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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, March 11, 1998 - Vol. 35 N° 154

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Table des matières

Affaires du jour

Présence du directeur général de la Fondation Arias pour la paix et le progrès humain, M. Fernando Duran, et de la consule générale de la République du Costa Rica, Mme Carmen-Patricia Gudino-Fernandez

Présence du père Georges-Henri Lévesque, fondateur et premier doyen de la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval

Commémoration du 150e anniversaire du principe de la responsabilité ministérielle

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Nous débutons ce matin les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vais solliciter le consentement de cette Assemblée pour déroger à l'article 97 de notre règlement afin que le débat sur la motion de l'opposition soit remis à 16 heures cet après-midi.

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement? Oui. Alors, est-ce que cette motion est dûment adoptée et devient un ordre de l'Assemblée?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, conformément à l'ordre que l'Assemblée vient d'adopter, je cède de nouveau la parole au leader adjoint du gouvernement afin qu'il nous indique l'article du feuilleton qu'il désire appeler pour la suite de nos travaux. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, le gouvernement souhaite que nous procédions à l'adoption du principe du projet de loi contenu à l'article 4 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 186


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 4 de votre feuilleton, Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité propose l'adoption du principe du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 186? Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est un long chemin parcouru depuis bientôt trois ans. Ce chemin, ce n'est pas que moi, M. le Président, qui l'ai initié, puisque ma collègue Mme la députée de Chicoutimi, alors ministre responsable de la Sécurité du revenu, avait mis en place un groupe de travail, un comité coprésidé par les professeurs Pierre Fortin et Camil Bouchard, sur lequel je reviendrai. Donc, c'est avec fierté, ce matin, M. le Président, que je propose l'adoption de principe du projet de loi n° 186 qui nous permet de compléter les travaux amorcés en matière de réorganisation des services publics d'emploi.

Cependant, M. le Président, avant d'aborder le dispositif qui est proposé dans le projet de loi n° 186 en matière de réforme de la sécurité du revenu, j'aimerais profiter de l'occasion pour dire clairement qu'il n'y a plus de coupures dans les chèques d'aide sociale qui sont prévues – le livre des crédits que mon collègue le président du Conseil du trésor va publier très bientôt va amplement le démontrer – pour l'exercice financier qui débute le 1er avril qui vient. Non seulement il n'y a pas de compressions, il y a des améliorations, il y a des bonifications.

Je crois, M. le Président, que c'est important de le dire parce que, malheureusement, bon nombre d'opposants à la réforme tentent de mobiliser l'opinion publique en faisant croire que la réforme introduirait des coupures dans les chèques d'aide sociale ou des compressions dans les chèques d'aide sociale. À moins que l'on assimile dans ces milieux le paiement d'un loyer à une coupure sur un chèque, ou à moins que l'on considère que ne pas participer, pour les 18-24 ans – j'y reviendrai d'ailleurs – à un parcours lorsque ça leur est offert, bien, que ça devient à ce moment-là une compression, alors qu'au contraire le fait de participer à un parcours va ajouter une allocation de 120 $ sur le chèque mensuel, ce qui permettra à un jeune de 18-24 ans d'aller se chercher l'équivalent de 610 $ net par mois, sans compter évidemment l'ensemble des autres allocations – je pense en particulier pour les frais d'étude – qui peuvent s'élever jusqu'à 500 $ de plus. Je pense en particulier à cette allocation spéciale que le gouvernement a annoncée pour favoriser la sortie de l'aide sociale et l'insertion en emploi d'un autre 500 $.

(10 h 10)

Alors, on comprendra donc que, pour l'immense majorité, pour ne pas dire la totalité à la fois des ménages inscrits à la sécurité du revenu comme pour l'immense majorité des 18-24 ans qui attendent, je pense, avec impatience qu'un parcours individualisé puisse leur être offert par Emploi-Québec, cette réforme apporte des améliorations, des bonifications et que, d'aucune façon, dans le sillage de cette réforme, il n'y a des compressions.

Donc, je signalais que ça fait bientôt trois ans que nous avons entrepris une réorganisation des politiques publiques en matière d'emploi et de solidarité sociale. C'est une réorganisation qui est majeure, M. le Président, et qui est complétée ce matin par la présentation du projet de loi n° 186 et la discussion du principe du projet de loi. Le projet de loi porte le titre «Projet de loi favorisant l'insertion, la formation et l'emploi».

Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée ici ce matin pour regarder le contexte similaire à celui que l'on vit au Québec et qui s'applique dans les autres pays industrialisés. Au cours de la dernière décennie en particulier, mais plus généralement au cours des 20 dernières années, l'ensemble des pays industrialisés ont vécu une mutation profonde du marché du travail et de la situation de l'emploi. Le Québec ne fait pas exception. Vous savez, le Québec est la 15e ou 16e puissance économique du monde, n'est-ce pas. Quand on compare notre situation avec celle des pays industrialisés membres de l'Organisation de coopération et de développement économique, l'OCDE, qui, en fait, comprend 25 pays membres, qui sont les pays les plus industrialisés, eh bien, notre produit intérieur brut, au Québec, nous situe autour du 15e ou 16e rang. Dépendamment des années, on est devant ou devancés par l'Australie, qui a à peu près le même produit intérieur brut que le Québec. C'est donc dire, M. le Président, que nous sommes parmi les puissances économiques du monde. Mais, justement, ces puissances économiques sont l'objet, je dirais, de profondes turbulences, et l'ensemble des pays, à quelques exceptions près, y compris ceux qui avaient été à l'abri pendant très longtemps du chômage, se sont retrouvés – la Suède, en particulier, et l'Allemagne aussi, et l'Autriche à un certain degré – avec des augmentations de chômage de longue durée.

C'est donc dire que l'ensemble des pays industrialisés, dans le contexte de la mondialisation dans lequel on évolue présentement, avec les règles du jeu qui sont transformées sur le plan de la compétitivité sur les marchés, l'ensemble de ces pays industrialisés – le Québec aussi, comme je vous le disais, on n'a pas fait exception à cette règle-là – se sont trouvés à faire face à l'augmentation et à la persistance du chômage de longue durée des travailleurs moins qualifiés – travailleuses aussi – et des jeunes sans qualification ou encore sans expérience de travail, et d'autant plus que ce marché du travail s'est transformé aussi pour introduire, je dirai, du travail autonome qu'on ne voyait pas avec autant d'importance auparavant.

Au Québec seulement, l'importance du travail autonome dans l'ensemble de la main-d'oeuvre salariée, pensez qu'en 20 ans c'est passé de 5 % de la main-d'oeuvre salariée à 15 %, l'an passé, et qu'on s'attend à ce que, d'ici quelques années, quatre ou cinq ans, ça atteigne 20 %, c'est-à-dire donc qu'un travailleur ou une travailleuse sur cinq est un travailleur, une travailleuse autonome. On a donc assisté, au fil des dernières années, à une crise du travail salarié. C'est le travail salarié, en fait, qui est en crise et qui l'est, en crise, dans l'ensemble des pays industrialisés. Au Québec, depuis 1990, l'étude la plus récente qui avait été réalisée l'an passé par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre démontrait que 55 % des nouveaux emplois créés l'avaient été par le travail autonome.

Alors, on a donc une nouvelle réalité du marché du travail, à laquelle on n'était pas vraiment préparé, puisqu'il faut constater que le filet de protection sociale, notre régime de sécurité sociale, a été essentiellement conçu, élaboré, façonné après la Deuxième Grande Guerre, autour des années cinquante et soixante, autour du travail salarié et, donc, que l'ensemble des politiques de protection dans les cas de risque de maladie, d'accident, évidemment, le risque de la retraite qui est quasi inévitable et celui de la maternité qui est fréquent, étaient protégées par des programmes d'assurance tous conçus autour du travail salarié.

D'autre part, il faut aussi comprendre que l'ensemble des pays industrialisés se sont lancés dans des innovations en matière de réorganisation de leur régime de sécurité sociale et de la livraison des services publics d'emploi, parce qu'ils ont fait le constat, qui est le même que celui que l'on a fait et qui nous amène à déposer le projet de loi n° 186 ce matin, que les sociétés industrialisées investissaient énormément dans l'industrie du chômage en comparaison à ce qu'elles investissaient dans les politiques actives du marché du travail. Elles investissaient énormément dans l'industrie du chômage. Pensez qu'au Québec, l'an dernier, c'est 9 000 000 000 $ d'effort public, 9 000 000 000 $ consentis par les travailleurs et employeurs québécois dans le cadre des cotisations versées par les travailleurs et employeurs québécois à la caisse d'assurance-emploi, 5 000 000 000 $, plus un immense effort pour soutenir les chômeurs de longue durée qui, une fois épuisée, à cause des resserrements d'admissibilité, l'assurance-emploi, se retrouvent à la sécurité du revenu, donc autour de 3 500 000 000 $, n'est-ce pas, qui leur sont consacrés, plus quelques centaines de millions d'aide à l'emploi, mais peu en regard de ce qui est investi pour que les gens ne travaillent pas.

Et le constat généralisé, dans tous les pays industrialisés, c'est qu'il valait beaucoup mieux se donner une politique active du marché du travail, une politique active reposant sur des mesures de préparation à l'emploi, d'insertion à l'emploi, de maintien, de stabilisation, de création d'emplois, mesures d'aide à l'emploi reposant aussi sur la supplémentation du revenu de travail, qu'il valait beaucoup mieux supplémenter le revenu de travail que financer le chômage.

Alors, à partir de là, l'ensemble des pays industrialisés ont introduit des innovations majeures, la première consistant en l'intégration au sein d'un même ministère ou d'un organisme ou d'un office, quel que soit le nom ou l'appellation, des responsabilités des aides à l'emploi puis des aides financières, consistant à décloisonner ce qui, très souvent jusqu'à maintenant, encore plus ici... Vous comprenez, lorsque, un certain temps, on appartenait au fédéral quand on était à l'assurance-chômage ou à l'assurance-emploi, puis ensuite on appartenait au provincial quand on était sur l'aide sociale, et puis qu'on n'appartenait à personne quand on n'avait ni l'un ni l'autre des deux chèques. Mais l'ensemble des pays industrialisés ont intégré au fil des dernières années toutes les fonctions relatives au placement de la main-d'oeuvre, que ce soit pour des chômeurs de courte ou de longue durée, toutes les fonctions relatives aux aides à l'emploi et aux aides financières. Ça, c'est quelque chose, M. le Président, le fait d'avoir été cloisonnés pendant les dernières années, c'est un obstacle à l'insertion sur le marché de l'emploi.

(10 h 20)

Ensuite, l'autre innovation, ça a été essentiellement, comme on souhaite le faire maintenant aussi, d'éviter la création d'une nouvelle catégorie de citoyens, une catégorie structurelle et durable qui s'appellerait «chômeurs avec un statut permanent». C'est ça, l'immense danger. Il y a 20 ans, le régime de sécurité du revenu, à 80 %, s'adressait à des personnes qui avaient des incapacités permanentes sur le plan de l'emploi et qui avaient, soit à cause d'une invalidité, soit à cause d'une déficience intellectuelle, d'un problème quel qu'il soit, ou de charges familiales également.... Mais il s'adressait à des personnes qui, à 80 %, ne pouvaient pas travailler, immédiatement ou à long terme. Il y a 20 ans de ça, c'était à peine 20 % des chômeurs qui, à un moment donné, pouvaient avoir besoin de la sécurité du revenu. Alors que 20 ans plus tard, les tendances lourdes se sont complètement renversées. Ce sont essentiellement des chômeurs qu'on retrouve maintenant à la sécurité du revenu à 75 %, 80 %, dépendamment des années, alors que 20 % maintenant des personnes qui sont prestataires de la sécurité du revenu sont des personnes qui ont des incapacités permanentes ou indéfinies, si vous voulez, à l'emploi.

C'est donc dire que l'immense danger, c'est vraiment la création d'une sorte de nouvelle catégorie de citoyens; d'un côté, les retraités, les étudiants, les travailleurs, puis, ensuite, une catégorie qui serait structurelle, durable, qui s'appellerait catégorie chômeurs. C'est contre ça qu'il faut se mobiliser pour qu'il y ait aussi pour ces personnes-là de la place non seulement sur le marché du travail, mais dans notre société. Et j'y reviendrai, parce que ce que le projet de loi n° 186 propose, ce n'est pas seulement en matière d'insertion et de formation à l'emploi, c'est aussi en matière d'insertion sociale.

Alors, donc, pour réduire ce risque de chômage de longue durée, il s'agit de mettre en place du repérage précoce des demandeurs d'emploi menacés de chômage de longue durée et des plans d'action personnalisés. La gestion de la main-d'oeuvre, ça ne se fait pas en gros, ça se fait en détail. On ne peut pas penser, M. le Président, qu'on gère des gens par catégorie. C'est un par un, n'est-ce pas, que non seulement on peut réussir sa vie, mais qu'on peut se tailler une place dans la société. Alors, réorganisation des services publics d'emploi pour assurer ce repérage et cet accompagnement des chômeurs de longue durée.

D'autre part, il faut aussi cesser, comme je le mentionnais tantôt, d'investir dans l'industrie du chômage. Et, pour investir dans l'activation de la politique du marché du travail, ça suppose de le faire avec des partenaires. Ça, c'est la troisième règle, la troisième innovation majeure pour l'ensemble des pays industrialisés qui veulent relever le défi des changements introduits dans notre société, c'est de le faire avec les partenaires du marché du travail. Et, dans le cas du Québec, marché du travail, ça signifie non seulement les patrons et les syndicats, mais ça signifie aussi les organismes communautaires en employabilité de la main-d'oeuvre. Donc, partenariat pour que le marché du travail lui-même fasse une place, n'est-ce pas, et s'active aussi pour ne pas produire des chômeurs de longue durée qui, au fil des récessions, sont mis de côté, sont évincés faute de qualifications ou de compétences suffisantes.

Alors, peut-être que le premier élément, qui date d'il y a déjà pas tout à fait trois ans, deux ans et demi maintenant, fut l'adoption de la loi n° 90, qu'on appelle communément la loi du 1 %. Parce que la loi du 1 % était attendue depuis 12 ans, puisque, en 1982, le rapport de la commission Jean sur la formation des adultes avait recommandé une formation continue, une culture de formation dans l'entreprise, et il aura fallu attendre juin 1995 pour que le gouvernement, quelques mois après son élection, donne suite à l'implantation de cette législation qui prévoit que les entreprises qui ont une masse salariale de plus de 250 000 $ investissent l'équivalent d'au moins 1 % dans la formation de leurs employés. Par la suite, M. le Président, le projet de loi n° 186 s'inscrit dans une démarche intégrée. Je crois que c'est l'élément qui, pour moi, est le plus important, sur lequel je veux le plus insister ce matin à l'occasion de cette adoption de principe.

C'est que c'est une démarche intégrée au terme de laquelle nos politiques en matière de services publics d'emploi, en matière de solidarité sociale seront complètement réaménagées. Alors, cette démarche intégrée, elle repose aussi sur un système de couverture des besoins en matière d'assurance-médicaments, en matière d'allocation-logement et en matière de couverture des besoins essentiels des enfants – donc en matière d'allocations familiales – qui ne reposent plus seulement sur le statut des personnes mais sur leur revenu. Ça fait quoi, comme différence? Ça fait essentiellement la différence suivante, M. le Président. Les effets conjugués de la nouvelle allocation familiale, du régime d'assurance-médicaments et de l'allocation-logement unifié permettent à des familles qui, auparavant, devaient être sur l'aide sociale pour en bénéficier d'occuper maintenant un emploi et de ne pas perdre ces allocations, donc de les additionner à leurs revenus d'emploi et, donc, se trouvent à favoriser leur maintien et leur insertion en emploi.

Est-ce que j'ai besoin de rappeler qu'il n'y a pas longtemps, il y a un an à peine, lorsqu'une famille quittait la sécurité du revenu, que ce soit une famille avec deux parents ou une famille monoparentale, si elle quittait la sécurité du revenu, elle perdait la portion enfants. Vous savez, elle perdait la couverture des besoins essentiels des enfants qui atteignait 250 $ par mois pour le premier enfant d'une famille monoparentale. Alors, il fallait vraiment qu'elle aille se chercher un emploi, comme le disait Yvon Deschamps «une job steady puis un bon boss» pour longtemps pour ne pas appauvrir ses enfants. Parce que demander à ces familles de quitter l'aide sociale, si ça signifiait appauvrir la famille, c'était là un choix complètement déchirant, parce que ça signifiait qu'elle perdait complètement l'assurance-médicaments, la couverture des médicaments. Dès qu'il y avait un enfant de malade dans une famille, très souvent, les parents n'avaient pas les moyens de travailler puisque, sur l'aide sociale, les médicaments étaient payés et que, au travail, ils ne l'étaient pas tout le temps. Alors, la famille perdait l'accès gratuit aux médicaments, ne bénéficiait pas de l'allocation-logement et ne bénéficiait pas non plus de la couverture des besoins essentiels des enfants, alors que maintenant, depuis bientôt un an, cette famille conserve le droit à une pleine allocation familiale, elle conserve le droit à une allocation-logement, elle est protégée par le régime d'assurance-médicaments, au sens où, maintenant, c'est universel, les enfants sont complètement protégés et les adultes de plus de 18 ans ont un montant mensuel de 16,38 $, je pense, à verser, mais en fonction de leurs revenus et non plus de leur statut, non plus de la catégorie à laquelle ils appartiennent.

Pourquoi c'est si important? C'est évident que le revenu, M. le Président, que va permettre la mise en place de cette allocation-logement unifiée et de l'allocation familiale encourage les familles avec enfants, encourage les parents puisque leurs revenus de travail peuvent s'additionner et non pas se soustraire comme auparavant. Alors, il y a donc une démarche intégrée et il y a des avantages comparables pour répondre aux besoins essentiels des travailleurs et des travailleuses, besoins comparables à ceux qu'on retrouvait seulement si les gens restaient sur la sécurité du revenu.

(10 h 30)

La deuxième étape de cette démarche intégrée fut également de transformer les services publics d'emploi, qui étaient davantage passifs. Pensez que, contrairement aux pays industrialisés dont je vous ai parlé tantôt, dont les plus performants consacrent à peu près la moitié de leur effort public aux mesures actives et la moitié aux mesures passives, au Québec c'était au-delà de 90 % de l'ensemble des efforts publics qui était consacré aux mesures d'aide financière qu'on appelle des mesures de prestations ou des mesures passives, alors qu'à peine 10 % l'était aux mesures actives d'aide à l'emploi.

Alors, M. le Président, à partir de la signature de l'Entente Canada-Québec relative au marché du travail, en avril 1997, une phase importante de la réorganisation des services publics d'emploi a été franchie, puisque, attendue depuis près de 30 ans, le Québec devenait alors respon7sable de la planification, de la conception, de la mise en oeuvre, de l'évaluation des mesures actives d'emploi financées par le compte de l'assurance-emploi. C'était la moitié du problème de réglé.

On continue de réclamer que cessent les chevauchements puis les dédoublements, puisque toutes les autres mesures actives financées directement par nos impôts, par le ministère du Développement des ressources humaines Canada, bien, continuent finalement de nous dédoubler. Mais, au moins, tout ce qui est mesures actives d'emploi financées par les cotisations des travailleurs et employeurs québécois à la caisse fédérale de l'assurance-emploi nous est revenu par la signature de cette Entente et, au 1er avril prochain, nous allons commencer à administrer de façon harmonisée ces programmes.

Alors, en plus de ça, le Québec devenait responsable du placement et de l'information sur le marché du travail québécois. Ça va être extrêmement important, ça. Le placement, c'est la pierre d'assise. C'est vraiment, je dirais, la base de tout ce qui est mis en place présentement. Du placement, il ne s'en faisait quasiment plus dans notre société. À moins de regarder les petites annonces classées dans les journaux ou de se fier à un voisin, à un parent ou à un ami, il ne se faisait plus, comme il se fait dans les pays industrialisés avec les moyens modernes, les technologies que l'on a aujourd'hui, sur lesquelles on peut compter, il ne se faisait quasiment plus de placement, c'est-à-dire d'arrimage entre l'offre et la demande d'emploi, ce que l'on va réintroduire dans les centres locaux pour l'emploi mis en place, là, graduellement, à partir du 1er avril qui vient.

Alors, cette Entente permet donc d'établir un guichet unique à l'intention de la main-d'oeuvre québécoise, et, comme je le signalais, nous poursuivons les discussions avec le gouvernement fédéral afin d'éliminer complètement ce qui subsiste encore comme dédoublement à l'égard des mesures, notamment à l'égard des mesures dispensées pour les jeunes et qui continuent d'être l'objet de dédoublement présentement, le fédéral ayant accepté de décentraliser pour l'ensemble de la main-d'oeuvre, sauf pour les jeunes.

Alors, en juin 1997, donc, poursuivant cette démarche intégrée, la loi créant le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail était adoptée. Cette loi constitue la pièce maîtresse de la réorganisation des services publics d'emploi. La structure des services qui en résulte va permettre de s'adresser à l'ensemble des Québécoises et des Québécois, indépendamment de la couleur du chèque. Donc, les prestataires de la sécurité du revenu, les personnes en emploi, les chômeurs prestataires d'assurance-emploi, l'ensemble des personnes sans emploi et sans revenus, y compris les étudiants en quête d'emploi, auront accès aux mêmes services. Il faut, en plus de ça, offrir aux chômeurs de longue durée des services décloisonnés et comparables à ceux offerts à l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise, cesser de stigmatiser les chômeurs à la sécurité du revenu en les confinant, comme c'était le cas jusqu'à maintenant, à des programmes d'employabilité différents de l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise.

Alors, cette réorganisation s'appuie sur la concertation à la fois aux niveaux national, régional, et au niveau local. Elle fait appel, M. le Président, à la responsabilisation des partenaires et va permettre la mise en place, qui est déjà faite au niveau national, d'une Commission des partenaires du marché du travail. Ça va aussi mettre en place, au niveau régional, une Commission des partenaires du marché du travail. Cette Commission associe les partenaires patronaux, syndicaux, communautaires, ceux de l'éducation également, à la définition des politiques, des orientations, des programmes, des budgets, de même qu'à la cogestion des services publics d'emploi.

C'est une cogestion dont il s'agit. La nomination des membres de la Commission s'est faite dernièrement. Et Emploi-Québec, qui va être cogéré par les partenaires et le gouvernement, est une unité autonome de services au sein du ministère de l'Emploi et de la Solidarité qui va regrouper tous les services d'emploi offerts à tous les demandeurs, y compris aux chômeurs, à la Sécurité du revenu. Nous sommes présentement en discussion pour la signature d'une entente de gestion – gouvernement et partenaires – et pour la signature d'un plan d'action annuel qui va être conclu entre la ministre de l'Emploi et la Commission des partenaires et approuvé par le gouvernement pour la mise en place, la mise en oeuvre et la gestion des mesures actives d'emploi.

C'est donc, M. le Président, la suppression d'importants obstacles, n'est-ce pas, que cette réorganisation de tout ce qui était éparpillé et qui va nous permettre graduellement, à partir du 1er avril, d'intégrer 1 039 fonctionnaires fédéraux qui administraient des mesures actives aux chômeurs à l'assurance-emploi, 1 012 employés de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui administrait des mesures de main-d'oeuvre pour les travailleurs en emploi ou pour un certain nombre de chômeurs, notamment sur l'assurance-emploi, et aussi l'intégration, donc, d'un peu plus de 1 000 employés des centres Travail-Québec qui, eux, administraient des mesures d'employabilité pour les chômeurs à la Sécurité du revenu. Donc, on va pouvoir compter sur un réseau, appelé Emploi-Québec, de 3 000 agents d'aide à l'emploi qui vont pouvoir dispenser l'ensemble de nos services publics d'emploi. C'est l'aboutissement d'une longue démarche qui va enfin trouver sa réalisation, graduellement, à partir du 1er avril prochain.

Alors, en matière, à proprement parler, d'aide financière. Le projet de loi n° 186 qui est discuté ce matin, c'est aussi l'aboutissement d'une démarche importante qui a débuté, comme je le mentionnais, avec la formation, en juin 1995, d'un comité d'experts mandaté par ma prédécesseure pour présenter des recommandations sur la forme que pourrait prendre le nouveau régime de sécurité du revenu.

Après la remise de deux rapports distincts par les membres du comité, en mars 1996, un livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu, intitulé Un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi , a été rendu public en décembre 1996. Ce livre vert s'appuyait sur des points de convergence importants et nombreux entre le rapport Fortin et le rapport Bouchard. Par exemple, le livre vert a fait siennes deux recommandations faites par les deux coprésidents du comité d'experts voulant que l'on instaure une nouvelle allocation familiale – dont je vous ai parlé – et également de nouveaux services de garde éducatifs à la petite enfance. Ces deux recommandations devenaient réalité, dès septembre 1997, avec la mise en oeuvre des nouvelles dispositions de la politique familiale.

Le livre vert, publié en décembre 1996, a fait l'objet, l'an passé, d'une importante consultation publique. Durant deux mois, février et mars, dans le cadre de la commission parlementaire des affaires sociales, donc il y a à peine un an, se tenait une consultation publique d'une centaine d'organismes de provenances et de tendances diverses. La totalité des organismes entendus et des mémoires présentés – plus de 140 mémoires l'ont été – a permis de constater que certaines propositions du livre vert faisaient consensus: par exemple, la mise en place d'un guichet unique, la création des centres locaux d'emploi, également l'intégration des chômeurs prestataires de la sécurité du revenu à l'ensemble de la main-d'oeuvre et la mise en oeuvre des parcours individualisés vers l'insertion sociale, vers l'insertion professionnelle, la formation et l'emploi.

(10 h 40)

Les critiques et les recommandations de cette consultation auront permis aussi de corriger certaines dispositions controversées qui ont été retirées. Je veux vous les signaler.

Notamment, la question de l'âge proposé pour avoir accès à l'allocation des aînés qui, dans le livre vert, était fixé à 60 ans et qui, avec le projet de loi n° 186, est ramené à 55 ans.

Ensuite, les montants utilisés pour le calcul de la contribution parentale, qui ont été sévèrement critiqués, qui avaient été introduits par le gouvernement précédent, alors qu'avec le projet de loi n° 186 ils sont maintenant harmonisés avec ceux en vigueur dans le régime d'aide financière aux étudiants, ce qui fait une différence considérable. Je vous en reparlerai.

Également, la demande exprimée en faveur du maintien d'une allocation de participation qui s'additionne au barème mensuel versé. Alors, dans le projet de loi dont on discute ce matin, il y a aussi concrétisation de ce maintien d'une allocation de participation, qui est garantie en surplus de la prestation.

Également, la demande exprimée en faveur d'un mécanisme de révision distinct de l'instance qui... Actuellement, dans l'ensemble du dispositif de la sécurité du revenu, il y a révision, mais cette révision, elle est faite souvent par la même instance qui rend la décision initiale, alors que le projet de loi apporte une réponse favorable à ce mécanisme de révision distinct.

Également, la mise en place de comités d'usagers chargés des orientations générales relatives au bureau des renseignements et plaintes et au mode de traitement des demandes soumises au bureau des renseignements et plaintes. En fait, c'est là une disposition qui s'inspire d'une recommandation du rapport de Camil Bouchard voulant que chaque centre local d'emploi comporte un comité d'usagers, alors que le comité d'usagers se fera au niveau plutôt central.

Les critiques, les recommandations auront aussi permis d'élaborer de nouvelles propositions. Et, à cet égard, je veux souligner le travail absolument remarquable accompli pendant plusieurs mois, suite à la commission parlementaire, par les membres ministériels, par les députés qui sont membres de la commission parlementaire des affaires sociales du côté ministériel. Ces députés ont formé un groupe de travail qui s'est réuni, y compris pendant l'été, pour faire le bilan de la consultation publique, pour proposer au gouvernement des orientations pour la réforme. Ce comité, qui était présidé par Mme la députée de Sherbrooke, a fait un travail remarquable pour sensibiliser l'ensemble des collègues ministériels à la problématique de la sécurité du revenu, et je voudrais le souligner ce matin.

Alors, M. le Président, je suis heureuse et reconnaissante d'annoncer que les propositions que je soumets à l'Assemblée nationale répondent favorablement à un très grand nombre de recommandations faites par ce groupe de députés ministériels. Alors, parmi les propositions de réforme qui sont comprises dans la législation qui est déposée, y compris dans la réglementation qui va suivre l'adoption du projet de loi, je veux notamment souligner la hausse des revenus de travail permis et l'augmentation de la valeur exemptée d'une résidence. Actuellement, la valeur exemptée de 60 000 $ sera portée à 80 000 $. Et actuellement, les revenus de travail dépendent des catégories, alors que, là, ils seront uniformisés et augmentés. Alors, ces propositions répondent de façon positive, donc, aux recommandations qui étaient aussi faites par les membres ministériels de la commission des affaires sociales.

Nous allons également introduire des modifications prioritaires à la réglementation actuelle. Je veux signaler notamment la réduction de la prestation pour partage du logement, qui sera abolie dès le 1er mai prochain, dans le cas des familles monoparentales. J'ai déposé déjà une modification au Conseil exécutif quant à l'avant-projet de règlement qui est actuellement prépublié dans la Gazette officielle . C'est donc là un projet de règlement qui fait l'objet d'une consultation. Des difficultés réelles d'application ont été portées à ma connaissance, et j'entends bien les corriger et j'ai soumis à cet effet un mémoire au Conseil exécutif qui devrait être examiné par le Conseil des ministres tout prochainement.

Également, M. le Président, je veux souligner que cette abolition de la coupure pour le partage du logement pour les familles monoparentales sera également appliquée pour les familles monoparentales du programme APPORT. Alors, dans le programme APTE, cette mesure va permettre d'augmenter d'un montant pouvant atteindre 100 $ par mois l'aide accordée à environ 14 500 familles monoparentales compte tenu des correctifs que je veux y introduire. Et, dans le programme APPORT, cette abolition de la coupure pour le partage du logement va bénéficier à environ 3 500 autres familles et va leur permettre d'augmenter de 257 $ par année, en moyenne, l'aide qui leur est versée.

Également, comme autre bonification, la réglementation sera modifiée afin que, dès le 1er juin prochain, une partie de la pension alimentaire versée au bénéfice des enfants de moins de cinq ans puisse être considérée comme un revenu qui s'ajoutera à la prestation, alors donc un revenu qu'on dit non comptabilisé pour l'établissement de la prestation, donc qui s'additionnera. Et, à la lumière, encore une fois, de la consultation qui est menée dans le cadre de la prépublication, dans la Gazette officielle , d'un projet de règlement, j'entends aussi soumettre des correctifs qui ont été apportés à mon attention concernant la nécessité, compte tenu de la défiscalisation des ordonnances de pension alimentaire pour l'ensemble des familles au Québec, d'en tenir compte également pour ne pas faire en sorte que ces revenus soient additionnés comme étant autre chose que des revenus qui sont alloués aux enfants pour améliorer leur sort et non pas pour être intégrés à la prestation de la famille en diminution de ce qui pouvait leur être versé auparavant ou leur être reconnu auparavant.

Troisièmement, il fallait également se préoccuper du fait que l'occupation d'un emploi occasionne de nombreux frais, tels que transport, vêtements, frais de garde, et que, souvent, les prestataires chômeurs de la sécurité du revenu sont dans l'incapacité d'assumer ces frais, ce qui les empêche d'accepter ou de postuler un emploi. Et je sais que plusieurs parlementaires dans cette Chambre, y compris le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui avait porté cette question à mon attention, se préoccupaient de cela. Il est vrai que le régime de sécurité du revenu avait déjà comporté une disposition en vertu de laquelle le revenu gagné pendant le mois du retour au travail n'était pas comptabilisé aux fins du calcul de la prestation. Donc, les personnes qui retournaient au travail pouvaient garder un mois de prestation. Mais le gouvernement précédent avait supprimé cette disposition en octobre 1993. Alors, M. le Président, pour lever cet obstacle des frais liés à l'occupation d'un emploi – parce que, très souvent, si l'emploi est occupé le 20 du mois, il y a encore le loyer à payer au premier, et le salaire versé est toujours de 15 jours, sinon de trois semaines après le travail effectué, mais les dépenses qui doivent s'effectuer pour se rendre au travail, parfois pour s'équiper en bottes de travail ou en habit de travail, elles, doivent être effectuées immédiatement – pour remédier à ce problème, une prestation spéciale de 500 $ sera versée aux chômeurs de la sécurité du revenu qui débutent un emploi.

Les évaluations nous amènent à considérer que c'est environ 2 500 ménages qui vont pouvoir en bénéficier à chaque mois, c'est-à-dire que, dans une année, c'est autour de 30 000 familles, soit des personnes seules ou des personnes qui ont charge d'enfants, donc autour de 30 000 ménages qui pourraient en bénéficier.

Les propositions que nous soumettons à l'Assemblée nationale visent également à simplifier le régime de sécurité du revenu, à le rendre plus équitable et à l'arrimer avec la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité instituant la Commission des partenaires du marché du travail dont je vous ai parlé tantôt.

