To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Assembly Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the National Assembly

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the National Assembly

Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Thursday, June 3, 1999 - Vol. 36 N° 40

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons aborder immédiatement les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, prenons en considération l'article f.


Projet de loi n° 215

Le Président: En rapport avec cet article, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 215, Loi concernant le Régime de retraite pour certains employés du Centre hospitalier de l'Université Laval. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.


Mise aux voix

En conséquence, M. le député de Portneuf présente le projet de loi d'intérêt privé n° 215, Loi concernant le Régime de retraite pour certains employés de Centre hospitalier de l'Université Laval. L'Assemblée accepte-t-elle d'abord d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques et pour que le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Bien. La motion est adoptée.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de l'aménagement du territoire et député de Richmond.


Étude détaillée des projets de loi nos 4 et 59

M. Vallières: M. le Président, je désire déposer le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé le 1er juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 4, Loi sur Immobilière SHQ. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Vous me permettrez également, M. le Président, de déposer un second rapport, celui de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé le 1er juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires municipales et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ces deux rapports sont déposés. M. le vice-président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Viger.


Étude détaillée du projet de loi n° 48

M. Maciocia: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 1er juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 48, Loi sur le Bureau d'accréditation des pêcheurs et des aides-pêcheurs. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, le rapport est également déposé. M. le vice-président de la commission de la culture et député de Viau.


Étude détaillée des projets de loi nos 45 et 49

M. Cusano: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 1er juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 45, Loi modifiant certaines dispositions législatives concernant le curateur public. La commission a adopté le projet de loi.

M. le Président, j'ai aussi un autre rapport à déposer. Je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 1er juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 49, Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Très bien, M. le député de Viau, ces rapports sont déposés.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions aujourd'hui ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période de questions et de réponses orales M. le ministre des Finances répondra à une question posée le 28 mai dernier par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys concernant le projet de loterie sur cédérom de Loto-Québec. Je demanderais un consentement pour déroger à l'article 80 du règlement, qui stipule que l'avis doit être reçu au moins une heure avant les affaires courantes. Il y a consentement? Très bien.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons aborder immédiatement la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Modifications au régime d'assurance-médicaments


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Ma question est sur un sujet qui touche de très près un nombre de citoyens du Québec qui sont très vulnérables, sur un sujet que le gouvernement connaît bien, c'est celui de l'assurance-médicaments. Je fais appel aujourd'hui au premier ministre sur cette question-là parce que le premier ministre sait très bien que la mise en place d'un nouveau système, depuis le mois de juin 1996, a permis des améliorations au régime d'assurance-médicaments. Et, disons-le d'emblée, l'opposition officielle a toujours reconnu qu'il y avait là des améliorations. Sauf qu'en même temps, si on veut être juste et lucide, il y a également eu des injustices très graves et de très, très graves lacunes pour certaines clientèles spécifiques, M. le Président. Et c'est sur cette question-là que j'interpelle le premier ministre aujourd'hui.

Le gouvernement sait depuis le mois d'août, alors qu'il a en sa possession un rapport préliminaire, qu'il a lui-même commandé, à l'effet qu'il y a des personnes âgées, des prestataires de l'aide sociale, des gens qui souffrent de maladie mentale pour qui le régime d'assurance-médicaments a eu un effet dévastateur. Depuis le mois de mars, le gouvernement a en sa possession le rapport final et il l'a rendu public. Et la ministre de la Santé, depuis ce temps-là, a pris l'engagement de faire des corrections. On aimerait savoir aujourd'hui, M. le Président: À quand les corrections au régime d'assurance-médicaments?

(10 h 10)

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je remercie le chef de l'opposition de sa question. Dans ses propos aussi, il constate, comme l'a fait d'ailleurs l'Ordre des pharmaciens cette semaine, que le régime québécois d'assurance-médicaments est l'un des meilleurs au monde. C'est l'Ordre lui-même qui le dit, les représentants de l'Ordre qui le disent. On reconnaît aussi qu'entre autres la couverture de tous les enfants est une amélioration très significative.

Cependant, cela ne nous enlève pas l'obligation de corriger certains aspects du régime qui n'ont pas eu tous les effets positifs escomptés. J'ai effectivement pris l'engagement que nous procéderions à des correctifs. Normalement, je devrais pouvoir les annoncer d'ici quelques semaines pour qu'ils soient en vigueur le plus rapidement possible, compte tenu évidemment des contraintes dont nous devons tenir compte lorsque nous procédons à certains changements, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Le problème avec la réponse de la ministre, M. le Président, c'est que, pendant ce temps-là, il y a des gens qui sont privés de médicaments. Et ce que nous constatons, c'est l'absence de volonté politique du côté ministériel de se pencher sur ce problème-là et de venir en aide à ces gens-là. Parce qu'on a beau dire qu'on a amélioré le système, qu'on a un bon système, on a le pire système pour certains citoyens du Québec. C'est ce que défend actuellement le gouvernement. Et ça, c'est inacceptable.

Je pense, entre autres, aux citoyens du Québec qui souffrent de maladie mentale. Je rappelle à la ministre ce qui est arrivé à la fondation de l'hôpital Douglas qui a dû dilapider ses fonds pour venir en aide à ses propres patients. Ça, M. le Président, c'est d'une cruauté inadmissible, qu'on permette à ces citoyens-là, du Québec, de souffrir parce qu'il n'y a pas de volonté au gouvernement actuel de régler le problème. Pourtant, pendant la campagne électorale, le premier ministre actuel avait pris l'engagement de le corriger, puis il n'a pas hésité, pendant la campagne électorale, à dire qu'il allait corriger le tir, sauf que la campagne est maintenant passée puis ça semble être l'indifférence chez le premier ministre. Eh bien, aujourd'hui, M. le Président, j'aimerais bien qu'il puisse nous dire si, oui ou non, il y a une volonté aussi forte de régler ce problème-là que les problèmes l'exigent.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, si on s'était fié au point de vue de l'opposition lorsque nous avons débattu du projet de régime d'assurance-médicaments, il n'y en aurait pas, puisqu'ils ont voté contre.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Alors, ça ne pourrait pas être le meilleur ni le pire, il n'y en aurait pas. Oui, oui, il y a plus qu'une volonté politique, c'est une volonté politique qui s'actualisera. Il y a eu un engagement pris par le premier ministre; je l'ai renouvelé cet engagement à titre de ministre de la Santé et des Services sociaux, et nous le respecterons, M. le Président. Cependant, il faut que le chef de l'opposition comprenne que ce sont des systèmes complexes. D'ailleurs, l'Ordre reconnaît aussi que ce sont des systèmes complexes, que chaque correctif a un effet secondaire, soit positif, mais parfois aussi qui peut être négatif. Cependant, ce que nous pouvons dire, d'abord, c'est déjà mieux ce qui s'offre que ce qui se faisait avant, et nous corrigerons là où il y a des difficultés certaines pour des malades qui recevront ainsi un meilleur service, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Je peux dire à la ministre que l'opposition officielle est fière du fait qu'ils ont su, eux, identifier des problèmes que son propre gouvernement n'a pas su reconnaître et que la ministre... Je remarque la même attitude au gouvernement quand on n'est pas d'accord avec le gouvernement: ça doit être un groupuscule, ou les problèmes sont trop complexes, ou les gens ne comprennent pas. Je vois le ministre des Transports qui fait des simagrées, là. Comme d'habitude, c'est toujours la même attitude, M. le Président. Sauf que j'aimerais poser une question très simple à la ministre de la Santé: Quand va-t-on agir pour aider les plus démunis dans notre société, à quelle date?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je voudrais dire très simplement et très calmement au chef de l'opposition que nous procéderons le plus rapidement possible. Je l'ai déjà dit, d'ici la fin de la session, je recommanderai et j'aurai pris une décision sur ces questions, et immédiatement par la suite nous mettrons en place les mesures pour que les personnes aient accès ou que l'on corrige certains aspects du régime qui, oui, posent certains problèmes pour quelques personnes, M. le Président.

Le Président: En question, en principale, Mme la députée de Bourassa, maintenant.


Prévision des besoins en effectif en hémato-oncologie


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Comme vous le savez, on sait que les patients qui sont atteints de cancer et qui ont besoin de traitements en radiothérapie subissent des délais d'attente qui sont tout à fait inacceptables.

M. le Président, hélas, une crise s'annonce également au niveau des traitements en chimiothérapie. En effet, d'ici cinq ans, il manquera au moins 35 hémato-oncologues. M. le Président, qu'attend la ministre pour intervenir et prendre dès maintenant des mesures pour contrer la pénurie d'hémato-oncologues? Est-ce que la ministre attend qu'il y ait une crise en chimiothérapie comme il y en a déjà une en radiothérapie pour intervenir et prendre les mesures nécessaires?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je n'attends pas, j'interviens. Je l'ai fait dans le cas de la radio-oncologie et j'ai agi le plus rapidement qu'il était possible de le faire. Dans le cas des problèmes liés aux traitements par chimiothérapie ou autrement, des cas de cancer, vous savez, je l'ai déjà dit à moult reprises devant cette Assemblée, que nous travaillons actuellement avec des médecins, avec des analystes, avec des directions d'hôpitaux pour évaluer les risques de pénurie, si tel était le cas, les difficultés liées à la répartition des médecins sur tout le territoire québécois et, dans quelques mois, je proposerai une série de mesures pour nous permettre soit de voir venir de tels problèmes, s'ils risquent de se présenter, ou soit pour intervenir plus urgemment dans des situations qui le seraient, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Il ne semble pas être clair qu'il va manquer évidemment des hémato-oncologues, alors Mme la ministre peut-elle nous dire combien d'hémato-oncologues ont déjà pris leur retraite et combien de fois un 300 000 $ aurait été versé?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: M. le Président, je prends avis des questions qui sont soulevées par la députée de Bourassa, elle comprendra évidemment que je n'ai pas par-devers moi l'ensemble des données sur chaque spécialité, et c'est normal que ce soit le cas. Cependant, je peux rassurer les membres de cette Assemblée que tous les moyens sont pris pour que, dans les situations de malades qui ont besoin de traitements et qui, s'ils ne les ont pas, voient leur situation de santé soit s'empirer ou présenter des risques pour leur vie, toutes les fois, ces mesures soient prises et mises en place. Même lorsqu'il y a des listes d'attente, M. le Président, par exemple, en radio-oncologie, puisque c'est ce dont nous avons parlé depuis quelques jours, les cas urgents sont toujours traités très prioritairement et reçoivent les soins, M. le Président.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Révision du nombre d'entrées en faculté de médecine


M. Claude Béchard

M. Béchard: En principale, M. le Président. Le 22 avril dernier, lors de l'étude des crédits, le ministre de l'Éducation indiquait que, «selon les dernières discussions qu'on a eues avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, il n'y a pas de pénurie de médecins actuellement». Il ajoutait: «Il y a peut-être certaines spécialités où il y a des besoin spécifiques, on est en train de les regarder. Mais, de façon générale, ce qu'on nous dit au ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est qu'il n'y a pas de pénurie de médecins actuellement, donc pas lieu de changer les contingentements actuels.»

Un mois plus tard, la ministre de la Santé et des Services sociaux annonçait que le nombre d'inscriptions en oncologie dans les universités sera revu à la hausse.

Maintenant que la ministre de la Santé a annoncé un changement de contingentement, est-ce que le ministre de l'Éducation peut à son tour confirmer ce changement de contingentement, indiquer s'il s'appliquera à l'automne, quelles seront les spécialités touchées, et combien d'étudiants supplémentaires seront admis?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, effectivement nous travaillons très étroitement, mon collègue et moi, à la planification des effectifs médicaux. Et la table qui réunit les représentants des fédérations de médecins, qui réunit les universités, les facultés de médecine, qui réunit des gens du ministère a recommandé effectivement que l'on hausse de 10 ouvertures de places seulement dans les facultés, et en ce sens l'information qu'avait, et qu'a toujours, le ministre de l'Éducation était tout à fait pertinente.

(10 h 20)

Je répète ce que je dis depuis le début, M. le Président. Quand on regarde les données, on constate qu'il y a – et c'était encore dans les journaux hier, je crois – plus de médecins per capita au Québec qu'il n'y en a dans le reste du Canada. Cependant, un certain nombre de facteurs, soit les modifications dans les modes de pratique, l'étendue du territoire à couvrir, font en sorte que nous avons dans certains cas des pénuries réelles. Nous sommes à préciser cela, à cerner l'ensemble de ces problèmes pour pouvoir appliquer des solutions, oui, qui consisteront dans certains cas à hausser le nombre d'entrées en médecine. Le Collège des médecins, lui, nous suggère 30, le groupe ne nous suggérait pas d'augmenter; je retiens 10 déjà à ce moment-ci, et nous travaillons sur la question de la radio-oncologie.

L'important, M. le Président, c'est de reconnaître que nous n'avons pas à ce jour tous les éléments pertinents pour prendre la décision la plus éclairée, et c'est ce à quoi nous travaillons, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Mégantic-Compton.


Heures d'ouverture de l'urgence au centre hospitalier Lac Mégantic


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. M. le Président, à peine finie la barre de savon que vous lui avez mise dans la bouche, le député de Johnson fait encore des bulles.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bélanger: Dans un communiqué de presse du 27 mai dernier, le député de Johnson se réjouit que sa collègue ministre de la Santé ait trouvé une solution permettant de maintenir un service adéquat à l'urgence de l'hôpital de Lac-Mégantic. Inutile de vous dire, M. le Président, que cette déclaration a choqué les intervenants du milieu qui savent très bien que le problème n'est nullement réglé.

La ministre de la Santé est-elle au courant que la pénurie de médecins à l'hôpital du Lac-Mégantic, contrairement à ses dires, n'est pas réglée, puisque l'urgence sera fermée pendant 12 heures en fin de semaine?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, je dois dire que le député de Johnson m'a justement fait part de l'ensemble de la situation encore hier. Il se préoccupe tout autant de cette question que la député de Mégantic-Compton, et tant mieux.

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Non seulement le député de Johnson m'a souligné le fait qu'il y avait encore des plages horaires, c'est-à-dire des moments où on n'avait pas de médecin à l'urgence, mais j'ai aussi rencontré le directeur général de l'hôpital, à l'occasion de la remise des prix Persillier-Lachapelle, et qui, lui, m'a mentionné le fait qu'il souhaitait que son hôpital ait un statut particulier ou que la région soit désignée «zone particulière». Je lui ai dit qu'on était prêt à regarder le tout. J'ai déjà demandé à mon ministère d'évaluer cette situation-là. Cependant, d'ici à ce que soit on retienne cette solution qui a aussi des effets d'entraînement, hein – ses collègues le savent, ce que ça peut signifier – d'ici à ce qu'on évalue donc cette solution, je continue à travailler avec la Fédération des médecins omnipraticiens pour qu'on puisse dégager des personnes pour remplir les plages horaires à l'urgence de l'hôpital de Lac-Mégantic, M. le Président. D'ailleurs, est-ce que je peux me permettre de faire un appel tout particulier aux médecins qui pratiquent dans la région ou autour de la région, qui pourraient peut-être se rendre disponibles pour nous aider, entre autres, à solutionner ce problème?

Le Président: Mme la députée.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: M. le Président, est-ce que je peux informer la ministre que, sur les 17 médecins retraités qui ont été contactés, six ont choisi une autre région et que les autres n'ont pas encore donné de réponse?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je pense que la députée de Mégantic-Compton fait exactement la preuve du fait que nous travaillons assidûment et sérieusement à recruter des médecins pour l'hôpital de Lac-Mégantic, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Marquette.


Opinion de l'ex-doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal sur l'avis du jurisconsulte concernant la transmission de renseignements par le ministère du Revenu


M. François Ouimet

M. Ouimet: En principale, M. le Président. Dans le dossier impliquant le ministre du Revenu, nous avons maintenant la certitude que l'avis de la ministre de la Justice ne visait véritablement qu'à sauver la peau de son collègue ministre.

Le professeur émérite de la Faculté de droit de l'Université de Montréal et ancien doyen, le professeur Yves Ouellette a produit un avis juridique qui jette un discrédit certain sur l'avis émis par la ministre de la Justice. Je cite le professeur Ouellette au texte: «Tenant pour avéré que le communiqué de presse du 20 mai du cabinet de la ministre de la Justice reflète fidèlement les conclusions de l'opinion juridique du ministère de la Justice, je comprends que l'effet combiné des articles 9 et 69, septième alinéa, comporterait une autorisation implicite pour le ministre du Revenu de communiquer des secrets fiscaux à des firmes privées contractantes. Les motifs du ministère de la Justice sont habiles ou astucieux, mais, avec égard, je ne peux y souscrire, car on ne peut, sous le couvert d'interpréter une loi, de la modifier ou de la réécrire...»

M. le Président, la question à la ministre de la Justice: Ne réalise-t-elle pas qu'il est maintenant grand temps de se retirer et de se dissocier de l'opération sauvetage du ministre du Revenu?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, j'ai pris connaissance de l'article dans le journal ce matin, de l'opinion qui a été demandée par l'opposition libérale à ce professeur, Me Ouellette. J'ai énormément de respect pour Me Ouellette.

Cependant, il faut rappeler qu'au ministère de la Justice nous avons une équipe de spécialistes qui examinent et qui regardent, à partir de la demande qui est faite, pour être capables d'émettre une opinion juridique conformément à la demande. Alors, M. le Président, je suis heureuse quand même de voir que tous ceux à qui on a demandé une opinion ont été tous d'accord quant à la conclusion. Et je cite textuellement ce qui apparaît, parce que vous avez omis de lire le dernier paragraphe, M. le député de Marquette, et que je vais lire...

M. Boulerice: Il ne sait pas lire. Il ne sait pas écrire. Il ne sait pas calculer.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, hier je vous ai demandé à deux reprises de... M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je ne veux pas m'ingérer dans votre conduite des affaires de l'Assemblée nationale, mais vous avez l'oreille plus fine d'un côté, il me semble.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: L'oreille du président est à géométrie variable, selon les bruits qu'il entend, M. le leader du gouvernement. Mme la ministre de la Justice.

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je disais que, quant aux conclusions des gens qui ont émis une opinion... Et je lis textuellement: «Selon lui, seul un amendement clair et sans équivoque pourrait permettre la dérogation additionnelle au principe du secret fiscal qui permettrait au ministère du Revenu de divulguer des renseignements confidentiels.» Alors, M. le Président, c'est ce que mon collègue s'apprête également à faire ultérieurement.

Le Président: En question additionnelle, M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Est-ce que la ministre de la Justice peut poursuivre sa lecture? Et elle comprendrait ce qui suit, comme nous allons tous être appelés à le comprendre, parce que j'ai déjà été avisé par le leader du gouvernement qu'il y aurait suspension des règles de l'Assemblée nationale aujourd'hui. «C'est là un choix politique important – je cite le professeur Ouellette – qui banalise encore davantage le secret fiscal.» Et j'ajoute: Pour sauver la peau du ministre du Revenu.

Des voix: Bravo!

(10 h 30)

Le Président: Mme la ministre.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, vous conviendrez que, ce qui vient d'être mentionné ici, ce n'est pas l'opinion juridique et ce n'est pas l'opinion de la jurisconsulte non plus.

Le Président: En question principale, M. le député de Hull.


Demande d'un avis de la CAI sur la transmission de renseignements du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, on vient de voir très clairement que l'avis juridique secret de la ministre de la Justice, avis qui est le principal élément de défense du ministre du Revenu, est sérieusement mis en doute par l'ex-doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, Me Yves Ouellette.

Alors, M. le Président, ma question est simple: Qu'est-ce que le ministre du Revenu attend pour se rendre à l'évidence qu'il se doit de demander un avis à la Commission d'accès à l'information, tout comme son ex-collègue a eu le courage de faire, afin de faire toute la lumière dans cette histoire?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, il faudrait que les questions soient claires et basées sur les faits. Mon ex-collègue n'a pas demandé d'avis, la Commission s'est saisie, proprio motu, comme je l'ai dit, c'est-à-dire par elle-même, et elle l'a dit dans deux écrits qui ont été déposés dans cette Chambre. C'est la Commission elle-même qui a décidé, après précisément une question du député de Hull, d'agir dès le lendemain.

Et ma collègue a coopéré dans les heures qui ont suivi, et c'est ça qu'elle a dit à l'Assemblée nationale. Elle leur a demandé leur avis. Alors, la Commission a été extrêmement vigilante et, dès qu'une chose potentiellement sérieuse a été mentionnée à l'Assemblée, elle s'en est saisi. Ce qui prouve que le reste n'est pas potentiellement sérieux aux yeux de la Commission. Et, si vous le croyiez, vous n'auriez qu'à demander vous-même l'avis, ce que vous vous êtes bien gardés de faire.

Il faut respecter les institutions et respecter la Commission d'accès à l'information comme nous l'avons fait nous-mêmes. Depuis que je suis redevenu ministre du Revenu, aucun geste touchant potentiellement le secret fiscal n'a été posé sans avis préalable de la Commission.

Mais je veux aussi ultimement exprimer mes remerciements à l'opposition officielle. J'avais deux avis qui me disaient qu'il fallait clarifier la loi, ils viennent de m'en donner un troisième. Alors, ça veut dire que j'avais raison, et c'est pour ça que je vais proposer des amendements à notre Assemblée nationale.

Le Président: M. le député de Chomedey, en question principale ou complémentaire? En principale.


Origine de l'émission de l'avis de la CAI concernant la transmission de renseignements par le ministère du Revenu à une firme de sondage


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui, M. le Président, en principale. On vient de voir que, effectivement, il n'y a rien qui va faire dévier le nouveau ministre du Revenu de sa série de tentatives de se disculper dans cette affaire. Il va même jusqu'à renier la parole de son premier ministre. Et je le cite, ici, dans cette Chambre. Le 6 mai 1999, à 14 h 35, son premier ministre a dit ceci: «M. le Président, faut-il rappeler que la décision prise par la ministre du Revenu, notre collègue qui a dû démissionner, a été prise à la suite d'un avis de la Commission d'accès à l'information qu'elle a sollicité pour vérifier si les avis juridiques qui lui avaient été donnés à l'époque étaient conformes à l'application des règles existantes.»

Alors, je ne sais pas si le premier ministre est aussi embarrassé que nous de l'entendre dire le contraire de ce que lui a déjà solennellement dit en Chambre, mais est-ce qu'il peut nous aider à savoir qui dit vrai, lui ou le nouveau ministre du Revenu?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: Bon, d'abord, les faits. L'opposition officielle a prétendu dans cette Chambre, et aussi en point de presse, à plusieurs reprises, que le travail de la Commission avait été déclenché à la demande de mon ex-collègue qui avait demandé leur avis. J'ai deux écrits ici, qui, de façon formelle, émanent de la Commission, qui disent le contraire: «La Commission d'accès à l'information a appris que le ministère du Revenu a transmis des renseignements personnels. Dès ce matin, la Commission a demandé des précisions au ministère du Revenu de même que tout document lui permettant d'éclaircir cette situation. Elle procédera par la suite à l'examen des faits.» Voici un premier document. Je crois l'avoir déposé, je le redéposerai si c'est nécessaire.

Mais dans le rapport même de la Commission: «Le 21 avril dernier, le député de Hull révélait à l'Assemblée nationale ce que le ministère du Revenu avait communiqué à la société SOM, une liste de noms et de citoyens. Le lendemain de cette révélation, la Commission d'accès à l'information s'adressait au responsable de la protection des renseignements personnels du ministère du Revenu afin d'obtenir les documents pertinents à cette affaire.»

Voici deux écrits qui émanent de la Commission. Un étudiant de première année de droit doit savoir qu'on ne peut prouver à l'encontre d'écrits valablement faits, surtout quand ils émanent d'une institution dont le dirigeant principal est désigné à l'unanimité par notre Assemblée. Je redépose les documents en espérant que l'opposition va enfin se rendre à l'évidence. Nier l'évidence pendant trois semaines, quatre semaines comme ils l'ont fait conduit à l'absurde, fait perdre le temps de tout le monde et mine la crédibilité des institutions.

Des voix: Bravo!


Documents déposés

Le Président: Alors, je comprends qu'il y a consentement pour le dépôt. En question principale, M. le député de Chomedey.


Motifs du refus de demander une enquête de la CAI sur la transmission de renseignements au Bureau de la statistique du Québec


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Effectivement, on a dû être un peu naïfs de croire le premier ministre. Et l'explication du vice-premier ministre montre, encore une fois, qu'il va rester dans ses pseudodéfenses. Commençons justement avec les cinq pseudomoyens de défense qu'il nous a donnés pour tenter de justifier ce qu'il a fait, lui, et qui était légal, et pourquoi il refuse une enquête par la Commission d'accès sur ces illégalités.

Selon l'avis juridique de l'ex-doyen de la Faculté de droit, M. le Président, c'est non seulement faux de prétendre que ces cinq moyens de défense sont valables, il va plus loin et il dit ceci. Le professeur Ouellette conclut qu'il n'est pas crédible de prétendre que ce que le ministère du Revenu a fait sous l'égide de ce ministre du Revenu est légal, à moins de faire une enquête approfondie sur les faits. C'est la conclusion primordiale du professeur Ouellette.

Est-ce que le ministre du Revenu va enfin admettre que la raison pour laquelle il a toujours refusé, jusqu'à maintenant, de tenir une enquête dans le dossier, c'est parce qu'il connaît, lui, les faits, et qu'il craint – à juste titre – les conclusions que ferait une enquête de la Commission d'accès, et qu'il craint aussi les conséquences politiques d'une telle enquête?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: Je n'ai nulle autre crainte, M. le Président, que de voir l'opposition continuer sa comédie et faire perdre le temps de la Chambre. Et je recite l'éditorialiste du Soleil , qui dit: «Depuis trois semaines, l'équipe parlementaire a perdu un temps inouï sur le pseudoscandale – pseudo! – de la circulation d'informations personnelles. Non seulement – et là ce n'est pas un juriste qui parle, c'est un journaliste, c'est un éditorialiste qui voit ça de loin – les députés avocats qui menaient le bal erraient-ils sur le fond des choses, mais ils ont monopolisé des heures qui auraient dû être consacrées à des questions plus pertinentes.»

J'ai un recherchiste, moi, qui m'assiste sur les questions économiques, et il commence à être neurasthénique, là, parce qu'on n'a pas eu une question économique depuis un mois. Et je vais dire pourquoi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Et je vais vous dire qui a peur de quoi, en ne posant pas de questions économiques. C'est que ressorte la fabuleuse performance de l'économie du Québec au cours des trois dernières années, comparée à la catastrophe où ils nous avaient conduits. Ils perdent le temps sur des futilités parce qu'ils ont peur de l'essentiel.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire?

Des voix: ...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


Fardeau fiscal des contribuables


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, je pense que je peux aider le ministre du Revenu, avec ses recherchistes. S'il a de la difficulté à les trouver ou se demande où ils sont, il n'a pas à aller très loin. On apprend que, comme les recherchistes du Bloc, ils déménagent en Ontario à cause de sa politique fiscale.

(10 h 40)

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

Le Président: M. le député de Papineau, s'il vous plaît! M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Le chef de l'opposition me donne la chance inouïe de démontrer l'absurdité d'une des thèses qu'il a défendues hier en reliant le repli démocratique... démographique du Québec à la lourde fiscalité.

Des voix: ...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Oui, je vais lui parler, M. le Président, de pas mal plus que deux recherchistes du Bloc.

D'abord, le repli démographique du Québec, il date depuis 1867. Alors, il y a eu Honoré Mercier en particulier, entre-temps, qui a fondé le Parti national, etc., qui a même des descendants dans cette Chambre. En d'autres termes, le chef de l'opposition s'est discrédité par ses propos devant tous les démographes et analystes sérieux. Mais, le fond de sa thèse, c'est que les jeunes fuient le Québec parce qu'ils paieraient trop d'impôts. Alors, deux réponses.

Premièrement, il a été établi par une analyste de la firme KPMG qu'il en coûtait, l'an dernier, entre 2 400 $ et 7 200 $ de plus par année pour vivre dans le Grand Toronto en calculant les économies d'impôts, et Mme Joron, l'analyste, ne tenait compte que du facteur immobilier. En prétendant que les jeunes du Québec s'en vont vivre à Toronto pour payer 7 200 $ d'impôts de plus, c'est une insulte à leur intelligence. Première chose.

Deuxième chose...

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le vice-premier ministre, en terminant, s'il vous plaît.

