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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, June 3, 1998 - Vol. 35 N° 188

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons débuter immédiatement les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. C'est un projet d'intérêt privé. Je vous demande de prendre en considération l'article d de notre feuilleton.


Projet de loi n° 265

Le Président: Très bien. À cet article du feuilleton, j'ai reçu, en ce qui me concerne, le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 265, Loi concernant la Ville de Laterrière. Alors, le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.


Mise aux voix

En conséquence, M. le député de Dubuc présente le projet de loi d'intérêt privé n° 265, Loi concernant la Ville de Laterrière. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Ça va? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Jolivet: M. le Président, je fais donc motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Très bien.


Dépôt de documents

Alors, au dépôt de documents, M. le ministre des Transports.


Rapport d'activité de la Société de l'assurance automobile du Québec et sur le contrôle du transport routier

M. Brassard: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1997 de la Société de l'assurance automobile du Québec et contrôle du transport routier.

Le Président: Très bien. Bien sûr, ce document est déposé.


Tome I du rapport annuel du Vérificateur général accompagné d'un résumé

Pour ma part, je dépose, conformément à l'article 44 de la Loi sur le vérificateur général, le rapport du Vérificateur à l'Assemblée nationale pour l'année 1997-1998, tome I, accompagné d'une brochure sur les faits saillants dudit rapport.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions aujourd'hui.

Au dépôt de pétitions, M. le député de l'Assomption.

M. St-André: Je ne l'ai pas dans les mains.

Le Président: Alors, on verra ça un autre jour, si je comprends bien.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons immédiatement aborder la période des questions et des réponses orales. Mme la chef de l'opposition officielle, en principale.


Manque de ressources pour aider les jeunes en difficulté

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Hier, je questionnais le ministre de la Santé concernant le problème dramatique que vivent les enfants de Lanaudière. On apprend ce matin que les listes d'attente d'enfants en danger dans les centres jeunesse de Lanaudière ne sont que la pointe de l'iceberg. La réalité a rattrapé le ministre de la Santé, car la situation que vivent ces enfants sur le terrain est fort différente du discours du ministre.

Ma question au premier ministre: Puisque le manque de ressources provient de la base, soit des écoles, des CLSC ou encore du réseau social, et que ce sont les enfants qui en font encore les frais, et qu'on se doit de leur donner le maximum de chances pour se développer dans une société où la compassion a encore un sens, je l'espère, M. le Président, qu'attend le premier ministre pour redresser la situation?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bon. Alors, M. le Président, ces questions ont été soulevées en partant de la situation de Lanaudière, des Laurentides et de la Montérégie. On sait que c'est les trois régions du Québec, un peu avec Chaudière-Appalaches, qui sont trois régions où historiquement, de façon chronique, les ressources n'ont pas suivi le développement de la population, et surtout des jeunes, dans ces régions-là.

Deuxièmement, dans le sens de la question qui nous est soulevée ce matin, les ressources effectivement pour aider les jeunes, ce n'est pas seulement en bout de ligne, dans la protection de la jeunesse qu'il faut les investir, il faut le faire là, il faut que les jeunes qui sont en difficulté, on s'en occupe et qu'on s'en occupe dans les meilleurs délais, mais il faut aussi, et la question est très précise là-dessus, travailler beaucoup en amont, parce que, ce qui est important à moyen terme, c'est qu'il y ait de moins en moins de jeunes qui en arrivent dans ces situations de bout de ligne, de grandes difficultés, et qu'à l'école, dans les CLSC, on puisse agir à cet égard.

Justement, dans la région des Laurentides, au cours des dernières années, malgré les périodes difficiles qu'on a vécues, le comportement au niveau du ministère, de la région et des instances locales, des professionnels, des centres jeunesse, des CLSC a été de commencer à investir en amont. En réallouant certaines ressources aux centres jeunesse, on a aussi réinvestit quelque chose de l'ordre d'à peu près 3 000 000 $, je pense, justement dans les CLSC et dans la communauté pour aider de plus en plus les familles et les jeunes. C'est la ligne qui est suivie présentement. À mesure qu'on sort d'une situation difficile sur le plan financier, on peut prévoir que dans les prochains mois on va être capables de réinvestir encore de façon plus importante et dans la protection de la jeunesse et en amont sur le terrain, M. le Président.

Le Président: Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, le premier ministre ne reconnaît-il pas que ces enfants ont aussi droit à une chance dans la vie, et qu'ils ont besoin d'aide, et qu'ils méritent de s'épanouir comme tous les autres enfants, et que c'est urgent?

(10 h 10)

C'est un cas qui est très urgent, et le ministre de la Santé l'a bien mentionné, il y a des problèmes, que ce soit au niveau des écoles, que ce soit au niveau des CLSC ou encore du réseau social, y compris, bien sûr, les centres jeunesse. Alors, c'est important d'y ajouter des fonds le plus rapidement possible. Le premier ministre doit rencontrer son Conseil des ministres aujourd'hui, est-ce qu'il a l'intention de s'attarder à trouver des fonds le plus rapidement possible pour régler le cas de ces enfants qui sont en difficulté présentement?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, ce que demande la chef de l'opposition, c'est déjà entrepris, hein? On se rappellera que, à l'automne dernier, en septembre, après avoir pris compte de la situation au cours de l'été dernier, après le budget de l'an dernier, on a déjà commencé à faire des efforts importants dans le domaine de la santé et à rajuster le tir sur le plan financier. Et on se rappellera qu'il y a eu un soulagement important de la commande budgétaire qui avait été demandée au réseau de la santé et des services sociaux, qui s'est traduit, dans le budget actuel, par un ajout de crédits budgétaires de l'ordre de 3 %. Ce n'est pas rien.

Ça a été un début, ça, M. le Président, ça a permis de déjà améliorer beaucoup de choses, de commencer à rééquilibrer des choses. Et on continue sur cette voie-là, et cette année, qui est une année charnière, très importante entre le gros de la réorganisation du réseau et la consolidation, va être une année où on va voir aussi des améliorations qui vont continuer à se faire, et ces améliorations-là seront dites plus clairement et expliquées en temps et lieu avec nos partenaires du réseau.

Le Président: M. le député de Bertrand. En principale?

M. Chalifoux: Oui.

Le Président: Très bien.


Manque de ressources pour aider les jeunes en difficulté dans les Laurentides

M. Chalifoux: M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux soutient que tout va bien dans le système de la santé, et le premier ministre, encore hier, lui donnait son approbation. Le ministre accuse l'opposition de démagogie, accuse aussi les journalistes d'amplifier les faits, mais pourtant la réalité est là, et les enfants sont maltraités, et la région des Laurentides n'est pas épargnée, au contraire. Le taux de criminalité a augmenté de 54 %, 12 % des jeunes de 12 à 17 ans ont déjà tenté de se suicider, et, pendant ce temps, le centre Vert-Pré d'Huberdeau, dans les Laurentides, est débordé et ne suffit plus à la demande. De plus, la région ne possède aucun pédopsychiatre, ce qui est totalement inacceptable.

Ma question: Comment le ministre peut-il continuer à dire que tout va bien quand les jeunes couchent dans des bureaux, dans des corridors et même à la pastorale qu'on a transformée en dortoir à l'Accueil Vert-Pré d'Huberdeau? Qu'est-ce que le ministre a à dire à M. Miville Lapointe, directeur général de la DPJ des Laurentides, quand il dit qu'il ne peut respecter les ordonnances, faute de ressources financières, physiques et humaines?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, il pourrait au moins nous citer à peu près correctement. Le ministre de la Santé ne dit pas que tout va bien.

Des voix: Ah!

M. Rochon: Non. Le ministre de la Santé a souvent dit, dans cette Chambre, puis il va vous le répéter ce matin, M. le Président, qu'à tous les jours il est payé pour réaliser qu'on a des sacrées difficultés, mais on voit aussi que ça va mieux que ça allait. C'est ça qu'il dit.

Des voix: Bravo!

M. Rochon: Oui, oui. Ça va mieux que ça allait. Mais c'est sûr qu'on ne peut pas dire que tout va bien parce que, d'où on est parti, il y a trois ans, même avec un miracle, on ne pourrait pas avoir tout réglé encore aujourd'hui. Même avec un miracle, on n'aurait pas réglé ça.

Des voix: ...

Le Président: Bien. M. le ministre.

M. Rochon: Le temps a passé tellement vite. Ça a semblé deux heures, deux heures et demie, M. le Président.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: Alors, ce que j'ai dit et ce que je répète – à force de répéter on va se comprendre, ma foi du bon Dieu! – on était dans une situation, surtout quand on parle d'une région comme les Laurentides, d'où vient le député, où, de façon historique et chronique, a eu un manque de ressources important, où la population s'est développée, avec l'étalement, entre autres, qui s'est fait à partir du Grand Montréal, plus rapidement qu'ailleurs au Québec, et les ressources n'ont pas suivi.

Depuis trois ans, il y a eu des efforts, malgré le contexte budgétaire très difficile, pour protéger ce secteur-là. Et là on a commencé à redonner des ressources de façon ciblée dans les centres jeunesse, dans la protection de la jeunesse et, comme on le disait tout à l'heure, en amont pour travailler à la source des problèmes. C'est ça qu'on a commencé à faire.

Si le député, puis je peux le comprendre, trouve qu'il y a encore des problèmes puis souhaite qu'il n'y en ait plus de problèmes dans son comté comme ailleurs, on est tous d'accord là-dessus. Mais, s'il veut comprendre pourquoi on n'est pas encore sorti de là – il est nouveau, je peux comprendre ça – qu'il demande à tous les anciens pourquoi, quand ils étaient en mesure de faire quelque chose, ils n'ont rien fait puis ils ont laissé s'aggraver la situation comme ça. Qu'il le leur demande! Ils vont peut-être pouvoir l'expliquer à son monde, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Bertrand.

M. Chalifoux: M. le Président, est-ce que le ministre nie les dires de M. Michel Léger, directeur général de la Régie régionale des Laurentides, qui signifiait tout récemment que les centres jeunesse des Laurentides ont subi des compressions de 3 000 000 $ depuis les trois dernières années? Et le ministre et le premier ministre ne conçoivent-ils pas qu'au-delà du déficit zéro il y a quelque chose de plus important dans la vie, qui est le déficit humain?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Bon. Michel Léger, ça, c'est le directeur général de la Régie régionale des Laurentides, pour ceux qui ne le sauraient pas. Et, moi, j'ai en main aussi des informations que nous fait parvenir régulièrement le même Michel Léger, la même Régie régionale; c'est plus complet puis ce n'est pas hors contexte. Alors, ce qui a été fait, là comme ailleurs, dans la période qu'on a traversée: tout ce qui était des coûts administratifs, il y a eu de la rationalisation de faite, une meilleure performance de gestion et il y a de l'argent qui a été sauvé, à peu près de l'ordre de 1 000 000 $. Mais ça a permis de faire de la réinjection, entre autres, dans cette région-là, au niveau des centres jeunesse et de la DPJ.

Et, au total, si on prend le budget de départ de 1995-1996, qui était de l'ordre de 26 000 000 $, avec ce qui a été rajouté de façon ciblée sur des services, on a fini avec un budget du même niveau trois ans après, au moment où on se parle. Et, en plus, il y a eu quelque chose de l'ordre de 3 000 000 $ d'investis en amont, dans les CLSC, dans la communauté, pour aider les jeunes. Alors, c'est encore insatisfaisant, mais c'est pas mal plus que ce qui avait été fait dans les quatre années qui sont passées avant, par exemple, ça, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Plan d'action pour recouvrer les taxes sur la vente de cigarettes à de non-résidents de la réserve de Kahnawake

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Au Québec, la contrebande de la cigarette tourne autour d'un petit groupe d'individus. Ce n'est pas dans toutes les réserves où on trouve un problème, c'est surtout dans une réserve. Et, même sur cette réserve, ce ne sont pas tous les individus qui sont en cause. Au contraire, c'est, comme on le dit, un petit groupe d'individus.

Dans une lettre envoyée par M. Michel Quintal, de la Direction des taxes du ministère du Revenu, à M. Jean-Pierre Côté, coordonnateur ministériel du dossier autochtone, en date du 19 juin 1995, celui-ci explique que, sur la seule réserve de Kahnawake, il y a un écart grandissant pour 1994-1995. Il le situe dans les alentours de 1 200 000 cartouches qui ont été vendues de plus que ce qu'on pouvait présumer avoir été consommé, fumé sur la réserve. Ils évoquent là-dedans un plan d'action pour venir chercher cet argent-là, qui, pour la seule année en question, pour une seule année, était d'au-delà de 5 000 000 $.

Notre question pour la ministre du Revenu est la suivante: Est-ce que le plan d'action évoqué dans la lettre en question a été appliqué et est-ce que les sommes dues au gouvernement du Québec ont bel et bien été collectées?

Le Président: Mme la ministre déléguée au Revenu.

(10 h 20)

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, j'ai présenté, la semaine dernière, le bilan de notre récupération fiscale pour 1997-1998, et le député a été en mesure de constater que nous avions récupéré 100 000 000 $ de plus dans les coffres de l'État grâce à une vigilance et à des méthodes rigoureuses de lutte contre l'évasion fiscale. Bien sûr, dans l'ensemble des secteurs, on retrouve aussi nos travaux au niveau de l'évasion fiscale dans ce secteur-là. Alors, je pense que notre performance est très bonne à cet égard-là et nous mettons en place toutes les mesures, conformément aux disponibilités de la loi, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chomedey.


Remboursement au ministère du Revenu de sommes dues pour la vente de cigarettes par des commerçants de Kahnawake

M. Mulcair: Bon. Parlons justement, M. le Président, de faire les choses conformément à la loi. En question principale, M. le Président. Au mois de mars 1996, soit un mois exactement après avoir commencé à agir à titre de premier ministre désigné, le député de Jonquière a eu ceci à dire en Chambre, c'était son discours inaugural: «Les seuls qui ont des raisons d'être de mauvaise humeur partout au Québec sont les contrebandiers et les trafiquants, et nous avons l'intention que cet état d'esprit s'aggrave encore dans leur réseau.» Ça, c'est le discours.

M. le Président, dans la même note, on trouve une référence au fait que – et je vais vous le citer mot à mot – «dans le cas de M. Deering, un des propriétaires en question, il y a des arriérés de 58 000 000 $». Maintenant, on a tous entendu la ministre du Revenu nous parler du fait qu'ils avaient fait de la récupération dans d'autres domaines. On ne lui parle pas de l'autre domaine qu'elle a évoqué tantôt, on veut parler de la perception des taxes dues sur les cigarettes vendues sur les réserves, la réserve de Kahnawake, qui sont pour des fins de consommation ailleurs que sur la réserve, sur lesquelles la taxe aurait dû être perçue.

Dans la note, M. le Président, on nous dit: «D'ailleurs, M. Deering est reconnu depuis plusieurs années comme étant une des têtes dirigeantes pour la contrebande de tabac. Cette personne a un solde débiteur au ministère du Revenu d'environ 58 000 000 $ découlant de transactions illégales survenues dans le secteur du tabac.»

Une voix: Question!

M. Mulcair: Pour faire plaisir au député qui la réclame, la question est la suivante: Est-ce que le gouvernement a été remboursé de ces sommes-là?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, dans le tableau II que j'ai déposé dans le document de presse qui donnait l'information sur le résultat de nos interventions par secteur fiscal, j'indiquais qu'il y avait 72 % de cette récupération-là, notamment 922 000 000 $ qui avaient été récupérés auprès des entreprises uniquement, dont l'impôt sur le tabac était identifié bien clairement dans ce tableau.

Alors, M. le Président, oui, nous travaillons à récupérer tout ce qui est dû à l'État, et nous respectons pour ce faire la loi, et je suis très étonnée de la question du député parce qu'en 1993-1994 l'opposition d'aujourd'hui avait récupéré 485 000 000 $, dans sa grande rigueur, contre 1 276 000 000 $ aujourd'hui. Alors, ils n'ont pas à nous critiquer, M. le Président.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en principale.


Audition du Parti réformiste fédéral dans le cadre des consultations particulières sur la déclaration de Calgary

M. Dumont: Oui. Au cours des derniers jours, l'opposition officielle, à Ottawa, a mis sur la table une vaste proposition de décentralisation. Huit ans plus tard, c'est néanmoins la plus claire, la plus forte et la plus encourageante réaction que le rapport Allaire ait reçue dans le reste du Canada. J'ai été heureux, dans les derniers jours, de réaliser que le Bloc québécois et hier le premier ministre partagent cette analyse-là et démontrent une assez grande ouverture face à la proposition. Aujourd'hui, à Québec, un représentant du Bloc québécois et un représentant de l'opposition officielle à Ottawa sont en rencontre pour réfléchir avec ouverture, pour échanger. On constate donc que, devant la nouvelle politique de la chaise vide du nouveau chef libéral, c'est maintenant l'opposition officielle, à Ottawa, qui en offre plus que Charest en demande.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

M. Dumont: Or, pour tester le sérieux du premier ministre face à son ouverture, est-ce que le premier ministre est prêt à utiliser le trou dans l'horaire laissé par la politique de la chaise vide du Parti libéral pour inviter les représentants du Parti réformiste de l'opposition officielle, à Ottawa, à venir étayer leur position devant la commission parlementaire sur Calgary?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il est vrai que la nature a horreur du vide, c'est vrai, mais quand même pas...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: D'abord, il ne faut pas parler de la politique de la chaise vide, c'est la politique des chaises vides parce qu'il y a plusieurs chaises qui sont vides à la commission parlementaire sur Calgary. Ce sont celles que les députés libéraux devraient occuper normalement. Ils ont décidé qu'ils ne voulaient pas se prononcer sur Calgary, alors, bien sûr, il y a d'autres voix qui se font entendre pour nous dire que Calgary, ça n'a pas grand bon sens. Je pense qu'il s'agit d'écouter les experts qui viennent. Et puis, en plus, ce qui nous vient maintenant d'Ottawa – et, de façon très invraisemblable, du Reform Party – dépasse de beaucoup les avancées qu'ont jamais faites les membres du Parti libéral actuel. Au moins, le Reform Party, il a une position, on la connaît, il l'a exprimée, alors que ceux d'en face n'en ont pas et ils ne veulent même pas discuter celle des autres, M. le Président.

Et je n'ai pas fini. Bien sûr, entre le programme constitutionnel du Reform Party, le programme social du Reform Party et les programmes constitutionnel et social du Parti québécois, il y a des différences insurmontables. Nous sommes souverainistes, ils ne le sont pas. Nous le savons, M. le Président. Ceci étant dit, ils viennent de nous dire, eux qui sont des fédéralistes, qu'ils croient que le Québec, par exemple, devrait être le seul détenteur, le détenteur exclusif des pouvoirs dans le domaine de la langue et de la culture. On n'a jamais entendu ça beaucoup du côté fédéraliste, M. le Président. Jamais on ne l'a entendu. Jamais.

Et il faut bien dire aussi qu'il n'y a rien qui s'oppose à ce que des gens qui diffèrent d'opinions – puis on diffère d'opinions radicalement – puissent discuter, puissent débattre. D'où vient cet étonnement que des députés souverainistes n'aient pas peur d'aller discuter de leur opinion avec des adversaires, alors que les libéraux eux-mêmes ont peur de venir dans leur propre parlement discuter des offres qui viennent d'ailleurs, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Est-ce que le premier ministre, pour répondre à la question, peut nous dire s'il va voter pour ou contre la motion que j'ai l'intention de déposer à la fin de la période de questions, à l'étape des motions sans préavis, pour modifier l'ordre de la Chambre du 14 mai dernier afin d'inviter l'opposition officielle à Ottawa à venir nous présenter ses positions sur Calgary qui sont avant-gardistes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ça mérite considération.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il semble même que ça ne pourrait pas obliger le gouvernement à acheter plus de chaises, puisqu'il y a des chaises qui sont libres, si jamais on devait envisager une chose comme celle-là. Mais le plus surprenant, c'est de voir, M. le Président, que l'opposition actuellement et son chef, le chef du Parti libéral, le nouveau chef du Parti libéral, ont changé d'opinion radicalement sur la nécessité d'examiner l'essence et d'étudier le sens de Calgary.

(10 h 30)

Parce que, dans cette lettre que M. Charest a expédiée, en septembre dernier, à M. Patrick McKenna, il y a un paragraphe extrêmement éloquent qui montre l'enthousiasme et la passion qu'il mettait pour aller lui-même participer à des travaux parlementaires sur la question à Ottawa. Et je cite le paragraphe, ce qu'il dit à M. McKenna. Il dit: «Dans la foulée de votre déclaration – Calgary s'en venait – le Parlement – c'est le Parlement fédéral – devrait constituer un comité mixte de la Chambre et du Sénat qui serait chargé d'examiner les propositions des premiers ministres à l'égard d'un plan d'action pour le Canada.» Et il ajoutait, dans une phrase plus loin: «Je propose que les chefs des cinq partis politiques représentés à la Chambre des communes s'engagent à participer pleinement aux travaux de ce comité.»

Alors, M. le Président, quand on est à Ottawa, on veut participer aux discussions sur Calgary, puis, quand on est ici, c'est la chaise vide. Drôle de politique, ça.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Est-ce que le premier ministre, pour forcer tous les partis fédéraux à se prononcer sur la vaste décentralisation qui est proposée, avec des amendements qui seraient nécessaires, que le Bloc québécois a déjà identifiés, aurait le courage d'annoncer qu'il lèvera la menace d'un prochain référendum si les partis fédéraux, si le gouvernement fédéral, entre autres, appuyaient cette proposition de décentralisation là?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'était bien parti jusque-là. M. le Président, il m'apparaît que les circonstances, que l'évolution politique actuelle nous montre que, de plus en plus, il y a nécessité pour que le peuple québécois prenne sa décision. Quand on voit la démission, par exemple, du Parti libéral de ne même pas assister à des travaux parlementaires pour examiner une proposition qui vient du reste du Canada, c'est donc au peuple qu'il faudra en appeler, M. le Président. C'est au peuple.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la beauté de la démocratie, c'est que, après les discours, après les périodes de questions démagogiques, après les chaises vides, il y a la décision du peuple, puis c'est elle qui va compter!

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Comment le premier ministre peut-il multiplier les manoeuvres de camouflage de sa piètre gestion en matière de santé: d'abord, la commission, maintenant, le nouveau copinage Bloc-Reform, et pour la pire raison qu'on puisse donner, pour l'abandon de 2 000 000 de parlants français à l'extérieur du Québec, en terre d'Amérique, la francophonie canadienne?

Des voix: Ah!

M. Fournier: M. le Président, je voudrais vous rappeler ce que disait le premier ministre, le 8 juin...

Des voix: Hou!

Le Président: En complémentaire, en terminant.

M. Fournier: Est-ce que le premier ministre se souvient d'avoir dit le 8 juin 1988, dans une autre vie, je présume... Il disait ceci: «Ce ne serait pas plus concevable de laisser entre les mains du gouvernement du Québec la survie de la minorité anglophone que d'abandonner les francophones hors Québec entre les mains des pouvoirs provinciaux. Ce ne serait pas concevable que le fédéral fasse une chose comme celle-là.» Double discours! Ce premier ministre multiplie les virages.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous venons de noter la sollicitude dont fait preuve le député à l'endroit du sort de nos frères et soeurs francophones hors Québec. Je ferai remarquer au député d'abord que, dans Calgary, il n'y a aucun mot sur leur sort. Il n'y a rien qui est prévu. Il n'y a absolument aucune garantie qui leur est donnée. Pas un mot. L'oubli total, M. le Président.

Deuxièmement, je lui ferai remarquer que les communautés francophones hors Québec sont toutes en diminution par rapport à la proportion de la population, et que le seul endroit où ils ne le sont pas, c'est au Québec, M. le Président.

Troisièmement, je lui ferai remarquer que son chef a récemment déclaré que c'est grâce à l'appui du Canada anglais, à l'amitié du Canada anglais, si nous continuons à parler français, M. le Président!

Des voix: Bravo!

Des voix: Encore!

Le Président: M. le député de Frontenac, en principale.


Enquête de la Sûreté du Québec sur les transactions bancaires du Club Rez, propriété de M. Byron Horne, à Kahnawake

M. Lefebvre: M. le Président, le premier ministre a bien raison de dire que la démocratie, c'est extraordinaire. On l'a vu dans d'Argenteuil lundi: 58 % pour le Parti libéral du Québec, 38 % pour le PQ, puis cinq points et quelques pour l'ADQ. «Points et quelques», dans le cas de l'ADQ, c'est important de le mentionner, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: M. le Président, la population d'Argenteuil a dit au premier ministre: On voudrait que vous parliez de santé, on voudrait que vous parliez d'éducation et on voudrait que vous fassiez la preuve qu'il n'y a pas deux systèmes de justice au Québec.

Alors, on va revenir au sujet introduit par mon collègue de Chomedey, la contrebande des cigarettes. M. le Président, mon collègue a fait référence tout à l'heure à une note préparée par les fonctionnaires du gouvernement du Québec. Dans cette note, on lit ceci. M. le Président, on parle du Club Rez enr., propriété de M. Byron Horne, sur la réserve de Kahnawake. Voici ce que dit M. le fonctionnaire Michel Quintal: «Les dépôts bancaires pour ce compte – compte ouvert au nom du Club Rez – représentent une moyenne de 1 000 000 $ par mois dont 90 % de cette somme a été déposée...

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement?

M. Jolivet: Une question de directive, M. le Président. J'aimerais connaître... Parce que, là, on est en train de parler d'un dossier qui est actuellement, d'après le ministre, en enquête policière. La deuxième concerne un cas particulier. Il semble dévoiler des informations sur un cas particulier. Est-ce qu'il a le droit, à ce moment-ci, d'utiliser des renseignements dits personnels, même si c'est une entreprise, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement, la première chose, c'est qu'il y a beaucoup d'affaires qui sont enquêtées par la police et, tant qu'il n'y a pas d'accusation criminelle de portée devant les tribunaux et que le système judiciaire n'est pas saisi d'une affaire, il n'y a rien qui empêche un membre de l'Assemblée d'évoquer une question, d'une part.

Deuxièmement, je pense que nos règles à l'égard de l'immunité parlementaire permettent à un membre de l'Assemblée de questionner le gouvernement sur des documents ministériels ou gouvernementaux qui peuvent circuler, à partir du moment où ils sont en possession d'un membre de l'Assemblée. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Alors, M. le Président, je disais... Et je vais lire attentivement la note pour que le premier ministre m'écoute comme il faut, puis son ministre de la Sécurité publique, là, hein?

Des voix: ...

M. Lefebvre: «Les dépôts bancaires pour ce compte – Club Rez, Byron Horne, propriétaire du Club Rez – représentent une moyenne de 1 000 000 $ par mois, dont 90 % de cette somme a été déposée en espèces. En ce qui a trait au reste des dépôts, l'enquête fait état de dépôts en or qui pourraient expliquer en partie le solde de 10 %.»

(10 h 40)

M. le Président, ces transactions ont d'ailleurs fait l'objet d'une dénonciation à la Sûreté du Québec par le Mouvement Desjardins en vertu de la loi qui interdit le recyclage des produits de la criminalité.

Ma question au ministre de la Sécurité publique: Est-ce qu'il est au courant de cette dénonciation? Où en est l'enquête par la Sûreté du Québec, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je trouve que le député de Frontenac a un certain culot, je pourrais dire, de faire un petit peu son brave quand il parle d'opération au niveau de la contrebande de la cigarette parce qu'on se souviendra que le commerce illicite de la cigarette a connu, on pourrait dire, un taux inégalé quand c'était eux qui étaient au pouvoir, justement, M. le Président. Il ne faut jamais l'oublier, ça. Quand les libéraux étaient au pouvoir, c'était un taux inégalé de contrebande et de commerce illicite du tabac. Et qu'ont-ils fait pour régler le problème? Absolument rien, M. le Président. Alors, maintenant, c'est ça, évidemment, le député de Frontenac, maintenant qu'il est dans l'opposition, voudrait qu'on règle toutes les choses pour lesquelles eux autres, ils n'ont même pas essayé de faire une amorce de solution.

Relativement au cas qui est mentionné par le député de Frontenac, il y a présentement une enquête policière qui est en cours, et le député de Frontenac le sait très bien d'ailleurs. Alors, je ne ferai pas d'autres commentaires pour ne pas nuire à l'enquête policière, mais la justice suit son cours, et le député de Frontenac pourra justement voir qu'il n'y a pas deux justices au Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre a bien saisi ma question? Parce qu'on va en parler tout à l'heure, du mandat de perquisition bloqué. C'est à cette enquête-là qu'il fait référence. Ma question est très précise: Est-ce que la dénonciation de Desjardins à l'effet que, dans le compte bancaire du Club Rez, on déposerait plus ou moins 1 000 000 $ par mois... Est-ce que la Sûreté du Québec fait enquête sur la dénonciation qui a été faite par le Mouvement Desjardins en regard de cette situation? C'est ça, ma question, une question très précise. Oui ou non, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Bélanger: M. le Président, l'enquête policière porte sur toute cette affaire.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Entente entre le ministère du Revenu et M. Byron Horne, propriétaire du Club Rez, à Kahnawake

M. Mulcair: En principale, M. le Président. Donc, on a vu tout à l'heure que le premier ministre qui, justement, dans son intervention, parle du discours politique... On a vu que, au mois de mars 1996, ce même premier ministre disait qu'il allait faire peur aux contrebandiers. Voyons maintenant les faits le 23 février 1996, donc un mois après qu'il a été désigné premier ministre et un peu avant son discours.

Voici l'entente qui a été signée entre le gouvernement du Québec et Byron Horne, doing business under the name Club Rez, Regd. Je le cite dans le texte, M. le Président: «The parties have agreed that: 1° The Deputy Minister of Revenue for Québec will reissue the registration» permit. On va lui redonner son permis pour opérer son commerce. «7° The Deputy Minister of Revenue for Québec will not revoke, suspend, or otherwise affect the registration certificate...» Il peut le garder tant qu'il veut. «The term of this agreement may be extended by mutual agreement of the parties.» Reconduction de l'entente. Et, finalement, le clou de l'affaire: «In any event, the parties shall be responsible for any breach of this agreement and agree to take all measures to prevent the unauthorized disclosure of this agreement.» L'entente est secrète. Est-ce que c'est avec ça que le premier ministre pensait qu'il allait faire peur aux contrebandiers de la cigarette au Québec?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. L'enquête policière porte sur l'ensemble de l'affaire, sur l'ensemble des documents impliqués, alors je pense que de faire un débat en Chambre sur ces choses-là présentement, ça n'avancerait en rien la progression de l'enquête judiciaire et de l'enquête policière.

Le Président: M. le député.


Avis juridique du ministère de la Justice sur l'entente administrative avec M. Byron Horne

M. Mulcair: En principale, M. le Président. L'enquête de février 1996 a été passée au peigne fin à plusieurs reprises par les avocats du gouvernement, notamment dans un avis du 22 janvier 1996 par deux avocates du ministère de la Justice. Dans leur avis, elles disent notamment les trois choses suivantes. Premièrement, en ce qui concerne l'entente que le même gouvernement a signée plus tard: «Nous avons manifesté notre désaccord avec cette dernière entente qui était nettement incomplète, inexacte, ambiguë et défavorable aux intérêts du ministère du Revenu du Québec et de la province en général.»

Deuxièmement: «Vous comprendrez donc que votre entente, qui semble entre autres avoir été inspirée par celle de M. Horne, doit être considérée également comme étant contraire à la loi et aux intérêts du ministère du Revenu du Québec.» Et de conclure les avocates du ministère de la Justice du Québec, sur l'entente que le gouvernement a signée un mois plus tard: «Vu tout ce qui précède, nous concluons que votre entente comporte plusieurs lacunes et qu'elle ne respecte pas la loi ni les intérêts du ministère.»

Vu tout ce qui précède, M. le Président, on veut savoir comment le gouvernement a pu signer une telle entente, sachant qu'elle était d'une illégalité patente, au dire même de ses propres avocats.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je suis informé de ces faits à l'instant même. J'ai entendu, comme tout le monde, le ministre de la Sécurité publique nous dire qu'il y avait une enquête qui était en cours sur l'ensemble des faits et je crois que, pour le moment, il faut s'en tenir là, M. le Président, s'il y a une enquête policière sur les faits. La justice va suivre son cours et les résultats de l'enquête seront communiqués en temps et lieu.

Le Président: M. le député de Frontenac, en principale.


Annulation d'un mandat de perquisition au Club Rez de M. Byron Horne, à Kahnawake

M. Lefebvre: M. le Président – en principale – on vient de parler d'une entente secrète et illégale. M. le Président, on se souviendra que, le 23 avril dernier, 196 dépanneurs sur l'île de Montréal ont été visités, enquêtés, perquisitionnés par la Sûreté du Québec. Dans le même dossier, la Sûreté du Québec et les Peacekeepers de Kahnawake avaient en main un mandat de perquisition à être exécuté chez Byron Horne, propriétaire du Club Rez. M. le Président on sait que Byron Horne est le fournisseur des dépanneurs qui ont été poursuivis devant le tribunal. Le ministre de la Sécurité publique est intervenu, a bloqué le mandat de perquisition, de sorte que toute la preuve n'a pas pu être recueillie.

Ma question, M. le Président, au ministre de la Sécurité publique: Est-ce que le ministre de la Sécurité publique sait que, depuis le 23 avril, plus ou moins 20 dépanneurs de l'île de Montréal ont été condamnés à des amendes variant de 2 000 $ à 54 000 $, 2 000 $, 7 000 $, 5 000 $, 54 000 $, et qu'entre-temps le propriétaire du Club Rez continue son commerce et pense au ministre de la Sécurité publique en disant: Je n'ai pas de problème, c'est un bon gars, le ministre de la Sécurité publique. J'ai une entente secrète qui me protège, donc je ne serai jamais poursuivi... Est-ce que le ministre de la Sécurité publique peut me confirmer que Byron Horne, propriétaire du Club Rez, sera poursuivi de la même façon que les dépanneurs de l'île de Montréal?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: M. le Président, j'ai déjà eu à répondre au député de Frontenac relativement à toute l'opération policière qui visait le commerce illicite des cigarettes. Il y a un volet autochtone et un volet non autochtone à cette enquête. Les deux volets sont en cours. Les deux volets de l'enquête vont aller à terme, M. le Président, tant le volet non autochtone que le volet autochtone. Alors, je veux que ce soit clair là-dessus. Et d'aucune façon, M. le Président, je n'ai bloqué un mandat de perquisition, parce que, le député de Frontenac le sait très bien, c'est un ordre de la cour. Ce n'est pas un ordre du ministre de la Sécurité publique, c'est un ordre de la cour. Donc, je n'ai aucune compétence, aucune juridiction et aucun pouvoir pour arrêter un ordre de la cour. Donc, c'est certain que je ne l'ai pas fait, M. le Président.

Le Président: M. le député de Frontenac.


Lettre de M. Joe Norton au sujet du travail de fonctionnaires du ministère du Revenu

M. Lefebvre: Question principale, M. le Président. M. le Président, je voudrais savoir du premier ministre s'il a l'intention de répondre à M. Joe Norton, chef de bande e Kahnawake, qui écrivait, le 27 mai 1996, au gouvernement du Québec, au ministère du Revenu, à l'attention de M. André Paré. M. Norton écrivait ceci, M. le Président: «Ce n'est pas souvent que j'ai l'occasion d'écrire au gouvernement, surtout au ministère du Revenu, pour expliquer ma satisfaction. Au nom du conseil Mohawk de Kahnawake, je veux remercier vos fonctionnaires Blanchard et Lelièvre.»

(10 h 50)

M. le Président, est-ce que le premier ministre a l'intention de répondre à M. Norton pour lui dire: J'ai reçu votre lettre, M. Norton, je vous remercie? Et j'ai pris bonne note que la lettre que vous avez adressée aux fonctionnaires a été adressée à M. Roger Bertrand, à l'époque ministre du Revenu, et également à M. Bernard Landry, ministre des Finances, adressée par les fonctionnaires qui avaient compris, M. le Président, que c'était une question d'ordre politique. Ils ont donc fait suivre la lettre de M. Norton et au ministre des Finances et au ministre du Revenu du temps. Est-ce que le premier ministre va répondre à Joe Norton pour lui dire: J'ai reçu votre lettre, j'apprécie que vous me remerciiez d'avoir négocié une entente secrète et illégale pour protéger M. Byron Horne, propriétaire du Club Rez?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: M. le Président, il n'y a aucune entente secrète qui permet des opérations illégales. Puis je peux vous dire quelque chose, notre gouvernement ne fera pas ce qu'eux ont fait: On ne signera jamais des ententes avec des gens masqués, M. le Président, comme ils ont fait, eux autres. On ne signera jamais ça, des ententes de même! Il peut bien parler d'entente. Il peut bien parler d'entente, le député de Frontenac!

Le Président: En complémentaire? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, simplement pour demander au gouvernement s'il y a consentement pour dépôt de la note des fonctionnaires, consentement pour dépôt de l'entente secrète et illégale signée entre le conseil de bande et le gouvernement du Québec, consentement pour déposer l'avis juridique des procureurs du ministère de la Justice qui dénoncent cette entente comme étant illégale, et la lettre de félicitation de Joe Norton au gouvernement du Québec.


Documents déposés

Le Président: Alors, il y a consentement pour le dépôt des documents. Cela met fin à la période des questions et des réponses orales pour aujourd'hui.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, à ce moment-ci, Mme la députée de La Pinière? Très bien. Alors, est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis? M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. J'aimerais proposer à cette Chambre l'adoption de la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale procède à des auditions publiques sur l'état du système de santé au Québec, notamment en ce qui concerne les conséquences des compressions budgétaires et de la réforme du ministre de la Santé sur l'accessibilité et la qualité des services offerts aux Québécois et aux Québécoises, et qu'à cette fin elle entende les individus et organismes représentant les malades, les infirmiers et infirmières, les médecins, les administrateurs, le personnel de soutien, les professionnels de la santé, les bénévoles;

«Que le gouvernement convoque donc, à compter du 10 juin prochain, la commission des affaires sociales et demande aux individus et aux organismes de transmettre au Secrétariat des commissions leurs mémoires au plus tard le vendredi 5 juin 1998.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Il n'y a pas consentement, M. le député. M. le député de Jacques-Cartier.


