To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Assembly Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the National Assembly

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the National Assembly

Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, March 19, 1998 - Vol. 35 N° 158

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires du jour

Hommage à M. Jean-Jacques Bertrand, ex-premier ministre du Québec

Affaires courantes

Présence du directeur de l'Institut de l'énergie et de l'environnement de la francophonie, M. El Habib Benessahraoui

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Nous allons débuter les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Donc, bonne journée à tous aujourd'hui, de ma part aussi. Et je vous demande de prendre en considération, M. le Président, l'article 4 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 186


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 4 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 18 mars 1998 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. Je vous mentionne que le dernier intervenant hier après-midi a été le député de Westmount– Saint-Louis. Y a-t-il d'autres intervenants? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'interviens à l'étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. On se rappellera que ce projet de loi fait suite au dépôt du livre vert de la ministre de la Solidarité et à la consultation publique qui s'est tenue en janvier 1997. Ce projet de loi n° 186 viendra donc remplacer la Loi sur la sécurité du revenu. Ce projet de loi est fort important, puisqu'il vient déterminer les critères et les paramètres qui viendront influencer les conditions de vie de près de 800 000 personnes les plus démunies de notre société.

Depuis deux ans, la pauvreté sévit durement au Québec. En effet, pour une deuxième année consécutive, le Québec détient le triste record du plus haut taux de pauvreté au Canada. Cette pauvreté est de plus en plus marquante, particulièrement à Montréal. Les titres des journaux nous laissent songeurs. On pouvait lire, dans Le Devoir du mois d'août 1996: Montréal, capitale de la faim , «Les bénéficiaires des banques alimentaires ont augmenté de 50 % l'hiver dernier». On pouvait également lire, dans La Presse : Montréal rongé par la pauvreté .

Les coupures que le gouvernement du Parti québécois a appliquées aux personnes assistées sociales depuis deux ans se sont traduites par une détérioration alarmante du tissu social au Québec. D'ailleurs, les groupes communautaires lancent des cris d'alarme au gouvernement parce qu'ils ne peuvent plus faire face à cette détresse. Le taux d'itinérance ne cesse d'augmenter à Montréal et touche de plus en plus la jeunesse. De plus, on apprenait récemment que le Québec a le plus haut taux de suicide des sociétés industrialisées, et il touche particulièrement les jeunes de 15 à 29 ans.

(10 h 10)

Ce projet de loi va carrément à l'encontre du programme du Parti québécois intitulé Des idées pour mon pays , et permettez-moi de rappeler à la ministre de la Solidarité les engagements de son parti visant la lutte à la pauvreté.

Premier engagement: «Un gouvernement issu du Parti québécois s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 sur la sécurité du revenu de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» Eh bien, M. le Président, on ne peut que constater, à la lecture du projet de loi n° 186, que la ministre de la Solidarité a fait tout à fait le contraire. Le projet de loi n° 186 est loin d'être une révision en profondeur de la loi 37 sur la sécurité du revenu, puisqu'on a reconduit presque la totalité des articles de la loi dans le projet de loi n° 186. Quant à l'engagement de remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants, M. le Président, on fait l'inverse en introduisant de nouveaux éléments punitifs.

Deuxième engagement: «Le barème actuel sera maintenu et indexé en fonction de l'indice du coût de la vie.» M. le Président, permettez-moi de rappeler que les barèmes de l'aide sociale, pour la catégorie des personnes aptes à l'emploi, n'ont jamais été indexés sous le règne de ce gouvernement. De plus, le barème de participant, c'est-à-dire le barème qui est accordé aux personnes faisant des efforts pour s'en sortir, a été coupé de 30 $, et le barème de disponibilité, accordé aux personnes qui étaient en attente d'une participation à des mesures d'intégration en emploi, a été tout simplement abrogé, un appauvrissement de 50 $.

Troisième engagement: «Les prestations de l'aide sociale sont accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit.» On se rappellera, M. le Président, que c'est le gouvernement du Parti libéral du Québec qui, en 1989, accordait la parité aux jeunes de moins de 30 ans, c'est-à-dire qu'on éliminait la discrimination qui était faite à leur égard. Le projet de loi n° 186 vient donc introduire à nouveau cette discrimination envers les jeunes. En effet, M. le Président, l'article 53 du projet de loi introduit le caractère obligatoire, accompagné d'une pénalité variant entre 150 $ et 300 $, pour les jeunes de 18 à 24 ans qui refuseront soit de se présenter à une entrevue convoquée par la ministre ou qui refuseront de participer à une activité dans le cadre d'un parcours individualisé vers l'insertion, la formation et aussi l'emploi. Non seulement cette mesure vient enfoncer davantage les jeunes dans la pauvreté, mais ce caractère obligatoire a été fortement dénoncé par la majorité des groupes en commission parlementaire.

Des experts, tels que Camil Bouchard, Alain Noël, professeur à l'Université de Montréal et spécialiste des études comparées dans le domaine des transferts de sécurité du revenu, ont tous soutenu que ce régime obligatoire, accompagné de pénalités, est contre-productif; contre-productif, puisque, dès le départ, on associe la notion du parcours individualisé à la notion de punition. La menace de pénalité vient donc briser le lien de confiance, lien essentiel à la réussite d'un parcours. Sans compter que ce régime pénalisant suscite des comportements de soumission, puisque les personnes les moins motivées s'inscriront dans des parcours uniquement afin d'éviter les sanctions monétaires. Alors, d'ores et déjà, on peut questionner le succès de cette démarche. De plus, M. le Président, comme le nombre de places dans ces parcours sera contingenté, les personnes non motivées prendront la place de celles qui veulent vraiment s'en sortir.

De plus, M. le Président, permettez-moi de rappeler que les groupes communautaires n'endossent aucunement cette approche punitive qui, d'après eux, suscite la méfiance entre les parties et les transforment en préfets de discipline. Ce projet de loi vient tout à fait à l'encontre de leur mission.

M. le Président, ce n'est pas en remplaçant un régime de sécurité du revenu à caractère incitatif par un régime à caractère coercitif qu'on va régler le problème de pauvreté au Québec. Ce n'est pas non plus en appliquant des pénalités pouvant varier de 150 $ à 300 $ qu'on va venir en aide aux plus démunis de notre société. D'après moi, M. le Président, on va plutôt les enfoncer davantage dans la trappe de la pauvreté. Ce n'est pas non plus en brandissant devant les jeunes la menace des pénalités qu'on va leur redonner l'estime de soi, la confiance et la motivation. Ce projet de loi viendra les faire basculer davantage vers l'itinérance, la prostitution, la drogue et le désespoir.

M. le Président, le Québec s'était doté d'un régime qui offrait un filet de sécurité sociale à toute personne qui se retrouvait à l'aide de dernier recours. Quand on regarde la conjoncture économique dans laquelle nous vivons, il est bon de rappeler que personne n'est à l'abri d'aller frapper aux portes de l'aide sociale. Alors, la question qu'il faut se poser aujourd'hui est de savoir si l'on veut, oui ou non, préserver ce filet de sécurité sociale au Québec.

M. le Président, on nous avait promis depuis plus de trois ans une réforme majeure au niveau de la sécurité du revenu, particulièrement au niveau de l'intégration à l'emploi. Ce n'est pas en réaménageant des structures et en changeant les appellations des programmes et des barèmes qu'on va y arriver. Ce n'est pas non plus en fusionnant les mêmes programmes et en coupant dans les budgets de la formation et de l'intégration en emploi qu'on va solutionner le problème criant de la pénurie du nombre de places accessibles.

Il faut créer de nouveaux programmes, de nouvelles mesures incitatives et non coercitives, il faut assouplir les règles et, surtout, il est primordial d'investir de nouvelles sommes d'argent substantielles afin de faciliter l'accessibilité à ces mesures d'insertion, de formation et d'emploi afin de permettre à un plus grand nombre de personnes d'en bénéficier. Comme le soutenait en commission parlementaire M. Camil Bouchard, le père de la réforme – et je le cite: «Le gouvernement fait fausse route.»

M. le Président, malgré les engagements du Parti québécois contenus dans son programme, malgré les beaux discours du premier ministre et les discours de compassion de la ministre de la Solidarité, le projet de loi n° 186 viendra définitivement appauvrir davantage les plus démunis de notre société. Pour ces raisons, M. le Président, je ne pourrai appuyer ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Nous cédons maintenant la parole au député d'Outremont. Alors, M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, la première question qu'on peut se poser, après avoir pris connaissance du projet de loi n° 186, c'est intéressant parce qu'elle vient d'être posée par Joseph Nye, dans un livre qu'on vient de publier à Harvard University Press, que j'ai commencé à lire, qui s'appelle Why People Don't Trust Government . Et la question qu'on peut se poser, c'est justement la suivante, c'est: Pourquoi les électorats font-ils de moins en moins confiance aux gouvernements?

Quand on lit le projet de loi n° 186, on a une réponse à cette question-là. L'une de ces réponses-là, c'est que les formations politiques, les partis politiques ont la malencontreuse tendance à faire des promesses qu'ils ne tiennent pas lorsqu'ils deviennent des partis de gouvernement. Évidemment, il y a des gens dans cette Chambre qui vont me dire qu'il n'y a rien de nouveau là-dedans, puisque finalement les marchés politiques ont toujours fonctionné à la promesse de faveurs en retour de votes. Mais je vous dirai, M. le Président, que les marchés politiques sont de plus en plus intelligents, les électeurs sont de plus en plus sophistiqués, et ce genre de façon d'agir, de faire des promesses qui ne sont pas tenues, a en réalité des effets plutôt négatifs sur la qualité de notre vie démocratique.

D'abord, il ne fait aucun doute que ce genre de stratagème contribue à créer et à renforcer le cynisme qui existe déjà à l'état endémique dans nos sociétés démocratiques. Et puis aussi, évidemment, ça a pour effet d'abaisser ou d'entraîner une perte accrue du prestige des politiciens et de la crédibilité du politique, donc, finalement, d'entraîner une lente érosion de la qualité de la vie démocratique.

(10 h 20)

Quand on examine le projet de loi n° 186 et qu'on l'examine à la lumière des promesses que faisait le Parti québécois dans ses Idées pour mon pays , il faut convenir, vraiment, qu'on est à l'antipode de ce qui avait été promis et que c'est un projet qui, de ce point de vue là, contribuera sûrement à maintenir auprès de certains groupes sociaux... Pas de tout le monde, évidemment, parce qu'il y en a qui sont bien favorables à ce qu'on passe des projets de loi pareils pour s'attaquer aux gens qui sont les plus démunis de notre société. On vit dans une société qui est, disons, un peu plus mesquine qu'antérieurement, de ce point de vue là, et ce qui devrait, évidemment, faire le malheur des uns pourrait aussi faire le malheur des autres.

Mais ce qu'il faut bien voir, M. le Président, c'est que ce projet de loi, qui aura les conséquences que j'ai décrites et qui, si on tient compte des promesses faites au moment de l'élection, est un projet de loi plutôt bouleversant, renversant... Parce que, en le lisant, et surtout en lisant la documentation qui l'a accompagné puis les débats qui ont eu lieu là-dessus, on a nettement l'impression que, s'il fallait que M. Newt Gingrich ait à lire ce projet-là, il s'y rallierait, finalement, assez aisément.

Donc, si certains groupes sociaux, durement touchés par ce genre de législation, ont pu, déjà, avoir des illusions sur les orientations sociales-démocrates du Parti québécois, je pense que ce qui serait le mieux pour leur santé mentale, c'est de les perdre le plus rapidement possible. Parce qu'on est là nettement en présence d'un projet de loi qui s'apparente beaucoup plus à ce que les conservateurs souhaiteraient voir adopter qu'à ce qu'on aurait pu attendre d'une formation politique qui s'est largement affichée comme étant progressiste dans les promesses électorales qu'elle a faites lors de la dernière élection.

Ça, c'est un aspect important parce que, comme je le mentionnais, à force de passer des projets de loi pareils, on contribue à l'expansion du cynisme, qui est envahissant dans la vie démocratique et politique actuelle, et on contribue, de cette façon-là, à l'érosion d'une certaine qualité de la vie démocratique.

Mais il y a d'autres aspects de ce projet-là qui ne tiennent absolument en rien avec les promesses que le... Quoique le lien avec les promesses soit aussi indirect. Mais il y a des aspects de ce projet auxquels on doit s'opposer, comme opposition officielle, et qui, disons, relèvent d'un tout autre registre.

L'exemple, à mon avis, le plus choquant, le plus frappant, le plus stupéfiant, c'est la décision qu'on a prise concernant le parcours obligatoire. Si j'ai bien compris, M. le Président, non seulement le projet de loi n'offre plus aucune incitation financière aux personnes qui se montrent disponibles à occuper un emploi et à entreprendre des démarches appropriées, mais il vient appliquer une pénalité à ceux et à celles qui sont incapables de faire la preuve de leur disponibilité.

Dans un premier temps, voilà non pas seulement une mesure, mais une orientation qui est en contradiction flagrante avec ce que le Parti québécois affirmait dans son programme. Je cite: «Un gouvernement issu du Parti québécois, dans les 12 mois qui suivront son élection, s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 sur la sécurité du revenu de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» Vraiment, avec le parcours obligatoire d'emploi, on vient évidemment de s'acquitter à 100 % d'une promesse qui avait été faite dans le programme.

C'est de l'ironie que je fais, M. le Président, puisque, finalement, ce qu'on a devant nous, c'est exactement le contraire de ce à quoi nous aurions pu nous attendre, compte tenu des promesses qui avaient été faites. Mais ça, comme je vous l'ai dit tantôt, M. le Président, il y a des gens qui pourront répondre à cela en disant: Écoutez, la politique, c'est la politique; les marchés politiques, c'est les marchés politiques; les politiciens ont toujours fait des promesses qu'ils n'ont pas tenues. Il y a même des études qui ont été écrites là-dessus, au Québec. Je pense, par exemple, à l'ouvrage de Pratte sur le complexe de Pinocchio, n'est-ce pas? Bon.

Alors, les gens diront: Finalement, vous savez, il faut tout de même être cynique en politique, et puis, finalement, la politique, c'est ce que c'est. Mais, à mon avis, ça, c'est une façon de renforcer l'ambiance. Ce n'est pas une façon de faire de la politique une activité qui ait la noblesse qu'on supposerait qu'elle ait, en tout cas dans nos esprits. Ce n'est pas à moi qu'on va donner des cours de cynisme, surtout pas en espérant que j'en devienne un praticien.

Mais, s'il ne s'agissait que de cela, M. le Président, on pourrait dire, bien, enfin, comme je vous l'ai dit: Finalement, les choses sont ce qu'elles sont. Enfin, des gens pensent que les choses sont ce qu'elles sont. Mais il y a plus que ça. L'idée de recourir à des mesures punitives dans le but d'inciter les gens à réinsérer le marché du travail, c'est contraire à tout ce qu'on connaît en matière d'efficacité des programmes de réinsertion. Il faut vraiment...

On s'étonne, on lit le projet de loi de la ministre, de Mme Harel, et on se dit: Coudon, cette personne, qui est une personne pour laquelle j'ai personnellement de l'estime, qui est une personne intelligente, qui est une personne qui est expérimentée, c'est aussi une personne qui est entourée par des fonctionnaires et par des experts, comment peut-on expliquer que de pareilles alliances... qu'une ministre qui dispose d'une pareille base d'expérience, de connaissances et d'expertise en arrive à faire des choix de mesures qui ont été évaluées aux États-Unis, au Canada, en Angleterre, en France comme étant des choix de mesures inefficaces et contraires aux intentions qui sont poursuivies par le projet de loi?

Ce n'est pas vrai que le recours à la punition, que le recours à la désincitation, que le recours à des mesures qui privent les gens de certains avantages auxquels ils s'attendent et auxquels ils ont droit, ce n'est pas vrai que le recours à des mesures comme celles-là facilite l'insertion, promeut l'insertion, la réinsertion sur le marché du travail.

Si des études ne l'avaient pas abondamment montré, on pourrait se dire: Bien, évidemment, les gens ont pris là une décision qui est mal inspirée par ignorance. Mais il n'en reste pas moins, M. le Président, qu'il faut tout de même s'étonner. Les bibliothèques qui entourent l'hôtel du Parlement sont remplies de livres qui traitent de cette question. Et on peut se demander pourquoi les fonctionnaires qui entourent la ministre ne les ont pas lus, ou, s'ils les ont lus, pourquoi ils ne les ont pas compris, et, s'ils les ont compris, pourquoi ils en nient les conclusions dans les décisions qu'ils prennent. Alors, évidemment, il ne faut pas être un grand sage pour savoir au juste de quoi ça vire.

On est en présence d'un gouvernement qui s'est donné des objectifs budgétaires, qui s'est donné des objectifs d'assainissement des finances publiques, qui se les est donnés en retard, qui aurait pu se les donner au moment où il a commencé à gouverner mais qui se les est donnés deux ans et demi après avoir commencé à gouverner, parce que, durant les deux premières années de son gouvernement, il s'en est tenu à organiser les soubassements de la sécession. On se retrouve donc, maintenant, devant un gouvernement qui est face à la dure réalité d'assainir les finances publiques et qui a recours à toutes sortes de dispositifs pour pouvoir arriver à son objectif.

(10 h 30)

On en a parlé hier à l'Assemblée nationale. Écoutez, dans le domaine de la santé, on est dans une situation qui est extrêmement inédite. Dans les salles d'urgence, comme le montrait, l'autre soir, l'émission de Radio-Canada, il n'y a pas seulement un problème de débordement. Nous sommes en présence de médecins et d'infirmières dont la vocation est de dispenser des soins et de s'assurer que les malades aient accès aux technologies médicales et aux moyens de guérison les plus efficaces, et ces personnels hospitaliers sont maintenant face à quoi? Ce à quoi ces personnels hospitaliers font maintenant face, c'est à l'obligation d'arbitrer, M. le Président, entre ceux qui doivent être traités et ceux qui ne peuvent pas l'être.

On est en présence de médecins et d'infirmiers qui sont placés quotidiennement en contradiction avec leur propre éthique professionnelle, puisque, finalement, leur rôle, c'est de jouer les gardiens de guérite, à savoir entre ceux qui doivent profiter des ressources du système de santé et ceux qui ne peuvent pas en profiter. Il y a même quelqu'un qui nous disait, l'autre jour, à la télévision, que, lorsqu'il a à choisir entre un jeune et un vieux, il choisit évidemment le jeune plutôt que le vieux parce que le jeune a des espérances de vie plus longues que le vieux. Alors, on se retrouve dans une situation qui est complètement, comment dirais-je, kafkaesque, dans des situations où des gens sont appelés à prendre des décisions qui vont à l'encontre de leur éthique, qui vont à l'encontre de leurs sentiments moraux.

Donc, avec le projet de loi n° 186, on n'atteint pas, évidemment, ce théâtre de l'absurde qui est décrit abondamment par les médias, mais il n'en reste pas moins qu'on se retrouve devant un projet qui a recours à des mesures punitives qui présument, de toute façon, certaines choses qui ne sont pas nécessairement démontrées par rapport aux groupes sociaux qui ont des problèmes d'insertion sur le marché du travail. Dans un sens, l'esprit de ce projet de loi revient finalement à ce que d'autres ont qualifié comme étant l'esprit de l'État disciplinaire. Des gens sont donc suspectés d'être résistants à vouloir se réinsérer. C'est une façon un peu, disons, comment dirais-je, qui est vue un peu comme non responsable ou non respectable d'agir. Et, à l'égard de ces populations, les mesures auxquelles on recourt sont des mesures de punition. Donc, finalement, on discipline. L'État est là pour discipliner les gens qui, pour une raison ou pour une autre, auraient des problèmes de réinsertion sur le marché du travail.

De la même façon que, dans les hôpitaux, les personnels sont là pour faire des arbitrages dans des situations qui ne sont pas des situations d'arbitrage normales, n'est-ce pas – on n'arbitre pas entre le droit de vivre d'un jeune et le droit de vivre d'un vieux, puisque le droit de vivre, c'est un droit universel – dans les situations devant lesquelles va nous mettre la loi n° 186, on va se retrouver aussi dans des situations comparables, parce qu'on va demander à des fonctionnaires, à des responsables des services publics d'arbitrer entre des gens qui, de toute évidence, sont capables de faire la preuve de leur bonne foi et de leurs bonnes intentions, n'est-ce pas, et entre ceux qui, aussi, parce que, probablement, ils n'ont pas, disons, la bonne orientation morale qu'il faut avoir pour pouvoir se réinsérer sur le marché du travail, eh bien, devant ces gens-là, on exercera un arbitrage, une forme de distribution des privilèges, comme on le trouve actuellement dans les milieux hospitaliers. C'est un peu le même esprit, M. le Président. C'est le même esprit qui est celui d'un État qui, pour des raisons d'économies budgétaires – et d'économies budgétaires décidées tardivement – décide de discipliner les citoyens, M. le Président. Dans un cas, on discipline les citoyens malades et, dans l'autre cas, eh bien, ce qu'on discipline, c'est les assistés sociaux et les pauvres.

Moi, je ne peux pas me rallier à ce genre d'esprit là. C'est contraire à mes orientations personnelles et c'est aussi contraire, je le crois profondément, aux orientations de la formation politique à laquelle j'appartiens. Ce projet de loi n° 186 contient, M. le Président, des aspects que je qualifierais de répugnants, et «répugnants» dans un double sens: répugnants au sens moral, mais aussi répugnants au sens où ils reposent sur des prémisses qui sont intellectuellement fausses. Donc, je le répète, on se serait attendu à ce que la ministre, qui est une personne d'expérience, d'intelligence et qui est accompagnée par des fonctionnaires présumément informés et compétents, aurait pris des décisions, aurait fait des choix qui iraient dans le sens des objectifs poursuivis, plutôt que de faire des choix qui iront fatalement, comme les études le montrent d'abondance, dans le sens contraire de l'objectif poursuivi, à savoir celui de la réinsertion des personnes sur le marché du travail.

Il n'y a personne, M. le Président, qui va me faire croire, il n'y a personne qui va arriver à me convaincre que, dans une société démocratique comme la nôtre, la coercition, le recours à la punition et le recours à la discipline punitive est la meilleure façon de faire que les gens agissent conformément à ce qui peut être des objectifs de société désirables, louables et acceptables. On est dans une société où le comportement individuel doit reposer sur le consentement des personnes, et, dans un cas comme celui-ci, il y a cet aspect de la loi n° 186 qui n'est plus un aspect basé sur une philosophie sociale du consentement, mais sur une philosophie sociale de la punition, du recours au dispositif coercitif. Et finalement, je vous le mentionne, M. le Président, à l'État disciplinaire.

Vous me dites, M. le Président, qu'il me reste deux minutes, c'est malheureux, parce qu'il y a beaucoup de choses qu'on pourrait dire sur ce projet. Par exemple, je le dis, écoutez, on prévoit qu'il y aurait moins de 1 %, je pense que c'est 0,5 % des ressources prévues qui sont consacrées, en plus du budget actuel, aux programmes de réinsertion. Écoutez, M. le Président, c'est se payer, comme on dit, la gueule du monde, quoi! On le sait très bien, que les programmes... D'ailleurs, ça a fait partie du grand débat qui a eu lieu aux États-Unis, au sein de l'équipe de Bill Clinton, à l'époque de l'ancien – son nom m'échappe – Secrétaire d'État au travail. Les Américains, l'équipe de Clinton en est venue évidemment à la conclusion que, pour arriver à une réinsertion efficace, il fallait consacrer des sommes budgétaires importantes, en particulier à la formation.

Or, qu'est-ce qu'on trouve dans ce sacré projet de loi, M. le Président? On trouve que, finalement, en sus des budgets qui existent déjà, ce qui est prévu comme surplus, comme on dit en anglais – il y en a qui appellent ça le latin, mais, moi, j'appelle ça l'anglais – «it's a drop in the bucket», comme on dit, c'est vraiment une goutte d'eau dans l'océan. Et on est en train de nous faire accroire qu'avec de pareilles gouttes d'eau on va arriver à changer les choses.

Alors, je termine là-dessus, M. le Président. Mon jugement sur le projet de loi n° 186, évidemment, c'est un jugement qui est négatif. Je ne suis pas tout seul à le penser, prenez les extraits des articles de Camil Bouchard, il vous l'a dit lui-même en commission parlementaire puis il vous l'a dit lui-même dans les journaux. Donc, je répète, M. le Président, en terminant, que, moi, je ne peux pas me rallier à un projet de loi pareil. Et je suis convaincu que ça sera la même décision pour les collègues de la formation politique à laquelle j'appartiens. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Outremont. Nous allons maintenant céder la parole au... Est-ce que je dois céder la parole au député de Berthier?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non? Je vais céder, dans ce cas-là, la parole au député de Shefford. Alors, M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je me joins à mes collègues pour dénoncer le projet de loi n° 186, projet de loi intitulé Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, un titre contraire à l'esprit de la loi.

M. le Président, avant de rentrer dans le vif du sujet, et, vous qui faites du bureau de comté, vous avez sûrement eu l'occasion de rencontrer beaucoup de gens dans votre comté... Moi, le comté de Shefford est un comté, on pourrait dire, avec une dualité de gens sans emploi, de gens avec de l'emploi. On sait que la région de Shefford–Brome-Missisquoi est la région avec la plus grande opportunité de création d'emplois au Québec. Sauf que le comté de Shefford a aussi un nombre important de gens assistés sociaux. Le CTQ de Granby, par exemple, a 7 500 dossiers ouverts. Et, lorsqu'on parle de 7 500 dossiers ouverts, c'est encore plus de gens parce que c'est 7 500 familles qui bénéficient présentement des prestations d'aide sociale.

(10 h 40)

Les gens de chez nous se souviendront que la situation est difficile pour les... Une règle très simple, le comté de Shefford était autrefois occupé... le travail était dans les usines de caoutchouc et de textile. On sait que, depuis plusieurs années, ces entreprises-là ont fermé, ont laissé sans emploi des gens avec peu de formation pour la haute technologie, parce qu'il faut dire aussi que dans la région, chez nous, il y a plusieurs entreprises de haute technologie: IBM, General Electric, etc. On ne parlera pas de Hyundai, qui est fermée.

Mais, M. le Président, on retrouve des gens d'un certain âge, des gens avec peu de formation, donc des gens avec très peu de possibilités de se retrouver un emploi. On vit des situations très critiques. Et dans le bureau de comté, par exemple du comté de Shefford, on reçoit entre 50 et 75 cas de comté par semaine, et la plupart de ces cas-là sont des gens qui sont démunis, des gens bénéficiant de l'aide sociale. Et on a des messages très clairs, probablement comme vous avez dans votre comté. Je vois aussi le député de Gaspé, ici, qui a sûrement les mêmes sujets de conversation dans son bureau de comté, soit la difficulté de ces gens-là, les plus démunis de la société, à pouvoir s'en sortir. C'est le message qu'on a tous les jours, chacun dans nos bureaux de comté.

