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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Friday, May 29, 1998 - Vol. 35 N° 186

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Table des matières

Présence d'une délégation de parlementaires américains participant à la Commission de l'énergie et de l'environnement, accompagnée du consul général des États-Unis, M. Stephen R. Kelly

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence d'une délégation de parlementaires américains participant à la Commission de l'énergie et de l'environnement, accompagnée du consul général des États-Unis, M. Stephen R. Kelly

Pour débuter aujourd'hui, j'ai le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes d'une délégation de parlementaires américains participant à la Commission de l'énergie et de l'environnement de l'Eastern Regional Conference du Council of State Governments. Alors, la délégation américaine est accompagnée du consul général des États-Unis d'Amérique, M. Stephen R. Kelly.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Veuillez prendre en considération l'article a.


Projet de loi n° 447

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, M. le ministre d'État à la Métropole présente le projet de loi n° 447, Loi concernant certains équipements de la Ville de Montréal. M. le ministre d'État à la Métropole.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Merci, M. le Président. Ce projet de loi crée la Société de gestion Marie-Victorin, personne morale dotée d'un fonds social, qui a pour mission d'exploiter certains équipements acquis de la ville de Montréal. Il prévoit que le conseil d'administration de cette Société est composé de sept membres, dont quatre sont nommés par le Comité exécutif de la ville de Montréal et trois par le gouvernement.

Ce projet prévoit que les équipements acquis par la Société sont le Biodôme, le Jardin botanique et le Planétarium et détermine le montant de cette acquisition. Il prévoit, de plus, que toutes les actions de la Société sont attribuées à la ville de Montréal.

Ce projet stipule que le gouvernement peut convenir avec une personne morale à but non lucratif que cette dernière acquiert de la ville de Montréal des actions de la Société et qu'il lui verse une subvention à même les sommes votées annuellement à cette fin par le Parlement pour pourvoir au paiement en capital et intérêts de l'emprunt nécessaire à cette acquisition.

Enfin, ce projet de loi comporte des dispositions financières, transitoires et finales.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Justice.


Rapport annuel de l'Ordre des podiatres du Québec

M. Ménard: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1996-1997 de l'Ordre des podiatres du Québec.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.


Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Jolivet: M. le Président, permettez-moi de déposer les réponses aux questions du député d'Orford qui ont été posées le 24 mars 1998.

Le Président: Alors, le dépôt est enregistré.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 406

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 14 et 27 mai 1998 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 406, Loi modifiant le Code des professions.


Étude détaillée des projets de loi nos 406 et 433

Je dépose aussi le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 28 mai 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 406, Loi modifiant le Code des professions. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Et je dépose aussi le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 28 mai 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 433, Loi modifiant le Code des professions concernant le titre de psychothérapeute. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Très bien. Ces rapports sont déposés. M. le président de la commission des transports et de l'environnement et député de Bellechasse.


Étude détaillée du projet de loi n° 159

M. Lachance: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de déposer le rapport de la commission des transports et de l'environnement qui a siégé le 27 mai 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 159, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports afin d'instituer le Fonds de gestion de l'équipement roulant. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Très bien. Ce rapport est déposé. M. le président de la commission des affaires sociales et député de Charlevoix.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 186

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, je dépose le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 19, 20, 21, 26 et 27 mai 1998 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

Le Président: Très bien. Ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 446

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 27 mai 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 446, Loi modifiant le Code du travail. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Très bien. Ce rapport est également déposé.


Questions et réponses orales

Puisqu'il n'y a pas de dépôt de pétitions ni d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège, nous allons immédiatement engager la période des questions et des réponses orales. M. le leader de l'opposition officielle.


Moyens de pression utilisés par les médecins omnipraticiens dans le cadre des négociations

M. Paradis: Oui, M. le Président. Aujourd'hui, la majorité des 7 200 médecins de la province ne soignent plus leurs patients. Ces mêmes médecins nous indiquent que, à compter de demain leurs cabinets seront fermés dès 17 heures, de même que pendant les fins de semaine et les jours fériés.

Interrogé sur le sujet de cette journée d'étude anticipée, le ministre de la Santé, en fin de semaine dernière, déclarait: J'ignore comment répliquer à la crise des médecins. Bien qu'il trouve tout à fait injustifié la fermeture des cliniques médicales privées, le ministre de la Santé du Québec est incapable de dire comment il compte répliquer face à cette nouvelle crise des médecins.

Interrogé sur les réactions du gouvernement face à une grève, même partielle, des médecins, le ministre était incapable de répondre. Il va falloir trouver une solution, dit-il. Il faut, a poursuivi le ministre, trouver les moyens d'assurer à la population les services dont elle a besoin. Rien ne justifie un tel coup de force. À la question du journaliste qui insistait, le ministre de la Santé, face à ce coup de force injustifié, a répondu, en toute fin: On s'en reparlera, si jamais on en arrive là. On est là, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Santé a une idée, ce matin?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

(10 h 10)

M. Rochon: M. le Président, le leader de l'opposition, qui est un politicien de longue expérience et aguerri, sait très bien – il aurait été parmi ceux qui m'auraient donné le conseil, quand j'ai commencé une carrière en politique – qu'on ne répond pas à des questions hypothétiques. Alors, quand on dit que si, si, si, la vraie réponse c'est: Quand on sera rendu à la rivière, on traversera le pont. Alors, voilà pour cette partie-là.

On est en négociations avec les médecins omnipraticiens. C'est une négociation qui progresse bien. Comme toute négociation, à un moment donné, il se déploie un certain nombre de mesures d'établissement de rapport de force, et c'est ce qui se passe présentement.

Maintenant, les médecins ont très bien dit eux-mêmes que, tout en faisant certaines mesures de pression, ils ont à coeur d'assurer que les patients vont avoir les services médicaux dont ils ont besoin, qu'ils établissent un système de garde pour que les services nécessaires soient dispensés et que le lien est fait avec le réseau de la santé et des services sociaux, de toute façon, pour que les centres hospitaliers, et au besoin les urgences, travaillent avec les médecins qui sont de garde.

Alors, la population peut être rassurée. Les services dont la population a besoin vont être assurés, et c'est les médecins qui l'affirment eux-mêmes. Et, jusqu'ici, quand il y a eu des discussions de ce genre-là et des négociations avec les médecins, on n'a jamais rien eu à reprocher aux médecins de famille du Québec quant à leur esprit d'éthique et leur haut sens de responsabilité professionnelle. Alors, M. le Président, je n'ai aucune raison de ne pas leur faire confiance là-dessus. Si jamais il arrivait quelque chose... On peut se rappeler de l'exemple des obstétriciens-gynécologues où, à un moment donné, il y a eu un risque. On est intervenus et le problème a été réglé. Alors, la même chose va se passer là. Mais on ne va pas travailler sur des problèmes hypothétiques. On travaille sur les problèmes réels et on les règle à mesure qu'on avance, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Paradis: Est-ce que le ministre de la Santé conviendra que personne du côté de l'opposition n'est assez irresponsable pour lui recommander ou conseiller d'ajouter à l'angoisse et à l'anxiété de personnes malades qui attendent de voir un médecin et que la population s'attend dans ce cas-ci, pas à la réponse que le ministre de la Santé vient de donner, mais qu'il prenne l'intérêt des patients à coeur, qu'il se lève en Chambre et qu'il nous dise que c'est injustifié, que c'est inacceptable et que, dans une telle situation, il va prendre les moyens qui sont à sa disposition pour faire en sorte que les médecins soignent les gens en tout état de cause au Québec, que les cliniques ne soient pas fermées toute la journée, que les cliniques ne ferment pas à compter de 17 heures le soir, que les cliniques ne ferment pas les fins de semaine, que les cliniques ne ferment pas les jours fériés?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, oui, je suis bien prêt à lui donner le bénéfice du doute et croire que l'opposition prend très à coeur l'intérêt des malades. Maintenant, je vous le dis encore, les médecins m'ont assuré qu'ils vont mettre en place le système de garde qu'il faut pour que les gens ne soient pas privés de services. Alors, pourquoi, M. le Président, je ferais moins confiance aux médecins qui me parlent de leurs patients que je ferais confiance à l'opposition? Pourquoi je ne leur ferais pas confiance, alors que, dans le passé, ils ont toujours été corrects? C'est de leurs patients qu'il s'agit, ils le savent très bien. Il faut que je leur fasse confiance qu'ils ont autant à coeur, sinon plus, l'intérêt de leurs patients que l'opposition peut l'avoir, je pense, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Paradis: Comment le ministre de la Santé peut-il se déresponsabiliser comme il le fait? Au début de la semaine, il ne savait pas quoi faire, puis, ce matin, il nous dit qu'il est satisfait que les médecins soient en débrayage et que les médecins ne rencontrent pas leurs patients. Comment peut-il maintenir un tel discours quand on sait que le système est déjà surchargé, que les salles d'urgence débordent et que la fermeture des cabinets privés amène la clientèle, la personne, le patient qui veut voir un médecin à se diriger vers une salle d'urgence qui est déjà débordée? Comment peut-il se complaire et se satisfaire d'une telle situation?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Encore une fois, M. le Président, je n'ai jamais dit que je ne savais pas quoi faire. J'ai dit que je ne répondrais pas à des questions hypothétiques. Premièrement. Deuxièmement, j'ai dit qu'on était, malgré qu'on soit en négociations, aussi en collaboration avec les médecins et que je fais confiance à leur honneur, à leur sens de l'éthique professionnelle et à l'intérêt qu'ils ont pour les malades. Ils ont dit eux-mêmes qu'ils s'assurent de maintenir le système de garde qu'il faut pour que les patients ne soient pas privés des services dont ils ont besoin.

Et, pour les salles d'urgence débordées, il faudrait qu'il suive au moins la nouvelle, qu'il ne reste pas accroché aux nouvelles du temps où il était au pouvoir puis où les urgences craquaient encore plus dans ce temps-là. Ce matin, là – on a le rapport tous les jours – il n'y en a pas d'urgences débordées puis de gens, dans tout le Grand Montréal, qui ont été en attente 48 heures. Moins que ça, il y en avait deux dans toutes les urgences du Grand Montréal. Les urgences ne sont pas débordées, le système ne craque pas n'importe comment présentement.

Alors, ce à quoi on assiste, là, c'est encore à un comportement pour essayer, à partir d'une situation qui est parfaitement sous contrôle, d'imaginer tout ce qui pourrait arriver de pire et faire croire au monde que ça arriverait demain matin. La situation est sous contrôle, les médecins sont des gens responsables, et les patients vont avoir les services dont ils ont besoin, M. le Président. S'il y avait une intervention nécessaire, elle serait prise en temps voulu, mais jusqu'ici il n'y a rien qui indique qu'on ait besoin de faire quoi que ce soit de plus pour le moment, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Comment le ministre explique-t-il, à ce moment-là, la déclaration de son attaché de presse à une journaliste hier soir? Et je cite l'attaché de presse du ministre de la Santé: «Il n'y a pas encore d'injonction. Il ne faudrait pas que la population soit pénalisée fortement. Nous avons de l'argent pour les omnipraticiens, mais nous ne pouvons pas tout régler avant la fin juin, comme ils le désirent.» Comment explique-t-il que son attaché de presse parle qu'il n'y a pas d'injonction pour le moment, que le ministre a de l'argent pour régler et que le ministre refuse de régler?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, ce qu'il serait intéressant de voir, c'est la question qui était avant la réponse, mais la situation est bien simple, il n'y a pas d'injonction. La question devait faire référence à ce qui s'était passé avec les obstétriciens-gynécologues qui, à un moment donné, avaient... Oui, oui, parce que, dans ce cas-là, il avait été clair... Quand il a été question que les obstétriciens-gynécologues disaient qu'ils feraient encore une diminution de services, que le plan de services de base qui devaient être garantis, qu'ils avaient soumis, n'a pas été accepté, on a déclenché des demandes d'injonction partout si jamais ils voulaient faire quelque chose. Alors, la question devait être en rapport avec ça, et on a dit: Il n'est pas question d'avoir d'injonction présentement, les médecins se sont engagés, se sont coordonnés dans chacune des régions et vont assurer les services. Alors, on s'en tient à ça.

L'argent. Je vous ai dit que les négociations évoluaient bien. Il y a des offres qui ont été faites aux médecins et qui sont en discussion présentement. Alors, ce dont on parle, s'il y a de l'argent, il est sur la table, il est en discussion sur la table de négociation, puis on verra bien ce qui va se passer dans les prochains jours ou dans les prochaines semaines, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Paradis: Est-ce que le ministre peut arrêter de tenter de faire croire à la population du Québec que la réponse de son attaché de presse n'était pas relative au débrayage, aujourd'hui, des médecins généralistes? Est-ce que le ministre peut prendre connaissance et de la question et de la réponse: «Quant à la grève des généralistes, il n'y a pas encore d'injonction, disait Martin Caillé, l'attaché de presse du ministre, il ne faudrait pas que la population soit pénalisée fortement – lui, il anticipe que la population va être pénalisée fortement. Nous avons de l'argent – et c'est l'attaché de presse du ministre qui parle – pour les omnipraticiens, mais nous ne pouvons pas tout régler avant la fin juin, comme ils le désirent.»?

Pourquoi attendre la fin juin? Pourquoi garder les patients en otages aujourd'hui? Pourquoi garder les patients en otages après 17 heures, les fins de semaine et les journées fériées, si vous avez les moyens de régler?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, c'est assez classique, là. Je vais réexpliquer encore, mais c'est clair qu'il va continuer à répéter la même rengaine pour finir par faire comprendre qu'à force de le dire – comment il disait ça? on va faire attention aux mots parlementaires: Dites n'importe quoi, dites n'importe quoi, il en restera bien quelque chose.

Une voix: Mentez, mentez!

M. Rochon: Bon. Dans le temps, on disait: Mentez, mentez! mais, à l'Assemblée nationale, on dit un autre mot pour ça. Alors, à force de répéter ça puis de dire ça, ça va peut-être donner l'impression...

La réponse, elle est très simple. Il n'y a pas d'injonction pour le moment parce qu'il n'y a pas raison d'y avoir d'injonction. Les médecins se sont engagés à ce que les services dont les patients vont avoir besoin soient assurés. Et les négociations progressent très bien, puis il y a des propositions sur la table, qui sont en discussion, qui devraient nous mener à un règlement. Alors, voilà la situation.

Et ce qui va se passer dans les prochains jours, la population peut être tout à fait tranquille, les mesures ont été prises. Les médecins se comportent de façon responsable, et je pense qu'on peut leur faire au moins autant confiance qu'à toutes les suppositions de malheurs appréhendés qui sont le lot normal de l'opposition. Puis, ce n'est jamais arrivé, les malheurs qu'ils ont appréhendés, jusqu'à présent. Celui-là, il n'a pas plus de raison d'arriver.

Ils se rappellent d'un temps où ils ne géraient pas les problèmes; ils attendaient les crises absolues puis, là, ils étaient mal pris, puis ils ne s'imaginent pas que ça peut se passer autrement. Bien, ça se passe autrement, présentement, M. le Président.

Le Président: Alors, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. M. le Président, devant un ministre de la Santé qui abandonne les patients...

Des voix: ...

Mme Gagnon-Tremblay: ...qu'est-ce que le premier ministre entend faire? Quand entend-il agir dans ce dossier afin de le régler définitivement?

Le Président: M. le premier ministre.

(10 h 20)

M. Bouchard: M. le Président, il y a une négociation qui est en cours entre la Fédération des omnipraticiens et le gouvernement du Québec. Le ministre de la Santé et des Services sociaux coordonne et dirige ces négociations. Il nous a fait rapport de ce qui se passe présentement. Il nous a rappelé que, dans toute négociation, à des balises importantes, à des moments charnières du parcours des négociations, il y a des tensions inévitables.

En l'espèce, c'est une journée d'étude mais qui est assortie d'un engagement de la profession médicale et de la Fédération que les médecins allaient s'assurer que leurs patients ne seraient pas pénalisés par cette journée d'étude, que les mesures étaient prises pour que les services soient rendus. Et je crois qu'en l'espèce, M. le Président, il faut éviter de dramatiser cette question en brandissant des menaces d'une loi spéciale – c'est peut-être ce que voudrait l'opposition – contre des gens qui, jusqu'à maintenant, dans l'histoire de leurs rapports avec leurs patients, se sont toujours comportés de façon impeccable. Ils ont assumé leurs obligations professionnelles, s'engagent à le faire encore et le feront certainement. C'est ce que nous devons prendre pour acquis, durant la fin de semaine.

Le Président: En principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Adoption du projet de loi n° 444 sur le tabac

M. Marsan: Oui M. le Président. Après trois ans d'attente, le ministre de la Santé a finalement accouché de son projet de loi sur le tabac. Depuis deux jours, nous entendons différents groupes en commission parlementaire. Il me semble de plus en plus évident que cette commission parlementaire sera sans aucune conséquence. En effet, le premier ministre n'a pas l'intention d'adopter ce projet de loi avant la fin de cette session. Il l'annonçait hier au réseau TVA, au bulletin de nouvelles à 22 heures, et je le cite, M. le Président: «Moi, je ne me suis jamais engagé à ce que le projet de loi soit adopté avant la fin de cette session.»

Ma question au ministre de la Santé: Est-ce que le ministre de la Santé est d'accord avec son premier ministre et est-ce qu'il a l'intention, lui aussi, de ne pas adopter ce projet de loi avant la fin de cette session?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le projet de loi qui est présentement sous étude est un projet d'une importance capitale, puisqu'il traite d'une question fondamentale de santé publique, que cette question n'est pas spécifique au Québec, que partout en Occident, et notamment en Amérique du Nord, on voit que les enjeux sont considérables, qu'ils sont pris très au sérieux par tout le monde, y compris par nos voisins des autres provinces canadiennes, de même que des États-Unis. On sait que la Chambre des communes, à Ottawa, a elle-même adopté l'an dernier une loi sur la même question. Il est donc tout à fait indiqué que l'Assemblée nationale se penche sur l'affaire et détermine les dispositions législatives qui devront permettre que la santé publique soit protégée dans ces domaines.

Ceci étant dit, nous avons un projet de loi, nous l'avons étudié très sérieusement avant de le déposer. Nous pensons qu'il y a là un équilibre qui est très correct, qui réconcilie tous les impératifs: d'abord et avant tout ceux de la santé publique, et les autres, qui sont des questions sociales, des questions de liberté des droits, des questions d'économie. Il y a présentement un processus qui est engagé. Les députés sont penchés sur la question, le public est invité à venir se prononcer, et il le fait.

Si nous pouvons terminer ces consultations de façon correcte pour déterminer un équilibre satisfaisant avant la fin de la session, nous le proposerons pour adoption définitive, mais nous verrons ce qui arrivera, M. le Président. Il faut le faire correctement, à visière levée, avec souplesse, avec respect des opinions des gens. Et je ne doute pas qu'au terme du processus qui est engagé nous pourrons arriver à des résultats positifs qui nous permettront, si besoin est, d'apporter des améliorations au projet de loi, auquel cas on pourra l'adopter avant la fin de la session. Mais n'allons pas nous imposer une contrainte de temps qui ne serait pas constructive en l'occurrence.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, en principale.


Niveau d'endettement du réseau de la santé et des services sociaux

M. Paradis: Oui, M. le Président. Est-ce que le président du Conseil du trésor peut confirmer à l'Assemblée nationale qu'au 31 mars 1998 le niveau d'endettement du réseau de la santé et des services sociaux à travers la province était très élevé et s'élevait à 575 000 000 $?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, le chiffre d'environ 500 000 $...

Une voix: Millions.

M. Rochon: 500 000 000 $, excusez, ce sera la déficit accumulé à la fin de l'année 1998-1999. On comprend bien. Il est présentement, le déficit, de 360 000 000 $. Le déficit récurrent là-dedans est à peu près de l'ordre de 200 000 000 $, 240 000 000 $, de cet ordre-là. Et, avec le déficit accumulé, ça fait 360 000 000 $. Il y a une partie qui va être résorbée durant l'année, mais, comme le déficit récurrent ne sera pas résorbé au complet, à la fin de l'année on aura à peu près 500 000 000 $. Ça, c'est d'abord des chiffres, ce dont on parle.

Ceci, comme j'ai déjà expliqué – ils reviennent constamment sur les mêmes questions pour espérer toujours: Dites n'importe quoi, dites n'importe quoi, il va en rester quelque chose – alors j'ai déjà très bien expliqué, très bien expliqué que ce n'est pas le réseau qui est complètement en difficulté, qu'il y a une bonne partie de ça qui s'explique par le coût qu'a dû absorber, malgré qu'une bonne partie a été assumée par le gouvernement... le réseau supporte encore une partie des coûts qu'ont coûtés la transformation et la réorganisation des services parce qu'on a dû développer certains services avant que les économies soient complètement réalisées. Ça va être remboursé plus tard dans le temps. Il y a une partie qui est due à ça.

Et essentiellement, au moins 40 % de ce déficit est autour de huit ou neuf grands hôpitaux. Et là, présentement, ce qui se fait, comme ça s'est toujours fait quand il y a des déficits dans les hôpitaux, il y a des plans de ce que les gens appellent d'équilibre budgétaire, que les gens sont après terminer, et ces déficits-là vont se résorber, y compris le déficit récurrent, au cours des trois à cinq prochaines années par les plans qui sont faits actuellement, et les services vont être protégés.

Alors, il n'y a rien de dramatique là. Il y a ce qui a toujours été un déficit courant que résorbe avec le temps le réseau, plus une partie qui est due à la réorganisation qu'on a faite, M. le Président. Voilà, c'est aussi simple que ça.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, est-ce que le président du Conseil du trésor, qui se pinçait pendant la réponse donnée par le ministre de la Santé, peut confirmer que la dette accumulée des services de santé et des services sociaux au 31 mars 1998 s'élevait à 575 000 000 $, et que le Conseil du trésor émettra pour l'année en cours, pour couvrir des autorisations courantes relatives aux emprunts reliés aux dépenses courantes de fonctionnement, un 225 000 000 $ additionnel, et qu'au 31 mars 1999 vous aurez endetté notre réseau de santé de 800 000 000 $?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Là, il additionne des affaires qu'il ne faut pas additionner. Le réseau de la santé a toujours géré un déficit de l'ordre de 150 000 000 $ à 200 000 000 $ pour couvrir un certain nombre de dépenses qui se font régulièrement et qui sont rééquilibrées dans le temps. Ça, ça a toujours été comme ça depuis des années, des années et des années. Donc, il y a, de façon historique et, je dirais, normale, un roulant d'emprunts qui sont résorbés sur des périodes de trois à cinq ans, de l'ordre de 150 000 000 $ à 200 000 000 $. Ça varie dans l'année et ça varie d'une année à l'autre. Voilà.

Là, actuellement, il y a un montant en plus de ça qui s'explique très bien. Ce n'est pas parce qu'il y a une débandade dans le réseau qu'il y a des problèmes particuliers. Il a fallu absorber, encore sur le réseau, une partie du coût de la transformation. La majeure partie a été assumée par le gouvernement directement; lors du dernier budget, on a eu de l'information là-dessus. Il en reste une partie qui est restée au réseau, et ça, ça va se résorber dans des plans d'équilibre budgétaire sur les trois à cinq prochaines années.

Et, comme je le disais, l'ensemble de ça, ce n'est pas tout le réseau. Pour la grande majorité des 400 établissements, c'est des déficits de un ou de quelques millions de dollars qui vont se résorber sans problèmes. Les plus gros établissements, en proportion, ont eu un déficit plus grand. Je vais vous donner un autre indice, pour à peu près 60 % à 65 % de ça, c'est une vingtaine d'établissements, sur plus de 400, qui le font, qui sont des gros établissements, puis 40 %, c'est un petit groupe de huit établissements avec lesquels les plans sont après se faire actuellement.

Alors, il y a une gestion à faire – ils n'ont pas l'air à connaître ça, qu'on peut gérer – qui se fait présentement. Et la transition, la réforme, va continuer à rapporter ses bénéfices dans les prochaines années, qui vont permettre de compenser ça sans aucun problème, M. le Président.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Est-ce que le président du Conseil du trésor endosse les chiffres que vient d'émettre publiquement le ministre de la Santé et des Services sociaux? Est-ce qu'il est prêt à confirmer à l'Assemblée nationale qu'au 31 mars 1998 la dette du réseau de la santé s'élevait à 575 000 000 $, et que, pour des dépenses courantes d'opération, cette année, le Conseil du trésor a avisé les établissements du secteur de la santé qu'il émettrait des autorisations d'emprunt de l'ordre de 225 000 000 $, et qu'à la fin de l'année le service de dette des établissements du réseau de la santé et des services sociaux va s'élever à 800 000 000 $? Au président du Conseil du trésor.

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Le chef de l'opposition doit très bien savoir lui aussi que qui ne dit mot consent. Qui ne dit mot consent! Alors, si le président du Conseil du trésor n'avait pas été d'accord, il l'aurait dit ou il me l'aurait soufflé à l'oreille. Je n'ai rien entendu. Qui ne dit mot consent. Voilà la réponse, M. le Président.

(10 h 30)

Le Président: En principale, M. le député de Laurier-Dorion.


Construction par Hydro-Québec de la ligne Hertel-des Cantons

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, dans le dossier de la ligne des Cantons-Hertel, la population du Québec se fait mentir en pleine face.

Une voix: Il a dit: Mentez, mentez! tantôt, lui, là. Il a dit: Mentez, mentez!

M. Sirros: M. le Président, mardi de cette semaine, le premier ministre nous disait, et je cite: «90 % des propriétaires ont signé des accords avec Hydro-Québec, autorisations individuelles, pour que la ligne puisse se faire.» Fin de la citation. Or, M. le Président, la vérité est tout autre. Hydro n'a jamais eu l'accord de 90 % des propriétaires.

On peut lire, M. le Président, dans Le Soleil d'aujourd'hui: «Hydro-Québec n'a jamais obtenu l'accord de 90 % des propriétaires touchés par la construction d'une ligne à haute tension en Estrie. En fait, elle n'a conclu aucune entente encore et un nouveau décret autorisant l'expropriation des récalcitrants est en préparation.»

Ma question au premier ministre, M. le Président: Quand est-ce qu'il va commencer à nous dire la vérité dans ce dossier?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, lorsque la question a été posée, mardi dernier, nous avions tous accès à des rapports de presse qui faisaient état d'informations qui émanaient d'Hydro-Québec que j'ai, moi aussi, relayées à l'Assemblée nationale.

Lisant les articles de ce matin qui laissaient entendre qu'il y avait des nuances à apporter aux informations qui avaient circulé, j'ai fait demander à Hydro-Québec de nous faire savoir ce qu'il en était de façon précise et je reçois à l'instant une lettre qui m'est adressée par le président-directeur général d'Hydro-Québec, M. André Caillé, dont je voudrais vous donner lecture. C'est adressé à moi-même, et je cite:

«À la lecture d'articles publiés sous la plume de MM. André Noël et Pierre Asselin de La Presse et du Soleil de ce jour – datée du 29 mai – nous constatons que le projet de construction de la ligne des Cantons– Hertel mérite une mise au point.

«En effet, on y mentionne qu'Hydro-Québec dit avoir obtenu l'accord de 90 % des propriétaires alors que ce fait ne serait pas aussi évident qu'il appert.

«Vous trouverez ci-joint un état de situation précisant ce qu'est l'accord signé par les propriétaires, l'accord de principe également obtenu, et rappelant que la procédure suivie n'est pas exceptionnelle mais correspond au traitement habituel de ce type d'intervention sur le terrain.

«Je tiens également à vous faire savoir que le porte-parole d'Hydro-Québec cité dans ces articles, M. Stéphane Bouchard, a fait des déclarations qui ne correspondent pas aux orientations de l'entreprise. Je suis informé que Stéphane Bouchard s'est en conséquence vu retirer de ce dossier.

«Nous tenons à rappeler qu'Hydro-Québec vise à en venir à un accord de gré à gré avec chacun des propriétaires touchés et qu'il n'est pas de notre intention d'intervenir sur leur propriété sans y être autorisé.

«Espérant que cette mise au point contribue à clarifier la situation, veuillez agréer», etc.

Et il y a une annexe que je n'avais pas lue avant non plus, que je vais déposer avec la lettre à l'Assemblée nationale, qui a pour titre Résumé des relations avec les propriétaires touchés , et là il y a des étapes de rencontres qui sont rapportées. Et je lis, à la deuxième étape: «Après ces rencontres publiques, des représentants de l'unité Expertises immobilières d'Hydro-Québec ont rencontré les propriétaires touchés sur une base individuelle. En date du 29 mai 1998, le bilan de ces rencontres s'établit approximativement à 87 %: 249 propriétaires ont été rencontrés; 215 dossiers font l'objet d'un accord de principe – c'est ce qui est écrit ici – 11 propriétaires restent à voir; 34 propriétaires ont opposé un refus.»

Et je pense que le mieux, c'est de déposer les documents pour que chacun puisse voir ce qu'il en est précisément. C'est un rapport en date de ce matin.


Documents déposés

Le Président: M. le député.

M. Sirros: N'est-il pas exact, M. le Président, que ce n'est pas la première nuance qu'il faut commencer à faire dans ce qui nous est rapporté par Hydro-Québec et par le premier ministre dans ce dossier? Et, M. le Président, je prends bien note du fait que le premier ministre a évité de nous dire c'est un accord sur quoi qu'ils ont eu. Il n'y a pas d'accord pour qu'il y ait une servitude. Le gouvernement se prépare à passer un autre décret. Et le premier ministre nous cache aussi la vérité et sur les impacts d'exportation et sur le moment quand cette ligne a été planifiée.

Le Président: Alors, je vous inviterais, M. le député de Laurier-Dorion, à faire attention aux propos que... M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je pense que vous avez à faire plus qu'à demander d'éviter quoi que ce soit. Qu'il ne fasse pas ce que le règlement ne lui permet pas. Il fait indirectement ce que le règlement lui interdit, alors je voudrais que vous le rappeliez à l'ordre.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: M. le Président, je vais retirer ce que j'ai dit et je vais poser la question suivante au premier ministre. Le premier ministre peut-il nous dire, quand il a adopté le décret pour la construction de cette ligne qui servira aussi à des fins d'exportation, comme le démontre la carte de TransÉnergie, s'il a demandé à Hydro-Québec s'il existait d'autres solutions moins coûteuses, moins chères pour la population, respectueuses de la démocratie et, dans la situation, sans l'obliger à manipuler la vérité sur la question des exportations?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Alors, je crois que les documents que je viens de rapporter font justice de ce que les premières accusations sans fondement du député quant aux accords de principe également intervenus...

Deuxièmement, je voudrais rappeler ce que j'ai déjà dit – et je pense qu'il faut le rappeler parce que les questions reviennent là-dessus, il semble qu'on n'a pas compris les réponses – le contexte dans lequel le gouvernement a pris la décision d'autoriser Hydro-Québec à procéder à la construction de la ligne des Cantons-Hertel dès cet été pour qu'elle soit prête l'hiver prochain. Nous étions en pleine tempête de verglas et nous avons interrogé Hydro sur les raisons pour lesquelles il n'était pas possible de desservir les gens qui étaient privés d'électricité par d'autres moyens d'approvisionnement. Hydro nous a alors dit: Il faut vous dire que le réseau d'Hydro-Québec, dans au moins trois régions du Québec, dans trois régions du Québec, n'est pas complété au point de vue de la sécurité normale dont il faut assortir l'approvisionnement. Il y avait la région de l'Outaouais, la région de Montérégie-Estrie et la Gaspésie également. Alors, nous avons demandé à Hydro, puisqu'il semble y avoir une répétition considérable de tempêtes de verglas à la suite de ce qui apparaît être une mutation...

M. Sirros: Question de règlement.

M. Bouchard: Je suis en train de répondre à une question, M. le Président. En pleine réponse de question, il n'y a pas de question de règlement.

Le Président: Je m'excuse, M. le premier ministre. Sur une question de règlement.

M. Sirros: Sur la question de règlement, M. le Président. J'ai eu cette réponse avant-hier, je pose une autre question et j'aimerais que le premier ministre réponde à cette...

Le Président: Ce n'était pas une question de règlement. M. le premier ministre.

Une voix: Ça paraissait, d'ailleurs.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Alors, le gouvernement, qui assume la responsabilité ultime de ce genre de choses, sachant qu'il y a une possibilité – on ne sait pas si elle est très probable, mais une possibilité – de plus en plus plausible, à la suite des répétitions qu'on a vues de semblables interruptions au cours des trois dernières années, a décidé de faire droit à une requête de l'Hydro de compléter les mesures de sécurité qui pouvaient être en vigueur tout de suite, dès l'hiver prochain.

Alors, nous pensions initialement, aussi bien dans le cas de la totalité du réseau de l'Estrie et de la Montérégie que dans celui de l'Outaouais, que tous les travaux pourraient être complétés en dedans d'une seule année. C'est ce que pensait l'Hydro initialement. Mais, vérification faite, elle s'est rendu compte que non, qu'il y a une partie des travaux, une partie dans l'Estrie, totalité dans l'Outaouais, qui devait être remise, décalée sur deux ans et même trois ans et que, en conséquence, il n'y avait pas lieu d'utiliser des moyens exceptionnels de levée de processus, de raccourcissement des processus d'évaluation pour permettre l'ensemble des travaux. Alors, le gouvernement a décidé de faire droit à une autorisation pour la partie des travaux qui pourrait être complétée dès avant l'hiver prochain, et c'est sur cette partie que porte la discussion présentement, la ligne des Cantons-Hertel que l'Hydro peut compléter avant l'hiver prochain, ce qui veut dire que, l'hiver prochain, si nous avons un autre désastre, le gouvernement pourra dire aux populations qui sont là: Nous pouvons vous desservir par le bouclage qui a été fait durant l'été et durant l'automne, et les gens seront très contents que nous l'ayons fait.

(10 h 40)

C'est uniquement mû par ces raisons et par ces motifs que le gouvernement a autorisé le bouclage partiel dans Cantons-Hertel, pour des fins de sécurité, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: M. le Président, pourquoi le premier ministre a tellement de difficulté à répondre clairement à une question qui est pourtant simple, qui n'a rien à faire avec cette réponse. Est-ce que, quand il a autorisé le décret pour la construction de la ligne des Cantons-Hertel, il a demandé à Hydro-Québec s'il n'existait pas d'autres solutions qui ne nécessiteraient pas cette ligne, pour sécuriser la population, et qui ne l'obligeraient pas à manipuler la vérité sur les exportations?

Une voix: Aïe!

M. Sirros: N'y a-t-il pas d'autres...

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion... Je pense, M. le député de Laurier-Dorion, que je vous inviterais à faire attention à l'utilisation de certains mots, dans la mesure où à deux reprises on accuse le premier ministre de manipuler les faits. Je pense que, de part et d'autre ici, on peut se faire une opinion sur... Vous êtes là pour questionner le gouvernement, le gouvernement répond, et chacun peut avoir une appréciation des questions et des réponses. Mais ce n'est pas aux membres de l'Assemblée, en regard de notre règlement, à qualifier ce qu'un collègue adverse peut indiquer. M. le leader.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Ça fait plusieurs fois que le député utilise des mots qui, en vertu de notre règlement, devraient être abolis. C'est votre responsabilité comme président d'abolir les mots «manipuler la vérité». Vous savez que c'est une façon détournée de dire ce que le règlement ne permet pas. Je vous demanderais de nous donner une directive à cet effet, M. le Président, parce qu'il me semble – et je pense que tout le monde va comprendre – que ça n'a pas de bon sens de faire indirectement ce que le règlement ne nous permet pas de faire directement.

