces entreprises-là, les relations de travail sont excellentes. Les gens négocient des conditions de travail, ils font des concessions de part et d'autre. Ils savent que, pour continuer à créer de l'emploi, il faut que l'entreprise fonctionne bien; pour que l'entreprise fonctionne bien, ça prend de bonnes relations de travail. Puis, ils se négocient des conditions de travail qui leur permettent de vivre correctement aujourd'hui, mais également de penser à demain.

Dans les PME, c'est un petit peu différent. C'est plus difficile de penser à un régime de pensions dans les PME. Il y a beaucoup de PME qui n'ont pas encore accédé à ce seuil de rentabilité qui permet de négocier des fonds de pension. Ces gens-là se retrouvent, avec leur employeur, dans chacune de nos circonscriptions électorales, puis il y en a qui disent, même dans les petites PME: Moi, je suis prêt à prendre un paiement horaire de 0,50 $ de moins, de 1 $ de moins, de 1,50 $ de moins pour me créer un fonds de pension. Puis il y a certains employeurs qui disent: Si tu fais ça, vu que tu es ma matière première, tu es ma ressource humaine, moi aussi, je vais mettre 0,25 $, des fois 0,50 $, 1 $, 1,50 $. Puis, quand on additionne ça au salaire horaire, qui varie autour de 10 $ de l'heure, on arrive des fois à 11 $, 12 $, 13 $, puis ça, ça fait partie de l'ensemble de la rémunération, M. le Président, du travailleur puis de la travailleuse. Puis il y en a une partie qui est payée tout de suite, ça, c'est sur ta paie hebdomadaire, puis il y en a une partie qui est mise de côté pour ce qu'on appelle, malheureusement ? M. le Président, je sais que vous n'êtes pas encore rendu là ? nos vieux jours ? vous en êtes loin. Et là on se dit: Sur le plan actuariel, il faut s'assurer que mais qu'on arrive là, à nos vieux jours ? puis, plus c'est loin, plus c'est incertain ? il faut qu'il y ait les sommes nécessaires pour nous assurer un niveau de vie qui soit correct. Puis ça, ça touche des milliers et des milliers de travailleurs, deux tiers du secteur privé au Québec.

Là, les règles du jeu sont modifiées par le projet de loi que le ministre nous amène. Ces gens-là, c'est leur butin puis c'est à eux autres, puis ça, c'est un principe... Le ministre fait signe que non, ce n'est pas à eux autres. Bien, je comprends! Le ministre, lui, là, il considère qu'ils n'ont pas travaillé pour puis qu'ils n'ont pas négocié ça puis que ce n'est pas à eux autres. Nous autres, de ce côté-ci, on considère que c'est à eux autres, que c'est eux autres qui se sont levés le matin, quand ils n'étaient pas sur le chiffre de nuit, puis qui ont sué toute la journée ou toute la nuit, puis ça fait partie de leur avoir, puis ils ont décidé de le différer à plus tard. Là, le ministre dit: Vous êtes des...

Une voix: Privilégiés.

M. Paradis: Non. Il y a quelqu'un qui me dit: Vous êtes des privilégiés. Vous êtes des «nobody», pratiquement. Votre butin, ce n'est pas à vous autres, c'est moi qui vais décider, avec mes gangs de structures, qu'est-ce qu'on va faire avec ça, parce que le tiers qui est structuré, eux autres vont avoir leur mot à dire, mais ceux qui ne sont pas structurés n'auront pas un mot à dire. Mais ça provoque quoi, ça, dans le coeur, dans l'âme puis dans les tripes des travailleurs et des travailleuses du Québec? Ces gens-là, ils le manifestent clairement au gouvernement, ils ont l'impression, à juste titre, qu'on est en train de leur voler leur butin, on est en train de leur arracher une partie de la paie qu'ils ont gagnée puis qu'ils ont négociée avec leur employeur, puis que ça va être le syndicat puis le patronat qui vont décider de leur avenir sur le plan financier, alors qu'ils n'ont jamais été syndiqués de leur vie.

Moi, M. le Président, un petit peu comme le député de Matane, j'ai eu l'occasion de servir le gouvernement, la province de Québec comme ministre du Travail. Il y avait un comité aviseur, au ministère du Travail, qui s'appelle le CCMO, dans leur jargon. Beaucoup de députés ne savent pas c'est quoi. C'est le Conseil consultatif en main-d'oeuvre.

Au CCMO, vous avez les gens qui sont représentés par un patronat fortement structuré puis des gens qui sont représentés par un syndicat fortement structuré. Vous savez ce qui manque au CCMO, M. le Président? Les deux tiers des travailleurs, puis il manque surtout les 150 000 travailleurs et travailleuses au salaire minimum.

Puis, quand j'ai commencé à parler aux gens structurés d'avoir un représentant sur le CCMO qui représenterait les travailleurs Au Bas de l'échelle ? l'organisme s'appelle comme ça ? ça dérange un jeu de cartes, ce monde-là, ça ne fait pas partie des sommets, ça ne fait pas partie de la grand-messe péquiste, ça n'a pas de place dans la société québécoise, ce monde-là. Pourquoi faire qu'on les écouterait, ils représentent qui, eux autres?

M. le Président, c'est un petit peu le problème qui demeure dans ce projet de loi. Est-ce que les sans-voix peuvent au moins compter sur les députés de l'Assemblée nationale pour les représenter? Est-ce que les ministériels de l'autre côté, les députés qui sont ici, vont se lever, profiter des droits de parole qui leur sont garantis par le règlement de l'Assemblée nationale et prendre la défense des deux tiers des travailleurs et travailleuses de leur comté respectif? Ou bien s'ils vont craindre ? s'ils vont craindre ? de parler pour et au nom de leurs commettants parce qu'ils craignent le premier ministre ou qu'ils craignent le ministre de la Solidarité sociale?

Vous ne représentez pas seulement le tiers de syndiqués des travailleurs et travailleuses, vous représentez les deux tiers qui ne le sont pas et qui, au moment où nous nous parlons, n'ont pas d'autre voix que la vôtre. Si vous décidez, intentionnellement, de demeurer muets comme des carpes, ces gens-là vont comprendre qu'ils n'ont pas envoyé à Québec des députés qui les représentent correctement. Ces gens-là sont inquiets, à juste titre, de leur avenir. Vous leur avez demandé, il y a deux ans, de vous faire confiance, et ils vous ont fait confiance. S'il vous plaît, au moins, si vous n'avez pas la liberté de voter suivant votre conscience, levez-vous puis parlez, au moins, sur le contenu du projet de loi; défendez, au moins, les intérêts des deux tiers des travailleurs qui n'ont pas de voix, parce que, à la dernière élection, ils se sont fiés à vous et ils vous ont fait confiance.

De ce côté-ci, M. le Président, je peux vous assurer que ce sont tous les députés libéraux qui se font un devoir de conscience de représenter correctement le tiers, des travailleurs syndiqués, et le deux tiers, des travailleurs et travailleuses non syndiqués. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition.

Ceci met fin au débat. Nous allons passer maintenant à la réplique. Alors, M. le ministre, vous avez un droit de réplique de 20 minutes.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah! vous n'êtes pas encore intervenu, vous? Ah! bon, alors, c'est très bien. Je croyais qu'il n'y avait plus personne qui se levait.

Alors, vous êtes debout. Donc, je vous cède la parole, M. le député de Verdun. Je croyais que vous aviez utilisé votre droit de parole.

M. Gautrin: Est-ce que vous pourriez vérifier le quorum, si vous permettez? Pourriez-vous vérifier le quorum, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, alors, nous allons faire ça rapidement. Alors, il manque quelques présences pour avoir le quorum.

n(17 h 10)n

Alors, nous avons le quorum maintenant. Le quorum est rétabli, alors, M. le député de Verdun, vous pourrez maintenant entreprendre votre intervention.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. On arrive au terme de ce débat. Je voudrais d'abord remercier les parlementaires libéraux, qui, contrairement aux parlementaires de l'opposition, se sont tous levés non seulement au moment de l'adoption en troisième lecture du projet de loi, mais aussi dans le débat que nous avons eu dans la prise en considération du rapport pour défendre ceux qui, par l'adoption de cette loi, vont être les personnes qui vont être spoliées de leur pouvoir de contrôler les excédents d'actif dans leur caisse de retraite.

Dans l'heure qui va venir, je vais essayer de répondre aux arguments qui parfois ont été mis de l'avant par le ministre pour défendre son projet de loi, mais je vais surtout, M. le Président, expliquer pourquoi on aurait pu facilement trouver une solution. J'expliquerai aussi quels sont les effets pervers inclus dans le projet de loi et à quel point ils sont néfastes.

En premier lieu, qu'est-ce que fait ce projet de loi? Dans une situation où le droit n'était pas clair, dans une situation où jusqu'à maintenant les tribunaux au Québec avaient penché en faveur des retraités, dans les jugements qui avaient été rendus dans le cadre de la loi ou du Code civil du Québec, on vient changer a posteriori les conditions d'un contrat qui liait deux personnes qui... on vient changer par la loi les conditions d'un contrat qui liait à la fois l'employeur, les employés actifs, les employés non actifs et, parmi les employés actifs, ceux qui étaient syndiqués et ceux qui n'étaient pas syndiqués.

M. le Président, je commencerai par vous donner une citation parce qu'elle est importante. Et elle est importante parce qu'elle situe toute la question de l'utilisation des excédents d'actif dans un certain cadre d'une réflexion juridique. Deux juges, à savoir... et qui ne sont pas des moindres... Vous connaissez Jean-Louis Beaudoin. Je pense qu'il n'y a personne dans cette salle qui ne reconnaît pas qu'il a été un des artisans de la réforme du Code civil du Québec. Vous connaissez certainement aussi le juge Lebel, qui vient d'ailleurs d'accéder à la Cour suprême du Canada. Lorsqu'ils se sont prononcés sur la cause Cyr... Je ne fais pas ici de... Je n'essaie pas de vous dire qu'il y a identification complète entre utilisation des excédents d'actif en fin de régime et utilisation des excédents d'actif en cours de régime. Je suis assez connaissant de ce dont je parle pour ne pas faire de mélange entre les deux, mais le raisonnement qui a amené... Parce que, en général, si vous me permettez, M. le Président, lorsqu'un juge est amené à rendre un jugement, il ne fait pas simplement que rendre son jugement, il se base sur un certain raisonnement. Et le raisonnement qui avait été celui du juge Beaudoin à l'époque, c'était: À partir de ce moment, sauf naturellement l'hypothèse d'une intervention législative ou réglementaire visant, seulement pour des raisons d'ordre public ou d'intérêt général, à imposer des normes pour encadrer ce type de contrat dont la portée sociale est devenue, avec le temps, d'une très grande importance, les relations juridiques entre les contractants ne pouvaient être modifiées sans le consentement mutuel. Comprenez-moi bien. Des relations juridiques entre les contractants ne pouvaient être modifiées sans le consentement mutuel.