Hommage à M. Malcolm Knox, maire sortant de Pointe-Claire

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Je sollicite le consentement de la Chambre afin de présenter la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse le travail accompli et remercie le maire sortant de la ville de Pointe-Claire, M. Malcolm Knox, qui a annoncé, lundi soir, qu'il prenait sa retraite après 28 ans de service public, y compris 16 ans à la mairie de sa ville.»

«That the National Assembly recognize the achievements and thank the outgoing mayor of Pointe-Claire, Mr. Malcolm Knox, who retired, monday night, after 28 years of public service, including 16 years as mayor of his city.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour la présente... Alors, est-ce qu'on s'entend pour qu'il y ait présentation sans débat?

Une voix: Oui.


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. M. le leader du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 430

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des transports et de l'environnement procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 430, Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds, les 5 et 12 juin 1998, et à cette fin entende les organismes suivants:

«Le vendredi 5 juin 1998, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine: de 11 heures à 11 h 30, remarques préliminaires; de 11 h 30 à 12 h 15, Association des propriétaires d'autobus du Québec; de 12 h 15 à 13 heures, Association des propriétaires de machineries lourdes du Québec;

«Le vendredi 12 juin 1998, à la salle du Conseil législatif: de 11 heures à 11 h 45, Club automobile du Québec; de 11 h 45 à 12 h 30, Association nationale des camionneurs inc.; de 12 h 30 à 13 h 15, Syndicat des routiers autonomes du Québec; de 15 heures à 15 h 45, l'Association des propriétaires de camions à remorques indépendants du Québec; de 15 h 45 à 16 h 30, l'Association des camionneurs du Québec;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouverne7ment et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Bien. Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale modifie son ordre du 14 mai 1998 afin d'inviter le Parti réformiste du Canada à participer aux consultations particulières et auditions publiques que tient la commission des institutions sur la déclaration de Calgary.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Compte tenu que le député de Rivière-du-Loup a voté contre la commission, il va de soi qu'on est contre.

Des voix: ...

Le Président: M. le leader, je comprends... Je m'excuse, je n'ai pas saisi tout à fait. Il n'y a pas consentement?

M. Paradis: M. le Président, je vais répéter. Compte tenu que le député de Rivière-du-Loup a déjà voté contre le fait qu'il y ait une commission comme telle, vous comprendrez que, dans les circonstances, la conclusion logique qui en découle, c'est que nous soyons contre.

Le Président: Très bien. Alors, Il n'y a pas consentement.


Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des institutions procédera aux consultations particulières sur la déclaration de Calgary, notamment en ce qui a trait à une future entente-cadre sur l'union sociale, et ce, en regard des droits et compétences de l'Assemblée nationale, du gouvernement du Québec et des revendications historiques de ces derniers, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à midi et de 15 heures à 17 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 417, Loi prolongeant l'effet de certaines dispositions de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 432, Loi modifiant l'article 21 du Code civil et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Et finalement, que la commission des transports et de l'environnement procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 405, Loi favorisant la protection des eaux souterraines, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 h 15, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Très bien. Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, maintenant.

Alors, s'il n'y a pas d'interventions, nous allons immédiatement aborder les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Veuillez appeler l'article 6, M. le Président.

Le Président: Alors, à cet article, le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 419, Loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus. Est-ce qu'il y a des interventions?

Alors, à la demande du leader du gouvernement, nous allons suspendre quelques instants nos travaux.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

(Reprise à 11 h 2)


Affaires du jour

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Nous reprenons nos débats aux affaires du jour.


Projet de loi n° 419


Adoption du principe

À l'article 6 de votre feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 419, Loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projets de loi n° 419? Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, je présentais devant cette Assemblée le 14 mai dernier le projet de loi n° 419, loi intitulée Loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus. Aujourd'hui, il me fait plaisir d'entreprendre le débat sur le principe de ce projet de loi.

Dans un premier temps, je vais vous brosser un bref portrait de la libération conditionnelle au Québec afin de vous permettre de bien situer les modifications législatives proposées. Mais, d'entrée de jeu, permettez-moi, M. le Président, de souligner le vingtième anniversaire de l'adoption de la loi constitutive de la Commission québécoise des libérations conditionnelles qui est venue instituer le programme de mise en liberté conditionnelle au Québec. En effet, c'est le 8 juin 1978 que le Québec s'est doté, par un vote unanime à l'Assemblée nationale, d'une Commission des libérations conditionnelles après que le Parlement du Canada eut modifié sa propre loi de façon à conférer par délégation administrative ce pouvoir aux provinces.

Le Québec souhaitait depuis longtemps faire bénéficier les personnes détenues dans ses établissements de détention d'un régime intégré de mise en liberté sous condition en assumant un rôle prépondérant dans ce domaine. M. le Président, si le législateur fédéral garde sa compétence en matière de détermination de la peine pour les infractions au Code criminel, notamment au chapitre du temps d'épreuve que doit effectuer une personne détenue avant d'être admissible à la libération conditionnelle, le législateur provincial, quant à lui, conserve toute latitude pour conférer à la libération conditionnelle une philosophie et un cadre procédural qui lui sont propres.

La Commission québécoise des libérations conditionnelles est un organisme qui possède une compétence exclusive d'octroyer ou de refuser la libération conditionnelle à une personne détenue dans un établissement de détention provincial à partir du tiers de sa sentence et d'en déterminer également les modalités d'application. Ces dernières incluent l'imposition de conditions générales et spécifiques dans le cas d'octroi de la libération conditionnelle ainsi que la suspension et la révocation de celle-ci lorsque la personne détenue ne respecte pas les conditions de sa libération ou qu'elle récidive. La Commission est assujettie aux règles d'indépendance, d'impartialité et de justice naturelle, conformément aux Chartes canadienne et québécoise.

Essentiellement, la libération conditionnelle est un privilège accordé à la personne détenue de purger une partie de sa sentence dans la communauté moyennant le respect de certaines conditions. Elle ne change aucunement la sentence prononcée par le tribunal, puisqu'elle ne fait que modifier la façon dont la peine d'incarcération imposée sera purgée. L'objectif fondamental ainsi visé est de favoriser la réinsertion sociale de la personne détenue, à moins qu'il n'y ait un risque sérieux qu'elle ne respecte pas les conditions de sa libération ou qu'il en résulterait un préjudice sérieux pour la société.

Enfin, M. le Président, nous croyons que la protection de la société passe davantage par la réinsertion de la personne détenue, chaque fois que c'est possible, plutôt que par son incarcération. Les décisions de la Commission d'accorder ou de refuser la libération conditionnelle sont motivées par la volonté et la capacité de la personne détenue de se réinsérer dans la société sans mettre en danger la communauté qui l'accueille afin de favoriser la réhabilitation.

Les conditions imposées par la Commission exigent une surveillance étroite qui est assumée par les agents de probation des services correctionnels du Québec. Ces derniers ont aussi la responsabilité de fournir à la personne en libération conditionnelle toute l'information, le soutien, l'aide et les conseils nécessaires à assurer sa responsabilisation et sa réinsertion sociale dans la communauté.

Cela étant dit, M. le Président, permettez-moi maintenant d'informer les membres de cette Assemblée des motifs m'incitant à proposer des modifications à la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus. Rappelons que cette loi est relativement jeune et qu'elle n'a subi que très peu de modifications depuis son entrée en vigueur. Les dernières remontent à 1992. Par ailleurs, la loi-cadre fédérale déléguant aux provinces la compétence d'agir en matière de libération conditionnelle a depuis fait l'objet de deux réformes majeures, notamment en matière de calcul des sentences d'incarcération lorsqu'il y a récidive pendant la période de libération conditionnelle. Il est donc nécessaire que la loi québécoise reflète l'ensemble même de ces changements.

Il importe de préciser, M. le Président, que notre loi est silencieuse à l'égard de certaines situations qui prévalent en matière de libération conditionnelle. C'est le cas, par exemple, de la libération conditionnelle par exception pour les personnes atteintes de maladie en phase terminale. Il en est de même pour celles qui font l'objet d'une ordonnance de renvoi ou d'extradition par le Tribunal de l'immigration. La Commission doit à chaque fois invoquer les dispositions de la loi fédérale en raison de l'absence de dispositions législatives à cet effet dans la loi québécoise.

Par ailleurs, dans un souci de respect de la mission de protection du public et de réinsertion sociale de la personne détenue à la fois pour le ministère de la Sécurité publique et à la Commission, il est nécessaire d'apporter quelques ajustements pour mieux rencontrer certaines exigences à l'égard du public et de la clientèle. C'est pourquoi je propose quelques dispositions destinées à assurer un encadrement plus efficace et sécuritaire des personnes en libération, par le biais de règles de procédure plus simples.

Parmi les plus importantes, mentionnons celles permettant à un membre de la Commission, ou, après avoir consulté la Commission, à une personne désignée par celle-ci, de rendre plus contraignantes ou d'accroître les conditions d'une personne en libération conditionnelle après que celle-ci ait pu se faire entendre et faire valoir ses droits. Mentionnons également la possibilité, pour ces personnes désignées, d'annuler elles-mêmes une suspension de la libération conditionnelle après que la personne détenue ait été réincarcérée.

De plus, afin d'être plus équitable à l'endroit des personnes en libération conditionnelle tout en permettant de prévenir la récidive, je propose que l'on puisse mettre fin à leur libération conditionnelle pour des motifs qui sont hors de leur contrôle. Nous évitons ainsi de pénaliser cette personne et nous ne diminuons pas ses chances de réhabilitation. C'est le cas, par exemple, de celle qui, au cours de sa période de libération conditionnelle, verrait sa sécurité ou son intégrité personnelle menacée du fait qu'elle se trouve à l'extérieur des murs de l'établissement de détention et ne bénéficierait plus d'une protection. C'est le cas aussi de la personne dont les conditions associées à son projet de sortie, dans le cadre de sa libération conditionnelle, deviendraient irréalisables parce que, par exemple, la ressource communautaire fermerait ses portes.

Enfin, M. le Président, un certain nombre de propositions de modifications sont directement liées aux objectifs de ce gouvernement de dispenser à la population de meilleurs services à moindres coûts. C'est pourquoi certaines dispositions visent à permettre à la Commission québécoise des libérations conditionnelles d'effectuer certains gains en efficience et en efficacité et, qui plus est, d'en faire bénéficier les personnes à qui cette loi s'applique ainsi que son principal partenaire, les Services correctionnels du Québec.

À ce chapitre, je me permets de vous indiquer ici quelques exemples: la clarification de la procédure de demande de nouvel examen et l'amélioration de celle relative à la demande de révision, à la lumière de récentes décisions rendues par la Cour supérieure; l'extension du mandat des membres à temps partiel agissant à titre de commissaires communautaires de deux à trois ans; et la suppression pure et simple de l'obligation de tenir une audience lorsqu'une personne détenue est en liberté illégale.

(11 h 10)

En définitive, M. le Président, la loi constitutive québécoise régissant les activités de la Commission a besoin d'être adaptée aux nouvelles réalités du programme de libération conditionnelle. On a pu constater que certains articles sont désuets et à son évolution et, par voie de conséquence, à la jurisprudence, tant au niveau fédéral que provincial.

En outre, l'ajout de certains articles permettra d'insuffler un caractère proprement québécois à l'application de notre programme de libération conditionnelle. Il s'agit là d'un aspect fondamental. Il est impératif que la Commission québécoise des libérations conditionnelles puisse être en mesure d'appliquer son programme sans avoir à invoquer les dispositions législatives de la loi fédérale en cette matière.

De plus, la révision de certaines modalités d'application du programme apportera à la population du Québec des garanties additionnelles relativement à l'encadrement des personnes bénéficiant de la libération conditionnelle, et ce, en préservant les chances pour la personne détenue de participer de façon active à la réinsertion sociale.

Au risque de me répéter, M. le Président, ce gouvernement croit fermement que, dans plusieurs cas, la meilleure façon d'assurer la protection du public est de favoriser la réinsertion sociale de la personne contrevenante. La libération conditionnelle est un des éléments importants du système de justice pénale, et la Commission en est le maître d'oeuvre. Quotidiennement, la Commission participe à la réinsertion sociale des personnes détenues dans la société en leur imposant des conditions propres à leur profil de délinquance. Il s'agit d'une tâche difficile qui exige une grande attention de la part des membres de cette Commission.

J'entends donc doter cet organisme de tous les outils nécessaires pour qu'il puisse continuer de s'acquitter de son mandat avec professionnalisme, diligence et efficacité, et cela, dans un cadre législatif et procédural proprement québécois. La plupart des modifications proposées dans ce projet de loi vont dans ce sens. Je me permets donc, M. le Président, d'inviter cette Assemblée à poursuivre avec moi cette démarche et à adopter le principe du projet de loi n° 419, Loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus. Et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Sécurité publique. Nous allons maintenant céder la parole au leader adjoint du gouvernement. M. le leader adjoint.

M. Boulerice: M. le Président, de façon à permettre au porte-parole de l'opposition de se joindre à nous, je demanderais une brève suspension de cette séance.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je suspends donc les travaux, le temps que le critique officiel de l'opposition et député de Frontenac vienne nous rencontrer au salon bleu.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

(Reprise à 11 h 17)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, vous avez des choses à nous révéler.

M. Boulerice: Oui. Il n'y a personne. Donc, M. le Président, je vais vous demander d'ajourner le débat sur le projet de loi n° 419, de façon à protéger le droit de réplique du porte-parole de l'opposition, le député de Frontenac. Je vous demanderais plutôt, maintenant, de lire l'article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 420


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Donc, nous ajournons, pour l'instant, le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 419, que vous retrouvez à l'article 6 de votre feuilleton, et nous prenons l'article 7 du feuilleton, où M. le ministre de la Sécurité publique nous propose l'adoption du principe du projet de loi n° 420, Loi modifiant la Loi sur les services correctionnels et d'autres dispositions législatives. Alors, sûrement que nous aurons le privilège d'entendre l'intervention du ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui. M. le Président, plusieurs événements importants sont survenus dans le domaine correctionnel depuis les dernières modifications apportées aux lois québécoises en la matière. En effet, au cours des trois dernières années notamment, le Parlement fédéral a apporté des modifications à la fois au Code criminel en matière de détermination des peines, à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ainsi qu'à la Loi sur les prisons et les maisons de correction.

Ces modifications affectent le droit correctionnel québécois dans la mesure où elles ont des impacts importants sur la gestion des sentences et, plus particulièrement, sur le calcul des peines et la durée de l'absence temporaire, ainsi que l'admissibilité à la libération conditionnelle. Le fait que nos lois correctionnelles ne soient pas harmonisées avec celles du fédéral de façon à tenir compte des plus récentes modifications qu'il a apportées rend complexe, voire inéquitable la gestion des peines. Je crois donc qu'il est important que l'Assemblée nationale apporte les modifications législatives qui permettront à l'administration, notamment, d'appliquer ses lois sans référer aux dispositions des lois fédérales.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, le réseau des partenaires communautaires dans le domaine pénal offre aujourd'hui plus d'une centaine de programmes et de services qui touchent tous les aspects de l'intervention en matière de délinquance, et qui vont de la prévention à la réintégration sociocommunautaire, en passant par les solutions de rechange, le développement de l'employabilité et l'acquisition d'habitudes de travail. À travers ce réseau, c'est plus de 30 000 contrevenants qui sont rejoints par année, et ce, via l'action de 1 500 bénévoles et permanents qui y oeuvrent. De façon plus spécifique, le réseau communautaire correctionnel est principalement constitué d'une trentaine de maisons de transition, centres résidentiels communautaires, centres d'hébergement communautaires, et de plus d'une dizaine d'organismes de référence chargés d'assurer la gestion du Programme de travaux compensatoires. Dans l'ensemble, ces corporations emploient environ 400 personnes.

(11 h 20)

Le ministère de la Sécurité publique a des liens également avec une vingtaine d'organismes spécialisés en toxicomanie et en santé mentale, une trentaine de foyers d'accueil, des organismes spécialisés de placement en emploi, de même qu'avec divers services de soutien aux contrevenants. Les ressources communautaires qui oeuvrent dans le domaine pénal depuis près de 30 ans ont donc développé une expertise qui leur est propre. Le ministère de la Sécurité publique reconnaît d'ailleurs, dans les faits, cette expertise depuis des années et entend, par une série d'engagements et à la lumière de ses orientations générales et de sa réalité budgétaire, favoriser à l'avenir la consolidation et le développement du réseau communautaire.

Après avoir signé, le 9 décembre dernier, un cadre de référence dans lequel on retrouve l'ensemble de ces engagements, je crois important, aujourd'hui, de consacrer dans la loi la reconnaissance du rôle joué par les ressources communautaires. Le projet de loi n° 420, Loi modifiant la Loi sur les services correctionnels et d'autres dispositions législatives, comporte donc, M. le Président, les deux volets suivants: premièrement, l'harmonisation avec les lois fédérales; et, deuxièmement, la reconnaissance législative du rôle joué par les ressources communautaires.

À la suite des modifications apportées aux lois fédérales visant à resserrer les règles à l'égard des récidivistes, la date d'admissibilité à une libération conditionnelle n'équivaut plus nécessairement au tiers de la peine, tel que stipulé actuellement à l'article 22.2 de notre Loi sur les services correctionnels. En effet, il peut arriver que la date d'admissibilité à la libération conditionnelle survienne après le tiers de la peine dans le cas d'individus qui commettent à nouveau une infraction aux lois fédérales. Cependant, la Loi sur les services correctionnels du Québec prévoit que la Commission québécoise des libérations conditionnelles a compétence pour entendre un détenu au tiers de la peine uniquement, ce qui, dans les faits, n'est plus toujours exact à la suite des dernières modifications fédérales, comme on vient de le voir.

Afin que la Loi sur les services correctionnels s'ajuste à cette réalité et qu'on évite, du même coup, toute forme d'ambiguïté, je crois que nous devons modifier notre loi de façon à prévoir dorénavant que le détenu qui purge une peine d'emprisonnement de six mois et plus cesse d'être admissible à l'absence temporaire non plus au tiers de sa peine d'emprisonnement, mais à la date de son admissibilité à la libération conditionnelle. C'est d'ailleurs ce qu'on retrouve dans les nouvelles règles d'admissibilité proposées par le projet de loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus, également devant cette Assemblée.

Je crois, M. le Président, que nous devons profiter également de l'occasion pour procéder à l'harmonisation de notre Loi sur les services correctionnels avec les nouvelles dispositions de la Loi sur les prisons et les maisons de correction fédérale, loi qui donne aux provinces le pouvoir d'octroyer des absences temporaires aux personnes incarcérées ayant contrevenu aux lois fédérales. En effet, le Parlement fédéral a procédé récemment à des modifications relativement au programme de permission de sortir de sorte que la durée d'une permission pour réinsertion sociale ou raison humanitaire, qui est actuellement de 15 jours, s'étend maintenant sur une période maximale de 60 jours – je dis bien «période maximale». Plus important encore, cette absence pourra être renouvelée, après réexamen du dossier, pour des périodes additionnelles d'au plus 60 jours chacune, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Par ailleurs, M. le Président, l'avènement de la nouvelle mesure sentencielle qu'est la condamnation à l'emprisonnement avec sursis rend nécessaire l'actualisation de plusieurs dispositions législatives. La Loi sur les services correctionnels étant muette sur l'application de l'ordonnance de sursis, il existe à l'heure actuelle une disparité de traitements selon que le contrevenant exécute des travaux communautaires dans le cas d'une ordonnance de probation ou dans le cas d'une ordonnance de sursis. Le projet qui est devant nous remédie à ce vide juridique et propose de modifier les lois pertinentes en conséquence.

Finalement, et toujours en matière d'harmonisation, M. le Président, avec l'adoption de nouveaux principes en matière de détermination de la peine, le législateur fédéral emploie une nouvelle terminologie qu'il serait souhaitable d'intégrer au système légal québécois pour faciliter la compréhension de tous les intervenants et intervenantes, y compris les personnes contrevenantes concernées. Ces modifications purement terminologiques doivent être transposées dans la Loi sur les services correctionnels afin d'éliminer un double langage qui sert, en fait, à signifier une seule et même réalité.

Par ailleurs, comme j'ai eu l'occasion de l'affirmer dans le passé et encore récemment, j'ai la ferme conviction que la réinsertion sociale de la personne contrevenante constitue le meilleur moyen de protéger la société de manière durable. La réinsertion sociale est définie comme une démarche de changement de la personne contrevenante, amorcée sur une base volontaire, impliquant au premier plan la personne contrevenante elle-même, les proches, les ressources appropriées de la communauté et les intervenants correctionnels. Il s'agit là d'un travail de prise en charge de la personne contrevenante par elle-même, d'abord, mais également par les proches et les ressources de la communauté.

Pour atteindre le résultat visé, c'est-à-dire que la personne contrevenante vive d'une façon socialement responsable, dans le respect des lois, les services correctionnels québécois doivent s'associer à un certain nombre de partenaires. Les services correctionnels ont en effet intérêt à travailler en étroite collaboration avec les organismes communautaires du secteur pénal, puisqu'une bonne partie des personnes contrevenantes possèdent un réseau social déficient et, dans plusieurs cas, inexistant.

La proximité de ces organismes avec les citoyens et les ressources du milieu représente un atout ainsi qu'une force qui peut favoriser une plus grande accessibilité de la personne contrevenante aux services et aux ressources de la communauté. Ces organismes facilitent généralement une participation accrue des citoyens comme bénévoles en plus de susciter l'intérêt de la population.

Les ressources communautaires ont déjà développé une gamme de programmes spécialisés s'adressant aux personnes contrevenantes que ce soit en matière de délinquance, de prévention de la criminalité, de réintégration sociale, de développement de l'employabilité et d'acquisition d'habitudes de travail. Enfin, M. le Président, les ressources communautaires permettent d'établir un pont entre la personne contrevenante et la communauté afin de la supporter, de lui assurer des services et surtout de favoriser sa réinsertion sociale.

L'action des ressources communautaires s'inscrit donc dans un esprit de solidarité et de complémentarité. Ces ressources du domaine pénal participent à la mise en oeuvre de moyens privilégiés dans notre société dans le but notamment de responsabiliser les citoyens et la communauté dans la prise en charge de leurs membres contrevenants dans le développement des solutions en accord avec la communauté.

C'est la raison pour laquelle, dans le cadre des engagements pris lors du chantier sur l'économie sociale, j'ai procédé le 9 décembre dernier à la signature d'un cadre de référence qui définit la nature de nos relations avec les organismes communautaires à contrat oeuvrant en matière pénale. C'est la raison pour laquelle également je tiens à reconnaître formellement dans la Loi sur les services correctionnels l'importance du rôle joué par les organismes communautaires. Cette reconnaissance constitue l'acceptation de leur apport historique dans l'évolution de l'intervention en matière de réinsertion sociale dans la société québécoise.

M. le Président, comme vous l'avez certainement constaté, la loi québécoise sur les services correctionnels a besoin d'être adaptée aux nouvelles réalités et d'être en accord avec les lois fédérales actuelles relativement à leur terminologie. De plus, dans la foulée des orientations gouvernementales en matière de soutien au développement local et régional et de notre volonté de rapprocher les services des citoyens, la cohérence de nos actions nous amène à vouloir reconnaître dans la loi l'importance du travail effectué par les organismes communautaires dans le domaine pénal.

Je me permets donc, M. le Président, d'inviter cette Assemblée à poursuivre avec moi les démarches entreprises et à adopter le principe du projet de loi modifiant la Loi sur les services correctionnels et d'autres dispositions législatives. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je remercie M. le ministre de la Sécurité publique. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 420? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Je suis au regret de vous demander, M. le Président, une autre brève suspension... qui n'aura pas lieu, heureusement, parce que le député de Frontenac arrive. Donc, je vais vous demander d'ajourner le débat sur le projet de loi n° 420. Et nous reviendrons à l'article 6 du feuilleton, quitte à revenir après à l'article 7.


Projet de loi n° 419


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 6 de notre feuilleton, nous reprenons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 419, Loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus. M. le ministre de la Sécurité publique nous a entretenu de l'adoption du principe, il y a de cela quelques instants. Maintenant, nous cédons la parole au critique officiel de l'opposition en la matière, le député de Frontenac. M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je voudrais, dans un premier temps, remercier M. le leader adjoint du gouvernement, qui m'a accommodé, parce qu'il fallait que je sorte de la Chambre en urgence, et le leader vous a demandé de suspendre quelques minutes le débat sur 419. Parce qu'on est sur 419. Tout à l'heure, je pense qu'on disposera de l'autre projet de loi qui occupe le ministre de la Sécurité publique et ses collègues, et l'opposition et moi-même. Vous l'avez indiqué, je suis porte-parole en matière de sécurité publique. On disposera de 420, j'imagine, après avoir discuté de 419.

(11 h 30)

M. le Président, le projet de loi n° 419, vous l'avez également indiqué tout à l'heure, nous sommes à débattre du principe du projet de loi. Alors, il y a des règles qui sont connues des parlementaires et l'attitude des parlementaires en regard des étapes visant l'adoption d'un projet de loi peut varier. Lorsqu'on débat du principe, on a à évaluer, M. le Président, et je pense particulièrement à l'opposition... les ministériels prennent pour acquis, règle générale – je l'ai été du côté du pouvoir dans des projets de loi aussi techniques que 419 – on prend pour acquis que le ministre a raison, que le gouvernement a raison, puis, règle générale, on ne conteste pas. Lorsqu'on est un député ministériel sur des projets de loi de cet ordre, on n'a pas l'habitude de questionner bien gros. L'opposition doit être cependant un peu plus vigilante, M. le Président. C'est ça, la responsabilité de l'opposition. Mais, parce qu'on est sur le principe, on a, dans un premier temps, à évaluer notre attitude, notre accord ou désaccord, en partant des grands principes qui sous-tendent le projet de loi qui nous est soumis.

Alors, je dis tout de suite, M. le Président, au leader adjoint du gouvernement et à son ministre qu'on sera d'accord sur le projet de loi n° 419 pour le moment. Pour quelles raisons? Le ministre l'a indiqué tout à l'heure, c'est un projet technique qui, essentiellement, veut harmoniser notre système des libérations conditionnelles avec le système qui existe au gouvernement fédéral, M. le Président. On sait qu'il y a quelque temps le gouvernement fédéral a modifié sa structure des libérations conditionnelles pour qu'il n'y ait pas de contradiction entre ce qui se passe quant à la libération conditionnelle des cas sous juridiction du Québec... c'est-à-dire, pour ceux et celles qui sont sentencés à des peines de deux ans moins un jour, on sait que c'est la Commission des libérations conditionnelles qui a à évaluer si on peut ou non libérer un prévenu, après qu'il ait purgé le tiers de sa peine, de façon conditionnelle. On peut, M. le Président – notre système le prévoit – exiger que le prévenu condamné à une peine de prison fasse toute sa sentence et c'est la Commission des libérations conditionnelles qui décide de l'opportunité de libérer un prévenu après qu'il ait purgé le tiers de sa peine, mais à des conditions. C'est ça, la responsabilité de la Commission québécoise des libérations conditionnelles pour les sentences de deux ans moins un jour. La même structure évalue les prisonniers, les condamnés à des peines supérieures à deux ans moins un jour, puis ça, bien là, M. le Président, c'est la commission fédérale.

Alors, on a, du côté fédéral, M. le Président, modifié la structure, modifié certaines conditions pour permettre la libération des prévenus avant la fin de leur sentence. Alors, si on l'a fait du côté fédéral, on n'a pas le choix que de le faire du côté du Québec. La loi-cadre fédérale dont on parle s'appelle la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous caution. Cette loi-là a été modifiée, comme je viens de le dire, par le projet de loi 45 qui est devenu loi 45. Du côté du Québec, M. le Président, on n'a pas modifié la loi sur les libérations conditionnelles depuis 1992.

Le fédéral a modifié sa loi sur les calculs sur les peines de prison, M. le Président, entre autres quant à ce qui touche la récidive d'un détenu qui jouit d'un privilège, d'une libération conditionnelle. Ce qu'on a comme responsabilité du côté de l'opposition, c'est de vérifier si la nature des modifications proposées dans le projet de loi n° 419 est conforme à l'arrimage qu'on veut faire avec le projet de loi qui est devenu loi maintenant – je l'ai dit tout à l'heure – 45 au fédéral.

M. le Président, on a aussi la responsabilité de s'assurer que la Commission des libérations conditionnelles a tous les moyens qu'il faut pour administrer, gérer la loi des libérations conditionnelles. La conclusion à laquelle on arrive, c'est que, pour l'essentiel, le projet de loi n° 419 répond aux objectifs visés, ne contredit pas les modifications apportées par le projet de loi 45 du côté du gouvernement fédéral. En deux mots, l'arrimage est purement technique et correct.

Et je m'arrête là-dessus pour dire au leader adjoint du gouvernement et à son ministre qu'on va, au niveau du principe, donner notre accord. Si, à l'occasion de l'étude détaillée du projet de loi – ce n'est pas un projet de loi, évidemment, extrêmement long, il a à peine 22 articles, dont des articles de concordance – si, par hypothèse on avait des mauvaises surprises, bien, on réévaluera notre position. Pour le moment, on est d'accord, M. le Président, puis si vous appelez le vote sur le projet de loi, on va donner notre accord sur le principe, on va donner notre accord immédiatement. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Frontenac et critique officiel de l'opposition. Alors, comme il n'y a pas d'autres intervenants sur l'adoption du principe, est-ce que le principe du projet de loi n° 419, Loi modifiant la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée. Et je profite...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adopté?

M. Boulerice: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je vous demanderais de bien vouloir revenir à l'article 7 de notre feuilleton.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: ...si le leader du gouvernement voulait m'accommoder comme il l'a fait il y a une demi-heure, je vous demanderais de suspendre les travaux pour cinq minutes.

M. Boulerice: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, j'avais mal saisi le signe discret qu'il m'a fait. Oui, une suspension de cinq minutes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous suspendons donc les travaux pour les cinq prochaines minutes. Alors, je vous inviterais à revenir en cette Chambre à 11 h 43.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

(Reprise à 11 h 46)


Projet de loi n° 420


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 420, Loi modifiant la Loi sur les services correctionnels et d'autres dispositions législatives.

Alors, tout à l'heure, vous avez eu l'occasion d'entendre l'allocution qui a été présentée ici même par le ministre de la Sécurité publique. Alors, nous entendrons maintenant l'allocution du critique officiel de l'opposition en la matière, M. le député de Frontenac. Alors, M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi n° 420 a été déposé à la toute fin de la période légale, en vertu de nos règlements et de nos lois de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le 14 mai. Comme vous venez de l'indiquer, M. le Président, tout comme tout à l'heure sur le projet de loi n° 419, on est à discuter du principe. Encore une fois, on a, du côté de l'opposition, à évaluer si les grandes lignes du projet de loi nous donnent l'opportunité d'être d'accord avec le gouvernement.

420, c'est plus préoccupant que 419. Pourquoi? Parce que ça ne vise pas les mêmes objectifs même si ça se rejoint, M. le Président, les libérations conditionnelles dont on a parlé tout à l'heure puis la gestion des centres de détention. Vous aurez compris que, évidemment, ça se rejoint à un moment ou l'autre, mais ça ne vise pas, dans le quotidien, les mêmes objectifs, ça ne répond pas aux mêmes questions.

La Loi sur les services correctionnels, M. le Président, qui est ou qui sera, si le projet de loi n° 420 est adopté, modifiée par ce projet de loi n° 420, cette loi-là vise à encadrer puis à gérer évidemment l'incarcération, l'emprisonnement des détenus dans nos centres de détention du Québec. Je rappelle ce que je disais tout à l'heure, M. le Président: les détenus que l'on retrouve dans nos centres de détention sont ceux et celles qui ont été condamnés à des peines de prison de deux ans moins un jour. Si un individu est condamné à plus de deux ans, cinq ans, 10 ans, M. le Président, il sera incarcéré dans une prison ou un centre de détention de juridiction fédérale. C'est, 420 encore, un projet de loi d'harmonisation. Depuis 10 ans, la Loi québécoise sur les services correctionnels n'a pas été modifiée alors que, du côté fédéral, on a assisté, on a été témoins, pour ceux et celles qui suivent ces questions-là, ces débats-là, de plusieurs modifications à des lois qui touchent l'incarcération.

(11 h 50)

La Loi sur les prisons et les maisons de correction a été modifiée du côté fédéral pour permettre, entre autres, les absences temporaires pour des raisons humanitaires ou encore pour de la réinsertion sociale. La modification apportée récemment du côté fédéral est la suivante. Les absences temporaires – et c'est maintenant ce qui existe du côté des prisons fédérales – les absences temporaires, M. le Président, sont autorisées pour une période maximale de 60 jours. Du côté du Québec, dans l'état actuel de la loi, l'absence temporaire ne peut pas dépasser 15 jours. Alors, entre autres, le projet de loi n° 420 vise à harmoniser nos conditions de libération temporaire avec celles du fédéral. Alors, le ministre propose que l'absence temporaire, qui est présentement, je me répète, de 15 jours, soit, M. le Président, portée à 60 jours, tout comme ce qui existe au fédéral. Du côté de l'opposition, M. le Président, on n'a pas d'objection parce que ce qui sous-tend ce changement-là de porter de 15 à 60 jours les absences temporaires, c'est de permettre la réinsertion sociale des détenus. Il y a évidemment un motif caché du côté du Québec, j'en parlerai tout à l'heure, mais je ne peux pas nier au ministre que la réinsertion sociale passe peut-être justement par des absences temporaires un peu plus longues que 15 jours. Alors, dans ce sens-là, pour cette partie-là du projet de loi n° 420, M. le Président, on va être d'accord.

Une autre loi du fédéral qui a été modifiée, M. le Président, au cours des dernières années, c'est la loi sur les systèmes correctionnels et la mise en liberté sous condition. La loi fédérale implique, puis on le dit, que la libération conditionnelle n'est pas automatique quand le détenu a purgé le tiers de sa peine, surtout lorsqu'il y a des récidives en regard du prisonnier qui demande sa libération conditionnelle, des récidives à des lois fédérales, alors qu'au Québec, si le détenu a purgé le tiers de sa peine, il est admissible à la libération conditionnelle, moyennant évidemment une autorisation de la Commission des libérations.

M. le Président, il y a une autre raison qui amène le ministre à présenter le projet de loi n° 420, au niveau d'un autre motif d'harmonisation, c'est qu'on a introduit dans le Code criminel de juridiction fédérale cette nouvelle peine applicable aux sentences de deux ans et moins, l'ordonnance de sursis.

Alors, ce sont ces raisons que je viens d'énumérer, la libération temporaire prolongée de 15 à 60 jours qui existera à partir de maintenant, quand le projet de loi sera adopté, au Québec tout comme au fédéral; les nouvelles peines qu'on retrouve maintenant au fédéral qu'on doit retrouver également pour nos prisonniers sentencés à deux ans moins un jour, alors ces motifs d'harmonisation nous amènent à dire au ministre: On va être d'accord sur ces parties-là du projet de loi, M. le Président.

Le projet de loi n° 420 vise également la reconnaissance du réseau communautaire comme partenaire des Services correctionnels du ministère de la Sécurité publique, tout ça, évidemment dans l'objectif important de la réinsertion sociale. M. le Président, ce sont des éléments qui nous amènent à dire au ministre: Oui, il y a quelque chose dans le projet de loi qui est correct. Il y a aussi des dispositions techniques nécessaires. Quant au reste, on aurait aimé que le ministre touche toutes les dimensions des problèmes que l'on vit dans nos services correctionnels, au Québec.

M. le Président, vous le savez, j'en ai parlé à plusieurs reprises ici, à l'Assemblée nationale, ailleurs, à l'extérieur du Parlement, sur plusieurs tribunes, dans des entrevues que j'ai faites avec des journalistes qui suivent ce dossier de très près, les problèmes que l'on vit dans nos centres de détention, au Québec. On se souvient que le 3 avril 1996 le gouvernement du Québec, par son ministre de la Sécurité publique, qui, à l'époque, était le député de Laval-des-Rapides, a décidé de fermer cinq prisons en disant: On va mettre en place des mesures alternatives. Ça ne s'est pas fait, M. le Président. Et je me souviens très bien, très bien de ce qui avait été dit par le sous-ministre à la Sécurité publique à l'époque, M. Carrier, le 3 avril 1996. Il avait dit ceci: La décision du gouvernement de fermer des centres de détention, ça n'a rien à voir avec une nouvelle politique de réinsertion, une nouvelle politique de prise en charge des détenus, c'est strictement une question d'ordre budgétaire. Et M. Carrier avait eu le courage de dire: On aurait aimé avoir beaucoup plus de temps que ce qui nous a été imposé pour procéder à la fermeture des centres de détention.

Les services correctionnels du Québec, comme ceux du gouvernement fédéral, comme les services correctionnels que l'on peut retrouver dans n'importe quelle société démocratique, ont la responsabilité d'exécuter les sentences des juges, d'exécuter les décisions du pouvoir judiciaire. Si les juges arrivent à la conclusion – et c'est malheureusement ce qui se passe au Québec depuis plusieurs années – que leurs sentences ne seront pas exécutées intégralement, ne seront pas exécutées selon les règles qui existent en matière d'emprisonnement, ne seront pas non plus respectées quant aux libérations temporaires, quant aux libérations conditionnelles, bien, M. le Président, c'est tout le système judiciaire qui écope.

Et, vous le savez, il y a eu des appels lancés par des juges de tous les tribunaux, de toutes les juridictions, que ce soit la Cour du Québec pour les juges qui siègent en matières criminelles, les juges de la Cour supérieure qui ont à présider les procès devant jury. On se souvient du cri d'alarme qui a été lancé par des juges de la Cour d'appel, qui disaient très clairement: Nos sentences ne sont pas respectées, et c'est inacceptable dans une société comme la nôtre.