Le Président: M. le leader du gouvernement, je pense que ce que je viens de dire devrait répondre au voeu que vous venez de formuler. J'ai dit clairement au député de Laurier-Dorion et à tous les membres de l'Assemblée que je ne considérais pas ça acceptable. J'ai, je pense, très bien expliqué que dans cette Assemblée, lors de l'échange qu'est la période de questions et de réponses orales, chacun a à respecter finalement la façon dont les questions sont posées et les réponses sont données, sans qualifier par ailleurs d'une façon inacceptable et contrairement aux dispositions de notre règlement comment le vis-à-vis intervient à l'Assemblée.

Alors, à ce moment-ci, M. le député de Laurier-Dorion, j'aimerais ça que vous reformuliez votre question.

M. Sirros: M. le Président, est-ce que le premier ministre nous affirme aujourd'hui que la seule solution qui existe pour sécuriser la population du Québec est celle qu'Hydro-Québec lui dit qui existe? Et est-ce qu'il a demandé, avant d'autoriser le décret, est-ce qu'il a voulu savoir s'il y avait d'autres façons de sécuriser la population de la Montérégie, pour moins cher, sans maganer un territoire qui est la fierté de tout le monde, sans passer outre tout le processus démocratique normal? Il y en a une qui existe. Est-ce que le premier ministre est au courant?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, si le député a des suggestions à nous faire pour trouver une solution qui ferait que la ligne passerait sans passer nulle part, qu'il nous le dise. Mais ce qu'Hydro a démontré au gouvernement, c'est qu'il fallait faire un bouclage. Il faut qu'il y ait un circuit qui complète le premier et qui permette de revenir. Alors, il faut passer une ligne. Il faut la passer quelque part. Alors, le corridor a été défini comme étant justement la région concernée, et Hydro a fait des études de moindre impact, a rencontré les citoyens. Il faut que la ligne passe quelque part, M. le Président. C'est lui, le problème.

Je suis convaincu que la population de la région là-bas veut qu'il y ait des mesures de sécurité, souhaite qu'il y ait des mesures de bouclage, mais, évidemment, quand la ligne passe, à un moment donné, sur un terrain, il y a des gens qui sont moins contents, on peut comprendre. Mais il faut qu'il y ait un endroit du territoire où passent ces lignes. Alors, le député ne peut pas empêcher la réalité. Il ne peut pas empêcher qu'il y a nécessité d'un bouclage, que le bouclage passe quelque part et que, forcément, là où ça va passer, il y a des gens qui pourraient être moins contents.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: Manifestement, M. le Président, le premier ministre n'est pas au courant.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, vous êtes un parlementaire expérimenté. En complémentaire, de façon réglementaire.

M. Sirros: Est-ce qu'on doit comprendre, M. le Président, de cette réponse du premier ministre que, d'une part, il n'est pas du tout au courant des solutions alternatives qui ont été mises de l'avant par l'opposition officielle? Deux, qu'il n'a jamais, donc, demandé à Hydro-Québec s'il y avait une autre façon de faire le bouclage dont il parle pour sécuriser la Montérégie, sur des tracés existants, avec des poteaux qui peuvent, sur les tracés existants, tenir les lignes nécessaires sans passer par ça? Une façon de boucler et de sécuriser la Montérégie. Est-ce qu'il a demandé à Hydro-Québec, avant d'autoriser cette façon de faire, s'il y avait d'autres façons de faire? Est-ce qu'il est au courant que ça existe, des alternatives?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, on va se comprendre, là. S'il y avait des moyens faciles de faire ça puis s'il y avait des moyens connus par le député de faire ça, quand il était ministre de l'Énergie, pourquoi est-ce qu'il ne l'a pas fait, lui?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Additionnelle. N'est-il pas exact, M. le Président, que, quand on est sur la défensive, le premier ministre essaie toujours de prendre l'offensive? N'est-il pas...

Des voix: ...

Le Président: M. le député.

M. Sirros: Au lieu d'esquiver la question, est-ce qu'il peut répondre, M. le Président? Est-il au courant?

M. Bouchard: M. le Président, deux choses. Premièrement, nous constatons maintenant que, si des centaines de milliers de personnes ont été privées pendant près d'un mois d'électricité, plongées dans l'obscurité et le froid au mois de janvier, c'est en grande partie par l'incurie du député qui est en face, alors qu'il était ministre puis qu'il devait compléter les travaux.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, deuxièmement, les connaissances techniques du député dans ce domaine ne se sont pas améliorées depuis qu'il était ministre, puisque ces solutions alternatives dont il parle ont été analysées par Hydro, ont été commentées publiquement, puis qu'elle a dit que ça n'avait pas de bon sens.

Le Président: Dernière question, M. le député.

M. Sirros: À ce moment-là, est-ce que, M. le Président, le premier ministre accepterait de soumettre ces alternatives à une autorité indépendante? Si c'est Hydro qui est juge et partie... Et quand le premier ministre, déjà, nous induit en erreur avec les affirmations d'Hydro qu'il revéhicule, franchement...

Des voix: ...

Le Président: M. le député.

M. Sirros: ...et que, au lieu de véhiculer ces informations, il s'apprête à adopter des décrets... Est-ce que le premier ministre accepterait de soumettre à la Régie de l'énergie l'examen de cette situation pour que, elle, comme objective et indépendante, elle puisse se prononcer?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: C'est vrai qu'il fait très beau aujourd'hui. C'est formidable, le soleil brille, il n'y a pas de verglas, il n'y a pas de neige, il n'y a pas de glace. Mais, malheureusement, nous aurons un hiver encore, l'hiver prochain, et nous voulons prémunir les populations, M. le Président.

Et j'ajouterai une dernière chose. Entre l'opinion du député, entre les accusations partisanes et démagogiques du député et l'expertise...

Des voix: ...

M. Bouchard: Entre l'expertise du député, ce que nous connaissons bien, M. le Président, tout le monde dans cette Chambre, entre le niveau d'expertise du député, entre l'objectivité du député et celle d'Hydro-Québec, l'entreprise la plus connue dans le monde, la plus respectée pour son expertise, je choisis Hydro-Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Bonaventure.

Des voix: ...

Le Président: Je m'excuse, mais je pense que la responsabilité du président, c'est aussi de protéger les droits de l'ensemble des députés. Ce n'est pas parce que c'est une additionnelle, M. le député d'Orford, que nécessairement ça doit, à ce moment-ci, empêcher le président de reconnaître un autre député. Je pense qu'il y a eu plusieurs questions sur le dossier.

Des voix: ...

Le Président: Je m'excuse, parce que, dans cette interprétation qu'on pourrait faire de la façon dont vous voulez que le président s'acquitte de sa responsabilité, ça pourrait vouloir dire que, sur une seule question, on pourrait prendre toute la période des questions et des réponses et que, à un moment donné, un député indépendant ou un autre député ne pourrait pas poser de question.

(10 h 50)

Le président a, et selon le règlement, à apprécier le nombre de questions qui sont posées. Et, à ce moment-ci, il reste moins de quatre minutes à la période, et je permets au député de Bonaventure de poser une question principale.


Balance commerciale dans le secteur bioalimentaire

M. Landry (Bonaventure): Merci, M. le Président. Je participe actuellement à une tournée avec Solidarité rurale sur les enjeux du développement rural. Une des situations qu'on vit et un des enjeux pour les milieux ruraux, c'est la capacité, aussi, d'aller sur les marchés internationaux. On sait qu'on est fortement présent, le Québec, dans le domaine forestier. Je sais qu'en 1994, au moment où j'ai oeuvré au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, nous avions un déficit de balance commerciale de 720 000 000 $ par année. M. le Président, est-ce que je pourrais savoir, de la part du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ou du vice-premier ministre, quelle est la situation actuelle au niveau de notre balance commerciale dans le secteur bioalimentaire?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Merci, M. le Président. Je trouve que c'est une excellente question. Je pense que tout le monde doit se réjouir des efforts extraordinaires qu'on a faits depuis qu'on est au gouvernement. Parce que, à la question du député, si on regarde depuis 1990-1994, ça a été une balance commerciale déficitaire qui a varié entre 500 000 000 $ et 720 000 000 $; en 1996, nous l'avons ramenée à 236 000 000 $; et, aujourd'hui, nous avons une balance commerciale positive de 120 000 000 $.

Des voix: Bravo!

M. Julien: Et, moi, j'attribue ça à certains éléments. Un, au niveau gouvernemental, les stratégies, les politiques que nous avons mises de l'avant pour faire en sorte de diversifier nos productions, de diversifier nos marchés, parce que nous sommes rendus maintenant dans 40 pays et nous atteignons le 120 000 000 $, même si ça a régressé aux États-Unis, malgré ça. Parce qu'on a diversifié, on a réussi à augmenter notre balance commerciale pour la première fois. Elle est positive, et ça, c'est extraordinaire.

Le deuxième élément, et ça, je veux le dire publiquement, c'est grâce à nos producteurs, nos transformateurs, nos distributeurs, toute la chaîne agroalimentaire qui fait en sorte que ces gens-là se sont pris en main et ont percé les marchés, ont développé nos produits et les font connaître. Et ça, je veux les féliciter. Je pense que l'opposition va être d'accord avec nous sur le fait que, grâce à nos stratégies et à la volonté de nos producteurs et de nos transformateurs, on a atteint aujourd'hui une balance commerciale de 120 000 000 $. Et ça, c'est positif.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, la période des questions et réponses orales est terminée pour aujourd'hui. À l'ordre, s'il vous plaît!

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.

Aux motions sans préavis, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, nous aurons une motion sans préavis. Je crois que le leader de l'opposition pourrait la faire à ce moment-ci, mais il me permettrait fort probablement de lui dire que nous pourrions passer aux avis touchant les travaux des commissions.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui. M. le Président. J'avise donc cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations... Je m'excuse, M. le Président.

Le Président: Je voudrais inviter nos collègues qui doivent travailler à l'extérieur de l'enceinte du salon bleu à quitter rapidement.

M. Jolivet: Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph- Papineau, ainsi que le lundi 1er juin 1998, de 19 h 30 à minuit, à la salle du Conseil législatif; finalement,

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 182, Loi modifiant la Loi sur les mines et la Loi sur les terres du domaine public, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Très bien. Est-ce que, M. le leader du gouvernement, j'ai compris que vous avez donné – c'est parce que j'ai eu une distraction – un avis à l'effet que la commission des affaires sociales siégerait lundi?

M. Jolivet: Oui.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a donc consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions? Il y a consentement. Très bien.


Motions sans préavis

À ce moment-ci, nous allons aux motions sans préavis. Mme la députée de Beauce-Sud.


Condoléances à la famille de M. Hermann Mathieu, ex-député de Beauce-Sud

Mme Leblanc: M. le Président, je fais la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre ses condoléances à la famille de M. Hermann Mathieu, ex-député de Beauce-Sud de 1979 à 1985.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour présenter cette motion?

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Et, de notre côté, ce sera le député d'Abitibi-Ouest.

Le Président: Très bien. Alors, Mme la députée de Beauce-Sud, d'abord.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Alors, M. le Président, c'est avec beaucoup de tristesse que, aujourd'hui, j'offre mes condoléances, au nom des membres de la députation de l'opposition officielle, à la famille de M. Hermann Mathieu qui est décédé la nuit dernière à l'âge de 61 ans.

M. Hermann Mathieu a été quand même un homme très, très apprécié dans la Beauce pour tout ce qu'il a fait. Alors, il était membre de la Chambre des notaires du Québec depuis 1972, il a été également coroner du district judiciaire de la Beauce de 1973 à 1979 et, enfin, député de Beauce-Sud à l'Assemblée nationale de 1979 à 1985. Alors, on se rappellera toujours de M. Hermann Mathieu comme un homme fortement impliqué dans son milieu. Il a été membre fondateur, président, régisseur, administrateur de plus d'une trentaine d'organismes chez nous et d'organismes provinciaux également.

Je me souviens aussi de lui comme ayant eu, dans l'histoire du Québec, je crois, la plus importante convention à une assemblée d'investiture, à l'époque où il avait eu, à ce moment-là, à affronter celui qui est devenu par la suite député de Beauce-Sud à l'Assemblée nationale, M. Robert Dutil. Alors, plus de 7 000 membres s'étaient rendus au Palais des sports de Saint-Georges pour choisir leur nouveau candidat, qui était pour devenir Me Hermann Mathieu. Alors, c'est vraiment une page d'histoire de la Beauce, et ça méritait, ce matin, qu'on en fasse la mention.

Me Hermann Mathieu était un sage homme. Tout le monde, chez nous, pourrait vous dire que c'est une personne qui ne s'emportait pas pour rien, qui prenait toujours de sages décisions, à la manière, peut-être, d'un notaire, mais toujours de façon très réfléchie. Il était également très préoccupé ces dernières années par la conservation du patrimoine dans sa petite localité de Saint-Éphrem de Beauce.

Alors, je voudrais encore une fois rendre hommage à celui qui fut député de Beauce-Sud avant moi, de 1979 à 1985, et offrir à toute la population de Saint-Éphrem, à toute sa famille, parents et amis, nos plus sincères condoléances. Merci.

Le Président: Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. M. le député d'Abitibi-Ouest.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui. Très simplement, M. le Président, comme président du caucus et au nom de notre formation politique, je voudrais joindre ma voix à l'actuelle députée de cette circonscription. J'ai eu l'occasion de siéger avec M. Hermann Mathieu de 1979 à 1985 parce que j'étais également à l'Assemblée nationale. Mes premiers mots, c'est sûr, c'est offrir nos sincères sympathies à la famille éprouvée, aux enfants, aux nombreux amis, parce qu'on sait tous, pour ceux qui ont connu M. Mathieu, que, malheureusement, vers les dernières années, il était assez affecté par la maladie, une maladie sérieuse, une maladie grave.

Mais ce dont il faut se souvenir, cependant – c'est exact, ce que la députée a rappelé – c'est que c'était vraiment un Beauceron bien impliqué dans sa communauté, très engagé. Et, lorsqu'il a été élu, en 1979 – je m'en rappelle parce qu'il me l'a conté à quelques reprises, et il y a peut-être des collègues de notre côté qui vont vouloir le rappeler – effectivement, il avait eu une convention immensément importante, en tout cas sur l'aspect numérique, et j'ai l'impression que, pour dégager ou permettre à autant de gens qui se déplacent, à coup sûr, ça voulait dire que M. Hermann Mathieu avait des racines dans sa communauté.

Et non seulement il avait des racines, mais c'est parce que c'était un homme de coeur, c'était un homme généreux. Je m'en rappelle, c'était un bon monsieur très respecté, très engagé, à l'image des Beaucerons, à l'image de gens qui sont capables de faire un travail professionnel, sincère, mais tout en étant près du peuple et en restant eux-mêmes. Alors, moi, l'image que je conserve de M. Mathieu comme député de Beauce-Sud, c'est celle d'un député proche de ses gens, très sincère, très généreux du coeur, et c'est évident que c'était normal, je pense, que, comme ex-parlementaire, nous soulignions aujourd'hui la perte de ce député, de ce monsieur. Alors, aux familles, aux amis puis à tous les Beaucerons, nos plus sincères sympathies. Merci.

(11 heures)

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, je voudrais joindre ma voix à celle du président du caucus des députés de la majorité ministérielle et à celle la députée de Beauce-Sud pour rendre hommage aussi à M. Hermann Mathieu, puisque M. Mathieu a été, au cours des dernières années, membre de la Commission municipale du Québec. Et, au nom des autres membres de la Commission et de son président, M. Jacques O'Bready, je voudrais aussi signaler à l'Assemblée nationale toute l'appréciation que nous avons eue pour le travail hautement professionnel, parfois difficile, de M. Mathieu, quant aux dossiers qui lui ont été confiés. Et, mon collègue l'a souligné, avec les problèmes de santé qu'il a peut-être vécus au cours des dernières années, c'était d'autant plus méritoire.

Il a exercé ses responsabilités à la Commission municipale du Québec avec une équité, un sens du devoir, un sens des responsabilités qui est peu commun. Je tiens à le souligner devant l'Assemblée nationale et, surtout, à dire à sa famille que non seulement cette homme aura servi le Québec en tant que représentant de la population de son comté, mais également qu'il aura bien servi le Québec à titre de membre de la Commission municipale du Québec. Et je tiens formellement, en tant que ministre des Affaires municipales du Québec, à le remercier pour tout le temps qu'il aura donné à la collectivité québécoise et, certainement aussi, dans cette responsabilité, peut-être aussi privé sa famille de quelques heures, puisqu'il s'est déplacé beaucoup à travers le Québec.

Je joins donc ma voix, en tant que ministre des Affaires municipales, aux voix des membres de l'Assemblée nationale pour dire merci pour tout le travail qui a été réalisé et nos sincères condoléances à la famille qui est si affectée. Merci.

Le Président: M. le député de Lévis également.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je veux joindre ma voix aussi à celles de la député de Beauce-Sud et des collègues du Parti québécois qui ont pris la parole. Moi, le souvenir que j'ai de M. Mathieu, c'est celui d'un honnête homme. Quand on avait fait la coalition pour le Nid-de-Corbeau, il y avait eu des pressions fédérales épouvantables. Je sais le nombre de ministres qui étaient venus défiler dans le bureau du chef de l'opposition à ce moment-là pour empêcher les libéraux de joindre la coalition.

Hermann Mathieu m'avait demandé s'il pouvait assister à une conférence socioéconomique comme député de l'opposition, critique en matière agricole. Je vais vous dire que, la question, c'est la première fois qu'elle se posait, puis c'est la première fois qu'on avait dit oui. J'ai dit: Je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas. Il était venu. Et j'ai toujours été très heureux que ça se passe comme ça parce que, après ça, il m'a dit: Je pense qu'on n'a pas le choix d'être tous ensemble.

Et, finalement, je vais vous dire que le député de Beauce-Sud avait joint la coalition avant son parti. Il a dit: Si le parti ne suit pas, moi, je vais être devant pareil. J'avais beaucoup admiré cet homme-là parce que, vous savez que, faire ça quand... Je sais les pressions qu'il y avait, André Ouellet et tous les autres qui étaient là, qui avaient commencé même des tournées qu'ils ont dû arrêter parce que les gens ne voulaient rien savoir de ça. M. Mathieu avait été, dans son parti, je pense, un homme clairvoyant qui avait dit: Moi, j'embarque, alors que les autres... Je comprends que ce n'est pas facile, dans un parti. Lui, il m'avait dit: Je vais être là-dedans. Il avait fait toute la tournée avec nous. Je lui avais facilité un peu la tâche, parce que j'avais dit: Embarquez donc dans l'avion avec nous autres, on n'est pas pour vous laisser aller dans l'automobile, de votre bord. Embarquez dans l'avion avec nous autres, ça va être plus facile pour vous. Moi, je pense que c'est...

Moi, le souvenir que j'ai, c'est celui d'un honnête homme, un homme qui prenait à coeur les intérêts des gens, qui, malgré des divergences, qui n'étaient pas si nombreuses que ça, à la fin du compte... J'ai toujours pensé que, Hermann Mathieu, on pourrait siéger ensemble du même côté, éventuellement. Mais, le temps...

Une voix: ...

M. Garon: Non. Ça aurait peut-être été entre les deux. Ha, ha, ha! J'ai toujours pensé que, s'il y avait plus d'hommes comme Hermann Mathieu en politique, il y a beaucoup de gens qui penseraient que la politique, ce n'est pas si pire que ça. Et, si on n'est pas toujours très forts dans les sondages, comme politiciens, c'est parce qu'il n'y a pas assez de gens qui mettent l'intérêt de la population avant l'intérêt du parti.

M. Mathieu, dans mon esprit, est un homme qui mettait l'intérêt de la population avant l'intérêt du parti, si c'était nécessaire. Ce n'est pas toujours nécessaire. Mais, quand il l'a fait... C'est pour ça que je voulais souligner ce fait-là qui n'est pas connu, sauf des libéraux sans doute parce qu'il a dû le leur dire: Moi, je vais embarquer pareil. Et je sais à quel point... Il a dit: Je ne sais pas si je vais être encore dans le parti, je ne sais pas ce qu'ils vont faire. Mais il a dit: Moi, je vais être là.

Finalement, c'est le parti qui a suivi Hermann Mathieu, et je pense que c'était pour le plus grand bien du Québec. Et c'est ce qui a empêché, au fond, le gouvernement fédéral d'adopter la politique du Nid-de-Corbeau qu'il voulait adopter à ce moment-là, parce que le Québec a été d'un vrai bloc de ciment face au gouvernement, et c'est pour ça qu'on a réussi à empêcher cette politique-là. C'est revenu plus tard, mais, comme les mêmes acteurs n'étaient plus là, bien, ça a passé, d'une façon différente, mais ça a passé. Et je voudrais souligner ce courage, qui était, je pense, la marque de commerce d'Hermann Mathieu. Je vous remercie.

Le Président: Merci, M. le député de Lévis. M. le député de Brome-Missisquoi, leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. De son vivant, moi, je n'avais jamais entendu personne parler contre Hermann Mathieu, même pas des adversaires politiques, mais je n'avais jamais entendu autant d'éloges. C'est triste qu'un député doive quitter ce monde pour recevoir de la part de ses adversaires politiques autant d'éloges.

Vous avez tous souligné des qualités humaines chez Hermann Mathieu. Moi, de 1979 à 1985, j'ai eu l'occasion de siéger pratiquement quotidiennement avec lui. Vous avez pesé sur les bons éléments quand vous avez parlé de son honnêteté, de son humanisme, de sa défense des intérêts du Québec en tout état de cause. J'aimerais ajouter un petit élément, M. le Président. Les gens pensent qu'il a été malade, Hermann, strictement vers la fin de sa vie. Il était malade quand il siégeait. Il voyageait entre le comté... Il était hospitalisé. Je me souviens d'un vote à l'Assemblée nationale. Il y tenait tellement qu'il s'était rendu voter, et, physiquement, c'était une épreuve qui rend hommage à son courage. Aujourd'hui, je veux simplement rendre hommage à l'ami des agriculteurs, à l'ami des Beaucerons et à l'ami de tous les parlementaires. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Bellechasse.


M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Je suis également attristé du décès d'Hermann Mathieu, que j'ai bien connu comme membre de cette Assemblée nationale de 1981 à 1985 et en particulier comme voisin de circonscription électorale. Même si nous n'étions pas de la même religion politique, nous avons toujours entretenu de très bonnes relations. Et je retiens de M. Mathieu ses origines modestes, parce que M. Mathieu n'est pas né avec une cuillère dorée dans la bouche. Il a été aide-fermier, bûcheron, commis, chauffeur de camion, producteur agricole. Et c'était ce qu'on a appelé «une vocation tardive». Il a fait des études à un âge avancé quand il a décidé de devenir notaire.

Moi, je l'ai connu dans des circonstances assez spéciales, dans des circonstances tragiques, quand il était coroner du district judiciaire de Beauce dont fait partie une partie de ma circonscription, au moment où, dans ma propre famille, un de mes oncles avait été assassiné suite à un hold-up de caisse populaire. Et j'avais vu, à ce moment-là, sa grande compassion.

Alors, M. le Président, Hermann Mathieu va nous laisser le souvenir d'un grand défenseur, d'un défenseur acharné des plus démunis. Et je voudrais transmettre à son épouse, Mme Hélène Faucher, ainsi qu'à ses enfants et à ses proches, mes sympathies les plus senties de ma part et de celle de la population de ma circonscription. Merci.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Alors, je comprends que cette motion est adoptée à l'unanimité. Peut-être que nous pourrions prendre quelques instants à la mémoire de M. Mathieu. Alors, si vous voulez vous lever, s'il vous plaît.

(11 h 8 – 11 h 9)

Très bien, veuillez vous asseoir. Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis. Oui, il y en a une autre?

Une voix: ...alternance.

Le Président: L'alternance? Vous voulez absolument présenter votre motion maintenant, M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Boulerice: Oui. Motion sans débat: «Que l'Assemblée nationale félicite le réseau TVA et M. Simon Durivage, présentateur du bulletin d'information, pour son intégrité intellectuelle, puisque ce réseau et M. Durivage ont admis, contrairement à l'opposition officielle, qu'ils ont utilisé des chiffres totalement erronés quant au nombre d'élèves utilisant le Ritalin.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Paradis: M. le Président, si on félicite également tous les intervenants scientifiques qui ont rapporté que les chiffres cités par le ministre des Finances sont faux, à ce moment-là, il y aurait consentement.

Le Président: Alors, puisqu'il n'y a pas consentement, nous allons passer à une autre motion sans préavis. M. le député de Nelligan.

(11 h 10)

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. À cause de l'urgence, je demande le consentement:

«Que l'Assemblée nationale procède à des auditions publiques sur l'état du système de santé au Québec, notamment en ce qui concerne les conséquences des compressions budgétaires et de la réforme du ministre de la Santé sur l'accessibilité et la qualité des services offerts aux Québécois et Québécoises, et qu'à cette fin elle entende les individus et organismes représentant les malades, les infirmiers et infirmières, les médecins, les administrateurs, le personnel de soutien, les professionnels de la santé, les bénévoles;

«Que le gouvernement convoque donc, à compter du 2 juin prochain, la commission des affaires sociales et demande aux individus et aux organismes de transmettre au Secrétariat des commissions leur mémoire au plus tard le lundi 1er juin.»

Je cherche le consentement, M. le Président, à cause de l'urgence dans le système de santé et des services sociaux.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion? Il n'y a pas consentement, M. le député.

M. Williams: Pas de consentement sur le débat sur la santé, ce n'est pas important pour vous.

Le Président: Alors, nous allons aller aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour

S'il n'y a pas de renseignements particuliers, nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vous réfère à l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 427


Adoption du principe

Le Président: Alors, à cet article, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 427, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les organismes municipaux. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Nous avons donc présenté ce projet de loi à l'Assemblée nationale pour en arriver à ajuster certaines dispositions de nos lois en matière de gestion des municipalités au Québec. Donc, c'est une forme de projet de loi qui est assez habituelle puisque, à chaque session, compte tenu du fait que la Loi des cités et villes, le Code municipal et la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ainsi que les lois afférentes, en particulier la Loi sur la fiscalité municipale, eh bien, ce sont en quelque sorte des lois qui encadrent le travail, l'administration des quelque 1 342 municipalités de petite et de grande taille au Québec et qu'en conséquence il est normal que nous soyons appelés, à chacune des sessions, à apporter les ajustements qui, en quelque sorte, nous pourrions dire... pour permettre les ajustements aux constitutions des municipalités, puisque ce grand nombre de gouvernements au niveau local sont appelés à poser des gestes et que nous devons continuellement ajuster la législation pour répondre aux besoins de ces municipalités.

Très brièvement, donc, M. le Président, puisque nous serons appelés, suivant notre processus législatif, à débattre de chacun des articles de ce projet de loi en commission parlementaire, au cours des prochains jours. D'abord, ce projet de loi vise à encadrer et à faire en sorte que les dérogations à l'interdiction de construire en zone inondable puissent se retrouver dans un cadre juridique qui permette aux municipalités d'agir de façon conforme à la loi, c'est-à-dire à ce qui normalement est exigé en termes de dérogation de la part du ministre de l'Environnement et de la Faune et également de la conformité avec la cartographie que nous avons en pareille matière au Québec.

Le cadre législatif municipal comporte un caveat, pourrions-nous dire, qui pose des difficultés pour les municipalités. Et, dans le cadre de ce que nous avons connu l'an passé, il y a quelques mois maintenant, dans la région du Saguenay, nous allons faire en sorte que les pouvoirs dérogatoires de construire en zone inondable soient beaucoup mieux encadrés, M. le Président, pour éviter que nous nous retrouvions dans une situation où, à chaque fois qu'il y a débordement d'un cours d'eau et que les municipalités sont subséquemment appelées à donner des autorisations de construire dans une zone inondable 0-20 ans ou 0-100 ans, eh bien, M. le Président, qu'on soit beaucoup plus sévère, en quelque sorte, à l'égard de toute dérogation possible puisque cela a des conséquences pour nous tous au Québec.

Un autre amendement sera apporté, M. le Président, à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, et ça porte sur un objet extrêmement important compte tenu de la structure de notre population. Un grand nombre de municipalités ont donc des règlements d'urbanisme qui n'autorisent, pour un très grand nombre de quartiers, que la construction de résidences unifamiliales. Le vieillissement de la population, la structure même de notre population , depuis les années quatre-vingt-dix, compte tenu de la structure démographique de la population, du boom des naissances d'après-guerre et donc du vieillissement de la population, pose un besoin tout à fait particulier: c'est la nécessité d'avoir du logement, d'avoir la possibilité que de jeunes couples puissent, par exemple, accueillir dans leur maison, avec un loyer supplémentaire, avec une unité de logement supplémentaire, un parent, oncle, tante, père, mère, de ce degré de parenté.

Or, actuellement, les municipalités ne sont pas autorisées, là où il y a des règlements d'urbanisme en zone résidentielle pour encadrer l'urbanisation, alors on n'a donc pas l'autorisation de donner la permission de développer un logement à l'intérieur d'une unité résidentielle. Nous allons discuter, en commission parlementaire et subséquemment aux autres étapes, ici, de la possibilité d'habiliter les municipalités, d'autoriser, pour certains quartiers résidentiels, le développement d'un logement pour une personne qui serait en lien de parenté avec le propriétaire, de façon à faciliter l'accueil dans l'unité familiale de personnes âgées ou de personnes qui sont à la retraite et pour lesquelles il y a un évident besoin de logement. C'est une bonne modification, M. le Président, puisque nous aurons à nous poser, avec l'opposition, des questions sur la suite des choses en termes de gestion de ces unités dans les quartiers résidentiels et, sans l'ombre d'un doute, nous aurons également des débats importants en commission parlementaire là-dessus.

Un autre article du projet de loi concerne la cession d'immeuble à titre gratuit. Actuellement, les municipalités n'ont pas la possibilité d'acquérir un bien et de le céder à titre gratuit à une commission scolaire, par exemple. Et, en vertu maintenant des politiques de mise en commun, en vertu des politiques de soutien du milieu municipal au développement des équipements collectifs, nous allons autoriser possiblement, à l'aide des articles de ce projet de loi, la possibilité pour les municipalités de ce faire.

Nous allons également autoriser les municipalités à procéder à des travaux visant à faire en sorte qu'il y ait des mécanismes antirefoulement des égouts pour éviter des problèmes lorsqu'il y a des crues d'eau ou des phénomènes similaires et que la municipalité puisse réaliser des travaux et les charger aux propriétaires, éventuellement.

Il en est également du même type d'habilitation que nous voulons confier aux municipalités en termes de possibilité pour que les municipalités puissent procéder à des travaux d'épandage de pesticides afin de limiter la présence d'insectes nuisibles. Il s'est développé des technologies au Québec, M. le Président, qui font en sorte qu'on peut limiter, pour un grand nombre de municipalités, la présence d'insectes nuisibles. Ceci est une bien belle périphrase pour dire que, par exemple, en Abitibi, à Malartic, eh bien la municipalité souhaiterait utiliser un mécanisme d'épandage de pesticides, à l'intérieur de tous les règlements du ministère de l'Environnement et de la Faune, pour qu'il y ait moins de maringouins autour du terrain de camping; ce n'est pas si compliqué que ça, et les municipalités n'ont pas ce pouvoir actuellement de procéder à de tels gestes. C'est la même chose dans d'autres municipalités au Québec qui demandent ce pouvoir d'intervenir, et nous allons leur en donner l'habilitation.

Il y a également, M. le Président, un certain nombre de mécanismes législatifs qui seront assouplis pour favoriser des mises en commun dans les municipalités à l'égard des compétences des municipalités. Une municipalité pourra dorénavant exercer la compétence d'une autre municipalité s'il y a entente, bien sûr, signée entre les deux parties.

Nous allons également baliser les règles à l'égard de l'acquisition de compétences locales par un organisme supramunicipal tel qu'une MRC ou une communauté urbaine, de façon à ce qu'il y ait davantage... tel que nous nous étions engagés, le 23 octobre 1997, à apporter certaines modifications législatives pour faciliter les mises en commun comme forme de rationalisation pour en arriver à la réduction de la production des services municipaux et ainsi éviter, à tout le moins, les hausses de taxes et sinon les réduire substantiellement pour augmenter notre compétitivité.

(11 h 20)

Nous allons également, M. le Président, permettre la construction d'embranchements ferroviaires et la construction d'un centre des congrès par les municipalités; au lieu de procéder à la pièce, nous allons faire une habilitation législative à toutes les municipalités. Nous allons également permettre aux MRC de construire des sociétés en commandite avec Hydro-Québec pour gérer les retombées de la mise en valeur de certains travaux ou de certaines unités de production hydroélectrique. Nous allons également modifier légèrement la question des soumissions publiques pour certains types de contrats dans certaines municipalités, le gouvernement ayant signé des ententes spécifiques... Enfin, le précédent gouvernement, pour être tout à fait juste, avait autorisé une entente spécifique pour l'exploitation des lots intramunicipaux dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue et, subséquemment, pour la mise en valeur de ces lots, si bien que nous devons ajuster quelques éléments de la loi maintenant pour permettre de vivre cette action qui se déroule dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue en particulier.

Nous ajusterons également la législation, M. le Président, pour rendre équitables les mécanismes d'exemption fiscale qui ont été donnés au CN et au CP pour les gares de triage dans la région de Montréal. Maintenant, nous allons rendre l'entente conforme aux intérêts et aux autres cours de triage, pour Via Rail en particulier, dans la région de Montréal.

Au niveau des règles de décision dans les MRC, nous allons apporter de légers ajustements pour que les nouvelles règles ne puissent empêcher les maires de tenir leur réunion lorsque la plus grosse des municipalités n'est pas présente. Nous allons également – et c'est extrêmement important, mais on y reviendra, M. le Président – modifier quatre règles à l'égard du financement des partis politiques et des candidatures à toute élection municipale. Nous allons assujettir la loi sur les référendums et les élections et le financement des candidatures en milieu municipal dans les municipalités de 10 000 à 20 000 personnes, puisque c'était auparavant de 20 000 personnes et plus, et, pour les municipalités de zéro à 10 000, chaque candidat devra faire une déclaration solennelle du coût de sa campagne et d'où il a tiré les fonds pour y arriver.

Nous allons également limiter les cautionnements pour tout parti politique en milieu municipal, et la députée de Terrebonne s'en réjouit plus particulièrement, puisqu'elle est beaucoup intervenue à ce sujet-là auprès des différents corps publics pour qu'un tel encadrement puisse exister. Nous allons également hausser substantiellement les amendes pour les personnes qui contreviendraient à la loi.

Nous allons également, M. le Président – c'est important de le rappeler, je conclus là-dessus – apporter deux amendements importants d'abord à la Loi sur la fiscalité, compte tenu de la décision de la Commission d'accès à l'information et des ententes que nous avons convenues avec l'Association des terrains de camping du Québec. Eh bien, nous allons faire une proposition d'amendement pour faire en sorte que maintenant les propriétaires d'immeuble fixe dans les terrains de camping soient considérés comme tout autre propriétaire d'immeuble fixe, et les propriétaires de terrain de camping n'auront plus à être des agents de perception.

Une voix: Bravo!

