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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, April 22, 1998 - Vol. 35 N° 169

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Table des matières

Affaires du jour

Présence de membres de la Cour constitutionnelle de la République du Bénin

Présence de M. René Blondin, ex-secrétaire général de l'Assemblée nationale

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mesdames, messieurs, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour


Affaires inscrites par les députés de l'opposition


Motion proposant que l'Assemblée dénonce les compressions successives faites par le gouvernement dans les institutions postsecondaires

Nous débutons les affaires du jour par la rubrique Affaires inscrites par les députés de l'opposition. À l'article 43 de notre feuilleton, aux Affaires inscrites par les députés de l'opposition, en vertu de l'article 97 de notre règlement, M. le député de Verdun présente la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale dénonce les compressions successives et aveugles faites par le gouvernement péquiste dans nos institutions postsecondaires, qui hypothèquent l'avenir collectif du Québec et étouffent le dynamisme de ces institutions.»

À la suite d'une réunion avec les leaders parlementaires afin de répartir le temps de parole pour le déroulement de ce débat le partage du temps a été établi de la façon suivante: l'auteur de la motion disposera d'un droit de réplique de 10 minutes, cinq minutes sont allouées à chacun des députés indépendants, 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant le gouvernement et 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes s'ajoutera à celui de l'autre groupe, tandis que le temps non utilisé par les députés indépendants pourra être redistribué entre les groupes parlementaires. Les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Je suis maintenant prêt à entendre le premier intervenant, M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, je vais essayer, dans le temps qui m'est imparti... Et ma collègue de La Pinière prendra le reste du temps. Et je vous demanderais d'avoir l'amabilité de m'indiquer lorsque j'aurai à peu près pris 45 minutes du temps, de manière que ma collègue de La Pinière puisse avoir du temps pour intervenir. Je vais essayer de vous démontrer à quel point les crédits qui ont été déposés par ce gouvernement, qui ajoutent à ce que l'on a déjà eu l'année dernière, qui, ajoutés à ce que nous avions déjà eu l'année d'avant, c'est-à-dire compressions sur compressions sur compressions, dans le secteur de l'enseignement supérieur, c'est-à-dire dans le secteur des paiements de transfert aux universités et dans celui des paiements aux cégeps, sont en train d'hypothéquer considérablement notre avenir collectif.

M. le Président, vous savez parfaitement que, dans ce XXIe siècle qui est à la porte – c'est dans deux ans exactement – les forces économiques des nations, des pays, des groupes seront liées directement à ce qu'on aura appelé l'«économie du savoir», à la matière grise.

Bien sûr, il y a un siècle, lorsque la richesse venait principalement de l'agriculture, avoir des terres fertiles, c'était la base même de dire qu'on était un pays riche, qu'on était en mesure de soutenir une économie. Ça, c'était il y a un siècle. Ensuite, il y a eu la période industrielle. Dans la période industrielle, M. le Président, et vous le savez parfaitement, les richesses naturelles, minérales, énergétiques, ligneuses étaient la base du potentiel de développement des nations. C'était ça qui créait la richesse, c'était ça qui créait l'emploi, c'est-à-dire de pouvoir dire: J'ai des ressources minérales importantes, j'ai des ressources ligneuses, c'est-à-dire de la forêt en masse, j'ai des ressources d'énergie; à ce moment-là, je suis capable d'avoir une économie florissante.

Ça a considérablement changé, et je suis sûr que les parlementaires ministériels vont être d'accord aussi avec cette question-là. La richesse des sociétés, la richesse des nations va être liée directement à leur capacité d'innover, à leur pouvoir de gérer d'une manière différente, à leur pouvoir de savoir créer des choses nouvelles, des objets nouveaux, de faire de la recherche, du développement. C'est cela qui va distinguer, dans le futur, les sociétés riches, les sociétés qui seront en mesure de compétitionner et celles qui ne pourront pas compétitionner.

Dans ce cadre-là, je crois qu'il y a accord, ici, il y a un consensus sur l'importance de l'innovation pour le développement de nos sociétés dans le XXIe siècle, la possibilité de savoir innover et de pouvoir être en mesure d'être les meilleurs, de pouvoir développer des créneaux dans certains secteurs où on sera les meilleurs au monde. Là, on sera en mesure de soutenir notre croissance économique et on sera en mesure de pouvoir dire: À cause de ça, on pourra générer de l'emploi.

M. le Président, la capacité d'innovation, le potentiel d'innovation aussi fondamental pour l'économie du XXIe siècle, bien sûr c'est les entreprises qui en ont la responsabilité, bien sûr je ne veux pas plaider que c'est le gouvernement qui est l'acteur majeur dans cette stratégie de développement économique basée sur l'innovation, mais l'État a un rôle important.

(10 h 10)

L'État a un rôle important à deux niveaux: un qui n'est pas le sujet aujourd'hui, qui est bien sûr celui de créer un environnement fiscal favorable à l'investissement et favorable au soutien aux politiques d'innovation, mais surtout de faire en sorte que nous ayons une main-d'oeuvre la mieux formée possible et une main-d'oeuvre dont la formation est compétitive avec ce qu'il y a de meilleur au monde. Nous serons capables de compétitionner comme société, le Québec, dans la mesure où la formation que nous donnerons dans nos institutions sera une formation capable de compétitionner avec le reste du monde.

C'est pour ça, M. le Président, parce que je pense au développement de notre société dans les cinq, dans les 10 prochaines années, parce que nous devons penser à quelle sera notre force économique dans les 10 prochaines années, qu'il faut aujourd'hui investir dans la formation, investir dans l'éducation, investir dans la formation professionnelle au niveau collégial, investir dans la formation au niveau universitaire. C'est la condition sine qua non pour notre société, dans cinq ans et 10 ans d'ici, de pouvoir compétitionner sur l'ensemble des scènes mondiales.

Si nous ne faisons pas ça aujourd'hui, dans 10 ans d'ici nous serons une société qui sera en voie de perdition, nous n'aurons plus les moyens de soutenir à la fois tout l'ensemble de notre filet de protection sociale. L'éducation est d'abord et avant tout, il faut bien le comprendre, un élément d'investissement dans l'avenir.

Je ne dirai pas qu'il n'y a rien qui a été fait. Je ne voudrais pas noircir d'une manière abusive le tableau. Des efforts ont été faits, particulièrement au niveau de l'amélioration de la formation professionnelle, par ce gouvernement, et je dois être en mesure de devoir le saluer. Un effort sérieux a été fait.

Je dois dire même que, dans l'analyse de la problématique, le budget qui a été déposé par le ministre député de Verchères, sans répondre aux questions, arrive quand même aux mêmes analyses. Je vous rappellerai la possibilité de subventionner les stages en entreprise, qui est prévue dans le budget, un certain nombre de mesures qui vont dans ce sens-là, mais qui ne sont pas intégrées complètement dans une politique d'innovation, premièrement, et qui se font au moment où on fait subir et au secteur collégial et au secteur universitaire et au régime de prêts et bourses des compressions telles qu'elles remettent en question et la qualité de la formation dans ces institutions collégiales et universitaires et la possibilité d'avoir accès à une formation universitaire, par ce que j'appellerais des coupures dramatiques au régime de prêts et bourses.

Alors, M. le Président, je vais les regarder les unes après les autres, et on va essayer de faire le tour. Actuellement, les collèges ont dit: Nous ne pouvons plus absorber les compressions budgétaires qui sont prévues dans les crédits. C'est pourquoi je plaide aujourd'hui: c'est pour qu'on soit en mesure de changer et de donner un peu d'air et de possibilité de respirer à l'ensemble de nos collèges. Ils disent: Il n'est plus possible, actuellement, de fonctionner avec les compressions qu'on nous impose.

Non seulement, M. le Président... Et il faut avoir fait le tour des collèges – et je vois ici même des collègues qui sont professeurs de collège et qui sont très au fait de ce qui se passe dans leur propre collège – il faut faire le tour, actuellement, de nos collèges, de nos cégeps pour voir que ce qu'on a appelé le soutien pédagogique a été dramatiquement coupé.

Ça veut dire quoi? Ça veut dire que, dans nos bibliothèques – faites attention parce que ça a l'air de rien au départ, mais, quand ça s'accumule, ça devient énorme – les livres ne sont plus remplacés, c'est-à-dire qu'on ne maintient plus les collections, c'est-à-dire que nos bibliothèques de collèges sont en train d'aller en déperdition.

Le matériel de laboratoire, parce qu'on a coupé le personnel qui n'était pas enseignant mais qui était le personnel de soutien qui s'occupait de gérer le matériel de laboratoire – et vous avez un collège dans votre propre circonscription, M. le Président – n'est pas nécessairement remplacé. Vous avez une diminution du potentiel, actuellement, des laboratoires à l'intérieur de nos collèges.

La mise à jour du matériel informatique. Et vous savez à quel point les questions d'ordinateurs deviennent très rapidement dépassées, c'est-à-dire que les nouvelles générations suivent les générations d'ordinateurs, et, si vous ne les mettez pas à jour régulièrement, vous devenez très rapidement dépassés. L'ensemble du parc informatique des collèges est dangereusement hypothéqué au moment où on sait que c'est quelque chose d'absolument nécessaire et de fondamental pour le développement de l'enseignement dans nos collèges.

Mais ce n'est pas tout, M. le Président. Ce n'est pas tout. C'est que, parce que les compressions.... Ça, c'étaient les compressions avant ce qui a été déposé dans les crédits sur lesquels j'implore le gouvernement de revenir. Ce n'est pas tout, parce que, maintenant, en plus, les collèges vont être obligés de supprimer 300 postes de professeurs. Alors, on peut discuter si c'est 300, si c'est des professeurs à temps partiel ou pas. Mais là vous rendez-vous compte où vous êtes rendus? Vous êtes rendus... À l'heure actuelle, M. le Président, et c'est grave, ça n'a rien de partisan, ce que je suis en train de vous dire, c'est grave collectivement, on est en train de diminuer ce qui est à la base même de la formation, c'est le nombre de professeurs qu'on doit avoir.

Faites bien attention! Un collège, comme une université, c'est bien sûr une bâtisse, c'est bien sûr des équipements, mais c'est d'abord et avant tout un nombre d'enseignants qui ont une formation et qui sont capables de transmettre les connaissances qu'ils ont reçues. Alors, là, M. le Président, il faut tirer la sonnette d'alarme, il faut être en mesure de dire: Ça ne peut pas continuer comme ça. Regardez, on a diminué déjà considérablement ce qu'étaient les soutiens à l'enseignement, mais là on diminue même l'ensemble des cours qui sont offerts.

Alors, on va me dire: Oui, mais, écoutez, ça va être remplacé par des chargés de cours. Je dis: Attention! Et, encore là, je suis sûr que la ministre de l'Éducation, avec son côté social, ne peut pas être d'accord avec l'augmentation de la précarité dans les enseignements au niveau collégial comme au niveau universitaire. Ça ne peut pas fonctionner de cette manière-là. Vous êtes en train de diminuer considérablement, à ce moment-là, l'encadrement que vous offrez à vos étudiants, si plus de la moitié de vos cours sont donnés par des chargés de cours.

Écoutez, M. le Président, un chargé de cours devrait normalement être quelqu'un, dans un secteur où il a une expertise particulière très proche du marché du travail, qui est actif sur le marché du travail et qui vient donner un complément de formation dans un collège ou dans une université. Ce n'est plus ça que ça devient; ça devient actuellement une forme d'enseignant au rabais dont on a tendance à abuser dans l'ensemble de nos collèges non pas par gaieté de coeur, mais parce que les compressions budgétaires obligent actuellement à diminuer le nombre de professeurs.

Et, si on diminue le nombre de professeurs pour maintenir quand même un certain nombre de cours, on le fait avec des chargés de cours et on est train de diminuer globalement l'encadrement et la qualité de la formation qu'on est en train de donner à nos jeunes. Vous savez parfaitement – je l'ai dit au début et je me permets de le rappeler ici – que la qualité de cette formation dans la société d'innovation qui va être la nôtre au XXIe siècle est quelque chose qui conditionne d'une manière irréductible la possibilité pour notre société de compétitionner ou la possibilité pour notre société de ne pas pouvoir être compétitive avec le reste des autres sociétés.

(10 h 20)

M. le Président, les universités. Je ne voudrais pas accumuler les compressions en termes de chiffres, mais il y a certains chiffres qu'il faut quand même rappeler: diminution de l'ensemble de l'enveloppe sur trois ans de 285 000 000 $. Dans les universités, il y a eu des compressions en termes de postes de professeur. Encore là, il faut bien rappeler qu'une université, c'est d'abord et avant tout – et le Conseil supérieur de l'éducation l'a rappelé – des enseignants. Ce n'est pas des bâtisses, ça vient après; c'est d'abord des enseignants.

Et, lorsque vous supprimez plus de 900 postes de professeurs dans vos universités, vous diminuez d'autant la qualité de la formation universitaire que vous vouliez donner. Vous diminuez d'autant la qualité de la formation universitaire. Les universités, à cause de ces compressions qui, jusqu'en 1996-1997 – et alors on en a rajouté 80 000 000 $ cette année – ont été de l'ordre, comme je le rappelais tout à l'heure de plus de 285 000 000 $, ne peuvent plus assumer la qualité de la formation.

Alors, je ne sais pas si vous rendez compte, M. le Président, on est en train, à cause de ces compressions, année après année – à peu près de 25 % dans le budget – d'hypothéquer complètement notre capacité de former, dans les secteurs de pointe, des gens qui, dans cinq ans, dans 10 ans seront en mesure de compétitionner. Il faut faire le tour de nos universités aussi pour voir que ce qui avait été construit de longue date... Et, faites attention, on ne construit pas une université facilement, ça se construit longtemps, ça prend du temps pour arriver à la masse critique d'enseignants de qualité qui, ensemble, peuvent interagir et qui peuvent avoir le contexte de travail pour pouvoir les attirer.

À l'heure actuelle, M. le Président, la réalité, c'est que nos bibliothèques, nos laboratoires, bon, sont maintenant dépassés, dans l'ensemble de nos universités. Les collections des revues ne sont pas suivies, c'est-à-dire qu'on ne continue plus à acheter des périodiques. Les laboratoires ne sont plus maintenus. La qualité de notre formation est en train de disparaître comme telle.

Il faut bien être conscient, M. le Président, qu'il y a un lien direct entre le développement économique et la formation universitaire. C'est parce que, dans une université – et, bon Dieu! ce gouvernement l'a dit assez longtemps dans des discours, mais, malheureusement, il est en train de couper – vous pouvez avoir un milieu intellectuel qui génère des nouvelles idées, par exemple, comme dans l'industrie pharmaceutique, parce que vous avez dans les universités un potentiel de recherche en pharmacie, en chimie, en biochimie, ce qui a entraîné les investissements dans le secteur pharmaceutique, par exemple, à Montréal à cause de l'existence de ce potentiel de recherche dans nos universités. Nous sommes en train, M. le Président, de le perdre, nous sommes en train de faire en sorte qu'il disparaît.

Les coupures que nous avons, les 900 postes qui n'ont pas été remplis à l'heure actuelle, bien sûr, ont une importance directe sur la formation des étudiants, mais aussi vont avoir une importance directe sur les masses critiques de chercheurs – comprenez-moi bien, les masses critiques de chercheurs – et ces masses critiques de chercheurs, c'est elles qui sont en mesure de créer, après, les interactions avec l'industrie. Un seul chercheur, ça n'attirera pas les industries, 10 non plus, mais il faut qu'il y ait une masse critique. Or, à cause de ces compressions dans Montréal, les quatre universités de Montréal sont en train de perdre ces masses critiques.

On n'est plus capable actuellement d'attirer des jeunes qui s'en vont – on n'a pas de postes, d'une part – et d'attirer le renouvellement aussi nécessaire dans la vitalité des institutions universitaires. Bien au contraire, on assiste actuellement, dans le secteur de l'enseignement universitaire, comme on assiste d'ailleurs dans le secteur de la santé, à ce que j'appellerais la fuite des meilleurs cerveaux. Parce que sachez bien que, si l'économie du XXIe siècle sera basée d'abord et avant tout sur la matière grise, des cerveaux, ça a deux jambes, c'est-à-dire que ça peut bouger, ça peut partir, ça peut s'en aller. Si on n'est pas capable de leur donner actuellement l'environnement en faisant en sorte qu'ils puissent travailler, se développer, etc., ils vont aller le faire ailleurs, particulièrement aux États-Unis où, à l'heure actuelle, on est en pleine expansion. M. le Président, il y a là un élément extrêmement grave. Les compressions répétées et successives dans le secteur universitaire sont en train de mettre considérablement la formation et la vie de nos universités en danger.

Alors, les institutions universitaires – bon, on va le voir dans la commission qui va étudier ces questions – en plus d'avoir perdu des postes de professeur, se trouvent en difficulté énorme sur le plan budgétaire. L'ensemble des déficits accumulés dans le secteur universitaire voisinent les 187 000 000 $, l'ensemble des déficits dans le secteur universitaire, M. le Président, en plus des compressions qui ont eu lieu, des compressions de 900 postes.

On est dans une situation absolument dramatique. Fermer un lit d'hôpital, on s'en rend compte tout de suite, des effets. Fermer une classe dans un cégep, fermer un programme dans une université, à court terme, on n'en voit pas tellement les effets, mais on en verra les effets dans cinq ans, dans 10 ans, lorsque l'on n'aura plus avec nous, dans notre société, les gens qui auraient pu être formés par ces programmes-là et dont notre société aura besoin à ce moment-là pour compétitionner dans l'ensemble du monde.

M. le Président, non seulement les compressions répétées dans le secteur collégial, dans le secteur universitaire ont mis en péril et en difficulté nos institutions d'enseignement postsecondaire, mais les révisions dans le régime de prêts et bourses – et je ne voudrais pas refaire ici un débat que j'ai fait avec la ministre pendant longtemps – même si elles ont amené quelques améliorations ponctuelles continuent à gravement maintenir l'endettement des étudiants. Il y a lieu de s'inquiéter énormément lorsqu'on voit le nombre des faillites, et je l'ai dit, je vais le répéter et je le répéterai encore dans le débat sur les crédits, des étudiants – qui finissent leurs études, qui ne peuvent pas rembourser leurs prêts étudiants et qui sont obligés de déclarer faillite – avoir augmenté, multiplié par quatre, augmenté de 400 % sur un horizon de trois ans. C'est dramatique, M. le Président, de voir des jeunes qui sont dans cette situation.

Et surtout que la ministre ne me réponde pas que c'est la faute du fédéral. C'est la réponse facile: C'est la faute des autres; s'il y avait eu l'ensemble des paiements de transfert à ce moment-là, on ne serait pas dans la position où on est et on ne ferait pas... Écoutez un instant, là! Ce n'est pas une réponse dans la situation dramatique où on est à l'heure actuelle. Non, je dis: Qu'elle ne me réponde pas cela. Elle va probablement le faire, mais je dis: Qu'elle ne le fasse pas parce que d'avance, M. le Président, je vais répondre à cet argument-là, si vous me permettez.

Deuxième élément: Bon Dieu! Qu'on essaie de bénéficier au maximum de cette question des bourses du millénaire. Il serait tellement facile de pouvoir arriver à une entente qui satisferait tout le monde, qui respecterait les avantages des uns et des autres. J'ai plusieurs, même, solutions à vous proposer, M. le Président, dans la question des bourses du millénaire. Ça serait tellement simple d'en arriver à une entente où on respecterait à la fois les intérêts des uns et des autres et les compétences des uns et des autres.

(10 h 30)

Je vais vous en donner les grandes lignes, si vous voulez, de ce que je verrais éventuellement comme une entente. Et il faut bien comprendre que la situation des institutions d'enseignement postsecondaire au Québec est différente de celle du reste du Canada, c'est-à-dire que nous avons décidé, par consensus sociétal, de ne pas augmenter nos frais de scolarité, et je pense que c'est un consensus qui a été établi.

Il est clair que, si les bourses du millénaire sont données dans les autres provinces, les autres institutions, parce que les étudiants seront, entre guillemets, plus riches, pourront peut-être augmenter leurs frais de scolarité. Pourquoi, à ce moment-là, on ne s'entendrait pas pour dire: Ce qui est le pourcentage de ces bourses du millénaire qui a été utilisé pour l'augmentation des frais de scolarité, ce pourcentage-là, à partir de la part qui reviendrait au Québec, serait dévolu aux institutions d'enseignement postsecondaire et transféré au gouvernement du Québec pour qu'elles aillent aux institutions d'enseignement postsecondaire? Pourquoi, M. le Président, on ne pourrait pas s'entendre pour que le reste soit attribué en bourses, et, puisqu'on veut diminuer l'endettement, pour les plus méritants, enfin ceux qui seraient sélectionnés bien sûr par le régime de prêts et bourses du Québec, ceux-là, à ce moment-là, leur partie de prêt – vous connaissez le régime de prêts et bourses, il y a une partie bourse, une partie prêts – soit assumée sous forme de bourse par le gouvernement fédéral? Ça serait assez simple, comme solution et comme élément de consensus sur lequel on pourrait aller. Mais, M. le Président, je vous suggère, à ce moment-là, d'avoir une possibilité d'avoir une ouverture d'esprit, d'être en mesure de pouvoir négocier de bonne foi avec le gouvernement fédéral. C'est ça que j'appellerais le fédéralisme qui avance et qui marche au lieu du fédéralisme conflictuel avec lequel, malheureusement, ce gouvernement nous a trop habitués.

Parce que, M. le Président, comprenez-moi bien, je l'ai dit au début, et je voudrais le répéter encore, et je ne le répéterai jamais assez, lorsqu'on parle de l'enseignement postsecondaire, de l'enseignement au niveau collégial ou au niveau universitaire, lorsqu'on parle de la formation de ce qu'on pourrait appeler la main-d'oeuvre de demain, on est en train de parler de notre potentialité collective de pouvoir se développer, on est en train de parler de la manière dont notre société va être en mesure de pouvoir compétitionner dans 10 ans, dans 15 ans avec les autres sociétés. Comprenez bien, M. le Président, lorsqu'on aura à développer des logiciels, lorsqu'on aura à développer des ingénieurs, lorsqu'on aura à développer des mises en marché et des montages financiers, la qualité de la formation de nos gens que nous formerons, ça sera ça qui fera en sorte qu'on sera en mesure de pouvoir développer quelque chose au Québec ou ne pas le développer au Québec.

Vous le savez parfaitement, M. le Président. Même dans les secteurs qui ne sont pas nécessairement de haute technologie, actuellement, quels sont les choix qui sont faits par les investisseurs? Pourquoi on vient s'installer à tel ou tel endroit? On vient s'installer à tel ou tel endroit parce qu'il y a un bassin de gens formés sur lequel l'entreprise peut compter pour pouvoir se développer. Si nous n'avons pas ça, si on est en train de l'hypothéquer, si on est en train de faire en sorte que nos institutions ne vont plus être en mesure de les former, c'est dans cinq ans et dans 10 ans qu'on va voir l'effet, M. le Président. Parce que, aujourd'hui, bien sûr, on bénéficie des gens qui ont été formés il y a cinq ans, qui ont été formés il y a 10 ans, c'est ça qui est actuellement notre bassin de main-d'oeuvre. Mais, si, actuellement, comme on le fait, comme on est en train de le faire, on continue cette stratégie suicidaire de compresser les budgets des collèges et les budgets des universités, où on est en train de diminuer le nombre de professeurs, ce qui implique de diminuer le nombre de programmes tant au niveau collégial qu'au niveau universitaire, on est en train de se trouver dans une situation où, malheureusement, je suis obligé de vous le dire, on n'aura plus cette main-d'oeuvre de qualité qu'on avait été en mesure de former. C'est tellement vrai. Regardez à quel point...

Je peux les prendre les uns après les autres, nos grands secteurs d'activité économique. Nos grands secteurs d'activité économique ont tous été liés à une qualité de la formation. On a percé, collectivement, comme société, dans le secteur hydroélectrique, dans le secteur du transport électrique parce qu'on avait été en mesure d'avoir une formation dans nos écoles de génie et dans les politiques d'impartition à Hydro-Québec qui a permis le développement des grandes firmes de génie-conseil qui maintenant compétitionnent sur l'ensemble du monde.

Ça, on pouvait le faire parce qu'on avait derrière nous des éléments importants sur le plan formation, parce qu'il y avait une interaction constante entre les gens qui, dans les universités, continuaient à faire de la recherche avec les praticiens qui étaient dans les bureaux d'ingénieurs-conseils, qui pouvaient éventuellement continuer à interagir parce qu'on avait une activité intellectuelle, parce qu'on était en mesure de développer cette activité intellectuelle.

Si on continue, à l'heure actuelle, à la restreindre, à la réduire, à la diminuer, à couper le nombre de postes, à couper le nombre d'enseignants, le nombre de chercheurs, bien sûr, demain, ce n'est pas la fin du monde, bien sûr, vous allez continuer à respirer, demain, mais c'est dans cinq ans, c'est dans 10 ans. On n'aura plus ces potentiels d'interaction dans les secteurs de pointe qui ne seront plus le secteur hydroélectrique, mais qui pourraient être le secteur du plastique, le secteur de la pétrochimie, le secteur du textile.

Regardez, à l'heure actuelle, regardez, regardez, M. le Président, par exemple, à quel point on a réussi. Je vais prendre le secteur du textile pour vous donner cet exemple-là parce qu'il est important. Rappelez-vous le secteur du textile qui est un secteur qui est très – je m'excuse du terme anglais – «labor-intensive», c'est-à-dire dans lequel il y a beaucoup de gens qui travaillent. Nous n'étions plus compétitifs, il y a 10 ou 15 ans. Un énorme travail a été fait dans les programmes de formation technique ou dans les cégeps qui dispensaient les cours de mode pour trouver un nouveau créneau en créant un design québécois, en étant en mesure de créer à ce moment-là une nouvelle industrie dans le vêtement, particulièrement le vêtement pour enfants et le vêtement pour dames, et de reprendre le dessus, et de pouvoir être en mesure de compétitionner. Pourquoi? Parce qu'on avait derrière nous, dans des collèges comme le collège Marie-Victorin ou le collège Lasalle, une base de formation qui tranquillement est en mesure de changer cette industrie et est en mesure de l'amener, au lieu d'être une industrie très traditionnelle dans le vêtement, à être une industrie de pointe. Mais ça, ça se faisait parce qu'on avait derrière nous une politique de soutien à nos institutions d'enseignement et une politique d'innovation.

Je dois dire aussi, en tout respect, que le fait qu'on ait accepté de considérer le design à l'intérieur des crédits à la recherche et au développement a été un élément qui a été positif dans ce sens-là. Mais, avant tout, c'est un exemple quand je pourrais vous en donner 100 autres, un exemple où l'interaction entre la formation, c'est-à-dire la capacité des gens qu'on a formés... est conforme d'une manière compétitive, permet après, dans un secteur qui allait en déclin, de redevenir un secteur de pointe sur le plan économique.

(10 h 40)

Comprenez-moi bien, M. le Président, les secteurs de pointe sur le plan économique, c'est ceux qui vont dispenser de l'emploi. Ça veut dire qu'il y a de l'activité économique, ça veut dire que les gens sont en mesure après de pouvoir payer leurs impôts, ça veut dire qu'on commence à avoir des rentrées fiscales, ça veut dire qu'on est une société qui vit, qui «s'expand», qui est dynamique, qui va quelque part. Mais là, à l'heure actuelle, voyez-vous, à la base de cela, au départ vous avez comme point premier, comme élément de base, comme élément clé la question qui touche la formation. Et on revient toujours à cela. On revient toujours à cela. Je pourrai revenir – j'en ai parlé tout à l'heure – sur le secteur pharmaceutique.

Les derniers investissements... Malheureusement, j'oublie le nom exact de cette compagnie suédoise qui s'est installée à ville Saint-Laurent dans un investissement important dans l'industrie pharmaceutique, et c'était important et c'était fondamental en termes d'emplois, et des emplois de qualité, des emplois bien payés, des emplois qui sont en mesure de compétitionner pour l'ensemble du monde, pourquoi ces gens-là sont venus, par hasard de Suède, s'installer ici au Québec plutôt que de s'en aller à peu près n'importe où sur le continent nord-américain? Parce que nous avions encore – vous comprenez, les effets se constatent à cinq ou 10 ans – le reliquat de la formation excellente qui avait été faite dans les secteurs de la chimie, de la biochimie, de l'industrie pharmaceutique, qui avait permis d'avoir un bassin à Montréal de chercheurs compétents, éminents en interaction avec ce qu'ils pensaient encore retrouver à l'intérieur des universités comme McGill, Montréal et l'Université du Québec.

Et ça, ça avait été l'élément clé déterminant de dire: Nous allons nous installer dans cet endroit-là. Parce que nous avons un bassin, une masse de gens formés, de compétence. Et non seulement nous avons ce bassin de gens formés, mais encore nous avons la réserve de recherche qui se trouve dans nos universités à laquelle, si nous avons un problème particulier, nous pourrons faire appel, nous pourrons demander. Et cette synergie entre les universités et le monde économique était fondamentale, mais a été nécessaire et importante dans le phénomène qu'on ait pu attirer ici à Montréal cette entreprise d'industrie pharmaceutique.

M. le Président, ceci, vous le comprenez bien, est directement lié au fait que nous avons eu – et j'insiste sur le participe passé ici – nous avons eu une masse critique de chercheurs dans les secteurs tantôt appelés chimie, biochimie et pharmaceutique et que nous avons eu une qualité de formation qui était de premier rang.

Nous compressons aujourd'hui, depuis trois ou quatre ans, nous mettons les gens à pied, ils partent, ils s'en vont, ils bougent, ils disparaissent, ils s'en vont ailleurs. Et là, à l'heure actuelle, ce dynamisme qu'on avait pu avoir dans ce secteur-là, M. le Président, vous savez il existe moins. Et bientôt, parce qu'on aura une faiblesse dans la formation, on n'aura plus cette compétitivité que nous avions dans ce secteur. C'est simple de comprendre que les dépenses dans le secteur de l'éducation, les dépenses particulièrement dans le secteur collégial professionnel et dans le secteur universitaire, ce n'est pas des dépenses, c'est des investissements dans le dynamisme de notre société pour l'avenir.

Et, M. le Président, lorsque nous réduisons ces dépenses, lorsqu'on est train de réduire 900 postes en trois ans dans les universités, 300 dans les collèges, à l'heure actuelle, lorsqu'on est train de réduire – je m'excuse de vous le dire – on est en train d'hypothéquer ce que sera notre potentiel économique, la possibilité de notre société de générer une activité économique et de générer la croissance et de protéger notre filet de protection sociale dans les années futures.

M. le Président, c'est vraiment une question qui n'est pas une question partisane de dire d'un côté ou de l'autre, on a les bons et les mauvais. C'est collectif. Et j'en appelle ici, à l'heure actuelle, aux ministériels. J'en appelle à dire: Tâchez d'avoir une vision plus qu'une vision à court terme, ne voyez pas seulement ce qui va se passer aujourd'hui ou demain. Pensez, M. le Président, pensez aux effets de vos gestes qui vont avoir des effets directs sur la possibilité de notre société telle qu'elle sera dans cinq ou dans dix ans d'ici. Pensez au futur, ne voyez pas directement toujours ce qui se passe à court terme et prenez conscience que ce que vous faites aujourd'hui, c'est réellement nous hypothéquer, ce que nous serons collectivement.

Indépendamment de nos partis politiques, indépendamment de nos lignes de parti, c'est notre société, c'est notre jeunesse à laquelle on est en train de parler. C'est de ça qu'on est en train de discuter, c'est ça qu'on est en train d'imaginer. Et j'implore: Bon Dieu! ne faites pas ces gestes-là. Il reste encore du temps, nous n'avons pas voté les crédits. Il y a encore possibilité de faire en sorte que nos collèges ne soient pas obligés de mettre à pied 300 professeurs demain. Il est encore temps pour faire en sorte que nos universités ne soient pas obligées de continuer à se départir de la force intellectuelle qui est la leur actuellement et de se départir de l'ensemble de leurs professeurs. Il est encore temps pour qu'on puisse agir, M. le Président.

Et, c'est ce que je vous demande, je vous demande à l'heure actuelle... Ne me répondez pas, de grâce, que c'est la faute d'une autre personne, etc., je ne suis pas ici et je n'ai pas voulu mettre le débat au niveau des conflits fédéraux-provinciaux, etc. Mais, agissez, on parle actuellement de l'avenir de notre société pour les cinq prochaines années. Dans cinq ans, dans dix ans, c'est là qu'on verra les effets de la politique suicidaire que vous êtes en train de mettre de l'avant. M. le Président, j'en implore à la ministre de l'Éducation: Changez, pensez à l'avenir, ne nous emmenez pas dans le suicide collectif dans lequel vos crédits sont en train d'entraîner et les collèges et les universités et l'ensemble des étudiants du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la ministre de l'Éducation. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vais remercier mon collègue de Verdun de me donner la possibilité de lui dire que je suis d'accord avec lui quant à l'essentiel, quant à ce qui constitue la force, l'avenir et la richesse d'une société, et que nous devons reconnaître que l'éducation, dans nos sociétés, est un investissement et non pas une dépense, et que, à cet égard, il soit sensible aux difficultés vécues au niveau de l'enseignement supérieur, j'en suis, mais que, en même temps, il puisse conclure en disant: J'implore le gouvernement, j'implore la ministre, sans me proposer aucune espèce de solution et même pas celle qui va de soi, là, je commence à avoir quelques inquiétudes, cependant. Celle qui va de soi, entre autres du côté des transferts du gouvernement fédéral, je comprends qu'il puisse ne pas aimer en débattre et en discuter et j'aimerais, à cet égard – et, moi, je l'implore – que sa formation politique, que son futur, éventuel chef, que lui-même nous appuient dans une motion que nous avons déposée à l'Assemblée nationale depuis déjà des semaines, M. le Président, de telle sorte que nous puissions avoir notre juste part de ces sommes disponibles dans le cas des bourses du millénaire.