M. Landry: Deuxième chose. Durant le dernier mandat des libéraux, la baisse de l'emploi chez les jeunes a été de 18 %. Ils auraient bien aimé ça en payer des impôts, mais ils n'avaient pas de jobs. En 1998, plus de la moitié des emplois créés chez les jeunes, 34 000 sur 67 000... la plus forte création d'emplois chez les jeunes des 25 dernières années, et ils ont l'honneur de payer des impôts.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


Événements ayant conduit à la démission de Mme Rita Dionne-Marsolais à titre de ministre du Revenu


M. Jean J. Charest

M. Charest: En principale, M. le Président. Le premier ministre, le 6 mai dernier, ici, à l'Assemblée nationale, a dit ceci, et je cite: «...notre collègue qui a dû démissionner, a été prise – en parlant de sa décision – à la suite d'un avis de la Commission d'accès à l'information qu'elle a sollicité pour vérifier si les avis juridiques qui lui avaient été donnés à l'époque étaient conformes à l'application des règles existantes.» Fin de la citation.

Le ministre du Revenu vient tout juste de contredire son premier ministre à l'Assemblée nationale. J'aimerais savoir si le premier ministre a l'intention de se faire contredire par son ministre du Revenu, s'il a l'intention de se faire mettre à sa place, de se faire humilier sans se lever puis répondre?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, d'après ce que je comprends, les faits sont beaucoup plus simples que le laisse entendre le chef de l'opposition. Ça s'est passé dans le courant d'un avant-midi où il y avait beaucoup d'effervescence au gouvernement et il y a eu des communications concomitantes de la part de la ministre et de la Commission.

Et je pense que la personne qui le sait le mieux, c'est la ministre. Je pense qu'il y a une réponse qu'elle donne, le 22 avril, qui indique très clairement ce qui s'est passé. Il y a une phrase qui se termine ainsi, c'est la ministre de l'époque qui parle: «Et je tiens à dire que, pour plus de sûreté, ce matin j'ai transmis toutes les informations à la Commission d'accès à l'information pour obtenir leur appui.»

Autrement dit, simultanément, par une sorte de télépathie, la Commission travaillait le dossier, elle a demandé des informations. Bien sûr, la Commission avait l'information et elle a éprouvé le besoin d'intervenir...

Des voix: ...

M. Bouchard: Qu'est-ce que c'est que cette histoire qu'on ne puisse pas répondre aux questions, ici?

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne! M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Ça perdure, M. le Président. Est-ce qu'on pourrait leur interdire d'absorber du gaz hilarant?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, manifestement, on voit très clairement ce qui est arrivé. La Commission se préoccupe de la situation, regarde le dossier, communique avec la ministre, qui, elle-même, répond à la demande de communication de la Commission et lui transmet toute l'information dont elle sait qu'elle servira bien sûr à lui donner un avis. L'avis est tombé par la suite, dans le sens que l'on connaît. Et je pense qu'il faut aller au coeur même des témoins qui sont directement au coeur des échanges qui ont eu lieu durant cet avant-midi-là entre la Commission et le ministère, et c'est les propos que tient, le 22 avril, la ministre du Revenu du temps, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Chomedey.


Sécurisation de l'accès aux renseignements confidentiels détenus par le ministère du Revenu


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Pour le bénéfice de ceux et celles qui suivent de près ce débat, et pas par télépathie, dans le Journal des débats de l'Assemblée nationale du...

Le Président: M. le député de Chomedey, vous êtes en question principale ou en complémentaire?

M. Mulcair: En principale.

Le Président: En principale, très bien.

M. Mulcair: Dans le Journal des débats du 22 avril 1999, page 1171, colonne de gauche, l'ancienne ministre du Revenu dit ceci: «Ce que j'ai demandé aujourd'hui, c'est, pour justement avoir plus de sûreté, d'envoyer les documents pour demander un avis» à la Commission d'accès à l'information. Elle l'a dit. Ce n'était pas de la télépathie. Le premier ministre a bien entendu, il l'a répété en Chambre: C'est elle qui l'a demandé. C'est le vice-premier ministre qui dit que tous les deux ont induit la Chambre en erreur, et le premier ministre, ça ne le dérange pas.

Mais ce qu'on veut savoir, c'est: Est-ce que, dans toute cette affaire, il y a quelque chose justement qui touche aux institutions qui commence à allumer des voyants sur le tableau de bord du «bunker» et du bureau du premier ministre? Est-ce qu'il comprend qu'en refusant d'aller à la Commission d'accès à l'information il est en train de montrer qu'il a quelque chose à cacher? Est-ce qu'il comprend qu'en cachant un avis juridique – nous, on n'a rien à cacher, l'avis juridique est disponible au public...

Le Président: Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, l'expression «cacher des avis juridiques» est inacceptable en cette Chambre. Nous suivons scrupuleusement une opinion vraiment remarquable de l'ancien ministre de la Justice, M. Rémillard: Les avis juridiques ne doivent pas être rendus publics. Alors, l'expression «cacher» n'est pas acceptable, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Le leader du gouvernement a raison de se lever sur cette question de règlement. C'est inacceptable que le gouvernement se cache en arrière d'une opinion juridique.

Le Président: Alors, M. le député de Chomedey, rapidement, en conclusion, votre question.

(10 h 50)

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Et, finalement, est-ce que le premier ministre réalise que la plus récente démarche de son ministre du Revenu, qui vise à suspendre les règles dans cette Chambre, va avoir pour effet, selon le professeur Ouellette, de réduire la sécurité que tout ça vise à garantir, c'est-à-dire le secret fiscal, un des fondements de l'État, le secret des informations confidentielles et personnelles qu'on donne au gouvernement? Est-ce qu'il réalise que tout comme sa pauvre ministre de la Justice, il vient de se faire embarquer?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Alors, voici la situation qui résulte, au lendemain du dépôt de cette opinion qui vient de l'ex-doyen de la Faculté de droit de Montréal. Le Parti libéral, enfin, ceux, dans le Parti libéral, qui s'intéressent à cette question ont choisi ce professeur à la retraite pour qu'il leur fasse cette opinion, que nous avons maintenant. Et, moi, si j'étais dans le groupe de ceux qui tentent de faire du tohu-bohu avec cette histoire, je serais très malheureux de lire que la conclusion de cet expert qu'ils ont choisi pour leur donner cet avis, c'est justement qu'il faut faire ce que nous allons faire aujourd'hui, c'est-à-dire clarifier la loi et adopter un amendement qui va permettre de sécuriser le traitement des données fiscales.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, en principale.


Modification de la Loi sur le ministère du Revenu concernant la transmission de renseignements confidentiels


M. Pierre Paradis

M. Paradis: En principale, M. le Président. Est-ce que le premier ministre, qui a eu très peu de temps, j'en conviens, pour prendre connaissance de l'avis, pourrait poursuivre sa lecture de l'avis? Et, dans la conclusion du professeur émérite, le professeur Ouellette, quand il parle de modification à loi, modification qui va être proposée tantôt par le ministère du Revenu, suspension des règles fondamentales de l'Assemblée nationale pour adopter le projet de loi, le professeur fait la réflexion suivante, et j'invite les parlementaires à la faire également.

Je cite à partir de la page 7 de l'avis: «Ainsi, un contractant qui recevrait illégalement du ministère du Revenu un secret fiscal serait tout de même tenu d'en assurer la confidentialité. Seule une modification – et là le premier ministre était dans la bonne ligne, il a arrêté de lire – législative claire et sans équivoque peut ajouter une dérogation additionnelle au principe sacré du secret fiscal et pourrait autoriser le ministère du Revenu à communiquer des renseignements confidentiels visés au premier alinéa de l'article 69 à des contractuels du secteur privé et à leurs salariés. C'est là un choix politique important qui banalise encore davantage le secret fiscal.»

Est-ce que c'est ça que s'apprête à faire le ministre du Revenu, banaliser encore davantage le secret fiscal après avoir violé, lui, la Loi du ministère du Revenu?

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Juste un instant, M. le vice-premier ministre. M. le leader de l'opposition officielle, je crois que, jusqu'à la fin, tout était dans les règles, sauf que vous savez très bien que vous ne pouvez pas accuser un collègue, et au surcroît un ministre en titre responsable ayant prêté serment d'office, d'avoir violé délibérément une loi, à moins d'être capable de soutenir cette accusation, avec les règles que ça suppose. En conséquence, vous pouvez avoir une opinion différente, de part et d'autre, sur cette situation et cette question, c'est ce qu'on comprend depuis déjà quelques semaines, mais je vous demande, à ce moment-ci, de retirer vos propos à l'égard de la violation de la loi.

M. Paradis: M. le Président, je suis, encore une fois, dans une situation très délicate. Je vais me plier, je n'ai pas le droit d'appel de votre décision. Je suis face à une double admission du ministre du Revenu que la loi...

Des voix: Hé! Hé!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je pense que vous allez comprendre qu'à ce moment-ci la présidence... Puisque vous avez indiqué que vous retiriez vos propos, on se contente de ça. La parole est au vice-premier ministre.

M. Paradis: Je m'excuse, je veux que ça soit fait correctement, M. le Président.

Le Président: Un instant, M. le leader. Je vous indique que l'ensemble de votre intervention était conforme au règlement, sauf la dernière phrase, la dernière expression. Je vous ai demandé de la retirer, et vous l'avez fait. Je ne crois pas qu'à ce moment-ci il y ait lieu de donner des explications, vous avez fait les choses correctement. M. le premier ministre.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: Sur une question de règlement?


Document déposé

M. Paradis: Oui, sur une question de règlement, sur un consentement, M. le Président. De ce côté-ci, on n'a pas l'intention de garder secret et caché l'avis juridique du professeur Ouellette. Je demande le consentement pour le déposer. Et j'invite la Procureur général à faire la même chose que l'ancien Procureur général a fait, à faire la même chose que d'autre procureurs généraux ont fait, à déposer l'avis juridique du ministère de la Justice au lieu de tenter de cacher cet avis pour sauver la peau de son collègue.

Le Président: Alors, il y avait deux choses dans votre intervention. Il y avait d'abord une demande de consentement pour un dépôt de document et il y avait une question additionnelle avant même que le ministre ait répondu à la première. Alors, M. le vice-premier ministre. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Avant, il a sollicité le consentement. Nous consentons et, nous, nous considérons avec respect cet avis du professeur Ouellette. Nous ne le considérons pas du tout comme un avis de complaisance, du tout. Nous allons le traiter comme tel, un avis respectable.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

Des voix: ...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Pour ce qui est de l'avis de la jurisconsulte, nous, nous respectons, encore une fois, scrupuleusement une règle, une coutume établie en cette Chambre et qui a été remarquablement exprimée de façon succincte, très claire, en une seule phrase par un ministre de la Justice qui a été le collègue du leader de l'opposition, Gil Rémillard.

M. Paradis: M. le Président, sur cette question de règlement, je m'excuse, là...

Le Président: D'abord, soyons clairs. Quand vous êtes intervenu sur une question de règlement, j'ai indiqué que ce n'en était pas une et que c'était une question complémentaire. Et celle-là est une réponse et non pas une question de règlement, également. Alors, rapidement, rapidement, M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Il y a trois faits importants que je veux donner en réponse. D'abord, l'affirmation disgracieuse et retirée ne tient pas compte du fait qu'il y a ici des gens qui étaient dans l'ancien cabinet – il y en a qui sont assis à droite comme à gauche – et que j'ai déposé en cette Chambre la liste des contrats faits par les libéraux avant 1994 dans des circonstances analogues, et il y en avait une bonne demi-douzaine. Premièrement.

Deuxièmement, l'amendement que j'aurai l'honneur de proposer cet après-midi a eu l'approbation de la Commission d'accès à l'information. Alors, on se réclame de cette Commission, on veut ses avis, alors qu'elle n'entend pas en donner parce qu'il n'y a pas de raison d'en donner. Quand il y a une bonne raison d'en donner et qu'elle approuve un projet, on méprise son avis puis on s'y oppose.

Et, enfin, l'avis d'un expert non juriste mais qui est l'homme des médias au Québec qui a le plus fouillé cette question, qui a écrit un livre sur la question dont je vous recommande la lecture, M. Michel Venne, il dit: «En fait, l'exigence imposée au ministère du Revenu par le projet de loi n° 63 est plus sévère que ne l'est le régime général. En effet, la Loi sur l'accès n'impose nullement au ministère de soumettre les contrats de sous-traitance à la CAI pour approbation préalable, et le projet de loi n° 63 constitue donc une amélioration.»

Alors, M. le Président, si ces gens sont sincères, s'ils veulent améliorer la clarté de nos lois et la protection du secret fiscal, ils vont donner un appui enthousiaste à notre amendement.


Réponses différées


Projet de loterie sur cédérom de Loto-Québec

Le Président: Bien. Nous allons maintenant passer à la réponse différée à la question posée le 28 mai dernier par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys concernant le projet de loterie sur cédérom de Loto-Québec. M. le vice-premier ministre et ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: La vie parlementaire demande des changements de registre rapides, n'est-ce pas? On va parler d'un gratteux, car c'est là-dessus que portait la question. J'étais absent de la Chambre, alors j'ai pu me documenter.

D'abord, il s'agit d'une expérience menée par une filiale de Loto-Québec qui s'appelle Ingenio. Et l'expérience se poursuit, non pas à titre commercial, c'est de la recherche et du développement, dans 400 foyers de la région montréalaise. Cette innovation sera présentée en septembre à Oslo dans le cadre du Congrès mondial des loteries. Et Loto-Québec a fait breveter son système de façon qu'il est prévisible, comme Loto-Québec avait été un innovateur dans les loteries en ligne – on s'en souvient, autrefois – que cette innovation rapporte énormément d'argent à Loto-Québec, donc aux contribuables du Québec, et qu'on en vende dans le monde entier en illustrant une technologie québécoise.

(11 heures)

Quant à la possibilité de commercialisation au Québec, elle est envisagée, et ce n'est pas vrai qu'il s'agit de s'adresser aux enfants. Bien au contraire. J'explique – je ne suis pas tellement joueur moi-même – comment ça marche. Le consommateur va aller à son dépanneur, il va acheter un gratteux dans les plus chers, là, je pense que c'est 5 $ ou 4 $. On va lui remettre en même temps un cédérom, et, au lieu d'avoir bêtement à gratter, il va se servir de son ordinateur et il va suivre un parcours qui va le conduire au résultat, où il gagnera ou il ne gagnera pas. Donc, c'est un gratteux plus sophistiqué, adapté à l'époque du multimédia et, en plus, il va être moins vulnérable pour les enfants parce que le cédérom en question va comporter un NIP et un code d'accès irrévocable. Voilà la réponse.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Est-ce que le ministre des Finances corrobore – corrobore – l'intention de Loto-Québec de s'adresser aux jeunes pour élargir sa clientèle, parce que c'est cette clientèle qui utilise les ordinateurs?

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Je corrobore avec la qualification suivante. J'ai parlé de cette affaire aux autorités de Loto-Québec, et effectivement il s'agit d'une clientèle plutôt 25-35, donc, sans insulter personne, jeune, mais non pas aux enfants. Pour les enfants, je le redis, si vous pensez aux enfants et aux petits enfants, l'accès va être moins facile qu'aller au dépanneur acheter un gratteux, parce que, pour actionner ce gratteux, il faudra le cédérom puis, pour actionner le cédérom, il faudra un NIP irrévocable.

Alors, en d'autres termes, pour les jeunes, 25-35, voilà une façon plus intéressante de gratter et, pour les enfants, ça va être plus compliqué. Donc, pour les familles, le système est plus protecteur qu'un simple gratteux.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: À ce moment-ci, nous avons consenti, malgré les délais impartis par le règlement, à ce que le vice-premier ministre donne une réponse à Mme la critique. Mais, à ce moment-ci, il y aurait une question additionnelle à poser. Est-ce qu'il y a consentement de l'autre côté?

Des voix: Ah! Ah!

Le Président: Alors, la demande a été faite et la partie ministérielle indique qu'il n'y a pas consentement, M. le leader de l'opposition officielle.

Alors, il n'y a pas d'autres réponses différées.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, M. le leader du gouvernement.


Procéder à une consultation générale sur la place de la religion à l'école

M. Brassard: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'éducation procède à une consultation générale et qu'elle tienne des auditions publiques relativement à la place de la religion à l'école, à compter du 21 septembre 1999;

«Que cette consultation générale ait comme outil de référence le rapport Proulx, Laïcité et religions: perspective nouvelle pour l'école québécoise ;

«Que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 13 septembre 1999;

«Que le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse soit membre de ladite commission pour la durée du mandat;

«Que la commission de l'éducation entende le groupe de travail sur la place de la religion à l'école le 9 juin 1999, de 15 heures à 18 heures;

«Qu'une période d'une heure soit prévue pour la présentation du groupe de travail.»

Le Président: Bien. Est-ce qu'il y a consentement, d'abord, pour la présentation de cette motion? M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, M. le Président, juste... On a bien compris que le ministre sera membre de la commission? Parce qu'on se souvient que, dans l'autre procédure de consultation, il avait tenté de se dissocier du processus comme tel.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Alors, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée...

Le Président: Un instant, là! Je comprends... Il y a eu une intervention. Je pense que c'était plus un commentaire qu'une... Est-ce qu'il y a néanmoins consentement pour la présentation de la motion? C'est une motion sans préavis. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce qu'il y a réponse à la question qui est posée par le député de Kamouraska-Témiscouata?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, le ministre de l'Éducation sera présent à cette commission. Et, si le chef de l'opposition veut y être, on peut l'ajouter.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de...

Une voix: Le nouveau modèle libéral.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, il y a consentement, M. le Président, si le premier ministre en fait partie.

Des voix: Ha, ha, ha!


Mise aux voix

Le Président: Bon. Néanmoins, je comprends... Dois-je comprendre qu'il y a d'abord consentement pour la présentation de la motion du leader du gouvernement, et que la motion est adoptée?

Des voix: Oui.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, aux avis touchant les travaux des commissions, monsieur.

M. Brassard: M. le Président, j'avise cette Assemblée, d'abord, que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 1, Loi concernant l'obligation pour l'électeur de s'identifier au moment de voter, aujourd'hui, de 11 h 45 à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 39, Loi concernant la Société nationale du cheval de course, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: le projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et la Loi sur les dettes et les emprunts municipaux; le projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des transports et de l'environnement procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 61, Loi sur la Société de la faune et des parcs du Québec, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Qu'en dérogation aux règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale quant au délai de convocation des intéressés dans le cadre de l'étude d'un projet de loi d'intérêt privé, la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants: le projet de loi n° 208, Loi concernant la Ville de Saint-Basile-le-Grand; le projet de loi n° 209, Loi concernant la Municipalité de Saint-Jean-de-Matha; le projet de loi n° 205, Loi concernant la Ville de Victoriaville; le projet de loi n° 212, Loi concernant la Municipalité régionale de comté de Vaudreuil-Soulanges; le projet de loi n° 211, Loi concernant la Commission de l'aqueduc de la Ville de La Tuque; le projet de loi n° 207, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval, le mardi 8 juin 1999, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants: le projet de loi n° 214, Loi concernant la Ville de Saint-Hubert; le projet de loi n° 216, Loi concernant la Ville de Saint-Laurent; le projet de loi n° 210, Loi modifiant la Charte de la Ville de Québec; le projet de loi n° 200, Loi concernant la Municipalité régionale de comté du Bas-Richelieu, le jeudi 10 juin 1999, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Bien. Je crois comprendre, M. le leader du gouvernement, que, dans un cas au moins, il y a besoin d'un consentement pour déroger à une disposition du règlement. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Paradis: Oui. M. le Président, j'ai compris de cette demande de dérogation que des pourparlers étaient en cours entre Mme la ministre responsable des Affaires municipales et le député de Laurier-Dorion, et ces pourparlers ne sont pas encore conclus. Ce que je demanderais à ce moment-ci au leader du gouvernement, c'est de suspendre la présentation de cette motion jusqu'à temps que les pourparlers soient concluants.

M. Brassard: Bon. Je veux bien y consentir, à condition qu'on puisse, dans la journée, y revenir, sur cette motion.

M. Paradis: Dès que les pourparlers seront concluants, il y aura consentement à ce que l'on puisse revenir sur cet item, M. le Président.

Le Président: Alors, je comprends que les autres éléments des avis du leader du gouvernement sont faits, et, dans ce cas-ci, on reviendra à l'Assemblée pour éventuellement compléter.

Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis... en fait, il n'y a pas d'autres avis, pardon, touchant les travaux des commissions.

Nous allons aller aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'interventions à cette étape-ci, nous allons procéder aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.


Motions du gouvernement


Motion d'urgence proposant la suspension de certaines règles de l'Assemblée afin de permettre l'adoption du projet de loi n° 63


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, en raison de l'urgence de la situation et en vue de permettre l'adoption du projet de loi n° 63, Loi concernant certains contrats du ministère du Revenu, je présente la motion de suspension des règles suivantes en vertu des articles 182 et 183 de notre règlement:

(11 h 10)

«Le deuxième paragraphe de l'article 19, les articles 20 à 22, les mots "ou sur un fait personnel" au quatrième paragraphe et le septième paragraphe de l'article 53, les premier, deuxième, troisième et cinquième paragraphes de l'article 54, les articles 71 à 73; les deuxième et troisième alinéas de l'article 84, les mots "ou à la demande d'un député" au premier alinéa de l'article 86 ainsi que le deuxième alinéa du même article, les deuxième, troisième et huitième paragraphes de l'article 87, les articles 88 à 94, 100 et 101, 105 à 108, 110 à 114, 157, 164 et 165, 175 et 176, les mots "et, le cas échéant, de ses observations, conclusions et recommandations" à l'article 177, les articles 194 et 195, 205 à 210, les articles 212, 213, 215, 216, 220, 222, 230, les articles 236 et 237, le deuxième alinéa de l'article 239, les articles 240 et 241, 243, le deuxième alinéa de l'article 244, les articles 245 et 246, 247, les mots "et l'adoption du projet de loi est fixée à une séance subséquente" au deuxième alinéa de l'article 248, les articles 249 à 251, le premier alinéa de l'article 252 ainsi que les premier et troisième alinéas...»

Le Président: M. le leader, je m'excuse. Mais je crois que c'est une motion importante que vous lisez et je ferais appel à la collaboration de tous les collègues pour qu'on puisse entendre cette motion correctement. M. le leader.

M. Brassard: ...donc «les premier et troisième alinéas de l'article 253, l'article 254, les deuxième et troisième alinéas de l'article 256, l'article 257 et les articles 304 à 307 soient suspendus jusqu'à l'adoption dudit projet de loi et que:

«Il soit permis dès l'adoption de la présente motion de poursuivre l'étude du projet de loi n° 63, Loi concernant certains contrats du ministère du Revenu;

«La durée du débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 63, Loi concernant certains contrats du ministère du Revenu, soit fixée à un maximum de 60 minutes, dont 25 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 25 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, cinq minutes au député indépendant et une réplique d'une durée maximale de cinq minutes au ministre qui présente le projet de loi; le vote sur l'adoption du principe soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«Après l'adoption du principe du projet de loi, un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse proposer de l'envoyer en commission plénière pour étude détaillée; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse proposer que l'Assemblée se constitue en commission plénière; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«La durée de l'étude détaille du projet de loi n° 63, Loi concernant certains contrats du ministère du Revenu, en commission plénière soit fixée à un maximum de 60 minutes après le début de ses travaux et que les articles étudiés ainsi que les amendements proposés en cours d'étude soient mis aux voix sans appel nominal;

«Le président de la commission plénière, à l'expiration de ce délai, mette aux voix immédiatement, sans débat et sans appel nominal, les articles et les amendements dont la commission n'aurait pas disposé, y compris les amendements que le ministre qui présente le projet de loi n'aurait pas pu proposer en cours d'étude, mais dont il saisira le président de la commission à ce moment, le titre et autres intitulés du projet de loi et fasse rapport à l'Assemblée sans que soient consultées ni la commission ni l'Assemblée; ce rapport soit mis aux voix sans appel nominal;

«Un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse, plus d'une fois au cours d'une même séance, proposer de faire rapport à l'Assemblée que la commission plénière n'a pas fini de délibérer et qu'elle demande la permission de siéger à nouveau; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«La durée du débat sur l'adoption du projet de loi soit fixée à un maximum de 60 minutes, dont 25 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 25 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, cinq minutes pour le député indépendant et une réplique d'une durée maximale de cinq minutes au ministre qui présente le projet de loi; le vote sur l'adoption du projet de loi soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«Au cours du débat sur l'adoption du projet de loi, un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse faire motion pour qu'il soit envoyé en commission plénière, en vue de l'étude des amendements qu'il indique; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal; en commission plénière, l'étude soit limitée aux amendements proposés; la durée du débat en commission plénière soit fixée à un maximum de 15 minutes, dont cinq minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, cinq minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, trois minutes pour les députés indépendants et deux minutes de réplique au ministre qui présente le projet de loi, au terme de laquelle les amendements seraient mis aux voix immédiatement et sans appel nominal; après quoi le président de la commission plénière fasse rapport à l'Assemblée sans que soient consultées ni la commission ni l'Assemblée; ce rapport soit mis aux voix immédiatement sans débat et sans appel nominal;

«L'ajournement du débat puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«L'ajournement de l'Assemblée puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Le retrait d'une motion puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Outre les dispositions prévues à la présente motion, tous les votes soient faits à main levée à moins qu'un ministre ou leader adjoint du gouvernement n'exige un vote par appel nominal;

«L'Assemblée puisse siéger tous les jours, à compter de 10 heures, jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux;

«Sous réserve de ce qui précède, les dispositions du règlement particulières à la période des travaux intensifs soient appliquées;

«Les règles ci-haut mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption du projet de loi n° 63, Loi concernant certains contrats du ministère du Revenu.»

Le Président: Très bien. M. le leader de l'opposition officielle, sur cette motion.

M. Paradis: M. le Président, je voudrais qu'on se comprenne à ce moment-ci. Est-ce qu'il s'agit d'un projet de loi qui n'a pas encore fait l'objet même du discours du ministre au niveau de l'adoption de principe?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Le leader de l'opposition le sait très bien, puis on lui expliquera pourquoi on procède ainsi lors du débat restreint.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: À ce moment-ci, M. le Président, comme il s'agit d'un précédent quant à la recevabilité, j'ai l'intention de vous faire valoir mes arguments. Je vous demanderais de suspendre le temps nécessaire pour que nous puissions, sur le plan de la recevabilité, étudier chacun des articles du règlement de l'Assemblée nationale qui est mis de côté pour que le ministre du Revenu puisse sauver sa peau.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je comprends. Je pense que c'est la coutume qu'il y ait une suspension lorsqu'on dépose à l'Assemblée une motion de suspension des règles. C'est tout à fait dans l'ordre. Je souhaiterais cependant que vous suspendiez pour une courte période, puisqu'il s'agit d'une motion identique à plusieurs déjà déposées en cette Chambre. Je me souviens d'une, quand j'étais dans l'opposition, qui portait sur 27 lois.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, le leader du gouvernement vient de reconnaître qu'il s'agit d'un précédent. S'il s'agit d'un précédent, ça ne peut être identique. Dans les circonstances, nous avons besoin du temps raisonnable, correct, pas un temps court, comme l'indique le leader du gouvernement, un temps qui soit équilibré de façon à faire notre travail correctement.

Le Président: Bien. Alors, je comprends qu'il y a consentement pour appliquer cette tradition parlementaire qui s'est installée avec le temps. Parce qu'on me signalait qu'à une autre époque on faisait, dès la présentation de la motion, le débat sur la recevabilité s'il y avait lieu de faire un tel débat. On m'indique que normalement, au cours des cas semblables qui se sont présentés ces dernières années, la moyenne de temps qui était accordé à l'opposition officielle à l'égard d'une motion de cette nature, c'était une trentaine de minutes.

Alors, je suis prêt à consentir... Je n'ai pas à juger, moi, si cette motion comporte effectivement des éléments de précédent, comme le prétend le leader de l'opposition officielle. Je crois que, si je regarde l'ensemble des éléments, du nombre de projets de loi qui étaient concernés dans des motions de suspension des règles dans le passé, en accordant 45 minutes, déjà je serais en haut de toute la moyenne. La seule exception ayant été une heure, à l'occasion de laquelle il y a eu huit projets de loi qui étaient en cause. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Un élément additionnel pour que vous décidiez du temps, M. le Président. À première vue, le leader du gouvernement accorderait aux députés de l'Assemblée nationale un grand total de 30 secondes chacun pour parler au niveau du principe, au niveau de la commission plénière et au niveau de l'adoption du projet de loi comme telle. Je sais que, pour des parlementaires de l'autre côté, là, quand on n'a rien à dire, 30 secondes, ça peut paraître long, mais, de ce côté-ci...