Donc, M. le Président, le projet de loi qu'on a actuellement est dénoncé non seulement par l'opposition, mais par les gens que l'on rencontre tous les jours chez nous. Donc, dans le comté de Shefford, je vous disais qu'il y a 7 500 dossiers d'aide sociale. J'ai eu l'occasion, pas plus tard que la semaine dernière, de rencontrer le regroupement de personnes assistées sociales – ce qu'on appelle le REPAS, chez nous – qui dénonçait vigoureusement le projet de loi n° 186. Et on n'a pas à passer par 36 chemins pour voir que le projet de loi n° 186 appauvrit les plus pauvres d'entre nous. On sait que, au Québec, collectivement, on s'est appauvri depuis quelques années, mais lorsqu'on est à appauvrir encore les plus pauvres, disons que la situation est plus critique. Pour illustrer ces propos-là, j'ai eu une discussion avec un fonctionnaire, il y a quelques mois, et, sous le sceau de la confidentialité, il me disait: Nous, on a un certain nombre d'enquêtes à faire par année, avec un quota à aller chercher chez les assistés sociaux, mais je dois dire que, lorsqu'on rentre chez quelqu'un, chez un assisté social, que son loyer est payé, que son téléphone est payé, que son électricité est payée, tout de suite on doute qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, parce que, avec les prestations que ces gens-là reçoivent, c'est impossible d'avoir tous ses comptes payés à date.

Donc, ça illustre très bien la situation déjà actuelle de ces gens-là qui ont à se battre tous les jours pour survivre. Et on peut comprendre facilement le sentiment de désarroi de ces gens-là qui communiquent avec nous quotidiennement, avec les gens des bureaux de comté des différents députés et particulièrement les députés qui sont en région où la situation de l'emploi est plus difficile.

Donc, M. le Président, je disais qu'on appauvrit les plus pauvres et, en plus de créer des citoyens de plus en plus pauvres, déjà la moyenne de richesse du Québec fait partie du wagon de queue au Canada. Ça serait juste de la décence de protéger nos plus démunis.

Pour se ramener aux cas de comté, M. le Président, parce que c'est la base que l'on représente, ces gens-là qu'on rencontre tous les jours... Et comme plusieurs collègues, ici, nous avons vécu, par exemple, une crise du verglas, et on a eu la chance, ou je dirais plutôt la malchance, de rencontrer énormément de ces gens dans les centres d'hébergement suite à ce manque d'électricité qui a duré plus de deux semaines dans ma région. On a vu aussi la précarité de nos banques alimentaires. Chez nous, on réfère tous les jours des citoyens aux banques alimentaires. On a vu que, avec la crise du verglas, on en a manqué. Ça n'a pas été long: après deux, trois jours, nous avons manqué de denrées pour ces gens-là. Quotidiennement, les banques alimentaires, chez nous, ont des problèmes à pouvoir fournir les assistés sociaux, les gens les plus démunis.

Et donc, M. le Président, le projet de loi que nous avons présentement fait en sorte qu'on appauvrit encore plus ces gens-là. Je disais tantôt qu'un fonctionnaire me disait que, lorsqu'une personne, qui bénéficie des prestations d'aide sociale, a payé son loyer, a payé son électricité et a payé son téléphone, inévitablement, cette personne-là devait frauder l'aide sociale, parce que c'est impossible d'arriver, avec les prestations qu'on a présentement en vigueur, et ça sera encore pire avec les prochaines.

Je discutais la semaine dernière, je vous le disais, avec des représentants de bénéficiaires d'aide sociale, de Granby particulièrement, et on soulignait aussi la discrimination flagrante introduite par le projet de loi, ou accélérée, ou augmentée par le projet de loi. J'avais, alentour de la même table, des gens jeunes, des gens plus âgés, comme disait le député de Laporte, des jeunes et des vieux, et ils dénonçaient vertement la façon qu'a le gouvernement de discriminer les gens selon l'âge. Par exemple, j'avais des jeunes, alentour de la table, de 18 à 20 ans, qui pouvaient se retrouver avec des prestations vraiment infimes, même pas assez pour payer un loyer. Donc, on s'attaque directement à la dignité de ces gens-là. Les gens plus âgés ne pouvaient non plus suffire à payer les simples biens nécessaires à la vie.

Il a aussi abordé, par la même occasion, le taux de suicide au Québec. On sait qu'il est très fort chez les jeunes, c'est un des plus forts au Canada. Et il reliait directement ces taux de suicide là avec la difficulté qu'ont ces gens-là de tout simplement gagner leur dignité dans la vie. Et, lorsque vous perdez votre dignité, M. le Président, c'est là qu'on retrouve des taux de suicide de cette envergure-là.

Hier, d'ailleurs, vous souviendrez, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne soulignait au ministre de la Santé le peu d'investissements qu'on avait faits dans ce domaine-là. On peut souligner aussi aujourd'hui le peu d'investissements que le gouvernement faits dans l'aide sociale, ce qui fait en sorte qu'on a des crises sociales comme on en connaît présentement dans toutes nos régions du Québec. Les problèmes familiaux, les problèmes de suicide et tous ces problèmes-là sont causés par des gens qui ne peuvent pas recevoir assez pour pouvoir gagner leur dignité et vivre convenablement. M. le Président, lorsqu'on dit que le taux de pauvreté au Québec est équivalent à celui de Terre-Neuve, de 20,6 %, donc, il faut immédiatement se poser des questions et faire absolument marche arrière.

M. le Président, vous avez vécu, tout comme nous tous ici, une campagne électorale, en 1994. Et vous souviendrez qu'à la télévision le parti qui forme le gouvernement y avait été d'annonces très choc: on voyait des gens à la rue, des gens appauvris. Je me demande ce que l'opposition pourra faire comme prochaines annonces à la télévision lors de la prochaine campagne électorale.

En tout cas, dans le discours du Parti québécois – on voit ici le programme «Des idées pour mon pays» – on pouvait lire, à la page 172, le programme du Parti québécois disait: «Un gouvernement issu du Parti québécois, dans les 12 mois qui suivront son élection, s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 sur la Sécurité du revenu de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» M. le Président, je ne m'étendrai pas sur cette phrase-là, le député de Laporte, juste avant moi, l'avait aussi citée. Lorsqu'on parle d'«éléments punitifs et péjoratifs», je pense qu'on a atteint le summum par le projet de loi n° 186. Et nous devons absolument dénoncer ça. Et je me fais le porte-parole des gens de ma région, M. le Président, qui me le dénoncent tous les jours. Tous les jours, il y a plusieurs personnes qui appellent ou qui passent au bureau pour dénoncer ce double langage et le fait qu'on s'attaque à ces gens-là, les plus démunis de notre société.

Dans la même page du même programme, on dit également: «Le barème actuel sera maintenu et indexé en fonction de l'indice du coût de la vie.» On dit également: «Les prestations d'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit.» Donc, M. le Président, le discours et même les écrits du Parti québécois, c'est-à-dire du programme du Parti québécois, en 1994, de toute évidence, aujourd'hui on s'aperçoit que ce qui a été dit n'est pas ce qui est fait, et, donc, M. le Président, on se doit de dénoncer ça. Et je me fais, comme je vous le disais, le porte-parole des gens de chez moi pour le dénoncer.

(10 h 50)

J'ai rencontré aussi énormément de jeunes de 18, de 20 ans, de 22, 24 ans au bureau qui, premièrement, arrivent un peu, je dirais même, découragés, des gens qui ont de la difficulté à se trouver un emploi, des gens qui vont probablement rester marqués pour le restant de leurs jours par le peu d'espoir qui est véhiculé par le gouvernement actuel.

Lorsqu'on voit un jeune qui vit seul et qui reçoit moins – on dit qu'ils vont recevoir de 400 $ ou 340 $ par mois – il est impossible, M. le Président, de donner espoir à ce jeune-là ou de faire en sorte que celui-ci puisse acquérir une formation nécessaire ou acquérir, au moins, l'esprit nécessaire pour se trouver un emploi et se sortir des griffes de l'aide sociale.

Donc, M. le Président – je sais que mon temps, probablement, achève; j'ai d'autres obligations ici – je dois tout simplement me joindre, surtout, à la population de chez moi, au moins aux 7 500 personnes, ou peut-être plus, qui sont bénéficiaires de l'aide sociale dans mon comté seulement. Je me fais porte-parole pour eux pour dire au gouvernement que ces gens-là insistent pour garder leur dignité. Et, pour garder leur dignité, ils doivent recevoir les sommes nécessaires aux biens primaires de la vie, soit payer leur loyer, leur électricité et se nourrir convenablement, ce qui n'est pas toujours le cas. Le projet de loi n° 186, tout ce qu'il fait, c'est d'augmenter la difficulté de ces gens-là, d'abaisser leur dignité, et il fait en sorte que ces gens-là vont toujours recourir à des moyens qui ne sont peut-être pas les moyens auxquels ils devraient recourir normalement. Mais ces gens-là ont besoin d'aide.

Ce qu'on fait, on devrait leur tendre la main plutôt que de les enfarger. M. le Président, je me fais porte-parole de ces gens-là pour vous dire que je voterai contre le projet de loi et que je ferai en sorte que mes citoyens soient écoutés et soient représentés ici, et que ceux-ci puissent, par l'intermédiaire de leur député, leur bureau de comté, exprimer clairement au gouvernement que ce projet de loi n'a carrément pas d'allure. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Shefford. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Mille-Îles. Alors, Mme la députée.


Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens en cette Chambre, aujourd'hui, pour discuter du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. J'interviens afin d'en souligner l'importance et d'expliquer certaines de ses dispositions en regard de l'intégration en emploi des prestataires de la sécurité du revenu.

Ce projet de loi, déposé à l'Assemblée nationale en décembre 1997 par ma collègue Mme Louise Harel, ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, est une des réformes entreprises par l'actuel gouvernement du Québec issu du Parti québécois. Cette réforme dont on discute depuis plus d'un an, c'est-à-dire depuis la publication du livre vert portant sur la question, est essentielle, si l'on tient compte du fait que la dernière réforme majeure dans le domaine de la sécurité du revenu remonte à 1989.

Un autre argument qui milite en faveur de l'implantation de cette réforme, c'est que le gouvernement du Québec est dorénavant responsable de l'administration et du développement des programmes de formation de la main-d'oeuvre et de l'aide à l'emploi pour l'ensemble de la population québécoise, et cela, depuis la signature de l'entente fédérale-provinciale en 1997.

Finalement, la réforme du système d'aide sociale est jugée nécessaire par une bonne partie des prestataires ainsi que par les intervenants du milieu qui veulent que le système soit modernisé, afin de surmonter les défis et les obstacles auxquels font face les prestataires dans leur désir d'intégrer le marché du travail.

Ce projet de loi, M. le Président, marque la transition entre le régime conventionnel d'aide sociale et le nouveau système que nous souhaitons mettre en place, axé sur l'assistance-emploi et la protection sociale.

Pourquoi invoquer une transition, un changement? Pourquoi parler d'aide à l'emploi et de protection sociale plutôt que de bien-être social? Tout simplement, M. le Président, parce que nous savons que, aujourd'hui, environ 75 % à 80 % des prestataires de la sécurité du revenu sont, en réalité, des chômeuses et des chômeurs qui n'ont pas eu ou qui n'ont plus droit aux prestations d'assurance-chômage, devenue récemment l'assurance-emploi. Cela est dû, et maintenant confirmé par l'étude de l'économiste Pierre Fortin, aux nombreuses restrictions apportées au régime d'assurance-chômage, depuis 1990, par le gouvernement fédéral.

Le résultat de ces resserrements successifs est que seulement 51 % des chômeurs du Québec reçoivent des prestations d'assurance-emploi. Forcément, les autres doivent faire appel à l'aide de dernier recours administrée par le gouvernement du Québec pour assurer leur subsistance.

Donc, M. le Président, 80 % des prestataires de la sécurité du revenu sont en réalité des chômeurs, c'est-à-dire des personnes aptes au travail qui désirent occuper un emploi et qui font, pour la majeure partie, des démarches pour réintégrer le marché du travail. À la lumière de ce constat, nous devons prendre les mesures nécessaires pour adapter le système à la réalité d'aujourd'hui. La question que nous devons donc nous poser est la suivante: compte tenu du fait que 80 % des prestataires de la sécurité du revenu sont en réalité des chômeurs, comment faire pour aider ces gens à réintégrer le marché du travail, à retrouver leur indépendance économique? Voilà la véritable question. Ces personnes veulent travailler, souhaitent retrouver leur indépendance économique et désirent contribuer activement à la croissance économique de la société québécoise.

Pour atteindre ces objectifs, la ministre a élaboré dans le projet de loi n° 186 une série de mesures, de programmes et de services d'insertion sociale, de formation et d'aide à l'emploi qui seront accompagnés de divers programmes d'aide financière afin de répondre adéquatement aux besoins des prestataires. Grâce à ce projet de loi, nous allons donner l'assistance et les outils nécessaires aux assistés sociaux afin de leur permettre de s'intégrer au marché du travail à court ou moyen terme et nous allons du même coup poser un geste concret et efficace pour combattre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce projet de loi nous conduira en premier lieu à une simplification majeure du régime de la sécurité du revenu.

Ainsi, les quelque 80 barèmes différents sont réduits à sept seulement. Dorénavant, le soutien au revenu se présentera sous trois formes, trois programmes différents: un programme d'assistance-emploi; un programme de protection sociale; et un programme d'aide aux parents pour le revenu de travail, le programme APPORT. Tous les paramètres de ces nouveaux programmes ont été expliqués par la ministre, précédemment, et nous allons y revenir lors de l'étude détaillée du projet de loi en commission parlementaire.

À cette étape-ci du débat, permettez-moi de m'attarder sur certaines mesures qui font du projet de loi n° 186 une pièce législative intéressante. La mesure centrale du projet de loi est certainement la mise en place du parcours individualisé vers l'insertion sociale, la formation et l'intégration en emploi, plus communément appelé «parcours vers l'emploi». L'objectif de ce parcours vers l'emploi, comme son nom l'indique, c'est d'aider le prestataire chômeur à se trouver une place sur le marché du travail. Cela peut sembler bien simple comme concept, et en réalité ça l'est. Nous savons tous que l'indépendance et la stabilité économiques d'un individu, dans notre société reposent sur sa capacité de travailler afin de générer un revenu suffisant pour subvenir à ses besoins essentiels.

Le projet de loi propose donc l'institution d'un parcours individualisé tracé en fonction de la personne, établi en collaboration avec elle et qui comprendra des activités de formation générale ou spécifique à chaque individu. Rappelons que ce parcours sera offert sur une base volontaire, sauf pour les personnes de 18 à 24 ans n'ayant pas de contraintes à l'emploi et qui n'ont pas d'enfants à charge. Nous avons ciblé cette clientèle, car il s'agit de jeunes gens, hommes ou femmes, qui, souvent, n'ont pas terminé leurs études secondaires et qui risquent, si on ne les aide pas maintenant, d'en venir à croire que la sécurité du revenu est leur seule possibilité d'avenir, la seule sécurité qui s'offre à eux, alors que la capacité et le désir de travailler existent très clairement chez ces personnes. Nous voulons donc les aider à s'en sortir, premièrement, en leur offrant de la formation gratuite qui leur sera très utile pour décrocher un emploi; ensuite, en les soutenant et en les accompagnant dans leur démarche pour se trouver un emploi. Ce dont ces jeunes ont besoin, M. le Président, c'est d'un coup de pouce pour les orienter dans leur formation et dans leurs démarches d'emploi. Eh bien, c'est ce que nous proposons de faire, dans un premier temps, en intervenant auprès de ces jeunes.

(11 heures)

Certaines mesures de cette réforme affectent également, de façon positive, les femmes prestataires de la sécurité du revenu. Par exemple, il y a cette mesure fort intéressante, dont je suis fière car il s'agit de la concrétisation d'un engagement électoral, il s'agit de l'abolition de la réduction de la prestation pour le partage de logement à l'égard des familles monoparentales. Cette mesure, annoncée en décembre dernier par le premier ministre, M. Lucien Bouchard, annulera donc la pénalité de 104 $ à l'égard des femmes chefs de famille monoparentale qui partagent un logement. Ceci, M. le Président, leur permettra de disposer d'un revenu supérieur et de consacrer cette somme à la satisfaction de leurs besoins et de ceux de leurs enfants. J'ai bien parlé d'une mesure dont vont bénéficier les femmes, car les statistiques démontrent que 82 % des familles monoparentales québécoises sont dirigées par des femmes. En tant que militante du Mouvement des femmes devenue députée, je me réjouis de cette décision qui entrera en vigueur dès ce printemps.

Dans le même ordre d'idées, ce projet de loi a d'autres impacts positifs sur les femmes prestataires de la sécurité du revenu. Le projet de loi prévoit également l'exclusion, dans le calcul de la prestation, de la pension alimentaire versée aux femmes qui ont des enfants de moins de cinq ans, jusqu'à un maximum de 100 $. Il prévoit aussi une nouvelle façon de considérer les prestations de maternité qui avantagera encore plus les femmes.

La réforme prévoit également d'autres améliorations par rapport à la situation actuelle. On peut citer, entre autres, la flexibilité du Programme de protection sociale qui permettra aux personnes admises à ce programme, soit les personnes de 55 ans et plus et celles qui souffrent d'une contrainte permanente à l'emploi, de revenir au Programme d'assistance-emploi si elles le souhaitent et de participer aux mesures qu'il offre. Nous avons également haussé l'exemption de la valeur nette d'une résidence pour les prestataires. De 60 000 $, celle-ci passera à 80 000 $. Cette mesure est particulièrement intéressante pour les résidents prestataires du comté de Mille-Îles, qui est un comté, je vous le rappellerai, M. le Président, où il y a beaucoup de gens qui sont propriétaires de leur maison. Alors, elle sera particulièrement intéressante pour ces personnes-là.

Quant à l'harmonisation de la contribution parentale de la sécurité du revenu avec celle de l'aide financière aux étudiants, la nouvelle méthode de calcul fera en sorte que le montant de la contribution parentale calculé à l'aide sociale sera sensiblement plus faible après la réforme qu'il ne l'est actuellement. On peut également mentionner la prestation spéciale de 500 $ qui sera versée aux prestataires qui réintègrent le marché du travail. D'autre part, il y a augmentation des revenus de travail permis pour 40 000 ménages québécois.

M. le Président, nous sommes conscients et conscientes que cette lutte à la pauvreté passe avant tout par l'emploi. Il faut faire en sorte que les prestataires que nous allons aider avec cette réforme soient en mesure de se trouver un emploi à la fin de leur parcours. Comme le gouvernement ne compte pas parmi les employeurs qui embauchent massivement à l'heure actuelle, le rôle du gouvernement est donc de mettre en place les conditions propices à la création d'emplois.

Les femmes, comme l'ensemble des prestataires, M. le Président, pourront compter sur le développement du secteur de l'économie sociale que nous avons décidé de développer lors du Sommet sur l'économie et l'emploi. Parallèlement à cela, nous avons créé un fonds de lutte à la pauvreté de 250 000 000 $ afin de soutenir financièrement les projets créateurs d'emplois. Nous prévoyons, et c'est déjà commencé, qu'un grand nombre de personnes embauchées seront des prestataires de la sécurité du revenu. De plus, à compter du 1er avril prochain, nous allons mettre sur pied les centres locaux d'emplois, les CLE, partout au Québec. Ces centres auront pour mission d'aider toutes les personnes, quel que soit leur statut, dans leur recherche d'emploi, en plus d'offrir des services de placement et de formation.

M. le Président, les députés de l'opposition officielle parlent souvent de la réduction de notre filet de sécurité sociale et crient au scandale, pour ne pas dire qu'ils nous annoncent souvent la fin du monde. Se souviennent-ils, par contre, que la sécurité du revenu constitue bon an, mal an le troisième poste budgétaire du gouvernement du Québec? En 1997-1998, dans ce domaine, le gouvernement du Québec a consacré 4 200 000 000 $. Alors que nous sommes engagés dans une lutte au déficit record du Québec, déficit qui est une gracieuseté du précédent gouvernement libéral, la réduction totale du portefeuille du ministère de l'Emploi et de la Solidarité pour 1997-1998 a été de 1,4 %. Pendant ce temps – et même s'il n'aime pas l'entendre – le gouvernement fédéral a réduit ses transferts en matière de santé, d'éducation postsecondaire et de programmes sociaux de 2 200 000 000 $. Cette réduction de 2 200 000 000 $ du fédéral est largement responsable des contraintes financières de l'État québécois. Dans le seul domaine de l'aide sociale, les coupures totalisent 855 000 000 $, entre 1996 et 1998.

Donc, M. le Président, résumons la situation. Premièrement, les finances du Québec étaient dans un état désastreux, lors de notre arrivée au pouvoir, à cause du déficit record de 6 000 000 000 $ légué par le Parti libéral du Québec. L'actuel gouvernement doit donc, en accord avec la société québécoise, s'engager dans un programme d'élimination du déficit.

Deuxièmement, les coupures du gouvernement fédéral issu du Parti libéral du Canada, frère du Parti libéral du Québec – et les circonstances m'amènent à dire «frère siamois», actuellement, du Parti libéral du Québec – font en sorte que le Québec dispose de 855 000 000 $ de moins pour financer la sécurité du revenu.

Et troisièmement, comme si ce n'était pas suffisant, la réforme de l'assurance-chômage a entraîné 200 000 Québécois de plus sur l'aide sociale, ce qui engendre des déboursés supplémentaires de 845 000 000 $ par an pour le gouvernement du Québec.

Oui, nous aimerions faire plus. Oui, nous aimerions disposer de plus d'argent pour en faire plus. S'il est vrai que la réduction du nombre d'assistés sociaux a permis de dégager certaines sommes pour le bénéfice du régime, nous devons continuer de dénoncer les coupures du fédéral dans ce domaine. Je constate toujours un profond silence de l'opposition sur cette question. Pas une seule dénonciation, pas une seule protestation. Voilà, M. le Président, qui est inquiétant pour la défense des intérêts des Québécoises et des Québécois.

Le projet de loi n° 186 chemine actuellement vers son adoption. Des audiences particulières auront lieu en commission parlementaire et, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, nous serons très attentifs aux remarques que feront les groupes et les individus qui se présenteront devant nous.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, suite aux efforts du gouvernement dans le domaine de l'économie, de l'emploi et des politiques sociales, nous souhaitons et nous sommes convaincus que les Québécoises et les Québécois, particulièrement celles et ceux qui sont sans emploi, pourront franchir un pas de plus vers leur intégration au marché du travail, car c'est ce que l'actuel gouvernement vise avant tout: la réalisation d'une société où règnent l'équité et la solidarité sociale pour chaque citoyenne et citoyen du Québec, y compris les prestataires de la sécurité du revenu. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Mille-Îles. Nous cédons maintenant la parole au député du comté de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai écouté la députée très attentivement parce que je trouvais qu'on avait affaire à une approche qui m'a fait penser au livre de George Orwell, 1984 . Évidemment, ça a été écrit il y a longtemps, quand 1984 était l'avenir. Il avait parlé d'une société où le gouvernement dictait la bonne façon de penser, la bonne façon de parler. Il y avait le «double speak», parler des deux côtés de la bouche; il y avait le «right speak», il s'agissait d'étaler les choses correctement. Peut-être que c'est le précurseur du «political correctness». Mais la députée nous a parlé d'une façon qui aurait pu être, j'imagine, une copie conforme de tout le discours qui est dicté, en quelque sorte, par l'approche qui vient d'en haut, le premier ministre qui arrive ici en disant: C'est le déficit zéro; c'est les libéraux qui sont responsables, leur 6 000 000 000 $ de déficit; c'est le fédéral qui nous refile des choses. Et là on retrouve tout ça dans tous les discours, M. le Président. Moi, je trouve ça complètement dépassé, d'essayer constamment de revenir sur l'idée du déficit comme étant le grand monstre de tout, puis c'est les libéraux qui ont mis ce monstre en vie.

(11 h 10)

Disons les choses comme elles sont, parce que le déficit, on est tous responsables de ça. Et non seulement nous ici, mais ça a été quelque chose qui a été repris un peu partout dans le monde industrialisé, dans les pays occidentaux, au Canada, dans toutes les provinces, le gouvernement central, et ce n'est pas d'hier. Ça a commencé en 1974. Et, si ma mémoire est bonne – ça, ça fait à peu près 25 ans – ce temps-là était à peu près partagé: 10 ans du Parti québécois, 10 ans du gouvernement libéral, les trois dernières années et demie du Parti québécois. Donc, on est à peu près tous responsables de cette façon de penser qui était de se payer des programmes à partir des prêts qu'on faisait. Et le vrai père du déficit, en quelque sorte, c'est Jacques Parizeau qui, avec l'arrivée au pouvoir en 1976... Si vous retournez regarder les chiffres – et tout est relatif, il faut comparer les époques aussi, les taux de croissance – le déficit est monté en flèche à partir des neuf premières années du Parti québécois. Ça a peut-être été continué par la suite, mais je pense qu'on peut mettre de côté cette vieille rengaine d'essayer de blâmer les libéraux, puis qu'on a trouvé ça épouvantable quand on est arrivé au pouvoir.

Parce que l'autre élément qu'il ne faut pas oublier, c'est que le déficit, M. le Président, ce n'est pas ça qui mange les sommes dans un budget, c'est le service de la dette. Et même si le déficit était éliminé, le service de la dette ne serait pas éliminé pour autant. Et le service de la dette, on est évidemment... Tous les gouvernements depuis les 25 dernières années sont pas mal responsables d'avoir contribué à avoir mis des choses.

Alors, juste ce qui serait correct, ça serait au moins d'accepter que ce jeu de lancer la responsabilité à l'autre et dire: Moi, ce n'est pas ma faute, parce que les méchants qui étaient ici avant nous, c'est eux autres qui me forcent aujourd'hui à taper sur la tête des plus pauvres, des plus démunis; je n'aime pas le faire, mais il faut que je le fasse parce que j'ai une oeuvre absolument essentielle, moralement correcte, et c'est l'élimination du déficit, il faut qu'on arrive au déficit zéro pour maîtriser ça, etc... Donc, je peux tout expliquer, je peux tout me permettre avec cette excuse-là, que ça soit la fermeture des hôpitaux, que ça soit la dégradation épouvantable de notre système de santé, que ça soit le reniement de promesses formelles, que ça soit cette capacité de tourner sur un 10 cents et dire aujourd'hui tout à fait le contraire de ce qu'on disait il y a à peine quelques années, M. le Président.