Et je vais y revenir parce que j'ai l'intention de faire mon intervention plutôt en quatre temps et arriver avec cette question en conclusion, entre autres, qui nous permettrait d'amoindrir d'une façon très significative ce que nous demandons actuellement comme effort à l'ensemble de nos institutions, dans l'enseignement postsecondaire en particulier.

(10 h 50)

Et ça me fait un peu bizarre, je dois vous dire, un peu drôle, finalement, de me retrouver de ce côté-ci de la Chambre, comme membre d'un gouvernement du Parti québécois qui prône la souveraineté du Québec, la pleine et entière responsabilité de l'ensemble des outils qui concernent notre présent et notre avenir, que ce soit quelqu'un qui croit, donc, que nous pouvons devenir un pays avec tous ses attributs, conscient de la nécessité de tous les partenariats nécessaires avec les autres États du monde, que, moi, représentant ce parti au sein de ce gouvernement, M. le Président, je sois celle qui défende le fédéralisme. Là, ça commence à m'inquiéter quant au programme que pourraient avoir nos amis d'en face à cet égard. Et, comme je le cherche un peu, je doute même qu'ils en aient un. Quand c'est un gouvernement comme le nôtre, avec les convictions que nous avons, avec les orientations que nous proposons, qui se porte à la défense du fédéralisme, bien, je me dis, il y a quelque chose qui ne va pas dans la demeure, n'est-ce pas?

Parce que, dans les faits, pour rapidement conclure sur cette rapide introduction, le gouvernement d'Ottawa lui-même, actuellement, par deux gestes majeurs qu'il a posés dans les derniers mois, la Fondation canadienne sur l'innovation, d'un... Parce qu'on l'a oubliée, celle-là, hein? C'est trop facile de s'en laver les mains. On dit: Il n'y a pas d'argent dans nos laboratoires alors qu'on décide que ça va être la Fondation pour l'innovation qui va avoir pleine responsabilité de décider où vont se mettre les sous en matière d'investissement dans les équipements et dans les infrastructures, sans aucun respect pour les orientations et les décisions du gouvernement du Québec. Nous avons obtenu minimalement que nous présentions les demandes, mais parce que nous avons fait des pressions, parce que nous sommes battus et qu'on nous a blâmés de le faire, en plus. Qu'on dise comment gérer nos sous, il me semble que c'est le minimum quand on est un peu responsable et qu'on est un gouvernement imputable, M. le Président. Fondation sur l'innovation.

Et là la dernière, bourses du millénaire. Alors, là, j'y reviendrai, je le répète, M. le Président, c'est trop important. C'est trop important et c'est un peu désolant de voir l'attitude de l'opposition à ce moment-ci dans ce dossier-là. Je pense qu'il est toujours temps que l'on puisse trouver une avenue ensemble nous permettant de nous rallier derrière ce qu'a été et ce qu'est pas seulement la position traditionnelle du Québec, le respect d'un texte constitutionnel auquel nous n'avons pas adhéré, mais qui s'applique à nous. Et on s'imagine que, parce qu'il s'applique à nous, le gouvernement qui l'applique va au moins le respecter, respecter sa propre Constitution. Alors, j'imagine, et je souhaite, et je demande à mon collègue le député de Verdun, que je sais raisonnable et que je sais conscient de cela, de faire partager à ses collègues cette analyse pour qu'on puisse ensemble, d'une voix unanime, nous permettre de retrouver 80 000 000 $, ce que nous évaluons à l'heure actuelle – et nous sommes conservateurs – qui pourrait être immédiatement réinvesti dans l'enseignement postsecondaire et qui est essentiellement notre argent qui va être versé par la Fondation du millénaire pour se substituer à un régime que nous avons déjà. Vraiment, je ne comprends pas qu'il ne puisse pas être d'accord avec cette orientation.

Qu'on puisse discuter du libellé d'une proposition qui vous serait présentée, M. le Président, aucun problème. Si ce dernier me dit: Je suis mal à l'aise avec le libellé qui est là, il n'y a pas de difficulté. Si le libellé, c'est de dire: Nous voulons que vous respectiez les compétences et les responsabilités des provinces et qu'à cet égard les sommes prévues à la Fondation soient versées au Québec, il me semble que ça va comme de soi que ça devrait aller chercher l'adhésion et emporter l'unanimité des membres de cette Assemblée. J'y reviendrai.

Je voudrais, M. le Président, à l'occasion de ce débat, me permettre de refaire un tour de piste rapide, bien sûr, parce que je sais que le temps qui nous est imparti n'est pas nécessairement très long. Je voudrais refaire un tour de piste rapide d'abord en passant par quelques commentaires généraux sur l'importance de l'éducation, l'importance que nous accordons à l'éducation au Québec, et je pense qu'on n'a pas longuement à faire la démonstration pour s'en convaincre, mais j'y reviendrai par rapport à ce que nous investissons en services de façon générale comme gouvernement. J'aimerais, par la suite, en second lieu, aborder la réforme dans laquelle nous sommes engagés depuis maintenant deux ans, et cela témoigne aussi de toute l'importance que nous accordons à l'éducation à un moment où nos sociétés, dans beaucoup d'États occidentaux, sont bloquées par des problèmes budgétaires, par des problèmes de déficit. Donc, malgré tout cela, nous sommes engagés dans une réforme majeure qui recentre sur l'essentiel les gestes que nous posons en matière d'éducation au Québec en associant tous les partenaires. Et cela est vrai de la petite enfance jusqu'à l'enseignement postsecondaire, jusqu'à la recherche et au développement.

J'aimerais, bien sûr, m'attarder, dans cette perspective, à l'effort qui est fait au niveau de l'enseignement supérieur, puisque le focus a été beaucoup mis, jusqu'à maintenant, sur la petite école. Et c'est normal, parce que les bases d'une maison, si elles ne sont pas solides, font en sorte que la maison nous posera toujours des problèmes, nous le savons. Donc, c'est important que nous accordions une attention toute particulière à cet enseignement de base qu'est l'enseignement préscolaire, primaire et secondaire.

Mais cela ne nous a pas fait perdre de vue que nous avions une responsabilité au niveau de l'enseignement supérieur. Et je vais m'attarder un peu à cette question, M. le Président, pour prouver que, au-delà de l'image un peu noircie qu'on nous présente, il y a des choses remarquables qui se font, il y a des espoirs extraordinaires de ce côté et que, comme gouvernement, nous en sommes très conscients, et que non seulement nous en sommes conscients, mais que surtout nous agissons. Enfin, je voudrais aborder en troisième lieu l'effort qui est demandé à l'enseignement postsecondaire, à l'enseignement supérieur, donc autant au niveau de l'enseignement collégial, de l'enseignement préuniversitaire, de l'enseignement technique que de l'enseignement universitaire, que de la recherche et du développement et, enfin, terminer avec les solutions.

Parce que, au-delà du fait que son éventuel futur chef a semblé vouloir remettre en question l'atteinte du déficit zéro, ce qui a d'ailleurs inquiété à peu près l'ensemble des représentants ou des leaders de la société québécoise qui avaient adhéré et qui adhèrent toujours à cet objectif, sachant justement que ça nous permettra éventuellement de dégager une marge de manoeuvre pour mieux réinvestir dans le secteur de l'éducation, dans le domaine de la santé, ça va de soi, donc à part cette avenue, qu'il a refermée d'ailleurs aussitôt, se rendant compte de sa bévue – parce qu'il faut bien dire que c'en était une et qu'elle était de taille – à partir de là, quelles sont les solutions qui restent? Quelles sont celles que me propose le député de Verdun? Quelles sont celles que me propose l'opposition?

C'est facile, M. le Président, vous savez, quand on est assis à son siège à critiquer une chose et à critiquer l'autre. Mais, en même temps, il faut avoir une vision claire de ce que l'on va proposer à la place. Surtout lorsqu'on est dans l'opposition et qu'on veut éventuellement remplacer le gouvernement qui est là – c'est normal, ça fait partie des règles de la démocratie dont nous sommes d'ailleurs particulièrement fiers, bien sûr – il faut avoir une idée claire de ce que l'on propose. Qu'est-ce que l'on a à nous dire?

Alors, là, on a mis de côté, on a fermé la porte, heureusement. Heureusement, il semble qu'on a fermé la porte à la question de remettre sur le tapis tout ce qui a trait au déficit zéro et à la remise en question de cela. Ça, c'est terminé. Bon, parfait! Merci beaucoup! Je pense que ça allait de soi. Il était urgent que l'on agisse ainsi. Mais qu'est-ce qu'on a à proposer? Qu'est-ce qu'on nous dit qu'il faut faire? Je n'ai rien entendu de la part du député de Verdun.

Moi, j'en ai une, solution. Elle n'est pas parfaite, elle ne résout pas tout, mais elle nous permet de résoudre une partie des difficultés que nous rencontrons et de passer à travers ce moment plus difficile. C'est vrai, le virage n'est pas facile à prendre. Et l'effort demandé à l'enseignement postsecondaire, j'en conviens, M. le Président, il est important. Il est important comme celui qui est demandé à l'ensemble de la société québécoise. Alors, je reviendrai donc, en conclusion et en dernier lieu, sur ce qui me semble une solution raisonnable, acceptable, respectueuse de nos lois, de nos grands équilibres constitutionnels. Et je ne vois pas pourquoi, à ce moment-là, je n'aurais pas un appui sans réserve de la part de l'opposition.

(11 heures)

Quelques commentaires, d'abord, sur l'importance de l'éducation pour le gouvernement du Québec, pour l'ensemble, je vous dirais, des intervenants dans la société québécoise. Il est évident que, si nous sommes là où nous sommes maintenant, si nous avons repris en main nos leviers de décision, comme Québécois et comme Québécoises... Parce qu'il faut savoir d'où nous partions, et nous partions de très loin. Nos pères et nos mères et nos grands-pères et nos grands-mères n'allaient pas à l'école. Ils allaient à l'école jusqu'en sixième année, jusqu'en huitième année. Parfois, un certain nombre d'entre elles et d'entre eux allaient chercher une formation d'enseignant, d'enseignante, d'infirmière, quand on était une femme, on s'en allait vers les professions libérales, quand on était un homme, mais en si petit nombre, finalement, que la majorité de la population québécoise n'était pas formée.

Nous sommes sortis de cette grande noirceur au début des années 1960, avec la Révolution tranquille, avec le rapport Parent, avec le premier ministre de l'Éducation, Paul Gérin-Lajoie, qui a insufflé cet espoir au peuple québécois qui d'ailleurs a fort bien répondu. Et finalement, en 30 ans, 35 ans, nous avons rattrapé le retard. Nous avons démocratisé l'accès à l'éducation. Et je pense que nous pouvons être très fiers de ce que nous avons fait comme peuple en si peu de temps, finalement à peine deux générations, pour nous rendre là où nous sommes. Et cela dit l'importance que nous avons su donner et que nous donnons toujours à l'éducation au Québec.

Et, quand on se compare... Parce que c'est évident que, lorsqu'on regarde ce qu'on fait, on a souvent un esprit critique assez développé, et c'est normal. Et c'est heureux, dans le fond, parce que ça nous permet de voir un peu les failles, de voir comment on peut corriger. Mais, quand on se compare à ce qui se fait ailleurs dans les autres États, d'abord on peut constater que l'importance des sommes que nous investissons est très significative par rapport à ce qui se fait ailleurs, encore une fois. Quand on regarde la richesse collective et la part de la richesse collective du Québec que nous investissons en éducation, elle dépasse de 1 %, 1,5 %, 0,5 % ce qui se fait ailleurs dans les autres provinces canadiennes, par exemple. Quand on regarde ce qui se fait dans les autres États du monde et qu'on prend la richesse collective du Québec et qu'on compare à ce qui se fait dans les pays asiatiques, dans les pays européens, qui sont considérés quand même comme des pays largement développés et particulièrement intéressants, on constate que la part que nous investissons est à toutes fins pratiques toujours plus importante que ce qui se fait dans ces pays.

Donc, il y a, il y avait, du moins, sans doute une certaine marge de manoeuvre. Elle n'est pas nécessairement grande, bien sûr, mais il y avait une certaine marge de manoeuvre pour nous permettre de faire certaines rationalisations. Et, moi, je ne souhaite pas, évidemment, qu'on en reste là mais je souhaite au contraire que, retrouvant la capacité de bouger, retrouvant un espace budgétaire parce que nous aurons atteint nos objectifs de déficit zéro, nous recommencions à investir et à ajouter des ressources en éducation. Mais ce qui ne nous enlèvera pas l'obligation de rationaliser dans certains de nos programmes.

L'exemple de ce que fait la Conférence des universités – et j'aborderai cette question dans la réforme – est intéressant. Parce que qu'est-ce qu'on fait et qu'est-ce qu'on veut faire? On veut regarder ensemble comment il serait possible peut-être de rassembler nos ressources dans les mêmes champs de formation sans perdre les expertises propres à un chercheur, propres à un enseignant. Mais peut-être qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait autant de facultés dans un secteur, que ce soit scientifique, que ce soit en sciences humaines, qu'il y en a maintenant. Je n'ose en nommer aucun, étant entendu que chaque fois, on dit: Ah! La ministre veut abolir une faculté dans telle université. Pas du tout. Je crois que ce sont les universités, que ce sont surtout les universitaires qui doivent ensemble trouver des façons de le faire. Se mettre en réseau en utilisant les nouvelles technologies de communication, il semble que ça nous permettrait certaines économies en préservant au complet l'essentiel de la richesse que constituent l'enseignement universitaire et la recherche.

J'ai un bon exemple des dépenses d'éducation par rapport au PIB, et c'est une recherche faite par l'OCDE, dont on connaît tout le sérieux en ces matières. Et c'est dans le numéro de mars 1998. Qu'est-ce qu'on nous dit? Et c'était pour les comparaisons d'il y a un an ou deux. Au niveau de l'enseignement postsecondaire, on nous dit quelles sont les dépenses d'éducation par rapport au produit intérieur brut, c'est-à-dire par rapport à toute la richesse collective que nous avons. Quand on regarde le Québec, le Québec de 1994 était à 3,3 % par rapport au Danemark – on ne peut pas dire que c'est un pays en voie de développement, on ne peut pas dire que c'est un pays qui n'est pas intéressant au plan de son implication en éducation, de son engagement en éducation – où c'était 2,1 %.

Quand on regarde un pays... Prenons le Canada, c'est intéressant, tiens, tiens, tiens! Toutes les provinces canadiennes réunies et confondues, on constate que c'était 2,6 %, alors que le Québec, c'était 3,3 %. Quand on regarde les États-Unis, 2,4 %; quand on regarde l'Allemagne – l'Allemagne, qui est souvent prise en exemple à bien des égards, et à raison d'ailleurs – 1,1 %; l'Autriche, 1 %. Ce n'est quand même pas des pays qu'on n'envie pas; au contraire, on les envie pour leur réussite au plan économique, pour le fait qu'ils aient combattu le chômage avec beaucoup de détermination et qu'ils aient réussi, dans certains cas.

Alors donc, en ce sens le Québec investit des sommes considérables en éducation et plus que ce que d'autres font par rapport à leur richesse collective. Et, quand je prends les dernières données disponibles et que je prends les estimations pour le Québec en 1997 – parce qu'on nous dit: Ah! Mais vous avez fait des efforts budgétaires importants, de la rationalisation – on est encore, M. le Président, en 1997, à 2,9 %, l'enseignement postsecondaire. Et, quand on regarde tout ce qui se fait se fait ailleurs, à 2,9 % en 1997, nous sommes les premiers. Il n'y a personne qui en met plus que ça dans les pays identifiés ici, j'en ai une quinzaine, M. le Président.

Alors donc, je pense que ce serait trop facile que de dire: C'est absolument catastrophique, c'est la politique de la terre brûlée, on a décidé de laisser tomber l'éducation. C'est faux, M. le Président, c'est complètement faux. Mais on demande cependant, bien sûr, des efforts, comme on en demande à la santé. Et c'est vrai que ce n'est pas facile pour ceux et celles qui sont engagés dans les services de santé actuellement au Québec, mais en même temps on peut vous dire que, lorsqu'on consulte les gens qui ont utilisé les services de santé, on constate qu'ils sont satisfaits de ces services et on constate aussi une amélioration, si minime soit-elle, dans plusieurs de nos indicateurs en matière de santé. Comme mon discours ne porte pas sur la santé mais sur l'éducation, je vais prendre dans mon propre champ d'intervention.

Encore là, l'importance que nous accordons à l'éducation au Québec, par rapport à ce qui se fait ailleurs dans les autres États... Écoutez, quand on regarde ce qui se passe aux États-Unis, les baccalauréats, licences ou équivalents, savez-vous que le Québec décerne davantage de licences ou de baccalauréats, donc au niveau de l'enseignement supérieur, que les États-Unis, de l'ordre de 0,4 % de différence? C'est quand même significatif. Alors, ça veut dire qu'on n'est quand même pas en train de remettre en question notre apport à l'éducation.

Ça, c'était, M. le Président, pour quelques remarques générales à cet égard. Et ça, on se comprend, là, ce que je viens de vous donner, ce sont les taux d'obtention du baccalauréat et de la maîtrise dans les pays du G 7. Alors, on a donc fait une comparaison pour le Québec par rapport aux États-Unis. Mais, si on le mettait par rapport au Royaume-Uni, c'est encore plus important: la différence est de sept points de pourcentage; et la moyenne des pays de l'OCDE est de 13,4 %, alors que le Québec, c'est 27,8 %. Et, quand on regarde l'obtention de la maîtrise par rapport au Canada – donc nos voisins à côté de nous, nos amis: le Québec, 6,9 %; Canada, 4,8 %.

(11 h 10)

Alors donc, moi, je... C'est parce qu'à un moment donné on finit par en prendre, mais je pense qu'il y a une certaine limite, et il ne faut pas faire dire n'importe quoi à ce qu'on fait et il ne faut pas interpréter ce qu'on fait tout de travers. Alors donc, je reviens à mon commentaire général, à savoir que, lorsqu'on se regarde... Évidemment, c'est vrai que c'est exigeant, puis je ne nie pas ça, là, hein? Il faut bien comprendre mon propos, j'essaie de le faire tout en nuance. Mais, en même temps, quand on se compare, on peut se rassurer un peu. Ça ne veut pas dire qu'on doit s'asseoir sur nos lauriers puis se dire: Tout est beau, tout est parfait. Au contraire. La preuve en est que nous croyons nécessaire de faire mieux et de faire plus, et c'est pour ça – et je vais aborder le deuxième point dont je voulais discuter avec les membres de cette Assemblée, M. le Président, cet avant-midi – que nous avons décidé, parce que nous croyions qu'il était possible de faire mieux, de faire sans doute autrement, bien sûr, non seulement de rester dans le peloton de tête, mais de le devancer.

Je vais dire une vérité de La Palice mais qu'il n'est pas inutile de se rappeler parce qu'on a eu tendance, à certains moments, à dévaloriser un petit peu l'obtention d'un diplôme, que ce soit un diplôme d'études secondaires, d'études collégiales ou universitaires. On a eu tendance à dire: Bon, c'est moins vrai que plus on s'instruit, plus on s'enrichit. Évidemment, c'était dit de façon symbolique, ce n'était pas dans le sens nécessairement financier du terme, mais c'est dans le sens de pouvoir dire que plus nous allons être formés, plus nous allons pouvoir participer d'une façon pleine et entière à la société dans laquelle nous vivons, plus nous allons pouvoir obtenir des emplois, des professions dans lesquels nous allons pouvoir nous réaliser et développer et surtout exploiter nos talents, M. le Président. C'était dans ce sens-là que c'était dit. Donc, ce n'est pas inutile de se rappeler cela. Donc, vérité de La Palice, nous entrons dans le troisième millénaire, et ce sera, et c'est déjà le siècle... Nous sommes déjà dans le siècle du savoir et nous engageons dans une période qui sera d'autant plus exigeante à cet égard.

Jamais on ne le dira suffisamment, jamais on ne rappellera suffisamment aux jeunes, aux parents, aux jeunes adultes, à ceux et à celles, oui, qui ont malheureusement, dans certains cas, décroché, à ceux et à celles qui se sont engagés dans une voie de formation ou dans une profession et qui n'y ont pas trouvé leur compte, qui ne s'y sont pas trouvés à l'aise: Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Il faut que l'on puisse revenir à la formation, que l'on puisse revenir à l'école, que l'on puisse surtout et d'abord et avant tout y demeurer, bien sûr, pour s'y former, pour apprendre, je dirais, un métier, aller chercher une formation professionnelle, aller chercher une formation technique, mais apprendre aussi à apprendre. Parce que cette société dans laquelle nous engageons, à cause des mutations profondes qu'elle connaîtra, à cause des changements technologiques qui sont maintenant, je dirais, le lot de notre quotidien et qui ne se font plus sur des décennies ni sur des siècles, qui se font à peine sur quelques années...

Quelques exemples tout autour de nous: les cellulaires, il y a 10 ou 15 ans, un téléphone qu'on traînait dans sa petite poche de veston, on n'aurait pas imaginé ça possible; il y a 20 ans, le fait qu'en trois minutes j'aie ici, dans le bureau derrière, un document qui vient d'Hanoi ou qui vient de Paris, comme ça, hein, d'un coup de fil – je dis: Vous m'envoyez telles données, et ça m'arrive – on n'aurait pas imaginé ça il y a 15, 20 ans à peine, M. le Président. Or, en quelques années, on a vu se développer tous ces nouveaux outils dans le domaine de l'aéronautique, dans le domaine des transports. C'est absolument phénoménal et extraordinaire. Donc, nous entrons dans le siècle du savoir. Il faudra donc que l'on soit préparé à affronter ces réalités.

On dit qu'on changera d'emploi en moyenne de cinq à sept fois dans notre vie professionnelle. Ça veut dire changer pas d'emploi nécessairement, mais changer d'orientation professionnelle dans certains secteurs. Alors, ça veut dire, à ce moment-là, qu'il faudra être capable d'aller rechercher une nouvelle formation, de se recycler, d'être prêt à apprendre à nouveau. Donc, nos institutions doivent être capables d'offrir et de préparer nos jeunes et nos jeunes adultes à cette réalité-là. Alors, ça veut dire que, conscients de cela, sachant où nous étions, que notre place était enviable à bien des égards mais pas parfaite, avec des failles, avec des lacunes, avec des problèmes, cette difficulté qu'on a au niveau du décrochage scolaire, le temps que l'on prend pour aller chercher un diplôme est trop long. On prend quatre, cinq, six ans, pour trop de monde. C'est normal que ça puisse être le cas dans certaines circonstances, mais pas pour un nombre aussi important de personnes.

Oui, il faut le dire, il ne faut pas avoir peur, il ne faut pas se cacher, se mettre la tête dans le sable, ça a été catastrophique du côté de la formation aux métiers, de la formation professionnelle. On avait littéralement abandonné cela. Il faut voir d'ailleurs ce que ça a donné comme résultat sur l'île de Montréal où on est en retard à cet égard. Le gouvernement qui nous avait précédés avait mis l'accent sur d'autres priorités et malheureusement, il faut bien le dire, avait laissé tomber littéralement la formation aux métiers, la formation professionnelle.

Quand on regarde nos difficultés, la difficulté de nos jeunes au niveau des cégeps, c'est évident qu'il y a un problème au niveau de la réussite dans un temps normal, normal étant, bien sûr, une formation de deux ans préuniversitaire, de trois ans au collège, qui peut se prolonger d'un semestre, qui peut se prolonger pour toutes sortes de raisons, mais il reste qu'il y a des problèmes réels dans les taux d'échec que nous connaissons à ce niveau-là. Conscients de cela, sachant qu'il fallait revenir à l'essentiel, nous avons engagé un débat, un débat de fond sur la place de l'éducation au Québec, sur les gestes que nous devions poser pour, encore là, conserver notre place dans le peloton de tête, et même l'améliorer, et corriger tous ces problèmes, toutes ces difficultés que je viens de mentionner et sans doute d'autres qu'on pourrait identifier ensemble, bien sûr, et que nous avons identifiés. États généraux de l'éducation, propositions déposées à l'automne il y a deux ans – à l'automne 1996 – et, quelques semaines plus tard, trois semaines plus tard, le gouvernement annonçait très clairement ses couleurs, retenait ce qui lui apparaissait prioritaire au niveau des recommandations faites par la Commission des états généraux, et, quelques mois plus tard, au début de l'année 1997, annonce de l'ensemble des mesures qui allaient être retenues pour modifier, corriger, revenir aux questions de fond en matière d'éducation.

Donc, réforme de l'éducation portant sur sept grands champs d'action, et je ne m'attarderai pas sur l'ensemble de ces champs d'action prioritaire parce que je veux plutôt mettre le focus sur l'enseignement postsecondaire et l'enseignement supérieur, mais de la petite enfance en passant par le recentrage sur l'enseignement des matières essentielles à nos jeunes, qu'ils apprennent à mieux travailler, à développer des compétences, à acquérir des connaissances plus approfondies dans les matières de base, le français, les mathématiques, les sciences, l'histoire – la leur, et comme celle du monde, M. le Président – l'implantation et la révision de l'organisation de nos institutions scolaires, de confessionnelles qu'elles étaient, pour les commissions scolaires, en commissions scolaires linguistiques, leur réduction par souci d'économie, bien sûr, mais aussi parce que surtout nous redonnons des pouvoirs nouveaux aux écoles de base. Alors, il était nécessaire de revoir l'institution au niveau de sa coordination. Je pense donc aux commissions scolaires.

(11 h 20)

Et réforme de la formation professionnelle et technique. Bien sûr, les trois derniers volets de la réforme concernent cette formation professionnelle et technique, donc concernent autant le niveau secondaire, la formation aux métiers, que le niveau collégial, la formation aux techniques et la formation préuniversitaire. Et l'ouverture d'un grand champ de réflexion qui, pour la première fois, je crois, depuis 30 ans, est entrepris au Québec suite... ou 25 ans, si on veut, parce que la naissance du réseau de l'Université du Québec avait évidemment été faite ou avait donné lieu à une réflexion préalable importante sur la place des universités dans la société québécoise, et je pense qu'on peut être particulièrement fier du résultat, aujourd'hui. Mais jamais nous n'avons eu de contrat entre toutes les universités oeuvrant au Québec et la société québécoise, représentée par son gouvernement, bien sûr. Donc, réforme aussi de l'enseignement supérieur, M. le Président. Et, en ce sens, le troisième volet concernait sinon l'enseignement supérieur, du moins l'accès à une formation continue concernant autant l'enseignement de base, bien sûr, que l'enseignement supérieur.

Alors, nous avons donc posé des gestes en ce sens, d'une part du côté des collèges, consolidant ce qui était déjà engagé, mais retravaillant très sérieusement tout ce qui a trait à la formation technique pour mieux arrimer ce qui se fait au niveau du secondaire avec ce qui se fait au niveau du collégial technique, de telle sorte qu'il n'y ait pas de répétition, qu'il n'y ait pas dédoublement, qu'il y ait vraiment un cheminement qu'un jeune puisse suivre, passant d'une formation professionnelle au niveau secondaire à une formation technique, avec donc des ponts, avec donc des passerelles qui permettent à un jeune de toujours avoir une possibilité et un avenir devant lui quant à un projet qui pourrait l'amener à aller vers un niveau de formation complémentaire ou supérieur.

Et, en ce sens, nous avons développé des stratégies nouvelles, tant du côté de la formation professionnelle pour faire en sorte que des jeunes puissent aller plus rapidement vers une expérience que de l'apprentissage en milieu de travail, donc alternance études-travail, stages en milieu de travail. Et, d'ailleurs, l'importance que nous accordons à cela est à ce point significative que le ministre des Finances, dans son budget, a accordé des crédits nouveaux à ces volets en particulier pour nous permettre de consolider et de développer tout ce qui concerne l'insertion en emploi et le meilleur arrimage entre la formation et les entreprises et le marché du travail.

Nous avons aussi travaillé et nous travaillons très étroitement dans le cadre du suivi du Sommet sur l'économie et l'emploi qu'avait présidé le premier ministre et inscrit dans la réforme de l'éducation, nous avons mis en place un comité de pilotage pour nous permettre d'accélérer des formations dont on a besoin en urgence dans certains secteurs industriels du Québec. Je pense à l'aéronautique, je pense à l'aérospatiale, je pense à l'informatique. Moi, le matin, quand j'ouvre mon journal et que je lis qu'une entreprise a des besoins de main-d'oeuvre que nous ne réussissons pas à combler, je ne vous dirai pas tous les termes que j'utilise, ce ne serait pas élégant de le dire ici, ce ne serait pas acceptable, vous me demanderiez de les retirer. Parce que je crois que c'est inadmissible que, dans une société comme la nôtre, riche comme la nôtre, avec tous les investissements que nous faisons à cet égard-là, mais aussi, malheureusement, avec le taux de chômage que nous avons, on ne puisse pas combler des postes dans des entreprises.

Alors, c'est devant ce phénomène, devant les interventions des gens des milieux d'affaires avec lesquels nous sommes en contact et de plus en plus... Vous savez, on a reproché à un moment à l'éducation d'être parfois un peu déconnectée du quotidien, et je crois que ce n'est pas le cas ou que ce n'est plus le cas, si certains avaient pu penser que ça l'était. Nous avons essayé d'établir, au contraire, des liens très étroits en n'oubliant pas, cependant, que notre mission, ça reste de former des gens qui vont être capables, éventuellement, d'occuper des emplois dans plusieurs types d'entreprises ou d'industries ou d'institutions qui n'ont pas toujours les mêmes exigences. Donc, il faut garder, toujours, cette perspective d'universel, c'est notre responsabilité, mais, en même temps, ne pas se fermer les yeux sur les besoins du marché du travail.

Donc, nous avons mis en place ce comité dans la perspective de la réforme, dans la suite du Sommet sur l'économie et l'emploi, d'ailleurs, qui avait accepté les orientations fondamentales au niveau de l'enseignement postsecondaire, autant au niveau de la formation professionnelle que de l'enseignement universitaire, un groupe qui... Vous allez me permettre d'utiliser une expression qui est bien connue dans nos institutions politiques, utilisée fréquemment aux États-Unis, le «fast track», c'est-à-dire utiliser une voie plus rapide pour nous permettre rapidement, pour nous permettre, donc, immédiatement de répondre à des besoins identifiés dans le milieu de l'entreprise, dans le milieu du travail, dans les industries, de telle sorte qu'on puisse, avec nos institutions – pas en dehors d'elles, avec nos institutions – être capable de bâtir, sur mesure parfois, certains programmes en conservant cependant le volet qui reste notre responsabilité, je le répète, fondamentale, en conservant des bases universelles qui permettraient à des gens sortant de ces formations avec un diplôme de pouvoir oeuvrer autant dans l'entreprise x, y que z, si on veut. J'aurai l'occasion, d'ici quelque temps, de faire état de l'ensemble de ce dossier. Je peux vous dire qu'on est assez fier, parce que ça a permis rapidement de faire des contacts entre nos institutions, je pense à des cégeps entre autres.

Ça a permis aussi de faire une chose que je souhaitais depuis longtemps: que l'université soit aussi présente dans des tables de concertation avec des partenaires. Je ne dis pas par là que l'université n'est pas consciente, n'est pas présente avec ses partenaires industriels, au contraire. J'étais, la semaine dernière, à l'occasion du 125e anniversaire de l'École polytechnique, à une réception, je dirais à une célébration de ce 125e anniversaire, et on mentionnait comment on avait des liens avec les grandes entreprises québécoises dans le domaine de l'aluminerie, de l'hydroélectricité, de l'ingénierie. Et c'était absolument fascinant de voir cela.

Mais je pense qu'il reste qu'il y avait et qu'il continue d'y avoir, je dirais, un éloignement parfois de l'université et de ses autres partenaires du réseau de l'éducation et peut-être de la moyenne et petite entreprise. Et c'est normal, parce qu'il est plus facile pour une grande entreprise d'avoir des relations et des contacts avec les universités. Alors, c'est très intéressant à cet égard et c'est ce qu'on est en train ensemble de réussir et de transformer, M. le Président.

Je vais me permettre, en passant, à l'intérieur de ce rappel de la réforme, de dire à notre collègue de Verdun que j'ai un peu de difficultés à le suivre par ailleurs quand il dit que nous n'accordons pas de crédits pour ce qui est du matériel informatique ou de l'investissement dans les équipements en termes de nouvelles technologies des communications et de l'information. Or, dans le plan que j'ai annoncé en juin 1997, c'est bien cela, pardon, en juin 1996, nous avons annoncé un plan très important d'investissement dans les nouvelles technologies des communications et de l'information et donc dans tout le matériel informatique léger, de base et pédagogique. Et nous aurons investi 27 000 000 $ entre 1996 et 1999, en trois ans – ce n'est quand même pas rien, M. le Président – autant au niveau de l'équipement lui-même que de la formation ou que de l'aide à de l'application pédagogique et de la subvention de fonctionnement pour faire de la recherche, pour bâtir de nouveaux logiciels, pour trouver des applications pédagogiques pertinentes et utiles au niveau de l'enseignement collégial.