Alors, qu'est-ce qu'on fait actuellement par la loi? On modifie la situation juridique entre les contractants en accordant très spécifiquement dans cette loi un droit d'utilisation des excédents d'actif en cours de régime à la partie patronale et éventuellement à la partie syndicale, au détriment des deux autres parties au contrat, à savoir les travailleurs non syndiqués et les retraités, et on modifie ce contrat. Et le juge disait à l'époque, si vous me permettez: Une telle modification ne serait justifiée que pour des raisons d'ordre public ou d'intérêt général. Il est clair, M. le Président, que nous ne sommes pas dans cette situation d'ordre public ou d'intérêt général.

Donc, on vient, ici, a posteriori modifier un contrat qui liait employeurs, retraités, participants actifs non syndiqués, participants syndiqués, et vous venez le faire a posteriori. C'est là tout l'odieux, en quelque sorte, de cet article 85. Et ce que nous ont dit aussi beaucoup de personnes que j'ai rencontrées, c'est: Si vous n'êtes pas capable d'amender l'article 85 du projet de loi pour lui donner une certaine forme d'équité, on serait bien mieux de ne pas avoir cet article 85 du tout et de rester, à ce moment-là... de faire trancher ces questions d'utilisation des surplus actuariels en cours d'exercice par les tribunaux. Ça serait, au minimum, beaucoup plus équitable que cette situation que vous incluez actuellement dans la loi et qui vient débalancer l'équilibre entre les contractants. Je pense que c'est un élément qui est important, M. le Président, et je m'expliquerai un peu plus tard sur les possibilités qu'on peut faire, qu'on aurait pu inclure dans la loi pour avoir, atteindre une certaine équité.

Il reste un deuxième élément éminemment pernicieux dans la loi. La loi va permettre... Et je pense que le ministre en est conscient, et bien des fois il est revenu: Mais pourquoi on n'a pas utilisé ce qu'il appelait dans son langage l'hypothèse ou la solution? Je vais lui répondre sur les deux questions. Mais le projet de loi actuellement, M. le Président, permet, dans une entreprise où il n'y a pas de syndicat... Dans une entreprise où il n'y a pas de syndicat, le projet de loi laisse la pleine liberté à l'employeur d'utiliser à sa guise les excédents d'actif, s'il y a un excédent d'actif, dans un régime de retraite. Et ça, c'est fondamentalement inéquitable, M. le Président. On est en train, par cette loi, de donner aux employeurs... Et comprenez bien que je comprends comment certains employeurs en sont bien contents, on est en train de leur donner la libre disposition des excédents d'actif, dans un régime de retraite sans aucun contrôle, alors que ces excédents d'actif sont le résultat des contributions au cours de leur vie des participants, qu'ils soient encore des travailleurs actifs ou qu'ils soient des retraités. C'est profondément une brèche dans l'équilibre, actuellement, des relations entre les travailleurs et les employés.

Et je me permets de dire: Bien souvent, j'ai vu le ministre se lever et poser à mes collègues la question: Est-ce qu'il y a une autre loi qui traitait aussi bien les retraités? Je le mets au défi: Existe-t-il une autre loi au Canada qui traite aussi bien les employeurs que la loi qu'il protège? Existe-t-il une loi qui protège aussi bien les employeurs que celle-ci? Je m'excuse de le dire: Non, il n'en existe pas à l'heure actuelle.

On est en train actuellement, M. le Président, par cette loi-là, de donner, dans les cas où il n'y a pas de syndicat, une totale liberté à l'employeur d'utiliser les excédents d'actif. Premier élément de l'effet pernicieux.

n(17 h 20)n

Deuxième élément de l'effet pernicieux: si vous êtes un employé dans une entreprise qui n'est pas syndiquée jusqu'à maintenant et que vous avez un employeur qui a des velléités d'utiliser l'excédent d'actif, il y a une possibilité qui vous est permise dans la loi par l'article 146.1. Dans l'article 146.1, dès que les gens ont déposé une demande d'accréditation, ceci met fin à la possibilité d'utiliser l'excédent d'actif et ça permet, ça gèle en quelque sorte l'utilisation de l'excédent d'actif. Extraordinaire moyen pour permettre la syndicalisation d'entreprises qui ne sont pas syndiquées jusqu'à nos jours. Alors, de l'autre côté, on comprend parfaitement à quel point les grandes centrales syndicales ? je ne dirai pas les syndicats à la base, parce que, eux, ils sont proches de leurs membres ? et particulièrement la FTQ, applaudissent aussi à ce projet de loi; l'un et l'autre, ils s'en vont guillerets, l'un avec l'autre, en train de se partager des avoirs qui ne leur appartiennent pas, et on leur donne, si on veut empêcher d'utiliser l'avoir, un argument massue pour inciter les employés dans les entreprises non syndiquées à se syndiquer. Alors, M. le Président, vous voyez là à l'heure actuelle les effets pernicieux qui sont inclus à l'intérieur de ce projet de loi en ce qui touche la possibilité d'utiliser les surplus actuariels.

Le ministre, qui n'est pas totalement insensible, on le décrit... Non, non, il n'est pas totalement insensible, il avait voulu inclure dans son projet de loi ce qu'il a appelé la solution 2. Alors, on va essayer de la résumer, parce qu'on a fait le débat autour de la solution 2 et elle a été rejetée. Elle a d'ailleurs été qualifiée par les travailleurs non syndiqués comme étant un bonbon sans saveur et sans couleur ou sans caractéristiques. La solution 2 disait: Voici, un employeur, lorsqu'il a l'intention de prendre un congé de cotisation et d'utiliser un surplus actuariel, pour fins de congé de cotisation, il doit en allouer ou en consacrer 50 % à l'amélioration du régime. C'est à peu près ce qu'était la solution 2. Le problème de la solution 2, c'est qu'elle restait aussi purement une décision unilatérale de l'employeur, les personnes n'étaient pas concertées, n'avaient pas à exprimer leur point de vue, que ce soient les syndicats, que ce soient les retraités, que ce soit le personnel non retraité, ils ne pouvaient pas accepter, adhérer au type de proposition qui était devant eux.

On a beaucoup parlé, M. le Président, par exemple, de ce qu'on améliore le régime. Et le débat de chiffres que vous avez eu entre le ministre et moi sur l'amélioration des régimes, c'est dans l'étude qui a été faite par la Régie des rentes. Et on va bien se comprendre. Dans l'étude qui a été faite par la Régie des rentes, il y a... et je l'ai encore ici devant moi. La Régie des rentes a regardé comment ça se passait dans les faits. Vous avez à peu près... Et, bien sûr, ils n'ont pas étudié tous les régimes, mais ils ont fait un échantillonnage des régimes et, à partir de l'échantillonnage des régimes, ils ont été en mesure de voir comment ça se passait. Je pense qu'on ne conteste pas la technique d'échantillonnage qui a été utilisée.

À partir de l'échantillonnage des régimes, on avait remarqué qu'on avait utilisé, dans l'ensemble de ces régimes, 812 809 325 $ à même les surplus. Vous remarquez que l'utilisation de ces surplus ? et c'est là tout le débat entre eux ? seulement 139 403 000 $ avaient été utilisés pour indexer les pensions, c'est-à-dire, réellement au profit des retraités, il y en avait 40 % qui avait été utilisé pour donner des congés de cotisation à l'employeur, et la différence entre les deux ? et c'est ça, le débat qui est entre le ministre et moi ? c'est qu'elles avaient été utilisées soi-disant pour bonifier le régime, mais en donnant des possibilités de retraite anticipée, ce qui n'a aucun effet sur les retraités en exercice. Ce n'est pas parce que vous facilitez le départ à la retraite que ceci facilite l'indexation de votre pension, et vous le comprenez facilement, M. le Président. Je vous prendrai d'ailleurs comme exemple un peu plus tard dans le cours du débat, puisque votre régime de retraite est un des régimes les plus exemplaires qu'il n'y ait pas actuellement au Québec.

Mais vous voyez bien, à l'heure actuelle, le vice de forme qu'il y avait à l'intérieur de la proposition qui était ce qu'on appelait la proposition 2, parce qu'on ne donnait aucune possibilité aux parties au contrat de donner leur avis, d'adhérer réellement à la proposition d'utilisation des surplus. On aurait pu se trouver à toutes sortes d'excès quant à la manière dont on aurait soi-disant bonifié le régime.

M. le Président, l'importance de bien comprendre ici, c'est que les parties à ce contrat... Et on ne le dira jamais assez, qu'il s'agit d'un contrat. Un régime de retraite, c'est un contrat, un contrat entre des personnes privées. Un contrat entre des personnes privées. Et, normalement, la loi n'a pas à venir perturber, enrayer les termes de ce contrat. Et, malheureusement, la loi, actuellement, ce que nous passons aujourd'hui vient débalancer les termes du contrat en donnant un avantage indu à deux parties au contrat, à savoir les employeurs et les participants syndiqués, M. le Président.

Je voudrais, si vous me permettez, revenir sur une réflexion que je me suis posée comme question, c'est: Pourquoi inclure ces choses-là contre les retraités à l'intérieur du projet de loi? Alors, j'en ai trouvé trois, raisons. D'abord, il y a chez ce ministre un profond ? et il l'a redit tout à l'heure dans son intervention ? un sens profond de l'inéquité entre les générations, c'est-à-dire... Et je pourrais lui citer, j'ai ici un certain florilège des citations qu'il a faites au cours de sa carrière politique, dans lequel il est profondément convaincu que sa génération va payer plus pour les générations qui l'ont précédé, que les retraités constituent un groupe privilégié et que, dans le fond, ils ont à payer pour le reste des gens.

Or, M. le Président, il s'agit essentiellement ? et mon collègue de Chomedey l'a rappelé tout à l'heure ? pour les retraités, d'argents qui ont été accumulés lentement au cours de la vie et déposés dans un régime de pension. Ce n'est pas parce que les retraités, à l'heure actuelle, ne sont pas tous sur l'aide sociale qu'il faut commencer à les spolier et pour les rendre au niveau de pauvreté moyen qui semble être celui auquel le ministre voudrait ramener l'ensemble des personnes ou des gens qui l'ont précédé, sous un principe d'équité entre les générations. Je me permets de revenir sur cette question, je me questionne sur ces raisons-là.

n(17 h 30)n

Le deuxième élément ? et il est beaucoup plus important, M. le Président ? ne touche justement pas les régimes complémentaires de retraite. C'est un débat que j'ai, que j'aurai, que je continuerai d'avoir avec non pas le ministre de la Solidarité publique, mais celui qui est venu intervenir aussi dans ce débat, qui est le président du Conseil du trésor, quant à l'utilisation d'éventuels surplus dans le RREGOP.