(10 h 50)

M. le Président, ce n'est pas simple parce que, en même temps, le contexte qui est le nôtre a amené les règles fédérales à être complètement modifiées au cours des dernières années. Pensez que, en matière du transfert canadien dans la santé et les programmes sociaux qui s'est substitué au Régime d'assistance publique du Canada abrogé au 1er avril 1996, il y a eu, M. le Président, là, un impact direct, n'est-ce pas, dans les coupures fédérales, dans le transfert non seulement au Québec mais à l'ensemble des provinces.

Pour le Québec seulement, c'est 2 400 000 000 $ de moins dans les transferts en matière de santé, d'éducation postsecondaire et d'aide sociale. L'aide sociale allait chercher quasi 50 % de ces transferts. C'est donc dire qu'en deux ans, c'est 1 100 000 000 $ de moins. Alors, M. le Président, c'est là, donc, une coupure fédérale extrêmement importante qui s'est ajoutée – dois-je le dire, là – aux compressions à l'assurance-emploi dans les critères d'admissibilité qui ont fait que, en l'espace de quelques années seulement, ce n'est plus qu'un chômeur sur deux qui, malgré le fait qu'il cotise à l'assurance-emploi, peut y avoir droit, alors que, en 1989, compte tenu de l'assurance-emploi, dont la maternité et la maladie s'ajoutant à celle du chômage, autour de 100 % des chômeurs pouvaient bénéficier d'une prestation d'assurance-emploi. Et les dernières vérifications sont à l'effet qu'au Québec, maintenant il n'y a que 51 % des chômeurs qui ont cotisé à l'assurance-emploi mais qui peuvent toucher des prestations. C'est donc dire qu'un chômeur sur deux maintenant, compte tenu des resserrements dans l'admissibilité, n'y a plus droit. C'est donc un bon nombre de ces chômeurs, par milliers, par dizaines de milliers, qui se sont retrouvés à demander de la sécurité du revenu, compte tenu qu'il s'agit d'une aide de dernier recours à laquelle ils ont dû recourir.

Alors, M. le Président, dans ce contexte de restrictions extrêmement importantes, qui ont été chiffrées d'ailleurs par l'économiste Pierre Fortin à une augmentation cumulative d'environ 194 000 personnes à la sécurité du revenu au Québec et à une hausse du coût de la sécurité du revenu d'environ 845 000 000 $ – vous savez, c'est là de l'argent qui s'additionne à ces compressions dans les programmes de transfert depuis 1996 – c'est donc, dans ce contexte-là, quasi héroïque, n'est-ce pas... d'avoir réussi par un effort collectif – je le comprends, M. le Président – à limiter les compressions. Les compressions à l'aide sociale totalisent 229 000 000 $ durant les deux années au moment où le fédéral nous en coupait pour 1 100 000 000 $. Alors, il faut voir que c'est donc dans ce contexte non seulement héroïque mais extrêmement difficile que nous réjouit la diminution du nombre de ménages qui est constatée mois après mois depuis un an. C'est donc autour de 30 000 ménages de moins en février cette année comparativement à février l'an passé.

Mais ça aurait dû être au-delà de 100 000 ménages de moins, parce que la sécurité du revenu, c'est cyclique et c'est essentiellement ajusté au chômage puis aux périodes de récession. Pensez que, après la récession de 1982-1983, l'aide sociale augmentera de 135 000 ménages alors que les années de croissance, dans les années 1985, 1986, 1987, verront la diminution d'au-delà de 140 000 ménages. Alors, ça augmente et ça diminue en fonction des périodes de récession. Alors que, en 1989, avec la récession, le nombre de ménages augmentera de près de 100 000, entre 1989 et 1996, on aurait dû assister, avec le retour à la croissance, à partir de 1994, 1995, à une réduction aussi substantielle que celle qu'on avait connue dans les années quatre-vingt, c'est-à-dire d'au-delà de 125 000 ménages, alors qu'on se réjouit qu'il y en ait 30 000, ménages, de moins. Mais on voit bien que cette diminution s'est trouvée stoppée, ralentie, s'est trouvée, d'une certaine façon, paralysée par l'arrivée massive des chômeurs qui n'avaient plus droit à l'assurance-emploi et qui ont dû recourir à la sécurité du revenu.

Alors, le projet de loi qui est présenté, M. le Président, prévoit que des mesures, des programmes, des services seront mis sur pied dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi et prévoit également que des services seront mis sur pied pour l'intégration sociale des personnes qui, difficilement pour certaines d'entre elles, peuvent envisager d'intégrer un jour le marché du travail, en raison de divers problèmes d'ordre physique, intellectuel ou mental ou en raison d'obligations parentales ou familiales. Afin de briser l'isolement de ces personnes, de leur permettre de jouer un rôle utile à la société à laquelle elles appartiennent de plein droit, il faut donc prévoir des services dispensés par Emploi-Québec, mais qui soient des mesures et des services d'aide à l'intégration sociale et pas seulement professionnelle.

D'autre part, il faut également, M. le Président, et c'est notre intention dans le cadre du plan d'action annuel, prévoir, pour des personnes dont l'intégration au travail est plus lointaine et suppose une démarche préalable à l'intégration socioéconomique, des services de soutien à l'intégration psychosociale de même que des mesures d'adaptabilité pour des citoyens qui sont d'origine immigrante et qui connaissent des difficultés particulières d'intégration au travail. Pensez que, sur l'île de Montréal, 43 % des prestataires à la sécurité sont d'origine immigrante et qu'il faut donner un coup de barre extrêmement important pour que la politique de l'immigration, ça ne consiste pas à mettre une personne sur deux qui sont adoptées par le Québec sur la sécurité du revenu.

Alors donc, des mesures, programmes et services d'aide à l'emploi seront mis en oeuvre, gérés par Emploi-Québec, permettant de réaliser sa mission. Ces services vont comprendre des services d'accueil, de référence, d'évaluation, d'accompagnement. Ils vont comprendre aussi des services d'information sur le marché du travail, de placement, visant notamment à fournir de l'information sur les possibilités d'emploi, en vue d'aider les demandeurs d'emploi à trouver un emploi et les employeurs aussi à trouver des travailleurs répondant à leurs besoins.

Et, je l'ai assez dit, mais je le répète aussi, ces mesures, programmes, services s'adressent non pas seulement aux prestataires d'assurance-emploi, mais aussi aux chômeurs sur l'aide financière à la sécurité du revenu et à l'ensemble des personnes sans emploi, de même qu'aux entreprises et aux employeurs à la recherche de main-d'oeuvre ou en quête aussi de soutien technique sur le plan de la formation ou sur le plan de la gestion de leurs ressources humaines. C'est toute la main-d'oeuvre québécoise qui aura désormais accès à un réseau public d'emplois sur l'ensemble du territoire québécois.

De façon particulière, le projet de loi prévoit la possibilité d'évaluer, sur une base individuelle, la situation d'une personne, de lui offrir des services d'information, d'orientation, de placement. Il prévoit la possibilité de proposer à cette personne de réaliser des activités dans le cadre d'un parcours individualisé. Ça signifie que le parcours sera fait en fonction de la situation et des besoins de la personne.

(11 heures)

Le projet de loi vise aussi, d'une façon particulière, les personnes susceptibles de chômage de longue durée et prévoit, dans le cas des jeunes âgés de 18-24 ans, le caractère obligatoire du parcours. Là-dessus, M. le Président, vous allez me permettre de corriger des perceptions qui sont amenées très souvent à l'égard d'une situation de crise de l'emploi chez les jeunes. Dans la réalité, la crise de l'emploi, elle est, chez les jeunes, décrocheurs, non qualifiés, de 15-20 ans. Les statistiques sont éloquentes. Le taux d'emploi des 25-29 ans était de 5 points de pourcentage de plus que le taux d'emploi de l'ensemble des adultes de 25 à 64 ans. Je répète, les 25-29 ans ont un taux d'emploi qui est plus élevé que l'ensemble de la main-d'oeuvre – donc, le problème n'est pas chez les 25-29 ans – alors que, chez les 25-29 ans, le taux de chômage est à peu près l'équivalent, à 0,1 %, du pourcentage du taux de chômage moyen au Québec; chez les 20-24 ans, il y a nécessité de cibler une stratégie particulière, le taux de chômage étant de 15,7 %. Mais là où la situation aggrave l'ensemble du portrait des jeunes dans notre société, c'est essentiellement chez les 15-19 ans, qui ont un taux de chômage de 27,5 %. Mais les 15-19 ans qui ont ce taux de chômage sont, pour un grand nombre d'entre eux, des décrocheurs.

Sur la sécurité du revenu, 36 000 jeunes de 18-24 ans, qui n'ont pas d'enfants, n'ont pas de handicaps, n'étudient pas et ne travaillent pas, reçoivent des prestations de la sécurité du revenu. 43 % n'ont pas terminé un secondaire III; ça, c'est l'équivalent de la neuvième année de nos parents. Une neuvième année, pour nos parents, il y a 50 ou 60 ans, ça pouvait bien les préparer à leur société. Ne pas avoir fait une neuvième année, à la veille de traverser le prochain millénaire puis de finir un siècle, c'est le pire des mauvais services qu'on peut rendre à un jeune dans notre société.

Alors, M. le Président, le caractère obligatoire de ce parcours pour les jeunes, c'est, à mon point de vue, un service qu'on leur rend, d'autant plus que cette obligation de parcours va comporter une obligation réciproque pour le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, pour le gouvernement, d'offrir des parcours en nombre suffisant à ces jeunes âgés de 18-24 ans, qui sont, à 66 %, des garçons, et, aux deux tiers, des décrocheurs scolaires, et, à 43 %, des jeunes qui n'ont même pas fini un secondaire III.

Il va de soi, M. le Président, qu'aucune pénalité ne pourra être appliquée à un jeune auquel on n'aurait pas offert un parcours. Il est bien évident que c'est dans la mesure seulement où le parcours est offert et refusé que la pénalité de 150 $ par mois sera appliquée. Et le jeune pourra en tout temps remédier à cette pénalité en acceptant de faire un parcours individualisé. Le projet, d'ailleurs, prévoit également que, dans la mesure où, pour des motifs raisonnables, le parcours qui est offert, si vous voulez, est questionné ou mis en doute, il pourra y avoir aussi une révision.

Alors, je comprends, M. le Président, que le temps qui m'est imparti est en partie écoulé. Heureusement qu'il pourra y avoir, je crois, au moment de l'adoption du rapport de la commission, une autre possibilité d'intervention également, en troisième lecture, n'est-ce pas. Alors, ça me permettra de compléter cette intervention que je souhaitais faire aussi sur toute la partie de l'aide financière, comme nous entendons procéder à une consultation en commission parlementaire des affaires sociales avant l'adoption article par article de la loi.

Je veux simplement signaler ici, M. le Président, que, hors la question du parcours obligatoire, qui m'apparaît, comme elle apparaît, je pense, à la très grande majorité de notre société... J'en veux à preuve un sondage SOM qui a été réalisé à la demande du ministère de l'Emploi et de la Solidarité juste un peu avant Noël sur l'obligation de faire des démarches qui était imposée aux jeunes de 18-24 ans et qui va chercher l'assentiment de 84 % de la population en général, qui est favorable à cette obligation pour les jeunes de 18-24 ans aptes au travail, sans handicaps, sans enfants, qui ne sont pas aux études, alors que, parmi les jeunes de moins de 30 ans eux-mêmes, c'est 80 % qui se prononcent en faveur de cette obligation. Et je veux déposer, pour le bénéfice des membres de cette Assemblée nationale, le sondage qui a été réalisé en décembre dernier, M. le Président.

Mais, hors cette obligation, je le dis bien simplement, nous allons, en commission parlementaire, écouter et non seulement entendre, mais aussi écouter de façon active les représentations qui nous seront faites. Et, à tous égards, dans la mesure où il sera possible d'améliorer, de bonifier le projet de loi pour s'assurer d'une égalité de traitement entre les chômeurs à l'aide sociale et ceux de l'assurance-emploi, à chaque fois que ce sera possible – parce que c'est ça, notre objectif, une égalité de traitement à la fois dans les services offerts et à la fois dans la manière d'offrir ces services – nous le ferons, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.


Document déposé

Avant toute chose, je dois vous demander: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du sondage qui nous a été présenté tout à l'heure par Mme la ministre? Consentement? Alors, nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition, le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, il me fait plaisir de prendre la parole à l'adoption de principe du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. J'aurais quelques remarques préliminaires, M. le Président.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, le 17 février et antérieurement à ça, au mois de décembre, j'ai demandé – le 18 décembre, en fin de compte – en cette Chambre au leader du gouvernement si le gouvernement était prêt à procéder à des consultations avant l'adoption de principe du projet de loi. On m'avait indiqué à ce moment-là que non, et la ministre a réitéré son refus de faire des consultations avant l'adoption de principe du projet de loi. Elle a laissé la porte ouverte, dans sa conférence de presse, à la possibilité de faire des audiences, des consultations avant l'étude détaillée, et je viens de comprendre qu'elle a l'intention de procéder ainsi.

Je crois, M. le Président, qu'il est dommage et regrettable que le gouvernement ait refusé de tenir des audiences, de tenir des consultations avant l'adoption de principe du projet de loi. Et, d'ailleurs, je remarque que, à une lettre que j'ai adressée à la ministre le 17 février où j'ai demandé des consultations avant l'adoption de principe, je n'ai pas eu de réponse. Je comprends, avec nos procédés de ce matin, vu que nous sommes à l'étape de l'adoption de principe, que j'ai eu ma réponse effectivement. Pas par lettre de la ministre, mais, dans les circonstances, par le leader adjoint du gouvernement. Je trouve qu'il est dommage que l'on procède ainsi. Un projet de loi qui touche 730 000 personnes au Québec – 730 000 prestataires d'aide sociale au Québec au moment où on se parle, incluant 225 000 enfants, ça veut dire un Québécois sur 10, hein – il faut comprendre la grandeur de cette problématique. Un Québécois sur 10 vit de l'aide sociale.

Alors, je trouve qu'il est malheureux qu'on ne veuille pas faire de consultations avant l'adoption de principe du projet de loi parce que des consultations, M. le Président, quant à moi, sont importantes pour que les députés puissent prendre une décision éclairée avant de voter sur le principe du projet de loi. Ça a l'air que ce n'est pas important pour les députés ministériels de prendre une décision éclairée avant de voter sur le projet de loi. On aurait pu entendre certains groupes. On aurait pu avoir de l'information supplémentaire.

(11 h 10)

C'est vrai, on va l'avoir avant l'étape de l'étude détaillée, et je m'en réjouis. C'est le strict minimum. Mais, même à ça, M. le Président, vous, qui êtes un parlementaire expérimenté, vous le savez qu'il y a des moments, dans une étude détaillée, où quelqu'un va vouloir, peut-être, poser des amendements, et on va discuter de la recevabilité de ces amendements et on risque de se faire dire: Ça va à l'encontre du principe. On ne peut pas en discuter parce que ça va à l'encontre du principe du projet de loi. Le député de Saint-Jean sait exactement de quoi je parle. Alors, M. le Président, d'avoir fait ces consultations avant l'adoption de principe aurait, je pense, éclairé mieux les députés des deux côtés de la Chambre. Nous, on était prêts à le faire. Les députés du Parti québécois, semble-t-il, n'étaient pas prêts à le faire.

Une deuxième remarque préliminaire, M. le Président, en ce qui a trait à l'impact de la réforme de l'assurance-emploi, qui fait couler beaucoup d'encre, ces temps-ci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Mme la ministre.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Peut-être, avant que le député de Notre-Dame-de-Grâce aborde sa deuxième remarque préliminaire, sur la première, accepterait-il une question? En vertu de notre règlement, évidemment.

M. Copeman: Oui, monsieur...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je m'excuse, Mme la ministre, à ce stade-ci, vous savez que l'article 213 vous est permissif seulement à la fin de l'intervention.

Mme Harel: À la fin? D'accord. Parfait.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, excusez-nous. Si vous voulez poursuivre, M. le député.

M. Copeman: Merci, M. le Président. L'impact de la réforme de l'assurance-emploi, qui a fait couler beaucoup d'encre récemment. On a vu un article de presse sur une étude de l'économiste Pierre Fortin: La réforme de l'assurance-chômage fait 200 000 assistés sociaux de plus au Québec . La ministre y a fait référence dans ses remarques, il y a quelques minutes.

C'est une manchette qui est frappante, M. le Président: 200 000 assistés sociaux de plus à cause du fédéral. Ça rentre dans le thème de ce gouvernement: C'est la faute du fédéral. C'est un thème très populaire avec les députés ministériels. Tout ce qui ne va pas bien au Québec, quasiment, c'est la faute du fédéral. Moi, ça me surprend, M. le Président, que les députés ministériels n'aient pas dit: Le verglas, c'était la faute du fédéral, la tempête de verglas. Ça aurait été très cohérent avec leur thème: C'est la faute du fédéral.

M. le Président, je vais revenir là-dessus. C'est vrai qu'on observe une baisse constante dans le nombre des ménages à l'aide sociale depuis août 1996. La ministre a indiqué également qu'il y a à peu près 30 000 ménages de moins, au Québec, sur l'aide sociale. Elle se réjouit; moi aussi, d'ailleurs, parce que ce sont des nouvelles positives pour le Québec. Mais pourquoi, M. le Président? Pourquoi? Est-ce que c'est parce qu'il y a une reprise économique au Québec, qui fait en sorte qu'il y a moins d'assistés sociaux? Possiblement, malgré le fait que Québec fait le wagon de queue dans le développement économique au Canada. On est le wagon de queue, comparé aux autres provinces canadiennes.

Alors, d'où vient cette diminution? Une reprise économique? Possiblement, M. le Président. Les données ne sont pas claires là-dessus. Ça ne peut pas être le succès des programmes de réintégration au travail. Ça ne peut pas être ça, M. le Président, parce qu'on fait une réforme de l'aide sociale. Pourquoi est-ce qu'on fait une réforme? On fait une réforme, ça a l'air, parce que les choses ne marchent pas bien présentement, parce que les politiques qu'on a présentement ne fonctionnent pas. Alors, on ne peut pas attribuer une diminution de la baisse des ménages au succès faramineux de nos programmes de réintégration au travail, semble-t-il.

Ce qu'on me dit, M. le Président, c'est qu'il y a de plus en plus de ménages au Québec qui ne sont plus éligibles à l'aide sociale depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. La ministre, qui critique si sévèrement le gouvernement fédéral pour avoir restreint l'accès aux prestations d'assurance-chômage, d'assurance-emploi, est, quant à moi, coupable, son gouvernement est coupable d'avoir fait à peu près la même chose, à peu près, M. le Président.

Je vous donne deux exemples, simplement. Depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, on a maintenant une obligation de prendre une rente de retraite anticipée à partir de l'âge de 60 ans. Autrefois, M. le Président, on était éligible, le travailleur à 60 ans qui avait perdu son emploi était éligible à l'aide sociale. Il aurait pu faire sa demande immédiatement. Là, on l'oblige à prendre sa rente de retraite anticipée à 60 ans pour le rendre quasiment non éligible à l'aide sociale. Quel est l'impact de ça? Bien, à l'âge de 65 ans, malheureusement sa pleine rente de retraite diminue. Il y a une pénalité associée à cela. Alors, c'est un exemple.

Deuxième exemple, le programme Options pour les jeunes, programme Options qui est décrit, dans même les cahiers du ministère, comme un programme qui doit trouver des solutions de remplacement à l'aide sociale pour les jeunes. Des solutions de remplacement, M. le Président. Dans le programme Options, la première tendance des agents, c'est d'orienter un jeune à compléter ses études, peut-être pour le bénéfice du jeune, je n'en doute pas, mais essentiellement et aussi pour le rendre sur le régime de prêts et bourses pour qu'il ne soit pas éligible à l'aide sociale. Alors, deux mesures qui, quant à moi, restreignent l'accessibilité en partie des Québécois à notre régime d'aide de dernier recours.

Mais grosso modo, M. le Président, les raisons qui expliquent cette baisse importante du nombre de ménages ne sont pas claires. La ministre a toujours prétendu – elle l'a prétendu aujourd'hui – que cette diminution aurait été beaucoup plus importante n'eût été l'impact de la réforme de l'assurance-chômage au fédéral. Encore une fois, la faute du fédéral.

On va en discuter un peu, de cette étude de l'économiste Pierre Fortin, avec la manchette: 200 000 assistés sociaux au Québec de plus à cause de l'assurance-chômage. Dans un premier temps, M. le Président, si on prend la peine de lire l'étude, on découvre des choses très intéressantes là-dedans. Plus de la moitié de ces 200 000 personnes additionnelles, semble-t-il, soit 102 000 personnes, sont dues à la réforme de l'assurance-emploi de 1990. Ça, c'est dans l'étude de Pierre Fortin. Je n'invente pas des chiffres. Plus de la moitié de ces 200 000 sont dues à la réforme de l'assurance-chômage de 1990, plus de 50 % du total, avec une facture de 450 000 000 $.

Pour les informations de la ministre, il y a de fortes chances que cette vague soit passée. Ça fait huit ans, les impacts de la réforme de 1990. Et on sait fort bien que la durée moyenne, le séjour moyen des gens sur l'aide sociale se situe autour de 60 mois. Ça fait que ça veut dire qu'il y a des fortes chances que la majorité des 102 000 personnes qu'on a ajoutées à l'aide sociale avec la réforme de 1990 ne soient plus des prestataires au moment où on se parle. Ce n'est pas 200 000 nouveaux en date d'hier; plus de la moitié, ça date d'une réforme qui a été faite il y a huit ans. Il ne faut pas exagérer, M. le Président. Il ne faut pas exagérer quand même.

Une deuxième chose très intéressante dans l'étude de M. Fortin, M. le Président, parce que ça vaut la peine de l'examiner attentivement, regardez l'impact de cette année, l'année financière 1997-1998. On est toujours là-dedans. Et je vous réfère et je réfère la ministre au livre des crédits qu'elle avait déposé, déposé par son collègue le président du Conseil du trésor, qui indique, à la page – je vais l'avoir exacte pour que je ne sois pas accusé de ne pas citer bien – 89 du livre des crédits où on parle de la réforme de l'assurance-emploi: «Ce dernier facteur pourrait faire augmenter de 9 200 le nombre de ménages à la sécurité du revenu [...] en 1997-1998.» De 9 200 en 1997-1998, c'était ça, les prévisions du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, M. le Président: 9 200 ménages de plus, les prévisions de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. On sait qu'il y a plus de personnes que de ménages. Il s'agit essentiellement de 10 000 personnes de plus, des prévisions.

(11 h 20)

Mais voyez-vous, M. le Président, quelle surprise! Dans l'étude de l'économiste Pierre Fortin, on trouve un impact de la plus récente réforme, de 1996: l'impact pour l'année 1997-1998 se situe autour de 5 000 personnes. Voyons! La réforme de l'assurance-chômage était pour être un désastre pour notre système. C'était pour augmenter de 10 000 personnes à l'aide sociale dans l'année courante, selon la ministre de l'Emploi et ses fonctionnaires. Voyez-vous, M. le Président, M. Fortin, l'économiste, dans son étude, nous indique que ça se situe autour de 5 000 personnes: 3 000 pour l'année de calendrier 1997, 8 000 pour toute l'année de calendrier 1998. Il ne faut pas ajouter les deux, parce que le 8 000 sur l'année de calendrier 1998 va jusqu'au 31 décembre. Notre année financière ne prend que les trois premiers mois de cette année. Alors, 8 000 divisé par quatre, ça fait 2 000, et 2 000 plus 3 000, ça fait 5 000, une méthodologie très simple, d'ailleurs vérifiée ailleurs.

M. le Président, la ministre et ses fonctionnaires ont surestimé de 100 % les prévisions de l'augmentation des personnes sur l'aide sociale due à la réforme de l'assurance-chômage afin, quant à moi, d'être capables de décrier les effets néfastes sur le système d'aide sociale. La réalité est tout autre. Pour cette année, les impacts sont la moitié de ce qui était prévu dans les chiffres de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. C'est de l'inflation verbale, M. le Président. C'est de l'inflation verbale. Ces chiffres et ces prévisions sur le nombre de ménages sont importants, M. le Président. C'est dur à suivre, on lance de gros chiffres, ce n'est pas compréhensible pour tout le monde, mais c'est important. Je vais revenir là-dessus, quand on discute du financement des mesures d'intégration en emploi, parce qu'elles sont toutes reliées.

M. le Président, en parlant de l'inflation verbale, je vais continuer ce thème, M. le Président. J'ai également lu et scruté le programme du Parti québécois, le programme du parti ministériel, au gouvernement. On verra si c'est bon. On verra... Ah oui? Vous vous êtes inspirés? On va voir.

Une voix: N'importe quand.

M. Copeman: On va voir! Des idées pour mon pays . Ah! que c'est beau! On va voir à quel point les gestes de ce gouvernement sont cohérents avec le programme et on va parler de l'inflation verbale, M. le Président.

M. le Président, quelques citations du programme du Parti québécois, édition 1994, page 172: «Un gouvernement issu du Parti québécois, dans les 12 mois qui suivront son élection – on ne va pas charrier là-dessus, M. le Président, ça a pris un peu plus que ça, mais c'est normal – s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 sur la sécurité du revenu – ce qu'on fait – de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» Si la députée de Sherbrooke ose dire que cette réforme est inspirée du programme, elle se trompe. «De façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» M. le Président, des engagements, dans le programme, clairs.

«Le barème actuel sera maintenu et indexé en fonction de l'indice du coût de la vie.» Ce n'est pas ça qu'ils font. Ils le font pour une partie de la clientèle, le soutien financier avec des contraintes sévères à l'emploi, mais, pour le restant de la clientèle, ce n'est pas fait, absolument pas.

«Les prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit.» Mais là, encore une fois, M. le Président – on va revenir là-dessus – on peut se poser des questions sur si la réforme de l'aide sociale est inspirée de cette notion.

«En plus d'assurer un soutien financier, le programme d'aide sociale aura aussi comme objectif – je cite toujours le programme du Parti québécois – prioritaire la réinsertion sociale des individus. Pour ce faire, le gouvernement devra garantir à toutes les personnes qui veulent s'en sortir l'appui des travailleurs sociaux spécialisés qui les aideront à définir leur démarche personnelle de réinsertion.» M. le Président, «à toutes les personnes qui veulent s'en sortir», on va y revenir, à savoir si cette aspiration est respectée dans le projet de loi n° 186.

«La définition du conjoint de fait, utilisée actuellement dans la Loi de l'aide sociale, est un concept arbitraire et discriminatoire à l'égard des femmes assistées sociales. Il faudra préciser cette notion...» Est-ce qu'on le fait dans le 186, M. le Président? Aucunement.

Quand on examine le programme du Parti québécois versus les gestes concrets posés par ce gouvernement – je vais en parler, M. le Président – on peut comprendre pourquoi à peu près 40 % de l'électorat croit que les politiciens sont capables de mentir pour être élus. On pourrait le comprendre, M. le Président.

Examinons les gestes, les actions concrètes du gouvernement du Parti québécois dans l'aide sociale, depuis son arrivée au pouvoir. Tous les gestes, jusqu'à date, ont l'effet d'appauvrir davantage les 700 000 personnes les plus pauvres de notre société. Est-ce que c'est ça qui concorde avec le programme? Je n'ai pas lu quelque part que le Parti québécois va procéder à des coupures dans l'aide sociale pour appauvrir du monde. Ce n'est pas là. Mais c'est ça que le gouvernement a fait depuis trois ans, des coupures dans l'aide sociale, au-delà de 400 000 000 $, un peu plus de 10 % du budget en trois ans. L'effet: oui, on a moins de ménages, ça, on s'en réjouit, mais ce gouvernement donne moins de dollars, de ressources financières pour moins de ménages. C'est deux moins, M. le Président.

Quel est l'effet de ces coupures? Parce qu'on peut parler de 400 000 000 $ sur un budget de 3 400 000 000 $, encore une fois, c'est des gros chiffres, mais qu'est-ce que ça veut dire? Moi, je n'ai jamais vu de ma vie 400 000 000 $, je ne sais pas de quoi il s'agit. Je suis prêt à gager qu'il y a très peu de monde qui a vu ça. Mais on va tenter de le personnaliser un peu, de façon individuelle. Qu'est-ce que ça veut dire dans la réalité du monde?

Il faut replacer les choses, je pense, et avec la population et avec des collègues. Examinons brièvement la question de l'aide consentie, de l'aide financière donnée par l'État versus les besoins essentiels. Parce qu'il y a une impression qui court dans la population, malheureusement, que l'aide sociale est un régime de luxe, un régime de Cadillac. Il y a cette impression, souvent, pas avec tout le monde, que les barèmes sont généreux, que les gens vivent bien de l'aide sociale. La ministre sait que ce n'est pas vrai, les ministériels, semble-t-il, savent que ce n'est pas vrai. Ils devraient le savoir, nous, on sait que ce n'est pas vrai, M. le Président.

Examinons pour une personne seule, le meilleur exemple, M. le Président. Il y a des compositions de la famille québécoise qui sont très différentes, mais les personnes seules à l'aide sociale représentent un tiers de toutes les personnes prestataires de l'aide sociale. Un tiers, 33 %, c'est des personnes seules. C'est la plus grande catégorie, seules. Alors, on va examiner ce que ça veut dire, les barèmes de l'aide sociale pour une personne seule.

(11 h 30)

Dans un premier temps, M. le Président, le ministère a ce qu'ils appellent des besoins essentiels reconnus. En 1996, c'est des données qui émanent du ministère de l'Emploi et de la Solidarité qui indiquent – et là on parle du minimum – les besoins essentiels uniquement. Ce n'est pas du luxe, c'est les besoins essentiels. Ça représente, pour une personne seule, 667 $ par mois. Ça, c'est les besoins essentiels, le strict minimum pour vivre, j'imagine, un peu dans la dignité – données publiées, d'ailleurs, dans le livre vert de la ministre, alors je n'invente pas des chiffres, c'est public, c'est communément accepté – des besoins essentiels de 667 $ par mois pour une personne seule.

Le barème pour une personne seule est de 490 $. Ça, c'est le barème de non-participation, de non-participant. C'est le barème le plus nombreux – si je peux utiliser l'expression, M. le Président – en termes de nombre absolu. C'est ce barème qui s'applique à très forte majorité à des personnes seules, parce que les participants sont rares – je vais revenir là-dessus – le 120 $ de plus auquel la ministre a fait allusion est rare comme augmentation du barème. Alors, on parle essentiellement de 490 $, ce qui est bien en deçà de 667 $, 177 $ de moins, déjà, en bas des besoins essentiels reconnus par le ministère.

M. le Président, cette situation des barèmes en bas des besoins essentiels était tellement décriée par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve quand elle était de ce côté de la Chambre, tellement décriée, à d'innombrables reprises. Pendant sa carrière, elle a critiqué souvent le fait que le barème de base soit en dessous des besoins essentiels. Elle parlait, j'imagine, au nom de sa formation politique. Elle a été critique à l'aide sociale pendant plusieurs années, M. le Président. Elle ne parlait pas toute seule, elle parlait au nom du Parti québécois. Alors, avec ce genre de vive critique et la passion que l'on connaît à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, on aurait pu s'attendre à une amélioration de cette situation une fois qu'ils sont rendus au pouvoir. Tant décrier ce minimum comme insuffisant, on aurait pu s'attendre à une amélioration de la situation une fois rendus au pouvoir. Mais quelle surprise, M. le Président, ce n'est pas ça qui est arrivé. Comme je l'ai dit, 400 000 000 $ de coupures, on va voir comment ça touche une personne seule.

Quand le Parti québécois est arrivé au pouvoir, le barème de base était 500 $. Là, il est rendu à 490 $ pour une personne seule. Ça, c'est parce qu'on a éliminé le crédit d'impôt foncier pour les personnes assistées sociales. C'est 10 $ de moins, au départ, M. le Président, on tombe de 500 $ à 490 $.

Quand le Parti québécois est arrivé au pouvoir, nous, on avait un système qui permettait une certaine réserve pour les personnes, le mois de la demande, des avoirs liquides, pour laisser de l'argent dans la banque de quelqu'un pour pallier à des inconvénients futurs. Qu'est-ce que le gouvernement du Parti québécois a fait? Ils ont éliminé cette notion de réserve potentielle d'avoirs liquides. Par mesure législative et réglementaire, à cause du Parti québécois, il faut que les personnes assistées sociales dépensent jusqu'à leur dernière cenne avant d'avoir droit à l'aide sociale, tandis que, nous, on a laissé une réserve, le mois de la demande. Ça, c'est des mesures qui ont été votées par les députés ministériels, M. le Président.

Quand ils sont arrivés au pouvoir, eux autres, il y avait le barème de disponibilité. Si une personne était apte au travail, elle se déclarait disponible et, s'il n'y avait pas de mesure d'employabilité disponible pour elle, elle recevait 50 $ de plus par mois. Qu'est-ce que le Parti québécois a fait? Il l'a aboli: 50 $ de moins pour les gens qui étaient disponibles à prendre des mesures actives pour être réintégrés au marché du travail. Éliminé.

Le barème de participant, M. le Président, fameux barème: quand on obtient une mesure active, on obtient une bonification. Quand on était au pouvoir, c'était 150 $ par mois. Le Parti québécois arrive au pouvoir, c'est 120 $; une coupure de 30 $ par mois. Alors, si on réussit à dénicher une mesure active, on ne reçoit plus 150 $, on reçoit 120 $.