Alors, j'ai un peu de difficultés de ce côté-là, M. le Président, parce que, malgré justement des efforts budgétaires – et ceux que nous avons demandés sont importants, je ne le nie pas – nous avons quand même réussi à investir au niveau de ces nouvelles technologies qui là encore sont absolument essentielles dans le siècle dans lequel nous trouvons, au moment où ça devient notre quotidien.

Alors, oui, vous me soulignez, M. le Président, et merci de le faire, qu'il me reste peu de temps, et je voudrais pouvoir maintenant me tourner du côté des solutions. Je le mentionnais au début de mon intervention... Le député de Verdun a été prompt à pouvoir me dire, même s'il le faisait d'un ton que nous lui connaissons quand même, qui est tout à fait respectueux de ce qu'est notre institution, qu'il faisait état des efforts importants demandés à l'éducation. On avait l'impression qu'on était en train de laisser tomber littéralement l'éducation. Je viens de vous prouver, M. le Président, que non seulement ce n'est pas le cas, mais que nous sommes encore en très bonne place par rapport à ce qui se fait ailleurs. C'est toujours comme ça qu'il faut essayer de voir et de mesurer là où on en est.

(11 h 30)

Mais cela étant, quelle est la solution qu'il nous propose? Et là, il me dit: Ah oui! Je sais, je sais exactement ce que va me dire la ministre, elle va me dire que c'est du côté du fédéral. Bon, là, on va mettre les choses au clair; je vais répéter quelques éléments de mon introduction, M. le Président, rapidement, on va mettre les choses au clair. Je veux bien qu'on nous dise de ne pas regarder du côté d'Ottawa, mais disons que je ne serais pas la première à regarder de ce côté-là. Celui qui a occupé la fonction avant moi, ici, comme ministre de l'Éducation dans un gouvernement qui nous a précédés, et qui s'appelait Claude Ryan, a vilipendé littéralement le fédéral sur la question des politiques de transfert. Et mon collègue le député de Lotbinière en fera état, M. le Président. Il pourra même le citer au texte, et vous allez voir que c'est intéressant. Le ministre des Finances de l'époque, Gérard D. Levesque, a parlé du «fédéralisme prédateur», M. le Président. Ce n'est pas un gouvernement du Parti québécois qui a dit ça, c'est un gouvernement sous la gouverne du Parti libéral. Qu'est-ce que c'est, ça? On aurait changé de position constitutionnelle tout d'un coup? Ah! ça m'étonne et ça m'inquiète.

M. le Président, je veux le redire ici: Je trouve absolument inconcevable et inadmissible que le gouvernement fédéral ne respecte pas lui-même sa propre Constitution et que ce soit un gouvernement du Parti québécois qui doive lui rappeler que la Constitution qu'il nous a imposée, que nous n'avons jamais signée, il pourrait peut-être la respecter. Et peut-être qu'elle deviendrait à ce moment-là respectable.

M. le Président, pendant que je me crève le coeur... Parce que c'est ça que je fais. Pensez-vous que je fais ça avec beaucoup de plaisir, de téléphoner au président de la Conférence des recteurs et de lui dire: Cette année, vous allez avoir une effort budgétaire de 69 000 000 $ à faire? Non, je ne le fais pas avec beaucoup de plaisir. J'aimerais mieux pouvoir lui dire: Non seulement ce n'est pas un effort budgétaire que vous allez faire, mais on va pouvoir vous allouer telle somme, permettre tel développement. Je sais qu'il y a de la place à de la rationalisation, et c'est ce qu'on est train d'essayer de faire. Je suis bien consciente de ça. Mais, cela étant, je ne fais pas ça de gaieté de coeur.

Et puis que, en même temps, alors que j'investis, que nous investissons comme collectivité 250 000 000 $ dans un régime d'aide financière et de bourses aux étudiants et aux étudiantes du Québec – qui sont les moins endettés de tous les étudiants et étudiantes de tout le Canada; pas une différence de 1 000 $, une différence de 6 000 $ entre la plus haute moyenne et la nôtre – n'est-ce pas, que nous avons instauré ce système depuis 30 ans, que les frais de scolarité sont les plus bas de tout le Canada, ici, au Québec, M. le Président – et le député de Verdun rappelait qu'il était d'accord avec cela, même si c'étaient eux qui les avaient montés de 150 %, mais ce n'est pas grave, on convient, il est d'accord, bon – qu'Ottawa m'annonce qu'il va donner à une fondation 2 000 000 000 $, n'est-ce pas, pour donner des bourses, les bourses du millénaire – parce que c'est le monument qu'a décidé de se donner le gouvernement fédéral... Parfait! On nous dit, ce même gouvernement nous dit: Je trouve que l'éducation, c'est important. D'accord. Remarquez qu'il était un peu tard. Peut-être que, si vous ne nous aviez pas coupé les paiements de transfert, ça aurait été la meilleure solution, plutôt que de nous couper les paiements de transfert, d'en rajouter ensuite par un système de bourses du millénaire qui va venir dédoubler, mais complètement, carrément, un système que nous avons déjà, M. le Président.

Nous, on investit 250 000 000 $. Si on fait la moyenne de ce qu'on devrait avoir, c'est environ 80 000 000 $ qui viendraient de la Fondation des bourses du millénaire, M. le Président. Alors, là, je veux bien que ce 80 000 000 $, on le verse en bourses. Parfait! Qu'il y ait de la visibilité, pas de problème. Le chèque, là, il peut être rouge, ça ne me dérange pas. Il peut même être en forme de feuille d'érable, je n'aurai aucun problème. Et je l'enverrai moi-même directement aux étudiants en disant: Ce chèque vous est alloué grâce à la contribution du gouvernement fédéral dans un fonds des bourses du millénaire. Je suis prête à faire ça demain matin, sauf que je ne suis pas prête, par exemple, à ce qu'on instaure un double système de versement d'aide financière. Je ne suis pas prête à ce qu'on développe un autre système avec des nouveaux critères puis avec une nouvelle façon de faire. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. C'est irraisonnable, ça!

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Parfait! Je suis prête, donc, à envoyer ces chèques. Que ce soit indiqué que c'est le gouvernement canadien qui les verse. J'aimerais ça avoir le 80 000 000 $. Savez-vous ce que j'en ferais, M. le Président? Je le reverserais à l'enseignement postsecondaire. J'améliorerais même le régime de prêts et bourses parce que je pense qu'il y a toujours matière à amélioration. Je l'améliorerais, et ce 80 000 000 $ servirait, d'une part, à cela mais, d'autre part, à réduire l'effort budgétaire demandé aux universités et demandé aux cégeps, M. le Président, et demandé à la formation professionnelle.

Il me semble que ce serait raisonnable, compte tenu que nous avons déjà notre propre système. Il me semble que ce serait simple, sauf que je ne veux pas – et je crois que ce serait inadmissible que notre argent serve à cela – qu'on dédouble un régime administratif, une organisation qui roule parfaitement et rondement, qui est bien huilée, qui répond aux besoins des jeunes. La preuve en est qu'ils sont beaucoup moins endettés que tout le reste des étudiants du Canada. Il me semble que ce serait une façon de réparer le passé, de respecter sa propre Constitution. Moi, je ne la voulais pas, cette Constitution-là. On ne l'a pas signée. Pas seulement nous, là, mais les gens d'en face non plus. Puis ils ont été ici pendant neuf ans. Ils avaient l'occasion de la signer. Ils ne l'ont pas signée. Ça veut dire qu'il doit y avoir quelque chose qui ne va pas non plus, là, hein?

Alors donc, l'offre est très claire. Aucun problème sur la visibilité du gouvernement fédéral. Je suis prête à concéder n'importe quoi. Mais là où je trouve que ça n'a pas de bon sens, c'est qu'on fasse un double système. Et je suis persuadée que le député de Verdun, qui défend l'importance de l'éducation, de l'investissement en éducation, de l'enseignement postsecondaire, va être complètement d'accord avec moi et va être d'accord pour qu'ensemble nous respections la constitution qui est celle qui gouverne, semble-t-il, les rôles et responsabilités de chacun de nos gouvernements respectifs.

Alors, M. le Président, j'aurai l'occasion, dans les heures qui viennent, de proposer à cet égard que nous entendions sur une demande qui serait unanime, une position qui serait unanime de la part de l'Assemblée nationale du Québec. Je sais que le député de Verdun est d'accord avec cela. J'espère que sa formation politique, dont j'essaie de comprendre la position constitutionnelle, sera aussi d'accord avec lui pour qu'ensemble nous demandions que l'argent qui doit venir au Québec, qui est absolument essentiel pour nous permettre d'assumer nos responsabilités en matière d'éducation, puisse être investi au niveau de l'enseignement postsecondaire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière, en lui rappelant et à son groupe parlementaire qu'il vous reste un temps de parole maximum de 9 min 30 s. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, permettez-moi d'intervenir ce matin sur la motion de l'opposition officielle qui dénonce les coupures drastiques dans l'éducation postsecondaire. La motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale dénonce les compressions successives et aveugles faites par le gouvernement péquiste dans nos institutions postsecondaires, qui hypothèquent l'avenir collectif du Québec et étouffent le dynamisme de ces institutions.»

Oui, M. le Président, il est temps et plus que temps que les parlementaires du côté du gouvernement se réveillent et joignent leur voix à celle de l'opposition officielle pour arrêter l'hémorragie des compressions successives dans les collèges et les universités. On a eu tantôt une démonstration de la ministre de l'Éducation qui a déchiré sa chemise: La faute à Ottawa, si ce n'est pas la faute de l'ancien gouvernement libéral. M. le Président, je lui rappelle que ce gouvernement est en place depuis près de quatre ans et qu'il est responsable des gestes et des décisions qu'il pose.

L'éducation est l'une des missions essentielles de l'État. Elle doit être placée en tête de liste des priorités du gouvernement. Or, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, nos services d'éducation et nos services d'éducation postsecondaire en particulier n'ont cessé de se détériorer. On peut dire la même chose de l'enseignement primaire et secondaire. M. le Président, la ministre de l'Éducation est passée maîtresse dans l'art des manifestations, parce que ça se bouscule à ses portes.

(11 h 40)

Je regarde Le Courrier du Sud du 6 avril 1997: Manif chez Pauline Marois . Le Courrier du Sud du 11 mai 1997: Les parents de Greenfield Park manifestent devant les bureaux de la ministre Marois . Le Courrier du Sud du 1er juin 1997: Les nouvelles réformes dans l'éducation: des parents de la rive sud crient au non-respect des besoins des enfants . Le 7 septembre 1997: Encore une manifestation chez Pauline Marois . C'est rendu que ça fait l'objet des caricatures. Dans Le Courrier du Sud du 7 septembre 1997, une caricature de la ministre de l'Éducation:Nouvelle manifestation au bureau de Mme Marois . Et c'est elle qui dit: «S'il vous plaît, veuillez prendre un numéro», tellement il y a de manifestants qui se bousculent à ses portes. Ce n'est pas juste l'opposition officielle qui, de façon partisane, critique ce gouvernement, ce sont toutes les personnes qui sont concernées de loin ou de près par l'éducation.

Avant de m'engager en politique active, j'ai enseigné à l'université: à l'Université de Montréal et à l'Université du Québec. J'ai donc une connaissance pratique du milieu de l'éducation et des problèmes qu'il affronte. Les compressions budgétaires imposées par ce gouvernement au milieu de l'éducation affectent de façon dramatique les services directs aux étudiants. J'ai pu m'en rendre compte d'ailleurs de façon tangible en novembre 1997, il y a à peine cinq mois, lorsque j'ai pris part à une tournée dans les cégeps et les universités organisée par la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec.

Cette tournée m'a amenée à rencontrer des recteurs d'université et des directeurs de cégep, et surtout les représentants des associations étudiantes. À l'ordre du jour de chacune de ces discussions, il y avait les effets pervers des compressions budgétaires et du transfert de déficit que ce gouvernement a effectué à l'égard des collèges et des universités. En effet, M. le Président, il ne s'agit pas là seulement de statistiques et de signes de dollars, il faut voir l'impact réel de ces compressions sur les services directs à la clientèle étudiante, c'est-à-dire celle qui fait notre avenir.

La ministre de l'Éducation continue de faire la sourde oreille aux cris d'alarme lancés par les étudiants et les représentants du milieu de l'éducation. Pas plus tard qu'il y a deux mois, plus précisément le 18 février 1998, la ministre de l'Éducation a eu droit à une manifestation majeure à la porte de son bureau, dans le comté de Taillon. Le Courrier du Sud du 22 février dernier a publié les images de cette manifestation où on pouvait lire sur les bannières: Oui à l'éducation, fini les compressions .

Et permettez-moi, M. le Président, de signaler quelques extraits d'un article qui a été publié par François Laramée du Courrier du Sud en date du 22 février 1998. Je lis au texte: «Pour la première fois dans l'histoire du collège Édouard-Montpetit – dans le comté de la député de Taillon, ministre de l'Éducation – la direction, les élèves et les syndicats se sont rassemblés mercredi dernier à midi pour demander au gouvernement que cessent toutes nouvelles coupures dans les cégeps. Cloche à la main et au son du clocher de l'ancienne chapelle du collège et de quelques églises de Longueuil, les porte-parole ont exprimé leur ras-le-bol de l'esprit comptable qui gouverne la poursuite du déficit zéro à tout prix au détriment de l'éducation. Devant le bureau de la ministre de l'Éducation, le président de l'Association générale des étudiants soulignait que l'éducation a contribué à sortir le Québec de la noirceur et questionné la pertinence de "remettre en cause les outils qui ont permis de construire notre société". Le président du syndicat des professionnels résumait bien cet état d'esprit en reprenant à son compte un slogan étudiant: Si vous pensez que l'éducation coûte cher, essayez donc l'ignorance, pour voir .» C'est un porte-parole d'un syndicat, M. le Président, qui dit: «Si vous pensez que l'éducation coûte cher, essayez donc l'ignorance», vous allez voir ce que ça va coûter à la société québécoise.

C'est troublant d'entendre tous ces commentaires, et c'est un fait inusité que des églises, dans le propre comté de la ministre de l'Éducation, sonnent les cloches, comme pour sonner le glas, afin de dire: Assez, c'est assez. Ce gouvernement est en train de détruire tout ce que le Québec a réalisé comme acquis dans le domaine de l'éducation. Et la ministre, dans son intervention, a fait référence aux acquis de l'éducation dans les années soixante. Elle a oublié de dire que ces acquis et l'importance qui a été accordée à l'éducation, c'était sous des gouvernements libéraux, parce que, nous, de notre côté, on sait où se situent les priorités et les préoccupations des citoyens.

Le collège Édouard-Montpetit, qui dessert les étudiants de mon comté et ceux de la rive sud de Montréal, y compris les citoyens de la députée de Taillon, reçoit chaque année 8 000 000 $ de moins qu'en 1992 et pourtant sa clientèle a augmenté de plus de 7 % durant la même période. Des coupures drastiques ont été enregistrées dans la masse salariale, qui a subi une ponction de 10,5 % en ce qui a trait aux effectifs des enseignants et de 12 % pour les autres employés. C'est 10 000 000 $ à 11 000 000 $ de moins que le collège Édouard-Montpetit va recevoir annuellement. Comment cela affecte-t-il les services directs aux étudiants? C'est 1 500 $ de moins par étudiant, ce qui signifie concrètement moins de services pédagogiques, moins de conseillers d'orientation, moins de livres et de matériel pédagogique dans les bibliothèques et plus d'étudiants par classe et par professeur.

M. le Président, c'est très grave, ce qui se passe dans notre milieu d'éducation, au niveau des collèges et des universités. Il faut que ça cesse, il faut que ça arrête. Et je dénonce les coupures et les compressions du gouvernement dans l'éducation postsecondaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Nous allons céder maintenant la parole au député de Lotbinière. M. le député, il reste à votre groupe parlementaire un temps de parole de trois minutes.


M. Jean-Guy Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. C'est bien sûr que je vais être bref, ce n'est pas un choix. Donc, je voudrais aussi dire à la députée de La Pinière, qui disait que le gouvernement actuel imputait injustement les coupures actuelles au gouvernement antérieur, c'est-à-dire au gouvernement libéral, et aussi au gouvernement fédéral: Mais, écoutez, je suis obligé de reprendre les paroles de M. Ryan, ancien ministre de l'Éducation, qui n'était pas un ministre péquiste à l'époque, qui disait, en 1987: «Les décisions des gouvernements libéraux et conservateurs à Ottawa, dans le cadre du financement des programmes établis, feront perdre au Québec, au titre de l'enseignement postsecondaire, c'est-à-dire aux cégeps puis aux universités, près de 2 000 000 000 $ sur la période s'échelonnant de 1982 à 1992.» Ça, M. le Président, c'est une moyenne de 200 000 000 $ par année, donc 2 000 000 000 $.

Il ajoutait, et je le cite: «Le gouvernement fédéral proclame souvent sa foi dans le rôle crucial de l'éducation pour le développement économique et technologique. Avec mes collègues des autres provinces, je verrai, à l'occasion de ce colloque, à faire des représentations énergiques auprès des autorités fédérales.»

Quel a été le résultat de M. Ryan, de ses démarches? De 1992 à 1998, ils ont coupé de 2 000 000 000 $ à 2 700 000 000 $. Donc, M. Ryan a eu les mêmes problèmes que présentement le gouvernement du Parti québécois. Ça veut dire quoi? Ça veut dire 150 000 000 $, l'an passé, qui ont été coupés, en paiements de transfert, du gouvernement fédéral au gouvernement du Québec, en éducation supérieure. Nous, on a demandé comme effort à ces deux mêmes institutions, c'est-à-dire aux universités et aux collèges, 125 000 000 $ de restrictions, de compressions. Donc, il y a un 25 000 000 $ qu'on est obligé de prendre ailleurs seulement au niveau des compressions faites par les paiements de transfert du fédéral. La solution, on en a une simple: au Québec, collecter tous ses impôts une fois pour toutes et toutes ses taxes pour qu'on puisse les redistribuer dans nos priorités, dans nos orientations premières.


Motion d'amendement

C'est pour ça que j'apporterais un amendement dans la motion transmise, en vertu de l'article 97.1 du règlement:

«Que l'Assemblée nationale dénonce les coupures successives et aveugles faites par le gouvernement fédéral dans les paiements de transfert au gouvernement du Québec, qui pénalisent l'éducation dans tout le réseau postsecondaire, ce qui risque d'hypothéquer l'avenir collectif du Québec et étouffer le dynamisme de ces institutions.» Voici, M. le Président. Merci.

(11 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Je remercie M. le député de Lotbinière. Cet amendement est déposé sous réserve, bien entendu, de sa vérification. Nous allons vous en transmettre une copie, M. le député de Verdun, et nous allons nous pencher également sur la recevabilité. Alors, M. le député de Verdun, votre temps de réplique est de 10 minutes. Nous vous cédons la parole.

M. Gautrin: M. le Président, si vous me permettez, je voudrais peut-être plaider sur la recevabilité de l'amendement maintenant. Est-ce qu'il y aurait possibilité de le faire indépendamment de mon temps de 10 minutes, ou pas? Non, mais quand est-ce qu'on pourra plaider sur la recevabilité pour essayer de vous indiquer... sur la recevabilité de cet amendement?

Le Vice-Président (M. Pinard): À ce stade-ci, vous êtes en réplique, vous avez un temps de parole de 10 minutes. Je vais examiner l'amendement et...

M. Gautrin: Je voudrais intervenir pour vous faire valoir quant à savoir si cet amendement est recevable ou pas, et j'aurais des arguments à vous faire valoir qui me permettraient de douter, peut-être, de la recevabilité de l'amendement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Verdun, je vous stipule, à ce stade-ci, que votre plaidoirie doit se faire sur votre temps de parole, votre temps de réplique, qui est de 10 minutes. On ne peut étendre le débat, le débat se termine à 12 h 2.


M. Henri-François Gautrin (réplique)

M. Gautrin: M. le Président, je me permets néanmoins de porter à votre attention sur mon 10 minutes – je rentrerai sur le reste après – que la motion, en quelque sorte, dénature... disons que l'amendement vient dénaturer complètement la motion originale.

Je vous rappellerai que la motion originale était donc un mandat qui était destiné envers le gouvernement du Parti québécois. Là, on change, puisqu'on change la personne à qui on s'adresse. Je doute réellement de la recevabilité de l'amendement, M. le Président, puisqu'on s'adresse – si vous me permettez, M. le Président? M. le Président? – à ce moment-là à une autre personne.

Je plaide, je prends sur mon temps de réplique, si vous me permettez, la possibilité de plaider sur la non-recevabilité de cet amendement. L'amendement a pour effet ici de s'adresser à une personne totalement différente. La proposition était à l'effet de s'adresser au gouvernement du Québec, tandis qu'ici on s'adresse, dans une matière totalement différente, à un autre niveau de gouvernement.

M. le Président, ceci étant dit, je voudrais prendre ce qu'il me reste de temps pour répondre, répondre aux dernières interventions de la ministre de l'Éducation en ce qui touche les bourses du millénaire et son grand plaidoyer ou en vouloir encore au gouvernement fédéral. Il faut bien être conscient... Et je sais que vous, parce que vous faites vos travaux, avez lu la loi C-36 qui a été déposée à la Chambre des communes. Il y a la possibilité dans le projet de loi C-36 que la sélection des candidats aux bourses du millénaire soit faite par le Québec, que des ententes soient négociées à l'heure actuelle entre le Québec et le gouvernement fédéral en ce qui touche les bourses du millénaire. D'ailleurs, M. le Président, si vous me permettez, deux personnes, deux fonctionnaires importants: un fonctionnaire du gouvernement fédéral et un fonctionnaire du gouvernement du Parti québécois, sont en train de négocier, et je plaide justement pour un peu d'ouverture de la part du gouvernement du Québec sur cette question.

Ce qui est important, c'est de ne pas laisser croire, à l'heure actuelle, qu'il y a dédoublement. Au contraire, il y a une ouverture de la part du gouvernement fédéral et une volonté de pouvoir prendre ces sommes d'argent... Parce qu'ils sont conscients aussi, comme je l'ai rappelé au début, de l'importance actuellement de la formation et collégiale et universitaire pour le développement de nos sociétés dans cinq et 10 ans. Et je suis heureux que, au minimum, sur ce point-là, les ministériels soient d'accord. Sauf que leurs effets, ce qu'ils font, vont exactement à contre-courant, c'est-à-dire qu'ils disent: Oui, vous avez raison, c'est important d'investir au niveau universitaire; oui, vous avez raison, c'est important d'investir pour les collèges. Mais, en pratique, lorsqu'il s'agit de mettre réellement les choses de l'avant, bien, ça, vous ne le faites pas et vous ne le mettez pas.

Alors, M. le Président, si vous permettez, je crois qu'il y a une espèce de distorsion entre, d'un côté, la reconnaissance que vous faites: Il est important d'investir dans l'éducation – j'en ai pris bonne note – puis, en même temps, maintenant... J'ai revu mes crédits, j'ai revu mes compressions, j'ai revu le fait qu'on a été obligé de couper à peu près 900 postes dans l'ensemble du réseau des universités, j'ai revu qu'on est en train de couper 300 postes dans l'ensemble des collèges, j'ai revu qu'il y avait une dette accumulée dans le réseau des universités de plus de 187 000 000 $, j'ai revu que les compressions demandées au réseau des collèges ne peuvent pas actuellement être assumées par l'ensemble des collèges, tel que l'a dit et l'a affirmé le président de la Fédération des collèges, actuellement.

M. le Président, il y a une distorsion entre, d'un côté, ce que vous affirmez – Oui, on est d'accord, c'est vrai que c'est important – puis la réalité de ce que vous faites. La réalité de ce que vous faites, c'est que vous continuez et vous maintenez ces compressions dans le réseau universitaire et dans le réseau collégial, compressions qui ne peuvent pas être supportées. Je crois avoir démontré les effets pernicieux que cela va avoir à long terme. Et ce n'est pas, malheureusement, en disant: Bon, les paiements de transfert ont été diminués, etc. Vous savez comme moi ce qui est arrivé: les paiements de transfert ont été globalisés au niveau de ce qu'on a appelé les transferts sociaux, et il y a eu une enveloppe qui était devenue les transferts sociaux, fait à noter, qui sont quand même des transferts qui viennent du gouvernement fédéral.

On parle aussi du régime de prêts et bourses. Souvent, on oublie de dire que, déjà, actuellement, dans le régime de prêts et bourses, il y a 80 000 000 $ qui vient du gouvernement fédéral, avec un mécanisme complexe de péréquation pour savoir comment est établie la part qui revient au Québec. Il y a tout ça qui a été établi depuis longtemps, mais on l'oublie souvent, de l'autre côté. Mais ce qui est important de rappeler dans la motion qu'on a présentée devant vous, c'est de dire: À l'heure actuelle, ce que vous faites – et dites-moi pas: On est obligé de le faire à cause de... parce que c'est vous qui transférez les budgets à l'ensemble des universités, c'est vous qui transférez les budgets à l'ensemble des collèges – est en train d'hypothéquer notre avenir collectif. Et c'est ça qu'on est en train de dire, M. le Président. C'est ça qu'on est en train de leur dire: Ce que vous faites, parce que... Bon Dieu!

La ministre nous dit: Ah! j'aurais donc aimé appeler le président de la CREPUQ et lui dire: Ce n'est pas une compression que je vous ai donnée, c'est un surplus budgétaire. Mais ce n'est pas ce qu'elle a fait. Elle a quand même imposé une compression qui ne pouvait pas être absorbée actuellement par le réseau. La même chose, elle me dit: J'aurais donc aimé réunir l'ensemble des directeurs de collèges et leur dire: Voici, je voudrais non pas vous imposer une compression, mais vous donner un allongement budgétaire. Mais ce n'est pas ce qu'elle a fait, M. le Président.

Et la réalité, ça veut dire que nos étudiants seront moins bien formés, que, dans quatre, cinq ans, ils ne seront plus capables de faire face à la compétition internationale. Ça veut dire, à l'heure actuelle, que les synergies qui s'étaient établies entre l'ensemble de nos universités et le développement économique ne sont plus capables de pouvoir se faire. C'est lentement le rapetissement, petit à petit. C'est ça qu'on a, en réalité.

(12 heures)

Alors, je comprends bien qu'on a les meilleures intentions du monde, qu'on voudrait ne pas être obligé de le faire, etc., mais, moi, je suis ici pour voir ce qu'on fait, je suis ici pour voir devant moi ce qu'on est en train de nous proposer, ce qu'on est en train de mettre de l'avant. Et ce qu'on est en train de mettre de l'avant, c'est des compressions dans le secteur universitaire, dans le secteur collégial, qui veulent dire, et je vous le rappelle – c'est bon qu'on le rappelle – des diminutions importantes – on est rendu là, hein – de professeurs, de programmes qui sont supprimés, de cours qui n'auront pas lieu, de qualité de formation qui ne sera plus donnée. C'est cela, la réalité, M. le Président, actuellement du débat qu'on a devant nous.

Alors, n'essayez pas de me dire: Ah! c'est à cause du fédéral qu'on fait ça, on aimerait donc ça ne pas être obligés de faire ça. Bon Dieu! Si ça vous fait tellement de peine d'être obligés de le faire, ne le faites pas. C'est tellement facile de ne pas le faire. C'est tellement facile. Puis, à ce moment-là, si vous vous posez la question: Est-ce qu'on est capable d'équilibrer le budget sans faire ça? je pourrais même vous dire oui. Et on aura 10 heures de débat justement dans les crédits pour voir ça puis voir où ça peut se faire, puis voir de quelle manière ça peut se faire sans nécessairement être en train de scier la branche sur laquelle on est.

M. le Président, vous savez – je sais qu'il me reste peu de temps – qu'il y a deux manières d'équilibrer un budget: stimuler la croissance économique – là, c'est une manière positive d'équilibrer un budget parce qu'on augmente nos rentrées fiscales – ou bien couper, diminuer, se rapetisser, etc. C'est ça qu'ils ont choisi. Bien, ce n'est pas ça que, nous, on choisira quand on sera au pouvoir. Oui, on croit à l'équilibre budgétaire. Oui, bien sûr, on croit à l'équilibre budgétaire, mais pas de la manière dont ils sont en train de le préparer, non pas faire l'équilibre budgétaire en diminuant les acquis qu'on a construits en plus de 20 ans et de 30 ans, mais plutôt en réinvestissant et en étant en mesure de créer et de stimuler la croissance économique et d'augmenter les rentrées fiscales.

C'est notre manière à nous autres d'arriver à l'équilibre budgétaire qui est complètement différente de la manière dont ils sont en train de nous amener, en détruisant notre système de santé et notre système d'éducation pour atteindre l'équilibre budgétaire. C'est comme ça que, nous, on ferait et ce n'est pas de la manière dont ils le font, et c'est là la différence fondamentale qu'il y a entre les libéraux et le gouvernement actuellement. Merci, M. le Président.


Décision du président sur la recevabilité de l'amendement

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Le débat étant maintenant terminé, nous allons mettre aux voix la motion du député de Verdun. Quant à la recevabilité de l'amendement qui nous a été déposé par le député de Lotbinière, je juge que cet amendement n'est pas recevable, considérant qu'on émet par cet amendement un tout nouveau principe que nous ne retrouvons pas dans la motion initiale déposée par le député de Verdun. Donc, à ce stade-ci, je vous demanderais de procéder immédiatement au vote sur la motion qui nous est déposée par le député de Verdun. Que l'on appelle... M. le leader adjoint du gouvernement.


Vote reporté

M. Boulerice: Oui. Alors, j'invoquerai, M. le Président, l'article 223 de notre règlement vous demandant de reporter le vote à la fin de la période des affaires courantes de cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Donc, nous suspendons nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés. Nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence de membres de la Cour constitutionnelle de la République du Bénin

Alors, pour débuter la séance, j'ai le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes de quatre membres de la Cour constitutionnelle de la République du Bénin, dont la présidente, Mme Élisabeth K. Pognon.


Présence de M. René Blondin, ex-secrétaire général de l'Assemblée nationale

J'ai également le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes de notre ancien secrétaire général de l'Assemblée, M. René Blondin.


Affaires courantes

Alors, nous abordons nos affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances et vice-premier ministre.


Rapport annuel sur la tarification en assurance automobile et rapport annuel de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec

M. Landry (Verchères): M. le Président, je dépose le rapport annuel 1997 sur la tarification en assurance automobile ainsi que le rapport annuel 1997 de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec.

Le Président: Très bien, ces documents sont déposés.


Rapport de mission de l'assemblée annuelle du Council of State Governments

Pour ma part, je dépose le rapport de la mission de l'assemblée annuelle du Council of State Governments, tenue à Honolulu au mois de décembre dernier. Cette mission était sous la responsabilité de M. le député de Groulx.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des affaires sociales et député de Charlevoix.


Examen des rapports annuels 1993-1994 à 1996-1997 de certaines régies régionales

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, je dépose le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 9 avril 1998 afin de procéder à l'étude des rapports annuels 1993-1994 à 1996-1997 et d'entendre à cette fin les régies régionales de la santé et des services sociaux du Nord-du-Québec, de l'Abitibi-Témiscamingue et de Chaudière-Appalaches, en application de l'article 392 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 404

Et j'ai un autre rapport, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 10, 12, 17, 19 et 24 mars 1998 ainsi que les 7 et 8 avril afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 404, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.

Le Président: Très bien, ces rapports sont déposés.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, maintenant, M. le député de Crémazie.


S'assurer que la Société d'habitation du Québec demeure l'unique propriétaire des HLM

M. Campeau: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition à l'Assemblée nationale par 523 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Crémazie.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que les 65 000 logements à prix modique (HLM) construits au Québec depuis 30 ans constituent un patrimoine social et un actif économique important qui méritent d'être conservés au profit de l'ensemble des citoyens, citoyennes;

«Attendu que le projet de transférer la propriété des HLM vers les municipalités, contenu dans le plan d'action en habitation du gouvernement, menace la survie même des HLM;

«Attendu que le gouvernement promet, depuis mars 1997, des mesures afin de protéger les ménages travailleurs à faibles revenus, mais que celles-ci tardent à être adoptées;

«Attendu que les locataires souhaitent obtenir un règlement leur garantissant le droit de participer pleinement à la gestion démocratique et transparente de leur HLM;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: s'assurer que la Société d'habitation du Québec (SHQ) demeure l'unique propriétaire des HLM et n'en transfère pas la responsabilité aux municipalités; s'assurer que la SHQ adopte des mesures positives à l'égard des ménages travailleurs à faibles revenus à l'intérieur des HLM et n'augmente pas les loyers; s'assurer que la Loi de la SHQ soit modifiée afin que les associations de locataires puissent s'impliquer réellement dans l'administration de leurs logements.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, M. le député de Crémazie, cette pétition est déposée. M. le député de Chomedey, maintenant.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 356 pétitionnaires de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec, résidents et résidentes des comtés de Chomedey et de Mille-Îles.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que les 65 000 logements à prix modique (HLM) construits au Québec depuis 30 ans constituent un patrimoine social et un actif économique important qui méritent d'être conservés au profit de l'ensemble des citoyens et des citoyennes;

«Attendu que le projet de transférer la propriété des HLM vers les municipalités, contenu dans le plan d'action en habitation du gouvernement, menace la survie même des HLM;

«Attendu que le gouvernement promet, depuis mars 1997, des mesures afin de protéger les ménages travailleurs à faibles revenus mais que celles-ci tardent à être adoptées;

«Attendu que les locataires souhaitent obtenir un règlement leur garantissant le droit de participer pleinement à la gestion démocratique et transparente de leur HLM;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: s'assurer que la Société d'habitation du Québec (SHQ) demeure l'unique propriétaire des HLM et n'en transfère pas la responsabilité aux municipalités; s'assurer que la SHQ adopte des mesures positives à l'égard des ménages travailleurs à faibles revenus à l'intérieur des HLM et n'augmente pas les loyers; s'assurer que la Loi sur la SHQ soit modifiée afin que les associations de locataires puissent s'impliquer réellement dans l'administration de leurs logements.»