M. Trudel: Alors, M. le Président, je veux rappeler que la réjouissance du ministre du Tourisme reflète bien, je pense, la volonté qui a été manifestée et par l'opposition et par les représentants du camping et du caravaning au Québec. Dans ce sens-là, nous pourrons bien sûr compter sur la collaboration de l'opposition pour faire en sorte que tout le monde soit traité avec équité, en termes d'immeubles, mais pas différemment de toute autre personne, de tout autre propriétaire. Il n'y aura donc pas ce que d'aucuns ont appelé de nouvelles taxes pour les campings cet été ou à tout autre moment.

Et finalement nous allons modifier la Loi de la Société d'habitation du Québec pour obliger chaque conseil d'administration d'un office municipal d'habitation – il y en a 630 au Québec – à inclure obligatoirement une personne au minimum représentant les locataires de HLM au conseil d'administration. Vous avez eu ici, M. le Président, un certain nombre de pétitions qui ont été présentées. Là aussi, nous répondons positivement à la demande de l'Association des locataires d'habitations à loyer modique. Il y aura un représentant de ces locataires sur chacun des conseils d'administration des 630 offices municipaux d'habitation qui ont cette responsabilité dans nos municipalités au Québec.

Voilà de quoi il en retourne, M. le Président, pour le projet de loi n° 427. C'est avec un très grand plaisir que nous nous retrouverons en commission parlementaire et que nous aurons à discuter de ces ajustements qui vont faciliter la tâche à nos municipalités au Québec. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Affaires municipales. Nous allons maintenant céder la parole à la critique officielle de l'opposition en la matière, Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir à mon tour sur le projet de loi n° 427. Vous comprendrez que c'est à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales que je le fais. C'est un projet de loi qui modifie, comme l'a dit le ministre, plusieurs dispositions législatives, comme il en est la coutume dans nos différentes sessions ici, à l'Assemblée nationale. Alors, ce projet de loi touche 16 lois. Je n'en ferai pas l'énumération, cependant, puis je ne reprendrai pas l'ensemble des articles. Je pense qu'il sera plus intéressant d'en débattre et d'en découdre au moment de la commission parlementaire. Toutefois, il y a certains articles... je pense que c'est important qu'on puisse relever les objets principaux de ces articles-là.

D'abord, le projet de loi modifie la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme en permettant certaines dérogations à construire en zone inondable et en prévoyant des mécanismes qui ne permettent pas d'obtenir des dérogations pour des raisons de sécurité publique. On se rappellera les événements tragiques qui se sont passés il y a trois ans bientôt dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, et il y en a eu d'autres ailleurs. Je pense qu'il était temps finalement de mettre une fin à ces dérogations mineures qui permettent aux gens d'agrandir des chalets ou de construire sur le bord des cours d'eau ou sur le bord de terrains qui risquent évidemment de glisser. Alors, ce projet de loi vient modifier la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et vient légiférer finalement pour interdire aux municipalités d'utiliser la formule ou la mécanique de la dérogation mineure dans ces cas précis.

Certains seront peut-être surpris de voir qu'on est d'accord, si vous voulez, avec une telle modification alors qu'habituellement on demande davantage d'assouplissement puis de donner davantage d'autonomie aux municipalités, mais je pense que, sur celle-là, c'est important. Il y a des coûts évidemment qui sont inhérents à ces décisions-là, il y a des coûts sociaux, il y a des coûts pour les municipalités. Je pense que c'est important qu'on puisse freiner ces décisions-là.

Le projet de loi permettra également à des municipalités d'acquérir des immeubles pour les céder à titre gratuit pour certaines personnes. On permettra aussi aux municipalités d'obliger un propriétaire d'immeuble à installer un appareil qui sera destiné à réduire les risques de refoulement d'égout.

Le projet de loi permettra à une municipalité locale de conclure une entente avec toute autre municipalité relativement à tout ou partie d'un domaine de leur compétence. Les MRC et les communautés urbaines pourront, elles aussi, déclarer leur compétence à l'égard de tout ou partie d'un domaine sur lequel ont compétence les municipalités locales dont le territoire est compris dans leur territoire, exception faite évidemment des services policiers et de l'imposition des taxes.

Le projet de loi autorisera aussi les municipalités à acquérir, à aménager, à entretenir ou gérer tout embranchement ferroviaire. On se rappellera, M. le Président, que ça a pris peut-être trois ou quatre projets de loi privés pour enfin inclure dans la loi d'ordre général cette disposition. Vous m'en voyez ravie. Peut-être qu'on pourra réduire de façon significative le nombre de projets de loi privés qui arrivent toujours en fin de session, pour pallier évidemment à de la législation d'exception, si vous voulez. Je suis contente de voir que le ministre... Je me souviens d'avoir demandé pourquoi on ne l'incluait pas dans la loi d'ordre général l'année dernière. Je m'aperçois que ce sera fait. Donc, évidemment, on donnera notre appui à cet article-là.

(11 h 30)

M. le Président, j'aimerais plus spécifiquement vous entretenir sur certains articles. L'article 4 vient permettre au propriétaire d'un bâtiment principal de pouvoir, à l'intérieur de son bâtiment, construire, si vous voulez, ou aménager plutôt un appartement pour un membre de la famille. Il devra y avoir un lien de parenté. Je suis tout à fait d'accord avec le ministre lorsqu'il disait, il y a quelques minutes, que, lorsqu'on considère le vieillissement de la population... On sait que les cellules familiales ne sont plus les mêmes qu'elles étaient il y a plusieurs années, et je pense qu'il faut évidemment tenir compte de cette réalité-là. Les femmes aujourd'hui sont de plus en plus sur le marché du travail, et on sait que souvent ce sont elles qui doivent s'occuper davantage d'un parent vieillissant ou d'un parent seul. Alors, je trouve ça intéressant qu'on puisse permettre aux municipalités de réglementer, ou de permettre, pardon, ce type d'aménagement dans la maison principale.

J'ai une question. Par contre, je sais qu'il faut laisser toute liberté, toute autonomie aux municipalités et aux élus municipaux pour voter ce règlement qui permettra aux citoyens de se prévaloir de cette disposition-là. Je m'interroge, par contre, sur ce qui arrivera au logement par la suite, si la personne décède ou quitte. Je m'interroge également sur la marge de manoeuvre qu'auront les municipalités. Puis je ne veux surtout pas prétendre qu'il n'y a pas de bonne foi là-dedans, mais je mets en garde le ministre à l'égard de ceci.

C'est que, si dans un quartier donné – c'est hypothétique, j'en conviens – au bout de 10 ans, il y a plusieurs de ces appartements-là qui se sont aménagés dans les bâtiments principaux et que les gens ont quitté, quelles mesures pourront prendre les élus municipaux pour s'assurer que ce ne sont pas des logements qui sont loués à des tiers, à des gens qui n'ont absolument aucun lien de parenté avec les propriétaires? Il y a aussi toute la question du propriétaire qui vend à quelqu'un d'autre. Est-ce qu'il ne verrait pas, dans le fait qu'il y a un appartement d'aménagé, cette possibilité, pour lui ou elle, de pouvoir louer le logement à quelqu'un d'autre?

Il ne faudrait pas non plus que cette disposition vienne permettre aux élus municipaux de contourner finalement la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ou leur propre règlement de zonage pour, enfin, faire indirectement ce qu'ils n'oseraient peut-être pas faire dans le cadre d'un aménagement au règlement de zonage.

Et je tiens à préciser, M. le Président, qu'il n'est pas question, dans mon esprit, que les gens fassent preuve de mauvaise foi. Vous conviendrez avec moi que, depuis que j'occupe ces fonctions, j'ai toujours défendu le citoyen. Et je pense que, en matière d'aménagement et d'urbanisme, quand on parle de disposition comme celle-là, il faudra que les citoyens soient très conscients de ce que ça implique, il faudra que les citoyens soient conscients que c'est temporaire.

Donc, ils devront accepter que ces aménagements-là se fassent et devront aussi être vigilants pour s'assurer que leur quartier, qui est un quartier résidentiel unifamilial, ne devienne pas quelque part au bout de 20 ans ou 15 ans, vous savez comme moi que c'est vite passé... qu'on ne se réveille pas un jour pour s'apercevoir que, dans deux maisons sur trois dans un quartier x, on se ramasse avec du locatif dans la maison unifamiliale. Alors, je saurai, je vous le promets, M. le Président, revenir à la charge là-dessus avec le ministre, en commission parlementaire.

Il faut aussi se rappeler qu'il y a quelques années le gouvernement avait autorisé des projets-pilotes. On appelait ça, je pense, des pavillons jardins. Alors, à ne pas confondre avec cette notion de pavillon jardin où les gens pouvaient aménager un bâtiment secondaire, un appartement pour les parents vieillissants mais qui devait évidemment disparaître au moment où les parents quittaient ce pavillon-là ou cette nouvelle demeure là.

Mais, dans l'ensemble, je pense que c'est une bonne disposition et je pense que c'est tenir compte aussi de la réalité, du vieillissement de notre population, de nos parents qui sont seuls. Et c'est peut-être plus facile, finalement, pour les familles de voir leur famille, de pouvoir s'en occuper. Alors, moi, je ne peux pas être contre ce type d'article là, mais je pense qu'il faudra qu'il y ait, en tout cas, certaines balises qui soient mises en place ou s'assurer que les municipalités pourront en mettre en place.

Il y a l'article 7, qui vient retoucher ou remodeler un petit peu la mécanique de prise de décision dans les MRC. On se rappellera, M. le Président, du long débat qu'on a eu à l'automne dernier, dans le cadre du projet de loi n° 175. C'est sûr que ça n'a pas fait l'affaire de tout le monde, la décision qui a été prise à ce moment-là. Par contre, je pense que tout le monde a tenté de rallier toutes les tendances en ce qui a trait à la mécanique de prise de décision dans les MRC.

Alors, on se rappellera que c'est à la double majorité, et de la population et des voix exprimées, que les décisions se prennent maintenant dans les MRC. Toutefois, on s'est aperçu qu'il y avait des municipalités qui étaient lésées, certaines plus grandes municipalités. Je pense entre autres à la ville de Sherbrooke qui, si elle n'était pas présente – il y en a d'autres, mais je prends cet exemple-là – à la réunion de la MRC, pouvait se voir imposer une décision à laquelle non seulement elle n'avait pas participé, mais elle n'en avait même pas discuté.

Alors, on introduit ici une disposition, et je vous la lis, qui dit ceci: «Pour qu'une décision positive soit prise par le conseil, les voix exprimées – donc, le pourcentage de voix – doivent être majoritairement positives et le total des populations attribuées aux représentants qui ont exprimé des voix positives doit équivaloir à plus de la moitié du total des populations attribuées aux représentants qui ont voté.»

Donc, les gens doivent être présents. Et c'est à cette double majorité là que les décisions seront prises. Toutefois, j'ai une inquiétude, et c'est celle où on n'a pas touché à la question des éléments qui pourraient être soulevés lors d'une rencontre où la plus grande des municipalités est absente, pour toutes sortes de raisons, et qui feraient en sorte que ces municipalités-là pourraient peut-être se faire avoir.

J'ai une suggestion pour le ministre. Je n'ai aucune idée si ça a été discuté dans le caucus, mais la suggestion serait la suivante. C'est que les règles qui sont applicables lors des séances spéciales du conseil de la MRC... Vous savez, M. le Président, vous avez déjà été maire de votre municipalité, alors c'est les mêmes règles qui s'appliquent: uniquement les sujets qui sont à l'ordre du jour peuvent être discutés. Il n'y a pas de varia, et les gens ne discutent que sur ce qui est sur l'ordre du jour.

Alors, je voudrais proposer qu'on en débatte lors de la commission parlementaire, lors de l'étude article par article, qu'on ajoute finalement une disposition où, en l'absence de la plus grande des villes, qu'il n'y ait pas de varia, que le varia ne soit pas ouvert. Donc, la municipalité qui serait absente, pour toutes sortes de raisons, serait certaine qu'on n'ajouterait pas des éléments où il y a des décisions qui se prendraient qui iraient à l'encontre des intérêts de cette municipalité-là.

Il y a également, M. le Président, d'autres dispositions que l'on retrouve dans le projet de loi. Le ministre en a fait longuement état. Moi, j'aimerais vous entretenir d'un article qui touche le financement des partis politiques, au niveau local évidemment, et qui touche les municipalités de 10 000 à 20 000 personnes.

Je vais vous dire que je pense qu'il était temps qu'on introduise une disposition comme celle-là. Je sais, M. le Président, que c'est sous votre gouvernement, le gouvernement de 1976, qu'on a introduit la Loi sur le financement des partis politiques pour les députés provinciaux. Lorsque le Parti libéral était au pouvoir – je pense que ma date est bonne, 1987 – le gouvernement du Parti libéral avait décidé d'assujettir les municipalités de 20 000 et plus à la Loi sur le financement des partis politiques, donc tous les candidats et les candidates devaient s'y astreindre. Donc, beaucoup de transparence. Il y a eu quelques petites coches mal taillées – qui n'en a pas – mais, en général, c'est une loi qui a très bien fonctionné.

On retrouve aujourd'hui dans le projet de loi des dispositions qui touchent les municipalités de 10 000 à 20 000. Moi, j'aurais aimé qu'on aille de 5 000 à 20 000, mais disons que le 10 000 à 20 000, je vais m'en satisfaire. Je pense qu'il est temps finalement qu'on assujettisse tous les candidats et les candidates, de quelque niveau que ce soit, à la Loi sur le financement des partis politiques. Davantage de transparence.

(11 h 40)

On sait qu'il y a des endroits où il s'est passé des choses absolument inacceptables. Des candidats et des candidates pouvaient ramasser des montants très importants sans jamais rendre compte à qui que ce soit des contributions qui avaient été faites.

Je pense aussi que ça va nous aider beaucoup en ce qui a trait au degré de confiance que les gens ont à l'égard des élus. Ce n'est déjà pas facile, on est déjà très loin en bas de l'échelle, mais les élus municipaux sont aussi soumis à ces critiques souvent qui sont très acerbes, qui sont injustifiées, parce que certains exagèrent. Alors, à mon point de vue, je pense que c'est une excellente disposition.

Je veux signaler, par contre, que ça va signifier des coûts à la municipalité. La municipalité devra rembourser une partie des dépenses, comme ça se fait évidemment pour tout autre parti politique – les 20 000 et plus. Mais, moi, si j'étais encore mairesse de ma ville, j'aimerais mieux payer les dépenses électorales que de payer la facture du ministre Trudel, ça m'aurait coûté moins cher. Vous me permettez, M. le ministre, de m'exprimer comme ça, parce que la facture de 800 000 $ à la municipalité est certainement de beaucoup supérieure à ce que pourra coûter le remboursement des élections municipales dans une ville comme la nôtre ou dans d'autres villes du Québec.

J'aurais aimé que ce projet de loi tienne compte d'autres demandes qui avaient été faites par les Unions. Le ministre nous a souvent signalé qu'il fallait assouplir davantage les contrôles. On n'en retrouve pas beaucoup là-dedans. Il y a de nombreux articles de concordance. Toutefois, je pense que les éléments qui sont là sont suffisamment positifs.

Le ministre vient de nous apprendre, lors de son discours, qu'il va introduire un amendement à la loi pour, je dirais presque, faire marche arrière en ce qui concerne les terrains de camping et les propriétaires de terrain de camping. Je vous avoue que, lors de l'adoption d'un article dans le projet de loi n° 175 où il a été question... D'ailleurs, ça a été adopté, M. le Président.

Je fais ici référence à un article qui, à l'époque, faisait en sorte que les municipalités devaient évaluer chaque unité de roulotte qui était sur un terrain de camping et devaient évidemment courir après le propriétaire pour se faire payer ces taxes. Lorsque le ministre nous a présenté l'amendement, au mois de décembre dernier, il nous l'a présenté dans la perspective où les municipalités avaient énormément de difficultés à aller chercher ces taxes, à prélever les taxes. Donc, dans sa grande sagesse, il avait proposé que ce soient les propriétaires de terrain de camping qui, eux, courent après leurs locataires.

Ayant déjà porté un chapeau de mairesse, moi aussi, je suis obligée de faire un mea culpa. On avait voté en faveur de cet amendement-là, pour s'apercevoir après qu'il y avait un problème. Les propriétaires de terrain de camping se voyaient lésés. Par contre, à ce moment-là on n'a pas eu de consultation avec ces gens-là, donc on ne savait pas que ça causait un problème. Alors, s'il dépose son amendement – évidemment, je n'ai pas vu l'amendement – dans le sens qui est demandé par l'Association des propriétaires de terrain de camping, on donnera notre accord à cet amendement-là.

Alors, M. le Président, ça conclut mes notes sur l'adoption du principe. Nous allons voter en faveur de ce projet de loi là, en faveur du projet de loi tel que présenté, évidemment. S'il y a d'autres amendements qui sont proposés, bien, on verra en temps et lieu s'il y a lieu de revenir sur notre décision. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 427? M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique en vertu de 216? Non?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 427, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les organismes municipaux, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Boulerice: Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous demande de vous référer à l'article 11 de notre feuilleton pour le projet de loi n° 440.


Projet de loi n° 440


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 11 de votre feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 440, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale. Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 440? M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Oui, effectivement, donc une brève présentation d'un projet de loi en apparence et aussi sur le fond très technique, mais qui correspond à un résultat, nous allons dire, historique d'une entente entre les professionnels affectés à l'évaluation municipale au Québec et tous ceux et celles qui sont concernés par l'évaluation d'une catégorie d'immeubles au Québec ou ailleurs qui s'appellent les immeubles à vocation unique. Nous allons proposer et nous proposons un projet de loi qui va fixer les éléments uniformes qui vont permettre maintenant de procéder à l'évaluation de la valeur marchande des immeubles à vocation unique de nature institutionnelle ou industrielle.

M. le Président, il y a une immense divergence qui subsiste depuis au moins 20 ans, c'est-à-dire en termes de procédés, en termes de méthodes, en termes de critères, d'éléments de référence pour évaluer, donner la juste valeur marchande à un immeuble à vocation unique dans le domaine institutionnel ou industriel. La périphrase pour décrire ce type d'édifice, ce type de bien, eh bien, nous donne tout de suite la difficulté. On n'a pas de base de comparaison, c'est un immeuble à vocation unique. Alors, pour fixer la valeur marchande de cet édifice, de cet immeuble, de ce terrain, de ce bien pour les fins de taxation municipale, on a d'énormes difficultés lorsqu'on veut fixer la réelle valeur marchande, la valeur juste au marché et aussi, en termes d'équité, donc, la valeur juste pour le paiement des taxes à la municipalité qui a à porter cet édifice à son rôle d'évaluation.

Nous avons, en décembre 1996, adopté ici, à l'Assemblée nationale, une loi qui nous permettait d'adopter un règlement qui fixerait les critères d'évaluation de tels immeubles. Mais, avant d'adopter ce règlement, nous avons mis sur pied un comité composé des représentants des professionnels de l'évaluation au Québec, de l'évaluation en milieu municipal, des partenaires du milieu industriel et du milieu institutionnel, des partenaires évidemment du gouvernement, et nous en sommes arrivés – brièvement, M. le Président – à une entente historique. Nous avons convenu de la façon dont nous allons pouvoir procéder, en fixant une méthode et des points de référence qui seront uniformément appliqués à travers une réglementation, en matière d'évaluation des immeubles à vocation unique dans le domaine institutionnel et industriel.

Je répète souvent, M. le Président, «les immeubles à vocation unique dans le domaine industriel et institutionnel» parce que cela exclut une catégorie d'immeubles ou d'édifices à vocation unique: les édifices à vocation commerciale qui ont aussi parfois un caractère d'unicité ou un caractère unique. Je le mentionne nommément parce qu'il s'est glissé une certaine confusion. Par exemple, beaucoup de personnes ont interprété... Et c'est la belle occasion de le répéter ici à nouveau: Cela n'inclut pas le Centre Molson à la ville de Montréal, puisqu'il s'agit d'un immeuble à vocation unique de nature commerciale.

La loi que nous allons adopter, les critères de référence, les éléments, les principes sur lesquels nous allons nous appuyer dorénavant uniformément à travers le Québec et devant les tribunaux pour fixer la valeur marchande des immeubles à vocation unique, ça concerne les immeubles à vocation unique qui ont une vocation industrielle ou une vocation institutionnelle et ça ne comprend pas des immeubles à vocation unique à vocation commerciale comme, par exemple, le Centre Molson, à Montréal. La méthode que nous allons adopter ne touche pas ce type d'édifice, que ce soit bien compris, que ce soit très clair.

(11 h 50)

Alors, M. le Président, nous aurons en commission parlementaire non seulement à étudier article par article ce projet de loi qui va fixer les éléments de référence pour l'évaluation de ces immeubles, mais également, par incidence, nous serons appelés à discuter les deux projets de règlement qui vont accompagner l'adoption de cette loi subséquemment, et dans un temps extrêmement court, et ce nouveau règlement qui va prescrire que la méthode du coût doit être utilisée, que le coût neuf des constructions est établi en tenant compte de la dimension extérieure exacte de la bâtisse, que le coût neuf tient compte des matériaux et des techniques utilisés couramment et qu'une dépréciation doit être soustraite pour tenir compte de toute différence significative entre les espaces considérés.

M. le Président, c'est très technique. Cependant, c'est d'une extrême importance pour les municipalités de grande taille, en particulier, qui recèlent beaucoup d'édifices à vocation unique dans le domaine institutionnel ou dans le domaine industriel. Et enfin, M. le Président, enfin nous aurons une méthode unique, également, pour fixer cette valeur. Les contestations qui pourraient se retrouver éventuellement devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière, au Tribunal administratif du Québec ou encore en Cour du Québec ou en Cour d'appel, eh bien, les critères pour l'appréciation, pour les jugements à rendre seront uniformément appliqués à travers tout le Québec. Et ça va nous simplifier de beaucoup la vie et surtout, surtout, permettre davantage d'équité, davantage de justice et pour les municipalités et aussi pour les propriétaires de ces immeubles à vocation unique.

M. le Président, avant de terminer cette présentation générale, une précision également. Cette loi sur l'évaluation des immeubles à vocation unique dans le domaine institutionnel et industriel n'a pas pour objet de modifier l'article 65 de notre Loi sur la fiscalité municipale. L'article 65, qui a été adopté il y a plusieurs années, indique que, dans le domaine industriel, ne sont pas portés au rôle les immeubles suivants: une machine, un appareil et leurs accessoires, autres que ceux d'une raffinerie de pétrole, qui sont utilisés ou destinés à des fins de production industrielle ou d'exploitation agricole. Ce qui signifie que la loi n'a aucun objet en termes de modification de l'article 65, qui n'autorise pas les municipalités à porter au rôle les appareils ou le matériel de production d'une entreprise.

M. le Président, je le mentionne ici, parce que là aussi, en pareille matière hautement technique sur le plan administratif, d'aucuns ont indiqué que cela aurait peut-être pour objet de modifier l'article 65 de la Loi sur la fiscalité municipale et d'inclure la machinerie de production industrielle dans les biens évaluables et donc taxables. Ce n'est pas le cas, ce n'est pas l'objet du débat, c'est plutôt la fixation de la méthode pour l'évaluation des immeubles à vocation unique. Et, avec l'entente historique que nous avons conclue suite au travail du comité O'Bready, je suis bien confiant, M. le Président, qu'à compter du mois prochain, eh bien, les évaluateurs agréés du Québec, les municipalités pourront procéder avec enfin une seule méthode et réduire aussi de façon substantielle ce que d'aucuns ont appelé «l'industrie de la contestation» en pareille matière. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre des Affaires municipales. Nous allons maintenant céder la parole à la critique officielle de l'opposition en la matière, Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, nouvelle intervention sur le projet de loi n° 440, qui modifie la Loi sur la fiscalité municipale. Ce projet de loi modifie, comme je l'ai mentionné, la Loi sur la fiscalité municipale afin de favoriser les échanges et les discussions entre le propriétaire d'un immeuble à vocation unique, ou si vous préférez l'expression «un bâtiment sans marché», donc un bâtiment de nature industrielle, de nature institutionnelle, de favoriser, donc, les échanges et les discussions entre l'évaluateur et le propriétaire, l'évaluateur évidemment de l'organisme municipal qui a le mandat de faire l'évaluation du bâtiment.

Cette nouvelle pratique rencontre, M. le Président, un consensus qui a été établi lors des rencontres présidées par M. Jacques O'Bready qui avait été nommé par le ministre pour justement essayer de trouver une solution à ce problème qui existe depuis fort longtemps, j'en conviens. Le consensus existe. Ça n'a pas été facile, il est vrai, parce qu'il y avait beaucoup de...

Vous savez, c'est très technique, l'évaluation. Et toutes les mécaniques qui ont été mises en place depuis plusieurs années pour s'assurer que ce soit équitable pour tout le monde, qu'on pense au niveau résidentiel ou commercial... Les règles sont les mêmes pour tout le monde, à très peu de choses près, et les gens vivent bien avec ça. Quand on dit qu'on est évalué selon la valeur marchande, tout le monde comprend que, si la maison à côté de chez vous est vendue à un prix x, bien cette maison-là vient changer, des fois, le cours de la valeur des maisons voisines, mais en autant que c'est la valeur marchande et non pas une valeur qui retourne à trois, quatre ans ou 10 ans en arrière.

Le problème que vivaient les évaluateurs et les municipalités, parce que les municipalités étaient évidemment très pénalisées par ça, c'est que les bâtiments à vocation unique étaient très difficiles à évaluer, et, une fois qu'ils étaient évalués par l'évaluateur, bien les municipalités comptaient évidemment sur ces revenus-là, puisque les revenus des municipalités proviennent des taxes qui sont prélevées sur les valeurs, et évidemment les propriétaires les contestaient.

Ce que le projet de loi vient faire, si j'ai bien compris, c'est qu'il vient établir des règles qui sont équitables pour tout le monde. Fini les normes qui sont appliquées en Suède, ou aux États-Unis, ou ailleurs. Le règlement qui existe, c'est-à-dire le manuel technique qui existe ici, au ministère, dans lequel on aura intégré le fruit évidemment du consensus établi par le comité de M. O'Bready, celui-là sera l'unique manuel qui prévaudra lorsqu'il sera question d'évaluer ces bâtiments-là.

Alors, ce qui est intéressant, c'est que ça deviendra très équitable. Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il pourra y avoir des rencontres entre l'évaluateur et le propriétaire, pas la veille du dépôt du rôle, mais six mois avant le propriétaire pourra recevoir un avis écrit l'informant finalement de ce que vaut sa bâtisse. Il pourra aussi, par écrit, demander une rencontre avec l'évaluateur qui pourra lui expliquer pourquoi son bâtiment vaut tant plutôt que tant. Ça, c'est une pratique qui sera très intéressante et qui permettra davantage d'échanges, peut-être un peu moins de contestations.

Il y a aussi l'article 3 qui va faire en sorte, comme j'ai mentionné tout à l'heure, que les évaluateurs devront se soumettre aux mêmes règles et utiliser les mêmes règles, la même mécanique pour l'évaluation des bâtiments. Il est certain que, si on veut évaluer l'usine de Bécancour ou une autre, Alouette ou Glaverbec ici, dans la région de Québec, il n'y en a pas deux, ou trois, ou quatre avec lesquelles on pourra faire des comparaisons. Il n'y en a qu'une seule, et c'est l'unique bâtiment qui est là. Les évaluateurs pourront décrire évidemment le bâtiment, le définir et, ensuite, faire leur évaluation.

Ce que je voulais soulever, M. le Président, à l'égard de ces bâtiments uniques là, c'est que non seulement on en est venu à un consensus qui n'a pas été facile à atteindre, mais je pense qu'il faut retenir toute la question d'équité.

(12 heures)

Le dernier élément que je veux soulever, c'est que malheureusement ce projet de loi là ne répond pas à l'ensemble de la problématique. On aurait souhaité avoir un peu plus qu'un petit pas dans la bonne direction. Ça ne vient pas régler toute l'industrie de la contestation. Et le fait que le gouvernement lui-même conteste l'évaluation de ses propres bâtiments, alors, ça, j'aimerais ça que le ministre commence à regarder ça, parce que ça cause des problèmes évidemment aux municipalités. Les municipalités sont tenues de rembourser des taxes qu'elles ont prélevées.

Ça ne règle pas non plus toute la question du mobilier qui n'est pas amovible. Je pense à l'Université Laval où il y a, entre autres, de l'équipement scientifique. Je veux dire, vous ne partez pas... Si l'Université Laval est évaluée, on ne peut pas ne pas évaluer les laboratoires de chimie avec tout l'équipement qui est là. Ça, ça ne règle pas ça. On souhaiterait que, évidemment, dans un autre projet de loi, on puisse retrouver des éléments comme ceux-là. Par contre, nous allons donner notre appui au projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Jean-Talon. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants qui veulent s'adresser sur l'adoption du principe du projet de loi n° 440? M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 440, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Merci. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, nous souhaitons revenir au projet de loi n° 188, donc article 4 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 188


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 4 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 28 mai 1998, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers. Lors de l'ajournement, hier soir, M. le député de Verdun avait effectivement terminé son intervention. Alors, je serais prêt maintenant à céder la parole au député de d'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: M. le Président, il me fait plaisir de prendre la parole devant cette Assemblée aujourd'hui pour faire connaître ma position sur le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, et ce, en ma qualité de porte-parole de l'opposition officielle en matière de protection du consommateur.

Premièrement, je vous dirai que mon but aujourd'hui est de tenter de convaincre le gouvernement de ne pas adopter le projet de loi tel que formulé, parce que ce serait une grave erreur. Et j'ai bien l'intention de vous en donner la preuve, M. le Président.

En premier lieu, il faut savoir que nous avons devant nous un projet de loi dont l'intention avouée est de permettre et faciliter la vente de produits d'assurance sans l'intermédiaire de personnes responsables, formées et compétentes. En faisant cela, le gouvernement s'imagine que le consommateur sera mieux servi s'il peut aller à la caisse populaire de son quartier pour se procurer une assurance. Pourtant, il devrait savoir que le législateur permet, et cela depuis quelques années déjà, la vente de produits d'assurance sans représentant chez les concessionnaires d'automobiles, dans les banques et les caisses, pour ce qui est d'assurance accessoire aux cartes de crédit, aux voyages à l'étranger et aux paiements hypothécaires.

En faisant cela, M. le Président, le législateur était animé des mêmes intentions qu'aujourd'hui, persuadé que, comme cela est le cas du gouvernement actuel, le consommateur y trouverait son compte grâce à des méthodes de vente plus pratiques et à un surcroît de concurrence. Avec le recul et après plusieurs années de ce régime, force nous est maintenant de constater que le consommateur y a souvent perdu au change.

On s'aperçoit maintenant à quel point la compétence et la responsabilité professionnelle de ceux qui conseillaient le consommateur sont des éléments essentiels quand il s'agit de produits d'assurance des personnes. Il faut tirer expérience de ce que le passé nous apprend et corriger immédiatement ce projet de loi qui laisse la porte grande ouverte aux abus de toutes sortes.

Je reviendrai plus loin, M. le Président, sur les correctifs urgents à apporter au projet de loi pour justement éviter ces abus, mais j'aimerais d'abord examiner avec vous la manière dont les institutions de dépôts se sont acquittées de leurs obligations envers les consommateurs au cours des dernières années, depuis qu'elles peuvent vendre de l'assurance.

Prenons le cas de l'assurance-hypothèque. Disons, par exemple, que vous voulez faire l'acquisition d'une maison pour y élever votre famille et que vous avez trouvé enfin la maison de vos rêves. Vous prenez donc rendez-vous avec le représentant de votre banque ou de votre caisse populaire pour obtenir un prêt hypothécaire. On vous propose alors une police d'assurance en vous expliquant brièvement que, en réglant ces primes mensuelles, vous pourrez dormir l'esprit tranquille parce que l'assureur prendra en charge les paiements hypothécaires si vous décédez ou devenez invalide. Dans la très grande majorité des cas, on ne vous expliquera pas les termes et conditions de votre police et encore moins les nombreux cas d'exception et d'exclusion inscrits en petits caractères dans le contrat. Ce qui est clair, cependant, c'est qu'on commencera dans les plus brefs délais à prélever de votre compte bancaire le montant des primes mensuelles. Bref, vous avez maintenant entre les mains un document signé, vous payez vos paiements d'hypothèque, auxquels on ajoute le montant de la prime d'assurance, et vous croyez que vous êtes assuré, et c'est bien normal que vous pensiez cela. Mais, dans le domaine de l'assurance-hypothèque, les choses ne se passent pas toujours aussi facilement.

Pour vous donner un exemple concret, laissez-moi vous raconter l'histoire de cette dame de la banlieue de Montréal qui s'est prévalue d'une assurance-invalidité sur l'hypothèque qu'elle avait contractée en mai 1991 à la Caisse populaire de Sainte-Anne-des-Plaines. Madame se rend donc à cette institution financière et rencontre l'employé qui s'occupe de son dossier. Celui-ci, dont l'objectif premier est d'obtenir la créance hypothécaire, est peu ou pas du tout formé en matière d'assurance-vie et encore moins sur la façon de la vendre; mais, après tout, l'assurance n'est qu'un accessoire dans tout cela.

L'employé de la Caisse questionne tout de même madame sur son état de santé et son honnêteté. Celle-ci signale que son médecin lui a fait part récemment de problèmes de pression artérielle. Six mois plus tard, après avoir payé des primes pendant toute cette période, madame est victime d'un accident cardiovasculaire et se retrouve totalement paralysée du côté gauche, ce qui la force à quitter son emploi. Heureusement, se dit-elle, elle a eu la prévoyance de contracter une police d'assurance-invalidité sur son hypothèque. Elle ne recouvrera peut-être jamais la santé, elle ne marchera sans doute plus jamais, mais au moins elle gardera sa maison. Elle fait donc parvenir sa réclamation à la société Assurance vie Desjardins-Laurentienne.

C'est alors que la compagnie d'assurances lui envoie une lettre l'informant qu'elle a été déclarée non assurable, et sans l'informer préalablement. Assurance vie Desjardins-Laurentienne verse directement sur son compte un remboursement égal aux primes payées jusqu'à maintenant. Lorsque madame entreprend des démarches pour savoir ce qui s'est passé, elle apprend deux choses. La première, c'est que la compagnie d'assurances ne fait la vérification de l'assurabilité d'un client qu'au moment d'une réclamation et, deuxièmement, qu'elle s'est vu refuser cette réclamation, basé sur le fait qu'elle n'a jamais fait remplir par son médecin un formulaire d'assurabilité prévu aux dispositions du contrat. Or, ce formulaire, la Caisse populaire ne le lui a jamais remis. Madame se trouve donc victime d'un produit mal conçu, vendu par une personne dont la formation et la compétence sont déficientes, et, si elle veut tenter d'obtenir justice et de faire valoir ses droits contre une pratique souvent abusive et arbitraire, son seul recours serait de faire appel à l'appareil judiciaire. Il s'agirait, comme vous pouvez vous en douter, d'une démarche qui serait très longue, très coûteuse et pénible, où le consommateur serait seul pour affronter le contentieux des grandes institutions financières dans une lutte qui, vous en conviendrez, M. le Président, est inégale. C'est pourquoi, dans beaucoup de cas, le consommateur refuse de s'engager dans ce processus judiciaire.

(12 h 10)

Je vous dirai d'ailleurs à ce sujet, M. le Président, que c'est une tactique d'intimidation des institutions financières de refuser systématiquement toute réclamation, forçant ainsi le consommateur à les poursuivre et comptant sur le grand nombre qui y renonce pour éviter ainsi d'avoir à les payer.