Les absences illégales, tout le monde le sait... Le ministre de la Sécurité publique tente tant bien que mal de maquiller la situation, son sous-ministre M. Florent Gagné – je me souviens de l'avoir interrogé pendant deux ou trois heures, il y a plus ou moins six mois – qui est un honnête homme et un homme honnête m'avait avoué qu'il y a de la surpopulation carcérale qui oblige les autorités de nos centres de détention à invoquer la cause humanitaire – ce qui est illégal, en passant – comme motif de libération temporaire ou comme motif de libération avant que le détenu ait purgé le sixième de sa peine. C'est illégal.

Alors, il y a plein, plein de prisonniers, de gens qui ont été condamnés à des peines de prison de deux ans moins un jour. Je le dis, je le répète, je le maintiens, la preuve est faite, il y a eu des témoignages, entre autres, de Richard Pelletier, ex-directeur général du Centre de détention de Québec, qui avait eu le courage de dire: On libère des prisonniers avant terme, on libère des prisonniers dangereux condamnés pour des crimes sur la personne, pas pour des peccadilles, des prisonniers violents qui ont un passé judiciaire très chargé et, à cause de la surpopulation, à cause de la situation créée au cours des dernières années par la fermeture de centres de détention, bien, on est obligé de libérer avant le sixième de leur peine, donc de libérer de façon illégale des prisonniers. Et on les retrouve dans les rues de la Vieille Capitale ou de la ville de Montréal ou un petit peu partout en région. Et on ne sait jamais quand on côtoie quelqu'un qui est en liberté illégale.

Ça, ça cause un problème, quant à moi, de deux ordres. Un, ça peut mettre en danger la sécurité des citoyens et citoyennes du Québec, et ça fausse également le système. C'est, quant à moi, extrêmement grave. J'ai parlé tout à l'heure des juges qui ont la certitude presque absolue que leurs sentences risquent de ne pas être respectées, peut-être une fois sur deux, peut-être une fois sur trois, ça fausse le système.

(12 heures)

J'avais – je me souviens, en mai 1996, j'ai une note ici – questionné le ministre sur les absences illégales. C'était à l'époque, M. le ministre Perreault, le député de Mercier, qui était à la Sécurité publique puis qui avait nié, M. le Président, mes prétentions à savoir qu'il y avait plein d'absences temporaires illégales. Et le syndicat des gardiens de prison, dans une lettre adressée au ministre, en date du 27 mai...

Parce que le syndicat des gardiens de prison suit ce débat-là. C'est eux et elles qui ont à côtoyer tous les jours la surpopulation carcérale, à vivre avec ce problème-là, avec tout ce que ça peut avoir de conséquences pour leur propre sécurité. C'est ce que disait le président du syndicat des gardiens de prison ou un de ses représentants au député de Mercier, alors ministre de la Sécurité publique: Les réponses que vous avez fournies au député de Frontenac sur les libertés illégales, sur les libertés temporaires – M. le Président, que je disais, moi, être illégales – les réponses que vous avez données, M. le ministre, sont en grande partie erronées.

Alors, à chaque fois que j'ai soulevé, moi, ces questions-là, j'ai été appuyé par les intervenants directement concernés, que ce soient les gardiens de prison, que ce soit l'entourage du ministre, son sous-ministre, des fonctionnaires, j'ai parlé de Richard Pelletier tout à l'heure, et j'ai souvent pris comme témoins de mes affirmations – je l'ai mentionné tout à l'heure – les juges.

Évidemment, parce que le ministre de la Sécurité publique, autant celui qui est en poste aujourd'hui, le député d'Anjou, que les deux qui l'ont précédé depuis 1994, depuis que le Parti québécois forme le gouvernement, les trois ministres ont toujours nié l'évidence. Pourquoi, M. le Président? Parce que ce n'est pas facile d'admettre que la sécurité des citoyens est conditionnée à des compressions budgétaires et que, comme ministre de la Sécurité publique, je n'ai pas pu, moi, résister aux ordres du ministre des Finances, aux ordres du président du Conseil du trésor et ultimement, évidemment, aux diktats du premier ministre.

Alors, le ministre de la Sécurité publique, celui qui est en poste présentement, c'est un secret de Polichinelle, M. le Président, que, dans les matchs autour de la table du Conseil des ministres, il ne fait pas le poids avec le ministre des Finances, il ne fait pas le poids avec le président du Conseil du trésor. C'est évident que, quand le ministre des Finances puis le président du Conseil du trésor disent: M. le ministre de la Sécurité publique, cette année, malgré les débordements, malgré la liberté illégale, malgré les absences temporaires illégales, malgré le surpeuplement, malgré le fait qu'on manque de gardiens de prison partout dans le réseau, vous allez accepter une compression de 5 100 000 $...

Y «a-tu» quelqu'un au Québec qui croit que le ministre de la Sécurité publique a même l'audace de discuter de l'ordre qu'on vient de lui refiler, M. le Président? C'est oui, M. le premier ministre; c'est oui, ministre des Finances; c'est oui, M. le président du Conseil du trésor. Vous avez raison. Alors, c'est ça que l'on constate, du côté de l'opposition. C'est ce que tous ceux et celles qui suivent l'actualité politique au Québec savent et réalisent.

La sécurité publique, c'est extrêmement important, tout comme la justice, mais, dans les deux cas... Particulièrement, moi, j'ai à questionner surtout le ministre de la Sécurité publique. La sécurité publique est gérée par un ministre qui n'a plus la confiance de la machine. La sécurité publique, M. le Président, est gérée par un ministre qui n'a plus la confiance de la Sûreté du Québec et évidemment aussi qui n'a pas la confiance des Québécois et des Québécoises. Mais ça fait l'affaire du premier ministre, ça fait l'affaire du ministre des Finances. On a un ministre de la Sécurité publique qui obéit au doigt et à l'oeil, qui ne défend pas ses dossiers, et conséquemment, M. le Président, qui ne défend pas et qui ne protège pas – je ne dis pas qu'il est de mauvaise foi, M. le Président, je dis qu'il ne fait pas le poids – la sécurité des citoyens et des citoyennes du Québec.

Dans le réseau des centres de détention du Québec, ça va mal au point, M. le Président, et c'est devenu inquiétant, préoccupant au point où le Protecteur du citoyen... Le Protecteur du citoyen, on sait c'est qui. Le Protecteur du citoyen, aujourd'hui, le poste est occupé par Me Daniel Jacoby, un homme dont on connaît toutes les qualités et les compétences et évidemment l'intégrité au-dessus de tout soupçon. Vous savez, pour occuper un poste d'une telle importance, M. le Président, être Protecteur du citoyen, il faut répondre à ce que je viens de qualifier comme qualités essentielles.

Le Protecteur du citoyen a décidé, de lui-même, parce que c'est sa responsabilité, d'enquêter sur ce qui se passe dans nos centres de détention. C'est grave, le Protecteur du citoyen, qui est le fonctionnaire qui au Québec a la responsabilité de protéger les citoyens, arrive à la conclusion que notre système de sécurité publique, que ceux et celles qui gèrent nos centres de détention... Je pense évidemment au pouvoir politique, je ne pense pas aux gardiens de prison, qui ont à composer avec une situation absolument catastrophique.

Quand le Protecteur du citoyen arrive à la conclusion que le marasme est tel qu'il doit faire une enquête, c'est grave. Le système de protection des citoyens et des citoyennes du Québec qu'est la Sécurité publique et le réseau des centres de détention... La Sécurité publique, M. le Président, puis les centres de détention, c'est la structure, ça, avec la Sûreté du Québec et les policiers municipaux qu'on retrouve un petit peu partout au Québec, c'est la structure qui a ultimement la responsabilité de protéger la sécurité physique des citoyens, leur sécurité psychologique aussi.

Il faut que les citoyens sentent qu'ils sont bien protégés dans leur intégrité physique, morale, psychologique. Il faut qu'ils aient l'assurance qu'ils ne se promèneront pas dans les rues de Québec puis risquer d'être agressés par quelqu'un qui est en liberté illégale. Il faut qu'ils aient l'assurance que la Sûreté du Québec a tous les moyens qu'il faut pour bien les protéger. Il faut qu'ils aient l'assurance qu'il y a suffisamment de polices dans nos municipalités, dans nos villes, il faut qu'ils aient l'assurance qu'il y a suffisamment de policiers pour bien les protéger. Il faut qu'ils aient l'assurance que les gardiens de prison que l'on retrouve dans les 18 centres de détention au Québec sont en nombre suffisant, sont équipés suffisamment également, M. le Président, et qu'ils se sentent, eux, les gardiens, correctement appuyés et protégés par le pouvoir politique, par le ministère de la Sécurité publique, par les hautes autorités du ministère et par le ministre.

Bon. Je viens de faire rapidement le tour des grandes questions de la Sécurité publique, les questions que se posent les citoyens et citoyennes du Québec. Est-ce que ce que je viens de décrire répond adéquatement aux questions que se posent les citoyens? La réponse, c'est non. La meilleure preuve, je viens de le dire, c'est que le Protecteur du citoyen, lui, reçoit quotidiennement des plaintes des citoyens, de tout ordre, que ce soit en matière de santé, en matière d'éducation, le Protecteur du citoyen reçoit des plaintes des citoyens qui se plaignent, des fois à tort, souvent à raison, de la gestion du gouvernement du Québec. Et Dieu sait que le Protecteur en a reçu un nombre considérable, de ces plaintes des citoyens qui disent: Notre système de centres de détention, notre réseau de prisons nous inquiète; on n'a pas confiance, on se demande si on peut encore circuler dans nos rues de façon sécuritaire.

Le Protecteur du citoyen est venu dire ceci, en commission parlementaire, la commission des institutions, le 25 mars, M. le Président, pour expliquer pour quelles raisons il avait décidé, de lui-même, d'enquêter sur le système carcéral: «Ce que nous constatons, c'est que les contraintes et les pressions sur les services carcéraux, notamment les pressions sur l'ensemble du personnel, font en sorte que le personnel n'est plus en mesure de respecter les lois, n'est plus en mesure de respecter ses propres directives. C'est une situation alarmante.»

M. le Président, c'est grave, ça, quand le Protecteur du citoyen dit que les gardiens de prison ne sont plus en mesure de respecter les lois parce qu'ils ne sont pas en nombre suffisant, parce qu'ils vivent des stress absolument incroyables. On le sait, M. le Président. Je ne veux pas revenir sur les incidents extrêmement dramatiques qu'on a vécus au cours de la dernière année: une gardienne et un gardien de prison qui ont été sauvagement abattus dans la rue. Imaginez-vous la conséquence que ça peut avoir sur l'état d'esprit des gardiens de prison et des gardiennes de prison!

(12 h 10)

Les gardiens ne sont plus en mesure de respecter les lois, ne sont plus en mesure de respecter leurs propres directives. C'est une situation alarmante. M. le Président, c'est ça, le constat qu'a fait le Protecteur du citoyen. Il a tenté d'avoir la collaboration du ministre de la Sécurité publique, et ça n'a à peu près pas réussi. Le ministre de la Sécurité publique a refusé de s'asseoir avec le Protecteur du citoyen pour, dans un premier temps, identifier les problèmes puis évaluer ensemble les solutions. Probablement qu'on a dit au ministre de la Sécurité publique: Tu ne réponds pas au Protecteur du citoyen puis tu le laisses faire son enquête en espérant que les conclusions viendront le plus tard possible. C'est ça qu'on espère du côté du gouvernement.

Le ministre de la Sécurité publique, tout comme son prédécesseur... Ça fait longtemps qu'on nous promet ça. On avait promis, M. le Président, de déposer... Je me souviens, le ministre de la Sécurité publique avait dit, il y a plus ou moins six, sept mois: Je vais, en collaboration avec le ministre de la Justice, déposer un projet de loi quelconque qui va nous permettre de désengorger nos centres de détention. Ça ne s'est pas fait, puis ça ne se fera pas évidemment à cette session-ci, puis je suis convaincu que ça ne se fera pas à l'intérieur de la présente législature parce qu'on va avoir probablement un autre changement de ministre de la Sécurité publique, là. C'est peut-être le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, leader adjoint du gouvernement, qui va se retrouver éventuellement ministre de la Sécurité publique. Alors, si ça arrivait, on aurait eu droit à quatre ministres de la Sécurité publique à l'intérieur de cette même législature. On en a eu trois à date. Ça, c'est un autre problème d'instabilité, M. le Président.

M. Boulerice: ...

M. Lefebvre: Je comprends le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques de dire: Je ne veux pas de la Sécurité publique. Ce n'est pas un ministère facile, j'en conviens. Mais l'instabilité, l'insécurité de la machine tient sûrement au fait que les trois ministres qui se sont succédé depuis 1994 ont failli à la tâche, puis le premier ministre pense corriger la situation en changeant le ministre, puis il se trompe parce que, d'un ministre à l'autre, la situation s'aggrave, M. le Président.

Nos centres de détention sont en crise. Souvenez-vous des dossiers que j'ai soulevés il y a quelques semaines à peine. Quand on en est rendu à vivre des situations aussi loufoques et incroyables que de voir un Hell's Angels agir comme artificier d'un centre de détention – ça s'est passé à Rivière-des-Prairies – ça, ça fait dur pas à peu près. Pas à peu près. Ça a été la farce au Québec. Ça a duré trois jours à peu près, on en a parlé, on s'est questionné, on s'est dit: Ça ne se peut pas, c'est impossible. Mais la vérité, c'est ça.

À Rivière-des-Prairies, il y a quelqu'un qui a pensé que ça avait du bon sens, puis là je ne parle pas des gardiens. Dans le protocole, si on se souvient bien des événements, lorsqu'on a découvert, dans la cour de récréation de la prison de Rivière-des-Prairies, un colis suspect, tout le processus a été respecté. Les gardiens ont avisé la direction, mais la direction, pour toutes sortes de raisons, a pensé de vérifier auprès des Hell's Angels – je ne sais pas combien il y en a, des détenus Hell's Angels – qui venaient de prendre l'air dans la cour de récréation, si c'était un des prisonniers Hell's Angels. M. le Président, je la raconte, l'histoire, pour ceux et celles qui nous écoutent qui ne la connaîtraient pas. Les autorités de Rivière-des-Prairies ont vérifié auprès des Hell's de façon, j'imagine, la plus polie possible: Est-ce que c'est un de vous autres qui a déposé le colis qui apparaît comme étant une bombe? Un des Hell's a dit: Oui, c'est nous autres, puis on va vous aider à la désamorcer.

Imaginez-vous, M. le Président, les autorités, en compagnie de deux ou trois Hell's, ont procédé à la vérification du colis suspect. Aïe! faut le faire. On en est rendu à des situations aussi loufoques que de voir agir comme artificiers, comme désamorceurs de bombe les prisonniers eux-mêmes, entre autres des Hell's Angels. J'imagine que le Hell's en question avait l'expertise, qu'il a fait la preuve auprès des autorités que, lui, il connaissait ça, on lui a dit: Viens-t-en, mon Jean-Pierre, viens nous aider.

Ça s'est passé comme ça à Rivière-des-Prairies, puis ce qu'il y a de plus incroyable c'est que, quand j'ai questionné le ministre – sauf erreur, je pense que c'est le 19 mai – le ministre avait déjà en main une lettre du syndicat des gardiens de prison adressée à sa sous-ministre et le ministre m'a répondu en Chambre qu'il n'était pas au courant des événements. Il ne savait pas. Ça a pris une semaine avant qu'on sache un petit peu ce qui s'était passé de la bouche du ministre, mais on le savait d'autres sources, on le savait par les gardiens eux-mêmes.

Moi, je suis arrivé à la conclusion suivante. Un, nos centres de détention, vivre des situations comme celle-là, il y a un problème majeur. Alors, le Protecteur du citoyen a donc raison d'aller enquêter. L'autre conclusion à laquelle je suis arrivé aussi, c'est que le ministre de la Sécurité publique n'a pas la confiance de ceux et celles qu'il a la responsabilité de représenter et de défendre auprès du gouvernement, dans des débats sur les budgets. La Sûreté du Québec – je l'ai dit tout à l'heure – les gardiens de prison, il n'a plus la confiance de ces gens-là, le ministre. Mais il n'a plus non plus la confiance de ses propres collaborateurs et collaboratrices. La sous-ministre qui a reçu la lettre n'a pas informé le ministre, sinon il y aurait eu un début de réponse aux questions que je lui ai posées. La sous-ministre en savait plus que le ministre puis elle l'a tenu dans l'ignorance, puis ça a duré une semaine.

Bien, là, il semble qu'on ait tiré des conclusions. Il y a des gens qui vont être sanctionnés. On va sanctionner le gardien. Il paraît qu'on va sanctionner le gardien. Pourquoi? Parce qu'il a alerté l'opinion publique, lui. Le gardien de prison a rendu public le scénario loufoque que je viens de décrire, M. le Président, puis, parce que le gardien de prison a rendu publique cette situation-là, parce que le gardien de prison a dit à ceux qui voulaient l'entendre, à l'opinion publique: Ça n'a pas de bon sens ce qui se passe dans nos centres de détention, nos dirigeants ont manqué vraiment de jugement dans le cas de Rivière-des-Prairies puis de la bombe – entre guillemets, parce que ça n'en était pas une – du colis désamorcé, ils ont manqué de jugement...

Bien, M. le Président, les gardiens de prison dans cet incident-là ont été corrects. Ils ont respecté le processus à suivre. On le sait, c'est la Sûreté du Québec qui aurait dû être avisée. C'est la Sûreté du Québec qui aurait dû se présenter au centre de détention et vérifier le colis en question. Parce que le gardien de prison a dit au ministre et à d'autres personnes: Ça n'a pas de bon sens, ce qui s'est passé là, on punit le gardien de prison. Aïe! On a au moins la garantie, comme citoyens, que les gardiens de prison, au Québec, savent encore prendre leurs responsabilités, au point, M. le Président, de rendre publiques des situations aussi ridicules et en même temps graves que celle que je viens de décrire, puis on le punit. Moi, je trouve ça inacceptable. On verra la suite des choses. Ce n'est pas un dossier fermé, ça, M. le Président.

Je ne reviendrai pas sur l'incident du chef présumé des Hell's, Maurice «Mom» Boucher, qui fait du va-et-vient entre Montréal et Sherbrooke, je l'ai dit, qui fait du tourisme. Puis, M. le Président, il fait du tourisme organisé. Il ne se promène pas seul, des voyages organisés, hein, bien encadré par Carcajou, puis il se promenait de Montréal, en allant vers Sherbrooke, sur l'autoroute des Cantons-de-l'Est puis, tout à coup, wo! à mi-chemin, un contre-ordre, on décide de le ramener, M. le Président, à sa résidence principale, la prison Tanguay. Un voyage organisé. Des situations qui, en apparence, sont drôles, mais qui sont en même temps tragiques.

Ça nous indique tout simplement que le ministre de la Sécurité publique a perdu le contrôle de son dossier – je me répète – il n'a plus la confiance de ceux et celles qui devraient se sentir en sécurité avec lui. Alors, on se retrouve à vivre toutes sortes de situations comme celle que je viens de décrire.

(12 h 20)

M. le Président, je vais conclure en disant ceci. Le projet de loi n° 420, pour le moment, parce qu'il manque tellement de choses là-dedans... Il y a tellement d'autres choses qu'on devrait voir pour désengorger nos centres de détention, pour rassurer les gardiens de prison, pour rassurer la population du Québec. Même si 420 est un pas dans la bonne direction mais qu'en même temps... Le ministre n'a aucun mérite, il fait rien que s'arrimer sur le fédéral. Puis, parce qu'il manque trop d'autres choses, moi, pour le moment, M. le Président, au nom de l'opposition, on va voter contre le projet de loi n° 420.

On va vérifier. On va vérifier le mérite des dispositions apparaissant dans 420. On va vérifier également auprès du ministre de la Sécurité publique s'il est disposé à ajouter des choses, puis peut-être qu'on se ravisera après l'étude détaillée article par article puis qu'à l'étape de l'adoption du projet de loi peut-être qu'on se ravisera. Mais, pour le moment, je dis au leader adjoint du gouvernement puis à son ministre: J'aurais quasiment envie de m'abstenir, parce que je ne voudrais pas qu'on prétende que l'opposition est contre la réinsertion sociale. Et ne serait-ce...

Vous savez, la réinsertion sociale, c'est important. Alors, lorsqu'on veut porter de 15 jours à 60 jours l'absence temporaire... J'allais dire tout à l'heure qu'on allait voter contre, mais rien que pour ça, parce que ça touche la réinsertion sociale... Alors, j'ai dit tout à l'heure qu'on va voter contre, mais, parce que la réinsertion sociale, c'est important, parce que le ministre couperait peut-être trop court – malgré toutes les objections dont j'ai parlé qui justifieraient qu'on vote contre, le ministre, je le connais, il va ignorer tout ce que j'ai dit puis il va essayer de faire un peu de millage en disant: L'opposition est contre la réinsertion sociale parce qu'elle a voté contre 420 – alors M. le Président, avec beaucoup de réserves, on va appuyer – je me suis ravisé un petit peu, là – le principe du projet de loi, parce qu'il y a des dispositions sur la réinsertion. Au moment où on abordera le projet de loi quant à l'étape de l'étude détaillée du projet de loi, on verra si on se ravisera. Pour le moment, avec beaucoup de réserves, on va voter pour. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Frontenac. Comme il n'y a pas d'autres intervenants sur l'adoption du principe, le principe du projet de loi n° 420, Loi modifiant la Loi sur les services correctionnels et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que l'on défère ce projet de loi à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, au nom de mes collègues, puis-je vous faire la remarque que les conditions climatiques dans cette salle sont désastreuses. Les députés se plaignent du froid immense qu'il fait au point où certains sont... Si certains sous les palapas sont confortables, tant mieux, avec les bermudas, qu'ils profitent bien de la vie, mais, nous, ici, nous aurions des impers et nous serions très confortables. Ceci étant dit, M. le Président, je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures, en espérant qu'il fasse un peu plus chaud.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, de consentement de part et d'autre, nous allons suspendre les travaux à cet après-midi, 15 heures, et soyez persuadé, M. le leader adjoint du gouvernement, que nous allons voir pendant cette suspension à rétablir un climat confortable pour la continuation de nos travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

M. le leader du gouvernement.


Projet de loi n° 450

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Puisque j'ai l'intention, à ce moment-ci, de vous demander de prendre en considération l'article 12, qui est l'adoption du principe du projet de loi n° 450 pour lequel vous avez une décision à rendre, je voudrais savoir quelle est votre décision. Est-ce que vous avez l'intention de la rendre à ce moment-ci?

Le Vice-Président (M. Pinard): Effectivement. Tout d'abord, est-ce que je peux vous demander une faveur, celle de rester assis, considérant que j'ai un petit nerf de...

M. Jolivet: De coincé?


Décision du président sur la recevabilité de la motion de scission

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui. Ha, ha, ha! C'est ça. Alors, effectivement, suite au dépôt de la motion de scission qui a été effectué hier soir, rappelons-nous, vers les 23 heures, nous l'avons prise en délibéré, nous l'avons regardée sous tous les angles et nous en venons à la décision suivante.

Cette motion vise à scinder le projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives, en trois projets de loi distincts: un premier intitulé Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les suites du jugement de la Cour suprême relatif à l'intervention des tiers; un deuxième projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire concernant l'amélioration de l'accès au vote et la participation des candidats indépendants; et enfin un troisième intitulé Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire concernant l'intégrité des lois électorales ainsi que la confiance des citoyens. La présidence doit maintenant déterminer si la motion est recevable, c'est-à-dire si elle rencontre les critères de recevabilité énoncés à l'article 241 de notre règlement et ceux élaborés par la jurisprudence parlementaire.

Selon l'article 241, lorsqu'un projet de loi contient plusieurs principes, il peut, avant son adoption, faire l'objet d'une motion de scission. Déterminer les principes d'un projet de loi est un exercice qui souvent peut s'avérer fort complexe. Toutefois, en cette matière, une chose est certaine: un principe est un élément essentiel du projet de loi par rapport à une simple modalité qui, elle, est un accessoire à un principe.

Par ailleurs, le fait, pour un projet de loi, de comporter plus d'un principe ne signifie pas forcément qu'il peut être scindé. Pour ce faire, d'autres conditions ont été établies au fil du temps dans des décisions de la présidence. Parmi ces conditions, il y a notamment les suivantes: chaque partie du projet de loi scindé doit pouvoir être considérée distinctement; chaque partie du projet de loi scindé doit constituer plus qu'une modalité; les projets de loi qui résulteraient de la scission doivent constituer des projets de loi cohérents en eux-mêmes.

Il ressort d'une analyse approfondie du projet de loi n° 450 qu'il contient indubitablement plusieurs principes, c'est-à-dire des parties qui pourraient avoir une existence tout à fait indépendantes des autres et qui constituent plus que de simples modalités. À titre d'exemple, outre le principe concernant la possibilité pour un électeur ou un groupe d'électeurs de faire ou d'engager des dépenses de publicité, on a pu identifier notamment les principes suivants: un principe concernant l'affichage électoral, un principe concernant l'accessibilité des personnes handicapées au bureau de vote, un principe concernant l'identification de l'électeur et un autre concernant la forme du bulletin de vote.

La présidence n'a pas ici à aller plus loin dans l'identification des principes du projet de loi n° 450. En l'espèce, il s'agissait plutôt d'un exercice pédagogique qui tendait à démontrer que les principes d'un projet de loi ne coïncident pas forcément avec les intentions que poursuit son auteur.

(15 h 10)

En d'autres mots, la présidence n'a pas, lorsqu'elle identifie les principes d'un projet de loi, à se questionner sur l'importance qu'accorde l'auteur à certaines parties du projet de loi ou à se demander si l'auteur considère qu'une partie du projet de loi est accessoire à une autre. Agir autrement ferait en sorte que l'article 241 de notre règlement serait inapplicable et qu'aucun projet de loi ne pourrait faire l'objet d'une scission, puisqu'il serait très étonnant que l'auteur d'un projet de loi ne considère pas que toutes les parties de son projet de loi forment un tout absolument essentiel.

Bien que certains des principes contenus dans le projet de loi n° 450 pourraient faire l'objet d'un projet de loi distinct, rien n'empêcherait par ailleurs chacun des projets de loi qui résulteraient de sa scission de comporter plus d'un principe. Il s'agit d'une question qui est laissée au choix de l'auteur de la motion.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas nécessaire, dans le présent cas, que la présidence se prononce sur les principes identifiés par le député de l'Acadie dans sa motion de scission, puisqu'un examen attentif de cette motion révèle que les projets de loi proposés ne constitueraient pas des projets de loi cohérents qui pourraient exister de façon autonome.

Afin d'illustrer mon propos, je vais vous donner deux exemples. D'abord, les articles 97.21° et 97.22° sont des articles qui devraient chacun être associés à l'article 78 dans un même projet de loi, étant donné que les articles 97.21° et 97.22° font référence à des nouveaux articles qui sont introduits par l'article 78 du projet de loi. Or, dans la motion du député de l'Acadie, l'article 97.21° se retrouve dans un projet de loi avec l'article 78, alors qu'il se retrouve dans un autre projet de loi en l'absence de l'article 78. Il en est de même de l'article 97.22° qui se retrouve dans un projet de loi en l'absence de l'article 78.

Cet exemple suffit à démontrer que la motion présentée par le député de l'Acadie est en partie irrégulière, ce qui, selon un principe de droit parlementaire reconnu, a pour effet de vicier dans son ensemble. Au surplus, les articles 61, 64 et 82, entre autres, sont interreliés, puisque l'article 82 ajoute une nouvelle infraction associée à des agissements dont traitent les articles 61 et 64. Dans la motion du député de l'Acadie, ces articles n'ont pas été regroupés dans un même projet de loi.

Par ailleurs, la présidence n'est pas autorisée en l'espèce à se prévaloir des dispositions de l'article 193 de notre règlement qui lui permet de corriger la forme d'une motion pour la rendre recevable. Comme une motion de scission consiste principalement à répartir autrement les articles d'un projet de loi en vue de créer de nouveaux projets de loi, le simple fait pour la présidence de déplacer un article d'un projet de loi proposé à un autre serait une correction de fond, puisque cette intervention de la présidence aurait résolument pour effet de modifier le contenu des projets de loi.

Alors, compte tenu de ce qui précède, je déclare irrecevable la motion de scission présentée par le député de l'Acadie. De ce fait, nous pouvons maintenant reprendre le débat sur le principe du projet de loi n° 450. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Comme votre décision risque d'être citée à l'avenir, simplement pour préciser la compréhension que nous avons de votre décision. Vous avez bien dit dans votre décision que ce n'est pas important qu'un projet de loi contienne plusieurs principes comme tels. Ce n'est pas important non plus que l'auteur, c'est-à-dire le parrain, le ministre qui présente le projet de loi ait des principes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Ce qu'il faut retenir de cette décision, c'est qu'effectivement il faut absolument qu'un projet de loi ait plus d'un principe si on veut en demander la scission. Parce que la scission ne peut se faire que s'il y a plusieurs principes dans le projet de loi. Vous pourriez, par exemple, assister à la formation de trois nouveaux projets de loi, ayant chacun deux, trois ou quatre nouveaux principes, qui seraient issus d'une douzaine ou d'une quinzaine de principes, qui pourraient avoir été déposés dans le projet de loi initialement déposé par le gouvernement et pour lequel l'opposition aurait pu demander la scission d'un éventuel projet de loi.

Alors, l'article 241, pour qu'il soit applicable, il faut obligatoirement qu'il y ait, dans le projet de loi, au moins un minimum de deux principes. Dans les circonstances, je tiens à vous le rappeler, ce n'est point parce qu'il y avait plus d'un principe que la motion du député de l'Acadie a été rejetée, mais bel et bien parce qu'effectivement ce n'est pas une correction de forme mais une correction de fond que la présidence aurait dû effectuer dans les circonstances. Je vous rappellerai que nous retrouvons les articles que je vous ai stipulés, tout d'abord les articles 97.21°, 97.22°, avec l'article 78. Alors, ces articles-là, nous aurions dû les retrouver tous dans le même projet de loi. On ne peut pas retrouver certains articles dans un projet de loi et d'autres articles dans l'autre projet de loi, alors que ces articles-là sont intimement reliés.

M. Paradis: M. le Président, vous avez émis trois critères: les principes doivent être distincts; ça ne doit pas être des modalités; et ça doit être cohérent. D'après ce que j'ai compris de votre décision, dans le cas d'espèce qui vous est soumis, vous nous indiquez qu'il y a des principes distincts dans le projet de loi, qu'il ne s'agit donc pas de modalités. Donc, vous utilisez ce qu'on appelle la «discrétion présidentielle» quant à la cohérence et vous faites vôtre, à ce moment-là, la cohérence du ministre responsable.

Le Vice-Président (M. Pinard): Moi, je suis au siège pour interpréter les motions qui me sont déposées et pour travailler en fonction du règlement qui nous régit tous et chacun.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Alors, à ce stade-ci j'inviterais maintenant le député de Viau, M. Cusano. Vous avez un temps de parole de 20 minutes.


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi cet après-midi parce que ce projet de loi, qui amène des amendements à la Loi électorale, est extrêmement important. Il faut que je me souvienne que la dernière fois que ce gouvernement a présenté une réforme électorale, en 1995, qui avait pour but d'établir une liste permanente, ce gouvernement, qui possède la vérité pour tous et chacun, après avoir présenté cette réforme en 1995, a décidé d'imposer le bâillon sur le projet de loi qui avait été présenté à ce moment-là.

Pour ceux qui nous écoutent et qui ne connaissent pas le jargon parlementaire, lorsqu'un gouvernement impose le bâillon, ça veut tout simplement dire que les parlementaires qui ont été élus pour représenter leurs citoyens, qui sont ici pour examiner les projets de loi, en faire l'étude article par article, imposer le bâillon, ça veut dire que les députés, que ce soit d'un côté de la Chambre ou de l'autre, n'ont eu aucune opportunité, en 1995, lorsque... Dans le passé, M. le Président, les changements aux lois électorales ont toujours été adoptés de consentement de tous les partis dans une Chambre. On se retrouve maintenant avec une loi électorale qui a été imposée par ce gouvernement avec un bâillon où les députés n'ont pas eu la chance de s'exprimer sur les difficultés de la Loi électorale qui avait été appliquée et qui est en application présentement et qui vient d'être amendée par la loi n° 450.

M. le Président, je dois dire que, comme parlementaire ici dans cette Chambre depuis les 18 dernières années, je suis déçu que le gouvernement, en premier lieu, ait décidé d'imposer un tel bâillon à cette époque-là, et je suis encore plus déçu que le président qui vous a précédé, M. le Président, n'ait pas vraiment joué son rôle, le rôle le plus fondamental dans cette Chambre, celui de défendre les droits des parlementaires en ce qui concerne l'expression.

(15 h 20)

Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais vous dire que, avec la présentation de ce projet de loi, le 450, qui est devant nous, je m'attendais à ce qu'on apporte des changements pour justement faciliter le vote. Je pense que la responsabilité d'un gouvernement, dans n'importe quelle démocratie, c'est toujours le fait de faciliter pour l'électeur ce qui est fondamental pour l'électeur: s'exprimer lorsqu'il y a une élection qui est déclarée.

Alors, si on regarde présentement – puis on l'avait dit dans les discours sur le principe, M. le Président – la Loi électorale telle quelle, qui nous était présentée comme la solution à toutes les solutions de tous les problèmes qu'on pouvait rencontrer avec les listes permanentes d'autrefois, on nous avait dit que justement il n'y aurait pas de problème au niveau de la liste électorale qui était donnée aux différents candidats. Mais je peux vous dire, M. le Président, que je vais affirmer que, dans la liste électorale qui nous a été fournie, qu'elle soit dans le comté de Bertrand à la dernière partielle ou qu'elle soit dans le comté d'Argenteuil récemment, il y avait autant d'erreurs sur cette liste-là, autant d'erreurs qu'il en existait auparavant, puis même plus d'erreurs qu'il en existait auparavant sur les listes électorales qu'on rédigeait de façon différente.

Je vais vous donner un exemple pour ceux qui vont bientôt... Nous allons tous faire face à une élection. Vous allez recevoir une liste permanente du DGE et vous allez vous apercevoir que la liste n'est pas complète, et principalement à cause du fait que les personnes qui déménagent normalement... Puisque cette liste électorale permanente est rédigée à partir des listes de la Régie de l'assurance-maladie ou de la Régie de l'assurance automobile, alors, lorsqu'une personne déménage...

Si on prend l'exemple d'une famille où vous avez le père, vous avez la mère et vous avez deux enfants de 18 à 24 ans, on trouve beaucoup de familles, M. le Président, au Québec où, dans ce cas-là, c'est seulement le père qui a un permis de conduire, la conjointe n'a pas de permis de conduire puis des enfants de cet âge-là n'ont pas de permis de conduire non plus. Alors, qu'est-ce qui se produit présentement avec la liste du DGE, cette liste permanente? C'est que le père, lui, à cause des restrictions imposées au niveau des lois et règlements de la Société de l'assurance automobile du Québec, est obligé d'aviser de son changement d'adresse. Mais, au niveau des enfants puis au niveau de son épouse, il n'y a aucun avis qui est donné. Alors, ce dont on s'aperçoit sur les listes électorales, M. le Président, c'est à l'effet que le père, lui, a déménagé quelque part, puis le reste de la famille, soit qu'ils sont inscrits encore au même numéro ou bien ils disparaissent complètement de la liste électorale.

Si c'est ça faciliter l'expression des électeurs, moi, je crois qu'au contraire ce que ce gouvernement tente de faire, c'est qu'on a presque l'impression qu'on est en train d'intimider les gens à aller voter. Alors, c'est un changement que j'aurais souhaité, puis je suis sûr que les gens qui sont sur le terrain ont fait des recommandations au ministre responsable, mais je pense que c'est tombé dans des oreilles sourdes.

Un autre changement auquel je m'attendais, encore là, pour favoriser, de la part de l'électeur, sa participation à l'élection, c'est un problème que l'on trouve dans les comtés ruraux. Vous savez, le directeur du scrutin d'un comté a l'obligation de faire parvenir à des gens, aux électeurs, la liste électorale. Ça, ça ne cause pas beaucoup de problèmes dans des grandes villes urbaines, parce que, avec ce qu'on donne aux gens pour faire la distribution, il est attrayant, justement, d'aller se trouver la petite jobine chez le directeur du scrutin pour faire la distribution de ces listes-là. Mais qu'est-ce qui arrive dans les comtés ruraux où les résidences se trouvent au-delà d'un kilomètre? Essayez de trouver quelqu'un qui va faire la distribution de 250 listes électorales à 250 foyers, à des résidences qui se trouvent au-delà d'un kilomètre chaque. M. le Président, je vais vous dire une affaire: C'est impossible de le trouver.

On a vécu cette expérience-là dans le comté d'Argenteuil. Vous savez, le processus, c'est quoi? C'est le directeur de scrutin qui choisit des personnes. S'il n'en trouve pas, il se réfère au Parti libéral. Nous, on n'en a pas trouvé. Ils se sont référés au Parti québécois pour voir s'il y avait des gens qui voulaient faire cette distribution-là. Pas du tout. Il n'y a personne. Ils se sont référés à l'ADQ, mais, eux autres, ils n'avaient plus personne, du tout. Alors, il y a des sections de vote, M. le Président, qui n'ont pas reçu la liste électorale, et ça, encore là, moi, je trouve que c'est totalement inacceptable.

Je m'attendais, par exemple, à ce que l'on puisse introduire, dans ce projet de loi, une disposition qui aurait dit quelque chose dans le sens que, dans les cas où la distribution de la liste électorale n'est pas possible à cause des distances, on pourrait tout simplement les poster. Hein, ce n'est pas bien compliqué, ça, M. le Président, tout simplement de poster. Je ne dis pas de poster la liste électorale à tous les électeurs du Québec, mais, dans des secteurs ruraux, moi, je pense que c'est un service qu'on doit donner à ces gens-là. Ils ont le droit de recevoir une liste électorale, mais, à cause des distances et à cause du manque de personnes qui sont prêtes à travailler pour rien... Alors, ça, c'est un problème, et j'aurais souhaité que, dans le projet de loi qu'on nous présente, on amène un tel changement.