(14 h 10)

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Avant de procéder à la période des questions et des réponses orales, je vous avise que Mme la ministre de la Culture et des Communications va répondre après à une question posée le 21 avril concernant l'annonce d'une subvention qu'a faite en son nom le député bloquiste de Louis-Hébert.

Je vous avise également qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le député de Verdun présentée aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.


Questions et réponses orales

Alors, nous abordons maintenant la période des questions et des réponses orales. M. le député de Saint-Laurent.


Passage à l'an 2000 des systèmes informatiques d'Hydro-Québec

M. Cherry: Merci, M. le Président. Les travaux du comité permanent sur l'industrie, à Ottawa, nous apprenaient – et ce qui permettait au journal Ottawa Citizen , ce matin, de titrer: Millennium bug is far from being beaten – et l'émission de Radio-Canada, Le Téléjournal , d'hier soir, qu'Hydro Ontario et les autres compagnies d'utilité publique de cette province sont incapables de garantir qu'il n'y aura pas de black-out le 1er janvier de l'an 2000 et préparent déjà des plans d'urgence face à cette éventualité.

On se souvient tous qu'on vient de vivre une crise qui a privé la moitié du Québec en approvisionnement en électricité; on risque donc, le 1er janvier de l'an 2000, en plein hiver, d'avoir l'ensemble du Québec privé d'électricité.

Ma question s'adresse au ministre des Ressources naturelles: Est-ce que le ministre peut garantir à cette Chambre que tant Hydro-Québec que les autres utilités publiques permettront le passage de l'an 2000 sans aucun risque pour la population du Québec?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, je ne suis pas un devin. Je ne peux pas vous dire s'il y aura une catastrophe ou pas à l'aube des années 2000, mais je peux vous dire qu'on va prendre tous les moyens pour rendre encore plus fiable notre réseau. C'est l'orientation qu'on a prise, à laquelle a participé même le député de Saint-Laurent lors de la discussion sur le plan stratégique d'Hydro-Québec. Si c'est cela qu'il veut dire, nous, on fera tout l'impossible, le bouclage dans la région de l'Outaouais, le bouclage dans la région du Sud du Québec, et on aura véritablement, à ce moment-là, une fiabilité du réseau. Merci.

Le Président: M. le député.

M. Cherry: Il est possible, M. le Président, que mon introduction en anglais ait moins permis au ministre de bien saisir.

Des voix: ...

M. Cherry: Bien, ce n'est pas une cachette, il admet lui-même que ce n'est pas sa langue préférée. Bon, je peux dire ça.

On sait tous qu'il y a un problème d'arrimage...

Le Président: Vous êtes en complémentaire, M. le député de Saint-Laurent, alors directement à votre question.

M. Cherry: Je répète en principale, M. le Président, si vous me permettez.

Le Président: En principale.


Passage à l'an 2000 des systèmes informatiques gouvernementaux et des sociétés d'État

M. Cherry: En principale. Suite aux travaux du comité permanent sur l'industrie qui a eu lieu à Ottawa – c'est ce qui permettait au Ottawa Citizen , ce matin, de titrer: Millennium bug – le bogue du millénaire – is far from beaten – est loin d'être conjugué...

Alors, M. le Président, ma question...

Des voix: ...

Le Président: Mais, en attendant, le président est debout, M. le député de Saint-Laurent. Alors, vous, c'est assis. Ha, ha, ha!

Bien. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Alors, l'émission Le Téléjournal , à Radio-Canada, nous apprenait hier soir que les gens d'Hydro Ontario et les autres compagnies d'utilité publique de cette province ont été incapables de garantir qu'il n'y aura pas de black-out le 1er janvier de l'an 2000 et préparent déjà des plans d'urgence face à une potentielle éventualité.

Comme on vient de vivre au Québec une crise qui a privé la moitié de la population dans l'approvisionnement, on risque possiblement, le 1er janvier de l'an 2000, d'avoir quelque chose de similaire pour l'ensemble du territoire québécois.

Ma question au ministre: Est-ce que le ministre peut garantir à cette Chambre que tant Hydro-Québec que les autres utilités publiques passeront l'arrivée de l'an 2000 sans risque pour les citoyens du Québec?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, donc chacun a de la difficulté avec sa propre langue. Je voudrais passer la parole à mon collègue du Trésor, parce que c'est lui qui a la responsabilité du dossier de l'informatique au gouvernement, et on travaille d'un commun accord avec Hydro-Québec. Donc, au président du Conseil du trésor.

Le Président: Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, le dossier, si le député s'en souvenait, a été évoqué au Sommet de Montréal, à l'automne 1996. Nous avons pris toutes les dispositions pour arriver à temps pour l'an 2000. En particulier, nous avons mis sur pied un processus de sélection de partenaires, et nous en avons sélectionné cinq. Notre processus était opérationnel en mars 1997. La première phase a été terminée en décembre 1997, au contraire du fédéral qui, lui, s'est mis à travailler en novembre 1997, comme l'Ontario, d'ailleurs, avec un an de retard.

Nous avons une foule de contrats de disséminés partout dans les ministères et nous prétendons et nous sommes assurés, à ce stade, que nous arriverons à temps pour l'an 2000.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi, en complémentaire.

M. Paradis: En complémentaire, M. le Président. Comment le président du Conseil du trésor, le ministre de la Santé, le premier ministre ou le ministre de l'Énergie peut-il comprendre la réponse du président du Conseil du trésor, alors que, dans La Presse du 8 novembre 1997, Denis Giroux, responsable au Conseil du trésor de ce dossier, indiquait qu'on avait demandé à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de ne pas procéder par appel d'offres pour procéder aux changements qui feraient en sorte que les malades seraient en sécurité, pour faire en sorte que les gens qui sont branchés sur des équipements aussi importants que des respirateurs artificiels ne subissent pas les inconvénients qui sont prédits par tout le monde, qui sont prédits par tous les experts du domaine, le samedi 1er janvier de l'an 2000?

Comment explique-t-il la déclaration de son fonctionnaire, alors qu'il vient de faire une déclaration complètement contraire à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, la phase I qui consistait à évaluer les besoins de chacun a été terminée vers décembre 1997. La date exacte, ce n'est pas la même, sûrement, pour chacun des ministères et des organismes, mais elle a été terminée vers cette période. Nous continuons et nous savons que, par rapport aux gouvernements canadien et ontarien, nous sommes en avance d'un an, et là-dessus je ne vois pas à quoi fait allusion le leader de l'opposition, parce que, jusqu'ici, nous avons toutes les assurances que nous allons respecter les échéances et qu'en l'an 2000 nous serons prêts.

Des voix: Bravo!

M. Paradis: Principale, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Brome-Missisquoi.


Incidence du passage à l'an 2000 sur les équipements médicaux

M. Paradis: Oui. Juste pour rafraîchir la mémoire du président du Conseil du trésor, nous faisons référence à un article de La Presse du 8 novembre 1997, L'an 2000 est dangereux pour la santé . Et, dans cet article...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

(14 h 20)

M. Paradis: Oui. Pendant que de l'autre côté on s'amuse, M. le Président, il y a des experts qui indiquent, et je cite au texte: «"Il y a des équipements, comme des respirateurs artificiels, qui cesseront de fonctionner le 1er janvier de l'an 2000, et n'oubliez pas que c'est un samedi!" a lancé François Mercier, directeur général des technologies de l'information au ministère de la Santé et des Services sociaux.» D'un côté, vous avez un haut fonctionnaire responsable de la technologie au ministère de la Santé qui dit de s'inquiéter; de l'autre côté de la Chambre, on en rit!

Pendant ce temps-là, M. le Président, au Conseil du trésor, le responsable du dossier pour l'an 2000 de tout l'appareil gouvernemental, Denis Giroux, avoue qu'on a demandé, l'an dernier, à la Régie de l'assurance-maladie du Québec d'attendre avant d'aller en appel d'offres, parce que c'est évident qu'on priorise les ministères à vocation économique. Dans les circonstances, compte tenu de la déclaration des représentants de l'ensemble des hôpitaux du Canada, qui incluent ceux du Québec, hier, devant la commission parlementaire à Ottawa, l'expert déclarait: Les hôpitaux, c'est certain, ne seront pas prêts.

Est-ce que le premier ministre, le président du Conseil du trésor ou le ministre de la Santé peut donner l'assurance à l'ensemble de la population du Québec que les hôpitaux vont être prêts, contrairement à ce que les experts ont affirmé en commission parlementaire à Ottawa hier?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, d'après ce que je peux comprendre, on est à la veille d'avoir une autre annonce du futur chef du Parti libéral de repousser l'arrivée de l'an 2000 d'un an!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: M. le Président, non seulement l'opposition cherche à faire peur au monde avec la façon dont nous occupons de la santé aujourd'hui, maintenant ils sont rendus à l'an 2000!

M. le Président, on vient d'entendre le président du Conseil du trésor qui nous dit que déjà en mars 1997 le gouvernement se trouvait dans une phase opérationnelle des préparatifs pour faire en sorte que l'arrivée de l'an 2000, les problèmes informatiques qui étaient annoncés, puisse ne pas causer de perturbations dans les services qui seront rendus au Québec. Le président du Conseil du trésor nous dit qu'il a obtenu des rapports qui font que l'opération générale de départ a été prête en décembre 1997, qu'il y a maintenant des experts à l'oeuvre au Québec, mandatés par le gouvernement pour mettre en place les mesures qui donnent l'assurance à la population et au gouvernement que le problème sera surmonté. Alors, je demanderais à l'opposition de cesser de s'en remettre trop à ce qui est dit à Ottawa pour décrier le Québec et de s'en tenir à ce que le président du Conseil du trésor nous dit par rapport aux travaux qu'il a faits.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Il est inutile que le premier ministre recommence sa performance de comédie de bas étage d'hier dans ce dossier. C'est absolument ce qu'il a fait.

On demande une question assez précise. Ça a commencé au ministre des Ressources naturelles en raison des équipements reliés aux technologies de l'information à Hydro-Québec. C'est ça qui était le premier problème. Ça a débordé sur les hôpitaux, sur l'appareil gouvernemental. On demande, dans le fond, aux différents ministres responsables sinon au président du Conseil du trésor, qui semble avoir la responsabilité générale à l'intérieur de l'appareil gouvernemental – je n'ai pas saisi que le président du Conseil du trésor était responsable de ce qui se passait à Hydro-Québec; il pourra corriger le tir, le cas échéant – quel est le pourcentage des travaux de «debugging» – ça se mesure de façon très objective – quel est le pourcentage des travaux qui ont été accomplis à ce jour, combien de temps ça a pris, combien ca a pris de ressources.

Et, compte tenu qu'il reste 600 jours avant le 1er janvier 2000, affectant ainsi tous les ordinateurs partout où ils se trouvent sur la planète, comme dit le vice-premier ministre, comme il aime ça le dire, est-ce qu'on pourrait savoir quelles dispositions sont prises et quelles sont les garanties que les ressources ont été prévues et mises en place pour qu'en 600 jours on puisse régler tout le problème, pas juste certains des problèmes?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, nous avons pris ces dispositions, puis je voudrais assurer les Québécois que nous avons fait tout ce qu'il fallait pour arriver à temps. D'abord, l'estimé des dépenses encourues pour prévenir ce que l'on craint, du côté de l'opposition, c'est environ 100 000 000 $ dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Et je crois comprendre qu'Hydro a pris toutes les mesures pour le faire et que chacun des ministères les ont prises.

Maintenant, nous avons pris aussi certaines mesures de sécurité non seulement parce que nous avons un an d'avance, mais parce que nous avons séparé les contrats. Donc, nous ne nous en tenons pas à un seul fournisseur, nous en avons cinq, fournisseurs, mais eux-mêmes procèdent avec des sous-contrats, de sorte que nous ne sommes à la merci de personne pour arriver à temps dans ce dossier.

Et nous avons un an d'avance sur l'Ontario et le fédéral sur cette question. Je voudrais qu'on arrête de faire peur, là. Je ne veux pas que le leader de l'opposition essaie de rééditer le coup de l'an 1000, au Moyen Âge, alors que tout le monde s'est garroché en panique là-dessus. L'an 2000, pour nous, nous serons prêts.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, sachant que ça trouve le moyen de faire les manchettes partout en Amérique – bon, absolument – que le secteur privé dans son ensemble trouve qu'il ne reste pas beaucoup de temps, le ministre peut-il nous confirmer, simplement d'un signe de tête, le 100 000 000 $ dont il est question, c'est pour l'ensemble de l'appareil, je présume? On ne le sait pas. On va le savoir. Le 100 000 000 $.

Est-ce que c'est possible que, compte tenu que, à la santé, l'expert au ministère de la Santé dit que c'est 100 000 000 $ pour le réseau de la santé – c'est ce que les rapports de presse me donnaient en novembre dernier, 100 000 000 $ simplement dans la santé – si on parle de 100 000 000 $ au total, ça veut dire qu'il y en a seulement pour la santé? Ce qui est une excellente nouvelle, incidemment, mais, quant au reste, qu'est-ce qu'on fera?

Et ma question était quand même plus précise: Ailleurs, on a trouvé le moyen de mesurer ça. Il n'y a pas une entreprise qui ne le sait pas. Ils savent combien de lignes de code ils ont à corriger, ils savent combien ils en ont corrigé aujourd'hui, en avril 1998, ils savent qu'il reste 600 jours. Ça se calcule. Est-ce que, oui ou non, on peut nous assurer, là, que tout est... Un an d'avance, si j'ai bien compris.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, la note que j'ai ici m'indique que les coûts sont de 100 000 000 $ pour les ministères et organismes du gouvernement. Donc, ça comprend la CSST, la Société de l'assurance automobile du Québec. En ce qui concerne les réseaux, nous savons qu'il y a des coûts indépendants. Chacun s'organise sur ce plan-là, mais tout le monde a été bien sensibilisé au dossier dès 1996. Dès l'automne 1996, les ministères se sont préparés. Et nous serons prêts.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi, en principale.


Crédits alloués à la conversion des systèmes informatiques dans le secteur de la santé en vue de l'an 2000

M. Paradis: Oui. Comme les experts du ministère de la Santé et des Services sociaux indiquent qu'il va en coûter 100 000 000 $ simplement pour le ministère de la Santé et des Services sociaux, comme les hôpitaux sont déjà aux prises avec des compressions budgétaires annuelles de 158 000 000 $ cette année, est-ce que le ministre de la Santé, le président du Conseil du trésor ou le premier ministre peut nous indiquer si les crédits ont été prévus pour permettre à ces gens de s'assurer que le système de santé va fonctionner correctement?

Le Président: M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, depuis deux ans que nous opérons, que nous sommes en phase opérationnelle, les ministères ont respecté leur budget partout, et les réseaux l'ont respecté, leur budget, et ils font cette opération. Ils la font. Donc, là-dessus, il n'y a aucune crainte à y avoir, nous serons prêts.

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, juste pour prendre l'information à la source même qui est citée par le leader de l'opposition, qui a évidemment l'habitude de lire ce qui l'intéresse et d'arrêter après le premier paragraphe mais pas de continuer, déjà en novembre dernier les choses étaient beaucoup plus claires pour le ministère de la Santé, et, à la suite de l'action qui avait été déclenchée, à laquelle a fait référence le président du Conseil du trésor, dans le même article, on peut lire, si on lit tout l'article, hein, que, à partir de la fin de novembre, les commandes, comme on dit dans le métier, étaient passées dans le réseau et que tout le monde se mettait en place parce qu'il avait été très clair qu'il n'était pas question qu'il y ait des problème avec les services.

Le même responsable du système d'information avait précisé, si on remonte un paragraphe plus haut, que «les grands centres hospitaliers – et je le cite – qui ont des moyens informatiques n'ont pas de problème», et c'est avec une série de plus petits établissements qui n'ont pas, eux, d'équipes spécialisées qu'il pouvait y avoir une difficulté, d'où l'action qui a été déclenchée par le ministère dès l'automne dernier pour être sûr qu'on serait prêt. Dans les programmes les plus récemment mis en place, comme le programme d'assurance-médicaments, le coût a été prévu, et il n'y a pas de problème avec ça, la solution est déjà là.

Alors, si on lit tout l'article, ce qui était dit comme mise en garde par le responsable de l'information au ministère, c'est que le problème avait été identifié et que, si on ne bougeait pas de façon organisée, on aurait un problème. Je comprends la panique que ça fait du côté de l'opposition, je comprends l'inquiétude, parce que, eux autres, des situations où il y avait un problème qu'il fallait régler, ils en ont eu bien puis ils n'ont jamais pu s'organiser pour les régler. Ils ont peur. Mais là c'est un autre gouvernement qui est au pouvoir.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député.

(14 h 30)

M. Paradis: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé contredit le haut fonctionnaire responsable des équipements informatiques au ministère de la Santé, qui dit, et je le cite au texte, entre guillemets: «"Il y a des équipements, comme des respirateurs artificiels, qui cesseront de fonctionner le 1er janvier de l'an 2000, et n'oubliez pas que c'est un samedi" – fermez les guillemets – a lancé François Mercier, directeur général des technologies de l'information du ministère de la Santé et des Services sociaux à l'endroit de 400 directeurs d'établissement réunis en congrès» à Laval au mois de novembre 1997? Qu'est-ce qui a changé depuis novembre 1997 pour qu'aujourd'hui le ministre ait raison et que le fonctionnaire ait tort?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Il s'obstine vraiment à ne pas lire plus que le deuxième paragraphe, M. le Président, parce que, dans le paragraphe d'après, le même fonctionnaire dit – ouvrez les guillemets: «Les grands centres hospitaliers qui ont des moyens informatiques n'ont pas de problèmes.» C'est une série de petits établissements auprès desquels il faut intervenir avec des équipes spécialisées.

À l'autre paragraphe, deux paragraphes plus loin – c'est dire que c'est compliqué, lire un article jusqu'à la fin, là – il dit qu'il y a un plan d'action qui est élaboré et qui est répercuté et déployé dans chacune des régions puis que, dès le 27 novembre, le plan d'action est prêt et que, le lendemain, les commandes sont passées, et que tout le monde se met à la tâche, et que, encore une fois, les programmes les plus récemment mis en place, eux, ont évité ce problème-là.

Alors, ce que le fonctionnaire disait dans le premier paragraphe, c'est qu'il identifiait un problème et qu'il disait ce qui arriverait si on n'avait pas de solution. Il continue après pour dire: Oui, il y a des solutions. Dans certains cas, on en a trouvé, et on se met à la tâche, et on va le faire. Alors, la situation est claire. Et, quand on lit l'article au complet, dès le mois de novembre, il y avait une situation, il y avait une tâche, il y avait un défi, on en a relevé d'autres, on va relever celui-là aussi. Ils pourront toujours ne pas comprendre ça, mais, comme pour bien d'autres, ils verront bien les résultats s'ils sont encore là, M. le Président.

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis, en principale.


Demande de mandater une commission pour étudier le passage à l'an 2000 des systèmes informatiques

M. Chagnon: En principale, M. le Président. Il s'agit d'un problème qui est sérieux. Sans se taper les bretelles sur la bedaine, Hydro Ontario a commencé il y a 30 mois à travailler sur ce dossier-là; ils prétendent être à 40 % à peu près arrivés dans la solution éventuelle de l'ensemble de leurs problèmes. On nous dit que le Conseil du trésor travaille sur le dossier.

M. le Président, au nom de ma formation politique, je voudrais demander au premier ministre que nous donnions le mandat à une commission parlementaire pour faire la lumière sur cette question, étudier les rapports...

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Le premier ministre a évoqué le fait qu'il y avait des rapports à cette commission parlementaire. Pour étudier ces rapports, rassurer la population et éviter qu'il y ait une psychose... En deux mots, gouverner, c'est prévoir; c'est la chose que l'on doit exiger du premier ministre, prévoir ce qui pourrait arriver d'ici l'an 2000, même s'il n'est plus premier ministre à ce moment-là.

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: Je pense, M. le Président, que le président du Conseil du trésor a très bien répondu pour la partie gouvernementale, le ministre de la Santé a bien démontré, au point de vue de la santé, ce qui se fait. Hydro-Québec, c'est le même phénomène; ils sont à l'oeuvre, et le meilleur moyen de ne pas affoler la population, c'est d'arrêter de questionner sur votre bord.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que le premier ministre peut accepter, pour faire toute la lumière, toute la transparence dans ce dossier-là, qu'une...

Le Président: Est-ce que je pourrais inviter les uns et les autres d'une part au calme, puis, deuxièmement, à éviter de faire des débats parallèles qui enveniment la situation? À ce moment-ci, il y a le député de Westmount– Saint-Louis qui a la parole.

M. Chagnon: «Re-merci», M. le Président. Au nom de la transparence et aussi pour éviter, pour éviter ce qui – on pourrait tomber dans une psychose – mais qui pourrait être aussi simplement de l'inquiétude, est-ce que le premier ministre pourrait permettre que nous puissions avoir une commission parlementaire pour faire toute la lumière sur ce sujet et faire en sorte de rassurer la population québécoise?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, comme on l'aura vu, le gouvernement s'est mis à l'oeuvre avant tout le monde, le gouvernement du Québec, pour mettre en place les mesures qui vont faire en sorte que nous n'aurons pas de problèmes en l'an 2000, qu'on aura un déficit zéro; en plus, M. le Président, nous savons par le ministre qu'Hydro est à l'oeuvre aussi, présentement. Hydro est très consciente de ces problèmes; elle n'a pas attendu qu'Hydro Ontario s'y intéresse pour se pencher également sur la question.

Je pense qu'il y aura des rapports d'étape qui seront disponibles à un moment donné, nous les rendrons publics, puis on verra, à ce moment-là, à la lumière des rapports d'étape qui seront rendus publics.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: La demande, là, ce n'est pas, toute affaire cessante, de se mobiliser à la grandeur du Québec pour regarder cette affaire-là. C'est de dire: Compte tenu de l'aspect vantardise, notamment le chef du... moi, j'étais pour dire le chef du gouvernement, mais ça a déteint sur le président du Conseil du trésor, sur le fait que tout le monde y a pensé avant tout le monde dans ce gouvernement-là, avec un an de retard sur Hydro Ontario...

Non, non. Ça fait deux ans et demi. Juste pour mettre les faits sur la table, est-ce que, oui ou non, compte tenu du peu de temps qui reste et du... Dans le fond, ça fait un an et demi, là. Ça ne fait pas comme cinq ans, tout ça. Est-ce que, compte tenu de l'état d'avancement des travaux, on pourrait voir quelles sont les priorités du gouvernement, quelles sont les ressources qui ont été mises à contribution, et voir surtout avec Hydro-Québec, là?

On n'a pas reçu de réponse sur Hydro. On en a reçu sur la santé, je dirais. On en a reçu sur le gouvernement, ministères et organismes. Alors, moi, je prétends qu'on n'en a pas reçu sur Hydro-Québec vraiment, là. Est-ce qu'on pourrait, pendant quelques heures, entre parlementaires, faire venir des gens qui vont nous expliquer le portrait pour que tout le monde comprenne? C'est tout ce qu'on demande.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je pense que la panique appréhendée, elle est dans l'opposition. Point. Parce que le gouvernement a pris toutes les dispositions pour faire face à cette situation. Et cela a commencé dès l'automne 1996, pour ne pas parler des travaux préparatoires au sommet de 1996. C'est ce qu'il faut dire.

Nous avons procédé avec un processus de sélection de partenaires, bien connu à l'heure actuelle, qui a été adopté par le gouvernement fédéral et l'Ontario exactement un an après, soit en novembre 1997, de leur part, alors que, nous, on a commencé à l'automne 1996.

Autre chose, M. le Président. Nous avons pris des mesures pour nous assurer que nous arriverions à temps. Par exemple, la division des contrats le plus possible en unités de 250 à 300 000, de sorte qu'il n'y avait pas un seul contractant dans le décor qui pouvait nous répondre, il y en a plusieurs. Et donc, les unités, si elles sont en retard, vont devoir corriger le tir. Et nous allons prendre des dispositions pour le corriger.

Par ailleurs, si l'opposition a d'autres questions à poser, l'étude des crédits commence ces jours-ci, demain, et nous pourrons répondre aux questions et nous verrons après. Mais, en ce qui nous concerne, il n'y a pas de problème que nous ne puissions solutionner de façon prévisible à ce stade-ci.

J'ajouterai une chose: comme nous avons divisé nos contrats, nous n'avons pas de problème de recrutement de main-d'oeuvre, contrairement à des rumeurs qui avaient commencé à circuler là-dessus. Alors que le fédéral est obligé de payer parfois jusqu'au double du prix pour engager des programmeurs, ce n'est pas notre cas.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Indépendance des ordres professionnels

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le respect des institutions et de leur autonomie est une des pierres d'assise d'une société de droit. Récemment, M. le juge Claude Tellier, de la Cour supérieure, a émis un blâme très sévère à l'égard du ministère de la Santé et des Services sociaux et du Collège des médecins du Québec pour leur collusion et leur refus de respecter la loi concernant l'admission d'une anesthésiste hautement qualifiée à la pratique médicale au Québec. Le juge parle même d'une influence indue et illégale – son terme – de la part du ministère dans les affaires du Collège des médecins et ordonne par ailleurs au Collège d'appliquer la loi et d'exercer ses fonctions – et je le cite encore – de façon autonome et exclusive, et ce, à l'abri de toute influence externe.

(14 h 40)

Est-ce que le ministre de la Justice, qui est en même temps le ministre responsable de l'application des lois professionnelles – qui, lui, de toute évidence, comprend l'importance de ne même pas laisser planer une apparence de conflit d'intérêts avec les ordres professionnels, car récemment il a refusé de donner une subvention directement à la Chambre des notaires, il a dit: On va créer une corporation à côté; lui, il comprend l'importance de respecter leur autonomie et leur indépendance – peut nous dire s'il a parlé avec ses collègues du Conseil des ministres sur l'importance de respecter l'indépendance des ordres professionnels? Sinon, qu'entend-il faire pour que la collusion et l'ingérence illégales si vertement dénoncées par le juge Tellier ne se répètent plus?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: M. le Président, ce jugement dont on parle vient d'être rendu. Il est encore susceptible d'appel. Les procureurs du Collège des médecins et le procureur du gouvernement sont en train de l'examiner. Il est évident que, si nous estimons que nous ne devons pas aller en appel, nous y soumettrons dans le respect des lois et des institutions, ce que nous avons toujours prôné et continuerons à faire, mais, si nous ne sommes pas d'avis avec le jugement de première instance, ce qui arrive parfois, nous porterons la cause en appel et, à ce moment-là, il sera sub judice. Pour le moment, tant que l'étude détaillée du jugement n'est pas faite et que nous n'avons pas l'opinion de nos procureurs, je pense que, puisque c'est essentiellement sub judice, il est préférable de se taire sur ce sujet.

Le Président: M. le député D'Arcy-McGee, en principale.

M. Bergman: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En complémentaire?

M. Bergman: Oui. Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux peut nous dire si la subvention directe de 100 000 $ qu'il a donnée à son ami Roch Bernier, président du Collège des médecins, a été versée dans le but d'acheter la complicité et le silence du Collège des médecins face au saccage...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je pense qu'il serait de mise que vous demandiez au député de reformuler sa question en évitant d'aller dans... et, en même temps, retirer les mots qu'il a employés.

Le Président: Je voudrais rappeler à tous les membres de l'Assemblée que l'article 35 est assez clair à l'égard des paroles qui sont interdites à l'Assemblée. On ne doit pas «se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit», et ça ne veut pas dire uniquement les membres de l'Assemblée.

Je pense qu'à ce moment-ci je voudrais inviter M. le député de D'Arcy-McGee à formuler sa question de telle sorte qu'on puisse respecter l'esprit et la lettre de l'article 35.

M. Bergman: Avec respect envers vous, M. le Président, je les retire. Est-ce que le ministre peut nous expliquer la subvention directe qu'il a faite à son ami Roch Bernier, de 100 000 $?


Document déposé

Et, M. le Président, je sollicite votre consentement pour déposer la lettre du ministère qui prouve qu'une telle subvention a bien été faite.

Le Président: Alors, il y a consentement pour le dépôt, M. le député. Le document est déposé.

M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Je pense que, quand on est... une approche assez tordue pour essayer de faire toutes sortes de liens qui n'existent pas. On va d'abord lire. Oui, on va la lire. C'est la meilleure façon.

Des voix: ...

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît. Je voudrais vous rappeler qu'on recommence, qu'on reprend nos travaux parlementaires, qu'on les a repris depuis hier et qu'on est sur une tangente qui... Si ça se poursuit à chaque jour, je vais vous dire que ça va être un calvaire pour tout le monde. M. le ministre.

M. Rochon: Alors, voilà l'action répréhensible, M. le Président, qu'on va décrire devant toute la population du Québec. L'objet de la lettre qui a été écrite le 9 janvier 1997, c'est un projet sur l'élaboration et l'application de lignes directrices pour l'optimisation des pratiques médicales.

«Monsieur, suite à l'entente intervenue entre votre organisme – le Collège – le Conseil d'évaluation des technologies de la santé et le ministère que je représente, j'ai le plaisir de vous confirmer l'octroi d'une subvention de 100 000 $ pour la réalisation du projet identifié en rubrique.»

Une voix: Point.

M. Rochon: Point, paragraphe.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je vous invite, M. le ministre, si vous voulez respecter le temps qui vous est imparti, à accélérer la lecture.

M. Rochon: Je suis très conscient, M. le Président, que ce n'est pas la dictée; c'est la lecture. Je saute le paragraphe suivant qui explique les détails administratifs de versement de la subvention par différentes tranches à mesure que le projet va être évalué. L'autre paragraphe dit:

«M. Robert Jacob de la Direction de la recherche et de l'évaluation du ministère de la Santé et des Services sociaux sera notre représentant au comité de suivi du projet.

«Veuillez agréer, monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.»

C'est signé: la sous-ministre adjointe, Sylvie Dillard, à la planification et l'évaluation du ministère.

Le Président: M. le député de Beauharnois-Huntingdon, en principale.


Remise de chèques par des députés du Bloc québécois au nom de la ministre québécoise de la Culture et des Communications

M. Chenail: M. le Président, Le Bloc généreux avec l'argent du Québec: une erreur, dit le bureau Beaudoin . Gilbert Leduc, Le Soleil . Le 2 décembre 1997, je recevais cette lettre: «Nous vous convions au lancement d'un album des fêtes du 175e de Napierville et de Saint-Cyprien le samedi 13 décembre.» À mon arrivée, j'ai pris place à côté de Daniel Turp, le député du Bloc, au fédéral. Le maître de cérémonie a fait les présentations et a annoncé 2 000 $ venant du député du Bloc, Daniel Turp. Je lui ai donné un petit coup de coude, j'ai dit: M. Turp, dites-nous donc, d'où ça vient, votre 2 000 $? M. Turp s'est levé et a dit: Le 2 000 $ vient de la ministre de la Culture.

Ma question s'adresse au premier ministre désigné. M. le premier ministre...

Des voix: ...

Le Président: M. le député, je vous inviterais, s'il vous plaît, à ne pas soulever la controverse inutilement. Le premier ministre c'est le premier ministre.

M. Chenail: M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauharnois-Huntingdon, votre question.

M. Chenail: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre: Depuis combien de temps et combien de temps le premier ministre va accepter les demandes des députés fédéraux du Bloc québécois afin de se faire de la publicité comme ceci? M. Turp, Daniel Turp.

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. En effet, il est arrivé quelques erreurs à mon cabinet et que je reconnais. Et, dans le cas, si je peux me permettre de répondre en même temps à ce moment-ci à la question d'hier... Non? Après. Alors donc, c'est ça, il y a eu quelques erreurs à mon cabinet, voilà, et ça ne se reproduira plus, tout simplement.

(14 h 50)

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, ça peut être en complémentaire compte tenu du fait que dans deux des comtés les erreurs ont eu lieu. Il y avait des députés libéraux du Parti libéral du Québec qui siégeaient dans les comtés où la ministre voulait faire des petites subventions. C'est son droit. Maintenant, c'était moins évident qu'elle devait le faire par le biais d'un député bloquiste du même comté.

Est-ce que la ministre pourrait nous expliquer l'origine de l'erreur qui voudrait que dans le comté de Salaberry-Soulanges – à Salaberry-Soulanges, il y a un député du Parti québécois qui est là – c'est encore M. Turp qui a remis un chèque de subvention à la demande de Moisson Sud-Ouest? Et on comprend que les adjoints, les collaborateurs de M. Turp se sont vantés que, étant donné qu'il est un ami de la ministre, ça lui permet de faire ces subventions-là. Est-ce que le premier ministre ne trouve pas que, si une fois c'est un accident, deux fois, ça peut être une coïncidence, trois fois, là, ça commence à être un pattern, même dans un comté péquiste?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Mme Beaudoin: M. le Président, tout cet argent va bien évidemment à des organismes dans certains comtés. J'ai dit «quelques erreurs», hier, au moment où la députée de Jean-Talon a posé la question. J'ai donc fait une petite enquête à l'intérieur de mon cabinet pour me rendre compte de ce que je viens de dire et de reconnaître, qu'il y a eu quelques erreurs. Voilà, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, je rappelle à la ministre et au premier ministre que, hier, à la question de la députée de Jean-Talon, ils ont plaidé ignorance de ces faits. Or, ce que je soulève ici aujourd'hui, c'est que le député Turp et son entourage signalent les liens d'amitié qui font en sorte que M. Turp s'est adressé lui-même, en personne, à la ministre pour avoir ce chèque et faire des subventions dans le comté de Salaberry-Soulanges, déjà occupé par un député du Parti québécois.