Parce que je me rappelle des choses, par exemple des députés ici, dans cette Chambre, qui disaient qu'une coupure, si minime soit-elle, à un chèque de bien-être social ou à des besoins spéciaux en matière de santé, de médicaments, de garde d'enfants, c'est une coupure dans un strict minimum, et cela, nous ne pouvons pas le permettre. Il est impossible de décrire au moyen des mots seulement les effets dévastateurs, les torts qu'on risque de faire subir à la santé physique et au bien-être psychologique des gens qui doivent vivre sous le seuil que représente le minimum vital absolu. Des paroles qui faisaient ressortir un engagement social qu'on croyait sincère, qu'on croyait profond.

Ça, c'est les paroles de la ministre actuelle qui coupe, avec son projet de loi, dans le minimum vital, qui défonce le seuil minimal de ce que, comme société, nous avons décidé que ça prenait pour vivre non pas décemment, mais minimalement, subsister, pour éviter – et même, de plus en plus, on constate que ça n'évite pas le recours à la mendicité – que les gens mendient. En mendiant, les gens deviennent de plus en plus itinérants; on voit de plus en plus dans nos rues des gens qui sortent le chapeau pour essayer de survivre, etc. Et la ministre qui, il y a à peine 10 ans, lançait des cris de sincérité, qu'on croyait réels, pour défendre les plus démunis, nous introduit aujourd'hui, sous le couvert d'une soi-disant réforme qui n'en est pas une, M. le Président, des mesures qui vont faire en sorte qu'une bonne partie de la clientèle qui se trouve effectivement dans le besoin à cause du manque d'emplois...

Et de ça aussi, il faudrait qu'on en parle, parce que sur ça aussi les gouvernements ont des responsabilités à assumer, peu importe de quel parti ils sont issus, parce qu'on ne peut pas regarder une loi qui touche l'aide sociale, qui est le filet de sécurité de protection minimale pour ceux qui se trouvent en dehors du circuit... Pour x, y ou z raisons, M. le Président, on a décidé que, quand il y a des situations où les gens ne sont pas en mesure de profiter de la croissance économique, de l'activité économique que la société organise pour ses membres, il y a, de façon temporaire, on l'espère, de façon plus permanente pour d'autres à cause parfois de raisons physiques ou psychologiques au niveau des handicaps, un filet de sécurité sociale. C'est ce qu'on a toujours eu, toujours, peut-être pas, mais depuis au-delà de 30 ans il y avait un système qui établissait un minimum vital, M. le Président.

On a vu que, avec le temps, plus on était incapable comme société de générer suffisamment d'activité économique pour prendre tous ces gens qui voulaient travailler, qui avaient besoin de travailler, plus les rangs des assistés sociaux grossissaient. Et là on est devant des choix. On a le choix d'accentuer les efforts pour accroître l'activité économique et mettre en place tout ce qui est nécessaire pour justement stimuler l'économie afin d'absorber ceux qui sont incapables, dans le contexte actuel, de trouver un emploi, ou on peut avouer notre échec sur ça et se tourner de bord, se concentrer autour des personnes qui se trouvent dans ces situations-là et resserrer la vis, resserrer la vis parce qu'on n'a que l'idée du soi-disant objectif: déficit zéro.

Mais on oublie que le déficit zéro, on peut aussi l'atteindre non pas strictement en serrant les vis, en tordant tous les gens au-delà de ce qui est humainement acceptable à tous les niveaux, en faisant en sorte qu'il y ait des enfants dans nos écoles qui n'aient pas de livres au Québec à la veille du XXIe siècle, qu'il y ait des gens qui meurent dans les urgences et qu'il va y avoir dorénavant des assistés sociaux qui vont voir leurs prestations réduites en bas, et pas mal en bas, 150 $ en bas du minimum qui a, lui aussi, été réduit par ce même gouvernement à 490 $ par mois, M. le Président.

Donc, les gens vont se retrouver souvent, après l'introduction de ces mesures – ce qui n'est pas une réforme – avec des prestations de 340 $ par mois pour vivre. Essayez ça. Moi, je sais que ce n'est pas possible de le faire, M. le Président. Le recours, ça va être quoi? Ça va être d'être dans la rue avec le chapeau en demandant de l'aide des gens qui passent et qui trouveraient une certaine capacité de soit mettre un 0,25 $, 1 $ ou 2 $ dans le chapeau pour aider les gens à vivre; ça, au Québec, à la veille du XXIe siècle, avec un gouvernement qui nous a dit que tout allait changer parce qu'ils avaient trouvé une autre façon de gouverner et qu'ils allaient oser. Alors, deux premiers ministres de ce même gouvernement plus tard, nous sommes dans une situation où on a oublié tout le côté augmentation des revenus pour faire réduire le déficit dont on est, je pense, tous responsables.

On n'est pas uniques, ici, au Québec. D'autres avaient eu le même problème. D'autres ont réussi bien avant nous, peut-être parce qu'ils n'avaient pas à référender pendant un an, peut-être parce qu'ils n'avaient pas, par la suite, essayé de se remettre et peut-être parce qu'ils n'ont pas non plus une hypothèque qui pèse sur leur tête: la perspective de la continuation de ces chicanes, de cette confrontation sur un plan qui dépasse ce que les Québécois veulent, M. le Président, vis-à-vis leur avenir. Les expectatives qu'ils ont, ce n'est pas de voir la continuation des chicanes avec la perspective d'une séparation qui va supposément tout régler en ouvrant un trou béant mais noir. On ne nous a pas expliqué encore comment le tout va être réglé quand on va passer dans ce trou noir. Mais, M. le Président, on oublie que d'autres ont réussi bien avant nous sans avoir toutes ces affaires auxquelles ils ont à faire face.

(11 h 20)

La véritable réaction que ce gouvernement devrait avoir par rapport à l'aide sociale, ça serait justement de mettre beaucoup plus d'efforts à définir, pour une fois, après deux premiers ministres, une politique d'emploi qui viserait à aider plus précisément les jeunes, une politique de croissance économique qui viserait à absorber un plus grand nombre de personnes qui se retrouvent actuellement sur l'aide sociale. Parce que, s'il est vrai que 80 % des gens qui sont sur l'aide sociale sont des chômeurs, comme le disait tantôt la députée, il me semble que la réaction normale, ce serait de regarder du côté des mesures qui relancent l'emploi, qui créent l'activité économique, beaucoup plus que de regarder du côté des mesures punitives, restrictives, coercitives pour faire sortir le jus de ceux qui sont déjà pressés au-delà de ce qu'ils sont capables de donner, M. le Président.

Alors, le projet de loi, ici, essaie d'aller chercher du jus dans un citron qui est déjà pas mal pressé. Et là on nous le présente comme une amélioration, comme quelque chose qui découle de cette sincérité profonde par rapport aux plus démunis, à la protection des plus démunis, qu'affichent, qu'affichaient, je devrais dire, les membres de ce gouvernement à une époque qui, semble-t-il, est bel et bien révolue.

Je rappelle les paroles de la ministre actuelle, qui se scandalisait quand on allait toucher, si minimalement soit-il, disait-elle, aux prestations d'aide sociale. Mais aujourd'hui, les gens nous présentent des attaques en règle contre le filet de sécurité sociale comme une réforme, quand on sait, par contre, que cette soi-disant réforme est, de façon très, très véhémente, contestée par ceux qui vivent la situation.

Et ça va de soi, parce que, quand on est devant une situation où on a un groupe de personnes qui se trouvent sur l'aide sociale, dont la grande majorité, nous dit-on, sont des chômeurs, entre guillemets, on doit se dire: Qu'est-ce qu'on peut faire pour les aider? Comment est-ce qu'on peut aller chercher ces personnes-là et les aider à s'insérer sur le marché du travail? Et, pour s'insérer sur le marché du travail, il faut aussi augmenter le marché du travail. Alors, c'est ces deux choses-là qu'il faut essayer de faire du même coup.

Et il va de soi que, quand on essaie d'aider quelqu'un, ça passe beaucoup plus efficacement – je ne dis pas «mieux», je dis «efficacement» – c'est beaucoup plus efficace de le faire avec sa participation volontaire, avec la motivation qui découle de cette prise en charge par la personne elle-même, en disant: Oui, je veux faire ça. C'est ce qui existait avant. Il y avait un barème minimal et, aussitôt que les gens se déclaraient disponibles, M. le Président, et disaient: Oui, je veux trouver des mesures pour m'aider à sortir de l'aide sociale, il y avait une bonification du barème minimal. Et, aussitôt qu'on trouvait une mesure, qu'ils participaient à une mesure, il y avait une autre bonification.

Ce qu'on fait maintenant, c'est qu'on dit: Vous devez venir ici et me prouver que vous faites tous les efforts pour chercher de l'emploi. Alors, les bénéficiaires auront à convaincre maintenant leurs agents, qui sont débordés avec le nombre de personnes qu'ils ont à contrôler. Parce qu'il ne s'agit plus de les aider, il s'agit de les contrôler. Et vous allez essayer d'avoir une relation d'aide à partir d'une relation d'autorité, ce qui sera contreproductif par rapport au chemin qu'on veut faire parcourir aux gens, ce fameux plan d'insertion individualisé – ou je ne sais pas trop comment la ministre l'appelle – qui n'est pas très différent, au bout de la ligne, du plan d'action individualisé qui existait avant, qui était, lui, basé sur le volontariat, sur la prise en charge par la personne elle-même, plutôt que sur le contrôle au préalable.

Alors, tout le monde nous dit qu'à partir du moment où vous demandez à un groupe, à un agent, de contrôler quelqu'un ne demandez pas, du même coup, à la personne qui va être ainsi contrôlée de spontanément se trouver bien motivée à entrer dans une relation d'aide avec cette personne pour s'en sortir. Et ça, c'est tout à fait le contraire de ce qu'on nous disait qu'on voulait faire avant, M. le Président. Parce que ce même gouvernement, issu du même parti – à moins que le parti ait changé – disait, il n'y a pas très longtemps, il y a quelques années, avant de prendre le pouvoir, que, quand ils allaient prendre le pouvoir, ils allaient, en matière de sécurité du revenu – ce dont on discute ici – s'engager, dans les 12 mois suivant son élection, à une révision en profondeur de la loi 37 – la loi qui existait avant – de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants. Supposément, il y avait des éléments péjoratifs et punitifs, avant; on allait les abolir et les remplacer par des éléments valorisants et incitatifs.

Bien, M. le Président, si je pouvais utiliser le terme «mentir», ici, je le ferais. Mais, ici, je pourrais dire qu'on a induit la population en erreur. On a dit une chose, on a fait le contraire. Le genre de «double speak» qu'Orwell décrivait dans son livre de 1984 où finalement les gens ne pensaient plus, on leur dictait quoi dire et ils le disaient. Et il fallait le dire parce que, s'ils ne le disaient pas, ils avaient des pénalités puis des punitions, etc. Et c'est ce qu'on a devant nous, des gens qui nous répètent des choses qui sont complètement contraires à ce qu'eux-mêmes disaient il y a quelques années. On réécrit l'histoire. Ça aussi on le faisait dans le livre en question; au fur et à mesure que les gouvernements changeaient, on réécrivait l'histoire pour que ça soit conforme avec la façon de penser d'aujourd'hui.

Et c'est ce que la députée qui m'a précédé a fait. Elle a complètement mis de côté ce que la ministre, qui aujourd'hui pilote ce projet de loi, disait il y a quelques années; elle a complètement mis de côté le programme du parti dont elle est issue, qui fait aujourd'hui le contraire de ce qu'il avait dit qu'il allait faire puis essaie de nous faire passer pour une réforme des mesures qui sont des mesures punitives, de contrôle, en essayant de les vendre sous le prétexte de la nécessaire lutte au déficit, en oubliant, par exemple, que ce gouvernement a échoué lamentablement à faire quoi que ce soit pour réduire le déficit non pas en tapant sur la tête des plus démunis puis des plus pauvres – ce qui est le lot que nous subissons depuis trois ans et demi – mais par les stimulations de l'activité économique.

Et qu'est-ce qu'ils peuvent faire, M. le Président, pour stimuler l'activité économique? Non pas pour, par magie, tout régler, mais ils pourraient, d'une part, nous dire que ça suffit, ça suffit, la notion de chicane constitutionnelle puis d'autres référendums qui nous plane sur la tête pour qu'au moins il y ait un climat propice à ceux qui veulent venir investir pour créer de l'emploi et de l'activité, au lieu d'investir moins que ce qu'ils auraient pu, ou attendre pour voir comment ça va aller, ou aller ailleurs.

Deuxièmement, ils peuvent mettre en avant des mesures spécifiques pour la création d'emplois. Je pourrais continuer, mais vous me dites, M. le Président, que mon temps est écoulé. Mais le temps étant écoulé, je dois vous dire que, pour toutes ces raisons, je ne pourrai pas voter en faveur de ce projet de loi. Au contraire, on va le dénoncer tant et aussi longtemps qu'on pourra. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Nous allons maintenant céder la parole au député de Nelligan. Alors, M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je m'excuse de ne pas m'être levé tout de suite, parce que j'ai pensé que... je sais qu'il n'y a pas beaucoup de députés devant moi, mais j'ai pensé qu'au moins un de vous allait se lever. Peut-être que vous avez tous honte de ce projet de loi. Nous avons eu 21 intervenants jusqu'à maintenant, si j'ai bien compté, le député de Laurier-Dorion était le dernier, mais 15 – 15! – députés libéraux ont parlé sur ce projet de loi et nous n'avons pas eu plus que six intervenants du parti ministériel.

(11 h 30)

Je suppose, si je lis votre programme électoral – que, je présume, vous avez tous mis dans la poubelle maintenant – si je lis ça, que vous devrez être fiers de ce projet de loi, parce que vous allez faire avancer la cause de la population. Mais actuellement, M. le Président, je pense effectivement que les députés ministériels sont embarrassés par ce projet de loi, parce que c'est un autre exemple du double langage de ce gouvernement, un autre exemple qu'ils disent une chose avant les élections et font exactement le contraire une fois qu'ils sont élus.

Souvenez-vous, M. le Président, que, juste avant le référendum, ils ont fait tout un arrangement avec la fonction publique pour acheter leurs votes. Finalement, après ça ils ont tout changé, et maintenant nous avons tous la fameuse loi de 6 %, etc. Ça commence à être une tendance assez claire, je pense, et c'est pourquoi... Et je lance un défi à mes collègues devant moi: Si vous êtes fiers de ce projet de loi, qu'ils se lèvent, qu'ils défendent ça. Mais je présume qu'effectivement vous n'aimez pas ce projet de loi parce que vous savez que ça va augmenter l'appauvrissement de la population québécoise.

M. le Président, la population québécoise mérite mieux que ça. Ce n'est pas un projet de loi qui aide nos jeunes, comme le député de Laurier-Dorion a juste mentionné, c'est un exemple, comme je l'ai dit, d'un double langage. Je n'ai pas le droit, comme ça a déjà été mentionné, d'utiliser quelques mots parlementaires, mais j'ai de la misère, avec Le Petit Robert , à trouver les mots pour expliquer exactement mon sentiment. Parce que c'est 100 % le contraire, 100 % différent de ce que vous avez, comme Parti québécois, dit dans votre programme, c'est 100 % différent, c'est une volte-face, c'est un virage, c'est une demi-vérité. Je ne peux pas utiliser quelques mots, je sais que je suis sur la limite et je ne veux pas dépasser ça, M. le Président, mais j'espère que tout le monde va comprendre que ce n'est pas correct, ce double langage, et que c'est inacceptable, ce que ce gouvernement est en train de proposer dans ce projet de loi n° 186.

M. le Président, vous le savez, dans votre comté, vous avez les mêmes problèmes que j'ai dans mon comté et partout au Québec. Effectivement, il y a le problème de la pauvreté. Nous avons une augmentation des banques alimentaires partout; 50 % dans mon comté, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Je pense que, si vous avez la chance de visiter mon comté, vous allez certainement entendre l'excellent travail de Resto vie. Mais Resto vie augmente mois après mois le nombre de repas qu'il doit donner dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, supposément un quartier plus favorisé que les autres. Mais maintenant, à cause de ce gouvernement, à cause des problèmes que nous avons vus et les politiques de ce gouvernement, nous avons maintenant nous-mêmes une augmentation du nombre de repas donnés par Resto vie. En juin 1996, c'était presque 200; en avril 1997, c'était 485, et ça augmente tout le temps, M. le Président. Voilà un exemple des problèmes que nous avons.

Nous avons, hier, questionné le ministre de la Santé sur le taux de suicide, ici, au Québec, parce que le gouvernement ne fait rien sur le problème du suicide, et malheureusement le taux atteint 31,6 personnes sur 100 personnes pour les jeunes hommes de 15 à 29 ans. Je trouve ça dommage que le ministre même n'écoute pas les discours, qu'il ne suive pas le débat, qu'il ne soit pas présent pour écouter ce que l'opposition veut dire. M. le Président, nous avons le triste record au Canada sur la pauvreté. On ne peut pas être fier de ça, on ne peut pas être fier que le Québec effectivement soit maintenant beaucoup plus pauvre que plusieurs autres provinces canadiennes. C'est pourquoi c'est clair et net, le projet de loi n° 186 n'est pas inclus dans le programme, c'est une volte-face, c'est un double langage et c'est inacceptable, comme approche.

Laissez-moi expliquer pourquoi, M. le Président, le gouvernement a déjà fait des coupures sévères dans le secteur de l'aide sociale. Ils ont coupé plus de 400 000 000 $ dans ce secteur, soit 10 %. Ils ont déjà fait une abolition du barème de disponibilité – ça coûte cher – une abolition des avoirs liquides pour le mois de la demande, une baisse du barème de participation, des coupures dans l'allocation-logement, fin de la gratuité des médicaments, désengagement au niveau des soins dentaires et optométriques, imposition des prestations d'aide sociale lors du retour au travail, abolition de l'allocation pour le remboursement de l'impôt foncier et abolition du barème de non-disponibilité pour les mères monoparentales ayant à charge des enfants de cinq ans. Plus de 400 000 000 $ de coupures déjà, M. le Président, et, moi, je ne parle pas de l'augmentation des taxes scolaires, du pelletage aux municipalités qu'on doit tous payer. Ça fait mal à ces personnes.

M. le Président, une fois qu'ils ont fait tout ça à ce monde-là qui cherche plus d'aide et plus de créativité que ça, ils arrivent avec maintenant un projet de loi tellement coercitif, tellement basé sur la notion de pénalité, tellement basé sur une approche plus interventionniste et coercitive. Je sais que c'est la tendance de ce gouvernement, il pense qu'il contrôle le monopole de la vérité, il pense qu'il peut décider ce qui est bon pour moi, pour ma famille, pour mes enfants. C'est ça qu'il est en train de faire. C'est inacceptable, comme approche.

Et ce gouvernement, avec ce projet de loi n° 186, démontre encore une fois qu'il privilégie plus une stratégie coercitive qu'une stratégie positive. Je présume que beaucoup des députés ont des enfants. Juste, pensez-vous, de vos échanges et vos discussions avec vos enfants – je peux penser à mes deux garçons – est-ce que c'est stratégique, est-ce que c'est efficace, quand vous voulez encourager quelqu'un à dire, à faire quelque chose, de menacer ce jeune d'avoir une pénalité devant lui avant de commencer, de le menacer que, s'il ne fait pas ça, là, il va avoir une pénalité? C'est exactement ça que le projet de loi n° 186 fait.

Et Camil Bouchard, qui est bien connu comme l'expert dans notre réseau, il a dit clairement: Ce n'est pas une façon de procéder, ce n'est pas une bonne façon d'encourager nos jeunes à se sortir de ce cercle vicieux. M. le Président, Camil Bouchard, ce n'est pas quelqu'un qui vient du Parti libéral, ce n'est pas nécessairement quelqu'un qui est connu au Parti québécois; il est connu comme un expert dans ce domaine. Je pense qu'on doit respecter ça. C'est assez clair que, lui, M. Bouchard, a dit que le gouvernement faisait fausse route avec cette nouvelle option d'obligation sous peine d'une pénalité pour les jeunes de 18 à 24 ans.

Les experts disent: Ça ne marche pas. Pourquoi le gouvernement continue avec son obsession? Il dit: Ça ne fait rien, ce que les experts disent. Nous allons avoir notre propre façon de faire ça, et c'est toujours par la coercition, par les pénalités, par les menaces et par les divisions. C'est ça que je trouve complètement inacceptable, comme approche. C'est contre-productif, et ce n'est pas juste Camil Bouchard qui l'a dit, c'est Alain Noël, professeur à l'Université de Montréal, qui est aussi un expert bien connu.

Avec ça, M. le Président, j'espère que, si le côté ministériel ou au moins le minimum de députés qui sont ici devant nous ne veulent pas nous écouter, écoutez les experts. S'il vous plaît, prenez note de ce qu'il est en train de faire et faites les changements à ce projet de loi.

M. le Président, il y a un autre point que je voudrais toucher, et particulièrement comme porte-parole du Revenu, quand je vois qu'il y a toute la question du non-paiement de loyer. Ils veulent avoir le pouvoir de saisir cette partie d'un chèque. Là, maintenant, on arrive avec un comportement que, malheureusement, je commence à comprendre pas mal bien. Parce que le ministère du Revenu, ils sont police, juge et jury. Et, si vous êtes quelques jours en retard, tout de suite ils arrivent, là, ils disent: Paie. Paie, paie et paie. C'est vrai.

Et nous avons eu un débat ici, en Chambre, hier. Malheureusement, le côté ministériel a voté contre une commission parlementaire. Pourtant, il y a 100 000 travailleurs et travailleuses à pourboire. Et c'est ça qu'il est en train de faire, il est en train de faire le harcèlement. Il est en train de tout de suite mettre toute la réalité de côté et dire: On veut avoir de l'argent et nous allons arriver avec notre façon de procéder.

(11 h 40)

Je vois la même tendance avec ce problème qui donne le pouvoir de saisir une partie de leur chèque pour le non-paiement de loyer. Je demande: Est-ce que c'est vraiment légitime? Est-ce que cette façon de faire est incluse dans la Charte québécoise? Est-ce que c'est vraiment contre l'esprit de la Charte québécoise? On doit questionner ça. On doit questionner cette façon de procéder parce que, dans le vrai monde, le ministère peut arriver avec ses règles, mais, dans le vrai monde, si vous n'avez pas d'argent à cause de toutes les coupures que nous avons vues dans...

Une voix: L'aide sociale.

M. Williams: Dans l'aide sociale. Je m'excuse, M. le Président. Avec toutes les coupures que nous avons vues partout, en éducation, en services sociaux et à l'aide sociale, avec toutes les augmentations de taxes, souvent ces personnes-là n'ont pas les moyens de payer.

Est-ce que les mesures que l'on trouve dans ce projet de loi sont, actuellement, efficaces? J'ai mes doutes, M. le Président, parce que je vois que le gouvernement veut avoir tout le pouvoir sur son côté. Mais la population... Quand je parle avec les jeunes, ils cherchent à avoir plus d'espoir, ils cherchent à avoir un programme de création d'emplois intéressant, ils cherchent à avoir un gouvernement qui n'empêche pas le développement de l'économie québécoise, comme nous sommes en train de le voir avec ce gouvernement, ils veulent avoir un gouvernement qui encourage le retour au travail, ils veulent un gouvernement qui crée des emplois permanents, pas des faux emplois, pas des emplois pas stables pour juste assurer que le taux de chômage baisse juste avant une élection, encore une fois pour acheter les votes. Ils veulent avoir un gouvernement qui respecte sa parole aussi. La population québécoise est tannée d'avoir le double langage, les demi-vérités et tous les engagements non remplis par ce gouvernement.

M. le Président, j'espère que le gouvernement va refaire son travail, va respecter sa parole dans le dossier. Avec l'économie québécoise que nous avons maintenant, les personnes ont besoin d'aide, elles ont besoin d'un système qui respecte leur dignité, qui donne un «incentive» positif pour sortir de ce cercle vicieux, et ce n'est pas ça que je trouve dans le projet de loi n° 186.

Mr. Speaker, the population of Québec deserves better than this law. The population of Québec wants a law that is based on incentives, on positive reinforcement, not on threats and penalties. We have seen this Government in every dossier... Whether it's in revenue dossiers, whether it's in linguistic dossiers, whether it's in educational dossiers, this is a government obsessed with coercion, with manipulation, with a perspective that says they know better than everybody else and they're going to decide what's good for you, and, if not, they're going to penalize you. Mr. Speaker, have you ever heard anything so absurd?

If you want to help young people, if you really care about young people – and frankly, I don't think this Government does – you're going to build a system not based on penalties, but you're going to be creative, you're going to be positive and you're going to reinforce the creative energies that we all know exist in our young people. That's what we want to see. That's what Camil Bouchard talks about. He doesn't talk about coming out with penalty after penalty if there are problems, he states that we should be encouraging young people. It should be an exciting time. But that's not what's happening.

Mr. Speaker, I've also highlighted my comments and my concerns about some of the issues about seizing parts of checks to pay for rent. Now, I understand that there are certain problems in this area, and we should find a reasonable and legitimate way to work it out. But I'm deeply concerned that this is another typical behavior of this Government that determines how and what we should function. It reminds me very much of the behavior of the Ministry of Revenue in which they hand out cheques, they cross-reference information. They then go and harass – harass – people until they pay, notwithstanding – notwithstanding – the reality of their current life. If they don't have the money, if they don't have the wherewithal to pay for all their bills, how, no matter how much you have harassed them, Mr. Speaker, are they going to pay those bills?

So, I have some serious questions, and I'm going to follow this debate very carefully. People in my riding are asking: Will this help them? I have to say, Mr. Speaker: No. This is not a good projet de loi. It's not a very good law at all. It is not based on some basic fundamental principles that my colleague from Notre-Dame-de-Grâce has been talking about, and other colleagues.

So, Mr. Speaker, it's unfortunate that, after three and a half years of incompetence, after three and a half years of this Government buying their votes, after three and a half years of the Government saying one thing and doing exactly the opposite, we have one more example. It is unfortunate that they're doing it again on the backs of people not likely capable of organizing to contradict these measures. They've deliberately... And I've seen this again – and the député de Châteauguay was with me yesterday – there's a typical strategy. They are picking on people who, they think, can't respond to them.

We talked for two hours, yesterday, about the workers who work in restaurants, in hotels and bars. They work for tips, and they've deliberately targeted them. Now, we're talking about targeting the people on social aid. No wonder – no wonder – deputies, members on the other side are too embarrassed to stand up and try to defend this.