(11 h 20)

Le Président: Écoutez, je peux trancher d'autorité. Je souhaiterais idéalement que, si les deux leaders acceptaient un temps sur lequel finalement on pourrait convenir d'une étude de la motion, je crois qu'à ce moment-ci ça éviterait à la présidence d'avoir à trancher. Mais, s'il faut le faire, je le ferai. Alors, moi, je vous indiquais que j'étais prêt à accorder 45 minutes, qu'au cours des dernières années la suspension la plus longue qui avait été accordée, qui concernait huit projets de loi, était d'une heure. Si vous avez des propositions à me faire, sinon... M. le leader.

M. Brassard: ...à midi, on ne pourrait pas revenir en Chambre.

M. Fournier: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le whip en chef de l'opposition.

M. Fournier: Il s'agit, comme mon collègue le leader de l'opposition le dit, d'un précédent, d'un précédent excessivement important. Et je vous interpelle, M. le Président, vous-même, pour tout le travail que vous faites pour faire rayonner partout dans le monde le modèle québécois de nos travaux parlementaires. Et la motion, M. le Président...

Le Président: Écoutez, M. le député de Châteauguay et whip en chef de l'opposition officielle, ce que je vous suggère, à cette étape-ci... Parce que, de toute façon, pour suspendre, il faut qu'il y ait consentement. Ce n'est pas d'autorité que la présidence peut suspendre les travaux, à ce moment-ci. Alors, je suggère la façon suivante, c'est que nous allons suspendre quelques instants, je vais rencontrer les deux leaders et je vais voir avec eux comment on pourrait finalement faire en sorte que cette demande de suspension puisse se faire conformément aux besoins et à la tradition.

M. Fournier: M. le Président, je voudrais au moins terminer le point que j'étais en train de faire, M. le Président.

Le Président: Écoutez... Non, non.

M. Fournier: Il me semble assez important pour...

Le Président: M. le whip en chef, je n'ai aucune objection, à la limite, si les deux leaders veulent être accompagnés de leur whip, je n'ai aucun problème. Mais je vous dis, à ce moment-ci, ce que je vais faire, c'est de suspendre pour quelques instants, de rencontrer les leaders. Si vous voulez être partie prenante à la discussion, je n'ai pas de problème avec ça. Mais je voudrais éviter que ce débat se prenne sur le temps de l'Assemblée même.

M. Fournier: M. le Président, la question de règlement... Je ne veux pas aller dans une discussion que les deux leaders vont avoir, puis je comprends, dans notre système de fonctionnement, que les leaders et la présidence puissent discuter de l'aménagement de nos travaux. Je me lève comme whip parce que je viens vous parler des députés de l'opposition officielle et du précédent qui existe en ce moment.

Le Président: Non. Je m'excuse, mais je ne veux pas entendre de plaidoirie sur le fond. À ce moment-ci, ce qui est important, c'est qu'il y a une demande de suspension des travaux pour étudier correctement la motion qui a été présentée par le leader du gouvernement. Cette demande de suspension vient du leader de l'opposition officielle. Ce qui est clair, c'est que le président, d'autorité, ne peut pas suspendre les travaux pour accorder... Il faut qu'il y ait un consentement. C'est ce qu'on m'indique.

M. Paradis: M. le Président, à moins que l'article 2 du règlement de l'Assemblée nationale soit déjà suspendu sans qu'on s'en aperçoive, par une manoeuvre gouvernementale, le président conserve... Je vais lire au texte, M. le Président, fonctions du président – à moins que, vous aussi, vous ayez déjà été bâillonné dans le cadre de cet exercice antidémocratique: «Outre les pouvoirs que la loi lui confère, le président: 1° ouvre, suspend et lève les séances de l'Assemblée» nationale du Québec. C'est assez clair. Vous avez ce pouvoir-là.

Vous avez d'autres pouvoirs. À 8°, si vous aviez un doute quant à l'interprétation de 2: «exerce les autres pouvoirs nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions et au maintien des droits et privilèges de l'Assemblée et de ses membres.»

Si on ne se retrouve pas dans ce contexte-là, à ce moment-ci, au moment où notre droit de parole et notre droit de vote – y a-tu quelque chose de plus fondamental – comme représentants du peuple sont attaqués par le gouvernement... Moi, M. le Président, je vous ai déjà entendu sur la place publique ainsi qu'à l'Assemblée nationale vous porter à la défense des droits des parlementaires. C'est ce que je vous demande de faire, à ce moment-ci.

Le Président: M. le leader de l'opposition, vous avez cité l'article 2, fonctions du président: «Outre les pouvoirs que la loi lui confère, le président ouvre, suspend et lève les séances de l'Assemblée», conformément au règlement et à la loi. Et le seul endroit dans le règlement où on parle de suspension et de levée de séance – «le président peut, à tout moment, suspendre ou lever la séance» – c'est dans le chapitre sur l'ordre. À ce moment-ci, il n'est pas question d'ordre ou de désordre à l'Assemblée, il y a une demande formelle, en bonne et due forme...

Des voix: ...

Le Président: Je vous invite à la prudence, M. le leader de l'opposition officielle. Je vous invite à la prudence. Je ne crois pas qu'à ce moment-ci on ait quoi que ce soit à gagner, ni vous ni qui que ce soit à l'Assemblée, en mettant en cause la conduite de la présidence.

Alors, je suspends la séance et je convoque les deux leaders.

(Suspension de la séance à 11 h 25)

(Reprise à 11 h 31)

Le Président: Nous allons reprendre nos travaux. Suite à cette rencontre avec les leaders, il a été convenu que 45 minutes seraient d'abord accordées, à la demande du leader de l'opposition officielle. Et il y avait consentement, en fait, entente à l'effet que, si, du côté de l'opposition officielle, on jugeait qu'un temps additionnel serait nécessaire, à ce moment-là, à l'Assemblée, il y aurait demande à nouveau de faite, de formulée au leader du gouvernement. Et la question sera étudiée et débattue à ce moment-là. D'accord?

Alors, nous allons suspendre nos travaux pour 45 minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

(Reprise à 12 h 21)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous reprenons nos travaux aux affaires du jour, et je vous demanderais de vous asseoir, s'il vous plaît.


Débat sur la recevabilité

Nous avons une motion de suspension des règles devant nous, et l'opposition avait demandé un temps pour regarder cette motion en vue de faire quelques représentations concernant la recevabilité. Alors, je vais céder la parole à M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Compte tenu du temps qui nous a été alloué par la présidence, je ne prétendrai pas à ce moment-ci que nous avons bénéficié de tout le temps dont nous avions besoin, mais à ce moment-ci je suis prêt à soumettre un argument d'irrecevabilité de ladite motion, qui apparaît très clairement, à la face même de la motion présentée par le leader du gouvernement... qui s'est retrouvé ce matin – et c'est peut-être ce qui explique son erreur – face à un article, dans La Presse , qui traitait d'un avis juridique obtenu d'un professeur d'université, l'ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, qui sur le plan juridique donnait tort à toutes les pseudodéfenses avancées par le ministre du Revenu quant à ses agissements dans l'information confidentielle qui a coulé de son ministère. M. le Président, je vais tenter d'être le plus précis et le plus concis possible, la présidence sera à même, je pense, de rendre une décision assez rapidement.

Le leader du gouvernement présente sa motion en vertu des articles 180 et suivants de notre règlement. Le leader plaide que ça se fait souvent. Je lui indique que, non, ça ne se fait pas souvent, c'est une procédure exceptionnelle. Elle est d'autant plus exceptionnelle, M. le Président, que notre règlement prévoit que cette session-ci doit se terminer dans 20 jours; on n'est pas dans une situation de fin de session. Habituellement, les leaders, lorsqu'ils sont pris dans une situation, ils doivent le faire, le font dans les dernières heures d'une session en invoquant l'urgence parce que, effectivement, la session prend fin, et le gouvernement se doit de légiférer, et parfois il est condamné à utiliser un tel type de motion.

Mais c'est la première fois qu'on le fait à ce moment-ci d'une session. C'est un petit peu bizarre. Pourquoi à ce moment-ci de la session, M. le Président? À part la parution de l'avis juridique, ce matin, du professeur Ouellette, il n'y a pas d'autres raisons puis il n'y a pas d'autres motifs qui apparaissent non seulement au libellé comme tel de la motion, mais dans ce qu'on appelle le décor politique de cette fin de session.

Deuxième élément, M. le Président, c'est la première fois que ça se fait, au niveau de ce qu'on appelle l'adoption de principe du projet de loi, sans qu'un ministre ait au moins eu la courtoisie la plus élémentaire envers les membres de l'Assemblée nationale de faire une première intervention pour au moins saisir l'Assemblée nationale d'explications qui peuvent sous-tendre un principe de projet de loi, M. le Président. Et ça s'est fait – moi, je le dis bien respectueusement, et en toute amitié pour le leader du gouvernement qui s'est retrouvé coincé là-dedans – en toute catastrophe, tant et si bien que, en agissant en catastrophe, on en a embrassé pas mal large, M. le Président, on en a embrassé, sur le plan de la recevabilité de la motion, beaucoup, beaucoup trop large.

Mon premier argument traite de la situation suivante, M. le Président: cette motion a été présentée après que l'Assemblée nationale, sur proposition du leader du gouvernement, a donné l'ordre à des commissions parlementaires de siéger. Cet ordre de l'Assemblée nationale fait en sorte que siègent aujourd'hui la commission qui étudie le projet de loi de la faune et des parcs, la commission qui étudie la fiscalité municipale, la commission qui étudie la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal et la commission qui étudie, et ça fait sans doute l'affaire également du ministre du Revenu, la commission sur les courses de chevaux.

Quand le leader du gouvernement, dans sa motion, propose de suspendre les règles, il les suspend également au niveau des commissions parlementaires qui sont, M. le Président – je sais que vous avez suffisamment d'expérience que je n'ai pas besoin de m'étendre longtemps sur le sujet – un démembrement comme tel de l'Assemblée nationale du Québec. Conséquences de la suspension, ce que le leader fait, il suspend le règlement de l'Assemblée nationale et le remplace, pour les articles qui sont suspendus, par des diktats gouvernementaux qui, dans certains cas, enlèvent les droits de parole, jouent avec le droit de vote, font en sorte que les parlementaires ne peuvent plus s'exprimer. Ils ne pourront plus s'exprimer ni à l'Assemblée nationale, M. le Président, ni en commission parlementaire où sont débattues, sur ordre de l'Assemblée, quatre lois aujourd'hui.

Je voudrais attirer votre attention sur ce vice profond qui affecte cette motion préparée en catastrophe, ce matin, par le leader du gouvernement pour tenter de venir en aide au ministre du Revenu. Le droit de vote est suspendu, suspendu au niveau de l'Assemblée nationale, mais également au niveau de chacune des commissions parlementaires. J'attire votre attention, M. le Président, sur l'article 157 du règlement de l'Assemblée nationale, ainsi que des votes qui sont prévus aux articles 220 et 222 au niveau des commissions parlementaires comme telles.

J'attire également votre attention, M. le Président, sur une série d'autres articles: l'article 164, qui traite de la convocation; l'article 165, qui traite de l'ajournement des travaux – imaginez ce qui va arriver dans ces commissions, M. le Président, c'est suspendu – l'ajournement des travaux en commission parlementaire, de quelle façon ça va fonctionner; l'article 175, rapport intérimaire; l'article 176, conclusions et recommandations d'une commission; l'article 177, contenu du rapport; les articles 245 et 246, dans les commissions parlementaires – également suspendu – les temps de parole vont être de 30 secondes pour les députés... Ça a été fait rapidement, M. le Président, ça a été fait en catastrophe.

Les projets de loi n° 61, n° 46, n° 23 et n° 39, là, faune et parcs, fiscalité, Communauté urbaine et courses de chevaux, ne sont pas visés dans le paragraphe introductif. Mais, quand le règlement est suspendu, il est suspendu pour l'ensemble de l'Assemblée nationale et de ses démembrements. Et à ce moment-là, M. le Président, je vous soumets que le leader s'est placé dans une situation, sur le plan de la recevabilité, qui vous oblige, qui vous condamne à lui dire: Ce n'est pas comme ça qu'on doit procéder; si vous voulez viser le projet de loi n° 63, vous ne pouvez en même temps suspendre les règles ou le règlement de l'Assemblée nationale et le remplacer par vos propres diktats dans quatre commissions parlementaires qui siègent sur ordre de l'Assemblée nationale du Québec.

Recevoir ladite proposition maintenant, ce serait statuer à l'effet que cette motion de suspension des règles s'applique partout, et je ne pense pas que c'était là l'intention – je le dis en toute déférence, il pourra me corriger tantôt – du leader du gouvernement, qui, en agissant en catastrophe, se retrouve dans des effets pervers, M. le Président, que, j'ose espérer, il n'a pas souhaités pour l'ensemble de notre processus législatif. Si c'était le cas, M. le Président, puis ce n'est pas un motif que je veux lui prêter, si, en même temps, il voulait affecter les autres projets de loi, il aurait dû libeller sa motion, dans son préambule, de façon différente, en identifiant très clairement qu'il visait les autres lois qui sont en commission parlementaire suivant un ordre de l'Assemblée nationale.

Si vous en venez à la conclusion, M. le Président, qu'il s'agit là d'un motif d'irrecevabilité, tel que je vous le soumets, le leader du gouvernement pourra – comment je peux dire ça? – procéder de façon correcte et de façon normale à l'étude des autres projets de loi. L'Assemblée nationale reprendra son cours normal. Si, tout près de l'échéance de nos travaux, le 23, le ministre du Revenu a encore l'intention de bafouer les droits et privilèges des membres de l'Assemblée nationale pour tenter de se tirer d'une situation difficile, délicate et illégale, il pourra le faire à ce moment-là, il aura le droit de recommencer en le faisant correctement. Mais, ce matin, parce qu'on a agi en catastrophe, on a fait ça tout croche, on a présenté un brouillon, on affecte les démembrements de l'Assemblée nationale au même titre que l'Assemblée nationale.

(12 h 30)

M. le Président, au moment même où à l'extérieur de nos murs on inaugure une statue à un grand démocrate québécois, René Lévesque... Tantôt, moi, du coin de mon bureau, je pouvais apercevoir cette statue. Je le dis bien humblement, René Lévesque s'est retourné sur son socle, et il vous regarde à ce moment-ci. Il regarde ceux et celles à qui il a laissé le Parti québécois puis le gouvernement du Parti québécois. Il vous regarde bafouer les règles de la démocratie et en même temps il se dit: Ils ne sont même pas capables de le faire de façon compétente, ils le font en présentant à l'Assemblée nationale une motion irrecevable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie M. le leader de l'opposition. Je vais maintenant céder la parole à M. le leader du gouvernement. Quelques remarques pour nous éclairer sur la recevabilité.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Ce sera un peu plus bref, M. le Président, tout en constatant que j'ai eu droit tout de suite, maintenant, là, il y a un instant, au stéréotype traditionnel en cette Chambre sur le jour sombre pour la démocratie. On me dit justement que le chef de l'opposition, lors d'un point de presse, tout à l'heure, a effectivement mentionné, et proclamé, et claironné que c'était un jour sombre pour la démocratie. On est habitué à ce genre de lieux communs et de clichés.

M. le Président, je dirais simplement qu'il s'agit là d'une motion de suspension des règles qui ne constitue d'aucune façon une innovation réglementaire. Je pourrais vous en citer toute une série que nous avons fait adopter, nous, et qu'eux également ont fait adopter au moment où ils siégeaient de ce côté-ci de la Chambre. Elle est conforme, elle est similaire à bien des motions de suspension des règles qui ont été présentées ici, en cette Chambre, et adoptées en cette Chambre pour permettre l'adoption d'un projet de loi jugé essentiel et invoquant l'urgence. Je n'en dis pas plus sur l'urgence, parce que le débat restreint qui va suivre...

Je suis à peu près certain et je suis convaincu de la recevabilité de cette motion que j'ai présentée à l'Assemblée nationale. Donc, il y aura un débat restreint qui va suivre, de deux heures, et c'est justement à l'occasion de ce débat restreint que nous serons en mesure de ce côté-ci de faire la démonstration sans l'ombre d'un doute, sans la moindre ambiguïté, qu'il y a vraiment urgence et qu'il faut adopter aujourd'hui même ce projet de loi, sinon ça risque malheureusement de causer des préjudices à des centaines de milliers de personnes.

Alors, la démonstration sera faite. D'ailleurs, mon collègue, ministre du Revenu, pourra la faire au moment opportun, c'est-à-dire au moment du débat restreint. Je ne veux pas en dire davantage, mais l'urgence, pour nous, est très claire, et, si on l'invoque, c'est parce qu'on est en mesure d'en faire la démonstration. On la fera au moment opportun, c'est-à-dire au moment du débat restreint.

À cet égard, donc, il s'agit d'une motion, ma foi, qui ne constitue pas, encore une fois, un précédent ou une innovation, une surprise sur le plan réglementaire, je pourrais évidemment vous en déposer, là, toute une série qui ont été adoptées par cette Assemblée au cours des années précédentes, alors donc parfaitement recevable en l'occurrence.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader du gouvernement. Alors, nous allons prendre un certain nombre de minutes pour nous retirer avec les gens de la table et délibérer quelques instants. Il y a deux choses possibles; c'est que je revienne avant 13 heures pour... je ne peux pas préjuger avant d'avoir délibéré mais... ou qu'on puisse immédiatement suspendre jusqu'à 15 heures, et, à ce moment-là, je rendrai ma décision, certainement.

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je ne serais pas offusqué, M. le Président, si vous décidiez maintenant de suspendre jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je pense que ça va permettre un peu à chacun de vaquer à ses occupations et d'aller, peut-être, au dévoilement de la statue de M. Lévesque. Je pense qu'on a l'unanimité autour de cet événement-là. Nous allons suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

(Reprise à 15 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Décision du président sur la recevabilité

Alors, tel qu'annoncé avant la suspension, je vais maintenant rendre ma décision concernant la recevabilité de la motion de suspension des règles de procédure présentée par M. le leader du gouvernement.

Avant de suspendre les travaux, vers 12 h 30, les leaders parlementaires m'ont fait valoir leur argumentation quant à la recevabilité de la motion. M. le leader de l'opposition officielle a fait valoir trois motifs d'irrecevabilité. Premièrement, il soutient qu'il reste encore 20 jours à la période de travaux intensifs. Il s'agit, d'une certaine façon, de soulever la question du motif de l'urgence lors de la présentation de cette motion. Deuxièmement, il soutient que c'est la première fois qu'on présente une motion de suspension en vue d'adopter un projet de loi alors que le ministre ne s'est pas encore prononcé sur le principe du projet de loi. Enfin, il soutient que la suspension de certains articles relatifs aux commissions parlementaires a pour effet de rendre irrecevable la motion, puisque, aux avis touchant les travaux des commissions, les commissions avaient été convoquées par le leader du gouvernement pour l'étude détaillée d'autres projets de loi, soit avant la présentation de la motion. Or, selon le leader de l'opposition officielle, la motion de suspension aurait dû faire état des projets de loi étudiés en commission.

Après avoir procédé à une analyse minutieuse des principaux arguments invoqués à l'encontre de la recevabilité de la motion, je déclare cette dernière recevable. Tout d'abord, en ce qui a trait au premier jugement, il est clairement établi que la présidence n'a pas à se prononcer sur l'urgence de présenter une motion de suspension des règles, l'urgence n'a qu'à être invoquée dans la motion. Et, comme la présidence l'a mentionné à plusieurs reprises, c'est l'Assemblée, au moment du vote sur la motion, qui décidera si l'urgence est réelle ou non. Le règlement ne prévoit aucun motif précis pour présenter une telle motion. En fait, une motion de suspension peut être présentée tant en période de travaux ordinaires qu'en période de travaux intensifs.

Quant au deuxième argument, le fait que le ministre n'ait pas prononcé son discours sur l'adoption du principe du projet de loi n'a aucun impact sur la recevabilité de la motion. D'ailleurs, une motion de suspension des règles visant à faire adopter un projet de loi peut être présentée peu importe l'étape où est rendue l'étude du projet de loi. À cet égard, l'article 184 du règlement prévoit que, et je cite: «Si la motion tend à permettre l'étude d'un projet de loi, celui-ci doit être distribué au moment où la motion est présentée». En prévoyant la distribution du projet de loi que vise à faire adopter une motion, l'article 184 se trouve à prévoir qu'une motion de suspension des règles peut viser à faire adopter un projet de loi qui n'est même pas encore présenté à l'Assemblée. C'est d'ailleurs dans ce sens que l'article 184 a été interprété à ce jour.

Le troisième argument soulevé par le leader de l'opposition officielle était nouveau, mais, après analyse, je ne peux me rendre à son argumentation. Le leader de l'opposition prétend que les règles prévues dans la motion de suspension des règles s'appliquent également aux travaux des commissions, puisqu'elles visent à suspendre des dispositions du règlement relatives aux commissions. Comme des commissions procèdent actuellement à l'étude détaillée d'autres projets de loi, le leader est d'avis que la motion aurait dû prévoir cette situation en étant libellée autrement.

D'entrée de jeu, soulignons que la motion de suspension des règles est une procédure d'exception qui doit, à ce titre, être interprétée restrictivement. Or, pour connaître la portée d'une motion de suspension des règles, il faut avoir à l'esprit le but qu'elle vise. En l'espèce, le but poursuivi est de permettre l'adoption du projet de loi n° 63. Certes, les commissions parlementaires peuvent être visées par une motion de suspension des règles, mais encore faut-il que le but d'une motion soit effectivement de viser les travaux des commissions. En l'espèce, la suspension des règles relatives aux commissions vise exclusivement l'étude du projet de loi n° 63. En d'autres mots, on ne veut pas que certaines dispositions du règlement relatives à l'étude des projets de loi en commission s'appliquent lors de l'étude détaillée du projet de loi n° 63, sans plus.

En somme, une motion de suspension des règles de procédure est un ordre particulier qui n'a pas d'impact général sur tous les travaux parlementaires. À moins qu'une motion ne vise expressément l'étude d'une affaire, cette affaire ne peut être soumise aux dispositions de la motion. Décider autrement ferait en sorte qu'il faudrait modeler chaque motion de suspension en fonction de tous les autres ordres adoptés préalablement par l'Assemblée. À titre d'exemple, si l'Assemblée avait adopté une motion en vue de tenir des consultations en commission, l'adoption subséquente d'une motion de suspension des règles relatives aux commissions mais visant une autre activité n'aurait pas d'impact sur de telles consultations. Je réitère donc que la motion de suspension des règles de procédure présentée par M. le leader du gouvernement est recevable.

Alors, nous allons passer maintenant...

M. Paradis: M. le Président, simplement une précision quant à la décision que vous venez de rendre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: À ce moment-ci, est-ce qu'on doit comprendre qu'il y aura aujourd'hui à l'Assemblée nationale deux règlements qui s'appliqueront: un qui va s'appliquer au niveau du salon bleu, à l'Assemblée nationale, et un autre règlement qui va s'appliquer – est-ce que c'est là l'effet de votre décision? – au niveau des commissions parlementaires?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pour le moment, oui. Si vous prenez l'instantanéité des deux événements, oui. Mais, dans la séquence des opérations nécessaires pour adopter le projet de loi n° 63 qui est visé par la motion, c'est faux, parce que, quand nous serons en commission pour étudier le projet de loi n° 63, nous allons appliquer les règles prévues à la motion. Alors, c'est pour ça qu'il faut distinguer. Mais, effectivement, là où on se parle, une motion de suspension des règles qui suspend les règles pour certaines activités, à ce moment-là, ça implique, logiquement, que ça peut exister avec d'autres activités qui ne sont pas visées par la motion. Alors, c'est vrai, mais ce n'est pas deux régimes de règles distinctes, parce que la suspension des règles va s'appliquer à la fois pour les travaux à l'Assemblée et à la fois en commission, quand la commission étudiera le projet de loi n° 63. Alors, c'est exactement le sens de ma décision.

M. Paradis: Merci de la précision, M. le Président, mais vous précisez en disant qu'il y a un règlement qui va s'appliquer pour un projet de loi, ici, au salon bleu, autant au niveau de l'adoption du principe, de la commission plénière et de l'adoption du projet de loi comme tel, et il y a une autre série de règlements, qui sont les règlements habituels et normaux, qui vont s'appliquer au niveau des autres commissions parlementaires qui, sur un ordre de l'Assemblée, étudient trois projets de loi. Comment est-ce compatible avec les dispositions de l'article 154 de notre règlement, qui dit: «Sauf dispositions incompatibles, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions.»?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sauf quand il y a une motion de suspension des règles, mon cher ami. Ha, ha, ha! Écoutez...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien non, 154... Alors... M. le leader du gouvernement, sur cette question.

M. Brassard: M. le Président, mon vis-à-vis, mon bon ami le leader de l'opposition, fait semblant de ne pas comprendre le sens de votre décision. D'abord, tant que la motion n'est pas adoptée, les règles s'appliquent et pour l'Assemblée et pour les commissions qui ont été convoquées. Et le sens de votre décision m'apparaît très clair: à partir du moment où la motion de suspension des règles est adoptée, les dispositions contenues dans la motion s'appliquent à un seul projet de loi, qui est le projet de loi n° 63. Voilà, c'est ça, le sens de votre décision, ça m'apparaît tout à fait logique. Mais, pour les autres projets de loi qui sont à l'étude en commission parlementaire, les règles habituelles continuent de s'appliquer.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition, brièvement.


Question de règlement portant sur l'ajout, au texte de la motion, de la suspension de l'article 154 du règlement


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Mais, M. le Président, simplement, là, pour préciser et focusser, parce que votre décision – et vous ne vous êtes pas prononcé, là, sur 154 comme tel. L'article 154 est très clair: «Sauf dispositions incompatibles, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions.» Sauf erreur – et le leader du gouvernement pourra me corriger – la motion ne prévoit pas la suspension de 154. À partir de ce moment-là, les règles que nous aurons ici, au niveau du principe de la commission plénière et de l'adoption du projet de loi, vont également s'appliquer, sauf si 154 est prévu comme étant suspendu. Il s'agit là d'une erreur, d'une omission, et je n'en veux pas à mon bon ami le leader du gouvernement qui a dû faire ça en catastrophe ce matin, je vous demande, moi, une décision sur l'application de 154 à ce moment-ci, M. le Président.

(15 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, c'est évident que, «sauf dispositions incompatibles», à ce moment-là, on fait référence aux dispositions du règlement. À ce moment-là, les règles de l'Assemblée s'appliquent aux commissions. Maintenant, il s'agit de voir si la disposition du règlement qui prévoit la suspension des règles, à ce moment-là, peut neutraliser cet article 154 ou non. Alors, écoutez, nous allons, sur cet aspect de l'article 154... Je vois très bien ce que vous voulez soulever comme question, là, nous allons suspendre quelques minutes pour que nous regardions ça de plus près.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

(Reprise à 15 h 36)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Mulcair: Oui, est-ce que je pourrais demander que vous attendiez quelques secondes, que le leader arrive, pour qu'il puisse plaider sur la substance? Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il doit être averti. Pourvu qu'il rentre bientôt, là, on va attendre quelques secondes.

Alors, pour le point soulevé qu'on n'avait pas pris en considération explicitement lors de notre première délibération, on est revenu regarder l'article 154. Il faut le lire en regard de l'article 179, qui prévoit justement qu'on puisse avoir recours par ordre de la Chambre à des dispositions contraires pour ce qui est des procédures. Vous avez, à 179: La procédure de l'Assemblée est régie par la loi, par son règlement de fonctionnement et par les ordres qu'elle adopte. Alors, nous adoptons un ordre ce matin. La motion sur la table, c'est un ordre, et, à ce moment-là, que l'ordre... L'ordre s'applique.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, mais l'ordre, c'est la motion. Pour s'appliquer, à ce moment-là... Sauf dispositions contraires, à ce moment-là... Mais, comme il y a une disposition contraire au règlement, c'est la motion...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, 179: La procédure de l'Assemblée est régie par les ordres qu'elle adopte. Bon.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non. C'est l'ordre qui s'applique, à ce moment-là, et la motion telle que nous l'avons débattue tantôt ne vise pas les commissions. La motion ne vise pas les commissions. C'est l'ordre qui prévaut, à ce moment-là. On le dit ici: L'ordre prévaut sur le règlement.

Une voix: Oui, vous avez raison.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, l'ordre ne vise pas et ne s'applique pas aux commissions qui n'étudient pas... C'est ça, l'ordre. L'ordre va prévaloir sur le règlement quant aux procédures. Donc, l'ordre ne vise pas les commissions. Donc, les procédures nouvelles... la suspension des règles que nous avons dans l'ordre ne s'applique pas aux commissions, sauf pour celle qui va étudier le projet de loi n° 63.