M. le Président, vous connaissez comme moi le rapport du Vérificateur général, en date de 1999-2000. La situation à l'heure actuelle dans le RREGOP, dans le régime des employés de l'État, est la suivante. Vous savez très bien comment fonctionne ce régime. Les employés de l'État cotisent au régime, le gouvernement ne cotise pas au régime, ça va? Mais le gouvernement dit: Bon, moi, au début, on va faire comme si je cotisais et on va m'inscrire à ma dette comme si j'avais cotisé au régime, et ça s'accumulera comme si j'avais cotisé au taux de rendement moyen de la Caisse de dépôt.

Alors, vous comprenez comment ça fonctionne, le RREGOP? Vous, supposons que vous étiez RREGOP... Enfin, les gens qui cotisaient au RREGOP cotisaient, ont déposé leurs argents dans la Caisse de dépôt, ce qui a permis d'ailleurs à la Caisse de dépôt d'avoir une réserve importante, et le gouvernement disait: Bien, moi, j'aurais peut-être cotisé la même chose et ça aurait redonné les mêmes rendements que ce que j'aurais pu cotiser.

Si on faisait cela, M. le Président ? et c'est les calculs de la CARRA ? il faudrait inscrire à la dette de l'État 24 542 000 000 $, ce qui serait, depuis la constitution du RREGOP, ce que le gouvernement devrait verser et devrait donner au RREGOP, ce qui constituerait en quelque sorte un surplus actuariel virtuel.

La réalité est totalement différente. On inscrit à la dette du gouvernement... C'est-à-dire, vous voyez la différence qu'il y a entre la CARRA, la Commission administrative des régimes de retraite, qui considère que la dette du gouvernement est à 29 milliards, et le gouvernement n'inscrit à ses livres que 16 751 000 000 $ qui représentent ce qu'il a besoin pour assumer les pensions qui sont prévues. Alors, c'est exactement comme si l'État québécois avait été le premier, lui, déjà à absorber complètement les 10 milliards de surplus actuariel virtuel qui aurait été dans ce régime.

Je ne fais pas de petite politique comme voudrait m'entraîner actuellement le député de Gouin. Les ministres des Finances qui se sont succédé ont tous eu cette tendance pernicieuse, à partir de 1988 ? et je le dis volontairement, cette tendance pernicieuse ? de fonctionner. Et je ne le nie pas, M. le Président, je le reconnais, je l'ai absolument combattu à tous les niveaux où j'étais, à chaque fois, et je continue à le combattre. Je considère que c'est fondamentalement inéquitable. Et je ne ferai pas de petite politique de dire que c'est untel ou tel, tel ou tel. Ça continue dans ce sens-là, et c'est fondamentalement inéquitable.

Vous comprenez, M. le Président, et vous comprenez bien, et je comprends le dilemme dans lequel se trouvait le député de Gouin avec, à côté de lui, son collègue du Conseil du trésor, si jamais on avait reconnu, à l'intérieur des régimes complémentaires de retraite, la possibilité pour les employés, dans un régime complémentaire de retraite, d'avoir droit au surplus actuariel, la première chose qui serait revenue pour les employés du plus gros employeur de l'État du Québec, qui est le gouvernement du Québec, la première chose qu'ils auraient dite, c'est à peu près le raisonnement suivant: Puisque vous l'accordez dans la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, qui ne touche pas évidemment le RREGOP parce qu'il a sa propre loi, la logique voudrait aussi l'accorder à l'intérieur du RREGOP. Ça serait essentiellement ce qui serait juste; ça serait ce qui serait juste.

On ne peut pas le dire... M. le Président, et vous pouvez sortir les florilèges de mes citations, dans toutes les commissions auxquelles j'ai participé, je n'ai jamais dérogé de cette ligne par rapport à l'utilisation des surplus à l'intérieur du RREGOP. Et voici la situation: on ne peut pas donner justice aux retraités du secteur privé parce que, si on donnait justice aux retraités du secteur privé, il faudrait donner justice aussi aux retraités du secteur public, et on aurait peur d'inscrire réellement aux états financiers du gouvernement la réelle dette qu'on aurait envers le régime de retraite du gouvernement, qui passerait de 16 milliards à 24 milliards.

M. le Président, lorsqu'on parle de droits, on ne peut pas justement être en train de fonctionner en disant: Attention, ça coûterait trop cher si on avait réellement fait ce qu'on aurait dû faire. Ce n'est pas comme ça qu'on doit fonctionner. Cet argent, les argents qu'il y aurait dans le RREGOP appartiennent, d'après moi ? je défendrai ça sur toutes les tribunes ? essentiellement aux travailleurs du secteur public, comme je prétends, à l'heure actuelle, que les argents qui sont accumulés dans les régimes de retraite du secteur privé sont le résultat d'un contrat qui était initialement passé entre l'employeur, l'employé, ceux qui sont retraités aujourd'hui, les travailleurs non syndiqués et qu'on ne peut pas modifier les termes d'un contrat sans réellement l'accord des parties.

Alors, je comprends... Je ne voudrais pas... Ne me faites pas dire que je veux dévier du sujet. Ce débat sur le RREGOP, je l'ai et je l'aurai encore, ne vous en faites pas, je vais l'avoir dans un instant, lorsque le gouvernement appellera le projet de loi n° 159 sur la création du nouveau régime de retraite du personnel d'encadrement du gouvernement. Je vais l'avoir exactement pour savoir quel est l'ensemble des réserves qui sont transférées du RREGOP non syndicable à ce nouveau régime de retraite. Ne vous inquiétez pas, je préviens tout de suite mes collègues de l'opposition, je vais faire ce débat, il ne me lâchera pas, je le continuerai et je continuerai aussi à défendre les retraités, qu'ils soient du secteur public ou du secteur privé, M. le Président.

Mais revenons à ce qui nous occupe. Il y a une troisième raison. Il y a évidemment une compagnie privée, et je vais volontairement... Si jamais je déroge au devoir nécessaire lorsqu'on parle d'une question qui est traitée devant une cour de justice... Vous savez qu'il y a un devoir de réserve auquel tout parlementaire doit s'astreindre. Je vais essayer de m'astreindre à ne pas déroger à cette règle. Mais, M. le Président, vous savez, et c'est du domaine public, que la Cour du Québec a autorisé le recours collectif des employés d'Hydro contre l'utilisation qui avait été faite par Hydro-Québec des surplus actuariels dans le régime de retraite d'Hydro-Québec, en prenant des congés de cotisation, et pour l'employeur Hydro-Québec et pour le personnel d'Hydro-Québec, sans nécessairement verser une quote-part aux retraités.

Je ne voudrais pas rentrer sur cette question, M. le Président, elle est actuellement devant les tribunaux, mais je me permets néanmoins de dire que, si on est en train de changer en quelque sorte la loi, il est clair qu'on envoie implicitement, comme législateur, un message aux juges quant à la manière dont on voit l'utilisation ou le droit à l'utilisation ? je fais attention sur les mots ? en adoptant cette loi. Et je sais parfaitement qu'on est dans une situation où la question est sub judice et qu'elle sera traitée suivant les règles qui valaient avant l'adoption du projet de loi. Je connais tout ça. Mais on est en train néanmoins d'envoyer un message à la magistrature de l'intention du législateur en ce qui touche le droit à l'utilisation des excédents d'actif pour prendre des congés de cotisation. Et je me permets de dire que le premier, rappelez-vous, le seul et le premier actionnaire d'Hydro-Québec, c'est le gouvernement du Québec.

Et il y a... peut-être un peu bizarre où le gouvernement, dans une cause qui aurait fait jurisprudence si la loi n'est pas acceptée, une cause qui aurait clarifié l'utilisation des surplus, la manière d'utiliser les surplus... Si la justice avait penché d'un côté ou d'un autre, la loi ici vient, disons, en quelque sorte défaire cette question de jurisprudence quant à l'utilisation des surplus actuariels.

n(17 h 40)n

Je vais maintenant, M. le Président, aborder un autre point de vue, une autre question qui est particulièrement pernicieuse dans le projet de loi et qui, d'après les contacts que j'ai eus et les déclarations qui ont été faites par les associations de retraités, amène à penser que le projet de loi risque d'être mis en cause devant les tribunaux par rapport au test de la Charte des droits et libertés.

Le principe, c'est le fameux article 146.7, enfin l'introduction de l'article 146.7 suite à l'article 85, où, dans l'article 146.7, que je vais me permettre de vous lire, M. le Président, parce qu'il est important... L'article 146.7 va dire: «À compter de la date de leur prise d'effet, les dispositions du régime qui, résultant d'une modification faite en vertu de l'article 146.5 ou 146.8, sont relatives au droit de l'employeur d'affecter tout ou partie de l'excédent d'actif à l'acquittement de ses cotisations prévalent sur toute disposition du régime ou d'une convention et lient quiconque a des droits ou obligations en vertu du régime.»

D'abord, vous voyez, la partie qui pose problème à l'heure actuelle, c'est la partie à la fin, «lient quiconque a des droits ou obligations en vertu du régime». Alors, le ministre plaide à l'heure actuelle en disant ? et on a eu, donc, un débat en fin de séance: Voici, ceci n'a qu'un effet, de protéger le droit de l'employeur ? de l'employeur, lui qui est déjà un gros morceau, permettez-moi ? d'utiliser les excédents d'actif pour prendre des congés de cotisation. Ça n'empêche pas, lorsque les employés pourront se chamailler entre eux autres, d'avoir recours au Code civil pour permettre aux retraités de poursuivre le syndicat.

Mais, vous voyez, M. le Président, ce qu'on est en train de créer dans cette loi à l'heure actuelle, on privilégie une partie. On privilégie par la loi une partie qui est la partie de l'employeur. On lui dit: Elle, son droit à prendre des congés de cotisation sera quelque chose qui liera les parties, tandis que l'utilisation qui sera faite éventuellement des excédents d'actif pour d'autres fins que les congés de cotisation de l'employeur sera soumise... Et je suis prêt à suivre cette partie du raisonnement du ministre quant à l'utilisation du Code civil sur cette partie-là, mais vous voyez déjà que la partie principale, qui est l'utilisation par l'employeur des excédents d'actif, va lier des parties, va lier ? comprenez bien ? des personnes qui n'auront même pas été parties au débat, à savoir les travailleurs non syndiqués et à savoir les retraités.