C'est assez évident que les membres de ce gouvernement ne veulent pas discuter de ce projet de loi. Ils ont honte. Ils sont tout embarrassés. Ils ne peuvent pas défendre ça. C'est pourquoi – il y a combien, 77 députés de l'autre côté, plus ou moins? – six, jusqu'à maintenant, ont eu le courage d'essayer de défendre ça.

Je vous lance un défi à vous autres. S'il vous plaît, si c'est si bon que ça, levez-vous, défendez le projet de loi. Vous n'êtes pas capables. Vous ne voulez pas avoir votre nom attaché à ce projet de loi. Vous savez que, si vous essayez de défendre ça, nous allons sortir les galées et nous allons les envoyer dans vos comtés. Et c'est non défendable.

Une voix: ...

M. Williams: Oui, je suis... Oui, effectivement. C'est pourquoi ils ont compris que, juste avant l'élection, ils ne veulent pas faire ça parce qu'ils savent que ce projet de loi fait mal à leurs commettants. Ils savent que ça fait mal à nos jeunes. Ils sont bien bons avec les discours, mais les discours, c'est une chose; l'action, c'est une autre affaire. Et nous sommes en train, jour après jour, de voir que ce gouvernement est en train d'appauvrir la population québécoise. Jour après jour.

Je sais que les députés ne veulent pas qu'on discute, mais, si vous êtes aussi fiers de ce projet de loi, la parole est à vous dans deux minutes si vous avez le courage de faire ça. Parce que, jour après jour, nous avons vu les coupures dans l'éducation, l'aide sociale et la santé.

Des voix: ...

M. Williams: Ah! arrêtez de dire que c'est la faute des autres, là, c'est de votre faute. Trois ans... Sortez de la cassette, ayez un peu de responsabilité vous-mêmes. Si vous n'êtes pas capables de prendre vos responsabilités, ne vous présentez pas la prochaine fois.

Une voix: Bravo!

M. Williams: O.K.? S'il vous plaît, là, je suis tanné de «la faute des autres». C'est de votre faute. Trois ans et demi, vous avez coupé partout. Et c'est votre propre Bureau de la statistique qui dit que, année après année, nous sommes plus pauvres, nous avons moins de revenus disponibles. S'il vous plaît, quand on parle de l'aide sociale, mettez ce projet de loi dans la poubelle, refaites le travail, arrivez avec des choses qui répondent aux vrais besoins de la population québécoise, aidez nos jeunes, donnez un peu d'espoir à nos jeunes, s'il vous plaît. Au moins, si vous n'écoutez pas l'opposition officielle, écoutez les experts comme Camil Bouchard.

Vous avez besoin de refaire ce projet de loi, vous avez besoin de recommencer l'économie québécoise, vous avez besoin de mettre de côté l'obsession de la séparation, vous avez besoin de mettre les intérêts des Québécois et des Québécoises avant tous les autres, et vous êtes en train de faire exactement le contraire. La loi n° 186 est un autre exemple de la tendance de ce gouvernement, ce double langage, de ne pas remplir les promesses. C'est de dire une chose et de faire exactement le contraire. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Nous cédons maintenant la parole au député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je comprends que je pourrai seulement mettre la table de ma présentation, puisqu'il ne reste que 10 minutes, et on pourra par la suite poursuivre après la période du dîner, la période des questions. Ça va me permettre simplement de faire une mise en contexte qui va sans doute intéresser quelques collègues en face qui vont écouter cette présentation, puis qui va sans doute les intéresser à réécouter aussi cet après-midi pour entrer dans le jus et dans le coeur du sujet.

(11 h 50)

D'abord, une mise en contexte qui nous rappelle le rôle du premier ministre du Québec, le premier ministre actuel du Québec. Lorsque ce premier ministre est arrivé, dans son discours d'assermentation, en janvier 1996, il a dit ceci: «Il n'y aura donc pas au Québec de massacre à la tronçonneuse. Nous ne tournerons pas le dos à la solidarité et à la compassion. Le voudrait-on que nous ne le pourrions pas. Ce serait pour nous, Québécois, contre nature.» Un peu plus tard, en mars 1996, le même premier ministre actuel disait: «Je tiens à rassurer nos concitoyens, il n'est pas question de réduire les prestations de base des bénéficiaires d'aide sociale.»

Ce premier ministre du Québec, le premier ministre du Parti québécois actuel, a comme dossier, depuis qu'il est premier ministre, des coupures de l'ordre de 412 000 000 $, lui qui disait qu'il n'était pas question de réduire les prestations, lui qui disait qu'il n'y aurait pas de massacre à la tronçonneuse. Ça, c'était le discours.

La réalité, c'est des coupures de l'ordre de 10 % du budget. Chez qui? Chez ceux qui sont les plus pauvres, les plus démunis de notre société. Abolition du barème de non-disponibilité, abolition des avoirs liquides pour le mois de la demande, baisse du barème de participation, coupures dans l'allocation-logement, fin de la gratuité des médicaments, désengagement au niveau des soins dentaires et optométriques, imposition des prestations d'aide sociale lors du retour au travail, abolition de l'allocation pour remboursement de l'impôt foncier, abolition du barème de non-disponibilité pour les mères monoparentales ayant à charge des enfants de cinq ans. M. le Président, il y a eu des engagements pris lorsque ce premier ministre actuel, deuxième en titre du Parti québécois dans ce mandat, lorsque ce premier ministre actuel, celui-là, a fait de beaux discours. Il est responsable pour 10 % de coupures, pour 412 000 000 $ de coupures.

Lorsqu'on étudie ce projet de loi, il faut garder ce contexte en tête. Et, lorsqu'on entend la ministre faire sa préparation à son projet de loi et déposer l'étude de Pierre Fortin sur l'impact des lois de l'assurance-emploi, il faut se souvenir qui est premier ministre du Québec aujourd'hui. Parce que ce que Pierre Fortin nous dit, c'est que, des trois réformes de l'assurance-chômage, sur les 200 000 – en fait, c'est 194 000 d'impacts sur les assistés sociaux – il y en a plus de 50 %, 102 000, plus de 50 % qui sont dus à la réforme entrée en vigueur en 1990, votée en 1989.

Lorsqu'on regarde le projet de loi qui va au palmarès du premier ministre actuel – on y reviendra, dans les minutes qui vont suivre et cet après-midi, dans le coeur de ce projet de loi voir les effets que ça a, pernicieux, notamment chez les jeunes – il faut se souvenir que ce projet de loi se fait sous la responsabilité du premier ministre actuel qui a déjà à son palmarès pour 412 000 000 $ de coupures chez ceux qui sont les plus pauvres. Ce même premier ministre actuel était membre du Conseil des ministres qui a adopté ce projet de loi de réforme à l'assurance-chômage en 1989.

Pour ceux qui ont la mémoire courte, je tiens à rappeler que, lorsqu'on veut invoquer des arguments... Et je ne veux pas contester les chiffres de Pierre Fortin, je veux bien qu'on en discute, mais j'aimerais qu'on ramène les pendules à l'heure. On fait une réforme en essayant de nous dire que c'est de la faute de ce qui s'est passé ailleurs. Mais ce qui s'est passé ailleurs s'est passé sous la responsabilité de celui-là même qui aujourd'hui dépose cette réforme. Le premier ministre actuel, membre du Conseil des ministres du gouvernement fédéral, a accepté la réforme de 1989.

Et aujourd'hui il est en train de nous faire croire que c'est de la faute des autres s'il y a un projet de loi, c'est de la faute des autres s'il y a des effets au Québec. Bien, non. Bien, non, M. le Président. Le premier ministre actuel du Parti québécois va devoir vivre avec ses discours, avec ses prises de position, avec ses responsabilités sur les effets de l'assurance-chômage, des changements qu'il y a eu: 50 %; plus de 50 %, c'est 102 000 nouvelles demandes d'assistés sociaux qui sont dues au projet de loi du premier ministre actuel.

Dans ce contexte, on revient à ce projet de loi n° 186, dont on peut imputer l'ensemble de la responsabilité, autant dans ses causes que dans ses effets, au premier ministre actuel du Parti québécois. On aura beau nous envoyer dans toutes les capitales du monde pour imputer la faute, on saura que celui qui occupait des fonctions dans ces autres capitales et dans celle-ci est responsable de ce projet de loi, des mesures punitives qui y sont envisagées.

Puisque je vous parle des mesures punitives, dois-je rappeler aussi l'injure que l'on fait à la démocratie lorsqu'on se présente au Parti québécois avec un programme qui dit ceci – c'est dans leur programme, page 172, M. le Président, avec lequel ils ont fait campagne, parmi des tas de promesses qu'ils ont fait croire aux Québécois dans cette autre façon de gouverner qui consiste à renier un à un tous les engagements qu'ils ont pris: «Un gouvernement issu du Parti québécois, dans les 12 mois qui suivront son élection, s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 sur la sécurité du revenu de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.»

Je n'ai presque plus de temps, M. le Président, mais je peux au moins demander à ceux qui sont en face de nous: Pourquoi? Laisser méditer sur l'heure du dîner, le début de l'après-midi, pour que cet après-midi, lorsqu'on reprendra les débats sur ce projet de loi, on nous réponde: Pourquoi? Pourquoi avoir fait croire aux Québécois qu'on voulait changer les éléments punitifs en éléments incitatifs quand on fait exactement le contraire? On change les éléments incitatifs en éléments punitifs. Pourquoi? Pourquoi avoir trompé la population?

Je suis curieux et je serai curieux de savoir comment ces amis collègues du Parti québécois en cette Chambre, quelle sorte de débats ils ont eus avec leurs amis de Pro-Démocratie. Comment ces amis de Pro-Démocratie considèrent-ils l'affront qui est fait à la démocratie quand un à un les engagements qui sont pris sont bafoués, reniés? Que dis-je? On fait le contraire, on va plus loin encore, plus loin et encore plus loin dans la punition, dans l'atteinte aux droits, aux espoirs des plus démunis de notre société. Pourquoi briser l'avenir? Pourquoi fermer la porte à des lendemains qui peuvent être porteurs à ceux qui demandent qu'on leur envoie un signe d'accueil dans notre société? Pourquoi ce gouvernement qui leur a fait de si belles promesses, a fait voir tant d'espoir, pourquoi ce gouvernement renie-t-il cette promesse particulière?

Lorsqu'on vient et qu'on intervient en cette Chambre, M. le Président, pour rappeler à ce gouvernement chacun des engagements qu'ils ont rompus, ils nous regardent en se disant: Ah! ce n'est que l'opposition, après tout, ce n'est pas si grave, les gens ne s'en rendent pas compte.

Je dois terminer là-dessus, M. le Président. Je voudrais conclure sur ce sujet en leur disant que ce n'est pas que l'opposition qui s'en rend compte, que de plus en plus de Québécois voient ce qu'a donné cette autre façon de gouverner et que ce bilan d'une action gouvernementale désastreuse ne peut faire autrement que de renvoyer ce Parti québécois là où il doit être, à l'extérieur des endroits du gouvernement, des endroits où on doit prendre à coeur l'intérêt des Québécois. Ils ne peuvent relever ce mandat, et rapidement, le plus tôt possible, nous saurons délivrer le Québec de leur gouverne désastreuse, et punitive, et qui renie les engagements pris durant des élections. Merci, M. le Président.

(12 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Châteauguay. Je conclus actuellement que nous suspendons nos travaux. Donc, il vous reste un temps de parole de 9 min 15 s, précisément. Donc, immédiatement en début des affaires du jour, nous pourrons rouvrir nos débats avec votre allocution. Alors, nous suspendons nos travaux à cet après-midi, 14 heures, pour les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Hommage à M. Jean-Jacques Bertrand, ex-premier ministre du Québec


Le Président

Alors, avant de débuter les affaires courantes, je voudrais au préalable commémorer un événement important pour l'Assemblée nationale et notre démocratie. Il y a 30 ans cette année, le 2 octobre précisément, M. Jean-Jacques Bertrand devenait premier ministre du Québec, poste qu'il a occupé pendant 19 mois. Ce bref mandat a été marqué par des réformes qui ont profondément changé le Parlement du Québec.

L'événement le plus significatif sur le plan parlementaire a été sûrement l'abolition du Conseil législatif, le Sénat québécois, en quelque sorte. Cette abolition est survenue officiellement le 31 décembre 1968. Au même moment, notre Assemblée législative prenait le nom d'Assemblée nationale du Québec. L'expression avait alors suscité quelques commentaires, mais l'article 1 du projet de loi avait néanmoins été adopté sans division. M. Bertrand l'avait justifié en disant que le Québec était le point d'appui du fait français en Amérique.

L'abolition du Conseil législatif a favorisé de nombreux changements dans les us et coutumes du Parlement, dont la simplification des règles de fonctionnement, des modifications importantes au décorum de la Chambre et la tenue vestimentaire du président également. C'est aussi à l'époque du gouvernement de Jean-Jacques Bertrand et avec son appui que le processus de réforme parlementaire amorcé au milieu des années soixante a vraiment débloqué. En décembre 1968, l'Assemblée forme un comité spécial chargé de préparer un nouveau règlement comportant des transformations substantielles. Les amendements que l'Assemblée adopte au printemps 1969 constitueront la base des nouvelles règles de procédure, le code Lavoie, qui deviendront permanentes en 1973. Parmi les nouveautés de 1969, notons la création de la commission de l'Assemblée nationale et de la commission des engagements financiers.

À l'occasion du 25e anniversaire du décès de M. Bertrand, survenu le 22 février 1973, il est important que nous nous souvenions, en tant que parlementaires, du rôle spécifique que le 21e premier ministre du Québec, M. Jean-Jacques Bertrand, a joué dans l'évolution de nos institutions. Il disait lui-même que la réforme qu'il appuyait était incomplète – j'en ai pour preuve qu'on y travaille encore aujourd'hui – mais il a posé des jalons déterminants pour l'histoire du parlementarisme et de la démocratie.

En cette journée commémorative, j'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes, d'abord, de Mme Gabrielle Bertrand, épouse du 21e premier ministre du Québec.

Mme Bertrand n'a pas uniquement été l'épouse du 21e premier ministre du Québec, elle a également été députée à la Chambre des communes. Elle a été élue députée de Brome-Missisquoi en 1984 et puis réélue en 1988. Mme Bertrand est accompagnée de ses enfants: Louis-Philippe, Suzanne et Jean-François, qui a été membre de cette Assemblée comme député de Vanier et membre du gouvernement de René Lévesque de 1976 à 1985.

Et les membres de la famille Bertrand sont accompagnés de M. Gilles Gosselin, qui a été député de Compton de 1957 à 1970 et ministre des Terres et Forêts de 1966 à 1970.

Alors, M. le député de Brome-Missisquoi.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. C'est à titre de député de Brome-Missisquoi que je me lève aujourd'hui en cette Chambre pour me joindre à vous et à l'ensemble des parlementaires pour souligner la contribution inestimable de la famille Bertrand à la vie politique québécoise et canadienne.

Je me souviens de Jean-Jacques Bertrand comme député de mon comté quand j'étais étudiant. Je me souviens de Jean-Jacques Bertrand comme député de mon comté quand l'assurance-maladie n'existait pas et que c'était le député qui pouvait intervenir pour rendre les services accessibles à la population.

Une voix: Ça n'a pas changé.

M. Paradis: C'est ce que Jean-Jacques a fait envers ma famille, M. le Président.

Je me souviens des funérailles de M. Bertrand. Je me souviens de l'accueil de la famille à la résidence de Sweetsburg, Cowansville, où Gaby Bertrand et ses enfants, éprouvés par le décès d'un mari et d'un père aimé, ont accueilli les citoyens du comté dans la maison familiale, parce que c'est comme ça que ça se faisait à ce moment-là.

Je me souviens de l'amour, je me souviens de la peine que les électeurs ont éprouvés. Je me souviens également, M. le Président, d'avoir eu en face de moi un adversaire politique qui était le fils de celui qu'on avait appris à aimer et qui a pris sur ses épaules, dans un travail de leader gouvernemental, à brûle-pourpoint, à un moment donné, la lourde charge de mener les travaux parlementaires, et qui l'a fait avec brio et qui a représenté les électeurs de la circonscription de Vanier pendant 10 ans à l'Assemblée nationale. Les électeurs ont le droit de se tromper, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Je me souviens d'une députée conservatrice au Parlement canadien avec qui j'ai collaboré pendant 10 ans. Pendant les 10 années qu'elle a occupé le poste de députée de Brome-Missisquoi au Parlement canadien, c'était... ou ça faisait partie de la même famille. D'autres diront qu'aujourd'hui c'est plus libéral que d'autre chose!

Une voix: ...

(14 h 10)

M. Paradis: Mais je ne peux me souvenir d'un seul dossier où nous n'avons pas harmonisé ensemble la façon de bien servir les gens qui nous avaient élus soit à l'Assemblée nationale du Québec, soit au Parlement canadien.

Je me souviens de matinées devant les portes d'usines du comté où nous avons rencontré travailleurs et travailleuses ensemble, la main dans la main, défendant parfois les mêmes idées, parfois des idées qu'on tentait de réconcilier. Mais je me souviens d'une femme affable, d'une femme dévouée et d'une femme dédiée au meilleur intérêt des électeurs et des électrices qui l'avaient envoyée au Parlement canadien.

M. le Président, que vous ayez pris la peine de souligner cet anniversaire, que vous renouveliez la mémoire à tous ceux et à toutes celles qui servent en cette Chambre les meilleurs intérêts de leurs citoyens et de leurs citoyennes, je vous dis merci. Mais je vous dis également que, 25 ans de Jean-Jacques Bertrand, 10 ans de Gaby Bertrand, la circonscription électorale de Brome-Missisquoi est marquée à tout jamais d'un léger trait de bleu. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le leader de l'opposition officielle. M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Je vous remercie de me donner l'occasion de joindre ma voix à celle du leader parlementaire de l'opposition officielle afin de souligner le rôle et la carrière politique de M. Jean-Jacques Bertrand qui, nous l'apprenons – vous nous le rappelez, M. le Président – il y a 30 ans cette année, devenait premier ministre du Québec. Il devait être également le dernier premier ministre d'une formation politique qui a marqué fortement l'histoire du Québec, celle de l'Union nationale. Nous rappelons tous de lui.

Moi, je n'ai pas eu l'occasion, comme mon collègue de Brome-Missisquoi, de le rencontrer personnellement. J'étais, à l'époque, très loin de la politique. Mais je me rappelle très bien de M. Bertrand, de cet homme qui était – on le sentait très bien – quelqu'un de sincère, de particulièrement convivial. C'était également quelqu'un qui venait des régions, et on sentait bien qu'il était aussi marqué par cette fidélité à ses racines vis-à-vis des gens qui lui étaient proches.

C'était, je dirais, probablement à une époque où la politique était peut-être – oserais-je le dire – plus humaine qu'aujourd'hui, où les rapports entre notre dirigeants politiques et les électeurs et les électrices étaient plus immédiats, sans doute, plus personnels. C'est, je crois, un paradoxe des communications modernes qui rapprochent certainement davantage les dirigeants politiques des citoyens, parce que les communications sont constantes et immédiates, mais, en même temps, on dirait que ça a perdu un peu de ce lien de chaleur qui unissait les élus et ceux qui étaient leurs mandataires.

Je rappellerai, M. le Président, que M. Bertrand avait une noble conception de la politique. Il en a marqué ses proches, ses enfants, et madame en particulier avec laquelle j'ai eu l'honneur de siéger sur les mêmes banquettes à la Chambre des communes, à Ottawa. J'ai essayé par la suite de faire siéger sur les mêmes banquettes que les miennes son fils, par la suite, mais les électeurs ne l'ont pas voulu.

Mais je dois dire qu'il s'agit d'une des remarquables familles politiques du Québec. Et je voudrais simplement dire que nous saluons aujourd'hui en cette Chambre, en la personne de M. Bertrand, un homme sincère, honnête, dévoué, qui a bien servi le Québec.


Affaires courantes

Le Président: Alors, nous allons maintenant aborder les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.


Rapport du Directeur général des élections intitulé Réflexions sur le financement politique municipal au Québec

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je désire déposer le rapport détaillé faisant état des réflexions du Directeur général des élections sur le financement politique municipal au Québec, et au nom du ministre des Affaires municipales.

Le Président: Alors, ce document est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député d'Arthabaska. Alors, on peut peut-être passer au député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je solliciterais le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Donner accès gratuitement aux médicaments nécessaires et prescrits pour les malades chroniques

M. Paradis: Oui, M. le Président. La pétition se lit comme suit. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 3 200 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la province de Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que les politiques actuelles concernant le coût des médicaments pour certaines catégories de personnes, comme les malades chroniques, nous apparaissent irresponsables, inhumaines et financièrement contre-productives;

«L'intervention réclamée se résume comme suit:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir en faveur du rétablissement des mesures donnant accès gratuitement à tous les médicaments nécessaires et prescrits pour les malades chroniques, notamment pour les personnes vivant avec le VIH-sida ou souffrant de la tuberculose, la fibrose kystique, la sclérose en plaques, l'hémophilie, les maladies mentales, le cancer, l'arthrite, la maladie d'Alzheimer, etc.»

Et je souligne, M. le Président, la présence dans les galeries de Jean-François Charrette, qui est l'initiateur d'une telle pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Comme il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège... Une autre pétition? M. le député d'Abitibi-Est.


Cesser les compressions budgétaires dans le réseau collégial

M. Pelletier: Merci, M. le Président. En vertu de l'article 64 du règlement, je dépose l'extrait d'une pétition à l'Assemblée nationale par 2 422 pétitionnaires, citoyens et citoyennes d'Abitibi-Est.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le réseau collégial a assumé plus que sa part de rationalisation avec des compressions budgétaires de 200 000 000 $ depuis 1982 dont 136 000 000 $ depuis deux ans, entraînant, entre autres, de multiples pertes d'emplois;

«Considérant que toutes les catégories de personnel ont vu leur tâche augmentée et que les étudiants et étudiantes n'ont plus accès aux services auxquels ils seraient en droit de s'attendre;

«Considérant la hausse des frais exigés des étudiants et étudiantes au moment même où le régime de prêts et bourses devient de moins en moins généreux et accessible;

«Considérant que la qualité de la formation offerte aux élèves est essentielle tant à la réussite des élèves qu'au développement social, économique et culturel du Québec;

«Considérant que le Conseil du trésor projette d'imposer plus de 82 000 000 $ de coupures pour l'année 1998-1999;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès de la ministre de l'Éducation et du président du Conseil du trésor afin qu'ils renoncent à toutes nouvelles compressions budgétaires dans les cégeps.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est également déposée.


Questions et réponses orales

Nous allons maintenant aborder la période des questions et des réponses orales. M. le député de Verdun, en principale.


Aide financière aux étudiants en région

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Jeudi dernier, je soulevais en cette Chambre le fait que le projet de règlement des prêts et bourses qui est soumis à la prépublication actuellement, depuis le 25 février, imposait des coupures de 460 $ dans le régime de prêts et bourses pour les étudiants des régions périphériques. Le président du Conseil du trésor, à l'époque, prenait avis de ma question. Depuis une semaine, les jeunes, les étudiants des régions périphériques attendent la réponse du gouvernement. Hier, un front commun des administrateurs et des étudiants des universités dites périphériques se sont unis pour rappeler que cette coupure de 460 $ dans le régime de prêts et bourses mettait un frein à l'accessibilité aux études supérieures pour les étudiants des régions périphériques, M. le Président.

Alors, je repose ma question au gouvernement ou à la ministre de l'Éducation, si elle daigne répondre: Pourquoi la ministre s'obstine-t-elle par son silence à pénaliser les étudiants – et je vais en faire la liste parce que ça touche un certain nombre d'entre vous – du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi-Témiscamingue, de la Côte-Nord, de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, de la MRC d'Antoine-Labelle, de la MRC du Haut–Saint-Maurice, de la MRC de Pontiac, de la MRC de La Vallée-de-la-Gatineau. Pourquoi, à l'heure actuelle, les pénalise-t-elle en leur coupant 460 $ dans leur régime de prêts et bourses, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. le Président. Je comprends difficilement la remarque du député de Verdun, il me semble que je réponds de façon régulière et systématique à toutes les questions qu'il me pose. Il peut ne pas aimer mes réponses, ça, c'est autre chose, M. le Président.

(14 h 20)

Nous sommes en prépublication pour un ensemble de mesures concernant l'aide financière aux étudiants et aux étudiantes. Prépublication veut donc dire que nous espérons avoir des points de vue, des opinions, des avis, sinon nous publierions directement les règlements sans demander ces avis. Et je peux informer effectivement les membres de cette Assemblée que, si le député de Verdun a posé la question la semaine dernière, je peux vous dire que j'ai déjà eu aussi des représentations de la part de mes collègues de ces régions, qu'il s'agisse de la députée de Matapédia, de Rimouski, de Laviolette, qu'il s'agisse de députés de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, de Chicoutimi.

Je pourrais longuement élaborer sur ces représentations qui m'ont été faites. Nous étudions l'ensemble de la question et nous répondrons, d'une part, soit à ces objections ou soit par une modification du règlement dans les jours qui viennent, de telle sorte que les étudiants soient rapidement informés sur cette mesure qui effectivement présente des difficultés. Et je suis fort sensible aux difficultés que cela soulève pour les étudiants des régions.

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que la ministre est contre cette mesure ou est-ce qu'elle est pour la mesure qu'elle a émise dans son règlement? Est-ce qu'elle est contre, à l'heure actuelle, cette coupure de 460 $ dans le régime de prêts et bourses des étudiants des régions dites périphériques?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Le député sait très bien, puisqu'il a pris connaissance de la prépublication à laquelle nous avons procédé, qu'il y a un ensemble de mesures qui sont proposées soit pour améliorer, soit pour corriger certains aspects qui concernent l'aide financière aux études. À partir du moment – et je le répète – où nous prépublions, c'est parce que nous souhaitons avoir des avis, avoir des points de vue. Évidemment, nous essayons de choisir les mesures qui sont les plus justes, les plus pertinentes. Si, cependant, on nous fait valoir des points de vue qui nous amènent à revoir certaines des propositions – c'est pour ça qu'on fait la prépublication, pour pouvoir le faire – ce que je dis au député, c'est que je suis prête à réviser certaines des propositions qui sont là. Et, lorsque nous publierons, nous publierons un règlement qui comportera un ensemble de mesures qui sont acceptables, M. le Président.