L'assurance-médicaments, M. le Président. Nous, de ce côté de la table, on n'a jamais dit que le système d'assurance-médicaments n'a pas des points positifs. Jamais. C'est vrai que les enfants qui n'ont pas été couverts avant sont maintenant couverts, c'est vrai que les familles qui n'ont pas été couvertes avant sont maintenant couvertes. Mais il y a un côté inattendu – en tout cas, peut-être inattendu, semble-t-il, pas pour le ministre de la Santé – de cette réforme: ça pénalise les personnes assistées sociales. C'est clair, les médicaments étaient gratuits dans notre temps. Et je vous rappelle la réaction des députés ministériels, quand ils étaient dans l'opposition, quand, nous, on a imposé 2 $ par prescription de médicaments pour les personnes âgées jusqu'à concurrence de 100 $: c'était la fin du monde pour les députés du Parti québécois quand ils étaient dans l'opposition, ils ont déchiré leurs chemises collectivement; c'était la fin du bon sens, c'était pour appauvrir des personnes âgées.

Là, qu'est-ce qu'ils font, rendus au pouvoir? Ils prennent le 100 $ et, dépendamment du revenu de la personne aînée, âgée, ils doublent ou ils l'amènent à 500 $ ou ils l'amènent à 750 $. On comprend pourquoi, M. le Président, les gens se posent des questions au niveau de la crédibilité des politiciens. On déchire sa chemise de ce côté; rendu là-bas, on fait l'inverse. Ce n'est pas grave! Les situations ont changé. On n'est pas responsable, c'est la faute des autres, c'est la faute des gens qui étaient là avant, la faute de quelqu'un d'autre. Ce n'est jamais la faute de qui que ce soit, ici, dans cette Chambre.

Pour les personnes assistées sociales, les médicaments étaient gratuits; là, avec cette fabuleuse réforme, ce fabuleux régime d'assurance-médicaments, il faut que les assistés sociaux paient 200 $ par année pour les médicaments s'ils en utilisent, M. le Président. Ça représente 16,67 $ par mois de franchise, 16,67 $ par mois s'ils consomment des médicaments qu'ils n'avaient pas à payer avant l'arrivée du Parti québécois. Essayez de faire comprendre à 730 000 personnes au Québec que ça, c'est une bonne nouvelle, qu'auparavant ils n'avaient pas à payer pour les médicaments et, avec l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, ils paient 16,67 $ par mois pour avoir les mêmes couvertures. Essayez de faire passer ça comme une bonne nouvelle; tout un défi, ça, tout un défi.

(11 h 40)

M. le Président, la ministre a déjà indiqué qu'il ne faut pas que je devienne le champion des citations. Mais je ne peux pas m'empêcher de citer textuellement la ministre de l'Emploi et de la Solidarité quand elle était députée de Hochelaga-Maisonneuve – elle l'est toujours d'ailleurs, mais quand elle était simplement députée de Hochelaga-Maisonneuve de ce côté de la Chambre, dans l'opposition. C'était le 10 décembre 1987, ici, en Chambre. J'ouvre les parenthèses, M. le Président: «Une coupure, si minime soit-elle, à un chèque de bien-être social ou à des besoins spéciaux en matière de santé, en médicaments, de garde d'enfants, c'est une coupure dans un strict minimum, et cela, nous ne pouvons pas le permettre. Il est impossible de décrire au moyen des mots seulement les effets dévastateurs, les torts qu'on risque de faire subir à la santé physique et au bien-être psychologique des gens qui doivent vivre sous le seuil que représente le minimum vital absolu.» C'est ça que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a dit de ce côté de la Chambre.

Malheureusement, ça ne concorde aucunement avec les gestes concrets de son gouvernement, ça va à l'encontre des gestes posés par son gouvernement depuis trois ans et demi. M. le Président, ça, c'est la réalité des choses: en dépit des promesses, en dépit des beaux discours, les gestes concrets de ce gouvernement ont l'effet d'appauvrir, depuis trois ans et demi, les personnes assistées sociales au Québec. La ministre annonce aujourd'hui qu'il n'y aura plus de coupures dans les chèques. Bien, bravo! Si c'est vrai, je me réjouis avec elle. Elle aurait dû dire ça il y a trois ans et demi autour de la table du Conseil des ministres.

M. le Président, la réforme de l'aide sociale était si attendue. Et c'est issu d'un processus assez laborieux, long processus, d'ailleurs, de réforme promise par le Parti québécois dans son programme dont l'incohérence totale – on va le démontrer – avec la réalité, le projet de loi n° 186... En 1994, ça.

En mai 1995, la députée de Chicoutimi, alors ministre de la Sécurité du revenu, donnait un mandat à un comité d'experts pour étudier la question. En mars 1996, un an plus tard, un peu plus, on arrive avec deux rapports de comité d'experts, non pas un: le rapport Fortin – Pierre Fortin, l'économiste – et le rapport Bouchard – Camil Bouchard – qui ont des divergences d'opinions, différentes approches. On part avec un comité d'experts, on arrive avec deux rapports. M. le Président, en mars 1996, les deux rapports; décembre 1996, le dépôt du livre vert par la ministre de la Sécurité du revenu, la députée de Chicoutimi.

En janvier 1997, les consultations générales débutent avec une nouvelle ministre. Les consultations durent trois mois, et la commission des affaires sociales a entendu à peu près une centaine de groupes. Importantes consultations, M. le Président, on ne peut pas les négliger. S'il y a un point positif dans tout ce processus, c'est, je crois, en effet, ces consultations.

Et on arrive, le 18 décembre 1997, avec la présentation du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, projet de loi de 218 articles – on va avoir l'occasion, en commission parlementaire, d'en discuter – projet de loi, quant à moi, qui est décevant dans son ensemble, parce que c'est une réforme qui n'en est pas une.

Avec grandes pompes, avec un long processus, le projet de loi n° 186 est largement la reconduction de la loi antérieure, la loi 37, une reconduction de la loi tellement décriée par la ministre quand elle était dans l'opposition. Il est non seulement généralement une reconduction de la loi, mais il est encore plus pénalisant que la loi 37, avec très peu de nouvelles mesures. Un manque d'originalité assez étonnant, M. le Président, après tout ce processus, toutes ces réformes.

Dans un premier temps, les barèmes tellement décriés demeurent inchangés. Le soutien financier accordé à des personnes sur l'aide sociale demeure essentiellement inchangé après toute cette pluie de coupures introduite par le gouvernement actuel. Quand je dis pénalisant, M. le Président... On va faire un tour de la loi plus tard, mais il y a beaucoup de pénalités là-dedans. Et je vous rappelle simplement, M. le Président, cet engagement, dans un programme formel du Parti québécois, de faire une révision en profondeur de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.

M. le Président, la réaction de plusieurs militants du Parti québécois face au livre vert, lors d'un congrès, a été assez importante. Les militants de Montréal-Centre du Parti québécois tentaient, au mois de décembre, de faire des changements radicaux dans le livre vert pour le rendre plus conforme à leur programme, pour augmenter les barèmes pour tout le monde, pour renoncer à un caractère obligatoire pour un parcours. Qu'est-ce que ça a donné, M. le Président? Ça a donné une manchette: Réforme de l'aide sociale, l'aile progressiste du PQ battue en brèche . C'est ça que ça a donné.

M. le Président, la réforme va à l'encontre, quant à moi, le projet de loi n° 186 va à l'encontre des idées fondamentales exprimées dans le programme de ce parti. Ça doit poser un problème, j'imagine, pour le parti. Ce n'est pas mon problème. Je le soulève parce que je veux bien passer sous silence les incohérences du parti ministériel, mais cette incohérence existe. Je peux vous dire une chose: Quand ils étaient de ce côté, ils ont soulevé toutes sortes de choses.

M. le Président, le projet de loi n° 186, il y a quelques aspects positifs, on ne peut pas le nier. Le décloisonnement des programmes de main-d'oeuvre est positif. Le fait qu'on traite un chômeur de la même façon qu'un prestataire de l'aide sociale en ce qui concerne l'accès à des mesures d'employabilité est positif. Cette distinction assez artificielle entre un chômeur et un assisté social n'était pas une bonne chose. Et là on procède avec un décloisonnement des mesures pour non seulement des chômeurs, M. le Président, mais pour les assistés sociaux, pour les sans-emploi carrément, pour les étudiants. C'est une bonne chose, un guichet unique. Personne ne peut être contre ça.

Par contre, l'arrimage n'est pas fait avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne les programmes du fédéral, un arrimage qui risque d'être un peu houleux. Et on ouvre l'éventail des clientèles. Là, ce n'est plus restreint à des assistés sociaux et ce n'est plus restreint à des chômeurs, mais on ouvre l'éventail des clientèles: les sans-emploi, les étudiants. C'est une bonne chose en soi, M. le Président, absolument, mais ça va mettre énormément de pression sur le système, d'être capable de fournir des vraies mesures sur taille pour tout ce beau monde là.

M. le Président, le projet de loi est saupoudré de bonifications bien modestes, bien modestes. On va parler de quelques-unes. L'abolition du partage du logement pour les familles monoparentales, c'est une bonne nouvelle pour les familles impliquées. J'observe simplement qu'il s'agit d'un engagement partiellement respecté parce qu'il s'applique uniquement à des familles monoparentales. Il ne s'applique pas, comme j'ai dit tantôt, M. le Président, au tiers des bénéficiaires qui sont des personnes seules. Si elles se mettent ensemble, il y a toujours cette coupure de logement tellement décriée par les ministériels quand ils étaient de ce côté, tellement décriée par les députés du Parti québécois quand ils étaient dans l'opposition.

(11 h 50)

La ministre y a fait allusion, il y avait un projet de règlement dans la Gazette officielle qui indiquait que le revenu tiré de la location d'une chambre serait dorénavant calculé comme revenu de travail. Ça a fait en sorte qu'on a eu un article de La Presse canadienne : Québec donne d'une main et reprend de l'autre . Et, même au moment de l'article, je cite l'article, M. le Président: «Geneviève Bouchard, directrice du développement des politiques au ministère de la Sécurité du revenu, admet que dans certains cas des familles monoparentales pourraient se retrouver dans une situation pire qu'auparavant. Les revenus tirés de la location d'une chambre avec pension peuvent en effet être supérieurs à la pénalité de 104 $ pour partage du logement.»

La ministre nous indique qu'elle va corriger ça. J'ai bien hâte. C'est vrai que ce n'est qu'un projet de règlement – prépublication – mais je trouve ça drôle qu'au moment où on veut procéder avec une bonification modeste on procède avec un projet de règlement qui essentiellement évacue, pour un certain nombre de familles, toutes les bonifications. Incohérence, M. le Président: on donne d'une main et on enlève de l'autre. Tant mieux si la ministre va le corriger, je le souhaite.

Les avoirs liquides le mois de la demande. Une bonification modeste, M. le Président. Ça s'applique uniquement, par contre, pour les familles avec enfants. Alors, on restaure les avoirs liquides enlevés par ce même gouvernement. Il faut le faire! Ils arrivent au pouvoir, ils votent en Chambre le fait qu'il n'y aura plus d'avoirs liquides permissibles; là, un an plus tard, ils disent: On s'est trompés. Bien oui, vous vous êtes trompés. On vous l'a dit au moment où vous l'avez fait. Vous ne l'avez pas compris. Puis, tant mieux, vous l'avez compris un peu plus tard. Bravo! Les députés ministériels sont capables d'apprendre, M. le Président. Bravo!

Pourquoi ils n'ont simplement pas écouté au moment où la mesure était là? Pourquoi ils ont aboli les avoirs liquides voilà un an et demi et ils les redonnent, mais juste pour une partie de la clientèle? En effet, M. le Président, uniquement 30 % de la clientèle va pouvoir bénéficier de cette bonification. Juste 30 %. Il y a 70 % de la clientèle qui est exclue parce qu'elle n'a pas d'enfant. Alors, quelle bonification! Quelle équité! Un mot qu'utilisent souvent les députés ministériels, M. le Président, «équité». Où est l'équité dans une mesure qui restaure quelque chose, une bonification, pour simplement 30 % de la clientèle? Je n'en vois pas.

L'exemption de la pension alimentaire jusqu'à concurrence de 100 $, autre recommandation des députés ministériels membres de la commission des affaires sociales. Une bonification. C'est une bonne chose, M. le Président, parce qu'anciennement on déduisait l'aide sociale dollar pour dollar pour la pension alimentaire. Là, semble-t-il, on va permettre jusqu'à concurrence de 100 $ avec aucune pénalité sur l'aide sociale, sur le chèque de l'aide sociale. Mais, M. le Président, quelque chose que la ministre a oublié de dire: ça applique uniquement à des femmes ou des hommes qui ont des enfants de moins de cinq ans. Dès que l'enfant arrive à l'âge de six ans, cette exemption ne s'applique plus.

M. le Président, j'ai trois enfants. Vous en avez quatre, cinq? Beaucoup. Juste deux? Pardon. Vous savez avec moi qu'en grandissant les besoins financiers grandissent avec les enfants. C'est mon observation. Où est la logique qui fait en sorte que jusqu'à 100 $ d'une pension alimentaire sont exemptés pour un enfant jusqu'à quatre ans et 364 jours? Mais, dès que l'enfant atteint l'âge de cinq ans, l'exemption est enlevée; la famille est plus pauvre de 100 $ par mois. Ça n'a pas de sens, et, encore une fois, M. le Président, où est l'équité dans cette mesure?

Il y a beaucoup d'éléments négatifs dans le projet de loi. La pierre angulaire, semble-t-il, dans le projet de loi, c'est le parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi. On ne sait pas ce que c'est, parce que ce n'est pas indiqué dans le projet de loi, mais on sait que c'est une pierre angulaire, l'assise. J'ai des nouvelles pour la ministre de l'Emploi et de la Solidarité: elle ne vient pas de réinventer la roue. Ce n'est pas très nouveau, cette notion d'un parcours individualisé. La loi 37, l'ancienne loi, comprenait un plan d'action pour chaque prestataire, un plan d'action développé par les agents pour chaque prestataire; ça veut dire individuel, un plan d'action individualisé. Là, on arrive avec un parcours. C'est ça, la réforme, le gros changement. M. le Président, est-ce qu'on a les ressources nécessaires? Parce que toutes les mesures actives vont avoir un certain succès si elles sont bien financées, si on a les ressources pour le faire.

Toutes les mesures qui favorisent le retour au travail, toutes les études, aux États-Unis, en France et ailleurs, démontrent que ça coûte cher, ces types de mesures. C'est un élément clé, le financement adéquat de ces programmes. Déjà, les places sont contingentées, faute de ressources. Dix pour cent des adultes aptes présentement sont des participants, M. le Président, dans les mesures actives, un sur 10, 10 %; ça veut dire que neuf sur 10 des adultes aptes ne réussissent pas à avoir une place dans une mesure active. Non seulement elles sont contingentées, mais elles sont à la baisse depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois: 20 % moins de places dans les deux dernières années.

M. le Président, 25 000 ménages de moins – on revient à nos chiffres – ça génère des économies de 180 000 000 $ pour l'aide sociale. Les bonifications annoncées par la ministre dans la loi coûtent 60 000 000 $. Et, quand je dis «bien modestes», je pense que j'ai raison, M. le Président. C'est 60 000 000 $ de bonifications sur un budget de 3 500 000 000 $, après deux ans de coupures de 400 000 000 $. On enlève 400 000 000 $, on redonne 60 000 000 $, puis c'est une bonne nouvelle. Je regrette, M. le Président, il y a un manque à gagner à quelque part.

En plus du 60 000 000 $ de bonifications modestes, on ajoute 17 000 000 $ pour les parcours, pour les mesures actives. 17 000 000 $, M. le Président, ça représente 0,5 % du budget de l'aide sociale. Quel effort pour des mesures d'employabilité! Et on retourne 100 000 000 $ au Trésor. Cette année seulement, le nombre de ménages baisse de 25 000. Ça donne des économies de 180 000 000 $, cette année. On annonce des mesures qui bonifient pour à peu près 80 000 000 $, on retourne 100 000 000 $ au Trésor, dans les poches du ministre des Finances, du président du Conseil du trésor.

Avec les 17 000 000 $ pour les parcours, nous allons créer 12 000 places par année dans les parcours individualisés. C'est ça que ça coûte, à peu près, 120 $ par mois par participant, 12 000 places. Déjà, il y a 36 000 jeunes qui sont éligibles, qui vont être obligés d'en prendre, dont 4 500 participent au moment où on se parle. On ajoute 12 000 places. Ça fait 16 000, M. le Président. Il en manque 20 000. Déjà un gros problème, le parcours obligatoire, M. le Président, pour les 18-24.

(12 heures)

L'égalité de traitement: questionnable. Est-ce que c'est efficace, M. le Président? Très questionnable. Beaucoup d'études d'experts indiquent que, quand c'est volontaire, c'est beaucoup plus efficace que quand c'est obligatoire. Ils sont contingentés et on met les ressources vers les 18-24. Il y a une possibilité d'exclure les autres. Est-ce qu'on exclut le bénévolat? Des questions à poser. Où est l'équité pour les jeunes?

Chapitre des droits et obligations, la question de disponibilité qui est soulevée: il faut, dans la loi, faire preuve de disponibilité. Ça a toujours existé, cette preuve. La différence, c'est que, quand une personne se déclarait disponible, nous, on donnait 50 $ de plus. Si on découvrait qu'elle n'était plus disponible, bien, on enlevait le 50 $, mais on préservait le barème de base. C'était une approche incitative. Le projet de loi n° 186, c'est des pénalités sur le barème de base. Si on n'est pas disponible, on enlève 150 $, en bas des besoins essentiels minimes déjà en dessous à cause des barèmes. L'obligation d'être disponible, mais aucun incitatif, tel que demandé dans le programme du Parti québécois.

Et, brièvement, M. le Président, le transfert des programmes avec des contraintes sévères à l'emploi vers une allocation invalidité administrée par la Régie des rentes, ça crée, quant à nous, deux catégories de bénéficiaires, et on s'interroge sur le pourquoi. Pourquoi est-ce qu'on veut stationner des bénéficiaires dans une allocation invalidité? Est-ce que c'est simplement pour faire baisser le nombre des prestataires?

En conclusion, M. le Président, le projet de loi n° 186 contient deux éléments, deux volets, supposément: politiques actives au marché du travail et le soutien du revenu. C'est deux volets importants pour n'importe quelle réforme, des politiques actives au marché du travail... Au niveau du soutien du revenu, on a coupé, depuis qu'ils sont là, 400 000 000 $ en deux ans, plus que 10 % du budget. On fait des économies de 180 000 000 $ cette année à cause de la baisse du nombre de ménages, mais on redonne 100 000 000 $ au Trésor. On augmente de 17 000 000 $ les mesures actives pour le parcours, 0,5 % du budget. M. le Président, on est obligé de constater que, pour le soutien du revenu, la lutte au déficit se fait sur le dos largement des personnes assistées sociales, les plus pauvres des personnes pauvres au Québec.

Deuxièmement, avec les compressions, M. le Président, on assiste, quant à moi, à une détérioration du tissu social au Québec. La question fondamentale, M. le Président: Est-ce qu'on veut, au Québec, un filet de sécurité sociale ou pas? C'est ça, la question. Nous, on pense que oui. Mais, avec les gestes de ce gouvernement, la pluie des coupures à l'aide sociale depuis trois ans combinée avec les innombrables mesures pénalisantes contenues dans le projet de loi n° 186, ce gouvernement a mis en cause ce filet de sécurité sociale.

M. le Président, il devrait avoir honte. Et, nous, nous n'embarquerons pas dans ce train-là. C'est pour ça qu'on va s'opposer au projet de loi n° 186. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Considérant l'heure actuelle, nous suspendons les travaux à cet après-midi, 14 heures. Également, nous ajournons le débat, puisque le débat n'est pas complété sur l'adoption du principe du projet de loi.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président: Mmes, MM. les députés, mous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Présence du directeur général de la Fondation Arias pour la paix et le progrès humain, M. Fernando Duran, et de la consule générale de la République du Costa Rica, Mme Carmen-Patricia Gudino-Fernandez

Alors, chers collègues, nous avons quelques visiteurs de marque aujourd'hui. J'ai d'abord le plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, du directeur général de la Fondation Arias pour la paix et le progrès humain, M. Fernando Duran. M. Duran est accompagné de la consule générale de la République du Costa Rica à Montréal, Mme Carmen-Patricia Gudino-Fernandez. Et je voudrais signaler que M. Duran est le bras droit de M. Arias Sanchez, qui nous a honorés de sa présence lors de la Conférence parlementaire des Amériques et qui est l'ancien président du Costa Rica.


Présence du père Georges-Henri Lévesque, fondateur et premier doyen de la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval

De plus, j'ai le plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, du père Georges-Henri Lévesque, fondateur et premier doyen de la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval.

(Applaudissements)

Des voix: Bravo!

Le Président: Le père Lévesque est également fondateur et premier recteur de l'Université nationale du Rwanda, il est chevalier de l'Ordre international de la Pléiade et officier de l'Ordre national du Québec.


Commémoration du 150e anniversaire du principe de la responsabilité ministérielle

Alors, avant de procéder aux affaires courantes, permettez-moi également de souligner que la journée d'aujourd'hui, le 11 mars 1998, marque un anniversaire important dans l'histoire de la démocratie et de notre régime parlementaire. Il y a 150 ans entrait en vigueur le principe de la responsabilité ministérielle.

C'est en effet le 11 mars 1848, avec la formation du gouvernement LaFontaine-Baldwin, que s'établit au Québec le premier gouvernement responsable de ses politiques devant la chambre des élus du peuple qui s'appelait alors l'Assemblée législative du Canada-Uni. Si l'Acte constitutionnel de 1791 permettait la création d'institutions parlementaires, il ne s'agissait, en fait, que des bases d'un véritable régime parlementaire de style britannique, puisque l'Exécutif, le gouverneur et son conseil, n'était pas responsable devant le Parlement.

Constatant les lacunes de la Constitution de 1791, les parlementaires du Bas-Canada et également ceux du Haut-Canada se sont faits les champions d'un véritable parlementarisme comme il en existait un à Londres, mais le gouvernement britannique de l'époque considérait la responsabilité ministérielle comme incompatible avec le statut colonial. Cela provoqua au Québec une vaste levée de boucliers sous l'impulsion du président de l'Assemblée législative de l'époque, Louis-Joseph Papineau, leader du Parti patriote. La volonté d'assujettir le gouvernement, alors composé de non-élus, au contrôle des représentants du peuple devint si forte qu'elle fut au coeur des revendications qui conduisirent au soulèvement populaire des années 1837 et 1838 que nous commémorons chaque année ici, à l'Assemblée nationale.

Dans son rapport remis en 1838, Lord Durham admettait que le gouverneur, tout en gardant certaines prérogatives, devait accepter de choisir ses conseillers exécutifs, c'est-à-dire ses ministres, en tenant compte des forces politiques représentées à l'Assemblée, mais cette idée n'est pas retenue dans la Constitution de 1840, l'Acte d'Union. Le 3 septembre 1841, la Chambre réaffirme le principe de la responsabilité ministérielle. Une résolution exprime l'avis que les principaux conseillers du représentant du souverain, le gouverneur, doivent être des hommes qui jouissent de la confiance des représentants du peuple, offrant ainsi une garantie que les intérêts, bien entendu, du peuple seront fidèlement représentés et défendus.

(14 h 10)

Les réformistes ontariens et québécois dirigés par LaFontaine et Baldwin font de la responsabilité ministérielle leur cheval de bataille, et la nouvelle politique coloniale britannique crée le contexte favorable à l'évolution constitutionnelle. Les élections de janvier 1848 accordent une solide majorité aux réformistes, si bien que, le 7 mars 1848, le gouverneur Elgin demande à LaFontaine et à Baldwin de former un nouveau gouvernement. Le cabinet de LaFontaine, qui portera désormais le titre de premier ministre et que Baldwin reconnaît comme son chef, prête serment le 11 mars 1848.

Ce jour marque donc le début d'une ère nouvelle et le passage vers des gouvernements composés d'élus du peuple, responsables devant leurs pairs au Parlement et obligés d'avoir la confiance de la majorité d'entre eux pour continuer d'assumer le pouvoir exécutif. Aujourd'hui, 150 ans plus tard, il convient d'appliquer la devise du Québec, Je me souviens .


Affaires courantes

Alors, nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Dans le sens de votre déclaration présidentielle, strictement rappeler aux membres de cette Chambre un passage de M. Parizeau. Deux secondes. Je cite M. Parizeau:

«M. le Président, j'ai passé assez de temps en cette Chambre, d'abord, pour non seulement savoir à quel point la responsabilité ministérielle est un des éléments majeurs de notre système, mais apprendre aussi qu'on est responsable de tout, y compris de ce qu'on ne sait pas. C'est à la fois une certaine injustice mais la gloire de notre système parlementaire dans lequel nous vivons.»

M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article b du feuilleton.


Projet de loi n° 391

Le Président: Alors, à l'article b du feuilleton, M. le député de D'Arcy-McGee présente le projet de loi n° 391, Loi sur certaines pratiques de commerce interdites lors d'un état d'urgence. M. le député de D'Arcy-McGee.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Ce projet de loi a pour objet d'interdire à un commerçant ou fabricant qui exploite une entreprise de vendre ou d'offrir en vente un bien ou un service dont le prix est excessif lorsque le gouvernement a décrété un état d'urgence dans l'ensemble ou dans une partie du Québec, conformément à l'article 16 de la Loi sur la protection des personnes et des biens en cas de sinistre.

Le projet de loi prévoit que le prix d'un bien ou d'un service est présumé excessif lorsque le bien ou le service est vendu ou offert en vente à un prix supérieur de 20 % ou plus au prix le plus élevé auquel ce bien ou ce service a été vendu ou offert en vente dans les 12 derniers mois par un autre commerçant ou fabricant qui exploite une entreprise sur le territoire de la même région administrative décrétée en vertu de la Loi sur la division territoriale. Le projet de loi prévoit aussi que cette présomption ne s'applique pas s'il est établi que cette augmentation de 20 % ou plus n'est pas attribuable au commerçant ou au fabricant qui exploite une entreprise.

Enfin, le projet de loi prévoit que la personne qui a acheté ou qui a été privée d'un bien ou d'un service en raison de son prix excessif peut s'adresser au tribunal pour demander, en outre des frais judiciaires et extrajudiciaires, un remboursement égal au double de la différence entre le prix le plus élevé auquel ce bien ou ce service a été vendu ou offert en vente dans les 12 derniers mois par un autre commerçant ou fabricant qui exploite une entreprise sur le territoire de la même région administrative et le prix qu'elle a payé ou aurait payé, le cas échéant.

Finalement, le projet de loi prévoit que le commerçant ou fabricant qui exploite une entreprise et qui contrevient aux dispositions de la présente loi commet une infraction et est passible d'une amende d'au plus 10 000 $. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le député. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents


Rapport de mission du deuxième Forum des gens d'affaires francophones du Canada

Au dépôt de documents, je dépose le rapport de mission du deuxième Forum des gens d'affaires francophones du Canada, tenu à Winnipeg du 12 au 14 février dernier. Cette mission était sous la responsabilité de M. le député de Beauce-Nord.


Nouveau diagramme de l'Assemblée nationale

Je dépose également le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale, daté du 11 mars, c'est-à-dire d'aujourd'hui.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. M. le député de l'Acadie.


Renoncer aux compressions budgétaires dans le réseau des collèges

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 160 pétitionnaires, étudiants, citoyens et citoyennes, associés au collège de Bois-de-Boulogne.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le réseau collégial a assumé plus que sa part de rationalisation avec des compressions budgétaires de 200 000 000 $ depuis 1982, dont 136 000 000 $ depuis deux ans, entraînant, entre autres, de multiples pertes d'emplois;

«Considérant que toutes les catégories de personnel ont vu leur tâche augmentée et que les étudiants et étudiantes n'ont plus accès aux services auxquels ils seraient en droit de s'attendre;

«Considérant la hausse des frais exigés des étudiantes et étudiants au moment même où le régime de prêts et bourses devient de moins en moins généreux et accessible;

«Considérant que la qualité de la formation offerte aux élèves est essentielle tant à la réussite des élèves qu'au développement social, économique et culturel du Québec;

«Considérant que le Conseil du trésor projette d'imposer plus de 82 000 000 $ de coupures pour l'année 1998-1999;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès de la ministre de l'Éducation et du président du Conseil du trésor afin qu'ils renoncent à toutes nouvelles compressions budgétaires dans les cégeps.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: M. le Président, je solliciterais le consentement de l'Assemblée pour déposer une autre pétition non conforme.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je n'ai pas entendu parler qu'on avait une deuxième pétition. J'aimerais pouvoir être consulté avant de donner mon opinion, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Il s'agit sans doute d'une mésentente. À ce moment-là, on pourrait donner le temps au leader du gouvernement d'en prendre connaissance et l'on pourrait revenir demain.

Le Président: Ça va. Alors, au dépôt de pétitions, Mme la députée de Chicoutimi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, il a dit qu'elle était non conforme. Là, on me dit qu'elle est conforme. Je veux savoir.

Le Président: C'est parce qu'il y avait deux pétitions sur le même sujet, une conforme que le député vient de déposer et une non conforme pour laquelle il demande le consentement.

Des voix: Consentement.

Le Président: Alors, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 90 pétitionnaires, professeurs et membres du personnel non enseignant du collège de Bois-de-Boulogne.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Nous déplorons le fait que le secteur collégial a subi des compressions de 200 000 000 $ depuis 1982 et que le personnel a vu sa tâche considérablement augmentée;

«Nous déplorons aussi que les services aux étudiantes et étudiants soient compromis;

«De plus, nous jugeons inadmissible que les frais exigés d'eux soient augmentés et que, en parallèle, le régime de prêts et bourses soit moins accessible;

«Considérant que la qualité de la formation est essentielle à la réussite scolaire et au développement du Québec;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, réclamons que l'Assemblée nationale renonce aux compressions annoncées dans le secteur collégial.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

Le Président: Bien, cette pétition est également déposée. Mme la députée de Chicoutimi, maintenant.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Cesser les compressions budgétaires dans le domaine de l'éducation

Mme Blackburn: Merci. Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 10 000 pétitionnaires, parents du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que nous, les parents, croyons que les enfants sont l'avenir d'une société, d'un peuple;

«Considérant que leur éducation se doit d'être de première qualité;

«Considérant que nous n'avons pas le droit d'hypothéquer notre projet de société en coupant aussi directement et aussi aveuglément dans l'éducation de nos enfants;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, exigeons que cessent les coupures en éducation qui affectent nos enfants, notre avenir, votre avenir.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.


Questions et réponses orales

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Puisqu'il n'y a pas d'interventions à ce moment-ci portant sur une violation de droit ou de privilège, nous allons immédiatement aborder la période des questions et des réponses orales. M. le député de Verdun, en principale.


Compressions budgétaires dans le réseau des collèges

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Ils sont plus de 5 000 étudiants, professeurs, administrateurs, personnel de soutien des cégeps à manifester actuellement à l'extérieur du parlement. Ils manifestent pour maintenir et défendre la qualité de l'enseignement dans leur cégep. À l'intérieur de la province, ils sont plus de 10 000 étudiants, professeurs, administrateurs, personnel de soutien à manifester aussi pour maintenir la qualité de l'enseignement dans leur cégep.

(14 h 20)

Hier, M. le Président, je m'adressais à la ministre de l'Éducation et je lui soulevais à quel point les compressions successives imposées par le gouvernement du Parti québécois mettaient en péril nos cégeps. La ministre, comme c'est l'habitude des membres de ce gouvernement, a rejeté la faute encore une fois sur le fédéral.

Aujourd'hui, M. le Président, je pose la question: La ministre peut-elle s'engager à maintenir la qualité de l'éducation dans les cégeps et à déposer des crédits sans compressions dans le réseau collégial? Merci.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je vais reprendre à nouveau ce que je disais hier au député de Verdun: J'ai l'impression qu'on a littéralement volé le Québec de 620 000 000 $ qu'on va verser dans un fonds de bourses du millénaire, alors qu'on a fait ces économies sur notre dos. Et, moi, en conséquent... et notre gouvernement doit demander des efforts à son réseau. Et c'est inadmissible, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Et le député de Verdun – parce que nous avons l'occasion souvent de travailler ensemble – sait très bien que ce n'est pas de gaieté de coeur que je dois demander des efforts à l'ensemble des réseaux de l'éducation au Québec, parce que c'est un bien précieux que l'éducation, parce que ça reste un investissement essentiel dans une société.

M. le Président, effectivement, les efforts demandés à l'éducation cette année seront moins importants que ceux qui avaient été prévus, de un. De deux, nous n'avons jamais confirmé que l'effort demandé à l'enseignement collégial serait de l'ordre de plus de 80 000 000 $. Je suis d'accord d'ailleurs, M. le Président, que cet effort est trop important pour ce réseau. J'ai d'ailleurs proposé, depuis quelques temps déjà, que l'effort qu'on imaginait être de l'ordre de 80 000 000 $ ne soit pas celui-là mais soit moins significatif, préservant pour l'essentiel ce qui fait la qualité de ce réseau dont nous sommes particulièrement fiers, M. le Président.