Alors, écoutez, la lecture que nous avons faite du règlement et de la comparaison entre les différents articles permet justement d'adopter de nouvelles règles, par un ordre, que les règles prévues par le règlement. Bon.

Alors, la motion change les règles, à ce moment-là. Elle les change uniquement – et c'est ça, la motion, mon jugement, tantôt, que j'ai rendu – exclusivement pour les activités qui vont étudier le projet de loi n° 63.

(15 h 40)

M. Paradis: À ce moment-là, M. le Président, la décision, sur le plan de ce qu'on appelle une logique, se tiendrait dans l'éventualité où le leader du gouvernement, s'il avait été moins pressé, moins bousculé, avait suspendu, dans sa motion, les dispositions de l'article 154. La décision, à ce moment-là, serait d'une solidité...

Maintenant, le leader a choisi délibérément, ou a oublié, un des deux, bousculé par les événements, dans sa motion, de suspendre 154. Et, à ce moment-là, il vous condamne à rendre une décision qui nous est favorable.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, là, est-ce que, dès qu'on ne suspend pas une règle, elle ne s'applique plus, ou est-ce... Je l'ai formulé sous forme d'interrogation.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement, une dernière intervention, puis on verra.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Bien oui, bien, une dernière intervention... M. le Président, il y a des commissions qui ont été convoquées pour d'autres objets que le projet de loi n° 63. L'ordre ne porte que sur le projet de loi n° 63. Donc, les commissions parlementaires qui traitent d'autres objets que le projet de loi n° 63 continuent de fonctionner selon les règles habituelles, les règles normales des commissions. Quant au projet de loi n° 63, lui, il est assujetti aux règles particulières et à la motion de suspension que j'ai présentée ce matin. Ça m'apparaît logique et clair.

M. Paradis: M. le Président, 30 secondes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Très bien.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Ça serait tout vrai, ce que le leader du gouvernement vient de dire, s'il n'avait pas été bousculé par le temps, s'il avait fait ses devoirs correctement – et là je ne lui en tiens pas rigueur – et qu'il avait suspendu 154. Ce qu'il vient de dire serait exactement la réalité à laquelle on serait confronté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Je vois ici votre question, et enfin... Une nouvelle règle qu'on introduit doit présupposer que l'on annule une règle qui va à l'encontre dans le règlement. Alors, c'est la question qui se pose ici.

M. Paradis: M. le Président, on ne peut pas agir par intuition là-dedans ou par symbiose. Si on veut remplacer un article du règlement, il faut que la motion de suspension des règles le suspende et qu'il soit remplacé par une disposition que... D'ailleurs, c'est comme ça que les motions sont bâties et que, sur les autres articles, le leader a agi. Mais pas en vertu de 154. Il a dit: 154, à partir du moment où ma motion sera adoptée, va continuer de s'appliquer. Donc, en commission parlementaire, la suspension des règles va s'appliquer, et là je voudrais savoir comment on va fonctionner.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: ...suspension des règles en commission parlementaire au moment où la motion sera adoptée ne s'appliqueront pas dans les commissions parlementaires qui étudient un autre objet que le projet de loi n° 63. Dans aucune motion de suspension des règles l'article 154 n'a été suspendu. Et il est arrivé très souvent qu'on a présenté des motions de suspension des règles ici, en cette Chambre, et que des commissions parlementaires ont étudié d'autres projets de loi qui n'étaient pas prévus ou assujettis à la motion de suspension.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, encore une fois, là, si le leader du gouvernement souhaite que deux séries de règles différentes s'appliquent, il se doit à ce moment-là de prévoir la suspension de l'article 154 de notre règlement et de le remplacer par un ordre de la Chambre. Et, 154 est clair, 154 empêche deux séries de règlements de s'appliquer à l'Assemblée nationale, sauf si c'est suspendu et remplacé par autre chose, et le leader n'a pas fait ça.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, je sais très bien qu'il faut qu'il y ait compatibilité entre les nouvelles règles et le règlement une fois qu'on a suspendu un certain nombre de règles. Bon. Alors, là, vous posez la question: Est-ce que le fait de ne pas suspendre 154, à ce moment-là, les nouvelles règles...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...écoutez, immédiatement, je ne pourrais pas vous donner plus de précisions sur cette question-là. Malheureusement, je suis obligé encore de prendre quelques minutes avec les gens de la table pour réfléchir sur cet esprit: Est-ce que 179... pour permettre, à ce moment-là, le maintien de 154 ou non. Alors, là, je vais... En tout cas... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...154, oui ou non.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, oui, mais je me réfère aussi à l'article 179. Alors, on suspend quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 46)

(Reprise à 16 h 15)


Décision du président

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous revenons à la décision de recevabilité. Il y avait un point que nous avons repris, le fait de la présence de l'article 154 dans le règlement. Alors, l'article 154 du règlement est une disposition d'application générale qui ne peut être suspendue sans mettre en cause tout le système des commissions parlementaires. Alors, si le leader avait proposé la suspension de l'article 154, il aurait été dans l'obligation de proposer une multitude de règles en vue de l'étude du projet de loi n° 63 en commission plénière. L'objectif d'une motion de suspension des règles est tout à fait l'inverse. le but d'une telle motion n'est pas généralement de réécrire le règlement mais bien de suspendre certaines dispositions et de les remplacer au besoin par d'autres. Et cela n'est pas incompatible avec le maintien de l'article 154.

D'ailleurs, le libellé de cet article prévoit cette situation. De fait, cet article commence par les mots «sauf dispositions incompatibles». Une disposition incompatible au sens du règlement est une disposition de droit et de procédure parlementaire. Le droit et la procédure parlementaire qui régissent nos travaux sont prévus à l'article 179 du règlement. Il s'agit de la loi, du règlement, des règles de fonctionnement et des ordres que l'Assemblée adopte. Si la motion de suspension est adoptée, elle deviendra un ordre spécial de l'Assemblée. Il s'agira donc d'une disposition de procédure parlementaire incompatible au sens de l'article 154 du règlement. Les règles prévues dans la motion pourront donc, selon les termes de l'article 154, s'appliquer malgré le fait que les autres règles de l'Assemblée s'appliquent également aux commissions, et ce, pour le motif qu'une règle incompatible peut coexister avec les autres prévues au règlement.

Alors, écoutez, au risque de me répéter, c'est l'article 154 qui le permet, d'avoir des règles incompatibles, votées, déterminées par un ordre de la Chambre. Et, en dehors de ça, les règles de l'Assemblée nationale s'appliquent aux commissions, comme d'ailleurs elles s'appliquent aussi à cette Assemblée, dans la mesure où on peut adopter par une motion, par un ordre, des règles incompatibles avec les règles générales. Alors, à ce moment-là, je maintiens donc la recevabilité de la motion, et nous allons commencer immédiatement le débat de deux heures.

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Brièvement, parce que, sur cet article-là...

M. Paradis: Bien, M. le Président, sur un autre sujet, je vous réfère à une décision d'un de vos prédécesseurs, Jean-Pierre Saintonge, rendue le 23 avril 1991. Je viens de découvrir un autre motif d'irrecevabilité.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. Écoutez, quand, dans une cour, le juge a rendu son jugement après avoir donné aux parties tout le loisir de se faire valoir, il ne rouvre pas son jugement à un moment donné parce qu'un avocat arrive et dit: Écoutez, j'ai oublié de vous proposer tel motif, alors, parce que ça peut...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. Bien, écoutez, moi, je n'accepte pas qu'on rouvre encore de nouveaux motifs. J'ai, tantôt, réouvert la discussion parce que vous aviez mentionné l'article 154 dans votre première intervention. Alors, c'est pour ça.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, je n'accepte pas qu'on ajoute actuellement des motifs additionnels.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Les règles ne sont pas suspendues, je m'en vais vous parler des règles qui disent que le président...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Lisez l'article 2, vous le mentionnez souvent. Alors, non, je n'accepte plus que nous revenions sur des motifs additionnels pour lesquels vous aviez...

(16 h 20)

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mais, cet après-midi, j'ai un autre motif que je viens de...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mais pas comme motif pour intervenir dans ma décision.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, pourquoi vous voulez intervenir à ce moment-ci si ce n'est pas pour inférer ma décision?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, nous allons passer au débat restreint immédiatement.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Quel règlement, M. le leader?

M. Paradis: Vous en créez pas mal, après-midi, des règlements; celui de l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Quel article?

M. Paradis: M. le Président, en vertu d'une décision d'un précédent...

Des voix: ...

M. Paradis: M. le Président, le 23 avril 1991, Jean-Pierre Saintonge rendait la décision suivante: «On peut soulever des objections quant à la recevabilité ou la régularité d'une motion en tout temps avant qu'elle ne soit mise aux voix.»

Si vous ne voulez pas me reconnaître à ce moment-ci, et vous dites, M. le Président... je vais demander que vous préserviez mon droit de le soulever, à moins que vous décidiez à ce moment-ci de renverser la décision du président Saintonge, qui n'a jamais été renversée depuis 1991. J'ai été très précis, très clair dans mes argumentations, et, à ce moment-ci, c'est mon devoir d'attirer l'attention de la présidence sur un motif d'irrecevabilité. La jurisprudence m'autorise à le faire, à moins que la présidence, à ce moment-ci, décide de renverser la jurisprudence. Je vous demande à ce moment-ci si vous acceptez de ne pas renverser la jurisprudence. J'ai un motif à vous faire valoir. Ce n'est pas long, c'est précis, et vous avez l'obligation de l'entendre, à moins que la décision de M. Saintonge soit renversée à ce moment-ci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): La décision de M. Saintonge, je ne l'ai pas, je ne l'ai pas vue, je ne l'ai pas analysée, je ne l'ai pas regardée, dans quel contexte, ainsi de suite. Alors, ça me surprendrait énormément que l'on puisse indéfiniment intervenir...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le moment... Écoutez, j'ai décidé de la recevabilité, j'ai rendu mon jugement sur la recevabilité. C'est évident que, tant que je n'ai pas rendu mon jugement sur la recevabilité, si vous avez de nouveaux motifs, vous pouvez le faire. J'ai rendu mon jugement sur la recevabilité, je vous ai donné tout le temps d'intervenir avant que je rende mon jugement. J'ai rendu mon jugement sur la recevabilité et je ne vois pas qu'au-delà de ça on puisse encore ouvrir le débat sur des motifs additionnels pour mettre en question la recevabilité d'une motion une fois que le président s'est prononcé. Alors, moi, c'est ma jurisprudence et c'est la décision que je maintiens.

Alors, je suis prêt maintenant à aller au débat sur la motion.

M. Paradis: M. le Président, je vous soumets respectueusement que vous avez même contribué à cette jurisprudence, aujourd'hui, de M. Saintonge. Tantôt, lorsqu'on a soulevé un argument additionnel, sur 154, vous avez vous-même reconnu qu'il y avait là un fondement.

J'ai un autre élément à vous soumettre...

Une voix: ...

M. Paradis: ...également. Vous pourrez l'accepter ou le refuser, mais, si vous refusez à ce moment-ci, dans le cadre d'un bâillon qui enlève les droits et les privilèges fondamentaux des parlementaires de ne pas entendre un motif additionnel d'irrecevabilité, c'est qu'il y a des directives qui viennent de haut.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, écoutez, là, j'en ai vu d'autres avant aujourd'hui, M. le député, pas mal d'autres avant aujourd'hui. Ce que je vous dis... Je vous l'ai dit, que j'ai accepté pour l'autre, parce que je n'avais pas encore à ce moment-là... Vous aviez mentionné, lors de votre première argumentation, l'article en question; c'est pour ça que j'ai accepté. En tout cas, vous êtes chanceux, parce qu'à ce moment-là je ne l'aurais pas acceptée, votre motion, vous êtes chanceux que je vous aie donné la possibilité encore de reconsidérer ce motif-là, parce que je croyais qu'on avait mentionné votre article. Alors, non, je maintiens ma décision. Une fois que la décision de la recevabilité est rendue, après vous avoir donné des chances de faire valoir vos opinions, je n'ouvrirai pas à nouveau la discussion, la délibération sur la recevabilité. Ma décision est rendue.

M. Paradis: M. le Président, à ce moment-ci, je vous demande de vérifier avec vos conseillers juridiques si la décision de M. Saintonge a déjà été renversée. Vous ne savez pas dans quel cadre, vous avez dit? Je vais vous le citer, je vais vous donner la référence. Au moins...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous savez que la jurisprudence, c'est le troisième ou quatrième point auquel on doit se référer quand on n'a pas suffisamment d'éclairage pour prendre une décision. Alors, j'ai pris ma décision à partir de toutes les informations que j'ai, à partir du règlement, et ainsi de suite. Ma décision sur l'irrecevabilité a été rendue, et je ne reviendrai pas sur cette décision-là actuellement.

M. Paradis: Est-ce que votre décision, M. le Président, couvrait l'application de l'article 234 de notre règlement?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ma décision, je l'ai prise en tenant compte de l'ensemble du règlement. L'article 234, quel est le contenu? Je n'ai pas tous les contenus de chacun des articles à l'esprit, comme vous d'ailleurs. Écoutez, il n'est pas question actuellement de mise aux voix de projet de loi, là, 234.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, M. le leader du gouvernement, vous savez très bien que l'argument, actuellement... vous n'aviez pas à mentionner cet article-là tantôt dans votre première intervention.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à ce moment-là... Écoutez, vous savez très bien que, quand on prend en considération, on n'a pas à faire l'inventaire exhaustif de chacun des 400 articles du règlement pour voir. Cher ami, on s'appuie beaucoup sur les interventions de part et d'autre, les arguments que vous nous apportez, et, quand je viens pour rendre mon jugement, je ne passerai pas article par article pour me dire qu'on ne devrait pas mettre en doute tel article. Non. C'est la coutume de prendre en considération sérieusement – je ne dis pas qu'on s'en limite à ça – les arguments que vous avez fait valoir, et je vous ai écouté. Nous avons répondu à ces arguments-là, et, sur cette base, j'ai décidé que la motion était recevable. Je ne dis pas que je m'en tiens exclusivement aux arguments, mais c'est un point, si vous voulez, très important que nous devons prendre en considération quand nous délibérons pour savoir si une motion est recevable. Alors...

M. Paradis: Est-ce que je dois comprendre de l'interprétation que fait à ce moment-ci la présidence du règlement de l'Assemblée que, même si la présidence était convaincue qu'il y a violation d'un article du règlement sur lequel je viens d'attirer votre attention, vous déclareriez quand même la motion du leader du gouvernement recevable?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non. Écoutez, vous le savez très bien, vous allez à l'encontre de votre pensée, là. Vous savez très bien que ce n'est pas ça que j'ai dit et vous savez très bien que ce n'est pas ça que l'on fait.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. Je ne vous ai pas dit qu'on a constaté qu'il y avait des irrégularités pour justifier l'irrecevabilité, je n'ai jamais dit ça. Et, à chaque fois qu'on se rend compte, nous, indépendamment de vos arguments, qu'il y a des raisons de juger de l'irrecevabilité, nous jugeons de l'irrecevabilité. Mais ce que j'ai dit, c'est que nous devons au moins prendre en considération, ne pas laisser de côté aucun des arguments que vous avez avancés, et c'est ça que j'ai fait. Mais, ça ne veut pas dire qu'on s'en tient exclusivement à vos arguments, on regarde aussi l'ensemble des choses, et c'est pour ça qu'on a des experts à la table...

Alors, écoutez, je reviens à ma décision sur la recevabilité de la motion, et nous allons commencer le débat. Alors, débat de deux heures. Le débat de deux heures, et j'invite les leaders... Je suspends une minute pour que les leaders, ensemble, nous puissions déterminer le partage du temps...

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 17 h 24)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, après avoir délibéré avec le personnel de l'Assemblée et mes collègues sur la question de pouvoir accepter des arguments après qu'une décision a été rendue sur la recevabilité, nous étions, au point de départ, dans un certain dilemme, parce que le règlement nous dit, notre règlement actuel: Les décisions du président ne peuvent pas être discutées. Mais, par ailleurs, il y a cette jurisprudence, dans le cas d'une motion, dans le cas de la recevabilité d'une motion, qui n'était pas présente à notre esprit à ce moment-là. Et la décision: On peut soulever des objections quant à la recevabilité ou à la régularité d'une motion en tout temps avant qu'elle ne soit mise aux voix.

C'est évident que nous ne sommes pas liés toujours de façon absolue aux décisions antérieures, mais ces décisions s'appuyaient sur la doctrine traditionnelle, un peu, des règles parlementaires et aussi sur des règlements antérieurs qui étaient en conformité avec ces règles antérieures. Alors, devant cette situation-là, nous avons pensé, après mûre réflexion, de ne pas renverser entièrement cette tradition, cette doctrine traditionnelle, les règles traditionnelles et ces décisions qui ont été rendues par nos prédécesseurs assez récemment, M. Saintonge, M. Lefebvre et M. Claude Pinard.

Alors, devant ça, on a pensé qu'on pouvait peut-être encore permettre à l'opposition de nous faire voir quelques nouveaux arguments, je dis bien, s'il y a des nouveaux motifs de penser... des motifs qui n'ont pas été portés à notre connaissance, d'aucune façon, malgré notre bonne volonté, que nous ayons travaillé sur le projet pour essayer de rendre une décision le plus en conformité avec l'ensemble des dispositions prévues à notre règlement.

Alors, pour faciliter le débat et la poursuite de nos travaux, je serais prêt à accepter quelques motifs additionnels, s'il y a lieu. Je laisse à l'opposition de juger de la valeur de ces motifs-là, et tout, de m'en faire part, et j'espère qu'on pourra se limiter à quelques motifs. Puis, cette fois-ci, je vous inviterais, s'il vous plaît, aussi à les ramasser – ha, ha, ha! – le plus possible, tous vos motifs que vous pouvez encore avoir à l'esprit, et nous prendrons rapidement en considération ces motifs pour revenir sur la décision de la recevabilité. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais comprendre...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: ...le sens de la doctrine sur laquelle vous vous appuyez. Est-ce que ça signifie que, compte tenu que cette motion est suivie d'un débat restreint de deux heures, en tout temps, cinq minutes avant la mise aux voix, n'importe qui en cette Chambre peut soulever des questions portant sur la recevabilité?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, c'est le sens de la jurisprudence et des règlements antérieurs que nous avons rapidement consultés. C'est la situation, si vous voulez. Alors, ça va prendre probablement... Va falloir, si on veut collectivement renverser ça, que, lors de la réforme du règlement, on soit très explicite et que l'on précise très bien dans notre règlement les règles nouvelles, sur ce point-là, qu'on veut se donner. Mais, dans l'état actuel des choses, il m'est difficile, moi, personnellement, d'aller à l'encontre de cette jurisprudence.

Si ce n'était que de la jurisprudence, ça, je pourrais m'accommoder assez facilement, parce que la jurisprudence est faite pour évoluer. Mais, étant donné que ça s'appuyait sur la tradition réglementaire et doctrinale du système parlementaire britannique, je ne pourrais pas le faire de ma propre autorité. Il faudrait que ce soit l'Assemblée dans son ensemble qui puisse statuer sur ça.

Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Ceux et celles qui voudront prétendre que la fonction de président est une fonction facile à assumer à l'Assemblée nationale...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, nous allons essayer d'accélérer, là.

M. Paradis: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader de l'opposition.


Reprise du débat sur la recevabilité de la motion de suspension des règles


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Ceux et celles qui voudront prétendre que la fonction de président est une fonction facile à exercer à l'Assemblée nationale et qui ont été témoins de nos débats cet après-midi sont conscients que c'est une situation très délicate. Surtout dans des moments où les droits des parlementaires sont profondément affectés, le rôle de la présidence devient un rôle crucial, et ce n'est pas facile à assumer, M. le Président. Je tiens simplement à vous remercier pour l'esprit de professionnalisme dont vous avez fait preuve.

Maintenant, j'ai un argument à soulever, M. le Président. Je n'en ai pas beaucoup. Mon collègue de Chomedey en a également un. On va les soulever immédiatement. Je vais tenter d'être le plus précis et le plus concis possible.

Je vous avais déjà indiqué que cet argument portait sur l'application des articles 233 et 234 de notre règlement. Ces articles se lisent comme suit:

«233. À l'étape prévue des affaires courantes, le député présente le projet à l'Assemblée en donnant lecture des notes explicatives qui l'accompagnent ou en les résumant. Celles-ci doivent exposer sommairement l'objet du projet de loi et ne contenir ni argumentation ni exposé de motif.

(17 h 30)

«234. Le Président met aux voix sans débat la motion proposant à l'Assemblée de se saisir du projet de loi.»

La difficulté que je vous soumets, M. le Président, découle du premier paragraphe complet de la page 2 de la motion présentée par le leader du gouvernement, qui se lit comme suit:

«Il soit permis dès l'adoption de la présente motion de poursuivre l'étude du projet de loi n° 63, Loi concernant certains contrats du ministère du Revenu.»

M. le Président, pour poursuivre un débat, il faut que le débat ait été engagé, ce qui n'est pas le cas dans la situation actuelle. Je l'avais indiqué, et ça se rapproche d'un des arguments que je vous avais fournis. Ce n'est pas une situation normale. Le ministre du Revenu n'a même pas engagé le débat comme tel.

À titre d'exemple, je vous réfère à l'article 1 du feuilleton: «Projet de loi n° 16. Reprise du débat ajourné...» Dans ce cas-là, on pourrait parler de continuer le débat. L'article 8, qui traite du projet de loi n° 63, Loi concernant certains contrats du ministère du Revenu. «Présenté par le ministre du Revenu...» On ne peut pas reprendre le débat, il n'a jamais débuté. Il n'a jamais commencé.

Donc, si vous prenez le texte tel qu'il vous est soumis par le leader, il nous parle de poursuivre un débat, poursuivre l'étude, alors qu'on ne l'a pas commencée. Il faudrait qu'il corrige, là également, M. le Président, la motion qu'il dépose aujourd'hui à l'Assemblée nationale.

C'est l'argumentation que je voulais vous faire valoir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Très simplement, M. le Président, je vous réfère à l'article 229, où l'on indique les différentes étapes qu'un projet de loi doit franchir:

«L'étude d'un projet de loi – l'étude d'un projet de loi – comporte les cinq étapes suivantes:

«1° présentation.»

La présentation a été faite. Il n'y a pas eu de mise aux voix, mais la présentation a été faite. C'est une des étapes de l'étude. Donc, il est tout à fait approprié d'affirmer, dans la motion de suspension, que nous allons poursuivre l'étude, puisque nous sommes maintenant à la deuxième étape, qui est l'étape de l'adoption du principe.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le leader du gouvernement. M. le leader adjoint de l'opposition.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Quelques remarques concernant l'effet de l'éventuelle adoption de cette motion telle que rédigée, sur les commissions parlementaires.

M. le Président, les articles 179, 182 et 154 de notre règlement forment un tout, dans le cas qui nous occupe. Aujourd'hui, on a entendu le gouvernement annoncer son intention de tenir des commissions parlementaires, ce qui est tout à fait normal à cette époque dans une session parlementaire. Ce qui est inusité, c'est qu'on fasse la suspension des règles en même temps. D'habitude, ça vient dans les derniers jours, et à ce moment-là on ne tient pas de commission parlementaire. Comme l'a dit le ministre du Revenu: errare humanum est. Il y a eu une simple erreur, parce que, à l'article 154, il aurait fallu prévoir deux choses. Il aurait fallu dire qu'on est en train de la suspendre aussi et de la remplacer avec un mécanisme qui permet de continuer en commission parlementaire.

Je m'explique brièvement, M. le Président. L'article 179 de notre règlement prévoit que la procédure qui nous régit est composée de trois éléments: la loi, le règlement et ses règles de fonctionnement, et les ordres qu'on adopte. Évidemment, on ne peut pas changer la loi par motion. Par contre, 182 – et c'est là où nous sommes – prévoit que le leader du gouvernement ou un ministre peut proposer la suspension de toute règle de procédure prévue dans les deux derniers items, c'est-à-dire les règlements ou les règles de fonctionnement et les ordres qu'on adopte. Et on continue. La motion doit indiquer le motif et doit faire l'objet d'un débat restreint.

M. le Président, ce qu'il aurait fallu faire, c'est justement proposer la suspension de cette règle et le motif de la suspension et, le cas échéant, la règle qui s'appliquera. C'est-à-dire, il aurait fallu dire qu'est-ce qui va se passer ce soir, notamment avec ces commissions parlementaires là qui ont été appelées aujourd'hui.

Écoutez, M. le Président, c'est secret pour personne. La manière de fonctionner pour une jurisprudence interne, administrative, est relativement simple. Le bureau du leader du gouvernement a sorti un modèle, un précédent de motion de suspension. Parce que c'est inusité de le faire pendant qu'il y a des commissions parlementaires qui siègent, personne n'a pensé à regarder cet aspect-là, ils l'ont oublié. On est en train de l'apporter à l'attention de la Chambre, parce que vous savez comme nous, M. le Président, ce qui va se passer en commission parlementaire. Ça va jammer, parce que l'article 154 a pour effet de s'assurer qu'il n'y a jamais deux règles qui s'appliquent en même temps. L'article 154 se lit comme suit: «Sauf dispositions incompatibles, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions.»

Donc, ce soir, dans l'une ou l'autre des trois commissions parlementaires qui couvrent des sujets aussi disparates que les courses de chevaux et la taxation municipale, quelqu'un va vouloir appliquer le règlement, et le problème suivant va s'appliquer: le règlement, pour de bons bouts, est en train d'être suspendu. Ce qu'on suspend ici doit nécessairement être suspendu en bas, parce qu'on a choisi – c'est mieux de le dire comme ça – de toute évidence, on a oublié de s'attarder à l'effet de l'article 154. S'ils l'avaient suspendu – puis ils sont toujours libres de présenter une motion modifiée – et l'avaient remplacé avec quelque chose qui aurait permis de continuer en commission parlementaire, il n'y aurait pas eu de problème.

Si je peux me permettre, en terminant, M. le Président, une image. Imaginez trois engrenages qui doivent fonctionner ensemble: les articles 154, 179 et 182. Le premier engrenage tourne comme ça, effectue l'autre qui tourne comme ça et le troisième continue comme ça. Ce que le leader du gouvernement tente de faire, c'est de mettre une chaîne sur cet ensemble-là. Ça va jammer, ça ne peut pas tourner comme ça. Alors, c'est ce qu'on essaie de lui dire: c'est que l'article 154, il ne peut pas faire semblant que ça n'existe plus juste parce que ça l'embête. Ils l'ont oublié. Ils ont le choix de représenter une autre motion, et, à ce moment-là, évidemment, ce problème serait enlevé. Mais il n'est pas vrai que, parce que le bureau du leader du gouvernement a fait un oubli, nous, on va tout changer et faire semblant que les commissions parlementaires vont pouvoir continuer comme si de rien n'était. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Même si, dans le cas du leader de l'opposition, c'était un nouveau point, dans le cas du leader adjoint, c'est déjà une chose jugée. Enfin...

Je vous signale d'abord, premièrement, qu'il est arrivé très fréquemment que des motions de suspension des règles soient déposées, débattues et adoptées en cette Chambre et qu'au préalable les avis des commissions aient été faits et que plusieurs commissions aient continué de faire des travaux, autres évidemment que ceux prévus dans la motion de suspension des règles. J'ai ici des cas.

Et, même la présidence elle-même, n'est-ce pas, en 1998, 12 mars 1998, s'est levée et elle a avisé que «la commission de l'administration publique va se réunir, après les affaires courantes [...] vérification des engagements financiers». Donc, la présidence elle-même a convoqué une commission, mais aussi le leader du gouvernement a convoqué... Et j'ai des exemples aussi, du temps du gouvernement libéral, où on donnait les avis des commissions, où on convoquait des commissions pour poursuivre l'étude de projets de loi de façon régulière, selon les règles normales, puis en même temps on adoptait une motion de suspension des règles, et 154 n'était jamais suspendu. Pour une raison aussi très simple, parce que, si on suspendait 154, là on se trouverait dans une situation complètement absurde où les commissions parlementaires n'auraient plus de règles. Il n'y aurait plus de règles. On fonctionnerait comment?