Ce qui est au coeur du problème, M. le Président, c'est que la personne qui vend ces produits d'assurance dans une institution de dépôts pose, dans les faits, les mêmes actes professionnels que l'intermédiaire en assurance de personnes, sauf qu'elle n'est soumise à aucune des exigences auxquelles ce dernier doit faire face en matière de formation, de responsabilité professionnelle, d'éthique et de connaissance du produit et des règles qui en régissent la vente.

C'est dans l'existence de ce régime de deux poids deux mesures que se glissent les conséquences les plus tragiques pour le consommateur. Je vous le répète, M. le Président, il ne s'agit pas de cas isolés; il y a au Québec des centaines de cas comme celui-là.

M. le Président, l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec a d'ailleurs mandaté un comité spécial pour faire enquête sur tous ces dossiers nébuleux. Il en ressort que, dans les dossiers qui se retrouvent devant les tribunaux des palais de justice de Montréal et de Québec, il est apporté très régulièrement en preuve que les préposés qui interviennent dans les ventes d'assurance hypothécaire jouent auprès des emprunteurs hypothécaires le même rôle qu'un agent en assurance, tel qu'il était défini dans la loi n° 134. Il pose un acte professionnel identique, porteur de responsabilités aussi grandes. Les erreurs des préposés, leurs omissions et leurs avis sont souvent au coeur des litiges qui se retrouvent en cour, comme le démontre l'étude que je viens de vous mentionner.

M. le Président, d'ailleurs, les principales sources de litiges observées par ces auteurs sont, entre autres, des formulaires remplis par le préposé lui-même, parfois même en l'absence du client, de mauvaises indications et de mauvais conseils quant à la déclaration, négligence dans le traitement des formulaires d'adhésion et des manquements au devoir d'analyse et de prise de renseignements.

M. le Président, c'est très grave. Le ministre responsable, le député de Verchères, est venu lui-même rappeler, au tout début des travaux de la dernière commission parlementaire touchant ce dossier, que les députés des deux côtés de la Chambre avaient convenu, en 1996, que la responsabilisation directe des individus impliqués dans la distribution des produits d'assurance constituait la meilleure des formes de protection pour le consommateur. Alors, pourquoi est-ce que le projet de loi devant nous ne reflète pas ces faits?

Il est encore temps pour le député de Verchères de reconnaître le consensus exprimé par le rapport Baril et de resserrer considérablement les exigences professionnelles auxquelles doivent être tenus ceux qui sollicitent la confiance des gens pour la vente de produits aussi complexes et importants, que ces produits soient vendus seuls ou afférents à un bien, qu'ils soient vendus dans une banque, une caisse populaire, par un agent ou un courtier d'assurances de personnes. Nos concitoyens, M. le Président, ne pourront profiter des avantages du décloisonnement du marché d'assurance si l'on ne peut pas leur garantir un produit financier comparable, peu importe auprès de qui ils en feront l'achat.

Or, M. le Président, si le législateur donne sa caution, comme il semble sur le point de le faire, à un régime injuste où certains consommateurs, faisant affaire avec des personnes qualifiées et certifiées, bénéficient d'une protection très étendue alors que d'autres, faisant affaire avec des personnes non qualifiées et non certifiées, ne bénéficient que d'une fraction de cette protection, eh bien, on va assister à la création de deux catégories de consommateurs, chacun avec des droits et des recours bien différents.

En négligeant d'établir des règles du jeu claires et uniformes pour tout le monde, en détruisant et marginalisant un système de responsabilité professionnelle qui a fait ses preuves dans la prévention des abus, le député de Verchères place les consommateurs dans une position extrêmement vulnérable face aux seuls intérêts commerciaux de l'industrie financière.

De plus, M. le Président, je pourrais me pencher longuement sur les carences, voire même les caractères parfois contraires au Code civil du produit d'assurance-hypothèque en tant que tel. Nous pourrions évoquer, entre autres, le fait que la police ne soit pas transférable à une autre institution prêteuse, dans la plupart des cas, et que la protection offerte est souvent inadéquate ou inutile selon la couverture d'assurance dont le client profite déjà. Je me limiterai, M. le Président, aux carences de l'encadrement professionnel, ces soi-disant encadrements maison qui ne font pas adéquatement le travail quand il s'agit de protéger le consommateur. Il faut à tout prix que le député de Verchères corrige cette pratique.

En agissant ainsi, M. le Président, on permettra au consommateur qui souscrit, par exemple, une assurance hypothécaire d'avoir les mêmes recours que celui qui transige avec un intermédiaire en assurance de personnes dûment qualifié et reconnu, et qui incluent le droit à l'information et le droit de déposer une plainte. Il me semble que ce serait la moindre des choses qu'un consommateur qui s'estime lésé puisse en tout temps obtenir des informations sur le dossier disciplinaire de son conseiller de même que se faire expliquer les obligations éthiques auxquelles le conseiller est tenu de se conformer. S'il s'estime victime d'un manque d'éthique, le consommateur pourrait alors déposer une plainte afin que l'on démarre une enquête.

M. le Président, vous pourriez penser qu'il ne s'agit là que du sens commun, qu'une telle façon de faire va de soi quand on a affaire aux services d'un professionnel. Pourtant, il n'en est rien dans le cas de l'assurance-hypothèque. Il n'en sera rien non plus dans le cas de toute une variété d'assurances individuelles si le député de Verchères et son gouvernement n'y prennent garde.

En terminant, M. le Président, sachez que la situation que je viens de vous décrire dans le domaine de l'assurance-hypothèque se retrouve aussi, comme mes collègues vous le diront sans doute, en matière d'assurance offerte avec les cartes de crédit, d'assurance-crédit automobile ou encore d'assurance-voyage. En fait, on retrouve ces situations inacceptables et tragiques dans tous les domaines où des produits d'assurance sont vendus sans intermédiaire qualifié et sans encadrement professionnel. Tous les consommateurs peuvent en être victimes à un moment ou à un autre. C'est très sérieux. Il faut y mettre un terme, et c'est maintenant l'occasion de le faire en exigeant des règles modernes et souples, certes, mais les mêmes règles pour tous les acteurs de l'industrie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 188, tel que proposé par le député de Verchères et vice-premier ministre du Québec, aura des répercussions majeures dans l'industrie des produits et services financiers et, par le fait même, sur l'ensemble de la population. Au-delà des règles de distribution des produits, c'est la sécurité financière des Québécois et des Québécoises qui est en jeu et la confiance qu'ils peuvent avoir envers les institutions financières et toute l'industrie. Il ne faudrait donc pas sous-estimer, M. le Président, l'importance de ce dossier.

En tant que députés, nous avons un rôle fondamental à jouer dans l'adoption des législations. C'est justement parce que je prends mon rôle de député à coeur que je questionne sérieusement l'opportunité et la pertinence d'adopter le projet de loi n° 188 tel qu'on le voit présentement. Pour le bénéfice de la population québécoise, si on veut continuer à lui assurer un régime de protection adéquat, ce projet de loi là ne devrait pas être adopté.

(12 h 20)

Depuis son dépôt et surtout au cours des dernières semaines qui se sont écoulées, il y a un thème qui est souvent revenu à mes oreilles. En effet, on a beaucoup parlé de professionnalisme, de recul professionnel. M. le Président, je suis très sensible à ce genre de discours. Les intermédiaires nous disent qu'ils sont des professionnels dans l'offre des produits et des services financiers et d'assurance. Moi, je me fais la réflexion suivante, que leur discours devait bien avoir un fondement, qu'il devait s'appuyer sur quelque chose de tangible. Je l'ai dit plus tôt, c'est notre rôle à nous, comme députés, de nous assurer que nous légiférons pour le plus grand bénéfice de la société; c'est pour ça qu'on est ici. C'est donc primordial, lorsqu'on vote des lois, d'avoir un portrait fidèle de la situation.

Quel est-il au juste, ce portrait fidèle de la situation? Comment ça se passe aujourd'hui dans l'industrie de l'assurance? Les intermédiaires en assurance sont-ils, oui ou non, des professionnels de l'industrie? M. le Président, on n'a pas besoin de fouiller bien longtemps ni bien loin pour s'apercevoir que, oui, ils sont des professionnels. Je suis très étonnée que le député de Verchères et vice-premier ministre du Québec fasse si peu de cas de cette réalité en nous demandant d'adopter le projet de loi n° 188. En fait, ce projet de loi là est le reflet d'une ignorance face au rôle que jouent les conseillers financiers ou les intermédiaires auprès de la population.

Avec les structures d'encadrement actuelles, les Québécois et les Québécoises peuvent avoir recours déjà aux services des intermédiaires en toute tranquillité d'esprit. Il n'y a aucun doute dans mon esprit, M. le Président, quand j'affirme ça. La structure en place leur permet de dormir sur leurs deux oreilles. En faisant affaire avec un intermédiaire pour acheter de l'assurance ou n'importe quel produit financier, ils sont protégés plus qu'adéquatement. Tout le monde en conviendra, dans le domaine financier, assurer la meilleure protection qui soit au consommateur, c'est fondamental. Quand il est question de protection du patrimoine financier des gens, quand il est question d'argent, il ne faut jamais être trop prudent. En effet, il en va de notre sécurité financière, de la sécurité financière de nos familles ainsi que de la sécurité financière de nos enfants.

Avant d'apporter des changements à l'ordre des choses, il faut être certain d'aller vers quelque chose de meilleur, il faut être sûr que nous améliorerons l'encadrement de la pratique et la protection dont jouit actuellement la population. M. le Président, si on prend l'assurance des personnes au Québec, le projet de loi n° 188 est loin d'apporter des améliorations à l'encadrement qui prévaut actuellement dans cette industrie et, par le fait même, à la protection du public. Ce qui se fait actuellement du côté de la formation, de la déontologie, de l'inspection, de la surveillance et de la discipline constitue l'un des meilleurs systèmes d'encadrement en Amérique du Nord. Ce système est avant-gardiste à bien des niveaux, et je suis surprise qu'on soit sur le point de démanteler un système qui fonctionne aussi bien puis un système qui a fait ses preuves. En regardant de plus près l'encadrement actuel, on se rend compte que les principes qui sous-tendent le projet de loi n° 188 doivent sérieusement être remis en question; c'est pour ça que nous sommes ici.

Au cours des 30 dernières années, l'industrie de l'assurance a beaucoup évolué, les produits financiers et les produits d'assurance se sont multipliés et se sont complexifiés. La façon de se procurer ces produits a aussi beaucoup changé; on peut maintenant acheter de l'assurance via de nombreux canaux de distribution. Il n'y a pas que la distribution et les produits qui ont subi une évolution, ceux et celles qui offrent des services et des produits financiers au public ont aussi passablement évolué. Leur statut professionnel a évolué, s'est confirmé, surtout depuis les 10 dernières années. D'ailleurs, en 1989, avec la loi 134, le gouvernement a voulu rendre plus rigoureux encore l'encadrement dans cette industrie. Je dirais même que le gouvernement a en quelque sorte reconnu la nature professionnelle de l'activité qui est générée par les intermédiaires, avec l'adoption de la loi 134.

Cette loi, la loi 134, est d'inspiration et de philosophie professionnelles, contrairement au projet de loi n° 188, qui se fonde, lui, ce projet de loi là, sur une philosophie purement commerciale. La loi 134 est d'inspiration professionnelle parce qu'elle se base sur la certification individuelle et la responsabilité professionnelle et personnelle des intermédiaires. La loi 134 soumet les agents et les courtiers d'assurances à des règles de déontologie très strictes, et c'est un organisme neutre qui voit au contrôle de la pratique. Depuis l'adoption de cette loi-là, c'est incroyable, les développements qui se sont faits, et ça, c'est grâce à l'environnement professionnel qu'on a créé, un environnement qui encourage les pratiques saines et conformes aux règles de déontologie en vigueur, un environnement qui favorise aussi un maintien efficace de la discipline, un environnement qui offre une protection sure et efficace au consommateur.

Actuellement, ce n'est pas n'importe qui, M. le Président, qui peut devenir intermédiaire en assurance de personnes. On contrôle de façon stricte l'accès à cette profession-là. Les personnes qui désirent exercer cette profession doivent réaliser un stage de formation de trois mois, réussir des examens de déontologie, de précertification et de certification et, une fois qu'ils ont été admis dans la profession, les intermédiaires doivent se conformer à de nombreuses exigences qui garantissent à la fois leur compétence et leur professionnalisme.

En effet, ceux et celles qui exercent la profession d'intermédiaire en assurance de personnes sont actuellement soumis à des règles d'éthique très rigoureuses. Je suis très rassurée, comme individu, comme citoyenne et surtout comme députée, de savoir que, lorsque je fais affaire avec ces gens-là, je suis protégée. Je suis protégée, M. le Président, parce qu'ils doivent respecter un code de déontologie.

Ce code-là comprend plusieurs obligations. Je vous donne un exemple. Un intermédiaire a l'obligation d'exposer à son client d'une façon complète et objective la nature, les avantages, les désavantages des produits ou des services qu'il lui offre. Lorsqu'on fait affaire avec un intermédiaire, il a l'obligation de procéder à une analyse complète de nos besoins en assurance pour, évidemment, mieux nous conseiller. On peut donc être certain que le produit ou le service qu'il nous conseillera va convenir à nos besoins réels.

Une autre obligation qui est bien importante, c'est celle que l'intermédiaire doit subordonner son intérêt personnel à celui du client. C'est très important, ça, M. le Président. Une autre chose qui me rassure, c'est que, comme tout professionnel, les intermédiaires sont tenus de respecter le secret professionnel. Ce n'est pas tout. En vertu de la réglementation actuelle, les intermédiaires sont responsables personnellement des gestes qu'ils posent envers leurs clients. Ils doivent répondre devant un comité de discipline formé de leurs pairs de leurs manquements aux règles d'éthique, que ces manquements soient volontaires ou pas. L'encadrement professionnel est pris très au sérieux, et ça, ça constitue une protection blindée pour le public.

Une autre preuve que c'est sérieux: une fois que les intermédiaires ont accédé à la carrière, ils sont tenus de fournir une attestation de cautionnement ou de couverture d'assurance de responsabilité civile d'au moins 500 000 $. Comme ça, leur solvabilité est garantie si on se voit contraint d'intenter un recours judiciaire contre l'un d'entre eux. D'ailleurs, la solvabilité des intermédiaires est très sévèrement contrôlée.

C'est aussi rassurant de savoir que tous les intermédiaires doivent contribuer à un fonds d'indemnisation. Le consommateur qui est victime d'une fraude ou d'une opération malhonnête peut effectuer une demande auprès de ce fonds pour lui permettre d'être indemnisé. Et, quand le consommateur n'est pas satisfait des services qu'on lui a rendus ou s'il croit avoir été lésé, il peut s'adresser à un organisme qui, lui, est neutre, indépendant pour porter plainte, un organisme, M. le Président, qui ressemble beaucoup à un ordre professionnel.

(12 h 30)

Avec l'encadrement actuel, le consommateur a des recours et des droits en cas de mauvaise pratique d'un intermédiaire. Avec le projet de loi n° 188, celui qui a été déposé par le vice-premier ministre, le cabinet auquel est inscrit le représentant aura la responsabilité de veiller à la discipline et de traiter les plaintes le concernant. Est-ce que vous pouvez me dire où se retrouvent l'indépendance et la neutralité dans ce système, un système où celui qui traite la plainte a un intérêt financier dans l'affaire? On risque de sombrer dans un système qui va camoufler les fautes déontologiques plutôt que de les condamner.

M. le Président, avec le projet de loi n° 188, ça sera David contre Goliath. Je soumets ça à votre pensée. N'aurait-il pas intérêt à faire en sorte que le consommateur, dans les circonstances telles que décrites, abandonne sa plainte? Ce sont des questions. Il faut absolument se les poser, ces questions-là, M. le Président, avant de bousculer les règles actuelles. Le consommateur, au moment où on se parle, qui dépose une plainte est assuré d'une enquête rigoureuse, il est assuré qu'elle sera effectuée, cette enquête-là. Le cabinet mettra-t-il autant de soin à enquêter un des ses propres employés? Je ne suis pas certaine.

Actuellement, en cas de litige avec un intermédiaire, le consommateur peut bénéficier de ressources pour l'accompagner tout au long du processus disciplinaire. Porter plainte, ce n'est jamais anodin. Le consommateur moyen doit souvent s'armer de courage pour poser un tel geste, un geste qui demande du temps, de l'énergie. C'est pourquoi il est important de l'accompagner jusqu'au bout du processus, c'est important de mettre en place un processus qui l'encouragera à aller jusqu'au bout. Un tel système d'accompagnement contribue mieux à protéger le public. Plus les intermédiaires fautifs seront punis, mieux le public sera protégé. C'est logique.

Les règles de pratique en vigueur actuellement dans le domaine de l'assurance de personnes protègent plus qu'adéquatement le public – le public, ce sont les citoyens et les citoyennes que nous représentons – et ça, c'est vrai parce que le système d'encadrement fonctionne rondement. D'ailleurs, bien que le vice-premier ministre et député de Verchères s'apprête, par le projet de loi n° 188, à sabrer dans le système actuel, rien, mais absolument rien ne nous a démontré qu'il ne fonctionnait pas bien et ne nous a démontré qu'on ne peut pas construire finalement sur des bases existantes et solides.

Les consommateurs sont très bien servis par le processus actuel. J'ai pris connaissance du dernier rapport annuel de l'AIAPQ. J'ai lu que le délai de traitement des plaintes déposées par les consommateurs est seulement de cinq mois et demi. Du jour où la plainte est déposée jusqu'à la décision rendue par le comité de surveillance, il ne s'écoule que cinq mois et demi. Il faut le faire! Je ne suis pas sûre qu'il y a beaucoup d'organismes qui peuvent en dire autant. Juste à cet organisme-là, c'est plus de 1 000 plaintes qui sont déposées annuellement. Il faut également mentionner, M. le Président, que, depuis que ces processus ont été mis sur pied, le taux de récidive est à peu près nul, et ce n'est pas surprenant parce que la sévérité de l'encadrement des pratiques ne fait aucun doute.

Depuis 1993, ce sont plus de 1 000 dossiers qui ont été envoyés devant le comité de discipline, et ce nombre va en croissant depuis cinq ans, si on se fie aux données du dernier rapport annuel. Depuis deux ans, le comité de discipline entend plus de 100 auditions disciplinaires par année. Les intermédiaires qui se retrouvent devant le comité de discipline peuvent se voir imposer des sanctions qui sont très sévères, qui vont d'amendes importantes jusqu'à la radiation à vie. Au cours de la dernière année, le comité de discipline de l'AIAPQ a eu à se prononcer sur plus de 500 chefs d'accusation. Dans 84 % des cas, le chef d'accusation a été maintenu. L'an passé, des amendes ont été imposées pour près de 161 000 $. On voit donc que l'encadrement des pratiques est pris très au sérieux.

Pour vous montrer le sérieux de cet encadrement et avec quelle célérité on contrôle la pratique des intermédiaires en assurance de personnes, je vais vous énumérer quelques manquements envers des consommateurs qui ont fait l'objet de décisions disciplinaires juste dans la dernière année. On trouve, entre autres: omettre de faire une analyse complète de besoins financiers pour son client; ne pas chercher à avoir une connaissance complète des faits; ne pas exécuter ou mal exécuter le mandat qui est confié; témoigner de la signature d'un assuré en son absence; avoir une conduite indigne ou immodérée; s'approprier des fonds pour fins personnelles ou ne pas payer à un assureur ou à une institution financière les sommes qui ont été perçues pour ces fins-là; falsifier des documents ou des signatures; ne pas maintenir une sûreté en tout temps.

M. le Président, quand on constate comment fonctionne le contrôle des pratiques en assurance de personnes, on est en droit de se demander pourquoi on éliminerait des structures non seulement qui sont déjà en place, mais qui fonctionnent très bien. Est-ce que le député de Verchères, avant de déposer son projet de loi n° 188, a pris le temps d'étudier, de regarder de façon approfondie les façons de faire du côté du contrôle des pratiques? J'en doute très fortement, M. le Président. Je pense que ce qui se fait à ce niveau au Québec – en assurance de personnes, du moins – est plus qu'acceptable.

Je serais curieuse de comparer ce système avec celui qui prévaut en valeurs mobilières. Je n'ai pas vraiment de données exactes avec moi, mais je crois que le nombre de plaintes qui sont déposées à la Commission des valeurs mobilières est beaucoup moins élevé qu'en assurance de personnes. De plus, les données fournies à ce titre dans les rapports annuels sont vagues et laconiques par opposition aux détails et aux statistiques qui sont fournis par les associations existantes, et c'est normal. C'est leur fonction principale, l'encadrement des pratiques des intermédiaires, et non l'un de leurs nombreux et conflictuels pouvoirs, comme on l'estime au sein du Bureau. Est-ce que c'est souhaitable? Je ne le pense pas. Il faut conserver, M. le Président, un système qui met de l'avant la responsabilisation professionnelle et qui consacre au sein d'organismes professionnels indépendants l'encadrement de l'activité d'intermédiaire de marché, un système qui est dédié à cette fonction principale. C'est pourquoi il faut dire non au projet de loi du député de Verchères, du vice-premier ministre du Québec. Je dirai non à ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Nous allons maintenant céder la parole au député de Frontenac. M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, comme membre de l'opposition officielle, faire mes commentaires sur l'important projet de loi n° 188 qui est sous la responsabilité du ministre des Finances, un projet de loi qui fait, et c'est peu dire, controverse et qui, s'il était adopté, y compris avec les amendements que nous a annoncés le ministre des Finances qui – et c'est lui-même qui l'a indiqué – à toutes fins pratiques ne corrigeront pas les principaux irritants soulevés par ceux et celles qui sont visés de façon négative par ce projet de loi là si le ministre des Finances, si le gouvernement du Québec, si le caucus des députés péquistes n'écoutent pas avec plus d'ouverture d'esprit ce qui leur a été recommandé par un de leurs collègues, le député d'Arthabaska, qui a signé un rapport unanime...

L'unanimité existe au niveau des membres de la commission parlementaire présidée par le député d'Arthabaska, de sorte que, si le gouvernement, si le ministre des Finances n'écoutent pas les recommandations faites par le député d'Arthabaska, signataire de son propre rapport, évidemment à titre président de la commission, bien, on aura compris qu'il est à toutes fins pratiques inutile d'argumenter avec ce gouvernement-là, qu'il est inutile de parler au nom...

Parce que ce projet de loi là attaque dans leurs activités des milliers de professionnels de l'assurance. On aura compris que, malgré la démonstration que le gouvernement se trompe, c'est la majorité ministérielle qui aveuglément va bouleverser les règles en matière de commerce d'assurance, va bouleverser la vie professionnelle de milliers d'agents et de courtiers d'assurances. Et, malgré l'opposition du Parti libéral du Québec, malgré l'opposition exprimée en commission parlementaire, en consultation devant la commission présidée par le député péquiste d'Arthabaska, on aura compris, M. le Président, que toute cette démonstration-là aura été inutile puis que c'est un gouvernement qui fait la sourde oreille même à des arguments très rationnels, objectifs, arguments auxquels n'a pu répondre le gouvernement, à date. Ce qu'on souhaite, de notre côté, c'est que, entre maintenant puis l'adoption éventuelle du projet de loi n° 188, le ministre des Finances comprenne le message, se ravise, réévalue la position du gouvernement.

(12 h 40)

M. le Président, le projet de loi n° 188, c'est important. C'est évidemment un peu, pas mal technique. Ça parle d'affaires, ça parle de commerces d'assurances. Plusieurs de mes collègues se sont exprimés, on entend très peu les députés ministériels s'exprimer. C'est comme toujours, M. le Président: dès le moment où un projet de loi proposé par ce gouvernement fait un peu controverse, avant d'imposer le bâillon aux députés de l'opposition, ce gouvernement, l'Exécutif, les ministres, imposent le bâillon à leurs propres collègues. Alors, le bâillon, ici, à l'Assemblée nationale, depuis 1994, on le retrouve en deux étapes. Le bâillon d'abord aux députés du Parti québécois à l'intérieur de leur propre caucus. Je me demande même s'ils ont le droit de s'exprimer à l'intérieur du caucus. Vous, à titre de vice-président, vous pouvez assister aux délibérations du caucus du Parti québécois. Évidemment, vous êtes lié par le secret professionnel. Je ne suis pas convaincu que dépendamment du sujet, même si on est carrément contre, on ait le droit de s'exprimer.

Puis, après qu'on aura imposé le bâillon à nos propres députés, bien, si le ministre des Finances y tient à son projet de loi n° 188, pour toutes sortes de raisons obscures, j'imagine que le bâillon, le vrai, celui-là, prévu dans les règlements de l'Assemblée nationale, procédure exceptionnelle qui ne doit être imposée que dans des circonstances exceptionnelles, alors, après que le ministre des Finances, le très puissant ministre des Finances aura imposé le bâillon à ses propres députés dans son propre caucus, j'imagine qu'on va devoir subir à notre tour le bulldozer en temps et lieu, à moins que le ministre des Finances décide de relire le rapport Baril.

On le sait, M. le Président, j'en ai parlé tout à l'heure, en décembre 1996, ce rapport faisait suite à des auditions d'une trentaine de groupes qui ont été entendus en septembre et en octobre 1996 devant cette commission présidée par le député ministériel, le député d'Arthabaska, qui a fait un bon travail, qui n'a pas eu peur de signer un rapport qui allait à l'encontre des voeux déjà exprimés du ministre des Finances. Essentiellement, l'exercice de septembre et d'octobre 1996, c'était de vérifier comment, en 1998, à une époque où il y a eu plein de bouleversements au cours des dernières années dans le commerce de l'assurance, il fallait mieux encadrer cette activité commerciale. Alors, c'était ça, essentiellement, les auditions auxquelles s'était consacrée la commission parlementaire présidée par le député d'Arthabaska.

Suite à cette audition de septembre et d'octobre 1996, on a déposé un rapport en décembre 1996; donc, ça fait presque un an et demi. Le ministre des Finances, lui, a pris connaissance de ce rapport-là puis il s'est dit: Moi, je tasse ça du revers de la main, l'unanimité des membres de la commission parlementaire. Il faut bien se comprendre, M. le Président, ceux et celles qui nous écoutent savent qu'une commission parlementaire, c'est formé de députés du pouvoir puis de députés de l'opposition. Ces députés-là, de façon unanime, ont dit: On s'entend pour faire les recommandations suivantes sur la façon d'encadrer l'activité de l'assurance au Québec. Voici ce qu'on suggère. Le ministre des Finances, je ne suis pas certain qu'il l'a lu, sinon avec dédain; il a repoussé ça du revers de la main puis il a accouché, lui, d'un projet de loi qui d'aucune façon ne tient compte des recommandations importantes, des recommandations essentielles du rapport du député d'Arthabaska.

M. le Président, le projet de loi n° 188, comme je viens de l'indiquer, ignore l'opinion des membres de l'Assemblée nationale des deux côtés de la Chambre, ignore les recommandations qui sont faites par des députés qui, pour plusieurs, vivent en région, qui, pour plusieurs... j'oserais dire que tous ces députés qui siègent à la commission du député d'Arthabaska ont été probablement plus que tous les autres membres de l'Assemblée nationale sensibilisés à la conséquence de la volonté exprimée par le ministre des Finances. Alors, ces députés se sont exprimés par écrit, et également dans des commentaires publics, à l'encontre du projet de loi n° 188, projet de loi, on se répète, qui est sous la responsabilité du ministre des Finances.

M. le Président, pourquoi les députés de l'opposition sont-ils en désaccord avec le projet de loi n° 188? C'est très simple, c'est qu'on nous a fait à chacun et à chacune d'entre nous la démonstration, par les milliers de courtiers et d'agents d'assurances, que le projet de loi n° 188 constituait pour ces professionnels de l'assurance – je pense aux courtiers, je pense aux agents d'assurance, particulièrement en région – une menace pour leur profession.

Le ministre des Finances, dans son projet de loi, dans ses notes explicatives, parle de moderniser l'activité de l'assurance. On est d'accord avec ça. Même les agents et les courtiers sont d'accord pour encadrer de façon plus moderne l'activité de l'assurance au Québec. Mais, vous savez, entre encadrer puis faire disparaître... puis c'est ce que risquerait de faire le projet de loi n° 188 s'il était adopté, y compris avec les amendements que le ministre entend déposer – il y a plus ou moins 200 amendements que le ministre des Finances veut déposer. Mais lui-même a déjà indiqué: Je ne pense pas satisfaire tout le monde dans un tel projet nécessairement controversé. Alors, le ministre a au moins le mérite d'admettre qu'il est controversé, le projet de loi qu'il a sous sa responsabilité.

Avec tout le boucan que ça a créé au Québec chez les professionnels de l'assurance, c'est évident qu'il ne peut plus nier l'évidence. Il met déjà en garde, il envoie déjà un message aux agents puis aux courtiers d'assurance: N'espérez pas trop des amendements que je vais déposer, je ne pourrai pas satisfaire tout le monde. Alors, lorsqu'il dit qu'il ne peut pas satisfaire tout le monde, j'espère me tromper. C'est qu'il dit déjà aux courtiers puis aux agents d'assurance et à ceux et celles qui travaillent dans ce réseau de petites et de moyennes entreprises au Québec, il dit déjà à tous ces Québécois puis à toutes ces Québécoises que l'on retrouve beaucoup en région: Les amendements, ça ne changera pas grand-chose.

M. le Président, vous devez le savoir maintenant, si vous ne le saviez pas il y a 15 jours, puisque vous avez entendu beaucoup de mes collègues le répéter, le projet de loi n° 188, ça risque de faire disparaître plus ou moins 20 000 agents et courtiers d'assurances ou, à tout le moins, à embarrasser pas à peu près l'activité de ces professionnels de l'assurance, M. le Président. C'est tout près de 2 000 petites et moyennes entreprises qui oeuvrent dans l'activité de la vente de l'assurance qui risquent de subir, par le projet de loi n° 188, un tort considérable. C'est ça, le projet de loi n° 188, M. le Président.

C'est pour cette raison-là qu'on a tous reçu, y compris les députés du Parti québécois pour qui, évidemment, c'est plus difficile, de semaine en semaine, de faire du bureau de comté que pour les députés de l'opposition... Ce n'est pas facile, M. le Président, pour un député ministériel de s'asseoir le lundi matin ou le samedi matin, puis de recevoir ses électeurs et ses électrices, puis d'entendre tout ce qu'on a à reprocher à ce gouvernement qui, dans toutes les batailles qu'il livre aux Québécois, fait constamment la sourde oreille. Et les députés ministériels encaissent dans leur région, tentent dans leur caucus de faire fléchir le ministre de la Santé – non, on a raison, le peuple n'a pas compris puis il comprendra un petit peu plus tard – tentent de faire fléchir Mme la ministre de l'Éducation – c'est le même genre de réponse: On a raison, M. le Président, le peuple n'a pas compris, il comprendra un petit peu plus tard.

(12 h 50)

C'est exactement le même scénario avec le projet de loi n° 188. J'imagine que les députés ministériels ont reçu comme nous, les députés de l'opposition, un nombre considérable de lettres, de pétitions de courtiers, d'agents d'assurances qui disent essentiellement: Le risque que le non-respect des recommandations du rapport Baril – le député d'Arthabaska – et de la commission parlementaire ne crée un dangereux précédent faisant que la loi ne soit simplement écrite, loi n° 188, par et pour les banques. Voyez-vous, M. le Président, des milliers de courtiers puis d'agents d'assurances ont signé des pétitions semblables qui disent au ministre des Finances: Dans votre projet de loi n° 188, avec votre projet de loi n° 188, ce que vous visez essentiellement, c'est protéger ceux qui sont gros pour qu'ils le soient encore et qu'ils deviennent plus gros. C'est ça essentiellement, M. le Président.

La conclusion de cette pétition qui a circulé partout au Québec, j'imagine que les députés péquistes l'ont lue. Ils sont mal à l'aise, M. le Président, lorsqu'ils rencontrent un courtier d'assurances, un agent d'assurances. Dans leurs comtés respectifs, bien ils s'organisent pour ne pas croiser le regard de leurs électeurs et électrices qui leur disent: Vous ne nous écoutez pas. On a beau essayer de vous faire comprendre que vous agressez les plus petits, les régions du Québec, vous ne nous écoutez pas.

Je vois le président du Conseil du trésor qui, de temps en temps, doit faire du bureau de comté, lui aussi, hein? Ça doit lui arriver, M. le Président. Mais, s'il y en a un qui n'écoute pas et qui n'entend pas, c'est bien lui. Pourquoi? Parce que le ministre des Finances lui a dit: Mêle-toi de tes affaires. C'est moi qui décide. Toi, le président du Conseil du trésor, prends ton trou, laisse-moi décider. C'est de même que ça se passe, M. le Président. Dans le caucus, ça, c'est le silence total, puis au Conseil des ministres également.

C'est quoi, la conclusion de la pétition? Je demande aux députés... Ce sont des courtiers d'assurances, ce sont des agents d'assurances qui vous envoient ce petit message extrêmement éloquent, aux députés du Parti québécois. On l'a compris, le message, nous, puisqu'on s'oppose à 188. Je demande aux députés et aux ministres péquistes de ne pas succomber aux pressions indues de groupes financiers.

On s'adresse à un gouvernement formé d'un parti social-démocrate. Un parti social-démocrate. Toujours la différence entre le discours puis le geste, la différence entre la réalité des choses puis le blabla des conseils nationaux du Parti québécois. Mais, lorsqu'on arrive dans la vraie vie, toujours on contredit le discours. Je demande aux députés péquistes de ne pas succomber aux pressions indues des groupes financiers puissants et organisés – on parle au Parti québécois – plus soucieux de leur croissance que du consommateur.

Est-ce que les députés péquistes ont compris ce message-là? Est-ce qu'ils ne sont pas mal à l'aise lorsqu'ils se retrouvent devant le ministre des Finances qui, tel qu'on le connaît, arrogant comme il est: Vous n'avez pas compris, laissez-moi faire – laissez-moi faire – je vous l'expliquerai plus tard, faites-moi confiance. C'est ça que le ministre des Finances dit à ces petits députés écrasés dans leur fauteuil à leur caucus qui lui disent: M. le ministre, je pourrais vous parler? Il y a quelqu'un qui m'a dit: Fais attention, tu es plus soucieux de la croissance des groupes financiers que du consommateur.

Et – la dernière phrase, M. le Président – les courtiers, les agents d'assurances demandent aux députés du Parti québécois de se lever, de montrer un peu de courage, de jouer pleinement leur rôle de députés. Ça, ça veut dire quoi, M. le Président? Écouter le peuple, écouter ceux et celles qui, dans les régions du Québec... On parle de plus ou moins 20 000 agents et courtiers. On parle d'une quarantaine de mille de personnels de soutien, de techniciens puis de techniciennes qui oeuvrent dans le commerce de l'assurance. Ces gens-là disent à l'omnipuissant ministre des Finances, qui écrase tout le monde dans son caucus, y compris au Conseil des ministres, surtout lorsque le premier ministre n'est pas là: Soyez un peu plus soucieux de la protection du consommateur et jouez pleinement votre rôle de députés. Donc, écoutez ce qu'on vous dit et surtout – et en conclusion, M. le Président – c'est ça que les courtiers et les agents disent aux députés du Parti québécois, qui ne sont pas tellement nombreux ici, on ne fait même pas quorum, M. le Président: Jouez votre rôle de législateurs.