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Alors, je comprends que ce n'est pas 80 000 000 $, c'est 62 000 000 $. La ministre prétend-elle devant cette Chambre qu'elle ne met pas en péril la qualité de l'enseignement collégial en imposant des compressions de 2 460 000 $ au cégep de Trois-Rivières, 2 400 000 $ au cégep Montmorency, 1 700 000 $ au cégep de Bois-de-Boulogne, 1 400 000 $ au cégep Saint-Jean-sur-Richelieu, 1 300 000 $ au cégep Lionel-Groulx, 2 000 000 $ au cégep Dawson, 800 000 $ au cégep de Granby, 600 000 $ au cégep de Matane, 2 400 000 $ au cégep de Rimouski, 220 000 $ au cégep Beauce-Appalaches, 1 700 000 $ en Abitibi, 3 000 000 $ à Sherbrooke, 1 750 000 $... Je pourrais continuer comme ça jusqu'à 62 000 000 $. 62 000 000 $, c'est déjà beaucoup trop à l'heure actuelle pour maintenir la qualité de l'enseignement à l'intérieur de nos cégeps.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, le député de Verdun présume de l'effort budgétaire demandé, puisque, dans les faits, et il l'a reconnu lui-même dans sa question, c'est lorsque les crédits seront déposés que nous saurons l'effort réel demandé. Je travaille pour que cet effort demandé, autant au réseau des cégeps qu'au réseau des universités qu'à l'ensemble du système de l'éducation du Québec, soit réaliste, réalisable et soit donc faisable, M. le Président, et raisonnable.

Le Président: M. le député.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que la ministre est consciente que ce que lui disent actuellement les gens du réseau, enseignants, professeurs, personnels de soutien et administrateurs, c'est: Compressions zéro, tolérance zéro, pour maintenir actuellement le niveau minimal de qualité dans les cégeps?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: J'imagine... Et je fais mon appel à nouveau au député de Verdun de même qu'à ses collègues pour qu'ils viennent appuyer la coalition du monde de l'éducation qui va demander à Ottawa qu'il y ait aussi coupures zéro dans la question des transferts.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en complémentaire.

M. Dumont: Oui, en complémentaire: Est-ce que la ministre va avoir le courage d'accompagner ses propositions de coupures de suggestions concrètes aux cégeps, aux directions des cégeps sur quoi couper? Parce qu'on est rendu à des fermetures de bibliothèques, on est rendu à couper le chauffage, à fermer les laboratoires, à arrêter de moderniser l'équipement. C'est là, aujourd'hui, avec la petite marge de manoeuvre que se sont gardée les cégeps, qu'ils en sont rendus. Est-ce que, elle, elle va leur faire des suggestions où couper, à l'heure où ils sont rendus?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, vous savez que, depuis que j'occupe cette fonction et cette responsabilité, d'une façon systématique je rencontre les représentants et les représentantes des institutions, des étudiants, des enseignants, je rencontre les représentants et les représentantes des élus au niveau des commissions scolaires ou ailleurs. Je suis très sensible aux difficultés que l'un ou l'autre a à assumer dans ses responsabilités comme décideur à l'éducation. Effectivement, dans le cas des efforts qui seront demandés à l'ensemble des réseaux, particulièrement à ceux qui dépendent essentiellement des fonds que l'État leur verse – et je pense, entre autres, aux cégeps – nous suggérerons des avenues pour leur permettre de venir à bout des efforts qui leur seront demandés.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Réorganisation des services hospitaliers dans la région de Québec

Mme Delisle: M. le Président, après avoir affirmé, le 5 juin dernier, qu'il n'est plus question de fermeture d'hôpitaux dans la région de Québec, on apprend aujourd'hui que deux autres centres hospitaliers sont menacés de fermeture dans la capitale. Notre région a déjà perdu trois hôpitaux: le Jeffery Hale, Chauveau, le Christ-Roi. Il faut ajouter à cette liste-là l'Hôpital du Saint-Sacrement que l'on vide petit à petit de ses services spécialisés pour en faire bientôt une coquille vide. Les citoyens que je représente, que représente l'ensemble de la députation de la région de Québec, dont le ministre de la Santé, ministre responsable de la région de Québec, ont le droit de savoir la vérité.

Le ministre de la Santé pourrait-il nous donner à nous, les députés en cette Chambre, aux citoyens et aux citoyennes de la région de Québec l'heure juste une fois pour toutes sur l'avenir qu'il réserve aux hôpitaux dans la région de la capitale?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, la Régie régionale de Québec, avec le ministère et les établissements hospitaliers, est à compléter, d'ici le mois de juin, ce que sera la carte finale de la répartition des responsabilités de services entre les hôpitaux pour la région de Québec et, à certains égards, pour les soins de surspécialités, pour les régions au nord-est du Québec qui sont tributaires de l'aire de rayonnement des hôpitaux universitaires de Québec. Je peux vous dire que c'est des travaux qui avancent très bien, qu'il y aura une complémentarité de services pour assurer un accès à ce dont les gens ont besoin.

Quant à ce qui a été dit dans un journal de Québec de ce matin, qu'il y aurait deux hôpitaux menacés de fermeture, je n'ai même pas pu identifier quelle pouvait être la source de cette rumeur. C'est une rumeur, ça ne correspond à aucune réalité et, dans la réorganisation des établissements, il n'est pas du tout question de fermer des hôpitaux à Québec, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, le ministre réalise-t-il que c'est exactement ce qu'il a répondu à chaque fois que la question lui a été posée sur les fermetures d'hôpitaux, région de Montréal ou région de Québec? Réalise-t-il ça?

Deuxièmement, est-ce que le ministre pourrait, s'il vous plaît, répondre à la question suivante: Est-ce qu'il pourrait nous dire lequel des hôpitaux dans la région de Québec va payer le prix pour son très grand rêve de voir la région de Québec se doter d'un mégacentre hospitalier plutôt que d'avoir des hôpitaux qui donnent des services spécialisés dans les secteurs où les citoyens sont habitués d'aller chercher les services?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Je pense que c'est une autre question, M. le Président. Là, je ne sais pas si la députée veut qu'on remonte au déluge, on pourra le faire si elle le veut, mais, partout en Amérique du Nord et dans les pays industrialisés et développés, les soins spécialisés et les soins surspécialisés dépendent maintenant des établissements qui regroupent des ensembles assez importants, de sorte qu'on ait les regroupements d'équipes spécialisées et d'équipements qui sont modernes et qui peuvent donner les soins auxquels la population a droit et dont elle a besoin.

(14 h 30)

Le plan, à cet égard, à Québec comme au Québec, est très clair. Les centres hospitaliers universitaires qui ont été la source de regroupement d'hôpitaux qui existaient auparavant, c'est depuis deux ans qu'ils sont créés. Ils sont en organisation, ils sont en formation, et les réseaux universitaires, soit d'instituts ou d'établissements affiliés autour des centres hospitaliers universitaires, sont à compléter l'équilibrage de leurs services, présentement.

Alors, il n'y a rien de nouveau qui recommence. La députée doit avoir réalisé qu'elle recule à il y a plus de deux ans, où ces décisions-là ont été prises. Elles sont présentement mises en application et on commence à voir le résultat final de ça. Alors, il ne faudrait pas ressortir les vieux fantômes avec lesquels on a tenté de courir il y a deux ans, il y a trois ans. C'est l'histoire du passé, ça, M. le Président.

Le Président: En principale, Mme la députée de Jean-Talon.


Projet de mégacentre hospitalier dans la région de Québec

Mme Delisle: M. le Président, en principale. Le ministre vient de nous dire que tout ce qui se passe actuellement, la configuration du réseau, émane de la Régie régionale du ministère de la Santé. Est-ce qu'il pourrait avoir le courage aujourd'hui de nous dire que c'est lui qui téléguide, c'est lui qui décide ce qui se passe actuellement? Puis on ne retourne pas deux ans en arrière, on parle d'aujourd'hui, sur le terrain. On n'a pas besoin d'être député pour s'apercevoir de ce qui se passe dans le réseau. Est-ce qu'il pourrait avoir le courage de dire que c'est son rêve, c'est sa décision, d'avoir un mégacentre dans la région de Québec puis que ça va finir par être ça, plutôt que de nous dire qu'au mois de juin peut-être on va apprendre quelque chose?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, est-ce que les gens de l'opposition pourraient se faire une ligne commune? En juin, ils ont passé des heures et des heures, sur un projet de loi de trois articles, à me reprocher de me délester de mes responsabilités, de trop déléguer, de ne pas prendre de décisions, de tout remettre ça aux régies, aux établissements, puis là on vient me reprocher de tout décider seul et de tout téléguider. Il faudrait qu'ils se fassent une idée, à un moment donné.

Alors, M. le Président, je vais vous dire ce que j'ai dit de façon constante, je pense, à travers tout ça. Oui, le ministre prend des décisions, il prend des décisions qu'un ministre doit prendre sur les politiques, sur les orientations, sur les critères et les paramètres qui doivent être appliqués pour qu'il y ait une accessibilité et une équité pour tous les citoyens et les citoyennes du Québec, les régies régionales prennent leurs responsabilités de coordination et les établissements s'assurent de bien rendre les services. Quand chacun joue bien son rôle, qu'il n'est pas trop perturbé par les rumeurs ou les empêcheurs de tourner en rond, ça va pas mal mieux, M. le Président.

Le Président: M. le député d'Orford, en principale.


Politique économique et création d'emplois

M. Benoit: Oui, M. le Président. Le 16 février 1998, Mme Diane Wilhelmy, secrétaire du comité au suivi du Sommet sur l'économie, nous rappelle, dans son rapport, les faits saillants suivants: que la croissance sur l'emploi affiche un retard, que les intentions d'investissements sont à la baisse, que l'effort fiscal est de 7 % plus élevé au Québec qu'en Ontario, que le revenu net disponible de nos concitoyens au Québec est de moins 2 % depuis 1995. En d'autres mots, alors que les gens du continent nord-américain s'enrichissent, au Québec, nos concitoyens s'appauvrissent. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, depuis trois ans et demi, avait une façon de gouverner. Quand allez-vous déposer une vraie politique économique, une politique qui créera pour nos concitoyens et concitoyennes cette richesse individuelle et collective?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'ai une très grande reconnaissance envers le député de me donner la chance, puisqu'il a donné quelques chiffres sur trois ans, de lui donner en matière positive ce qui est le symétrique inverse de ma litanie des taxes des libéraux. Vous savez, vous ne l'aimez pas, hein, ma litanie! Parce qu'ils en ont mis pour 10 000 000 000 $ dans cinq ans et ils nous ont fait un tort considérable, non pas irréparable, puisque nous sommes en train de le réparer.

Alors, là, j'ai une litanie positive. J'espère qu'elle vous plaira davantage, M. le Président. Je vais vous donner un certain nombre d'indices – vous avez parlé d'indices sur trois ans – qui disent ce qu'est l'économie du Québec d'aujourd'hui, ce qu'est 1997 et ce que sera 1998: ventes au détail, meilleure performance en 10 ans; ventes des grands magasins, meilleure performance en 14 ans; ventes d'automobiles, meilleure performance en 12 ans; salaires et traitements, meilleure performance en huit ans; indice d'offres d'emplois, meilleure performance en 10 ans; confiance des ménages, meilleure performance en 14 ans; investissements non résidentiels, meilleure performance en huit ans; et la plus essentielle, emplois, meilleure performance en 10 ans.

Le Président: M. le député.

Des voix: Bravo!

M. Benoit: Dans sa litanie, le ministre pourrait-il ajouter, M. le Président, la fermeture des Zellers, 379 jobs; la faillite de...

Le Président: M. le député d'Orford.

M. Benoit: Est-ce que le ministre, dans sa litanie, pourrait ajouter la fermeture de Zellers, la fermeture de Greenberg? Et puis-je lui demander, M. le Président: Qu'est-ce qu'il va faire pour arrêter la mise à pied de 200 emplois chez General Motors? Qu'a-t-il l'intention de faire en ce qui a trait à la mise à pied de plus de 270 personnes chez Beloit Huot, à Sherbrooke? Qu'a-t-il l'intention de faire dans Owens Corning, 265 emplois? Et je pourrais continuer; nous en avons quatre pages, ici, de compagnies qui ont fermé ou qui sont après fermer au Québec, M. le Président.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): On voit bien, M. le Président, que le député ne veut pas de réponse. Parce que, pour chaque item qu'il a dit, j'ai l'intention de faire tellement de choses que, si je les lui disais, ça prendrait toute la période de questions. Mais à voir...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Des fois, il y a quelques consolations dans la vie publique, et une des plus belles que j'ai, c'est que notre gouvernement ait été tellement efficace pour compenser des fermetures, réaliser, comme dans le cas de Kenworth, des réouvertures que tout le monde considérait comme impossibles. La consolation que j'ai, c'est qu'il y a une fermeture d'usine dans un de leurs comtés, ils viennent me voir le lendemain pour essayer de répéter l'exploit et les exploits qu'on a eus dans des dizaines d'autres endroits.

Et je les invite à continuer à faire cela, parce que, d'une façon responsable... Et c'est le total qui compte. Je vous l'ai dit, on a eu la meilleure performance de création d'emplois en 10 ans. Vous, en cinq ans, vous vous rappelez, vous en aviez créé zéro, en cinq ans, zéro! Meilleure performance en 10 ans!

Le Président: Puis-je vous rappeler que, quand on s'interpelle de la façon dont plusieurs le font actuellement, ça peut être même comique ici, sauf que les gens qui suivent la période de questions ne comprennent absolument rien; la seule chose qu'ils comprennent, c'est que ce n'est pas ça qui devrait se passer.

Alors, à ce moment-ci, je voudrais vous rappeler qu'une des exigences de notre métier, c'est d'avoir la couenne dure, d'un côté ou de l'autre, et d'être capable d'encaisser ce qui est dit par l'adversaire. Alors, à ce moment-ci, le seul qui a la parole, c'est le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): C'est vrai, M. le Président, que c'est très néfaste, les interruptions, mais ça m'a quand même donné le temps d'aller revérifier mes chiffres, et c'est vraiment zéro.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): De 1989 à 1994, zéro emplois. Durant la même période au Canada, plus 206. Donc, ils n'ont pas l'excuse de la conjoncture; si ça s'était effondré partout, mais c'est chez eux et par eux que ça s'est effondré. Et c'est le net, ça, évidemment. Ça veut dire que, quand les libéraux étaient là, il s'est créé des emplois, il s'en est perdu, le net est zéro.

Maintenant que nous sommes ici, nous sommes toujours... S'ils m'interrompent encore, je vais aller vérifier plus profondément.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Vous allez approcher la longueur de votre litanie, M. le ministre. Alors, en terminant, s'il vous plaît.

(14 h 40)

M. Landry (Verchères): Brièvement, puisque ce n'est même pas nécessaire de le rappeler. Dans une économie décentralisée, qu'on appelle aussi une économie de marché, une économie capitaliste, il se perd des emplois et il s'en crée. Sous les mauvais gouvernements, le total est zéro; sous les bons, c'est la meilleure performance en 10 ans.

Le Président: M. le député.

M. Benoit: Est-ce que le ministre nous parle de la même usine Kenworth que je passe, en passant sur l'autoroute des Laurentides, où il n'y a pas encore une planche de déplacée, où il n'y a pas un camion, où il n'y a pas une auto? Combien d'emplois a-t-il créé aujourd'hui à Kenworth, après les grands sparages du ministre?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Il me semblait que le député venait d'un milieu d'affaires. Ce n'est pas ce que sa question indique. La société Kenworth, qui est devenue depuis, d'ailleurs, par une acquisition européenne, le plus grand fabricant de camions du monde, est en train de doter le Québec et Boisbriand de la meilleure usine de camions au monde. Et, pendant qu'on construit l'usine, malheureusement on ne fait pas de camions.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui. M. le Président, si le gouvernement du Parti québécois a été si efficace en matière de création d'emplois, comme l'a dit le ministre, comment peut-il expliquer qu'au cours des trois premières années, 1995, 1996, 1997, le Québec n'a créé que 16 % de tous les emplois créés au Canada et qu'en matière d'investissements privés, pour la même période, le Québec n'a reçu que 17 % de tous les investissements privés au Canada? Comment le ministre peut-il expliquer son efficacité?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): L'aveu de la partie adverse, je le redis, est toujours la preuve la plus forte. Il vient de dire qu'on a créé 16 % de tous les emplois au Canada. Eux autres, en cinq ans, ils en ont créé zéro sur 206 000. Ça fait quoi comme pourcentage, ça?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre est au courant que, pour la période où le gouvernement libéral a été au pouvoir, pendant les neuf ans, le Québec a créé 19 % de tous les emplois au Canada, presque 20 %, et que c'est le même chiffre également pour les investissements, c'est-à-dire beaucoup plus que le Parti québécois l'a fait pendant ces trois ans?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Écoutez, je pense que... Imaginez-vous, M. le Président, jusqu'à maintenant, je faisais mes recherches moi-même, mais là on m'envoie des résultats qui viennent d'ailleurs. Ça doit être encore pire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, un indice tragique du dysfonctionnement d'une économie, c'est l'aide sociale. Bien, il y a 60 000 adultes de moins qui dépendent de l'aide sociale ou de leur assurance-emploi aujourd'hui. C'est ça, des résultats concrets. En 1997 seulement, 48 000 nouveaux emplois. Le taux de chômage est en baisse. Vous vous souvenez qu'on a connu 14 % dans la période à laquelle vous avez référé? On était à 10,4 % avant le verglas, donc une baisse de 4 % du taux de chômage. Évidemment, il y a eu les chiffres de verglas qui ont été catastrophiques, mais... Il y a eu des chiffres aberrants.

Des voix: ...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): En conclusion, ça va être toujours des chiffres qui vont leur faire mal. Après six années consécutives de recul des investissements totaux au Québec – parce que l'investissement, c'est ça qui crée l'emploi, ce n'est pas nécessaire de le préciser – entre 1989 et 1995, nous avons repris le chemin de la croissance avec des augmentations de 7,2 % en 1996 et de 8,3 % en 1997. C'est ça qui fait la force de l'économie et c'est ça qui fait son avenir.

Je termine en rappelant – ça, tout le monde l'a vu, c'était dans les statistiques – que Statistique Canada indiquait la semaine dernière que le Québec devrait, en 1998, faire mieux que l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Canada, avec une croissance des investissements totaux de 8,4 %. Voilà un climat, voilà une stratégie, voilà un contexte économique quand un gouvernement s'occupe de son affaire.

Le Président: M. le député de LaFontaine.


Fermeture de l'usine Norampac à Pointe-aux-Trembles

M. Gobé: La compagnie Cascades, de Pointe-aux-Trembles, propriétaire de l'usine Norampac, a fermé son usine d'une manière brutale et sauvage la semaine dernière, mettant à pied 175 travailleurs et travailleuses, dont certains avaient 30 ans et plus d'ancienneté.

On sait, M. le Président, que d'autres entreprises ont offert de racheter les installations plusieurs mois avant la fermeture de Norampac. Le propriétaire, soit Cascades, a décliné ces offres, déclarant publiquement qu'il préférait fermer l'usine que de la vendre à un compétiteur.

Ma question au ministre de l'Industrie et du Commerce: M. le ministre, avez-vous l'intention de rencontrer rapidement les frères Lemaire, propriétaires de Cascades, afin de les convaincre de vendre cette usine à d'autres entreprises afin de sauver les emplois et les travailleurs de l'est de Montréal, et en particulier de Pointe-aux-Trembles?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Bien sûr que j'ai l'intention de les rencontrer. Je vais leur rappeler, d'ailleurs, que vous avez qualifié leur attitude de «brutale et sauvage». Mais j'essaierai quand même de les persuader, en dépit de cela, de vous rencontrer aussi. Vous pourrez assister aux rencontres. Ça vous donnera une idée comment on fait quand on travaille fort pour relancer une usine.

J'ai déjà une équipe au travail, à la demande du député, d'ailleurs. C'est le député qui me pose la question qui m'a alerté à ce phénomène malheureux. Je l'en remercie. J'ai mis une équipe au travail immédiatement; il le sait, ils ont pris contact avec lui encore hier, je crois. Il m'a demandé de les rencontrer personnellement, ce qui prouve ce que je vous ai dit plus tôt, et je vais le faire, mais je vais le faire quand ce sera le temps, quand il y aura une ébauche de projet qui sera faite.

Entre-temps, soit mes collaborateurs ministériels ou de la fonction publique les verront et verront le député afin de préparer une chose vraiment efficace, sans toutefois laisser, je le dis par respect pour les travailleurs et travailleuses, de faux espoirs. Le gouvernement s'engage à faire tout ce qu'il peut pour relancer cette activité industrielle.

Le Président: M. le député.

M. Gobé: Est-ce que le ministre ne conviendra pas que les mots «brutale» et «sauvage», pour des travailleurs de 30 ans d'expérience qui ont été avisés une heure avant de quitter les lieux, ne se justifient pas? M. le Président, s'il est vrai qu'il a rencontré déjà les citoyens ou qu'il a rencontré les frères Lemaire, pourquoi est-ce que son bureau n'a pas communiqué avec moi? Ça fait deux semaines et demie que j'ai envoyé une lettre, ça fait deux semaines que j'ai parlé au ministre, qui, en effet, a bien répondu. Qu'est-ce que son bureau fait? Est-ce que, lui, il dit une chose et, eux autres, ils ne font rien dans le bureau? Qu'attendent-ils pour nous appeler, et le syndicat et le député?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): C'est parce que souvent, M. le Président, et c'est le lot de l'opposition, vous, vous êtes dans l'univers de la communication, et ça, c'est facile. Nous, on est dans l'univers du travail sur les dossiers et on aime mieux travailler sur les dossiers que de communiquer avec vous quand on n'a aucun résultat positif à vous donner jusqu'à ce jour. Mais, quand on en aura par notre travail et non pas par notre communication, on communiquera avec vous.

Le Président: M. le député de Shefford, en principale.


Aide aux entreprises victimes de la crise du verglas

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Les milliers de PME victimes de la tempête de verglas tirent le diable par la queue présentement. Quelques annonces de programmes ont été faites: un premier programme permettant de contracter un emprunt; à l'usage, on a vu que le programme n'est pas efficace; un deuxième remboursant les frais de location de génératrices, d'essence et de pertes d'inventaire. Cependant, rien n'a été fait pour vraiment sauver les emplois présentement en danger, particulièrement chez les petits commerçants, qui trouvent qu'il y a beaucoup plus d'annonces de programmes que de commerces à réellement aider.

(14 h 50)

Ma question au premier ministre: Sachant que son gouvernement a injecté 400 000 000 $ dans le plan Paillé pour des emplois hypothétiques avant le référendum, ne croit-il pas qu'il serait sage d'investir pour protéger les 45 000 vrais emplois en danger après la crise du verglas?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Pour le plan Paillé, il me semble qu'on avait réglé ça la dernière fois, à propos du Cirque du Soleil. On pourra peut-être en reparler, mais on va se concentrer, là, sur ce qui a été une tragédie pour sa région, et la région de la Montérégie en particulier.

Je dois dire d'ailleurs – le député l'a peut-être su par les journaux – que je suis allé dans son propre comté pour assister à l'annonce, avec l'aide du gouvernement, d'ailleurs, d'une expansion chez Hafner. Et Hafner, d'ailleurs, sur le plan psychologique, a agi vite. On me dit que c'est l'entreprise du Québec qui a le mieux réagi, en termes économique et social, à la crise du verglas. Il y en a peut-être d'autres, mais je n'ai pas été informé.

Ils ont traité leurs travailleurs d'une façon exemplaire. Ils ont rapidement fait venir des génératrices, la production n'a presque pas été affectée. Et, quelques semaines après, ils ont annoncé un investissement supplémentaire qui les positionne au mieux dans le marché nord-américain. Alors, ça veut dire que, verglas pas verglas, il y a des gens qui ont les yeux en face des trous et qui créent des emplois et qui continuent l'expansion.

Pour les autres, frappés négativement, vous le savez, notre gouvernement a mis de l'avant deux programmes, que vous avez mentionnés, plus un programme conseil, plus l'ouverture de 22 centres régionaux pour dialoguer avec les entreprises. Mais il y a eu, effectivement, un os majeur: contrairement à ce que le gouvernement fédéral a fait à Terre-Neuve et au Manitoba et qu'il avait fait pour l'inondation du Saguenay–Lac-Saint-Jean, il a, de façon intempestive, unilatérale et maladroite, lancé son propre programme, qui est une catastrophe.

Il a fait passer ça par les comptables agréés – vous l'avez vu, M. le député et M. le Président? – alors que les trois quarts des PME n'ont pas de comptables agréés; elles ont des RIA, des CGA et des CMA. Un cafouillage remarquable! Alors, je déplore que les PME, qui ont été bien servies par nos programmes, ne l'aient pas été comme elles auraient dû par le programme fédéral. Et la correction, elle est simple: qu'ils confient à nos guichets uniques et efficaces l'argent fédéral, puis vos commettants vont être remboursés et vite.

Le Président: M. le député de Shefford.

M. Brodeur: M. le Président, le ministre peut-il s'engager tout simplement aujourd'hui à déposer, de façon hebdomadaire, la liste des demandes faites par les entreprises ainsi que les montants et les sommes déboursés dans le cadre des programmes du gouvernement du Québec?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): À première vue, je pense que ça ne serait pas bien de faire ça et que vos entreprises – vous êtes une patrie de PME, à Granby en particulier – vous le reprocheraient. Parce que, si je déposais en Chambre la liste des demandes et des dommages, je ne suis pas sûr qu'aux yeux de la concurrence et de la clientèle les entreprises seraient contentes. Je vais étudier la question.

Le Président: M. le député de Shefford.

M. Brodeur: M. le Président, le ministre est-il conscient que, tout simplement, les entreprises demandent le dépôt? Elles veulent savoir si les sommes sont déboursées, tout simplement pour savoir si les annonces qui ont été faites ne font tout simplement pas partie du spectacle?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Ça fait quelques temps que je travaille dans l'univers de la PME et de la grande entreprise aussi, et je n'en ai jamais vu jusqu'à ce jour qui aimaient donner leur comptabilité en spectacle. Alors, c'est pour leur éviter cette horreur que vous me permettrez de réfléchir un peu à votre suggestion qui, à première vue, me paraît insensée.

Le Président: Mme la députée de Beauce-Sud.


Réalisations en matière d'allégement réglementaire

Mme Leblanc: En septembre dernier, le gouvernement mettait sur pied un groupe-conseil en matière d'allégement réglementaire. Or, six mois plus tard, le groupe vient à peine de déposer la liste des sujets qui feront l'objet d'une étude et éventuellement de recommandations au premier ministre.

M. le Président, sachant que la réglementation abusive coûte annuellement aux Québécois, selon l'OCDE, 10 % de leur PIB, soit 20 500 000 000 $, et que cette situation est inacceptable, ma question au premier ministre est la suivante: Le premier ministre reconnaît-il qu'après trois ans et demi au pouvoir, deux discours d'assermentation, un engagement budgétaire, deux sommets socioéconomiques, deux rapports de consultation – Charbonneau et Saucier – un groupe-conseil sur la déréglementation, le Québec fait toujours figure d'enfant pauvre en matière d'allégement réglementaire, alors que la majorité des provinces canadiennes et des pays industrialisés ont adopté des politiques sérieuses en cette matière et que, de plus, cette inertie nuit aux entreprises du Québec?

Une voix: Ah!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, avant de répondre à la question, vous me permettrez, au nom du gouvernement et des députés ministériels, de saluer avec respect et reconnaissance un des grands artisans de l'épanouissement du Québec moderne, le révérend père Georges-Henri Lévesque.

La députée a parfaitement raison, M. le Président, de souligner la nécessité d'alléger la réglementation à une époque où la libéralisation des marchés, où la concurrence la plus vive requièrent des entreprises qu'elles soient flexibles, qu'elles soient rapides, et que les décisions ne soient pas empêtrées par des intrusions gouvernementales. C'est pourquoi nous avons agi avec beaucoup de célérité, beaucoup de rigueur dans ce dossier.

Nous avons diminué considérablement le nombre de règlements adoptés, nous avons imposé, comme étape préalable à l'adoption de tout nouveau règlement, une référence de ce règlement à un comité qui détermine si véritablement nous en avons besoin, de ce règlement. Nous avons en plus mis en place ce groupe de gens qui viennent de tous les milieux, en particulier du monde des affaires, des noms éminents de l'activité socioéconomique au Québec, qui ont tracé un plan d'intervention systématique pour réviser l'ensemble de la réglementation, déterminer les secteurs prioritaires où il faut agir avec rapidité et faire en sorte que nous allons séparer le bon grain de l'ivraie.

Parce qu'il y a de la réglementation qui est bonne, il y a des règlements qui permettent l'activité économique, qui la favorisent et qui sont nécessaires. Il faut donc faire la distinction, il faut faire ça avec beaucoup de doigté mais avec beaucoup de rigueur, et c'est ce que nous faisons, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Leblanc: Est-ce que le premier ministre, malgré tous ses beaux discours, peut admettre en cette Chambre que non seulement son gouvernement ne déréglemente pas, mais que depuis 1994 il y a encore une prolifération de règlements, une multitude de formulaires à remplir, une absence de coordination entre les ministères, des délais trop nombreux pour l'émission des permis – le ministre de l'Environnement en sait quelque chose – et autres certificats d'autorisation, et que, en plus d'affecter la productivité de nos entreprises, ça se traduit aussi bien souvent par une augmentation des coûts pour les consommateurs? Quand est-ce que le premier ministre va passer aux actes?

Une voix: Bon!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ce que la députée vient de dire – les lenteurs administratives, les longs délais d'autorisation – est une description parfaitement fidèle de ce qui se passait sous le régime libéral.

M. le Président, j'inviterai la députée à rencontrer le groupe qui est en train de faire le ménage de la réglementation; nous allons lui montrer les statistiques. Elle verra que les délais se raccourcissent partout, que nous avons simplifié les procédures à peu près partout, que dans le domaine de l'environnement, qu'elle a cité en particulier, nous arrivons maintenant à émettre des certificats d'autorisation beaucoup plus rapidement qu'avant, nous faisons en sorte que les projets puissent décoller dans le temps requis. Et je voudrais, au-delà de la démagogie, M. le Président, qu'on reconnaisse que, s'il y a une chose qu'on fait bien, c'est celle-là en particulier.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en principale.


Rémunération des nouveaux employés dans les municipalités

M. Béchard: Oui. M. le Président, l'étude réalisée à la demande de M. Jacques Grand'Maison, de l'Université de Montréal, révèle que les municipalités et leurs syndicats, devant le pelletage du ministre des Affaires municipales, ont eu recours à des clauses orphelin – c'est-à-dire que, pour un même emploi, les nouveaux ont des conditions qui les désavantagent par rapport à ceux qui ont déjà le même type d'emploi – pour transférer aux jeunes et aux futurs travailleurs et travailleuses le prix à payer du pelletage du gouvernement péquiste dans les municipalités. En effet, selon cette étude, c'est 65 % des ententes examinées qui contiennent ces clauses injustes et discriminatoires pour les jeunes.

(15 heures)

M. le Président, est-ce que le ministre du Travail peut nous dire ce qu'il a fait dans tout ce dossier de négociations pour résister à la tentation du premier ministre et du ministre des Affaires municipales de faire indirectement supporter aux jeunes ces coupures, ce qui provoque et ce qui vient créer, encore une fois, un élargissement du fossé entre les jeunes et les autres générations, M. le Président?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, c'est sûr que la question des clauses orphelin me préoccupe beaucoup. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion à de multiples occasions de rencontrer des groupes qui sont venus m'expliquer les problèmes que pouvaient vivre les jeunes qui arrivent sur le marché du travail. On les a écoutés avec beaucoup d'attention et beaucoup de respect. D'ailleurs, je dois dire au député de Kamouraska-Témiscouata que les jeunes de notre parti se préoccupent également au plus haut point de toute cette question et que, lors de notre dernier Conseil national, il y a eu une résolution de votée à cet effet.

J'ajouterai peut-être, pour l'information du député, que nous avons des lois du travail au Québec et qu'il est toujours permis aux employeurs et aux travailleurs de négocier entre eux des dispositions relatives aux clauses orphelin. Je terminerai, M. le Président, en informant cette Chambre qu'actuellement nous avons un comité d'étude qui est en train d'examiner toute la question. J'estime que les clauses orphelin ont un aspect discriminatoire, et on va s'en occuper, alors que, eux autres, en 1985, ils avaient mis ça à leur programme électoral; ils n'en ont jamais soufflé un mot. Nous, on va essayer de le régler.

M. Béchard: En principale.

Le Président: En principale, M. le député.