Alors, c'est évident que l'esprit de 154 – parce qu'il faut aussi considérer l'esprit du règlement – c'est de faire en sorte que les commissions continuent de fonctionner selon les règles habituelles même si, en Chambre, à la suite d'une motion de suspension des règles, on suit un cheminement particulier concernant un projet de loi, alors que dans les commissions les travaux portent sur d'autres projets de loi qui ne sont pas assujettis à la motion de suspension des règles. Je vous signale que vous avez déjà rendu une décision, d'ailleurs, relativement à cette dimension de la question.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. C'est la dernière intervention, s'il vous plaît. M. le leader adjoint du gouvernement.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Très brièvement, M. le Président. D'abord, à notre connaissance, la question de l'article 154 n'a pas fait l'objet d'une décision définitive, et de un. Et, de deux, je me permets juste de souligner une autre anomalie qui pourrait surgir. Vous avez très bien dit tantôt qu'il était possible que l'intention était de s'assurer que la suspension des règles s'applique en Chambre pour le projet de loi n° 63 ainsi qu'en commission parlementaire pour le même projet de loi n° 63. Vous évoquez donc la possibilité qu'il pourrait y avoir deux jeux de règles – nous, on plaide 154 là-dessus – mais vous dites: Non, il aurait pu y avoir deux jeux de règles, un pour le projet de loi n° 63 et un pour les autres projets de loi en commission parlementaire.

(17 h 40)

Mais, en terminant, on voulait juste que vous ajoutiez ceci à votre réflexion: à ce moment-là, il y aura non seulement deux séries de règles de procédure en application ici, à l'Assemblée nationale, en même temps, une série ici et une autre en commission parlementaire, mais, plus que ça, une fois que le projet de loi n° 63 sera, lui, rendu en commission parlementaire, selon ce que vous disiez tantôt, on aura deux séries de règles différentes dans les commissions parlementaires de l'Assemblée nationale, qui seront en train d'être appliquées en même temps, ce qui serait un précédent de tous les temps. Ha, ha, ha! Ce serait vraiment du jamais vu. Ce serait l'aboutissement logique.

Nous, on dit que, pour éviter une telle anomalie, pour rester avec notre image des engrenages, il n'a qu'à enlever l'engrenage du milieu. Là, il peut mettre sa chaîne sur les deux engrenages de bout, ça peut tout tourner dans le même sens, à ce moment-là. Mais, s'il continue à insister pour que le 154 reste là, ça va jammer, ça ne peut pas marcher, en logique, ça ne peut pas marcher juridiquement et ça ne peut pas marcher en termes de procédure parlementaire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, j'ai tout entendu, là, et nous allons, je crois, prendre en délibération ces dernières considérations. Et, ce soir, à l'heure qu'il est là, je vais délibérer quelques instants, puis je reviendrai pour vous donner la décision le plus rapidement possible.

(Suspension de la séance à 17 h 42)

(Reprise à 17 h 51)


Décision du président sur la recevabilité

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous avons pris en considération les deux nouveaux arguments avancés. Pour le premier argument, poursuivre l'étude du projet de loi, étant donné que la présentation du projet de loi fait l'objet d'une approbation à l'Assemblée, on a une motion, on dit: Est-ce que l'Assemblée est prête à se saisir de ce projet de loi? Alors, l'Assemblée dit oui. Donc, le projet de loi, il est déjà introduit pour son étude, c'est la première étape. La première étape de l'étude a commencé. Et, quand on est rendu au principe – c'est le cas présentement – on poursuit l'étude. Alors, ça, je crois qu'il n'y a aucun problème sur ça. Il y a cinq étapes prévues pour l'étude, dont la première, c'est la présentation du projet de loi, et ça, ça a été fait. Alors, une fois qu'on a un premier pas de fait dans l'étude, le deuxième, c'est une poursuite de l'étude.

Pour ce qui est maintenant l'autre argument, là, disons que... Je vous fais mention aussi, puis on l'a souvent dit, que c'est la première fois qu'on vote une motion de suspension des règles alors qu'il n'y a pas de commission qui siège. Écoutez, on a plusieurs, plusieurs cas, entre autres le 18 juin 1998, où il y a eu trois et quatre commissions, même, qui ont siégé en même temps alors qu'on a introduit puis qu'on a débattu ici une motion de suspension des règles.

Maintenant, pour l'autre aspect, excusez-moi... Le numéro, le 154, essentiellement, il n'y a rien de neuf par rapport à la décision que j'ai rendue, par rapport à ce que j'avais entendu lors du premier exposé. Je maintiens que l'article 154 n'a pas à être supprimé pour permettre l'application de la motion de suspension des règles que nous avons devant nous actuellement.

Alors, après avoir considéré tout cela, je maintiens que la motion est recevable, et nous allons pouvoir entreprendre...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, c'est évident qu'il y a la répartition qu'on n'a pas eu le temps de régler définitivement tantôt. Nous allons suspendre, étant donné qu'il est 17 h 55, nos travaux à ce soir, 20 heures. Et j'inviterais les leaders à se joindre à moi quelques minutes après la suspension pour qu'on s'entende sur la répartition du temps. Alors...

M. Paradis: Oui, M. le Président. Simplement une clarification dans les précédents que vous avez cités dans votre décision. Est-ce qu'il y avait eu, à ce moment-là, des questions de soulevées et une décision de la présidence?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez. Des questions...

M. Paradis: Sur les précédents que vous avez cités, des commissions parlementaires qui siégeaient au moment... est-ce que, à ce moment-là, il y avait eu des objections de soulevées de part ou d'autre? Et est-ce qu'il y avait eu une décision de la présidence?

Le Vice-Président (M. Brouillet): À ce que je sache, il n'y avait eu aucune objection de soulevée puis il n'y a aucune décision de la présidence qui avait dû être prise à l'époque. Alors, à ce moment-là...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors donc, nous suspendons nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 20 h 1)


Débat sur la motion

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous débutons nos travaux sur la motion de suspension des règles, un débat restreint de 120 minutes. Et, à la suite de la réunion avec les leaders, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour le débat restreint sur la motion de suspension des règles. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un débat restreint de 120 minutes conformément aux dispositions des articles 28 et 210 de notre règlement. Cinq minutes seront allouées au député indépendant. Les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes parlementaires accroîtra celui de l'autre groupe et le temps non utilisé par le député indépendant sera redistribué équitablement. Les interventions ne seront soumises à aucune limite. M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Alors, M. le Président, quand un gouvernement est dans l'obligation de présenter ce qu'on appelle une motion de suspension des règles de cette Assemblée avec comme objectif de faire adopter dans des délais très brefs un projet de loi, ça fait assez longtemps que je suis en cette Chambre, plus de 22 ans, pour savoir qu'il y a ce qu'on pourrait appeler un cérémonial obligé, une sorte de rituel qu'on ne peut pas ne pas respecter et qui se compose, en fait, de deux parties. Alors, la première partie du cérémonial, c'est une partie, je dirais, réglementaire, procédurière. Alors, on cherche, par des manoeuvres procédurières et réglementaires, évidemment, à faire écouler le temps pour forcer le gouvernement et le parti ministériel à faire adopter sa motion et son projet de loi le plus tard possible et que, c'est ce que souhaite évidemment l'opposition, on aille même jusqu'aux petites heures du matin.

Alors, on a assisté, cet après-midi en particulier, à cette première partie du cérémonial. Questions de règlement qui se sont multipliées, questions portant sur la recevabilité, ce qui a obligé la présidence, évidemment, à prendre en considération un certain nombre de questions et à délibérer pour pouvoir y répondre.

Maintenant, c'est la deuxième partie du rituel, c'est la deuxième partie du cérémonial obligé en matière de suspension des règles, c'est le discours. Alors, le thème – je n'ai pas entendu encore un seul député de l'opposition, mais je peux vous le dire à l'avance – c'est: Un jour sombre pour la démocratie. Ça, c'est le thème. C'est la démocratie bafouée, les droits de parole, la liberté de parole foulée aux pieds...

M. Gautrin: Violée.

M. Brassard: ...violée. Voilà. Voilà, le député de Verdun me souffle, contribue à faire la description du mythe ou de cette partie du rituel. Bon. Il ne faut pas en tenir rigueur à l'opposition, de répéter sans cesse et sans relâche ce discours. Moi-même, qui ai été dans l'opposition pendant neuf ans, probablement que l'opposition pourrait aller chercher dans le Journal des débats des discours sur le thème «C'est un jour sombre pour la démocratie». J'en ai sans doute prononcé moi-même. Que voulez-vous? En cette Chambre, il y a des règles, il y a des rites, il y a des coutumes, des usages. Il faut en tenir compte et, dans toute la mesure du possible, les respecter.

Pourtant, je vous signale, c'est peut-être un peu banal à dire, mais la suspension des règles est une disposition de notre règlement. On ne l'invente pas, ça existe dans le règlement. C'est un peu comme la clause dérogatoire, ou la clause «nonobstant» dans les chartes. Ça existe, c'est là. Il faut en user avec, je dirais, beaucoup de prudence, sans doute. Il ne faut pas en abuser, sans doute, mais ça existe, ça fait partie du règlement. C'est une disposition réglementaire.

Et, quand le gouvernement juge qu'il est requis d'y avoir recours pour faire adopter une loi d'urgence, bien, je pense qu'il est tout à fait légitime de le faire. Alors, ce n'est pas un acte despotique, ce n'est pas un geste arbitraire, ce n'est pas une réaction autocratique, c'est le recours à une disposition du règlement qui consiste à suspendre un certain nombre de règles pour qu'un projet de loi franchisse toutes les étapes législatives dans la même journée, dans la même séance, le plus rapidement possible. Tous les gouvernements l'ont utilisé. Nous l'utilisons depuis que nous sommes au gouvernement, depuis 1994. Le gouvernement libéral d'avant 1994 l'a aussi largement utilisé. Et, là aussi, je vais en quelque sorte respecter l'usage et le rituel, je vais évoquer un cas célèbre, exemplaire, où le gouvernement libéral a suspendu les règles pour faire adopter pas une loi, pas deux, pas 10, pas 15, pas 20, 28. Là, c'était vraiment sombre pour la démocratie, 28. Le soleil a disparu, c'était la brume opaque, un jour très sombre, 28. Le gouvernement libéral a fait adopter une motion de suspension des règles pour 28 lois, un record qui ne sera probablement jamais battu. En tout cas, nous n'avons pas cette ambition de battre ce record.

Pourquoi, M. le Président, recourt-on à la motion de suspension des règles? Pour essentiellement deux raisons. D'abord, on y recourt quand un projet de loi fait l'objet d'une obstruction systématique de la part de l'opposition. C'est des choses qui arrivent fréquemment, on peut dire presque à chaque session. L'opposition s'oppose, c'est le cas de le dire, à un projet de loi et elle a recours à l'obstruction, à des mesures dilatoires pour empêcher l'adoption d'un projet de loi ou empêcher son cheminement normal pour franchir les diverses étapes législatives.

Je vous donne un exemple de cette session-ci. J'ai présenté un projet de loi sur les lignes de transport d'Hydro-Québec, le projet de loi n° 42. Alors, il est actuellement en commission parlementaire. Nous avons débattu en commission parlementaire déjà maintenant pendant sept heures, et on n'est pas encore rendu à l'article 1. On est encore aux motions préliminaires. Alors, vous voyez, normalement, un projet d'une dizaine d'articles, en quelques heures, on en dispose de façon très sérieuse en commission parlementaire. Là, c'est clair, c'est manifeste, il y a une opposition, une obstruction systématique de la part de l'opposition à l'égard de ce projet de loi. Alors, dans des cas comme ceux-là, il arrive parfois que le gouvernement, s'il souhaite que son projet de loi soit adopté, ait recours à la suspension des règles. C'est le premier cas de figure.

Ensuite, l'autre cas de figure, c'est l'urgence. Et c'est précisément ce qui arrive avec le projet de loi n° 63, l'urgence, l'urgence de l'adopter, la nécessité de l'adopter immédiatement, sans délai. Ça arrive assez fréquemment aussi. Ça n'arrive pas à tous les jours, mais, dans le passé aussi... C'est ce qui arrive avec les lois spéciales, par exemple, dans le domaine du travail. Là, c'est vraiment une urgence, et on recourt à la suspension des règles pour faire adopter de pareilles lois.

(20 h 10)

Concernant le projet de loi n° 63, M. le Président, mon collègue ministre du Revenu, vice-premier ministre vous parlera plus abondamment de l'urgence. Il en fera une démonstration, à mon avis, irréfutable, sans équivoque. Il va démontrer que, si on ne l'adopte pas maintenant, non seulement ça risque, mais ça va porter préjudice, pas à quelques personnes, à des centaines de milliers de personnes. Ça va porter préjudice à des centaines de milliers de personnes, il en fera une démonstration, vous verrez, tout à fait lumineuse tout à l'heure. De sorte que, plus on retarde son adoption, plus on retarde en même temps des gestes bénéfiques pour des centaines de milliers de personnes, des centaines de milliers de citoyens, de citoyennes du Québec qui ne sont pas des personnes à revenus élevés, là, mais des personnes à revenus modestes.

L'opposition le sait, M. le Président, l'opposition sait tout cela, parce que le projet de loi n° 63, ce n'est pas un projet que le ministre du Revenu va déposer tout à l'heure, il l'a déjà déposé. Cette étape-là est terminée, il l'a déjà déposé il y a une semaine. Donc, ce projet de loi est connu de l'opposition. L'opposition en connaît le contenu et l'opposition sait pertinemment que, si on retarde l'adoption de ce projet de loi, ça comporte des préjudices à l'égard de plusieurs centaines de milliers de personnes au Québec. L'opposition le sait, et non seulement elle le sait, mais, en plus, en ayant recours à un avis juridique d'un ex-doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, elle en est arrivée à la même conclusion que nous, c'est-à-dire qu'il y a nécessité de clarifier la loi, particulièrement un article de la loi, l'article 69. Le ministre du Revenu vous en parlera tout à l'heure, il y a nécessité de le clarifier.

Là-dessus, là, la jurisconsulte, le vice-doyen, le doyen, l'ex-doyen, le jurisconsulte de l'opposition, en quelque sorte – appelons-le comme ça pour la circonstance, le jurisconsulte de l'opposition – M. Ouellette, Me Ouellette, mais aussi la Commission d'accès à l'information: unanimité sur ce plan-là, il faut clarifier la loi. Faut la modifier pour la clarifier. Alors, dans ce contexte, M. le Président, qu'est-ce que j'ai fait comme leader du gouvernement? J'ai contacté mon vis-à-vis, le leader de l'opposition, pour lui indiquer qu'il y avait nécessité d'adopter rapidement, dans des délais très brefs, le projet de loi n° 63 et lui exposer également les conséquences d'un retard à l'adopter. Et je lui ai demandé très, très simplement – c'est des choses qui arrivent entre leaders – j'ai sollicité en quelque sorte – ça arrive qu'on le fasse très souvent – son consentement. Son consentement, pourquoi? Son consentement pour que unanimement on adopte en une seule journée, en une seule séance le projet de loi n° 63, donc qu'ensemble on consente unanimement à déroger à un certain nombre de règles puis qu'on adopte au cours de la même séance le projet de loi.

Alors, j'ai demandé une réponse, parce que ça a des implications. S'il me dit oui, on prend la parole du leader. Dans ce cas-là, on dit: Bon, très bien. À ce moment-là, il n'est pas besoin de suspendre les règles. On a sa parole, et on appelle le projet de loi, et puis on file, et on franchit toutes les étapes au cours de la même séance. Mais la réponse m'est venue assez rapidement: ça a été un refus catégorique de la part de l'opposition. L'opposition a refusé d'accorder son consentement pour qu'on adopte rapidement, sans délai, au cours de la même séance le projet de loi n° 63, sachant très bien les conséquences de ce refus de consentir. J'ai été un peu, je dois dire, surpris et étonné, parce que, vous savez, depuis des semaines et des mois, l'opposition veut présenter et projeter l'image d'un parti politique et d'une opposition pleine de compassion, pleine de sympathie, pleine de pitié à l'égard des malades, à l'égard des bénéficiaires de la sécurité du revenu, à l'égard des personnes à revenus modestes qui sont, dit l'opposition, harcelées par Hydro-Québec pour recouvrement de factures. Bon. C'est l'image que l'opposition veut projeter, une image de compassion, et elle veut émouvoir, ce faisant, la population.

Eh bien, M. le Président, dans le cas qui nous intéresse, j'ai cru, bien naïvement et bien candidement, que je pourrais compter sur cette compassion, cette empathie, puisque le projet de loi n° 63 concerne précisément des centaines de milliers de personnes à revenus modestes. Alors, j'ai dit: Bon, puisqu'ils sont si compatissants, si pleins de pitié à l'égard des malades, des patients, des bénéficiaires d'aide sociale, des personnes à revenus modestes, je suis sûr que je vais obtenir le consentement puisque voilà un projet de loi qui concerne des centaines de milliers de personnes à revenus modestes. Eh bien, non, ça n'a pas été le cas. On a fait des tentatives auprès de la députée de Beauce-Sud, qui est porte-parole en matière de revenu. On lui a exposé les faits, on lui a dit: Si on vous convainc, si on vous démontre que ne pas adopter le projet de loi, le retarder, en retarder l'adoption, ça a des conséquences néfastes, négatives, nuisibles sur des centaines de milliers de personnes, hein... Écoutez, à ce moment-là, la députée de Beauce-Sud a refusé, carrément. Elle a dit: Écoutez, appelez le projet de loi, le ministre en débattra sur le principe, puis, si je me sens convaincue, si je trouve que la démonstration est bonne, bien, peut-être que, peut-être que... Bien, avec des «peut-être», ça ne peut pas marcher. Un leader du gouvernement ne peut pas marcher avec des «peut-être».

Alors, dans ce contexte-là, la seule solution, c'est clair, c'est la motion de suspension des règles. Et c'est ce que j'ai présenté ce matin devant l'Assemblée, M. le Président. C'est ce que nous allons adopter, avec mes collègues, pour faire en sorte que ce projet de loi soit adopté, devienne une loi, je ne sais pas à quelle heure, d'ici quelques heures, et qu'ainsi des centaines de milliers de personnes, de Québécois et de Québécoises, ne subissent pas des préjudices s'il y avait retard dans l'adoption de ce projet de loi.

Voilà ce qui explique, M. le Président, très simplement, sans éclat. Donc, ce n'est pas un jour sombre pour la démocratie, au contraire, c'est un jour qu'on consacre à venir en aide à des centaines de milliers de personnes. Et, en adoptant le projet de loi n° 63, c'est ce qu'on va faire. M. le Président, je vous remercie.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader du gouvernement. Nous allons maintenant céder la parole au leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chomedey. M. le leader adjoint.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Contrairement à ce que vient de prétendre le leader du gouvernement, on ne protège pas les revenus de centaines de milliers de personnes, on protège le salaire d'une seule personne, le ministre du Revenu. M. le Président, rappelons les faits, pas les fabulations, rappelons les faits. Les faits sont les suivants. Au mois d'avril, il y a des révélations à l'effet que des informations confidentielles, personnelles d'ordre fiscal ont été transmises par le ministère du Revenu vers une compagnie de sondage, la compagnie SOM. La ministre du Revenu se lève en Chambre, dit: Pour moi, tout est correct, mais j'ai demandé aujourd'hui un avis à la Commission d'accès à l'information. Peu de temps après, la Commission d'accès à l'information rend public un avis, avis dans lequel cette même Commission conclut à l'illégalité de cette transmission, et on connaît la suite: la ministre démissionne. Le premier ministre et le nouveau ministre du Revenu, à plusieurs reprises, ont qualifié ce geste de noble, de courageux, d'excellent exemple de comment il faut faire lorsqu'on suit nos règles parlementaires.

(20 h 20)

Seul petit problème, c'est que cette ministre du Revenu n'a occupé cette fonction que pendant un très court laps de temps. En effet, depuis 1996, c'est l'actuel ministre du Revenu qui agissait à titre de ministre en titre. Même s'il était ministre des Finances, il y avait un ministre délégué, une terminologie qui peut parfois être un peu confondante pour les non-initiés, mais, en gros, M. le Président, ce qui veut dire que la députée de Rosemont était en dessous du ministre des Finances à l'époque. C'est lui qui était le ministre responsable directement du Revenu, tout comme son prédécesseur, qui est un ancien président de l'Assemblée, était en dessous du ministre des Finances. Il était ce qu'on appelle en anglais, «a junior minister», ou un ministre délégué...

Une voix: Junior.

M. Mulcair: Oui, junior, c'est ça. Il n'est plus ministre, aujourd'hui, du tout. Alors, M. le Président, ça, c'est ce qui s'est passé avec la députée de Rosemont, elle a démissionné.

Par contre, M. le Président, lorsqu'il a été révélé qu'il y a eu aussi une transmission illégale d'informations confidentielles, personnelles d'ordre fiscal par le ministère du Revenu du Québec, cette fois-ci vers le Bureau de la statistique du Québec – qui vient de changer de nom, c'est un institut maintenant – bien, on a apporté ça à l'attention de la personne qui était responsable à l'époque, et quelle fut donc notre surprise de le voir tenir une conférence de presse le 13 mai, conférence de presse au cours de laquelle il a exposé pour la première fois la théorie qui connaît son aboutissement aujourd'hui. Sa théorie était la suivante: Je ne peux pas m'être trompé. Après tout, je suis moi-même celui qui ne se trompe jamais; or, ça doit être la faute de la loi si j'ai enfreint la loi.

Car, M. le Président, il faut aussi retenir, pour les fins de notre discussion ce soir, le fait que ce même nouveau ministre du Revenu a admis une fois en Chambre, une fois en conférence de presse qu'il avait effectivement enfreint la loi. Faut croire qu'il a volé une page dans le livre de Bill Clinton, parce que, quand on lui a demandé s'il avait enfreint la loi, il a répondu: Techniquement, oui. On se souvient tous des défenses de Bill Clinton. Il a dit: Ouais, ça dépend de la définition, hein? Alors, les citoyens, ils savent ce qui leur est arrivé: «technically», ils se font fait avoir, leurs informations secrètes, confidentielles qu'ils avaient confiées au ministère du Revenu avaient illégalement – le ministre l'a admis – été transmises à l'Institut de la statistique du Québec.

Il s'en est suivi une sorte de défense en deux temps, deux mouvements. La première défense constituait à continuer la diversion, diversion dont fait partie la motion de ce soir de suspendre les règles. Cette diversion consiste à dire: Le problème, c'est la loi; elle n'est pas assez claire, faut la changer sinon le monde va perdre son chèque. L'autre partie, en ce qui concerne la transmission au Bureau de la statistique du Québec des informations confidentielles, fiscales, personnelles sur des milliers de citoyens, cette partie-là, si on ne réussit pas à la noyer avec la référence à un projet de loi puis aux contrats, bien, on va au moins rendre un jugement. Alors, c'est là où le nouveau ministre du Revenu décide d'entendre sa propre cause. Il sort sa plume, et il écrit son propre jugement, et il s'autodéclare non coupable. Et il est convaincu de ça.

Le seul problème, c'est qu'il oublie que, quand il y avait eu des problèmes au bureau du premier ministre avec des informations fiscales du député bloquiste Ghislain Lebel, on a mis la Commission d'accès là-dessus. Nous, on avait dit que ce n'était pas le bon spot, puis l'histoire nous a donné raison. Mais, au moins, il y avait eu une tentative de vouloir montrer qu'on était prêt à découvrir la vérité. Lorsque la députée de Rosemont a découvert qu'il y avait des problèmes, tout de suite elle a demandé à la Commission d'accès...

Qu'est-ce qui se passe dans le cas du ministre du Revenu, le nouveau? Bien, comme il ne peut pas aller à la Commission d'accès à l'information – parce qu'il connaît la réponse d'avance – il cherche un avis juridique. Et, il y a deux semaines, notre Procureur général, qui s'appelle beaucoup de ce temps-ci elle-même la jurisconsulte du gouvernement, a produit en conférence de presse un communiqué de presse, communiqué de presse qui fait référence aux conclusions de ce qui est supposé être un avis juridique. Il y a deux petits problèmes, c'est qu'on n'a jamais vu l'avis juridique, elle refuse de le déposer, personne n'est capable de savoir ce que ça dit, et elle dit – elle l'a répété à maintes reprises et encore aujourd'hui – que, dans cet avis juridique, la ministre de la Justice n'a fait que répondre à la question qui lui avait été posée par le ministre du Revenu.

Alors, vous voyez le topo, M. le Président: il écrit son propre jugement, avec cinq motifs – ça, ça a commencé le 20 mai – les cinq motifs pour lesquels, lui, il n'a pas fait la même chose que la ministre du Revenu avant lui, la députée de Rosemont, qui avait dû démissionner, et il sort les conclusions d'un avis juridique. Fait intéressant, comme mon collègue le député de Marquette l'a démontré, et le leader de l'opposition, il a montré très clairement qu'à au moins trois reprises dans le passé, dans le cas des contrats Le Hir, dans le cas du FLQ et dans le cas...

Une voix: Byron Horne.

M. Mulcair: ...de Byron Horne, lorsqu'il y avait des avis juridiques qui pouvaient aider le gouvernement, ils en parlaient puis ils finissaient par les déposer. Ce n'est pas nous qui avons forcé Jacques Parizeau à déposer son avis juridique, il l'a fait lui-même en Chambre, et Paul Bégin, le député de Louis-Hébert. M. le Président, quand ils ont quelque chose qui peut les aider, ils ne se gênent pas pour le donner; quand ils ont quelque chose qui leur fait honte, ils le cachent, et c'est ce qu'ils continuent à faire avec cet avis juridique.

Mais il y a plus, M. le Président. Aujourd'hui, on a déposé un avis juridique de l'ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, avis juridique qui démolit les prétentions des conclusions du soi-disant avis juridique, que personne n'a jamais vu, du ministère de la Justice. Ça les démolit, ça les anéantit. Et, en plus, on continue à nous dire que c'est fait par des experts à l'intérieur du ministère. Mais non seulement l'avis demeure caché, non seulement les questions auxquelles l'avis est censé constituer une réponse demeurent cachées, mais les auteurs... Ils avaient des célèbres auteurs, des grands experts. Moi, de ma vie, je n'ai jamais connu un avocat ou un professionnel au gouvernement qui faisait une job... C'est même dans la convention collective des professionnels du gouvernement du Québec, que c'est leur droit de mettre leur nom sur leur travail, ça les aide. Moi, je n'ai jamais vu ça, un ministre se lever et dire: Bien, je ne peux pas vous donner l'avis puis je ne peux pas vous dire les questions. Mais elle pourrait au moins nous dire c'est qui, les grands experts qui ont écrit cet avis-là. Non, non, même pas, le nom des auteurs est secret. Quand ils veulent garder des informations personnelles secrètes, là ils sont capables de le faire, comme garder secret et taire le nom des soi-disant experts et des autorités qui auraient, soi-disant, écrit ce grand avis juridique.

Mais, M. le Président, l'avis d'Yves Ouellette, l'ex-doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, ne fait pas seulement anéantir les prétentions à propos de la nécessité d'adopter le projet de loi qui est devant nous ce soir, il s'attaque directement aux cinq motifs d'«auto-exculpation» que s'est donnés depuis le 20 mai notre courageux ministre du Revenu. Il dit: Il y a cinq raisons. Un à un, Me Ouellette s'attarde à ces questions-là, et, un à un, il les fait tomber. Et il conclut à ceci: En l'absence d'une enquête approfondie sur les faits, il n'est absolument pas plausible, pour le ministre du Revenu, de continuer à se lever dans cette Chambre et de prétendre qu'il existe cinq motifs qui différencient son cas de celui de la députée de Rosemont.

(20 h 30)

Moi, j'ajouterais, M. le Président, qu'il y a un vrai élément qui différencie les deux: c'est que le ministre du Revenu est prêt à tout mettre en marche, y compris imposer un bâillon ici aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, suspendre le droit des parlementaires d'être entendus, pour se sortir de ses mauvais draps, pour se tirer de cette affaire-là, et il le fait en déclarant que les contrats vont rétroactivement être corrects. M. le Président, aujourd'hui, et c'est intéressant de le constater, en se basant sur les conclusions de l'avis de Me Ouellette, qui ont été publiées dans un article, dans La Presse , aujourd'hui, c'est intéressant de voir comment le ministre du Revenu a sauté là-dessus, disant: Vous voyez, lui aussi dit que c'est vague, qu'il faut absolument changer la loi. Ce qu'il a oublié, c'est que c'est très dangereux de se fier sur les seules conclusions d'un rapport, parce que c'est parcellaire, ça ne dit pas tout, et justement c'est la raison pour laquelle, eux, ils refusent de rendre leur avis public. Le nôtre, on l'a rendu public aujourd'hui sans la moindre hésitation.