Est-ce que la ministre et le premier ministre ont la mémoire sélective dans ce cas-là? Comment plaider ici en toute transparence que la ministre n'était pas du tout au courant de ça alors que les erreurs sont nombreuses et plurielles et impliquent même, personne à personne, des députés du Bloc et la ministre, selon les dires du député du Bloc, et qu'en fait, là, il s'agit d'un pattern puis d'une façon de faire pour avantager le Bloc québécois sur la scène politique? C'est aussi simple que ça.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Beaudoin: C'est ça. Ces subventions, M. le Président, ont servi des citoyennes et des citoyens des comtés en question, et c'est allé non pas au député du Bloc québécois, mais à des organismes qui en avaient besoin et qui avaient ces subventions. Voilà, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Évidemment, typiquement, la ministre, comme le premier ministre, a inventé une question pour donner la réponse qu'elle souhaitait. La question est beaucoup plus simple que ça. Personne n'a prétendu que l'argent allait dans les poches des députés bloquistes. O.K., là? Personne ne prétend ça. Ça ne sert à rien de répondre ça. Ça ne sert à rien de nier quelque chose qu'on n'allègue pas.

Ce que je dis, ce que je demande au premier ministre: Est-ce qu'il se souvient que, hier, la ministre lui a signalé – et c'est ce qu'il nous a répondu publiquement, au nom du gouvernement – qu'elle n'était pas au courant de ça du tout et que le cas que je soulève aujourd'hui, c'est un cas parmi d'autres? Ce n'était pas isolé dans Jean-Talon parce qu'il était représenté par une députée libérale, ça n'a pas l'air d'être isolé dans Beauharnois parce que c'est représenté par un député libéral, ça n'a pas l'air d'être isolé, à l'évidence, dans le comté de Salaberry-Soulanges, représenté par un député du Parti québécois. Comment ça se fait que la ministre n'a pas dit au premier ministre qu'il y en avait des cas nombreux comme ça? Comment ça se fait que tout d'un coup, hier, elle ne savait pas ça puis que le premier ministre a été obligé de nous dire qu'elle ne le savait pas?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Hier – et je l'ai dit d'ailleurs à la députée de Jean-Talon tout de suite en sortant – dans le cas précis, la question qu'elle a posée, je n'étais absolument pas au courant. Le cas dont le député du comté de Beauharnois-Huntingdon a parlé, je n'étais pas au courant. Bon. Alors donc, je l'ai su après, M. le Président. Je le savais, celui-là, hier, mais il n'en a pas été question. Mais oui. Ah!

Le Président: M. le député de Viau. Mme la ministre, vous avez terminé? Alors, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. Pour bien comprendre maintenant que la ministre savait que le stratagème existait, est-ce qu'on ne pourrait pas également se souvenir que ces sommes discrétionnaires mises à la disposition des ministres doivent être émises sous la signature du ministre – donc, ça ne peut pas être une surprise quant à ça – et qu'à l'évidence la ministre savait que des choses comme ça se passaient? Ça ne doit pas être une surprise pour elle dans le comté de Jean-Talon, elle savait qu'elle l'avait fait dans Salaberry-Soulanges. Voyons donc!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président, il y a deux choses différentes. D'abord, les lettres, en effet, c'est moi qui les ai toutes signées. Ça, c'est une question, en effet. Donc, je sais ce que je signe, et la lettre concernant Jean-Talon, je l'ai ici devant moi.

Quant au messager, c'est une question qui est différente. Je l'ai su, dans le cas de Daniel Turp, après que ça se soit fait et, dans les deux autres cas, absolument pas. Je l'ai appris, dans le cas de Jean-Talon, hier, ici même en Chambre. Voilà. Et cette enquête faite à l'intérieur de mon cabinet... et je leur ai demandé bien instamment... Et je reconnais, comme je l'ai dit tout à l'heure, que ça a été des erreurs et j'ai demandé à ce que ça ne se produise plus.


Réponses différées

Le Président: Alors, nous allons enchaîner sur les réponses différées. Justement, Mme la ministre de la Culture et des Communications va répondre à la question posée par Mme la députée de Jean-Talon concernant cette affaire. Alors, Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Remise d'un chèque par la députée fédérale de Louis-Hébert au nom de la ministre québécoise de la Culture et des Communications

Mme Beaudoin: Voilà, M. le Président, en effet, il y a eu une lettre adressée à M. Jean-Guy Gingras, le directeur de la salle Dina-Bélanger, suite à une demande que M. Gingras m'avait faite d'octroyer une subvention de 5 000 $ à la salle Dina-Bélanger qui est une salle qui diffuse des spectacles et qui est dans le secteur, donc, des arts de la scène. Mme Alarie, députée du Bloc québécois du comté de Louis-Hébert, avait appuyé cette demande de la part de la salle Dina-Bélanger auprès de mon cabinet, et un attaché politique, sans que je le sache, M. le Président, je le répète, a cru bon d'accepter que Mme Alarie remette le chèque, ce qui était, donc, une erreur.

M. le Président, en terminant, j'ajouterai d'ailleurs que, si je l'avais su, j'y serais allée moi-même puisqu'il s'agit d'un comté que je connais très bien pour y avoir été candidate à deux reprises et puisqu'il s'agit de mon alma mater, le Collège Jésus-Marie de Sillery où j'ai été huit ans de temps au collège, M. le Président. Donc, j'y aurais été moi-même. Voilà, c'est la réponse que je peux donner.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: M. le Président, est-ce que le premier ministre, à qui j'ai adressé ma question hier, peut nous garantir, garantir à tous les membres de cette Assemblée et aux citoyens du Québec, citoyennes du Québec que ses amis du Bloc, en mal de publicité et de visibilité, ne se promèneront plus avec le discrétionnaire, que ce soit de la ministre de la Culture ou de quelque autre ministre, parce qu'il y en a d'autres qui l'ont fait?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je crois que le bon côté de ce qui arrive, c'est que ça nous alerte tous à être prudents par rapport à cela...

Des voix: ...

M. Bouchard: Oui, oui. Non, ce n'est pas le genre de petit jeu qu'on joue, ça, nous autres.

Des voix: ...

M. Bouchard: Ce qu'on va faire, M. le Président, je vais donner...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

(15 heures)

M. Bouchard: M. le Président, d'après ce que je peux voir, ce sont des incidents isolés que je déplore et qui ne se produiront plus parce que je vais émettre des instructions très précises pour que ça ne se fasse plus et que les ministres soient très attentifs, les députés aussi, à ce que les choses ne se fassent pas. Et...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: C'est correct, M. le Président, c'est réglé.

Le Président: Très bien.

Alors, nous allons maintenant passer au vote reporté sur la motion de M. le député de Verdun.

Des voix: ...

Le Président: Alors, je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 2)

(Reprise à 15 h 15)

Le Président: Chers collègues, veuillez vous asseoir.

Alors, nous allons procéder... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, vous êtes prévalu des pouvoirs qui sont les vôtres, prévus à l'article 2 du règlement. Cependant, avant de vous prévaloir de ces dispositions, simplement un rappel quant à l'application des dispositions de l'article 225 de notre règlement. Vous aviez appelé le vote, et l'article 225 prévoit expressément: «Lorsque a lieu un vote par appel nominal, il est interdit d'entrer dans la Chambre après la mise aux voix et d'en sortir avant la proclamation du résultat.»

Vous n'avez pas pu échapper, malgré le tumulte qui a occasionné la suspension des débats, M. le Président, le fait que le premier ministre a quitté l'enceinte de l'Assemblée nationale. Simplement une précision quant au règlement: À partir de quand s'applique l'impossibilité pour un parlementaire, quel qu'il soit, de quitter l'enceinte de l'Assemblée nationale? Et est-ce qu'il y a une règle différente, dans ce cas-là, pour le premier ministre?

Le Président: Alors, vous avez cité, M. le leader de l'opposition, l'article 225.

Des voix: ...

Le Président: Alors, je vous invite à attendre la décision que je vais rendre, ça va peut-être faciliter les choses pour les uns et les autres. On a cité l'article 225, mais il y a l'article 221: «Lecture de la motion. Avant de mettre une motion aux voix, le président en donne lecture.» L'interprétation claire que je fais de cet article signifie que le vote commence quand la lecture de la motion est terminée, ce qui permet à n'importe quel membre de l'Assemblée, dans n'importe quelle circonstance, et en particulier quand il y a des votes multiples, de savoir sur quoi il vote et s'il veut se prononcer ou quitter l'enceinte de l'Assemblée. Et ça, je pense que, si ce n'était pas cela, ça veut dire que finalement les gens pourraient être amenés à voter alors que la motion n'aurait pas été lue. Alors, je crois que cette interprétation est claire.


Votes reportés


Motion proposant que l'Assemblée dénonce les compressions successives faites par le gouvernement dans les institutions postsecondaires

À ce moment-ci, nous allons procéder au vote, et je vais lire la motion de M. le député de Verdun:

«Que l'Assemblée nationale dénonce les compressions successives et aveugles faites par le gouvernement péquiste dans nos institutions postsecondaires, qui hypothèquent l'avenir collectif du Québec et étouffent le dynamisme de ces institutions.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Chalifoux (Bertrand), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

(15 h 20)

Le Secrétaire adjoint: M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Laval-des-Rapides)...

M. Landry (Verchères): Eh! Eh! Eh! Ça fait 10 ans de ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Landry (Verchères), pardon, M. Chevrette (Joliette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Bélanger (Anjou), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Caron (Terrebonne), M. Bertrand (Portneuf), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Duguay (Duplessis), M. Dion (Saint-Hyacinthe).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:37

Contre:53

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion de M. le député de Verdun est rejetée.


Motions sans préavis

Nous allons passer maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


Souligner la Semaine de l'action bénévole

M. Boisclair: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Semaine de l'action bénévole, qui a lieu du 19 au 25 avril 1998 et dont le thème est J'ai le coeur à l'action, je bénévole

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de la motion? Très bien. Une intervention de chaque côté. M. le ministre. Nous allons attendre quelques instants, là, que les...

M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui. M. le Président, il me fait plaisir, au nom de ma formation politique, d'intervenir sur cette motion et pour bien modestement dire devant mes collègues de l'Assemblée nationale, qui, nous tous, sommes engagés d'une certaine façon dans l'action, sommes engagés pour nos convictions, sommes engagés pour la volonté de faire émerger dans chacune de nos circonscriptions de nouvelles solidarités, dire jusqu'à quel point, je pense, il est opportun que cette Assemblée, formée d'hommes et de femmes engagés dans tous les coins du Québec, à son tour honore et remercie ces milliers de concitoyens et concitoyennes qui, à chaque journée, à chaque heure de la journée, offrent ce que nous avons de plus précieux.

M. le Président, ce que nous avons de plus précieux, ce n'est pas nécessairement toujours notre savoir, ce ne sont pas nécessairement nos titres, ce ne sont pas non plus les argents dont nous disposons dans nos comptes de banque, ce que nous avons sans doute de plus précieux, c'est le temps et c'est la volonté de vouloir donner un sens à ce mot qui est celui de la solidarité.

Partout au Québec, M. le Président, des milliers de personnes à chaque jour s'engagent pour faire en sorte que le monde dans lequel nous vivons soit un monde plus fraternel où des gens sont capables d'exercer la compassion et d'aider ceux et celles qui, dans notre société, réclament de l'aide, sont parfois confrontés à des difficultés de santé, difficultés à toutes sortes de problèmes sociaux, difficultés essentiellement qui, pour certains de nos concitoyens, confinent certains d'entre eux à l'exclusion.

Je voudrais rappeler jusqu'à quel point cet engagement est un grand engagement. L'engagement bénévole est un engagement où, finalement, nous pouvons être face à nous-mêmes. Nous n'avons pas à convaincre qui que ce soit de la justesse, de la pertinence de l'action. L'action bénévole est une occasion de faire preuve d'altruisme, où deux individus se retrouvent l'un face à l'autre et, chacun à leur façon, en fonction de leur volonté d'agir et leur volonté d'entraide, sont capables de tendre la main à une autre personne qui en a grandement besoin.

M. le Président, c'est rendu un cliché, on l'a souvent dit: Que serait le Québec sans ces centaines d'heures de bénévolat? Que serait le Québec sans ces milliers de personnes qui s'engagent? Sans doute, ce Québec aurait un tout autre visage que celui que nous connaissons aujourd'hui. L'engagement bénévole est une véritable force vive de développement et de progrès. Et je pense que, si nous avions entre nous, dans cette Assemblée, un objectif à nous donner, c'est de bien toujours prendre en compte l'impact de nos décisions sur des organisations qui font appel à des bénévoles.

Trop souvent, lorsque vient le temps de concevoir un programme, lorsque vient le temps de gérer des programmes de subventions, nous oublions que les choix que nous faisons seraient souvent impossibles si, au-delà des personnes qui, comme salariés, travaillent dans des organisations, ces personnes n'avaient pas les outils nécessaires aussi pour stimuler, pour recruter, pour former des personnes engagées. Je pense qu'il convient de profiter de cette occasion et de cette semaine de réflexion qui nous est proposée par les gens qui oeuvrent à l'action bénévole pour intégrer dans le processus décisionnel une réflexion que nous souhaitons plus large mais surtout cohérente à l'endroit d'un soutien ou d'une préoccupation à l'endroit de l'action bénévole.

Il serait sans doute antinomique de vouloir encadrer, de la part de l'État, l'action bénévole, puisque, par définition, cette action se veut spontanée, se veut simple, se veut exempte de règles et de préoccupations d'efficacité gouvernementale. Mais, toutefois, entre dire cela et faire en sorte que les décisions que nous prenons ne nuisent pas à l'action bénévole, c'en est une tout autre, réalité, et je pense que, si, comme nous le faisons régulièrement dans cette Assemblée, nous étions capables de davantage prendre en préoccupation et prendre en compte la réalité de ces personnes et la réalité que je décris, nous prendrions ici, dans cette Assemblée, de meilleures décisions.

Je voudrais donc saluer les gens de tout âge, les gens de toutes les régions du Québec qui ont décidé de concrètement faire en sorte que leurs milieux de vie soient des milieux stimulants, puisque, s'il y a un message qu'il faut lire par rapport à l'engagement de ces milliers de personnes, par rapport à l'engagement de ceux et celles qui font du bénévolat, c'est bien là un message d'espoir, un message que l'espoir réside essentiellement, M. le Président, dans notre société, sur la capacité de respecter et de faire respecter cette dignité personnelle et peut-être aussi, du même souffle, d'être capable de plaider pour le respect d'une dignité collective.

Ainsi, M. le Président, le message que ces hommes et que ces femmes nous envoient à nous, de l'Assemblée nationale, c'est sans doute ce message d'espoir qui finalement nous invite à une grande conclusion, celle que la vie est faite d'autre chose que de déterminisme, celle que la vie est faite d'autre chose que de fatalité et que ce n'est pas vrai que, alors que nous discutons souvent dans cette Assemblée des conséquences de la mondialisation, qu'on discute des conséquences de l'internationalisation, qu'on discute de la conséquence des changements technologiques, devant ces phénomènes qui bien sûr influencent nos sociétés, nous pouvons baisser les bras.

Finalement, peut-être est-ce que je pourrais conclure cette intervention en disant que les bénévoles posent un geste tout à fait révolutionnaire. Ces hommes et ces femmes, à leur façon, alors qu'on nous dit que tout serait déterminé d'avance, décident de s'engager, décident, par leurs gestes, par leur voix, par leur temps, de faire la différence. C'est un grand message que les jeunes, je pense, de façon particulière, ont besoin d'entendre. Ce n'est pas vrai que notre vie est faite de choses décidées d'avance; ce n'est pas vrai que nous vivrons un jour, par exemple, sur l'Internet, que notre vie sera faite de boîtes vocales ou de guichets automatiques. Non. Il n'y a rien qui, dans notre société, pourra remplacer le contact humain, il n'y a rien qui, dans notre société, pourra remplacer l'engagement d'un homme ou d'une femme qui le fait pour un autre ou une autre de ses concitoyens ou concitoyennes. Donc, ce geste révolutionnaire, bien, il doit nous inspirer.

(15 h 30)

Je sais que je n'ai pas à plaider très longtemps dans cette Assemblée, puisque les 125 membres de cette Assemblée l'ont bien compris, mais peut-être ce message doit-il être rappelé à ceux et celles qui nous écoutent, à nos concitoyens qui nous regardent faire pour les inviter, à leur façon, à eux-mêmes mettre l'épaule à la roue, M. le Président, et les inviter, à leur façon, à contribuer à ce grand mouvement. Et je pense que c'est comme ça que nous réussirons tous, où que nous soyons, nous, à l'Assemblée nationale, les gens qui oeuvrent dans le milieu des affaires, les gens qui oeuvrent à l'action communautaire, les gens qui oeuvrent dans le domaine des loisirs, je pense que c'est comme ça que nous pourrons, de façon cohérente et de façon éclairée, faire en sorte de bâtir une société que nous souhaitons davantage fraternelle, une société que nous souhaitons davantage solidaire.

Pour ma part, M. le Président, je suis fier d'appartenir à un gouvernement qui, pour la première fois, de longue date, a reconnu de façon officielle un lieu de l'expression bénévole, qui est le lieu de l'action communautaire. Je pense que nous avons collectivement franchi un grand chemin alors que, dans des grandes institutions de concertation, et je pense à l'occasion de la Conférence socioéconomique et du Sommet socioéconomique, j'étais très heureux d'appartenir à un gouvernement qui a fait une place à des gens qui oeuvrent dans l'action communautaire.

L'action communautaire, c'est un peu l'action bénévole organisée, c'est l'action bénévole soutenue. C'est une réponse, d'abord, que des gens souhaitent donner à des problématiques qui sont vécues dans des milieux. Je suis heureux d'avoir, avec mes collègues du gouvernement, compris ce message et avoir fait en sorte que, pour la première fois, nous ajoutions à nos partenaires traditionnels, à savoir les syndicats, les gens du milieu des affaires, que nous ayons ajouté cette quatrième roue si fondamentale du développement du Québec, qui est celle de l'action communautaire.

Donc, c'est un plaidoyer, M. le Président, pour cette solidarité, c'est un plaidoyer pour ce sens civique que nous avons à développer, tous et chacun. Et nous avons bien compris, dans cette Assemblée, qu'il en va de notre responsabilité de porter ce message. Et, peut-être, ceux qui m'ont écouté auront compris aussi qu'à leur façon ils peuvent ajouter leur voix et peut-être aussi qu'ils doivent avec nous partager cette responsabilité. Bâtir un monde moderne, fraternel, solidaire, c'est là une question de l'engagement de tous et de toutes dans cette société. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. C'est avec grand plaisir que l'opposition officielle joint sa voix à la motion qui marque la Semaine de l'action bénévole, J'ai le coeur à l'action, je bénévole .

Il est important, à cette occasion, de souligner la générosité et le dévouement de femmes, d'hommes de tous les âges et de tous les milieux qui offrent sans compter et sans aucune attente leur temps et leur énergie afin soit d'aider soit d'accompagner ou bien de sortir de l'isolement des citoyennes et des citoyens dans le besoin.

M. le Président, un exemple tout à fait remarquable de bénévolat et d'une extraordinaire solidarité sociale est bien celui exprimé lors de la tempête du verglas, où l'importance du bénévolat a pris tout son sens. Des milliers de bénévoles, souvent eux-mêmes sinistrés, ainsi que plusieurs artistes du Québec se sont impliqués avec détermination et avec compassion et ont fait preuve d'altruisme. À toutes ces personnes de toutes les régions du Québec, particulièrement en Montérégie, l'opposition officielle leur rend aujourd'hui un hommage particulier et les remercie chaleureusement pour leur inlassable soutien et le réconfort qu'ils ont apporté aux familles sinistrées.

M. le Président, je m'en voudrais de ne pas souligner le travail exceptionnel, voire même essentiel de tous les bénévoles qui sont la pierre d'assise du réseau des organismes communautaires au Québec. Permettez-moi de prendre quelques instants pour exprimer un témoignage de reconnaissance et d'encouragement à toutes les personnes de mon comté qui oeuvrent au sein des organismes communautaires implantés dans chaque quartier de ma circonscription. Ces hommes et ces femmes font preuve, de façon quotidienne, d'une grande solidarité. Leur compassion, leur grandeur d'âme et le mieux-être qu'ils apportent aux personnes et aux familles dans le besoin ont une valeur inestimable et suscitent aujourd'hui notre fierté et notre dignité. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques poursuivra l'étude du projet de loi n° 415, Loi instituant le Fonds relatif à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.

Nous allons maintenant passer à la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, M. le leader, nous allons maintenant...

M. Boulerice: En vertu de l'article 285, si je lis bien, M. le Président, du règlement, je vous demanderais de convoquer mon patron, c'est-à-dire une réunion des leaders pour l'organisation des travaux des crédits.

Le Vice-président (M. Pinard): Alors, nous allons maintenant suspendre les travaux pour... M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Oui. Je voudrais tout simplement qu'on me précise le but de la rencontre suggérée par M. le leader adjoint.

Le Vice-président (M. Pinard): Alors, si vous le permettez, c'est tout simplement une réunion pour l'organisation des travaux des crédits. Nous allons donc suspendre quelques instants pour tenir une rencontre avec les leaders des deux groupes parlementaires pour préciser les modalités des 200 heures sur les crédits.

(Suspension de la séance à 15 h 36)

(Reprise à 15 h 44)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, je désire vous informer que, conformément à l'article 285 du règlement, il y a eu une réunion entre la présidence et les leaders des groupes parlementaires afin de préciser les modalités de l'étude des crédits.

J'informe donc l'Assemblée que l'étude des crédits débutera le jeudi 23 avril 1998 et se poursuivra jusqu'au vendredi 8 mai prochain, selon le calendrier convenu. À la demande des leaders, le président convoquera une nouvelle réunion des leaders pour préciser toute autre modalité, si nécessaire.

M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, est-ce qu'on pourrait revenir aux avis touchant les commissions, justement suite à cette entente, pour annoncer les commissions de demain?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'avise cette Assemblée que la commission des transports et de l'environnement entreprendra l'étude des crédits budgétaires du ministère des Transports, demain, le jeudi 23 avril 1998, de 9 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des finances publiques entreprendra l'étude des crédits budgétaires du ministère des Finances, demain, le jeudi 23 avril 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif.


Affaires du jour

Ceci met fin aux affaires courantes, nous allons maintenant procéder aux affaires du jour. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 36 du feuilleton.


Motions du gouvernement


Motion proposant que la commission des affaires sociales procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 186

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 36 de votre feuilleton, M. le leader du gouvernement propose la motion qui suit:

«Que la commission des affaires sociales procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, les 19, 20, 21 et 26 mai 1998 et qu'à cette fin elle entende les groupes suivants: l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, l'Association des propriétaires du Québec, la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), la Chambre de commerce du Québec, la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre, la Coalition nationale sur l'aide sociale, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, le Conseil du statut de la femme, le Conseil des syndicats nationaux (CSN) conjointement avec la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), le Conseil du patronat du Québec (CPQ), le Conseil permanent de la jeunesse, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, la Fédération des femmes du Québec (FFQ), la Fédération des locataires de HLM du Québec, le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, L'R des centres de femmes du Québec, l'Office des personnes handicapées du Québec conjointement avec la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec et l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées, le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec inc., le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) et l'Union des producteurs agricoles (UPA);

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Avant que le débat sur cette motion ne s'engage, je vous rappelle que cette motion ne peut être amendée et fait l'objet d'un débat restreint d'au plus une heure, conformément à l'article 146 de notre règlement. Également, pour faire suite à une réunion des leaders, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la discussion de cette motion: une réplique de cinq minutes est accordée à l'auteur de la motion; cinq minutes sont allouées à l'ensemble des députés indépendants; le reste du temps sera partagé également entre les deux groupes parlementaires, soit 25 minutes chacun; dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes s'ajoutera à celui de l'autre groupe, tandis que le temps non utilisé par les députés indépendants pourra être redistribué entre les groupes parlementaires; et enfin, les interventions ne seront soumises à aucune limite.

(15 h 50)

Je cède maintenant la parole au leader... à Mme la députée de Sherbrooke. Mme la députée.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Je vous remercie, M. le Président. J'ai eu un instant d'inquiétude, mais je comprends bien que c'est à mon tour de parler. Vous comprendrez tout d'abord que je remplace aujourd'hui la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité qui ne peut pas être avec nous, mais qui avait indiqué, au moment de l'adoption du principe du projet de loi n° 186, qu'elle avait l'intention d'apporter des modifications à ce projet de loi au terme des représentations faites par l'opposition comme au terme également des discussions qui auront lieu en commission parlementaire les 19, 20 et 21 mai prochain. C'est pourquoi, aujourd'hui, en son nom, je propose que l'étude de ce projet de loi en commission plénière, c'est-à-dire l'étude que l'on connaît, article par article, du projet de loi, soit reportée après la consultation publique parce que vous conviendrez avec moi que ce serait un peu ridicule de tenir des consultations publiques après une étude article par article. Si on veut s'inspirer de ce que les gens ont à nous dire, il faut le faire dans un premier temps, et ensuite on procède à l'étude connue, article par article, en commission parlementaire.

Ce qu'il est important de ne pas perdre de vue à ce moment-ci, c'est que ce projet de loi n° 186, qui s'appelle Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, il s'inscrit dans une démarche intégrée. Ça n'est pas un projet de loi qui arrive comme ça, tout simplement, dans le décor, et je pense que c'est important de rappeler dans le cadre de quelle démarche intégrée s'inscrit ce projet de loi. Il y a plusieurs étapes que je vais rappeler brièvement, ensuite je vais essayer de faire le tour des points importants de ce projet de loi.

Alors, rappelons d'abord le contexte global, parce que nous souhaitons – et nous souhaitons que ça se voit, que ce soit bien compris – avoir une approche vraiment globale de l'ensemble des enjeux que soutient ce projet de loi. La première étape, c'est que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour supprimer des obstacles au travail en réaffirmant, entre autres, la solidarité de la société québécoise et le fait que des gens à faibles revenus doivent avoir un traitement au moins aussi bon que des gens qui sont sans travail, donc une volonté de raccourcir l'écart entre les gens qui sont à faibles revenus et les gens qui sont sans travail.

Une première mesure, je le rappelle simplement pour mémoire, en janvier 1997, le régime d'assurance-médicaments, avait cette volonté d'offrir, pour la première fois, à des gens qui n'avaient pas accès à une assurance-médicaments une couverture de cette nature.

Je rappelle également que, depuis septembre 1997, nous avons une politique familiale, entre autres une nouvelle allocation familiale, et qui a réorienté l'aide financière vers les familles qui en ont le plus besoin. Et vous souviendrez que le concept clé de cette nouvelle politique familiale, c'est vraiment de dire: Cherchons par tous les moyens à sortir les enfants de la pauvreté.

Et puis, autre mesure, un certain nombre d'interventions en matière de logement. Depuis octobre 1997, on a un plan d'action qui comprend un versement d'allocation-logement unifiée, et cette allocation bénéficie, entre autres, aux familles qui ont des enfants et qui sont à faibles revenus. Ça, c'était donc la première étape. C'est un peu la toile de fond globale, si vous voulez, sur laquelle vient se greffer la Loi de la sécurité du revenu.

La deuxième étape, et elle rejoint de plus près la responsabilité de ma collègue ministre de l'Emploi et de la Solidarité, la deuxième étape dans laquelle nous sommes – nous sommes même, on peut dire, en plein dedans – c'est vraiment de transformer les services publics d'emploi. C'est une approche qui vise à les rendre plus actifs, plus proactifs, à les rendre plus dynamiques, à s'assurer aussi que leurs interventions soient plus personnalisées, plus en lien avec les besoins des personnes qui sont concernées.

Vous souviendrez à ce sujet de la signature importante, en avril 1997 – donc, on est en train d'en fêter le premier anniversaire – de l'Entente Canada-Québec sur la formation de la main-d'oeuvre. En vertu de cette entente, pour la première fois après, rappelons-le, 32 ans de demande du Québec en ce sens, le Québec devient responsable tant de la planification que de la conception, de la mise en oeuvre, de l'évaluation des mesures actives d'emploi. Il devient responsable aussi des actions qui visent le placement, bien sûr, des personnes qui se cherchent du travail – et, quand on dit «placement», croyez bien qu'on ne parle pas de simplement afficher dans l'entrée des centres d'Emploi-Québec des petites annonces; non, «placement» veut dire accompagner les gens dans une démarche qui les mène vraiment vers un travail – et on est responsables également, maintenant, de l'information.

Ce que ça veut dire, c'est qu'on réussit, je pense, avec la conclusion de cette entente, à diminuer l'éparpillement et le chevauchement entre des responsabilités qui, jusqu'ici, étaient de l'ordre du gouvernement fédéral en très bonne partie et de l'ordre du gouvernement québécois pour un certain nombre d'autres mesures. Le fait que ces mesures actives soient maintenant gérées entièrement par le Québec devrait nous donner un élan, devrait nous donner l'espoir d'être capables de faire mieux avec les mêmes montants d'argent que ceux dont on disposait jusqu'ici.

Et puis je tiens à noter également, toujours dans ces grandes étapes qui mènent à la naissance de ce projet de loi n° 186, l'adoption en juin 1997 – il y aura bientôt un an – de la loi qui a permis la création du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. La ministre responsable en avait le titre, mais le ministère n'existait pas encore. Et donc, on a maintenant un ministère de l'Emploi et de la Solidarité et on a un certain nombre de services qui sont structurés pour répondre à l'ensemble des Québécoises et des Québécois sans se demander quelle est leur provenance, quelle est la couleur de leur chèque s'ils en ont un, quelle est l'origine de leur parcours. On essaie de rendre des services à tout le monde.

Ce qu'il est important de noter, c'est qu'il ne s'agit pas d'une approche qui vise simplement à ce que le national, donc le gouvernement lui-même, prenne ses responsabilités et que, à l'autre bout, il y ait des personnes qui reçoivent des services. Il y a dans cette approche, bien sûr, une volonté de concertation à l'échelle nationale, mais il y a aussi une volonté de rendre les instances locales plus responsables.

Vous savez probablement que, dans le cadre de l'implantation des centres locaux de développement qu'on est en train de mettre en place à travers le Québec, on demande à ces nouvelles instances de produire chaque année un plan local d'action concertée pour l'économie et l'emploi. Donc, on va demander à chaque CLD qui couvre des territoires de MRC, de municipalités régionales de comté, d'être responsable de produire des plans d'action pour l'emploi. C'est une vision, donc, qui vise à donner des responsabilités au niveau local, et cela s'inscrit fort bien dans la trajectoire de la décentralisation que le gouvernement du Parti québécois a vraiment tenté de mettre de l'avant et qui commence, je pense, à porter des fruits.

On instaure également, au plan national – parce qu'il faut bien qu'il y ait au plan national de la vision – une commission des partenaires du marché du travail qui va regrouper des gens du milieu patronal, du milieu syndical, du milieu communautaire, des milieux de l'éducation également. Et ces gens-là vont avoir à donner les grandes orientations, à définir les politiques, à jeter un regard sur la gestion des services qui seront rendus. La nomination des membres de la commission des partenaires du marché du travail devrait être complétée par la ministre incessamment. Voilà donc pour un certain nombre de choses qui ont été faites: suppression d'obstacles pour accéder au marché du travail et réorganisation des services publics d'emploi. Ça, c'est notre toile de fond.

La troisième étape de la démarche intégrée, c'est le projet de loi n° 186, celui dont il est question aujourd'hui. Ça a été le fruit d'une longue étape, d'un long processus, et qui n'est pas terminé, bien sûr, mais je pense que c'est important de rappeler d'où on est parti, en gros par quelles étapes on est passé, et qu'on comprenne bien, donc, le sens de la motion que je défends aujourd'hui au nom de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

La démarche a commencé formellement, en ce qui concerne notre gouvernement, en juin 1995. Donc, ça fait déjà bientôt trois ans. Un comité d'experts – on se rappellera que, sur ce comité, il y avait Pierre Fortin et Camil Bouchard – donc, était mandaté pour nous recommander un certain nombre de transformations pour avoir un nouveau régime de la sécurité du revenu.

(16 heures)

Pour différentes raisons que je n'évoquerai pas de nouveau ici – elles sont connues – on a eu non pas un rapport d'experts, mais deux rapports d'experts parce qu'il y avait des différences quant aux orientations, mais c'était suffisamment substantiel pour qu'on puisse se servir des conclusions de ces deux rapports. Et, suite à ça, en mars 1996, donc à peu près un an plus tard, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a mis en circulation un document de consultation qu'on a appelé un livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu et qui s'intitulait: Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi . Il était rendu public en décembre et il s'appuyait sur, donc, les grandes conclusions soumises par les experts dans le cadre de leur rapport respectif.

Par exemple, on disait, dans les rapports de ces experts – il y avait là-dessus une convergence de vues – qu'il fallait une nouvelle allocation familiale, qu'il fallait sortir les enfants de la pauvreté, qu'il fallait également, au Québec, améliorer les services de garde. C'est pourquoi, dès septembre 1997 d'ailleurs, le premier ministre et la ministre responsable de la Famille et de l'Enfance ont annoncé une politique familiale. Et puis, et c'est peut-être la partie qui est la plus intéressante, je pense, à savoir dans la démarche, compte tenu de ce dont on parle aujourd'hui, il y a eu une vaste, très vaste consultation publique en février et mars 1997.