Ça veut dire quoi un législateur, M. le Président? Lorsqu'on est ici à l'Assemblée nationale – le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques le sait très bien, il a quand même pas mal d'années d'expérience lui aussi – le législateur a la responsabilité de s'opposer à l'Exécutif. L'Exécutif, ça, c'est le ministre des Finances puis c'est le président du Conseil du trésor puis Mme la ministre de la Culture. Ça, c'est l'Exécutif. Eux autres, à tous les mercredis matin, ils décident de bulldozer leur caucus. Ça, c'est le législateur péquiste, hein! Le législateur péquiste, c'est le député péquiste qui a un rôle extrêmement important: c'est de légiférer. Mais il n'est pas membre de l'Exécutif, il n'est pas ministre.

Alors, qu'est-ce que les courtiers, qu'est-ce que les agents d'assurances demandent aux législateurs péquistes, aux députés péquistes? De se tenir debout face au gros ministre des Finances, qui, lui, a décidé, tout social-démocrate qu'il est... Ça, c'est des sociaux-démocrates de salon, M. le Président, des sociaux-démocrates de salon! Le ministre de l'Environnement en est un, lui aussi. Ils font du blabla dans les conseils nationaux. Quand vient le temps de protéger le consommateur, de protéger l'activité économique en région, de protéger les courtiers d'assurances, de protéger les agents d'assurances qui sont extrêmement inquiets de la portée du projet de loi n° 188, qu'est-ce qu'ils font, M. le Président, ces députés du Parti québécois? Ils s'écrasent.

Vous me dites, M. le Président, que mon temps est écoulé. Alors, je termine en demandant aux députés péquistes de se lever, de faire preuve d'un peu de courage, d'écouter ceux et celles qui leur parlent dans leur bureau le lundi matin et, parce qu'ils ne sont pas là souvent, pour toutes sortes de raisons, qui leur parlent par des pétitions. Il y a un nombre considérable de ces pétitions-là qui sont tombées sur le bureau de députés péquistes. J'espère que d'ici une dizaine de jours ils vont comprendre que leur responsabilité première comme législateurs, ce n'est pas de protéger le ministre des Finances, c'est de protéger le consommateur, de protéger ceux et celles, les courtiers, agents d'assurances, je termine là-dessus, M. le Président, qui risquent de disparaître – c'est eux qui le disent – si on adoptait tel quel le projet de loi n° 188. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Frontenac. Alors, considérant l'heure, nous suspendons. Je suspends maintenant les travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Alors, nous poursuivons nos débats aux affaires du jour. Et nous étions à débattre sur l'adoption du principe du projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers. Je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant, et ce sera M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: M. le Président, comme vous l'avez mentionné aujourd'hui sur le débat sur la loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, une loi qui va toucher chacune des régions du Québec, dans le sens qu'il n'y a pas un endroit au Québec où il n'y a pas une institution financière, un bureau de courtier en assurance ou toute autre sorte de placement financier, donc toute la question entourant ce projet de loi sur les mesures propres à protéger la vie privée de nos citoyens dans les nouvelles données économiques et technologiques qui nous confrontent. Cette question s'est retrouvée souvent au coeur de nos débats durant les dernières années.

Encore une fois aujourd'hui, il nous faudra mettre à profit la sagesse que nous sommes à développer sur cet enjeu et parvenir à un juste et délicat équilibre entre la réalité que nous impose la diffusion de nouvelles technologies et les valeurs de respect de la liberté des gens qui nous sont chers. Il nous faudra, lors de l'étude de ce projet de loi, garder à l'esprit que la vie de nos concitoyens ne se résume pas à leurs comportements de consommation. Les petits morceaux d'information qui, mis ensemble, dessinent le portrait de chacun d'entre nous, qu'il s'agisse de notre santé, de nos finances ou de notre style de vie, ou peut-être bien, M. le Président... nous souhaitons tous les garder confidentiels. Nous sommes de plus en plus amenés à divulguer et à dévoiler des informations nous concernant, au moment de chaque transaction, chaque contact avec l'appareil public, voire même à chaque fois que l'on utilise une carte du club x, z ou autre, ou qu'on se connecte à des sites sur Internet. Prise isolément, chaque capture de renseignements apparaît justifiable à sa face même. Il s'agit après tout de permettre à l'une des parties de disposer des renseignements nécessaires pour s'acquitter du service à rendre à l'autre.

C'est lorsque des institutions privées ou publiques se mettent à recoller des morceaux, souvent à notre insu, que surviennent des problèmes et du questionnement. Je ne m'objecte pas nécessairement sur le fond à ce que des éditeurs qui cherchent à m'informer de leurs plus récents ouvrages de vulgarisation scientifique m'envoient des dépliants par courrier, ayant déniché mon adresse par le biais de mon abonnement à une autre revue scientifique. C'est beaucoup plus le fait que, quand il s'agit de croisement de fichiers et de mégabanques de données qui permettent à des organisations commerciales d'avoir accès aux renseignements personnels les plus sensibles, il est temps de marquer une pause, de réfléchir et de procéder avec prudence.

M. le Président, est-il besoin de rappeler combien les institutions de dépôts seraient favorisées si elles étaient autorisées à faire un usage trop permissif de tous les renseignements qu'elles détiennent sur les consommateurs? Les banques ou les caisses savent virtuellement tout sur nos habitudes de consommation, sur nos habitudes d'épargne et de crédit, sur notre situation familiale, sur notre bilan personnel, sur nos transactions courantes, et j'en passe. Avec la vente de produits d'assurance, elles ajouteront la seule information importante qu'il leur manque, les renseignements sur nos habitudes de vie et notre état de santé. En effet, toutes les institutions de dépôts ont un accès au système de paiement et, par cet accès-là et par leurs propres transactions, elles ont accès à une foule d'informations sur vos habitudes de consommation.

(15 h 10)

Un assureur, ça a aussi des informations sur ses clients. Par exemple, si on a un assureur automobile, il va connaître l'état de votre maison parce que vous l'avez décrite, il va connaître son âge, il va connaître votre automobile, l'année et la marque de votre automobile, la classe de risque que votre automobile confère, il va connaître une série de données comme ça sur votre vie. Il va aussi avoir d'autres données sur le nombre d'accidents que vous avez eus, si vous êtes un conducteur prudent, il va connaître plusieurs de vos habitudes de vie, autant en assurance-vie qu'en assurance-dommages, il va savoir si vous faites des sports dangereux, par exemple, il va savoir une foule de choses qui pourraient aussi éventuellement inclure certains renseignements médicaux. Alors, lorsque vous mettez tout ça ensemble – et soyez assuré, M. le Président, que le Mouvement Desjardins le ferait – les institutions de dépôts vont avoir une masse d'informations qui vous permettent de cibler à peu près n'importe quoi et n'importe qui. Avec le projet de loi n° 188, le représentant en assurance de la caisse disposera d'un accès facile et, par conséquent, alléchant à toute une variété d'informations uniques, très stratégiques que jamais un courtier d'assurances indépendant ou une compagnie d'assurances ne pourra détenir. À quel moment, par exemple, le client renouvelle-t-il sa police d'assurance-vie? Auprès de quelle compagnie? Combien paie-t-il? Quand renouvelle-t-il sa police d'assurance-habitation ou sa police d'assurance automobile? Avec quelles compagnies d'assurances et combien paie-t-il?

C'est donc, M. le Président, que nos décisions pourraient exposer des milliers, voire même des millions de consommateurs à des stratégies de sollicitation extrêmement sophistiquées, ce qui aura été rendu possible par notre imprévoyance législative, donc notre responsabilité à tous ici, comme parlementaires. Pire encore, des consommateurs à risque pourraient être privés de produits d'assurance étant donné la sélection très contrôlée des risques qui peut permettre une exploitation habile des renseignements personnels. La prudence et la circonspection sont de mise, M. le Président, dans les circonstances.

Pourtant, le député de Verchères nous a montré de nombreux signes d'une désinvolte précipitation. Il ne faudrait pas, sous prétexte de décloisonnement des institutions et d'une offre globale de tout un éventail de produits, que le client, le consommateur se trouve, à son insu ou bien malgré lui, scruté et analysé pour des fins de sollicitation, voire de vente liée.

L'histoire médicale, M. le Président, tout aussi bien que l'histoire financière d'un individu, lui appartient, et la population a toujours défendu ce droit ici, au Québec. Et cela doit être un principe de base. On doit le retrouver à la fondation même du projet de loi. M. le Président, on ne le retrouve pas. Je pense que c'est ça, la partie inquiétante. Bien entendu, les dirigeants du Mouvement Desjardins vous diront qu'ils disposent de règlements stricts pour empêcher – ce sont les mots mêmes du président de la Confédération des caisses Desjardins, M. Béland – en totalité – qu'il disait lui-même – la transmission de renseignements personnels à ceux pour qui ces informations ne sont pas nécessaires à l'accomplissement de leur tâche.

Dans un document qu'il fait parvenir à ses clients, le Mouvement Desjardins précise que Desjardins assure à ses membres le plein respect de la confidentialité des informations, car – et c'est écrit en toutes lettres – lors de l'embauche, le Mouvement des caisses Desjardins diffuse à ses employés des orientations déontologiques qui indiquent notamment qu'il est impératif de sauvegarder le caractère confidentiel des renseignements et des opérations traitées. On lit ça, M. le Président, et on est rassuré. Sauf que mon collègue m'a remis cette lettre, dévoilée en commission parlementaire, adressée à une dame par les Assurances générales des caisses Desjardins, et vous allez comprendre qu'on va omettre de mentionner le nom de cette assurée.

Ça date de janvier 1998, donc assez récent. C'est écrit: «Objet: Changement à votre police d'assurance – et je poursuis la lecture – Madame, dernièrement votre assureur vous avisait que la franchise applicable à votre assurance habitation serait augmentée. En effet, elle est maintenant de 300 $. Peut-être que vous n'avez pas réalisé les répercutions financières de ce changement lors d'une réclamation. Voyons un exemple qui vous permettra de comparer ce que nous avons à vous offrir. Supposons que votre bicyclette, d'une valeur de 500 $, a été volée, la perte, pour votre assureur actuel, est de 500 $. La franchise de votre assureur actuel est de 300 $, donc l'indemnité est de 200 $.»

À côté, on a Assurances générales des caisses Desjardins, perte, 500 $ – donc, on fait une comparaison – et la franchise 200 $, indemnité 300 $. On lit ensuite les mots suivants: «Comme vous pouvez le constater, en assurant votre habitation avec les Assurances générales des caisses Desjardins, vous recevrez au moins 100 $ de plus qu'avec votre assureur actuel en cas de réclamation – une soumission gratuite, qu'on pourrait dire. Nous croyons sincèrement pouvoir vous offrir une prime concurrentielle pour votre assurance habitation. Vous désirez comparer? C'est simple, demandez une soumission sans la moindre obligation en communiquant dès aujourd'hui avec un agent d'assurances à votre caisse Desjardins. Et, juste un peu plus bas, c'est écrit: Selon nos fichiers, vous êtes assuré actuellement avec telle firme ou telle firme d'assurances. Or, il s'avère, M. le Président, que cette personne-là n'est pas assurée avec Desjardins. Elle n'a ni la maison ni l'auto avec Desjardins. Comment peut-on expliquer tout ça?

Au moment où on se parle, il existe des règles strictes pour ce qui concerne la protection des renseignements personnels, et ça touche aussi les assureurs. C'est la loi 68. Ces règles-là, en ce qui concerne les activités des assureurs, touchent la détention d'informations. Ça légifère au niveau de la communication desdites informations à des tiers. Dans la loi, on reconnaît les entreprises affiliées aux compagnies d'assurances comme étant des tiers en ce qui a trait à l'utilisation qu'on peut faire de ces renseignements. On est de plus très strict en ce qui a trait aux droits de la clientèle ou du consommateur d'avoir accès à ces informations-là et même le droit de les faire rectifier.

Ainsi, le président de la Commission d'accès à l'information, M. Paul-André Comeau, nous explique qu'en vertu des seuls principes actuels qui composent le régime québécois une institution financière, quelle qu'elle soit, qui collige des renseignements personnels à une fin donnée ne peut s'en servir pour une autre fin. On parle ici de l'état actuel du droit tel qu'on le connaît aujourd'hui, avant même l'adoption de la loi n° 188.

Les données recueillies auprès d'un client pour l'administration et la distribution d'un produit d'assurance, par exemple, ne peuvent être utilisées pour apprécier la possibilité d'accorder un prêt hypothécaire à ce même client. De même, d'un autre côté, le directeur d'une maison de courtage ou d'un cabinet de courtiers qui vend des produits financiers, des fonds mutuels par exemple, ne peut se servir de renseignements qu'il va obtenir à cette occasion, par exemple, pour solliciter ses clients pour leur offrir des parts du nouveau club de golf dont il vient de se porter acquéreur. Cela demeure acquis dans le projet de loi.

(15 h 20)

Cependant, d'une façon générale, seules les informations de nature médicale ou concernant les habitudes de vie sont protégées, laissant la porte ouverte au transfert des autres renseignements personnels de type financier, par exemple, et ce, à l'insu du consommateur. Les dispositifs de sécurité, les coupe-feu qui doivent séparer entre eux les renseignements recueillis à des fins différentes ne sont pas suffisamment étanches.

Le projet de loi comporte des mesures spécifiques pour l'utilisation des renseignements personnels par les représentants en assurance exerçant dans les succursales des institutions de dépôts mais ne comporte pas d'interdiction formelle d'utiliser l'information provenant de l'institution de dépôts pour faire de la sollicitation ciblée. À ce titre, la Commission d'accès à l'information s'est montrée inquiète, et ce, à bon droit. C'est d'autant plus vrai qu'on ne semble pas imposer les mêmes règles à tout le monde. En effet, la Commission d'accès à l'information a constaté assez curieusement qu'on ne suit pas le même fondement pour appliquer une obligation, en matière de renseignements médicaux, et ce, en ce qui concerne les institutions de dépôts et les autres organismes. Il y a quelque chose qui pose un certain nombre de problèmes, notamment aux articles 26 et 27 de ce projet de loi.

La Commission nous a recommandé vivement que le même traitement soit réservé à tous ces renseignements sur la santé et les habitudes de vie, peu importe par qui et le lieu où ils sont détenus. Un renseignement ne change pas de nature ni de valeur selon qu'il est détenu dans une institution de courtage ou dans un institution de dépôts. Il s'agit d'être logique et de revenir à la nature du renseignement lui-même. Le législateur, M. le Président, se doit de corriger le tir et de revoir cette distinction dangereuse pour les droits des individus, de l'avis même de M. Comeau que le député de Verchères aime bien citer par ailleurs à toute occasion. Dans l'état actuel du projet de loi, nos concitoyens bénéficieraient, dans certains cas, d'une protection que tout le monde jugerait normale, alors qu'elle deviendra totalement aléatoire dans d'autres situations.

Il y a également une autre question qui me chicote, M. le Président, et je ne suis pas le seul. M. Comeau, le premier, a reconnu explicitement que cette pratique cause beaucoup de problèmes. Il s'agit de la manière dont certaines institutions obtiennent de leurs clients le consentement requis pour obtenir d'eux des renseignements de nature personnelle et confidentielle. Un exemple que nous rencontrons dans la vie de tous les jours de plusieurs Québécois et Québécoises est que, sans le savoir, au moment où vous ouvrez un compte dans une caisse populaire, M. le Président, on vous remet un formulaire où il est écrit, et je lis: «Le membre consent à ce que la caisse recueille auprès de toute institution financière, agent de renseignements personnels et employeur les renseignements et références d'emploi jugés nécessaires à son admission.» Et là nous sommes en train d'ouvrir un compte à la caisse seulement. Ce consentement s'applique également à la mise à jour des renseignements, afin de permettre à la caisse de réanalyser les engagements qu'il a envers elle.

Et voilà le genre de consentement qu'on donne sans vraiment le savoir quand on ouvre un compte à la caisse populaire. C'est très large, et ça permet d'en ratisser passablement large. Ça signifie qu'on peut faire n'importe quoi avec ces renseignements-là, à n'importe quel moment, même pour réanalyser un dossier. Il n'y a même pas besoin de consentement spécifique, M. le Président, pour réanalyser le dossier. Il y a un resserrement à faire de ce côté-là, et ça, c'est évident, ça en crève les yeux. Dans un contexte pareil et compte tenu des lacunes existantes dont j'ai parlé, le législateur a l'opportunité, et j'ajouterais la responsabilité, de se montrer clair, explicite quant aux règles du jeu. Le projet de loi prévoit ainsi que le Bureau puisse, par voie réglementaire, déterminer d'autres règles relatives à la protection des renseignements personnels.

Donc, M. le Président, il est évident qu'il est temps d'agir avec prudence et d'examiner avec beaucoup plus de rigueur que nous l'avons fait les conséquences de tous ces changements sur la vie privée de nos concitoyens. Si nous ne pouvons assurer aux Québécois le respect de la confidentialité de la vie privée, nous les priverons d'un droit fondamental, et il ne faudra pas se surprendre si la confiance qu'ils portent envers leurs institutions s'effrite. Donc, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, moi aussi, de me joindre à mes collègues pour pouvoir discuter avec vous et mes collègues de l'opposition, mais aussi mes collègues d'en face, du projet de loi n° 188.

M. le Président, j'ai eu dans ce débat-là la chance de rencontrer plusieurs gens soit des gens de la caisse populaire, soit des gens des assureurs, des courtiers ou des agents qui sont venus nous rencontrer probablement tous les députés de l'Assemblée nationale.

Ça fait, en passant, neuf ans aujourd'hui que j'ai été élu député du comté de Papineau. C'est la première fois que je vois qu'un ministre décide d'aller à l'encontre de la décision d'une commission. Ça n'existe pas. Ça n'est jamais arrivé, ça. Les gens de l'autre côté ont sûrement rencontré des gens des caisses populaires, des bureaux de direction, des commissions régionales, les gens de Montréal, les gens de chacune des régions qui sont venus leur expliquer pourquoi, eux, ils étaient d'accord avec le projet de loi n° 188.

Les gens des caisses populaires, en passant, M. le Président, étaient d'accord avec le rapport Baril; tous les gens des caisses populaires, ils étaient d'accord avec le rapport Baril. Mais non, M. le ministre des Finances, avec son ami – une promesse, probablement, du référendum de 1995 – a voulu carrément mettre de côté tout le travail des gens qui siègent sur cette commission, dont mon collègue – j'oublie son comté – de Viger, qui ont travaillé conjointement avec notre collègue d'Arthabaska. Le ministre des Finances et député de Verchères a carrément décidé de mettre ça de côté. Comment expliquer ça? Comment expliquer qu'on est capable carrément de mettre l'opinion de 10, 15 personnes qui siègent, qui sont de nos collègues, et d'aller à l'encontre de la décision du rapport Baril? Les caisses populaires étaient d'accord avec ça, les courtiers d'assurances étaient aussi d'accord, les agents étaient d'accord.

On veut quoi de plus? Parce que une personne, une personne, dont le président, d'après moi – et c'est une opinion très personnelle – des caisses populaires Desjardins veut absolument avoir le contrôle des assurances au Québec. Et le ministre lui-même, on dirait qu'il veut absolument dire: Bien, si jamais – je ne le crois pas, que ça va arriver – il y a une séparation ici, au Québec, c'est la caisse populaire qui va être la banque du nouveau pays. C'est ça. C'est peut-être une bonne idée pour vous, mais vous êtes les seuls à penser comme ça, mon cher M. le ministre du Tourisme. C'est tellement important, le tourisme, que je n'en parlerai pas plus longtemps. Ha, ha, ha! Très important.

M. le Président, je pense qu'il est important, quand même, d'écouter aussi les consultations publiques qu'il y a eu ici, une consultation qui a été organisée par la commission du rapport Baril. Le projet de loi sur la distribution des produits et services financiers a fait l'objet d'une consultation publique durant cette année et l'année passée un peu aussi, si je ne me trompe pas. Ce fut un exercice de démocratie – pour nous, en tout cas, ça a été un exercice de démocratie – tout à fait exemplaire, puisque de nombreux groupes et citoyens ont pu s'exprimer librement – librement, M. le Président – sur ce projet de loi.

(15 h 30)

Cette consultation en commission parlementaire a également représenté un moment privilégié pour nous, parlementaires, qui avons maintenant le devoir de nous prononcer sur le projet de loi n° 188. Ce que nous avons entendu en commission parlementaire représente une contribution essentielle à la compréhension des impacts réels sur ceux qui sont visés par ce projet de loi, c'est-à-dire les consommateurs et les professionnels de l'industrie.

Ce projet de loi est important pour les consommateurs, puisqu'il détermine un environnement de protection des renseignements personnels pour ceux qui utilisent le système de distribution de produits et services financiers. La consultation publique nous permet d'évaluer les dispositions qui composeront cet environnement, et nous pouvons constater, M. le Président, qu'à prime abord l'environnement proposé par 188 pose plusieurs problèmes et soulève de nombreuses questions.

Prenons, par exemple, l'avis du Service d'aide aux consommateurs. Cet organisme a fait remarquer que les assujettis du projet de loi n° 188 pourraient, à terme, être encadrés par un ensemble de règles dans ce domaine qui seraient différentes de celles s'appliquant aux autres entreprises. Option consommateurs s'inquiète d'un tel régime d'exception, et je cite, M. le Président: «Cette ouverture à un régime particulier constituerait un précédent dangereux, à notre avis. Bien d'autres secteurs d'activité risquent de l'invoquer pour réclamer, eux aussi, des règles particulières.»

Pour Option consommateurs, il est difficile à ce stade-ci d'évaluer dans quelle mesure le nouveau régime serait effectivement beaucoup plus intéressant que la loi telle qu'elle est libellée actuellement, parce qu'elle reposerait sur des règlements qu'on n'a pas encore eus. Suite à la demande du député de Viger, aucune réponse. On l'invite, au ministère – imaginez-vous! – à s'asseoir ou à envoyer le recherchiste pour regarder les changements de la loi. Encore une première, mais le ministre des Finances en fait beaucoup, de premières.

Alors, ces gens-là ont pris acte de l'avis d'intention du ministre, mais, dans ce contexte général, il ne nous paraît pas certain que ce soit la meilleure manière de procéder, de façon globale, en matière de politique de protection de renseignements personnels, d'autant plus qu'il existe un autre projet de loi, n° 167, dont l'article 55, entre autres, permettrait la circulation de renseignements personnels entre personnes morales. Une personne morale va distribuer à une autre personne morale, sans autorisation, des renseignements sur une autre personne morale. Ce qui est très inquiétant.

Et Option consommateurs nous a bien dit que, si on laisse aller ça comme consommateurs, la brèche est ouverte sur le principe. Étant donné que le projet de loi n° 188 permet la caisse-assurance et ouvre par le fait même la voie à la banque-assurance, on doit sérieusement questionner l'efficacité du système de protection des renseignements personnels qui nous est proposé. Déjà, lorsqu'un client se présente à la banque ou à la caisse pour discuter avec un préposé aux prêts, soit pour une hypothèque, soit pour un emprunt personnel, peu importe le motif pour lequel on le fait... puis on a tous connu des expériences, sûrement, où finalement on nous pose une série de questions qui n'ont à peu près rien à voir avec le but de notre démarche mais qui sont directement inscrites au niveau de l'informatique. Et la question qui se pose est la suivante: Qu'adviendra-t-il désormais de ces renseignements, M. le Président? Quel usage en fera l'institution de dépôts? Je m'invente rien, c'est ce que nous ont dit ces gens-là en commission parlementaire.

Selon un autre organisme consulté, le Protecteur du citoyen, cela peut aller très loin. Il faut bien penser que, quand Desjardins va dans une succursale de la Caisse Desjardins, non seulement on peut faire de l'intercaisses, mais la caisse elle-même peut faire de l'intercaisses. Donc, on a affaire à des ordres de grandeur très différents où les possibilités de collecte d'informations sont beaucoup trop étendues, selon ce que nous a dit le Protecteur du citoyen.

Cet organisme est d'avis qu'il faudrait interdire tout échange de renseignements, même si on sait que le Code civil et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé mettent des balises. M. le Président, le consommateur ne doit-il pas fournir un consentement préalable à l'utilisation des renseignements par l'institution financière? Même s'il existe, ce genre de consentement ne semble pas suffisant pour prévenir les abus. Ainsi, l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance nous a signalé que certaines institutions utilisent des moyens douteux pour obtenir le consentement des clients. Nous connaissons tous les formulaires qui indiquent en caractères discrets que les renseignements fournis par la clientèle ou le client pourraient être transférés à d'autres parties et servir à d'autres fins. Tant qu'il sera possible de tirer profit des renseignements sur les consommateurs, certains chercheront à contourner les règlements.

L'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance a aussi fait valoir dans son secteur, c'est-à-dire la commercialisation de l'assurance, les règlements sur le commerce de l'assurance établis en 1992 à l'intention des banques et des compagnies de fiducie et la réglementation fédérale fournissant une importante protection pour la vie privée des consommateurs. Cette protection découle des règles sur le commerce de l'assurance, qui interdisent aux institutions de dépôts de transférer les renseignements sur les consommateurs à une compagnie, un agent ou un courtier d'assurances. Cette règle empêche les institutions financières d'utiliser les pratiques trompeuses pour obtenir le consentement des consommateurs et, ce qui est encore plus important pour les clients des institutions de crédit, d'utiliser des pressions subtiles pour obtenir le consentement de leurs clients.

Or, le projet de loi n° 188 n'offre pas les mêmes garanties, parce qu'entre autres il ne stipule aucune obligation de filiale dédiée pour la vente... de la vente dédiée, au contraire de la loi fédérale. Dans la perspective de la caisse-assurance, tel que formulé de ce projet de loi, il n'y a rien de rassurant. Notre crainte sur les renseignements personnels est la suivante. C'est que, par une exception que Desjardins a obtenue en vertu du projet de loi n° 68 sur la protection des renseignements personnels, quand un renseignement entre dans une caisse, automatiquement il peut être répandu aux 1 300 autres caisses, à toutes les fédérations, puis à la confédération puis à la caisse centrale, dès que ça entre dans une caisse. C'est une brèche dangereuse pour la protection des renseignements personnels.

En commission parlementaire, le ministre des Finances a souvent eu tendance à affirmer que la Commission d'accès à l'information n'avait que de bonnes choses à dire sur ce projet de loi. Ce n'est absolument pas vrai, M. le Président, parce que les différents organismes, comme le Service d'aide aux consommateurs, Option consommateurs, l'Association des consommateurs du Québec et même un ami du vice-premier ministre, M. Yves Michaud, sont venus nous dire qu'il fallait encadrer d'une façon très étanche, justement, ces renseignements personnels. C'est encore une preuve. Comme je vous disais tantôt, il y a une personne qui est d'accord avec le projet de loi, et c'est le vice-premier ministre du Québec.

(15 h 40)

On n'écoute vraiment pas ce que les gens, les consommateurs... En politique, c'est l'art du compromis. Après neuf ans, comme je vous disais tantôt, neuf ans aujourd'hui, c'est l'art du compromis. Même les collègues en avant, ici, je suis persuadé... J'aurais aimé ça assister, mardi soir ou mardi de la semaine passée, quand vous avez discuté dans votre caucus sur le projet de loi n° 188. Ça a dû être très intéressant d'entendre M. le député de Charlevoix, d'entendre M. le député d'Arthabaska et plusieurs autres qui siègent sur la commission. J'aurais aimé ça, entendre vraiment ce qu'on disait au vice-premier ministre. Vous, vous avez fait comme d'habitude, vous n'avez pas écouté, vous n'avez jamais écouté. Aucun changement. Tout le monde est d'accord avec le rapport Baril, à part une personne. Une personne qui n'est pas d'accord avec ça, c'est M. le vice-premier ministre du Québec, lui et ses statistiques, lui puis ses grandeurs. Pendant que les gens des caisses populaires – c'est ça qui est le plus dérangeant dans tout ce projet de loi là – sont d'accord avec le rapport Baril. C'est ça qu'on m'a dit chez nous. Les représentants de l'Outaouais, de mon comté, de tous les comtés de l'Outaouais sont venus nous dire: Chez nous, on est d'accord avec le rapport Baril. Il faut complètement encadrer ces gens-là. On ne peut pas vendre de l'assurance au-dessus du comptoir. C'est une profession, ça, vendre de l'assurance. J'en ai vendu moi-même pendant cinq ans, de l'assurance, M. le Président, et on ne vend pas ça au-dessus d'un comptoir d'une caisse populaire, ce n'est pas vrai.

Et on ne peut pas demander aux gens tous les renseignements personnels qui sont permis à cause de ce projet de loi là, c'est comme fouiller directement dans ma poche, c'est comme demander à une personne à quelle heure elle se lève, elle se couche, elle mange, elle dîne, elle déjeune. Une personne au Québec est d'accord avec ça, et vous la laissez faire, vous autres, en avant. Vous laissez le vice-premier ministre passer cette loi-là, avec des amendements, qu'il me dit, complètement techniques. On ne les a pas vus. Est-ce qu'on les a vus? On ne les a pas vus, les amendements. On demande au critique, député de Viger, d'aller au ministère.

Une voix: Il les avait promis aux groupes.

M. MacMillan: Et il avait promis ça aux groupes en commission parlementaire, à tous ces gens-là; qu'avant qu'on passe la loi, ces gens-là auraient la chance de voir... On ne l'a pas fait. Quand est-ce que – puis j'aimerais donc ça que la télévision ne soit pas ici, pour le dire en d'autres termes – on va lâcher d'écouter le vice-premier ministre du Québec qui va nous emplir de A à Z? Parce que c'est pour une raison, c'est que la caisse populaire soit le seul et unique temple dans le futur pays du Québec. Ça n'arrivera jamais, quand même. M. le Président, quand on posera la vraie question dans le débat sur la souveraineté puis qu'on demandera, oui ou non, la séparation, on verra ce qui va arriver.

Deux mille petites et moyennes entreprises, 40 000 familles qui sont touchées par ça, 20 000 courtiers et agents, «c'est-u» parce que c'est des gens d'affaires qu'on veut changer la loi? Parce que, en temps normal, les gens d'affaires, ils sont probablement assis sur notre côté, avec nous autres, là, maintenant. Ils l'ont toujours été quand même... «C'est-u» pour ça qu'on veut changer la loi? «C'est-u» pour ça que le vice-premier ministre veut changer la loi? Ou c'est pour remercier Béland, le président des Caisses Desjardins, ou Desjardins, parce qu'il a dit oui à la souveraineté du Québec? «C'est-u» ça qui est le fond de l'histoire?

C'est ça que je ressens, moi, parce qu'on n'écoute pas. Malheureusement. On n'a jamais voulu... Et en plus, je vois mes collègues – je les aime tous, mes collègues, la plupart, en tout cas – il y en a une, personne, qui a parlé de ce projet de loi là, c'est le député de Crémazie. Il a parlé deux minutes pour annoncer qu'il y avait un projet de loi qui était déposé à l'Assemblée nationale. Merci.

Alors, c'est quoi, votre opinion ? J'aimerais ça – on a le temps, là, on peut être ici jusqu'à minuit ce soir – entendre vraiment les gens de l'autre côté nous répéter et nous dire pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec le rapport Baril. Ce serait le fun de vous entendre, chers collègues.

Sûrement que vous avez des courtiers d'assurances et des agents d'assurances dans votre comté, sûrement que vous avez des caisses populaires, il y en a dans tous les villages, dans toutes les municipalités, sûrement que ces gens-là ont été vous rencontrer, sûrement que ces gens-là vous ont dit qu'ils étaient d'accord avec tout le travail qui a été fait par la commission, dont le président était le député d'Arthabaska, et notre critique le député de Viger, sûrement que ces gens-là ont été vous rencontrer. Si vous ne les écoutez pas, quel gouvernement! Quel gouvernement!

Tout ce monde-là, 40 000 familles. On ne voulait pas empêcher les caisses populaires, on ne veut surtout pas empêcher les caisses populaires de faire de la business. Ça, de la compétition, il y a rien de mieux. C'est ça, la vie des affaires, c'est de la compétition, mais pas banaliser ça, pas renfermer ça puis pas donner la chance aux gens qui font des affaires de travailler comme des professionnels. Il y a des gens que ça fait 30 ou 40 ans qu'ils sont dans ces affaires-là, dans les assurances, comme agents, comme courtiers. Bien non, on veut tout donner ça aux caisses populaires.

Le vice-premier ministre a dit en commission parlementaire: C'est quoi? Vous avez si peur des caisses? Ce n'est pas ça, c'est de respecter une profession.

Une voix: Concurrence loyale.

M. MacMillan: Et voilà! Une concurrence loyale est encore plus importante, M. le Président.

Alors, je dois vous dire – sûrement que vous allez me faire signe bientôt que mon temps est terminé – le sens – oui, c'est ça, quand on dit ça, c'est parce que ça fait un petit peu mal – des responsabilités d'un gouvernement qui décide de sacrifier la protection des renseignements personnels au profit de quelques-uns au nom d'une idéologie incertaine... C'est pourtant ce que fait le projet de loi n° 188, un projet indigne d'un gouvernement dit responsable devant tous les citoyens, un projet de loi qui ne mérite pas l'accord ni le consentement de cette Assemblée. Le projet de loi n° 188 doit être rejeté, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Papineau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de prendre la parole lors de l'adoption de principe du projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers; Bill 188, An Act respecting the distribution of financial products and services.

M. le Président, on se souviendra tous du curieux cheminement de ce projet de loi. En décembre 1996, la commission du budget et de l'administration, présidée par le député d'Arthabaska, a émis un rapport unanime sur la distribution des services et produits financiers au Québec. Déjà, M. le Président, un rapport unanime d'une commission parlementaire à l'Assemblée nationale, c'est plutôt rare. Normalement, et c'est notre devoir de l'être, l'opposition s'oppose. On trouve des failles dans les projets de loi, et c'est normal. On ne s'oppose pas pour s'opposer, mais on s'oppose dans la plupart du temps parce qu'on n'a pas la même idéologie, parce que le gouvernement va dans un sens qu'on n'apprécie pas, qu'on n'aurait pas fait si on avait été au gouvernement. Mais, de temps en temps, ça arrive, des rapports unanimes, mais c'est assez inusité, c'est rare.

Alors, effectivement, le rapport Baril, le rapport de la commission du budget et de l'administration sur la distribution des produits et services financiers, est un rapport unanime, et j'insiste là-dessus, M. le Président, en décembre 1996, un rapport unanime bien accueilli, on me dit. Le député de Viger, qui est notre porte-parole dans le dossier, m'indique que ce rapport unanime avait été assez bien reçu. Dans l'industrie, ça a eu l'accord de beaucoup d'acteurs, d'intervenants: des courtiers, des associations de courtiers, des consommateurs, des représentants d'industries, même, selon mon collègue le député de Papineau, certaines caisses locales étaient d'accord avec les recommandations du rapport unanime. Tout le monde, semble-t-il, sauf la direction des caisses populaires Desjardins. La direction s'est opposée.

(15 h 50)

Alors, comme bon lobbyiste, j'imagine, la direction de la caisse populaire Desjardins a tenté de faire changer l'orientation du gouvernement actuel. On parle d'un rapport unanime. Quelques mois plus tard – c'est plus que quelques mois, M. le Président, le rapport a été déposé en décembre 1996 – effectivement un an plus tard, on arrive avec un projet de loi proposé par le ministre des Finances. Alors, durant cette année-là, semble-t-il, la direction de la caisse populaire Desjardins a fait le lobbying et ils ont eu beaucoup de succès auprès du ministre des Finances, parce que, M. le Président, une lecture un peu attentive du rapport Baril versus le projet de loi n° 188 nous amène à la conclusion que le projet de loi n° 188 n'a presque aucun rapport, mais aucun rapport avec le rapport de la commission du budget et de l'administration de cette Assemblée, ce rapport unanime.