Des personnes éminentes, et je ne voudrais pas ici porter un jugement de ce que pourront dire les tribunaux suite à cela, des juristes éminents pensent qu'il y a matière là à contester la loi sur la base des chartes, que ça soit les chartes québécoises et les chartes canadiennes, car on ne peut pas réellement lier quelqu'un sans qu'il ait la possibilité de pouvoir au moins être entendu et pouvoir faire valoir son point de vue.

Alors, je n'essaie pas de vous dire à l'heure actuelle... ou de faire de l'exagération verbale en disant: Bon, cet article empêche tout recours. Je comprends, mais il limite... Il n'empêche pas tout recours, mais il limite considérablement la possibilité de recours. En particulier, il protège au départ un des groupes, à l'heure actuelle, qui est le groupe des employeurs. On vient en quelque sorte, M. le Président, débalancer encore, par cet article, l'équilibre qui est nécessaire entre les quatre parties au contrat.

M. le Président, le temps passe, et je ne voudrais pas perdre la possibilité de vous expliquer et de défendre mon point de vue. On a beaucoup... Je n'ai jamais entendu d'arguments solides contre ce qu'on proposait, ce que j'ai proposé en amendement ? que je vais vous expliquer ici ? si ce n'est évidemment des arguments d'autorité, en disant: Ça ne marchera pas, et qui souvent venaient des deux personnes les plus favorisées dans le projet de loi, à savoir les employeurs et, de l'autre côté, les grandes centrales syndicales, qui bien sûr, puisqu'elles sont les grandes gagnantes à l'heure actuelle du partage des excédents d'actif, sont bras dessus, bras dessous, main dans la main, bien d'accord pour exploiter ceux qui ont malheureusement des voix beaucoup moins importantes, à savoir les retraités et les employés non syndiqués.

Qu'est-ce que nous proposions? On a proposé, M. le Président, essentiellement un mécanisme. Et, moi, j'ai longtemps réfléchi à chercher comment donner aussi une voix dans l'utilisation des excédents d'actif aux personnes qui n'en ont pas, tout en ne débalançant pas indûment la libre négociation qu'il doit y avoir entre un employeur et un syndicat. Alors, ce que nous proposions, c'est que, lorsqu'il y avait une entente négociée... Autrement dit, je ne dis pas à l'heure actuelle qu'il faut qu'il soit nécessaire qu'on ait la multinégociation de l'utilisation des excédents d'actif entre employeurs et employés. À mon sens, ce serait alourdir indûment le mécanisme de négociation, et je ne l'ai jamais proposé. Mais je dis qu'une fois qu'une telle négociation a eu lieu elle est soumise à approbation, exactement comme un comité de négociations, à approbation.

Alors, le mécanisme d'approbation auquel j'avais pensé était celui de l'assemblée annuelle du fonds de pension où chaque groupe votait ? vous savez, une assemblée annuelle d'un fonds de pension, ça réunit les participants actifs, les participants syndiqués, non syndiqués, les retraités ? où, à ce moment-là, ça aurait été soumis à l'assemblée annuelle, par vote séparé, aux retraités et aux participants qui ne sont pas syndiqués.

Il est clair que, si la proposition... Et ça se fait dans beaucoup de régimes, M. le Président. Vous avez le régime qui dépend du fédéral, par exemple, le régime de Radio-Canada où ils sont arrivés à une entente de cette manière-là. Si la proposition est une proposition qui est équitable, elle sera automatiquement ratifiée par les parties à ce moment-là. Advenant le cas où elle ne soit pas équitable, parce qu'il est possible qu'elle ne soit pas équitable, cette proposition serait soumise à l'arbitrage. Et l'arbitre devrait prendre quoi lorsqu'on l'utilise? Et on ne dit pas seulement soumis à l'arbitrage d'une manière aveugle, en disant: On donne plein pouvoir à un arbitre. Ce n'est pas ça. L'arbitre doit prendre en considération un certain nombre de principes.

Le premier principe, c'est, si jamais il y a eu dans le passé des déficits actuariels d'exercice, il est normal que la première utilisation des surplus soit utilisée pour combler les déficits actuariels d'exercice et donc rembourser les excédents de cotisation qu'un employeur a pu donner lorsqu'il y a eu un déficit d'exercice. Ça, c'est le premier élément que doit considérer l'arbitre dans la proposition que j'ai faite comme amendement.

Le deuxième élément, c'est qu'il doit traiter en équité. Et traiter en équité, ça veut dire quoi? Ça veut dire sans vouloir nécessairement forcer, dans chacun des régimes de retraite, parce que je pense que ce serait alourdir indûment les analyses des régimes de retraite, ce qui existe dans votre régime de retraite, M. le Président, c'est-à-dire la détermination de la part de l'excédent d'actif qui provient des retraités et la part des excédents d'actif qui provient des personnels non retraités en utilisant le concept de fonds distinct. Et vous savez très bien comment on peut le faire, M. le Président, le ministre le sait parfaitement. On peut parfaitement, à l'heure actuelle, arriver à déterminer clairement, en utilisant... à l'intérieur des actifs dans un fonds de pension, la partie qui sert essentiellement à payer ou à projeter les retraites des personnes qui sont retraitées et celle qui est utilisée pour payer le personnel encore actif. On peut le faire, c'est un peu lourd, mais on peut le faire.

n(17 h 50)n

Mais on irait seulement, à ce moment-là... Ce serait l'arbitre qui pourrait avoir recours à cette procédure à ce moment-là pour déterminer, à l'intérieur d'une caisse de retraite, la part des excédents d'actif qui aurait été générée par les cotisations des retraités et la part des excédents d'actif qui aurait été générée par des participants syndiqués. Et on aurait, lorsqu'on aurait à avoir les bénéfices qui sont accordés lorsqu'on veut diminuer les surplus actuariels ou excédents d'actif, à voir qu'il y ait équité, c'est-à-dire que la part, le coût général de ce qui est utilisé pour donner comme bénéfices aux retraités correspond au poids de l'excédent d'actif qui est généré par la part des retraités, et l'autre partie, c'est-à-dire pour les employés actifs syndiqués et non syndiqués, que ça correspond à la part de ce qui aurait été généré. Ce serait donc simplement si les parties n'arrivaient pas à s'entendre, c'est-à-dire s'il n'y avait pas une entente entre les parties quant à l'utilisation des excédents d'actif, qu'on aurait eu recours, M. le Président, à ce mécanisme qui aurait été le mécanisme d'arbitrage pour voir à utiliser l'excédent d'actif.

Je me permets de dire que, là, je ne suis pas en train de compliquer, je ne limite en aucune manière le pouvoir de négociation, mais je fais en sorte que ceux qui ont à décider de l'utilisation des excédents d'actif doivent voir, au moment où ils négocient entre eux, qu'il existe une tierce personne, que cette tierce personne aura à se prononcer éventuellement sur le résultat de la négociation quant à l'utilisation des excédents d'actif et que cette tierce personne a des droits et doit pouvoir les faire valoir. Je ne pense pas, M. le Président, qu'on aurait alourdi énormément le fonctionnement des régimes de retraite; je ne pense pas.

Je me permets de dire à ceux qui hochent la tête d'une manière négative que ? et sans vouloir vous prendre à partie, M. le Président ? l'Université Laval a déjà, à l'intérieur de son propre régime de retraite, statutairement, inclus le mécanisme d'identifier, dans chaque évaluation actuarielle, la part du surplus qui provient en quelque sorte des cotisations des retraités et la part du surplus qui provient des participants actifs et voit à ce qu'éventuellement, lorsqu'il y a réduction de surplus, réduction actuarielle, elle se fasse d'une manière équitable entre les bonifications de la retraite ? parce que vous comprenez que, pour un retraité, une seule bonification, c'est l'augmentation ou l'indexation de sa pension ? et les autres bonifications que vous pouvez mettre à l'intérieur du fonds de pension pour les personnes actives, c'est-à-dire faciliter la prise de retraite, faciliter l'âge auquel vous prenez votre retraite ou des choses comme ça.

On aurait pu faire cela et on n'aurait pas alourdi, en aucune manière, le processus. Mais, si on avait suivi et si le ministre avait voulu suivre cette voie-là, on aurait été en mesure de pouvoir arriver à un équilibre ou à une certaine équité entre chacune des parties parce que, à ce moment-là, chacune des parties au contrat avait la chance de se prononcer en ce qui touchait l'utilisation des excédents d'actif, M. le Président.

Et je regrette, je suis vraiment... Je dois vous dire que je suis quelqu'un de relativement tenace et je dois vous dire qu'on l'avait évidemment proposé comme amendement, en commission parlementaire. Je l'ai reproposé comme amendement ici, au moment de la prise en considération du rapport. Je n'ai malheureusement pas eu de chance, mais je dois vous dire, et je vous le garantis, que cette nécessité de donner une certaine justice aux retraités, comme l'a rappelé notre chef tout à l'heure, lorsqu'un gouvernement libéral reviendra au pouvoir, c'est quelque chose dans lequel nous irons parce que c'est quelque chose que je pense profondément juste. Et le ministre m'avait demandé, me mettait au défi de le dire: Oui, c'est quelque chose sur lequel il est nécessaire, à l'heure actuelle, d'y aller parce que c'est quelque chose de simple et c'est quelque chose qui rend justice aux parties.

Vous me permettez de le rappeler, si on avait donc été dans cette voie-là, si on avait choisi cette voie-là qui était... Et, je rappelle bien, je ne suis pas... Qu'on n'essaie pas actuellement de me faire dire... Parce qu'il y a ce que j'appellerais des procès par assimilation. On a dit: Ah, tous les gens qui sont contre, bien ils disent ça. Donc, on critique quelque chose qui est... Je rappelle bien, je ne dis pas à l'heure actuelle qu'il faut nécessairement ? nécessairement ? que toute évaluation actuarielle véhicule en quelque sorte le partage des excédents, de vérifier quelle partie des excédents provient des retraités, quelle partie provient... Je ne dis pas cela. Je dis: Il faut que, lorsqu'on a une proposition de réduction d'utilisation des excédents d'actif, elle soit considérée comme juste parmi les gens qui ont à se prononcer et que les retraités et les personnels non syndiqués doivent pouvoir se prononcer sur cette question. Et, s'ils considèrent, par mécanisme... Et le mécanisme que je suggère, c'est l'utilisation de l'assemblée annuelle par vote séparé. S'ils se prononcent en faveur d'une proposition qui ne correspond pas nécessairement mécaniquement au partage des excédents d'actif, bravo! S'ils ont eu la chance, tous, de se prononcer et que, si chacune des parties est d'accord, je ne vois pas pourquoi on viendrait imposer dans la loi des règles qui sont des règles qui, dans le fond, n'ont pas à venir régler des contrats entre privés. Et, moi, je ne tiens pas actuellement à imposer des règles.