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que la ministre est consciente que les recteurs, les professeurs, les étudiants de ce qu'on appelle les universités périphériques, les directeurs de collège, les fédérations étudiantes sont tous contre ce règlement parce qu'il va limiter l'accès aux études supérieures des étudiants des régions périphériques? Alors, est-ce qu'elle est consciente de cela et est-ce qu'elle est prête à retirer, actuellement, cette coupure de 460 $ dans le régime de prêts et bourses?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je ne vois pas comment le député peut dire que je fais une coupure au moment où nous sommes en prépublication et que le règlement n'est pas adopté. Alors, je trouve que c'est un peu exagéré de sa part, M. le Président. Par ailleurs, effectivement il s'agit de frais supplémentaires qui sont reconnus, mais, dans la base même du régime d'aide aux études, il y a des frais de déplacement qui sont reconnus, selon qu'un jeune est en région périphérique ou est à l'extérieur d'une région périphérique.

Il faut bien savoir, M. le Président, qu'il y a un autre élément dans cette mesure qui concerne les étudiants, c'est qu'un jeune qui vient de Montréal ou de Québec, par exemple, et qui irait étudier dans ces régions se voit aussi reconnaître une allocation. Alors, il y a peut-être un certain nombre d'aménagements auxquels nous pouvons songer; l'éclairage que nous avons demandé nous permettra de le faire, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Mégantic-Compton, en principale.


Indemnisation des orphelins de Duplessis

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Le 12 mars 1997, à une question que je posais concernant les orphelins de Duplessis, le premier ministre s'engageait à s'occuper personnellement de ce dossier. Le 22 octobre 1997, en demandant au premier ministre pourquoi, depuis sept mois, rien n'avait été fait, le premier ministre a répété que ce dossier lui tenait à coeur, et je le cite: «Nous savons qu'une bonne journée il va falloir que le gouvernement règle cette affaire.»

Ma question s'adresse au premier ministre, en espérant que nous sommes aujourd'hui la bonne journée. Depuis plus d'un an, des avis, des recommandations, des rapports ont été produits, trois ministres ont été rencontrés – c'était supposé être le premier ministre qui s'en occupait – il y a eu le dépôt du rapport du Protecteur du citoyen, la recommandation de la commission des institutions. Ces deux dernières entités indépendantes ont confirmé l'urgence et la nécessité d'une réparation. Comment se fait-il qu'à ce jour rien ne soit réglé, alors qu'ailleurs au Canada, dans des dossiers similaires, on a trouvé des solutions? Et j'aimerais ajouter, pour la bonne information du premier ministre, que les orphelins de Duplessis, comme les soeurs Dionne, ne veulent pas la charité mais la justice.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous avons poursuivi depuis un an des travaux conjoints avec les représentants des orphelins de Duplessis de manière à trouver une solution qui soit acceptable et raisonnable et qui rende justice, comme vous l'avez dit, et le Conseil des ministres a déjà discuté à au moins une occasion, que je sache, de la question. Mais le ministre de l'Immigration a rencontré et a travaillé avec les représentants des orphelins de Duplessis, et je suis informé que, d'ici quelques semaines tout au plus, le Conseil des ministres sera saisi d'une recommandation de proposition.

Le Président: Mme la députée.

Mme Bélanger: Comme le premier ministre fait allusion au ministre responsable des Relations avec les citoyens, comment le premier ministre, qui s'engageait à s'occuper personnellement de ce dossier, peut-il nous expliquer les propos du ministre responsable des Relations avec les citoyens qui, lors de sa rencontre avec les représentants des orphelins de Duplessis, leur apprenait que leur diagnostic de débilité mentale ne pouvait être corrigé? N'est-ce pas là ajouter une injustice à une autre injustice?

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: M. le Président, j'ai suffisamment de dossiers – ha, ha, ha! – je ne suis pas à la recherche pour devenir porte-parole de nouveaux dossiers, mais, à titre de ministre des Relations avec les citoyens, avec la collaboration, bien sûr, attentive du premier ministre, du ministre de la Santé, du ministre de la Justice et de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, nous avons créé un comité interministériel pour voir comment nous pourrions proposer aux orphelins de Duplessis des mesures qui pourraient...

Des voix: ...

M. Boisclair: ... – je pense que c'est une bonne nouvelle, M. le Président – comment on pourrait proposer et répondre aux attentes des orphelins. Je les ai rencontrés, de même que mon collègue ministre de la Justice. Je les ai vus il y a de ça quelques jours.

Et, au sujet de la question précise du diagnostic posé dans leur dossier à l'époque, ce que mon collègue de la Santé nous rappelle et pourrait nous rappeler tout à l'heure, c'est qu'il serait impossible à ce moment-ci, à moins de trouver une technique juridique par laquelle nous pourrions le faire, de corriger un diagnostic posé il y a de ça plus de 30 ans. En effet, un diagnostic est posé à un moment précis et par des gens qui ont une compétence pour le faire, et il est donc impossible aujourd'hui de se retrouver dans cette même situation.

Toutefois, ce que nous apprêtons à faire et ce que j'ai dit aux orphelins, pour tous ceux et celles qui voudraient, bien sûr, faire valider leur état de santé et faire en sorte de lever l'hypothèque qui pèse sur eux – parce que, effectivement, de s'être fait déclarer inapte, c'est quelque chose de lourd dans un dossier – c'est que les services de santé sont là pour répondre à leurs besoins et que le ministre de la Santé et des Services sociaux mettra à la disposition de ces personnes les ressources qui sont celles du réseau pour que cet obstacle qui pèse sur eux soit levé le plus rapidement possible, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Bélanger: M. le Président, le premier ministre devait s'occuper personnellement du dossier. Pourquoi le premier ministre n'a-t-il rien fait depuis un an? Et quand les orphelins de Duplessis peuvent-ils espérer une solution à leur problème?

Une voix: Bravo!

(14 h 30)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je me suis personnellement engagé dans ce dossier. Je me tiens au courant des développements, je demande des rapports et je me préoccupe, moi aussi, de trouver une solution à cette affaire. Je crois que nous avons tous intérêt à tourner cette page comme société, et nous faisons en sorte de pouvoir le faire. J'ai confiance que la proposition qui viendra au Conseil des ministres sera acceptable par le gouvernement et aussi par l'autre partie. Il ne serait pas tellement opportun d'imposer un règlement. Je crois qu'il faut essayer de trouver des solutions consensuelles. Mais nous pensons cependant que ce n'est pas forcément une question qui comporte des dimensions monétaires. On n'est pas, par exemple, dans le cas où un patrimoine aurait été pillé de la part du gouvernement. Il s'agit d'une question de justice fondamentale, il s'agit, bien sûr, d'avanies que ces gens-là ont subies.

Maintenant, est-ce qu'on peut refaire l'histoire, M. le Président? C'est une chose qu'il faut se poser comme question. Mais tout ce qu'on peut faire, cependant, au plan individuel – il y a deux aspects, le plan collectif, le plan individuel – par exemple pour rectifier des registres de l'état civil, enfin, c'est des choses qu'on regarde très favorablement. Il y a d'autres aspects aussi. Au plan collectif, il y a le rétablissement de la réputation de tous ces gens et aussi, bien sûr, la reconnaissance d'une injustice dont ils ont été victimes, il faut bien le dire.

Alors, ça compose l'ensemble des paramètres qui sont présentement analysés afin de déboucher sur une solution que nous espérons acceptable pour les deux parties. Nous venons de dire que nous avons travaillé très fort dans le dossier, qui n'est pas facile, qui est délicat, et que nous sommes sur le point d'aboutir.

Le Président: Mme la députée.

Mme Bélanger: M. le Président, comment le gouvernement peut-il prétendre réparer des torts causés aux orphelins de Duplessis alors qu'il conclut à l'impossibilité de régler les faux diagnostics quant à la débilité mentale de ces gens?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous considérons cette question comme très importante, très préoccupante pour notre société et pour le gouvernement, et nous consacrons donc des efforts considérables pour trouver une solution. Nous voulons aussi répondre avec autant de justesse que possible aux questions qui sont posées, mais il ne faudrait pas, quand même, exagérer de la part d'un parti qui n'a rien fait pendant neuf ans où il était au pouvoir, même pas créer un comité pour régler la question.

Le Président: Mme la députée.

Mme Bélanger: M. le Président, le premier ministre a dit qu'il s'occupait personnellement de ce dossier. Est-ce qu'il peut répondre aux attentes des orphelins de Duplessis et dire quand on va régler ce problème?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous pensons, nous espérons, et je pense que c'est le cas, que, d'ici quelques semaines, le Conseil des ministres aura à statuer sur une proposition. Donc, c'est une affaire de quelques semaines, comparé à neuf ans où vous n'avez rien fait.

Le Président: M. le ministre.

M. Boisclair: Et, s'agissant de la question bien précise du diagnostic, l'avocat des...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui. Est-ce qu'on doit comprendre que le ministre n'est pas satisfait de la réponse du premier ministre?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Vous conviendrez, monsieur... Alors, vous conviendrez qu'on doit d'abord comprendre que ce n'était pas une question de règlement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre.

M. Boisclair: Monsieur, j'apprécie l'esprit du leader de l'opposition. S'agissant de la question bien précise des diagnostics, l'avocat des orphelins convient avec nous que c'est une question qui est très délicate et difficile, sur le plan juridique, à régler. Et la voie qui leur agrée et celle que je leur ai proposée: nous allons créer ce comité interministériel où mon collègue de la Santé sera présent, et il a convenu que ce serait le forum approprié pour discuter de cette question.

Donc, à la question bien précise, je peux répondre à la députée qu'on a réglé en quelques mois ce que vous n'avez jamais réglé en neuf ans.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier, en principale.


Services de garde à 5 $ pour les enfants de trois ans

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Les réponses de la ministre de la Famille concernant les places en garderie à 5 $ ont soulevé beaucoup d'inquiétude chez les familles québécoises.

Il y a un an, ce gouvernement a imposé un nouveau régime à nos familles. Il a coupé d'une façon dramatique des centaines de millions de dollars dans l'aide directe aux familles. En contrepartie, le gouvernement s'est engagé à fournir des places à 5 $ dans les garderies. La ministre a indiqué hier qu'il y aura peut-être des places à 5 $ pour les enfants de trois ans à partir du 1er septembre prochain. Au nom des familles québécoises, est-ce que la ministre peut indiquer le nombre de places qui seront disponibles pour combler les besoins des 94 000 enfants de trois ans au Québec à compter du 1er septembre prochain?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je remercie le député de sa question. D'ailleurs, ça me rassure, il semble maintenant s'être rallié à notre politique.

Une voix: Bien oui!

Mme Marois: Il a voté contre l'implantation d'un ministère de la Famille.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Je suis donc très heureuse de pouvoir compter sur son appui et, j'imagine, sur l'appui de ses collègues, n'est-ce pas?

Alors, je pense aussi qu'il serait injuste, M. le Président, de dire que nous avons enlevé des sommes d'argent aux familles. Au contraire, nous avons ajouté entre autres, par budgets supplémentaires, près de 150 000 000 $ à la politique familiale pendant l'année financière actuelle, somme qui a été versée soit en allocations, soit qui a été rendue disponible pour des services de garde soit en milieu familial, soit en garderie, dans les centres de la petite enfance.

Alors, M. le Président, j'ai informé les membres de cette Assemblée, lors d'une question qui m'a été posée ici, devant les membres de l'Assemblée, qu'effectivement nous étions à revoir l'ensemble de la planification pour le développement des nouvelles places en garderie tant pour l'automne prochain que pour les prochaines années à venir. Parce que l'une des difficultés que nous avons eues dans le passé, c'est d'avoir été, entre autres, victimes de notre succès. Nous avons eu plus de demandes que le nombre de places disponibles. Il est donc nécessaire, je crois, à ce moment-ci que, lorsque nous rendrons publiques l'ensemble des places qui seront disponibles à 5 $ autant pour les enfants de trois ans que pour les enfants de quatre ans, où il y a encore un léger manque à combler, nous puissions aussi – nous puissions aussi, M. le Président – annoncer l'ensemble de la planification, de telle sorte que le réseau des centres de la petite enfance puisse savoir exactement, au fur et à mesure des années à venir, sur quelles places ils pourront compter, ces centres répondant aux besoins des familles québécoises.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Est-ce que la ministre est consciente que, selon une étude de l'Université du Québec à Montréal, 72 % des familles québécoises ont été pénalisées par la nouvelle politique familiale? Alors, combien de places seront disponibles pour les enfants de trois ans à partir du 1er septembre de cette année?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille.

Mme Marois: Je reprends à nouveau ma réponse, M. le Président. D'abord, c'est 90 % des familles qui soit recevront le même montant qu'elles recevaient déjà ou en recevront davantage par la politique familiale. Et toutes les familles qui utilisent d'une façon quelconque les services de garde sortent gagnantes de la politique familiale. Et la politique familiale...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Et la politique familiale, M. le Président, ce n'est pas non plus que les mesures que l'on retrouve administrées et gérées par le ministère de la Famille. Le député n'a sûrement pas oublié le discours du budget de l'année dernière qui a réduit de façon substantielle l'impôt aux familles, qui a rendu disponible un crédit pour taxe de vente pour les familles à bas et à moyens revenus; tout ça doit être cumulé.

Et, pour ce qui est de la question plus précise, d'ici quelques semaines, dans des délais raisonnables, je rendrai disponible l'ensemble de l'information, et pas seulement pour les trois ans, pour les quatre ans, pour les années à venir, de telle sorte que l'ensemble des réseaux des centres à la petite enfance, mais surtout – surtout – les familles québécoises puissent mieux planifier quant à la réponse aux besoins qu'elles ont de garde d'enfants, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Est-ce que la ministre est consciente que les familles québécoises sont en train de prendre ce genre de décisions à partir d'aujourd'hui et pas dans quelques semaines? Est-ce que la ministre est consciente que, à cause de sa mauvaise planification, il existe toujours les longues listes d'attente pour les places en garderie à quatre ans? Quelle mesure est-ce qu'elle entend prendre pour corriger la situation, à la fois pour les familles québécoises qui n'ont pas accès aux places disponibles, quatre ans ou trois ans, dans les jours qui viennent?

(14 h 40)

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je répète le plaisir que j'ai d'entendre l'appui que je reçois de la part de mon collègue sur ma politique... Je le sais, M. le Président, et je suis très consciente de ça. Je suis très consciente du fait que des familles sont actuellement en train de planifier la réponse à leurs besoins de garde pour l'automne prochain de même que pour les années à venir. Dans certains cas, vous savez, cela fait même parfois la différence entre décider d'avoir un enfant ou pas, parce que des services vont être disponibles. Je suis très consciente de cela.

Et, parce que je suis consciente de cela, nous allons, d'une façon systématique, dire à l'ensemble des familles québécoises les services sur lesquels elles pourront compter, tant à compter de septembre, tant pour les enfants de quatre ans, pour les enfants de trois ans, pour les enfants d'un an, pour les poupons, pour la garde en milieu scolaire aussi, de telle sorte que nous éviterons les difficultés – et je n'en disconviens pas – que nous avons eues au moment de l'implantation d'une politique qui se veut et qui est audacieuse mais qui évidemment bouscule un peu un certain nombre d'attitudes.

Alors, avec la planification que nous présenterons, je crois qu'à ce moment-là nous pourrons, d'une part, répondre aux besoins, mais par ailleurs permettre aux centres à la petite enfance de procéder eux-mêmes à un développement harmonieux du nombre de places disponibles pour les parents, M. le Président. Et je suis persuadée que le député ne sera pas déçu.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je reviens à ma question, M. le Président. Est-ce que la ministre est consciente que les familles cherchent des services et non un ministère? Et, oui, nous avons voté contre le ministère parce que ce n'est pas ça que les familles cherchent du gouvernement. On a besoin d'un ministère: ce n'est pas ça, Mme la ministre. C'est des places en garderie. Combien de places seront disponibles, à 5 $, pour les enfants de trois ans à compter du 1er septembre 1998?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, évidemment, M. le Président, on peut toujours fonctionner de façon complètement virtuelle lorsqu'on veut rendre des services et faire en sorte qu'aucun ministère et aucun organisme nulle part n'ait à gérer un tant soit peu ces services. Cela prend une institution à partir du moment où effectivement nous avons une politique un tant soit peu costaude, ce que n'a jamais réussi à faire le gouvernement qui nous a précédés.

À partir de là, il faut savoir aussi que nous avons développé des dizaines de milliers de places depuis quelques années et que, dans les années à venir, nous en développerons tout autant, M. le Président. Donc, je le répète: d'ici quelques semaines, en respectant le temps nécessaire pour l'ensemble des centres de la petite enfance de planifier la réponse aux besoins, de telle sorte que l'on offre de façon, je dirais, harmonieuse des services dans une perspective connue par les parents, connue par les centres de la petite enfance, donc, d'ici très bientôt, tout ça sera très clair, sans aucune espèce d'ambiguïté. Et je suis persuadée qu'à ce moment-là le député se lèvera en cette Chambre pour féliciter le gouvernement de ses politiques.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe, en principale.


Aide aux PME à la suite de la crise du verglas

M. Dion: M. le Président, à l'occasion de la tempête de verglas qui a affecté gravement les familles, les entreprises et les producteurs agricoles de mon comté, et plus largement de l'ensemble de la Montérégie et de l'Estrie, le gouvernement a adopté plusieurs mesures visant à stimuler la reprise économique, à aider les personnes et à stimuler aussi la relance industrielle.

Alors, les gens de mon comté sont très satisfaits de ce qui a été fait de ce côté-là. Cependant, il y a un problème, M. le Président...

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Alors, M. le Président, je comprends que ça agace les gens de l'opposition que la population soit satisfaite de ce que le...

Le Président: Sans polémique inutile, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Cependant, il y a un problème que je veux soumettre au ministre d'État de l'Économie et des Finances. Pour les petites et moyennes entreprises, surtout les petites, il est parfois compliqué de faire toutes les démarches qu'il faudrait faire pour avoir accès aux programmes fédéraux, aux programmes du Québec. Alors, n'y aurait-il pas eu lieu d'établir un guichet unique pour permettre à toutes les entreprises d'avoir accès de façon simple et plus rapide aux services gouvernementaux?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État...

Des voix: ...

Le Président: Bon! M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je vais répondre à cette question par deux comparaisons. D'abord, comparer la suggestion absurde que m'avait faite le député de Shefford sur le même sujet la semaine passée avec l'approche intelligente du député de Saint-Hyacinthe.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Deuxième comparaison. Pour faire ressortir des programmes qui marchent et des interventions gouvernementales bien ciblées, il n'y a pas de meilleure méthode que de présenter des programmes qui ne marchent pas et des interventions intempestives et mal calculées.

Le gouvernement fédéral a un programme pour les PME dont nous a parlé le député de Saint-Hyacinthe. Ils ont réussi, jusqu'à ce jour, à émettre 28 chèques, et 80 % des demandes ont été refusées parce que les critères étaient trop restrictifs.

Voici les chiffres maintenant d'un gouvernement responsable qui, par son programme du ministère de l'Industrie et du Commerce, a étudié 514 demandes, en a accepté 182; par son programme de la SDI, a reçu 297 dossiers, en a accepté 231; a déjà émis ou émettra dans les jours qui viennent – il y a des deux – des centaines de chèques pour des entreprises qui, durement frappées par le verglas, au moins n'auront pas été durement frappées par le gouvernement du Québec comme le fédéral leur a fait avec son programme bidon.

Alors, tout ça pour dire, à l'aide de ces deux comparaisons, que les fédéraux ont choisi la visibilité et que, nous, on a choisi le service aux entreprises et l'efficacité.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Moyens de pression des mécaniciens de la STCUQ

Mme Delisle: Merci, M. le Président. On apprenait ce midi que le ministre des Transports a maintenant entre les mains un rapport préliminaire stipulant que les autobus de la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec sont sécuritaires, indiquant donc que le service n'aurait jamais dû être interrompu depuis hier.

J'aimerais rappeler que le gouvernement, en pelletant une facture de 375 000 000 $ dans la cour des municipalités, a toujours prétendu que les municipalités étaient capables d'absorber cette facture sans diminuer les services. Les conséquences de l'arrêt de service de la STCUQ sont dramatiques: pertes d'emplois possibles, impossibilité pour les parents monoparentaux – plus souvent qu'autrement des femmes – d'aller reconduire leurs enfants à la garderie faute d'argent pour prendre des taxis, des rendez-vous manqués chez le médecin, difficultés pour les étudiantes et les étudiants hier et aujourd'hui de se rendre à leurs cours passer leurs examens, impossibilité pour les aînés de se déplacer et combien d'autres situations aussi déplorables, M. le Président.

Ma question au premier ministre: Va-t-il encore dire à la population de la région de Québec que son pelletage de 375 000 000 $ de factures dans la cour des municipalités, donc dans la cour de la STCUQ, plusieurs millions de dollars, n'a pas entraîné de diminution de services dans la région de la capitale?

Le Président: M. le ministre des Transports.

(14 h 50)

M. Brassard: M. le Président, d'abord je dois corriger les remarques préliminaires de la députée de Jean-Talon. Je n'ai pas encore reçu de rapport écrit, suite à l'intervention d'inspecteurs ou de vérificateurs de la Société d'assurance automobile à la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec. Je ne l'ai pas encore. Cependant, j'ai un certain nombre de données ou d'informations que j'ai reçues verbalement et qui indiquent, je dirais, qu'il n'y a pas de coïncidence entre ce que les inspecteurs de la SAAQ ont fait ou font depuis hier, en termes de vérification, et les rapports de défectuosités déposés soudainement, là, en grand nombre, en fin de semaine et au début de la semaine, par les mécaniciens de la Société de transport. En d'autres termes, on le sait, ce qui est arrivé, la Société de transport s'est trouvée soudainement devant des centaines de rapports de défectuosités majeures et mineures, ce qui l'a contrainte à prendre la décision qu'on sait, c'est-à-dire de faire en sorte qu'un grand nombre de véhicules demeurent sur place, ne se retrouvent pas, pour des motifs de sécurité, sur les routes.

Après les inspections faites par les vérificateurs de la Société d'assurance automobile, au hasard – c'est comme ça qu'on procède, hein, on choisit au hasard un certain nombre de véhicules et on les inspecte – alors les résultats, c'est ce qu'on va voir dans le rapport écrit, mais les résultats, à ce qu'on me dit, ça ne coïncide pas, d'aucune façon, avec les rapports de défectuosités déposés par les mécaniciens. Alors, il y a manifestement là un problème majeur. Est-ce que la Société a pris une bonne décision relativement à la sécurité? Je pense que oui. Mon opinion, c'est que oui. Il n'y avait pas lieu de lancer sur les routes des centaines de véhicules avec ce que la Société avait entre les mains.

Mais il est clair aussi, cependant – je l'ai dit hier, je le répète de nouveau en cette Chambre – que la situation créée par l'intervention et le geste des syndiqués du syndicat d'entretien est tout à fait inacceptable parce que ça met en cause un service public et que ça crée des inconvénients majeurs à des milliers d'usagers du transport en commun, et on sait que ce ne sont pas les plus favorisés de la société, comme l'a dit la députée, ce sont des étudiants, des gagne-petit, des personnes âgées qui utilisent ce service. La situation qui a été créée par les interventions et les mesures décidées par le syndicat crée une situation inacceptable.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, ma question toujours au premier ministre: Peut-il encore dire à la population du Québec, et plus particulièrement à la population de Québec, aujourd'hui, que son pelletage de 375 000 000 $ dans la cour des municipalités n'a pas entraîné de diminution de services alors qu'il sait très bien que la conséquence directe de la réduction de la masse salariale de 6 % imposée aux municipalités, donc à la STCUQ, est la conséquence directe de ce qui se passe aujourd'hui – et hier – dans la région de Québec?

Le Président: M. le ministre.

M. Brassard: Comment se fait-il, dans ces conditions, que partout ailleurs au Québec les sociétés de transport ont réussi à régler et à convenir d'ententes pour permettre une réduction des coûts de la main-d'oeuvre, comme l'exigeait l'entente entre l'Union des municipalités et le gouvernement du Québec? Donc, manifestement, je ne pense pas qu'on puisse prétendre, comme l'affirme la députée, qu'il y a un lien entre la situation créée à la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec et le fruit ou la mise en vigueur de l'entente entre le monde municipal et le gouvernement, d'aucune façon.

Le Président: M. le député de Richmond, en principale.


Présence de l'appareil gouvernemental en région

M. Vallières: Oui. M. le Président, le gouvernement semble s'obstiner à vouloir tranquillement mais sûrement vider les régions du Québec. J'en prends à preuve les démêlés récents du ministre responsable des régions et député de Joliette avec certains de ses collègues qui lui ont servi quelques petites vites à répétition.

Cet épisode éprouvant pour le ministre responsable des régions aura permis de mettre en évidence le manque flagrant d'information et de consultation quant aux décisions du gouvernement affectant les services à la population dans les régions. Pire, la perte de plusieurs directions régionales de ministères en deux ans dans le comté du député de Joliette et, par surcroît, ministre témoigne d'une pratique inacceptable et pénalisante à l'endroit des régions.

Ce qu'a vécu le député et ministre des régions n'est qu'un exemple. Cette situation est devenue chose courante dans les comtés, que nous soyons en Estrie, en Montérégie, au Bas-Saint-Laurent ou ailleurs dans les régions du Québec. Des petites vites, il y en a partout dans les comtés des députés, M. le Président.

Ma question s'adressera au premier ministre, dans ce contexte, M. le Président: Qu'entend faire le premier ministre pour éviter que le genre de situation dénoncé avec vigueur par le député de Joliette continue de se répéter dans les autres comtés, dans les différentes régions du Québec, et éviter que petit à petit on vide les régions de leurs services?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, je voudrais faire une nette distinction, d'abord, entre la dispensation de services et des directions. Je pense que le député a affirmé que les régions étaient vidées de services, ce que je ne crois pas du tout. Je n'ai jamais dit ça, d'ailleurs. Et, au-delà des gestes personnels que j'ai posés, M. le Président, je vous dirai une chose: La qualité des services en région n'a pas été affectée. C'est plutôt la symbolique – et je ne m'en cacherai pas pour le dire – d'une direction... Non, non, mais, si vous voulez relater ce que j'ai dit, vous allez au moins répéter ce que j'ai dit. J'ai parlé du symbole que représente une direction régionale. Et je dois vous avouer... Je voudrais remercier, d'ailleurs, ma collègue de l'Emploi et de la Solidarité qui vient de mettre une direction régionale dans Lanaudière, dans Laurentides et dans Laval. Je la remercie.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que, au-delà du symbole, le premier ministre a l'intention de mettre en place un véritable mécanisme selon lequel les ministères et organismes du gouvernement du Québec auront l'obligation d'examiner et de débattre des répercussions sur les régions des politiques de son gouvernement? Et cette question s'adresse au premier ministre. Je sais que le ministre des régions meurt d'envie d'y répondre. Je pense qu'il serait intéressant de connaître le point de vue du premier ministre sur le sujet.