Je le souligne avec insistance: la commission des affaires sociales – j'y étais, M. le Président, et je ne crois pas avoir manqué beaucoup d'heures de travail – a entendu une centaine d'organismes. Ce qui est énorme. Je peux vous dire que, quand chaque organisme a environ une heure, une centaine d'organismes, c'est vraiment énorme, et ça a permis d'avoir les différentes tendances de chacun et de chacune. Au total, il y avait 140 mémoires de déposés, certains ne souhaitant pas être entendus, mais on peut dire, donc, qu'on a eu le temps de bien écouter ce que les gens avaient à nous dire.

Vous me permettrez à ce moment-ci une toute petite parenthèse – je pense que l'occasion est peut-être bien choisie, puisque j'ai pu avoir accès à des statistiques qui ont été compilées récemment – simplement pour vous dire, M. le Président, que les statistiques compilées de façon finale pour 1996-1997, donc l'année dernière, nous permettent de constater qu'il y a eu un total de 898 consultations publiques par le gouvernement du Parti québécois en une seule année. La moyenne pour les 15 dernières années, c'est 430. Donc, l'an dernier, nous avons eu plus du double de la moyenne.

Bien sûr, il y a eu des années creuses – je ne rappellerai pas lesquelles – mais c'est important de dire, donc, que, quant à la sécurité du revenu, nous avons entendu en commission des affaires sociales une centaine d'organismes. Ça peut peut-être permettre de comprendre pourquoi ce chiffre est si important. Mais, s'il y a une chose qu'on ne pourrait pas, je crois, reprocher au Parti québécois, c'est de ne pas avoir pris le temps d'écouter ce que les gens avaient à dire.

Là, déjà, il y a un certain nombre de questions qui apparaissaient comme nécessitant des ajustements. Par exemple, les gens nous ont parlé de l'importance d'avoir un guichet unique, et c'est ce qui va donner naissance d'ailleurs aux centres locaux d'emploi. Les gens nous ont parlé ensuite de l'importance – ils étaient d'accord avec cette orientation – de considérer les prestataires de la sécurité du revenu comme étant de la main-d'oeuvre et non pas simplement comme étant des gens qui étaient – vous me passerez l'expression – débarqués du système, comme étant finalement des chômeurs et des chômeuses de longue durée. Les gens étaient d'accord également avec l'idée qui était dans le livre vert d'un parcours individualisé, c'est-à-dire un parcours qui était centré sur les besoins véritablement personnels de chaque personne ayant affaire à nos services.

Par ailleurs, et je le rappelle pour montrer à quel point on en est conscient et on essaie d'en tenir compte, il y a un certain nombre de critiques qui nous étaient formulées, et je vais rapidement en nommer quelques-unes. On nous disait: Écoutez, dans le livre vert, vous fixez l'âge permettant d'avoir accès à l'allocation des aînés à 60 ans. On reviendra sur ce qu'est cette allocation tout à l'heure, mais on nous disait, à juste titre: Entre 55 et 60 ans, c'est illusoire de demander à des gens de réintégrer le marché du travail. Donc, les gens voulaient qu'on ramène cet âge à 55 ans, ce que nous faisons.

On nous disait aussi: Il faudrait que le calcul de la contribution parentale soit harmonisé avec ceux qui sont en vigueur dans le régime d'aide financière aux étudiants. Curieusement et honnêtement, je pense que bien des gens ne s'en étaient pas rendu compte: on demandait une contribution parentale très grande, dans le cas de prestataires de la sécurité du revenu, et beaucoup plus importante que quand des jeunes sont à l'étude. Si mon fils, moi, avait été prestataire de la sécurité du revenu, on m'aurait demandé une contribution de 10 fois supérieure à celle qu'on pourrait me demander dans le calcul de prêts et bourses. C'était une critique, donc, qui était justifiée.

On demandait également qu'il y ait un mécanisme distinct entre la phase initiale de révision, quand quelqu'un se plaint, et la phase finale de révision, que ça ne se fasse pas d'un seul coup par la même personne. On nous demandait également qu'il y ait un comité d'usagers qui puisse donner des conseils à la ministre, qui puisse réfléchir aux grandes orientations de la réforme. Je n'ai pas passé en revue, bien sûr, parce que je n'en ai pas le temps, toutes les critiques qui nous ont été formulées, mais celles-ci étaient importantes, et je pense qu'on pourra noter dans la suite des événements que nous avons essayé d'en tenir compte.

Nous arrivons donc au projet de loi lui-même, projet de loi, je le rappelle, n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. Je vais faire quelques considérations générales, mais, après, je crois important d'entrer un peu plus à fond dans les différents programmes de ce projet de loi. Rappelons d'abord que c'est un projet de loi qui veut favoriser l'autonomie économique et sociale des personnes et les aider dans leur démarche d'intégration ou de réintégration au marché du travail et que donc il y a un lien entre ce que l'on souhaite faire avec des gens qui sont sur la sécurité du revenu et ce que l'on souhaite faire avec des gens que l'on considère comme étant de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire des gens qui, pour la très grande majorité, souhaitent travailler et sont en mesure de travailler. Loin de nous l'idée de croire que les gens se satisfont de cette situation. Je pense que c'est révoltant d'entendre des choses comme celles-là. Nous savons fort bien que les gens ne sont pas heureux de cette situation et qu'il faut tout faire pour les aider à sortir d'une situation qui est généralement reconnue d'ailleurs comme misérable.

On sait fort bien qu'il y a des personnes, par contre, dans certaines situations, qui ont besoin de mesures préalables. Ça peut être, par exemple, parce que ces gens-là arrivent au Québec et puis ne sont pas encore tout à fait en mesure d'être intégrés au marché du travail; ça peut être aussi parce que ces personnes ont des problèmes d'ordre physique ou d'ordre intellectuel, d'ordre mental, et donc on ne peut pas, du jour au lendemain, croire qu'ils peuvent passer de leur état de prestataire de la sécurité du revenu à un état de travailleur ou de travailleuse. On est conscients de ces situations-là.

Et puis je le dis, là encore, dans le cadre un peu des présentations, des considérations générales du projet de loi, les programmes et les mesures, les services seront mis en oeuvre à l'intérieur de cette nouvelle structure qui vient de prendre effet et qui s'installe à travers le territoire québécois, je pense, fort bien, c'est-à-dire les centres Emploi-Québec, qui sont en train d'être installés et organisés, puisque vous savez qu'on met ensemble ce qui autrefois était trois structures, centre Travail-Québec, Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et Direction des ressources humaines Canada. On met tout ça ensemble pour avoir un seul guichet qui s'appelle Emploi-Québec.

Ce qu'il est important de souligner, c'est que la réforme de la sécurité du revenu, elle s'adresse à tout le monde qui est en recherche d'emploi. Alors, cela veut dire concrètement que, bien sûr, elle s'adresse aux gens qui sont prestataires de la sécurité du revenu, mais qu'elle s'adresse aussi aux chômeurs, qu'elle s'adresse aux personnes sans emploi, mais qui ne sont inscrites nulle part, qu'elle s'adresse aux étudiants aussi, qu'elle s'adresse également – parce qu'il n'y a pas que des gens en recherche d'emploi, il y a aussi des gens en recherche de main-d'oeuvre – aux entreprises et aux employeurs. Donc, les centres Emploi-Québec ont une mission de rendre des services intégrés et beaucoup plus larges que ce qu'on faisait autrefois, dans une approche malheureusement trop cloisonnée et avec des services qui étaient vraiment démultipliés. C'était rendu qu'il fallait qu'un ordinateur calcule ce à quoi quelqu'un avait droit parce qu'une personne humaine normalement constituée n'arrivait pas à s'y retrouver.

Le projet de loi, toutefois, a un point qui, on le sait, soulève des discussions, mais je pense qu'il faut bien noter que le projet de loi a cette obligation. C'est la question qui a soulevé beaucoup de discussions, et qui le fera certainement encore en commission parlementaire, de savoir si le parcours doit être volontaire ou s'il ne doit pas être volontaire, s'il peut être libre. On a discuté beaucoup de ça dans la première phase de la commission parlementaire.

(16 h 10)

On en est arrivé à la conclusion qui est dans le projet de loi, que le parcours, règle générale, il est volontaire, sauf pour les jeunes de 18 à 24 ans. Pour cette catégorie-là, et j'y reviendrai à un autre moment dans ma présentation, pour les jeunes qui ont entre 18 et 24 ans... Comprenons bien que ce sont des jeunes qui ont cet âge-là, mais qui n'ont pas de contraintes, évidemment, à l'emploi, qui n'ont pas, autrement dit, de handicap ou qui n'ont pas de limitation, des jeunes, aussi, qui n'ont pas d'enfants à charge, donc qui ne sont pas requis de rester chez eux parce qu'ils élèvent une famille. Ces jeunes-là, ils représentent pour nous vraiment une partie extrêmement importante et extrêmement précieuse de la société. On pense que, si le parcours pour eux et pour elles est obligatoire, ça va leur donner d'abord, évidemment, priorité dans nos services et ça va leur donner peut-être le coup de pouce qui va leur permettre de s'assurer qu'ils ne se retrouvent pas, au début de leur vie active, dans une situation qui les handicape généralement pour le reste de leurs jours ou, en tout cas, pour une grande partie d'entre eux, pour le reste de leurs jours.

Vous me permettrez de citer simplement un ou deux chiffres rapidement. Actuellement, 62 % des jeunes de moins de... Je m'excuse. J'ai dit «actuellement», ce sont des chiffres de 1993. Je ne crois pas qu'ils aient changé du tout au tout au moment où on se parle. En 1993, donc, 62 % des jeunes de moins de 21 ans qui étaient présents à la sécurité du revenu provenaient de familles ayant déjà été prestataires de la sécurité du revenu. 62 %, c'est beaucoup, c'est les deux tiers. Au sein des familles de prestataires, plus de 9 000 jeunes de 16-17 ans – donc, ça s'ajoute, parce que ceux-là ne sont pas encore admissibles à la sécurité du revenu, il faut avoir 18 ans – ont quitté les études ou sont inactifs. C'est vraiment en pensant à ces jeunes-là qu'on se dit: Il y a quelque chose à faire, il y a une responsabilité à prendre. On leur demande donc de s'inscrire dans un parcours.

Vous me faites signe qu'il ne me reste plus beaucoup de temps. Alors, je me rends compte que j'ai tant de choses à vous dire, que j'ai été très loquace. Je vais donc rapidement passer à travers les programmes qui sont les programmes les plus importants du projet de loi.

Le Programme d'assistance-emploi, donc, qui est le programme qui vraiment vise à soutenir les personnes qui veulent intégrer ou réintégrer le marché du travail. Ce programme va donc offrir aux gens une prestation de base. C'est une allocation qui est calculée différemment selon qu'on est seul ou qu'on vit maritalement et c'est une prestation à laquelle on peut ensuite ajouter des choses. On ajoutera une allocation de participation qui ne peut pas être inférieure à 120 $ si quelqu'un est inscrit dans le cadre d'un parcours individualisé. On pourra également ajouter, dans le cas où quelqu'un a ce qu'on appelle une contrainte temporaire à l'emploi, donc qui ne pourrait pas s'inscrire dans un parcours, une somme qui sera de 100 $. On peut également ajouter une somme pour les personnes qui ont des contraintes permanentes à l'emploi. Il y a des gens dont on sait fort bien que, même s'ils le souhaitaient, ils ne peuvent pas intégrer le marché du travail, tout au moins pour une longue période de leur vie. Et ce qui était autrefois Soutien financier – c'est un mot que les gens vont reconnaître s'ils y avaient accès – ça se retrouve dans le projet de loi sous une autre appellation, mais c'est la même chose.

Puis nous avons également un autre programme qui est un programme non moins important, celui qu'on appelle le Programme de protection sociale. C'est-à-dire que les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi mais qui trouvent que c'est trop ardu d'être toujours dans le circuit des parcours individualisés, c'est bien important de comprendre que ces personnes-là, elles auront accès, si elles le souhaitent, au Programme de protection sociale. Donc, ce sera un choix de leur part d'y aller, comme ce sera un choix de leur part d'en sortir dès qu'elles le souhaiteront.

Alors, vous comprenez, M. le Président, je n'ai pas le temps de vous parler à ce moment-ci du Programme d'aide aux parents, mais j'aurai d'autres occasions de le faire.

Ce que j'aimerais surtout que l'on garde à l'esprit, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi que nous avons déjà bonifié en écoutant ce que les gens avaient à dire. C'est un projet de loi que la ministre est tout à fait prête à bonifier de nouveau en écoutant, dans le cadre d'audiences publiques, des recommandations, des souhaits, en écoutant aussi ce que l'opposition peut avoir à dire. Mais, s'il y a bien une chose qui est certaine, c'est qu'il faut écouter les gens avant de conclure. Je conclus moi-même sur ces paroles, d'où le sens de notre motion. Nous voulons écouter des groupes et ensuite faire une synthèse de leurs recommandations. Soyez sûrs qu'il y aura d'autres améliorations au projet de loi n° 186. Je vous remercie, M. le Président .

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Sherbrooke. Nous cédons maintenant la parole à la critique officielle de l'opposition, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président, au député de Verdun pour son accueil chaleureux.

M. le Président, l'opposition officielle comprend bien mal l'attitude du gouvernement de vouloir cibler et de vouloir choisir d'après ses critères à lui, d'après ses exigences à lui, le choix des groupes qui se feront entendre en commission parlementaire et qui pourront échanger avec les parlementaires, à la commission des affaires sociales, sur les effets du projet de loi n° 186.

M. le Président, je n'ai pas à vous rappeler – parce que je me souviens que vous étiez là lors de l'adoption du principe du projet de loi n° 186 – que ce projet de loi revêt une importance tout à fait incroyable sur la vie des gens. Parce que le projet de loi n° 186 touche directement la vie de tout près de 800 000 hommes, femmes et enfants au Québec. Le projet de loi vient y déterminer des conditions de vie à des gens qui doivent aller frapper à l'aide de dernier recours à un moment ou l'autre de leur vie.

M. le Président, l'opposition officielle a fait des recommandations quant au choix des groupes qui devraient être entendus en commission parlementaire. Seulement une de nos recommandations a été retenue par le gouvernement, et il s'agit de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qu'on retrouve dans la liste des invitations qui nous a été déposée cet après-midi par le gouvernement.

Il nous semble, M. le Président, qu'il est tout à fait inacceptable et, je dirais même, inconcevable que les deux pères – permettez-moi de les appeler ainsi – des deux rapports qui ont été déposés au gouvernement pour mettre en branle, pour instituer la réforme de l'aide sociale ne soient pas invités à se faire entendre à la commission parlementaire. Je parle ici de MM. Camil Bouchard et Pierre Fortin. Même la députée de Sherbrooke, dans son allocution, l'a mentionné. J'ai pris des notes. Elle a dit: Le gouvernement a mandaté un comité d'experts – ces experts, ce sont MM. Bouchard et Fortin – pour donner des orientations au gouvernement. MM. Bouchard et Fortin ont déposé deux rapports au gouvernement et le gouvernement s'est inspiré des grandes conclusions de ces rapports pour préparer sa réforme de l'aide sociale.

Alors, M. le Président, là il faut essayer de comprendre la logique du gouvernement et les raisons qui amènent la ministre de l'Emploi et de la Solidarité à vouloir s'entêter, finalement, à ne pas recevoir en commission parlementaire les deux pères de ces rapports d'experts qui sont MM. Fortin et Bouchard et qui auraient sûrement des commentaires intéressants et même des bonifications à apporter au projet de loi n° 186.

M. le Président, faut-il croire que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité n'accepte pas peut-être d'être contrariée? Parce que j'attire votre attention sur un article qui a paru dans le journal La Presse tout récemment, le 19 mars dernier, et qui est écrit par M. Camil Bouchard et un de ses collègues, M. Yves Vaillancourt, qui est un spécialiste dans la recherche sur les pratiques et les politiques sociales. J'invite les députés ministériels qui sont présents et surtout les membres de la commission des affaires sociales du côté ministériel à prendre connaissance et à lire cet article de M. Camil Bouchard au sujet du projet de loi n° 186.

Je vous dis seulement, M. le Président, le dernier petit paragraphe. C'est peut-être pour ça qu'il n'est pas invité, M. Bouchard, à la commission parlementaire, parce qu'il dit que «le renoncement à l'application immédiate de toute mesure de punition exclusive aux jeunes est associé au refus d'insertion dans un parcours». Alors, j'imagine que c'est un peu à cause de cet article qu'aujourd'hui M. Camil Bouchard se retrouve bâillonné par le gouvernement du Parti québécois et que ces MM. Camil Bouchard et Fortin ne sont pas invités à la commission des affaires sociales pour pouvoir échanger sur le projet de loi n° 186.

(16 h 20)

Encore plus décevant, M. le Président, je dirais même inquiétant et incompréhensible, c'est le refus catégorique du gouvernement du Parti québécois d'entendre le Protecteur du citoyen. Le Protecteur du citoyen a une crédibilité qui n'est plus à faire, tout le monde a une confiance aveugle dans le jugement du Protecteur du citoyen. Qui, au Québec, reçoit les plaintes des gens, des familles qui se sentent lésées par des mesures que le gouvernement met en place par différents ministères? Qui, au Québec, peut mesurer avec justesse l'impact et les conséquences d'une modification réglementaire dans une loi, d'un changement et surtout d'une réforme, comme la réforme de l'aide sociale, qui touche directement la vie d'hommes, d'enfants et de femmes au Québec, si ce n'est pas le Protecteur du citoyen? Pourquoi le gouvernement du Parti québécois ne veut pas entendre le Protecteur du citoyen? Je pense sincèrement que poser la question, c'est y répondre.

M. le Président, quand on regarde la liste finale qui nous a été déposée aujourd'hui par le gouvernement, ça saute aux yeux que les jeunes, qui sont, il faut le rappeler, la cible privilégiée du gouvernement dans la loi n° 186, seront représentés par un seul groupe: le Conseil permanent de la jeunesse. Comment la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a-t-elle pu limiter à une seule voix, une voix pour les jeunes: le Conseil permanent de la jeunesse? Pourquoi la ministre n'a-t-elle pas eu le réflexe naturel d'inviter des gens, des groupes qui travaillent, des organismes qui travaillent à la défense et à la protection des droits des jeunes? Je vous en nomme quelques-uns. On aurait pu inviter le Regroupement des maisons d'hébergement jeunesse, Les Auberges du coeur du Québec; ces gens-là connaissent spécifiquement ce que vivent les jeunes actuellement au Québec. On aurait pu inviter, M. le Président, le Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec. On aurait pu aussi inviter l'Association des centres jeunesse du Québec.

Mais non, on invite un groupe, le Conseil permanent de la jeunesse, quand le projet de loi n° 186... On a seulement à regarder la loi, il y a un volet entier sur les 18-24 ans, parce que c'est sur eux que le gouvernement va faire des économies, ce sont sur les jeunes au Québec. Et la députée de Sherbrooke tantôt appelait ça «de donner un coup de pouce aux jeunes», un coup de pouce que de les pénaliser avec des montants de 150 $ à 300 $ par mois de pénalité! C'est ça, donner un coup de pouce aux jeunes au Québec pour les aider à se réinsérer sur le marché du travail?

Il faut comprendre, M. le Président, que cette logique-là, c'est une logique de comptable, que c'est une logique pour faire des économies sur le dos des jeunes au Québec. Et on peut comprendre aussi pourquoi les regroupements, les organismes qui défendent les jeunes au Québec sont aussi bâillonnés par cette commission parlementaire, mais particulièrement par le choix du gouvernement dans ses invitations à entendre les groupes en commission parlementaire.

M. le Président, j'espère que la réponse à la question que je viens de poser – pourquoi on n'a pas eu le réflexe naturel, de la part du gouvernement, d'inviter les groupes qui défendent les jeunes à venir en commission parlementaire? – ça ne se retrouve pas dans le communiqué de presse de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, qui, je pense, s'est dit: Il faut que je rétablisse les faits suite aux discours puis aux présentations qui ont été faits lors de l'adoption du principe du projet de loi n° 186. Parce que, tout de suite après l'adoption du projet de loi, de l'adoption du principe, la ministre a émis un communiqué de presse qui s'appelait Rétablissons les faits . Je vous lis seulement le premier paragraphe, ça vous donne une bonne idée de ce pourquoi certains groupes ont été bâillonnés à cette commission. C'est la ministre qui parle:

«Il est faux de laisser croire que le projet de loi n° 186 sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité entraînera un appauvrissement des prestataires de l'aide sociale et qu'il permettra même de les exclure du régime.»

Alors, M. le Président, je pense que les groupes qui ne pensent pas comme la ministre, et la ministre n'aime pas être contrariée, ont été tout simplement refusés d'être invités à la commission parlementaire.

Je rappelle, parce que la députée de Sherbrooke l'a mentionné aussi, qu'il y a plus de 100 groupes, tout près de 100 groupes, 99, pour être plus précise, qui sont venus en commission parlementaire, et, à la grande majorité, ils ont tous, d'une même voix, dénoncé les mesures appauvrissantes, ils ont tous dénoncé les pénalités qui sont directement... que les jeunes sont directement ciblés par ces pénalités. Je parle autant des experts, des organismes communautaires, des avocats en droit social, des syndicats, de Camil Bouchard. Plein de gens à la commission, la grande majorité, sont venus dénoncer les mesures appauvrissantes du projet de loi n° 186. Alors, on ne peut pas se surprendre pourquoi certains de ces groupes, certains de ces porte-parole, certains de ces experts ne sont pas invités à être entendus en commission parlementaire pour le projet de loi n° 186.

Avant le début des consultations, M. le Président, qui vont avoir lieu en mai, les consultations particulières, j'invite très sérieusement les députés péquistes, les députés ministériels à lire avec beaucoup de conscience et de compassion l'article de M. Alain Noël qui a paru dans le journal Le Devoir le 30 mars 1998. Je vous donne la date pour que les gens puissent s'en faire une copie, s'ils sont intéressés à le lire. Je vous rappelle que M. Alain Noël, c'est un expert en droit social. Le titre de l'article: Le projet de loi n° 186, la fin de la sécurité du revenu . «L'approche retenue – je précise, pour nos auditeurs, l'approche retenue par le gouvernement du Parti québécois – a plus à voir avec l'évolution américaine. On introduit la pénalité d'abord, et on verra après pour l'insertion. Dans un contexte de chômage élevé, cette approche ne réduira pas les rangs de l'aide sociale.»

M. le Président, c'est un article qui est très intéressant. M. Noël a très bien compris le fond, le contenu du projet de loi n° 186. J'attire votre attention juste sur un petit paragraphe, quand je parlais, tantôt, des mesures appauvrissantes: «Avec le projet de loi n° 186, on opte plus clairement pour la logique de la pénalité; mais le chômage demeure élevé et les ressources vouées à l'insertion largement insuffisantes. Dans les circonstances, un seul résultat est possible: l'appauvrissement des personnes déjà les moins favorisées.» Alors, vous conviendrez de plus en plus qu'il y a à peu près seulement la ministre de l'Emploi et de la Solidarité et certains de ses collègues – parce que je sais que certains pensent comme plusieurs d'entre nous mais qu'ils ne peuvent pas le dire – à penser, comme dans son communiqué de presse, que finalement il n'y en a pas, de mesures appauvrissantes dans le projet de loi n° 186, et que, dans tout ce que les gens pensent ou disent, là, ils ont tort, mais que la ministre, elle, elle a raison.

M. le Président, j'aimerais, en terminant, pour laisser l'occasion au député de Verdun de pouvoir s'exprimer sur cette motion, rafraîchir la mémoire de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité et députée de Hochelaga-Maisonneuve ainsi que des députés ministériels ici présents sur le contenu du programme politique du Parti québécois, qui s'intitule Des idées pour mon pays , programme du Parti québécois, et avec lequel, quand ils étaient tous candidats et candidates, ils se promenaient fièrement durant la campagne électorale de 1994. On ne se gênait pas pour bien expliquer, là, ce que le gouvernement du Parti québécois ferait, s'il venait au pouvoir, pour les bénéficiaires de l'aide sociale. Alors, c'est une belle page, et je vous donne le premier point. Ça s'appelle Garantir l'accès à un régime de revenu minimum .

Le premier paragraphe, il est assez troublant, quand on se met dans la date d'aujourd'hui, mais, ça, c'était en campagne électorale: «Un gouvernement issu du Parti québécois, dans les 12 mois qui suivront son élection – on est tout près de quatre ans après, aujourd'hui, M. le Président, puis il n'y a rien d'attaché – s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 – mais c'est ici que c'est beaucoup plus juteux – sur la sécurité du revenu de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» Ça, là, c'est un bel exemple du double langage de ce gouvernement, que l'on connaît depuis le début. Ce que ce gouvernement dit et ce qu'il fait, c'est toujours son contraire, et là on l'a vu très bien.

Un petit peu plus loin – je ne vous lirai pas tout, parce que c'est une belle page, là, mais je reprends quelques éléments: «Nous réviserons le régime d'aide sociale dans la perspective d'un revenu minimum garanti.» M. le Président, depuis la venue au pouvoir du gouvernement du Parti québécois, le filet de sécurité sociale au Québec a été brisé. Le gouvernement du Parti québécois s'est même attaqué tout dernièrement au barème de base et a coupé le barème de base à l'aide sociale. Un autre exemple de double langage de ce gouvernement.

(16 h 30)

Je vous amène, M. le Président – il y a le point 2, le point 3 – à l'élément 2.4: «Les prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit.» Ça, je suis obligée de le dire, c'est un autre exemple flagrant de double langage de ce gouvernement, parce que, regardez la loi n° 186, il y a discrimination envers les jeunes de 18 à 24 ans. On leur enlève la parité, M. le Président, puis, par-dessus ça, on leur applique une pénalité qui peut aller jusqu'à 300 $ par mois sur un minime chèque de 490 $. Et ça, c'est écrit dans le programme du Parti québécois.

Alors, M. le Président, je vous dis que, en 1994, lors des élections générales, le Parti québécois aurait dû avoir comme slogan: «L'autre façon de gouverner, c'est le double langage pour mieux vous organiser». Parce que c'est ça, le gouvernement du Parti québécois, du double langage: on dit des choses, on écrit des choses, mais on fait son geste contraire. En ce qui a trait à l'aide sociale, M. le Président, on pose des gestes qui aujourd'hui... Les gens, avant le gouvernement du Parti québécois, étaient beaucoup plus heureux que depuis que le gouvernement du Parti québécois est là, parce que maintenant ils ne sont plus dans la pauvreté, ces gens-là, ils se retrouvent dans la misère à cause des mesures appauvrissantes de ce gouvernement.

M. le Président, en terminant, il est encore temps pour la ministre de l'Emploi et de la Solidarité et pour son gouvernement d'inviter les pères des deux rapports, qui ont été mandatés par ce gouvernement et dont les grandes conclusions se retrouvent dans le projet de loi n° 186, M. Camil Bouchard, M. Pierre Fortin, et d'inviter le Protecteur du citoyen. Ça, c'est un minimum. Puis un autre minimum, c'est d'inviter au moins deux autres groupes qui travaillent à la défense et aux droits des jeunes au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Nous cédons maintenant la parole au député de Verdun, en lui rappelant qu'il vous reste, à votre groupe parlementaire, un temps de parole de neuf minutes.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Neuf minutes. Parfait, M. le Président. Je suis estomaqué, franchement estomaqué du refus du gouvernement, à l'heure actuelle, d'accepter de recevoir en commission des experts. Vous savez parfaitement, et la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne vient de le rappeler avec beaucoup de pertinence, que le point clé à l'intérieur du projet de loi n° 186, c'est le suivant: nous partageons tous ici l'objectif de ramener les jeunes sur le marché du travail. Nous divergeons d'opinions sur une idée: les manières coercitives qui sont dans le projet de loi n° 186, c'est-à-dire les manières punitives que vous avez à l'intérieur du projet de loi n° 186. De nombreux experts ont déjà affirmé: Elles ne marchent pas. Elles ne marchent pas.

Alors, M. le Président, ce serait éminemment nécessaire actuellement pour cette commission d'écouter les gens qui vont venir nous dire: Est-ce que ce qu'on a mis actuellement dans le projet de loi n° 186, ça va permettre d'atteindre l'objectif, ça va permettre de favoriser la réinsertion des jeunes sur le marché du travail ou bien est-ce que les mesures punitives telles qu'on les met dans le projet de loi n° 186 n'ont pas exactement pour effet d'empêcher le retour des jeunes sur le marché du travail?

Il y a des gens qui se sont penchés là-dessus. Camil Bouchard en est un. Pierre Fortin, je me rappelle avoir discuté longtemps avec lui, d'ailleurs, sur l'analyse qu'il faisait sur la réforme de l'aide sociale, c'est quelqu'un qu'il serait important de voir... les mécanismes qui sont mis de l'avant pour atteindre l'objectif de réinsertion des jeunes sur le marché du travail, si les mécanismes qui sont là ont quelque chance de succès. M. Noël dont on parlait tout à l'heure, et la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne vous a lu une partie de son intervention, M. Noël aussi se pose des questions.

Mais, de plus, moi, je pense que l'on devrait... je ne les connais pas, mais l'on devrait inviter ceux de votre parti, M. le Président, ceux de votre parti qui ont réfléchi à votre programme, ceux de votre parti qui ont réfléchi à votre programme et qui ont dit très justement que les manières coercitives, les manières punitives en matière d'aide sociale ne fonctionnent pas. Je suggère que la commission reçoive les rédacteurs du programme du Parti québécois de la campagne de 1994, que la commission reçoive ceux qui ont réfléchi, dans votre propre parti, sur ces questions, qu'ils viennent expliquer à la commission pourquoi très sagement, en 1994, alors que vous allez complètement dans la direction opposée à ce que vous aviez proposé, pourquoi, en 1994, vous vous étiez prononcés en faveur de mesures incitatives et non pas de mesures punitives.

Bon Dieu! Je respecte assez votre propre parti, M. le Président, pour savoir que, lorsque vous faites un programme électoral, lorsque vous arrivez à inclure quelque chose dans votre programme électoral, probablement qu'il y a des gens qui y ont pensé. Et là, à l'heure actuelle, c'est très bizarre, on va exactement dans la direction opposée.

La députée de Saint-Henri–Sainte-Anne vous a rappelé, il y a un instant, et vous a relu les pages de ce programme-là où, réellement, la réflexion qui avait été faite chez vous, dans votre propre formation politique, pour arriver à dire: Les mesures de réinsertion sur le marché du travail des jeunes qui actuellement sont des bénéficiaires de l'aide sociale ne peuvent pas être des mesures punitives parce que les mesures punitives ont l'effet contraire, font en sorte que les gens se désintéressent de plus en plus du marché du travail. Mais, bien au contraire, ce sont les mesures actives, proactives qu'il faut mettre de l'avant pour être en mesure de s'assurer de la réinsertion sociale des jeunes sur le marché du travail.

Alors, vous comprenez bien, de l'autre côté, alors, que vous allez dans une direction totalement opposée, la ministre va dans une direction totalement opposée et à ce que les experts ont dit et à ce que les groupes ont dit en consultation et à ce que votre propre groupe de réflexion à l'intérieur de son propre parti a dit. Bon Dieu! Est-ce que ce ne serait pas le temps, peut-être, de se poser des questions et de se dire: Ce serait peut-être bon qu'au minimum la commission parlementaire les entende? Et c'est ça que, nous aussi, dans l'opposition, on veut, M. le Président.

On n'est pas contre les gens que vous avez invités. On voudrait simplement un certain nombre de personnes supplémentaires pour expliquer pourquoi on va à l'opposé du bon sens, et du bon sens exprimé non seulement par Camil Bouchard, non seulement par M. Noël, non seulement par Pierre Fortin, mais aussi par les experts que vous avez consultés à l'intérieur de votre propre commission politique qui a rédigé votre programme électoral et qui l'a fait adopter à votre congrès, M. le Président.

Ces gens-là ne sont pas des imbéciles. Ce n'est pas parce qu'ils sont péquistes qu'ils sont idiots. Ce n'est pas vrai. Ils ont réfléchi sur la question. Ils ont réfléchi sur la question au point de proposer quelque chose, de dire: On ne peut pas prendre des mesures coercitives, et ces mesures coercitives ne marchent pas. Ils y ont quand même réfléchi, bon Dieu!

Qu'ils viennent ici, en commission parlementaire, dire à la ministre: Nous qui avons réfléchi sur ces questions-là, on doit lui dire que ça ne marche pas. Ça ne marche pas. Et qu'ils lui expliquent. Qu'ils lui expliquent. C'est ça qu'on veut. C'est ça qu'on veut. Bon Dieu! Il y a place au débat politique.

Alors, ce n'est pas ça que vous faites. Vous faites un semblant de consultation. Ceux qui, réellement, ont quelque chose à amener... Et c'est quand même fort que ce soient des gens du Parti libéral qui disent: On voudrait écouter les gens du Parti québécois qui ont rédigé votre programme.

Enfin, c'est nous qui vous demandons d'écouter les gens qui ont fait votre propre programme, parce que votre propre programme est contraire à ce que vous proposez. Alors, on est en train, nous, de demander que les gens de votre propre formation politique viennent nous expliquer le bon sens qu'il y avait dans votre programme, pour venir nous dire: Bon, on va dans cette direction-là. Il y a quand même une limite, M. le Président. Alors, nous – je ne sais pas si vous regardez l'absurde de la question – nous demandons à entendre les gens du Parti québécois parce qu'ils ont réfléchi, parce qu'ils avaient pensé, et pour qu'ils viennent nous expliquer sur quelle base ils avaient pensé, alors que la ministre – probablement avec l'aide de ses fonctionnaires un peu bizarres – s'en va totalement à l'opposé de ce qui était dans votre propre programme, à l'opposé de ce que les experts ont réaffirmé bien des fois, qu'ils ont publié dans les journaux, parce qu'ils ont dit: Ça, les expériences qu'on a eues dans le reste du monde font en sorte que, lorsqu'on oblige, lorsqu'on punit les gens qui ne prennent pas une mesure, ils ne participent pas de plein pied dans les programmes de formation.