Tout ce que je dis, c'est que nécessairement, M. le Président, il faut tenir compte de l'équité lorsqu'on parle de l'utilisation des surplus actuariels. Et on aurait pu le faire de cette manière-là. Ça nous aurait permis, s'il n'y avait pas entente entre les parties, à ce moment-là de faire référence à l'arbitre, comme je leur ai rappelé tout à l'heure, et aussi de pouvoir, le cas échéant, demander à l'arbitre de juger en tenant compte premièrement des remboursements des cotisations qui auraient pu être versées en trop, lorsqu'il y a eu cotisations excédentaires, pour réserver un déficit d'opération, si vous me permettez, soit pour permettre une équité entre les différentes parties aux surplus actuariels, soit aussi ? et je pense que l'arbitre devrait aussi tenir compte de ça ? la nécessité de maintenir une réserve minimale à l'intérieur d'un fonds de pension.

Maintenant, je voudrais rappeler ? et je vois que le temps file, malheureusement ? que ce dont on discute, c'est quelque chose de relativement simple. Il aurait suffi d'avoir une certaine ouverture, et on aurait pu débattre, essayer d'améliorer cette question. Mais ce que je ne peux pas accepter, ce que, nous, les libéraux, on ne peut pas accepter, c'est la situation où on considère les retraités, où on considère le personnel syndiqué comme des mineurs, comme des gens qui ne peuvent pas s'exprimer sur l'utilisation de leurs épargnes, parce que, pour beaucoup de gens, la principale épargne au moment où ils prennent leur retraite, c'est ce qui constitue leur fonds de pension. Et on leur dit: Lorsqu'on est en train d'utiliser ou de porter un jugement sur l'utilisation ou la manière dont on va utiliser les surplus qui ont été donc générés par vos épargnes, vous n'avez pas voix au chapitre, vous êtes totalement des mineurs, vous êtes des gens qui sont comme des gens à qui on va dire ce qu'ils ont à faire et vous devez être liés par cette décision-là.

C'est ce point-là qui est le point majeur sur lequel je n'ai pas pu être d'accord. Et je ne peux pas m'empêcher de penser, ce que je vous disais au cours de ce discours, que, s'il n'y avait pas eu derrière le ministre actuellement de la Solidarité sociale la grande ombre du président du Conseil du trésor, l'ombre du président du Conseil du trésor avec qui j'ai le débat, et avec qui je continuerai le même débat, et avec qui j'ai un débat qui dure depuis longtemps, et je continuerai ? je suis sûr que je vais l'avoir, vous allez voir, le discours, on va l'avoir dans un instant ? s'il n'y avait pas eu l'ombre du président du Conseil du trésor derrière l'épaule du ministre de la Solidarité sociale, probablement qu'on aurait pu régler cette petite question, parce qu'elle est facilement réglable, et elle aurait été juste.

Mais, à partir du moment où on crée une injustice, si tant est que cette injustice soit créée pour permettre au président du Conseil du trésor de ne pas reconnaître dans ses états financiers le 10 milliards de dollars qu'il devrait reconnaître en plus... Oui, oui, 10 milliards de dollars. Entre 16 milliards et 24 milliards, ça fait proche de 10 milliards de dollars, si vous me permettez. À l'heure actuelle, c'est 9 800 000 000 $, vous me direz. On n'en est pas à quelques centaines de millions près. Mais, s'il n'y avait pas eu ça, probablement qu'on aurait pu s'entendre, parce qu'il y va d'une question de justice. Vous comprenez, M. le Président, c'est une question de justice.

Vous voyez le temps qui s'écoule. Il me reste une minute, merci. Alors, je terminerai dans cette minute pour... Mais je pense que mon temps, non, n'est pas écoulé quant à la possibilité de... Je pourrais...

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...

n(18 heures)n

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais terminer dans cette minute pour rappeler à quel point... Je fais une dernière fois ? une dernière fois ? appel aux parlementaires ministériels, pour leur dire: Écoutez, oubliez le président du Conseil du trésor, laissez parler vos coeurs et soyez en mesure ? bien sûr, je vous réveille un peu ? de ne pas traiter d'une manière inéquitable les retraités, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Verdun, et nous allons ajourner le débat, puisque vous m'avez signalé que vous avez l'intention de compléter votre 60 minutes.

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. M. le député de Verdun, merci.

Débats de fin de séance

Alors, nous allons entreprendre nos débats de fin de séance. Nous en avons trois, ce soir, et il y aurait tout d'abord le député de Chomedey et madame... Oui, très bien. Mme la ministre est interpellée, mais c'est M. le ministre délégué qui est présent pour répondre.

Ressources des CLSC et des CHSLD

Donc, je vous précise le premier débat. Le premier débat porte sur une question adressée, hier, par M. le député de Châteauguay à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant le manque de ressources des CLSC et des CHSLD.

Alors, M. le député de Châteauguay, je vous cède la parole.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je suis intervenu, cette semaine, dans la foulée de plusieurs interventions que je fais devant la ministre de la Santé pour lui demander qu'enfin elle commence à faire de la planification, qu'enfin elle accepte de la transparence. Et je demande cet effort de planification surtout dans le dégagement de nouvelles ressources pour la santé.

Je vais vous expliquer pourquoi je fais ce plaidoyer sans cesse et sans cesse que je répète ce plaidoyer, c'est que, M. le Président, on est rendu, au Québec, où les CHSLD et les CLSC, qui sont des instances qui découlent du réseau de la santé, qui sont inclus, des partenaires dans le réseau de la santé, des membres actifs du réseau de la santé du gouvernement du Québec, qui sont rendus à se payer des pages de publicité dans les journaux pour lancer un cri d'alarme à la ministre de la Santé, au gouvernement du Québec.

Il y a un ministre délégué à la Santé qui me dit: Bien, non. Je me demande bien à qui ça s'adresse, ça, M. le Président. On le sait à qui ça s'adresse. Ça s'adresse au gouvernement. Ça s'adresse à la ministre de la Santé qui ne plaide pas la cause de la santé, la ministre de la Santé qui a laissé aller la situation, au Québec, dans une situation catastrophique. Je vous donne quelques chiffres. Pas étonnant qu'ils soient rendus là. En 1994, le Québec investissait per capita, dans la domaine de la santé, à hauteur qui nous amenait à être à la troisième position parmi les provinces canadiennes. Aujourd'hui, on est rendus en quelle position? La dernière. Sous la houlette du Parti québécois, on est passés de la troisième position, en termes d'investissement per capita en santé, à la toute dernière.

Même si, de l'autre côté, on nous dit: Oui, mais c'est les coupures fédérales, c'est les coupures fédérales. M. le Président, toutes les autres provinces ont eu les mêmes coupures fédérales. Or, il n'y a qu'une seule province qui a décidé d'en remettre dans les coupures. D'ailleurs, le premier ministre était d'accord avec les coupures du fédéral, parce qu'on les entend décrier les coupures du fédéral, mais le premier ministre du Québec, du Parti québécois, il était d'accord avec ça. C'est tellement vrai qu'il était d'accord que, lui-même, a coupé par-dessus. Pas étonnant qu'on soit passé de la troisième à la dernière position.

Alors, ça nous donne ça. Ça nous donne des acteurs du réseau qui en sont rendus là, parce que personne ne plaide pour la santé. M. le Président, en termes de soins, de maintien à domicile, nous donnons, nous investissons, nous octroyons 33 $ per capita. En Ontario, combien? 91 $. Pourtant, c'était la clé du virage du ministre de la Santé antérieur. La clé, on l'a perdue, M. le Président. Et ça n'a pas fonctionné, cette fausse réforme, parce que ce n'était pas une réforme qu'il a faite. Non, c'était simplement une action de coupures. C'est tout ce qu'on a eu au Québec: une action de coupures.

Alors, ça nous donne ceci. Ça nous donne tous les CLSC et CHSLD, du Québec tout entier, qui lancent un cri d'alarme. La ministre ne s'en aperçoit pas. Elle feint de ne pas entendre. Et, par-dessus ça, en même temps que ça, ça se passe, à l'échelle du Québec tout entier, il y a des régions... Le ministre qui va répondre, il en connaît quelques-unes, de ces régions-là, ça le concerne pas mal: Laval, Laurentides, Lanaudière, Montérégie. M. le Président, 42 % de moins que la moyenne des régions du Québec, en termes de ressources. Elles, ces régies-là dans ces régions-là, elles n'ont que 42 %.

M. le Président, comment la ministre de la Santé ne voit-elle pas la situation qui est devant nous? Comment ne comprend-elle pas que c'est elle, c'est de sa faute à elle et à ce gouvernement si on en est rendu là? Ce que je plaide depuis un mois, à peu près, c'est de demander à la ministre de la Santé qu'elle fasse pression sur le ministre des Finances. Soit qu'elle lui demande d'arrêter ses politiques de coupure de rubans... on coupe des rubans parce qu'il y a une compagnie, comprenez-vous, qui était sur l'avenue du Parc qui est rendue dans le Vieux-Montréal. Là, on coupe un ruban puis on lui donne des milliers de dollars pour ça, pour déménager. Pas pour créer des emplois, parce qu'on n'a pas eu une statistique sur la création d'emplois. Ce qu'on a, c'est des déménagements d'emplois.

Mais, s'ils aiment ça, bien, peut-être qu'on peut regarder du côté des marges de manoeuvre du gouvernement pour les années à venir. Alors, ce qui est assez étonnant, c'est que le ministre des Finances nous a dit il y a deux semaines: On n'a pas de marge de manoeuvre pour les années à venir, puis, de l'autre côté, il dit qu'il y a des belles politiques économiques qui donnent des marges de manoeuvre. La ministre de la Santé devrait s'en occuper, elle devrait aller chercher des fonds pour la santé plutôt que laisser le ministre des Finances partir avec la caisse pour juste se payer des coupures de rubans.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je vais céder la parole, pour cinq minutes, à M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.

M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): M. le Président, je viens d'entendre un discours carrément folklorique sur l'économie du Québec et je pense que le député de Châteauguay est un député beaucoup plus sérieux que ça. Il sait bien que, si on a réinvesti au-delà de 2,7 milliards en santé dans les deux dernières années, c'est parce qu'il y a eu de la croissance économique. Pas de croissance économique, pas de richesse, pas de marge de manoeuvre. Pour être en mesure de réinjecter de l'argent presque essentiellement... parce que presque l'essentiel de la marge de manoeuvre du gouvernement du Québec a été consacré à ces deux postes budgétaires importants au Québec que sont la santé et les services sociaux et l'éducation.