Comme je vous ai dit, j'ai vécu l'expérience dans le comté de Bertrand et, lundi dernier, dans le comté d'Argenteuil où le Parti libéral a été chercher 4 661 votes de majorité. C'est un écart de 20 % avec le parti formant le gouvernement, et je suis convaincu que, du côté de l'information donnée aux électeurs, le résultat aurait été même plus élevé que ça en faveur du Parti libéral du Québec, M. le Président. Et c'est ça que je trouve scandaleux, qu'à chaque fois que ce gouvernement, particulièrement au niveau des lois électorales, propose des changements, hein, c'est pour ralentir et défavoriser et décourager la personne d'aller voter.

Je vais vous donner quelques exemples qu'on trouve ici, dans la loi, M. le Président. Je ne peux pas m'empêcher de penser que l'organisateur en chef du PQ, après les expériences vécues et dans Bertrand et dans Argenteuil, il s'est dit: Mes organisations ne sont pas capables de livrer certaines choses, mais les autres partis, entre autres le Parti libéral, sont capables, eux de le faire. Alors, l'organisateur en chef du PQ a dû se dire: Bien, si, nous autres, on n'est pas capables de le faire, on va empêcher le PLQ de le faire.

Je vais vous donner des exemples, M. le Président. Si on regarde du côté de l'article 64, là, il n'y a pas plus ridicule que ça dans une loi électorale. C'est que, après nous avoir dit que la liste permanente allait solutionner tous les problèmes qu'on avait au niveau des élections, là on dit, dans l'article 64, qu'il n'est pas suffisant qu'une personne se présente à un bureau de vote et qu'elle dise: Je m'appelle M. Untel, je demeure à telle adresse. Ce n'est pas suffisant, maintenant, selon le projet de loi, le fait que la personne se présente et qu'elle dise: Je suis M. Untel, je demeure à telle adresse, je suis ici pour voter. Maintenant, on va exiger que la personne s'identifie soit par un permis de conduire ou soit par la carte d'assurance-maladie. Bon. Je vais vous dire une chose: on nous a dit bien souvent ici que, en ce qui concerne la carte-soleil, d'aucune façon la Régie de l'assurance-maladie ne voulait que ce document, cette carte, devienne une pièce d'identité parce que cette carte donne accès à des informations très privilégiées. Alors, déjà là, on fait des choses qui, selon moi, ne sont pas acceptables.

(15 h 30)

On demande le permis de conduire. Vous savez, il y a bien du monde au Québec qui n'a pas de permis de conduire, beaucoup de personnes qui n'ont pas de permis de conduire et beaucoup de personnes qui vont voter, des fois à la dernière minute, qu'ils soient sur des fermes ou qu'ils soient ailleurs, là, puis ils se rappellent justement qu'il y avait un vote cette journée-là, qui partent. Ils n'ont pas nécessairement tous leurs documents. Alors, vous savez c'est quoi, la grande formule magique de ce gouvernement, M. le Président? Ce n'est pas suffisant que l'électeur soit assermenté, il faut que l'électeur trouve quelqu'un dans le bureau de votation qui va dire: Moi aussi, je vais m'assermenter pour dire que vous êtes vraiment M. Untel. Une assermentation, vous êtes notaire, M. le Président, vous savez ce que ça veut dire. On met en doute, maintenant, l'assermentation d'un individu; et non seulement l'individu doit être assermenté, mais l'électeur, lui, doit demander à une autre personne qui se trouve dans le local si elle connaît cette personne-là.

Une voix: ...

M. Cusano: Oui, c'est ça. Mais il faut vivre des élections, M. le Président, il faut être dans des sections de vote pour voir le bordel que ça peut causer, ça. Si, moi, j'ai une chicane avec mon voisin à cause de mon chien puis de son chat, pensez-vous qu'il va être consentant à m'identifier, si je n'ai pas mes papiers? Si j'ai une chicane de clôture avec mon voisin... puis il faut qu'il soit là en même temps, parce que dans certaines sections de vote où les résidents demeurent à un demi-kilomètre de chacun, ce n'est pas évident que tout le monde se connaît et que tout le monde est là en même temps. C'est ça, le ridicule de ce projet de loi au niveau de faciliter ce que dans toute société démocratique... je pense que c'est la responsabilité du gouvernement, toujours, de pouvoir faciliter l'expression du vote.

Je suis un de ceux qui a été accusé dans le passé de ne pas vouloir accepter la réforme de 1985 parce que je n'acceptais pas une liste informatisée. S'il y a quelqu'un qui aime bien l'informatique puis les bases de données, c'est moi. Je me suis amusé, dans le comté d'Argenteuil, pour vous dire que, le 28 au soir, j'avais prédit une victoire du Parti libéral à 56 % versus 34 %. Je ne me suis pas trompé de beaucoup; j'ai fait ça avec l'informatique. Et de nous faire accroire de l'autre côté que la seule façon d'arriver à des listes informatisées, c'était par une liste unique, c'est faux, c'est absolument faux. Demandez à n'importe qui, à n'importe quelle compagnie où ils ont des bases de données et ils vont vous dire que le plus gros problème au niveau des bases de données, c'est de les mettre à jour. Et le système actuel, avec des délais, que ce soient des personnes décédées, des personnes déménagées, et ainsi de suite, vous allez vous apercevoir qu'à la prochaine élection, dans votre comté, vous allez avoir beaucoup de difficultés, une fois que vous aurez votre liste permanente, à savoir qui est où et où ils sont allés. Je vais vous dire une chose, que ce n'est pas facile.

La meilleure façon, en réalité, de tenir une base de données à jour, c'est ce qui se passait auparavant. D'avoir confondu une liste permanente avec l'informatisation de la liste électorale, encore là, c'est une méconnaissance totale du système informatique. Il n'y a rien qui empêche – et ça le serait encore, selon plusieurs – qu'on puisse avoir une liste informatisée basée sur le recensement, qui est fait au-delà d'une semaine. Y «a-tu» quelque chose de plus clair et de plus précis qu'un recensement qui est fait en dedans d'une semaine? Ça n'existe plus. Et c'est quoi, l'effet du fait qu'il n'y ait plus de recensement, que ça soit dans nos partielles ou même pour une générale, et particulièrement dans nos partielles? Les gens, lorsqu'il y avait un recensement qui était fait, à part du fait que c'était quelque chose de très précis – il me reste deux minutes, merci – une chose qui était claire, c'est qu'on avait un portrait des résidents, des électeurs qui avaient le droit de vote au niveau d'un certain comté.

Ça servait à une autre chose aussi, le recensement, c'était un déclic pour dire aux gens qu'une élection s'en venait, particulièrement dans une élection partielle. J'ai rencontré des organisateurs péquistes dans le comté d'Argenteuil qui me disaient que c'était épouvantable comment les gens ne savaient même pas qu'il y avait une élection à deux semaines du scrutin.

Bien, M. le Président, si on veut que les gens participent, c'est justement de pouvoir faire un recensement avec toutes les exigences qui sont nécessaires. Il n'y a rien qui empêche d'informatiser un tel recensement, parce que c'est une base de données qui est mise à jour, qui peut être mise à jour justement au moment... puis c'est fait instantanément. Vous savez, lorsqu'on faisait des listes sur papier tel quel, on exigeait que le recenseur, lui, tape ça à la dactylo, à ce moment-là, parce qu'on était passé de l'écriture à la main à la dactylo. Aujourd'hui, il n'y a plus grand monde qui ont des dactylos à la maison. Ceux qui étaient très familiers avec des dactylos à ce moment-là, ils ont converti avec justement des logiciels informatiques, et ainsi de suite. On pourrait avoir la même chose.

Alors, en réalité, M. le Président, je suis déçu que ce gouvernement essaie de manipuler le vote. Ils se sont aperçus lors des partielles que, chez les sympathisants PQ, ça sort moins, le vote. Ça sort un peu plus chez les libéraux. Alors, je m'aperçois que, dans ce projet de loi, c'est quoi qui est fait? On s'assure que, si les sympathisants péquistes ne sortent pas, bien, on va prendre toutes les mesures qu'il faut pour que les sympathisants libéraux, eux, ne soient pas au courant qu'il y a une élection. C'est logique, votre affaire! C'est logique.

Alors, moi, je trouve, M. le Président, qu'il devrait y avoir des changements apportés à la Loi électorale, des changements qui favorisent l'expression du vote, et non cette manie du gouvernement qui, fidèle à lui-même tout le temps, au lieu de favoriser les clients, que ce soit au niveau de la santé, que ce soit au niveau du bien-être social, au niveau de l'élection, au lieu de s'assurer que ça soit facile pour un Québécois de vivre au Québec, est plus intéressé par la machine bureaucratique et à répondre aux exigences bureaucratiques.

Pour ces raisons-là, M. le Président, vous ne serez pas surpris, je vais voter contre le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Viau. Nous allons maintenant céder la parole au député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole concernant le projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives; Bill 450, An Act to amend the Election Act, the Referendunm Act and other legislative provisions.

M. le Président, un des buts principaux avoués – parce qu'il y a des buts inavoués, et mon collègue le député de Viau vient d'en parler – du projet de loi, c'est de venir modifier les règles concernant un référendum éventuel pour se conformer au jugement de la Cour suprême. Vous vous souviendrez de toute la discussion qui a eu lieu autour de ça. Il y avait toute une polémique à savoir s'il était nécessaire de recourir à la clause qu'on appelle parfois la clause «nonobstant», c'est-à-dire changer la loi le moins possible et juste de dire que la Loi sur la consultation populaire s'appliquait nonobstant ou malgré la Charte des droits et libertés de la personne.

Tout le monde qui avait étudié le jugement de la Cour suprême se rendait vite compte qu'on n'avait absolument pas besoin d'invoquer ladite clause «nonobstant», mais ce qui s'est passé, c'est qu'on a été très surpris d'entendre beaucoup de ténors de l'autre côté dire: Oui, oui, il faut le faire. Il faut utiliser la clause «nonobstant», puis on va le faire.

Ce qu'ils ont fait, M. le Président, c'est qu'ils ont eu recours à Pierre-F. Côté, l'ancien Directeur général des élections, qui, sans doute, à une certaine époque, a rendu des bons services à l'État québécois. Malheureusement, lors du référendum, il a vraiment connu des ratés, et même lors des modifications législatives qui l'ont précédé. Et c'est une des raisons majeurs pour lesquelles l'opposition officielle s'inscrit totalement en faux à l'égard du projet de loi n° 450.

Je vais me permettre, M. le Président, de dresser un bref historique de l'autre tentative de la part du Parti québécois de venir modifier les règles du jeu en matière électorale au Québec. Je vais vous réciter en détail exactement ce qu'on a connu dans mon comté, dans le comté de Chomedey, dans le comté que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale, le soir du 30 octobre 1995, lorsque 5 426 votes, soit 12 % de tous les votes de mon comté, ont été déclarés invalides par des scrutateurs qui ont tous été nommés par le Parti québécois, formés par une personne qui avait été nommée par le comité central du Oui.

(15 h 40)

Alors, M. le Président, la législation en question, la première tentative de la part des péquistes de voler une élection en changeant les règles du jeu...

Des voix: ...

M. Jolivet: M. le Président, je crois que le député a certainement dépassé ce qu'il voulait dire quand il a employé le mot «voler». Je pense que vous devriez le rappeler à l'ordre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Chomedey, avec l'expérience qu'on vous reconnaît, j'apprécierais que vous continuiez tout en respectant nos us et coutumes ainsi que notre règlement.

M. Mulcair: Ce serait avec plaisir, M. le Président. Puis le leader du gouvernement a raison, c'est un mot que je n'aurais pas prononcé normalement, bien que c'est le seul mot pour décrire ce qui s'est passé.

Des voix: ...

M. Mulcair: M. le Président, effectivement, c'est ça qui s'est passé.

La première fois que le gouvernement du Parti québécois nous a présenté un projet de loi visant à changer les règles du jeu en matière électorale, c'était avant le référendum. C'était ma première expérience ici en tant qu'élu. Et j'étais là, à la commission des institutions, et on recevait Pierre-F. Côté, la personne qui à ce moment-là était le Directeur général des élections. La première chose qui m'a étonné dans son intervention et sa présence en commission parlementaire, c'est qu'au lieu de faire comme le Protecteur du citoyen le ferait... Daniel Jacoby est une de ces personnes qui est nommée par l'Assemblée nationale.

Vous savez, M. le Président, sur la centaine de personnes qui sont nommées à des hautes fonctions au sein de l'appareil étatique du Québec, il y en a une demi-douzaine qui ne sont pas nommées par le Conseil des ministres par décret, qui sont nommées par les membres de l'Assemblée nationale. On peut donner quelques exemples. On vient de parler du Protecteur du citoyen. Il y a, bien entendu, le Vérificateur général; il y a le Directeur général des élections, dont on vient de parler, le président de la Commission des droits de la personne, la Commission d'accès à l'information. Il y a l'Institut de recherche en rémunération qui est là-dedans. Il n'y en a pas beaucoup, mais il y a un certain nombre d'organismes qui, on a décidé, avaient besoin d'un statut particulier, avaient vraiment besoin que leur indépendance soit assurée d'une manière tout à fait particulière.

Quelle fut donc notre surprise, M. le Président, de voir Pierre-F. Côté s'asseoir à côté du ministre responsable à ce moment-là, le député de Joliette. Et on a soulevé la question. C'est très public. On a soulevé la question correctement mais directement aussi, avec le Directeur général des élections, et on lui a demandé pour quelle raison il jugeait pertinent de s'asseoir à côté du ministre comme s'il était un des fonctionnaires du ministre. Et quand on posait des questions directement au Directeur général des élections, le député de Joliette l'empêchait de répondre. Et le député de Joliette a dit ceci – et je me souviens toujours de son expression: «C'est moi, le ministre de tutelle du Directeur général des élections du Québec». Entendre son adversaire politique dire «on the record», comme on dit en anglais, directement dans le microphone, dire: «C'est moi, le ministre de tutelle du Directeur général des élections du Québec», il y a de quoi inquiéter.

Mais, comme je vous dis, M. le Président, j'étais à mes premières armes comme élu. Je me suis dit: Bon, c'est peut-être comme ça. Mais j'ai quand même réussi à poser la question, et le Directeur général des élections s'est senti contraint de venir s'expliquer là-dessus une autre fois qu'il a comparu devant nous, à la commission des institutions, puis il faisait pas mal plus attention après ça. Mais le chat était déjà sorti du sac, M. le Président, du moins pour ce qui est de notre compréhension du rôle de M. Pierre-F. Côté et du rôle qu'il allait être appelé à jouer lors du référendum avec le gouvernement.

Les exemples n'ont pas manqué. Pendant la période préréférendaire, par exemple, dès qu'il y avait l'indication par un membre syndical, dans une usine quelconque, que le patron disait: Vous savez, on fait partie d'une chaîne de production massive. Si jamais c'est interrompu, notre partie de la production risque d'être changée de place. Bang! le Directeur général des élections intervenait: Sévère avertissement. Il était là pour assurer une seule chose: que le Oui ait toutes les chances de son côté. Quand ça se passait dans l'autre sens, quand les syndicats organisaient avec leur argent, complètement en dehors des règles normales du jeu pour un référendum... Les syndicats, les centrales syndicales ont dépensé des fortunes pour essayer de faire passer le Oui. Pas un mot. Pierre-F. Côté n'a jamais bronché. Ça, c'était bien correct, ça. C'est normal. C'est normal quand on est d'un bord; pas normal quand on est censé être neutre, qu'on est censé être là pour appliquer les règles d'une manière égale pour tout le monde. Alors, c'était ça, l'expérience qu'on avait, et le projet de loi qu'on étudiait, qu'on aurait voulu étudier en toute objectivité opérait, comme mon collègue le député de Viau le disait tantôt, un changement majeur.

Plutôt que d'avoir le système qu'on a tous connu toujours au Québec, c'est-à-dire un recensement, c'est-à-dire des gens qui vont de porte à porte pour faire l'énumération des gens qui ont la qualité d'électeur – ils mettent leur nom sur une liste – dresser la liste, assurer que la liste est publique, que tout le monde peut vérifier qu'il n'y a pas de nom, là-dessus, de gens qu'ils n'ont jamais vus ou qui ne sont pas dans leur voisinage, un système qui marchait bien, voilà que, en guise de faire quelque chose qui était vraiment bon et plus moderne, on allait nous proposer une liste électorale permanente, puis on nous la décrivait, comme c'est la tendance des péquistes, comme étant la meilleure trouvaille du siècle.

On était capables – mon collègue le député de Jacques-Cartier l'a fait très bien – de sortir les exemples de ce qui existe aux États-Unis où on a de telles listes et de prouver, chiffres, statistiques, études à l'appui, que ça allait être un problème d'avoir une liste électorale permanente, que, nous, on avait déjà un meilleur système que ceux qui ont la liste électorale permanente. On ne comprenait pas où était l'intérêt de bâtir cette liste électorale permanente alors qu'on avait un système qui fonctionnait bien.

M. le Président, ce sont des gens dans la région de la capitale, ici, à Québec, qui savent mieux que quiconque à quel point on a connu des ratés avec la liste électorale permanente. Souvenez-vous des gros titres dans les journaux ici, à Québec, à la veille des élections municipales, au mois de novembre, dans la ville de Québec, il manquait 8 000 personnes sur les listes électorales. Regardez ce que ça a donné, là. C'est concret. C'est ce qu'on pourrait appeler un «dry run», hein, en vue des prochaines élections générales. Ce sont autant de signaux d'alarme qui sont en train de s'allumer sur notre tableau de bord, qui devraient nous indiquer qu'on a tout intérêt à faire extrêmement attention avant d'aborder d'autres changements possibles en matière d'élections ici, au Québec.

Qu'est-ce qu'on a donc dans le projet de loi n° 450? C'est une série d'amendements qui visent à répondre aux objections de la Cour suprême, mais aussi, là-dedans, il y a plusieurs petites choses qui font comme la première série de changements qui ont été introduits par les péquistes avant le référendum. Ce n'est pas comme si on n'avait pas essayé de les mettre en garde contre ce qu'ils étaient en train de faire. Encore une fois, mon collègue le député de Jacques-Cartier, avec mon collègue le député de Mont-Royal, moi-même et le député de Laurier-Dorion, on a signé un long article dans un journal dans lequel on décrivait tous les problèmes qu'on allait rencontrer avec cette liste électorale permanente, avant qu'elle soit adoptée, et on a eu raison.

La liste électorale permanente qui est proposée est un gros problème. Ce qu'on propose ici, ça va être d'autres problèmes; et je tiens aussi à souligner, M. le Président, qu'il s'agissait de la première fois de l'histoire moderne du Québec qu'un gouvernement avait utilisé sa majorité pour imposer des changements majeurs dans notre système électoral, en utilisant le bâillon. Évidemment, tout le monde a l'habitude, l'opposition en premier lieu, que le gouvernement gagne ses votes. C'est normal, le gouvernement dispose d'une majorité en Chambre. Mais, lorsqu'on touche aux institutions, lorsqu'on touche à ce qui régit notre système démocratique, une des traditions au Québec a toujours été, jusqu'à l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement péquiste, d'exiger le consensus, c'est-à-dire l'entente de tous les partis politiques en présence avant de procéder à de tels changements substantiels à notre législation régissant les élections.

Malgré cette tradition, malgré cette coutume bien ancrée, les péquistes ont voté des changements majeurs à la Loi électorale en imposant le bâillon, c'est-à-dire qu'ils ont changé les règles ordinaires de l'Assemblée nationale pour pouvoir bulldozer leurs changements à la veille du référendum. C'est ce qu'ils tenteraient de faire encore ici, M. le Président, avec des dispositions concernant notamment une carte d'identité.

(15 h 50)

M. le Président, le député de Lévis et président de la commission de la culture a assisté à l'ensemble des travaux de la commission lorsqu'on a fait nos études et notre travail sur la carte d'identité. Il y a eu unanimité sur cette commission-là comme quoi c'était inapproprié de procéder à la création d'une nouvelle carte d'identité obligatoire. On avait, par ailleurs, dit qu'on voulait respecter la législation existante qui interdit à quiconque, au gouvernement ou à qui que ce soit d'autre, d'utiliser la carte d'assurance-maladie pour une fin autre que celle pour laquelle elle est délivrée. La carte d'assurance-maladie, la carte-soleil, elle est pour recevoir les soins de santé, rien d'autre. Vous savez qui nous a donné la plus forte proposition à cet égard-là, de vouloir garder cet état de fait là? C'était ni plus ni moins la Régie de l'assurance-maladie du Québec, qui ne veut pas que sa carte serve à d'autres fins que ce soit.

Qu'est-ce que le gouvernement du Parti québécois nous ferait avaler si jamais on allait sur le chemin qu'il nous propose ici? Contrairement à la décision et à la recommandation unanime de la commission de la culture, tout d'un coup, on serait en train de demander notamment la carte d'assurance-maladie pour fins d'identité. Il n'y a jamais eu de problème là-dessus. Les gens ne sont pas des fraudeurs. La seule cause – c'est un de mes collègues qui l'a soulevée l'autre jour – qu'on connaît, c'est la cause de la députée de Sherbrooke, pour l'instant. On en a un autre pour la remplacer, il sera là bientôt, mais leur députée de Sherbrooke a déjà avoué publiquement qu'elle a voté illégalement. C'est la seule personne qu'on connaît qui l'ait fait.

Puis on veut changer encore le système, M. le Président. On n'a pas encore fini de mettre en place tout le système qui avait été déjà chambardé et imposé de force par les péquistes la dernière fois, ils veulent encore venir avec un important projet de loi qui vient nous chambarder ça. Quand? À la veille de la prochaine élection générale provinciale. Tiens, tiens, c'est curieux, ça!

Moi, je me souviens aussi que, au printemps 1997, à la veille de l'élection générale fédérale, Pierre-F. Côté, avant qu'il démissionne, avant qu'il prenne sa retraite, très publiquement, grondait M. Kingsley, le Directeur général des élections au fédéral. Il le grondait publiquement, en disant: Mais pourquoi il veut faire sa propre liste électorale permanente? La nôtre, c'est la meilleure au monde. Pourquoi il ne vient pas la chercher? Par pur hasard, presque simultanément, il y avait des élections partielles, et on s'est vite rendu compte que la liste électorale permanente du Québec, la nôtre, qui était censée être en place, n'était pas prête pantoute, alors que, lui, il se vantait que c'était «number one», il voulait même l'imposer à l'autre. Elle n'était pas prête pantoute. Il a été obligé de venir en catastrophe en Chambre pour nous demander de lui changer sa loi pour lui permettre, justement, de faire une autre énumération et de faire ce qu'il fallait pour que les gens soient sur la liste électorale.

M. le Président, on n'embarque pas là-dedans. On en a assez vu. On leur a dit, avant le référendum, qu'ils étaient en train de faire quelque chose qui allait être une erreur monumentale. Devinez quoi: c'était une erreur monumentale.

Mr. Speaker, the bill that's before this House this afternoon would once again change the basic rules in our democracy, and we want to just tell everyone who is listening to us that the Official Opposition has no intention of playing along with the PQ Government on this one.

Prior to the 1995 Referendum, I was a member of the Committee on Institutions, the permanent committee of this House that looks into such matters as elections. We received a number of observers and experts on the PQ proposal to put together a permanent electoral list. We were most surprised to see Pierre-F. Côté, then Director General of Elections, sitting beside the Minister, who was the Member for Joliette, sitting there and allowing the Member for Joliette to dictate to him when he would answer and when he wouldn't answer. The Member for Joliette went so far as to describe himself – I'll use the French term – as being «le ministre de tutelle», roughly translated: I'm his boss.

The Director General of Elections is an institution in our society, and not just an individual, Mr. Speaker. I think you'll agree with that; a little bit like the Ombudsman or the Auditor General, someone who is there to ensure in the public interest the application of the law. Unlike other government agents, unlike other senior civil servants, these people are not named by order in council, they're named by a two-thirds or three-quarter vote of the sitting Members of this House present at that vote. It's important that we recognize that distinction. It's important that persons who occupy that high office recognize that they have certain obligations which are above those that exist for others, especially with regard to their neutrality. For the Director General of Elections to have so easily accepted that the Member for Joliette tell him what he could and couldn't do was for us a very preoccupying signal.

We were right to be preoccupied and concerned, Mr. Speaker. As it turned out, on the night of October 30th, 1995, in my Riding, Chomedey, 5 426 electors were deprived of their most fundamental right in a democracy: their vote. They were deprived of that vote because of a well-oiled scheme. They were deprived of that vote because in many of the ballot boxes as many as 50 %, 55 %, upwards – I think the highest watermark was 57 % – of the votes in certain ballot boxes were declared invalid. We warned the Government prior to the referendum that introducing this permanent electoral list and doing away with door-to-door enumeration would exclude a lot of people from the list.

What the Government has provided for in Bill 450 is a whole new set of rules that would require you to start producing ID cards. The challenges would be numerous: your ability to fight back, your ability to make sure that your basic democratic right, your franchise, your right to vote was not taken away from you for frivolous reasons.

Now, Mr. Speaker, it will come as no surprise to you or to anyone else who has followed these debates that the Official Opposition is opposed to Bill 450. We will do whatever is necessary to make sure that Bill 450 is defeated. It is not true that on the eve of the next electoral rendezvous, on the eve of the next general provincial election, that we are going to allow the PQ Government to once again bulldoze this Assembly by using its majority in this House to cut short debate, to impose its will and to try to stack the deck in its own favor for the election the way he tried to do it for the referendum. We won't stand for it, Mr. Speaker. We're gonna do whatever is necessary: we'll use every parliamentary means; we'll use every tactic at our disposal; we'll use every minute of speaking time that we have in this House to make sure that democracy prevails, to make sure that the fundamental right of all citizens to vote in a democratic society is respected, and to make sure that rules are fair and that they're applied fairly. It's not because this Government has the habit of interfering in institutions that we're going to stand by and let them do so with regard to elections. We oppose Bill 450, we oppose it vehemently, and we'll continue to do so, Mr. Speaker. Thank you very much.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Nous allons maintenant céder la parole au député de Johnson. M. le député.


M. Claude Boucher

M. Boucher: Merci, M. le Président. Je n'avais évidemment pas l'intention de prendre la parole sur un projet de loi qui me paraît faire le consensus normalement dans la société dans laquelle nous évoluons, au Québec. Mais, compte tenu de l'intervention de notre collègue de Nelligan, j'aimerais lui rappeler un certain nombre de choses.

Une voix: De Chomedey.

M. Boucher: De Chomedey, excusez, M. le Président.

Dans la région de l'Estrie, au dernier référendum, la chef de l'opposition actuelle et les députés libéraux ont incité – et certains ont parlé de complot, M. le Président – les étudiants de l'Université de Bishop à s'inscrire sur les listes électorales, sachant d'ailleurs qu'il était illégal de s'inscrire et de voter à une élection quand on n'était pas un résident du Québec. Plus de 3 000 jeunes se sont inscrits et ont voté illégalement, encouragés par les députés libéraux de la région de l'Estrie, et notamment par la chef de l'opposition actuelle. Une soixantaine, jusqu'à maintenant, ont été déclarés coupables et ont été condamnés à 500 $ d'amende, et d'autres viendront.

Il a parlé de notre collègue de Sherbrooke, qui d'ailleurs n'a jamais été poursuivie. Mais, lui, il n'a cité qu'un cas. Mais il y en a des dizaines, dans ma région, de jeunes qui ont voté illégalement, encouragés d'ailleurs par les députés de l'opposition.

(16 heures)

L'histoire de notre formation politique est l'histoire d'une formation politique qui a travaillé sans relâche depuis sa formation pour améliorer le système électoral au Québec et pour favoriser le fait que chaque Québécoise et Québécois puisse exercer son droit de vote, et que seulement les Québécoises et les Québécois puissent le faire. L'objection du Parti libéral actuellement me semble tout à fait déplacée, compte tenu de leur propre tradition à eux. Vous vous rappelez, M. le Président, quand nous avons commencé à faire de la politique, en 1970, nous devions lutter contre ce qu'on appelait – mes collègues qui sont ici le savent très bien – les télégraphes. Vous savez, les morts votaient dans ce temps-là. Il y a toute sorte de monde qui votait. Des gens votaient trois, quatre fois. Des gens étaient payés pour se présenter et voter à plusieurs sections de vote. Notre gouvernement et les gouvernements précédents du Parti québécois ont fait en sorte que ceci se reproduise de moins en moins, mais il reste des choses à corriger.

On l'a vu au dernier référendum, chez nous, dans ma région – on l'a vu, on le constate – il est extrêmement important que nous puissions nous assurer que seuls ceux qui ont le droit de vote le fassent. Je reviens sur ce que je vous disais, M. le Président: 3 000 jeunes dans la région de Sherbrooke et dans la région particulièrement de Lennoxville se sont inscrits illégalement et ont voté. Nous avons cette preuve-là. Elle a été très facile à faire parce que, quand nous avons reconstitué la liste électorale dans cette région-là, on s'est retrouvé avec 3 000 noms de moins sur la liste électorale pour l'élection municipale. Alors, le recoupage a été facile à faire.

Vous savez que des jeunes anglophones de Toronto, de Vancouver, des Américains ont voté. Le fils de l'ex-premier-ministre de l'Île-du-Prince-Édouard a voté, Joe Ghiz, son fils. Alors, des jeunes de bonne foi, sans doute, puisqu'on leur a dit, à l'Université Bishop's, que, puisqu'ils étaient là, des étudiants, ils avaient le droit de vote. Ceux qui leur ont dit ça le savaient très bien, qu'ils n'avaient pas le droit.

Alors, la loi vient apporter des correctifs qui vont faire en sorte que les Américains qui résident au bord des lignes dans ma région ne puissent pas venir voter comme plusieurs d'entre eux le faisaient. Vous savez, M. le Président, que ces gens-là, quand ils viennent voter au Québec, et les jeunes anglophones de l'Ontario, les jeunes anglophones de l'Île-du-Prince-Édouard ou les jeunes anglophones du Nouveau-Brunswick, lorsqu'ils viennent voter au Québec, ils ne votent certainement pas pour le Parti québécois. Vous devez en être convaincu, n'est-ce pas? Alors, pour qui votent-ils? Nous savons qu'au dernier référendum ils ont voté évidemment pour l'option de nos adversaires. Ceci ne se reproduira pas grâce à ce projet de loi.

Et voilà pourquoi, M. le Président, je vais voter ce projet de loi avec beaucoup de fierté. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Johnson. Nous allons maintenant céder la parole au député de Pontiac. Alors, M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Il semblerait que c'est les Anglais, d'après le député de Johnson, qui n'auront plus droit de vote, les Anglais de l'Ontario, les Anglais des États-Unis. Est-ce que les Anglais du Québec vont avoir le droit de voter, M. le Président? Est-ce que c'est parce qu'on est Anglais qu'on n'a pas le droit de vote?

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Middlemiss: Non, non, M. le Président, j'ai bien entendu et on pourrait sortir les galées. Regardez, les personnes dont on est certain, la députée de Sherbrooke, elle, c'est certain... Non, certainement, il n'y a pas eu de conséquence. Mme la députée de Sherbrooke, c'est parce que c'était passé. Mais il y a eu des conséquences. La députée de Sherbrooke n'est plus ministre. Donc, le chef, le premier ministre du Québec, M. Parizeau, s'est assuré que Mme la députée de Sherbrooke n'était plus ministre. Donc, est-ce que ça, ce n'est pas encore une indication qu'elle avait posé un geste qui n'était pas acceptable par le Parti québécois?

Mais, M. le Président, nous sommes en train aujourd'hui de débattre un projet de loi. Puis, lorsqu'on parle d'élection, c'est l'exercice démocratique qui se fait au Québec, que ce soit au niveau provincial, que ce soit au niveau fédéral, que ce soit au niveau municipal ou même scolaire. Il me semble que c'est important que tous les gens puissent exprimer leur choix démocratique. Il me semble qu'on devrait toujours faire certain qu'on facilite l'exercice de ce droit-là. Au lieu de le compliquer, pourquoi ne pas le rendre plus facile? S'assurer, M. le Président, qu'il n'y a personne qui triche: d'accord, ça, je pense que nous n'avons aucune leçon à apprendre de personne sur ça, aucune leçon, aucune; mais il me semble que le but, l'objectif, c'est de permettre et de rendre ça facile, ne pas compliquer. Et l'exemple des gens, c'est: Bravo! Le libre choix, c'est important.

Qu'est-ce qui arrive présentement aux commissions scolaires? Qu'est-ce qui arrive aux commissions scolaires pour les parents qui n'ont pas d'enfants aux écoles? Dans le passé, les anglophones qui faisaient partie des commissions scolaires protestantes étaient sur les listes de ces commissions scolaires. Avec les changements aux commissions scolaires linguistiques, on a décidé, le gouvernement a décidé que tout le monde qui n'a pas d'enfant à l'école, on va les mettre sur la liste des commissions scolaires françaises, et ça sera aux anglophones d'aller se faire inscrire sur la liste des commissions scolaires linguistiques anglaises. Encore, le fardeau est à eux de le faire.

Est-ce que, M. le Président, c'est un geste, ça, de dire: Regarde, on va coopérer, on va aider ces gens-là à être dans la bonne commission scolaire? Ça aurait été facile de préparer une liste. On les a, les listes, on les a. Ça aurait été facile de prendre la liste des commissions scolaires protestantes et de préparer et de poser la même question, dire: Regardez, est-ce que vous voulez continuer à supporter la commission scolaire anglophone ou francophone?

Non. On a choisi, M. le Président, la partie difficile, et aujourd'hui c'est la confusion totale. Pas seulement pour le droit de vote, il y a aussi, dans le cas des commissions scolaires linguistiques, où va-t-on payer des impôts scolaires? La taxe scolaire, où va-t-on la payer? Et c'est ça qui va garantir la survie ou la qualité de l'enseignement ou des écoles dans ces commissions scolaires là.

Mais, M. le Président, le projet de loi aujourd'hui... Et peut-être qu'une façon de bien saisir c'est de lire un peu les notes explicatives. Ça dit: «Ce projet de loi introduit d'abord dans la loi électorale de nouvelles dispositions afin de permettre à un électeur ou groupe composé majoritairement d'électeurs de faire ou d'engager des dépenses de publicité pour, sans favoriser ni défavoriser directement un candidat ou un parti, soit faire connaître son opinion sur un sujet d'intérêt public ou obtenir un appui à une telle opinion, soit prôner l'abstention ou l'annulation du vote. Cet électeur ou groupe d'électeurs, désigné dans la loi sous le vocable d'intervenant particulier, sera soumis à des règles que le projet prévoit, notamment obtenir une autorisation préalable, ne pas effectuer des dépenses de publicité dont le total dépasse 300 $, ne pas faire ou engager des dépenses en commun avec quiconque et produire un rapport de toutes ses dépenses.»

M. le Président, puis aussi sur la loi des consultations. Et pourquoi ça? On se souvient qu'en 1992 il y a eu le référendum sur l'entente de Charlottetown. À ce moment-là, il y avait un député ici, de D'Arcy-McGee, qui s'appelait Robert Libman, qui se voyait sur la même tribune que le chef de l'opposition, du temps du Parti québécois, qui était pour le Non, il était contre l'entente de Charlottetown. Et, à ce moment-là, même s'ils étaient ensemble... C'est vrai qu'ils étaient tous les deux contre, mais pas pour les mêmes raisons: le Parti québécois, parce que c'est certainement que tout ce qui ferait fonctionner mieux le Canada, il est contre; dans le cas de M. Libman, il trouvait que ça n'allait pas assez loin.

Donc, deux pôles opposés, M. le Président, et à ce moment-là, vu que la Loi sur la consultation populaire nommait un chef de l'opposition comme étant le chef du comité du Non, tout le monde devait s'ajuster, et on n'avait aucun contrôle, on ne pouvait faire aucune dépense. Donc, on a élargi ça un peu, on a dit: Regardez, il peut y avoir des circonstances, sur des consultations populaires ou des élections, où des groupes qui sont du même côté, ils ne le sont pas pour les mêmes raisons, et ils vont vouloir faire valoir. Donc, M. le Président, on apporte une correction.

Mais l'ironie de tout ça, c'est lorsque la Cour suprême a décidé, a rendu la décision – je pense que c'est septembre, l'an passé. Là, le ministre responsable de la Réforme électorale: Aïe! Ça n'a pas de bon sens, la tour de Pise qui penche encore toujours du mauvais côté, c'est toujours nous autres; on va utiliser la clause «nonobstant», on va se retirer de tout ça.

M. le Président, ça a duré peut-être deux jours. Il y en avait deux qui faisaient ça, le député de Joliette et le député de Lac-Saint-Jean. Les deux. Mais pour moi ça faisait partie du show, comme on peut dire en bon français, de vouloir garder les troupes, dire: Aïe! Regardez ça, nous autres, on va taper sur la tête du gouvernement canadien et de la Cour suprême. Mais depuis ce temps il semblerait qu'il y a eu un vent de sagesse qui a frappé les deux ministres, et aujourd'hui on s'aperçoit qu'on a trouvé la solution. On ne parle plus d'utiliser la clause «nonobstant». Donc, sur ce point-là, il y a eu une évolution dans le bon sens des gens du Parti québécois.

(16 h 10)

Mais, M. le Président, pourquoi on n'apporte pas les changements? Et tantôt mon collègue de Viau parlait... Lui, il est familier, hein, il vit dans l'organisation d'élections partielles ou des élections générales. À ce moment-là, tu sais, un projet de loi peut être très beau sur papier. C'est un peu comme les discours, hein, des beaux discours, ainsi de suite, mais si on ne passe pas à l'action... Et c'est ça, l'avantage qu'on a d'une profession comme j'ai, moi, qui s'appelle la «science appliquée»; c'est qu'en réalité des beaux principes, des choses, c'est dans leur application, et c'est là qu'il faut que ça fonctionne. Pas que ce soit bien lu, bien prononcé, ainsi de suite, et qu'on dise: Est-ce que ça va fonctionner? Est-ce que les changements qu'on apporte vont assurer au maximum de gens d'être capables d'exercer leurs droits démocratiques? Est-ce qu'on doit toujours croire que les gens, c'est tous des bandits, là, qu'ils vont tous essayer de tricher? Réellement, ce n'est pas estimer que notre population est honnête, de dire: Faut trouver des moyens.