Utilisation de clauses orphelin par les municipalités

M. Béchard: Principale. M. le Président, est-ce que le ministre, juste pour mettre les faits, pourrait aller voir puis se rendre compte qu'entre 1990 et 1994 les clauses orphelin, sous le gouvernement libéral, avaient diminué de moitié, alors que, présentement, ce que lui nous dit, c'est qu'il est sensible, qu'il est préoccupé, que ça lui fait mal mais qu'il ne fera rien? Pendant ce temps-là, il y a 65 % des ententes signées qui en contiennent. Bien, au-delà d'être préoccupé, est-ce qu'il peut intervenir dans le dossier pour régler ça?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, évidemment le député du Témiscouata-Kamouraska ne sait peut-être pas ce que son parti a fait avant qu'il arrive, hein? Ce qu'ils ont fait, c'est à peu près rien. Nous, ce qu'on vous dit, c'est que, même si je vous prête de bonnes intentions et que vous avez réglé 35 % à 40 % du problème, nous, ce qu'on a l'intention de faire, c'est de le régler correctement et une bonne fois pour toutes.

Le Président: M. le député.

M. Béchard: Touché par les bonnes intentions du ministre, M. le Président, est-ce qu'il pourrait tout simplement nous dire combien de temps ça va prendre encore avant qu'il règle le problème?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, les libéraux ont pris neuf ans puis ils n'ont rien fait. Nous, on est en train d'examiner l'ensemble de la question...

Des voix: ...

Le Président: En terminant, M. le ministre.

M. Rioux: Neuf ans pour ne rien faire, et, nous, la moitié moins de temps pour le régler.

Le Président: M. le député.

M. Béchard: Est-ce que le ministre est conscient, M. le Président, qu'il y a une différence entre régler 40 % du problème puis en créer 65 % de plus, du problème, comme ils font actuellement? On en a réglé 40 %; eux, ils en recréent un 65 %. Bien, on est encore pire que ce que c'était avant.

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, je ne peux pas prendre au sérieux les chiffres que vient d'évoquer le député du Témiscouata-Kamouraska. Ce que je dis, c'est que présentement on est en train d'examiner l'ensemble de la question. Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre va émettre un rapport et une opinion là-dessus, et, le moment venu, le gouvernement va prendre ses responsabilités, et on va le régler, le problème.

Le Président: Alors, cela met fin à la période des questions et des réponses orales pour aujourd'hui.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée...

Le Président: M. le leader adjoint, je vous demanderais d'attendre quelques instants. Alors, que les collègues qui doivent quitter l'enceinte du salon bleu le fassent maintenant et rapidement. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Procéder à l'étude du projet de règlement sur le contenu et la forme du rapport sur un programme d'équité salariale ou de relativité salariale

M. Boulerice: Oui, alors, M. le Président, comme je vous le disais tantôt, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'économie et du travail procède à l'étude du projet de règlement sur le contenu et la forme du rapport relatif à un programme d'équité salariale ou de relativité salariale complété ou en cours, tel que requis par l'article 114 de la Loi sur l'équité salariale;

«Que cette étude s'effectue le jeudi 19 mars 1998, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.»


Mise aux voix

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion? Il y a consentement? Très bien. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.


Dépôt du document intitulé Propositions de modifications au règlement et aux règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale

Le Président: Très bien. En ce qui me concerne, je dépose un document intitulé Propositions de modifications au règlement et aux règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale visant à reconduire les modifications apportées le 19 décembre 1997 concernant l'horaire de l'Assemblée et celui des commissions, la dénomination, la compétence et la composition des commissions ainsi que des affaires inscrites par les députés de l'opposition. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le vice-président et député de Chauveau.


Motion proposant de modifier le règlement et les règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale

Le Vice-Président (M. Brouillet): «Que le règlement et les règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale soient modifiés par les dispositions contenues dans le document intitulé Propositions de modifications au règlement et aux règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale déposé aujourd'hui par le président de l'Assemblée nationale;

«Que ces modifications soient en vigueur dès l'adoption de la présente motion jusqu'au mercredi 21 octobre 1998, et ce, malgré une clôture de la session;

«Que ces modifications soient rapportées au procès-verbal de l'Assemblée comme faisant partie de la présente motion.»


Mise aux voix

Le Président: Oui, M. le vice-président. Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 116 du règlement? Il y a consentement? Alors, est-ce que la motion d'adoption de ces modifications au règlement est adoptée? Elle est adoptée. Très bien.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons passer aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que demain, le jeudi 12 mars 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des affaires sociales, quant à elle, poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 404, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, demain, le jeudi 12 mars 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Très bien. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira aujourd'hui, le mercredi 11 mars, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est d'entendre le sous-ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la durée des séjours et la pertinence des hospitalisations.

Je vous avise également que la commission de l'administration publique va se réunir demain, le jeudi 12 mars, de 9 h 30 à 10 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine de l'hôtel du Parlement, et l'objet de cette séance est de procéder à la vérification des engagements financiers du Directeur général des élections.

Enfin, je vous informe que la commission de l'économie et du travail se réunira en séance de travail, demain, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement, afin de procéder à l'examen de diverses affaires.

(15 h 10)

Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, ça va.


Affaires du jour

Alors, nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je demande le consentement pour procéder à l'adoption du un douzième des crédits de l'aide sociale.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Oui. Alors, il y a consentement. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je vous demanderais de reconnaître le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

Le Président: Alors, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, un message de Son Honneur la lieutenant-gouverneur du Québec, message signé de sa main.


Message du lieutenant-gouverneur

Le Président: Très bien. Alors, je dépose ce document. En fait, d'abord le document est le suivant – je dois le lire: «L'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec soumet à l'Assemblée nationale, conformément aux dispositions de l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, une partie des crédits pour l'année financière se terminant le 31 mars 1999, représentant 10,2 % des crédits du programme Mesures d'aide financière du portefeuille Emploi, Solidarité et Condition féminine et 11 % des crédits du programme Prestations familiales du portefeuille Famille et Enfance, soit une somme de 414 500 000 $, et recommande ces crédits à la considération de l'Assemblée.» Et c'est signé par l'honorable Lise Thibault.

Alors, je dépose ce document, et veuillez vous asseoir.


Dépôt du projet de loi n° 408

Est-ce qu'il y a consentement pour que l'Assemblée déroge de la procédure relative à l'étude des crédits? Il y a consentement. M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances propose la présentation du projet de loi n° 408, Loi n° 1 sur les crédits 1998-1999. Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de ce projet de loi? Il y a consentement. Alors, M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, ce projet de loi a pour objet d'autoriser le gouvernement à payer sur le fonds consolidé du revenu une somme de 414 500 000 $ représentant 10,2 % des crédits du programme Mesures d'aide financière du portefeuille Emploi, Solidarité et Condition féminine et 11 % des crédits du programme Prestations familiales du portefeuille Famille et Enfance. Cette somme apparaîtra au budget des dépenses du Québec pour l'année financière 1998-1999.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, suite à une entente avec l'opposition officielle, il a été convenu que le porte-parole de l'opposition prendra la parole pendant 10 minutes, suivi d'une intervention de 10 minutes de la part de la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte de donner suite à cette entente intervenue entre les leaders? D'accord. Normalement, je devrais céder la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. Je crois qu'il s'est absenté quelques instants.

M. Lefebvre: Il va être de retour dans quelques secondes.

Le Président: Alors, nous allons suspendre les travaux quelques instants.

M. Lefebvre: Si on pouvait suspendre quelques minutes, oui.

(Suspension de la séance à 15 h 14)

(Reprise à 15 h 20)


Adoption du principe et adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous reprenons les affaires du jour et nous cédons maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, nous sommes devant l'étape d'adoption du projet de loi n° 408, Loi n° 1 sur les crédits 1998-1999, Bill 408, Appropriation Act No. 1 1998-99. M. le Président, si j'ai bien compris l'objet du projet de loi, il s'agit d'autoriser le gouvernement essentiellement à émettre des chèques de la sécurité du revenu, les chèques de l'aide sociale, à partir du 1er avril 1998, parce que l'année financière achève, et également les chèques pour la prestation familiale du portefeuille famille et enfance. Alors, c'est une procédure mécanique plus ou moins normale, d'autoriser le gouvernement à émettre les chèques dans les délais nécessaires, à partir du 1er avril 1998, pour les prestations familiales et pour l'aide sociale.

C'est évident, M. le Président, que nous allons appuyer le gouvernement dans cette démarche, tout en soulignant immédiatement que nous allons questionner beaucoup la ministre de l'Emploi et de la Solidarité et la ministre responsable de la politique familiale au niveau de l'étude des crédits quant à l'utilisation globale des crédits. Alors, je vous prie de croire que notre vote favorable au projet de loi n° 408 ne cautionne aucunement les choix budgétaires du gouvernement du Québec à venir. Ça autorise simplement la mécanique de procéder pour le 1er avril.

On peut quand même, M. le Président, déjà s'interroger sur l'idée politique, politique en matière de sécurité du revenu et politique en matière familiale. Et je me permettrais simplement de souligner, parce que les interventions à ce stade-ci sont très brèves, l'étude de l'Institut de recherche en politiques publiques, le IRPP. C'est une étude de décembre 1997 qui indique, pour la politique familiale au Québec, que 72 % des familles subiront des pertes financières en 1998.

Ça, c'est une étude, M. le Président, qui a fait les manchettes, parce que, vous vous souvenez, j'imagine, que la ministre responsable de la politique familiale indiquait que la nouvelle politique familiale, les prestations familiales, serait une bonification pour jusqu'à 90 % des familles au Québec. Mais là il y a un problème quelque part parce que l'Institut de recherche en politiques publiques, un institut non partisan, une tierce partie, fait une étude qui indique que 72 % des familles québécoises subiront des pertes financières à cause de la nouvelle politique familiale du gouvernement du Québec. Il y a une incohérence à régler, et je peux vous assurer que nous allons beaucoup questionner, longuement, et cet après-midi dans le cadre d'une motion du mercredi et dans les jours qui s'en viennent, au sujet de l'impact de la politique familiale au Québec.

En ce qui concerne l'aide sociale, M. le Président, je vous indiquerais simplement notre préoccupation majeure qu'avec une baisse de ménages de 25 000 familles à l'aide sociale, cette année seulement, ça occasionne des économies de l'ordre de 180 000 000 $ ou plus pour la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, pour le gouvernement, et qu'elle a indiqué déjà, lors d'une conférence de presse au mois de décembre, que, grâce à ces économies, elle est capable de réinvestir à peu près 80 000 000 $ dans le système d'aide sociale, mais qu'elle retourne 100 000 000 $ dans les coffres du Conseil du trésor.

Tout ce qu'on peut dire, M. le Président, c'est que, après deux ans de coupures massives dans l'aide sociale par ce gouvernement... Je sais, la ministre va avoir la tentation forte de dire: C'est la faute du fédéral, c'est le transfert social canadien qui coupe, c'est la faute à eux autres, mais là on a une preuve. La ministre dispose d'une marge de manoeuvre de 100 000 000 $. Qu'est-ce qu'elle fait avec? Elle le retourne au Trésor, et là on se questionne sur cette politique.

Pourquoi ne pas vouloir rétablir les barèmes au niveau où ils étaient quand le Parti québécois a pris le pouvoir? Pourquoi pas réinvestir ces économies à l'intérieur du budget de l'aide sociale, M. le Président, dans des mesures actives d'emploi, des mesures d'employabilité pour assurer que de plus en plus de bénéficiaires de l'aide sociale sortent de ce cycle, et de temps en temps un cercle vicieux, qui est l'aide sociale?

On s'interroge sur les deux volets, M. le Président, les allocations familiales. La ministre de la Famille et de l'Enfance a prétendu, au moment de l'adoption du projet de loi n° 144 ou n° 145 – je ne me rappelle pas lequel – que 90 % des familles étaient pour sortir gagnantes avec la politique familiale, mais là on découvre tout d'un coup, en décembre 1997, que 72 % des familles subiront des pertes financières, en 1998, selon l'Institut de recherche en politiques publiques. Il y a une légère différence, si vous me permettez, entre 90 % des familles qui gagneront, selon le gouvernement, et 72 % qui sortiront perdantes. Il y a un écart assez important, merci. Va falloir que la ministre de la Famille et de l'Enfance l'explique.

On ne peut pas le répéter assez souvent, quant à moi, M. le Président, les choix budgétaires de ce gouvernement de retourner des économies escomptées de 100 000 000 $, par la baisse des ménages à l'aide sociale, au Trésor pour faire la lutte au déficit, pour dépenser ailleurs au lieu de les conserver à l'intérieur du budget de l'aide sociale, déjà durement frappé par des compressions de l'ordre de 400 000 000 $ depuis les trois dernières années, ça n'a pas de bon sens. La ministre aurait dû être capable de prendre plus que 80 000 000 $, de le remettre dans son système d'aide sociale. Je suis convaincu, personnellement, que ç'aurait été son désir de le faire, mais elle s'est butée, j'imagine, contre le mur qui s'appelle «le président du Conseil du trésor et ses collègues», parce que ça n'a pas de sens. Je suis convaincu profondément que la ministre sait que ça n'a pas de sens, sauf que, semble-t-il, les commandes des Finances, les commandes du Trésor prennent préséance sur le bien-être des gens, des 730 000 personnes qui sont sur l'aide sociale.

M. le Président, il y a d'autres problèmes: problèmes d'arrimage entre les allocations familiales et les gens prestataires d'aide sociale. Il y a certaines mesures transitoires qui protègent les bénéficiaires d'aide sociale contre une perte éventuelle à cause de la nouvelle politique familiale. Ces mesures transitoires, M. le Président, on s'est déjà interrogé là-dessus en Chambre, prennent fin, au mois d'août de cette année. Mme la ministre m'a déjà reproché en disant: Ne crée pas des problèmes prématurément. Et on s'approche. Cette session-ci, c'est la dernière session pour tenter de régler la question des mesures transitoires avant qu'elles prennent fin, parce qu'elles vont prendre fin, pour des prestataires, au mois d'août 1998.

Alors, M. le Président, il faudrait régler la question de ces mesures transitoires. Il faudrait avoir l'assurance peut-être de les prolonger pour protéger les familles les plus pauvres au Québec contre des effets inattendus d'une nouvelle politique familiale qui feront en sorte que, si on n'avait pas ces mesures transitoires, ces familles se trouveront encore plus perdantes qu'elles le sont présentement. Avec ces cautionnements, on est prêt à appuyer le gouvernement au sujet du projet de loi n° 408 afin d'assurer la mécanique d'émission des chèques d'aide sociale et des prestations familiales en date du 1er avril 1998. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous allons maintenant céder la parole à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Alors, Mme la ministre.

(15 h 30)


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Effectivement, le projet de loi qui a été déposé par le ministre des Finances a comme résultat de permettre une marge de manoeuvre au gouvernement pour réaliser l'application des crédits pour l'année financière qui débute le 1er avril, de manière à ce que notamment les chèques d'allocation familiale versés par la Régie des rentes comme ceux de la sécurité du revenu, qui sont versés maintenant par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, puissent être préparés maintenant et être versés avant le 1er avril pour que les bénéficiaires puissent justement en disposer au 1er avril. Donc, les montants en cause, il s'agit d'un montant de 415 520 $ à l'égard de la sécurité du revenu et qui équivaut à 10,2 % du budget annuel. Ça veut dire combien, ça? Ça veut dire un budget annuel de 4 249 000 000 $ au portefeuille du ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

M. le Président, je voudrais immédiatement corriger les propos qui ont été tenus par le député de Notre-Dame-de-Grâce à l'effet que la diminution du nombre de ménages à l'aide sociale, qu'il évalue assez justement à autour de 25 000, n'est-ce pas, ménages de moins cette année par rapport à l'an dernier, aurait permis une marge de manoeuvre qui serait à ma disposition ou qui l'aurait été, du moins avant que le Trésor vienne me l'enlever, qui aurait été de 180 000 000 $.

Là, il faut rappeler au député de Notre-Dame-de-Grâce – je peux comprendre qu'il ait oublié, il arrivait à ce moment-là dans le dossier – que l'an dernier, lors de l'étude des crédits, dans le livre des crédits, j'avais pu faire accepter au Trésor, au Conseil du trésor, une diminution estimée à environ 15 000 ménages, qui, ayant été anticipée, avait en conséquence déjà diminué les crédits, c'est-à-dire maintenu les crédits.

Parce que, M. le Président, ça peut apparaître un paradoxe parce qu'il y a eu des compressions, puis j'y reviendrai aussi, mais les crédits du ministère de l'Emploi et de la Solidarité en matière de sécurité du revenu n'ont pas, eux, diminué depuis trois ans. Il n'y a pas eu de réduction des crédits que le gouvernement fait voter dans le Parlement pour l'aide sociale. Non seulement il n'y a pas eu de réduction, mais, en pourcentage de l'effort consenti sur le budget global, c'est plus important. C'est maintenant 12 % du budget du gouvernement qui est consacré au portefeuille de l'Emploi et de la Solidarité. Ça a été, dans le passé, 8 %, 10 %, puis ça va en augmentant.

Alors donc, l'an dernier, dans le livre des crédits, déjà il avait été convenu qu'il y aurait une baisse anticipée de 15 000 ménages. Donc, la baisse réelle qui est l'objet de la marge de manoeuvre budgétaire, c'est 10 000 ménages. Donc, c'est un peu moins que ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce imaginait tantôt. Dix mille ménages, comme il le sait, comme les membres de cette Assemblée le savent aussi, ça coûte environ 7 000 000 $, un petit peu plus, mais autour de 7 000 000 $ par 1 000 ménages. Donc, c'est une marge de manoeuvre qui est non pas de 180 000 000 $, mais autour de 70 000 000 $. Et là il faut qu'il prenne en considération les coûts supplémentaires qui ont été enclenchés par le remboursement, par l'indemnisation des personnes à faibles revenus qui ont connu des pertes d'aliments à cause de la tempête de verglas. Ces coûts-là totalisent 25 000 000 $.

Alors, on voit bien que cette marge de manoeuvre, elle a aussi en partie été utilisée pour rendre service à nos concitoyens mal pris, plus démunis, non pas seulement pour ceux et celles qui étaient déjà sur l'aide sociale, mais aussi pour ceux et celles qui, à faibles revenus, avaient perdu leurs aliments ou avaient un frigidaire à faire réparer. Mais ça a quand même coûté 25 000 000 $, tout ça.

Alors donc, on y reviendra. Comme le disait si bien le député de Notre-Dame-de-Grâce, nous aurons plusieurs heures en commission parlementaire sur les crédits pour regarder tout ça. Mais je voudrais tout de suite inviter les membres de l'Assemblée à la prudence. Ce n'est pas cette marge de manoeuvre dont il nous parlait dont il s'agit maintenant.

D'autre part, les compressions. Le député de Notre-Dame-de-Grâce répète encore cet après-midi, comme il l'a fait ce matin, comme je l'entends, d'ailleurs, souvent répéter à tort dans les organisations qui s'opposent à une réforme de la sécurité du revenu, qu'il y aurait eu pour 400 000 000 $ ou un peu plus de compressions durant les deux dernières années: 1996-1997, 1997-1998.

Avec le consentement des membres de l'Assemblée nationale, je voudrais déposer le tableau des modifications à la baisse sur le chèque de l'aide sociale, intervenues en 1996-1997, en 1997-1998. J'ai même demandé, M. le Président, que ce tableau comprenne à la fois ce que la Coalition sur l'aide sociale, qui en arrive à un total de 412 000 000 $... Donc, le tableau comprend à la fois leurs prétentions et celles du gouvernement pour que tous puissent comparer. Ce n'est pas rien, j'en conviens, mais ce n'est pas 412 000 000 $. Si on met dans le 412 000 000 $, comme d'ailleurs le fait la Coalition, le recouvrement de sommes payées en trop qui étaient dues, là je pense qu'on ne parle plus des mêmes affaires. Mais, de ce qu'on peut appeler des compressions – en appelant les choses par leur nom – qui ont directement touché les chèques... alors, s'il y a consentement, j'en ferai le dépôt.


Document déposé

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement? Consentement.

Mme Harel: Bon. Ça, M. le Président, ça permet aussi de comprendre que, oui, il y a eu des compressions, mais, en même temps, que le budget global, lui, n'a pas diminué; il a, au contraire, en proportion du budget du gouvernement, augmenté. Et ça permet aussi de faire des comparaisons. Durant ces mêmes deux années, c'est 1 100 000 000 $ de moins dans les transferts fédéraux, au chapitre du Régime d'assistance public du Canada, qui ont été envoyés au Québec, seulement; 1996, à partir du 1er avril jusqu'au 31 mars de cette année, ça aura été la moitié de tout ce qui n'aura pas été versé, c'est 2 200 000 000 $ qui n'a pas été versé en santé, éducation post-secondaire et services sociaux-aide sociale; la moitié, c'est 1 100 000 000 $.

Alors, moi, ce que je trouve assez héroïque, c'est que, malgré tout, dans la pire des situations, on ait réussi à faire absorber par d'autres ministères, avec toutes les difficultés que ça représente, ce que ça signifiait, ces coupures de transferts du fédéral, avec, finalement, environ le quart qui l'ont été par les prestataires et l'arrivée des nouveaux prestataires à la sécurité du revenu, les nouveaux prestataires étant les chômeurs exclus du régime de l'assurance-emploi compte tenu des resserrements d'admissibilité.

Un mot également, M. le Président, sur l'intrusion du fédéral en matière d'allocations familiales. Là, il faut voir que les annonces faites par le gouvernement fédéral consistent à vouloir complètement évincer le Québec, en particulier, dans l'aide versée directement aux familles et à le remplacer. Et ça signifie que le programme fédéral, lui, il est basé sur l'année fiscale, c'est-à-dire qu'il est basé sur le revenu de l'année d'avant, c'est-à-dire le revenu qui apparaît dans le rapport d'impôts. Mais ça ne correspond pas nécessairement, ça, aux besoins de la famille dans la semaine, où les gens peuvent avoir besoin d'épicerie ou de payer leur loyer.

Et là, de toute évidence, il faut que le député de Notre-Dame-de-Grâce, comme tous les membres de cette Assemblée, comprenne à quel point l'ingérence du fédéral complique énormément ce genre de programme qui s'adresse à des personnes à faibles revenus, parce que le fédéral le fait uniformément, de Terre-Neuve à Vancouver, à partir du rapport d'impôts de l'année d'avant, alors que nous savons très bien qu'il est possible que la situation ait changé, que les gens aient perdu leur emploi ou aient perdu, si vos voulez, le nombre d'heures qu'ils travaillaient ou diminué, plutôt, le nombre d'heures travaillées, ou encore aient connu une rupture dans le couple, aient connu une séparation, soient en instance de divorce; donc, il est possible que la situation de l'année d'avant, ça ne soit pas celle qu'ils vivent maintenant.

(15 h 40)

Et qui ramasse les pots cassés, n'est-ce pas? C'est finalement le gouvernement des provinces qui ramasse le pot cassé, qui est obligé de mettre en place toutes sortes de clauses de dénuement.

Alors, pour toutes ces raisons-là, M. le Président, je comprends que nous allons voter avec le concours de l'opposition – ce que j'apprécie – le projet de loi déposé par le ministre des Finances et que nous allons avoir l'occasion en commission parlementaire, lors de l'étude des crédits, de revenir sur chacun des points qui ont été abordés. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Alors, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances propose la présentation, l'adoption du principe ainsi que l'adoption du projet de loi n° 408, Loi n° 1 sur les crédits 1998-1999. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, nous souhaiterions une reprise du débat sur le projet de loi n° 186, par contre en vous indiquant que la reprise du débat ne pourra dépasser 16 heures aujourd'hui, de cette séance, de façon à permettre justement la discussion de la motion présentée par M. le député de Jacques-Cartier.


Projet de loi n° 186


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

Lors de la fin de nos débats de ce matin, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce avait complété son allocution. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Laporte. Alors, M. le député.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi.

M. Bourbeau: ...nous avons devant nous un...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député.

M. Bourbeau: ...projet de loi, le projet de loi n° 186, qui...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député, excusez-moi. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, en vertu du principe de l'alternance, je vous demanderais plutôt d'accorder la parole à Mme la députée de Rimouski.

M. Bourbeau: M. le Président...

M. Boulerice: Ça ne se discute pas.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, il y a aussi une autre partie du règlement qui dit que le président doit reconnaître le député qui s'est levé le premier.

M. Boulerice: Non.

M. Bourbeau: M. le Président, je me suis levé le premier...

M. Boulerice: Elle était debout.

M. Bourbeau: ...vous m'avez reconnu et j'ai même commencé mon allocution, M. le Président. Vous regarderez les galées, il y a déjà deux phrases de prononcées. Alors, je ne peux pas revenir en arrière, il me semble.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Laporte, vous avez tout à fait raison. Considérant qu'il y avait en cette Chambre un autre député qui était debout et qui n'avait manifestement pas l'intention de prendre la parole, je vous ai reconnu et, à ce titre, je vous demanderais maintenant de bien vouloir poursuivre. Alors, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président.

M. Boulerice: M. le Président...

M. Bourbeau: M. le Président, nous avons...

M. Boulerice: ...question de règlement. M. le Président...

M. Bourbeau: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Laporte. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, loin de moi de questionner votre acuité visuelle, mais, de toute évidence, Mme la députée de Rimouski était debout depuis fort longtemps, attendant effectivement votre signal. Puisque la députée de Rimouski, bien au fait de la procédure de ce Parlement, savait qu'un député de l'opposition avait parlé ce matin, donc, à la reprise du débat, il appartenait à un député ministériel de parler.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je saisis très bien votre intervention, M. le leader adjoint du gouvernement. Toutefois, je me vois dans l'obligation de vous dire qu'il y avait un paravent entre la députée de Rimouski et mon siège, en l'occurrence un ministre en cette Chambre qui est passablement grand. Alors, à ce stade-ci, comme je n'ai pu voir la députée de Rimouski, j'ai cédé la parole au député de Laporte et je lui demanderais maintenant de bien vouloir débuter son allocution. M. le député.

M. Boulerice: M. le Président, en vertu de notre règlement. M. le Président, il était manifeste que Mme la députée de Rimouski voulait intervenir, en fonction du principe de l'alternance, et, à preuve, elle avait un lutrin d'installé sur son pupitre. Ce n'est pas une question d'esthétique, c'est une question de commodité lorsque l'on veut s'adresser à la Chambre.

Alors, M. le Président, je vous inviterais très humblement, comme je sais que vous en êtes capable, à vous rendre compte que, malheureusement, vous avez pu être distrait par l'empressement du député de Laporte, mais qu'effectivement vous avez bien vu. Sinon, comprenez avec moi que je m'interrogerai sur votre acuité visuelle.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, même si à quelques occasions je porte cet appareil qui me permet, bien entendu, de prendre connaissance de toute correspondance et tout document qui me sont transmis, vous allez quand même considérer qu'en cette Chambre quelquefois les collègues députés ne sont pas toujours assis et que, comme président de l'Assemblée, je me dois de juger de la personne qui est en mesure de prendre la parole. Je tiens à m'excuser si je ne vous ai pas vue, Mme la députée de Rimouski, mais, effectivement, vous étiez cachée par un de vos collègues ministres.

Alors, de nouveau, je n'accepterai plus d'intervention à ce sujet, M. le leader adjoint du gouvernement, et je demande maintenant... En vertu du règlement, j'ai reconnu et cédé la parole au député de Laporte et, à partir de ce moment-là, je demanderais au député de Laporte de bien vouloir poursuivre son allocution.

M. Boulerice: M. le Président, je m'excuse, mais, en vertu de notre règlement et d'ailleurs de tous les articles...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, vous avez indiqué au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques à trois reprises à date que votre décision était rendue. C'est l'article 41, alinéa deux, qu'il connaît très bien. Ça fait au moins à trois reprises que vous nous le dites, alors j'inviterais le député de Laporte à y aller, là.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je suis d'accord avec vous, M. le député de Frontenac, mais vous savez que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques adore le baseball. Alors, en l'occurrence, il accepte les trois reprises. À ce stade-ci, je pense qu'on se doit de poursuivre nos interventions parce que, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, M. le député, vous avez prévu qu'à 16 heures le débat sera ajourné et qu'on passera à autre chose.

Alors, vous avez un temps de parole de 20 minutes, sur lequel vous avez déjà amputé une minute, M. le député de Laporte.

M. Boulerice: M. le Président, question de règlement en vertu de l'article 66.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous écoute, M. le leader adjoint.

M. Boulerice: M. le Président, il est clairement indiqué, à l'article 66 – et je suis persuadé que vous en avez une connaissance égale sinon supérieure à la mienne: «Toute violation des droits ou privilèges de l'Assemblée ou de l'un de ses membres peut être signalée à l'Assemblée.»

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président. Le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques ne peut pas soulever l'article 66, qui vise à provoquer un débat sur le privilège d'un membre de l'Assemblée qui aurait été violé, alors même que vous avez – on se répète – rendu une décision très claire, très simple. Vous avez donné le droit de parole à un parlementaire, en l'occurrence le député de Laporte. Cette décision-là – c'est l'article 41, alinéa deux qui le dit, puis c'est très clair – d'aucune façon, par aucune autre procédure, ne peut être remise en question. C'est aussi simple que ça. Et je vous suggère de dire très clairement au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques que vous n'avez même pas le droit de l'écouter. Votre décision est rendue, ce n'est pas appelable, il n'y a rien à faire avec ça. Le député de Laporte devrait être invité à prendre la parole.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement, ce n'est pas une question de droit ou de privilège, il y a une décision qui a été rendue par la présidence et la décision est la suivante: «Le président reconnaît le premier député qu'il voit se lever et qui lui demande la parole.» Alors, à ce stade-ci, je dois vous signaler encore une fois que malheureusement je n'ai pas vu la députée de Rimouski mais que j'ai bel et bien vu le député de Laporte se lever. Il m'a demandé la parole, et je lui ai accordé la parole. Donc, à partir de ce moment-là, je vous prierais, M. le leader adjoint du gouvernement, de bien vouloir accepter ma décision, elle est finale et elle est également sans appel.

M. Boulerice: Question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Question de directive? Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, en fonction de la décision que vous venez de prendre, devons-nous en conclure que quelqu'un qui est déjà debout n'est pas en train de se lever? Et devons-nous également conclure que le droit de parole sera accordé en fonction de la taille des députés?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement, permettez-moi de vous demander de ne point nommer le ministre qui était debout et qui était entre moi et la députée de Rimouski. Vous savez très bien qu'en Chambre toute personne qui se lève, normalement, on la reconnaît et on lui donne le droit de parole et que souvent, en cette Chambre, malheureusement certains collègues se promènent ou exercent d'autres activités qui font en sorte que la présidence se doit de diriger les travaux le mieux possible. Et maintenant, considérez mon intervention...

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement, je pense qu'on ne fera pas un procès sur...

M. Boulerice: Sur votre question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous ai répondu, à cette question de directive.

M. Boulerice: Non, mais j'en ai une deuxième à vous souligner. M. le Président...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement. Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac.

(15 h 50)

M. Lefebvre: M. le Président, là il ne faudrait pas, quand même, qu'on fasse de l'Assemblée nationale une espèce de cirque. C'est ce à quoi le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques s'est attelé depuis une dizaine de minutes. Vous avez rendu votre décision. Moi, je vous demande – puis c'est votre responsabilité, c'est votre devoir, je vous ai vu d'ailleurs le faire à plusieurs reprises – d'imposer votre autorité. Vous en êtes rendu là, puis je vous demande de le faire.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, je pense qu'à ce stade-ci ma décision est sans appel et je vous demanderais maintenant de cesser vos interventions sur des points de directive ou autres points. La décision est sans appel et, à ce stade-ci, je demande maintenant au député de Laporte de bien vouloir poursuivre son intervention. Il vous reste neuf minutes, M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, vous m'avez dit que vous me cédiez la parole pour 20 minutes...

Le Vice-Président (M. Pinard): Il vous reste 19 minutes.

M. Bourbeau: Même si ça dépasse 16 heures, M. le Président? M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Laporte, malheureusement, je ne peux vous permettre de dépasser le 16 heures, considérant l'ordre de la Chambre qui a été adopté. Alors, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je devrai donc condenser en huit minutes une allocution qui se voulait de 20 minutes. Et on doit parler d'un projet de loi qui est devant nous qui, nous dit-on, serait une réforme de l'aide sociale et qui est présenté par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Évidemment, M. le Président, je sais gré à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité d'être restée en cette Chambre pour entendre mon allocution, parce que je dois dire que je la trouve courageuse de rester ici à ce moment-ci. Parce qu'elle sait que j'ai occupé ce ministère-là pendant plusieurs années, alors qu'elle était la critique de l'opposition officielle, et que j'ai entendu pendant de nombreuses années ses récriminations à mon endroit alors qu'on m'accusait d'être un ministre dur envers les assistés sociaux, d'exercer des contrôles trop sévères à leur endroit jadis et d'être trop mesquin et trop radin, aussi, avec les fonds publics.

M. le Président, quand je regarde, aujourd'hui, ce qu'elle est obligée de faire, probablement contre son gré, je ne saurais le dire, j'ai beaucoup de sympathie pour elle et parfois même je me demande comment elle peut faire pour concilier les gestes qu'elle pose avec les principes qu'elle évoquait naguère.