Donc, je pense que l'opposition officielle n'a pas encore très bien compris la leçon que la population du Québec lui a servie à deux reprises, en 1994 et en 1998, pour avoir failli à la tâche, pour avoir d'ailleurs été sans aucun doute un des gouvernements les plus irresponsables sur le plan économique et budgétaire. Le Parti libéral du Québec, gouverné par soi-disant un premier ministre très connaissant de la chose économique et budgétaire, a été sans aucun doute un des gouvernements les plus gaspilleux et dépensiers de l'histoire du Québec. C'était d'ailleurs une sorte de concours, à chaque dépôt du budget du gouvernement libéral, à savoir si on va péter l'excédent budgétaire de l'année précédente. Alors, 34 milliards de déficit en huit ans, on a doublé le déficit du Québec pour nous conduire à la ruine économique et budgétaire.

Autre élément extrêmement important, M. le Président, c'est qu'on oublie un acteur important dans tout ça. C'est que la moitié des impôts et des taxes des Québécois et des Québécoises sont à Ottawa. Et je vais reprendre tout simplement une déclaration de l'actuel chef de l'opposition qui a fait école et qui a frappé l'imaginaire collectif à l'époque où le chef de l'opposition était chef d'un autre parti à Ottawa, un homme politique que je respecte au plus haut point et qui a dit que le véritable responsable des problèmes qui confrontent les Québécois et les Québécoises en matière de santé et de services sociaux ? et il parlait naturellement de coupures ? eh bien, c'était le gouvernement fédéral.

Et même M. Chrétien, dans une confession publique tout à fait éloquente lors de sa dernière campagne électorale fédérale, a avoué lui-même qu'il a été un des responsables, justement, des coupures, particulièrement dans le domaine des transferts, du transfert social fédéral au Québec. On parle d'une coupure de 6 milliards, M. le Président. C'est des marges de manoeuvre importantes que le Québec n'a pas, que le Québec n'a pas eues. Les marges de manoeuvre sont à Ottawa. Il faut se ramener un peu il y a quelques semaines, voir le budget qui a été déposé à toute vapeur avant le déclenchement de la campagne électorale fédérale pour voir que le gouvernement central, le gouvernement d'Ottawa, qui gère une partie... 50 % des taxes et des impôts des Québécois et des Québécoises, nage dans le trèfle.

n(18 h 10)n

Alors, ici, encore une fois, si on n'avait pas réinvesti depuis deux ans presque l'essentiel des marges de manoeuvre dans le domaine de la santé et des services sociaux, je pense qu'on avoir une critique importante. Mais ce n'est pas ça qui est arrivé. On a réinvesti d'une façon importante, que ce soit dans le domaine des services sociaux, que ce soit dans le domaine de la santé.

Et je voudrais peut-être terminer sur la question des fameuses régions sous-financées. C'est vrai, M. le Président, qu'il y a au Québec ? et ça a été reconnu par notre gouvernement, parce qu'on a agi dans ce sens-là ? quatre régions sous-financées dû à l'explosion démographique. On parle des Laurentides, on parle de Lanaudière, région dont je représente le comté de Berthier à l'Assemblée nationale, on parle de Montérégie et de Chaudière-Appalaches. Moi, je peux vous dire que, dans le domaine des détresses sociales chez les jeunes, nous avons reconnu le sous-financement de ces régions et nous avons réinvesti d'une façon importante depuis deux ans. Depuis que le Québec a constitué ses marges de manoeuvre, nous avons réinjecté des argents importants dans ces quatre régions, que ce soit dans le domaine de la santé ou que ce soit dans le domaine des services sociaux. Je ne dis pas que tout est parfait dans ce bas monde; il reste encore du rattrapage à faire. Nous avons eu des discussions avec les représentants des CLSC, des centres jeunesse et du milieu hospitalier, et nous allons continuer à travailler étroitement avec ces gens-là dans le but de corriger certaines situations, de continuer cet effort de rattrapage, tout particulièrement auprès de ces quatre régions périphériques, de façon à offrir de meilleurs services auprès des citoyens et des citoyennes de ces quatre régions et du reste du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse. Je vais céder la parole pour une réplique de deux minutes à M. le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier (réplique)

M. Fournier: M. le Président, ce n'est tout simplement pas satisfaisant. Il peut, le ministre, nous parler de ses réinvestissements. Nous sommes passés de la troisième position au Canada, en 1994, à la dixième, la toute dernière, aujourd'hui. Alors, il peut essayer de se flatter la bedaine pour dire que, dans certaines régions, il a remis de l'argent. Ce n'est pas vrai, ils sont dans la rue, c'est en crise complète, c'est ce qu'ils crient tous les jours. Ils sont rendus à faire des publicités. Qu'on arrête de se bloquer les yeux, de l'autre côté, puis qu'on s'aperçoive de la véritable situation.

Il nous parle d'Ottawa qui est dans le trèfle. Ottawa a dévoilé, sur cinq ans, ses marges de manoeuvre. Qu'est-ce que vous attendez pour dévoiler, au gouvernement du Québec, vos marges de manoeuvre pour les cinq prochaines années? Hein? Il dit: On n'en a pas.

Les experts ont évalué, la CSQ a évalué à 20 milliards, Pierre Fortin, à 13 milliards, McCallum, à 15 milliards, pour les cinq prochaines années, les marges de manoeuvre, mais il n'y a absolument rien. De l'autre côté, on nous dit: Des marges de manoeuvre, on n'en aura pas. Qui réussit à ne pas faire de marges de manoeuvre en ce moment, dans tous les gouvernements? Il n'y a qu'au Québec, s'il fallait les croire. Partout ailleurs, encore l'Alberta la semaine dernière, 4 milliards pour cette année. M. le Président, le seul gouvernement qui réussira à ne pas faire dégager des nouvelles marges de manoeuvre, c'est celui du Québec, parce qu'il n'a aucune, s'il faut le croire, aucune politique économique qui fonctionne.

Alors, ou bien on le croit et il n'y a pas de marges de manoeuvre, auquel cas ils sont pourris et incompétents puis qu'ils changent de ministre des Finances, ou bien ils sont bons puis ils ont des marges de manoeuvre, bien, qu'ils les dévoilent pour qu'on puisse, avec la ministre de la Santé, faire des scénarios de répartition pour s'assurer que la santé ait dès aujourd'hui des ressources. Parce qu'on n'est plus capable, on n'est plus capable d'entendre la ministre de la Santé nous dire: Ah, oui, on sait qu'il en faut d'autres, mais on n'en a pas les moyens. Ils en ont les moyens. On peut arrêter les 2 milliards à la super SGF, on peut arrêter les coupures de rubans du ministre des Finances, on peut regarder les marges de manoeuvre qui se dégagent et on peut donner des services et des soins à la population du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Ceci met fin au premier débat.

Plan de transport aérien pour les régions

Le second débat portera sur une question adressée hier par Mme la députée de Bonaventure à M. le ministre des Transports concernant le transport aérien régional. Alors, Mme la députée de Bonaventure... Est-ce que M. le ministre... M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, je proposerais peut-être à ce moment-ci, pour que le député de Joliette puisse entendre les propos de la députée de Bonaventure, que nous suspendions quelques instants, le temps de permettre, si l'opposition le souhaite, au député de Joliette de se joindre à nous.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons suspendre quelques minutes pour attendre l'arrivée de M. le ministre.

(Suspension de la séance à 18 h 15)

 

(Reprise à 18 h 25)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je crois que j'avais indiqué tantôt le sujet du deuxième débat. C'est une question adressée, hier, par Mme la députée de Bonaventure à M. le ministre des Transports concernant le transport aérien régional.

Alors, j'apprends que c'est le ministre de la Solidarité sociale qui va remplacer le ministre des Transports. Mais, avant, nous allons entendre Mme la députée de Bonaventure.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, le dossier du transport aérien dans les régions est un dossier d'importance capitale pour les régions, s'il est un service essentiel de première ligne non seulement pour les régions, pour assurer leur développement, mais également pour les citoyens qui y vivent.

Au-delà du transport des passagers, il y a des enjeux majeurs qui se dessinent. Il s'agit ici, bien sûr, d'assurer le transport des malades, d'assurer le transport du courrier, d'assurer le transport des médicaments, du personnel médical. Bref, les citoyens des régions, face à la problématique actuelle, attendent des réponses et des propositions concrètes de la part du gouvernement.

Les citoyens de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, les citoyens de la Côte-Nord et du Saguenay, M. le Président, ont interpellé le gouvernement, ont interpellé le ministre des Transports, et malheureusement, après plusieurs mois d'attente, le gouvernement fait encore la sourde oreille face aux propositions qui lui sont formulées par les citoyens et par certains transporteurs régionaux.

Et les transporteurs aériens en région, justement, ils en arrachent, M. le Président, ils ont besoin d'aide; ils ont besoin d'un support de la part du gouvernement. Ils ont adressé plusieurs demandes d'aide financière. Et je tiens, ici, aujourd'hui, à vous rassurer. Il y a deux dossiers en cause, le dossier de Régionnair et le dossier de la coopérative.

Alors, si on commence par le dossier de Régionnair, 70 emplois sont créés par cette entreprise, M. le Président. Il y a une urgence d'agir ? une urgence d'agir ? parce que Régionnair a formulé une demande d'aide financière au gouvernement, une demande d'aide financière à laquelle le gouvernement devra répondre d'ici le 12 décembre. Si rien n'est fait d'ici le 12 décembre, c'est 70 emplois qui vont disparaître, c'est un service de transport qui est assuré dans la région de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, également sur la Côte-Nord, qui va cesser. C'est également 70 autres emplois qui pourraient être créés si le gouvernement, si le ministre des Transports...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...ma collègue de Bonaventure. On nous a dit que le ministre des Transports était ici... n'est pas ici, mais qu'il était supposé... L'autre ministre vient juste, juste d'arriver. Je pense que la courtoisie minimum ferait en sorte qu'il serait présent lorsque quelqu'un lui adresse une question. Ça peut peut-être l'aider à comprendre la question et à mieux répondre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le ministre s'est absenté quelques instants. Alors, il est revenu. Mme la députée.

Mme Normandeau: Alors, M. le Président, je disais donc que le dossier de Régionnair, pour les régions de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine et de la Côte-Nord, est un dossier majeur. D'ailleurs, Régionnair a obtenu plusieurs appuis dans son dossier de plan de relance. La Compagnie minière Québec Cartier, la compagnie Alouette, le Centre de santé de la Basse-Côte-Nord, la ville de Rimouski, le CRD de la Côte-Nord, également, aujourd'hui même, le Conseil des maires de la Basse-Côte-Nord, ont envoyé une correspondance au ministre des Transports, correspondance, M. le Président, dans laquelle on souligne l'importance pour la Basse-Côte-Nord d'être desservie par un transporteur comme Régionnair.