À tout bout de champ, il y avait les cartes d'identité: il faudrait avoir une carte d'identité pour aller voter. Tantôt, mon collègue de Chomedey l'a soulevé, ces cartes-là, comme la carte-soleil de la RAMQ, c'est strictement une carte pour, si vous êtes malade, être capable d'avoir vos soins de santé. C'est vrai qu'aujourd'hui, M. le Président, elle n'a pas la valeur qu'elle avait déjà, parce qu'on a des problèmes à se faire soigner. Donc, on est bien mieux de ne pas être malade. Mais c'est toutes des choses comme ça. Et pourquoi? Parce que, en réalité, dans le projet de loi, lorsque les partis se mettent ensemble et procèdent avec une grande objectivité... Et, dans ce projet de loi là, il y en a une partie où, à cause de consultations, de discussions depuis 1996, on a réussi à identifier ou à passer des choses, une grande liste de choses.

Par exemple, je vais vous en citer quelques-unes. C'est que, depuis 1996, les discussions au sein de ce Comité – c'est le Comité consultatif sur la Loi électorale – ont permis d'en arriver à un certain nombre de consensus, lesquels sont traduits en forme juridique dans le projet. Abolition de l'obligation de tenir une élection partielle lorsque la vacance survient dans la dernière année du mandat. Il me semble que ça fait du sens, et je suis convaincu que ça ne causera pas de problème, M. le Président. Modification des heures d'ouverture des bureaux de révision, il me semble que ça... Probablement que c'est à la suite de représentations de gens qui le vivent, ça. Ils disent: Regardez, les heures que vous aviez, ça ne fait pas de sens. Les gens n'étaient pas disponibles. Je suis convaincu que ça ne créera pas de problème. Élargissement de la clientèle admissible au choix de l'article 3. Avis aux électeurs des décisions des commissions de révision.

En parlant des commissions de révision, parce que ça, c'est une autre chose, on a peut-être apporté un amendement. C'est le fait, M. le Président, que des gens peuvent se présenter et faire rayer les gens d'une liste électorale. Il me semble que ça, les gens qui veulent faire rayer quelqu'un d'une liste électorale, c'est aussi important que la personne qui veut être sur une liste électorale puis qui n'a pas d'affaire là. Qu'une tierce personne... Puis, des fois, sans conséquence de leurs gestes, ils vont y aller, puis ils vont se présenter, puis là, finalement, la commission de révision décide que monsieur est enlevé de sur la liste. On l'avise, le monsieur doit venir faire la preuve, puis là, une fois qu'il a fait la preuve, lui...

Là, il a été obligé de prendre son temps, puis tout ça, pour se faire remettre sur la liste. La personne qui a fait ça: aucune conséquence. Aucune conséquence! Pourtant, M. le Président, il y avait eu un genre de consensus, de discussion qu'on devrait avoir des conséquences. Il devrait y avoir une pénalité pour ces gens-là qui, sous de mauvaises informations ou de mauvaise foi, font rayer quelqu'un sur la liste électorale. M. le Président, moi, je trouve que c'est encore pire ça que quelqu'un qui voudrait voter ou qui voterait. Je pense que celui qui veut empêcher l'autre pour des raisons puis aucune justification...

Et c'est tellement important. Je pense qu'on ne peut jamais, jamais démontrer l'importance de rendre ça facile pour l'exercice de la démocratie. Et plusieurs de mes collègues l'ont mentionné, avec les changements de 1995, l'affaire d'avoir une liste permanente informatisée – il n'y a pas de problème, informatisée, ça, je pense que ça fait partie... – mais permanente, il faudrait s'assurer, M. le Président, que le renouvellement, que les gens qui déménagent, ainsi de suite...

Qu'est-ce qu'il y avait avant qui était tellement, qui aidait beaucoup? C'était, on appelait l'énumération ou le recensement avant une élection. C'était un signal, hein? Le fait qu'il y avait des gens qui allaient aux maisons pour inscrire les gens, ça donnait un signal aux gens qu'il y avait une élection qui s'en venait. Donc, ils étaient sensibles, sensibilisés. Donc, les gens étaient plus au courant, et encore plus, peut-être le plus important, au moment d'une élection partielle. Parce que, durant une élection partielle, M. le Président, il n'y a pas toute la publicité nationale qu'on a lorsqu'il y a une élection générale. Tu sais, tous les soirs les chefs passent aux nouvelles, ainsi de suite. Donc, pourquoi pas, M. le Président, tenter de trouver – et c'est ça, je pense, qu'on devrait faire – suite à 1995, avec la liste que nous avons présentement, une façon, dans les nouvelles techniques, mais s'assurer que c'est plus facile pour quelqu'un qui déménage d'être sur la liste électorale la prochaine fois. C'est ça.

Et on le vit, là, on l'a vécu depuis 1995. Et pourtant, il semblerait que... D'après mon collègue de Viau, lui qui a connu, qui connaît ça, l'organisation des élections partielles, il s'est aperçu et il a même indiqué qu'il avait eu des échanges avec des membres du Parti québécois qui, eux aussi, travaillent dans ce domaine-là, puis ils se sont aperçus, regardez, que ça cause problème, que ça n'aide pas réellement à la meilleure participation possible aux élections. Donc, M. le Président, c'est des choses comme ça que nous devons nous assurer qui sont incluses.

Donc, M. le Président, le projet de loi lui-même, en réalité, le but de ce projet de loi, c'est de, comme je l'ai dit tantôt, donner suite à la Cour suprême dans l'affaire Libmann; il vise aussi à inclure dans notre Loi électorale certains consensus établis entre les trois formations – j'ai indiqué tantôt les choses sur lesquelles ils ont obtenu un consensus – et, enfin, il a pour objectif de donner suite aux autres sujets abordés dans le rapport Côté et la commission parlementaire d'avril 1998.

Et ceci, M. le Président, ça touche les aspects identification des électeurs, et c'est ça que j'ai touché tantôt et que mon collègue de Chomedey a lui aussi touché. On veut utiliser des cartes, la carte-soleil pour des raisons pour lesquelles elle n'a pas été donnée. Ça a été donné pour obtenir des soins de santé. Il y a l'autre, aussi. Des fois, on exige le permis de conduire. Mais les gens n'ont pas tous des permis de conduire. Donc, à ce moment-là, si on n'a pas de permis de conduire...

Puis, en bout de piste, on a dit, et c'est un peu le ridicule, là: Si vous n'avez pas ces cartes-là, il faut que vous trouviez quelqu'un qui est dans le bureau de scrutin en même temps que vous pour vous identifier puis vous dire: Bien oui, je le connais. Je le connais, c'est un monsieur Untel. Puis, lui, toutefois il faut qu'il ait sa carte. Et tantôt, c'est vrai... Et imaginez-vous si, par hasard, c'est des gens qui ne sont pas nécessairement du même parti politique, qui ne votent pas de la même façon. Est-ce qu'il n'y aura pas une certaine tendance à dire: Je ne le connais pas, lui? Ou bien, si c'est vrai qu'il y a eu des différences d'opinions entre ces gens-là, il va dire: Ah non! achale-moi pas, je n'ai pas le temps.

(16 h 20)

Donc, de dire que ton droit de vote va être basé sur des besoins de cette nature-là ou d'être obligé de le faire, M. le Président, je ne pense pas que, en réalité, ça va rendre le vote plus facile et que ça va permettre aux gens d'exprimer leur choix démocratique. Donc, pourquoi pas tenter de trouver une façon qui est plus facile?

Tantôt, je vous disais que, pour les gens qui faisaient rayer des gens sur la liste électorale, quand ça donne des problèmes, il n'y a aucune disposition pénale pour ça. Mais, M. le Président, souvenez-vous – et mon collègue de Chomedey le mentionnait tantôt – que, durant le dernier référendum, aussitôt qu'une personne d'affaires indiquait que, dans l'éventualité d'un oui, cette personne-là songeait sérieusement à déménager son entreprise, ensuite on disait: Ah! ces gens-là, c'est épouvantable, tu sais, puis dorénavant... Là, on parle de clauses pénales. Est-ce que des clauses pénales, c'est des gens qui... Parce qu'on dit: On voudrait avoir des clauses pénales pour des gens qui vont influencer. Est-ce que quelqu'un qui dit: Dans l'éventualité d'un Oui, je vais déménager mon entreprise, est-ce que cette personne-là pourrait être jugée comme ayant influencé, à cause de ses employés, à cause de choses comme ça?

Donc, il me semble que les lois qui concernent l'expression de notre droit démocratique, c'est des lois qui devraient toujours être un consensus et non pas, malheureusement, comme dans le cas de la loi qui a été passée juste avant le référendum en 1995, le bâillon. Et j'espère – là, nous sommes à la veille d'une autre élection – qu'on pourra obtenir un consensus dans le but de permettre à tous les citoyens de mieux exercer leur droit démocratique et que le gouvernement ne mettra pas le bâillon, car, comme vous le savez, M. le Président, nous sommes contre ce projet de loi. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Pontiac. Nous allons maintenant céder la parole au député de Montmorency. M. le député.


M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives, est un projet de loi très incomplet, un projet de loi qui à toutes fins pratiques laisse des trous béants à la démocratie, aux règles démocratiques. C'est un projet de loi qui va susciter à nouveau d'autres débats juridiques. Pourquoi? Pour la simple et bonne raison que j'ai l'impression d'avoir assisté à une commission parlementaire, à une commission des institutions où on consultait le public pour connaître son opinion, et j'ai même présenté moi-même un mémoire pour m'assurer que l'on considère vraiment les différents éléments importants pour qu'enfin on ait une loi électorale chez nous qui soit conforme à la Charte canadienne et à la Charte québécoise qui protègent les droits et libertés. J'ai l'impression qu'on a fait la sourde oreille et qu'on y est allé sur les petites mesures qui vont simplement changer très peu de choses et qui laissent la place, encore une fois, à des débats juridiques. C'est malheureux, pour la simple raison que le législateur, à toutes fins pratiques, ne fait pas réellement son travail. Si le législateur s'était arrêté vraiment pour défendre les droits des citoyens, il aurait certainement amené d'autres dispositions dans ce projet de loi qui auraient été vraiment pour protéger les droits et libertés des personnes qui ont à s'exprimer.

M. le Président, en octobre 1997, nous avons eu l'arrêt Libman. L'arrêt Libman était un arrêt de la Cour suprême du Canada qui venait dire au législateur québécois: Votre loi sur les élections, elle est inopérante. Elle est inopérante à plusieurs égards, à plusieurs articles de votre loi, et vous devriez la modifier, la changer, puisque vous ne pouvez plus utiliser ces articles de loi là. C'était un jugement tellement fondamental et important que ça a donné naissance à une commission parlementaire. Et pourtant la Cour suprême rappelait que les libertés d'expression et d'association sont des droits fondamentaux; la vie démocratique est en péril si on ne les respecte pas. Elle a pris grand soin de reconnaître le bien-fondé du principe d'équité sur lequel repose notre système électoral et référendaire québécois. Et je cite: «Le principe d'équité en matière électorale découle directement d'un principe consacré par la Constitution, soit le principe d'égalité politique des citoyens et citoyennes. Il faut respecter l'égalité des chances, l'égalité politique, et que l'on donne une possibilité raisonnable aux partis, aux candidats et aux candidates d'exposer leur position afin que le débat électoral ne soit pas dominé par ceux qui ont accès à des moyens financiers plus importants.»

Et c'est clair, M. le Président, qu'à partir du moment où vous favorisez un candidat vous favorisez un parti et vous lui donnez plus d'argent, plus de disponibilité, plus d'allocations; vous venez de changer le débat, vous venez de favoriser des gens par rapport à d'autres. Pourtant, le jugement était clair, il avait cité des articles de loi précis qui étaient inconstitutionnels. Les articles 402, 403, 406, 414, 416, 413 et 417 de la Loi sur la consultation populaire étaient des articles inconstitutionnels. Quand on regarde le projet de loi n° 450, c'est une farce, ces articles-là ne sont même pas repris.

On n'a repris qu'un seul élément très minime, qui est l'article 59.1, où on vient faire accroire aux gens qu'on va donner l'égalité des chances au financement à un candidat indépendant. Un candidat indépendant ne peut même pas se financer sur la place publique. Le candidat indépendant n'a pas de possibilité, n'a pas accès aux fonds publics pour se financer pour préparer une campagne électorale. Pour vous expliquer simplement, à titre de député, moi, de Montmorency, je n'ai pas le droit de solliciter des fonds pour me présenter à ma prochaine campagne électorale. Le seul droit que j'aie, selon la loi actuelle, c'est de donner des fonds à mon adversaire pour que lui se prépare une campagne électorale.

Alors, comment voulez-vous qu'on se sente protégé dans les droits et libertés quand vous n'avez même pas cette chance-là, d'égalité de financement? Ça a été soulevé en commission parlementaire. Niet! On fait la sourde oreille. Il ne se passe rien. On présente un projet de loi comme si au fond jamais rien n'avait été discuté, quand au fond c'est fondamental. Comment voulez-vous donner l'égalité des chances à des gens s'il y a seulement une partie des candidats qui peuvent se financer, si un candidat indépendant ne peut pas le faire parce qu'il n'est pas affilié à une formation politique?

Et pourtant on voulait donner ouverture. Ah, c'était: Oui, on donne l'ouverture au financement, à l'égalité des chances, etc.. Et, quand vient le temps de vraiment présenter un projet de loi, on se rend compte que, dans le projet de loi, il n'en est pas question, il n'est pas question de donner pleine liberté d'expression à la démocratie. Pourquoi il y a des gens au Québec qui ne pourraient pas dire: Moi, j'aimerais ça faire de la politique, mais je n'ai pas le goût d'en faire dans une formation politique parce que j'ai des intérêts à défendre, je veux défendre mes citoyens d'abord et avant tout; c'est ça l'objectif que je vise? Il ne peut pas le faire, il ne peut pas se financer. Comment voulez-vous vous faire élire dans un système comme le nôtre si vous n'avez pas accès au financement? Ce n'est pas possible.

Alors, au fond, on est en train de cloisonner vraiment la vie démocratique à une formation politique. Ceux qui ne veulent pas adhérer à une formation politique, bien, il n'y a pas de place au fond dans notre démocratie, pour des gens qui veulent s'exprimer et se faire élire, à se faire financer. Ce n'est pas possible. Alors, là, ce qu'on a fait, simplement on a dit: Bien, oui, on va donner une ouverture aux candidats indépendants; après trois ans, ils pourront s'inscrire, et là, à la dernière année de l'élection, bien, oui, ils pourront aller chercher du financement et puis là, bien, ils essaieront de s'organiser tant bien que mal pour aller chercher le financement dont ils ont besoin pour faire une campagne électorale.

Pourtant, M. le Président, la population actuellement n'est pas dupe et elle élit de plus en plus des gens qui veulent défendre leurs intérêts dans leur comté ou dans leur municipalité. Pourtant, on ne les écoute pas, ces gens-là. Il y a des gens qui sont prêts à regarder une personne qui va d'abord et avant tout défendre leurs intérêts, sauf qu'actuellement on ne veut pas permettre à ces gens-là d'avoir le financement nécessaire pour pouvoir faire une campagne électorale décente. Ce n'est pas possible. Et moi, je m'attendais vraiment, avec le projet de loi n° 450, à ce qu'on ouvre vraiment à cette égalité des chances là.

C'est vraiment une façon de fonctionner actuellement qui est injuste, toute la question de la nomination du personnel électoral qui appartient aux partis politiques. C'est des sommes d'argent phénoménales que l'on paie pour des candidats qui appartiennent à une formation politique, quand en réalité ces sommes d'argent là ne favorisent l'élection que d'un candidat, quand les autres candidats n'ont pas accès à ces ressources financières là.

(16 h 30)

Alors, vous comprendrez, M. le Président, que, oui, je vais m'inscrire vraiment en défaveur de ce projet de loi là. Non seulement je vais m'inscrire en défaveur, mais j'ai l'intention de participer à la commission des institutions pour débattre article par article tout ce qu'il y a dans ce projet de loi là, parce que je pense que, si on veut vraiment bonifier l'exercice démocratique au Québec, si on veut vraiment lui permettre de fonctionner librement, en laissant les gens s'exprimer librement, je pense qu'il faut changer les règles de financement. Je me serais vraiment attendu de la part du ministre responsable de la Loi électorale ou de la Réforme électorale qu'il arrive vraiment avec des changements majeurs à ce niveau-là.

M. le Président, d'autres points ont été soulevés lors de la commission, la consultation publique, et j'ai l'impression des fois que, les députés dans cette Assemblée, on parle dans le vide. C'est vrai que les gens vont se dire qu'on parle dans le vide, sauf qu'à quelque part ce serait intéressant si la machine, comme on dit, celle qui dirige bien des choses et que les députés souvent devraient pouvoir mieux contrôler, écoutait ce qu'on leur dit.

En commission parlementaire, je leur expliquais que la connotation du mot «indépendant» pour qualifier un candidat ou un député porte à confusion et n'informe pas adéquatement la population. M. le Président, le mot «indépendant», en soi, quand vous ajoutez ça à votre nom où à votre mot qui est le candidat qui se présente, le mot «indépendant» veut dire libre, autonome, dissident, hétérodoxe, non conformiste, libéral, individualiste, non aligné. Ça veut dire autonomiste, ça veut dire sécessionniste, ça veut dire séparatiste.

Ce sont des mots qui informent mal une population. C'est comme si, dans notre système parlementaire, dès le moment où vous n'appartenez pas à une formation politique, vous ne devriez pas exister. Vous devriez ne pas être là. M. le Président, ce n'est pas comme ça que fonctionne, notre démocratie. Et on a des commissions parlementaires justement pour soulever ce genre d'élément là, pour dire: Corrigez-le. Changez le mot «indépendant» pour prendre simplement les mots «non affilié à une formation politique». Ça, c'est clair. Ça, ça dit ce que ça veut dire.

Non seulement ça, M. le Président, on vient rajouter une catégorie particulière dans la loi qu'on a devant nous. Une catégorie particulière. C'est que, là, les gens qui ne seront pas affiliés à une formation politique, ça va être des renégats. Je ne le sais pas trop. Ça va être des gens qu'il va falloir qu'ils expliquent leurs états d'âme, qu'ils expliquent pourquoi ils ne sont pas affiliés à une formation politique. Ce sont des gens qui vont devoir expliquer, par exemple, qu'ils s'abstiennent de voter.

M. le Président, s'il y a des gens qui ne veulent pas simplement adhérer à une formation politique, c'est un choix. Ils n'ont pas à expliquer leurs états d'âme dans un projet de loi pour être qualifiés dans une catégorie particulière. Et là on est en train, dans cette loi-là – je ne sais pas ce qu'on cherche exactement – de catégoriser les états d'âme des candidats qui ne seront pas affiliés à une formation politique, quand en réalité, tout simplement, c'est qu'on est non affilié. Peu importent les raisons pour lesquelles on n'est pas affilié, c'est une raison, c'est une choix personnel. Les gens ont le droit de choisir et de décider s'ils veulent être affiliés ou pas à une formation politique.

M. le Président, le projet de loi, tout ce qu'il fait, c'est qu'il va faire une catégorie d'individus à nouveau, une catégorie où là on va devoir... Est-ce que tu t'abstiens, oui ou non? Tu n'es pas affilié à une formation politique. Pourquoi? C'est comme si on commençait à faire une espèce d'enquête sur les gens, sur leurs décisions et sur leurs choix.

M. le Président, tout ce qu'on a à faire dans la Loi électorale, c'est de bannir le mot «indépendant» pour le remplacer par l'expression «non affilié à une formation politique». C'est simple. Ça, c'est clair. Et là les gens ne penseront pas que tu es un sécessionniste, que tu es un séparatiste, que tu es une personne qui veut l'indépendance. Et c'est très clair. Quand vous lisez Le Petit Robert , c'est ça que ça veut dire. Alors, remplaçons le mot «indépendant» simplement par «non affilié». Ça a été soulevé en commission parlementaire. Même le gouvernement, M. le Président, semblait plus ou moins en faveur de ce changement-là. Du moins, l'opposition, c'était clair. Pour eux, c'était clair. Changer le mot «indépendant» pour les mots «non affilié», c'était clair, ce n'était pas compliqué et ça venait simplifier et donner un message honnête et correct à la population.

Mais là, M. le Président, on se retrouve avec un projet de loi, un beau projet de loi n° 450 qui reprend intégralement le mot «indépendant». M. Libman, en 1994, avait voulu également faire des changements à la Loi électorale. Il avait présenté un projet de loi, un bill privé pour changer cette expression-là justement parce qu'elle ne dit pas ce qu'elle veut dire. C'est comme si vous vouliez dire à la population que ça n'a pas de bon sens d'être indépendant. La population jugera si on doit élire des indépendants ou pas, sauf qu'il faut arrêter de penser que le mot «indépendant» peut être galvaudé de toutes sortes de façons. Il faut la changer, notre loi, et la rendre claire. Et les gens vont décider d'élire des gens qui veulent d'abord et avant tout représenter leur comté. C'est à eux de décider comment ils veulent être représentés. Sauf que là on présente des projets de loi... Encore une fois, on va être obligé d'être étiqueté, d'aller dans une espèce de confessionnal auprès du Directeur général des élections pour dire: Regarde, moi, je ne veux pas être avec une formation politique. Puis là il va dire: Dis-moi pourquoi. M. le Président, c'est très enfantin, et je dois vous dire que notre démocratie ne doit pas s'orienter comme ça. On est en train de vouloir la réformer, notre loi électorale, bien, il faut s'y arrêter puis la réformer correctement.

Et peut-être que la population commencera... Le jour où les députés se lèveront en Chambre pour dire les choses correctement et commencer à donner le message clair, bien, peut-être qu'on aura un peu plus de respect de la population et peut-être qu'à ce moment-là, M. le Président, l'Assemblée nationale retrouvera une certaine crédibilité.

Au moment où on se parle, on a l'impression qu'on n'est pas capable de faire un travail correct. Ici, à l'Assemblée nationale, il faut faire les choses tout croche, sinon ça ne marche pas. C'est comme ça que c'est perçu dans la population, et je pense que ça va continuer à être perçu comme ça. Et, quand on est en train de faire de la consultation populaire comme on en a vécu au mois de mars... Il y a des gens qui sont venus puis qui ont pris la peine de faire des mémoires, de présenter des mémoires, et on ne les considère même pas, quand en réalité on devrait réformer nos lois électorales, M. le Président. Parce que l'arrêt Libman, c'est majeur comme conséquences. Bien, là, on est en train de dire: Non, on va continuer de légiférer d'une façon incorrecte, et puis s'il y a d'autres personnes qui veulent se prévaloir des dispositions de la charte canadienne parce qu'elles sont brimées dans leurs droits et libertés, bien, elles poursuivront l'État. Puis là on aura d'autres débats devant les tribunaux, et c'est comme ça qu'on légiférera.

J'ai l'impression qu'on est toujours en train de légiférer pour boucher des trous, si jamais il y a des trous qui sont soulevés devant les tribunaux. M. le Président, ça n'a pas de bon sens. Je pense qu'il y a un manque de responsabilité de la part des parlementaires quand on est en train de vouloir faire les modifications qu'on va faire là, avec le projet de loi n° 450. Après avoir eu vraiment une commission en profondeur, nous présenter quelque chose d'aussi banal, M. le Président... On aura beau parler du vote, etc., faire des débats politiques purement et simplement, moi, ce n'est pas là-dessus que je veux embarquer, c'est sur la question des messages clairs d'égalité des chances au financement. Et tous les parlementaires doivent avoir cette égalité-là, des chances au financement. Et arrêtez de catégoriser des gens qui veulent d'abord et avant tout défendre l'intérêt de leur comté.

M. le Président, c'est malheureux, parce que, de toute façon, j'ai bien l'intention de participer à la commission des institutions qui va étudier article par article ce projet de loi là, même si actuellement on me refuse l'accès. C'est des beaux discours, hein, un gouvernement qui se targue... Et c'est vrai que le Parti québécois a fait beaucoup pour nos règles démocratiques au Québec, sauf que le Parti québécois a la chance actuellement de faire encore plus pour rendre nos règles plus fonctionnelles et plus justes, et on refuse de le faire.

On refuse tellement de le faire qu'on refuse même mon accès, que je puisse accéder à cette commission-là, que je puisse voter à cette commission-là. On va actuellement adopter des mesures qui visent, entre guillemets, les candidats indépendants – moi, que j'appelle les candidats non affiliés parce que c'est le terme juste, le terme correct – et là on refuse même qu'un représentant des candidats indépendants ou non affiliés puisse siéger sur cette commission-là et voter, déposer des motions, faire un vrai débat de fond pour qu'on arrive à avoir des mesures qui soient justes et équitables pour les parlementaires. Alors, on refuse ça.

Jusqu'à maintenant, moi, je n'ai pas eu de réponse. C'est bien évident qu'on ne semble pas vouloir que la démocratie s'exerce pleinement et entièrement au niveau de cette commission-là, mais c'est bien certain que je vais y participer de toute façon. Que j'aie le droit de vote ou pas, je vais y participer, M. le Président, parce que c'est fondamental. Nos règles démocratiques sont régies par cette loi-là, qui est la loi électorale, et la loi électorale, si elle est mal faite, bien, elle favorise injustement des candidats par rapport à d'autres.

Et c'est ce qui se passe actuellement. Qu'un député à l'Assemblée nationale soit obligé de financer son adversaire dans le système actuel, ce n'est pas normal. Vous aurez beau dire, M. le Président, que c'est normal, ce n'est pas normal qu'un député à l'Assemblée nationale, s'il veut souscrire et avoir des crédits d'impôt, la seule façon qu'il a, ce n'est pas de s'encourager lui-même, c'est d'encourager les autres pour qu'ils soient mieux armés sur le plan financier pour se faire battre dans la prochaine campagne électorale,. Ce n'est pas normal.

Et ce n'est pas plus normal qu'on ne lui permette cette activité de financement là que la troisième année, que la dernière année seulement. M. le Président, les parlementaires ici ont droit à un financement via une formation politique du début jusqu'à la fin, de la première journée de leur mandat jusqu'à la dernière journée de leur mandat. Alors, pourquoi certains parlementaires y ont droit et d'autres n'y ont pas droit? Parce qu'ils ont fait un choix de représenter leurs électeurs comme candidat non affilié? C'est ça que vous appelez, M. le Président, de l'équité financière? Non.

(16 h 40)

Mais là j'aimerais ça qu'on puisse régler ce genre de situation là à l'Assemblée nationale, lorsqu'on vote nos lois, pour éviter justement que d'autres procédures judiciaires s'enclenchent, comme l'arrêt Libman, et qu'on ne réagisse encore une fois qu'à rebrousse-poil, que plus tard et que là on ne vienne corriger qu'une partie. C'est comme si on voulait entretenir ces débats-là, ces faux débats là, quand, en réalité, ce qu'on veut, au fond, c'est que les règles soient claires, soient précises et que tout le monde ait l'égalité des chances dans le financement. C'est une règle fondamentale dans notre démocratie.

Regardez, M. le Président, si on ne le fait pas, on vient débalancer, on vient vraiment débalancer l'expression populaire; et les gens votent, bien entendu, en fonction de ce qu'ils ont perçu, de ce qu'ils ont reçu comme information. Mais, si vous ne fournissez pas le financement pour que l'information vienne de tous les candidats, si vous n'avez pas des règles égales pour que chacun puisse avoir la même chance de pouvoir communiquer l'information et défendre ses opinions politiques, bien, vous allez fausser le débat et vous allez permettre à certaines personnes de se faire élire au détriment des autres, parce que vos règles... Et votre Loi électorale, elle est mal faite. Elle est mal faite et elle est incorrecte.

Alors, M. le Président, vous comprendrez que le projet de loi n° 450 qu'on a déposé à l'Assemblée nationale est un projet de loi qui ne fait qu'effleurer l'égalité des chances au financement. J'ai bien l'impression que, avec un projet de loi comme celui-là, on va encore une fois limiter le débat à des formations politiques quand, en réalité, on devrait l'ouvrir. On devrait l'ouvrir parce que, si les députés tendaient l'oreille, ils se rendraient compte que la population est prête à élire des gens qui ne seraient pas nécessairement affiliés à une formation politique.

N'allez pas penser, M. le Président, que cette perception-là, elle est fausse; elle est plus que d'actualité. Si vous regardez juste, dans la région de Québec, comment on a élu d'indépendants au niveau municipal, il y a de quoi se poser de sérieuses questions. Alors, la population, elle n'est plus nécessairement prête à écouter les discours d'une formation politique, elle est prête également à écouter les discours de gens qui veulent les représenter, de gens qui seraient là pour eux, de gens qui vont avoir le temps de s'occuper des dossiers de leur comté et de gens qui vont avoir le temps de se lever debout quand c'est le temps pour défendre leurs intérêts et non pas simplement les intérêts de certains lobbyistes très puissants qui à toutes fins pratiques dirigent – on le sait très bien – l'opinion d'une formation politique, à laquelle tout le monde va bien sûr acquiescer parce que, à quelque part, il y a la solidarité de parti qui a toute sa place à l'Assemblée nationale.

En réalité, si on élisait plus d'indépendants, on viendrait bonifier les débats et on forcerait probablement des débats publics importants. Moi, je regarde tout ce qui s'est fait au niveau des réformes depuis trois, quatre ans et, je vous dirais, s'il y avait eu plus d'indépendants en Chambre pour mettre plus de pression, ça aurait été plus intéressant, et on serait allé peut-être plus loin, et on aurait fait peut-être moins d'erreurs dans toutes ces réformes et ces applications-là. M. le Président, bien oui, je vais voter contre le projet de loi n° 450 et je participerai très activement à la commission des institutions. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmorency. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Mont-Royal. M. le député.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le gouvernement propose de se conformer à la décision de la Cour suprême. Il apporte des amendements à la loi référendaire qui vont permettre une plus grande liberté d'expression, avec certaines restrictions qui sont clairement exprimées dans la décision de la Cour suprême. Alors, il y a les limites aux dépenses qui peuvent être encourues et il y a aussi une autre clause disant que ceux qui ne font pas partie du comité-parapluie ne peuvent pas mettre toutes leurs ressources financières en commun, ne peuvent pas mettre les sommes qu'ils peuvent dépenser. Nous sommes d'accord avec ces mesures, et ça va élargir les droits des électeurs. Alors, cette partie du projet de loi qui apporte un amendement à la loi référendaire, je crois, remplit un besoin qui a été créé par une contestation à la Cour suprême.

Mais, M. le Président, le gouvernement va plus loin. Il apporte des changements à la Loi électorale, et ces changements soulèvent certaines questions. Je pense qu'il faut accepter qu'il y ait certains principes. Je voudrais énoncer deux principes qui devraient faire partie de tout pays démocratique en ce qui concerne les droits de la démocratie, le droit de vote, parce que c'est du droit de vote dont dépend la survie de notre démocratie.

Premièrement, le premier principe, c'est de permettre au plus grand nombre possible de personnes d'exercer leur droit de vote librement. La loi actuelle, M. le Président, est un grand succès. Nous avons un des plus hauts taux de participation dans les pays démocratiques, dans les élections générales que nous avons au Québec. La loi est respectée. La loi fonctionne bien, et pour l'amender, M. le Président, il faut avoir des bonnes raisons. Il faut que les raisons soient vraiment valables. Il faut respecter ce que j'appellerais «le deuxième principe» de notre société démocratique, à savoir qu'aucun changement à une loi électorale ne peut être fait sans le consentement unanime des deux parties à la Chambre, parce que ce serait trop facile pour une majorité de bafouer les droits démocratiques des autres parlementaires, qui représentent une grande partie de la population.

Il y a deux articles dans le projet de loi qui nous préoccupent et qui devraient préoccuper toute la population, M. le Président. Je fais référence, premièrement, à l'article 61 qui prévoit que «l'électeur doit en outre s'identifier en présentant – et on dit ici – malgré toute disposition inconciliable, sa carte d'assurance-maladie du Québec, son permis de conduire du Québec, son passeport canadien ou son certificat de citoyenneté canadienne».

M. le Président, le gouvernement a abandonné l'idée d'avoir une carte d'identité parce que, dans nos moeurs – nous avons des moeurs nord-américaines – les moeurs de notre société, de la société québécoise, on n'est pas habitués à une carte d'identité – on a une liberté ici – on n'en a jamais eue, et ça ne fait pas partie de nos habitudes et nos moeurs. Alors, le gouvernement, je crois, sagement, a dit: Non, je n'imposerai pas une carte d'identité. Mais ce que le gouvernement fait, il ne laisse pas la loi actuelle s'appliquer. Il va quasiment à mi-chemin. Il dit: Je n'imposerai pas une carte d'identité, mais je vais imposer la présentation de certaines pièces d'identification, dont la carte d'assurance-maladie. Bien, M. le Président, il y avait déjà eu une commission parlementaire qui avait recommandé que la carte d'assurance-maladie soit utilisée seulement pour les fins pour lesquelles elle avait été émise, parce qu'il y a trop d'information personnelle sur cette carte et que c'était illégal de l'utiliser pour d'autres fins. Maintenant, ici, on dit: Non, on va légaliser; elle peut être utilisée pour s'identifier à une élection.

Alors, on est à mi-chemin. On n'a pas une carte d'identité, parce que, avec une carte d'identité, tout le monde saurait à quoi s'en tenir. Ils sauraient qu'il faudrait avoir une carte pour aller voter. Ils auraient une carte, et la loi serait claire. Là, on dit non. On dit: Il peut y avoir certaines cartes d'identification.

Bien, examinons ce qui se passe dans un bureau de scrutin. Qu'est-ce qui se passe là quand une personne va voter? Premièrement, on est habitué à un système où il n'y a pas d'identification obligatoire. Il y a un serment qui doit être porté si on conteste l'identité de la personne. Alors, les personnes vont se présenter au bureau de scrutin. Et je dirais que beaucoup de personnes, et surtout les personnes âgées, peut-être qu'elles vont avoir de la difficulté, elles n'auront pas leur carte d'assurance-maladie, pour plusieurs raisons. Premièrement, elles n'auront pas un permis de conduire. Le passeport et la carte de citoyenneté, oublions ça pour le moment. Beaucoup de personnes âgées ne voyagent pas. Elles ne sont pas habituées à aller à une élection avec une carte d'assurance-maladie. Souvent, ils la laissent à leur résidence parce que c'est quelqu'un qui s'occupe de leurs soins médicaux.

Alors, qu'est-ce qui va arriver? Il n'y en aura pas, d'identification. Ils ne pourront pas voter. Ah oui! La loi a prévu un autre article: l'article 64. Bien, laissez-moi vous lire l'article 64. Il se lit comme suit: «L'électeur qui n'a pu s'identifier conformément au deuxième alinéa de l'article 337 peut quand même être admis à voter s'il déclare sous serment qu'il est bien l'électeur dont le nom apparaît sur la liste électorale et qu'il est bien domicilié à l'adresse qui y apparaît et s'il est accompagné d'une personne qui, sous serment, s'identifie conformément au premier alinéa de l'article 337, atteste de l'identité et du domicile de l'électeur, déclare ne pas avoir accompagné au cours du scrutin un autre électeur qui n'est pas son parent au sens de l'article 205 et présente un document visé au deuxième alinéa de l'article 337 pourvu que ce document comporte sa photographie. Mention de ces serments est faite au registre du scrutin.»

(16 h 50)

M. le Président, ça, ça s'appelle du cafouillis puis ça s'appelle de l'obstruction systématique du processus électoral. Vous allez prendre une catégorie de gens qui ne sont pas habitués d'aller voter avec une carte d'assurance-maladie ou, pour une raison ou une autre, qui n'auront pas un passeport, n'auront pas leur carte de citoyenneté canadienne, n'auront pas, peut-être, leur permis de conduire, puis vous allez dire: Non, vous n'avez pas le droit de voter. Puis vous allez leur citer l'article 338. C'est un cafouillis. C'est une obstruction. Ça n'a pas de bon sens.

Pourquoi on fait ça? Quels sont les objectifs d'avoir une identification? Moi, je suis toujours pour l'amélioration des lois, l'amélioration d'une loi électorale, mais, M. le Président, ici, il n'y a pas de problème. Il n'y a pas de démonstration qui a été faite que les votes sont télégraphiés. On n'est pas dans les années cinquante où peut-être il y avait ces problèmes-là. Il n'y a pas de problème. Les votes ne sont pas télégraphiés. Un voteur n'en remplace pas un autre. Dans les dernières élections, les seuls problèmes qu'on a eus au référendum, c'étaient des bulletins, des votes qui n'étaient pas acceptés. Il n'y avait pas de question que quelqu'un se présentait... Il n'y a pas eu de poursuites de prises contre des personnes qui n'agissaient pas en leur propre nom.

Alors, on affecte 5 000 000 d'électeurs avec une mesure contraignante, avec des risques de perdre le droit de vote, supposément pour éviter un problème qui n'existe pas. Pourquoi ça? Pourquoi, M. le Président? Y a-t-il d'autres objectifs visés? On a le droit de se poser cette question, parce que toute loi qui est adoptée, qui est présentée à l'Assemblée nationale, c'est pour régler un problème, c'est pour apporter une solution. Puis, quand il n'y en a pas, de problème, puis on apporte des changements, on a le droit de se demander: Bien, pourquoi cet article-là? Pourquoi ces changements à la Loi électorale? On n'a pas besoin de changer la Loi électorale pour se conformer à la décision de la Cour suprême. Alors, pourquoi cette mesure de l'article 61 avec le cafouillis de l'article 64? Est-ce que c'est fait pour restreindre le droit de certaines catégories de personnes de voter?