M. le Président, de toute façon, j'aimerais être un petit oiseau pour assister parfois aux réunions du Conseil des ministres péquistes, pour entendre les discussions qui doivent se passer là. Je présume que la ministre doit tenir les mêmes propos au Conseil des ministres qu'elle tenait jadis en cette Chambre lorsqu'elle était de ce côté-ci. Mais la politique étant ce qu'elle est, je me rends compte que, malheureusement, son poids est moins lourd que le poids du ministre des Finances ou de celui du Conseil du trésor. Et ceux qui écopent de ce déficit de poids – mais, remarquez, souvent c'est plaisant pour... j'allais dire une femme, mais un homme aussi peut se faire dire qu'il a un déficit de poids, c'est mieux d'avoir un déficit qu'un surcroît de poids – ce sont les assistés sociaux qui paient pour ça. Parce qu'on voit dans ce projet de loi là – qui n'est pas un projet de loi qui fait une réforme de l'aide sociale, c'est uniquement une récupération de fonds publics à même les fonds qui sont distribués aux assistés sociaux, au bénéfice du Trésor public. Et c'est un projet de loi qui n'est que cosmétique. Il n'y a aucun changement dans ce projet de loi là par rapport à la réforme de l'aide sociale que nous avons adoptée en 1988, sinon qu'on a pris les programmes, on a changé les noms des programmes, mais ce sont les mêmes programmes.

On a, M. le Président, décidé que ce qui s'appelait autrefois un plan d'action est devenu un parcours, individualisé ou non. On dit qu'on instaure des pénalités pour ceux qui refusent de chercher un emploi; ça existait déjà. On a simplement ajouté 50 $ sur les pénalités. On dit que les assistés sociaux doivent maintenant chercher un emploi; c'était comme ça aussi dans l'ancienne loi. J'ai beau regarder la loi, je ne vois pas de changement important. C'est, en fait, la même loi, mais on a modifié les noms des programmes. On appelait des barèmes, maintenant c'est devenu des allocations. Bon, ça va, moi, ça va toujours, une allocation, c'est la même chose, mais il n'y a pas de changement. Donc, qu'on cesse de lancer à la population qu'on fait une réforme de l'aide sociale. C'est une vulgaire opération de récupération de fonds publics sur le dos des assistés sociaux.

Et la ministre, M. le Président, comme je le disais tantôt, est courageuse de rester pour assister à ce que j'ai l'intention de dire. Parce que la réforme de l'aide sociale que nous avions pensée était marquée au coin d'une incitation importante pour les assistés sociaux de quitter l'aide sociale et d'aller travailler. Il y avait des incitations positives. On donnait, par exemple, des barèmes accrus à ceux qui faisaient des efforts pour s'en sortir. Le barème de participation était quand même de 150 $ de plus. La ministre a été obligée de le couper, ce barème de participation, donc elle a coupé l'incitation.

M. le Président, la ministre a aussi aboli le barème de disponibilité, qu'elle réclamait à grands cris dans mon temps. Elle l'a réclamé quand elle était dans l'opposition; elle l'a aboli, de sorte qu'elle pénalise les assistés sociaux qui sont disponibles pour une mesure d'employabilité, qui veulent s'en sortir, mais à qui la ministre n'est pas capable d'offrir une mesure. Parce qu'elle n'en aurait pas, elle les pénalise.

M. le Président, nous avons instauré jadis le programme APPORT. La ministre l'avait décrié; elle l'a conservé. Nous avions instauré l'allocation-logement pour venir en aide surtout aux familles monoparentales qui avaient des problèmes pour se loger; la ministre a diminué les allocations – enfin, le gouvernement, disons. Nous avions instauré le programme PAIE, le Programme d'aide à l'intégration en emploi, qui était une mesure active et positive d'intégration en emploi dans le secteur privé; pas dans des organismes à but non lucratif, dans le secteur privé, les vrais emplois qui risquent d'être permanents et qui l'étaient dans une très large mesure. Malheureusement, les fonds ont été diminués et, forcément, les participations aussi.

Donc, on doit dire qu'on est devant un projet de loi à rabais, un projet de loi à rabais qui malheureusement ne pourra pas atteindre les objectifs, faute de crédits, évidemment, qui sont alloués. Les barèmes non seulement n'ont pas été augmentés depuis cinq ans – à ce que je sache, l'inflation, depuis cinq ans, ça existe, à peu près 1 % ou 2 % par année – le gouvernement a diminué les barèmes, qui étaient de 500 $ par mois pour une personne seule, à 490 $ par mois. Donc, on a diminué, au bout de cinq ans, les sommes d'argent qui sont payées aux assistés sociaux. Pas d'indexation et, en plus de ça, une diminution.

M. le Président, je dois aller très rapidement, comme vous le savez, puisque le temps qui m'est alloué est très court. Et pourtant, la ministre a fait des économies. Seulement pour l'année courante, il y a 25 000 assistés sociaux de moins à l'aide sociale. C'est sûr, on le sait, l'économie roule bien présentement partout en Amérique. Bien, 25 000 personnes de moins, ménages de moins à l'aide sociale, c'est une économie d'à peu près 200 000 000 $ pour le gouvernement, on le sait. Aujourd'hui, c'est peut-être un petit moins que 200 000 000 $. On a tellement coupé dans les barèmes que c'est peut-être autour de 180 000 000 $. Donc, le gouvernement fait des économies avec l'aide sociale. Alors, pourquoi le gouvernement coupe-t-il comme ça dans les prestations aux assistés sociaux encore alors qu'il fait des économies d'à peu près 200 000 000 $ par année, en tous les cas pour l'année courante, avec l'aide sociale?

M. le Président, je dois dire que, dans le programme du Parti québécois, le gouvernement présent s'était engagé, en période électorale, d'une façon très, très claire avec un programme électoral qui disait que le gouvernement – et j'ai devant moi le document – «s'engage à une révision de l'aide sociale et à remplacer les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants». Ce n'est pas ce qui est arrivé, on le sait. On s'engageait à indexer les barèmes en fonction de l'indice du coût de la vie. Ha, ha, ha! Ça fait quatre ans, aucune indexation. Donc, le gouvernement du PQ n'a pas respecté ses engagements électoraux.

On s'engageait également à... «Les prestations d'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne.» Ce n'est pas exact, M. le Président, on va pénaliser maintenant les 18 à 24 ans. Nous avions mis fin à la discrimination quant à l'âge; le PQ la réinstaure. Et c'est comme ça partout. Le programme du Parti québécois a été violé par le gouvernement du Parti québécois, et on se surprend aujourd'hui que les gens n'aient pas confiance dans les politiciens! Quand on promet quelque chose à la population et qu'on ne le fait pas, au contraire, qu'on fait le contraire de ce qu'on avait dit qu'on ferait, bien, la population perd confiance en ses élus. Et, quand les gens cessent de nous croire, comme les gens ne croiront plus le Parti québécois, en politique, quand on n'est plus cru, on est cuit, et c'est ça qui va arriver au gouvernement du Parti québécois. Merci.

(16 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laporte.

Je tiens à vous rappeler que, à ce stade-ci, nous ajournons le débat, suite à l'ordre de la Chambre. M. le député de Laporte, il vous restera un temps de 11 minutes à votre intervention qui peut être de 20 minutes, à moins que vous me disiez immédiatement que vous avez terminé votre intervention. Vous conservez votre temps de parole? Alors, nous allons le spécifier au procès-verbal.


Affaires inscrites par les députés de l'opposition


Motion proposant que l'Assemblée exige du gouvernement qu'il s'engage à ne pas augmenter le fardeau fiscal des familles québécoises dans son prochain budget

Conformément à l'ordre adopté ce matin par l'Assemblée, nous procéderons maintenant au débat sur la motion de M. le député de Jacques-Cartier, à l'article 37 de votre feuilleton aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, en vertu de l'article 97 de notre règlement. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il s'engage formellement à ne pas augmenter, de quelque manière que ce soit, le fardeau fiscal des familles québécoises dans son prochain budget.»

Alors, je cède maintenant la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, très brièvement. Je ne veux pas priver mon collègue de Robert-Baldwin, qui doit faire au moins 1,80 m, ce qui est un avantage en cette Chambre... C'est au sujet de l'article 98, la durée du débat et du temps de parole. La durée du débat est bien de deux heures. C'est cela? Le temps de parole est réparti équitablement. Donc, c'est à ce moment-ci que je pourrais vous indiquer que le ministre de l'Industrie et du Commerce interviendra, et le député de Berthier, qui ne fait malheureusement pas 1,80 m en taille mais qui fait énormément en intelligence, interviendra également.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À la veille du prochain budget de ce gouvernement, nous, l'opposition officielle, voulons dresser un bilan économique de la situation des familles québécoises, un bilan inquiétant, un bilan troublant.

Compte tenu du caractère précaire des emplois, compte tenu du fardeau fiscal qui pèse de plus en plus lourd sur les épaules de nos familles, le ministre des Finances devrait porter une attention particulière aux besoins et aux attentes des familles québécoises. J'entends déjà les députés de l'autre côté de la Chambre qui vont dire: Mais nous avons fait beaucoup pour les familles québécoises. Je leur demande d'enlever leurs lunettes roses et d'examiner attentivement le bilan de leur gouvernement. Ils et elles devront regarder de près le véritable impact de leurs politiques sur la réalité de nos familles.

Prenons comme exemple la fameuse politique familiale annoncée en grande pompe par ce gouvernement. Cette politique a, semble-t-il, amélioré la situation au moins pour ceux et celles qui aiment les structures. On a créé un nouveau ministère de la Famille et assisté à l'augmentation de 50 %, plus de 6 000 000 $, en frais de gestion pour notre système de services de garde. On a créé des centres à la petite enfance, les CPE, qui ne sont en réalité que des garderies avec un nouveau nom. Excellente nouvelle pour ceux et celles qui aiment réécrire les chartes des organismes, ceux qui aimeraient faire des organigrammes, mais pas du tout important pour les parents qui cherchent des places dans les services de garde. Ces parents veulent un service et non une structure.

Mais à quel prix, ces changements? Un fait étonnant: malgré les belles promesses de la ministre, une étude menée par les chercheurs de l'Université du Québec à Montréal démontre que 72 %, près de trois familles québécoises sur quatre sortent perdantes grâce à cette politique dite familiale de ce gouvernement. Trois sur quatre! Selon les auteurs de cette étude, La politique familiale, ses impacts et ses options , à partir d'un revenu familial de 25 000 $, on perd de l'argent avec le nouveau système; pour ceux qui ont un revenu entre 25 000 $ et 50 000 $ par année, soit près de 40 % de nos familles, les pertes varient entre 160 $ et 495 $ par année. Quel beau soutien que donne cette nouvelle politique à la classe moyenne!

Sans compter les pertes pour les familles avec des jeunes enfants qui sont encore plus importantes, car le gouvernement a aboli les allocations pour les jeunes enfants et les allocations à la naissance. Les pertes pour les familles avec plus d'un enfant de six ans et moins varient entre 650 $ par année et 886 $ par année pour les familles avec un revenu entre 25 000 $ et 50 000 $ par année.

Résultat de ces changements: prenons l'exemple d'une jeune famille de mon comté. Ils ont trois enfants âgés de huit ans, cinq ans et deux ans. Ils ont un revenu annuel de 32 000 $ par année. Mais, dans les yeux de ce gouvernement, ça, c'est une famille trop riche parce que, pour les cinq personnes de cette famille, le soutien mensuel de l'État qui était de 110 $ par mois a été coupé à 58 $ par mois grâce à cette réforme. Cette famille à moyens modestes, donc, perd 600 $ par année, car le gouvernement a jugé qu'elle était trop riche et qu'il avait besoin de ces 600 $ pour financer un ministère, les centres à la petite enfance et les autres structures que cette famille n'utilisera jamais.

Un autre effet pervers de cette réforme de la politique familiale: il n'y a aucune amélioration pour les enfants les plus pauvres de notre société, c'est-à-dire les familles qui vivent de l'aide sociale. Pour eux, c'est le statu quo pour le moment. Mais, si les mesures transitoires annoncées par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité ne sont pas reconduites, les familles risquent d'être pénalisées par la réforme de la politique familiale. Ça va être un autre ajout de perdants.

Mais j'entends encore les députés de l'autre côté de la Chambre qui vont protester pour dire que leur gouvernement a baissé les impôts à compter du 1er janvier, surtout pour les familles avec un revenu inférieur à 50 000 $ par année. Mais attention! Les réductions d'impôts pour une famille d'un revenu de 35 000 $ par année sont beaucoup moins importantes et vont disparaître grâce à l'augmentation de 15,6 % de la taxe de vente du Québec.

Bref, selon l'analyse de Jean-Robert Sansfaçon, du journal Le Devoir , du 22 novembre dernier, l'impact est néfaste sur les familles de la classe moyenne, c'est-à-dire celles qui ont un revenu familial entre 35 000 $ et 50 000 $. M. Sansfaçon nous dit, et je le cite: «Il faut déplorer le fait que ceux qui profitent le moins de la réforme sont les familles avec des enfants et dont les deux conjoints gagnent entre 40 000 $ et 80 000 $ par année. Dans leur cas, non seulement la diminution d'impôt sera marginale, mais radicalement annulée par la hausse de la TVQ. Et, comme pour boucler la boucle, ce sont les mêmes familles à qui Québec vient d'apprendre qu'elles n'ont plus droit aux allocations familiales. Décidément, cette classe moyenne a toujours le dos aussi large.»

Même conclusion de M. Claude Picher, du journal La Presse, dans son commentaire sur le dernier budget du ministre des Finances. M. Picher a clairement indiqué, et je le cite: «Il est clair que le ministre, tout en proclamant haut et fort qu'il laisse respirer les contribuables à revenus moyens, a bien l'intention de continuer à les presser comme un gigantesque et inépuisable citron.»

Il faut rappeler que pour cette année, selon le tableau A-26 du budget, le gouvernement va réduire l'impôt à payer pour les contribuables de 472 000 000 $. Par ailleurs, la hausse de la TVQ va générer des revenus de 414 000 000 $, y compris l'augmentation du crédit d'impôt remboursable pour la taxe de vente. Donc, ce geste généreux de la part de ce gouvernement va coûter 42 000 000 $ aux contribuables, les familles québécoises. Quel beau cadeau!

Comme on le sait, nos familles sont les grandes consommatrices des biens et des services pour nos enfants. Chaque achat de vêtement, de souliers, de matériel pour l'école, chaque loisir pour nos jeunes est maintenant taxé davantage par ce gouvernement. Donc, au lieu de payer ce montant sur notre chèque de paye, la taxe est devenue moins visible. Mais, selon les chiffres, les contribuables vont devoir assumer la note à chaque visite au magasin, à chaque achat de biens pour la famille. Où est donc le répit pour la famille québécoise?

L'élément le plus dévastateur reste à venir. Dans notre bilan, on a vu l'arrivée d'une politique dite familiale qui pénalise trois familles sur quatre au Québec. On a vu l'exercice de poudre aux yeux du ministre des Finances qui donne un montant sur l'impôt et qui le reprend, et plus, par une augmentation substantielle de la taxe de vente du Québec. Maintenant, il faut examiner les coûts indirects que les familles québécoises ont dû assumer depuis l'arrivée du gouvernement du Parti québécois.

(16 h 10)

Incluant l'augmentation de la taxe de vente, ce gouvernement a annoncé pour l'année prochaine diverses mesures qui augmenteront le fardeau fiscal des Québécois de près de 2 000 000 000 $. J'ai en main un tableau de deux pages des mesures prises depuis 1994, qui ont augmenté et augmenté les taxes pour les contribuables. On trouve, entre autres, un régime d'assurance-médicaments qui a augmenté le fardeau fiscal des familles québécoises de 196 000 000 $, ou 350 $ par famille. Les augmentations d'Hydro-Québec vont chercher un autre 126 000 000 $ l'année prochaine, 40 000 000 $ de plus en comparaison avec cette année. Si on additionne ces mesures, ce sont des mauvaises nouvelles pour la famille québécoise.

Dans le secteur municipal, le pelletage des responsabilités va coûter cher aux familles québécoises. Le transfert de 375 000 000 $ de responsabilités, plus l'abolition du remboursement de la TVQ aux municipalités de 76 000 000 $, plus la réduction des compensations pour les taxes de compagnies de TGE, télécommunications, gaz et électricité, de 75 000 000 $ ont des impacts directs sur les familles québécoises.

Les municipalités n'ont que deux choix: augmenter les taxes et les tarifs ou réduire les services offerts à la population. À travers les communautés urbaines, plusieurs municipalités ont opté pour des augmentations de taxes de 3 %, 4 %, 5 % et même plus pour combler ce manque à gagner. D'autres ont coupé dans les services comme les services de loisirs et culturels destinés aux familles québécoises. J'ai noté que plusieurs municipalités vont fixer un tarif pour les bibliothèques municipales. Quelle ironie, M. le Président, au moment où ce gouvernement veut construire une très grande bibliothèque à 75 000 000 $, le principe de l'accès gratuit aux bibliothèques municipales est remis en question par le pelletage de leur gouvernement.

Il faut noter également que la taxe foncière ne prend pas en considération l'existence d'une famille. Nos impôts personnels comprennent les exemptions et les crédits pour les enfants à charge. Par contre, la taxe sur la résidence est aveugle. Tout le monde, les travailleurs comme les retraités, les jeunes parents comme les couples sans enfants, tombent dans le même panier. Les conséquences de ce pelletage vers les municipalités, c'est un régime fiscal encore moins sensible aux besoins des familles.

On retrouve le même phénomène dans le domaine scolaire, ce que mon collègue le député de Marquette vous démontrait dans son intervention. Il faut souligner deux aspects de l'impact des réformes du financement de notre système scolaire sur la situation économique des familles. Il y a eu des augmentations très importantes des taxes scolaires, surtout sur l'île de Montréal où les familles ont dû composer avec des augmentations de 45 %. Ce qui est encore plus frustrant pour ces parents, c'est le fait qu'ils reçoivent de moins en moins de services pour cet argent.

Malgré cette augmentation des taxes scolaires, les compressions budgétaires ont fait grimper les frais additionnels pour nos enfants d'âge scolaire. On peut parler d'une école publique gratuite, mais les coûts de la rentrée scolaire sont maintenant très difficiles à supporter. Voir les manchettes du journal Le Soleil de l'an dernier: Deux fois plus chère, la rentrée , ou Le Journal de Québec : La gratuité risque de devenir une illusion grâce aux compressions constantes dans nos écoles . Pour les parents, la gratuité scolaire – et j'ai bien dit «la gratuité scolaire», M. le Président – coûte 133,07 $ par année au niveau primaire et 152,39 $ par année au niveau secondaire. Au-delà de nos impôts versés au gouvernement du Québec, y compris une TVQ augmentée, au-delà de nos taxes scolaires à payer, les parents devront payer des centaines de dollars pour l'achat des cahiers et d'autres matériaux scolaires. Chez nous, tout comme dans les autres ménages québécois, la rentrée scolaire est plus dispendieuse que Noël.

Pourtant, malgré cet effort, on ne cesse de couper dans la qualité des services, comme en témoigne le directeur général des commissions scolaires, qui déplore, et je le cite, «les effets négatifs dans les bibliothèques, en psychologie, en orthophonie, en orthopédagogie, dans les services personnels aux élèves, dans l'achat des manuels scolaires, des dictionnaires et même dans l'entretien et la réparation des bâtiments scolaires». Bref, ces augmentations indirectes des taxes qui résultent des décisions prises par ce gouvernement ont eu comme effet d'appauvrir les familles québécoises.

Le meilleur barème à ce sujet, c'est le revenu personnel moyen des Québécois. En 1995, selon le Bureau de la statistique du Québec, le revenu moyen était de 32 784 $ au Québec. En 1997, après deux ans de l'autre façon de gouverner, cette moyenne a chuté à 31 903 $, soit une réduction de 2,4 %. Les députés d'en face vont s'empresser de crier que c'est la faute du fédéral, c'est la faute de la météo, c'est la faute des autres. Mais, pour le reste du Canada, privé de l'incertitude et d'une politique de division et de chicane, la moyenne de revenu disponible est restée plutôt stable. Une légère baisse de 0,4 % pendant la même période. Bref, l'autre façon de gouverner a coûté 800 $ par personne par année depuis l'arrivée de ce gouvernement.

Finissons avec les chiffres et les calculs. La preuve est faite que ce gouvernement a déjà appauvri les familles québécoises. Il faut cesser d'augmenter le fardeau fiscal des familles québécoises. Au contraire, nous devrons voir comment on peut aider davantage nos familles, surtout nos jeunes familles, qui sont inquiètes quant à leur avenir, qui sont craintives quant à la stabilité de leur emploi et qui sont préoccupées, comme tous les parents, par l'avenir de leurs enfants. Notre identité, nos espoirs et nos choix sont intimement liés à nos enfants. Le Québec de l'an 2020 est en train de se développer dans les foyers québécois. C'est notre devoir, comme parlementaires, d'arrêter ce phénomène d'appauvrissement des familles québécoises et de la détérioration des services destinés à nos familles.

Le premier ministre et le ministre des Finances ont dit à maintes reprises que les Québécois et les Québécoises sont surtaxés et qu'il faut réduire le fardeau fiscal de nos familles. Le temps des beaux discours est terminé. À la veille de la présentation du prochain budget, j'exhorte mes collègues parlementaires à appuyer cette motion et à envoyer un message clair au ministre des Finances que, pour nos familles, assez, c'est assez. Il est urgent de mettre fin à l'appauvrissement des familles québécoises. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Je vous rappelle que, comme vous êtes l'auteur de la motion, vous avez un droit de réplique de 10 minutes à la toute fin de nos débats. Alors, je cède maintenant la parole au ministre délégué à l'Industrie et au Commerce. Alors, M. le ministre.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de prendre la parole. J'ai l'honneur en effet aujourd'hui d'expliquer et d'exposer à cette Assemblée la nature de la politique budgétaire de notre gouvernement, au nom justement du gouvernement dont je fais partie et au nom de mon collègue ministre d'État de l'Économie et des Finances, notre porte-parole habituel en ce domaine.

J'aimerais, tout d'abord, M. le Président, souligner que je ne comprends aucunement pourquoi on nous présente aujourd'hui une motion semblable. Les orientations de notre gouvernement sont absolument claires. Nous nous sommes engagés, devant nos partenaires socioéconomiques réunis au Sommet de Québec et devant la population tout entière, à éliminer le déficit d'ici l'année 1999-2000, et nous nous sommes de plus engagés à le faire par la réduction des dépenses plutôt que par l'augmentation des impôts et des taxes. C'est déjà quelque chose de connu.

Alors, l'opposition officielle nous arrive avec une motion pour le moins étrange à l'effet – et je résume, M. le Président, l'essentiel de la motion – que l'Assemblée nationale exige du gouvernement qu'il s'engage à ne pas augmenter le fardeau fiscal des familles québécoises dans son prochain budget. Il s'agit d'une motion de l'opposition officielle qui a déjà agi comme gouvernement dans un mandat précédent. Et, lorsque je lis cette motion, me revient à l'esprit la litanie dont mon collègue parle souvent au président de l'Assemblée nationale en ce qui regarde justement les hausses de taxes du Parti libéral.

Rappelons-nous le libellé, M. le Président: Que l'Assemblée exige du gouvernement qu'il s'engage à ne pas augmenter le fardeau fiscal des familles. Les libéraux, au cours de leur dernier mandat, ont annoncé dans leurs budgets des hausses d'impôts et de taxes totalisant 11 000 000 000 $. Je reprends: Que l'Assemblée exige du gouvernement qu'il s'engage formellement à ne pas augmenter le fardeau fiscal? 1990-1991, gouvernement libéral, 960 000 000 $ d'augmentation de taxes et d'impôts. Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement qu'il s'engage formellement à ne pas augmenter les taxes et les impôts? Gouvernement libéral, 1991-1992, l'année suivante, augmentation de taxes et d'impôts, 1 884 000 000 $. Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement qu'il s'engage à ne pas augmenter le fardeau fiscal des familles? 1992-1993, gouvernement libéral, augmentation des taxes et des impôts, 2 205 000 000 $.

(16 h 20)

Je serai magnanime à l'intention de l'opposition officielle et de son représentant, je ne répéterai pas le libellé. Je me contenterai simplement d'ajouter à cette litanie deux autres années: 1993-1994, augmentation de taxes et d'impôts, gouvernement libéral, 3 317 000 000 $; 1994-1995, le dernier budget prononcé par ce gouvernement, au printemps de 1994, augmentation de taxes et d'impôts, 2 407 000 000 $. Total: un, deux, trois, quatre, cinq discours du budget, 11 000 000 000 $ d'augmentation de taxes et d'impôts. On a le culot, ici, aujourd'hui de présenter une motion à l'Assemblée à l'effet que celle-ci exige du présent gouvernement qu'il s'engage formellement à ne pas augmenter le fardeau fiscal des familles québécoises dans son prochain budget, autrement dit de ne surtout pas faire ce qu'on a pratiqué largement de différentes façons pendant cinq ans de ce gouvernement.

M. le Président, je répète que nous nous sommes engagés à réaliser nos objectifs financiers et budgétaires par la réduction des dépenses, beaucoup plus que par l'augmentation des impôts et des taxes. Nous avons eu l'occasion de concrétiser cet engagement dans deux discours sur le budget que nous avons depuis soumis à l'Assemblée nationale. Les analystes ont été nombreux à souligner que ces deux budgets représentaient un réel défi, compte tenu des objectifs économiques et financiers ambitieux que nous nous étions fixés et du peu de marge de manoeuvre dont nous disposions – on le comprend – avec les augmentations de taxes dont on venait de parler, avec, en plus, les nombreux déficits qu'on a dû absorber pendant ces années. Parce que je pense qu'il est bon de rappeler que, malgré l'énorme ponction fiscale de 11 000 000 000 $ dont je parlais tout à l'heure, l'ancienne administration a plus que doublé la dette pendant cette période-là, qui est passée de 31 000 000 000 $ à 75 000 000 000 $. Donc, la marge de manoeuvre, on peut comprendre qu'elle est, au moment où nous arrivons au pouvoir, singulièrement réduite.

Alors, vous comprendrez qu'il nous a fallu faire preuve de beaucoup d'imagination, de rigueur, de détermination et je dirais même d'une certaine audace. Je rappelle aux membres de cette Chambre que le budget prononcé le 9 mai 1996 ne comportait aucune augmentation du fardeau fiscal pour les contribuables dont le revenu net est inférieur à 26 000 $ par année. Certes, un effort particulier fut demandé cette année-là aux grandes entreprises, mais il a consisté à ne pas profiter d'un allégement qui leur avait été antérieurement destiné. On ne parle donc pas d'une augmentation du fardeau fiscal, on parle, à ce moment-ci, d'une absence de baisse, ce qui est, pour le moins, moins douloureux, je dirais, qu'une augmentation des taxes et des impôts.

En fait, dès ce moment-là, l'effort de redressement des finances publiques a essentiellement porté sur les dépenses. Les dépenses de programmes ont été réduites de 4 $ pour chaque dollar de mesures augmentant les revenus. On a augmenté les revenus de 600 000 000 $ et, par ailleurs, on a réduit les dépenses de 2 500 000 000 $. Quand on parle de mesures de revenus, on ne parle pas nécessairement d'augmentation des taxes et des impôts, on parle, par exemple, de 300 000 000 $ de mesures pour mieux percevoir tous les revenus dus au gouvernement et donc à l'ensemble de la collectivité, une initiative applaudie par tout le monde. On parle aussi de 150 000 000 $ pour une absence de baisse d'impôts au niveau des grandes entreprises, ce que j'expliquais il y a quelques instants.

Mais ce qui compte, c'est que, dans l'ensemble, notre objectif a été atteint. Il fallait réduire le déficit à 3 200 000 000 $ en 1996-1997, et nous y serons parvenus. Pour la deuxième année de suite, nous avons atteint la cible fixée.

Le discours sur le budget 1997-1998 s'appuyait, lui, sur deux grandes priorités: l'assainissement des finances publiques et l'élimination du déficit budgétaire; la création d'emplois, avec pour objectif de rattraper et de dépasser même le taux de création d'emplois au Canada.

Sur le plan du redressement financier, cette cible était aussi inscrite dans la Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Cette cible était de 2 200 000 000 $, et nous avons maintenu le cap sur l'objectif afin de franchir une autre étape cruciale en direction du déficit zéro. Le budget 1997-1998 s'est donc inscrit, lui aussi, sous le signe de la rigueur et de l'austérité.

Le budget de l'an dernier a été élaboré en faisant l'hypothèse que la croissance économique se limiterait à 1,5 % pour 1997 et que la création d'emplois s'établirait à 25 000 postes. C'était là une prévision prudente, puisque le secteur privé prévoyait, lui, une croissance économique de 2,5 %. Cependant, nous n'avons pas voulu nous satisfaire de cette prévision et, afin que celle-ci soit largement dépassée, nous avons alors annoncé un plan d'investissements privés et publics de plus de 5 000 000 000 $ sur les deux années qui suivraient, une réforme majeure également de notre fiscalité pour la rendre plus simple, plus compétitive et plus équitable, de même que plus créatrice d'emplois.

Ce plan d'investissements reposait d'abord et avant tout sur le déclenchement de 4 200 000 000 $ d'investissements par le secteur privé. 2 200 000 000 $, là-dessus, d'investissements devaient être suscités par le Fonds pour l'accroissement de l'investissement privé et la relance de l'emploi; il s'agit du programme FAIRE dont l'objectif est de soutenir prioritairement les grands projets. 1 300 000 000 $ devaient être stimulés par un effort accru de partenariat entre les sociétés d'État et le secteur privé et par trois nouvelles mesures fiscales. C'est ainsi que tout nouvel investissement manufacturier bénéficie maintenant d'un congé de taxes sur le capital de deux ans et d'un amortissement égal à 125 % de la dépense encourue. De plus, toute nouvelle PME bénéficie maintenant d'un congé fiscal complet de cinq ans, c'est-à-dire ni taxes sur le capital, ni impôts sur les profits, ni cotisations au Fonds des services de santé. Est-ce qu'on peut reconnaître ces efforts, M. le Président?

235 000 000 $ d'investissements en environnement devaient être déclenchés par une aide substantielle de l'État et 500 000 000 $ d'investissements devaient découler de deux mesures déjà mises en place lors du Sommet de Montréal, à savoir le Fonds de développement industriel et le bloc de 500 MW de puissance énergétique qu'Hydro-Québec met à la disposition des nouvelles entreprises. Alors, on le voit, M. le Président, notre stratégie est claire: d'une part, réduire la dépense, maintenir le fardeau fiscal le moins élevé possible et le plus concurrentiel possible et, troisièmement, malgré tout cela, agir pour que l'investissement au Québec, effectivement, connaisse une relance importante. On a pu le constater, en 1997 et en 1996, alors que l'investissement privé de l'étranger au Québec a atteint quatre, cinq et six fois ce qu'on avait observé en 1994. On voit donc la progression très importante de ces investissements et la réussite de nos efforts.

Le budget prévoyait, de plus, de nouveaux investissements publics pour un total de 763 000 000 $ sur deux ans dans la santé et les services sociaux, dans l'éducation, dans la culture et dans la réfection du métro de Montréal. De plus, le gouvernement s'engageait à réaliser, toujours sur deux ans, des investissements additionnels de 369 000 000 $ sur le réseau routier. Donc, meilleur contrôle des dépenses, contrôle également de nos taxes et de nos impôts et également un gouvernement qui bougeait en fonction des investissements, de la création d'emplois et de la relance de l'économie.

Par ailleurs, je rappelle à cette Assemblée que, toujours au nom de la création d'emplois, le dernier budget a annoncé une réforme majeure de l'impôt sur les particuliers, qui a pris effet le 1er janvier dernier. Elle est, au départ, neutre, sur le plan financier, pour l'État comme pour les contribuables. En effet, elle fut en grande partie financée par un relèvement de la taxe de vente qui est passée de 6,5 % à 7,5 %, soit un taux comparable à des économies concurrentes, sur le plan pancanadien notamment. Sur ce point, je tiens à souligner que les ménages à faibles revenus n'ont aucunement été affectés par cette augmentation. Le crédit pour taxe de vente a considérablement été augmenté, ce qui a eu pour effet qu'une personne gagnant moins de 10 000 $ ne paie plus la taxe de vente.

(16 h 30)

Dans l'ensemble, lorsque le déficit zéro aura été atteint, en 1999-2000, les particuliers du Québec bénéficieront d'un allégement net de leur fardeau fiscal de quelque 500 000 000 $ – je dis bien, M. le Président, d'un allégement net de leur fardeau fiscal de quelque 500 000 000 $.

Avec cette réforme, depuis le 1er janvier, l'impôt sur le revenu des particuliers a été globalement réduit de 850 000 000 $ par année. L'impôt des ménages gagnant 50 000 $ ou moins a été réduit de 15 %; ça signifie donc une augmentation globale de leur revenu disponible de 588 000 000 $, tout près de 600 000 000 $. L'impôt des ménages gagnant plus de 50 000 $ a été réduit de 3 %, ça signifie une augmentation globale du revenu de ces ménage d'environ 253 000 000 $. Deux cent mille contribuables à faibles revenus se sont retrouvés totalement exemptés d'impôt, 200 000, M. le Président. Il s'agit aussi de 200 000 de plus qu'avant la réforme. On a doublé le nombre de ménages qui sont totalement exemptés d'impôt. De la même façon, l'aide fiscale en faveur des travailleurs à faibles revenus a été améliorée substantiellement et l'impôt a été simplifié considérablement pour quatre contribuables sur cinq.