On dirait, dans un langage plus commun, que le rapport Baril, le rapport de la commission du budget et de l'administration, a été scrapé par le ministre des Finances. Lui qui agit, semble-t-il, pour le bien-être de tout le monde, lui qui sait mieux que tout le monde, hein, le demi-dieu, il se lève: Ah! moi, je sais ce qu'il faut faire, moi! Dans ce cas-là, c'est presque «l'État, c'est moi», dans l'esprit du ministre des Finances. Alors, il met de côté complètement le rapport unanime d'une commission puis il arrive avec un projet de loi qui n'a pas de rapport.

Là il dit: On va de l'avant. On aurait bien aimé entendre parler des députés ministériels là-dessus, M. le Président. J'aurais personnellement bien aimé entendre le député d'Arthabaska là-dessus. J'aurais aimé, j'aurais aimé avoir ses opinions. J'aurais aimé avoir les opinions des députés ministériels, ceux qui faisaient partie d'un rapport unanime puis qui arrivent avec un projet de loi qui est tout à fait le contraire. Où sont les députés ministériels pour défendre ce projet de loi? Ils sont rares, ils sont muets. Ils sont peut-être bâillonnés, on ne le saura pas, jamais. Que le député de Fabre se lève, qu'il nous donne ses opinions, lui qui a toujours une opinion, hein? Il a une opinion sur tout; bien, qu'il nous la donne sur le projet de loi n° 188. J'aimerais bien avoir ses opinions là-dessus.

M. le Président, semble-t-il, selon lui, que c'est un excellent projet de loi. Qu'il se lève, qu'il le dise. Il n'y a pas de problème, on est ici pour ça, pour parlementer. Qu'il prenne parole. Là, comme je me fais accuser de temps en temps, il joue pas mal à Tartuffe. Il se lève, de l'autre côté, et il dit: C'est un excellent projet de loi. Qu'il prenne parole. Moi, je suis prêt à céder immédiatement après...

M. le Président, quelques vices de procédure dans la façon dans laquelle ça procède. Ça a fait l'objet de beaucoup de tractations, et on a eu des consultations particulières là-dessus. Beaucoup de gens sont venus exprimer leur opinion. Le ministre des Finances a dit: Ça va nous prendre des amendements. Ah! déjà un certain changement de cap: Ça va nous prendre des amendements. Bravo! On entend parler qu'il y a 200 amendements. Le ministre prend l'engagement devant la commission: Vous allez connaître mes amendements. Il prend l'engagement envers le député de Viger, membre de cette Assemblée, comme quoi le député de Viger, en tant que porte-parole de l'opposition officielle, va être capable d'avoir, de regarder, d'analyser les amendements avant l'adoption du principe. C'était l'engagement du vice-premier ministre du Québec, ministre des Finances. Malheureusement, je dois vous dire que le vice-premier ministre, ministre d'État de l'Économie et des Finances, a manqué à sa parole, n'a pas respecté son engagement. Il a tenté de dire: Oui, oui, le député de Viger a l'essentiel des éléments. Il lui a été offert un document, etc. Mais, vous le savez comme moi, il peut y avoir une différence majeure entre l'essentiel des amendements puis ce qui est vraiment écrit par les légistes, les textes législatifs.

Moi, je ne me fie jamais à un document sur les orientations du gouvernement. On ne vote pas en commission parlementaire, on ne vote pas ici, en cette Chambre, même pour l'adoption du principe, sur des documents d'orientation, on vote sur des projets de loi, on vote sur un texte légal.

Quand le ministre des Finances dit devant tout le monde qu'il prend l'engagement devant notre porte-parole qu'il va avoir accès aux amendements avant l'adoption de principe puis qu'il ne respecte pas sa parole, bien, M. le Président, on est méfiant un peu, c'est normal. On se méfie. Le ministre dit: Il y a l'essentiel. M. le Président, c'est notre devoir d'être sceptique. Moi, je suis sceptique de nature face aux déclarations des ministres. C'est inhérent en moi. Un ministre péquiste va se lever et il dit: On s'en va par là. Bien, où est votre carte routière, là? Ah! Ça va venir après, mais je vous le dis: On s'en va par là. Moi, je veux voir la carte routière d'un ministre péquiste avant que je m'engage à le suivre par là, parce que souvent il y a une différence entre les paroles et les gestes. Souvent, on fait de petits zigzags. C'est ça qui me rend méfiant, avec raison, depuis presque quatre ans ici, en cette Chambre, M. le Président. Alors, des vices de procédure très importants qui rendent l'opposition officielle très méfiante.

Le fond de la question du projet de loi n° 188, c'est qu'il y a plusieurs aspects qui sont inquiétants pour l'opposition, plusieurs aspects. Il y a des aspects plus techniques reliés directement au projet de loi puis il y a un autre aspect plus global en ce qui concerne, quant à nous, l'avenir de 2 000 PME au Québec, dont beaucoup sont dans les régions du Québec. Il s'agit de 2 000 PME, 20 000 courtiers et agents et leur personnel de soutien. C'est du monde. C'est une industrie importante au Québec: 2 000 PME qui sont menacées – ce sont toutes des informations qu'on nous donne – dont l'avenir est menacé par le projet de loi n° 188 tel que rédigé. Mais, M. le Président, vous allez comprendre que, avant de dire oui à un projet de loi qui menace 2 000 PME au Québec, il faut avoir des mosus de bonnes explications, il faut avoir un engagement concret. Peut-être qu'il y aura des changements, mais quelle est la nature de ces changements dans des textes légaux? On ne le sait pas.

M. le Président, 2 000 PME. J'ai lu, il y a quelques mois, un article dans une revue, je pense que c'est la revue PME , comme quoi le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce et à la Technologie, c'est le ministre des PME au Québec. J'aimerais savoir ce que pense le député de Portneuf, le ministre responsable des PME, d'un projet de loi qui menace l'existence même de 2 000 PME. Qu'est-ce qu'il en pense, lui, le ministre responsable des PME au Québec? Est-il d'accord avec une mesure législative qui menace l'existence de 2 000 PME, M. le Président? Il ne peut pas être d'accord avec ça, c'est incompréhensible. Il ne peut pas être d'accord avec ça. Comme ministre responsable des PME, il ne peut pas être d'accord avec des mesures qui mettent en danger 2 000 PME au Québec, dont beaucoup sont dans les régions. Je suis convaincu qu'il ne peut pas être d'accord. Bien, qu'il le dise. Qu'il nous donne son opinion. Je comprends, il est lié par une solidarité ministérielle. Oui, il a des problèmes, lui. Je comprends qu'il est tributaire du ministre des Finances, c'est le ministre délégué, mais il ne peut pas être d'accord avec ça, M. le Président, c'est incompréhensible.

M. le Président, le projet de loi, en plus de menacer 2 000 PME, en plus de menacer 20 000 courtiers et agents au Québec, ouvre la voie à la distribution sans intermédiaires qualifiés pour des produits d'assurance afférents à un bien. Là on parle de vente d'assurance sur le trottoir... sur le comptoir, pardon...

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 heures)

M. Copeman: ...et peut-être même sur le trottoir, on ne sait jamais! Ça peut aller aussi loin que ça. C'est peut-être la prochaine étape, des petites bouffes au coin de Peel et Sainte-Catherine où on va faire la vente sur le trottoir des assurances.

Une voix: Amherst et Ontario.

M. Copeman: Amherst et Ontario, c'est possible. C'est déjà dans les plans du leader adjoint du gouvernement, voyez-vous, c'est dans les plans. Est-ce que c'est bon pour les consommateurs? Ça, c'est autre chose, M. le Président.

Mais une vente au comptoir dans les caisses Desjardins, c'est un peu comme des médicaments, M. le Président, moi, je l'assimile un peu à des médicaments. Il y a des médicaments qui sont disponibles au comptoir dans une pharmacie; il y en a d'autres qui prennent une prescription, une ordonnance, ça prend une implication d'un professionnel, le médecin et le pharmacien. On en a beaucoup parlé, des ordonnances, ces temps-ci. Mais le projet de loi, la vente d'assurances, ça fera un bien... On peut l'assimiler à cette pratique, M. le Président. Présentement, nous avons des professionnels qui s'occupent de la vente d'assurance, un peu comme les professionnels de la santé et les professionnels en pharmacie qui s'occupent de la vente et de l'émission des ordonnances des médicaments. Parce qu'on comprend, pour des médicaments, qu'il y en a certains qu'on peut aller chercher facilement au comptoir, qu'il y en d'autres qui prennent un professionnel.

Mais, nous, on prétend que la vente d'assurance prend l'implication d'un professionnel qui connaît le domaine, M. le Président. Ce n'est pas n'importe qui qui va être capable de vendre des assurances. Ce n'est pas des aspirines, ça, qu'on prend sur le comptoir. C'est même peut-être dangereux de ne pas baliser la vente par des professionnels. Alors, nous, nous avons des préoccupations majeures.

Ces préoccupations, M. le Président, sont reflétées par des groupes comme l'Association des consommateurs du Québec qui met en lumière un des principaux problèmes engendrés par la distribution sans représentant. Voici ce que dit l'Association des consommateurs du Québec, et je la cite: «On pense que tout le monde qui offre un service devrait avoir une formation adéquate pour offrir ce service-là.» Dans le sens que la personne qui va vendre le produit d'assurance-voyage connaît son produit d'assurance-voyage, que les gens puissent vraiment informer les gens adéquatement selon le produit qu'ils vendent, mais qu'il n'y ait pas d'exception, parce qu'à un moment donné on dit: Du moment qu'il y a une exception, ça ouvre la porte à d'autres possibilités.

L'aspect protection du consommateur, M. le Président, est très important. Effectivement, le projet de loi n° 188 tel que rédigé ouvre grande la porte à toutes sortes d'exceptions pour la distribution sans représentant. Les intervenants de l'industrie, les distributeurs demandent un encadrement plus serré de la distribution sans représentant pour une meilleure protection du consommateur. C'est ça, le but recherché, en partie, de ce côté de la Chambre, c'est de protéger le consommateur.

Même l'Office de la protection du consommateur est d'un avis qui se situe aux antipodes des propos du ministre des Finances. Ça, c'est l'Office de la protection du consommateur. J'aimerais bien savoir ce que le ministre des Relations avec les citoyens pense, lui qui est responsable de l'Office de la protection du consommateur, lui qui est responsable au sein du Conseil des ministres de la protection des consommateurs, quand son propre Office dit ceci: On veut avoir des garanties supplémentaires qui peuvent être offertes par deux voies. Et il nous semble inopportun de maintenir ces deux régimes. Et on pense que les consommateurs seraient certainement mieux servis si tous les produits d'assurance étaient réglementés par un seul et même régime. Donc, dans cette optique-là, nous proposons d'amender la Loi sur les assurances pour y inclure des contrats de garantie supplémentaire afin de faire en sorte qu'il y ait un seul régime applicable à ce type de produit financier. M. le Président, selon nous, le projet de loi n° 188 n'offre pas de garanties suffisantes en termes de protection du consommateur.

Mr. Speaker, to conclude, the report of the commission on budget and administration was a unanimous one. Presided by the Member for Arthabaska, the report was a unanimous one, in December of 1996. One year later, the Minister of Finance comes out with a bill that completely sets aside a unanimous report of a commission of this National Assembly, completely sets it aside, Mr. Speaker, scraps essentially the unanimous recommendations of the Baril report, of the report of the commission on budget and administration. Why? We'll never know. We'll never know, Mr. Speaker. Perhaps Caisse Desjardins intervened with the Minister of Finance. It could be other reasons. All we know is where we started from, Mr. Speaker, which was a unanimous report and we arrived at a bill that is hotly contested, which respects none of the recommendations of the Baril report in their content and is unacceptable to the industry and to consumers right across this province. Thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition, je vous cède la parole.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Même si c'est vendredi après-midi à 16 h 5, est-ce que vous auriez l'obligeance de constater s'il y a quorum en cette Assemblée?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je fais ça rapidement. Effectivement, il nous manque quelques personnes pour... Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Il y a effectivement trois fois plus de députés du parti ministériel que de députés libéraux qui sont par vaux et par champs. Nous allons les appeler.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, on va attendre quelques minutes. Quelques secondes. Pas quelques minutes, quelques secondes. Et, si le quorum n'est pas rétabli, nous devrons à ce moment-là sonner les cloches. On va attendre quelques minutes, quelques secondes, excusez. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze. Alors, le quorum est rétabli. Nous sommes prêts à continuer, et j'inviterais M. le leader de l'opposition à prendre la parole.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, je n'en ferai pas un point d'ordre, mais je ne suis pas certain que le règlement vous autorise à compter les députés qui ne sont pas assis à leur banquette. Ceci étant dit, simplement pour la prochaine fois.

Le projet de loi qui est devant nous fait appel aux parlementaires québécois quant à trois principes. Le premier relève d'un élément que vous avez à coeur: Quel est le rôle du parlementaire québécois dans la société québécoise? Est-ce qu'un député, lorsqu'il est ministériel, est élu à l'Assemblée nationale pour prendre les ordres de l'Exécutif, c'est-à-dire du Conseil des ministres, et se taire? Ou est-ce qu'il est élu à l'Assemblée nationale pour prendre les avis des personnes qui vivent dans son comté et tenter de les transmettre au Conseil exécutif?

M. le Président, je vous prends à témoin parce que vous avez beaucoup d'expérience en cette Chambre en ce qui concerne les intermédiaires de marché, ce qu'on appelle communément, pour qu'on s'entende bien tout le monde, nos courtiers d'assurances chez nous, dans nos régions, au Québec. Est-ce que vous êtes là comme députés pour écouter le ministre des Finances ou pour transmettre au ministre des Finances ce que ça représente, un courtier d'assurances, chez vous? Ce que ça représente pour le consommateur, pour votre électeur, ce que ça représente pour votre communauté puis ce que ça représente comme dynamisme de votre région.

(16 h 10)

M. le Président, je le prends à trois points de vue, puis j'ai encore un peu confiance aux députés de l'Assemblée nationale malgré tout, parce qu'ils ont fait, dans ce dossier-là, ce que très peu de députés ont osé faire dans plusieurs dossiers: ils se sont assis en commission parlementaire, ils ont écouté les arguments de tous les intéressés, ils ont produit, M. le Président, pour votre bénéfice et pour celui des 125 députés de l'Assemblée nationale du Québec, un rapport.

Habituellement, il y a un petit peu de partisanerie en politique, M. le Président, vous en conviendrez. Une fois de temps à autre, ça déborde. Cette fois-ci, ils ont mis la partisanerie de côté, un événement exceptionnel, un événement qui doit inspirer une réforme parlementaire, s'il doit y en avoir une. Ils ont soumis un rapport unanime. Tous les députés de l'Assemblée nationale, par leurs représentants, ont dit clairement: Le rôle du courtier d'assurances dans la société québécoise, il faut le maintenir. Cent vingt-cinq députés. À ce moment-là, tout le monde était fier d'être député puis tout le monde avait raison d'être fier d'être député parce que tout le monde avait fait son devoir.

Puis là ça s'est compliqué un petit peu, M. le Président. Il y a des gens qui ont oublié qu'ils ont été élus à l'Assemblée nationale du Québec par les gens de leur comté. Ils se sont dit: Peut-être que si je suis un petit peu servile, peut-être que si je suis fin avec mon ministre des Finances, peut-être que si je suis fin avec l'exécutif, peut-être que je vais être ministre.

Je vois le ministre du Tourisme qui ne peut pas s'empêcher de rire. Lui, il sait c'est quoi, il est passé de l'Environnement au Tourisme. Je sais que c'est une promotion qu'il a exigée. Mais, M. le Président, dans la vie, quand on retombe – et on est dans cette période-là – à un moment préélectoral, on devrait au moins se sentir interpellé par notre électorat. Si, au moment de ce qu'on appelle la «période préélectorale», on ne se sent pas interpellé par notre électorat, imaginez-vous comment on l'a oublié depuis qu'on a été élu. Et, dans cette période où on se sent interpellé par notre électorat, on devrait avoir à coeur la défense des intérêts des gens qu'on représente et dire à notre gouvernement, à l'exécutif: Ce que vous nous proposez là, je m'excuse, ça n'a pas de maudit bon sens si je veux représenter correctement, fidèlement et honnêtement les intérêts des gens qui m'ont élu.

Moi, je ne sais pas comment ça se passe, M. le Président, dans tous les comtés du Québec, je ne sais pas comment ça se passe chez vous, je ne sais pas comment ça se passe dans les autres comtés, mais j'ai la drôle d'impression que ce qui se passe chez nous, ça doit ressembler à ce qui se passe ailleurs. Moi, les courtiers d'assurances chez nous, là, que ce soient des Jean-Louis Brault ou des Hardy Craft, ce sont des gens qui créent de l'emploi, ce sont des gens sur qui on peut compter quand notre contrat d'assurance n'est pas clair, clair, clair, comme on dit, puis notre...

Des voix: ...

M. Paradis: De l'autre côté, on rit parce qu'on est plus connecté sur le ministre des Finances que sur la population, ces jours-ci. Ce n'est pas clair, clair, clair, un contrat d'assurance, puis, quand on l'a signé, on l'a signé parce qu'on faisait confiance. Quand on a besoin de quelqu'un pour intervenir puis qu'on a fait affaire avec notre courtier, on est certain que notre courtier va intervenir puis qu'il va prendre notre défense.

Il y en a beaucoup qui ont vécu ça – vous l'oubliez, de l'autre côté – suite à la crise du verglas, il y en a beaucoup qui ont eu à faire affaire avec leur courtier d'assurances. Puis les courtiers d'assurances, ce n'est pas à 100 % du bon monde. Mais, lorsque je compterai les votes, tantôt, je vais être obligé de conclure qu'il y a plus de bon monde dans les courtiers d'assurances que dans les députés de l'Assemblée nationale, plus de gens à l'écoute puis à la défense de leurs consommateurs puis de leurs clients que de gens à la défense de leurs électeurs puis du monde qui les a élus à l'Assemblée nationale.

Quand je pense à ces gens-là, je me dis: Ce n'est pas juste de la business, chez nous, ça, les courtiers d'assurances, ce n'est pas juste, à travers nos comtés, 20 000 emplois de courtier puis 40 000 personnels de soutien, ce n'est pas juste 60 000 jobs de PME dans les régions du Québec; c'est un petit peu plus. Connaissez-vous, vous autres, un courtier d'assurances chez vous qui n'est pas impliqué dans son club Optimiste, qui n'est pas impliqué dans son club des Lions, qui n'est pas impliqué au niveau des loisirs, qui n'est pas impliqué au niveau de sa municipalité, qui n'est pas impliqué au niveau de sa commission scolaire, qui n'est pas sur le conseil d'administration d'un organisme de santé? Puis vous allez dire à ces gens-là: Le Québec n'a plus besoin de vous autres. Le Québec n'a plus besoin de ces 60 000 personnes qui non seulement ont rendu des services aux consommateurs, mais se sont impliquées dans chacune des circonscriptions électorales, dans chacun des comtés, qui ont fait du bénévolat. Vous allez dire: Ce n'est plus ça, le Québec. Le Québec, c'est devenu le Québec des grosses banques puis des gros centres financiers. Puis on a décidé, comme députés de régions, de ne plus vous écouter, les courtiers d'assurances. On a décidé qu'on n'avait plus besoin de vous autres.

Moi, je vois le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui dit: Ça ne se peut pas, dire ça. Moi, ce que j'ai vu l'autre jour, en cette Chambre, je me suis dit: Ça ne se peut pas, voir ça. Quand le ministre des Finances a annoncé 8 000 000 $ de subventions à deux banques – puis le profit des banques cette année, M. le Président, c'est 8 000 000 000 $ – puis que j'ai vu la députée de Hochelaga-Maisonneuve, qui est responsable des plus démunis de notre société, applaudir, je me suis dit: Ça ne se peut plus, ça ne se peut pas! Je ne suis pas certain que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques ait applaudi, sinon je le dirais, M. le Président – il y avait des gens entre moi puis lui – j'espère qu'il n'a pas applaudi.

Mais, quand on est rendu au service des grosses institutions financières puis qu'on a décidé de détruire ce qu'il y a de plus précieux dans le Québec des régions, M. le Président, puis qu'on se dit social-démocrate, je me dis: Ça va être difficile à expliquer, ça, sur le terrain, en campagne électorale. Je me suis dit: Ça sera impossible à expliquer. Des intermédiaires de marché, c'est ce qui fait en sorte que ce n'est pas la «big business», c'est ce qui fait en sorte que ce n'est pas les grosses banques qui mènent chez nous, dans nos régions, quand arrivent les cataclysmes.

Quand on s'assure, oui, on s'assure avec une grosse compagnie d'assurances, mais, comme consommateur, on a l'impression, à raison, de faire affaire avec quelqu'un de chez nous, le courtier de chez nous qui nous dit: M. le député – si c'est le cas – ou M. le travailleur d'usine, votre contrat, ça coûte tant puis c'est ça que ça couvre. Puis, quand quelque chose arrive, vous parlez à quelqu'un. Vous ne parlez pas à une boîte vocale, vous ne parlez pas à un système électronique, vous ne parlez pas à une multinationale; vous parlez à quelqu'un chez vous, dans votre communauté, en qui vous avez confiance.

M. le Président, avant de me lever, moi, je me suis dit: Est-ce qu'on a raison de mener la bataille aussi loin? Vous savez ce qui m'a convaincu qu'on avait raison? C'est quand il n'y a personne qui se lève de l'autre côté, parce que les gens le savent, parce que les députés qui sont de l'autre côté et qui ont eu le courage d'endosser ce qu'on appelle le rapport Baril savent qu'on a raison.

Moi, à ce moment-ci, M. le Président, parce que j'ai encore confiance qu'il y a des gens de l'autre côté qui sont d'autre chose que des marionnettes du ministre des Finances, je fais appel à leur conscience. Si, lorsque vous vous lèverez en cette Assemblée nationale pour voter, vous voulez voter pour la grosse finance, puis vous êtes à l'aise avec ça – il y a du monde qui est à l'aise avec ça, le ministre des Finances va être très à l'aise avec ça, il les fréquente quotidiennement – si vous voulez voter pour que les consommateurs, dans vos comtés, fassent affaire avec ce qu'on appelle aujourd'hui des boîtes vocales de multinationales de l'assurance, vous supporterez votre ministre des Finances, il est à l'aise avec ça.

(16 h 20)

Mais, si vous voulez voter pour les gens de chez vous, le monde de chez vous, si vous voulez voter pour votre travailleur d'usine, si vous voulez voter pour votre courtier d'assurances, si vous voulez voter pour votre club optimiste – je vais aller plus loin que ça, puis je suis à l'aise de le dire parce que, vous le savez, il n'y en a pas un qui ne fait pas du bénévolat – si vous voulez voter pour votre communauté, vous vous lèverez puis vous voterez pour un rapport unanime de l'Assemblée nationale, pas un rapport péquiste, pas un rapport libéral, pas un rapport adéquiste, pour un rapport unanime de l'Assemblée nationale du Québec.

Puis, si vous n'avez plus le goût de vous présenter aux prochaines élections, puis si vous en avez assez, là, si vous êtes écoeurés de la politique, puis si vous pensez que ça doit être les grosses institutions financières qui mènent la province, puis si vous ne voulez plus aller vivre dans vos comtés, avec le monde qui vous a élus, si vous ne voulez plus aller au club Optimistes ou au club des Lions, puis si vous voulez vous cacher – il y a quelqu'un qui m'indique Kiwanis, il a raison, je l'ai oublié, parce qu'ils font également du bénévolat dans les Kiwanis – si vous ne voulez plus être présentable parce que vous avez décidé de ne plus vous présenter, à ce moment-là vous supporterez le ministre des Finances.

Puis là vous allez probablement recevoir une lettre de félicitations des grandes compagnies d'assurances puis des grandes banques. Puis, lorsque vous allez vous regarder dans le miroir, là, ça va être moins joli que le poster que vous aviez sur le poteau de téléphone à la dernière élection. Puis, si vous avez encore un petit peu de respect pour le mandat que la population vous a confié en fiducie... Parce qu'elle peut décider que c'est fini. Ou elle peut décider que vous avez été un bon député; elle peut décider de vous le reconduire, si vous avez un peu de respect pour les principes. Parce que je ne pense pas qu'il y ait personne qui soit entré ici, en politique, en disant, d'un côté comme de l'autre: Moi, je suis au service des grandes banques, des grandes compagnies d'assurances puis des grandes institutions financières. J'ai eu des petits doutes quand le 8 000 000 $ a été voté pour les grandes banques, qui font 8 000 000 000 $ de profits cette année, mais, malgré ça, je ne pense pas qu'il y ait personne qui soit entré ici avec cette intention-là.

Mais rappelez-vous que les gens qui vous ont envoyés ici comptaient sur vous autres, qu'il y avait un lien de confiance, qu'il y avait un lien d'affection. Parce qu'il n'y a pas un député qui est élu s'il n'y a pas un lien d'affection avec ses électeurs. Puis, s'ils vous voient voter pour bannir des régions, pour éliminer 20 000 courtiers d'assurances, 40 000 jobs, donner ça à des boites vocales puis à des grosses compagnies, ils vont se dire: Un politicien, ce n'est pas bien, bien fiable; c'est à vendre, un politicien. Quand les grosses banques puis les grosses compagnies d'assurances arrivent, il n'y en a plus beaucoup qui se lèvent debout.

Moi, je vous le dis en toute franchise – je siège avec le député d'Arthabaska depuis plusieurs années: le fait qu'il ait eu le courage de se tenir debout et d'indiquer quelle était la voie à suivre devrait vous inspirer. Aujourd'hui, vous avez le choix: ou bien, comme députés, vous suivez le député d'Arthabaska, puis vous suivez la voie du bon sens puis vous suivez un rapport unanime de l'Assemblée nationale du Québec, ou bien vous vous écrasez, vous vous effoirez puis vous applaudissez le ministre des Finances qui se promène dans les salons des grandes compagnies d'assurances puis des grandes banques puis qui donne des subventions aux banques.

Je ne devrais peut-être pas vous dire ça, parce que, moi, j'ai l'impression que, si vous suiviez le député d'Arthabaska, vous auriez des chances d'être réélus. Mais j'ai une conviction profonde: vous suivez le ministre des Finances, les gens, dans vos comtés, vont savoir qui vous êtes vraiment.

Puis, moi, je ne peux pas dire que c'est réglé, cette affaire-là, parce que j'en connais plusieurs de l'autre bord. On fait de la politique, c'est partisan, M. le Président, puis c'est normal. Mais avant de dire que vous êtes tous des traîtres, là, tous des marionnettes, tous des serviles serviteurs du ministre des Finances, moi, j'ai des hésitations.

M. Boulerice: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, vous voulez intervenir sur une question de règlement?

M. Boulerice: Oui. M. le Président, on connaît fort bien le leader de l'opposition. On sait que, comme le dit Talleyrand, son ambition est comme le feu; elle se nourrit des matières les plus nobles comme les plus viles. Il connaît très bien le règlement, il connaît d'ailleurs très bien l'article 35, donc je l'inviterais à mesurer ses paroles. Je veux bien admettre que c'est vendredi après-midi, mais quand même. Qu'il continue à feindre l'authentique comme il le fait mais dans le respect de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader de l'opposition, vous avez effectivement frôlé la limite du permis. En employant la négative, c'était indirectement un peu faire ce qu'on ne pouvait pas faire directement. Alors, je vous inviterais à éviter, s'il vous plaît, à l'avenir de...

M. Paradis: Vous avez raison, M. le Président, et le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques – ça l'honore – a été le premier à sursauter. Parce que, lorsqu'on est face à la vérité et qu'on a encore le goût de sursauter, c'est qu'on a encore un examen de conscience à faire. Et c'est simplement sur cet élément-là que je voulais le ramener. S'il se sent confortable, M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques, et si les députés de l'autre côté se sentent confortables à trahir leurs électeurs, trahir des gens qui, dans leur milieu, sont des contributions positives... Pas tous des libéraux, là, il y a des libéraux, il y a des péquistes, il y a des adéquistes là-dedans. Il n'y a pas de partisanerie politique, M. le Président...

M. Boulerice: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous sommes vendredi après-midi, effectivement. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, le leader de l'opposition – ou de ce qui nous tient lieu d'opposition – connaît très bien l'article 35, il connaît très bien le sixième alinéa de l'article 35 qui dit: «imputer des motifs indignes à un député...» Il n'y a aucun député ici qui a le goût de trahir qui que ce soit ou quoi que ce soit, alors je vous demanderais de nouveau de le rappeler au raisonnable, si cela est possible, il va de soi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader de l'opposition, je vous invite sérieusement à éviter de ne pas respecter l'esprit du règlement, de l'article 35.

M. Paradis: M. le Président, dans le sens de votre décision, je m'excuse d'avoir fait appel à la conscience des personnes qui n'en ont pas. Maintenant, pour ceux et celles qui en ont, je leur rappellerai que les gens qu'ils représentent dans leur comté sont des gens qui supportent majoritairement l'intervention des intermédiaires de marché, qu'on appelle les courtiers d'assurances.

Pour ceux et celles qui ont encore de la conscience comme députés – puis je sais qu'il y en a des deux côtés de la Chambre encore, M. le Président; peut-être plus d'un côté que de l'autre, moi, je souhaite que ça soit raisonnablement partagé – leur rappeler le rôle des courtiers d'assurances. Je vois des députés de région qui se disent: Ouais, c'est vrai que ces gens-là font du travail correct pour les consommateurs. Je vois que ces gens-là font du travail correct pour les organismes de mon comté. Je vois que c'est dans l'intérêt public qu'ils continuent à oeuvrer. Tout ce qu'on a à faire comme députés, ce n'est pas tellement compliqué, c'est de convaincre ensemble de recréer la solidarité qui s'est créée comme parlementaires autour du rapport Baril. Puis, quand je dis le rapport Baril, M. le Président, je ne veux insulter personne, c'est un député du Parti québécois à qui il faut rendre... Vous me faites signe, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, il reste cinq secondes.

M. Paradis: Cinq secondes, M. le Président, pour rendre hommage à M. Baril? Ce n'est pas suffisant. De consentement, pour rendre hommage au député d'Arthabaska, moi, je suis certain que le leader adjoint du gouvernement va vous permettre... Mais je veux simplement souligner son courage, sa détermination. Le travail qu'il a accompli avec le député de Viger ne mérite pas d'être jeté à la poubelle. Au nom de tous ceux et de toutes celles qui ont travaillé, qui ont oeuvré correctement, ne sacrifiez pas vos principes au nom des intérêts de la haute finance, M. le Président.

(16 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Brome-Missisquoi. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de... celui qui se lève, sinon je vais mettre aux votes... Ah bon, il y a quelqu'un, ce n'est pas terminé. Alors, M. le député de Laurier-Dorion, je vous cède la parole.


M. Christos Sirros

M. Sirros: M. le Président, j'hésitais à me lever parce que j'étais certain qu'il y aurait au moins un député du Parti québécois qui se lèverait pour expliquer pourquoi ils laissent tomber tous les intermédiaires de marché dans leur comté, tous les courtiers d'assurances, pour utiliser un mot que les gens connaissent. Parce que, M. le Président, ce projet de loi fait une entorse majeure à la liberté pour le consommateur. On va enlever, comme conséquence, une soupape qui existe, un instrument que le consommateur a pour avoir l'assurance que celui qui le représente en termes de choix d'une compagnie d'assurances qu'il va faire pour ses besoins personnels sera quelqu'un d'indépendant et d'autonome. Le résultat final de ce qui s'en vient avec le projet de loi n° 188, ça va être de mettre de côté les courtiers d'assurances, de faire en sorte que les grosses institutions, en commençant avec le Mouvement Desjardins... Mais ça ne sera pas long que les banques à charte fédérale vont vouloir avoir le même traitement, et là, encore une fois, on va se retrouver dans une situation où ça va être le consommateur tout seul face à des institutions qui ont leurs propres produits à lui vendre. Uniquement. Son choix va être beaucoup, beaucoup limité. Et il est effectivement troublant de voir que personne de l'autre côté ne se lève pour défendre le choix du consommateur, pour défendre les courtiers d'assurances dans ce cas-ci et pour défendre une unanimité qu'on avait pourtant élaborée ensemble de part et d'autre de cette Chambre autour du rapport Baril.

Mon collègue qui vient de me précéder tentait de rendre hommage au député d'Arthabaska, je pense, du Parti québécois, qui avait présidé la commission qui regroupait et des libéraux et des membres du Parti québécois et qui avait examiné la question des intermédiaires de marché et avait conclu qu'il y avait un certain nombre de principes qu'il fallait absolument protéger dans tout réaménagement de cette loi-ci ou dans les lois qui touchent les assurances, et ces principes sont bafoués par le projet de loi n° 188. Le principe fondamental qui est mis à mort, si je peux parler ainsi, c'est le principe, comme je le disais tantôt, de la liberté effective du consommateur. Parce qu'il y a toujours une distance entre ce qui est réel sur le terrain, dans les faits, et ce qui est dit par le ministre des Finances dans ce cas-ci.

M. le Président, le projet de loi n° 188 sur la distribution de produits et services financiers suscite effectivement beaucoup d'inquiétude tant chez les consommateurs que dans l'industrie. J'en veux pour preuve les nombreux commentaires lus et entendus sur ce projet depuis le début de l'année et notamment dans le cadre de la consultation effectuée par la commission des finances publiques cet hiver. Qu'est-ce que les gens qui ont été consultés nous ont dit? Les craintes exprimées par plusieurs portaient sur la protection, comme je le disais tantôt, du consommateur, alors que ce projet de loi risque de l'exposer à des situations de risque, en situation de plus grande vulnérabilité face à certaines institutions financières qui verront leurs pouvoirs accrus grâce au projet de loi n° 188.

Il faut savoir, en effet, qu'un des points majeurs de 188 est de permettre aux institutions de dépôts – les caisses populaires dans ce cas-ci – de vendre des produits d'assurance quels qu'ils soient à l'intérieur même de leurs succursales, et ce, sans filiale dédiée, comme c'est le cas actuellement. Autrement dit, quand on va entrer dans une caisse populaire, les gens qui vont recevoir notre dépôt, par exemple, ou qui vont nous donner l'argent d'une retraite qu'on peut faire sont aussi des vendeurs d'assurance, mais pas des vendeurs d'assurance disponibles pour vous éclaircir sur le meilleur choix de la meilleure compagnie, mais pour vous vendre l'assurance de leur institution financière, et c'est là où survient toute la question des ventes liées.

Et, effectivement, il faut savoir que c'est un des points majeurs qui est de permettre à ces institutions de dépôts de vendre des produits d'assurance. Les banques canadiennes qui sont de juridiction fédérale, Ottawa – jusqu'à nouvel ordre, tout au moins – leur interdit pour l'instant d'opérer sur le marché d'assurance sans filiale. Il va de soi que la seule institution qui va pouvoir le faire sera le Mouvement Desjardins à ce moment-ci. Mais, une fois qu'on met le doigt dans l'engrenage, le reste va venir également. Et ça soulève un certain nombre d'inquiétudes sérieuses parce que, si on permet à Desjardins de vendre de l'assurance en succursale, il faudra qu'il le fasse en respectant les droits des consommateurs, n'est-ce pas, et ces droits sont ceux, d'abord, de ne pas être soumis à des pressions indues, déloyales, voire illégales.