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, au mois d'octobre dernier, le Conseil des ministres adoptait, le gouvernement adoptait une politique de régionalisation, prioritairement au niveau de l'économie et de l'emploi. Nous sommes donc à mettre sur pied les CLD, ma collègue est en train de mettre sur pied les CLE, les centres locaux d'emploi, et je dois vous dire qu'on a accrédité hier les 32 premiers CLD, les 32 premiers centres locaux de développement.

Et, de plus, dans cette politique, il y avait trois mandats, trois mandats très précis. D'abord, vérifier la présence de l'État ou des sociétés d'État, des ministères du gouvernement sur l'ensemble du territoire québécois, voir à assurer ou à proposer des structures de services plus équitables entre les régions. Ce mandat-là a été confié au comité ministériel formé de tous les ministres responsables des régions. Nous travaillons sur ce dossier. J'ai même commencé à recevoir des rapports d'étape.

Il y a un deuxième mandat également qui est d'exiger des ministères, chacun, un plan de régionalisation – au sein de chacun des ministères – ce qui n'a jamais été fait au Québec, c'est une première. Chaque ministère doit donc regarder son plan triennal au niveau de la régionalisation. C'est un deuxième geste que nous allons poser.

Et, troisièmement, M. le Président, il y a également un mandat à plus long terme, qui est le mandat de la territorialité au Québec. Mais vous aurez remarqué qu'on rapproche de plus en plus des citoyens, par les territoires de MRC, les services directs de première ligne.

Le Président: M. le député de Richmond, en principale à nouveau.

M. Vallières: Oui, M. le Président. Tout le monde croit le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 heures)


Localisation de la Direction régionale des services judiciaires, section Laval–Laurentides–Lanaudière

M. Vallières: M. le Président, je vais fournir au premier ministre une bonne occasion de comprendre ce que je voulais dire dans mon autre question. Grâce à la loi d'accès à l'information, nous avons appris que la Direction régionale des services judiciaires, section Laval– Laurentides–Lanaudière, aurait dû de tout temps être située à Saint-Jérôme. Or, nous savons que cette direction fut temporairement installée à Joliette, en 1996, et est redéménagée récemment à Laval.

Comment le premier ministre peut-il nous expliquer la décision de son gouvernement d'aller à l'encontre de la recommandation du rapport intitulé Stratégie organisationnelle , commandé par le ministère de la Justice et dont tous les représentants, unanimement, soutenaient que cette direction devait être située à Saint-Jérôme? Le premier ministre ne reconnaît-il pas que, si des considérations budgétaires et économiques avaient présidé à cette décision, jamais la direction générale n'aurait déménagé, et ce, même en 1996?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, que les députés de l'opposition mettent la main sur des recommandations de comités de hauts fonctionnaires, c'est tout à fait normal que ça arrive, ça, puis je ne vois pas en quoi un ministre et un Conseil des ministres ne conservent pas l'initiative de décisions politiques. Il existe des centaines de comités ministériels qui font des recommandations, et, pour des raisons à la fois politiques et administratives, quand l'autorité ministérielle est nettement définie, ça va de soi. Vous avez posé par le passé, pendant neuf ans, une foule de décisions souvent contraires à des comités ministériels, pour des avenues qui ne sont pas abordées. C'est pour ça qu'il existe un gouvernement; on a une machine administrative qui pense, qui présente des scénarios, et un gouvernement qui prend des décisions à la lumière de ses volontés politiques. Et, pour équilibrer...

Le Président: M. le ministre. Ça serait mieux si le ministre pouvait parler en silence ici.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: On aura tous compris que, pour une fois, je ne voulais pas enlever le droit de parole au député de Joliette, bien sûr.

M. Chevrette: Et vous aurez très bien compris que j'aurais préféré que vous obteniez le silence sans le demander.

Le Président: Moi également, M. le ministre.

M. Chevrette: Merci. Donc, je disais, M. le Président, qu'au cours des ans, pendant neuf ans, nos amis d'en face ont eu à prendre des décisions sur des scénarios que les hauts fonctionnaires présentent, mais, pour des équilibres, de temps en temps... Je vous donne un exemple: la culture. La Direction de la culture est à Montréal et elle dessert quatre ou cinq régions. S'il y avait à modifier des sièges sociaux, je ne suis pas sûr que le Conseil des ministres ne suggérerait pas, par exemple, à la ministre de la Culture de disposer différemment ses directions régionales, comme c'est le cas dans d'autres secteurs. Mais, en ce qui me concerne, on en met dans chacune des MRC, vous devez être fiers!

Le Président: Sur une question de règlement, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, je demanderais la collaboration des membres de cette Assemblée pour obtenir le consentement de déposer le rapport dont j'ai parlé tantôt.


Document déposé

Le Président: Alors, il y a consentement, le rapport est donc déposé. C'est la fin de la période des questions et des réponses orales, bien sûr.

Alors, il n'y a pas de réponses différées, ni de votes reportés.

Aux motions sans préavis, Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale demande aux gouvernements fédéral et du Québec de négocier de bonne foi l'inclusion, dans le projet de loi instituant le Fonds de dotation des bourses du millénaire, d'un droit de retrait total, avec pleine compensation financière, et que le gouvernement du Québec s'engage à dédier cette compensation au financement de l'enseignement postsecondaire dont une partie sera utilisée pour bonifier le régime québécois d'aide financière aux études.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, vous souviendrez qu'avant-hier, de même qu'hier, le député de Verdun a proposé une motion qui, à première vue, m'apparaît beaucoup plus complète que celle présentée par la ministre de l'Éducation. Dans les circonstances, comme nous n'avons pas le texte de la motion présentée par la ministre de l'Éducation, si elle est aussi complète que celle du député de Verdun, ça nous fera plaisir de l'étudier. Si elle est incomplète, elle devra la complémenter par le texte présenté par le député de Verdun.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je suis prêt à donner la motion, à la déposer pour que le leader de l'opposition la regarde, mais je vous dirai ceci: nous avons, comme groupe gouvernemental, présenté, comme on le fait de coutume entre les membres des bureaux de leader, la motion. Nous étions encore en discussion sur cette motion lorsque le député a décidé de lui-même, sans l'ordre de qui que ce soit, de la présenter alors qu'il savait qu'on était encore en discussion. C'est arrivé à deux occasions, M. le Président. Alors, je serais prêt à regarder et à passer à d'autres motions en attendant, puis à la présenter et à la regarder, mais les discussions, il me semblait qu'elles étaient terminées et que la motion que nous présentions était acceptable.

M. Paradis: M. le Président, à ce moment-ci, il y a consentement ou il n'y a pas consentement, suivant nos règles de procédure. À deux reprises cette semaine, le gouvernement a refusé son consentement à une motion présentée par le député de Verdun, qui va plus loin que la motion présentée par Mme la ministre de l'Éducation.

Si on veut avoir une réponse, à ce moment-ci, qu'on dise oui à la motion du député de Verdun, il y aura consentement, il y aura motion unanime de l'Assemblée nationale du Québec. Si on veut bousculer les choses et ne pas donner le temps au député de Verdun de présenter sa motion, à ce moment-là, ce sera un refus catégorique.

M. Jolivet: M. le Président, à ce moment-ci, je pense qu'il faut bien être clair. Je le répète, nous avons proposé à l'opposition une motion. Nous étions en discussion avec eux autres. Ils ont pris le plaisir, je l'imagine, à deux occasions de le faire comme ils l'ont fait. Nous avions refusé parce que les discussions n'étaient pas terminées. Dans ce contexte-là, je suis prêt à lui demander de suspendre cette question-là, d'aller revoir à nouveau s'ils sont d'accord et, s'ils étaient d'accord, à la présenter, sinon, bien, ce seront eux qui refuseront la proposition que nous faisons.

M. Paradis: M. le Président, compte tenu...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Compte tenu de l'importance du sujet soulevé, M. le Président, je pense qu'à ce moment-ci, si vous demandiez aux partis politiques de suspendre les débats quelques instants...

Il s'agit du respect de la juridiction du Québec dans le domaine de l'éducation, et, s'il y a des gens qui veulent faire de la petite politique avec ça, nous n'en ferons pas. Nous avons présenté une motion à deux reprises – le député de Verdun. À ce moment-ci, au lieu de dire non, je suivrais la recommandation et on suspendrait les débats pour quelques instants pour prendre le temps qu'il faut pour que l'Assemblée nationale pose le geste qu'il faut quand les événements le commandent.

M. Jolivet: M. le Président, c'est ce que j'avais proposé, et je continue à dire qu'on devrait regarder attentivement cette décision-là, prendre le temps qu'il faut, mais en vous rappelant que c'est nous qui avions initié auprès d'eux cette question-là.

Le Président: Alors, à ce moment-ci, compte tenu des propos que je viens d'entendre de la part des deux leaders, nous allons suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 9)

(Reprise à 15 h 32)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Concernant la motion sans préavis de Mme la ministre de l'Éducation, M. le leader de l'opposition, quel est votre verdict?

M. Paradis: M. le Président, ce n'est pas un verdict. Malheureusement, pour l'instant, le texte soumis par Mme la ministre ne peut agréer aux intérêts supérieurs du Québec. Donc, c'est un refus.

Le Vice-Président (M. Pinard): Donc, comme il n'y a pas de consentement pour débattre de cette motion, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président...

M. Gautrin: M. le Président, j'ai une motion sans préavis.

M. Jolivet: M. le Président, un instant. Ça va venir, après. Juste une minute.

M. Gautrin: Ah! Je n'ai plus de motion sans préavis, M. le Président?

M. Jolivet: Je le sais. Je le sais, mais je veux demander une permission, parce qu'il y a des gens qui sont...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je demanderais au leader de l'opposition, puisqu'il y a des gens qui sont en consultation, de faire la motion pour le moment pour envoyer en commission parlementaire, la commission où il y a consultation.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, ça vous convient?

M. Paradis: Oui. M. le Président, je pense qu'à ce moment-ci il serait indiqué de permettre, parce que c'est sur le même sujet, au député de Verdun de présenter sa motion sans préavis et, immédiatement après la motion du député de Verdun, que l'on procède comme l'a indiqué le leader du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, dans un geste de conciliation, pour permettre au gouvernement d'en arriver à une motion qui pourrait être unanime, je me permets de demander le consentement de la Chambre pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement du Québec de négocier de bonne foi avec le gouvernement fédéral l'inclusion dans le projet de loi instituant le Fonds de dotation des bourses du millénaire d'un droit de retrait avec pleine compensation financière en se basant sur le modèle du droit de retrait prévu par la loi canadienne sur l'aide financière aux étudiants, c'est-à-dire que les sommes ainsi obtenues soient allouées aux étudiants québécois dans un programme de bourses équivalent.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a...

M. Jolivet: Dans le même sens que les deux dernières journées, M. le Président, c'est non, pour le bien-être de l'ensemble de la collectivité québécoise.

Le Vice-Président (M. Pinard): Donc, comme il n'y a pas de consentement, M. le leader de l'opposition, est-ce que vous acceptez que M. le leader du gouvernement dépose ses avis? Alors, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Jolivet: En fait, je vais déposer l'avis qui concerne la commission. J'avise donc cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 404, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que le mardi 24 mars 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission – je peux continuer, M. le leader de l'opposition, oui? – de l'économie et du travail procédera à l'étude du projet de règlement sur le contenu et la forme du rapport relatif à un programme d'équité salariale ou de relativité salariale complété ou en cours, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine – dans le cas de la commission des affaires sociales, M. le Président, c'est dès maintenant pour les consultations;

De plus, que la commission des institutions procédera aux consultations particulières sur le rapport de M. Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales le mardi 24 mars 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'économie et du travail procédera aux consultations particulières sur le document de réflexion sur le travail des enfants au Québec le mardi 24 mars 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement.


Présence du directeur de l'Institut de l'énergie et de l'environnement de la francophonie, M. El Habib Benessahraoui

Alors, permettez-moi, Mmes, MM. les députés, de souligner la présence dans les tribunes du directeur de l'Institut de l'énergie et de l'environnement de la francophonie, M. El Habib Benessahraoui.


Motions sans préavis

M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


Souligner la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale

M. Boisclair: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale qui se déroulera le 21 mars prochain.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Consentement. M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, il me fait plaisir aujourd'hui de joindre ma voix à mes collègues députés ministériels, à mes collègues ministériels et, bien sûr, au premier ministre pour souligner la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. Le gouvernement du Québec et les députés, je pense, de l'Assemblée nationale, au-delà des divisions partisanes, depuis des années, adhèrent à ce principe et aux messages véhiculés qui sont ceux de favoriser l'ouverture et le rapprochement au sein de la société, d'exprimer notre refus à l'égard de toutes les formes d'intolérance, de racisme et de discrimination et, enfin, bien sûr, d'initier particulièrement les jeunes aux différents aspects de l'engagement civique.

Il faut, M. le Président, au Québec comme ailleurs dans le monde, faire preuve d'imagination pour rejoindre et sensibiliser à la fois les jeunes à partir de ce qu'ils sont et, bien sûr, à partir de leur réalité, mais aussi sensibiliser leurs parents. Il me semble que la Cité du rapprochement, proposée comme activité majeure dans le cadre de cette Journée pour l'élimination de la discrimination raciale, est sans doute un événement qui nous permet de réussir ce tour de force, ces personnes qui ont réussi à proposer un événement familial sous le nom de Souk du rapprochement et, bien sûr, avec ce partenaire déterminant qu'est celui de la Caravane de la tolérance. Ce sont là deux formules qui permettent d'atteindre les Québécois et les Québécoises là où ils sont et de faire en sorte de souligner et de célébrer l'engagement des Québécois et des Québécoises à faire la promotion de l'élimination de la discrimination raciale.

Il faut le rappeler, la vitalité d'une démocratie repose en grande partie sur l'engagement de ses citoyennes et de ses citoyens. Les jeunes ont, à cet égard, un rôle particulier à jouer pour s'engager à devenir des citoyens qui prennent une part active à la préparation de leur avenir et au devenir du peuple québécois. En améliorant leurs échanges avec les autres et en vivant des relations plus enrichissantes, plus justes et plus solidaires, ils sont, je le pense, sur la bonne voie.

Une bonne communication aussi entre les jeunes et les adultes est essentielle pour améliorer ces relations. C'est ainsi, en voyant l'exemple de leurs aînés, que les jeunes réalisent l'importance de participer et de contribuer de façon positive au développement de la société québécoise. Cela permet, je pense, à tous de développer un sentiment d'appartenance, car ils deviennent ainsi davantage responsables de ce qui peut se passer alentour d'eux.

M. le Président, le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration est notamment fier d'avoir contribué à la réalisation d'activités comme la Caravane pour la tolérance, qui est un projet du Comité Rapprochement Québec, en collaboration avec le Centre commémoratif de l'holocauste à Montréal. Depuis 1996, la Caravane s'est engagée dans une tournée provinciale auprès des écoles secondaires. Elle s'est adressée à des milliers de jeunes de secondaire III, de secondaire IV, de secondaire V du Québec. Cette initiative constitue un effort pour favoriser une plus grande tolérance entre les personnes, quels que soient leur sexe, leur couleur, leur ethnie, leur religion, leur origine sociale ou nationale. En effet, chaque jour, dans le Québec moderne d'aujourd'hui, nous côtoyons des gens qui, par définition, sont différents.

(15 h 40)

En général, les Québécois et les Québécoises respectent et apprécient ces différences, car elles font partie de la vitalité de la vie québécoise, tant de sa vitalité sociale, elles contribuent à sa vitalité économique et, surtout, elles contribuent à sa vitalité culturelle. Ces éléments sont d'ailleurs à la base d'une vie démocratique riche. Ils sont des éléments fondamentaux qui caractérisent le pluralisme de la société québécoise.

Le principe de la démocratie est que nous sommes tous égaux, chacun au même titre les uns que les autres. Être traité dans le respect de soi et avec dignité est important pour tous les Québécois comme pour toutes les Québécoises. Nos différences, donc, ne doivent pas être un obstacle à participer sur un pied d'égalité à la société pour pouvoir y travailler, pour pouvoir s'y impliquer, pour pouvoir s'y réaliser.

Ainsi, M. le Président, l'année 1998 est toute particulière. Elle marque le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cela constitue, je le pense, une bonne occasion pour remettre à l'ordre du jour la question de la lutte au racisme et aux discriminations. Autant la Déclaration universelle des droits de l'homme que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec prescrivent le respect et la compréhension de la personne sans aucune discrimination, au nom de l'égale dignité des êtres humains et des droits fondamentaux universels qui en découlent. Le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, au nom du gouvernement du Québec, a donc entrepris de souligner cet événement en mettant l'accent sur une meilleure connaissance des principes contenus dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Plusieurs jeunes disent avoir de la difficulté à se trouver un emploi. Une étude – d'ailleurs préparée l'an dernier par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration – sur l'emploi et les jeunes, le faisait bien, d'ailleurs, ressortir. Je suis, à ce sujet, particulièrement conscient que cette situation inquiète aussi l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Parfois, c'est le manque de formation qui est en cause, mais, quand on me dit que c'est le manque d'expérience qui bloque les jeunes, je me questionne. Je crois qu'il faut ouvrir à tous la possibilité d'une première expérience, car ce n'est pas un privilège, c'est un droit. Il ne devrait pas non plus y avoir de jeunes issus des minorités visibles qui éprouvent davantage de difficultés que d'autres à se trouver un emploi. On doit offrir à tous les mêmes chances de pouvoir se réaliser.

Chacun, en conclusion, M. le Président, à titre divers, peut concourir à la construction d'une société juste. J'encourage ainsi l'ensemble des citoyens à affirmer leur tolérance zéro à l'égard de tout acte d'intolérance, de discrimination et de racisme et à établir entre eux des liens, des échanges empreints de réciprocité et de respect mutuel. Je crois fermement que tous ont un rôle à jouer et doivent être inclus pour pouvoir participer. C'est avec l'apport de chacun de ses membres qu'une véritable communauté solidaire peut se construire, qu'un véritable peuple peut s'épanouir.

M. le Président, j'ai eu l'occasion de m'exprimer ici, en cette Assemblée, pour que chacun d'entre nous, membres de cette Assemblée, députés, relevions ce grand défi de l'exclusion zéro. Le gouvernement prend ses responsabilités. Il l'a fait concrètement avec cette campagne de la tolérance. Il l'a fait concrètement en renouvelant son soutien financier à la Corporation d'affaires Mathieu da Costa, qui vient en aide de façon particulière aux jeunes des communautés noires. Il l'a fait encore tout récemment en annonçant la création d'un fonds d'aide pour les minorités visibles. J'aurai l'occasion de rendre publics les choix gouvernementaux dans les prochains jours. Donc, j'invite les Québécois et les Québécoises à suivre l'exemple tracé par le gouvernement, mais, je dirais, d'abord tracé par des organisations communautaires qui, nombreuses, oeuvrent sur le terrain.

C'est grâce à la complicité des parlementaires, c'est grâce à la complicité du gouvernement, grâce à la complicité des organisations sans but lucratif et grâce à la complicité, davantage, de Québécois et de Québécoises que nous réussirons ensemble, collectivement, à relever ce grand défi qu'est celui de l'exclusion zéro. Je vous remercie...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Nous cédons maintenant la parole au député d'Outremont. Alors, M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, l'égalité est incontestablement la valeur centrale de l'ethos démocratique. Égalité de droits, formelle, et également égalité de fait, réelle, ce qui requiert, M. le Président, vous en conviendrez, que les conditions institutionnelles soient aménagées de sorte que les droits civils, politiques, culturels et sociaux fassent l'objet d'un exercice effectif, efficace, concret et pratique.

Or, M. le Président, il est faux de croire que l'égalité soit une loi de la nature. L'égalité, sous l'une ou l'autre de ses formes d'expression, demeure un enjeu de société majeur et doit donc faire l'objet d'une lutte politique sans relâche de la part de ceux et de celles qui épousent avec conviction l'ethos démocratique. De façon plus prosaïque, M. le Président, la lutte en faveur de l'égalité des chances se livre quotidiennement sur deux terrains. Celui de l'influence déterminante dans nos sociétés contemporaines du niveau scolaire mesuré par le diplôme, sur le classement social, c'est-à-dire sur l'obtention d'une position sociale à l'intérieur de la hiérarchie des statuts sociaux.

On peut parler, M. le Président, de l'effet méritocratique afin de désigner cette influence. Plus une société fonctionne afin d'assurer que la distribution des chances de vie s'effectue selon les critères institués du mérite, plus cette société est égalitaire au sens moderne. Sauf, M. le Président, que nous savons pertinemment que nos sociétés démocratiques, égalitaires et égalitaristes continuent toujours à fonctionner sur l'influence de l'origine sociale entendue comme déterminisme des destinées individuelles et des chances de vie individuelles. Cette influence est désignée par les sociologues comme un effet de dominance. Cet effet permet de rendre compte de la différence des destinées professionnelles et sociales entre des individus bénéficiant d'un même niveau de formation scolaire mais appartenant à des milieux sociaux différents. La méritocratie est un idéal et un objectif que nous souhaitons tous voir se réaliser, mais, dans nos sociétés contemporaines, l'appartenance à des milieux sociaux demeure néanmoins un facteur important déterminant les chances de vie.

Quant à l'effet de dominance le plus lourd, M. le Président, je dirais même le plus violent, c'est incontestablement celui qui résulte de la discrimination raciale. Le génotype, l'appartenance des populations possédant des caractéristiques biologiques distinctes ou différentes de celles de la majorité, demeure incontestablement un facteur qui influence les destins individuels et la distribution des chances de vie.

J'habite, M. le Président, l'un des comtés du Québec, et peut-être celui des comtés du Québec, dont le niveau d'hétérogénéité ethnique, culturel, linguistique et racial est probablement le plus élevé. Des études récentes sur Côte-des-Neiges ont démontré l'extraordinaire hétérogénéité de ce milieu du point de vue des caractéristiques que je viens de mentionner. Ce qui signifie que, pour le député d'Outremont – Côte-des-Neiges – la discrimination, et la discrimination raciale en particulier, est une réalité concrète et dont je suis régulièrement saisi des manifestations les plus subtiles dans mon travail local de député. C'est donc avec passion qu'au nom de la formation politique dont je suis le porte-parole en matière de citoyenneté je veux souligner la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale qui se déroulera le 21 mars prochain.

(15 h 50)

J'ai mentionné plus haut, M. le Président, que la scolarisation est au coeur de l'idéal méritocratique de nos sociétés démocratiques. Or, je m'en voudrais de passer sous silence les efforts de l'actuel gouvernement du Québec afin d'étendre cette scolarisation en particulier aux âges précoces de la formation scolaire. Mais je suis aussi inquiet par les conséquences négatives de la politique budgétaire gouvernementale actuelle sur l'éducation à tous les niveaux et, bien sûr, sur les conséquences potentiellement dévastatrices de cette politique budgétaire sur le renforcement de ce que j'ai appelé plus haut «l'effet de dominance».

Éliminer la discrimination raciale est un objectif auquel se rallient tous les parlementaires et toutes les parlementaires de cette Assemblée, mais encore faut-il avoir toujours présent à l'esprit qu'il faut se défier, se mettre en garde contre les décisions gouvernementales qui, au-delà des discours officiels, pourraient mettre en danger les objectifs poursuivis en toute bonne foi, par ailleurs.

Donc, M. le Président, je répète que c'est avec passion et avec ferveur que nous nous rallions à l'objectif d'éliminer la discrimination raciale, mais je répète que cette discrimination raciale au Québec demeure une réalité, que l'appartenance à un groupe racial est, de toutes les appartenances, à ma connaissance, celle qui génère des effets de dominance les plus durs, les plus tenaces et les plus violents.

Je pense qu'il est donc tout à notre honneur que nous ayons décidé de consacrer la journée du 21 mars et, par la suite, de consacrer les jours qui viendront à l'élimination de la discrimination raciale. Mais je répète, en terminant, M. le Président, qu'à mon avis le moyen le plus efficace d'y arriver demeure la démocratisation de l'enseignement, et en particulier la démocratisation de l'enseignement au niveau précoce, mais à tous les niveaux, et que, à ce sujet-là, un parlementaire responsable, qu'il soit de l'opposition ou du gouvernement, ne peut s'empêcher d'être inquiet face à certaines des conséquences palpables, à certaines des conséquences visibles et à certaines des conséquences touchables que, dans nos comtés, on peut observer et qui résultent directement et indirectement de certaines politiques gouvernementales budgétaires qui ont été adoptées depuis quelques années.

Donc, je répète, M. le Président, qu'il faut, d'une part, se féliciter de la décision de proclamer une semaine consacrée à l'élimination de la discrimination raciale, mais qu'il ne faut pas, par ailleurs, éliminer toute inquiétude concernant les efforts qu'il reste à faire pour que nous puissions ensemble atteindre l'objectif visé. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Outremont. Le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Alors, toujours aux motions sans préavis, M. le ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie. M. le ministre.


Souligner la Journée internationale de la francophonie

M. Simard: Merci, M. le Président. Je me permets, à mon tour, de saluer la présence du directeur de l'Institut d'énergie des pays francophones, M. Habib Benessahraoui, et de présenter ici, à l'Assemblée nationale, pour adoption, la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée internationale de la francophonie, célébrée chaque année le 20 mars, qu'elle réaffirme son attachement profond aux institutions de la francophonie et qu'elle exprime sa solidarité à l'égard des peuples qui ont le français en partage.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Consentement. M. le ministre.


M. Sylvain Simard

M. Simard: M. le Président, autant vous le dire d'emblée, j'aime la langue française. J'aime cette langue précise tout autant que phonique, j'aime ce français nourri et fertilisé par des centaines et des milliers d'écrivains, cette langue affinée par des millions d'hommes et de femmes qui l'ont eue maternelle ou qui l'ont acquise.

J'aime cette langue qui est née en Île-de-France pour s'étendre à quatre continents, y compris ici, en Amérique.

Avant que d'être un outil de communication, toute langue est d'abord organisation du monde. Toute langue s'approprie le monde et s'en fait l'interprète. Et, du monde, la langue de Diderot et de Voltaire, de Jules Verne et de Vigneault, de Miron et de Rimbaud offre une vision profondément moderne.