Jamais notre système fiscal n'a été refaçonné de façon aussi profonde et jamais il n'aura été autant simplifié à l'avantage des contribuables. La déclaration de revenus de 80 % des contribuables tiendra désormais en seulement deux pages. Ces deux petites pages pourront même inclure la déclaration des deux conjoints à la fois, s'ils le souhaitent. En même temps, le régime fiscal est devenu plus équitable pour la vaste majorité des contribuables.

M. le Président, ceux qui nous interpellent aujourd'hui ont dû mal comprendre ce qui a été annoncé au dernier budget et ils ont dû mal se souvenir de leur bilan passé. Ils n'ont pas dû comprendre à quel point la réforme de la fiscalité des particuliers que je viens de décrire est à l'avantage des contribuables du Québec.

En résumé, le budget déposé en mars dernier déclenchait des investissements privés et renforçait la création d'emplois, permettait aux réseaux des services publics de faire les investissements nécessaires pour satisfaire les besoins de la population, poursuivait aussi le redressement des finances publiques tout en maintenant la solidarité sociale. Mais je rappelle encore une fois qu'il mettait en oeuvre une réforme majeure de la fiscalité des particuliers qui se traduira, à terme, par une baisse nette de leur fardeau fiscal de 500 000 000 $.

Soyons clairs, je parle d'une baisse nette, c'est-à-dire d'une baisse qui tient compte de l'augmentation de la taxe de vente, mais qui tient compte aussi de l'augmentation substantielle du crédit pour taxe de vente accordé aux contribuables à plus faibles revenus. Alors, il faut compter, calculer, considérer les deux côtés de la colonne et pas uniquement un des aspects des mesures que nous avons adoptées.

M. le Président, je crois que nous pouvons dire que, jusqu'à ce jour, notre politique budgétaire et fiscale a fait la preuve de son à-propos. Au cours de l'année 1997, la performance de l'économie du Québec a été nettement meilleure que prévu. Comme conséquence de la confiance, notamment, des investisseurs à l'égard de notre économie, le produit intérieur brut réel a augmenté de 2,5 %, alors qu'on avait prévu 1,5 % au moment du budget, les emplois se sont accrus de quelque 48 000, alors qu'on en avait prévu 23 000.

Cette forte reprise de l'économie se traduit dans presque tous les secteurs de l'économie: ventes au détail, plus 7,1 % comparativement à 4 % un an plus tôt; mises en chantier urbaines, 23,4 % d'augmentation comparativement à 1,7 % en 1996; exportations internationales, plus 6,3 % comparativement à 1,7 % en 1996; investissements privés et publics, plus 8,4 % comparativement à 5,8 % un an plus tôt; investissements non résidentiels, plus 7,4 % comparativement à une baisse en 1996.

On voit donc qu'on progresse de façon remarquable. L'action du dernier budget n'est pas étrangère à cette reprise de l'économie. L'objectif de réaliser 4 200 000 000 $ d'investissements privés avec le plan alors prévu est déjà réalisé à 75 %. Les investisseurs ont compris le sérieux de notre démarche et, contrairement à ceux qui nous interpellent aujourd'hui, les investisseurs ne pensent pas que nous allons augmenter les taxes et les impôts. Ils ne pensent pas que nous allons augmenter les dépenses gouvernementales, comme l'a fait l'administration précédente. Ils savent que nous allons respecter nos cibles de déficit, ce que l'administration précédente n'était pas capable de faire, manifestement. «Nous allons même respecter nos cibles de déficit», a expliqué encore tout récemment le ministre d'État de l'Économie et des Finances, malgré le grand verglas de janvier 1998 qui passera à l'histoire comme l'une des pires catastrophes naturelles que nous ayons collectivement connues.

Au plus fort du sinistre, M. le Président, près de la moitié de la population du Québec était privée d'électricité, et, pour plusieurs, la panne de courant a duré plus d'une semaine. La tempête de verglas aura laissé derrière elle des dommages matériels importants, notamment un réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec lourdement endommagé, des entreprises ayant subi des arrêts de production et des milliers de travailleurs et de travailleuses privés de leur salaire pendant quelques semaines. Ce grand verglas aura eu comme conséquences des coûts et des pertes de revenus estimés à tout près de 2 000 000 000 $ pour Hydro-Québec et pour le gouvernement.

Malgré cela, nous allons quand même garder le cap, maintenir nos objectifs et réussir, et ceci, malgré l'attitude du gouvernement fédéral qui a refusé jusqu'à maintenant, en plus, d'assumer sa partie des dépenses encourues par Hydro-Québec, malgré les précédents. Si le fédéral maintient sa position actuelle à l'égard d'Hydro-Québec, sa contribution se limitera à 837 000 000 $, et cela ne représenterait alors que 42 % de la facture totale. Compte tenu que les investissements de 525 000 000 $ d'Hydro-Québec seront amortis sur plusieurs années et que 73 000 000 $ de dépenses des ministères seront effectuées en 1998-1999, l'impact net du grand verglas sur les équilibres financiers du gouvernement s'est établi, en 1997-1998, à 601 000 000 $. Les résultats de notre politique adéquate, c'est que, malgré le désengagement fédéral et malgré les difficultés que nous avons pu connaître, nous pourrons absorber cette facture sans augmenter le déficit et sans augmenter les taxes et les impôts. Ainsi, notre gouvernement est en mesure d'absorber les coûts supplémentaires reliés au grand verglas et de maintenir sa cible de déficit à 2 200 000 000 $ cette année. Ces résultats devraient donner confiance à ceux qui nous interpellent aujourd'hui. Jugées par les réalisations et les succès, nos politiques donnent de bons résultats. Nous sommes sur la bonne voie et nous comptons y rester.

M. le Président, je comprends que les députés de l'opposition nous interpellent aujourd'hui, parce que le fardeau fiscal est une préoccupation majeure de tous nos concitoyens, et nous partageons cette préoccupation. Je pense cependant qu'ils nous interpellent parce qu'ils ne peuvent pas interpeller, ils n'osent pas interpeller leurs amis du gouvernement fédéral.

S'il y a un gouvernement aujourd'hui dont la rigueur budgétaire peut être mise en doute, c'est bien celui qui est de l'autre côté de l'Outaouais. S'il y a un gouvernement qui devrait réduire les impôts maintenant qu'il a atteint, avec nos contributions, le déficit zéro, ce devrait être lui. C'était d'ailleurs ce qui lui a été demandé par le premier ministre du Québec à la conférence fédérale-provinciale des premiers ministres; c'est aussi ce qui lui a été demandé par le ministre d'État de l'Économie et des Finances à la conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances. Leur exhortation n'a pas été suivie, d'aucune façon. Le gouvernement d'Ottawa a préféré se servir de ses surplus budgétaires pour imprimer des chèques à feuille d'érable, comme si cet argent lui appartenait. Plutôt que de s'en servir pour se faire du capital politique, c'est lui qui devrait réduire les impôts.

Je rappelle à cette Chambre que les contribuables canadiens verseront, en 1998-1999, au ministre fédéral des Finances 35 000 000 000 $ de plus qu'en 1993-1994, quand il a commencé sa croisade contre le déficit. On comprend donc qu'il l'a gagnée en grande partie sur le dos des contribuables, cette bataille. On comprend aussi qu'il l'a gagnée sur le dos des provinces, qui ont supporté plus que leur part des coupures de dépenses fédérales.

(16 h 40)

Je crois donc, M. le Président, que l'opposition n'interpelle pas le bon responsable du fardeau fiscal – toujours difficile – que nous devons assumer au Québec. Ils devraient interpeller ceux qu'ils croient être leurs amis. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. C'est quasi immanquable, chaque occasion qu'ils ont de chercher une chicane avec le fédéral et de se servir de cette manoeuvre comme diversion par rapport à leur propre administration, ils ne manquent jamais l'occasion. Vous avez remarqué que le ministre a lu les notes à ce moment-là. Ça, ça vient probablement du cabinet du premier ministre. C'est la consigne, de ce côté-là: À chaque fois que vous avez l'occasion, vargez dans le fédéral, ne manquez pas votre occasion. Ça va permettre également...

Des voix: ...

M. Ouimet: Ah oui, c'est ça, voyez-vous? Ça permet d'occulter ce que le gouvernement est en train de faire. Pourtant, je rappelle et je ramène le ministre et son gouvernement à la motion qui est devant nous, qui a été déposée par le député de Jacques-Cartier:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il s'engage formellement à ne pas augmenter, de quelque manière que ce soit, le fardeau fiscal des familles québécoises dans son prochain budget.»

Le ministre, il n'a pas été capable de répondre à ça. Donc, l'annonce qu'il nous fait aujourd'hui, c'est que le fardeau fiscal des familles québécoises va encore augmenter dans le prochain budget. Et ça, on le sait, la ministre de l'Éducation et, à l'époque, le ministre responsable de la Métropole l'avaient déjà déclaré en cette Chambre en disant, par rapport aux commissions scolaires: Il reste encore de la place, il faut taxer davantage. À Montréal, il reste 0,04 $. Les contribuables paient 0,31 $ du 100 $ d'évaluation. La limite, c'est 0,35 $ du 100 $ d'évaluation. Il reste 0,04 $. C'est sûr qu'on va aller chercher cet argent-là. On va augmenter le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises.

Combien de fois mon collègue député de Jacques-Cartier s'est levé en cette Chambre pendant la période des questions pour dire à la ministre de l'Éducation, responsable de la Famille, que sa politique et la politique du premier ministre appauvrissait les familles québécoises. Combien de fois la ministre répondait que, non, l'opposition était dans l'erreur, que, dans le fond, à peu près toutes les familles québécoises allaient y retrouver leur intérêt, que tout le monde en sortirait gagnant. La ministre soutenait que 95 % des familles québécoises en sortiraient gagnantes. Alors, mon collègue, à combien de reprises, avec des cas précis, des cas particuliers, de nombreux cas, disait à la ministre: Ce n'est pas vrai, ce que vous dites, Mme la ministre. Vous induisez les Québécois et les Québécoises en erreur lorsque vous dites cela. La ministre se levait, pareil comme le ministre se lève présentement, et disait: Voici ce que nous ne ferons pas, voici ce que nous allons faire.

Il est difficile de suivre le gouvernement, parce que des observateurs objectifs, qui ne sont pas présents au salon bleu, portent des jugements, avec des faits précis, sur ce que fait le gouvernement du Parti québécois. On pouvait lire, dans le journal Le Soleil du 6 janvier 1998 – ce n'est pas loin, là: «Une étude contredit la ministre: Trois familles sur quatre y perdent.» Et ce n'est pas n'importe quelle étude, c'est l'Institut de recherche en politiques publiques, un organisme spécialisé dans ce genre d'études là, qui a regardé le discours de la ministre, qui a regardé l'ensemble de la question de la politique familiale de la ministre de l'Éducation, pour conclure ce que le député de Jacques-Cartier disait et répétait à combien de reprises, que le gouvernement du Parti québécois appauvrissait les Québécois. Et voici une étude qui le démontre, M. le Président.

Pourtant, le premier ministre, lorsqu'il avait fait un discours devant la Chambre de commerce de Laval, avait pris des engagements fermes. On voit que la ministre de l'Éducation n'a tenu aucun de ces engagements et a tenté de venir cacher la réalité, la vérité aux Québécois et aux Québécoises. Mais, heureusement qu'il y a des instituts, comme l'Institut de recherche en politiques publiques, qui font des analyses crédibles et sérieuses et qui disent par la suite la vérité au peuple québécois.

Alors, lui, le premier ministre, M. le Président, avait dit ceci devant la Chambre de commerce de Laval: «J'estime qu'il doit surtout sinon totalement passer par une réduction des dépenses, y compris les dépenses fiscales, plutôt que par une augmentation des impôts. Les gens en ont assez, et avec raison, de l'alourdissement du fardeau fiscal que les gouvernements successifs leur ont fait subir.» Il disait par la suite que, compte tenu du fardeau fiscal actuel, il faut tout mettre en oeuvre sur le plan de la réduction des dépenses pour éviter de procéder à la hausse de 1 % de la TVQ.

Au mois de décembre, en cette Chambre, le ministre des Finances déposait un projet de loi qui augmentait encore une fois le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises en augmentant la TVQ de 1 % malgré les engagements du premier ministre du Québec, député de Jonquière, qui avait dit dans son discours d'assermentation, et je le cite, le 29 janvier 1996: «Et de toutes nos forces nous tenterons de le faire sans augmenter les impôts des contribuables et sans augmenter la taxe de vente du Québec.» Combien de fois est-ce que le premier ministre du Québec, la main sur le coeur, prend des engagements qui ne sont pas respectés? Il tient un beau discours! Lorsqu'on regarde les gestes, lorsqu'on regarde la législation qui est déposée, ça ne correspond à peu près jamais à l'engagement qu'il a pris.

Et mon collègue le député de Laporte a comptabilisé. Le premier ministre qui disait qu'on va s'attaquer aux structures mais qu'on n'augmentera pas les taxes et qu'on ne coupera pas les services – combien de fois a-t-il répété ça au salon bleu? – eh bien, il a fait tout à fait le contraire: Il a augmenté les taxes, le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises, des familles québécoises, de 2 200 000 000 $, il a augmenté le nombre de structures alors qu'il devait les diminuer, les réduire.

La preuve la plus éclatante, c'est que le gouvernement a créé le ministère de la Famille, qui n'a pas sa raison d'être, qui n'a pas été demandé par personne, qui n'ajoute absolument rien. Les politiques familiales existaient sans qu'il y ait une bureaucratie, et le gouvernement a mis sur pied le ministère de la Famille, le ministère de la Métropole, des agences de transport à gauche et à droite. On a créé toutes sortes de structures, particulièrement en éducation, pour donner l'impression aux Québécois et aux Québécoises qu'on est en train de faire quelque chose. Mais, au bout du compte, la réalité, M. le Président, c'est l'Institut de recherche en politiques publiques qui nous dit que trois familles sur quatre sortent perdantes de la politique familiale de la ministre de l'Éducation et responsable de la Famille.

Pas étonnant, M. le Président, le gouvernement – et on l'a répété à combien de reprises – fait payer les Québécois et les Québécoises pour son obsession référendaire. Son objectif d'atteindre le déficit zéro, c'est pour tenter de gagner le prochain référendum, et il fait souffrir à tous les jours la population québécoise. Que ce soit dans le domaine hospitalier, que ça soit dans le domaine scolaire, que ça soit au niveau des municipalités, qu'est-ce que le gouvernement fait? Il fait tout simplement, comme le disait le député de Rivière-du-Loup, réduire le gros déficit en créant des déficits partout ailleurs, dans toutes les administrations. Ça, c'est simplement pelleter les problèmes dans la cour des autres.

On l'a vu au niveau scolaire. Malgré les engagements pris par le premier ministre, discours solennel, déclaration d'assermentation d'un nouveau premier ministre, en 1996, qui disait: On n'augmentera pas le fardeau fiscal des Québécois et Québécoises. Bien, sur le plan scolaire, il y a deux ans – le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques devrait le savoir – on a augmenté, à Montréal, les taxes, et à travers la province, de 77 000 000 $. L'année passée, on a augmenté encore; le gouvernement du Parti québécois a augmenté le fardeau fiscal des contribuables scolaires de 102 000 000 $. La ministre invitait, pressait les commissions scolaires à augmenter les taxes scolaires.

Par la suite, on voit aussi que le matériel scolaire coûte deux fois plus cher. Ce n'est pas le député de Marquette qui le dit, c'est connu, c'est su. Deux fois plus cher pour la rentrée scolaire. Les factures ont doublé. C'est partout, partout, partout comme ça. Le ministre qui a pris la parole avant moi, qui tente de convaincre la population qu'il n'augmente pas le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises, comment peut-il faire de telles prétentions? Comment peut-il tenir de tels discours, alors que les faits le contredisent? On le voit, M. le Président, c'est ce que font continuellement les ministres de ce cabinet, c'est-à-dire qu'on ne dit pas la vérité aux Québécois et aux Québécoises et qu'on pense que les gens vont nous croire lorsqu'on dit des choses qui, dans les faits, ne se concrétisent pas.

On a vu la litanie. Malgré l'engagement du premier ministre, il autorise son ministre des Finances... Je ne parle même pas du ministre des Finances sous M. Jacques Parizeau, je parle du ministre des Finances sous l'actuel premier ministre, député de Jonquière. Ils ont augmenté les taxes pour plus de 2 200 000 000 $. C'est comme si on se levait à chaque matin pour savoir, là: Qui n'a-t-on pas encore frappé? Quel citron peut-on encore presser pour pouvoir en obtenir davantage des contribuables et appauvrir les Québécois et les Québécoises?

(16 h 50)

M. le Président – et je termine là-dessus – les familles québécoises au Québec, depuis l'arrivée du Parti québécois au gouvernement, ont moins d'argent dans leurs poches. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Je vais me prononcer en faveur de cette motion-là en commençant, d'entrée de jeu, par rappeler ce qui était, l'année passée, une des têtes de chapitre du budget, une des têtes de chapitre, je dis bien, sur papier. Le ministre disait vouloir soulager la classe moyenne. Après un brin de lecture, on s'apercevait que ce que le ministre décrivait comme la classe moyenne, c'étaient des gens qui ont un revenu de 15 000 $ par année. Avec le coût de la vie aujourd'hui, n'importe qui qui a des enfants sait qu'à 15 000 $ par année on parle de personnes qui sont sous le seuil de la pauvreté, dans la réalité. On parle de gens qui sont, à mon avis, dans une précarité économique et qui devraient à toutes fins pratiques... Ils ne sont pas en moyens de payer énormément d'impôts.

On s'apercevait que, pour la réalité de la classe moyenne, pour les gens qui travaillent, qui essaient de joindre les deux bouts, pour ces gens-là, bien, c'était une tout autre réalité, que c'était encore une fois une dure année, que c'était encore une fois une augmentation, puis là on arrive à la fin de cette année-là, puis, pour à peu près tout le monde, ça a été une année où il est sorti plus d'argent des poches.

Taxes scolaires, tous ceux qui ont une taxe foncière à payer, tous ceux qui ont une maison, une propriété, c'est le cas de beaucoup de familles. Au moins, c'est un but, hein, pour plusieurs familles d'essayer d'acquérir une propriété, de mettre de l'argent de côté pour ça. Ces gens-là ont vu leurs taxes scolaires augmenter, ces gens-là ont vu, à plusieurs endroits, les taxes municipales augmenter, ces gens-là ont vu la taxe de vente augmenter, puis là ça fait fi de l'assurance-médicaments. Tous ceux qui sont travailleurs autonomes, il y a toute une catégorie de gens, en plus. Un autre chèque pour l'assurance-médicaments.

Là, une nouvelle taxe est arrivée en cours d'année – parce que, là, on a de l'imagination – une taxe sur la pauvreté, parce qu'il faut comprendre, hein, que l'autre, le 32 000 000 000 $ qu'on payait déjà en taxes et en impôts comme Québécois et comme Québécoises, les plus taxés en Amérique du Nord, il y avait toutes sortes de programmes là-dedans, mais il n'y avait rien qui s'appelait «pour la pauvreté». Ça payait pour l'aide sociale, c'était supposé. Mais ça prenait quelque chose de plus, un autre 250 000 000 $ de plus qui, celui-là, allait être pour la pauvreté, pour refaire des structures puis toutes sortes d'organisations puis remettre de l'argent là-dedans à gauche puis à droite. Mais, ça, ça allait corriger. Ce 250 000 000 $ là qu'on allait siphonner dans les poches des Québécois, celui-là allait régler la pauvreté.

Alors que la réalité, M. le Président, c'est que ce gouvernement-là, avec sa maladie de taxer, de surtaxer, d'écraser les contribuables de la classe moyenne, bien, ce gouvernement-là ralentit l'économie, il crée la pauvreté. Ce n'est pas un modèle nouveau, je veux dire, il ne faut quand même pas penser que c'est les gens du Parti québécois qui ont inventé ça, les augmentations de taxes au Québec. Faites une courbe des augmentations de taxes au Québec depuis une dizaine d'années, ça n'arrête pas: en gros, c'est 1 000 000 000 $ par année. Dans nos poches, il y a un siphon qui vient chercher 1 000 000 000 $, par année, de plus, année après année, après année, libéraux comme péquistes, c'est la même recette.

Mais, cet argent-là qu'il y a de moins dans les poches des contribuables de la classe moyenne, c'est un repas de moins au restaurant, c'est un livre de moins à la librairie, c'est de l'argent de moins qui rentre dans les poches des commerçants. L'argent qui rentre en moins dans les poches des commerçants, à terme, c'est quoi? Des faillites, c'est du ralentissement économique, c'est des mises à pied. Mais la personne qui est mise à pied, le serveur ou la serveuse qui est mis à pied dans un restaurant parce qu'il y a moins de business, parce qu'il y a moins de roulement, parce que les gens sont trop taxés, parce qu'il y a de moins en moins d'argent dans l'économie, bien, ça, c'est un nouveau pauvre.

On fait des belles images, on dit qu'on va faire un fonds de la pauvreté, puis un ci de la pauvreté, puis toutes sortes de noms pour mettre le mot «pauvreté» partout pour faire semblant qu'on s'en occupe, puis, en pratique, on appauvrit tout le monde et on a une société qui est de plus en plus pauvre puis où le pouvoir d'achat fond.

Bien, cette motion-là, ce qu'elle vient dire au gouvernement, c'est: Dans le prochain budget, regardez-les, les familles actuelles, regardez c'est quoi, la vie des familles d'aujourd'hui au Québec. Allez voir, dans les rues du Québec, les petites familles, de quoi ça a l'air, leur vie, qu'est-ce qu'elles ont comme budget, qu'est-ce qu'elles essaient de se faire comme budget alors qu'elles donnent la moitié de leur salaire, en partant, au gouvernement, juste avec l'impôt, puis qu'ensuite de ça elles ont des taxes de ci, des taxes de ça, des permis, que tout ça a augmenté. Si elles ont le malheur de travailler, si elles font la gaffe – selon le gouvernement du PQ – de travailler, elles se sont fait, en plus, couper les allocations familiales. Regardez ça a l'air de quoi, leur budget aujourd'hui, puis vous allez comprendre pourquoi il est impératif, à la veille du budget, de rappeler à ce gouvernement-là qu'il faut arrêter de taper sur les familles du Québec, il faut arrêter d'écraser la classe moyenne.

Il faut commencer, avant de faire le budget du gouvernement, par partir du budget d'une famille ordinaire puis voir comment on peut le faire, comment on peut le boucler aujourd'hui, le budget d'une famille ordinaire, puis dire: Bien, comme gouvernement, notre responsabilité, c'est que ce monde-là, ces gens-là, ordinaires, qui travaillent, qui s'arrachent la vie, qui courent à la garderie puis à la job à toutes sortes d'heures, ils vont être capables d'arriver, à la fin du mois, ils vont être capables de se faire une vie normale, et ce n'est pas le gouvernement du Québec qui va les poigner à la gorge, qui va les empêcher d'être capables de joindre les deux bouts. J'espère que le ministre des Finances va faire cet exercice de réalisme, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Alors, je vais céder la parole à M. le député de LaFontaine. Alors, M. le député, il vous reste 21 minutes. Je vous cède la parole.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Moi aussi, bien sûr, je suis en faveur de cette motion, car force est de constater, actuellement, que les familles québécoises subissent en effet une pression sans aucune commune mesure avec leurs moyens financiers. Le gouvernement a essayé d'apporter un certain nombre de réformes au niveau de la garderie, au niveau des prestations parentales, et force est de constater qu'à chaque fois cela s'est traduit par des augmentations de frais administratifs. Ça n'a pas profité aux familles; ça a même éliminé un certain nombre de familles. Et on se rend compte que, dans certaines politiques, jusqu'à 72 % des familles qui sont maintenant sous l'emprise des nouveaux programmes du Parti québécois et du gouvernement, eh bien, sont perdantes.

(17 heures)

M. le Président, c'est dramatique, parce que tout augmente au Québec. Les taxes municipales augmentent, les taxes scolaires augmentent – dans la région de Montréal, on parle de 45 % – les coûts d'habillement augmentent, les coûts de logement aussi. L'ensemble de tout ce dont une famille a besoin pour vivre, pour élever des enfants, pour être à l'aise, pour être confortable, eh bien, subit des pressions à la hausse.

On s'attendrait donc à ce que le gouvernement, lui, vienne faire en sorte d'alléger le fardeau fiscal de cette catégorie de notre population. Et pourquoi? Parce que la famille, c'est essentiel dans une société. C'est essentiel parce que c'est dans les familles qu'il y a des enfants. C'est dans les familles qu'on prépare le futur, qu'on prépare l'avenir du Québec, des Québécois. C'est dans les familles qu'on va faire et créer ces nouvelles générations qui vont faire perdurer notre société, perdurer la culture francophone en Amérique du Nord.

Donc, on doit avoir une attention toute particulière pour cette catégorie de nos concitoyens. On doit faire en sorte, M. le Président, non pas de les décourager, mais de les encourager à se créer en famille et aussi à y avoir des enfants. Car où allons-nous? Nous regardons sans cesse le taux de natalité qui baisse. Nous avons recours, certes, à des mesures faciles pour essayer de compenser: l'immigration. Mais est-ce là le but d'une société? Je ne le crois pas. Je crois qu'au contraire le rôle d'un gouvernement est de faciliter et de motiver les gens et les familles québécoises bien sûr à devenir de plus en plus nombreux. Pour ce faire, il y a des moyens fiscaux, il y a des moyens politiques, et on ne les utilise pas actuellement. Au contraire, on se rend compte qu'au début de janvier on a augmenté la taxe de vente de 20 %. Est-ce que c'est une mesure familiale, ça? Je ne le crois pas.

M. le Président, je pourrais penser, moi, qu'au mois de janvier on aurait pu dire: Maintenant, les familles qui ont deux ou trois enfants verront une baisse de la taxe de vente, pas seulement pour ceux qui ont un revenu de 25 000 $ et moins, qui reçoivent des crédits, mais les familles aussi qui ont 40 000 $, 50 000 $, 60 000 $. Parce qu'un père et une mère de famille qui travaillent, la mère de famille gagnant 30 000 $, le père de famille à peu près la même chose ou des fois un peu plus élevé, alors de suite ça fait en sorte que ces familles se disqualifient pour avoir accès aux programmes qui sont mis en place pour encourager les familles. En plus de ça, ils montent dans des taux d'imposition directe tellement élevés qu'en effet, comme le disait le député de Rivière-du-Loup et comme le disent mes collègues, la moitié de leurs gains vont aller à l'impôt. Alors, quel est l'encouragement à ça?

Quel est l'encouragement, M. le Président, à devenir, au Québec, une famille? Moi, je le vis particulièrement, car j'ai le bonheur d'être père de trois enfants. Je dois vous dire que depuis que mes deux derniers sont arrivés – un a trois ans et la dernière maintenant a trois mois – je me rends compte, moi aussi, du fardeau fiscal qui pèse sur la famille. Je me rends compte des coûts que ça apporte et des sacrifices qui doivent être faits par nos compatriotes et nos concitoyens lorsqu'ils décident d'avoir des enfants ou plus qu'un enfant. On devrait reconnaître ça, et c'est le contraire qui se produit. Au contraire, on charge; au contraire, on va faire en sorte de les pénaliser.

Incompréhensible de la part d'un gouvernement qui se dit social-démocrate, qui se dit membre de l'Internationale socialiste, donc qui devrait avoir...

Une voix: ...

M. Gobé: Ils ne le sont plus, M. le Président, je comprends, ils ont dû les disqualifier, en effet. Parce que les gens qui sont membres de cette organisation sont des gens qui ont une conscience sociale, une vision sociale de la société, comme le Parti socialiste français, entre autres, et d'autres d'autres pays.

Alors, M. le Président, on se rappellera que ces gens-là se sont fait élire justement en allant courtiser les classes sociales du pays. Je vois le ministre du Travail qui rigole, mais je ne trouve pas ça drôle. Parce que le discours qui a été tenu depuis un grand nombre d'années est un discours social-démocrate. Là, on se rend compte qu'on a affaire à des mesures qu'un gouvernement de droite n'oserait même pas amener parce qu'eux sont en faveur de la famille, ils sont en faveur de la natalité; ce qui n'est pas le cas. Je vois la députée qui sourit, je l'engage à continuer à sourire, mais ce sont des choses sérieuses. Les familles québécoises ne font plus d'enfants; il n'y en a plus. Et celles qui en ont, on les étouffe avec le fardeau fiscal, et ça vous amuse. Eh bien, bravo, madame! Moi, ça ne m'amuse pas et ça n'amuse pas eux autres non plus.

Alors, aujourd'hui, dans cette motion, certes le ministre nous parle du verglas, nous parle de pouvoir rentrer dans son budget, son déficit zéro, mais on le fait sur la tête et sur le dos des Québécois et des Québécoises. Regardez maintenant une famille qui a des enfants qui vont à l'école, qui vont au cégep. Le fardeau fiscal non seulement il a augmenté, mais en plus de ça il y a des frais à charger. À l'école primaire maintenant, pour aller à l'école primaire, il y a des frais, il y a des dépenses. On n'a même pas de manuels dans les écoles. Donc, c'est bien souvent à la charge des parents qui décident d'acheter des livres à leurs enfants. Ça coûte très cher tout ça.

Est-ce qu'on a des incitatifs fiscaux pour faire en sorte que les familles québécoises qui ont des enfants reçoivent des aides et des encouragements pour acheter des livres à leurs enfants pour étudier à la maison vu qu'il n'y en a pas à l'école? Non, on n'a pas ça. Est-ce que, M. le Président, on a, pour les familles, des aides pour faire en sorte que, dans l'alimentation, eh bien, on reconnaisse qu'une famille de trois enfants ou de quatre enfants, eh bien, c'est un fardeau beaucoup plus important puis qu'il y a des dépenses supplémentaires à ce niveau-là, au niveau de l'habillement, au niveau des loisirs?

Prenez un couple qui voulait aller voir la semaine dernière un spectacle au Centre Molson, à Montréal, de patinage sur glace de fantaisie avec des spectacles, bon, bien, ça lui coûte deux billets: 25 $ chacun, 50 $. Le même couple qui a un enfant, c'est 75 $ ou 70 $ parce qu'il y a une petite réduction pour l'enfant. Puis, s'il a trois enfants ou deux enfants, c'est au-delà de 100 $, 125 $. Est-ce que c'est là normal alors que ce même couple là va payer sensiblement le même niveau d'impôt?

M. le Président, je pense que le gouvernement fait fausse route, pour faire ses compressions, pour obtenir son déficit zéro, lorsqu'il cible les familles québécoises, lorsqu'il cible les dépenses courantes des familles. Je crois qu'il y a d'autres façons d'aller chercher de l'argent. D'abord, en créant la richesse, en créant de l'emploi, en faisant en sorte que l'activité économique reprenne – ça, c'est une des premières choses – en faisant travailler les gens, car, si on a appauvri les familles québécoises aussi au niveau fiscal, on les a appauvries aussi au niveau du travail.

M. le Président, il y a beaucoup de familles qui ne travaillent plus et qui n'ont plus actuellement la liberté de gagner leur vie et de pouvoir faire vivre leur famille. Ceux-là aussi sont appauvris. C'est l'ensemble du Québec qui est touché: dans les régions, la grande région de Montréal. Et, moi, ça ne me fait pas rire. Ça ne fait pas rire les gens non plus. Quand je rencontre mes compatriotes, les électeurs dans ma circonscription, dans les autres quartiers de Montréal, ce que les gens me disent, c'est: On est tanné. On n'arrête pas de payer. On est pressurisé, on est écrasé. Le député de Marquette tout à l'heure parlait de citrons. Ce n'est même plus des citrons, M. le Président, c'est rendu des peaux de citrons. Il n'y a plus de jus là-dedans et on continue à pressuriser.

Alors, moi, non seulement je suis tout à fait en accord avec cette motion présentée par notre collègue le député de Jacques-Cartier, mais j'en profite pour exhorter les députés ministériels... Je sais qu'il y en a qui ont une vision sociale de la société. Il y en a qui connaissent c'est quoi, les problèmes de l'enfance, de la jeunesse, des familles. Il y en a qui voient les dangers d'une sous-natalité, d'une dénatalisation. Il y en a qui voient ça. Il y en a qui connaissent ça. Il y en a qui ont une conscience à penser ça en dehors de toute ligne partisane.

J'exhorte ces gens-là à faire en sorte que leurs ministres qui se font dicter par le Conseil du trésor de savantes équations de calculs pour arriver dans leurs prévisions sans tenir compte du contexte humain et du facteur des citoyens... Bien, j'exhorte ces députés et je leur demande: Retrouvez donc votre conscience, retrouvez donc votre rôle social que vous aviez et faites en sorte que ce Conseil du trésor et ces ministres ne sabrent pas dans les services à la population et arrêtent de pressuriser et de pressurer l'ensemble des familles québécoises et, au contraire, leur donnent les moyens de se développer, de faire en sorte de pouvoir être heureux et de développer notre société.