Mais l'avis juridique est très sévère à l'égard du projet de loi qui est sur la table ce soir, et je ne suis pas convaincu qu'il aurait réussi à tordre le bras de ses collègues pour lui permettre d'utiliser le bâillon ici, ce soir, s'ils avaient su le reste de l'avis juridique. Et ça vaut la peine de s'y attarder quelques secondes. Il dit, à propos de l'article 69: C'est un choix politique important qui banalise encore davantage le secret fiscal. C'est ça que dit l'ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, et expert, et autorité, et professeur émérite, et une personne qui a écrit des centaines d'articles et prononcé des centaines de conférence depuis les 30 dernières années. C'est ça, ce que dit Yves Ouellette au ministre du Revenu qui avait décidé d'écrire lui-même son jugement, d'écrire lui-même les cinq motifs pour lesquels ce n'était pas pareil dans son cas.

La vraie raison pour laquelle ce n'est pas pareil dans son cas, c'est qu'il refuse de poser le même geste, fort simple, posé par la députée de Rosemont, de dire: Écoutez, moi, je n'ai rien à me reprocher, moi, je vais demander à la Commission d'accès à l'information d'aller là-dedans. Mais non. Justement, comme un vieux magicien, il sort toujours quelque chose ici puis il fait un petit geste par là pour distraire l'attention pendant que, la vraie question, personne ne la voit.

Ce qui est une ironie de sa démarche aujourd'hui, c'est que je crois qu'il s'est convaincu – parce qu'il a le don de faire ça – que, en réglant la question des contrats et en se réclamant du besoin des gens d'avoir leur chèque de TVQ, peut-être que ça allait être fini. Mais ce qu'il n'a peut-être pas compris, c'est que, une fois la diversion terminée, là le monde va pouvoir commencer à se concentrer sur la vraie question. Une fois la diversion finie, le monde va commencer à se reposer la question: Mais comment ça se fait qu'il ne pose pas le même geste que la députée de Rosemont?

Lors de cette fameuse conférence de presse de diversion du vice-premier ministre, ministre des Finances – non, de ce temps-ci, c'est juste le ministre du Revenu – lors de sa fameuse conférence de presse du 13 mai, il a dit ceci: «On est en train d'évaluer les dommages. Évidemment, une des priorités, ça va être les remboursements de TVQ, et on le fera – et ce n'est pas nous qui l'avons dit, M. le Président, c'est lui, et c'est important de le retenir – à la mitaine, s'il le faut.» C'est drôle, ça. Le 13 mai, c'était possible. On les fera à la mitaine, s'il le faut, ces chèques-là.

Faut savoir, M. le Président, que le ministre a déposé ici, en Chambre, le 12 mai ce qui était supposé être la dernière version complète d'un registre qu'il doit obligatoirement tenir en vertu de la loi, un registre qui revêt un caractère très formel parce que déposé en Chambre, et une obligation en vertu de la loi. Ce qu'il est intéressant de noter, c'est que ce genre de contrats là, les 16 contrats dont il est question dans ce projet de loi là, ont tous été signés quand lui était le ministre du Revenu, contrairement à ce qu'il laissait entendre. Il fait souvent ça dans le «hot room», la petite salle où on fait des conférences de presse, ici. Ah, il a dit, c'était comme ça depuis 1985, pour que les gens se disent: Bien, est-ce que c'était comme ça avec un gouvernement précédent? Eh bien, non. Et il ne suffit pas juste de croire l'opposition, il suffit de croire le ministre du Revenu, parce que, dans le registre, le document très officiel qu'il a déposé avec beaucoup de pompe et de cérémonie ici, à l'Assemblée nationale, il n'est pas fait mention de quelque autre contrat de cette nature-là, jamais de l'histoire. Et, en 1994, la Commission d'accès à l'information avait étudié cette question-là, avait dit: Il n'y a vraiment aucune manière d'assurer le public à cet égard-là, on ne peut pas faire ça.

Alors, M. le Président, je me permets d'attirer l'attention non seulement des gens en face, mais aussi des gens qui nous écoutent sur la rouerie magnifique qui est en train d'être jouée ici. Un peu comme un joueur de poker qui joue le tout pour le tout, il pousse tous ses jetons dans le milieu de la table, sauf qu'il est en train de jouer avec notre argent à nous autres, parce que sa mise, là, hein, c'est les chèques de M. et Mme Tout-le-Monde. Puis, il dit: Si vous ne me backez pas là-dessus, là, vous allez perdre votre argent. C'est courageux, ça aussi, hein, jouer avec l'argent des autres? Je ne qualifierai pas ici, en cette Chambre, parce que ça risque d'être perçu comme antiparlementaire, mais il y a un journaliste qui a vu à travers ce jeu-là. Il a écrit des articles de fond, puis ça lui a mérité de se faire rabrouer et insulter publiquement par le ministre. Ça aussi, c'était très digne.

Non, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, on n'est pas dupe. On voit tout à fait ce qui est en train de se produire. Le ministre tente de sauter sur chaque occasion, un peu comme un naufragé qui se promène sur une plage, qui cherche n'importe quel objet qui brille pour tenter d'attirer l'attention ailleurs. Il cherche n'importe quoi pour que les gens oublient la vraie question: pourquoi lui a un différent traitement qu'elle, pourquoi deux poids, deux mesures pour exactement les mêmes faits.

Alors, ils auront beau déchirer leur chemise, lire n'importe quoi et dire, comme c'est leur habitude, n'importe quoi, ce n'est pas en train de marcher. Les journalistes l'ont compris, le public commence à le comprendre. Et, à ce jeu-là, M. le Président, le vrai perdant, c'est notre institution qui subit un bâillon ce soir, c'est le public qui se fait moquer de lui. Et c'est malheureux, car on a droit à mieux dans une société libre et démocratique que l'utilisation de nos institutions pour sauver la peau d'un ministre qui refuse de faire la chose que lui-même qualifiait de noble, c'est-à-dire demander un avis simple, clair, total, complet à la Commission d'accès à l'information. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint de l'opposition et député de Chomedey. Alors, je vous rappelle que le gouvernement a déjà utilisé 15 minutes de son temps. Nous cédons maintenant la parole au ministre du Revenu et vice-premier ministre du Québec.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, à ce stade-ci de nos travaux, je vais me concentrer sur ce que nos concitoyens et concitoyennes veulent entendre et sur ce que dit notre règlement d'ailleurs, de démontrer l'urgence de la législation qui est devant nous. J'ai compris cette urgence, bien que j'aurais voulu l'éviter. J'aurais voulu sincèrement que des employés du ministère du Revenu, permanents, par des moyens techniques ou même manuels, fassent ce qu'il est urgent de faire maintenant et que seule cette législation peut faire. Ce n'est pas possible. À l'impossible, nul n'est tenu, je vais le démontrer. Je vais démontrer pourquoi la chose est urgente, au nom de quels impératifs, et je reviendrai, à d'autres stades de la discussion, sur les justifications profondes de cette législation.

Cependant, on peut dire déjà, en guise d'introduction, que tous ceux et celles qui se sont penchés sur cette question en sont venus à la conclusion que nos lois devaient être clarifiées. Qu'il s'agisse de la Commission d'accès à l'information, qu'il s'agisse de l'avis de la jurisconsulte, qu'il s'agisse de l'avis de l'ancien doyen de la faculté de droit de l'Université de Montréal, les lois demandent à être clarifiées. Elles le seront, elles le seront d'une manière beaucoup plus vaste et beaucoup plus large mais non pas à l'occasion d'une fin de session, non pas dans l'activité fébrile des heures qui nous séparent de l'ajournement, mais après réflexion, après consultation des experts voulus et dans des circonstances plus propices. Mais, en attendant ces circonstances propices et en attendant ces éclaircissements plus complets, il est urgent... et je vais maintenant vous dire pourquoi il faut que notre Assemblée adopte cette législation.

(20 h 40)

J'avais demandé à mon leader de faire comprendre à l'opposition... Et, d'ailleurs, certains journalistes avaient suggéré à l'opposition, dont le plus expert sur cette question, M. Michel Venne, du Devoir , qui a écrit un livre sur la préservation des secrets fiscaux, clairement, avaient conseillé à l'opposition, qui, au début, d'ailleurs, avait fait preuve d'une attitude constructive, d'appuyer cette législation non seulement parce qu'elle est urgente, mais parce qu'elle améliore déjà, avant toute réforme plus globale, la protection des secrets fiscaux.

Alors, mon leader a fait les efforts qu'il a décrits, je l'en remercie. Malgré ses talents reconnus, il n'a pas été en mesure de faire valoir le bon sens à nos amis d'en face. J'ai essayé moi-même directement, comme c'est l'usage et comme mon leader me l'avait conseillé, de convaincre ma critique, la députée de Beauce-Sud, en lui offrant toute l'information technique, l'accès aux fonctionnaires, l'accès à tous les renseignements que le ministère du Revenu aurait pu lui divulguer pour la convaincre de l'urgence de cette législation. Je n'ai pas eu plus de succès que mon leader.

C'est la raison pour laquelle nous avons invoqué le règlement. Ce n'est pas dans le règlement pour rien, cette clause-là, c'est pour faire face à des situations exceptionnelles, et, précisément, la Commission d'accès à l'information, qui est d'accord avec cette législation, le fait parce que c'est une situation exceptionnelle, car, en effet, selon cette Commission, l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu ne permettrait pas à des employés d'une firme contractuelle, c'est-à-dire des gens qui, appartenant à une firme extérieure, sont à contrat avec le gouvernement, d'être mis en contact avec des renseignements personnels. C'est ce que dit la Commission. Depuis la première minute où je suis devenu ministre du Revenu, je me suis engagé à ne plus rien faire dans ces matières sans consulter la Commission. J'ai tenu parole, et chacun de nos gestes pouvant impliquer des questions de renseignements personnels a été scrupuleusement soumis à la Commission, y compris le geste que je demande à l'Assemblée nationale de poser ce soir de façon urgente.

Alors, la CAI nous donne son opinion. Devant cette nouvelle opinion qui s'ajoutait à celle rendue le 27 avril dernier dans le dossier de la firme de sondage SOM, j'ai appliqué la règle de la prudence. C'est ce que j'ai dit en devenant ministre du Revenu: Transparence et prudence. Et j'ai même dit: Trop fort ne casse pas. Alors, quand, dès le 13 mai, nous avons suspendu l'exécution de 19 contrats, dont 16 à des firmes d'informatique, le temps de nous permettre de clarifier l'imbroglio juridique entre le ministère du Revenu et la Commission d'accès à l'information – nous prenons au sérieux le traitement des renseignements personnels – dès qu'un doute fut émis par la CAI, dans un geste qui, d'abord, s'est fait sans délai et était assez spectaculaire, on a dit aux consultants: Vous ne pouvez plus entrer au ministère. On a révoqué les cartes de sécurité, on a mis fin à tout ce qui aurait pu, d'une façon minimale, contrevenir à un avis de la CAI. Compte tenu du débat concernant la portée de l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu, j'ai également annoncé le 13 mai dernier – alors, vous voyez que tout ça, c'est en séquence, on n'a pas perdu de temps – que des démarches avaient été entreprises, tant auprès de la CAI que de la jurisconsulte du gouvernement, afin de clarifier les dispositions concernant le secret fiscal.

Alors, premier geste de prudence, on stoppe toute opération; deuxième, on demande des avis. Dans une lettre datée du 13 mai, le président de la Commission indique d'ailleurs – et je le cite, et c'est très important pour guider nos travaux et pour que tous les membres de cette Assemblée se persuadent que ce que nous faisons doit être fait et a l'approbation de l'instance responsable: «La Commission souscrirait à l'adoption par l'Assemblée nationale d'une modification législative pour clarifier la situation.» C'est la Commission qui parle, et elle parle comme tous les autres juristes consultés en cette matière. «Il ne s'agit donc pas de rendre légal ce qui ne le serait pas, puisque aucun juge ne s'est prononcé en ce sens. Des thèses juridiques respectables ont été avancées par des juristes individuels ou des équipes de juristes respectables.

Donc, il ne s'agit pas de rendre légal ce qui ne le serait pas. Il s'agit plutôt de se donner des dispositions législatives claires, qui vont permettre au ministère du Revenu de faire son travail, au-dessus de toute controverse d'interprétation, concernant la nécessaire protection du secret fiscal.

Et, ici, je veux faire une parenthèse, M. le Président, pour parler des fonctionnaires du ministère du Revenu dont je suis le responsable. Il y a plus de 10 000 hommes et femmes qui travaillent dans un des ministères les plus cruciaux, de toutes les administrations publiques du monde, d'ailleurs, puisque, sans une action intelligente et efficace du ministère du Revenu, il n'y a aucune autre institution ayant besoin de moyens matériels, c'est-à-dire toutes les autres, y compris cette Assemblée nationale, et tous les autres ministères qui pourraient fonctionner. Le ministère du Revenu a la mission délicate, parfois ingrate, de faire entrer des fonds dans les caisses de l'État. Plusieurs autres ministères et ministres ont les consolations d'annoncer des bonnes nouvelles, d'inaugurer des édifices, de mettre de l'avant des politiques passionnantes; le ministère du Revenu et les hommes et les femmes qui y travaillent ont la tâche ingrate, jour après jour, de ne pas annoncer de bonnes nouvelles, mais de percevoir des impôts et des taxes de la façon la plus juste, la plus efficace possible.

Et il arrive aussi que ce ministère, et c'est le cas qui nous occupe ce soir, ne perçoit pas mais retourne de l'argent. Le ministère du Revenu a aussi le mandat de retourner des chèques à la population, dans plusieurs circonstances. Il y a beaucoup de gens qui en ont reçu ces jours-ci, là, c'est les retours d'impôts. Ce n'est pas de ça dont il s'agit dans notre loi. C'est plus précisément le remboursement de la taxe de vente. En raison du fait que c'est une taxe régressive qui ne tient pas compte de la fortune de chacun, on la paie au moment de l'achat, qu'on soit milliardaire ou qu'on soit assisté social. Alors, pour permettre de rendre cette taxe juste, on la rembourse.

D'ailleurs, notre gouvernement a l'honneur d'être le premier, depuis que cette taxe existe, c'est-à-dire depuis à peu près 1944, à la rembourser totalement, et même au-delà, par deux chèques dans l'année, un au mois d'août et un au mois de décembre. Celui dont on parle, évidemment, c'est celui du mois d'août qui pourrait être mis en péril et qui ne le sera pas, M. le Président, je l'assure aux personnes qui attendent ce chèque. Et j'assure les fonctionnaires, hommes et femmes du ministère du Revenu qui vont travailler dans cette opération, qu'ils vont le faire en toute légalité, et suivant ce qu'aura décidé notre Assemblée nationale ce soir.

Alors, je continue le déroulement de cette affaire. Le 20 mai dernier, la jurisconsulte du gouvernement a rendu publiques les conclusions de son opinion juridique. J'en cite les éléments principaux.

L'opinion juridique conclut que «l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu autorise le ministère du Revenu à communiquer des renseignements fiscaux dans le cadre de l'octroi de contrats de services professionnels ou de mandats».

La jurisconsulte continue en disant: «Le tout donne un résultat qui est porteur d'incertitudes et, en conséquence, de risques à la fois pour les fonctionnaires – ceux et celles dont je viens de parler – et les ministres – ceux d'aujourd'hui et ceux de demain – qui agissent en toute bonne foi en vertu de l'article 69...»

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le vice-premier ministre et ministre du Revenu. M. le leader adjoint de l'opposition.


Question de règlement portant sur le dépôt de documents cités


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, oui. En vertu de l'article 214, citation de documents. Le ministre vient de citer ce qu'il prétend être un avis juridique de la jurisconsulte. L'article 214 de notre règlement ne saurait être plus clair: Lorsqu'un ministre cite, même en partie, un document, tout député peut lui demander de le déposer immédiatement et le ministre doit s'exécuter.

M. le Président, on va enfin connaître le contenu de l'avis juridique qui, jusqu'alors, était gardé secret.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader.

M. Brassard: M. le Président, sur la question de règlement.

(20 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader, je pense que, si on regarde bien, si on lit bien l'article 214, c'est à la discrétion du ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Oui, c'est à la discrétion du ministre, M. le Président, mais je voudrais quand même informer cette Chambre que c'est un bel effort de la part du leader adjoint, mais il s'agit... Ce que le ministre du Revenu cite, ce sont les conclusions de l'avis juridique qui ont été déposées, qui sont publiques.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous écoute, M. le leader adjoint de l'opposition.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: L'article 214 précise clairement, et on va le lire ensemble: «Lorsqu'un ministre cite, même en partie...» Les conclusions font partie de l'avis juridique. Ce n'est pas seulement nous qui disons qu'il citait les conclusions, je cite une autorité aussi importante que le leader du gouvernement qui vient de nous le dire. Il citait donc, M. le Président, ça ne peut absolument pas être plus clair, ce qu'il prétend être un avis juridique de la personne qu'il nomme «la jurisconsulte». Je poursuis notre lecture: «Lorsqu'un ministre cite, même en partie, un document, tout député peut lui demander de le déposer immédiatement. Le ministre doit s'exécuter sauf – et là je le cite encore, le texte de 214 – s'il juge que cela serait contraire à l'intérêt public.» On ne parle pas de son intérêt personnel, on parle de l'intérêt public. S'il y a une raison d'intérêt public, qu'il le dise, qu'il le fasse savoir. Mais, dans la mesure où il est en train d'essayer de convaincre cette Chambre qu'il y a urgence d'adopter ce projet de loi, je pense qu'il va avoir du mal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader adjoint de l'opposition. Alors, M. le ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, c'est bien sûr par toutes sortes d'astuces qu'on essaie de m'empêcher de convaincre cette Chambre, mais je suis sûr que je vais convaincre cette Chambre et je vais continuer mon travail. Mais, avant de le faire, je voudrais quand même, là, illustrer comment le leader adjoint...

M. Paradis: Question de règlement, à ce moment-ci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. J'ai capté l'intervention, je ne comprends pas qu'il n'y ait pas de décision de la présidence qui s'appuie sur les dispositions de l'article 214. On n'est pas dans une zone d'interprétation, on est dans une zone qui est... M. le Président hoche de la tête, il pense qu'une zone d'interprétation... «Lorsqu'un ministre – je pense que c'est le cas – cite, même en partie, un document, tout député peut lui demander de le déposer immédiatement.» La demande a été faite. «Le ministre doit s'exécuter – c'est assez clair, «doit», pas «peut» s'exécuter, «doit», même si c'est le vice-premier ministre – sauf s'il juge que cela serait contraire à l'intérêt public.» Si, à ce moment-là, il nous dit que c'est contraire à l'intérêt public, est-ce qu'il pourrait nous dire pourquoi?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je me vois encore dans l'obligation de citer un ex-collègue du leader de l'opposition, un ministre de la Justice remarquable, le ministre de la Justice Gil Rémillard, ministre de la Justice dans le gouvernement Bourassa, qui a exprimé d'une façon simple et claire le principe suivant, qu'il n'est pas d'intérêt public de rendre publics, donc de déposer à l'Assemblée nationale, les avis juridiques du jurisconsulte. Alors donc, par conséquent, le «sauf» s'applique.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mais pour compléter...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader, je vous entends.

M. Paradis: Vous avez entendu le leader du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous entends, M. le leader.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Il vient de citer la règle qui a été énoncée par un ancien Procureur général. Simplement pour vous rappeler et lui rappeler que, dans trois dossiers, le dossier du FLQ, le dossier du Club Rez et le dossier des contrats dans l'affaire Le Hir, et le Procureur général du Québec qui a précédé celle qui est là actuellement et le premier ministre qui était Jacques Parizeau à l'époque ont déposé, en cette Chambre, des avis juridiques parce qu'ils ont jugé de l'intérêt du gouvernement ou de l'intérêt public de les déposer. La règle s'applique sauf que, lorsqu'un ministre est impliqué, il y a trois précédents, et un de ces précédents implique un ancien premier ministre, M. Jacques Parizeau, qui avait un respect pour nos règles parlementaires, et un ex-ministre de la Justice, qui est le député de Louis-Hébert et actuel ministre de l'Environnement. Si on refuse de le faire, qu'on s'explique, M. le Président, parce que la population et le leader de l'opposition ne comprennent pas pourquoi on garde un tel avis secret et caché.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, une dernière intervention?


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Ça fait plusieurs fois que je le répète; le leader de l'opposition fait mine de ne pas comprendre ou de ne pas entendre.

Il n'y a pas eu de dépôt dans les trois... Oui, il y a eu un dépôt d'avis juridique dans un des trois cas, le Club Rez; c'est lui qui l'a déposé, et nous nous sommes mal comportés, comme formation ministérielle... Je n'ai pas terminé. Je n'ai pas terminé...

Le Vice-Président (M. Pinard): Un instant! Je vais...

M. Brassard: Je n'ai pas terminé. Je n'ai pas terminé.

Le Vice-Président (M. Pinard): Un instant! Un instant!

Messieurs! Messieurs! Messieurs! On va régler ça très rapidement, très rapidement.

J'ai ici deux jurisprudences. J'ai ici deux jurisprudences... M. le leader de l'opposition, veuillez m'écouter une seconde!

S'il vous plaît, messieurs! S'il vous plaît! la soirée est jeune. Nous allons veiller tard ensemble, bon, possiblement.

Alors, concernant l'article 214 – c'est cet article que le leader adjoint de l'opposition a cité tout à l'heure – il y a deux jurisprudences: une du 13 février 1979, rendue par Clément Richard; une du 30 mai 1985, rendue par Richard Guay, à l'effet: Est-ce que le ministre est tenu de déposer le document auquel il se réfère? Le ministre n'est pas tenu de déposer le document auquel il se réfère.

Aucune citation d'un document n'a été faite. Il y a eu une simple référence. Or, le règlement n'exige que les dépôts des documents cités.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, il n'y a pas de citation... Écoutez... Actuellement... S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Nous en sommes à l'article 214, et: «Le ministre doit s'exécuter, sauf s'il juge que cela serait contraire à l'intérêt public.» C'est la responsabilité du ministre de déposer, ou non, le document.

M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, ça ne restera pas là! Vous avez cité une jurisprudence qui disait qu'un document n'avait pas été cité. Vous êtes dans l'erreur. Vous êtes mal conseillé. Prenez le temps de faire ce que votre prédécesseur sur le banc a fait cet après-midi, dans un même type d'opération. Retirez-vous, vérifiez ce qui a été dit par le leader du gouvernement et revenez donner l'heure juste à l'Assemblée nationale. Vous en êtes responsable.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vais suspendre quelques minutes. Je vais aller vérifier le transcript. Je vais vérifier le transcript.

(Suspension de la séance à 21 heures)

(Reprise à 21 h 46)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, vous allez comprendre qu'à ce stade-ci je dois rendre maintenant ma décision.

M. Mulcair: Question de directive.

Le Vice-Président (M. Pinard): Une question de directive? Je vous écoute.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: L'opposition officielle vient, il y a quelques instants à peine, de recevoir copie des transcriptions qui viennent d'être préparées, ce que, nous, on appelle ici, en Chambre, communément les «galées». On vient juste de les recevoir. Puisque la décision que vous allez rendre, et qui va être très importante dans notre débat, concerne ce qui a été dit par notamment le leader du gouvernement, notre prétention, notre mémoire, c'était que, lui, il avait justement avoué que son ministre du Revenu avait cité les conclusions d'un avis juridique. Alors, on aimerait avoir juste quelques instants pour pouvoir les lire – c'est cinq, six pages 8½ X 14 – et ça va nous permettre de nous préparer mieux.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le...

Des voix: ...


Décision du président

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît. M. le leader adjoint de l'opposition, vous avez mis, tout à l'heure, en doute le travail de la présidence. Vous avez déposé une requête en vertu de l'article 214. J'ai reçu vos propos et je suis effectivement allé voir la cassette des débats, plus particulièrement le passage où le ministre du Revenu, selon les différentes interprétations, fait référence ou cite un document.

Le leader et le leader adjoint de l'opposition officielle prétendent que le ministre a cité une opinion juridique de la jurisconsulte et qu'en vertu de l'article 214 de notre règlement il doit la déposer. Pour ma part, je pensais que le ministre n'avait pas cité en soi l'opinion mais plutôt les conclusions de l'opinion rendues publiques par la ministre de la Justice et jurisconsulte du gouvernement.

De fait, depuis quelque temps, il semble ressortir des débats de l'Assemblée qu'il y a une distinction très importante entre l'opinion proprement dite et les conclusions de cette opinion. Quoi qu'il en soit, lors de son intervention à l'Assemblée il y a quelques minutes, M. le ministre du Revenu a mentionné ce qui suit, et je cite: «Le 20 mai dernier, la jurisconsulte du gouvernement a rendu publiques les conclusions de son opinion juridique. J'en cite les éléments principaux.» Fin de la citation.

Est-ce que le fait de citer les conclusions rendues publiques par la ministre de la Justice et dont on a fait référence à plusieurs reprises en cette Chambre doit être vu comme une citation de l'opinion de la jurisconsulte? Il est difficile pour la présidence de se prononcer sur cette question, puisqu'elle n'a pas en main les documents en cause. En toute bonne foi, il y a quelques minutes, j'ai fait une distinction entre ces deux documents. C'est pourquoi je n'ai pas considéré que le ministre avait cité l'opinion mais seulement les conclusions qui ont été rendues publiques.

Cela étant, seul le ministre du Revenu peut répondre à cette question: A-t-il cité l'opinion dans son ensemble ou seulement le document contenant les conclusions? D'après son intervention en Chambre, il semble qu'il a cité en partie les conclusions. C'est donc le ministre qui doit éclairer la Chambre à cet égard. S'il a cité l'opinion dans son ensemble, il doit la déposer en vertu de l'article 214, à moins qu'il juge que cela sera contraire à l'intérêt public. S'il a cité un document contenant seulement les conclusions, il doit déposer ce document seulement, toujours sous réserve de l'intérêt public, dont il est le seul juge.

Alors, mon opinion étant ceci, nous allons être en mesure de poursuivre nos débats.

M. Paradis: M. le Président.

(21 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Je comprends la difficulté de la situation dans laquelle vous place le secret gouvernemental autour d'une opinion juridique. La seule façon, M. le Président – et nous serions prêts à y consentir – dont vous pouvez rendre une décision éclairée, dans les circonstances, c'est que vous ayez en main... Et, si le gouvernement ne veut pas la rendre publique, si le gouvernement souhaite le cacher à la population, qu'au moins le gouvernement remette l'avis juridique à la présidence pour que la présidence de l'Assemblée nationale, sous pli confidentiel, soit à même de rendre une décision éclairée.

Si on souhaite tenir la population dans l'obscurité, au moins, que la présidence de l'Assemblée nationale ait en main les outils nécessaires pour rendre une décision qui soit éclairée. Nous vous faisons confiance, M. le Président, lorsque vous en aurez pris connaissance, vous serez à même de rendre une décision. À ce moment-ci, la stratégie de cachotteries et de secrets...

Des voix: Ah, ah, ah!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je reviens toujours à l'article 214, et, en vertu de l'article 214, selon l'intérêt public, M. le ministre du Revenu peut déposer soit le document contenant les conclusions auxquelles il a référé ou tout simplement ne pas déposer de document s'il le juge à propos au niveau de l'intérêt public.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est très clair.

M. Paradis: Vous avez dit... J'ai en main les transcripts de ce qui a été dit à l'Assemblée nationale. Je comprends votre situation. Vous n'êtes pas en mesure, parce que vous n'avez pas l'information pertinente parce que le gouvernement souhaite la garder secrète... Je demande...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Paradis: ...à ce moment-ci, M. le Président, au gouvernement, au moins, de vous faire confiance...

Une voix: ...

M. Paradis: ... – non, non – s'ils ne veulent pas la rendre publique, au moins, de faire confiance à la présidence de l'Assemblée nationale, de remettre l'avis juridique à la présidence de l'Assemblée nationale pour permettre à la présidence de l'Assemblée nationale de s'acquitter correctement de ses...

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, ce qu'a cité le ministre du Revenu, ce sont les conclusions qu'on retrouve dans un communiqué de presse en date du 20 mai 1999. C'est ce communiqué-là qui a été rendu... Je peux bien le déposer, c'est un communiqué.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous désirez le déposer, M. le leader?

M. Brassard: Oui, bien sûr, mais c'est un communiqué.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour que le dépôt de ce document s'effectue?

M. Brassard: C'est un communiqué. C'est ça qu'il a cité. M. le Président, c'est ça qu'il a cité, ce sont les conclusions qu'on retrouve dans un communiqué de presse. C'est ça qu'il a cité. Je peux bien le déposer, mais le communiqué, il est certainement public, hein?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, mademoiselle. M. le leader, est-ce qu'il y a consentement...