Et, est-ce une illusion, il me semble que le français possède cette étonnante faculté de faire penser par soi-même, dans un monde plutôt porté par des credos. C'est pourquoi les peuples qui ont en commun cette chance de sentir, de voir, de concevoir le monde à travers elle sont unis davantage que par leur seule accointance issue de liens historiques ou d'un fonds culturel commun, ils ont aussi en partage cette même modernité qui inventa, au XVIIIe siècle, l' Encyclopédie , qui inaugura, en 1900, un siècle des prodiges en célébrant les inventions naissantes et qui aujourd'hui contribue à inventer l'imaginaire d'un siècle à venir.

Les peuples, donc, qui ont en commun l'usage de l'une des plus belles langues du monde se sont donné, à Niamey, il y aura 28 ans demain, un forum, un lieu d'échanges et de coopération, un tremplin vers l'avenir, tout autant d'ailleurs qu'une voix dans les affaires internationales. Aussi, au Québec, le 20 mars est-il marqué d'une pierre blanche, car, pour le Québécois que je suis, la francophonie, ce n'est pas un concept politique, elle représente le fait très concret de vivre en français, de partager des valeurs, une culture, d'imaginer son avenir en français.

Au-delà des enjeux politiques auxquels nous sommes confrontés quotidiennement, peut-être même d'ailleurs à cause d'eux, la francophonie n'est pas, au Québec, une vague idée entretenue par quelques cohortes de nostalgiques désoeuvrés. Contrairement aux autres membres de la francophonie qui appartiennent à diverses organisations internationales qui ont leurs propres regroupements régionaux – on pense à l'Union européenne, au Commonwealth, à la Ligue arabe, à l'OUA, à l'ASEAN – le Québec en tant que tel n'a pas, pour le moment, de forum régional ou international autre que celui que lui offre la francophonie.

Si le Québec apporte l'Amérique à la francophonie, il vient y chercher l'oxygène et la masse critique qu'il ne trouvera jamais dans l'océan anglophone où il est plongé. Pour un Québécois, la francophonie est existentielle, elle est proprement vitale. Aussi, dans le sillage d'un sommet qui aura transformé ce grand oeuvre qu'est l'espace francophone mondial, qui l'aura doté du premier secrétaire générale de la francophonie, il importe de se pencher sur l'environnement global de notre projet francophone et de dégager les conditions de sa crédibilité et de sa viabilité.

À ce défi d'universalité et de modernité se rattachent au moins cinq obligations. La première en est une d'alliance avec les autres aires linguistiques et culturelles; je pense, ici, tout particulièrement à nos amis hispanophones et lusophones. Si la francophonie ne construit pas des ponts avec d'autres groupes linguistiques et d'autres organisations internationales, comment pourra-t-elle encore parler de diversité linguistique et culturelle?

La deuxième obligation de la francophonie en est une de développement de la démocratie et de l'État de droit, seul capable d'assurer l'épanouissement des peuples et des sociétés civiles. Il en va de sa crédibilité et de celle des décisions du Sommet d'Hanoi. La francophonie ne peut affirmer qu'elle devient de plus en plus politique et être absente de cette préoccupation qui, comme le disait Kofi Annan à la session de la Commission des droits de l'ONU, n'est pas un luxe de pays riche.

Enfin, la francophonie a également l'obligation d'assurer aux créateurs les moyens de diffusion de leurs oeuvres, l'obligation de témoigner de la diversité des cultures de l'espace francophone et l'obligation d'assurer les moyens de diffusion de la science en français. Pour l'heure, un mot hante la planète monde, «la mondialisation». Il ne s'agit pas de savoir si on est pour ou si on est contre; il s'agit de savoir si l'identité, le patrimoine des peuples francophones émergeront plus forts de cette mondialisation ou s'ils seront emportés par elle. Il faut, M. le Président, s'approprier de la mondialisation, il faut faire en sorte que le mot dépasse sa dénotation économique et réfère aussi naturellement aux rapports de solidarité. À l'heure de la mondialisation de l'économie, nous n'avons d'autre choix que de mondialiser notre solidarité, et la coopération au sein de la francophonie me semble un espace privilégié pour le faire.

(16 heures)

En terminant, M. le Président, j'invite toute l'Assemblée à appuyer d'une façon unanime la motion que je dépose aujourd'hui à l'occasion de cette grande Journée internationale de la francophonie. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. J'aimerais, au nom de l'opposition officielle et à titre de porte-parole de l'aile parlementaire libérale en matière de relations internationales et de francophonie, souligner la Journée internationale de la francophonie, qui aura lieu demain, le 20 mars 1998, et qui marque cette année le 8e anniversaire de cette célébration au Québec.

Je profite de cette occasion pour saluer tous les organismes institutionnels, communautaires et privés qui ont joint leurs efforts pour célébrer, du 14 au 21 mars, la Semaine nationale de la francophonie, qui se déroule au Québec et dans les communautés francophones ailleurs au Canada.

Chez nous, au Québec, cette semaine est inscrite sous le signe de la Francofête, avec comme thème Célébrons l'avenir du français et de la francophonie . Durant cette semaine, une multitude d'organismes publics, parapublics, privés et communautaires sont réunis autour d'un ensemble d'activités visant la promotion du français langue commune. L'année 1998 correspond également au 11e anniversaire de la Semaine du français. Donc, il y a un double volet à cette manifestation de notre appartenance à l'espace francophone: un volet national où les organismes du milieu témoignent de notre francophonie vivante et agissante et un volet international où nous prenons le temps de mesurer le chemin parcouru au sein de la francophonie mondiale.

Je profite de cette occasion pour exprimer notre fierté comme Québécois et Canadiens d'appartenir à ce grand espace de la francophonie internationale à côté d'une quarantaine de pays d'Europe, d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Amérique et d'Asie. Le Québec, à l'intérieur de la fédération canadienne, a réussi au fil des ans à se tailler une place privilégiée au sein des différentes instances de la francophonie mondiale. En effet, dès 1970, date où les chefs d'État et de gouvernement ont posé le premier jalon de la francophonie mondiale, le Québec était présent à la conférence de Niamey, qui a donné lieu à l'Agence de coopération culturelle et technique, l'ACCT. L'ACCT, d'ailleurs, a été dirigée jusqu'à tout récemment par un Canadien, Jean-Louis Roy. Elle a changé de nom pour devenir l'Agence de la francophonie. Et la francophonie internationale est entrée dans une nouvelle phase de maturité politique après avoir été pendant une douzaine d'années axée essentiellement sur la coopération culturelle.

En effet, M. le Président, depuis le dernier Sommet de la francophonie, qui s'est tenu à Hanoi du 14 au 16 novembre 1997, les chefs d'État et de gouvernement ont convenu d'élire un secrétaire général en la personne de Boutros Boutros-Gali. Une charte de la francophonie a par ailleurs été adoptée pour consolider les consensus des différents pays et gouvernements partenaires. Mais, pour mesurer le chemin parcouru durant les 40 dernières années, il est utile de rappeler pour le bénéfice de tous les parlementaires et des citoyens qui nous écoutent que le mérite premier de cette idée de la francophonie mondiale revient à trois anciens chefs d'État africains qui, en 1960, en avaient fait la proposition. Il s'agit de Léopold Sédar Senghor, du Sénégal, Hamani Diori, du Niger, et Habib Bourguiba, de Tunisie. L'année suivante, 1961, avait vu la création de l'Association des universités entièrement ou partiellement de langue française et, en 1962, le président Senghor publia un article dans la revue Esprit considéré comme le texte fondateur de la francophonie.

En 1967, c'est au tour de l'Association des parlementaires de langue française de voir le jour au Luxembourg. Une instance où l'Assemblée nationale du Québec joue un rôle majeur via son président et les parlementaires membres.

Le 20 mars 1970 est un point tournant dans le monde francophone avec la création de l'ACCT. La Journée internationale de la francophonie, qui est célébrée précisément le 20 mars, marque d'ailleurs l'anniversaire de naissance de cette institution. Il a fallu 15 ans de balbutiements avant que la francophonie ne sorte de l'ombre et s'affiche publiquement, au grand jour, avec la tenue à Paris du premier Sommet des chefs d'État et de gouvernement ayant le français en partage.

C'est le Québec, sous la gouverne de feu Robert Bourassa, qui a accueilli le deuxième Sommet de la francophonie, en 1987. Cinq autres sommets ont été tenus depuis: à Dakar en 1989; à Chaillot en 1991; à l'île Maurice en 1993; à Cotonou en 1995; et, enfin, à Hanoi en 1997.

Chacun de ces sommets a été, à des degrés différents, un pas de plus dans la consolidation de la toile francophone mondiale. Des instances politiques et des réseaux de communication et d'alliances stratégiques ont vu le jour. Qu'on pense à des organismes comme l'Association internationale des maires et responsables des capitales et métropoles partiellement ou entièrement francophones, la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports, ainsi que la Conférence des ministres de l'Éducation des pays d'expression française, le Conseil international des radios et télévisions d'expression française, la Commission internationale du théâtre francophone, le Conseil francophone de la chanson, le Forum francophone des affaires, sans compter une multitude d'organismes non gouvernementaux regroupant des francophones du monde entier autour de préoccupations communes, notamment les professeurs de français, les directeurs d'établissements scolaires, les journalistes et la presse de langue française, les promoteurs de l'industrie du livre et de l'édition, le Mouvement des femmes, les organismes non gouvernementaux de la solidarité internationale, et j'en passe.

Ce foisonnement d'organismes et de réseaux témoigne de l'intérêt que les Québécoises et les Québécois de tous les milieux, tant urbains que ruraux, accordent à l'ouverture du Québec sur le monde, et sur le monde francophone en particulier. Les gens d'affaires et les professionnels québécois sont à l'avant-garde du courant de la mondialisation.

Je profite de cette occasion qui m'est donnée par la Journée internationale de la francophonie pour saluer l'esprit d'entrepreneurship de notre communauté d'affaires qui ne cesse de faire preuve d'initiative et d'imagination dans sa conquête des marchés internationaux et, ce faisant, elle contribue à créer chez nous des emplois et à générer de la richesse pour l'ensemble des Québécois.

Je salue également les Québécoises et les Québécois qui oeuvrent au sein des organismes non gouvernementaux et communautaires à la promotion de la coopération ainsi qu'à la solidarité internationale. Ils sont des milliers à travers le Québec à s'impliquer avec un dévouement exemplaire dans des petits projets à dimension humaine pour le bien-être des plus démunis. La coopération et la solidarité internationale sont une marque de commerce du Québec. Elle a été amorcée à l'origine par des institutions religieuses et relayée, depuis les années soixante, par une multitude de groupes qui s'activent dans toutes les régions du Québec. En effet, plusieurs régions du Québec ont pris le virage de l'internationalisation. Les entreprises et les décideurs économiques locaux et régionaux se concertent de plus en plus pour mieux se positionner sur les marchés extérieurs.

(16 h 10)

Nous avons, au Québec, un atout considérable à cause de notre riche patrimoine linguistique qui nous ouvre, grâce à la langue française, la porte des marchés francophones et, grâce aux autres langues, l'accès aux marchés américain, européen et asiatique. C'est une valeur ajoutée qui donne un avantage comparatif à nos entreprises au chapitre de l'exportation, du transfert technologique et de l'internationalisation des savoirs. Vu de cette perspective, la francophonie mondiale présente un potentiel économique qui demeure à être exploité.

Le Québec, M. le Président, a toutes les chances d'en tirer le meilleur parti. Pour cela, il faut mettre toutes nos énergies dans la défense des intérêts de tous les Québécois et arrêter d'utiliser les instances internationales, notamment la francophonie, comme une rampe de lancement pour l'option de la séparation. En effet, lorsqu'on regarde objectivement l'implication de tous nos milieux, d'affaires, institutionnel et communautaire, dans cette ouverture du Québec sur le monde, le devoir d'un gouvernement responsable est de les accompagner dans cette démarche et non de leur nuire.

M. le Président, j'aimerais exprimer le voeu de voir les objectifs de la francophonie partagés par tous les peuples qui ont en commun l'usage du français. Il faut débureaucratiser la francophonie pour en faire une affaire de famille à la portée des citoyens, tant à Dakar qu'à Rabat, Nouakchott, Hammamet ou Hanoi. Cela suppose de nouvelles approches qui tiennent compte des véritables besoins des populations francophones. Il faut que la francophonie apprenne à se préoccuper de ce qui préoccupe les gens.

En terminant, M. le Président, j'aimerais citer un extrait du texte de Léopold Sédar Senghor publié dans la revue Esprit en 1962: «La francophonie, écrit-il, c'est cet humanisme intégral qui se tisse autour de la terre, cette symbiose des "énergies dormantes" de tous les continents, de toutes les races.»

M. le Président, je formule le voeu que les «énergies dormantes» puissent se réveiller, canaliser leurs efforts pour une francophonie plus agissante et plus ouverte sur sa diversité, tant au Québec que dans le reste du monde. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière et porte-parole du parti de l'opposition. Alors, je céderai maintenant la parole pour quelques secondes au leader adjoint du gouvernement ainsi qu'au vice-président de l'AIPLF qui veut intervenir sur cette motion. Alors, quelques secondes, monsieur.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, il ne s'agira pas d'une intervention comme telle dans le fond du débat. Je crois que mon collègue et ami ministre des Relations internationales a tout dit. Simplement informer cette Assemblée que c'est le mardi 21 avril prochain que la section québécoise de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française décernera l'Ordre de la Pléiade à diverses personnalités québécoises, notamment notre premier ministre, au grade de Grand-Croix, qui est réservé aux chefs d'État, parce qu'il est évident que le premier ministre du Québec est le chef du seul État francophone d'Amérique du Nord.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, le débat étant maintenant terminé, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Puisqu'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, permettez-moi, à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions, de vous aviser que la commission de l'administration publique se réunira aujourd'hui, le jeudi 19 mars 1998, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May, afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère du Revenu, les listes de mars 1996 à mars 1997.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

À la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, j'aimerais juste valider quelque chose, des informations qu'on a obtenues il y a une semaine de la part du leader du gouvernement, auprès du leader adjoint du gouvernement. Comme vous le savez pertinemment bien, il y a une interpellation demain entre moi-même et le ministre de la Santé et des Services sociaux sur la situation des personnes handicapées. Juste valider l'information qui a été donnée il y a une semaine – on comprend, le ministre a un horaire très chargé – valider auprès du leader adjoint la présence du ministre responsable du dossier, le ministre de la Santé et des Services sociaux, à l'interpellation de demain.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous êtes seulement quelques secondes plus rapide que votre président cet après-midi, parce qu'à la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée permettez-moi de vous rappeler que l'interpellation prévue pour le vendredi 20 mars 1998 portera sur le sujet suivant: La situation des personnes handicapées au Québec. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce s'adressera alors à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Je vous avise également que l'interpellation prévue pour le vendredi 27 mars 1998 portera sur le sujet suivant: L'implantation de la réforme de l'éducation. M. le député de Marquette s'adressera alors à Mme la ministre de l'Éducation.

M. Boulerice: M. le Président, sur l'interpellation de ce matin...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Alors, M. le Président, j'aimerais rappeler à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce qu'il est du privilège du gouvernement de désigner le ministre qui sera présent à l'interpellation; dans le cas courant, qu'il soit rassuré, le ministre de la Santé et des Services sociaux est un homme d'une grande transparence, il aime bien les débats sereins, il sera présent demain.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, nous avons maintenant complété les affaires courantes.


Affaires du jour

Alors, nous allons poursuivre les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Alors, M. le Président, nous souhaitons reprendre le débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 186. Donc, je vous réfère à l'article 4 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 186


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 4 de votre feuilleton, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. Lors de la suspension de nos travaux, ce midi, le député de Châteauguay avait utilisé 11 min 45 s à son intervention; donc, il lui restait un droit de parole de 9 min 15 s. Comme le député de Châteauguay n'est point présent actuellement, probablement en commission parlementaire, conformément à nos règlements, je dois donc présumer qu'il a terminé son intervention. À ce stade-ci, nous cédons la parole à Mme la députée de Saint-François. Alors, Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. Alors, comme la plupart de mes collègues, j'aimerais intervenir sur le projet de loi n° 186, qui est la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, c'est-à-dire la réforme d'aide sociale.

M. le Président, on se souviendra qu'en 1994, lorsque le gouvernement voulait se faire élire par la population, on utilisait le slogan L'autre façon de gouverner . On avait pris certains engagements aussi, et on est à même de constater aujourd'hui que plusieurs de ces engagements n'ont pas été respectés ou encore ont été remisés. Et je pense, entre autres, à l'engagement qui avait été pris sur le plein-emploi. Vous vous souviendrez qu'on devait, dans les 100 jours de la venue d'un nouveau gouvernement, travailler à l'élaboration d'une politique du plein-emploi. Non seulement on n'a encore aucune nouvelle de cette politique du plein-emploi, mais on se rend compte que le Québec traîne le peloton de queue en termes de création d'emplois depuis l'arrivée du Parti québécois au pouvoir. On a créé très peu d'emplois comparativement, par exemple, à l'Ontario.

(16 h 20)

Mais, M. le Président, je voudrais revenir à ce projet de loi et vous dire qu'il y a, entre autres, deux engagements qui étaient très sérieux, très importants, qui avaient été pris par le Parti québécois de l'époque. Dans le document Des idées pour mon pays , on se souviendra, entre autres, qu'on s'était engagé à faire une révision en profondeur de la loi 37, qui était la Loi sur la sécurité du revenu, de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants. On verra tout à l'heure que, dans le projet de loi, on fait exactement le contraire de ce qu'on avait prévu avec cet engagement. On verra également que, dans le même document, on s'était engagé à ce que les prestations de l'aide sociale soient accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit. On se rendra compte qu'on fait exactement le contraire des engagements qu'on avait pris en 1994 dans le programme Des idées pour mon pays .

Encore plus, on se souviendra des beaux discours, entre autres, du premier ministre lors de son assermentation, le 29 janvier 1996, au moment où il disait, et je le cite: «Il n'y aura donc pas, au Québec, de massacre à la tronçonneuse. Nous ne tournerons pas le dos à la solidarité et à la compassion; le voudrait-on que nous ne le pourrions pas. Ce serait pour nous, Québécois, contre nature.» Et il ajoutait: «Nous voulons que notre État ne soit pas appauvri. Ce serait un comble si, pour y arriver, nous appauvrissions les Québécois.» M. le Président, les Québécois n'ont jamais été aussi pauvres!

Le 28 mars 1996, en Chambre, la main sur le coeur, le premier ministre nous disait, je cite: «Les citoyens ne seront pas touchés. C'est les machines, l'administration, les appareils, c'est sûr, mais les citoyens ne seront pas touchés.» Et la même chose dans ce discours inaugural du 25 mars 1996. Il nous disait: «Je tiens à rassurer nos citoyens, il n'est pas question de réduire les prestations de base des bénéficiaires d'aide sociale.» Eh bien, M. le Président, même avec ces engagements, même avec ces belles paroles, on se retrouve aujourd'hui avec le projet de loi n° 186 et, bien sûr, on fait exactement le contraire de ce qui avait été prévu.

Je vous disais, M. le Président, que la population s'est appauvrie, s'est drôlement appauvrie depuis 1994, et on constate une hémorragie de coupures à l'aide sociale. C'est 412 000 000 $ en deux ans, soit 10 % du budget, qui ont été coupés à l'aide sociale. Jamais un gouvernement ne s'est attaqué avec autant d'acharnement sur le dos des plus démunis de notre société, jamais un gouvernement n'a autant appauvri les plus démunis de notre société. On se souvient des coupures, depuis 1994, à l'aide sociale: abolition du barème de disponibilité – on est allé chercher 50 $ par mois – abolition des avoirs liquides pour le mois de la demande; baisse du barème de participation – on est allé chercher 30 $ par mois – coupures dans l'allocation-logement; taux de subvention de 75 % à 55 %; fin de la gratuité des médicaments; désengagement au niveau des soins dentaires et optométriques; imposition des prestations d'aide sociale lors du retour au travail; abolition de l'allocation pour remboursement de l'impôt foncier; abolition du barème de non-disponibilité pour les mères monoparentales ayant à charge des enfants de cinq ans, ce qui équivaut à un moins 100 $ par mois.

Mais ce n'est pas tout, M. le Président. Dans ce projet de loi, on revient, et cet appauvrissement se traduit par une détérioration alarmante du tissu social au Québec. Le nombre de personnes qui doivent avoir recours aux banques alimentaires – je pense, entre autres, à Montréal – a augmenté de 50 %, et ce n'est pas pour rien que Montréal est devenue la plus pauvre des grandes villes au Canada. De plus, les groupes communautaires à travers le Québec lancent des cris d'alarme au gouvernement parce qu'ils ne peuvent plus faire face à la détresse.

Le taux d'itinérance ne cesse d'augmenter et touche de plus en plus les jeunes et les adolescents. Le Québec a le plus haut taux de suicide des sociétés industrialisées, particulièrement chez les jeunes hommes de 15 à 29 ans, ce qui est la principale cause de mortalité. Le taux atteint 38,6 % pour 100 000 personnes. Et, depuis deux ans, M. le Président, la pauvreté sévit durement au Québec. En effet, pour une deuxième année consécutive, le Québec détient le triste record du plus haut taux de pauvreté au Canada, soit 20,6 %, à égalité avec Terre-Neuve. Ce n'est rien pour se vanter!

Le projet de loi n° 186 fait suite au dépôt du livre vert de la ministre de la Solidarité. Il fait suite également à la consultation publique qui s'est tenue en janvier, février et mars 1997. Rappelons que, tout au long de cette consultation, les groupes et les experts ont dénoncé vivement les mesures appauvrissantes contenues dans le livre vert et la ministre a été durement critiquée. Le projet de loi n° 186 est la reconduction presque intégrale de la Loi sur la sécurité du revenu au niveau des programmes, des barèmes et des critères d'admissibilité; on ne fait que changer les appellations. La différence, cependant, se situe au chapitre des droits et obligations réciproques.

On se souviendra, M. le Président, qu'en juin 1997 la Loi créant le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail a été adoptée. Cette loi venait regrouper tous les services publics d'emploi et les plaçait sous la responsabilité d'Emploi-Québec. Toutes les mesures et tous les programmes du ministère de la Sécurité du revenu, de la Société québécoise de développement et du ministère du Développement des ressources humaines du Canada seront regroupés sous un même toit. Ces services d'emploi seront offerts par les centres locaux d'emploi et bénéficieront autant aux personnes qui reçoivent de l'aide sociale, de l'assurance-emploi qu'à celles dites sans emploi.

En ouvrant à l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise les programmes et les mesures actives en emploi, on met fin au cloisonnement et à la catégorisation des personnes. Cette fusion des services a été accueillie favorablement par les groupes. Mais le fait d'ouvrir à l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise les programmes et les mesures actives en emploi ne viendra-t-il pas restreindre l'accessibilité et amplifier le problème, quand on sait que le nombre de places est déjà contingenté? À moins que le gouvernement n'injecte des sommes importantes additionnelles dans les mesures actives en emploi. Ce n'est pas le cas. Au contraire, on coupe dans les budgets de mesures actives: le nombre de participants est passé de 34 410 à 24 000 de janvier 1996 à janvier 1998 et seulement 7 % des personnes inscrites au programme APTE participent à une mesure active en emploi.

Le changement majeur réside au niveau du chapitre des droits et obligations réciproques prévus aux articles 33 à 55 du projet de loi. Mais ce qui est plus alarmant, M. le Président, dans ce projet de loi, c'est qu'on met fin à l'équité pour les jeunes âgés de 18 à 24 ans. On se souviendra que c'est sous un gouvernement libéral qu'on a accordé aux jeunes la parité de l'aide sociale. Donc, c'est la fin de cette équité pour les jeunes de 18 à 24 ans.

En effet, l'article 53 du projet de loi n° 186 introduit le caractère obligatoire, accompagné d'une pénalité pour les jeunes de 18 à 24 ans – et cette pénalité, M. le Président, je reviens à l'engagement du Parti québécois de l'époque, où on disait qu'on ne voulait pas qu'il y ait d'éléments punitifs ou péjoratifs et qu'on voulait plutôt avoir des éléments incitatifs et valorisants; alors, c'est complètement l'inverse de ce qu'on s'est engagé à faire en 1994 – qui refuseront soit de se présenter à une entrevue convoquée par la ministre ou encore qui refuseront de participer à une activité dans le cadre d'un parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi, et c'est une pénalité de 150 $ qui viendra réduire la prestation de base de 490 $ à 340 $ par mois. De plus, un deuxième refus entraînerait une deuxième pénalité, additionnelle, de 150 $.

Cette mesure vient enfoncer davantage les jeunes dans la pauvreté. En plus d'être discriminatoire, elle vient briser la parité que le gouvernement du Parti libéral, comme je le mentionnais, avait accordée aux jeunes de moins de 30 ans. Ce caractère obligatoire, accompagné d'une pénalité applicable au barème de base, a été fortement dénoncé par la majorité des groupes en commission parlementaire. Les experts tels que Camil Bouchard, Alain Noël, professeurs de l'Université de Montréal et spécialistes des études comparées dans le domaine des transferts de sécurité du revenu, et le Conseil québécois de la recherche sociale soutiennent que ce régime obligatoire est contre-productif puisque, dès le départ, on associe la notion du parcours individualisé à la notion de punition. La menace de pénalité vient donc briser le lien de confiance essentiel à la réussite d'un parcours.

(16 h 30)

De plus, M. le Président, l'obligation sous peine de pénalité suscite des comportements de soumission, et les personnes les moins motivées s'inscriront donc dans des parcours uniquement afin d'éviter les sanctions monétaires. Et, comme le nombre de places dans le parcours sera contingenté, les personnes non motivées prendront la place de celles qui veulent vraiment s'en sortir. Ces parcours individualisés vers l'insertion, la formation et l'emploi demandent une vive collaboration de la part des partenaires locaux, notamment avec les groupes communautaires, qui n'endossent aucunement cette approche punitive qui suscite la méfiance entre les parties et les transforme en préfets de discipline.

Une expérience menée au sein du ministère de la Sécurité du revenu par la commission Travail-Québec de Saint-Laurent vient confirmer cette contre-productivité. La moitié des prestataires étaient invités sur une base volontaire, et l'autre moitié, sur une base obligatoire, à rencontrer d'éventuels employeurs. L'expérience a démontré que les résultats étaient meilleurs dans le cas des personnes qui se présentaient volontairement, et, dans ce constat, on a donc décidé de ne plus obliger les gens à venir à ces rencontres, mais de fonctionner uniquement sur une base volontaire. De plus, M. Camil Bouchard soutenait en commission, et je cite, «que le gouvernement fait fausse route avec cette nouvelle notion d'obligation sous peine de pénalité pour les jeunes 18-24 ans».