Je crois, M. le Président, qu'on a le droit de se le demander, parce que, quand on regarde le processus, quand on regarde ce qui se passe, quand on regarde toutes les élections générales qu'on a eues, on n'a jamais eu de problème d'identification. On prête serment puis il y a des procédures qui sont prises si la personne assermente faussement, mais c'est un problème qui n'existe plus dans notre société aujourd'hui. Ce n'est pas ça, le problème. Alors, on apporte un changement qui n'est pas nécessaire, et on se pose la question pourquoi.

Il y a un autre article, M. le Président, que je voudrais porter à votre attention, qui me cause beaucoup d'inquiétude et qui doit causer beaucoup d'inquiétude à la population, l'article 85 qui dit: Est passible d'une amende de 1 000 $ à 10 000 $ quiconque se sert indûment de sa position d'autorité pour tenter d'influencer le vote d'un électeur. C'est une clause pénale, elle devrait être précise. Qui va déterminer «indûment»? Qui va déterminer s'il utilise sa position d'autorité pour tenter d'influencer? Et on donne une pénalité, à un article qui n'est pas clair, qui est imprécis. Et pourquoi on fait ça? C'est qui, une personne d'autorité? Moi, est-ce que je suis une personne d'autorité? Si, moi, je prône de voter d'une certaine façon, est-ce que je vais être susceptible d'une amende de 10 000 $? Est-ce qu'on vise des présidents de compagnies? Est-ce qu'on vise des chefs de syndicats? Quel est le but de cet article-là? On ne l'a jamais eu dans le passé. Quel a été le problème?

C'est vrai, quelqu'un peut dire: Moi, je prône, je suggère et j'appuie un tel parti. Un chef syndical peut dire: Moi, j'appuie un autre parti. Ça, c'est partie de notre démocratie. C'est partie de la liberté d'expression. Est-ce qu'on a une Charte des droits ou on n'a pas une Charte des droits au Québec? On l'a, la Charte des droits, et on la respecte. Ça, c'est une contrainte à la Charte des droits.

Il a été libellé d'une façon tellement confuse, tellement vague qu'on peut se demander ce qui va arriver avec ça. Est-ce qu'on va dépendre du bon vouloir du gouvernement? Est-ce qu'une personne qui a l'amitié du gouvernement va être garantie de l'immunité contre cet article-là? Est-ce qu'une personne qui n'est pas pour le gouvernement va se voir harcelée? Est-ce qu'on ouvre la porte à du harcèlement, à de l'intimidation? Est-ce que c'est ça, le but d'une loi électorale? On ne l'a pas dans la loi actuelle et on n'a jamais eu de problème.

Notre loi, nos procédures sont reconnues. Le monde entier... Le Directeur général des élections a été appelé dans d'autres pays pour aller démontrer l'efficacité et la façon dont nos lois existent et sont appliquées, au Québec. Alors, pourquoi cet article? On a le droit de le demander, M. le Président.

«Position d'autorité», «indûment». On ouvre la porte à de l'intimidation. On ouvre la porte à du harcèlement. Est-ce que c'est une ruse? Les soi-disant personnes en autorité, est-ce qu'elles n'ont pas le même droit que les autres Québécois, de la Charte des droits, d'exprimer leur opinion? Est-ce que, parce qu'elle est en autorité, elle exerce une influence qui est indue? M. le Président, franchement, là, on affecte vraiment le droit de parole, ici, et je me pose la question: Quel est l'objectif, encore une fois, d'un gouvernement de nous introduire, de nous présenter de tels articles dans une loi quand on n'a pas eu les problèmes? Quel est le problème qu'on essaie de régler avec ça? Est-ce que c'est un problème qu'on essaie de régler ou est-ce qu'on a d'autres objectifs?

Savez-vous, M. le Président, l'atmosphère au Québec, la paix sociale, l'harmonie, la collaboration, le respect des lois, le respect des lois électorales, la participation aux élections à un pourcentage de plus de 80 % dans l'élection générale, ça, ça a pris des années à bâtir, et je me demande quelle est l'atmosphère qu'on va créer avec les clauses que je viens de vous lire dans cette loi.

S'il met des entraves, est-ce que le but d'une loi, ce n'est pas de faciliter l'exercice du droit de vote? Est-ce que le but d'une loi, c'est de créer des obstructions au droit de vote? Est-ce qu'on doit mettre des entraves à l'exercice du droit de vote pour certaines catégories de personnes, même si elles ne sont pas nommées? Ouvrir la porte au harcèlement, à l'intimidation? Ça, M. le Président, j'appelle ça restreindre les droits de la démocratie. Parce que, s'il y a quelque chose le plus sacré dans une démocratie, c'est le droit de vote, et de mettre le genre de contrainte, le genre de libellé, les articles tels qu'ils sont, bien, c'est dangereux – c'est dangereux – et je ne peux, et ceux qui respectent la démocratie et se respectent ne peuvent pas accepter de telles clauses, à la veille d'une élection, sur des amendements à une loi électorale.

(17 heures)

M. le Président, une loi électorale, une loi qui détermine les droits démocratiques, qui fait vivre la démocratie dans notre société, ne peut être décidée seulement par la majorité de cette Chambre, parce que, si tel était le cas, ce serait trop facile d'enlever les droits puis de perpétuer le régime. Puis on voit, dans d'autres pays, les contraintes, puis on voit comment les cours suprêmes, même aux États-Unis, ont défendu les droits des individus, les droits des minorités, les droits des législateurs et le respect de la loi. Et la majorité, même si elle est une majorité et parce qu'elle est une majorité, elle doit respecter les droits des minorités, les droits des minorités des parlementaires, parce que nous aussi représentons une grande partie de la population. Et eux aussi ont des droits qu'on exprime ici, en cette Chambre.

C'est pour ça que les changements à cette loi doivent être unanimes. Ils doivent être de telle façon puis ils sont acceptés par les deux côtés de la Chambre pour qu'on puisse avoir une loi électorale acceptée par tout le monde. Et c'est sur le consentement de la population que reste, que réside et que s'appuie l'autorité d'un gouvernement. Et on ne peut pas affecter ces droits unilatéralement et on ne peut pas non plus créer des problèmes qui n'existent pas, avec l'idée qu'on va les régler d'avance. Ça, ça nous fait poser des questions, des questions importantes.

M. le Président, pour se conformer à la décision de la Cour suprême, on doit amender la loi référendaire et on respecte les clauses de ces amendements qui ont été apportés par le gouvernement pour se conformer aux droits des libertés d'expression. C'était ça, et on l'accepte. Mais, et en conclusion, M. le Président, la question que je demande: Pourquoi, à la veille d'une élection, le gouvernement est-il en panique d'apporter des amendements pour changer la Loi électorale? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Mont-Royal. Maintenant, le prochain intervenant sera le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de m'adresser devant cette Assemblée nationale du Québec pour vous apporter mes commentaires sur le projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives; Bill 450, An Act to amend the Election Act, the Referendum Act and other legislative provisions.

M. le Président, le droit de vote est la forme d'expression par excellence dans une société libre et démocratique, et nous, comme législateurs, avons l'obligation et la responsabilité de voir à ce que ce droit puisse être respecté et exercé à sa juste valeur. Nous devons nous assurer que tous les efforts possibles soient faits pour permettre à chaque électeur éligible d'avoir la possibilité de comptabiliser son vote, à défaut de quoi nous échouerons dans notre tâche.

The bill before us, while it contains certain improvements to the Election Act and the Referendum Act, actually is an example of the failure by the PQ Government to insure each and every voter the opportunity to vote and therefore, unless this bill is improved, you, the PQ Government, stand accused of failing to uphold and respect the most important element of freedom that we have: the right and opportunity to vote.

M. le Président, j'aimerais proposer la création d'une commission permanente de révision, car vous devez savoir que des milliers et des milliers de personnes ne sont pas inscrites, à l'heure actuelle, sur la liste électorale permanente, nonobstant le fait qu'elles soient éligibles à voter conformément aux dispositions de la Loi électorale et de la Loi sur la consultation populaire. Pourquoi ne sont-elles pas sur la liste? Il peut y avoir un grand nombre de raisons, mais je ne crois pas que nous devrions nous attarder sur ces raisons mais plutôt sur la façon d'y remédier afin que ces gens puissent se retrouver sur la liste électorale permanente.

M. le Président, comment un électeur dûment qualifié peut-il s'inscrire sur la liste électorale si son nom a fait l'objet d'une radiation pour quelque raison que ce soit? Il n'y a qu'une seule façon. Cette personne doit se présenter à une commission de révision établie conformément aux dispositions de la section IV de la Loi électorale. Là où se situe le problème, c'est que cette commission de révision, à laquelle viendrait s'ajouter une commission de révision spéciale, ne sera établie que lors de la prise d'un décret en vue d'une élection générale ou référendaire et ne siégerait que pour une période bien déterminée.

Mr. Speaker, that period of time if too short, and there is not enough time and opportunity for the entire population, the persons who have been radiated from the electoral list, to be properly inscribed on the permanent electoral list, and then to go to a revision committee. During an election or referendum period, resources are strained, emotions are high, time is too short, and you can be sure that not everyone entitled to get on the list will be able to do so.

M. le Président, le Comité national des jeunes du Parti québécois, dans leur mémoire présenté le 17 mai 1998 à la commission des institutions, déclarait, et je cite: «Il est proposé que soit mise sur pied une commission permanente nationale de révision, afin d'assurer la mise à jour continue de la liste électorale». Fin de la citation. La mise sur pied d'une commission de révision permanente, est, selon moi, essentielle dans tout processus électoral démocratique.

There must be a good faith means by this Government to replace onto the electoral list the thousands upon thousands of persons who are not at present inscribed, and any failure to do so by the PQ Government is to flout the basic rules of a democracy. Mr. Speaker, do you realize that there are people who were struck off the list during the last referendum, in 1995, people who are eligible voters, people who have no way to get back on to that list until the next election period at the revision time? This is unjust.

Mr. Speaker, let us now discuss persons who have acquired Canadian citizenship and who have therefore acquired the right to be inscribed on the permanent electoral list with, of course, the right to vote. Here, the «péquistes» have inserted a little «astuce» in article 2 of the Bill before us, which, in effect, says that these new citizens must be notified firstly by the Chief Electoral Officer that his or her name has been entered on the permanent electoral list, and then, the article goes on to say if the notice is returned to the Chief Electoral Officer without having reached the person in question, the person's name shall be struck off the list. Nowhere is the diligence used by the Chief Electoral Officer in sending the notice defined. We don't know what ability he has to use to notify these people, but yes, the PQ Government can hinder new Canadians access to the permanent list if this aspect of the Bill is not corrected. Is this the manner in which you wish to welcome new Canadians to this province by making it difficult for them to cast their ballots? Article 2 of Bill 450 will allow the PQ Government to systematically hinder the right to vote of new citizens.

M. le Président, un autre article du projet de loi n° 450 qui peut laisser place aux abus et qui devrait être immédiatement amendé par le gouvernement est l'article 47 qui crée l'article 212.1 de la Loi électorale. Cet article permet à la commission de révision de ne pas – et je répète, de ne pas – convoquer une personne par écrit avant de la rayer ou de refuser son inscription sur la liste électorale, lorsque, et je cite à cet effet le sous-paragraphe de l'article 2 qui dit: «A person domiciled at the address entered in respect of the person confirms to the revising officers that the person is not domiciled at that address.»

M. le Président, ceci touche toute personne qui déménage et ne pense pas immédiatement à entreprendre les démarches nécessaires pour faire inscrire son nom et nouveau domicile sur la liste électorale. Cette personne ne devrait en aucun cas être radiée automatiquement de la liste, et on devrait à tout le moins prendre les moyens nécessaires pour la retrouver et l'inscrire sur la liste. Laissons les péquistes nous montrer leurs vraies couleurs. Veulent-ils que la population puisse exercer son droit de vote ou non?

(17 h 10)

M. le Président, aussi, la section V.1 du projet de loi n° 450, intitulée Révision de la liste des électeurs hors Québec éligibles à voter, contient aussi d'énormes irrégularités. Premièrement, vous noterez que dans l'article 51 il y a la création de l'article 231.6 qui touche la radiation par une tierce personne. Que ceci soit contenu dans une section visant les électeurs hors Québec est pour moi une totale aberration et une grave injustice. Il est mentionné que la déclaration d'un électeur à l'effet qu'il se qualifie comme électeur hors Québec peut être mise en doute par une tierce personne. Mais, si l'électeur est bien temporairement à l'extérieur du Québec, conformément aux dispositions de la loi, comment pourra-t-il en faire la preuve et se défendre devant la commission de révision? M. le Président, pour moi, tout l'ajout de cette section sur l'électeur hors Québec nous prouve simplement que l'actuel gouvernement du Québec croit que tous les électeurs qui s'inscrivent comme électeurs hors Québec sont, en fait, des fraudeurs et des personnes qui ne devraient pas être sur cette partie de la liste.

Je ne m'étendrai pas sur les injustices flagrantes qui ont été faites aux électeurs hors Québec lors de la dernière campagne référendaire, alors qu'une très grande majorité d'entre eux se sont vu refuser le droit de vote, ou encore, bien qu'inscrits, n'ont jamais reçu leur bulletin de vote à temps. Mais laissez-moi vous dire, M. le Président, que les amendements qui sont présentés aujourd'hui dans ce projet de loi ne sont qu'une continuité de cette longue lignée de tactiques déloyales pour décourager ces citoyens de voter.

Mr. Speaker, articles 61, 62, 63 and 64 of the Bill that we are studying today are one of the reasons that this Government want to pass this Bill before us, Bill 450, so quickly. This is another «astuce», the PQ Government's attempt to manipulate the results of the next election.

Why is the Government suggesting the use of ID cards? Simply to make it difficult for certain segments of the population to vote, and in other cases, to slow down the vote and discourage the voter turnout. The PQ Government knows full well who they are targeting by asking for ID cards be presented at the time of voting. Mr. Speaker, ask yourself one question, and the answer will be self evident.

Demandez-vous tout simplement, si le gouvernement présente un projet de loi pour amender la Loi électorale aussi près d'une élection générale, qui croyez-vous qu'il veut favoriser? Les supporters du gouvernement ou ceux de l'opposition? La réponse me semble bien évidente. En fait, l'essence même de ce projet de loi n° 450, et plus particulièrement les dispositions relatives à la présentation de cartes d'identité ont été créées de toutes pièces en vue d'avantager les péquistes lors de la prochaine rencontre électorale.

Dans l'article 61 du projet de loi n° 450, le gouvernement dit que chaque électeur doit fournir une preuve d'identité, en l'occurrence sa carte d'assurance-maladie du Québec, son permis de conduire du Québec, son passeport canadien ou son certificat de citoyenneté canadienne. M. le Président, des centaines de milliers de Québécois dûment éligibles à voter n'ont aucun de ces éléments de preuve à leur disposition. Que doivent-ils faire? Alors, là, la loi devient encore plus compliquée, car cet électeur doit trouver une personne pour l'accompagner au bureau de votation pour l'identifier sous serment, et, chose plus aberrante, ce témoin ne pourra identifier plus d'une personne durant la journée d'élection. M. le Président, il y a 5 000 000 d'électeurs éligibles à voter au Québec. Comment pouvez-vous requérir de ces gens d'avoir tous en leur possession les cartes d'identité ci-haut mentionnées?

Pensons seulement à une personne âgée de 80 ans, vivant seule, ayant perdu sa carte d'assurance-maladie, qui n'a pas non plus de permis de conduire, ne possédant plus de voiture ou de permis valide, ne possédant aucun passeport et n'ayant aucun certificat de citoyenneté. Que va-t-elle faire? Elle restera probablement à la maison et n'ira pas voter, ce qui fera bien l'affaire des péquistes.

Alors, moi aussi, je voterai contre ce projet de loi, à moins que des changements soient faits à ce projet de loi, qui seront très sérieux, qui seront en vue de permettre à toute personne possible d'avoir une chance de voter. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Y a-t-il un autre intervenant? Alors, il n'y a pas d'autres intervenants.


Vote reporté

Nous allons mettre aux voix l'adoption du principe. Le principe du projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

Une voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote nominal? Très bien. Alors, nous allons accepter le vote nominal. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je vous demanderais de reporter ce vote, en vertu de notre règlement, à demain, après les affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, le vote par appel nominal est donc reporté à demain, durant la période des affaires courantes. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je vais vous demander un moment de suspension à ce moment-ci, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 17)

(Reprise à 17 h 18)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons reprendre nos travaux. J'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer l'ordre du jour.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Puisque j'ai l'intention de vous demander de prendre en considération l'article 10 à 20 heures ce soir, je vous demanderais de suspendre les travaux à partir de maintenant jusqu'à 20 heures ce soir.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, j'accède à votre souhait, et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 20 h 9)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, M. le leader du gouvernement, je vous demanderais d'appeler.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Vous allez prendre en considération l'article 10, qui est une adoption de principe du projet de loi sur le tabac.


Projet de loi n° 444


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 10 de votre feuilleton, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 444, Loi sur le tabac.

(20 h 10)

Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 444? Nous cédons maintenant la parole au premier intervenant, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, nous venons de terminer une consultation, en commission parlementaire, où on a rencontré près de 25 à 30 groupes, je pense. Je pense qu'on a eu la chance de rencontrer des gens qui exprimaient l'éventail des opinions et des réactions auxquelles on peut s'attendre sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac, et que nous sommes maintenant en mesure d'adopter le principe de cette loi pour pouvoir, au niveau de l'étude du projet de loi article par article, apporter un certain nombre d'améliorations à la loi sur la base des commentaires et des propositions qui nous ont été faits.

Je voudrais peut-être, très brièvement, pour l'adoption de principe de la loi, rappeler l'importance de cette loi; deuxièmement, rappeler quels sont les grands éléments qui entourent cette loi et terminer en faisant, pas une synthèse exhaustive, mais peut-être en rappelant certains des principaux commentaires qui nous ont été faits qui nous amèneront à discuter plus en détail au niveau de l'étude du projet de loi article par article.

L'importance de ce projet de loi. Il m'apparaît très important de toujours avoir à l'esprit qu'on considère maintenant un projet de santé publique. C'est un projet de loi qui vise essentiellement à régler un problème qui est relié à la consommation de la cigarette, cigarette qui contient une drogue qui est la nicotine, une drogue qui développe rapidement une accoutumance, et la consommation de cigarettes par la suite – ce n'est pas la drogue elle-même qui cause un problème à la santé, mais l'accoutumance qui entretient l'utilisation de la cigarette qui, elle, a beaucoup d'autres éléments dans sa composition – contient un certain nombre d'éléments qui, on le sait maintenant, sont responsables de problèmes de santé importants. On peut se rappeler qu'à peu près autour de 85 % à 90 % des cancers du poumon sont causés par la cigarette. On peut s'imaginer que, si, par utopie, on avait une société où personne ne consommait de cigarettes et où on ne connaissait pas la cigarette, bien, le cancer du poumon serait une maladie rare dans une telle société. Pour l'ensemble des cancers, la cigarette est impliquée comme facteur causal, de même que pour les maladies cardiaques et pour un certain nombre d'autres problèmes de santé. Et, en général, évidemment, en plus des cancers du poumon, l'ensemble des maladies respiratoires, bronchite chronique, emphysème, font partie du lot.

Et là je ne veux pas dépeindre un tableau trop sombre, mais il faut marquer le point vraiment que ce dont il s'agit, ce qu'on veut améliorer, c'est une question de santé. Et c'est quand même des maladies importantes: cancer, maladies pulmonaires, maladies cardiaques, et c'est des maladies qui causent, selon les estimations épidémiologiques que l'on a, à peu près 10 000 décès par année au Québec.

Il y a, à ça aussi, évidemment, un aspect de coûts pour le système de la santé et des services sociaux. Et ça, c'est des coûts très importants que représentent les problèmes de santé qui sont reliés à la cigarette, qui sont en termes de millions et de milliards de dollars comme impact sur le système de santé et de services sociaux.

Ce qui est plus grave un peu sur un point de vue de santé publique, c'est qu'on considère que l'habitude, l'accoutumance à la drogue se contracte de façon privilégiée pendant l'adolescence, entre 12 et 15 ans. Ça aussi, des études ont démontré que, en suivant des populations sur une longue période de temps, et des gens qui sont des fumeurs et des fumeuses et qui ont souhaité, sur une base personnelle, de choix personnel, quitter l'habitude de fumer, tous ceux qui ont commencé à fumer dans le créneau d'âge de 12 à 15 ans ont énormément de difficultés à quitter l'habitude de fumer, comparativement à ceux qui ont commencé à fumer plus tard, à 18, 19, 20 ans ou plus tard dans la vie. D'ailleurs, on sait aussi maintenant, par l'information que l'on a sur les différentes enquêtes qui ont été faites, que ceux qui ne commencent pas à fumer entre 12 et 15 ans, ils sont beaucoup plus rares, ceux qui prennent l'habitude de fumer régulièrement après cet âge. En général, la publicité... L'âge, aussi, entre 12 à 15 ans, c'est l'âge rebelle où on veut tout essayer. On est plus influencé par les images qui sont projetées et par différents modèles qui nous sont offerts. On sait que les jeunes sont donc une population très sensible, très facile à attraper, si vous voulez, dans un sens, et que, ayant contracté cette habitude, c'est des gens qui... À 15 ans, ce n'est pas évident de penser qu'on risque de décéder à 50, 55 ans au lieu de 65, 70 ans. À 15 ans, ça ne veut rien dire, on a la vie devant nous. Mais, 30 ans plus tard, c'est grave, quand on est rendu devant une échéance de cette sorte, et il est trop tard, à ce moment-là, pour changer quoi que ce soit.

Au Québec, cette situation est encore plus sérieuse, parce que c'est au Québec, de toutes les provinces canadiennes... Et, quand on se compare à d'autres pays, on maintient la position première, la «pole position», si je peux prendre une expression de course d'auto – ça reviendra en discutant de ce projet de loi – c'est au Québec que les jeunes fument le plus. On avait réussi, grâce à des actions de santé publique, à une augmentation des taxes, et donc du prix de la cigarette, et à un tas d'actions combinées, à diminuer beaucoup et à figurer dans un très bon rang par rapport aux autres provinces canadiennes quant au pourcentage des jeunes qui fumaient. On était autour de 19 %, 20 % à peu près il y a cinq ans.

Il y a cinq ans, on se rappellera, il y a une barrière importante qui a été levée quand on a dû, à cause de problèmes de contrebande qui étaient difficiles à contrôler, baisser rapidement, quand une décision a été prise de baisser rapidement, d'enlever la taxe et de baisser de façon importante le prix de la cigarette. L'habitude des jeunes à consommer a repris facilement parce que le produit était beaucoup plus accessible, et, en cinq ans, on a doublé la proportion des jeunes qui fument. On est à 38 %, pour les jeunes de moins de 15 ans, qui fument régulièrement la cigarette. Alors donc, c'est une drogue qui cause une accoutumance, et les produits de la cigarette, par la suite, au fil des années, causent des problèmes de santé importants et sont même responsables de décès. Alors, ce tableau-là nous rappelle qu'il s'agit donc d'une loi où, bien sûr, on propose des mesures qui sont contraignantes, mais qui sont contraignantes parce qu'il y a une raison d'État, de bien de la communauté, de bien commun qui, je pense, comme toute intervention de santé publique par voie législative, le justifie très bien.

Qu'est-ce que cette loi-là fait, compte tenu de ce problème que l'on veut régler? Alors, la loi vise la protection de deux groupes de personnes. D'abord, les jeunes, en essayant de les protéger le plus possible contre même l'habitude de prendre l'habitude de fumer, et aussi de protéger les non-fumeurs dans les endroits publics, dans les endroits où le public va et qui sont des endroits fermés. Parce qu'on sait aussi, maintenant c'est assez démontré, que, même pour des non-fumeurs, la présence de fumée constamment dans l'environnement cause aussi des problèmes de santé, cause de l'inconfort, irritation des yeux, de la peau, pour des gens qui sont particulièrement fragiles, mais aussi pour des gens... avec une certaine intensité de la fumée. Et, avec le temps, il y a même des problèmes de santé plus importants, sur le plan pulmonaire, qui sont causés par la fumée dans l'environnement.

Donc, la loi vise, en tout respect de ceux qui font le choix personnel de fumer, en tout respect pour ces gens-là... On n'en a pas, et je l'ai dit souvent, contre les fumeurs; on en a contre le tabac. C'est ça, le problème. Le problème, ce n'est pas les fumeurs. Donc, on a des mesures dans cette loi pour protéger les jeunes et établir la règle sociale que, dans un endroit fermé, la règle, c'est de ne pas fumer, à moins qu'on ait réservé des espaces à cet effet. Et ça, ça correspond à une norme, pas qu'on veut créer et dans laquelle on veut forcer la population, mais la loi vient, à cet égard, baliser une norme qui s'est établie socialement, parce qu'on sait qu'il y a un bon deux tiers de la population qui sont des non-fumeurs. Et ça, c'est une proportion qu'on retrouve dans différents pays. Dans certains pays ou provinces canadiennes, c'est même 70 % de la population qui est non-fumeuse. Et, dans beaucoup de sondages qui ont été faits, dans la dernière année spécialement, de façon constante, les gens souhaitent, à l'ordre de 85 %, qu'on légifère sur ces questions, c'est-à-dire sur la protection des jeunes et sur le contrôle de la fumée dans l'environnement pour la protection des non-fumeurs. Et les gens sont à 80 %, 85 % favorables à ça. Il y a donc des fumeurs, des gens qui sont des fumeurs qui sont d'accord avec cet objectif-là. Ce n'est donc pas un sujet qui divise, de vouloir légiférer sur le tabac, mais c'est un sujet qui représente un consensus et qui représente une cohésion quant à cet objectif.

(20 h 20)

Pour atteindre cet objectif de protection, la législation qu'on a là adopte trois stratégies. Une première qui est de limiter l'accès aux jeunes le plus possible par tous les moyens légitimes de le faire. Alors, la façon de tenir le produit dans les magasins, par exemple, ou chez le dépanneur, où le produit devra être derrière le comptoir et non accessible directement par le jeune. L'interdiction, bien sûr, pour le dépanneur de vendre à des mineurs et une série de mesures qui assurent que, dans tous les endroits où on retrouve des jeunes, bien, on ne retrouve pas là de cigarettes, et qu'on soit même sévère pour des gens qui inciteraient des jeunes à fumer en vendant ou, encore plus, en donnant des cigarettes à des jeunes. Donc, contrôle de l'accès pour les jeunes. Un peu comme on fait pour l'alcool, d'ailleurs. Ça, c'est un peu une approche où on a profité de l'expérience que l'on a acquise en regard de l'alcool.

Deuxième stratégie, celle qui vise la publicité, comme ont fait tous les pays. Là, je sais qu'il y a eu beaucoup de débats: la publicité, elle est efficace ou pas, plus ou moins efficace. Bon. Je n'entrerai pas dans ce débat-là, c'est des débats d'école. Mais je pense que la démonstration a été assez bien faite que, oui, la publicité invite, incite à fumer. La publicité, sous différentes formes, légitime un produit, en fait... partie d'une norme sociale et de ce qui est plus naturel à faire, et là aussi ça influence. Peut-être moins des fumeurs ou peut-être moins des adultes qui n'ont pas pris l'habitude de fumer, mais les jeunes sont particulièrement sensibles aux invitations qu'ils ont.

Et, si la publicité est bien faite – et en général elle est faite par des gens qui connaissent la psychologie des groupes qui sont visés et la psychologie de réaction collective comme de réaction individuelle – elle incite beaucoup à fumer. D'ailleurs, je pense que les vendeurs de cigarettes, fabricants, distributeurs ou détaillants n'investiraient pas dans la publicité si ce n'était pas un facteur important non seulement pour compétitionner sur le marché avec les autres fabricants ou les autres vendeurs, mais aussi pour s'assurer qu'on recrute régulièrement des fumeurs et que le produit sera vendu, ce qui est tout à fait légitime de la part de ceux qui font cette activité. Mais, si on veut protéger les jeunes spécialement, bien, tous les pays, maintenant, qui ont légiféré dans ce domaine interviennent pour interdire la publicité du produit.

Encore une fois à cet égard, on a déjà agi de façon semblable sous plusieurs aspects en ce qui regarde l'alcool et la protection des jeunes contre l'alcool. Maintenant, pour le tabac, c'est plus sérieux, parce que l'alcool consommé dans des quantités raisonnables ne cause pas de problèmes de santé, tandis que le tabac, même consommé à très petites quantités, cause des problèmes de santé.

Troisième stratégie. En plus de l'accès et de la publicité, il s'agit de s'assurer que, dans des endroits fermés, que ce soient des endroits de travail ou des endroits où le public va, l'on ait une norme qui soit bien établie qu'on ne fume pas. Mais, là encore, on veut respecter les non-fumeurs. Il n'est pas question de partir à la chasse aux sorcières. Alors, qu'on puisse avoir, selon le choix de l'exploitant d'un endroit où va le public, des endroits, des fumoirs bien aménagés, bien aérés où les gens peuvent aller et peuvent fumer.

Alors, voilà donc trois stratégies éprouvées, démontrées qui sont encadrées dans le projet de loi. Ce qu'il faut reconnaître, c'est qu'un projet de loi comme ça, même si c'est une pièce essentielle pour intervenir sur les trois aspects que j'ai mentionnés, l'accès pour les jeunes, la publicité et les endroits publics, ce n'est quand même pas suffisant. Il faut comprendre que ce projet de loi là aura son efficacité en autant qu'il sera partie d'un programme de santé publique qui existe déjà, où on a de l'information, où il y a de l'éducation et où on intervient sur le prix du produit. Et ça, c'est aussi assez bien démontré, qu'un bon équilibre de l'ensemble de ces facteurs, avec le temps, a vraiment un effet. D'ailleurs, on l'a déjà démontré dans différents pays en intervenant de façon structurée à cet égard.

Ce qu'on ne veut pas oublier dans une stratégie générale de santé publique, c'est aussi, quand même, d'offrir des services et d'aider ceux qui sont des fumeurs et qui souhaiteraient cesser de fumer. Ça aussi, on a développé, dans le réseau de la santé et des services sociaux, différents programmes qui viennent aider des gens pour cesser de fumer, surtout si on a commencé à fumer tôt dans la vie. Il s'agit de passer par une période de sevrage, parce qu'il y a l'élément drogue qui cause l'accoutumance. Alors, il faut une volonté de le faire, il faut vouloir le faire. Mais on peut aider des gens qui font ce choix-là. Mais, encore là, il y a un respect du choix des gens. Et ça, il faut être vraiment très, très clair à cet égard.

On a donc un problème de santé publique bien campé, bien documenté. On a, dans la loi, des stratégies d'intervention encadrées dans un programme de santé publique et qui aussi ont été bien documentées quant à leur efficacité et quant aux conditions d'application qui les rendent vraiment efficaces.

C'est sur la base de ce projet que nous sommes allés en consultation. Et, si je voulais résumer ce qu'on a entendu en consultation – c'est mon troisième point, M. le Président – je pense qu'on peut dire sans se tromper qu'il y a eu un appui unanime, mais vraiment unanime, y compris des fabricants de tabac, au projet de loi, aux objectifs auxquels j'ai fait référence.

Une voix: ...

M. Rochon: Non. Aux objectifs. Oui, oui. Un appui unanime aux objectifs du projet, que l'on doive avoir une législation qui vise la protection des jeunes et vise la protection des non-fumeurs dans les endroits publics.

On a aussi un appui à peu près unanime, personne ne s'est dit contre, certains peut-être de façon plus modérée, mais, à 80 %, 90 %, les gens sont aussi d'accord qu'il y a une certaine urgence d'agir. Quand on regarde, au Québec, les résultats des cinq dernières années, où on a doublé la proportion des jeunes qui fument, c'est 38 % des jeunes de moins de 15 ans. Les jeunes filles fument plus que les jeunes garçons: c'est 43 % des jeunes filles qui prennent l'habitude de fumer. Il y a vraiment une urgence d'agir, surtout que l'on sait qu'une fois qu'on a adopté une législation de cette nature il faut du temps pour la mettre en application. Et, une fois qu'elle est en application, il ne faut pas se faire d'illusions. Avant d'avoir vraiment des effets qui vont être marquants sur une base de population, ça va prendre un certain nombre d'années. Donc, pour qu'on ait finalement un effet et qu'on ait finalement une prochaine génération de jeunes qui soient beaucoup mieux protégés que les jeunes d'aujourd'hui, il est important d'agir rapidement. Et ça, je pense que tout le monde est assez d'accord là-dessus.

En ce qui regarde les mesures qui sont prises quant à l'accès pour les jeunes, la publicité ou le contrôle dans les endroits publics, là, évidemment, on a entendu des opinions avec des différences, des modalités qui ont commencé à être proposées. Mais, de façon générale, je pense que c'est aussi correct de dire que, sur l'ensemble de ces mesures-là, il y a une très forte majorité de gens qui sont d'accord. Ce qu'on a retenu comme principale objection ou proposition de considérer des modifications, des assouplissements, je pense que je pourrais les résumer de la façon suivante. Il y a d'abord les restaurateurs, qui sont d'accord avec les objectifs, qui sont d'accord avec la stratégie générale, qui sont d'accord pour protéger à l'intérieur des établissements, mais qui souhaiteraient que l'on considère ce qui semble être des nouvelles technologies de ventilation, la possibilité qu'il y ait des conditions qui permettent que l'on ventile un espace de façon suffisante, tout en demeurant confortable pour les gens qui y sont sans que l'on ait besoin d'avoir des endroits isolés ou séparés, bien ventilés pour les fumeurs, par rapport à l'endroit où se retrouvent les non-fumeurs. Bon, ça, on examine cette possibilité-là.

(20 h 30)

Mais, à tous égards, c'est vraiment une suggestion. On nous a demandé d'examiner cette possibilité. À la limite, j'ai cru comprendre que les restaurateurs ne sont pas complètement opposés à ce qu'ils soient obligés à terme d'installer des endroits isolés. Et, là-dessus, ils se sont montrés d'accord avec la façon dont le projet de loi impose cette exigence, c'est-à-dire que l'on doit prévoir un endroit séparé pour les fumeurs par rapport aux non-fumeurs, soit pour une nouvelle construction qui servira comme restaurant ou à l'occasion de rénovations majeures qui devront être faites, et que, à tout événement, dans 10 ans, là on devra voir que les restaurants se conforment à la loi. Là, les restaurateurs nous ont bien demandé de ne pas réduire ce délai de 10 ans, alors que d'autres nous disent que c'est un peu trop long, qu'on devrait le ramener à cinq ans.

Bon. C'est très en résumé, c'est une capsule. On va discuter plus en détail lors de l'étude article par article, mais je pense que ça résume correctement ces considérations-là qui sont ressorties de la commission parlementaire et qu'on devra examiner.

Il y a un autre groupe de gens parmi les détaillants, ceux qui vendent la cigarette, qui ont soulevé des objections, ce sont une partie des pharmaciens. Je dis bien «une partie des pharmaciens», parce que l'Ordre des pharmaciens appuie totalement le projet de loi tel qu'il est, et même avec des propositions de le rendre plus sévère et plus rigoureux à certains égards. Par contre, on a entendu les représentants des pharmaciens propriétaires, ceux qui sont des propriétaires de pharmacie, qui trouvent peut-être un peu sévère que l'on n'accepte pas que, dans l'endroit adjacent à la pharmacie, comme tel, l'on puisse vendre du tabac.

Tout le monde est d'accord que, dans la partie dite pharmacie, on ne vende pas de tabac là parce que c'est un établissement de santé et que c'est normal que dans des établissements de santé on ne fume pas. Il faut dire que ce n'est pas évident. Moi, quand j'étais interne, M. le Président – je ne vous dirai pas ça fait combien d'années, ça ne va pas nous rajeunir, ça fait un bon moment – à cette époque-là, j'ai vu quand même qu'on faisait la tournée le matin pour voir les malades et que les patrons fumaient. On rentrait même dans la chambre d'un malade qui était atteint d'emphysème ou d'une bronchite chronique, ou un malade cardiaque, en fumant puis en éteignant nos cigarettes en rentrant. Ça, ça s'est vu il y a quelques décennies. Ce n'est quand même pas au siècle passé.

Çà, aujourd'hui, ce serait inimaginable, dans un établissement de santé, qu'on retrouve ça. Comme les pharmacies sont des établissements de santé, là le débat est: Est-ce que, dans la partie adjacente, où il y a un autre commerce que la pharmacie comme telle, on devrait pouvoir y vendre des cigarettes? Bon. Certains pharmaciens, une petite minorité, en fait, qui sont des propriétaires... c'est peut-être, si je me rappelle des chiffres, de l'ordre de 700 sur 3 000 ou 4 000 pharmaciens qui trouvent la loi un peu trop sévère à cet égard, alors qu'il y aurait des accommodements possibles.

On pourrait avoir deux bannières différentes: la bannière de la pharmacie et la bannière d'un autre commerce complètement séparé. Mais là on voit qu'il y a des opinions différentes, minoritaires, mais qu'on a respectées et qu'on a entendues. Et on verra, quand on arrivera au projet de loi, ce qu'on pourra faire à cet égard. Mais, moi, je dois avouer que, comme ministre qui pilote ce projet de loi, je retiens plus l'opinion de la grande majorité des pharmaciens et de l'Ordre des pharmaciens qui voudraient que la pharmacie soit vraiment un établissement de santé, qu'on la considère et qu'on la traite correctement de cette façon.

Maintenant, on a un troisième groupe, évidemment, les fabricants de tabac, qui, se disant d'accord avec les objectifs, trouvent évidemment le projet de loi un peu sévère, à deux égards surtout, je pense. Encore là, pour résumer, pour être un peu synthétique, d'abord en ce qui regarde l'article 28 de ce projet de loi là qui réglemente l'emballage et la façon dont l'emballage du produit devient lui-même un élément de publicité comme tel, où le projet de loi ne dit pas qu'on va contrôler l'emballage par l'application de la loi, mais où la loi donne un pouvoir réglementaire au gouvernement, éventuellement, de pouvoir intervenir par voie réglementaire pour contrôler les types d'emballage qui seraient permis.