M. Paradis: M. le Président.

M. Brassard: Il a cité le communiqué.

M. Paradis: La seule façon dont la présidence peut...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'ai...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader! M. le leader, s'il vous... MM. les leaders!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs! Je suspends les travaux!

(Suspension de la séance à 21 h 53)

(Reprise à 21 h 57)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous en sommes au dépôt d'un document par le leader du gouvernement et le ministre du Revenu. Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document en question?

M. Mulcair: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Comme tous les membres de cette Assemblée, l'article 179 de notre règlement indique les sources, les règles qui gouvernent notre comportement, nos procédures, nos débats. L'article en question précise trois sources possibles: la loi, le règlement et les règles de fonctionnement, et les ordres.

M. le Président, tout à l'heure, vous avez donné une règle à l'effet qu'il y a une différence entre citer une opinion juridique dans son ensemble – c'était votre terme exact – et citer seulement les conclusions. Et vous avez même évoqué une certaine tradition, quelque chose de récent, selon vous. La seule chose que j'ai dans le livre dont je dispose comme parlementaire, mon livre de règlements, qui est peut-être différent du vôtre, c'est l'article 214 qui se lit comme suit: «Lorsqu'un ministre cite, même en partie, un document, tout député peut lui demander de le déposer immédiatement.» M. le Président, c'est tout ce qui est écrit dans le mien.

Est-ce que vous pouvez me dire s'il y a une autre source que les trois sources mentionnées à l'article 179 dont j'aurais intérêt à être au courant? Je pourrais ainsi informer les autres collègues ici, de ce côté-ci de la Chambre. Est-ce que vous pouvez à ce moment-là nous dire où elle se trouve, qui l'a adoptée et sur quoi c'est basé? Sinon, je vous inviterais à nous expliquer votre distinction lorsque 214 dit pourtant très clairement: Lorsqu'il cite, même en partie, un document.

Que les conclusions de l'avis juridique secret, caché, de la ministre de la Justice se trouvent sur l'arrière d'une enveloppe, se trouvent dans un communiqué de presse, se trouvent dans une note que le ministre du Revenu a écrite sur sa main pour l'aider dans son discours, il cite le document. Le document, c'est l'avis juridique. Peu importe d'où vient le petit bout. C'est ce qu'il a fait, vous l'avez reconnu, il a cité le document en partie. C'est ce qu'a reconnu le leader du gouvernement, où il citait les conclusions de l'avis. Le document qu'il cite, c'est l'avis juridique. Alors, ce que, nous, on doit savoir, si on veut pouvoir poursuivre ce soir, c'est la source de cette nouvelle règle...

(22 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je pense que je vais répondre assez rapidement à votre... Oui, M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Avec tout le respect que je vous dois, avant que le député de Chomedey ait fini son intervention, je vous ai vu faire signe de même: Non, je ne vous entends pas, ma décision est déjà...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...

M. Paradis: Vous pouvez penser que vous êtes prêt, vous pouvez penser que vous êtes prêt, mais votre obligation de président vous oblige à l'entendre et à ne pas lui indiquer qu'il a tort avant d'avoir fini de l'entendre. Vous pouvez penser et vous pouvez maintenir vos conclusions, vous pouvez avoir la vérité divine, mais vous n'avez pas le droit de l'interrompre lorsqu'il vous fait une présentation sur des questions de règlement en lui disant: Dis-moi ce que tu veux; moi, je sais ce que j'ai à dire. Ce n'est pas la façon de présider des débats de l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous savez, M. le leader de l'opposition, lorsque le président écoute profondément ou écoute d'une façon très attentive votre intervention, vos interventions, ça vous est arrivé à vous aussi à plusieurs reprises de voir si, effectivement, je pouvais partager l'opinion que vous pouvez mettre de l'avant ou tout simplement si, comme président de l'Assemblée, je ne partage pas nécessairement vos propos ou encore votre façon de voir les choses. Dans le cas...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, dans le cas du député de Chomedey, on revient à la question de base. Et le président n'a pas d'opinion juridique qui a été émise par la jurisconsulte. Le ministre du Revenu a cité – a cité – et on m'a bien dit d'aller vérifier quels étaient les propos qui avaient été dits par le ministre du Revenu. Vous les avez dans les galées; moi, j'ai été les consulter à la télévision, au niveau de notre télédiffusion des débats, et j'ai également les galées. Et le ministre du Revenu a mentionné: «Le 20 mai dernier, le jurisconsulte du gouvernement a rendu publiques les conclusions de son opinion juridique. J'en cite les éléments principaux.» Bon.

Des voix: Eh voilà!

Le Vice-Président (M. Pinard): Les conclusions de l'opinion juridique... Je reviens, je reviens. En vertu de l'article 214, M. le ministre du Revenu peut déposer le document qu'il a cité.

Des voix: Doit.

Le Vice-Président (M. Pinard): Doit, doit déposer, sauf si c'est contraire à l'ordre public. Le document qu'il a cité, M. le leader du gouvernement nous le dépose.

Des voix: Non, non, non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je ne peux pas...

M. Paradis: M. le Président, c'est là le problème.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition...

M. Paradis: Aïe! c'est...

Le Vice-Président (M. Pinard): Ce n'est pas des extraits de l'opinion juridique de la jurisconsulte qui ont été cités, ce sont des...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs, vous savez la différence qu'il y a entre un extrait d'un avis juridique et la conclusion...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je regrette, M. le leader de l'opposition, je regrette...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition! M. le leader de l'opposition, s'il vous plaît. Je vous ai demandé: Est-ce que vous acceptez le dépôt du document par le leader du gouvernement? Est-ce que c'est oui ou non?

M. Paradis: M. le Président, on vous induit en erreur.

Une voix: ...

M. Paradis: M. le Président, on vous induit en erreur, on tente de faire avec vous ce qu'on a fait avec le président qui a dû renverser sa décision cet après-midi...

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez. S'il vous plaît! Je suis à l'étape: Est-ce que le dépôt du document est accepté, oui ou non?

Des voix: Voyons donc!

M. Paradis: Ce n'est pas la vraie question.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le dépôt du document n'est pas accepté.

M. Paradis: Ce n'est pas la vraie... M. le Président, ce n'est pas la vraie question.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, depuis... Vous avez demandé que j'aille vérifier, j'ai été vérifier. Je suis d'opinion... Mon opinion a été émise, elle est sur les galées maintenant, et... Je reviens à l'article 214. M. le ministre du Revenu... Alors, à ce stade-ci...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Bon. Le document n'est pas accepté de la part de l'opposition...

Une voix: Non, ce n'est pas ce qu'on a dit.

Une voix: Ce n'est pas le bon document.

Le Vice-Président (M. Pinard): Ce n'est pas ce que vous dites?

Une voix: Non, ce n'est pas ce qu'on dit.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ma question: Est-ce que le document déposé par le leader...

M. Paradis: Ce n'est pas ça, la question, M. le Président.

Une voix: C'est clair: Non!

M. Paradis: Ce n'est pas la question, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, écoutez, les propos qui ont été dits par le ministre du Revenu sont à l'effet qu'il a rendu publiques les conclusions de son opinion juridique. Bon. O.K. Mais les conclusions de l'opinion juridique...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le document...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): L'opinion... Les conclusions de l'opinion juridique rendue par le jurisconsulte du gouvernement le 20 mai dernier, alors est-ce que ce document... conclusions... Alors, je...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Je vais tenter calmement, M. le Président, dans des circonstances qui sont difficiles pour tout le monde et pour la présidence également – et je l'apprécie, M. le Président... Vous ne pouvez pas rendre une décision à ce moment-ci parce que vous n'avez pas entre les mains l'avis juridique. Si vous aviez entre les mains... Je comprends que le gouvernement ne veut pas le rendre public, c'est la décision gouvernementale, mais que le gouvernement ne fasse pas confiance à la présidence pour lui confier l'avis juridique pour que vous puissiez vérifier si c'est vraiment de l'avis juridique ou d'un simple communiqué de presse...

La décision que vous rendez n'est pas fondée sur les faits, M. le Président, et, quand une décision de la présidence n'est fondée ni sur les précédents, ni sur les ordres de la Chambre, ni sur les faits, ça nous place, tous les parlementaires des deux côtés de la Chambre, dans une situation extrêmement difficile. Moi, j'invoque, là, à ce moment-ci, auprès de mon ami le leader du gouvernement, la situation suivante: si vous remettez l'avis à la présidence... Et je demande à la présidence de le garder confidentiel si vous ne voulez pas le rendre public. Vous prétendez que c'est de votre droit, je n'argumenterai pas à ce moment-ci sur cet élément-là. Mais vous placez la présidence de l'Assemblée nationale dans une situation qui est intenable. La présidence de l'Assemblée nationale ne peut pas décider s'il s'agit de quelque chose qui est contenu dans l'avis juridique ou dans un communiqué de presse parce qu'elle n'a pas les moyens de le vérifier. Et cette situation qui est intenable, M. le Président, et qui vous préoccupe présentement, je la déplore.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous remercie, M. le leader de l'opposition. À ce stade-ci, nous n'avons pas en main l'opinion juridique.

M. Paradis: M. le Président, à ce moment-ci, je m'attendrais au moins à ce que vous demandiez à mon bon ami le leader du gouvernement...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Paradis: ...de vous remettre l'avis juridique.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: J'invoque l'article 214 où il est dit – d'ailleurs, il a été abondamment cité au cours de ces derniers temps – que le ministre doit s'exécuter, sauf s'il juge que cela serait contraire à l'intérêt public. Ce qui a été cité, bon, on peut bien s'interroger si c'est l'opinion juridique...

Des voix: ...

(22 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, je l'ai manqué là, je l'ai manqué. Excusez-moi.

M. Brassard: Admettons, peu importe... Ce que je vous dis, c'est que, concernant l'avis juridique, concernant l'opinion juridique de la jurisconsulte sur cette question, le ministre, le gouvernement juge qu'il est contraire à l'intérêt public de le rendre public.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Donc, vous avez votre réponse, M. le leader de l'opposition. O.K. Oui.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je pense qu'il s'agissait là de la seule attitude responsable après que le leader du gouvernement eut déclaré en cette Chambre: «Ce que le ministre du Revenu cite, ce sont les conclusions de l'avis juridique qui ont été déposées, qui sont publiques.» C'était la seule conclusion possible à ce moment-ci, à moins que le gouvernement ait décidé de vous donner les moyens de rendre une décision éclairée ou à moins que le gouvernement ait décidé de ne plus garder secret l'avis juridique.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons poursuivre, nous allons poursuivre dans le calme, le débat, notre débat restreint. M. le vice-premier ministre et ministre du Revenu, vous avez déjà 21 minutes de prises...

M. Mulcair: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi. M. le leader adjoint de l'opposition.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Juste afin de nous aider à bien comprendre les règles qui vont régir l'ensemble de nos débats, surtout dans un contexte de suspension des règles, je pense que le moins auquel on puisse s'attendre, c'est d'avoir le droit de connaître les règles clairement.

L'article 214 parle du fait qu'on doit déposer un document lorsqu'il est cité même en partie. Tout à l'heure, vous avez dit: «C'est différent lorsque c'est un extrait.» Vous avez aussi dit que «lorsque le document n'est pas cité dans son ensemble». Je vous réitère que l'article 179 de la version dont je dispose, du règlement, précise qu'il y a trois sources de règles possibles régissant nos débats et nos travaux en Chambre: la loi, le règlement et ses règles de fonctionnement, et les ordres. Je vous demande juste de m'aider à trouver dans l'une ou l'autre de ces trois sources possibles la stipulation que vous avez citée tantôt. Dites-nous où est-ce qu'on trouve votre référence à un extrait – c'est le terme exact que vous avez employé tantôt – et votre référence au fait que c'est différent, et il faut savoir si on a cité l'opinion dans son ensemble. Où est-ce qu'on le trouve là-dedans? On est dans un débat à l'Assemblée nationale, on a le droit de savoir les règles qui nous régissent.

Et en terminant, M. le Président, je tiens à dire ceci. Le leader du gouvernement tantôt a très clairement dit que le nouveau ministre du Revenu avait bel et bien cité l'avis juridique. C'est dans les galées. M. le Président, on aimerait savoir maintenant: C'est quoi, l'élément public? On a le droit de savoir. Et, si on s'apprête à suspendre les règles de l'Assemblée nationale pour abrier les gestes du nouveau ministre du Revenu, on a le droit de savoir c'est quoi, les motifs publics.

Est-ce que c'est parce qu'il y a des poursuites qui sont prévues? Auquel cas on va être d'accord qu'effectivement ça peut être d'intérêt public de continuer de garder l'avis secret. Mais la dernière fois que la question a été posée à la ministre de la Justice, elle avait dit qu'il n'y avait pas de poursuites pour l'instant. Est-ce que cette situation – on a le droit de le savoir – est-ce que cette situation a changé? Est-ce qu'il y a des poursuites en vue dans l'affaire concernant la transmission de renseignements fiscaux confidentiels sur des milliers de citoyens du Québec lorsque celui-ci était titulaire du Revenu?

Une voix: Excellent! Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre du Revenu, durant votre allocution, vous allez sûrement avoir le privilège de répondre à cette intervention. Alors, M. le ministre du Revenu.

M. Landry: M. le Président, j'avais donc expliqué...

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

M. Landry: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Mulcair: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez posé une question, vous avez eu une réponse tout à l'heure...

Des voix: Non, non, non.

M. Mulcair: Je n'en ai eu aucune.

Une voix: Laquelle?

Le Vice-Président (M. Pinard): ...du leader du gouvernement qui vous a parlé que c'était contraire à l'ordre public.

Des voix: C'est faux.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement, vous avez bien mentionné tout à l'heure que, s'il n'y avait pas dépôt de l'avis de la jurisconsulte...

M. Brassard: ...répété, je l'ai indiqué...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...c'est parce que c'était contraire à l'ordre public.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Pardon... M. le Président, j'ai invoqué 214 au nom du gouvernement et du ministre du Revenu pour indiquer que, pour le gouvernement et pour le ministre du Revenu, il était contraire à l'intérêt public de rendre public l'avis, l'opinion juridique de la jurisconsulte.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Brassard: Alors, M. le Président, je n'ai pas à en dire davantage.

Le Vice-Président (M. Pinard): O.K. Merci. Alors, nous allons poursuivre maintenant notre débat. M. le ministre du Revenu.

M. Landry: Merci, M. le Président.

Des voix: «Cover-up».

M. Landry: Bon. Alors, M. le Président...

Des voix: «Cover-up».

M. Landry: Non, non, laissez-moi la parole. Laissez-moi la parole.

Des voix: «Cover-up».

Une voix: ...

M. Landry: Non, le président est assis.

Des voix: Démission. Démission. Démission.

Le Vice-Président (M. Pinard): Il ne vous reste plus de temps de parole, M. le ministre. Alors, selon nos règles qui régissent les débats, je m'excuse, M. le ministre du Revenu, vous n'avez plus de temps de parole. Le gouvernement n'a plus de temps de parole.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, il vous reste environ 30 minutes.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui.

Une voix: Incroyable! Incroyable!

Une voix: Ce n'est pas possible!

Une voix: Vous n'êtes pas le président de juste les péquistes.

Une voix: Incroyable! Incroyable!

M. Paradis: M. le Président.

Des voix: Excusez-nous, M. le ministre.

Une voix: Excusez-vous devant la population québécoise.

Une voix: Honteux!

M. Paradis: M. le Président, que la Procureur général s'agenouille et s'excuse auprès du ministre du Revenu, je peux le comprendre. Mais que la présidence de l'Assemblée nationale présente des excuses au ministre du Revenu parce qu'elle accomplit son travail, ça dépasse l'entendement.

Une voix: Honteux!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vais probablement m'excuser aussi auprès de mes amis de l'opposition officielle, puisque, actuellement, de la façon dont on fonctionne, c'est que tout le temps passe en points de règlement. Alors, je vous mentionne...

Des voix: ...

(22 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous mentionne... Je vous mentionne qu'il vous reste un temps de parole de 30 minutes. Oui. Oui. Oui. C'est une enceinte...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, il vous reste approximativement un temps de parole de 30 minutes. Alors, les règles sont pour tous. Lorsque la présidence suspend pour étudier un cas, pour rendre une décision, le temps ne court pas. Mais, lorsqu'on revient et qu'on débute nos travaux, les questions de règlement sont toujours prises sur le temps de chacune des formations politiques. Alors, en l'occurrence, M. Landry avait un temps de parole et on l'a tous écoulé. Alors, là, maintenant... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, à ce moment-ci, je pense que je dois vous rappeler l'article 2 du règlement de l'Assemblée nationale et l'importance de vos fonctions. Vous vous excusez auprès du vice-premier ministre. Vous accusez l'opposition de poser des questions de règlement. Tantôt, lorsqu'on a quitté pour une suspension des débats, la whip du gouvernement vous a dit: Quoi qu'il arrive, il faut que ce soit adopté avant minuit.

Une voix: Exactement!

Une voix: C'est ça!

M. Paradis: La table de vos conseillers...

Des voix: Bravo!

M. Paradis: La table de vos conseillers vous donne le temps, et vous jouez le jeu, M. le Président. C'est inadmissible. Vous suivez... Non, M. le Président, à ce moment-là, vous donnez l'impression de suivre les ordres du gouvernement, et c'est inacceptable de la présidence.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Un instant, là! À l'ordre! À l'ordre! M. le député de Chomedey, s'il vous plaît! Un instant! Un instant! La présidence travaille pour faire en sorte...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau! M. le député!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau! M. le député de Viau!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau, attention! Attention, M. le député de Viau!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Viau, s'il vous plaît! Je vous demanderais de relaxer. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que je peux suggérer à ce moment-ci, et je ne veux pas que vous le preniez personnellement...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Je m'excuse, là, je ne veux pas que vous le preniez personnellement, M. le vice-président. Est-ce que je peux suggérer à ce moment-ci à ce qu'on demande au président de l'Assemblée nationale d'occuper le fauteuil?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition officielle, j'ai travaillé depuis 1996 au niveau de la présidence. J'ai toujours démontré un sens de neutralité...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): J'ai toujours démontré un sens de neutralité... Jamais, jamais depuis le début de... Messieurs dames! La présidence est un siège éjectable, et je le sais. Je le sais. Je le sais. Je le sais.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Jamais, je n'ai reçu d'ordre de la part du gouvernement. Jamais.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, si vous avez entendu des mots semblables, moi, personnellement...

Des voix: Oui, oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...moi, personnellement, personne, personne, personne du gouvernement ne m'a demandé de faire en sorte que les travaux...

Des voix: ...

M. Paradis: M. le Président, si c'est le cas, je vous demande de convoquer la commission de l'Assemblée nationale, nous entendrons la whip du gouvernement, et je ferai comparaître tous les députés qui l'ont entendue, M. le Président, vous adresser cet ordre.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Je voudrais savoir combien de temps il reste à l'opposition et s'ils comptent l'utiliser dans le cadre du débat restreint... Dans le cadre du débat restreint qui a cours présentement, je voudrais connaître ou savoir combien il reste de temps à l'opposition, puisque, nous, semble-t-il, nous n'en avons plus. Combien il reste de temps à l'opposition? Et je voudrais savoir...

Des voix: ...

M. Brassard: ...s'ils comptent l'utiliser en faisant intervenir un député ou continuer de l'utiliser en intervenant tous.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader.

M. Paradis: ...que nous avons eu, il y va de votre crédibilité comme président, et j'ai beaucoup d'amitié pour vous. Je vous demanderais de reconnaître le député de Marquette, qui va vous réciter exactement les propos qu'a prononcés la whip en chef du gouvernement et même vous prononcer la réaction que vous avez eue.

Des voix: Textuel.

M. Paradis: Textuel.

M. Ouimet: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, M. le leader du gouvernement m'a posé une question. Alors, à la question que vous m'avez posée, c'est de 25 minutes, le temps qui reste imparti à l'opposition officielle. Et, à ce stade-ci, si M. le député de Marquette veut prendre la parole...

Des voix: ...

M. Ouimet: M. le Président, avec tout le respect que j'ai pour vous et pour la présidence, je vous ai vu, lorsque vous étiez assis derrière le député de Chauveau, prendre vos documents, les garrocher sur votre pupitre, regarder la whip adjointe et lui dire: On va régler ça en caucus. Vous lui avez jeté trois ou quatre regards très désapprobateurs, et j'ai vu de mes yeux, M. le Président, au moment de la suspension, la whip adjointe cogner sur la table pour dire: Ça doit être adopté avant minuit. M. le Président, c'est ça qu'on dit.

Des voix: Voilà!

Le Vice-Président (M. Pinard): Là-dessus, là, c'est un fait personnel.

Des voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je peux répondre?

M. Paradis: Oui, très personnel.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon, c'est excessivement... c'est très personnel.

M. Paradis: Très grave, très grave et très sérieux. Très grave et très sérieux.

Des voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! Si, moi, comme député d'une formation politique, si, moi, j'ai des choses à discuter dans mon caucus... Au moment où on se parle, les vice-présidents sont membres actifs des caucus, seulement la présidence n'est pas membre. Je peux avoir une divergence à ce stade-ci avec mon whip, et il y a un endroit pour traiter des divergences, c'est à l'intérieur d'un caucus. Et ça n'a rien à voir avec les travaux. Ça n'a rien, rien à voir avec les travaux. Alors, c'est assez clair?

M. Paradis: Oui, M. le Président, quand vous dites: Est-ce que c'est asssez clair?, je comprends...

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est personnel.

M. Paradis: ...que c'est personnel...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Paradis: ...et je comprends que c'est assez clair, M. le Président. Et vous avez, je vous le dis comme tel – on se connaît depuis longtemps – toute ma...

Des voix: ...

(22 h 30)

M. Paradis: Je m'excuse. Et vous avez, M. le Président, toute ma sympathie dans ce qui se produit. Je n'ai pas l'autorité ni l'âge de donner des conseils à la présidence de l'Assemblée nationale quand vous occupez ce fauteuil, M. le Président. Dans les circonstances, il s'agit de circonstances délicates. Les attaques ou les allégations sont très personnelles à votre endroit. Moi, je ne veux pas vous blâmer ou blâmer qui que ce soit. Pour que nos débats se déroulent correctement à ce moment-ci, pour ne pas qu'il y ait d'insinuations ou d'implications sur le plan de l'institution que constitue l'Assemblée nationale, sur le plan de ce qui peut se passer dans les caucus, etc., je vous ai demandé tantôt, et je réitère ma demande: Auriez-vous l'obligeance, s'il vous plaît, M. le Président, de vous faire remplacer pour le moment sur le trône de l'Assemblée nationale par le président de l'Assemblée nationale, qui n'appartient à aucun caucus et qui pourra donner suite à nos travaux? M. le Président, je le fais humblement en vous présentant mes excuses.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous prierais de demeurer à vos places, je vais suspendre quelques instants pour interroger mon président et, ensuite, la décision sera rendue.

(Suspension de la séance à 22 h 31)

(Reprise à 23 h 9)

Le Président: Alors, veuillez vous asseoir.

Si j'ai bien compris ce qui s'est passé, le parti ministériel avait épuisé son temps de parole, selon les indications données par le vice-président au fauteuil à ce moment-là. Il reste donc, selon les calculs qui ont été effectués, 39 min 30 s à l'opposition officielle comme temps de parole – un instant, M. le leader de l'opposition – et il reste également le temps imparti au député indépendant. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Très respectueusement, je n'ai pas pu vérifier le temps qu'il restait de part et d'autre. C'est une situation un petit peu exceptionnelle: c'est la première fois que je demande la feuille de temps au Secrétariat et que ça m'est refusé, M. le Président.

Une voix: ...

M. Paradis: Ça va. Est-ce que je peux en prendre connaissance?

Le Président: Écoutez, on va vous la donner. Vous allez voir que cette feuille de temps indique effectivement que l'opposition – et je l'ai vérifié moi-même juste avant d'entrer... Il reste donc 39 min 30 s, et, sur mon honneur, en fonction des indications qui m'ont été données par la table, c'est le temps qu'il reste.

Donc, je suis prêt à reconnaître un intervenant du côté... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: On est parti, à ce que je comprends, parce que je l'avais demandée pendant que la présidence était en délibéré ou que les travaux étaient suspendus, et on a refusé de me la communiquer. Juste m'assurer que la feuille de temps correspond à l'application correcte du règlement. J'ai ici les galées de l'Assemblée nationale, qui indiquent qu'à 21 h 46 c'est le vice-président, M. Pinard, qui a pris la parole, et que le débat s'est poursuivi jusqu'à 21 h 53. Simplement nous assurer – et c'est peut-être le cas, là – que ça n'apparaît pas dans le temps de l'opposition comme tel. Et, si ce n'est pas le cas, M. le Président, j'aurais des représentations à vous faire.

Le Président: Écoutez, nous allons vérifier. La feuille, on l'a envoyée à l'instant à la photocopie, vous devriez l'avoir dans l'instant qui suit.

On m'indique à l'instant que le seul temps qui, à ce moment-ci, a été comptabilisé pour l'opposition officielle, c'est l'intervention du député de Chomedey.

(23 h 10)

Une voix: ...


Reprise du débat sur la motion

Le Président: Dix-huit minutes exactement. Et alors, il reste 39 min 30 s. Ça va? Alors, je suis prêt à reconnaître une intervention du côté de l'opposition officielle. M. le député de Châteauguay, whip en chef de l'opposition officielle.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le Président, nous assistons ce soir – depuis cet après-midi, je devrais dire – à une période pénible pour nos institutions, pour l'Assemblée nationale et, je dois aussi avouer, pour la présidence. Nous sommes devant une motion de suspension des règles pour passer une loi dont l'objectif consiste à sauver la peau du ministre du Revenu. C'est une loi d'autoamnistie de la part du ministre du Revenu.

Des voix: Oui.

M. Fournier: La seule urgence, parce qu'on nous plaide, dans une motion comme celle-ci, l'urgence, M. le Président...

Une voix: Est-ce que vous avez quelque chose à me dire, madame?

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! M. le député...

M. Cusano: ...

Le Président: M. le député de Viau, s'il vous plaît. Je vous rappelle à l'ordre pour une première fois.

M. Cusano: ...

Le Président: Je vous rappelle à l'ordre, M. le député de Viau, pour une première fois.

M. Cusano: ...

Le Président: Vous êtes un vétéran respecté à l'Assemblée. Vous savez très bien qu'actuellement les esprits sont échauffés, et je ne veux pas entendre d'interventions de part et d'autre, d'invectives. Le seul qui a la parole à ce moment-ci, que j'ai reconnu et qui est autorisé en vertu du règlement et en vertu des règles du décorum à parler, les autres doivent se taire, c'est le député de Châteauguay. M. le député de Châteauguay. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, dans le sens de votre décision, est-ce que vous pourriez également rappeler les dispositions de l'article 32 à l'intention de la whip en chef du gouvernement?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, l'intervention que je viens de faire s'applique à tout le monde.

M. Cusano: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, vous avez fait vous-même référence au fait que je suis un vétéran ici, à l'Assemblée nationale. Ce qu'on a vécu ce soir, M. le Président, je n'ai jamais vu ça. Je n'ai jamais vu ça. Jamais! Et lorsqu'on se permet, M. le Président, d'essayer d'intimider des gens de ce côté-ci, je ne l'accepte pas. Et, si la whip, elle veut m'intimider, si la whip, elle pense que j'ai dit quelque chose qui n'est pas correct depuis mon siège ici ce soir, qu'elle le dise. Et je pense que j'ai le droit à ça, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Viau, vous avez le droit au respect de tous les membres de l'Assemblée et tous les membres de l'Assemblée ont également droit au même respect. À ce moment-ci, le seul qui a la parole, c'est le député de Châteauguay. Je ne veux pas... Je pense que c'est une question d'honneur pour tous les membres qui sont ici ce soir, pour l'institution dont vous venez de parler, je pense que tout le monde doit respecter le règlement à l'égard du décorum. M. le député de Châteauguay.

Une voix: ...

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, s'il vous plaît. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président, je vous demande simplement de comprendre ce qui se passe en ce moment. La réaction de l'ensemble de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, c'est simplement d'être outrés de voir les tactiques, les mesures qui sont prises par l'actuel ministre du Revenu – je ne sais pas pour combien de temps – qui met tout le monde à contribution pour sauver son siège. Et là ça va jusqu'à, semble-t-il, l'intimidation auprès de mes collègues.