M. le Président, on lisait dans La Presse , justement, de ce matin, un article de Camil Bouchard et Yves Vaillancourt qui travaillent au Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale et sur les pratiques, naturellement, et les politiques sociales et qui nous disaient: «Au minimum, les Québécois doivent éviter d'accabler davantage les jeunes et de leur faire porter la responsabilité entière de leur marginalisation du marché de l'emploi. Les résultats d'un sondage selon lequel la population québécoise appuierait très majoritairement l'instauration immédiate de mesures punitives envers les jeunes qui refuseraient de s'inscrire dans un parcours vers l'emploi inquiètent.»

Et je poursuis: «L'appui massif à une telle mesure reflète une opinion constamment alimentée voulant que 36 000 jeunes seraient passivement installés à l'aide sociale et que la meilleure façon de les aider, c'est de les menacer, de leur botter le derrière. C'est comme si les parcours de qualité requis pour accueillir les jeunes existaient, que les emplois seraient là à les attendre, mais que les jeunes refuseraient ce pont d'or!

«Pourtant, c'est chez les jeunes que le séjour à l'aide sociale est le plus court et c'est parmi les jeunes que l'on retrouve le plus de prestataires actifs dans la recherche d'une sortie de l'aide sociale. La mise en application immédiate d'une punition à la passivité – qui pourrait bien être du découragement ou de la protection contre un autre échec annoncé – accrédite publiquement la thèse d'une jeunesse fainéante, pour laquelle la seule solution serait le coup de cravache.

«Avant d'instaurer – et là je cite toujours les mêmes auteurs, MM. Camil Bouchard et Yves Vaillancourt – une punition pour des jeunes exclus du marché de l'emploi, ne devrait-on pas faire la démonstration, pour eux et pour l'ensemble des citoyens du Québec, qu'ils sont capables de s'y insérer pour peu qu'on ne leur offre un contexte favorable à l'inclusion? Ce contexte devrait, selon nous, offrir les caractéristiques suivantes – et je vous donne, M. le Président, certaines caractéristiques: entre autres, une politique de l'emploi favorable aux jeunes, politique qui reposerait sur deux mesures: une mesure fiscale d'encouragement à l'embauche des jeunes dans toutes les entreprises et une mesure de soutien au revenu pour jeunes travailleurs qui pourrait prendre la forme d'un supplément de revenu de travail, comme dans le cas du programme APPORT actuel réservé pour les parents seulement; également, une intensification de la réforme de la formation professionnelle, intensification qui devrait être spectaculaire et convaincante pour les jeunes et pour les parents et qui se fixerait l'objectif d'amener le taux québécois de diplomation au taux moyen des pays de l'OCDE dans les 10 prochaines années, c'est-à-dire passer de 3 % à 38 %; également, la mise sur pied d'un réseau de places en apprentissage pour les jeunes, réseau qui permettrait à des milliers de jeunes talentueux, mais dont le style d'apprentissage s'accommode mieux d'un contexte de stage concret auprès d'un maître que d'un contexte de classe de se voir reconnaître une compétence immédiatement utilisable et requise par l'industrie et le commerce.»

Je comprends, M. le Président, que la ministre a déjà mis en place un certain programme de places en apprentissage pour les jeunes, mais on voit que ça connaît quand même certains ratés, que ça n'a pas encore pris sa vitesse de croisière, et qu'on n'a pas encore les

places d'apprentissage souhaitées.

On suggère aussi au gouvernement «l'ouverture de stages bénévoles, d'activités communautaires, stages reconnus dans le curriculum de leur formation, qui donneraient aux jeunes du niveau du secondaire la possibilité de s'exercer à un rôle de citoyen responsable, de se faire reconnaître tôt une utilité sociale et une compétence civique et de se rendre indispensables comme groupe; la création de 36 000 nouveaux parcours de qualité dans les centres locaux d'emploi, parcours où l'on retrouvera du personnel adéquatement formé, capable de guider et de soutenir les jeunes dans leur choix de parcours, libéré des autres tâches de façon à leur donner le temps requis pour négocier ces parcours avec les jeunes et avec les ressources locales».

Et une dernière suggestion: «Le renoncement à l'application immédiate de toute mesure de punition exclusive aux jeunes et associée au refus d'insertion dans un parcours.» Donc, on mentionne que «la réforme de l'assurance-emploi, comme on le sait, a refoulé des milliers de jeunes à l'aide sociale. Vers où la réforme québécoise de l'aide sociale et l'opinion publique les poussent-ils désormais? La rue ne serait pas le meilleur endroit.» Fin de la citation de ces deux auteurs, M. le Président.

Alors, dans le projet de loi, c'est justement ce dont on se rend compte, que les jeunes sont touchés. Et, contrairement aux engagements qu'on avait pris... On avait pris comme engagement davantage d'éléments incitatifs et valorisants, on remplace ces éléments par des éléments punitifs et péjoratifs. Et non seulement on avait pris cet engagement, mais on renie également l'engagement qui disait que les prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit. Le Parti libéral du Québec avait accordé la parité de l'aide sociale aux jeunes; aujourd'hui prend fin cette parité.

Dans le projet de loi, M. le Président, on retrouve, bien sûr, d'autres difficultés aussi. Je pense, entre autres, au non-paiement des loyers. On verra que dans l'article 31 du projet de loi on donne un pouvoir d'ordonnance à la Régie du logement, qui permettra à la ministre de verser une partie de la prestation au locateur. Plusieurs regroupements de ma région, de mon comté, entre autres, m'ont envoyé de la documentation qui va à l'encontre justement de cette obligation par le gouvernement, et ils nous demandent bien sûr d'intervenir en leur nom pour que le gouvernement fasse marche arrière au niveau du non-paiement des loyers. Alors, les montants et les conditions seront déterminés par règlement. On ne connaît pas bien sûr encore les règlements. Cette modification fait suite aux nombreuses pressions – et on s'en souviendra – depuis de nombreuses années de la part des propriétaires de logements. Il va sans dire que le groupes de défense des personnes assistées sociales sont contre cet article, comme je le mentionnais, non seulement ceux de mon comté, mais aussi les personnes en général au Québec. Alors donc, ils allèguent que cette mesure est discriminatoire et va à l'encontre des chartes québécoise et canadienne.

Je pense qu'il est important que la ministre revoie cette mesure et s'assure que toute mesure qui deviendrait obligatoire doit être au moins conforme à la Charte des droits et libertés. Alors, M. le Président, je pense qu'il est important que dans le contexte actuel la ministre écoute les gens qui ont des choses à dire. Et ce n'est pas en remplaçant un régime de sécurité du revenu à caractère incitatif par un régime à caractère punitif qu'on va régler le problème de la pauvreté au Québec. Et ce n'est pas non plus en appliquant des pénalités de 150 $ qu'on va venir aider les plus démunis de notre société à s'en sortir. On va plutôt les enfoncer davantage dans la trappe de la pauvreté. Et ça, la ministre doit le comprendre et elle doit retourner à sa table de travail et revenir avec une proposition beaucoup plus acceptable pour les plus démunis de cette société. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais participer au débat de principe sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale – Bill 186, An Act respecting income support, employment assistance and social solidarity.

(16 h 40)

Je pense qu'il y a eu une très longue attente avant de voir ce projet de loi. Ce gouvernement, en faisant une campagne en 1994, a créé des attentes fort élevées dans la société québécoise. Ils ont fait de belles promesses d'arriver et de faire une réforme en profondeur de notre système d'aide sociale. Alors, c'est avec beaucoup d'intérêt et beaucoup d'anticipation que les parlementaires ont lu, pour la première fois, le projet de loi n° 186, au moment de son dépôt, avant Noël. Parce que la ministre a tenu des audiences publiques, je pense qu'au-delà d'une centaine de groupes sont venus, ici, témoigner, on a vu la publication d'un livre vert, des réflexions en profondeur afin de vraiment faire des propositions innovatrices et créatrices au sujet de l'aide sociale.

Je ne peux pas vous dire, M. le Président, à quel point, encore une fois, il y a une énorme déception entre le beau discours de ce gouvernement et les gestes qu'ils sont en train de poser. Alors, quand on veut donner des lauréats pour les beaux discours et les belles promesses, ça, c'est un gouvernement qui est capable d'en parler dans son programme. D'avoir une indexation des barèmes, par exemple, ça, c'est un de leurs engagements. Ils ont dit qu'ils remplaceraient tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants. Ça, c'est l'engagement, c'est ça, la promesse qu'ils ont faite à la population québécoise il y a trois ans, au moment des élections générales.

Mais ce qu'on trouve devant nous autres, c'est tout autre. Au moment où la ministre était à l'écoute... La ministre a reçu une centaine de groupes en commission parlementaire, la commission des affaires sociales. J'ai eu l'occasion d'entendre plusieurs de ces groupes, et c'était fort intéressant. Mais il faut faire plus que ça, M. le Président, il faut passer aux actes et tenir compte des choses que nous avons entendues. Et le gouvernement n'a pas fait ça, ils ont fait le contraire. Et au moment où on avait ce grand exercice, ce grand écran de fumée pour dire qu'on va songer à faire une réforme en profondeur, les vrais faits, c'est qu'on a coupé, on a coupé et on a coupé encore une fois dans les programmes, dans les choses destinées aux plus pauvres de notre société.

Alors, au moment du grand théâtre des commissions parlementaires, quand les groupes sont venus ici pour parler de l'aide sociale, les vrais gestes des divers ministres qui ont été responsables de l'aide sociale depuis trois ans et demi, ils ont coupé 412 000 000 $ dans les budgets destinés aux plus démunis de notre société. Il faut le faire, M. le Président. C'est incroyable de voir comment «l'autre façon de gouverner», de plus en plus, c'est d'avoir un beau discours et de faire le contraire; c'est ça, «l'autre façon de gouverner».

Je pense que ça vaut la peine de répéter encore une fois les montants qui ont été coupés partout. Ce n'était pas une coupe sauvage qu'on a vue, mais ils ont coupé un petit peu ici, parce que c'est plus difficile de mettre ça en évidence... Mais il faut lire la liste de nouveau, M. le Président, parce que c'est important. Au-delà des beaux discours de la réforme de l'aide sociale, ça, ce sont les vrais gestes qui ont été posés par ce gouvernement: abolition du barème de disponibilité, un petit 50 $ par mois qu'on va prendre des personnes avec un 500 $ ou un 600 $ par mois, on va couper un 50 $ là; abolition des avoirs liquides pour le mois de la demande; baisse du barème de participation de 30 $ par mois; coupure dans l'allocation de logement; fin de la gratuité des médicaments; désengagement au niveau des soins dentaires et optométriques; imposition des prestations d'aide sociale lors d'un retour au travail; abolition de l'allocation pour remboursement de l'impôt foncier; abolition du barème de non- disponibilité pour les mères monoparentales ayant à charge des enfants de cinq ans.

Alors, petit à petit, coupe par coupe, dans un règlement ici, dans un autre règlement par là, ça, ce sont les vrais gestes. Ils ont coupé le soutien aux familles qui ont les plus grands besoins au Québec de 11 %, et le budget a été coupé de 412 000 000 $. Alors, c'est ça, la vérité sur la réforme de l'aide sociale du Parti québécois, c'est d'aller couper chez les personnes qui ont les plus grands besoins dans notre société. Alors, comme j'ai dit, peut-être que maintenant, avec l'arrivée de la loi n° 186, on va voir une grande innovation, l'autre façon du gouvernement, qui va corriger le tir.

Mais qu'est-ce qu'on trouve dans la loi n° 186? M. le Président, avec tout le respect, pas grand-chose. Qu'est-ce qu'on trouve, ici? Curieusement, à l'ère de la loi 37, qui était là depuis 10 ans... Parce qu'au départ on avait un programme avec trois volets, c'est-à-dire qu'il y avait un programme d'assistance-emploi pour les personnes qui voulaient réintégrer ou intégrer le marché du travail, il y avait un programme de protection sociale pour s'assurer que les personnes qui ne peuvent pas travailler ont des moyens de subsistance et, troisièmement, il y avait un programme d'aide aux parents pour le revenu du travail.

Alors, oui, les titres des programmes ont changé dans 186, mais, en fait, ce sont les mêmes trois volets que dans le programme existant. Alors, qu'est-ce qu'on a dit? On va changer les noms, et ça va être la preuve que nous avons fait quelque chose. On a vu la même chose aujourd'hui à la période de questions. Oui, le gouvernement a fait énormément de choses pour les familles: nous avons créé un ministère. Alors, bravo pour les parents qui cherchent une place dans une garderie, vous avez maintenant un ministère. Mais on ne peut pas laisser nos enfants dans un ministère, M. le Président, on cherche une place dans une garderie, on cherche un service. Ici, comme je l'ai dit, les familles, les individus les plus démunis de notre société cherchent du soutien, et changer le nom des programmes, ça ne donnera pas grand-chose de plus.

Comme je l'ai dit, on voit l'autre façon de gouverner dans les premiers articles de ça. Je pense que c'est dans les grands principes, les grandes orientations, l'article 3 notamment: «Contribuer à l'amélioration du fonctionnement du marché du travail et à minimiser l'impact de ses restructurations; favoriser le développement d'outils d'intervention et de gestion visant le marché du travail; favoriser la recherche et l'innovation afin de trouver de meilleures façons d'aider les personnes à occuper un emploi.»

C'est de la poésie, c'est beau, tout ça, mais, quand je vais plus loin dans le projet de loi pour trouver les gestes concrets pour donner suite à ces objectifs, on ne trouve pas grand-chose, M. le Président. C'est du réchauffé, c'est ce qu'on a dit qu'on va continuer dans notre programme de compressions. On ne va pas changer grand-chose, sauf – et ça, c'est curieux pour un parti qui a dit qu'il faut éliminer tous les éléments punitifs et péjoratifs – qu'on va hausser les pénalités, on va rendre certains parcours obligatoires, ce qui n'était pas le cas avant. Alors, où est l'engagement? Ce qu'on a dit, c'est qu'on va renforcer les éléments punitifs du régime existant, et ça, c'est la réforme qu'on a devant nous.

Alors, comme je l'ai dit, c'est avec énormément de déception... Et, si on cherche le vrai système d'aide sociale dans ce projet de loi qui comprend 218 articles, 56 pages, on peut le réduire, M. le Président, à quatre. Ça commence aux articles 154, 155, 156 et 157 où on va établir un énorme pouvoir réglementaire à la ministre pour faire ce qu'elle veut. Alors, toutes les questions qui sont importantes, toutes les questions... C'est quoi, le soutien qu'on va donner aux familles pauvres au Québec, aux personnes qui veulent réintégrer le marché du travail? On le résume... Prenez, par exemple, l'article 155: 28 alinéas, 28 pouvoirs réglementaires pour fixer les barèmes, «déterminer le montant maximum visé au deuxième alinéa de l'article 13 et les avoirs liquides qui en sont exclus; déterminer dans quels cas et à quelles conditions un adulte seul ou une famille qui a cessé d'être admissible peut continuer de recevoir des prestations; [...] prévoir les montants de la prestation de base et déterminer dans quels cas et à quelles conditions ces montants sont accordés; prévoir dans quels autres cas et à quelles conditions la prestation de base est augmentée d'une allocation pour contraintes temporaires à l'emploi», etc.; 28, dans un article.

Alors, il n'y aura pas d'autres débats sur l'aide sociale. Le gouvernement va être capable, avec ces énormes pouvoirs réglementaires, de continuer les petits couperets. On va prendre un autre 10 $ ici, peut-être un 7,50 $ là. C'est ça qui est l'objectif. Alors, si on veut résumer la grande réforme, trois ans, une centaine de groupes, toutes les audiences publiques, ça se résume en ce qu'on donne un énorme pouvoir réglementaire à la ministre pour répondre aux commandes faites par le ministre des Finances et le Conseil du trésor de couper davantage dans l'aide aux familles les plus démunies. Alors, c'est ça qui est devant nous aujourd'hui.

I think it is very important, Mr. Speaker, to cut down the exercise today to its barest essential because this Government is very good at press conferences, at ribbon cutting, at big announcements, at creating work groups, at creating a task force to look at the recommendations of the work group, to have an interministerial committee to look at the recommendations of the task force, and on, and on. Wonderful words! We saw today, in the question period, the promises that the Premier has made on several occasions to the «Orphelins de Duplessis», but when it comes to solving it, when it comes to passing from discussions to acting, this Government falls flat on its face time and time again.

(16 h 50)

In the welfare bill that is before us, despite all the promises, they've taken the old system, they've put it back, they change the names, Mr. Speaker. That's always very important. We want to make sure that we can change the names to say we've done something. So you take the old system which was a certain program that was put into place to help people get back into the work force, another program to help those people who cannot work, and a third program to help families whose income was low, we change the names in all of that, and away we go. We've increased the penalties, we've made sure that certain programs that were voluntary before are now obligatory. That's the reform. And then, if you take four articles in the bill – articles 154 through 157 – there's a welfare system which is an enormous regulation power to the minister to continue to make little cuts. Because it has to be reminded, Mr. Speaker, that this Government has cut 412 000 000 $ out of the support of the most needy families in our society. That's what they've done. That's their achievement, it's that they've cut the support to poor families in Québec by 11 %. What a wonderful social-democratic legacy, Mr. Speaker!

Alors, on le voit dans les changements, on a un autre exercice de beaux discours, mais il y a d'autres éléments dans le projet de loi qui sont troublants. Et je veux juste demander à la ministre et à ses représentants... Tout l'article 95, encore une fois, c'est les pouvoirs énormes pour la circulation des renseignements personnels. On voit, dans 95, une liste des organismes avec lesquels on peut faire des ententes pour l'échange de renseignements et les genres de renseignements qui peuvent circuler. Et la liste est longue: le ministère du Développement des ressources humaines du Canada ainsi qu'avec les ministères et organismes suivants du gouvernement du Québec: le ministère de l'Éducation, le ministère de la Justice, le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, le ministère du Revenu, le ministère de la Sécurité publique, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec. Les renseignements qui peuvent circuler incluent notamment le nom, la date de naissance, le sexe, l'adresse, le numéro d'assurance-maladie, le numéro d'assurance sociale et le numéro de dossier.

Alors, c'est juste une mise en garde. On a vu des manchettes troublantes, des faits troublants dans les activités des organismes et le non-respect de la vie privée de toutes les familles québécoises. Alors, c'est une autre mise en garde. J'imagine qu'au moment de l'étude détaillée de la loi n° 186 il y aura une invitation faite à la Commission d'accès à l'information, mais je veux juste formellement, dans la Chambre, insister parce que je pense qu'on a tous intérêt à voir à ce que ces données, les renseignements personnels de toutes les familles québécoises, peu importe leur âge, leur couche de la société, soient bien respectés. Et, quand je vois le nombre d'organismes impliqués ici, je pense qu'on a tous intérêt à s'assurer que c'est fait d'une façon sécuritaire et qu'il n'y a aucune possibilité de fuite ou qu'il y ait des personnes qui aimeraient en savoir plus sur ce genre de données sur les familles québécoises.

On regarde le programme qui est devant nous, et il me revient une autre question qui m'a toujours troublé, parce que le gouvernement a annoncé en grande pompe une politique familiale pour aider les familles qui ont les plus grands besoins au Québec, et on a vu, dans les études qui ont été faites, que 72 % des familles québécoises ont été pénalisées par la politique familiale. Mais le gouvernement a toujours dit: Mais on a décidé de cibler nos efforts et on veut venir en aide aux familles avec les plus grands besoins, sauf les familles sur l'aide sociale qui, au mieux aller – «best case scenario, Mr. Speaker» – ne seront pas trop pénalisées par la réforme de la politique familiale. Mais il n'y a aucun ajout, il n'y a aucun fait dans ça qui va venir en aide aux enfants les plus pauvres de notre société. Et c'est curieux qu'avec le réaménagement de notre 2 800 000 000 $ destiné aux familles nous ayons mis de côté les enfants les plus pauvres, les familles les plus pauvres de notre société. Alors, ça, c'est un autre fait troublant.

On a vu des analyses qui ont été faites des divers programmes. Le Conseil national du bien-être social du Canada a regardé et il est arrivé à la conclusion que... Les membres du Conseil national du bien-être social du Canada sont préoccupés par le fait qu'il est dit implicitement dans le discours du budget que les familles avec enfants dont les parents sont des petits salariés méritent un soutien financier accru des gouvernements, mais pas celles qui vivent de l'assistance sociale. En réalité, les prestataires d'assistance sociale, y compris les enfants qui sont membres de ces familles, comptent parmi les plus démunis de tous les pauvres au Canada. La grande majorité des gens qui vivent de l'assistance sociale le font en raison des circonstances contre lesquelles ils ne peuvent rien, comme la perte d'emploi d'un conjoint ou d'un parent, ou la maladie.

Alors, ces personnes ont été exclues par la réforme de la politique familiale, ce qui est une autre chose que je n'ai jamais comprise. On a dit: Pour une famille avec un revenu de 125 000 $, on va donner des grandes subventions pour sa place dans une garderie, et ça va coûter nettement moins cher pour cette famille, mais on n'a rien fait pour la famille sur l'aide sociale dans la réforme de la politique familiale. Alors, pour ces enfants, il n'y a rien, on n'a rien changé, mais, pour les enfants d'une famille avec un revenu assez élevé, on arrive avec des subventions de 4 000 $, 5 000 $ par année.

C'est difficile de comprendre la logique, c'est difficile de voir pourquoi on est venu en grande aide pour certaines familles, mais, pour les familles qui ont énormément de besoins, elles sont oubliées. Parce que j'entends la ministre de l'Éducation dire qu'on a des mesures qui sont ciblées, mais, dans une étude qui a été faite par le Dr Richard Tremblay sur les résultats préliminaires de la recherche à la Commission des écoles catholiques quant à l'impact des mesures d'éducation préscolaire dans les milieux défavorisés de l'île de Montréal, ils n'ont pas les moyens de produire les résultats escomptés.

Alors, ce n'est pas une grande politique de garderie qu'on cherche, c'est des mesures ciblées pour travailler avec les familles, pour s'assurer que, quand les jeunes arrivent à l'école, ils vont être prêts à commencer avec les autres étudiants et qu'il n'y aura pas de rattrapage scolaire à faire dès le départ. Et les résultats, quand même préliminaires, du Dr Tremblay, c'est qu'on n'a pas mis en place les mesures nécessaires pour livrer la marchandise. Alors, encore une fois, au-delà du beau discours concernant la politique familiale, les objectifs qui ont été identifiés, on n'a pas mis en place les mesures pour livrer la marchandise.

Mr. Speaker, another one of the ironies in the change of family policy is that this Government has not succeeded in coming to help the families that need help most, that is children and families living on welfare. Despite all the promises, despite the commitments that this party made in the last general election, those families are unaffected. So, new day-care positions that are made available, this has had no impact on the families that need help the most. And yet, that was supposed to be the pretext, that was supposed to be the reason why we moved around family policy, but at the end of the day, the children living in our poorest households do not receive any additional help from the Government, as a result of their family policy.

Alors, en conclusion, M. le Président, on voit ce double mystère qui est le résultat. Au niveau des discours, au niveau des engagements, le gouvernement a dit à maintes reprises: On va faire une réforme en profondeur de l'aide sociale. Ils ne l'ont pas faite. Au niveau de la politique familiale, ils ont dit: On va venir en aide aux familles et aux enfants qui ont les plus grands besoins. Ils ne l'ont pas fait non plus. Alors, je pense que, malgré le fait qu'il y avait une attente de trois ans, malgré le fait qu'on a mis beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, on ne trouve pas, dans la loi n° 186, la réforme en profondeur promise par ce gouvernement. C'est un autre raté de l'autre façon de gouverner. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques et leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Pardon? Non, M. le Président, je vais... Deux petites secondes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il n'y a plus d'autres intervenants. Alors, je vais mettre aux voix l'adoption...

M. Boulerice: M. le Président, conformément à l'article 100 de notre règlement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, je dois tout d'abord mettre aux voix... S'il n'y a plus d'autres intervenants, il faut que je mette aux voix le principe. Le principe du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, est-il adopté?

(17 heures)

M. Copeman: Question de règlement. J'ai cru comprendre...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Question de règlement, oui.

M. Copeman: Oui. J'ai cru comprendre, M. le Président, de la part du cabinet du leader du gouvernement, que le leader désirait ajourner le débat pour permettre à la ministre de faire son droit de réplique. Semble-t-il qu'on passe directement au vote. Ce n'est pas ça qui était convenu. Si on passe directement au vote, je vous demanderais de suspendre quelques instants.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, moi, quand il n'y a plus d'intervenant sur un projet de loi, à moins que le leader me dise...

M. Boulerice: M. le Président, il n'y a plus d'intervenant. Nous réservons la réplique de Mme la ministre, et c'est pour ça...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah bon! C'est bien ça. Très bien, alors...

M. Boulerice: C'est pour ça que j'allais vous dire, M. le Président, que, conformément à l'article 100 de notre règlement, je vais vous faire motion pour ajourner le débat afin, effectivement, de préserver le droit de réplique de la ministre d'État à l'Emploi et à la Solidarité, comme nous l'avons dit tantôt...

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très, très bien. Alors, nous nous sommes entendus. Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...oui, qu'il est 17 heures et...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion d'ajournement du débat est-elle adoptée? Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Alors, M. le Président, nous souhaitons poursuivre l'adoption du principe du projet de loi n° 403, donc je vais vous référer à l'article 7 du règlement, du feuilleton, pardon.

Des voix: Ha, ha, ha!


Projet de loi n° 403


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 7, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 10 mars 1998 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 403, Loi sur la Grande bibliothèque du Québec. Y a-t-il des interventions?


Vote reporté

Alors, s'il n'y a pas d'ajournement du débat, je vais mettre le principe aux voix. Le principe du projet de loi n° 403, Loi sur la Grande bibliothèque du Québec est-il adopté?

M. Boulerice: M. le Président, je souhaiterais qu'en vertu de notre règlement nous procédions à un vote nominal et que, conformément à l'article 223 toujours de notre règlement, nous procédions au vote... nous le reportions plutôt à la fin de la période des affaires courantes du mercredi, du mardi, dis-je – pardon – 24 mars. Faut croire que saint Joseph nous épuise. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ha, ha, ha! Alors, nous allons accepter votre demande, et le vote par appel nominal est donc reporté aux affaires courantes de mardi prochain. C'est bien ça?

M. Boulerice: C'est bien cela.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous cède la parole encore une fois, M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Et, dans la foulée des bonnes nouvelles, M. le Président – ha, ha, ha! – je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 24 mars 1998, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, j'accepte cette nouvelle, et nous allons ajourner nos travaux à mardi prochain, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 3)


Document(s) related to the sitting