Parce qu'il faut savoir, M. le Président, sur la Basse-Côte-Nord, il n'y a pas de routes. Alors, la seule façon pour les citoyens d'échanger entre eux, c'est d'avoir un service de transport aérien. Et les maires sont très clairs quant à leur position. Ce qu'ils demandent au ministre, c'est d'agir très rapidement et de donner suite à la demande d'aide financière qui est formulée par Régionnair avant qu'il ne soit trop tard et que l'irréparable se produise.

Ce qu'il faut dire, c'est que c'est Régionnair qui assure la délivrance du courrier sur la Basse-Côte-Nord. M. le Président, si rien n'est fait, on peut s'imaginer quel sera le scénario quelques semaines, d'ici avant la période des fêtes.

Alors, M. le Président, les employés de Régionnair également ont écrit, le 29 septembre dernier, au premier ministre. Et, à l'heure où on se parle, le premier ministre n'a pas donné suite à cette demande qui est formulée par les employés de Régionnair.

Le 8 novembre dernier, le comité de la desserte aérienne de la Baie-des-Chaleurs... Ça, c'est chez nous, M. le Président. L'aéroport de Bonaventure n'est plus desservi à l'heure actuelle par aucun transporteur. Le CRCD de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine a interpellé le gouvernement du Québec sur cette question d'importance.

Alors, on a un dossier pour lequel le ministère des Transports admet sa responsabilité. Et je m'appuie ici sur le site Internet du ministère dans lequel on apprend que les activités du ministère en matière de transport aérien se situent notamment au niveau de l'aide financière à la desserte aérienne de certaines régions isolées.

Alors, M. le Président, le ministre des Transports a la possibilité aujourd'hui d'exercer son leadership. Il a la responsabilité, donc, de prêter une oreille attentive aux demandes d'aide financière qui lui sont formulées. Il y a vraiment urgence en la demeure. Si rien n'est fait, un transporteur comme Régionnair va disparaître d'ici quelques semaines.

Pour ce qui est du dossier de la coopérative, c'est un autre dossier pour lequel le gouvernement est interpellé. Et j'aimerais tout de suite dire que, de ce côté-ci de cette Chambre, M. le Président, il n'est pas question, effectivement, qu'on se dirige dans un dossier comme Quebecair. Ce qu'on veut, c'est que le gouvernement puisse offrir des outils financiers à ses transporteurs pour offrir un service de qualité, un service fiable à des coûts abordables aux citoyens et aux citoyennes des régions. Merci.

n(18 h 30)n

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Bonaventure. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Solidarité sociale.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui. M. le Président, je voudrais dire, au nom du gouvernement, jusqu'à quel point nous apprécions l'intervention de la députée de Bonaventure et, sans hésitation, dire que nous partageons les mêmes préoccupations que celles qu'elle a énoncées hier à la période de questions et qu'elle nous rappelle aujourd'hui. La question du transport aérien et de l'accessibilité pour les gens des régions à ce type de services est effectivement une question qui est vitale, qui est fondamentale tant pour ? comme elle l'a dit ? le transport des personnes malades, pour le transport du courrier et aussi à cause des impacts économiques et des retombées économiques d'un service accessible comme celui-là aux gens des régions.

Ceci étant dit, M. le Président, je pense qu'il faut distinguer deux niveaux d'intervention dans les propos de la députée de Bonaventure. D'abord, elle presse le gouvernement de donner une réponse claire, quasi définitive, quasiment un impératif, elle nous fait ordre de répondre aujourd'hui ou dans les heures qui viennent à la demande qui est faite par Régionnair. Je comprends, et nous comprenons tous l'empressement de la députée de Bonaventure. Nous savons aussi que le projet de Régionnair est un projet qui suscite de nombreux appuis. Mais je pense qu'elle comprendra qu'il est raisonnable que le gouvernement accorde l'importance nécessaire et fasse les études nécessaires pour répondre correctement à la demande qui est faite.

Là-dessus, mon collègue a pris un engagement très clair, il l'a pris hier, il rencontrera les gens de Régionnair dans les jours qui viennent avec une préoccupation, M. le Président, qui est celle d'assurer la viabilité et la durabilité du service. La députée nous a même dit elle-même qu'il n'était pas question de s'embarquer dans un deuxième Quebecair. Encore là, nous partageons le point de vue de la députée. Donc, nous allons faire les choses correctement, dans l'ordre, dans le respect des personnes et avec la même préoccupation quant au développement des régions et à l'accessibilité aux services de transport aérien que la députée de Bonaventure exprime aujourd'hui. Ça, c'est une chose, et nous entendons bien les propos de la députée et nous sommes en contact nous-mêmes... À la limite ? la députée de Bonaventure n'a pas besoin de nous le rappeler ? dans le quotidien des choses, le gouvernement accueille, discute avec des promoteurs qui sont intéressés à discuter de la façon de développer ce genre de services. Régionnair est un projet, la coopérative en est un autre. Donc, les choses vont suivre leur cours, et le gouvernement va agir avec diligence.

Ceci étant dit, vous me permettrez aussi de rappeler que l'opposition nous donnerait un coup de pouce certain si elle pouvait, avec la même force, appuyer la position du gouvernement du Québec qui réclame aussi que le gouvernement fédéral prenne ses responsabilités. Au moment de la restructuration de l'industrie aérienne, le ministre Collenette a pris des engagements très clairs, et il apparaît en ce moment, quand on regarde le dossier d'Air Nova et quand on en regarde d'autres, qu'une partie de la solution au problème qu'elle décrit se trouve aussi là.

Et nous apprécierions simplement, de ce côté-ci de cette Chambre, de la même façon que la députée nous demande de traiter avec diligence le dossier de Regionair, nous apprécierions que la députée aussi, au nom des concitoyens qu'elle représente et au nom des intérêts qu'elle défend, rappelle les engagements du gouvernement fédéral, des engagements aussi qui ont été pris suite à de nombreuses interventions de collègues ministériels. Je pense au ministre des Transports, je pense à mon collègue ministre des Régions, je pense au ministre délégué au Tourisme. Le gouvernement s'est même doté d'un comité interministériel qui se réunira encore, à nouveau, dans les prochains jours. Il y a des discussions qui se font aussi avec les gens du ministère des Finances. Donc, en somme, M. le Président, je pense que le gouvernement agit de façon responsable, avec diligence, et que la députée n'a pas à s'inquiéter, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre de la Solidarité sociale. Je vais maintenant céder la parole, pour son droit de réplique de deux minutes, à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Nathalie Normandeau (réplique)

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. M. le Président, là le ministre vient de nous exposer des beaux voeux pieux sur l'importance des régions, mais ce qu'on constate à chaque jour, c'est que son gouvernement ne passe pas à l'action. Et la preuve, lors du dernier caucus de députés du Parti québécois au début octobre, il y en a plusieurs qui ont menacé de claquer la porte, M. le Président: le député de Duplessis qui est affecté de plein fouet par Regionair, M. le Président, par la problématique du transport aérien; la députée de Matapédia qui a également menacé son caucus de claquer la porte si son gouvernement ne passait pas à l'action. Alors, c'est bien beau d'exposer des beaux grands principes, là, de l'ordre presque de la philosophie, mais encore faut-il que le gouvernement prenne ses responsabilités. Il a le devoir, dans le dossier du transport aérien, d'agir rapidement, M. le Président.

Le ministre a tenté de nous sécuriser, mais le problème, c'est que ? parlez aux deux transporteurs aériens qui sont concernés ? c'est le néant total, c'est le noir total. Ils ne savent absolument pas où s'en va le gouvernement avec un dossier comme celui-là. Les gens de Regionair sont inquiets, M. le Président, les employés de Regioanir sont inquiets, les citoyens des régions qui sont desservies par ce transporteur sont inquiets. Et je vous rappelle qu'ils sont en Gaspésie, qu'ils sont aux Îles-de-la-Madeleine, qu'ils sont sur la Côte-Nord, M. le Président. Les gens du Saguenay également sont inquiets suite à la proposition qui a été faite par Air Alma, et proposition pour laquelle le gouvernement péquiste tarde à répondre.

Alors, en terminant, sur la question du fédéral, j'aimerais rassurer le ministre, M. le Président, j'aimerais rassurer le député de Gouin, parce que c'est un faux argument. c'est un faux argument, et lui-même n'est pas très convaincant quand il nous sert cet argument. J'aimerais lui rappeler que, le 4 novembre 1999, l'opposition a appuyé une motion présentée par le ministre des Transports qui se lisait comme suit M. le Président:

«Que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement fédéral, dans le cadre du dossier de la restructuration de l'industrie du transport aérien, de défendre les intérêts du Québec en ce qui concerne différentes actions, dont la qualité et le disponibilité du service aérien dans les diverses régions du Québec.»

Alors, M. le Président, qu'on arrête de se faire des gorges chaudes puis de passer leur temps à nous dire que c'est la faute du fédéral. Nous, M. le Président, on est du bon côté, on est du côté de la défense des intérêts des citoyens qui sont en régions.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Matapédia... de Bonaventure, excusez. C'est tout près, mais ce n'est pas la même chose. Alors, ceci met fin au deuxième débat de fin de séance.

Propos du vice-premier ministre
à la période des questions et des réponses orales

Alors, nous allons aborder le troisième débat maintenant qui porte sur une question adressée par M. le député de Brome-Missisquoi au vice-premier ministre concernant les propos de celui-ci à l'égard de citoyennes et citoyens du Québec. Et on m'a dit que ce serait le ministre de la Solidarité sociale qui remplacerait le vice-premier ministre. Alors, je cède la parole à M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président, il y a parfois des situations où certains journalistes font preuve de prémonition. C'est le cas du doyen de la galerie de la presse, ce matin, qui titrait Autocratie. Le discours de Bouchard donne la chair de poule. Je cite au texte: «Si M. Bouchard est capable de fusionner sans consulter, il serait bien capable de décréter la souveraineté sans consulter?» Un peu plus loin, le même journaliste ajoute: «C'est pourquoi il y a lieu de le mettre en garde, lui et l'ensemble de son gouvernement, contre tout excès de mépris et d'autorité absolue à l'endroit des citoyens et des citoyennes.»