Alors, je veux juste, M. le Président, que vous compreniez, là, qu'on vit un moment excessivement pénible, et c'est pénible dans une institution comme l'Assemblée nationale. C'est pénible pour l'opposition, parce que l'opposition, elle a le droit d'exprimer un point de vue. Nous sommes à un moment où le gouvernement nous demande de nous la fermer sur un projet de loi qui n'a même jamais été débattu, dont on n'a jamais dit un maudit mot en Chambre. Le ministre ne s'est même jamais levé pour présenter le principe de ce projet de loi. Et on nous demande de nous la fermer. Et on met à contribution tellement de monde, M. le Président, tellement d'intervenants autour, avec des documents cachés, qu'on ne veut pas montrer, qui sont à la base justement du projet de loi dont on ne dit rien.

Alors, vous comprendrez, M. le Président, qu'avec les débordements qu'il y a eu suite à des questions de règlement dont le traitement fut, pour dire le moins, pénible, mes collègues sont dans un état où on en a pas mal soupé du genre de démocratie que ce gouvernement essaie de nous servir. Parce que c'est n'est plus de la démocratie quand c'est rendu là. Ce n'est plus de la démocratie. Puis je vous parle à vous, M. le Président. Je sais qu'on ne doit pas parler directement aux gens d'en face ou à nos collègues, on doit parler au président. Et je vous parle à vous parce que je sais combien, pour vous, c'est important, le modèle que nous avons ici d'assemblée parlementaire, d'Assemblée législative, d'Assemblée nationale. Vous vous en faites le promoteur dans le monde, M. le Président, vous participez à des conférences, vous allez dans des missions, vous présentez des politiques. Et j'ai pensé à vous aujourd'hui durant les débats. J'ai pensé à vous, j'ai pensé à vos voyages futurs que vous allez faire. J'ai pensé à ce que vous allez avoir dans votre besace, au style qu'on donne, à l'image qu'on donne au Québec. Ah oui! Moi, je sais, vous allez au Bénin, vous allez à Haïti, vous allez faire des leçons de démocratie. Mais, la prochaine fois que vous allez y aller, M. le Président, vous aurez avec vous le lourd fardeau que fait peser sur le Québec ce gouvernement qui a décidé de tout faire pour sauver le ministre du Revenu. De tout faire, ça allait jusqu'à utiliser le Procureur général. Ça allait jusqu'à faire dire au premier ministre que ce qu'il avait dit n'était plus vrai.

Et là on a eu la télépathie aujourd'hui, l'argument de la télépathie aujourd'hui. Et ça va jusqu'à faire une motion de suspension des règles sur un projet de loi dont on n'a jamais rien dit, quand il reste encore 20 jours pour la fin de la session. Qu'est-ce qu'il dit, ce projet de loi là? Juste pour le fun, qu'est-ce qu'il dit, le projet de loi? Il dit que les infractions à la loi commises par le ministre seront couvertes rétroactivement. C'est ça, première chose, que ça dit. Premier objectif de la Loi: couvrir le ministre rétroactivement. Deuxième élément de ce projet de loi pour lequel il y a urgence supposément... Il y a deux éléments dans le projet de loi: un, c'est couvrir le ministre; le deuxième, c'est quoi, M. le Président? Enlever des droits aux citoyens à l'égard des renseignements confidentiels. Ça, ce sont les deux éléments qu'il y a dans ce projet de loi là.

(23 h 20)

Elle est où, l'urgence? C'est-u parce que c'est urgent d'enlever des droits aux citoyens ou si c'est parce que c'est urgent de couvrir le ministre? Parce que, là, ça commence à aller mal, parce que, là, les gens l'ont vu, que ce qui était vrai pour la députée de Rosemont, c'est-à-dire: je commets une infraction, je demande un avis à la Commission d'accès à l'information, constat d'infraction, démission, quand les mêmes événements se produisent pour le ministre du Revenu, la première chose qu'il fait, c'est de ne pas demander l'avis à la Commission d'accès à l'information, de se refuser et de nous refuser la transparence. Ah! Il se lève en Chambre: Moi, je suis transparent. Moi, je fais tout voir. Première chose qu'il fait: pas d'avis. Bien, là, il est mal pris, ça lui prend quelque chose, lui, il n'a pas d'avis. Aïe! S'il prend un avis... Alors, ce qu'il fait, c'est qu'il se retourne puis il regarde la ministre de la Justice, qui passe trois quarts de son temps debout à l'applaudir, puis il demande un avis. Puis, là, qu'est-ce qu'on a comme avis? Un avis à une question qu'on n'a jamais vue. Non seulement on leur demande de nous déposer l'avis, ils nous disent non, on leur demande: Déposez-nous au moins la question que vous avez à poser, ils nous disent non. Et là il faudrait qu'on trouve ça transparent, il faudrait qu'on trouve ça formidable, ce gouvernement du Parti québécois.

C'est une honte! Ce gouvernement-là, c'est une honte. Le Parti québécois est une disgrâce pour le Québec, la démocratie, nos institutions, l'Assemblée nationale. Je me souviens encore du premier ministre, qui disait: «Notre Assemblée nationale»! Pas une Assemblée législative ordinaire, «notre» Assemblée nationale! Elle est où, notre Assemblée nationale, aujourd'hui? Elle a l'air de quoi, notre Assemblée nationale? Elle a l'air d'une grande coalition qui va faire n'importe quoi pour faire en sorte que le ministre du Revenu soit au-dessus de la loi. Moi, M. le Président, j'ai bien hâte de voir comment les gens du Parti québécois vont voter sur cette motion de suspension des règles.

Il y avait le leader, tantôt, du gouvernement qui disait: Des motions de suspension des règles, on en a déjà vu, il n'y a rien là. Jamais, M. le Président, je n'en ai jamais vu, et d'autres qui étaient ici avant moi n'en ont jamais vu, des motions de suspension des règles sur un projet de loi pour lequel on n'a pas dit un mot – un mot!

On nous a plaidé l'urgence. Mais laquelle? On n'est pas dans des cas de crise nationale. S'il n'y a qu'une seule crise ici, au Québec, au sein de cette Assemblée à propos de ce projet de loi, c'est la crise personnelle du ministre du Revenu.

Une voix: Voilà!

M. Fournier: C'est la seule crise qui existe!

Des voix: Bravo!

M. Fournier: C'est tellement vrai, M. le Président, c'est tellement vrai qu'un de nos articles de règlement, et c'est peut-être un des éléments, un autre des éléments qui a produit ce qu'on a vécu ce soir... On a cité tantôt un extrait d'une opinion juridique, une partie d'un document. Et, en vertu du règlement, il est possible de demander qu'il soit déposé. Et la personne qui le cite doit le déposer, sauf si l'intérêt public demande que ça reste caché.

Bien, savez-vous, M. le Président, ce qui s'est passé pendant ce temps-là, pendant que vous n'étiez pas là puis qu'il y avait un autre président? Savez-vous ce qui s'est passé? Ils ont plaidé que c'était l'intérêt public de cacher l'opinion juridique. On va prendre 30 secondes pour se comprendre, là. Ça, c'est l'opinion juridique que le ministre du Revenu, à toutes les cinq minutes... nous dit: C'est à cause de ça qu'il faut que j'amende la loi, laquelle loi va être adoptée suite à une motion de suspension des règles, sur laquelle, donc, on ne dira rien. Moyen bulldozer!

Vous m'en parlerez, d'Haïti, voir, comment ça marche. J'aimerais bien ça, savoir comment ça marche à Haïti, par rapport à des façons de faire comme ça. Je serais curieux de savoir qui donne la leçon à l'autre, M. le Président.

Une voix: Exact! Exact!

M. Fournier: Je serais curieux de savoir!

Des voix: Bravo!

M. Fournier: L'opinion juridique cachée est le motif qui soutient le ministre du Revenu pour déposer ce projet de loi qui fait l'objet d'une motion de suspension des règles. Et on me dit que c'est d'intérêt public qu'elle reste cachée. Moi, M. le Président, là, je ne peux pas croire ça. Il y a bien des affaires que je ne peux pas croire, dans toute cette affaire concernant les fuites de renseignements, il y a plein de choses que je ne peux pas croire.

Juste sur cet élément-là, comment peut-on conclure autrement que de dire que la seule raison pour laquelle l'opinion reste cachée, ce n'est pas une question d'intérêt public, M. le Président. Et c'est pour ça qu'il y a cette crise en ce moment au sein de cette Assemblée, comme vous le dites souvent, une des plus anciennes, une des plus réputées. On est dans un état de crise, et la raison, c'est parce qu'il n'y a aucun intérêt public à garder un avis juridique caché, secret; il n'y a qu'un intérêt personnel, l'intérêt du ministre du Revenu de rester dans ses positions, sinon il devrait démissionner.

Des voix: Bravo!

M. Fournier: M. le Président, je termine en vous disant simplement que tout ce débat tient au fait que, dans le cas de la députée de Rosemont, il y a eu une règle de suivie, celle de la responsabilité ministérielle, dont le premier ministre se faisait l'apôtre et le grand défenseur. Il nous disait: Voyez-vous, c'est une responsabilité objective, quand il y a une infraction à la loi, bien, il faut qu'il y ait une démission. Deux semaines après, il y a un autre virage de la part du premier ministre, et là ça ne tient plus. Nous ne pouvons, M. le Président, accepter la façon de faire de ce gouvernement. Nous ne pourrons jamais accepter qu'il y ait au sein de l'Assemblée nationale une loi d'auto-amnistie qui fait en sorte que les règles pour un ministre sont différentes pour un autre ministre, qui fait en sorte qu'un gouvernement du Parti québécois peut, lui, passer outre les lois et, quand il y a une infraction à la loi, faire démissionner la loi, alors que tous les autres citoyens du Québec, dans une situation d'infraction à la loi, doivent payer la sanction.

La sanction, c'est la démission, et le gouvernement le sait très bien, et c'est pour ça qu'il nous pousse au bâillon. Et jamais, jamais on ne va accepter ça. Et vous allez, vous, M. le Président, personnellement, et l'ensemble de cette Assemblée, être porteurs du stigmate que fait porter ce gouvernement du Parti québécois sur l'Assemblée nationale du Québec qui, aujourd'hui, perd une partie de son image. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.


Question de règlement portant sur le calcul des temps de parole


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Je m'excuse d'intervenir à ce moment-ci, M. le Président. Tantôt, lorsque je vous ai adressé une question concernant le temps – et je sais que vous venez d'arriver et d'occuper ce trône – la question était drôlement importante compte tenu des débats qu'il y avait eu auparavant à l'Assemblée nationale du Québec. Le vice-président a choisi de vous appeler, M. le Président, parce qu'il était dans une situation difficile, parce qu'on alléguait – et je pèse mes mots, M. le Président – que la whip en chef du gouvernement avait donné des instructions à la présidence, que tout devait être terminé avant minuit. Lorsque je vous ai posé la question sur le temps, vous avez dit: Seulement 18 minutes de temps ont été allouées à l'opposition officielle. Je n'avais pas pu obtenir la feuille, bien qu'on l'ait demandée, et c'était la première fois que c'était refusé. C'est exact; ce que vous nous avez indiqué, M. le Président, était conforme à ce qui apparaît sur la feuille.

Mais, là, il y a encore une astuce, M. le Président, dans cette feuille. Le vice-président, de Chauveau, a dû revenir sur une décision après-midi, l'autre vice-président a dû quitter parce qu'on lui avait fourni des informations qui étaient erronées. À cet moment-ci, M. le Président, sur la feuille qu'on m'a remise apparaissent 16 minutes pour le leader du gouvernement, ce qui est conforme, 18 minutes pour le député de Chomedey, ce qui est conforme, 22 minutes pour le ministre du Revenu, ce qui est conforme, M. le Président.

(23 h 30)

Là où ça se complique, et compte tenu de l'ordre de la Chambre qui découle d'une entente entre les leaders sur le partage du temps, c'est qu'on a accordé 11 minutes et 30 minutes à la formation ministérielle. En vertu de quel principe, M. le Président, en vertu de quoi? On ne le sait pas. On a tout pris le temps des questions de règlement et on a dit: En le donnant à la formation ministérielle, l'opposition ne pourra pas se plaindre. Et ça paraît logique, ça fait partie de la construction de ce qu'on appelle un alibi. Mais, compte tenu de l'entente que nous avions, 50 % du temps non utilisé par une formation politique revient à l'autre formation politique. Et, à ce moment-là, ce qu'on fait indirectement, M. le Président, c'est qu'on pénalise l'opposition officielle dans une motion qui suspend les droits pour rencontrer la volonté clairement exprimée par le gouvernement que, quoi qu'il arrive, l'heure, c'est minuit...

Une voix: L'ordre.

M. Paradis: ...l'ordre, puis on doit tout régler avant minuit. M. le Président, dans les circonstances, je le soulève à ce moment-ci pour que vous puissiez avoir le temps de rectifier une situation qui est aberrante.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, avant de revenir au fauteuil, il y a déjà quelques minutes maintenant, j'ai essayé de faire un peu le tour de la question de ce qui s'était passé. En tout cas, j'ai eu... Je présume que, oui, j'ai eu la feuille avant vous, et je l'espère, d'une certaine façon. Alors, j'ai fait les vérifications.

La première que j'avais à vérifier, le temps: Est-ce que le temps qui a été utilisé sur des questions de règlement... Selon la jurisprudence, et les règles, et les décisions qui ont été prises, c'est comptabilisé sur le temps du député qui a la parole. Et j'ai deux décisions ici, que je peux vous rappeler, si vous le voulez, qui indiquent qu'effectivement, quand un député a la parole, les questions de règlement qui sont soulevées au moment où il a la parole sont imputées sur le temps du député en question. Cependant, si les questions de règlement – et c'est ce que j'ai essayé de vérifier aussi avec les officiers de la table – qui sont soulevées dépassent le temps que normalement ce député aurait pu utiliser, selon les règles de l'Assemblée, le reste du temps, à qui va-t-il, à qui est-il imparti? Est-ce qu'il est imparti à l'autre formation ou est-ce qu'il tombe dans une espèce de vide?

Une voix: ...

Le Président: Exactement. Et la réponse que les conseillers en droit parlementaire m'ont donnée, c'est que, effectivement, ce temps-là, puisque le député en question avait écoulé son temps à partir de ces questions de règlement, le reste du temps qui a été pris sur des questions de règlement ne peut pas être imputé à l'autre groupe parlementaire. Donc, il n'y a pas de perte pour l'autre groupe parlementaire parce qu'on aurait pris plus de temps à soulever des questions de règlement à la présidence que le temps qui normalement aurait été confié ou imparti au député qui avait la parole. Ça, c'est la première chose. Alors, les deux décisions que j'ai...

M. Paradis: ...

Le Président: Laissez-moi terminer, M. le leader, puis vous allez voir où je veux en venir. Les deux décisions que j'ai, que je peux vous citer, celle de Jean-Pierre Saintonge, du 6 juin 1986, indique que «toute décision portant sur une violation de droit ou de privilège et tout rappel au règlement fait lors d'une intervention d'un député sont imputés sur le temps de parole de ce député». Et une autre décision du même président, M. Saintonge, le 18 décembre 1987: «Lorsqu'un député signale le défaut de quorum à l'Assemblée, il y a suspension des travaux pour quelques instants. Le temps requis pour vérifier le quorum et appeler les députés n'est pas comptabilisé dans le temps de parole du député qui avait la parole au moment où le défaut de quorum a été signalé. Toutefois, un rappel au règlement normal est comptabilisé dans le temps de parole de celui qui avait la parole au moment où il est soulevé.»

Alors, en l'occurrence, il ne s'agit pas de savoir: Est-ce qu'on a exagérément imputé du temps au député de Verchères? Le député de Verchères n'a plus de temps parce que les questions de règlement ont grugé tout son temps, parce qu'elles ont été soulevées au moment où il avait la parole. Par ailleurs – et je sais très bien, là, je ne suis pas naïf, puis je pense que personne ne l'est ici, là – depuis que le député de Châteauguay a cessé son intervention, le temps que vous utilisez sur les questions de règlement ne sera pas comptabilisé sur le temps de votre groupe parlementaire. C'est clair? Alors, moi, je vis avec les conséquences de la jurisprudence, et on verra où ça nous mènera. Mais, pour le moment, vous pouvez continuer de soulever des questions de règlement, je vais les recevoir, mais je suis aussi prêt à recevoir une autre intervention.

M. Paradis: Il y a quelque chose qui accroche de façon majeure dans ce que vous venez de nous citer. La jurisprudence que vous nous avez citée et les avis qui vous ont été donnés s'appliquent dans un cas où un parlementaire a un droit de parole qui est limité dans le temps, vous en conviendrez. Compte tenu de l'entente entre leaders sur le partage du temps, le député peut intervenir en utilisant tout le temps de sa formation.

Donc, ce que vous venez de nous indiquer ne s'applique pas, je vous le soumets très respectueusement, M. le Président, parce que ce n'est pas des droits de parole de 20 minutes, ce n'est pas des droits de 10 minutes. Et, à ce moment-là, tout le raisonnement que vous venez de faire est basé sur l'application d'un droit de parole qui est déterminé par le règlement. Maintenant, il y a un ordre de l'Assemblée nationale selon lequel le droit de parole du ministre du Revenu n'était pas limité, non plus que le droit de parole du député de Chomedey. Donc, vous vous devez, à ce moment-ci, de mettre de côté cette jurisprudence et d'appliquer la règle du gros bon sens. Dans l'application de la règle du gros bon sens, M. le Président, à ce moment-là, vous vous devez de tenir compte des droits des parlementaires. À titre d'exemple, entre 21 h 46 et 21 h 53, plus un seul parlementaire n'avait comme tel le droit de parole; des questions de règlement ont été soulevées. Le Secrétariat a quand même décidé, de sa propre initiative, de vous fournir des chiffres que vous vous devez, à ce moment-ci, de vérifier et qui ne sont pas conformes à la décision que vous venez de rendre.

Donc, deux éléments, M. le Président, à vérifier: quand le droit de parole d'un député n'est pas limité mais fait l'objet d'un ordre de la Chambre où les droits de parole sont illimités, mais à l'intérieur d'une enveloppe, la décision que vous venez de rendre se doit d'être modifiée en fonction de ce critère; et, deuxièmement, les chiffres qui vous ont été fournis par la table se doivent d'être vérifiés en fonction de ce qui s'est réellement produit à l'Assemblée nationale ce soir. Et je vous saurais gré, M. le Président, de procéder aux vérifications appropriées.

Le Président: Alors, M. le leader de l'opposition officielle, nous allons procéder aux vérifications, évidemment. Quant à la première question, je ne partage pas votre point de vue. Je crois que les décisions que j'ai rendues ne font aucunement référence à ce que vous venez d'indiquer. Les décisions parlaient sur le temps de parole de ce député. En l'occurrence, il y a un temps de parole que le député avait en vertu de nos règles. Et, si les règles ont été changées par un ordre de la Chambre, ou par une motion, ou de quelque façon que ce soit, actuellement, le député de Verchères avait le droit d'utiliser son temps jusqu'à un maximum de...

Une voix: ...

Le Président: ...écoutez, je ne veux pas faire de dialogue, là, parce que, ce que je me suis rendu compte aussi, c'est que les citoyens qui suivent nos travaux, là, ils ne comprennent plus rien. Alors...

Des voix: ...

Le Président: ...non, mais je m'excuse, mais le forum de l'Assemblée nationale est un forum public.

Une voix: ...citoyens. Ce n'est pas de la faute à nous autres...

Le Président: Peut-être, Mme la députée de Bourassa, que ce n'est pas de votre faute. Ce que j'indique au leader de l'opposition officielle, c'est que je souhaite que, quand la présidence est debout, ça soit lui qui parle. S'il veut intervenir, j'irai m'asseoir et je vais le laisser intervenir, mais je veux que les citoyens comprennent ce qui se passe. Sinon, ils ne comprennent rien.

Ceci étant, je ne crois pas et je ne partage pas votre point de vue à l'effet que, parce qu'on est dans une situation où le député de Verchères ou le critique de l'opposition officielle dans le dossier avait un temps de parole plus élaboré, plus long, la règle et les décisions qui ont été prises et rendues précédemment ne s'appliquent pas. Je ne crois pas que ça puisse entrer en ligne de compte.

Par ailleurs, on va faire les vérifications, mais, comme je vous indique, ce qu'on m'a communiqué comme information, c'est que la comptabilité a été faite de la façon suivante: le député de Verchères a commencé son intervention et a fait un certain temps dans cette intervention – je pense que c'était 22 minutes, si je ne m'abuse – et, par la suite, des questions de règlement ont été soulevées, à un point – et je n'ai pas à porter de jugement, les parlementaires utilisent leurs prérogatives – que, à un moment donné, tout le temps qui aurait été normalement imparti au député de Verchères et ministre du Revenu était écoulé.

Une voix: Donc, il n'en a pas.

Le Président: Et, en l'occurrence, le reste du temps qui a été pris pour les questions de règlement n'a pas été imputé à l'opposition officielle. Voilà la façon dont les choses se sont faites. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...la jurisprudence que vous citez est basée sur des temps de parole qui sont délimités. Vous l'avez vous-même dit: À partir du moment où il a fini son intervention, en fonction du temps qui lui est imputé, le temps ne compte plus, et il y a une règle différente de jurisprudence que vous avez citée pour l'appliquer, M. le Président.

(23 h 40)

Mais, à partir du moment où il y a une entente et un ordre de l'Assemblée nationale à l'effet qu'il peut prendre jusqu'à une heure, ce n'est pas vrai que son temps est fini, ce n'est pas vrai que les gens ont fait leur travail correctement à la table pour minuter, à ce moment-là. Et, lorsqu'il l'impute, ce temps-là, M. le Président, à la partie ministérielle, ce qu'il oublie de dire, c'est que, si la partie ministérielle ne l'utilise pas, il appartient à l'opposition officielle, et, à ce moment-là, il pénalise l'opposition officielle de façon subtile, de façon habile, mais ça constitue une collaboration avec ce qu'on appelle la minuterie gouvernementale, et ça, c'est inacceptable dans le cadre de nos procédures.

Deuxième élément, contrairement à ce qu'ils vous ont dit ou ce que vous nous avez dit qu'ils vous avaient dit, entre 21 h 46 – le président Pinard est revenu sur le trône – et 21 h 53, personne n'avait le droit de parole, ils ont quand même comptabilisé le temps du côté du gouvernement en pensant que l'opposition ne s'en rendrait pas compte. C'est habile, sauf qu'à ce moment-là ils nous privent de 50 % de ce temps-là, et c'est là-dessus que je souhaiterais avoir une décision de la...


Décision du président

Le Président: Il y a deux choses, là. Je crois, M. le leader de l'opposition officielle, qu'il est incorrect à ce moment-ci... Et, compte tenu, effectivement, de la nature particulièrement délicate dont a parlé le député de Châteauguay précédemment et d'autres de vos collègues, je pense qu'il est incorrect, à ce moment-ci, de présumer que les officiers de l'Assemblée nationale du Québec ont commis des erreurs volontairement sous les directives du gouvernement. Ça, je pense que c'est incorrect. Il peut y avoir eu, et je n'en ai aucune idée... Il pourrait y avoir...

Une voix: ...

Le Président: Je suis celui qui a la parole, M. le député de Verdun. Je ne sais pas, on va faire des vérifications. Il pourrait y avoir eu des erreurs, mais, entre constater une erreur et prêter des intentions à des officiers de l'Assemblée nationale du Québec pour leur indiquer et indiquer à l'ensemble des membres et à l'ensemble de la population que ces officiers ont enfreint leur serment et collaboré d'une façon partisane aux travaux de l'Assemblée, je pense qu'il y a une marge que, actuellement, je ne peux pas accepter qu'on franchisse. On va faire les vérifications – ça, c'est une chose – mais je vous invite à la prudence parce que et les officiers de l'Assemblée et tous les membres de l'Assemblée et tous les citoyens ont le droit à leur honneur, à leur respect et à leur dignité.

Ceci étant dit, nous allons suspendre quelques instants, je vais faire les vérifications et je reviens par la suite. Les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 23 h 43)

(Reprise à 23 h 52)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Veuillez vous asseoir. Alors, voici le résultat des vérifications que je viens de faire.

On se comprend, il y a 120 minutes, deux heures de débat. Il y a cinq minutes au député indépendant, il reste 115 minutes: 57 min 30 s pour le parti ministériel, 57 min 30 s pour l'opposition officielle.

Le leader du gouvernement a pris 16 minutes. Il restait donc 45 min 30 s.

Le député de Chomedey a pris 18 minutes. Il restait donc 39 min 30 s. C'est d'ailleurs ce que j'ai indiqué quand j'ai repris au fauteuil.

Par la suite, du côté gouvernemental, le vice-premier ministre a pris 22 minutes, sans qu'il y ait, à ce moment-là, d'interruption.

Et, par la suite, des questions de règlement ont été soulevées, qui totalisent, après vérification, 40 minutes et non pas 44 minutes – parce que, par erreur, on avait comptabilisé le temps d'une suspension qui n'aurait pas dû... Donc, c'était 40 minutes plutôt que 44 minutes.

Le résultat, c'est qu'il restait donc au parti gouvernemental 19 min 30 s. Et, puisque 40 minutes ont été utilisées par les questions de règlement, en vertu des décisions que j'ai rappelées tantôt, à l'évidence, il ne restait plus de temps au député de Verchères et vice-premier ministre pour prendre la parole.

Et voilà le décompte. Il reste donc 39 min 30 s à l'opposition officielle, et maintenant, il reste ça moins le temps que le député de Châteauguay a pris. Il reste 24 minutes.

Alors, maintenant, je suis prêt à reconnaître une autre intervention. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Est-ce que nous avons jusqu'à minuit? C'est ça, ou on dépasse?

Le Président: Vous connaissez le règlement, M. le député. À minuit, nous ajournons nos travaux jusqu'à demain, 10 heures.


Reprise du débat sur la motion


M. François Ouimet

M. Ouimet: Très bien. Alors, dans les cinq minutes qu'il me reste, M. le Président, comme institution, nous avons posé un geste fort important aujourd'hui, vous, comme président, le premier ministre, le chef de l'opposition et plusieurs parlementaires. Nous avons érigé un monument à la mémoire de René Lévesque.

Un premier ministre que nous avons tous...

Des voix: Bravo!

M. Ouimet: ...respecté, admiré, dans certains cas partagé ses convictions; dans d'autres, par rapport à sa vision du Québec, d'autres ne l'ont pas partagée.

Mais, M. le Président, je me rappelle d'une chose de cet homme: il était un grand démocrate. J'étais étudiant à l'Université de Montréal en 1981-1982. Sa conduite avait été mise en question par l'opposition de l'époque. Il s'agissait de la commission du saccage de la Baie James. La question qui se posait à l'époque, c'était de savoir si le premier ministre avait donné le mot d'ordre à son gouvernement de régler avec le syndicat. Ça avait donné lieu, M. le Président, à une commission parlementaire où le premier ministre de l'époque, parce que son intégrité, son honneur étaient en cause, il avait, lui, accepté de se soumettre à cette enquête par rapport au geste qu'on alléguait qu'il avait posé. Et la lumière s'est faite dans ce dossier.

Aujourd'hui, nous sommes face à un dossier semblable. La conduite d'un ministre est mise en cause dans le cadre de ses responsabilités comme ministre responsable du Revenu. Nous avons demandé à plusieurs reprises qu'une enquête soit instituée par la Commission d'accès à l'information. Toutes les mesures de défense qu'a érigées le ministre du Revenu sont tombées les unes après les autres.

M. le Président, aujourd'hui, sûrement, le vice-premier ministre et d'autres membres du gouvernement se sont remémorés de bons souvenirs alors qu'ils étaient avec M. René Lévesque. Je demande au vice-premier ministre de se rappeler du sens de l'honneur qu'avait M. Lévesque à l'époque, son sens de la démocratie.

Le vice-premier ministre a commis des erreurs, des erreurs de bonne foi. Son ministère a enfreint la loi. Il l'a avoué à deux reprises. Il a tenté de se sortir d'un mauvais pas. L'avis de la jurisconsulte ne résiste pas à l'analyse, M. le Président. Dans les secondes qu'il me reste, puisque le débat va se poursuivre demain, je lui demande de poser un geste honorable aujourd'hui à la mémoire de René Lévesque et d'accepter, lui aussi, de se soumettre et de soumettre tout ce qui s'est passé dans le cadre d'une enquête de la Commission d'accès à l'information. De cette façon-là, M. le Président, je pense que la tradition qu'a léguée René Lévesque au Parti québécois pourrait se continuer. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, il reste moins d'une minute, nous allons donc lever la séance et ajourner nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à minuit)


Document(s) related to the sitting