Parce que, vous savez, M. le Président, dans un programme de formation, il ne faut pas seulement qu'on s'assoie sur une chaise puis qu'on regarde ce qu'on dit, il faut y participer. Il faut une volonté. Il faut s'engager, et là, à ce moment-là, le programme de formation peut vous être utile. Si vous le faites strictement pour ne pas avoir la pénalité, ça ne sert à peu près à rien.

(16 h 40)

Alors, ce n'est pas seulement nous autres qui le disons, c'est vous autres, vous autres, là, les gens, les experts, vos propres experts qu'on veut entendre, vos propres experts de votre propre formation politique, et les experts aussi qui ont parlé devant la commission: Camil Bouchard, Pierre Fortin, André Noël. Enfin, bon Dieu! il y a assez de place pour pouvoir les entendre, on a du temps, on est en mesure de pouvoir clarifier les choses. Mais non! On nous dit, à l'heure actuelle: On veut rester entre amis pour être sûr qu'on ne va pas nous critiquer. On a déjà eu assez de problèmes. Donc, on ne nous critiquera plus. Je veux simplement entendre ceux des gens qui sont d'accord avec moi. Bon. Correct, là, on ne peut pas dire qu'on a voulu aller chercher loin, on vous dit: Parce qu'on veut entendre les gens de votre propre formation politique, M. le Président. C'est ça qu'on demande.

Vous me dites que mon temps est fini. Je plaide encore à ceux d'entre vous qui se sont fait élire sur le programme de 1994, qui l'avez étudié, qui l'avez voté dans vos congrès. Je vous dis: Bon Dieu! ceux qui ont voté ce programme-là doivent se sentir un peu mal à l'aise de ne pas vouloir entendre ce pour quoi vous avez voté ce programme-là. C'est ça qu'on demande actuellement, parce que vous allez totalement à l'opposé de votre propre programme. Merci.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin au débat. J'arrive, là. C'est bien ça? Je ne me trompe pas? Bon, ça va, très bien. Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote nominal.

M. Boulerice: Alors, M. le Président, vous comprendrez que je vais invoquer l'article 223 en vous demandant de reporter ce vote à la période des affaires courantes de demain, 23 avril.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ce vote par appel nominal sera reporté demain dans le cadre des affaires courantes. Alors, M. le leader adjoint, pour la suite.

M. Boulerice: M. le Président, je vous demande de bien vouloir considérer l'article 3 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, l'article 3 du feuilleton. Est-ce qu'on pourrait me...

M. Boulerice: Je m'excuse, M. le Président. Malheureusement, j'ai peur que vous ayez mal compris. C'est l'article 8 du feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, j'ai bien compris.

M. Boulerice: Ah non! Non, non!

Le Vice-Président (M. Brouillet): J'avais bien compris «3», parce que... Ha, ha, ha!

M. Boulerice: C'est moi! Je m'excuse, M. le Président, si j'ai dit «3»...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, c'est très bien. Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...c'est probablement que je regardais en face: il y avait le chiffre magique de «3».


Projet de loi n° 417


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, M. le leader adjoint. Alors, à l'article 8, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 417, Loi prolongeant l'effet de certaines dispositions de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes. Y a-t-il des interventions?

Alors, M. le ministre, c'est bien. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, je vous cède la parole.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Alors, M. le Président, le projet de loi n° 417 a pour objet de prolonger l'effet de certaines dispositions de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes, de sorte qu'on puisse autoriser la poursuite de cette pratique dans le cadre des projets-pilotes qui ont déjà été approuvés.

Ce projet de loi permettra d'éviter toute rupture dans les services disponibles et permettra aussi de conserver les mécanismes qui encadrent actuellement la pratique des sages-femmes et de donner suite à l'expérimentation de la pratique des sages-femmes qui a cours au Québec depuis quelques années. Ce délai additionnel est nécessaire pour procéder à l'élaboration et à l'adoption d'un cadre légal qui régira cette pratique, conformément aux orientations gouvernementales que nous avons rendues publiques tout récemment avec mon collègue ministre responsable de l'application des lois professionnelles, le ministre de la Justice, Serge Ménard.

Pour mieux saisir le bien-fondé des modifications proposées par ce projet de loi, il convient d'abord de revenir sur le déroulement de cette expérimentation et de se rappeler les termes et les conclusions qui se dégagent de l'application de la loi sur la pratique des sages-femmes. On se souviendra que la loi sur la pratique des sages-femmes a été adoptée à l'unanimité en juin 1990 dans le but d'autoriser, à titre expérimental, la pratique des sages-femmes dans le cadre d'un certain nombre de projets-pilotes; il y en a eu exactement sept. L'Assemblée nationale avait ainsi initié toute une procédure d'évaluation visant à juger de la pertinence, d'abord, de permettre ou non la pratique de sages-femmes et, le cas échéant, de déterminer l'organisation professionnelle de cette pratique et le mode d'intégration de la sage-femme dans l'équipe de périnatalité.

Pour ce faire, un Comité d'admission à la pratique des sages-femmes de même qu'un Conseil d'évaluation des projets pilotes ont été mandatés afin de voir au déroulement de l'ensemble de l'expérimentation et surtout bien sûr d'en évaluer les résultats. Comme le voulait son mandat, le Comité d'admission a procédé à l'élaboration des critères de compétence et de formation des sages-femmes ainsi qu'à l'évaluation de ces dernières, de manière à reconnaître leur aptitude à pratiquer à l'intérieur des sept projets-pilotes encadrés par la loi. Et, dans ce cadre, le Comité d'admission a aussi élaboré un règlement sur les critères généraux de compétence et de formation de même qu'un règlement sur les risques obstétricaux et périnatals.

Le Comité a aussi eu recours à différentes formes d'évaluation pour reconnaître le droit de pratique des sages-femmes, soit des examens théoriques, écrits, des examens cliniques bien structurés, des stages supervisés tant à l'étranger qu'au Québec. Jusqu'à ce jour, c'est près de 70 sages-femmes qui ont été reconnues aptes à pratiquer, et plus d'une quarantaine oeuvrent directement à l'intérieur des maisons de naissance qui ont été approuvées dans le cadre du projet de loi.

Le Conseil d'évaluation, lui, pour sa part, qui agissait en tandem avec le Comité d'admission, en plus d'avoir procédé à l'analyse et à la recommandation de chacun des projets-pilotes, a assuré un suivi spécifique de ces derniers, notamment par le biais de visites annuelles, de rapports d'événements particuliers et de rapports d'activité. En vue de l'évaluation globale de l'expérience, le Conseil d'évaluation a eu recours à de nombreuses sources d'information qui lui ont permis de déposer ses recommandations finales dans les délais prévus, soit à la fin de décembre 1997.

Le Conseil a aussi fait appel à un regroupement de chercheurs qui provenaient de différentes universités afin de procéder à une évaluation très rigoureuse des projets-pilotes. La recherche évaluative consistait en une étude de cas multiples et aussi une étude comparative avec des groupes témoins appareillés. Chaque projet a été étudié en profondeur, et des comparaisons ont été faites entre un groupe de 1 000 femmes suivies par des médecins, selon les modes de pratique habituelle au Québec, et 1 000 femmes suivies par des sages-femmes.

Les constats émanant de cette recherche et des autres travaux ont permis au comité d'évaluation de conclure à des effets en général positifs de la pratique des sages-femmes, en vertu des critères d'évaluation qui avaient été retenus par la loi elle-même. Et les principaux de ces critères sont: l'humanisation de la grossesse et de l'accouchement, la continuité des soins, la prévention de naissances de bébés prématurés ou de faible poids, le recours aux technologies et aux médicaments en obstétrique et l'adaptation des services à des clientèles spécifiques.

Il faut bien croire aussi que toute la question des coûts et de l'efficacité, de l'efficience de la gestion d'une maison de naissance et de la pratique des sages-femmes a aussi été examinée de près. Le Conseil d'évaluation considère que la pratique des sages-femmes, telle qu'expérimentée, a satisfait à toutes les exigences de la loi. Pour lui, l'ensemble des résultats obtenus confirme l'aspect sécuritaire et la pertinence de cette pratique. Dans ce cadre expérimental, les sages-femmes qui oeuvraient dans des maisons de naissance ont suivi et assisté jusqu'à ce jour près de 3 000 grossesses et naissances.

Le Conseil recommande donc de reconnaître officiellement la pratique des sages-femmes au Québec et l'intégration de celles-ci dans des équipes de périnatalité. Il préconise l'articulation des services au niveau de la première ligne dans une perspective qui favorise l'approche d'équipes et la continuité des soins de même que la continuité des services. Il recommande également de reconnaître à la sage-femme un statut de professionnelle autonome, responsable de la continuité des soins qui sont à prodiguer à la mère et à son enfant et responsable aussi de leur orientation dans le système de santé, dans la mesure où d'autres services seraient requis.

(16 h 50)

Au-delà des mécanismes d'encadrement qui étaient prévus pour l'expérimentation, la Loi sur la pratique des sages-femmes a également fixé la séquence du déroulement de l'expérience jusqu'à son échéance. Et, afin de pouvoir planifier les suites à donner, compte tenu de l'échéance de la loi, qui est cette année, le ministre responsable de la Santé et des Services sociaux de même que le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, qui est le ministre de la Justice, devaient déposer au gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre de la loi comprenant l'ensemble des recommandations. Conformément aux exigences de cette loi, des recommandations ont donc été déposées au gouvernement et entérinées par ce dernier.

Les recommandations gouvernementales présentées par moi-même et mon collègue Serge Ménard sont établies sur les recommandations du Conseil d'évaluation des projets-pilotes, elles-mêmes basées sur les résultats de l'expérimentation et sur la recherche évaluative qui a été réalisée et à laquelle j'ai fait référence plus tôt. Elles s'inspirent aussi d'un rapport qui a été fait par l'Office des professions du Québec sur l'organisation professionnelle des sages-femmes. Elles sont également le fruit d'une expertise qui a été développée au fil des ans par le ministère de la Santé et des Services sociaux grâce au suivi régulier des projets-pilotes, entre autres par le soutien à l'implantation et aussi au fonctionnement et au suivi budgétaires.

C'est donc après plus de sept années maintenant d'application de la Loi sur la pratique des sages-femmes et en tenant compte des résultats qui ont été obtenus que le gouvernement a décidé de reconnaître définitivement la pertinence de cette pratique de sages-femmes et que le gouvernement propose qu'elle soit légalisée de façon à confirmer la pleine autonomie et l'entière responsabilité des sages-femmes dans leur domaine d'action, et ce, dans le cadre des soins et des services dispensés par le réseau de la santé et des services sociaux. Après ces années d'expérimentation, nous avons acquis la conviction de la pertinence de cette pratique dont la reconnaissance est réclamée depuis longtemps par les femmes et les familles québécoises; et, quand on dit longtemps, c'est au moins une bonne vingtaine d'années.

Il y a plusieurs éléments distinctifs de cette pratique de sage-femme, notamment la continuité des soins par une même professionnelle, une approche globale et participative avec la femme, le respect des droits de la personne. Il y a aussi une offre de réponse aux demandes de la population quant à l'humanisation des soins et des services par ce type de pratique. Les orientations que le gouvernement a adoptées viennent préserver toutes ces caractéristiques de la pratique de sages-femmes qui ont fait l'objet de l'évaluation et des conclusions dans le cadre des projets-pilotes.

Les sages-femmes, faut bien voir, sont des intervenantes, comme on dit dans le jargon du réseau de la santé et des services sociaux, qui sont centrées sur la normalité, qui assistent la future mère aux différentes étapes, avant, pendant et après la naissance, et qui travaillent dans une perspective qui vise la continuité et l'humanisation des soins de même qu'une utilisation la plus judicieuse possible des technologies que l'on connaît présentement, tout en assurant toute la qualité et la sécurité des soins qui doivent être offerts à la mère et à la famille et à l'enfant.

Elles sont intégrées, les sages-femmes – ce n'est pas une pratique qui est faite sans encadrement – aux services de première ligne du réseau de la santé et des services sociaux et elles collaborent avec d'autres professionnels de première ligne aux besoins de deuxième ligne ou de services surspécialisés par un mécanisme, qui a aussi été évalué, de consultation et de transfert selon le besoin. Les sages-femmes sont donc des intervenantes qui sont compétentes, autonomes, qui savent travailler en équipe, qui sont capables de fonctionner dans différents contextes, qui assistent des femmes qui viennent de différents milieux pour la période qui couvre toute la naissance d'un enfant, et elles sont aussi capables de bien cerner et de bien intégrer les aspects normaux et d'identifier les aspects qui pourraient être pathologiques dans une grossesse, ou en vue de l'accouchement, ou en prévision de la période postnatale.

Nous nous retrouvons donc aujourd'hui à la fin d'une expérience qui est concluante et pour laquelle nous devons assurer une poursuite. Mais, après avoir procédé aux différentes consultations avec tous les partenaires qui sont impliqués dans ce processus, les règles législatives qui viendront encadrer la pratique des sages-femmes seront présentées à l'Assemblée nationale à la session parlementaire du printemps 1999. Il y a une consultation spécifique qui doit encore être menée par l'Office des professions afin de déterminer précisément le type de structure professionnelle à retenir, et on sait que l'Office des professions, en lien avec le Conseil interprofessionnel, a travaillé beaucoup, au cours des deux dernières années, sur un examen de notre système d'encadrement des pratiques professionnelles et que c'est dans le cadre des conclusions et des orientations pour améliorer notre système professionnel que l'Office devra, après consultation, faire des recommandations quant à la structure spécifique de cette nouvelle corporation professionnelle.

Les nouvelles dispositions législatives que nous devrons considérer comprendront donc des éléments qui sont requis pour la reconnaissance de la pratique des sages-femmes à l'intérieur du système professionnel du Québec, devront comprendre aussi les aménagements qui sont nécessaires à l'intégration des sages-femmes au réseau de la santé et des services sociaux, de même que, évidemment, un certain nombre de concordances avec d'autres législations qui existent déjà.

Comme l'échéance de la Loi sur la pratique des sages-femmes est prévue pour septembre 1998 et que les résultats d'expérimentation ont permis de conclure en faveur d'une reconnaissance officielle de cette pratique, les conditions actuelles d'exercice doivent être prolongées d'une année afin qu'on puisse, au terme, en septembre 1999, et d'ici là, éviter un vide juridique et assurer le fonctionnement, la continuation du fonctionnement des maisons de naissance et qu'on puisse maintenir des services aux femmes et aux familles. Parce que la période de temps requise pour mettre en place une nouvelle corporation, compte tenu des délais qui avaient été déterminés par la loi, est beaucoup trop serrée pour que, entre le mois de mars où les orientations ministérielles devaient et ont été données, et la fin de la période prévue dans la loi, en septembre, qui est à peu près six mois... Tous les calculs ont été faits et ce n'est pas possible d'arriver à mettre correctement en place une nouvelle corporation professionnelle dans ces courts délais là.

Alors, le projet de loi n° 417 est simplement un moyen qui va nous permettre d'assurer la continuité de la pratique des sages-femmes jusqu'à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives, à l'automne 1999, et c'est un projet de loi qui a pour objet de permettre tout simplement la prolongation des mécanismes d'encadrement, qui sont le comité d'admission et le comité d'évaluation, du moins pour la partie de leur mandat qui porte sur le suivi de gestion des projets-pilotes.

Le projet de loi n° 417 maintient également le cadre de pratique des projets-pilotes, évidemment, comme seul lieu, pour le moment, de pratique de la profession, et particulièrement le mécanisme des comité multidisciplinaires qui ont pour principale fonction d'élaborer les règles de soins applicables à la sage-femme dans l'exercice de sa pratique, et de contrôler, d'apprécier les actes posés par la sage-femme, d'étudier les plaintes relatives à la pratique ou à la conduite d'une sage-femme. Donc, en fait, tous les mécanismes que l'on met en place quand on crée et qu'on veut voir fonctionner une corporation professionnelle. Et, comme les résultats de l'expérimentation sont maintenant bien connus, que les orientations du gouvernement à cet égard ont aussi été annoncées, les dispositions relatives à l'évaluation et au caractère expérimental de la démarche n'auront pas besoin d'être prorogées.

Ainsi, le projet de loi s'inscrit dans une longue série de démarches visant à reconnaître la pratique des sages-femmes. C'est depuis la fin des années soixante-dix, M. le Président, que des femmes et des familles choisissent les sages-femmes pour répondre à des demandes qui se trouvaient par ailleurs sans réponse quant à la spécificité de la demande de ces personnes. Ces Québécoises veulent être respectées dans le choix qu'elles font entourant la préparation et la naissance de leur enfant, elles désirent une plus grande humanisation dans les soins et les services qui accompagnent la venue d'un enfant dans une famille et elles veulent aussi choisir, parmi les professionnels de la santé, les types et des services plus spécifiques de même que des lieux d'accouchement.

Si le projet de loi n° 417, qui est soumis à l'adoption de l'Assemblée nationale, marque la fin du dernier épisode qui a été entrepris et amorcé en 1990 – et, encore une fois, je pense que c'est important de se le rappeler, à la suite d'une décision unanime de l'Assemblée nationale quand a été votée la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes – ce projet de loi représente beaucoup plus. Avec les orientations ministérielles auxquelles j'ai référé précédemment, ce projet de loi est vraiment un fer de lance de la continuité, de la reconnaissance officielle de la pratique de sage-femme au Québec.

(17 heures)

Et j'ajouterai en terminant qu'il est bon de rappeler à cette Assemblée que cette loi qui a été adoptée au Québec, était le cheminement d'une longue période de réflexion et de discussions et que, si l'unanimité de l'Assemblée nationale ne reflétait pas à cette époque une unanimité nécessairement parmi tous les intervenants et toutes les personnes qui ont été impliquées, on a vu, au cours de ces neuf dernières années, un cheminement remarquable de la part de tous les professionnels, de tous les gens qui sont impliqués. Et maintenant, si on ne peut pas parler d'unanimité, je pense qu'on peut parler sans se tromper d'un consensus très important qui s'est manifesté d'ailleurs par une réception très, très, très favorable de l'ensemble des personnes quant aux conclusions, recommandations de l'évaluation et quant aux orientations ministérielles qui ont été déterminées dans les mois qui ont suivi la fin de l'évaluation.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit, M. le Président, que ces conclusions positives qui ont accompagné la démarche de l'évolution de ce dossier vont permettre que ce consensus qui se dégage sera un gage de succès pour l'intégration de la pratique des sages-femmes dans notre réseau de la santé, et cela, pour le plus grand bénéfice des femmes qui souhaiteront recourir à leurs services. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir de prendre la parole concernant le projet de loi n° 417, Loi prolongeant l'effet de certaines dispositions de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes, «Bill 417, An Act to extend the effect of certain provisions of the Act respecting the practice of midwifery within the framework of pilot-projects».

M. le Président, le ministre vient brièvement de dresser un tableau historique vu du point de vue du ministère de la Santé et des Services sociaux de ces projets-pilotes et de la pratique des sages-femmes au Québec. Je dois dire que j'ai la chance d'avoir été président de l'Office des professions du Québec pendant tout le temps que ces projets-pilotes ont été mis en place et je connais un peu plus de détails que le ministre là-dessus et certainement plus de détails que ses fonctionnaires ont bien voulu lui laisser savoir.

Alors, ça va me faire plaisir, dans un premier temps, de regarder attentivement les dates qui sont ici fixées, les analyser à l'ombre des excuses, des prétextes et des arguments que le ministre vient de présenter, et je vais me permettre, M. le Président, de faire justement un historique de ce dossier-là. On laissera les gens qui nous écoutent tirer leurs propres conclusions sur la validité de l'argumentation que vient de développer le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Rappelons, M. le Président, que, dans la note explicative du projet de loi n° 417, il est prévu ce qui suit: «Ce projet de loi prolonge l'effet de certaines dispositions de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes en vue d'autoriser la poursuite de la pratique des sages-femmes – "so far so good" – dans le cadre de projets-pilotes déjà approuvés – "not so good".»

M. le Président, ce que le projet de loi fait, c'est que ça remet au 24 décembre 1999, tout au plus. On dit que les dispositions «continuent d'avoir effet jusqu'au 24 septembre 1999 ou jusqu'à une date qui sera fixée par décret du gouvernement et qui ne peut être postérieure au 24 décembre 1999». Vous savez comme moi, M. le Président, que la dernière élection générale au Québec a eu lieu le 12 septembre 1994. Par pur hasard, avec cette date-ci, on est tout simplement en train de se remettre, de se référer à une date qui est postérieure à la limite maximale de cinq ans pour une vie parlementaire, un mandat parlementaire plein.

M. le Président, j'ai écouté toutes les explications du ministre tantôt et j'ai cherché, j'attendais avec impatience une indication de sa part d'une seule chose, ce n'est jamais venu. J'attendais une indication de la raison pour laquelle son gouvernement refuse de reconnaître la pratique des sages-femmes comme profession autonome aujourd'hui, dès aujourd'hui. Car il prétend que, toutes les expériences ayant été concluantes, il y a une petite chose qui bloque maintenant, et j'ai pris ses paroles mot à mot, il dit: Ce n'est pas possible de tout mettre en place dans ces courts délais. C'est ça l'argument du ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. le Président, c'est de bonne guerre, lorsque ces questions-là sont débattues dans cette Chambre, de notre côté, il y a des arguments qui sont développés pour réfuter les prétentions du gouvernement. Et on a souvent entendu le terme «technocrate» utilisé pour décrire l'attitude et le comportement du ministre. Je vais me permettre de partager avec vous et avec les gens qui nous suivent une petite anecdote concernant le travail de l'actuel ministre du temps qu'il était l'auteur d'un rapport qui porte son nom et qui concernait les services de santé et les services sociaux au Québec et leur révision, leur réforme, la refonte de leurs structures et la manière de livrer les services.

L'actuel ministre est venu nous rencontrer à l'Office des professions du Québec, et on a été fort surpris de plusieurs des éléments contenus dans son célèbre rapport. Il est venu avec une personne que l'on connaît bien à Laval, d'ailleurs maintenant, parce qu'il est aujourd'hui le directeur général de la régie régionale à Laval et on le voit assez souvent. C'était un de ses proches collaborateurs pour le rapport.

Les membres de l'Office des professions du Québec avaient des questions plutôt serrées pour le ministre de la Santé et des Services sociaux. Les questions visaient surtout à savoir comment ça se faisait qu'il voulait vraiment chambarder le système des professions au Québec, un système qui a, par ailleurs, fait ses preuves et qui est, en fait, copié dans plusieurs juridictions en Amérique du Nord. Et l'actuel ministre, avec toute la candeur qu'on lui reconnaît, nous a regardés et dit: Bien, on a rencontré votre staff, et votre staff nous a expliqué que c'était un peu ça, l'avenir des professions au Québec, puis on a mis ça dans le rapport. C'est mot à mot ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux nous a dit lors de cette rencontre. Ça nous avait vraiment frappés.

Moi, je me souviens, ça m'avait marqué. Je me suis dit: Comment ça se fait que quelqu'un d'aussi intelligent, d'aussi bien instruit – doctorat en médecine communautaire de l'Université Harvard – comment ça se fait que quelqu'un avec autant d'expérience peut arriver et dire: Bien, écoutez, on a rencontré votre personnel, et c'est eux qui nous ont dit que c'est un peu comme ça qu'ils voulaient diriger le système professionnel québécois? Ça ne m'a pas surpris, par contre, M. le Président, une fois que j'ai été rendu ici, de voir à quel point cette vision informée – c'est le bon terme, «informée», dans ce sens que ça a reçu sa forme – par cette vision bureaucratique, machinale, technocratique, bien, que ce soit ça qui imprègne tous les dossiers que touche l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux.

Alors, voilà, ici, en Chambre, cet après-midi, M. le Président, au mois d'avril 1998, avec tout le sérieux du monde, cet homme compétent, extrêmement instruit, très expérimenté, qui est notre ministre de la Santé et des Services sociaux, veut faire croire à la population que ce sont des petites difficultés d'ordre technocratique, bureaucratique... Pour reprendre son terme et ses termes exacts, ce n'est pas possible dans ces courts délais de donner vie à une structure qui permettrait aux sages-femmes d'avoir la même chose que toutes les autres professions au Québec.

Bien, j'ai des nouvelles pour le ministre de la Santé et des Services sociaux. Ça a été possible dans le cas des acupuncteurs. Malgré des difficultés énormes qu'on a rencontrées, il y a aujourd'hui un ordre professionnel d'une pratique exclusive qui régit les activités des acupuncteurs. Et c'était un dossier avec des pièges et des difficultés qui a duré pendant des années. Il y avait des clans là-dedans. Il y avait, croyez-le ou non, les centrales syndicales qui avaient commencé à s'immiscer là-dedans. Elles avaient formé des syndicats professionnels. Et c'est incompatible, M. le Président. Une profession vise une seule chose, la protection du public, alors qu'un syndicat vise la promotion et la protection des intérêts socioéconomiques de leurs membres. Alors, on n'est pas là pour défendre les intérêts des membres lorsqu'on paie une cotisation, que ça soit au Barreau ou à l'Ordre des psychologues. Le psychologue qui choisit, qui adhère librement à son ordre professionnel une fois la formation requise est en train, au contraire, juste de s'engager à respecter un code de déontologie, a beaucoup plus d'obligations, mais, en même temps, cette même personne qui devient membre est en train d'avoir le droit exclusif d'utiliser un titre réservé.

(17 h 10)

Je mets le projet de loi n° 417 en rapport avec un autre projet de loi qui est devant cette Assemblée en ce moment, M. le Président. C'est un autre projet de loi relativement anodin présenté par le ministre de la Justice qui est en même temps ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Le ministre de la Justice présente un projet de loi qui permettrait dorénavant au gouvernement et non pas à l'Assemblée nationale – les gens confondent souvent les deux... On dit le gouvernement a adopté une loi, mais en fait vous savez qu'un gouvernement n'adopte pas une loi; le parti au pouvoir qui peut proposer des lois peut espérer qu'avec sa majorité elles seront adoptées par l'Assemblée nationale. Mais il y a actuellement un projet de loi qui viserait à permettre au gouvernement, c'est-à-dire au pouvoir exécutif, de venir faire des fusions dans les ordres professionnels.

Pour avoir déjà vu des cas où, si vous me passez l'expression, des petits bouts dépassaient, si on est dans le domaine de la gestion des affaires puis il y a tel groupe qui veut absolument être reconnu comme encore un autre ordre professionnel, on essaie d'être le plus flexible possible en intégrant de nouveaux groupes à un groupe existant. On fait une sorte de quasi-spécialisation là-dedans. On réussit à trouver un moyen, parce qu'il ne faut pas non plus avoir une prolifération d'ordres professionnels, d'entités qui régissent une activité professionnelle au Québec. Il ne faut pas arriver au point où on est rendu aux États-Unis, M. le Président, où l'organisation qui s'appelle The Council on Licensure Enforcement and Regulation vient de publier sa liste de l'ensemble des différentes occupations et professions qui sont réglementées aux États-Unis et, vous savez quoi, M. le Président? Il y a au-delà de 1 000 activités professionnelles différentes aux États-Unis, qui requièrent un permis, une licence de pratique quelconque. C'est là où on est rendu. Alors, évidemment on tente, autant que faire se peut, de le réduire, de limiter le nombre de professions.

Quand j'ai vu le projet de loi proposé par le ministre de la Justice passer une première fois, ma réaction a été de dire: Oui, c'est effectivement peut-être quelque chose de très utile pour le gouvernement de disposer de ce genre de pouvoir là, il ne faut pas être toujours obligé de revenir devant l'Assemblée nationale pour modifier les lois si effectivement ça fait l'objet d'un consensus.

Quelle fut donc ma surprise et mon inquiétude de lire un excellent article par quelqu'un de l'ordre des psychologues, paru dans le journal La Presse hier, dans lequel il dit qu'à son point de vue il est extrêmement dangereux d'adopter le projet de loi proposé par le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, le ministre de la Justice, parce que ça va permettre d'embrigader une telle personne qui n'a pas du tout la même formation que les psychologues et par la même occasion d'édulcorer, de diminuer la valeur du titre réservé dont ils font la promotion et dont ils s'enorgueillent à juste titre depuis plus d'une génération au Québec.

Alors, c'était très intéressant de voir comment les gens du milieu réagissaient, parce que ça fait partie de l'analyse du ministre de la Santé et des Services sociaux lorsqu'il parle des sages-femmes.

Il nous évoque le CIQ, le Conseil interprofessionnel du Québec, en même temps qu'il nous évoque le besoin d'obtenir un avis de l'Office des professions du Québec. Si c'est vraiment ça, la pierre d'achoppement, le ministre de la Santé et des Services sociaux devrait avoir honte, parce que c'est lui, le ministre, c'est lui qui est responsable, c'est lui qui revient devant cette Chambre aujourd'hui et dit: Écoutez, donnez-moi une autre date, par pur hasard une date qui est au-delà de la date maximale de cinq ans pour la vie de ce Parlement.

Il nous dit par ailleurs que les règles législatives en question ne seront pas prêtes avant le printemps 1999 – c'est ce qu'il nous a dit tantôt – et que ça va faire l'objet d'une analyse en consultation publique. Vous voulez savoir la réalité de ces consultations là, au stade où on est rendu avec le Conseil interprofessionnel et l'Office des professions du Québec, M. le Président? Ce à quoi le ministre faisait référence tantôt, c'est une vision qui est prônée par des gens qui sont en place à l'heure actuelle à l'Office des professions, et ils voudraient refondre le système professionnel en calquant le modèle de la province de l'Ontario.

L'ironie là-dedans, c'est que l'Ontario avait justement, il y a une dizaine ou une quinzaine d'années, dans le domaine de la santé seulement, calqué certains éléments clé du Québec, à ceci près. Ils avaient décidé, pour toutes les professions à exercice exclusif, d'arriver à une sorte de définition de tâches, une sorte de manière de décortiquer ce que c'est la pratique d'un médecin, ce que c'est la pratique d'un chiropraticien, ce que c'est la pratique d'un physiothérapeute.

C'est des détails assez extraordinaires parce que c'est une question de savoir qui peut diagnostiquer, qui peut traiter. Il y a une distinction entre les chiros et les physiothérapeutes justement, qui avait plutôt tendance à faire sourire, M. le Président, et je vous passe les détails, ici, en Chambre, c'est l'heure du souper et les gens nous écoutent. Mais je dois vous dire, M. le Président, que le ministre a tort lorsqu'il fait référence au Conseil interprofessionnel du Québec et à l'Office des professions du Québec comme étant des gens qui vont accélérer le processus dans le cadre de cette réforme qui est proposée par l'Office des professions du Québec. Ce n'est pas vrai, ça, pour une bonne et simple raison, c'est que le projet de loi dont il parle, qui viendrait seulement au printemps 1999, ne saurait jamais être informé par l'adoption du projet de l'Office des professions, ce projet-là fait l'objet d'une obstruction systématique de la part de sept des professions les plus importantes au Québec, avec raison, à mon point de vue, parce que c'est un projet qui n'a aucun bon sens et que c'est un projet, justement, qui peut peut-être avoir une certaine manière de fonctionner dans le domaine de la santé, mais, si on doit commencer à faire la distinction entre ingénieurs, architectes, technologues, si on doit essayer de faire la distinction entre un comptable général licencié, un comptable en management puis un C.A., puis commencer à écrire ça noir sur blanc et essayer de définir qui peut, dans quel contexte, donner un conseil, alors que, à l'heure actuelle, avec la rédaction qu'on connaît, on est capable d'aboutir à quelque chose... Même s'il il y a parfois des chicanes, ça marche à l'heure actuelle. Ce projet de l'Office des professions du Québec ne verra jamais le jour sous forme d'un projet de loi, certainement pas avec l'actuel gouvernement. Le signal a été donné extrêmement clairement par le premier ministre quand, avant Noël, il a annoncé: Fini les grandes réformes d'ici les prochaines élections.

Alors, qu'est-ce qu'il faut retenir de ce que nous a dit tantôt le ministre de la Santé et des Services sociaux? Quand il est venu ici pour nous dire – et je le cite encore – que ce n'est pas possible, dans ces courts délais, ce n'est pas exact, M. le Président. S'il y avait une volonté, dans le gouvernement du Parti québécois, de faire en sorte que la pratique des sages-femmes au Québec soit reconnue et réglementée comme toutes les autres professions, on aurait trouvé le moyen de le faire, on n'aurait pas cherché, en catimini, à repousser la date qui était effectivement entendue. Il y a plus de cinq ans, six, sept ans, si ma mémoire est bonne, que ça fait que c'est en chantier, ça. Il y a eu des experts qui ont été embauchés, des gens qui sont venus de Belgique, d'Angleterre, des gens, des femmes extraordinaires que j'ai eu l'occasion de côtoyer, avec qui on a travaillé, qui ont fait un travail merveilleux pour structurer les projets-pilotes, pour s'assurer que les résultats soient valables, pour s'assurer que personne ne puisse critiquer le travail comme quoi il y avait un parti pris. Mais le ministre arrive aujourd'hui, il dit: Ce n'est pas possible dans ces courts délais. Tout le monde connaît les dates depuis le début. C'est quoi, cette histoire-là de venir, aujourd'hui, dire: Ce n'est pas possible dans ces courts délais?