Il y a des réticences aussi, on peut s'y attendre, de la part des fabricants de tabac, à l'article 29 qui, lui, vise à donner un pouvoir réglementaire quant à la composition de la cigarette. Là, on fait valoir que ça pourrait être une contrainte énorme, surtout que le projet de loi, dépendant comment on le lit, peut donner à interprétation. Ce n'est pas ce qu'il dit et ce qu'il veut dire, mais c'est un petit article en trois petits paragraphes et, si on ne lit que le premier paragraphe, on peut avoir l'interprétation qu'on veut donner le pouvoir réglementaire de contrôler la composition de tous les produits du tabac qui sont fabriqués au Québec.

Quand on lit l'article jusqu'à la fin, la dernière partie de l'article dit bien qu'«un distributeur de produits du tabac ne peut vendre au Québec un produit [...] qui n'est pas conforme aux normes prévues au règlement visé au premier alinéa». Là, on reconnaît que c'est peut-être un peu ambigu à la lecture. L'intention du projet de loi était vraiment d'avoir un pouvoir réglementaire pour la cigarette qui est vendue au Québec. Comme les fabricants nous ont dit que 80 % à 85 % de leur production est exportée, je ne pense pas qu'on puisse prétendre réglementer la composition d'un produit qui est fabriqué au Québec mais qui est exporté ailleurs, si les pays importateurs souhaitent avoir cette composition. Ça n'a jamais été ça, l'intention. On a dit d'ailleurs aux gens que, ça, on discutera, au niveau de la commission, quels ajustements peuvent être faits à cet égard pour que l'intention soit très, très claire.

Certains autres commentaires qui ont été faits et qu'on devra peut-être regarder un peu plus en détail, c'est de peut-être baliser plus correctement les pouvoirs d'inspection. Je pense que c'est important, si on veut appliquer une loi, qu'il y ait des sanctions pour ceux qui ne respectent pas la loi. On veut s'assurer, par contre, que les pouvoirs et les façons de fonctionner des inspecteurs pour contrôler l'application de la loi soient respectueux des gens, soient respectueux des libertés, des droits fondamentaux des gens et visent vraiment l'application de la loi. Ça, il pourra y avoir peut-être des améliorations qui peuvent être faites à cet égard. On est ouvert là-dessus.

M. le Président, je pense, encore une fois, sans prétendre être exhaustif, qu'on a là les principaux commentaires qui ont été faits, avec une certaine réticence en ce qui regarde autant l'accès au produit que la consommation du produit dans des endroits publics.

Il y a un autre groupe qui a fait des suggestions intéressantes pour améliorer un peu peut-être, pas surtout le projet de loi, mais son application, et ça, c'est les gens qui sont les responsables des événements culturels et des événements sportifs et qui sont, si on me permet l'expression, devenus, eux aussi, dépendants de la cigarette, parce que les producteurs de tabac ont été bien inspirés il y a peut-être une dizaine d'années – je ne pense pas que ça remonte à beaucoup plus qu'une dizaine d'années – où les fabricants de tabac ont vraiment investi beaucoup dans la commandite. Ils l'ont fait beaucoup depuis 10 ans. Il y a beaucoup d'événements, de grands événements, on a beaucoup de courses d'automobiles, des grands festivals de jazz ou de musique à travers le Québec, comme dans d'autres pays, qui ont une partie importante de leur financement, qui peut varier de 10 % à 30 %, 40 %, qui est assurée par la commandite du tabac.

Ce que la loi dit, c'est que, après la mise en vigueur d'une telle loi – donc pas à partir de son adoption; on aura à déterminer la période, après son adoption, à laquelle la loi devient en vigueur – il y aura une période limitée à deux ans pour continuer à terminer les contrats que les gens obtiennent déjà des compagnies de tabac, d'être capable, à la limite, de renouveler un contrat qui termine dans les prochains mois pendant la période de deux ans. Et la loi dit tout simplement qu'après cette période de deux ans le gouvernement pourra donner des subventions pour aider à faire la transition et à trouver d'autres commanditaires pour assurer la survie et le fonctionnement des événements.

Là, ce que les gens nous ont dit, c'est: On est d'accord pour en trouver d'autres, on peut en trouver. On peut en trouver, on est d'accord que ça se fait, ça prend un effort, il faut qu'on soit incités à le faire, mais on a besoin de plus que deux ans; deux ans, ce n'est pas assez. Et ce qu'on nous a dit, c'est cinq ans. Tout le monde est d'accord là-dessus, ça leur prend cinq ans. Alors, ça, on s'est dit assez d'accord de considérer et de s'ajuster là-dessus, et on aura à préciser.

D'ailleurs, on a eu des discussions avec ceux qui sont venus nous voir en commission, comme on l'avait convenu au moment de la commission, et des discussions ont suivi pour être bien sûrs de comprendre les suggestions qu'ils voulaient nous faire, bien sûrs qu'on n'appliquerait pas un mécanisme de subventions de façon trop mur à mur qui ne respecterait pas les conditions différentes d'un événement culturel par rapport à un événement sportif, d'un événement qui se passe à Montréal, à Québec ou en région, ou les possibilités, les facilités ou la rapidité avec lesquelles on peut trouver des commanditaires alternatifs, de sorte que, pour respecter ces conditions-là et aider vraiment les gens... Parce qu'il nous ont dit: On est d'accord, mais aidez-nous; aidez-nous à s'en sortir. C'est un peu ça qu'on nous a dit, en fait. Alors, on est d'accord pour ça, on est d'accord pour faire les adaptations et les ajustements qu'il faudra et, sur la base des discussions qu'on a continuées avec les gens, on aura des suggestions, des propositions à faire pour que ces gens-là soient bien assurés que le projet de loi est plus clair sur la période de cinq ans pour être complètement libérés, tout en respectant, par contre, qu'on veut cesser la commandite le plus tôt possible. Alors, c'est cette période de trois ans qui est un peu critique, là, qu'il faudra ajuster.

(20 h 40)

Bien sûr, à cet égard, on devra tenir compte d'un autre aspect – pour toute la loi, en fait, mais c'est surtout à cet égard que c'est plus immédiat ou que c'est peut-être plus dérangeant – on devra s'assurer de voir comment on fait une harmonisation avec la loi fédérale et ne pas coincer trop les gens pour être pris avec des lois qui imposent, comme certains nous le disaient... Une loi interdit tel genre de chose, mais je peux faire autre chose; l'autre loi interdit autre chose. Si les deux lois s'appliquent sans harmonisation, on ne peut plus rien faire. Alors, ça, ça peut devenir impossible, ça peut devenir intenable, et il faudra harmoniser. Je sais que le ministre fédéral de la Santé a fait des déclarations aujourd'hui, cet après-midi. Je n'en ai pas tous les détails, je n'ai pas pu voir exactement ce qui est proposé. J'ai cru comprendre qu'il y a eu peut-être un pas de fait vers un certain début d'harmonisation avec la législation du Québec. Faudra qu'on voie ça dans les prochains jours et qu'on voie comment on assure une situation qui ne rend pas la vie impossible aux gens; ce n'est pas ça qui est notre objectif.

Alors, là, je pense, M. le Président, que j'ai résumé assez bien ce que nous a donné comme information la commission parlementaire. Je dois dire que ça a été une commission qui a très bien travaillé, où il y a eu une collaboration très correcte. Je pense que les membres des deux partis ont vraiment travaillé comme des législateurs qui veulent améliorer ce projet de loi là. J'ai senti aussi – je ne pense pas mal décoder – que l'opposition est aussi d'accord qu'il faut ce projet de loi, qu'il le faut dans les meilleurs délais, et, sur la base de toute l'information qu'on a maintenant, je suis très confiant qu'on pourra dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, améliorer ce projet de loi et pouvoir revenir ici, à l'Assemblée nationale, avec un projet de loi qui fera que le Québec, qui a un peu traîné la patte dans ce domaine comparativement à tous les pays, durant un bon nombre d'années, pourrait être assez fier d'avoir une législation qui est globale, qui fait le tour de la question sur des sujets sur lesquels on doit légiférer, qui s'insère bien dans un bon programme de santé publique, qui est respectueux des droits des gens et qui est souple dans son application, avec les tolérances qu'il faut avoir. Alors, je suis confiant là-dessus et je vous remercie beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie infiniment, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Nous allons maintenant céder la parole au député de Verdun, en lui mentionnant toutefois que le représentant officiel de votre formation se garde le privilège d'intervenir à ce titre. Et donc, de ce fait, vous avez un droit de parole de 20 minutes. M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, d'emblée et en première intervention, je dois dire que l'opposition souscrit totalement aux objectifs de ce projet de loi. Je ne dis pas qu'on est d'accord avec l'ensemble des articles – on aura l'occasion d'en discuter – mais l'objectif de santé publique tel qu'il vient d'être exprimé par le ministre de la Santé et des Services sociaux, nous le partageons. D'emblée, je pense que ce point-là doit être clair ici au départ. Il peut être assuré de la collaboration de l'opposition pour l'adoption de son projet de loi, si tant qu'on soit en mesure de corriger, ce que je vais faire dans mon intervention, c'est-à-dire les irritants ou les imperfections que je pus identifier à l'intérieur du projet de loi. L'autre projet de loi, M. le Président, s'est penché sur le tabagisme, que d'aucuns, et je me rappelle le témoignage du Collège des médecins, ont décrit comme une forme de maladie, de problème qui était partagé par nombre de nos concitoyens.

Ce projet de loi a, en termes de santé publique, deux objectifs principaux: un, pouvoir limiter le nombre de jeunes qui commençaient à fumer; d'autre part, reconnaître qu'il y a nombre de nos concitoyens qui sont des fumeurs, mais faire en sorte que ceux qui s'adonnent à être des fumeurs ne viennent pas perturber la santé de ceux qui ont choisi de ne pas être des fumeurs. Je crois que c'étaient les deux objectifs en termes de santé de ce projet de loi.

D'emblée, je dois dire que nous partageons ces objectifs et que nous allons soutenir le ministre dans ses intérêts. Le projet de loi, par contre, va limiter l'accès, enfin va déclarer des zones qui sont des zones où on ne pourra pas fumer, des zones où on pourra fumer, va rappeler que la vente des produits du tabac doit être clairement réglementée et s'assurer que les jeunes qui ont moins de 18 ans n'aient pas un accès trop facile aux produits du tabac.

Je voudrais néanmoins revenir, M. le Président, et je crois que c'est le rôle de l'opposition... Mais je veux bien baliser ici l'intervention du rôle de l'opposition. Nous souscrivons à la majeure partie des objectifs du projet de loi. Je reste perplexe sur trois, quatre ou cinq points à l'intérieur du projet de loi. Le premier point, c'est la question de la vente des produits du tabac dans les pharmacies à chaîne, et je pense plus spécifiquement à des Pharmaprix, des établissements comme Jean Coutu. Bizarrement... Je dois dire que je comprends la logique du ministre, qui dit: Une pharmacie doit être un établissement de santé. Mais je dois dire aussi – parce qu'on vit dans le vrai monde – que les pharmacies sont probablement les endroits où l'interdiction de vente des produits du tabac à des mineurs de moins de 18 ans est le plus strictement respectée. Sans vouloir médire des dépanneurs, vous savez qu'un établissement comme un Jean Coutu, par exemple, qui fait la majeure partie de ses ventes sur autre chose que la vente de cigarettes, est – et j'ai pu le vérifier moi-même – extrêmement sévère sur l'interdiction faite à la caissière de vendre des produits de tabac à quelqu'un qui a moins de 18 ans.

Ce n'est pas la même réalité lorsque vous allez au dépanneur du coin qui est amené à avoir un volume de ventes plus petit. Et je ne suis pas sûr que l'interdiction de vente des cigarettes dans les pharmacies ne va pas avoir l'effet contraire, c'est-à-dire de drainer toute la clientèle vers les dépanneurs, qui n'auront pas nécessairement tous le même intérêt pour appliquer la loi en ce qui touche la vente aux mineurs de moins de 18 ans. Donc, il y a un problème ici, et je ne suis pas sûr que les articles qui à première vue semblent naturels atteignent l'objectif qui est recherché. Alors, on aura à discuter en commission sur ces questions-là, parce que je partage totalement l'objectif qui est celui du ministre, c'est-à-dire faire en sorte que l'accès à la vente des cigarettes soit respecté, ne soit pas accessible en vente libre pour les jeunes de moins de 18 ans.

Mais, vous le savez, M. le Président, le ministre le sait, et vous n'avez pas besoin d'aller tellement plus loin... Bon Dieu, je vais vous donner un exemple. J'habite sur Grande-Allée quand je siège ici, au Parlement. Je passe sur la rue Maisonneuve devant l'école Saint-Patrick. Je vous dis, tous les jours en temps de classe, vous avez à la porte de l'école des jeunes qui ont 12, 13, 14 ans qui fument des cigarettes. Où se les sont-ils procurées? Évidemment, ça pose un problème. Il y a quand même un problème réel là-dedans que nous devons combattre, et je ne suis pas sûr que le projet de loi atteigne cet objectif de mieux contrôler la vente aux mineurs. On aura à échanger en commission parlementaire. Et, parmi les commerçants des produits de tabac, je dois dire que les pharmacies à chaîne – une expérience que j'ai vue, parce que j'en ai vu faire ça – souvent sont celles que j'ai vu refuser de vendre des produits de tabac à des jeunes de moins de 18 ans.

Autre problème du projet de loi, les articles 28 et 29. Si on doit lutter contre le tabagisme, M. le Président, on doit aussi reconnaître qu'il y a... Et je crois que ce n'est pas l'objectif du projet de loi d'empêcher les gens de fumer, c'est-à-dire ceux qui sont actuellement des personnes qui fument. Et, pour ça il y a donc une industrie du tabac. Cette industrie du tabac est une industrie extrêmement importante. Dans une circonscription comme la mienne ou celle de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, ça reste presque la seule industrie qui reste actuellement active.

(20 h 50)

Je dois dire que la lecture de l'article 29 tel qu'il est rédigé – et, M. le Président, vous êtes un légiste et vous allez le comprendre tout de suite – on a utilisé le terme «fabriqués» dans l'article 29.

«Le gouvernement peut déterminer, par règlement, des normes relatives à la composition et aux caractéristiques des produits du tabac fabriqués au Québec.»

L'utilisation du mot «fabriqués» était extrêmement restrictive, surtout que ces usines exportent pour plus de 85 % de leur production à l'extérieur du Québec. Alors, ce que nous ont fait valoir les compagnies, c'est de dire: Si vous imposez des normes pour les consommateurs québécois, on peut s'adapter aux normes des consommateurs québécois, mais ne nous forcez pas à vendre un produit qui ne correspond pas nécessairement aux normes et aux goûts de nos clients qui sont des clients hors Québec.

Alors, dans l'intervention du ministre, je prends note de son ouverture à ce point de vue là. Il serait très simple, par exemple, de remplacer le mot «fabriqués» par le mot «distribués». On aurait probablement réglé une bonne partie de la problématique et des problèmes qui sont soulevés par les compagnies de tabac. Je pense qu'on aura des échanges à faire en commission parlementaire pour pouvoir clarifier cette question.

Il ne faut pas oublier que, si ce projet de loi tient à empêcher les jeunes à avoir accès à la cigarette, deuxièmement, de s'assurer que les personnes qui fument ne perturbent pas la santé de ceux qui ont choisi de ne pas fumer, il n'interdit pas non plus les produits du tabac. Et il est important que, s'il n'interdit pas, il y a donc un marché qui est le marché du tabac et sur lequel on doit être en mesure de ne pas le tuer complètement ici, au Québec, parce qu'on a dans certaines circonscriptions toute une industrie qui est l'industrie du tabac.

J'aimerais, M. le Président, aborder une autre question qui n'est pas couverte par le projet de loi et qui me préoccupe au plus haut point actuellement et sur laquelle, ce point, je n'ai pas de solution miracle à apporter. Vous savez à quel point l'industrie du cinéma crée des modèles; et, pour les jeunes, vous avez tendance à vous identifier à ces modèles-là. C'est dans ce cadre-là qu'on a voulu agir au niveau de la publicité sur les produits de tabac.

Par contre – et je n'ai pas actuellement besoin de faire une étude exhaustive, mais je vous invite, M. le Président, à la faire – depuis deux ou trois ans, et je pourrais vous donner des références actuellement, dans les films produits aux États-Unis – soyons conscients que nous consommons ici beaucoup de films américains – à la fois les, et excusez-moi le terme «caractères», qui est la mauvaise traduction de «characters», les personnages qui sont virils, qui représentent l'incarnation de la masculinité, très souvent, vous les voyez dans les films, actuellement, des gens qui fument. De la même manière, les personnages féminins qui sont des personnages de séduction et, entre guillemets, excusez encore le terme anglais, «sexy», c'est souvent des personnages qui fument, là-dedans.

Et, faites attention, on ne réfléchit pas ici assez à quel point l'influence que ces modèles que l'on projette chez les jeunes peut avoir sur le tabagisme, c'est-à-dire de dire qu'il devient naturel que, si vous êtes un homme qui doit être un homme en incarnant réellement la masculinité, si tant est qu'il y a un rapport entre le fait de fumer et le fait d'être masculin – mais il faut comprendre que le cinéma est essentiellement une projection de modèles – vous verrez à ce moment-là que, dans les films qui sont disponibles, on a tendance à associer les deux. Et là il y a tout un pan qui me préoccupe beaucoup et qui n'est pas touché par le projet de loi. Alors, je ne voudrais pas ici rentrer... Je n'ai pas nécessairement de solutions à proposer, dans le sens que je ne dis pas: Il faut qu'on ait une censure, de la même manière que lorsque vous étiez jeune, M. le Président – vous rappelez-vous? – où il y avait des films qu'on interdisait parce qu'on pouvait voir le bout d'une jambe de femme ou le quart d'un sein. On disait: Ça, c'est un film qui doit être à proscrire parce qu'il pourrait faire penser à des choses. Ha, ha, ha! Bon, on a longuement évolué depuis, Dieu nous en soit témoin! mais il reste que ces images qui sont projetées ne sont pas sans me préoccuper et ne sont pas touchées non plus à l'intérieur du projet de loi. Il y aurait lieu, au minimum, dans l'échange que nous allons faire, de se questionner sur ces questions.

On a abordé, en dernier point, deux questions, la question des restaurateurs et la question des commandites. Je voudrais y toucher aussi un peu. Là, on est en train de réfléchir sur deux droits, le droit du citoyen fumeur qui veut pouvoir avoir le droit d'aller au restaurant et pouvoir, à la fin d'un repas, avoir le plaisir, qui est inhérent souvent à certains plaisirs, de consommer un produit du tabac, et celui qui – le même droit – veut aussi pouvoir consommer une nourriture sans avoir le goût altéré par l'odeur qui circulerait d'un produit de tabac. Je ne suis pas sûr que les mesures incluses dans le projet de loi résolvent cette problématique, je ne suis pas sûr qu'on n'est pas en train de mettre des barrières ou des rigidités telles qu'on est en train d'empêcher ou de tuer les restaurateurs.

Personnellement, M. le Président, j'aurais tendance à faire en sorte de respecter plus le marché. C'est-à-dire, si je suis un non-fumeur, j'aurais tendance à dire: Puisque le fait d'être un non-fumeur est important pour moi, j'irai dans un restaurant qui respecte mon statut de non-fumeur; si je suis un fumeur, j'irai dans un restaurant qui donne un peu plus de liberté. Mais je laisserais le marché plus libre, là-dedans, que cette tendance qui est la voie réglementaire qui est choisie, tout en faisant en sorte que je comprenne... – je partage cet objectif de respect des droits des uns et des autres – mais de laisser le marché jouer son rôle d'équilibre là-dedans, et le libre choix du consommateur me semble un argument que nous aurions avantage à retenir.

Dernier élément, la question des commandites. Vous n'êtes pas sans savoir que l'interdiction de la publicité des produits du tabac dans les magazines a fait en sorte que les compagnies de tabac, pour faire la promotion de leurs produits, ont eu tendance à utiliser les véhicules publicitaires qui étaient laissés à leur portée, à savoir le soutien d'événements sportifs ou d'événements culturels. Je suis parfaitement conscient et je suis sûr que le ministre n'a pas comme but de vouloir annihiler ou gêner les événements culturels ni les événements sportifs. Mais nous sommes pris dans une dynamique réglementaire, et la période de deux ans qui est fixée à l'intérieur du projet de loi, qui ne me semble pas cohérente avec ce qui semble avoir été annoncé par la réglementation fédérale, est peut-être un peu courte, et il y aurait lieu de l'harmoniser. À moyen terme, je comprends l'objectif du gouvernement. Je tiens néanmoins à m'assurer – et ça va être une des positions que l'opposition va faire dans l'étude article par article – que les événements culturels et sportifs puissent continuer à survivre et à fonctionner normalement, M. le Président. Alors, nous allons nous assurer et débattre...

(21 heures)

Pour résumer – et vous m'indiquez qu'il me reste peu de temps, je vais essayer de résumer – un, le ministre a notre appui total, et j'insiste sur le mot «total», dans ses objectifs de santé publique. Deux, nous avons des questionnements sur les moyens qui sont choisis et nous allons pouvoir échanger avec le ministre sur cette question-là, particulièrement en ce qui touche, si vous me permettez, la vente des cigarettes dans les pharmacies. Les articles 28 et 29 ont besoin, pour sécuriser en quelque sorte l'industrie du tabac, d'être amendés, mais j'ai cru comprendre qu'il y avait de la part des représentants du ministère et du ministre en particulier une ouverture certaine sur ces questions-là. Donc, il y aura lieu de ne pas mettre ici en péril une industrie importante et des emplois importants à l'intérieur du Québec.

Je pense qu'un échange devra avoir lieu sur tout ce qui est la question de l'audiovisuel et l'influence que l'audiovisuel peut avoir sur la consommation du tabac, sans nécessairement avoir ici à vous proposer des solutions. Je ne suis pas sûr que la réglementation extrêmement rigide qui est dans le projet de loi en ce qui touche les restaurants atteigne notre objectif, et qu'il pourrait préférablement mieux y avoir une réglementation peut-être plus souple – je vais terminer, M. le Président, si vous me laissez terminer là-dessus – mais qui tienne plus compte de la liberté du marché.

M. le Président, je souhaiterais aussi que nous ne remettions pas en question l'équilibre financier des événements sportifs et culturels. Donc, échange naturel qu'une opposition va faire dans l'étude article par article de ce projet de loi. Et le ministre peut être assuré à la fois de la vigilance de l'opposition pour bonifier le projet de loi – et il est sûr que, moi, je le fais à chaque fois, dans chaque projet de loi que je fais – mais, et je terminerai là-dessus, qu'il soit assuré du soutien des parlementaires de l'opposition dans l'atteinte des objectifs qui ont été édictés, à savoir les objectifs de santé publique, les objectifs de faire en sorte que l'on diminue le fait que les jeunes de moins de 18 ans aient accès à la cigarette et qu'on sache protéger ceux qui, adultes, ont décidé d'avoir une vie où ils ne participent pas, où ils ne fument pas. Mais, ceci étant dit, l'étude article par article soulève un certain nombre de points, et nous allons les soulever en commission. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de Verdun. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la député de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, c'est très rare que, des deux côtés de la Chambre, on se lève pour appuyer, quasiment à l'unisson, un projet de loi. On est davantage habitué de ce côté de la Chambre à critiquer le gouvernement parce qu'on trouve que les projets de loi qui sont présentés généralement ne vont pas dans le sens des intérêts de la population.

Mais, pour une fois, on est face à un projet de loi, le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac, qui répond à un certain nombre d'objectifs qui sont partagés aussi bien par le gouvernement que par l'opposition officielle, un projet de loi tant attendu. Et le ministre de la Santé et des Services sociaux, s'il y a une critique à lui faire, c'est de lui dire qu'il a tardé à le déposer. Mais, comme dit l'adage, «vaut mieux tard que jamais».

Alors, de quoi s'agit-il dans ce projet de loi, M. le Président? C'est un projet de loi d'abord et avant tout de santé publique. Le projet de loi n'interdit pas le tabac, le projet de loi présente un certain nombre de mesures et de dispositions pour contrôler l'usage du tabac. Quand on regarde les notes explicatives, ça nous donne une idée détaillée de ce que ce projet de loi contient.

«Ce projet de loi édicte les règles applicables à l'usage du tabac, à sa vente ainsi qu'à la publicité et à la promotion du tabac. Donc, il y a trois aspects dans ce projet de loi. À cette fin, le projet de loi interdit de fumer dans certains lieux fermés, notamment les locaux utilisés par les établissements de santé, les établissements scolaires, les centres de la petite enfance, les transports collectifs et les milieux de travail.»

Je continue, M. le Président, très rapidement la citation des notes explicatives: «Ce projet de loi vise également à restreindre l'accès du tabac aux mineurs.» Et ça, c'est une mesure extrêmement importante à laquelle la population peut se rendre et exprimer une grande sensibilité. «De plus, ce projet de loi introduit des dispositions de nature pénale ainsi qu'une interdiction de vendre du tabac pour tout exploitant de commerce déclaré coupable d'avoir vendu du tabac à un mineur.» Ça, c'est des mesures qu'on pourrait qualifier de coercitives. Toujours est-il, M. le Président, que le projet de loi n° 444 est d'abord et avant tout et fondamentalement un projet de loi de santé publique, et, à ce titre, je ne peux qu'applaudir à toute mesure qui vise à lutter contre le tabagisme.

J'ai été particulièrement effrayée, lorsque j'ai entendu, en commission parlementaire, les groupes qui se sont présentés nous dire que, au Québec, il y a 10 000 personnes qui décèdent annuellement de maladies liées directement au tabac. C'est extrêmement grave, 10 000 personnes. Dans les Îles-de-la-Madeleine, il y a 14 000 personnes; ça peut nous donner une indication pour relativiser les choses.

J'ai donc participé à cette consultation la semaine dernière, et nous avons entendu les représentants des fabricants de tabac, les représentants des restaurateurs, les groupes professionnels qui s'occupent de la santé publique, et ça a été très éclairant pour tous les députés qui ont participé à cette consultation.

Juste pour situer la problématique et démontrer à quel point on est face à un problème majeur, parce qu'on ne le réalise pas, le tabac, c'est une banalité, on vit avec la fumée. Mais, lorsqu'on regarde des chiffres, ça nous donne quand même la frousse. Des mémoires qui nous été proposés, j'en ai retenu au moins trois, et notamment celui de la Société canadienne du cancer. Dans ce mémoire, on nous donne quelques chiffres. D'après Statistique Canada, en ce qui concerne les maladies liées au cancer, au Québec, chaque jour et jour après jour, 27 personnes apprennent qu'elles sont atteintes d'un cancer relié à la consommation du tabac. C'est très inquiétant: 30 % de tous les cancers sont reliés au tabagisme. Actuellement, 10 cancers connus et fréquents sont les conséquences de la consommation du tabac: 85 % des cancers du poumon, de la trachée, des bronches sont reliés aux maladies du tabac; la moitié des cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de l'oesophage sont reliés aux maladies du tabac; 33 % des cancers du pancréas, du rein, de la vessie sont également reliés aux maladies inhérentes à la consommation du tabac. Pire encore, les cancers liés au tabagisme sont en hausse depuis 1950. Je n'étais pas encore née, mais déjà le tabagisme commençait à faire ses effets. On estime la progression de ces cancers liés au tabagisme à 3 % à 4 % par année. Et, parmi tous les cancers, le cancer du poumon est toujours celui qui cause le plus grand nombre de décès chez les hommes.

(21 h 10)

On pourrait continuer, M. le Président. La statistique la plus effrayante, aussi, c'est en rapport avec les jeunes, précisément. On sait que ce sont les jeunes, dès l'âge de 12, 13, 14 et 15 ans qui commencent à développer de l'accoutumance au tabagisme. On lit ici, dans le mémoire de la Société canadienne du cancer, que chez les jeunes de niveau secondaire, de 1991 à 1996, le pourcentage de fumeurs est passé de 19 % à 38 %. Fait encore plus troublant, 43 % des jeunes filles fument. Ça, M. le Président, ça devrait nous inquiéter. Ça devrait nous inquiéter. Moi, ça m'inquiète, comme parent, cette statistique-là. Et les données qui nous ont été présentées nous ont éclairés mais, en même temps, inquiétés.

Alors, si on revient au projet de loi comme tel et aux dispositions qu'il présente. Au chapitre de l'usage du tabac, il faut bien préciser que le projet de loi n° 444 n'interdit pas l'usage du tabac, mais qu'il vise à limiter son usage, particulièrement chez les jeunes et les mineurs. Donc, ce projet de loi apporte des restrictions à l'usage du tabac dans certains lieux, notamment les installations maintenues par un établissement de santé et services sociaux. Cela va de soi, M. le Président. Lorsqu'on va dans un établissement lié à la santé et services sociaux, à tout le moins, connaissant les dangers du tabagisme qui est quasiment une maladie, il faut à ce moment-là envoyer un signal clair que c'est une zone libre de tabagisme.

La restriction à l'usage du tabac aussi doit se manifester dans les locaux utilisés par une école: l'école de niveau primaire, secondaire ou une école privée. Et là, étant moi-même très proche des écoles, parce que j'ai des jeunes d'âge scolaire, donc il m'arrive souvent d'aller visiter les écoles. M. le Président, je constate que, bien que dans les lieux comme tels, les lieux scolaires, on interdit le tabac aux jeunes, dans les cours d'école et aux portes des écoles, c'est des fumoirs à aires ouvertes. Parce que les jeunes, justement, qui savent qu'il est interdit de fumer à l'intérieur prennent la liberté de fumer à l'extérieur. Donc, il faudrait, M. le Président – j'interpelle le ministre – que, lorsqu'on dit que les locaux utilisés par une école ne devraient pas servir pour consommer du tabac, pour les jeunes, il faut que cette restriction s'étende à l'ensemble de l'espace-école, sinon on n'a rien réglé. On va juste attendre la minute ou le quart d'heure approprié pour aller fumer et consommer du tabac sur les lieux de l'école.

Également, M. le Président, les restrictions à l'usage du tabac touchent les locaux utilisés par les collèges et les universités, il va de soi; les installations des centres de la petite enfance et services de garde; les locaux des activités sportives, des loisirs, des activités judiciaires, culturelles, artistiques; les lieux où on tient des colloques, des congrès, donc des lieux publics où passent beaucoup de gens; les locaux liés à des activités communautaires ou des loisirs destinés aux mineurs; les aires communes des immeubles de 12 unités de logement, ça aussi, quand on va visiter les centres d'accueil, des choses comme ça, il est très important que l'on puisse se retrouver dans un espace libre de fumée; les lieux de travail, à l'exception de ceux situés dans une demeure, et là, j'ai une petite pensée pour les travailleurs autonomes qui utilisent leur bureau à la maison généralement, eux ne sont pas nécessairement touchés par cette mesure qui est prévue dans le projet de loi, mais malheureusement pour eux, s'ils étaient dans les lieux de travail qui sont fréquentés par un plus grand nombre, à ce moment-là, ils seraient assujettis à la loi; ainsi que les moyens de transport collectifs, et ainsi de suite.

Donc, la restriction à l'usage du tabac, on est tout à fait d'accord dans la mesure où elle n'interdit pas nécessairement pour certains lieux, pour les personnes qui veulent fumer, de prendre le goût et le plaisir de fumer leurs cigarettes, mais, en même temps, M. le Président, ça nous permet de protéger les jeunes, les mineurs, les jeunes filles en particulier. Et on vient de le savoir, 43 % d'entre elles apprennent à fumer et développent l'accoutumance pour la cigarette. Ça, c'est une donnée qui, à elle seule, devrait nous inquiéter énormément.

L'autre aspect du projet de loi, c'est le volet touchant la vente du tabac, et là ce sont des articles qui commencent à l'article 13, l'article 13 à l'article 20. Donc, la vente du tabac est strictement interdite aux mineurs. Il y a un certain nombre de dispositions qui sont énoncées dans le projet de loi à cet effet, et notamment en ce qui a trait à l'article 18. Et l'article 18, je vous le lis:

«Il est interdit de vendre du tabac dans un commerce si, selon le cas:

«1° une pharmacie est située à l'intérieur de ce commerce;

«2° les clients d'une pharmacie peuvent passer dans un tel commerce directement ou par un corridor ou une aire utilisé exclusivement pour relier la pharmacie au commerce.»

Moi, j'ai lu le mémoire, M. le Président, des représentants des pharmacies, notamment les pharmacies à grande surface comme Jean Coutu, Pharmaprix, qui trouvent que c'est complètement illogique d'interdire finalement la vente du tabac dans les pharmacies. Le point de vue qu'ils allèguent est à l'effet que la vente de la cigarette dans une pharmacie est très contrôlée parce que les mineurs ne sont pas admis pour avoir accès aux cigarettes. Et, de toute façon, si une pharmacie à grande surface comme Jean Coutu est située à côté d'un dépanneur, les jeunes peuvent aller et s'approvisionner directement chez le dépanneur – les jeunes mineurs, j'entends, parfois, là, s'il n'y a pas de contrôle – alors que, dans une pharmacie, la vente de la cigarette est beaucoup plus contrôlée, beaucoup plus encadrée. Alors, il reste peut-être au ministre à regarder les arguments qui ont été apportés à cet effet, d'autant plus qu'on parle ici aussi d'un certain nombre d'emplois qui sont reliés au travail dans les pharmacies et qui sont également reliés à la vente du tabac. Je sais que c'est discutable, mais il faudrait peut-être considérer la possibilité de donner un délai raisonnable, comme on le fait avec les commandites, pour que les pharmacies Jean Coutu et Pharmaprix, les pharmacies à grande surface puissent s'ajuster aussi à cette réalité, se tourner de bord, parce qu'il y a effectivement un impact économique relié à ça.

Je sais que l'Ordre des pharmaciens s'oppose à ça, je sais que la pharmacie, c'est un lieu qui doit, en fait, refléter la notion de santé publique, mais, dans la mesure où ces commerces existent et dans la mesure où ils sont encadrés, il serait peut-être utile de voir à ce qu'un délai raisonnable leur soit accordé, comme pour les commandites, afin de leur permettre de se tourner de bord et de s'organiser autrement.

Il y a également l'autre aspect qui touche la promotion et la publicité. Alors, la promotion et la publicité du tabac, c'est les dispositions qui sont contenues dans le chapitre sur la publicité. Je pense que ce n'est pas quelque chose d'inconnu, puisque la publicité est intimement liée au taux de consommation de la cigarette. Et d'ailleurs ce n'est pas étonnant, lorsqu'on regarde les modèles de publicité qui nous sont présentés, de voir que, généralement, il y a souvent des femmes qui sont associées à des modèles de femmes sveltes, bien portantes, en santé, dynamiques, sportives, même. Alors, évidemment, lorsqu'on connaît les ravages que fait le tabac, dans les faits, au niveau des poumons et du reste de la santé humaine, on ne comprend pas le lien qui peut exister entre la publicité...

(21 h 20)

Il y a quand même un large fossé, et là-dessus on peut comprendre que le projet de loi soit assez sévère pour contrôler cette publicité qui est très incitative et qui fait oublier généralement aux jeunes, en particulier, les dangers du tabac, parce que la publicité fait tout pour se dissocier du danger. Elle fait tout pour s'associer avec des modèles qui ont une signification pour les jeunes, des modèles qui sont attractifs pour les jeunes, et ça, M. le Président, on est tout à fait sensibles à cette réalité. Cependant, là encore, il y a lieu de considérer le fait qu'il y a le phénomène des commandites – on en a parlé tantôt – et les commandites, c'est de grosses industries. Je ne parle pas seulement des grosses industries comme le Grand Prix, il faut aussi penser aux commandites d'événements sportifs ou d'événements culturels en région, qui dépendent beaucoup des commandites.

Dans ce sens, M. le Président, j'inviterais le ministre à considérer la possibilité d'harmoniser son projet de loi avec le fédéral. On sait que le gouvernement fédéral a aussi cette question à régler et on a appris récemment, en fait, pas plus tard qu'hier et aujourd'hui, que le ministre de la Santé fédéral va donner un délai de cinq ans pour permettre aux événements spéciaux de bénéficier d'une commandite qui leur permettra aussi de trouver les moyens et les sources de financement de remplacement pour pouvoir continuer ces événements sans pénaliser l'industrie et au grand plaisir du public qui court ces événements-là. Donc, le ministre a des devoirs à faire et je serais tout à fait d'avis qu'il puisse considérer la possibilité de rallonger le délai de deux ans à cinq ans pour s'harmoniser avec le fédéral.

On a également entendu très brièvement, M. le Président, l'Association des restaurateurs qui est venue nous dire en quoi ce projet de loi présente un impact économique qui doit être assumé par les restaurateurs. On estime à 25 000 $, en moyenne, les investissements pour les séparations des espaces fumeurs et non-fumeurs. Il y a des propositions constructives qui ont été amenées, notamment en ce qui a trait à la qualité de l'air qui circule dans un restaurant. C'est des choses qu'il faudrait considérer également.

Le fonds de transition, c'est une disposition, M. le Président, qui nous est présentée, 12 000 000 $. On sait, encore une fois, que, le fédéral, compte tenu du fait qu'on a rallongé le délai de la commandite, a laissé tomber le fonds de 100 000 000 $. Alors, il faut regarder ça et voir comment on peut s'harmoniser avec le fédéral.

Donc, puisque vous m'indiquez, M. le Président, que mon temps est presque terminé, je voudrais rappeler que nous sommes d'accord sur le fond. Nous sommes d'accord avec les objectifs du projet de loi. J'aurai le plaisir, en commission parlementaire, de procéder à l'étude article par article pour bonifier le projet de loi de façon à ce qu'on puisse l'adopter, si possible, unanimement et de façon à ce que ce projet de loi serve l'intérêt de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: M. le Président, alors, il me fait plaisir aujourd'hui, ce soir, de prendre la parole à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi n° 444, Loi sur le tabac. C'est à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de déréglementation que je vous apporte mes commentaires sur ce projet de loi qui restreint l'usage du tabac dans les lieux publics et la vente et la publicité des produits à base du tabac.