Le parrain du projet de loi, le ministre des Finances et vice-premier ministre, affirme pour sa part que de telles pressions, que l'on appelle des ventes liées, comme je le disais tantôt, ne pourront survenir, puisque le projet de loi les rendrait illégales. Et c'est là qu'il faut regarder de plus près parce que, entre le discours et les faits, il y a souvent une marge. Et, quand c'est un discours qui vient de la part du vice-premier ministre, il faut se méfier trois fois, M. le Président.

Effectivement, rien n'est moins sûr à l'effet que les ventes liées ne seraient effectivement pas pratiquées sur le terrain. Plusieurs nous ont dit, en commission parlementaire, ce fait, M. le Président. Ils ont soulevé le fait que les dispositions du projet de loi n° 188 interdisant les pressions indues et les ventes liées pourraient tout simplement ne pas être applicables ou pourraient être facilement contournées. Une des raisons, c'est que le projet de loi accorde des pouvoirs supplémentaires à des institutions de dépôts qui en possèdent déjà beaucoup.

Face aux consommateurs, les institutions de dépôts sont en position de force. Ainsi, quand la caisse populaire est, dans plusieurs petites municipalités, la seule institution de dépôts auprès de laquelle les consommateurs peuvent obtenir des conseils financiers, cette institution dispose d'une position de force de facto, M. le Président. Il faut aller là, il n'y en a pas d'autres.

Un représentant du monde de l'assurance a bien illustré ce qu'une telle situation signifiait pour le consommateur. Cette personne nous a dit, et je cite: Il y a une chose que j'entends par vente liée, c'est quand une personne pense qu'une institution financière lui fait un cadeau en lui donnant une hypothèque sur sa maison et que le consommateur se sent obligé d'acheter son assurance-hypothèque auprès de la même institution. Ça, c'est une vente liée.

Autrement dit, on vous donne votre hypothèque: «By the way», ne voulez-vous pas prendre une assurance pour cette hypothèque? Étant donné que vous êtes ici et que nous sommes la seule institution de dépôts dans la municipalité, vous aurez quand même – ça, c'est sous-entendu – à traiter avec nous pour longtemps après, ce serait bon qu'on établisse des liens amicaux, quoi.

Alors, ce qu'on nous dit, c'est que le consommateur peut facilement, et on le voit, et même souvent, se retrouver en position de vulnérabilité parce qu'il n'aurait pas le choix. En termes simples, c'est la loi de l'offre et de la demande. L'offre est rare, donc le demandeur se retrouve désavantagé.

Un autre intervenant, en commission parlementaire, qui siège au Conseil des assurances de personnes, nous a indiqué de quelle autre manière une pression indue peut s'effectuer, et je cite de nouveau: Il y a une autre forme de vente qui est plus insidieuse. À titre d'exemple, si je vends un produit à un consommateur puis que je peux faire de petites pressions camouflées pour lui dire, par exemple: Écoute, si tu prenais le deuxième produit, ce serait plus facile qu'on fasse notre affaire ensemble, c'est une façon de mettre de la pression indue.

Une institution de dépôts peut donc la mettre à profit, sa position de force face au consommateur, de plusieurs manières, pour amener celui-ci à prendre ce qu'on lui propose sans même lui forcer la main. Le représentant de cette association l'a expliqué en commission parlementaire, comment de petites choses, en apparence anodines, peuvent s'accumuler pour ainsi devenir des ventes liées. Celui-ci nous disait que, pour souscrire une assurance dans une institution de dépôts, on oblige, ou on vous dit que vous devez d'abord ouvrir un compte d'épargne avec opérations, c'est une petite chose. Si, après, on vous dit que ça va vous coûter bien moins cher de frais si vous maintenez plus de 500 $ par mois dans votre compte, c'est encore une petite chose. Mais, en bout de ligne, ça va avoir coûté combien au consommateur?

C'en est, des ventes liées, et je ne pense pas qu'il y ait un consommateur qui va porter plainte, parce qu'il ne l'a pas vu venir, c'est des petites choses. Le consommateur va laisser faire, mais il a été embarqué dans une chaîne d'opérations qu'il s'est senti obligé d'accepter et qui lui aura probablement coûté plus cher à la fin. Et jamais, dans tout cet échange, il n'aura eu le bénéfice de consulter quelqu'un d'indépendant qui aurait pu lui suggérer d'autres compagnies d'assurances plus taillées sur mesure pour ses fins personnelles, avoir véritablement un choix.

(16 h 40)

Il se trouve devant une situation où il y a une institution de dépôts grande, puissante, qui lui offre déjà un service dont il a besoin, qui lui suggère tranquillement d'accepter un deuxième, de faire ceci pour que le deuxième marche mieux, ou le premier soit plus bénéfique, etc. Il ne s'est pas rendu compte qu'au bout de la ligne il va se retrouver les mains liées, M. le Président.

Il nous a mis en garde contre ce genre de situation qui pourrait se multiplier avec l'application du projet de loi n° 188. On nous a fait valoir que les dispositions contenues dans cette loi étaient ou bien insuffisantes ou alors ne pourraient pas les empêcher.

Entre autres commentaires entendus, celui de l'Office de la protection du consommateur, pour qui le client devrait avoir le droit de résilier son contrat d'assurance en tout temps sans compromettre, par exemple, le maintien d'un prêt à l'occasion duquel il aurait contracté ce contrat d'assurance. L'Office propose également de définir plus précisément dans la loi ce qu'il faut considérer comme étant de la pression indue. On comprend, M. le Président, que ça peut être difficile de définir ça, et de là la démonstration que ça serait mieux de permettre au courtier d'assurances d'avoir le champ libre ou, tout au moins, d'avoir, dans des institutions de dépôts, des succursales séparées où, quand on va au comptoir pour un dépôt ou pour une hypothèque, on n'est pas confronté à ceux qui, du même coup, sont incités à vendre de l'assurance, et leur assurance, pas celle de quelqu'un d'autre.

Dans le projet de loi, rien ne prévient les situations de vente liée. Et c'est essentiellement, la vente liée, la vente d'un produit financier non sollicité de façon afférente à un produit ou à des conditions qui n'ont pas été consenties librement par l'acheteur. En fait, la notion de vente liée englobe un grand nombre de situations où le consommateur se retrouve plus ou moins contraint d'acquérir un produit secondaire de façon afférente au produit correspondant à ses besoins. Dans toutes ces situations, la vente liée ne laisse pas de traces tangibles: pression subtile, utilisation de renseignements personnels à l'insu du client. Il est pratiquement impossible, au sens littéral du terme, pour le consommateur de démontrer le moyen par lequel la vente liée a pu se faire. C'est ce qui permet au ministre des Finances de dire: Ça va être illégal. Si on ne peut pas le prouver, il a beau dire que c'est illégal, mais ça se fait pareil.

Et, dans ces conditions, le recours qui permet au consommateur de résilier un contrat dans les 10 jours n'est que cosmétique, parce qu'on dit: Tiens, on va permettre au consommateur de résilier ce contrat dans 10 jours, mais on sait que c'est cosmétique. Les dispositions prévues devraient s'appliquer, pour une meilleure protection du consommateur, à des produits et non pas à des contrats qui peuvent éventuellement regrouper plusieurs produits. Dans la mesure où le projet de loi ne fait qu'interdire la vente liée et ne prévoit aucun mécanisme effectif pour appliquer ces dispositions et encore moins pour prévenir ce genre de situation, le consommateur n'a aucune protection à cet égard. Il n'est pas très efficace de prévoir des sanctions après le fait accompli, puisque le fait ne peut être raisonnablement démontré ou détecté.

De son côté, le Mouvement Desjardins nie qu'il puisse y avoir la possibilité de vente liée dans ses institutions. Est-ce qu'on se serait attendu à autre chose? Nous ne voulons pas ni ne désirons contester la bonne foi des dirigeants du Mouvement à cet égard. Et le président du Mouvement, Claude Béland, nous a affirmé qu'il ne se faisait pas de vente liée dans les caisses et assurait qu'il ne s'en faisait pas. M. Béland a, entre autres, fait valoir la chose suivante: Est-ce que vous croyez vraiment qu'un employé ou un directeur de caisse renoncerait à un prêt hypothécaire pour la seule raison qu'un membre refuserait de s'assurer? J'en conviens avec lui.

Mais là n'est pas la véritable question. Comme dans les exemples que j'ai mentionnés précédemment, c'est le consommateur qui est le terme important de cette équation. En premier lieu, le prêt hypothécaire, pour reprendre cet exemple, a plus d'importance pour le client concerné que pour l'institution, qui se trouve dans un marché à forte demande. Il ne s'agit donc pas de savoir s'il obtiendra ou non son prêt, même s'il refuse l'assurance. L'important, c'est qu'il se sente obligé de prendre un produit ou un service supplémentaire qu'il n'a pas sollicité au départ. Le consommateur se sent obligé parce qu'il a peur de perdre son prêt, parce qu'il n'a pas de pouvoir de négociation ou par manque d'information. L'important, c'est de constater que le consommateur est en position défavorable et il est souvent mentalement mal préparé pour prendre une décision éclairée. Il n'a souvent pas le choix, et peu d'entre eux prendront le risque, M. le Président, de perdre leur prêt, même si ce risque est pratiquement nul, en somme.

Avec le projet de loi en question, le contexte qui place le consommateur face à une multitude de pressions subtiles risque de s'aggraver. Bien sûr, le ministre des Finances nous dira que sa loi comporte des dispositions qui distinguent les personnes qui peuvent vendre des produits d'assurance à l'intérieur d'une caisse. Cependant, ce projet de loi arrive au moment où Desjardins s'emploie à activer le virage vente – un autre qui prend des virages, M. le Président – selon l'expression des dirigeants du Mouvement.

Le président du Mouvement y a fait allusion lors de l'assemblée générale annuelle des caisses. Le président de la Fédération de Québec a été encore plus explicite. Dans un article du Soleil en date du 27 mars dernier – ce n'est pas très loin – ce dernier disait clairement: «Les employés des caisses devront se transformer en vendeurs. Jusqu'à maintenant, expliquait ce dirigeant de Desjardins, seulement 25 % d'entre eux agissent comme conseiller vendeur, tandis que les autres sont affectés à des tâches traditionnelles de caissier. Au terme de la réingénierie, la proportion sera inversée, et 75 % de l'effectif des caisses sera voué à la vente. De plus, ajoutait ce dirigeant, la rémunération de ces employés sera adaptée à la performance de vente.»

Autrement dit, plus ils vont vendre, plus ils seront rémunérés. Et cela signifie, M. le Président, que le consommateur sera encore plus sollicité lorsqu'il entrera dans une caisse. Et, tranquillement, ça va être le cas dans les grandes banques également; il ne faut pas perdre ça de vue. Parce que les banques vont dire: Ce qui est bon pour Desjardins, c'est bon pour nous. Et elles vont faire la même démarche pour avoir les mêmes possibilités. Et, tranquillement, toutes les institutions de dépôts auront ce genre de possibilité d'exercer des pressions subtiles, insidieuses, M. le Président. Et ça, ça signifie que, dans le cas des employés des caisses qui seront rémunérés selon leur performance de vente, elle sera grande, la tentation, pour ces employés, de tenter par tous les moyens de vendre le maximum de produits et services financiers aux clients, puisque leur rémunération en dépendra. Est-ce qu'on peut s'attendre à ce qu'ils fassent autrement? Mais c'est ce contexte généralisé des pressions subtiles exercées sur le consommateur que le projet de loi n° 188 va nourrir et favoriser.

Il est étrange de voir que personne, de l'autre côté, ne s'inquiète de cette situation. Personne, de l'autre côté, ne se lève pour défendre les intérêts de ses consommateurs, M. le Président. Et il est d'autant plus inquiétant de voir les députés du Parti québécois refuser d'écouter leurs intermédiaires de marché, les courtiers d'assurances, dans toutes les régions du Québec, les quelque 2 000 petites entreprises que ça représente pour 20 000 personnes et les familles qui en dépendent, qui sont mises à risque. Parce que, eux aussi, ils savent bien qu'avant peu de temps ils vont être dans une situation où ils vont fermer la porte. Souvent, c'est des entreprises familiales. Souvent, c'est le père qui a parti une entreprise de courtier d'assurances qui va la passer à ses enfants. Cette possibilité-là n'existera plus, d'ici peu de temps, M. le Président, avec ce genre de démarche.

Et où est le besoin? C'est en fonction de quel besoin fondamental que le ministre des Finances fait ça? Serait-ce parce qu'il y a un genre de retour d'ascenseur qui est en train d'être joué entre le Mouvement Desjardins et son président et le gouvernement en question? Serait-ce, M. le Président, que ça serait une affaire de faveur politique? M. le Président, moi, je le soupçonne. Moi, je le soupçonne, parce que je n'ai pas vu un député du Parti québécois se lever pour défendre une position qui, jusqu'à maintenant, était la position de tous les parlementaires, qui a été exprimée par l'étude approfondie faite par la commission, sous la présidence d'un député du Parti québécois qui ne doit pas être très content aujourd'hui de voir que les recommandations unanimes sont complètement bafouées.

Vous me dites, M. le Président, qu'il faut arrêter, mais je vous demande: Je ne peux pas continuer sur le temps d'un député péquiste qui ne prendra pas la parole? Est-ce que je peux avoir ce consentement, M. le Président?

Des voix: Consentement.

M. Sirros: Je connais le règlement et je ne peux pas, M. le Président, continuer. Mais je ne peux que conclure en espérant que quelqu'un de l'autre côté va avoir le courage de se lever.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Comme il n'y a plus d'intervenant, est-ce que le principe du projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté?

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

(16 h 50)

M. Paradis: Compte tenu de l'importance du projet de loi, je pense qu'il y aurait lieu de tenir un vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, vous ne pouvez reconnaître cet appel au vote nominal pour la bonne raison qu'il n'y a que quatre députés de cette formation à reconnaître.

Une voix: ...

M. Boulerice: Non, non, il n'était pas à sa place. Donc, M. le Président, ce vote ne peut pas être reconnu.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Il y a à peine quelques minutes, celui qui vous a précédé sur la chaise a constaté un quorum alors que des députés n'étaient pas à leur siège. À moins qu'il n'y ait deux mesures sur la présidence, je vous demande à ce moment-ci de constater qu'il y a appel à un vote nominal. Et je comprends le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques de ne pas vouloir voter, il a honte.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, à ce stade-ci, je suis en mesure de vous dire, tout comme au leader adjoint du gouvernement, que je considère qu'il y a effectivement cinq députés de l'opposition en cette Chambre et qu'il faut que les députés soient à leur place seulement pour voter. Mais, pour demander le vote nominal, il s'agit tout simplement qu'il y ait cinq députés de l'opposition en cette Chambre. Alors, à ce stade-ci, M. le leader adjoint du gouvernement, est-ce qu'on appelle les députés ou si vous vous prévalez de l'article...

M. Boulerice: M. le Président, de toute façon, j'aurais été magnanime.

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est bien évident.

M. Boulerice: C'est une qualité péquiste et non pas libérale. Mais, M. le Président, en vertu de l'article 223 de notre règlement, je vous demanderais de reporter le vote à la période des affaires courantes de notre séance du mardi 2 juin 1998, où j'aurai plaisir à voter.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le mardi 2 juin, aux affaires courantes, nous procéderons au vote sur l'adoption du principe du projet de loi n° 188. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Si le leader adjoint du gouvernement a besoin d'un temps de réflexion, c'est avec plaisir que nous souscrivons à votre décision de le lui accorder.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, non. La réflexion est faite. Je donne le temps au Parti libéral d'avoir plus de cinq députés pour voter.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Le vote sur le principe du projet de loi n° 188, dis-je, aura bel et bien lieu mardi, aux affaires courantes, le 2 juin. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, il est dans notre intention de procéder à l'adoption du principe du projet de loi n° 450. Donc, je vous réfère à l'article 15 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 450


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 15 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 28 mai 1998 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives.

Avant d'ajourner le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 450, M. le député de Laurier-Dorion avait débuté son intervention. Je vous mentionne, M. le député, qu'il vous reste 27 minutes. Il vous reste un temps de parole de 27 minutes. M. le député.


M. Christos Sirros (suite)

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, on revient sur un débat qui avait été amorcé hier sur le projet de loi n° 450 qui est le projet de loi qui fait un peu la réforme de notre loi référendaire et électorale, surtout suite au jugement rendu par la Cour suprême en cette matière. Je tiens tout simplement, avant de reprendre là où j'avais laissé, à faire un petit résumé du pourquoi de cette loi et du comment de cette loi.

Le pourquoi, on se rappelle, c'est les suites au jugement qui avait été débuté par M. Libman quand il s'est retrouvé être obligé, par la loi telle qu'elle existe maintenant, de s'allier à quelqu'un avec lequel il divergeait fondamentalement d'opinions, au niveau des buts recherchés pour la quête d'une décision de la part de la population québécoise, en le forçant à intégrer le comité du Non, en 1992, lors du référendum de Charlottetown. Il trouvait que ça n'avait pas de bon sens de forcer ce genre de mariage et il s'est tourné vers les tribunaux. Ultimement, la Cour suprême lui a donné raison et a trouvé aussi qu'il y avait lieu d'ajuster notre loi référendaire et la Loi électorale en fonction aussi de la garantie de la liberté d'expression la plus totale à tous ceux qui sont gérés par cette loi, et y inclus la question des dépenses.

On se rappelle tout le déchirement de chemises et la façon éhontée d'agir de la part des ministres, qui ont tout de suite essayé de décrédibiliser l'institution qu'est la Cour suprême en criant qu'il fallait absolument avoir le recours à la clause «nonobstant» pour garder les choses telles qu'elles sont.

On constate, huit mois plus tard, qu'ils se sont rendus à comprendre qu'ils avaient tort, que les positions mises de l'avant par l'opposition officielle étaient exactement les bonnes. Ils les adoptent aujourd'hui en ce qui concerne les suites au jugement. Ils le font, M. le Président – et, tant mieux, on ne pourra pas être contre ça – mais je suis sûr que c'est un peu contre leur gré qu'ils le font. Mais, finalement, le bon sens a eu raison en ce qui concerne cette partie de ce qui nous est présenté, parce que le projet de loi comporte, en effet, trois volets distincts. Il y a trois éléments dans ce projet de loi.

Il y a tous les articles qui découlent des suites à donner au jugement, et je disais que, à une exception près où on se pose des questions sur un mécanisme de rééquilibrage, il n'y a pas de problème, les articles déposés rencontrent essentiellement le jugement rendu. Et, comme le gouvernement a décidé de donner suite à ce jugement et de renier sa propre position initiale, bien, mon Dieu, tant mieux. Et ils ont peut-être appris quelque chose, ils ont peut-être appris à ne pas réagir de façon spontanée, sans réfléchir, à prendre le temps de regarder les choses qui sortent au niveau des jugements de la Cour suprême quand ça touche des lois ici, et c'est à espérer que ça sera le comportement qui va les guider dans l'avenir.

Mais il y a aussi deux autres volets dans ce projet de loi. Il y a le volet qui touche tous les éléments qui ont été discutés ensemble en comité consultatif, M. le Président, entre tous les partis représentés à l'Assemblée nationale et qui ont fait l'objet d'un consensus et qu'on retrouve dans le projet de loi, pour l'essentiel, tels qu'on les a élaborés au comité consultatif. Et il y a une troisième série de choses qui nous arrive qui n'a pas fait l'objet d'un consensus, qui est l'expression d'une décision, d'une volonté, semble-t-il, du ministre responsable de la Réforme électorale, le député de Joliette. Et je trouve d'ailleurs dommage que le député de Joliette soit retenu par d'autres obligations ministérielles à l'extérieur du pays et que ce débat se déroule sans avoir l'opportunité de lui offrir le conseil que nous voulons lui offrir dans ce projet de loi, parce qu'il est essentiel de comprendre que la Loi électorale n'est pas une loi comme les autres.

Tous les éléments, à chaque fois qu'on touche à la Loi électorale, doivent faire l'objet de consensus entre les partis établis ici parce que c'est la loi qui, à l'encontre de toutes les autres lois, ne décide pas de l'application du programme d'un parti politique mais décide des règles du jeu pour que les partis politiques puissent aller chercher un mandat de la part des citoyens pour appliquer leur programme. Alors, il faut qu'on s'entende sur les règles. Si les règles, au départ, sont mises en cause par les joueurs, bien, on ne pourra pas avoir un jeu... Et ce n'est pas un jeu, mais c'est une allégorie que je veux utiliser, M. le Président. On ne peut pas avoir un processus démocratique qui est crédible.

Le ministre délégué à la Réforme électorale, qui, entre-temps, pilote ce projet de loi, nous disait qu'un de ses objectifs, c'était de recrédibiliser la Loi électorale. Je lui suggérerais que la façon efficace de faire cette recrédibilisation de la Loi électorale, ça serait justement qu'on puisse, au terme de nos discussions ici, avoir un débat qui nous permette d'arriver à un consensus total sur tous les éléments, quitte à continuer à travailler sur les éléments qui ne font pas encore l'objet de consensus. Il n'y a pas péril dans la demeure, M. le Président, notre démocratie n'est pas en panne. Elle a besoin de temps en temps de certains ajustements, et ces ajustements, j'insiste, doivent se faire avec le consensus des partis en lice à l'Assemblée nationale.

(17 heures)

Et c'est ainsi que nous arrivons, M. le Président, à questionner un certain nombre d'éléments qui sont glissés dans le projet de loi sous couvert de ce qu'il est nécessaire de faire suite au jugement de la Cour suprême, et c'est là que je questionnais aussi la façon de procéder, parce que je ne peux pas questionner les motifs mais la façon de faire, qui est de dire: Tiens, on va présenter un projet de loi où on a déchiré notre chemise sur les suites à donner au jugement de la Cour suprême. On va reculer sur ça. On va avoir l'air de gens qui sont raisonnables, quoi. Mais, en même temps, on va passer quelques petits sapins ici et là en mettant les gens en situation où ils sont obligés d'accepter les amendements qu'eux autres mêmes réclamaient. Alors, cette façon de faire un peu insidieuse, M. le Président, il faut la critiquer puis la mettre en lumière. Il faut que les gens comprennent que la Loi électorale n'est pas une loi comme les autres, encore moins la loi référendaire, qui souvent sert pour des moments extrêmement délicats dans notre évolution comme société.

On a vu comment ça peut être déchirant d'avoir des référendums à répétition. Et, M. le Président, comme nous avons du temps devant nous, parce qu'il n'y a pas de référendum qui se pointe à l'horizon, parce que ce gouvernement, j'en suis convaincu, ne sera pas élu la prochaine fois avec cette promesse de revenir sur cette façon de faire et leur façon d'avoir géré le Québec depuis les derniers quatre ans, il faut donc soulever les points qui font l'objet d'un questionnement et expliquer le pourquoi. Pour la première fois, le ministre de la réforme électorale et son délégué, qui pilotent le projet de loi, à l'heure actuelle où on se parle, nous disent que, dorénavant, tous ceux qui se présentent pour voter doivent obligatoirement présenter une carte avec photo pour s'identifier au moment du vote. Vous allez me dire que bof! c'est tellement banalisé, la question des cartes, qu'il ne devrait pas y avoir de problème. Mais, quand on parle du droit de vote, il faut toujours prendre soin de s'assurer que toute mesure qu'on introduit dans notre loi n'a pas comme effet de restreindre le droit de vote qui existe, à moins qu'on nous fasse la démonstration qu'il y a un réel problème de personnes qui votent faussement au nom de quelqu'un d'autre, des télégraphes qu'on appelle, M. le Président, ce que personne n'a fait, que personne n'a même soulevé comme problème au Québec.

Au départ, on doit se poser la question du pourquoi de cette mesure quand, de surcroît, on sait qu'il y a au-delà de 200 000 personnes, au Québec, qui n'ont pas de carte d'assurance-maladie avec photo et quand, de plus, on sait que l'essentiel de ce chiffre vient du fait que les personnes âgées de plus de 75 ans ne sont pas obligées d'avoir une photo sur leur carte d'assurance-maladie, et quand on fait la jonction entre ce fait et le fait que, en grande majorité, selon ce que les sondeurs nous disent, c'est une clientèle qui n'est pas favorable au Parti québécois. Mais, M. le Président, il n'y a qu'un pas à franchir pour se poser la question: Est-ce là, à la veille d'une élection, dans une année électorale, une mesure que le gouvernement veut introduire pour rendre difficile l'accès au vote pour une clientèle qui ne lui est pas favorable?

Je ne suis pas réconforté en sachant que celui qui joue un grand rôle dans l'organisation électorale du Parti québécois est également le ministre qui pilote le projet de réforme électorale. Je suis encore moins réconforté de voir qu'on prend le couvert des suites à donner au jugement de la Cour suprême, sur lequel, je disais tantôt, on est d'accord avec l'essentiel des amendements qui découlent de ce jugement, pour introduire des dispositions qui n'ont pas fait l'objet de consensus. Il faudrait qu'il y ait des bonnes explications, M. le Président, et des explications étanches qui nous assurent que personne ne va perdre son droit de vote.

Ce qui est proposé dans le projet de loi... Et, avant d'y arriver, il y a un autre chiffre que je voudrais mettre sur la table. On sait que, il y a toujours, durant une année, quelque chose comme 90 000 personnes qui perdent leur carte d'assurance-maladie, ou se sont fait voler, ou dont la carte est détruite. À tout moment, il peut y avoir quelque chose comme 8 000 à 9 000 personnes qui n'ont pas, sur elles, cette carte parce que leur demande de renouvellement ou de remplacement est en traitement. Et il y a un autre 90 000 personnes qui, quand elles vont chez le médecin pour un service médical qui requiert normalement la carte d'assurance-maladie, arrivent au bureau puis ne l'ont pas. Elles n'ont pas la carte. On sait ça des chiffres fournis par la Régie de l'assurance-maladie.

Alors, transposez ça maintenant à l'élection, à l'urne. On va arriver, il va y avoir 200 000 personnes qui n'auront pas leur carte avec photo, un autre 18 000 qui risquent de ne pas avoir leur carte avec photo. Les personnes de plus de 75 ans n'ont souvent, pour la plupart, pas de permis de conduire et encore moins de passeport, pour beaucoup.

Et là M. le Président, qu'est-ce qu'ils font? Selon ce qui est prévu, ce qu'ils doivent faire, c'est trouver quelqu'un qui les connaît, qui, lui, a ses cartes, qui, lui, se présente avec eux au moment du vote, qui, lui, s'assermente avec ses cartes à l'effet que l'autre est celui qu'il dit qu'il est. Si, ça, ce n'est pas compliquer le processus du vote... Et, quand on sait que ça vise une clientèle particulière, on peut comprendre les inquiétudes que nous avons.

Actuellement, on se présente, on s'identifie, les gens vérifient que ce nom existe bel et bien et on vote. Quand il y a une raison de douter que la personne qui se présente est celle qu'elle dit qu'elle est, on lui demande de s'assermenter, de dire: Je jure que je suis celui que je dis que je suis. Et c'est comme ça que ça a toujours fonctionné, sans qu'on n'ait jamais une fois eu le soupçon que notre système démocratique est vicié, qu'il y a un problème majeur parce qu'il y a des gens qui votent au nom de quelqu'un qu'ils ne sont pas.

Et, quand on sait, de plus, que, dorénavant, avec la liste électorale permanente, la question des décès, par exemple, M. le Président, est automatique réglée... Automatiquement, les morts qui vont se retrouver à être rayés de la liste de l'assurance-maladie vont se voir rayés aussi de la liste électorale. Ce n'est que normal. Alors, où est le problème? Ça ne nous a pas été expliqué. Alors, il nous reste un soupçon, et un soupçon majeur, qui est que le gouvernement utilise la réforme électorale, sous couvert des amendements à apporter suite au jugement de la Cour suprême pour passer quelques petits sapins qui lui conviennent.

Une autre question, M. le Président, qui soulève beaucoup d'inquiétudes. Suite au référendum, et le ministre délégué à la réforme électorale le soulignait l'autre jour, lors de son intervention, il y a eu des votes rejetés par la discrétion du scrutateur. On disait: Ah! ce n'est pas un bon x. Et 80 000 personnes, ou quelque chose comme ça, ont vu leur vote rejeté. C'était plus de votes rejetés que de marge de victoire. Grave!

On a trouvé une façon qui, on pense, va régler ce problème qui découle de la discrétion du scrutateur, qui est de réduire le cercle et d'utiliser le bulletin de vote qu'on dit belge parce qu'il est utilisé en Belgique, pour qu'il n'y ait pas de marge de manoeuvre pour le scrutateur pour dire: Ah! ce n'est pas un bon x, ou ce n'est pas tout droit, ou c'est une croix plutôt qu'une... etc. Et là le ministre délégué à la réforme électorale – et ça m'a inquiété énormément – nous a dit: Bien, on a réglé un problème qui était un problème pour les libéraux, on va régler un problème qui était un problème pour nous. Et il a dit: Vous vous rappelez de la manifestation d'amour? C'est dégueulasse, ce qui s'est passé. Vous vous rappelez des gens qui ont dit qu'ils sentaient que peut-être ils devraient déménager leur entreprise si le Oui gagnait? C'est dégueulasse, ce qui s'est passé. On va donc introduire un article qui va faire en sorte que ces gestes-là seront illégaux. Tous ceux qui vont exercer une influence indue sont susceptibles d'amende.

Mais ils n'ont pas précisé c'est quoi, l'influence indue. Nous, on leur a dit: Écoutez, si quelqu'un intimide quelqu'un, si quelqu'un dit à un voteur qu'il faut qu'il vote ou qu'il faut qu'il ne vote pas ou qu'il faut qu'il vote pour untel, etc., et le force à le faire, ça devrait être interdit, c'est un crime. Mais expliquez-nous c'est quoi, l'influence indue.

(17 h 10)

Et là on arrive à la conclusion, M. le Président, que le Parti québécois veut se donner une arme d'intimidation pour ceux qui ne pensent pas comme lui. Ils veulent pouvoir dire: Ah! Si vous dites des choses qu'on n'aime pas, on va avoir recours à cette clause-là pour vous dénoncer et vous amener devant les tribunaux. Ils savent fort bien que, une fois rendus devant les tribunaux, les tribunaux vont dire: Voyons donc! Il n'y a pas de définition d'influence indue. C'est un champ complètement flou. Mais le mal sera fait parce que l'élection ou le référendum serait passé. Et on leur a suggéré de préciser c'est quoi.

Ce qui est inquiétant, c'est cette mentalité qui dit: Vous, vous avez réglé un problème de consensus, je dirais, parce que ça a été soumis par le gouvernement. On l'a regardé, on l'a testé durant toutes les élections partielles, ce bulletin de type belge qui répondrait au problème qui était non pas un problème pour le Parti libéral, mais un problème pour la démocratie, un problème pour les électeurs qui avaient pensé avoir enregistré leur vote, qui l'ont vu annulé. Alors, on a testé une façon de faire. Par consensus, on a tous dit: Ça a de l'allure, on peut le mettre dans le projet de loi.

Et là la mentalité de l'autre côté, c'est de dire: Bien, vous, vous en avez eu une pour vous; nous, on va s'en donner une pour nous. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce n'est pas comme ça que ça devrait marcher en ce qui concerne la Loi électorale. C'est une loi, je répète, qui gère le comment de la démocratie. Ce n'est pas parce qu'on est au pouvoir qu'on peut se fier à la nécessité d'arriver à des consensus dans ça. Ce n'est pas parce qu'on est pris dans nos tripes avec quelque chose qu'on n'a pas aimé qu'on doit utiliser notre pouvoir de majorité avec tous les députés qui vont se lever sans se poser des questions de l'autre côté, comme on le verra dans la loi n° 188 tantôt. Ce n'est pas comme ça que ça devrait marcher pour se donner justice, selon leur propre interprétation de ce qu'est la justice.

M. le Président, il y a d'autres éléments aussi. Prenons également la question, par exemple, du fait que, pendant qu'on ferme les hôpitaux, pendant que dans les écoles on a de plus en plus recours à des médicaments pour contrôler les enfants parce qu'on n'a pas de ressources à mettre au niveau des orthopédagogues, etc., pendant le temps qu'on nous dit qu'il faut couper ici, qu'il faut saccager un autre réseau, etc., qu'est-ce qu'on fait? On suggère tout d'un coup qu'il faudrait baisser le seuil de pourcentage de vote qu'un candidat a dans une élection à partir duquel il est remboursé pour ses dépenses. Actuellement, tout candidat qui a 20 % des votes se voit dans la position de réclamer un retour de la moitié de ses dépenses. La suggestion de l'autre côté, c'est de baisser ça à 10 %. On a eu le réflexe, nous, de ce côté-ci, de dire: Écoutez, peut-être que notre 20 % est trop exagéré, ou je ne sais pas trop. Qu'est-ce qui se fait dans le reste du pays? Bien, partout ailleurs, ce n'est pas 10 %. Et on a aussi pris le réflexe de regarder les résultats électoraux et d'évaluer qui pourrait bénéficier de cet abaissement du seuil. Ô surprise, ce sont tous des comtés du Parti québécois ou de l'ADQ. On a aussi examiné ça pourrait compter jusqu'à combien. Et, quand vous faites l'analyse de c'est quoi, le potentiel de coût pour le contribuable, parce que c'est vous et moi, M. le Président, qui allons payer, bien, c'est tout près de 900 000 $ de plus pour une élection, 800 000 $ et quelque chose.

Pourquoi cette nécessité? On a dit: Écoutez, la Loi électorale est importante. On comprend la nécessité de faciliter l'exercice démocratique, puis l'expression, etc. Pourquoi on ne s'ajuste pas avec ce qui se fait dans tout le pays? Coupons la poire en deux. 15 %, c'est le montant, le seuil qui existe partout à travers le Canada. Si on était à 20 %, on pourrait peut-être argumenter que c'était trop élevé, que ça désavantageait des candidats qui, quand même, avaient réussi à ramasser 17, 18... 15, ce serait raisonnable. On verra si c'est une suggestion qui sera retenue en commission parlementaire, parce qu'on cherche des compromis raisonnables et acceptables. Mais on ne lâchera pas sur un principe, et c'est le principe de s'assurer que tout ce qui va sortir d'ici dans une loi qui sera adoptée par l'Assemblée nationale doit avoir le consensus de tous les partis. M. le Président, je ne peux pas trop insister sur ça parce que, comme le disait le ministre délégué à la Réforme électorale, il faut recrédibiliser notre Loi électorale et notre loi référendaire et je réitère encore une fois que la seule façon de le faire, c'est qu'on s'entende tous, la présidence incluse, que ceci n'est pas une loi comme les autres.