Moi, je me souviens M. le Président, quand les premières tentatives de mettre en place une structure pour faire les projets-pilotes, quand ces tentatives étaient en train d'être élaborées, justement à l'Office des professions en collaboration étroite avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, avec le ministre d'alors, bien, ça, ça arrivait, puis on nous demandait de commenter comment ils avaient entrevu ça. C'est leur réseau, après tout, il fallait adapter les projet-pilotes à différentes réalités dans le réseau. Donc, la première main appartenait aux gens du ministère de la Santé et des Services sociaux. On recevait en vrac une série de propositions, un projet tout défini, on commençait à réagir dessus. On avait plusieurs interrogations, on se demandait s'ils avaient tenu assez compte des réalités du système professionnel, justement pour éviter le genre de problème qu'on a aujourd'hui, s'assurer que, le jour venu, il n'y aurait pas de difficultés si ça concluait à l'opportunité de créer une nouvelle profession.

On a reçu, M. le Président, je me souviens fort bien – ça nous avait marqués à l'Office des professions à l'époque – trois projets différents la même semaine, trois projets aussi différents les uns des autres que l'on puisse imaginer, émanant tous du même ministère en dedans d'une semaine, et ça ne réagissait même pas aux autres critiques ou commentaires qui avaient pu être formulés, c'était autogénéré à l'intérieur de cette machine bureaucratique qu'est le ministère de la Santé et des Services sociaux.

(17 h 20)

Alors, nous voilà aujourd'hui, M. le Président, dans l'Assemblée nationale, on est face à un ministre qui prétend que ce n'est pas sa faute, qu'il ne peut rien faire, qu'en fait c'est juste pas possible dans ce court délai. C'est comme si quelqu'un, hier matin, était arrivé dans son bureau et lui avait dit: Devine quoi! Il y a un délai qui est inscrit pour les sages-femmes, et on ne l'a jamais vu. Il va falloir faire quelque chose. Le délai est inscrit à un endroit on ne peut plus public, M. le Président: c'est dans un projet de loi dûment adopté, devenu loi de l'Assemblée nationale du Québec.

La manière de procéder dans les projets-pilotes, personne n'est en train de mettre ça en cause. Au contraire, je les ai vus – si vous me passez l'expression – naître, les projets-pilotes, j'étais là. Il y avait une bonne volonté de part et d'autre. Le ministre l'a dit tantôt: il y avait unanimité à l'Assemblée nationale. Donc, il soulève l'unanimité, sans doute dans l'espoir de nous convaincre qu'aller contre le projet de loi n° 417 pourrait être interprété comme étant une sorte de bris de cette unanimité. Mais le fait est, M. le Président, que c'est le projet de loi n° 417 qui brise l'unanimité, c'est le projet de loi n° 417 qui brise la parole donnée aux femmes du Québec qui désirent avoir le droit – qui leur revient d'ailleurs – de choisir la forme d'accouchement, l'intervenante qui va les accompagner, et parole donnée aux sages-femmes qui ont tout fait.

M. le Président, je me souviens de certaines réunions. Il y avait, parmi les sages-femmes, certaines qui avaient fait toutes les batailles. Le ministre a évoqué un débat, une discussion qui dure depuis une vingtaine d'années. Il n'a pas tort. Là-dessus, il n'a pas tort. Ça fait à peu près ça, une vingtaine d'années, qu'au Québec il y a un débat de fond sur le rôle des sages-femmes dans notre société. Et, oui, il fallait s'assurer que les projets-pilotes soient crédibles, il fallait s'assurer que les mesures soient valables. Personne qui a déjà vu un enfant qui est né en ayant été privé d'oxygène et qui souffre des conséquences de ça tout le restant de sa vie ne peut penser pour une seconde que quiconque dans cette Chambre, de part ou d'autre, souhaiterait mettre en place un système qui soit autre que le plus sécuritaire qu'on puisse réaliser dans notre monde aujourd'hui. C'est sûr que tout le monde s'entend là-dessus.

Le ministre n'est pas en train de parler à ce niveau-là, par contre, M. le Président. Le ministre est en train de parler strictement au niveau de la machine bureaucratique et de ce que cette machine est capable de livrer en temps voulu. Plutôt que de venir ici en Chambre et dire qu'il n'a pas d'autre choix, le ministre aurait dû assumer ses responsabilités et donner les coups de pied dans le derrière là où il le fallait, si les gens ne sont pas capables de livrer la marchandise en temps voulu. C'est faux de dire que ce n'est pas possible, dans les délais impartis, de trouver une solution.

Je lui ai donné tantôt l'exemple des acupuncteurs. Ça a été une bataille épique, les acupuncteurs. Il y avait des gens de part et d'autre dans ce dossier-là. C'était extrêmement difficile, M. le Président, d'essayer de concilier les différentes parties dans le dossier des acupuncteurs, mais ça a été fait. Dans le dossier des sages-femmes, il n'y a aucune raison valable, et je cite une partie de l'administration que je connais très bien. J'ai déjà vu des ministres responsables de l'application des lois professionnelles, de concert avec leurs collègues dans le dossier afférent, que ça soit à l'Éducation, que ça soit à la Santé, que ça soit à la Justice... On a vu naître dernièrement une nouvelle profession, l'Ordre des huissiers, qui a été créée par le gouvernement actuel, et on les a soutenus là-dessus. Ça a été une très bonne décision. Ça aussi, c'est un exercice exclusif, ça. Ça s'est fait sans aucune difficulté.

On pourrait prétexter que le nombre n'est pas suffisant. C'est vrai qu'il n'y a pas un nombre énorme de sages-femmes qui sont prêtes à y aller. Vous savez combien il y a de podiatres au Québec, M. le Président? Il y en a à peu près une centaine, et ça vit, comme profession. Est-ce qu'on doit utiliser l'Office des professions comme une sorte – j'ai peut-être une drôle d'image dans le contexte, mais je vais l'utiliser pareil – d'incubateur, une manière de leur donner un support technique ou autre, le temps que ça puisse faire ça avec la même autogestion, parce qu'il y aura suffisamment de ressources? Peut-être.

Est-ce qu'il faut subventionner? Ça, c'est une question qui intéresse au plus haut point notre ministre de la Santé et des Services sociaux. On a tous participé, cet après-midi, à son show, lorsqu'il a pris la lettre présentée par mon collègue le député de D'Arcy-McGee, qui avait voulu savoir comment il se faisait que le ministre de la Santé et des Services sociaux avait donné une subvention de 100 000 $, pas pour démarrer un nouvel ordre des sages-femmes; non, ça, ce n'est pas possible dans ces courts délais. C'était pour donner à son bon ami le Dr Roch Bernier, un de ses amis de classe, l'actuel président du Collège des médecins, une subvention de 100 000 $. C'est intéressant parce que son collègue le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, quand, lui, il était en train de travailler avec son ministère – le ministre de la Justice, c'est lui qui est responsable des professions au Québec – sur un dossier important avec la Chambre des notaires, puis il fallait justement donner des sous pour démarrer quelque chose, pour faire une analyse et mettre en place un projet, le ministre de la Justice, et c'est tout à son honneur, a dit: Pas question qu'un ministre subventionne un ordre professionnel. C'est la leçon qu'a rappelée dans des termes extrêmement clairs M. le juge Tellier.

Le ministre n'a pas l'air de connaître le jugement, de connaître peut-être le résultat, mais je suis sûr qu'il n'a pas encore eu le temps, avec son travail, de prendre connaissance de tout ce qui lui est adressé comme information par le juge Claude Tellier de la Cour supérieure dans le jugement récent concernant cet anesthésiste hautement qualifié, mais qui, de connivence avec son ministère et le Collège des médecins, a été exclu illégalement, conclut le juge Tellier, de la pratique médicale au Québec.

Le juge Tellier dit, là-dedans – je vais vous donner une citation exacte, M. le Président – qu'«il incombe au ministère de la Santé et des Services sociaux d'exercer ses fonctions de façon autonome et exclusive, et ce, à l'abri de toute influence externe», influence externe typifiée par la réception d'une subvention de 100 000 $ payée directement par le ministère de la Santé et des Services sociaux au Collège des médecins. Le ministre s'est amusé cet après-midi, il a lu la lettre: Oui, je vais en faire autant.

Je vous mets au défi, M. le Président, de trouver une phrase plus bureaucratique et plus vide de sens que le titre de cette subvention-là: Projet sur l'élaboration et l'application de lignes directrices pour l'optimisation des pratiques médicales. C'est de toute beauté, ça, hein? Je suis sûr que tout le monde qui nous écoute vient de comprendre exactement de quoi il s'agit, les 100 000 $ que le ministre a donnés au Collège des médecins.

Mais, quand on voit, à répétition, le Collège des médecins, du moins son président actuel, pour le moment, Roch Bernier, voler à la rescousse du ministre de la Santé et des Services sociaux... Il y a eu des morts. Il y a des médecins qui les ont dénoncés. Est-ce qu'on a demandé au coroner de faire le rapport? Non. À répétition, le ministre de la Santé et des Services sociaux a demandé au Collège des médecins de faire des enquêtes. Quand j'ai vu ça passer, la première fois, je me suis dit: C'est une drôle de bibite, ça. Le Collège des médecins, si on ouvre la loi... Ça fait quoi dans la vie, ça, un ordre professionnel? Le Code des professions dit: Un ordre professionnel, ça existe pour protéger le public. Bon. Ça fait quoi? Ça détermine qui a les compétences requises pour devenir membre de la profession, ça émet les permis, ça protège le public en faisant de l'inspection professionnelle, ça fait de la discipline, si jamais il y a une plainte contre la personne. C'est ça que ça fait, un ordre professionnel.

(17 h 30)

Je trouvais ça drôle que, d'un coup, le Collège des médecins avait l'air d'être là non pas pour la protection du public, mais pour la protection du ministre. Quand je l'ai vu, la première fois, je l'ai trouvé curieux. Je me suis dit: Bon, il a décidé de fonctionner comme ça, celui-là. C'était drôle. Je l'ai vu une autre fois, puis le même... Ça lave blanc, ça, hein? Ça fait bien: Le Collège des médecins donne raison au ministre. C'est bien, ça, le monde peut le croire. Sauf que ce qui est intéressant, et ça, c'est le bout que le ministre a oublié de lire aujourd'hui, je vais me faire un plaisir de le lui lire: «Un premier versement de 50 000 $ vous sera transmis dans les prochaines semaines pour le démarrage des travaux – on est le 9 janvier 1997. Un deuxième versement de 40 000 $ sera effectué à la fin de la première année d'opération sur réception d'un rapport d'étape rendant compte des activités réalisées et de l'utilisation des sommes engagées dans le projet – ah! c'est intéressant. Un rapport semblable devra aussi être produit pour rendre compte de la deuxième année d'opération du projet. Le dernier versement de 10 000 $ sera conditionnel au dépôt de ce rapport.»

Pendant que le Collège des médecins était en attente de son autre 50 000 $, c'est là où le ministre a demandé un autre rapport du Collège des médecins et c'est là où, par hasard, le Collège des médecins a décidé qu'il fallait tourner la page. Et le titre – c'est du journal Le Devoir , pas de moi: Le Collège blanchit Rochon . C'est du jamais vu, ça, dans l'histoire des professions au Québec. C'est comme si le ministre de la Justice avait demandé au Barreau de déterminer si le ministre de la Justice avait agi bien dans tel, tel dossier puis que, tout d'un coup, on apprenait que le ministre avait sa main dans la poche du Barreau, puis que le Barreau avait la main tendue comme ça, puis qu'il y avait un petit 100 000 $ qui passait comme ça entre le ministre puis le Barreau. Le monde dirait: Bien, c'est quoi, cette bébelle-là?

Mais c'est ça qu'on a avec nous aujourd'hui, M. le Président, on a un ministre de la Santé et des Services sociaux qui semble n'être vraiment pas au courant de l'importance, dans une société de droit, dans une société où on est régi par des lois, de respecter l'autonomie, l'indépendance, la sphère d'action, la juridiction et la compétence de nos institutions dont font partie les ordres professionnels.

Et c'est pour ça que, de notre côté, on se sent un peu dans une situation difficile, parce que, d'un côté, si on dit qu'on ne marche pas avec le projet de loi n° 417, le ministre va pouvoir se tourner et dire: Ah! bien, vous voyez, ils ne voulaient même pas prolonger les projets-pilotes. Ce n'est pas qu'on ne veut pas prolonger les projets-pilotes, c'est qu'on veut que la pratique des sages-femmes au Québec soit reconnue, tel que prévu si les projets-pilotes étaient concluants. Ils l'ont été, M. le Président. Les projets-pilotes ont été concluants. C'est ce que beaucoup de gens espéraient, c'est ce que d'autres pensaient qui n'aurait jamais lieu, mais, oui, les projets-pilotes ont conclu que la pratique de sage-femme avait sa place au Québec.

Et je tiens à rendre hommage à toutes ces femmes, à toutes ces praticiennes, sages-femmes tenaces, patientes, compétentes, capables, qui n'ont pas lâché, à toutes ces mères qui, suite à un accouchement à l'aide d'une sage-femme, ont milité – c'est le bon terme, M. le Président – ont milité pendant des années et des années et des années avec des gouvernements successifs à Québec pour obtenir ce qui devait leur être donné maintenant. À la place de ça, elles doivent supporter à nouveau le report de l'échéance. Pourquoi? Bien, le ministre nous l'a dit tantôt, la seule raison qu'il était capable de nous donner, c'est: Ce n'est pas possible dans ces courts délais.

Non, M. le Président, de notre côté, on n'achète pas ça. Non, pour ma part, très personnellement, je sais que c'était tout à fait possible dans les délais impartis. Mais, si on regarde l'indication qui a été donnée par le premier ministre qui a dit: Plus de réformes importantes, si on regarde le prétexte que, bien, il n'y a pas suffisamment de sages-femmes encore, qu'il y a trop de détails techniques qui ne sont pas encore réglés, et si on regarde le fait que le ministre est capable quand même de trouver 100 000 $ quand ça fait son affaire pour avoir ce qu'il veut quand il veut avec le Collège des médecins, ça ouvre la porte sur une autre question, très importante celle-là.

Est-ce que la raison pour laquelle le gouvernement du Parti québécois désire intervenir encore une fois avec une loi pour dire aux sages-femmes, pour dire aux femmes du Québec: Pas tout de suite, pas encore, pas prêt, on ne peut pas, ce n'est pas possible dans ces courts délais, est-ce que la raison pour ça, c'est que le ministre veut éviter pour lui-même et pour son gouvernement quelque embarras que ce soit avec les résistances tout à fait normales et prévisibles qui viendront de certains milieux, notamment du milieu médical? Est-ce qu'il y a un «deal» qui a été fait: Écoute, on ne te donnera pas trop de troubles, remets ça au moins à un an?

Ça ferait l'affaire du gouvernement, ça aussi, parce que le gouvernement n'est pas obligé de traiter avec, à ce moment-là. Le gouvernement est dans une situation où il peut dire: Il y a consensus. Le ministre s'est levé à l'Assemblée nationale. Il a expliqué qu'il fallait remettre ça. Il fallait remettre ça parce que ce n'est pas possible dans ces courts délais.

Puis j'imagine, M. le Président, qu'il y a pas mal de monde qui aurait acheté ça. Il y a pas mal de monde qui aurait dit: Bien, ça a marché. Il a sorti ses communiqués de presse, il a eu ses titres dans les journaux, il y a eu tel changement dans l'optique au Collège des médecins qu'il faut interpréter, comparer à leur ancienne position. Le ministre a réussi tout ça. Parce que, s'il y a une chose qu'un ministre a – celui-ci n'est pas une exception – c'est une bonne machine de relations publiques. Alors, le ministre est toujours capable de faire des communiqués de presse pour dire: Ça s'en vient, les bonnes décisions ont été prises.

Mais, au lieu de saisir l'Assemblée nationale d'un projet de loi qui s'intitulerait «projet de loi créant l'Ordre des sages-femmes du Québec», on a une de ces phrases bureaucratiques qui sont vraiment la marque de commerce de notre ministre de la Santé et des Services sociaux: Loi prolongeant l'effet de certaines dispositions de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes. Et c'est là où ça va rester pour l'avenir prévisible. Il n'y a aucune volonté de trouver une solution qui aurait permis aux sages-femmes de jouir de la même reconnaissance, du même statut, des mêmes droits et, bien sûr, des mêmes obligations que les autres professions à exercice exclusif au Québec, M. le Président.

On le voit quand on regarde et on écoute attentivement les explications fournies par le ministre tantôt. J'écoutais un long laïus sur l'historique du dossier: la création des projets-pilotes, les comités qui ont été mis en place pour donner suite à ça. Une longue explication, mais ça a pris, bof, un bon 15 minutes pour que le ministre passe à travers ce bout-là. Puis j'étais là, j'attendais impatiemment. Je me suis dit: Oui, mais pourquoi il est en train de remettre ce qui était prévu? S'il est capable d'expliquer pendant 20 minutes tout le cheminement, c'est qu'il y a au moins une personne au ministère qui savait la date. Au moins, la personne qui lui a écrit ses notes, cette personne-là savait que la date s'en venait même si le ministre l'ignorait.

Alors, pourquoi se lever en Chambre et nous dire tout cet historique pour arriver à la conclusion qu'on remet encore? Ce n'est pas qu'on remet une première fois, on remet encore la reconnaissance de la pratique des sages-femmes. Parce que, au moment des premières discussions, il y a eu une forte tendance de dire: La meilleure manière de procéder – ça, c'était fin 1989 – était par la reconnaissance illico d'une nouvelle profession. Il y a eu les élections de 1989. Il y avait eu un premier projet.

Et, après ça, on avait décidé, le Parlement avait décidé que la meilleure manière de procéder, c'était par le biais de projets-pilotes. Quand on dit projets-pilotes, on dit quoi? On dit: On va faire ça dans un cadre où on peut expérimenter la pratique et on peut mesurer les résultats pour voir si c'est concluant ou pas, pour voir si ça représente des dangers ou pas. Et le ministre a raison de dire que, suite à tout ce travail-là, on pouvait conclure qu'il n'y avait pas de danger.

(17 h 40)

Tout ce qui manque dans les conclusions, M. le Président, c'est la reconnaissance des sages-femmes comme profession. Peu importent les modalités ou, comme le dirait M. Parizeau, les technicalités ou les dispositifs mis en place, il n'en demeure pas moins que les sages-femmes ont déjà donné assez longtemps, qu'elles font tout ce qui est demandé d'elles: Passez par ici, on va vous examiner, on va vous tester, on va voir si vous êtes aptes à faire partie des projets-pilotes, on va voir si votre formation est équivalente à, on va voir plein de choses.

Pas de problème. Avec un stoïcisme admirable, elles s'y sont appliquées: Oui, j'ai telle formation; oui, il manque tant d'heures dans telle chose, pas de problème; oui, vous voulez avoir un règlement indiquant quand on doit référer en médecine, on va l'adopter, on va le travailler ensemble, on va réduire les risques, travailler dans le cadre de ces projets-pilotes-là; vous ne voulez pas qu'on accouche à domicile... Pourtant, pour beaucoup de femmes, c'était la raison principale pour laquelle elles avaient recours à des sages-femmes, pour pouvoir accoucher chez soi à l'aide d'une intervenante dûment formée. Mais c'est une décision qui a été prise, et le ministre a raison là-dessus. De part et d'autre dans cette Chambre, les gens ont dit: Les projets-pilotes, afin de s'assurer que les résultats soient, sur le plan docimologique, valables, que ce soit un test qui veuille dire quelque chose, on va les faire dans des établissements. Le gouvernement a mis de l'argent de côté pour ça, et les projets-pilotes ont démarré.

Ce n'est pas qu'il nous manque de l'information, M. le Président, on a toute l'information qu'il nous faut pour procéder avec la création de cette nouvelle profession. Ce qui manque, c'est la volonté du gouvernement du Parti québécois de reconnaître les sages-femmes comme nouvelle profession au Québec. C'est ça qu'il manque. Alors, le ministre a beau se lever en cette Chambre aujourd'hui et utiliser des phrases comme: La pertinence de cette pratique – il l'a dit à plusieurs reprises – la pertinence de cette pratique, c'est quoi, ça, la pertinence de cette pratique? Il y a une demande, les femmes accouchaient avec les sages-femmes. Ce n'est pas une question de la pertinence de cette pratique, c'est une réalité avec laquelle il fallait, comme gouvernement, composer, une réalité qu'il fallait, dans l'intérêt de la protection du public, réglementer, faire quelque chose pour s'assurer qu'avec cette pratique ce n'est pas n'importe qui, n'importe comment, n'importe où, dans n'importe quelle condition, protéger la mère qui accouche et l'enfant à naître.

Bon, on a pris beaucoup d'argent, M. le Président. Dans le contexte des coupures, ça surprendrait les gens de regarder aujourd'hui combien a été voté à l'époque et dépensé pour les maisons de naissance. Ce sont des sommes très importantes, ce sont de très belles réalisations, par ailleurs. Mais, au lieu de donner à ces femmes qui ont milité depuis, comme le dit le ministre, une vingtaine d'années pour que la pratique des sages-femmes soit reconnue, au lieu de donner aux sages-femmes elles-mêmes, qui ont réussi à passer par-dessus chacun des obstacles qui ont été mis sur leur chemin, le ministre arrive en Chambre aujourd'hui, avec tout le calme qu'on lui reconnaît, il se lève et dit: On ne peut pas. On ne peut pas, ce n'est pas possible dans un si court délai.

C'est comme si la machine bureaucratique avait réussi à convaincre le ministre: Écoutez, vous nous demandez trop, là. Vous nous dites que vous voulez ça pour quand? Mais voyons donc! Ce n'est pas comme si quelqu'un s'était levé puis avait demandé au ministre de produire quelque chose du jour au lendemain. Ça fait des années que c'est inscrit dans une loi de l'Assemblée nationale.

Mr. Speaker, the practice of midwifery in the Province of Québec is about to go through one more delay. The Parti québécois Government, instead of assuming its responsibilities and recognizing midwifery as a new profession, has presented Bill 417 in order to extend beyond the date originally provided the period during which pilot projects for the practice of midwifery are going to continue.

Section 1 of the Bill, the only substantive section, provides as follows: «For the purpose of authorizing the continuation of the practice of midwifery within the framework of pilot projects already approved by the Minister of Health and Social Services, the provisions of sections 2, 5, 8 to 35, subparagraphs 3 and 4 of the first paragraph of section 36 and sections 37 to 39, 41 and 44 of the Act respecting the practice of midwifery within the framework of pilot projects continue to be effective until 24 September 1999 or any date to be fixed by government order, which shall not be later than 24 December 1999.»

Now, it's interesting to note, Mr. Speaker, that the date of the last general provincial election was, as you well know, September 12th, 1994. The maximum mandate for a government being five years, the latest date at which the next election could be called would be 12 September 1999. Now, is it just a coincidence that the Minister is putting the practice of midwifery in its due recognition as a profession beyond the date of the next election, even in the furthest event? We think not, Mr. Speaker.

Despite the fact that we're very concerned with the Minister's intentions, we're also in a bit of a bind. Because if we were to vote against this law, the Minister would probably try to convince people that somehow we're against the pilot projects and their continuation for the practice of midwifery. However, nothing could be further from the truth. Our party, the Québec Liberal Party, when in power from 1985 to 1989, was the first to introduce a bill to recognize the practice of midwifery as a profession in Québec. In the second mandate, the 1989-to-1994 mandate, a bill was adopted unanimously. Both sides of the House together adopted a bill that the Minister wants to change today. That bill provided for the practice of midwifery within the framework of pilot projects.

Certain birthing centers were constructed across the Province of Québec and, if people would look at those budgets in current dollar terms, in the context of all the restrictions that are now in existence at the Ministry, I think a lot of them would be quite surprised to learn just how much was spent on these pilot projects. But it was important, Mr. Speaker. It was crucial. Anyone who's ever seen the unfortunate and, indeed, tragic results of a child just deprived of oxygenate birth and the lifelong complications that that causes for the child, of course, and for its family realizes that we couldn't take any chances in introducing this new profession in the Province of Québec, that we couldn't go ahead with it unless we were sure that there were no substantial risks involved for the public. It's quite obvious that that would have been irresponsible.

So, the decision was taken some years ago, seven years ago, in fact, to introduce these pilot projects dealing with midwifery. Now, the Minister pleads with us today in the House that this new extension has nothing to do with politics, has nothing to do with putting it beyond the next election, has nothing to do with helping his close friend at the Québec College of Physicians and Surgeons win re-election by not putting this delicate issue on his path before his impending defeat.

No. He tries to convince us... And I'll give you the French wording, and then I'll translate it liberally. The Minister tries to convince the members of this House that midwives should not be recognized in the Province of Québec at this time «parce que ce n'est pas possible dans ces courts délais, que ce n'est pas possible de le faire dans ces courts délais». It just can't be done on such short notice. We just haven't got the time. We haven't got the time to recognize a new profession for midwives in the Province of Québec, so we have to stall once more.

Mr. Speaker, the Minister quite correctly points out that this debate has been going on for nigh 20 years, that the quest for the recognition of midwifery as an independent profession and its practice is something that has been requested by women in Québec for nearly a generation. And the group of midwives who have participated in the pilot projects have managed with great determination, effort, patience and stoicism to overcome every single hurdle that has been put on their road. They have been asked to have their qualifications studied by committees. They have been asked to help elaborate a regulation determining the cases in which a woman would automatically be referred to a medical practitioner. They have been asked to submit to exams. They have had to do everything to satisfy the most stringent criteria to ensure that no danger to the public would result from the recognition and the practice of midwifery in the Province of Québec.

(17 h 50)

So, we're very surprised to hear the Minister of Health and Social Services today stand up and tell us that this somehow caught him and his bureaucracy by surprise. The Minister says that the date set in the initial legislation can't be met. Well, you know who is breaking the unanimity of this House, Mr. Speaker? It's the Government of the Parti québécois. They are the ones who signed on with us at the time to hold these pilot projects on midwifery to make sure that there were no dangers, and make sure everything was evaluated appropriately, to make sure that the evaluation was valid. Now, what do we learn today? That somehow this Minister, who always tells us that he plans everything to the final detail, seems to have been caught by surprise by a date published in the statute, adopted by this National Assembly some seven years ago. And he pleads with us that he needs an extension.

Now, in his explanation, the Minister gave a rather vague and, I must say, unconvincing reference to the work that is going on between the Québec Professions Board, the Office des professions du Québec, and the Interprofessional Council of Québec. The Interprofessional Council is indeed in a bit of a bind right now, because seven of the most senior professions have broken away over the issue of the proposed reform of Québec's professional system, reform proposed by the current leadership of the Office des professions du Québec.

What they're trying to do on the other side, Mr. Speaker, is to convince the public that they're somehow going to wait for the results of this quarrel which has already been going on for a couple of years and which will know no resolution before the next election. We all know that. Anyone who knows anything about the professional milieu knows that it is not going to happen. And yet the Minister invokes that as one of the reasons for the delay. The Minister continues in his audacity by telling us that, in the spring of 1999, the legislative rules necessary will be in place.

Mr. Speaker, in your riding of Chauveau and in mine of Chomedey, and indeed in the Minister's riding of Charlesbourg – great alliteration – the fact to the matter is we're all going to have to ask our electors, in the next few months, whether they want to continue us in our places. The Minister tries to convince us that next spring is the ideal time to start looking at this issue in the form of legislation. Why then, Mr. Speaker? Why not now? What's to have stopped the Minister from coming before this House today, in April 1998, saying: I am informed by the Office des professions that the number of midwives is not sufficient to make a viable profession right now; so, I, as Minister have found the following solution to the problem: I will take some money and I will subsidize, I will have them receive certain administrative services from the Office des professions.

And a number of things could have been done, Mr. Speaker. Yet the Minister seems to be absolutely lacking in clairvoyance, in vision, in creativity, in ability to come up with a solution to give Quebec women what they've been asking for, which is the right to choose the form of birth, the type of context in which that birth will take place and, above all, the health professional who will accompany them. The Minister knows that the need, the desire for midwives didn't come out of the blue, that the restrictions in the health and social service sector was such that many a time and oft women were simply not given enough attention, care and indeed time by medical practitioners, by MDs, who were to attend at their births. Midwives offer that time, they offer the training, and now we know – thanks to these pilot projects – that it can all be done in safety, in a secure fashion.

So what's the delay? What are we waiting for? Why is the Minister telling us that he has no choice when we all know that when it comes time to subsidize in the medical doctors... My colleague the Member of the National Assembly for D'Arcy-McGee gave an excellent example this afternoon. The Minister at the time tried to make light of it. I don't think he understood how serious it was.

My colleague the Deputy for D'Arcy-McGee read a letter from last year, 1997, from the Minister's department confirming a direct subsidy of $100 000 from his department to the Québec College of Physicians and Surgeons, one of the richest professions in terms of their structures, how much they charge their members – their overall budget is one of the highest. And we looked in vain for a specific reference to the subsidy in the books of the College of Physicians and Surgeons. All we could find was this anodyne reference in the revenue column to «Other». We assume that it's in the «Other». No direct reference, no information to the members of the Québec College of Physicians and Surgeons that they're being bought off by the Minister of Health and Social Services.

It's interesting how these things come together sometimes, Mr. Speaker. The Québec Superior Court, under the pen of a man I consider to be one of the best judges in Québec, Claude Tellier, brilliant jurist... I got to know him during my stay at the Office des professions. He represented then especially several professions and groups that were often at loggerheads with some of the more established ones, and he knows the professional system. He knows the difference between the theory and the reality of the professional system, and this is what he had to say to our Minister of Health and Social Services. He said that «the interference with regard to foreign medical doctors, highly trained foreign medical doctors – the example in this case was an anaesthetist... He said that «there was illegal collusion, interference in the work of the College of Physicians and Surgeons by Québec's Health Minister». That is what was said by Judge Claude Tellier of Québec's Superior Court.

So, of course, in the heat of the questions period, it's always easier to score a debating point and, being a competent rhetorician, the Minister of Health and Social Services stood up and started reading the letter, and he started adding the punctuation so people would forget what was being said. But what was being said was this, Mr. Speaker, that the Minister has trouble understanding and respecting the autonomy of institutions and, in particular, in the case at hand, the professions. A professional order, a professional corporation deserves to be allowed to do its work autonomously. Indeed, Judge Tellier orders the Québec College of Physicians and Surgeons to act autonomously without external influence.

Yet, the Minister makes light of the fact that he's given an appearance of conflict of interest with the College of Physicians and Surgeons by paying over a subsidy of $100 000. Is it surprising, Mr. Speaker, that we have a lot of headlines after that that say that the Minister has asked the College of Physicians and Surgeons to look at things like the heart-lung transplant transfer to Québec City and that the Minister was «blanchi», was given a clean bill of health on this one by the College of Physicians and Surgeons? It should have been the coroner looking at these issues, not the College of Physicians and Surgeons. It exists for the protection of the public, not for the protection of the Minister.

And yet, when we see this type of activity, we realize that there is very little respect for the professions and little understanding of them. So, perhaps, flowing from that is a failure to understand that people in this House can read a statute. We know that what the PQ Government is doing is pushing back the date at which midwives could and should have been recognized as a new, autonomous, independent, self-regulating profession in the Province of Québec.

(18 heures)

M. le Président, notre formation politique n'a guère le choix: on va appuyer la reconnaissance continue, limitée au terme des projets-pilotes. Faire autrement serait irresponsable et ferait échec à tout ce bon travail qui a été entrepris par les sages-femmes et par celles et ceux qui ont milité pour leur reconnaissance au Québec. Mais le ministre a vraiment failli à la tâche, le ministre a vraiment manqué une excellente occasion de faire quelque chose d'historique en reconnaissant les sages-femmes comme une nouvelle profession au Québec, et c'est regrettable. Malheureusement, M. le Président, le ministre a manqué cette occasion et c'est les sages-femmes qui devront encore attendre, en conséquence. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chomedey. Il est maintenant 18 heures, et je dois, à ce moment-là, ajourner les travaux.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pardon? Il est 18 heures, actuellement, et je dois ajourner les travaux.

Une voix: Consentement pour procéder à l'adoption.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah! vous demandez s'il y a un consentement pour procéder à l'adoption? Écoutez, ça me prend un consentement, effectivement, pour qu'on procède immédiatement à l'adoption, étant donné que nous sommes à 18 heures, à ce moment-là. Alors, est-ce que...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous prierais de vous entendre et puis, s'il y a consentement des deux partis, bien, je suis prêt à procéder, mais ça me prend un consentement. Alors, ça va? Très bien.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 417, Loi prolongeant l'effet de certaines dispositions de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes, est-il adopté?

M. Mulcair: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, sur ce...

M. Boulerice: M. le Président, si vous permettez, je vais faire motion pour que le projet de loi...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah oui! on peut, si vous voulez encore, avec le consentement, poursuivre.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Boulerice: De consentement, je vais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Vous n'avez plus d'autre motion?

M. Boulerice: Je fais motion également pour que nous ajournions à demain.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous n'avez plus d'autre motion?

M. Boulerice: Oui, j'en ai une autre, là. J'ai plaisir à en faire, aujourd'hui. Que nous ajournions, forcément, puisqu'il est 18 h 2 maintenant, à demain, jeudi, mais 14 heures et non pas 10 heures, puisque les commissions travaillent à l'étude des crédits.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons ajourner nos travaux à demain après-midi, 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 2)


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