M. le Président, je voudrais commencer par mentionner que le Parti libéral du Québec tient à coeur la santé de toutes les Québécoises et de tous les Québécois et qu'il est donc en faveur de ce projet de loi. En effet, nous appuyons le gouvernement dans sa tentative de protéger la santé des non-fumeurs et celle des jeunes.

Le tabac, il faut se le rappeler, est un produit légal. Tout adulte a donc le droit de s'en procurer et d'en user. Toutefois, le tabac est le seul produit en vente libre qui soit nocif lorsqu'il est utilisé précisément selon l'intention du fabricant, peu importe la dose consommée. Par ailleurs, le tabac est non seulement dangereux pour ses utilisateurs, mais il affecte aussi leur entourage, notamment les plus jeunes.

M. le Président, la liberté des uns finit où commence celle des autres. Je pense que la Loi sur le tabac a réussi à trouver un équilibre entre le plaisir des fumeurs et le désagrément de ceux qui préfèrent l'air pur à une atmosphère viciée par la fumée du tabac, puisqu'il tend à assurer que les lieux publics en soient libérés.

Le projet de loi s'adresse aussi aux jeunes et empêche les mineurs de se procurer du tabac en réglementant la vente au comptoir et en interdisant l'installation d'appareils distributeurs, sauf dans les endroits où les mineurs ne sont pas admis. De plus, il encadre la publicité et la promotion entourant le tabac, interdisant notamment celle qui est destinée aux mineurs et qui associe la fumée à une bouffée de liberté.

M. le Président, la dépendance à une substance nocive n'est vraiment pas une forme de liberté mais plutôt une contrainte que les jeunes adoptent sous la pression de leur entourage et d'une publicité mensongère et dont ils auront de la difficulté à se défaire une fois arrivés à l'âge adulte. Quand on sait que, depuis 1991, deux fois plus de jeunes fument, on comprend que les dispositions du projet de loi concernant les jeunes réclament notre plus grande fermeté.

Toutefois, même si je voterai en faveur du projet de loi, je voudrais soulever quelques questions, quelques observations sur l'application des principes que la loi voudrait défendre. D'un point de vue économique, par exemple, on peut se demander si toutes les restrictions imposées par la nouvelle loi seront appliquées d'une manière pratique et efficace et non au détriment de l'économie du Québec. Ainsi, les restaurateurs, qui oeuvrent dans un marché déjà saturé – on le sait – se verront dans l'obligation d'aménager une aire ventilée et fermée s'ils veulent accueillir les fumeurs. Selon l'Association des restaurateurs du Québec, il semble que 68 % des restaurateurs soient incapables d'aménager une telle section fermée, qui coûterait, selon eux, 25 000 $ à construire. Et ce serait, en plus, techniquement difficile à réaliser et nuirait au service et à la circulation des employés. On n'a qu'à penser, par exemple, aux restaurants situés dans le Vieux-Québec pour comprendre toute cette véritable problématique.

Alors, ils proposent, ces restaurateurs, pour respecter l'esprit de la loi, de se conformer plutôt à des normes de qualité de l'air afin d'assurer un environnement exempt de fumée pour toute leur clientèle, rendant ainsi inutile l'aménagement de coûteuses sections fermées. Les restaurateurs réclament, par ailleurs, que les petits restaurants de moins de 50 places – au lieu de 35, tel que prévu par la loi – soient exclus des dispositions de la Loi sur le tabac de même que les salles de banquet où se tiennent des réunions privées.

On peut se demander également à quel point il est pertinent de se priver des 30 000 000 $ injectés par les tabatières dans l'industrie culturelle de Québec, soit 50 % de toutes les commandites au Canada, M. le Président. Le projet de loi stipule que toute commandite directe ou indirecte liée à la promotion du tabac sera désormais interdite et que le logo ou le nom d'une marque de produit du tabac ne pourra plus être associé à un événement sportif, culturel ou social. Je ne nie pas par là le lien entre la publicité et la consommation du tabac, mais je crains quand même pour les organisateurs qui, de peine et de misère, année après année, en collaboration avec des centaines de bénévoles, mettent sur pied des événements culturels et sportifs d'envergure qui participent à l'essor de notre tourisme. Je formule donc le souhait que la période de cinq ans que le ministre entend leur accorder, peut-être, leur sera suffisante pour maintenir en place les événements à caractère culturel et sportif. Il faudra selon moi nous assurer, à l'avenir, que la loi n'empêchera pas leur tenue.

Le ministre de la Santé a prévu également d'instaurer un fonds de 12 000 000 $ pour soutenir les organisateurs qui n'auraient pas trouvé de financement suffisant. Mais cela, rappelons-le, ne remplacera pas les 30 000 000 $ versés actuellement. Je ne voudrais pas que le Québec se prive, par exemple, du Festival international de jazz ou encore du Grand Prix automobile parce que, dans notre effort de lutte contre la consommation du tabac, nous n'aurions pas identifié des moyens plus appropriés pour réaliser cet objectif.

(21 h 30)

En effet, le projet de loi contient une foule de mesures, sauf peut-être celle qui se montrerait la plus efficace, et je veux parler du prix du paquet de cigarettes. Pour les jeunes surtout, l'augmentation du prix du paquet les confronterait à choisir entre la fumée et des loisirs, entre la fumée et des sorties, ou encore des vêtements, ou des disques. Il semblerait que le gouvernement renonce à aller dans cette direction, car il craint une recrudescence de la contrebande de cigarettes. Seraient-ce alors les hors-la-loi qui pousseraient le gouvernement à s'en prendre au logo subliminal du Festival de jazz de Montréal plutôt que de frapper un grand coup contre les fumeurs là où ça leur fait le plus mal, c'est-à-dire dans leur porte-monnaie?

En augmentant la taxe d'accise sur les cigarettes, par exemple en partageant les revenus ainsi déployés entre le fédéral et le Québec, il serait possible de dépenser plus pour lancer une campagne de sensibilisation auprès des jeunes sur les méfaits du tabac. Rappelons-nous que 90 % des fumeurs deviennent dépendants de la cigarette avant d'avoir atteint l'âge de 18 ans. Il est donc évident, M. le Président, que c'est vers les jeunes que nos efforts doivent se concentrer. À titre de mère, je pense que notre responsabilité parentale est de les aider à valoriser leur propre santé et l'intégrité de leur personne. Pour ma part, j'ai conclu un accord avec mes enfants stipulant que, s'ils s'abstiennent de fumer avant l'âge de 18 ans, je leur remettrai une importante récompense en argent. Je souhaite ainsi que, lorsqu'ils auront dépassé cet âge critique, j'aurai gagné mon pari.

Mais il n'y a pas que les questions économiques qui doivent sous-tendre la réflexion des législateurs dans l'instauration d'une nouvelle politique sur le tabac. Le véritable enjeu, pour reprendre les propos de l'Association des pneumologues du Québec, en est un de santé publique et en particulier de prévention des maladies et des décès causés par le tabac au Québec. Il faut que le vrai débat se situe sur les conséquences néfastes de l'usage du tabac et les milliers de vies humaines qui en font les frais chaque année. Il faut, je le répète, s'inquiéter de l'augmentation de 100 % du tabagisme chez les jeunes entre 1991 et 1996. Selon les dires de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, l'industrie du tabac est responsable de 1 200 décès de Québécois et Québécoises à chaque année. Et, même si la vente du tabac est interdite aux mineurs, c'est quand même, M. le Président, à l'âge de 10 ans que les jeunes sont les plus nombreux à tirer leur première bouffée de cigarette. Il faut donc voir là la nécessité de resserrer nos contrôles sur ce produit, tant la vente, la distribution que la promotion et la publicité.

Et, tout comme les membres du groupe IMPACT, c'est-à-dire Informed Mothers for the Protection of our Air and Children from Tobacco, je suis d'avis que le tabagisme et la fumée secondaire du tabac sont dangereux. Nos enfants – et c'est notre droit de le demander – doivent pouvoir grandir en respirant de l'air propre. On doit donc ainsi tenter de limiter le nombre d'endroits publics où il est permis de fumer.

M. le Président, pour en revenir aux conséquences de l'augmentation du prix du paquet, mentionnons qu'il y a pourtant plusieurs moyens d'enrayer la contrebande. D'une part, une activité policière concertée entre les provinces voisines du Québec et les États américains les plus proches viendrait sûrement à bout de nombreux criminels et en dissuaderait sûrement d'autres. D'autre part, si on veut respecter les privilèges accordés aux réserves, il serait toujours possible de taxer les produits du tabac à la sortie des usines. Dans la même veine, j'espère que le gouvernement se donnera les moyens d'appliquer des restrictions à la vente de cigarettes aux adolescents. Pour qu'ils cessent de fumer, il est vrai qu'il suffirait simplement de fermer totalement l'accès des jeunes aux produits du tabac. Ceux qui vendront des cigarettes aux mineurs seront passibles d'amendes allant de 200 $ à 50 000 $, faut le dire. Mais encore faudrait-il que ces règlements soient appliqués de manière ferme et que les vendeurs comprennent le tort qu'ils font subir à un jeune à qui ils ne refusent pas une cigarette.

Pour réduire le tabagisme chez les jeunes, il est impératif de rendre la cigarette moins accessible et moins attrayante. Si l'éducation n'a pas encore pu résoudre le problème, il faut bien se rendre compte, et l'expérience des dernières années le prouve, que la consommation est directement liée au prix du tabac, au prix du paquet de cigarettes.

Je suis particulièrement heureuse que le projet de loi interdise de fumer dans les endroits publics, et, mentionnons-le, particulièrement dans les pharmacies. J'ai été moi-même témoin d'une situation où une personne fumait près d'une autre souffrant d'emphysème dans une pharmacie. J'ai été, à ce moment-là, prise à partie, à titre de députée, dans cette affaire et je me réjouis de voir le gouvernement corriger une fois pour toutes ce non-sens.

Par ailleurs, comme le montre la Coalition québécoise pour le libre accès aux produits de cessation du tabac dans les pharmacies de la province de Québec, il est fort déplorable de constater que l'Ordre des pharmaciens du Québec recommande à ses membres de placer les produits aidant la désaccoutumance du tabac, notamment les gommes à mastiquer à base de nicotine, dans la section de la pharmacie qui n'est pas accessible au grand public, alors que tous les autres ordres du Canada ont recommandé que ces produits soient en vente libre.

Des études américaines constatent qu'après que le Food and Drug Administration eut éprouvé la réglementation des produits de remplacement de la nicotine auparavant vendus sous ordonnance aux États-Unis, le nombre de personnes qui arrêtèrent de fumer augmenta de 10 % à 25 % par année. Si l'on transposait ce type de déréglementation ici, au Québec, le nombre d'ex-fumeurs pourrait passer facilement de 30 000 à 100 000 par année, M. le Président. Quarante-trois pour cent des personnes désirant cesser de fumer ne souhaitent pas faire appel aux conseils de leur médecin ou de leur pharmacien, et, là-dessus, il faut les comprendre. Donc, si on permet la vente libre de produits qui remplacent la nicotine sous une forme dangereuse, c'est-à-dire des cigarettes, pourquoi en refuser la vente ouvertement sous une forme moins nocive comme les gommes à mâcher dans le but de réduire le nombre de personnes qui en sont dépendantes? Pour assurer une plus grande diffusion des produits de substitution du tabac, ceux-ci devraient également être aussi bon marché que le tabac lui-même. Les populations à bas revenus ne devraient pas être privées des médicaments effectifs appropriés.

La lutte contre le tabac est un choix de société. Une société comme la nôtre, qui valorise la santé de ses membres au point de financer collectivement un service universel de soins de santé, ne peut tolérer que l'on banalise l'utilisation d'un produit qui tue plus de gens que ne font le sida, l'alcool, les accidents de la route, le suicide, les homicides et les drogues, tous ensemble. Le gouvernement a décidé d'agir dans ce domaine, et c'est pourquoi nous lui offrons, au Parti libéral du Québec, tout l'appui dont il a besoin pour faire de cette loi un rempart contre les attaques faites à la santé de nos enfants.

En tant que mère de deux enfants d'âge mineur, citoyenne du Québec et, de surcroît, députée, j'appuie donc le geste que le gouvernement a posé en agissant maintenant et en déposant son très attendu projet de loi sur le tabac. Et, comme le prévoit la législation proposée, j'espère qu'il sera désormais plus difficile pour les mineurs de se procurer des cigarettes ou d'autres produits à base de tabac. J'ai donc à coeur que ce projet de loi soit adopté avant l'ajournement de la session.

J'espère également que les entreprises du Québec sauront participer à la lutte contre les méfaits du tabac en apportant leur contribution aux grands événements culturels et sportifs touchés par la loi et que chaque citoyen sente le devoir moral de respecter sa propre santé, celle de sa famille et celle des autres pour faire de notre province un lieu où l'on favorise des comportements sociaux responsables et attentifs aux besoins de tous les membres de la société. Merci, M. le Président.

(21 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci infiniment, Mme la députée de Beauce-Sud. Nous allons maintenant céder la parole au député de Roberval. M. le député.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Une intervention très brève d'ailleurs, mais je tenais quand même à émettre mon opinion sur ce projet de loi qui est, d'après moi, un des projets de loi les plus importants parmi les projets de loi qui seront présentés d'ici la fin de la session, parce que c'est un projet de loi qui va sûrement contribuer énormément à donner une espérance de vie beaucoup plus longue aux gens de la prochaine génération. Peut-être pas la nôtre, mais la prochaine génération aura sûrement cet avantage de connaître une espérance de vie plus longue parce que sa qualité de vie sera meilleure.

À titre de non-fumeur, j'ai quand même eu l'occasion de rencontrer beaucoup de fumeurs que j'ai beaucoup respecté d'ailleurs – j'ai bien de mes amis qui le sont – et je me suis toujours trouvé chanceux de ne pas avoir pris l'habitude de fumer. Maintenant, je n'ai pas eu le mérite d'arrêter, c'est bien évident. Mais il reste que ce projet de loi là va certainement permettre d'améliorer notre qualité de vie. Et ce genre de projet de loi... Comme dans le passé d'ailleurs, notre gouvernement a su faire des différences dans ses projets de loi, a su faire des virages importants. On a connu, avec la loi de l'environnement, par exemple, qui a amélioré énormément notre environnement... Et ce qui me frappe le plus dans la loi de l'environnement, ce qui m'a toujours frappé le plus, c'est les jeunes qui ont été le plus sensibles à la protection de l'environnement et c'est eux qui ont forcé la main des adultes et les politiques des adultes à renforcer et encadrer vraiment notre environnement.

Et je crois que le projet de loi n° 444 doit être présenté aussi aux jeunes de façon très pédagogique, de façon beaucoup plus constructive, afin que les jeunes vraiment prennent en main leur santé, parce que le virage que l'on fait avec le projet de loi n° 444, c'est sûrement le virage de la santé, c'est le virage de l'air pur et c'est le virage de la qualité de vie. Et je pense que le ministre de la Santé devrait se faire un devoir d'aller présenter son projet de loi dans les écoles à l'occasion du lancement de ce projet de loi et d'inviter les parents, les adultes, à s'en faire les promoteurs, les promoteurs qui vont se servir de la pédagogie pour enseigner aux jeunes à prendre en main leur santé.

Ça va peut-être également nous permettre de diminuer les listes d'attente à l'hôpital. Ça va nous permettre également de créer de meilleures atmosphères dans nos foyers, dans nos automobiles, dans nos réunions de famille. Ça va permettre certainement d'améliorer la qualité de vie de ceux qui sauront respecter les balises du projet de loi. C'est un peu comme quand on respecte les barres doubles sur l'asphalte. Je pense qu'on se doit de les respecter. Et les balises de ce projet de loi se doivent d'être respectées.

Et je crois qu'un article qui me touche énormément, c'est l'article 29, par lequel le gouvernement va forcer la main des producteurs de tabac, des producteurs de cigarettes à faire attention de ne pas mettre dans les cigarettes des produits autres que vraiment le tabac dans son état naturel, parce qu'on sait très bien qu'il y a beaucoup d'incitatifs à la dépendance dans les produits chimiques qui sont inclus dans la fabrication des cigarettes. Alors, c'est un article de loi, je pense, pour lequel on devra avoir une attention toute particulière dans la réglementation afin de bien faire respecter cet élément-là.

Il y a également la vente des cigarettes dans les pharmacies. Moi, je trouve que c'est un non-sens de laisser vendre des cigarettes dans les pharmacies parce que, quand les pharmacies vendent des choses pour au moins soulager la douleur, soulager la souffrance et permettre également d'acquérir une santé meilleure... On ne devrait pas vendre des cigarettes. Et on devra laisser ce commerce-là également aux dépanneurs qui n'ont quasiment plus rien que ça pour vivre. Alors, avec l'ouverture des grands centres d'achats le dimanche, la fin de semaine et le soir, je pense que les dépanneurs ont été touchés très fortement. Et je crois qu'on devra respecter ça.

Alors, M. le Président, c'est tout ce que je voulais souligner quand même et demander aux adultes, demander aux jeunes aussi d'avoir une conscience collective face au respect de l'environnement, au respect de leur santé, parce que c'est eux autres qui en seront les premiers bénéficiaires. Alors, je vous remercie beaucoup, M. le Président, et j'espère que ce projet de loi sera accepté à l'unanimité de la Chambre et sera accepté également par la population par un progrès vraiment significatif dans la protection de la santé. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Roberval. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en la matière, le député de Robert-Baldwin, en vous mentionnant, M. le député, que vous avez un temps de parole de 60 minutes qui vous est alloué. Alors, M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. L'histoire a toujours démontré que le Parti libéral du Québec a toujours eu un préjugé favorable à la santé publique. Il faut se rappeler les grandes réformes de la santé: la réforme de M. Castonguay au début des années soixante; il y a maintenant quelques années, en 1989, la réforme du Parti libéral qui était conduite par M. Marc-Yvan Côté, et c'était la loi 120. Notre formation politique a toujours eu la préoccupation de la santé de nos concitoyens. C'est aussi la première fois, M. le Président, depuis quatre ans, que nous allons appuyer un projet de loi du gouvernement dans le domaine de la santé.

Pourquoi c'est la première fois? Parce que c'était impossible d'appuyer le gouvernement sur les projets précédents. Je vous rappelle la loi 83 qui proposait la fermeture des hôpitaux, impossible pour nous d'appuyer ce genre de projet de loi; la loi n° 116 qui était d'augmenter les structures bureaucratiques, d'augmenter les pouvoirs des régies, d'augmenter les pouvoirs du ministre, eh bien, là aussi, notre formation politique ne pouvait entériner ce genre de projet de loi; enfin, la loi n° 33, l'assurance impôt-médicaments, vous vous souvenez, où, de l'autre côté, on nous avait promis d'abolir le 2 $ de frais modérateur, et effectivement ils l'ont aboli puis ils l'ont remplacé par un 750 $ par personne, particulièrement pour les personnes âgées, alors ce n'était pas possible pour nous, M. le Président, d'appuyer ce genre de projet de loi.

La santé publique a toujours été pour notre formation un enjeu majeur pour lequel nous nous sommes inscrits pour l'améliorer. Aujourd'hui, le projet de loi qui est devant nous vise surtout à empêcher nos jeunes à commencer à fumer et à inciter ceux qui ont commencé à arrêter. Alors, c'est pour cette raison que nous allons donner notre support, notre appui au projet de loi sur le tabac, M. le Président. Par contre, nous sommes un peu surpris des délais. Certains l'ont fait remarquer en commission parlementaire, ça fait plus de trois ans que ce projet de loi là a été annoncé. Alors, on se demande encore pourquoi il y a eu tant de retard. C'est un retard qui est inexpliqué.

Des inquiétudes, M. le Président? Toute l'harmonisation de la législation avec le gouvernement fédéral. Vous savez, encore aujourd'hui, il y a eu un dépôt d'amendements sur le projet de loi C-71 du gouvernement fédéral. Eh bien, quelle loi aura préséance sur l'autre? C'est une question qu'on a posée à différents groupes, et évidemment personne n'est en mesure de bien y répondre.

Le fonds de transition qui est proposé pour les commandites des événements sportifs et culturels, eh bien, ce gouvernement nous a toujours démontré qu'il avait beaucoup de difficultés à maintenir une promesse. Alors, ici, on nous dit qu'on aura un fonds de 12 000 000 $. Est-ce qu'il n'y aura pas d'autres coupures en cours de route? Est-ce qu'on n'essaiera pas de prendre ces argents-là pour aller dans d'autres priorités? Vous en connaissez plusieurs, les grandes priorités de ce gouvernement, M. le Président. Alors, c'est une inquiétude que nous avons.

Tout au long de la commission parlementaire, nous avons entendu différents groupes qui ont démontré que ce projet comporte des avantages, mais aussi plusieurs irritants. Je voudrais prendre le temps de les analyser.

D'abord, le Collège des médecins du Québec, et je pense que leur témoignage a été vraiment un des témoignages les plus importants de cette commission. Vous savez que le Collège des médecins représente 16 000 médecins qui sont inscrits au tableau de membres. Il supervise 4 000 résidents en formation et agrée des programmes dans les 33 spécialités et en médecine familiale dans les quatre universités. On sait que le Collège s'est manifesté à quelques occasions publiquement sur le sujet, mais je vous cite la partie importante de leur mémoire sur la nocivité du tabac.

(21 h 50)

«Le caractère nocif du tabac et la dépendance que crée la nicotine ne sont plus à démontrer. Les données concernant l'effet du tabagisme sont si graves qu'elles parlent d'elles-mêmes. En effet, l'usage du tabac sur des périodes prolongées est responsable de 85 % des cancers du poumon. Le tabagisme est également associé aux cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de l'oesophage, de l'estomac, du pancréas, du col utérin, du rein, des urètres, de la vessie et du côlon. Il est estimé qu'environ 14 % des leucémies sont secondaires au tabagisme, qui plus est, 30 % des mortalités dues aux cancers seraient reliées au tabagisme, ce qui représente la cause la plus importante des cancers. Sur le plan cardiovasculaire – ils poursuivent, c'est toujours le Collège des médecins qui parle – le tabagisme augmente l'incidence des accidents cérébrovasculaires, de la mort subite, de l'infarctus, de la maladie vasculaire périphérique et de l'anévrisme de l'aorte abdominale. Chez notre population, les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité tant chez la femme que chez les hommes.»

Alors, M. le Président, je pense que le Collège des médecins a bien rempli sa mission de bien nous informer lors de cette présentation en commission parlementaire, mais il faut aussi rappeler que, malgré les mises en garde du Collège des médecins, le tabac n'est pas une substance qui est illégale dans notre société et sa consommation également n'est pas illégale.

Autre questionnement, c'est tout le questionnement qui entoure la promotion, la publicité et l'emballage. Nous avons eu droit à une excellente présentation de M. Normand Legault, président du Grand Prix du Canada, Mme Caroline Jamet qui est présidente du Festival international de jazz de Montréal, M. Richard Prieur, vice-président communications Grand Prix F1 du Canada, Léon Méthot, le Grand Prix de Trois-Rivières, M. Michel Létourneau qui est bien connu à Québec pour le Festival d'été de Québec, le Festival du Maurier, Mme Christine Mitton, de L'International Benson & Hedges et M. Gaétan Picher du Rallye international de moto-neige Export «A» de Chibougamau et enfin Richard Legendre de Tennis Canada.

Alors, nous pensons vraiment avoir reçu les doléances de tous ceux qui regroupent les principaux événements sportifs et culturels. Ces gens-là nous demandent deux choses: la première, c'était que le délai de deux ans avant de bannir la publicité et les commandites du tabac puisse être prolongé jusqu'à cinq ans; ensuite, on nous demandait une certaine flexibilité dans le fonds de transition. À remarquer, la première chose qui a été avancée par ces gens, ça a été de dire qu'ils sont d'accord avec l'objectif du projet de loi, particulièrement tout ce qui touche les jeunes, empêcher les jeunes de commencer à consommer.

Le ministre s'est montré très réceptif et a manifesté une certaine ouverture. On l'a vu dans les journaux qui ont suivi. On l'a mentionné à quelques reprises, ça a été couvert. J'espère cependant que ce n'était pas que des voeux pieux ou des mots. Je pense qu'il y a des espoirs qui ont été créés au niveau des représentants des événements culturels et sportifs et que ces gens-là seront en mesure de recevoir sûrement des amendements proposés par le ministre de la Santé.

Une difficulté, M. le Président, qui s'ajoute, c'est le dépôt des amendements par le ministre de la Santé fédéral, M. Allan Rock, qui a déposé aujourd'hui ses amendements et qui reporte de deux à cinq ans le bannissement des commandites. Il y a une gradation dans les trois dernières années. Et, parce qu'il y a un report de deux à cinq ans, il a aussi décidé d'abolir le fonds de transition fédéral, celui de 100 000 000 $.

Alors, ce qui est très important, et j'ose espérer que le ministre en est bien conscient, c'est toute l'harmonisation avec la législation fédérale. Ça serait très, très difficile pour des gens qui ont à planifier des événements comme ceux que nous connaissons, de très grande qualité, de ne pas être en mesure de bien planifier leurs revenus. Je pense qu'il y aurait une difficulté certaine. Nous souhaitons que, dans les plus brefs délais, nous puissions assister à une harmonisation de cette loi qui est essentielle pour son bon fonctionnement et l'atteinte des objectifs que nous nous sommes fixés.

Autre questionnement important, M. le Président. Tantôt, j'ai bien écouté notre collègue M. Laprise – je ne me souviens pas de son nom de...

Une voix: Roberval.

M. Marsan: ...Roberval, et je pense à tout le questionnement qui entoure la vente de tabac dans les pharmacies. J'ai une citation, mais je pense que... très rapidement. C'est l'Ordre des pharmaciens qui nous dit qu'on ne devrait pas vendre des produits du tabac dans les pharmacies. C'est clair, c'est dans leur code de déontologie. Mais, au même moment où ils nous disent cela dans la présentation de leur mémoire, ils n'acceptent pas que des substituts ou des produits de remplacement... Et là je pense aux produits, particulièrement ce qu'on appelle de la gomme, des Nicorette, ou encore des timbres, traduction littérale, des patchs, si vous permettez, et ces produits-là semblent donner des effets vraiment intéressants pour ceux qui veulent arrêter de fumer. Eh bien, maintenant on peut se procurer ces produits sans aucune ordonnance, sans prescription, et l'Ordre des pharmaciens refuse de mettre ces produits dans des endroits où c'est facile d'accès. Leur prétexte, c'est qu'ils veulent avoir une consultation avec les pharmaciens. Je pense que les pharmaciens sont toujours bien placés pour donner des consultations, mais il y a d'autres personnes aussi qui peuvent être bien placées; on peut penser à tous les experts dans le domaine de la santé publique, on peut penser aux médecins, sûrement à des infirmières également, qui peuvent avantageusement donner de bons conseils.

Un autre point qui a fait l'objet de nos discussions, c'est toujours au sujet des produits de remplacement, Nicorette ou patchs ou timbres, eh bien, est-ce que ces produits-là ne devraient pas être remboursés par la régie d'assurance-santé? Je pense que c'est une question qui se pose à l'heure actuelle. On sait l'impact que peut avoir le tabac sur la maladie et sur les coûts de la santé; eh bien, il serait peut-être avantageux, en termes de prévention, de prévoir qu'on puisse inscrire ces produits-là dans la liste des produits assurés par le gouvernement, M. le Président.

M. le Président, je voudrais peut-être mentionner que l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, de son côté, a demandé des assouplissements au projet de loi. On a donné des exemples. Par exemple, on connaît les chaînes Wal-Mart qui peuvent avoir des pharmacies, qui peuvent avoir des McDonald's, on le sait bien. Alors, c'est toujours difficile de bien différencier le bon du mauvais dans ce genre de projet.

Vous allez me permettre une citation tout d'abord de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires: «Tout d'abord, aucune pharmacie québécoise ne vend des produits du tabac. Cette vente est faite dans environ 700 commerces adjacents aux pharmacies. Ces commerces adjacents ont justement été créés pour séparer clairement l'activité pharmaceutique de l'exploitation commerciale d'un magasin de produits de soins de beauté ou d'accommodation. Alors, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires a toujours respecté le choix de ses membres de vendre ou de ne pas vendre des produits du tabac dans les magasins adjacents aux pharmacies. Elle a toujours considéré que l'activité de ces magasins relève de la liberté commerciale telle qu'elle est protégée et encadrée par les lois.» Alors, M. le Président, je voudrais rapporter, je pense, fidèlement ce qui a été énoncé par l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.

Nous avons eu droit également d'entendre l'industrie de la restauration, parce qu'on sait que cette industrie est touchée. D'entrée de jeu, dans leur mémoire, je pense, qu'ils ont un peu rappelé comment ils n'ont pas été gâtés par ce gouvernement, toute cette industrie. Alors, plus récemment, les entreprises de restauration ont dû composer avec des nouvelles contraintes. On n'a qu'à penser à la nouvelle politique fiscale sur les pourboires entrée en vigueur il y a seulement cinq mois, à la loi n° 90 sur le développement de la formation de la main-d'oeuvre ainsi qu'aux restrictions extrêmement sévères en ce qui concerne l'entreposage et le service des boissons alcooliques dans les restaurants. Et, M. le Président, c'est un regroupement important, 16 680 établissements de restauration qui emploient plus de 140 000 travailleurs. Les recettes totales de l'industrie ont été de 5 000 000 000 $ pour des ventes moyennes de 300 000 $ par établissement.

(22 heures)

M. le Président, ce que les gens de l'industrie souhaitent, c'est que la réglementation ne soit pas – j'essaie de trouver le bon mot – trop tatillonne et qu'on puisse permettre un certain allégement. On a donné l'exemple de la pureté ou de la qualité de l'air; eh bien, est-ce qu'on peut la quantifier par des moyens modernes? Il semble que oui. Et est-ce qu'on doit absolument avoir des aires fermées? Alors, il y avait des questions qui étaient posées, mais, dans l'ensemble, l'industrie de la restauration, avec le délai de 10 ans pour s'accommoder de la législation, semblait donner son accord au projet de loi.

Un point extrêmement important et attendu, c'est celui de l'industrie du tabac, des fabricants de tabac, du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac. Je me permets de vous lire un court passage de leur mémoire: «Le Conseil canadien des fabricants de produits du tabac considère que les jeunes ne devraient pas fumer. Pour cette raison, le Conseil appuie vigoureusement les lois et les efforts visant à réduire la vente de tabac aux mineurs. En conséquence, les entreprises membres du Conseil appuient sans réserve les dispositions du projet de loi n° 444 traitant de l'usage du tabac chez les jeunes, et les sociétés membres de ce regroupement accordent aussi leur soutien à l'implantation progressive des règles régissant l'usage du tabac dans les restaurants, les bars, le tout en vue de respecter non seulement les préférences des fumeurs et des non-fumeurs, mais aussi celles des restaurateurs.»

Je poursuis toujours – c'est le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac: «Le projet de loi n° 444 et la loi fédérale sur le tabac régissent tous deux notre industrie et le font souvent à propos des mêmes objets, ce qui crée bien des dilemmes.» On parle ici des dédoublements, et on souhaite évidemment l'harmonisation.

Un peu plus loin, c'est: «Le projet de loi dote les fonctionnaires du pouvoir de modifier par simple règlement le contenu des cigarettes fabriquées au Québec. Puisque 75 % de la production québécoise est destinée au marché canadien hors Québec ou étranger, il faudra établir à grands frais des unités spéciales de production. Les coûts les plus élevés qui en résulteront et les préférences des consommateurs pour leur marque habituelle pourraient relancer la contrebande – le marché noir, on le sait, ça a déjà fait perdre beaucoup de dollars, des milliards de dollars, il y a un certain nombre d'années. Les exigences du projet de loi n° 444 en regard des diverses recettes des produits et en regard de leur emballage contreviennent, selon l'industrie du tabac, à l'Accord sur le commerce international, à l'ALENA et à d'autres règles ou traités internationaux.» M. le Président, ce serait important qu'on puisse avoir des réponses quant à ce genre d'énoncé. Il faudrait que, du côté du gouvernement, on puisse nous dire: Oui ou non, est-ce que ça contrevient vraiment aux traités internationaux qui nous régissent?

«Les mesures limitant ou interdisant la promotion, la publicité et la commandite reprennent certaines dispositions de la loi fédérale ainsi que diverses dispositions dont l'application ailleurs dans le monde a clairement échoué, et ces mesures n'ont eu aucun impact sur la décision de commencer à fumer et n'ont entraîné aucune diminution de l'incidence de l'usage du tabac. Enfin, plusieurs d'entres elles violent les chartes québécoise et canadienne.» C'est toujours, M. le Président, le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac. Enfin, il souligne que certains dons charitables qui ne constituent même pas des commandites sont interdits, maintenant. Il s'oppose à cette inacceptable tentative de contrôle des décisions philanthropiques privées.

En plus, M. le Président, de ces remarques qui nous ont été faites en commission parlementaire par l'industrie, eh bien, on nous a également confirmé que l'application du projet de loi dans sa forme actuelle entraînerait fort probablement la fermeture de certaines usines. Alors, c'est toujours très difficile d'en évaluer l'impact économique, mais nous pensons qu'il serait quand même souhaitable que tout l'aspect impact économique puisse être bien révisé et bien analysé par le gouvernement.

M. le Président, je voudrais peut-être terminer en mentionnant un sujet qui a été peu touché en commission parlementaire, mais qui est quand même extrêmement important. Il y a plusieurs articles qui s'y rattachent, particulièrement à la fin du projet de loi, et j'aimerais citer un article du Journal de Québec de M. Laurent Soumis: Les non-fumeurs seront touchés – c'est le 30 mai dernier: «La loi Rochon – la loi du ministre – aura des répercussions dans la vie quotidienne de sept millions de Québécois. Et il est faux de croire que seuls les fumeurs en feront les frais.

«La loi transforme d'abord tous les Québécois en policiers du tabac. Et, pour crime de tolérance, tout Québécois pourra devoir répondre à des accusations. Par exemple – et c'est toujours le journaliste, M. Soumis – toute personne responsable d'un lieu public, y compris un non-fumeur, pourra être poursuivie si elle ne fait pas appliquer la loi. On peut facilement imaginer le climat de dénonciation, de méfiance, et même de revanche qui risque de s'installer entre patrons et employés, collègues de travail, ex-conjoints ou voisins.»

Et il poursuit dans ce sens-là: «La loi pousse aussi très loin la notion de lieux publics. D'un coup de baguette, on a transformé les corridors, les stationnements et toutes les salles communes des immeubles de plus de 12 logements en zones sans fumée. Le gérant d'immeubles et les administrateurs bénévoles de condos devront-ils patrouiller leur édifice pour échapper à d'éventuelles poursuites? Du coup, les véhicules utilisés pour le travail deviennent aussi des lieux publics, tout comme les abribus, pourtant installés en plein air.

«Enfin, et cela en inquiétera plusieurs, la loi confie aux inspecteurs du ministre un pouvoir de perquisition sans mandat, une obligation à laquelle les policiers doivent pourtant se soumettre lorsqu'ils débusquent de dangereux criminels. Pire – et c'est toujours M. Soumis, Laurent Soumis qui parle, M. Soumis du Journal de Québec – tous les Québécois auront l'obligation d'ouvrir leur porte et de collaborer avec l'inspecteur. Que reste-t-il du droit fondamental à garder le silence en l'absence de son avocat? En choisissant le bâton pénal plutôt que la carotte de la persuasion, le gouvernement s'est engagé dans un processus de judiciarisation qui, à très court terme, risque de congestionner les tribunaux.»

Je pense que c'est important, l'article de M. Soumis, qui met en lumière plusieurs articles qui rendent les Québécoises et les Québécois policiers du tabac et je pense qu'il y aura sûrement des questions en ce qui nous concerne, M. le Président, que nous aimerions poser au moment de l'étude article par article.

M. le Président, notre formation politique, comme je vous l'ai mentionné plus tôt, a décidé d'approuver, de supporter le projet de loi sur le tabac. Nous avons une dernière inquiétude, et c'est le premier ministre qui nous l'a livrée lorsque nous l'avons questionné et qu'il nous a répondu, le premier ministre Bouchard... En tout cas, je rapporte aussi un article dans le journal Le Soleil , Le projet de loi antitabac a du plomb dans l'aile : «Le premier ministre, M. Bouchard, n'est plus du tout certain qu'il sera adopté d'ici l'été.» Et il a donné la même réponse lorsque je l'ai questionné en cette Chambre. Si c'est ça qu'il a dans la tête, pourquoi faire des consultations, pourquoi des commissions parlementaires? J'espère, M. le Président, que ce projet de loi sera appelé, dans l'étude article par article, de façon très rapide.

En terminant, encore une fois rappeler l'importance de l'harmonisation du projet avec la loi fédérale pour qu'on puisse vraiment obtenir les résultats escomptés. Et nous allons poursuivre, nous, les discussions, nous allons sûrement suggérer des amendements au moment de l'étude article par article. Mais, pour ce qui est du fond, pour ce qui est du principe du projet de loi, principe qui est d'empêcher nos jeunes de commencer à fumer et d'inciter ceux qui ont commencé à arrêter, eh bien, le Parti libéral du Québec va supporter ce projet de loi parce qu'il est dans l'intérêt de la santé publique. Merci beaucoup, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Il n'y a plus d'autres interventions? Alors, le principe du projet de loi n° 444, Loi sur le tabac, est-il adopté?

Des voix: Adopté.


Renvoi à la commission des affaires sociales

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre. Mme la ministre de l'Éducation, pourriez-vous nous proposer d'envoyer ce projet de loi en commission?

Mme Marois: Je fais cette proposition, M. le Président, d'envoyer le projet de loi en commission.

(22 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. La commission des affaires sociales. Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je crois que nous allons ajourner, ce serait un ajournement. Alors, cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 11)


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