Eh bien, M. le Président, à l'occasion de la période de questions, vous étiez présent cet après-midi, lorsque le député de Limoilou adressait des questions à la ministre des Affaires municipales, le ministre des Finances, le vice-premier ministre du Québec, le bras droit du premier ministre, s'est exprimé ainsi quant au résultat référendaire tenu au Québec, je le cite au texte du transcript, M. Landry: «C'est pour ça qu'ils votent non ? parlant des citoyens et citoyennes du Québec ? ils ne comprennent pas le fond de l'affaire, de la question qui est posée.» Les gens ne comprennent pas la question, c'est l'opinion de M. Landry, du vice-premier ministre. Quand on connaît ses antécédents dans des dossiers identiques, quand on se souvient, malheureusement, des propos qu'il a tenus le soir du référendum... On se souvient des propos de M. Parizeau à l'époque. S'ils ont perdu, c'était la faute des immigrants et de l'argent. Ce qu'on a peut-être un peu oublié...

Une voix: Le vote ethnique.

M. Paradis: Le vote ethnique. Ce qu'on a un peu oublié, M. le Président, c'est la sortie malheureuse du vice-premier ministre, à 3 heures du matin, dans l'Hôtel Intercontinental, où il s'en est pris littéralement à une jeune immigrante d'origine mexicaine, la blâmant pour les résultats du référendum. Il s'est comporté de telle façon que la sécurité de l'hôtel a dû intervenir. C'est le même homme qui nous a dit aujourd'hui que les Québécois et Québécoises n'étaient pas capables de comprendre des questions.

On se souviendra également de sa déclaration à l'endroit d'un grand Québécois et d'un grand Canadien, M. Monty. Parce qu'il avait accepté d'être le président des bourses du millénaire, ce n'était pas un vrai Québécois. Ce n'est pas le premier ministre qui va le lui reprocher, le premier ministre avait déclaré la même chose du chef de l'opposition officielle. C'est le même vice-premier ministre qui, à l'occasion du caucus des députés péquistes tenu à Shawinigan au mois d'août 1999, avait déclaré que le temps joue en faveur de la souveraineté parce que les personnes âgées décèdent plus ou en plus grand nombre que les jeunes. C'est le même ministre des Finances et vice-premier ministre du Québec, bras droit du premier ministre, qui avait déclaré, et ça faisait suite à sa déclaration sur les personnes âgées, quelque temps par après: Investir des millions dans GM ou Saputo, c'est correct. Mais investir dans la santé, il faudrait comprendre, hélas, que ça ne rapporte pas. Quand vous additionnez les déclarations de cet individu, M. le Président, vous commencez à comprendre. Et, par la suite, c'est la même personne qui déclare qu'il y a 841 millions qui dorment qui devraient aller à la santé pour soigner les personnes âgées en particulier, qui dorment à la Toronto Dominion Bank, à Toronto.

n(18 h 40)n

Quand vous faites la trame, M. le Président, vous ne pouvez vous empêcher de conclure, comme l'a fait l'éditorialiste en chef de La Presse, Alain Dubuc, que cet homme commet régulièrement des péchés d'orgueil, que cet individu commet régulièrement des péchés d'arrogance, que cet individu a le mépris du citoyen et de la citoyenne. Je peux remettre une copie de l'éditorial aux parlementaires qui sont intéressés.

Mais, si on en revient au coeur de la question, déclarer à l'Assemblée nationale du Québec que, et je le cite au texte: «C'est pour ça qu'ils votent non, ils ne comprennent pas le fond de l'affaire, de la question qui est posée», c'est du mépris pour l'intelligence de la majorité ou de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, et c'est inacceptable, M. le Président.

Peut-être que, si on y réfléchissait un peu, de l'autre côté, on se rendrait compte que ce n'est pas les gens qui ne comprennent pas la question mais c'est plutôt le gouvernement et ses ténors, le premier ministre et le vice-premier ministre qui, à cause de leur mépris pour la population, n'ont pas compris, à deux reprises, la réponse de la population sur l'avenir constitutionnel du Québec. Ils n'en veulent pas, de leur projet de séparation.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Brome-Missisquoi.

Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Solidarité sociale.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, si le règlement me l'avait permis, c'est moi qui aurait demandé un débat de fin de séance. Le règlement prévoit que ce ne soient que des députés de l'opposition qui peuvent demander un débat de fin de séance. Je suis donc très heureux de pouvoir continuer la discussion qui a été entreprise cet après-midi à l'occasion de la période de questions.

Quel était l'enjeu débattu, M. le Président? Puis il faut revenir aux galées. C'est le député de Limoilou qui a mis le feu aux poudres en disant à peu près la chose suivante: Lorsque le gouvernement présente son option, il réclame, il le fait par référendum. Et, lorsque vient le temps d'imposer une décision de gouvernement, de procéder à une décision au gouvernement, il y va de son autorité, particulièrement sur la question des fusions municipales.

M. le Président, cette affirmation nous a fait bondir ? nous a fait bondir ? et est-ce que le député de Brome-Missisquoi, qui aura à se relever dans quelques instants, pourrait venir nous expliquer et expliquer à la population en quoi la question nationale du Québec, l'avenir national d'un peuple, son droit à l'autodétermination peut de quelconque façon être lié à l'avenir, au destin de la vie municipale au Québec?

Est-ce que ce n'est pas, d'une certaine façon, négliger la responsabilité que nous avons tous, ici, de défendre l'intérêt avec nos arguments et nos visions que nous devons respecter les uns des autres? N'est-ce pas notre responsabilité première de voir à la défense de ce peuple et de protéger ses institutions? Et de prétendre que le droit à l'autodétermination des municipalités ça existe, c'est venir banaliser, M. le Président, c'est venir banaliser la chose publique, c'est venir banaliser notre institution, c'est venir banaliser nos lois, c'est venir banaliser le débat québécois.

Nous avons là, M. le Président, un bel exemple que nos amis d'en face se comportent comme la simple courroie de transmission de leurs grands frères à Ottawa qui flairent là une bonne occasion de semer la confusion à l'occasion de l'élection fédérale et de venir se faire les apôtres des propos de Jean Chrétien, de venir se faire les disciples des propos de Stéphane Dion qui, sur la question des municipalités, dit à peu près la même chose que le député de Limoilou.

M. le Président, les Québécois ne sont pas dupes de ce genre de façon, et je suis très content de participer à ce débat de fin de séance et de revenir répéter ce qu'a dit fièrement le vice-premier ministre, qui avait raison de rappeler haut et fort que quelqu'un qui ne comprend pas la différence entre l'avenir d'un peuple et la question municipale et le destin municipal ? si je peux utiliser cette expression ? fait une grave erreur et ne comprend pas le fond des enjeux.

Et, M. le Président, quant à l'article de Normand Girard, je ne connais pas la source qui aurait pu inspirer Normand Girard, mais permettez-moi simplement, en tout respect pour la personne et pour ses opinions, de lui dire que, pour avoir le culot d'écrire la chose suivante: «Si M. Bouchard est capable de fusionner sans consulter, il serait bien capable de décréter la souveraineté sans consulter», simplement, sans excès de langage, ce genre de propos, M. le Président, quand on connaît la carrière de l'homme, quand on connaît aussi les débats que nous avons eus dans notre parti et l'attachement que nous avons aux valeurs de démocratie, ces propos simplement nous scandalisent.

Est-ce que je peux rappeler que c'est le Parti québécois qui a fait voter, contre la volonté de l'opposition officielle, la Loi sur le financement des partis politiques? Est-ce que je peux rappeler, M. le Président, que ce sont les membres du gouvernement qui se sont levés et ont défendu longtemps l'obligation pour notre formation de proposer toujours un référendum sur la souveraineté avant de procéder de façon officielle à faire la souveraineté? Nous avons eu dans nos rangs ce genre de débat, M. le Président. Les propos de Normand Girard... Je respecte l'individu, mais simplement je tiens à dire que ces propos me scandalisent, ils n'ont pas leur place certainement dans l'Assemblée nationale. Peut-être dans Le Journal de Québec, certainement pas à l'Assemblée nationale, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre de la Solidarité sociale. Nous allons terminer par le deux minutes de droit de réplique de M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre Paradis (réplique)

M. Paradis: Oui, je me serais attendu, M. le Président, après que le ministre des Finances et vice-premier ministre se soit défilé ou caché derrière la ministre des Affaires municipales cet après-midi, qu'il vienne faire lui-même le débat plutôt que de se faire remplacer par quelqu'un qui ne connaît évidemment pas le dossier et qui n'est pas dans une position facile pour défendre quelqu'un qui, encore une fois, a péché. Ce n'était pas son premier péché.

S'il y a des propos qui sont inadmissibles, ce sont les propos que Jacques Parizeau a prononcés le soir de la défaite référendaire du Parti québécois et de son option: La faute des ethnies et des votes, si on a perdu. Insultant. À peu près tout le monde, même M. Parizeau, en a honte aujourd'hui. Ce qui est inadmissible et ce que je me serais attendu à ce que le député dénonce en cette Chambre, M. le Président, ce sont les propos du vice-premier ministre à l'endroit d'une jeune immigrante mexicaine qui s'est fait haranguer par le vice-premier ministre simplement parce qu'elle avait le malheur de se trouver en arrière du comptoir de l'hôtel où le vice-premier ministre est entré à trois heures du matin, le soir de la défaite référendaire pour le Parti québécois.

S'il y a des propos à dénoncer en cette Chambre, ce sont les propos que le vice-premier ministre a tenus à l'endroit de Jean Monty, un grand Canadien et un grand Québécois. S'il y a des propos à dénoncer à l'Assemblée nationale, ce sont les propos que le vice-premier ministre a prononcés à l'endroit des personnes âgées en disant: Plus il en meurt, plus on a de chances. Puis je n'investirai pas dans la santé parce que ça ne rapporte pas. Puis je cache 841 millions à Toronto. Ça, c'est le genre de propos qui mériteraient d'être dénoncés.

Pour en revenir au débat de cet après-midi, le vice-premier ministre a simplement ajouté à son dossier d'intolérance. Quand il dit: «C'est pour ça qu'ils votent non ? il parlait de la population du Québec au moment des référendums ? ils ne comprennent pas le fond de l'affaire, de la question qui est posée...» S'il y a des propos qui méritent d'être dénoncés, M. le Président... Et je pense que ceux et celles qui étaient là et qui ont observé le vice-premier ministre et le premier ministre se sont rendu compte qu'encore une fois ils auront des excuses à prononcer à la population du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin à nos trois débats de fin de séance. M. le ministre de la Solidarité sociale et leader adjoint du gouvernement, une proposition d'ajournement.

M. Boisclair: M. le Président, sur consentement, je ferais motion pour que nous ajournions à mardi, 14 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée. Alors, nous ajournons nos travaux jusqu'à mardi prochain, 14 heures.

Ajournement

(Fin de la séance à 18 h 49)



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