D'ailleurs, permettez-moi de vous lire juste un petit paragraphe de quelqu'un qui, depuis longtemps, suit tous nos débats qui touchent nos institutions, qui est un observateur très informé et, j'ajouterais, sage, que j'ai connu depuis les 17 ans que je suis ici, qui oeuvre au Devoir , Gilles Lesage, qui a toujours... Je pense, de part et d'autre, on va convenir qu'il n'est ni libéral ni péquiste, mais qu'il est surtout quelqu'un qui a le respect de la démocratie à coeur. Lui aussi, il semble penser comme nous que... Et je cite: «La réforme électorale et parlementaire n'est pas une réforme comme les autres. S'agissant de parties en lutte constante pour le pouvoir à conquérir ou à conserver, l'arrière-plan partisan est certes inévitable, mais, pour que le renouveau souhaité soit valable et durable et pour qu'il soit accepté par ceux-là mêmes qui doivent le mettre en oeuvre, le gouvernement libéral ou péquiste, d'ailleurs, a pris l'habitude, dans le passé, de rechercher non pas une illusoire unanimité, mais un consensus social solide.» Et, moi, j'ajoute, M. le Président, un consensus parlementaire qui est le reflet des consensus sociaux. Parce que qu'est-ce que nous sommes ici si nous ne sommes pas l'expression de ce que nos électeurs sont et pensent? Et c'est pour ça, d'ailleurs, que notre démocratie est une démocratie représentative et non pas une démocratie directe.

Alors, c'est ici qu'il faut qu'on s'entende, et, M. le Président, il est bon de voir que le gouvernement a compris une partie de ce message en changeant son fusil d'épaule, en reniant ses positions hystériques, je dirais, du départ quant aux suites à donner au jugement de la Cour suprême. Ils sont revenus avec assez de raison pour comprendre que ce qu'on leur disait dès le départ était juste, ils ont renoncé à la clause «nonobstant», ils ont renoncé à la clause «nonobstant» préventive et ils se sont mis à l'oeuvre pour chercher un consensus sur les suites à donner au jugement de la Cour suprême. Bravo! Faisons la même chose avec tout le reste du projet de loi. Faisons la même chose avec les éléments qui n'ont pas encore fait l'objet de consensus. Rien ne presse, M. le Président, pour que, demain matin, on passe des choses dans ce projet de loi qui n'ont pas encore été digérées par l'ensemble des parlementaires et, de ce fait, par l'ensemble des gens qu'on représente ici.

Il y a donc, je le réitère, ces trois volets dans ce projet de loi. Les suites au jugement de la Cour suprême, on peut en disposer assez rapidement. Il y a les éléments qui ressortent des consensus établis. Il y en a 15 ou 19 qui ont fait l'objet d'ententes entre tous les partis ici, on peut aussi en disposer rapidement, M. le Président. La seule chose qui urge, c'est de s'assurer qu'il y aura un projet de loi qui va donner suite au jugement de la Cour suprême.

(17 h 20)

Et, dans la dernière minute qui me reste, M. le Président, j'insiste sur la nécessité qu'on comprenne qu'il faut faire ce qu'il faut faire, et il faut faire ce sur quoi nous nous sommes tous mis d'accord quant aux suites à donner au jugement de la Cour suprême. On peut améliorer la loi électorale et référendaire avec tous les consensus qu'on a élaborés ensemble, et je ne peux que souhaiter que le gouvernement n'utilisera pas sa majorité pour, à la veille d'une élection, changer les règles du jeu sans avoir le consensus de tous les joueurs dans ce processus démocratique qui, je pense, nous tient tous à coeur, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laurier-Dorion et critique officiel de l'opposition en la matière. Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de L'Assomption. M. le député.


M. Jean-Claude St-André

M. St-André: Merci beaucoup, M. le Président. Or, nous avons devant nous le projet de loi n° 450, projet de loi qui apporte des modifications à la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire, la Loi sur l'assurance-maladie et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Il s'agit essentiellement de bonifier, d'améliorer et de renforcer les fondements démocratiques du système électoral et référendaire québécois.

Je vais passer assez rapidement sur l'ensemble des dispositions qui sont introduites par le projet de loi; le ministre de la Réforme électorale en a déjà abondamment traité hier. Il s'agit essentiellement de faciliter l'inscription des nouveaux électeurs sur la liste permanente. Il s'agit également d'améliorer le fonctionnement et d'améliorer la constitution des commissions de révision qui vont jouer dorénavant un rôle crucial. On introduit également des améliorations au modèle du bulletin de vote, et les règles relatives à la façon de marquer le bulletin de vote également vont être simplifiées. Il y a également des dispositions importantes en ce qui touche l'identification de l'électeur. J'entendais le député de Laurier-Dorion s'exprimer tantôt là-dessus. D'ailleurs, hier et aujourd'hui il a dit beaucoup de choses sur ce projet de loi. Je ne voudrais pas reprendre l'ensemble de son intervention – on va avoir l'occasion, de toute façon, d'en discuter encore autant sur l'adoption de principe qu'en commission parlementaire – mais, sur l'identification de l'électeur, il a affirmé des énormités, le député de Laurier-Dorion. Ça n'a pas de bon sens de faire peur au monde comme ça. C'est encore une tactique des libéraux, bien connue. Il a affirmé essentiellement que les personnes âgées ne pourraient pas voter. M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux nous a appris une chose, c'est d'aller lire ce qui en était, d'aller voir les faits.

Allons voir l'article 61 du projet de loi, ce qui est écrit, ce que ça dit. «L'article 302 de cette loi est modifié par l'insertion après le troisième alinéa, de l'alinéa suivant:

«L'électeur doit en outre s'identifier en présentant, malgré toute disposition inconciliable, sa carte d'assurance-maladie du Québec, son permis de conduire du Québec, son passeport canadien ou son certificat de citoyenneté canadienne.» Ça ne parle pas de photo, ça, M. le Président. Le député de Laurier-Dorion affirmait tantôt que, s'il n'y avait pas de photo sur ces cartes d'identité là, l'électeur ne pourrait pas voter. J'aimerais ça savoir où s'est inscrit dans l'article 61 de la loi qui est devant nous. Il est très clair que, en vertu des dispositions qui sont introduites par le projet de loi, une personne âgée dont la photo n'apparaît pas sur le permis de conduire ou sur la carte d'assurance-maladie va pouvoir voter.

M. le Président, le coeur du projet de loi, c'est le plafonnement et les limitations des dépenses électorales, et c'est essentiellement là-dessus que j'aimerais intervenir aujourd'hui. D'abord, il nous faut affirmer et il nous faut reconnaître que le gouvernement a fait des efforts considérables pour concilier le jugement de la Cour suprême et les principes démocratiques qui ont présidé à l'adoption de la Loi sur la consultation populaire. J'aimerais profiter de l'occasion d'ailleurs pour souligner le travail exceptionnel de l'ancien Directeur général des élections du Québec, Pierre-F. Côté, qui a fourni autant à la commission qu'au gouvernement des avis précieux dans ce domaine. La Loi sur la consultation populaire a été adoptée la première fois en 1978. Elle est devenue un fondement démocratique essentiel de la vie collective québécoise. Elle est un modèle citée dans le monde. Même la Cour suprême, dans son jugement rendu le 9 octobre 1997, reconnaît les mérites et les bienfaits de la législation québécoise. D'ailleurs, hier, le ministre responsable de la Réforme électorale en a cité quelques exemples et j'aimerais profiter de l'occasion également pour vous citer quelques extraits de ce jugement important.

À la page 28 du jugement, les juges disent: «Le principe d'équité en matière électorale découle directement d'un principe consacré par la Constitution, soit le principe d'égalité politique des citoyens et citoyennes.»

À la page 33 du jugement: «La limitation des dépenses en période référendaire est primordiale pour garantir le caractère juste et équitable de la consultation populaire. Toutefois, le système de limitation des dépenses perdrait toute son efficacité si les dépenses indépendantes n'étaient pas, elles aussi, limitées.»

À la page 38 du jugement: «La preuve démontre que le législateur – c'est-à-dire l'Assemblée nationale du Québec – a déployé de bonne foi des efforts considérables afin de mettre sur pied des moyens qui soient les moins attentatoires possible, tout en respectant l'objectif qu'il s'était fixé.»

Mais voilà, malgré tous les éloges de la Cour, elle a quand même statué que les dispositions contestées par M. Libman violent la liberté d'expression conférée par la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que par la Charte québécoise. L'Assemblée nationale du Québec est donc appelée à modifier la Loi sur la consultation populaire. On reconnaîtra cependant, M. le Président, que la Cour supérieure et la Cour d'appel avaient conclu que l'atteinte à la liberté d'expression était justifiable dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Il nous faut reconnaître toutefois que tous les juges, de la Cour supérieure à la Cour suprême, en passant par ceux de la Cour d'appel, ont essentiellement la même interprétation. Tous conviennent que les dispositions contestées par Libman constituent une atteinte à la liberté d'expression. Tout est une question de degré. Pour certains, c'est une atteinte raisonnable et acceptable dans une société démocratique, alors que, pour ceux de la Cour suprême, c'est une autre question.

Selon moi, il y aurait toute une réflexion à faire autour de la notion même de liberté d'expression. Le jugement de la Cour suprême nous ouvrait une porte en ce sens-là. Comment définir la liberté d'expression? Dans ses réflexions suite au jugement de la Cour suprême, Pierre-F. Côté s'interrogeait, et je cite: «...à savoir si c'est vraiment la liberté d'expression qui est brimée par la Loi sur la consultation populaire québécoise ou si c'est plutôt la liberté de tout citoyen de dépenser son argent comme il l'entend et quand il l'entend.»

À mon avis, M. le Président, une réponse négative à la première question et une réponse affirmative à la deuxième question justifient en soi le recours à la clause dérogatoire afin de protéger l'intégrité de la loi référendaire. Mais admettons un instant avec les juges des Cours supérieure et d'appel que les dispositions contestées restreignent la liberté d'expression, mais qu'elles sont justifiées pour assurer le bon fonctionnement de la démocratie. Autrement dit, l'atteinte est minimale et raisonnable.

Qu'en est-il dans les faits? La loi permet aux seuls comités-parapluies du Oui et du Non d'effectuer des dépenses pendant la campagne référendaire. Il est donc interdit aux tiers, aux intervenants particuliers d'effectuer des dépenses pendant cette période d'environ 30 jours. L'article 404 détermine certaines exceptions à cette interdiction. Ce qui veut dire que le droit de dépenser est encadré et limité pendant quatre semaines seulement.

Il y a 52 semaines dans une année, 208 semaines dans quatre ans, durée de vie normale d'une législature, et il ne peut y avoir qu'un seul référendum sur une même question à l'intérieur du mandat d'une législature. Dans ces conditions, M. le Président, on reconnaîtra que les juges sont très raisonnables lorsqu'ils disent que l'atteinte à la liberté d'expression est minimale. En ce qui me concerne, elle est plutôt inexistante.

(17 h 30)

Mais oublions nos divergences avec les tribunaux. Dans notre société dominée trop souvent par le discours «politically correct», nous nous devons de respecter l'opinion et l'interprétation des honorables juges. Alors, nous tentons de concilier le jugement de la Cour suprême et les principes d'égalité et d'équité qui animent les fondements démocratiques de la loi référendaire et nous avons réussi à mettre en place des mécanismes qui devraient passer très facilement le test des tribunaux, mais nous n'en sommes pas sûrs. Et nous savons que les nouvelles dispositions de la Loi sur la consultation populaire seront contestées devant les tribunaux, Don Donderi entre autres et même Robert Libman nous l'ont annoncé en commission parlementaire.

D'ailleurs, le 27 mars dernier, Le Journal de Québec rapportait lui-même les propos de M. Libman: Libman ne lâche pas le morceau . «Robert Libman promet de retourner contester la loi référendaire devant la Cour suprême s'il juge insuffisants les changements que l'Assemblée nationale y apportera. "Si le législateur n'apporte que de petites retouches à la loi, comme permettre un plafond de dépenses de 1 000 $ – ce que la loi fait – lors d'une campagne référendaire aux tiers sans la possibilité de s'allier à d'autres, nous serons dans l'obligation de retourner devant la Cour suprême", a averti M. Libman devant la commission parlementaire qui étudie la réforme de la loi référendaire.»

Donc, la Loi sur la consultation populaire, une loi basée sur des valeurs démocratiques fondamentales, sur des valeurs égalitaires et équitables, une loi reconnue comme telle par le peuple québécois, par la grande majorité des analystes, par les politicologues et même par les libéraux d'en face, par les juges aussi ainsi qu'à travers le monde, sera à nouveau contestée par des radicaux et par des partitionnistes. Ils répéteront essentiellement les mêmes arguments: Le Québec, l'Assemblée nationale ne respecte pas mes droits fondamentaux. Parions que ce sont certainement les personnes animées par les mêmes motivations qui réclamaient récemment la tête de David Levine, à Ottawa, niant ainsi son droit fondamental à la liberté de conscience.

Le peuple québécois, M. le Président, est ouvert, non raciste, tolérant et profondément démocrate. Le peuple québécois est aussi animé par des valeurs de justice sociale et d'égalité des chances. Ce sont ces mêmes valeurs et principes qui constituent les fondements du projet souverainiste. Ces valeurs et ces principes fondamentaux sont niés par des groupuscules fédéralistes au nom d'une fausse liberté d'expression, et, bien sûr, leur raisonnement les amène à nier l'existence même de la nation québécoise. Ces gens-là trouvent des échos et des appuis au sein des tribunaux et du gouvernement fédéral et souvent chez le député de Laurier-Dorion même. Ces gens-là cherchent à mener une lutte politique devant les tribunaux. Ils se servent du pouvoir judiciaire pour entraver et empêcher la marche du peuple québécois vers sa liberté.

Nous disposons d'un outil fondamental nous permettant de ramener le débat là où il doit se tenir – le tribunal du peuple – et cet outil, M. le Président, c'est la clause dérogatoire. L'Assemblée nationale du Québec doit affirmer sa souveraineté face aux abus du pouvoir judiciaire non élu. La clause «nonobstant» a été inscrite par le pouvoir législatif dans les chartes des droits et libertés du Canada et du Québec. En plus, la Charte fédérale a été imposée contre la volonté du Québec. Nous pouvons et nous devons préserver l'intégrité du système démocratique du Québec. Le recours au «nonobstant» serait antidémocratique et illégitime, nous disent certains. Comment se fait-il, alors, que le Canada, pays démocratique et de grande liberté, ait introduit une telle disposition dans sa propre charte en 1982?

M. le Président, j'aimerais citer également une analyse de Michel David produite dans Le Soleil de Québec le 7 février dernier. Il disait ceci: «La seule question qui importe, dans la perspective du prochain référendum [...] est de savoir s'il convient d'adopter une clause "nonobstant" qui mettra la nouvelle loi à l'abri des contestations judiciaires. Tout le reste est relativement accessoire, dans la mesure où, peu importent les dispositions adoptées, ceux qui voudront les contourner vont le faire de toute façon. Déjà, le gouvernement fédéral n'est pas tenu de respecter la loi québécoise. On sait d'expérience qu'il va s'empresser d'en violer aussi bien l'esprit que la lettre – ça, on sait déjà ça, M. le Président. Et plutôt dix fois qu'une. S'il y a une chose que le grand love-in du 26 octobre 1995 a également démontré, c'est qu'il est impossible de forcer le reste du Canada à respecter une loi "séparatiste" qu'il juge immorale. Au Québec même, pensez-vous vraiment que les ultras du Parti Égalité, qui sont prêts à en dépecer le territoire pour demeurer Canadiens, vont se laisser intimider par la lointaine perspective d'une amende?» Poser la question, c'est y répondre.

«Au contraire, défier la loi sera un acte de patriotisme, tout comme les adversaires de l'unilinguisme français ou simplement de la "nette prédominance" se font un devoir de violer les dispositions de la Charte de la langue française relatives à l'affichage commercial. Je sais, on ne doit pas présumer – c'est toujours Michel David qui parle, M. le Président – que la loi ne sera pas respectée, mais il ne faut quand même pas être naïf. Le climat n'est plus du tout le même depuis le dernier référendum. La prochaine fois, la lutte sera beaucoup plus dure que tout ce qu'on a connu jusqu'à présent.»

Je partage tout à fait l'avis de Michel David, M. le Président, mais, avec un tel argumentaire, on pourrait en arriver à la conclusion que Michel David prêchait pour le recours à la clause «nonobstant». Bien, il dit: Bien non, puisqu'il y en a qui vont contester la loi et puisqu'il y en a qui vont violer la loi, ce n'est pas grave, on va les laisser faire. Je ne peux pas être d'accord, évidemment, avec sa conclusion.

M. le Président, on doit recourir à la clause «nonobstant» pour deux raisons: premièrement, nous savons déjà – et Libman nous l'a annoncé – que la loi sera à nouveau contestée devant les tribunaux; deuxièmement, on sait déjà que la Loi sur la consultation populaire va être violée lors du prochain référendum. Et j'ai, encore une fois, une déclaration de Me Julius Gray, ses propos devant la commission parlementaire, rapportés dans le Journal de Québec – encore une fois le 27 mars dernier – où Me Gray dit: «Me Julius Gray, pour sa part, a fait bondir le ministre de la Réforme électorale – je comprends – en affirmant que la possibilité qu'un électeur transgresse la loi et dépasse le montant de 3 000 $ – il fixait ça à 3 000 $, lui – qu'un individu peut dépenser pour financer un camp référendaire n'est pas si inquiétante. Tous les systèmes, y compris le système actuel, peuvent être contournés.»

M. le Président, pour un avocat, c'est un véritable scandale que d'appeler les électeurs et les électrices, les citoyens et les citoyennes à violer une loi, et c'est ce qu'un des porte-parole du camp fédéraliste va faire. Et je suis convaincu que, de l'autre côté, on va s'empresser, bien sûr, de violer la loi. Ils l'ont fait lors du «love-in» d'octobre 1995, une semaine avant la tenue du référendum du 30 octobre 1995. Et je rappellerai d'ailleurs que, lorsque la Cour suprême a rendu son jugement l'automne dernier, une semaine plus tard, le Directeur général des élections a décidé d'abandonner ses poursuites en vertu de cette manifestation-là.

Alors, M. le Président, c'est pourquoi je pense qu'il est absolument essentiel que le gouvernement et l'Assemblée nationale placent la Loi sur la consultation populaire à l'abri de la clause dérogatoire et j'en appelle encore une fois au ministre de la Réforme électorale, au gouvernement et à l'Assemblée nationale à réfléchir sérieusement à la possibilité, pour toutes les raisons que j'ai énoncées, de recourir à la clause dérogatoire. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de L'Assomption. M. le député de Laurier-Dorion, en vertu de...

M. Sirros: L'article 213, pour poser une question au député, le Président. Est-ce que j'ai bien compris le député...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député.

M. Sirros: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous acceptez, M. le député de L'Assomption...

M. St-André: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...que le député de Laurier-Dorion vous pose une question en vertu de 213? Alors, M. le député.

M. Sirros: Est-ce que je comprends bien le député quand il dit que ça prend la clause «nonobstant», qu'il voterait contre son gouvernement, qui n'utilise pas la clause «nonobstant», à moins de l'avoir là-dedans?

M. St-André: ...je n'ai pas entendu.

Le Vice-Président (M. Pinard): Voulez-vous répéter votre question, s'il vous plaît?

M. Sirros: Oui. Si j'ai bien compris, le député nous annonce que, pour lui, la clause «nonobstant» est essentielle. Il est en rupture de bande avec le ministre, qui n'utilise pas la clause «nonobstant». Est-ce que le député annonce aujourd'hui qu'il votera contre l'adoption de cette loi à moins d'avoir la clause «nonobstant»?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député.

M. St-André: M. le Président, il est hors de question que je réponde à une question de ce type-là. Ce que j'ai appelé, c'est de demander au gouvernement et à l'Assemblée nationale de réfléchir à la possibilité de recourir à la clause «nonobstant», et, peu importe ce qui arrivera, je voterai avec le gouvernement sur cette question-là.

(17 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. C'est assez surprenant, ce qu'on entend aujourd'hui de la part du député de L'Assomption, qui va voter, finalement, contre sa conscience. En tout cas, il vient de nous l'affirmer ici.

M. le Président, il me fait plaisir aujourd'hui d'intervenir sur le projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives. Fort attendu, ce projet de loi vient modifier les façons de faire dans ce processus essentiel qu'est celui de la consultation populaire.

Avant d'émettre mes commentaires sur le sujet, je crois qu'il est essentiel de revoir les différentes interventions qui ont mené à la démarche qui nous est aujourd'hui proposée. En effet, le projet de loi n° 450 prend racine non seulement dans un désir d'améliorer nos façons de faire, mais aussi dans trois événements particuliers: d'abord, celui-ci donne suite au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman; ensuite, il veut intégrer à la législation actuelle un certain nombre de consensus entre les trois formations politiques présentes à l'intérieur de cette enceinte; finalement, il a pour but de donner suite à une quantité de sujets qui ont fait l'objet de discussions à l'intérieur du rapport Côté et de la commission parlementaire tenue sur le sujet en avril dernier.

Le projet de loi n° 450 est donc né de multiples dialogues ayant pour mission d'améliorer le cadre dans lequel s'exerce le droit fondamental de tous les Québécois et les Québécoises à la participation au choix de leur avenir et de leurs représentants. Il va de soi, M. le Président, que l'une des modifications les plus importantes ici proposées à la Loi électorale est celle qui facilite, tant en période électorale que référendaire, l'intervention de tiers sur des sujets publics. Émanant du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, cette modification va désormais permettre à des individus ou des groupes d'individus d'occuper une place au sein de l'espace public sans pour autant être forcés de s'associer contre leur gré à des gens qui ne partagent pas nécessairement les mêmes visions.

C'est donc un jugement important en ce qui concerne la liberté d'association, mais surtout la liberté d'expression. En effet, de telles mesures vont donner, pour des dépenses totalisant un maximum de 300 $, la chance aux citoyens qui n'adhèrent pas aux grands partis politiques de pouvoir exprimer et diffuser leurs idées sur la place publique. Évidemment, il faut se réjouir d'une telle disposition. Cependant, il faudra s'assurer que les restrictions s'appliquant à celle-ci soient respectées et qu'on ne connaisse pas de ratés. En effet, on peut facilement imaginer que certains de ces intervenants particuliers, comme la loi les appelle, pourraient être utilisés volontairement dans le but de favoriser de façon indirecte l'une ou l'autre des alternatives s'offrant à l'électeur.

Dans un contexte référendaire, le montant maximal des dépenses pourrait s'élever jusqu'à 1 000 $. De plus, les intervenants qui voudraient se prévaloir de ce droit pourront le faire dans la mesure où ils se verront dans l'impossibilité de s'affilier ou de s'associer à l'un ou l'autre des deux comités nationaux, même s'ils favorisent l'une des deux options. Ainsi, ils ne devront pas, comme dans le cas d'une simple élection, être obligatoirement des abstentionnistes. Dans un cas comme dans l'autre, les intervenants particuliers devront obtenir une autorisation du Directeur général des élections et fournir un rapport de dépenses qui devrait permettre de contrôler de façon efficace les abus.

En ce qui concerne l'ensemble de ces premières mesures, il va de soi que l'opposition est plutôt réceptive, M. le Président. Cependant, il y a une disposition sur laquelle nous entretenons certaines craintes, c'est, vous l'avez sûrement deviné, celle qui concerne le mécanisme de rééquilibrage. Bien qu'originellement l'idée émane de notre formation politique, je l'avoue, les échanges sur le sujet nous ont finalement permis de constater que l'effet d'une telle mesure pourrait bien être contraire à ce qu'elle cherche à produire.

En effet, elle ouvre la porte, dans une certaine mesure, à la demande de fonds pour le côté adverse, dans le but véritable de faire augmenter ses propres possibilités de dépenses. Évidemment, ce genre de pratique serait sans aucun doute marginal. De plus, une telle disposition ne s'appliquerait seulement qu'en période référendaire. Je continue toutefois de croire, M. le Président, que le jeu n'en vaut probablement pas la chandelle et qu'il est de notre devoir, dans la mesure de nos capacités, de bannir tout risque potentiel.

D'ailleurs, c'est pourquoi le Parti libéral du Québec a désiré le retrait, dans l'attente d'un système comportant moins de risques que ce mécanisme de rééquilibrage. Évidemment, il ne fallait pas s'attendre à ce que le ministre nous fasse de cadeau et le retire dans l'attente d'une solution de consensus. D'accord ou pas, on le sait, le gouvernement finira bien par nous l'imposer, sa réforme. C'est d'ailleurs ce que je trouve le plus triste dans toute cette histoire.

Il est normal que les partis politiques, tant par leur programme, leurs idées, leur philosophie, divergent d'opinions. Cependant, s'il devait y avoir une question, une seule, sur laquelle tous devraient s'entendre, c'est bien celle du processus de consultation de la population. Nous avons toujours cru cela et nous continuons d'y croire, M. le Président. C'est d'ailleurs pourquoi, depuis l'adoption de la Loi électorale et de la loi référendaire, les gouvernements du Parti libéral du Québec n'ont jamais imposé à leurs vis-à-vis des modifications en ce domaine, si ce n'est à une seule reprise pour abolir un recensement dont la pertinence était très discutable et les coûts très élevés.

Cette attitude, si vertueuse soit-elle, n'est malheureusement pas partagée par le gouvernement actuel. En effet, au cours des quatre dernières années, à trois reprises, il s'est servi du bâillon afin d'imposer des amendements qui ne faisaient pas du tout l'unanimité, et ce, malgré le fait que, dans certains cas comme celui portant sur la liste électorale permanente, la loi n° 40, si je me souviens bien, le Parti libéral du Québec était en faveur du principe. On l'a passée dans le bâillon quand même, alors que, dans un cas comme celui-là, le dialogue avec l'opposition aurait permis sans doute de dégager la meilleure façon de faire et aurait évité les ratés que nous connaissons présentement et dont m'informait récemment le député de Laurier-Dorion.

Il me semble que ça aurait été bien peu demander. Ceci étant dit, M. le Président, j'ai confiance que l'imminent rendez-vous électoral que nous souhaitons du côté de l'opposition le plus rapidement possible sera un grand jour de jugement. Le retrait de toute clause «nonobstant» représente pour l'opposition officielle et la démocratie une victoire de premier ordre. Une clause dérogatoire aurait permis, dans l'éventualité d'un jugement quelconque, de conserver la législation intacte, de se cacher derrière elle. Encore jusqu'à tout récemment, le ministre Chevrette émettait de sérieuses réserves sur ce sujet, mais lui et son gouvernement ont reculé, et c'est un gain considérable pour la justice, pour la démocratie et, bien sûr, pour l'ensemble des citoyens du Québec.

On se rappellera que, lorsque la Cour suprême a tranché, deux des ministres de l'actuel gouvernement n'ont pas hésité une seconde à monter aux barricades et à déchirer leur chemise sous prétexte qu'on tentait de leur lier les mains, de s'attaquer à une législation mise sur pied par René Lévesque. La plus haute instance judiciaire au Canada avait tranché afin de protéger un des droits les plus fondamentaux pour tous les Québécois, mais ça ne faisait pas l'affaire. Enfin, ils ont eu si peur que le fédéral puisse leur imposer quoi que ce soit qu'ils refusent même de se faire imposer leurs droits. Après avoir échoué dans sa tentative de sortir le Québec du Canada, le gouvernement péquiste veut maintenant sortir le Canada du Québec. Même lorsque c'est pour nous tendre la main, toutes les missives provenant d'Ottawa sont largement bafouées, et ce, bien souvent au détriment des Québécois et des Québécoises.

Il faudra un jour remercier celui ou celle qui a expliqué au gouvernement du Parti québécois en quoi consistait finalement une clause «nonobstant». Je doute que ce soit mon collègue de Laurier-Dorion. Il n'en demeure pas moins, M. le Président, que l'opposition n'a jamais cessé de croire qu'une réforme électorale ne devait pas comporter de clause dérogatoire. Nos représentations ont porté fruit, puisque le ministre a adopté la position du Parti libéral du Québec, et nous en sommes très fiers.

(17 h 50)

D'ailleurs, malgré quelques articles face auxquels nous sommes plus hostiles, il n'en demeure pas moins que nous sommes d'accord avec la majorité des changements qui sont aujourd'hui présentés – pour la plupart, ces derniers sont issus des discussions qui ont eu lieu au sein du comité consultatif auquel nous avons activement participé: l'article 42, abolition de l'obligation de tenir une élection partielle dans la dernière année du mandat advenant une vacance; les articles 66, 68 et 94 concernant l'adoption du bulletin de vote de type belge ayant pour but d'éviter les controverses entourant le rejet d'un trop grand nombre de bulletins de vote; l'article 45 qui modifie les heures d'ouverture des bureaux de révision; les nouvelles dispositions concernant l'assistance pour voter et l'affichage en campagne électorale, et j'en passe. Je le répète, il s'en est fallu de peu pour qu'une telle réforme puisse faire l'unanimité des deux côtés de la Chambre.

Malheureusement, l'entêtement du ministre et de son gouvernement à imposer leur vision des choses dans certains cas bien particuliers vient miner l'ensemble d'un travail collectif bien réfléchi. Ainsi, ce n'est certainement pas de mauvaise volonté qu'on pourra nous accuser dans un débat comme celui-ci. Le ministre connaît bien nos positions sur les articles qui accrochent, et des solutions de rechange ont été mises sur la table. Mais, une fois de plus, le gouvernement fait la sourde oreille, préférant s'en remettre à la majorité des sièges de son gouvernement qui lui permet de régler les choses sans le difficile labeur de la négociation.

M. le Président, parlons maintenant de l'aspect de l'identification des électeurs lors d'un scrutin. Le récent rapport de l'ex-Directeur général des élections, M. Pierre-F. Côté, recommande, on le sait, qu'au moment du scrutin les électeurs aient obligatoirement à s'identifier au moyen de l'une ou l'autre des pièces justificatives, soit la carte d'assurance-maladie, le permis de conduire, la carte de citoyenneté ou le passeport. Mes collègues, avant moi, en ont déjà discuté. Afin d'éviter la supposition de personne, il lui apparaît nécessaire de procéder à une identification visuelle de l'électeur.

Or, on le sait, au Québec, il y a plusieurs personnes, la plupart des personnes âgées, qui ont des cartes d'assurance-maladie sans photo ni signature. Et, à moins que je me trompe, M. le Président, l'électeur de plus de 75 ans qui aurait à se présenter au bureau de scrutin avec comme seule pièce d'identité sa carte d'assurance-maladie sans photo et sans signature aurait tout le loisir de voter. Toutefois, vous conviendrez avec moi qu'il n'y a pas grand moyen d'identifier visuellement l'électeur en question, puisque la seule donnée intéressante, à part son nom, c'est son âge.

Je conçois bien que la crédibilité du processus électoral repose sur la possibilité d'identifier véritablement la personne qui veut exercer sont droit de vote, mais là, dans ce cas précis, je crois que l'objectif qu'on poursuit ne sera pas atteint de façon certaine. Il y aura donc une certaine forme de discrimination dans l'application de cet article de la loi. Et il aurait été préférable, selon moi, de trouver une solution au problème que je viens de soulever ici. Procéder à l'assermentation, dans le cas où le scrutateur doute de l'identité de l'électeur, ouvre peut-être la porte à bien des pratiques arbitraires, M. le Président, mais là encore, dans la situation que je viens de décrire, on nage dans l'incertitude.

Il faut aussi se rappeler que l'instauration d'une nouvelle carte d'identité multiservices a été rejetée unanimement par les membres de la commission de la culture, dans son rapport déposé en avril dernier. Dans ce rapport, la commission recommande au Conseil des ministres de prévoir la délivrance d'une carte d'identité d'utilisation facultative et neutre, c'est-à-dire non reliée à quelque autre identifiant ou banque de données et qu'elle devrait garder un caractère non obligatoire. On voit bien là, M. le Président, les préoccupations et la difficulté d'arrimer les libertés individuelles avec les moyens pour assurer l'application correcte des lois dans l'intérêt public. Le rapport Côté de même que le Parti québécois recommandent, on le sait, l'identification obligatoire lors du scrutin. De son côté, le Parti libéral du Québec recommandait plutôt l'identification facultative afin que personne ne perde indûment son droit de vote à défaut de prêter serment et de se faire accompagner par un autre électeur qui connaît cette personne qui, elle, est en mesure de s'identifier correctement.

Poser des limites, restreindre l'accessibilité au vote peuvent constituer des irritants majeurs pour les électeurs. Habituellement, M. le Président, vous en conviendrez avec moi, quand on se rend voter, on veut que le processus soit simple, le plus simple possible. Il y a déjà de plus en plus de gens qui ne se prévalent plus de leur droit de vote par désintéressement de la chose politique. Ajouter des contraintes à l'exercice du droit de vote risque d'accentuer ce phénomène. Il faut s'en préoccuper.

Il y a des choses sur lesquelles l'opposition et le gouvernement divergent d'opinion, mais une chose est certaine, c'est que, quand on ne diverge pas d'opinion, quand, de part et d'autre, les deux grands partis représentés ici, à l'Assemblée nationale se mettent d'accord, c'est la garantie que ça rencontre l'essentiel de ce que souhaite la population du Québec dans des lois aussi importantes et fondamentales que la Loi électorale et la loi référendaire. Je vous rappelle que ce ne sont pas là des lois qui appliquent un programme d'un parti politique, ce sont deux lois qui mettent la table pour que le débat démocratique puisse se faire, afin que l'un ou l'autre des partis puisse gagner le pouvoir et appliquer son programme. Donc, il est essentiel que les règles qui régissent ce processus, ce débat fassent l'objet d'un consensus réel pour avoir la certitude que ce n'est pas le processus qui est remis en cause. C'est mon voeu le plus cher que l'on parvienne à s'entendre sur ce projet de loi des deux côtés de la Chambre parce que, jamais, jamais avant l'arrivée du Parti québécois au pouvoir, depuis l'adoption de la Loi électorale et de la loi référendaire, jamais, à une exception technique près, comme je l'ai dit tantôt, il n'y a eu des amendements d'adoptés à la loi référendaire ou à la Loi électorale sans consensus.

Pour continuer dans les articles qui, j'oserais dire, font affront au projet tout entier, sur lesquels on n'a pas l'aval de l'opposition, je ne pourrais m'empêcher, M. le Président, de vous entretenir de l'article 85. Comme vous le savez sans doute, il vise à rendre illégal et passible d'amendes sévères – entre 1 000 $ et 10 000 $ – quiconque, par intimidation, contrainte ou quelque prétexte ou ruse, tente d'influencer le vote d'un électeur ou se sert indûment de sa position d'autorité pour tenter d'influencer le vote d'un électeur.

J'aimerais, M. le Président, bien me faire comprendre sur cette question-là. Le but recherché ici est fort louable, on est en accord avec ça. J'éprouve cependant beaucoup de problèmes à admettre toute la latitude et la large discrétion laissées ici aux tribunaux quant à l'interprétation de cet article. Le terme «indûment» par exemple, ici utilisé est si vague et ambigu qu'il transcende davantage le désir du Parti québécois de se munir d'un instrument d'intimidation référendaire que d'une volonté réelle de liberté de conscience. J'oserais même dire, M. le Président, qu'utilisé à mauvais escient cet article pourrait constituer de l'intimidation, une contrainte, une ruse afin d'influencer indûment et de forcer à se rétracter certains intervenants désireux de prendre part à un débat d'idées aussi important qu'un référendum. Le gouvernement connaît très bien les difficultés inhérentes à cet article et devrait faire en sorte d'obtenir l'appui de l'opposition officielle pour adopter le projet de loi n° 450. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 450.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté.

M. Boulerice: M. le Président, de façon à permettre à nos collègues de regagner leur circonscription électorale afin d'être près de la population, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 2 juin 1998, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'imagine que cette motion est adoptée sans...

Des voix: ...

Une voix: Unanimement!

(18 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Unanimement. Alors, nous ajournons nos travaux au mardi 2 juin, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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