C'est là le but, M. le Président, et c'est là l'objectif qu'on doit avoir, en dehors de toute ligne de partisanerie, sans être obligé de se crier des mots et de rire ou de s'esclaffer devant un discours ou un autre. Je pense que ce que le citoyen nous demande, c'est ça: Voulez-vous vous occuper de nous, voulez-vous arrêter de nous taxer, voulez-vous nous donner les moyens de vivre heureux et de nous développer. C'est ça qu'ils demandent, c'est ça qu'ils veulent et c'est ça que nous devons, nous, leur donner, quelque parti que ce soit et quelque côté de la Chambre que ce soit, parce que c'est notre responsabilité pour les prochaines décennies, et ça, si on ne la prend pas, M. le Président, un jour on en paiera le prix comme société québécoise.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Berthier. M. le député. Vous disposez d'un temps de 26 minutes.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je vais relire la motion qui nous est déposée et qu'on débat aujourd'hui:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il s'engage formellement à ne pas augmenter, de quelque manière que ce soit, le fardeau fiscal des familles québécoises dans son prochain budget.»

(17 h 10)

Alors, M. le Président, il est peut-être important, pour comprendre un peu plus le débat, de cerner un peu plus les enjeux qui ont prévalu avant 1994 et après 1994, donc c'est-à-dire avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, mandat qui a été caractérisé par le règne du Parti libéral du Québec, qu'on peut appeler un grand verglas rouge qui a causé des désastres financiers et budgétaires sans précédent dans l'histoire du Québec, et peut-être en soulever quelques-uns, parce que, si la formation politique qui est dans l'opposition actuellement, le Parti libéral du Québec, avait, une année à la fois, mis en pratique ce qu'elle prêche aujourd'hui, bien, peut-être qu'elle aurait été réélue en 1994. Mais c'est l'inverse qu'ils ont fait.

On a été précédé, M. le Président, par un des gouvernements les plus dépensiers et gaspilleux de l'histoire du Québec. Ça, je pense qu'il y a deux mots qu'on peut retenir du gouvernement libéral de Robert Bourassa, qui pourtant avait promis aux Québécois... gouvernement qui devait doter le Québec d'une sorte d'État-business, d'une sorte d'État-Provigo. Rappelez-vous des paroles de l'ancien président du Conseil du trésor, Paul Gobeil, qui disait: Nous voulons votre bien et nous l'aurons. Et ils l'ont eu, aussi.

Gouvernement dépensier et gaspilleux sur le plan constitutionnel. Rappelez-vous des merveilleux mots du vice-premier ministre, député de Verchères, qui a dit que le gouvernement qui nous a précédés a passé son temps à «Charlottetownier» et à «Meechier» pendant bien longtemps, pendant 10 ans. Tout ça pour aboutir à quoi? À rien! Des dizaines, pour ne pas dire des centaines de millions de dollars ont été dépensés dans des malheureux débats constitutionnels qui n'ont mené à rien, dans le fond, qui n'ont pas fait avancer le Québec et le peuple québécois d'un iota.

Alors, M. le Président, je voudrais reprendre, pour confirmer ce que je dis, qu'on a eu un des gouvernements libéraux les plus dépensiers et gaspilleux de l'histoire du Québec... On n'a qu'à regarder la dette du Québec qui a augmenté considérablement entre 1985 et 1994. Le Parti libéral, c'est-à-dire le fameux parti, là, des ti-Jos-connaissant de la finance puis du développement économique et de la création d'emplois, bien, il a réussi à faire gonfler la dette du Québec de 45 000 000 000 $. C'est ça, qu'ils ont fait pendant quasiment neuf ans. 45 000 000 000 $. La dette est passée de 31 000 000 000 $ en 1985 à 75 000 000 000 $ en 1994. En cinq ans, la formation politique des ti-Jos-connaissant du développement économique puis de la finance au Québec puis du redressement budgétaire a réussi à tripler le déficit annuel, le faisant passer de 1 800 000 000 $ à 5 800 000 000 $. C'est eux aujourd'hui qui nous amènent des motions pour nous montrer comment ça devrait marcher. Qu'est-ce qu'ils ont fait pendant neuf ans, M. le Président, au Québec? C'est à eux qu'il faut poser la question. Qu'est-ce qu'ils ont fait?

On n'a qu'à reprendre les quatre derniers budgets qui ont été présentés par l'autre formation politique alors qu'elle était au pouvoir, et c'est drôle qu'ils ont toujours manqué leur coup. Ça, tout le monde va comprendre ça. En 1991-1992, on annonçait un déficit de 3 400 000 000 $; le déficit réel a été de 4 200 000 000 $. Écart de 722 000 000 $. Ils ont manqué leur coup de 722 000 000 $. En 1992-1993, ils avaient annoncé un déficit de 3 700 000 000 $, les fameux ti-Jos-connaissant du développement économique, ils connaissaient ça, eux autres, les Paul Gobeil, les Pierre MacDonald, avec Pierre Lortie dans l'antichambre, puis André Vallerand, puis tout ça; 4 900 000 000 $. Écart de 1 100 000 000 $. En 1993-1994, on a annoncé 4 100 000 000 $; déficit réel de 4 800 000 000 $. Écart de 749 000 000 $. Et, en 1994, naturellement, prévision de 4 400 000 000 $; pour 5 700 000 000 $. C'était une année préélectorale, on voulait encore pitcher l'argent des Québécois par les fenêtres. Gouvernement dépensier et gaspilleux. Écart de 1 200 000 000 $.

C'est ces gens-là aujourd'hui qui se promènent sur toutes les tribunes pour nous dire comment faire. Alors qu'ils ont eu la confiance des Québécois pendant deux mandats successifs, ils ont été un des gouvernements qui ont réussi le plus à créer une enflure budgétaire au déficit du Québec, et ça a été probablement un des gouvernements qui ont manqué le plus lamentablement à leur première responsabilité, c'est-à-dire de déposer des budgets puis d'essayer d'atteindre leurs objectifs budgétaires.

Qu'est-ce qui s'est passé après 1994? Bien, notre gouvernement, c'est drôle qu'on a présenté à cet égard trois budgets, à date. En 1995-1996, on a annoncé 3 900 000 000 $; on l'a atteint. En 1996-1997, 3 200 000 000 $; on l'a encore atteint. On va en avoir un autre où on a annoncé 2 200 000 000 $, et je suis convaincu qu'on va l'atteindre. Et on prévoit, pour 1998-1999, 1 200 000 000 $, et ensuite, 1999-2000, zéro.

Alors, ce gouvernement profondément social-démocrate a eu, en fin de compte, à jouer sur trois patinoires. Il a eu, dans le fond, à faire ce que le gouvernement précédent n'a pas fait, c'est-à-dire d'agir un peu à la Margaret Thatcher. Oui, il fallait couper. Oui, il fallait redresser la situation catastrophique qui avait été laissée là par le gouvernement précédent sur la question des finances publiques au Québec. C'était une urgence que le gouvernement, en 1994, se retrousse les manches, se crache dans les mains pour éviter d'envoyer le Québec à la faillite. Le gouvernement qui nous avait précédés nous avait rendus, dans un certain sens, au dernier bouton: le Québec, comme société, avait le dos au mur. Il était important, il était nécessaire, il était indispensable, et c'était la voie incontournable pour l'avenir de notre peuple, comme société, de se donner une rigueur budgétaire une année à la fois, très difficile sur le plan des sacrifices qui ont été demandés à tout le monde.

Mais on a demandé à tout le monde de faire des efforts, tout le monde y est passé: d'abord les députés des deux côtés de la Chambre, les juges, les médecins, le secteur public, parapublic, les municipalités, les gens à Hydro-Québec. Tout le monde y est passé. Tout le monde s'est joint à cet effort collectif nécessaire pour stopper l'endettement du Québec, stopper le gaspillage, stopper la dépense qui avait été laissée là par l'héritage du précédent gouvernement.

M. le Président, il est important de comprendre une chose. Moi, je l'ai comprise, personnellement, et on ne peut pas conter de pipes aux Québécois, on ne peut pas leur raconter des bobards. Et je pense que, dans le fond, ce qui va ressortir, une des caractéristiques, un des traits de caractère, de comportement de ce gouvernement devant l'électorat à la prochaine élection, c'est le courage politique. On a eu du courage politique, on a pris le taureau par les cornes. On a mis en place, dans un certain sens, des vrais chantiers avec des vraies réformes, mais on va connaître et on connaît déjà, en bout de piste, des vrais résultats. Alors, moi, je dis à la population du Québec, à ceux et celles qui nous écoutent – je l'ai appris personnellement aussi – qu'il n'y a pas de changement sans souffrance. C'est sûr qu'on a demandé des efforts et des sacrifices à la population, mais on est en train d'en récolter les fruits, et ça, c'est important.

Dans un certain sens aussi – je l'ai dit tantôt – on a eu à agir un peu comme Margaret Thatcher. On a gardé aussi notre credo social-démocrate. J'ai vu tantôt le député de Rivière-du-Loup dénigrer quelque peu le Fonds de lutte contre la pauvreté: c'est 250 000 000 $ sur trois ans où tout le monde met un peu du sien, ça, pour aider justement les gens les plus mal pris de notre société. Et la semaine passée, lors du passage de la députée de Hochelaga-Maisonneuve et ministre d'État à la Solidarité dans le comté de Berthier, on a annoncé pour 750 000 $ de projets créateurs d'emplois pour aider, justement, les gens les plus mal pris de notre société.

Alors, qu'est-ce que le gouvernement a fait, si on peut dire, pour garder en place ce créneau important, celui de la social-démocratie? Il y a eu une réduction d'impôts. Alors, c'est ce qui est enclenché depuis le 1er janvier de cette année: réduction d'impôts de 850 000 000 $. Et ça touche qui? Essentiellement, cette réduction d'impôts là, c'est une réduction de 15 % pour les ménages gagnant moins de 50 000 $ – ça touche justement la classe moyenne au Québec – diminution de 3 % de l'impôt des ménages gagnant plus de 50 000 $, élimination complète de l'impôt à payer pour 200 000 contribuables à faible revenu. C'est des mesures très social-démocrates. C'est une réduction, justement, du fardeau fiscal des plus mal pris de notre société. Augmentation du salaire minimum de 13 % en moins de deux ans. C'est pour qui, ça, le salaire minimum? C'est encore une fois pour les plus défavorisés de notre société, pour les plus mal pris de notre société.

(17 h 20)

Alors, on voit, M. le Président, que commence à émerger un des traits de caractère importants de notre gouvernement: c'est que les choses qu'on a annoncées, on a été en mesure de les réaliser. Je l'ai dit tantôt: des vrais chantiers, des vraies réformes avec des vrais résultats, et ça, malgré le fait qu'on a eu à agir aussi un peu comme le père de l'indépendance d'Israël, Ben Gourion, parce qu'on avait à mettre de l'avant notre projet d'indépendance nationale. Ça, on ne s'en cachera pas.

Et c'est peut-être un autre élément que je veux relever de l'opposition officielle, parce qu'on vit encore dans un régime fédéral. Moi, je n'ai pas entendu trop, trop souvent les députés de l'opposition ou la formation politique dirigée par le député de Vaudreuil-Soulanges, ce grand parti qui fut jadis un grand parti qui représentait quelque chose pour les Québécois, surtout à l'époque de Jean Lesage ou de Georges-Émile Lapalme, de Maîtres chez nous ... Et c'est peut-être de ça que l'opposition officielle s'est éloignée. Et on a vu que ce parti, qui avait des assises importantes dans plusieurs comtés francophones du Québec, bien, ces appuis-là ont complètement disparu. Et c'est un problème de fond qui règne actuellement au niveau de l'opposition officielle. On aura beau aller chercher n'importe quel chef à Ottawa, ils devront répondre fondamentalement à cette question essentielle pour l'avenir de leur parti: Est-ce que les Québécois forment un peuple?

Charest ou pas, est-il d'accord oui ou non avec la loi 101? Que pense-t-il de certains députés de l'opposition qui ont flirté avec l'idée de la partition? C'est des questions fondamentales. Alors, je n'ai pas vu l'opposition officielle se lever très, très souvent pour dénoncer le ministre des Finances d'Ottawa, qui a coupé, depuis trois ans, au Québec, en paiement de transferts, 3 500 000 000 $. Si on avait ça dans nos coffres aujourd'hui, bien, probablement qu'on serait en surplus budgétaire. C'est ça, la réalité. Mais l'autre réalité puis le vrai visage de l'opposition officielle, c'est de voir à quel point ces gens-là sont, trop souvent, au service d'un autre peuple, d'un autre système, qu'on appelle le système fédéral canadien.

Et on voit qu'en fin de compte ce qui prédomine actuellement et ce qui domine l'opposition officielle, c'est bien sûr le plan B. Alors, on n'a pas intérêt trop, trop à se lever pour questionner ce système-là qui, en fin de compte, n'avantage pas le Québec si on regarde ça strictement sur le plan des finances, sur le plan budgétaire, 3 500 000 000 $ de moins dans les coffres du Québec. Bien, ça permettrait probablement de faire beaucoup de choses, que ce soit sur le plan économique, sur le plan du développement régional, sur le plan de la création d'emplois chez les jeunes, sur le plan de l'accélération de l'allégement du fardeau fiscal justement pour la classe moyenne puis les plus démunis de notre société.

Et, comme le dit mon collège de Lotbinière, on paie toujours 30 000 000 000 $ de taxes et d'impôts à Ottawa. Alors, c'est un peu le problème de fond qu'a l'opposition officielle actuellement, de s'être littéralement éloignée du Maîtres chez nous de Georges-Émile Lapalme et de Jean Lesage. Et, moi, je le dis, s'il n'y a pas une révolution sur le programme constitutionnel du Parti libéral du Québec actuellement, si on ne bâtit pas, si on ne met pas en place un programme politique qui vient rejoindre le Maîtres chez nous ou notre option politique, bien, moi, je suis convaincu que ces gens-là vont être encore aux prises avec le même problème d'avant le départ de leur chef. Ils auront toujours un problème de crédibilité auprès d'une majorité d'électeurs, c'est-à-dire de Québécois et de Québécoises, parce qu'il y a un problème de fond dans ce parti-là. Et, pour avoir siégé à l'époque de Claude Ryan, sous René Lévesque, on était beaucoup plus vindicatif à l'égard du gouvernement fédéral, on était beaucoup plus questionneux, on a même eu des motions conjointes, ici, ensemble, votées à l'unanimité, justement pour faire front commun vers le rouleau compresseur d'Ottawa. On n'a pas vu ça depuis 1994.

Alors, c'est les vraies questions qu'on devra poser d'ailleurs à celui qui voudra prendre les rênes du Parti libéral du Québec, qui est très loin malheureusement du grand Parti libéral qu'avaient mis en place les pères de la Révolution tranquille, Georges-Émile Lapalme et Jean Lesage. Alors, M. le Président, s'il y a un problème de fond de l'autre côté, il n'y en a pas un de ce côté-ci, parce que, nous, c'est clair. Dans le fond, la question qu'il faut poser, c'est: Avec quel statut politique la société québécoise veut entrer dans le XXIe siècle?

Pour l'autre côté, la réponse est simple, c'est avec un statut de province. Puis ces gens-là, ça les satisfait, la province de Québec. Pour les gens de ce côté-ci, c'est avec un statut de pays. Nous voulons parler pour nous-mêmes dans le concert des nations. Nous recherchons l'égalité non pas avec la sympathique province du Nouveau-Brunswick ou de l'Île-du-Prince-Édouard, pour laquelle le gouvernement fédéral a peut-être été un peu trop généreux dans les dernières années en construisant un pont qui a coûté à peu près au-delà de 1 000 000 000 $ avec les taxes et les impôts des Québécois... Je ne suis pas sûr que c'était une priorité en ce temps-ci. Alors qu'on coupe 3 500 000 000 $ en paiements de transferts au Québec, bien on ne se gêne pas pour construire, d'investir dans le béton pour une province qui a moins de population que la ville de Longueuil. C'est ça, la réalité.

Et on pourrait continuer. Notre collègue de Taillon, ministre de l'Éducation, l'a formidablement soulevé lors de la période de questions, alors justement qu'on a de la difficulté à rejoindre les deux bouts dans notre système d'éducation au Québec actuellement, le gouvernement fédéral arrive, crée un nouveau programme qui est un champ de juridiction traditionnellement, historiquement voué au Québec. C'est au Québec, ça, l'éducation. Tous les gouvernements qui se sont succédé à Québec l'ont défendu, que ce soit Jean Lesage, Daniel Johnson père, Jean-Jacques Bertrand, Robert Bourassa, René Lévesque, Pierre Marc Johnson et autres.

Bien, là le gouvernement fédéral dépose un budget, 626 000 000 $ dans les bourses du millénaire, du troisième millénaire. Donc, on passe par-dessus la tête du gouvernement provincial de Québec pour mettre une mesure qui, à mon point de vue, est peut-être superflue, gaspilleuse et dépensière strictement pour se donner une visibilité politique, pour faire de la petite politique sur le dos des provinces. Alors que, au Québec, on a probablement un des systèmes de prêts et bourses les mieux organisés, les mieux structurés, les plus équitables au monde, le plus généreux, en tout cas, au Canada, on aurait pu faire passer ça justement par la juridiction de Québec pour mettre en place ce programme-là, puis on a décidé d'aller par-dessus. Je n'ai entendu personne de l'opposition, hein, pas un son, pas un murmure, pas une syllabe, pas un mot à ce sujet-là.

Alors, M. le Président, peut-être en terminant, moi, je suis fier du bilan de gouvernement, je suis fier des chantiers qu'on a mis en place, je suis fier des réformes, je suis fier particulièrement aussi des gestes qu'on a posés justement pour venir en aide aux plus défavorisés de notre société. C'est important de le démontrer. On l'a fait à plusieurs points de vue. Et je pense que, moi, une des meilleures mesures justement pour alléger le fardeau fiscal des Québécois et Québécoises, c'est la mesure qui a été annoncée dans le dernier budget l'année passée, qui est en vigueur à partir du 1er janvier de cette année, c'est-à-dire une réduction moyenne d'impôts de 15 % pour les ménages gagnant moins de 50 000 $. Celle-là est très importante. C'est beaucoup plus d'argent. C'est un pouvoir d'achat agrandi auprès de ces contribuables qui sont touchés par cette mesure extrêmement importante.

On a beaucoup parlé. Il y a toujours un mot qui revient de l'autre côté, on voit que c'est les vieux vestiges, ce que j'appelle les Bonhommes Sept Heures de l'opposition officielle, d'essayer de nous faire peur en semant le doute, en semant l'incertitude auprès de la population du Québec, c'est de dire: Bon, bien, il y a une certaine incertitude politique. Moi, je vais reprendre les chiffres, et ça, c'est du Conference Board du Canada, c'est qu'avant 1994 il y avait quoi, à peine 600 000 000 $ d'investissements étrangers au Québec. L'année passée, ça a été 3 000 000 000 $, puis ça a augmenté même en campagne référendaire. On a quasiment dépassé le 1 500 000 000 $ en pleine campagne référendaire, en 1995. Alors, 3 000 000 000 $ d'investissements étrangers au Québec, et ça, c'est un gouvernement souverainiste qu'on a à Québec. Si le gouvernement fédéraliste de l'époque était si bon que ça, pourquoi on n'a pas été capable d'atteindre... Ça n'a jamais été réalisé. 3 000 000 000 $ d'investissements étrangers au Québec en 1997, c'est cinq fois plus qu'en 1994. C'est ça, la réalité.

(17 h 30)

Alors, l'incertitude, ce n'est pas nous qui la créons; l'incertitude, c'est quand les chantres du plan B, les Marcel Massé puis les Stéphane Dion, parce que c'est à eux autres qu'il faut s'adresser parce que c'est eux la véritable opposition du peuple québécois actuellement... C'est eux qui créent l'incertitude.

Je veux dire, pour les gens, il y a des entreprises, il y a des groupes qui viennent de partout dans le monde qui, à chaque semaine, passent au Québec pour investir, pour établir des partenariats d'affaires justement avec le monde économique québécois. C'est extraordinaire. Les Québécois sont de plus en plus performants non seulement ici, mais un peu partout à travers le monde. 50 % de notre PIB est exporté dans un des marchés les plus difficiles de la planète, les États-Unis d'Amérique. Puis, on voit de plus en plus de jeunes, je parle de jeunes, 20, 21, puis 18, puis 19, particulièrement dans le domaine du multimédia, à Boston, à Silicon Valley ou ailleurs.

Alors, le peuple québécois est plus fort que jamais, et je pense que le peuple québécois va être en mesure de décider, à la prochaine élection, de se redonner un vrai gouvernement, un vrai gouvernement parce qu'il sait où il s'en va puis parce qu'il a été en mesure justement de mettre de côté la partisanerie politique, il a été en mesure de faire preuve d'une grande lucidité, d'une grande clairvoyance pour la société québécoise et d'un grand courage. Je pense que, en bout de piste, c'est ça qui va payer. Alors, merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Berthier. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. C'est dommage qu'il ne me reste qu'une dizaine de minutes, parce que j'aurais long à dire pour répondre au chapelet de lamentations de mon collègue de Berthier. Je vous dirai tout simplement, en réponse à votre discours, que le Parti libéral du Québec n'a pas de leçon à recevoir du Parti québécois. Le Parti québécois au pouvoir vit actuellement sur l'héritage du Parti libéral qui a marqué l'histoire du Québec et ses institutions. Et heureusement que le parti libéral était là, justement, pour mettre le Québec sur la voie du progrès, parce que, depuis que le PQ est au pouvoir, M. le Président, la situation du Québec est désastreuse à tous points de vue.

Au lieu de cultiver et de développer la richesse, ce gouvernement est en train de cultiver la pauvreté: la pauvreté pour les pauvres pour les rendre plus pauvres et la pauvreté pour la classe moyenne, qui est devenue la vache à lait de ce gouvernement, qui s'appauvrit de plus en plus et qui voit son pouvoir d'achat amoindri de plus en plus. Je dirai tout simplement un mot sur le souci que le député de Berthier a exprimé par rapport aux pauvres. Je lui rappellerai que, lorsque le gouvernement du Parti québécois est arrivé au pouvoir, il a gelé le salaire minimum pendant quatre ans. Alors, cela témoigne du peu de sensibilité qu'il a vis-à-vis des gens qui sont les plus démunis.

M. le Président, permettez-moi d'intervenir sur la motion de mon collègue le député de Jacques-Cartier et qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il s'engage formellement à ne pas augmenter, de quelque manière que ce soit, le fardeau fiscal des familles québécoises dans son prochain budget.»

Pourquoi une telle motion, M. le Président? Si on est rendu à rappeler à l'ordre le gouvernement par voie de motion, c'est parce que la situation est grave, c'est parce que les contribuables québécois croulent sous le poids des taxes et des impôts. Depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti québécois, les Québécois et les Québécoises ont reçu une pluie de taxes. Qu'on pense au budget de ce gouvernement, avec toute la panoplie de mesures qui ont permis d'aller chercher 561 000 000 $ en 1995-1996, 619 000 000 $ en 1996-1997 et 603 000 000 $ en 1997-1998. Et où est-ce qu'on est allé chercher cet argent-là, M. le Président? Dans la poche des contribuables.

Le règne du député de Crémazie à la tête du ministère des Finances a été très court, mais son héritage, malheureusement, se prolonge toujours puisque les contribuables québécois continuent encore aujourd'hui à être pénalisés par les hausses de taxes qu'il a introduites dans son budget.

Puis il y a eu, en 1996-1997, les budgets de l'actuel ministre des Finances qui sont venus appauvrir davantage les familles et la classe moyenne en particulier. Et, comme cela ne suffisait pas, il y a eu de nombreux projets de loi et déclarations ministérielles qui sont venus encore une fois fouiller dans les poches des contribuables et transférer une partie substantielle du déficit de ce gouvernement aux différentes instances, aux municipalités, aux commissions scolaires, aux hôpitaux.

En discutant avec des groupes, M. le Président, dans mon comté, les gens m'ont dit: Savez-vous où est le déficit du gouvernement? Il est dans notre poche. Le déficit du gouvernement est rendu dans notre poche, parce que ce sont les contribuables qui paient pour ce déficit. En tout, l'impact financier, pour le gouvernement, des mesures budgétaires imposées aux contribuables s'élèvent à 561 000 000 $ en 1995-1996, 976 000 000 $ en 1996-1997, 1 932 000 000 $ en 1997-1998, 1 933 000 000 $ en 1998-1999 et 1 736 000 000 $ en 1999-2000.

Parallèlement à ce bilan désastreux, la situation économique du Québec, loin de s'améliorer, est en train de prendre du retard, un retard sérieux par rapport à l'Ontario et à l'ensemble de l'économie canadienne. Trois indicateurs économiques peuvent être cités en exemple pour illustrer cette réalité: le taux de la croissance, la création d'emplois et le taux de chômage. En effet, dans une étude de la Banque Royale rendue publique le 21 octobre 1997, le constat est très clair: l'économie québécoise est condamnée, avec ce gouvernement, à accuser des retards, aussi bien dans les années antérieures qu'en 1998 et en 1999.

La croissance économique anticipée pour 1998 est estimée à 2,8 %, contre 2,4 % pour 1999, contre 3,3 % et 2,8 % pour le reste du Canada. Pourquoi? Parce que le gouvernement du Québec a d'énormes difficultés à stimuler l'économie et à générer des revenus. L'instabilité politique engendrée par le dernier référendum et la perspective d'un troisième référendum ne font que détériorer la situation économique et affecter l'ensemble des québécois. C'est ainsi que les économistes de la Banque Royale ont situé la croissance réelle du produit intérieur brut du Québec autour de 2,7 % en 1997, alors que celle du Canada est de l'ordre de 3,5 %. Les prévisions de la croissance pour le Québec oscillent autour de 2,8 % et 2,4 % respectivement pour 1998 et 1999, alors qu'elles se situent autour de 3,3 % et 2,8 % pour le reste du Canada.

Alors, au chapitre de la création d'emplois, le Québec fait également figure d'enfant pauvre. Depuis le référendum de 1995, il s'est créé 473 000 emplois au Canada, contre seulement 35 000 au Québec, alors qu'on devrait créer au moins le quart des emplois qui ont été créés au Canada, soit près de 120 000. Quand on regarde les données reliées au taux de chômage, on constate que, là encore, le Québec traîne de la patte, puisqu'en 1997 il était de l'ordre de 11,7 %, contre 9,2 % pour le reste du Canada.

(17 h 40)

Face à ce désastre économique, le gouvernement ne trouve rien de mieux à faire que de se rabattre sur le portefeuille des contribuables et des familles québécoises. Il suffit de constater les dégâts occasionnés par la pseudo-réforme de la politique familiale adoptée par ce gouvernement pour s'en rendre compte. En effet, l'Institut de recherche en politiques publiques, en collaboration avec deux professeurs du Département de sciences économiques de l'UQAM, est arrivé à la conclusion que 72 % des familles québécoises recevront une aide financière réduite de la part du gouvernement du Québec en 1998. 72 % des familles québécoises auront moins d'aide de ce gouvernement qui se targue d'être social-démocrate et d'être près de la population, et d'être près des démunis. On ne peut pas constater autrement un résultat désastreux que celui-là où 72 % des familles québécoises sont pénalisées par ce gouvernement.

Les mêmes chercheurs, M. le Président, de l'UQAM affirment également que les sommes octroyées en vertu de la nouvelle allocation familiale sont nettement insuffisantes et auront pour effet de pénaliser les bénéficiaires de l'aide de dernier recours, qui ne recevront aucune somme d'argent supplémentaire. Voilà le constat qui est fait par des chercheurs qui sont loin de la partisanerie politique et qui démontrent que la principale préoccupation, sinon la principale obsession de ce gouvernement, c'est son objectif de la séparation à n'importe quel prix. Et, pour cela, il est prêt à sacrifier les intérêts de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, pour atteindre cet objectif au détriment de l'intérêt de tous les Québécois, qui, eux, placent en tête de leurs priorités d'abord l'emploi, ensuite la santé, ensuite l'éducation. Et que fait ce gouvernement pour l'emploi? Rien ou à peu près rien.

Non seulement il ne fait rien pour créer de l'emploi, pour aider à maintenir l'emploi, pour aider à soutenir les emplois, non seulement il ne fait rien, mais, de plus, par son obsession à vouloir encore une fois laisser les menaces planer pour un autre référendum, cela a un effet direct sur les entreprises et sur les investisseurs, qui gardent leurs décisions et qui refusent d'investir dans un climat instable. Et ça, ça a des effets énormes et dévastateurs sur les emplois qui ne se créent pas chez nous, sur les investissements qui ne se font pas chez nous et sur la croissance économique qui ne vient pas encourager la richesse ici, au Québec, au bénéfice de tous les Québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Il resterait un quatre à cinq minutes pour le parti ministériel. Alors, s'il n'y a pas d'intervenant, je pourrais offrir les quatre minutes au parti de l'opposition, et nous réservons le 10 minutes pour la réplique de M. le député de Jacques-Cartier. Alors, vous pouvez profiter encore d'un quatre minutes, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, il y a long à dire sur ce que ce gouvernement a fait pour saccager l'économie du Québec. C'est le mot qu'il faut dire. Ce gouvernement, par ses politiques, par ses improvisations, a saccagé l'économie du Québec et continue à la saccager. Non seulement, par son option obsessionnelle de la séparation, il décourage les investissements et la création d'emplois, mais, de plus, il pénalise les contribuables québécois, car, à partir du 1er janvier 1998 – là, nous sommes, aujourd'hui le 11 mars, M. le Président, ça ne fait même pas trois mois – le ministre des Finances a augmenté la taxe de vente du Québec, la TVQ, de 1 %, ce qui représente des revenus de 675 000 000 $ de plus par année. Et où va-t-on chercher les 675 000 000 $ de plus par année? Dans la poche des contribuables.

J'ai lu des articles, M. le Président, j'ai entendu des citoyens, j'ai entendu des propriétaires de petites et moyennes entreprises se plaindre que cette augmentation de la TVQ les affecte durement au niveau de leurs activités économiques. J'ai entendu des contribuables se plaindre que assez, c'est assez! La classe moyenne n'en peut plus de cette pluie de taxes qui lui tombe dessus.

Alors, qu'est-ce que le ministre des Finances, dans son dernier budget, a trouvé comme mesures, disons, pour encourager l'économie, M. le Président? C'est ce que les gens nous tiennent comme discours, de l'autre côté. Les droits d'immatriculation ont augmenté de 28 $: 150 000 000 $ dans les coffres de l'État. Les droits et permis sur les ressources naturelles: encore un 120 000 000 $ dans les coffres de l'État. Les cartouches de cigarettes augmentent de 0,28 $: des revenus supplémentaires de 19 000 000 $. Encore une fois, des taxes, des taxes, et des taxes.

Moi, les gens de mon comté – et j'en ai plusieurs qui sont dans la même situation que beaucoup d'autres Québécois, des familles avec des petits revenus... Et même les gens qui appartiennent à la classe moyenne n'en peuvent plus de soutenir ce train d'enfer où le gouvernement est en train de cacher son déficit en le transférant aux autres instances qui, à leur tour, vont aller le chercher dans la poche des contribuables sous forme de taxes supplémentaires, sous forme de taxes indirectes ou tout simplement sous forme de coupures de services à la population. Comme ça, les gens vont payer plus, mais pour avoir moins de services. On n'a jamais vu ça, M. le Président.

Pour toutes ces raisons, la motion qui a été présentée par mon collègue de Jacques-Cartier est extrêmement pertinente parce qu'elle rappelle le gouvernement à l'ordre, et elle interpelle plus spécifiquement le ministre des Finances qui va nous déposer un budget. Elle l'interpelle pour lui dire que les familles québécoises en ont assez d'être taxées, que les Québécois et les Québécoises en ont assez d'être taxés et que le prochain budget doit être un budget qui va alléger le fardeau des contribuables et non pas les pénaliser davantage, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier pour sa réplique de 10 minutes. M. le député.


M. Geoffrey Kelley (réplique)

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux exprimer ma déception quant aux répliques que les représentants du gouvernement ont faites à la motion que nous avons présentée aujourd'hui. Ils ont parlé de plusieurs sujets, presque tous les sujets, sauf le sujet que j'aimerais soulever cet après-midi, c'est-à-dire les familles, les mères et les pères, les enfants du Québec, et le fardeau fiscal qui pèse de plus en plus lourd sur leurs épaules.

Alors, si on veut revenir demain pour discuter, comme le député de Berthier veut le faire, le système fédéral, et les référendums et la Constitution, il y a d'autres moments dans nos travaux parlementaires où on peut le faire. Ou, si on veut s'asseoir avec le ministre de l'Industrie et du Commerce et discuter les capitaux de risque, ça, c'est un débat fort intéressant, mais ce n'est pas pour aujourd'hui.

Qu'est-ce que je veux discuter aujourd'hui, M. le Président? C'est le fardeau fiscal des familles québécoises, les difficultés de ces familles et les conséquences néfastes de ce gouvernement sur le fardeau fiscal des familles. Alors, le ministre de l'Industrie et du Commerce m'a dit de voir les commentaires sur le dernier budget, et c'est ça que j'ai fait. Et, sur toute la question de la taxe de vente du Québec qui a augmenté de 15 %, contre la baisse d'impôts de 15 %, c'est un match nul. Je peux citer Philippe Dubuisson, dans La Presse de l'année passée: «La réforme est neutre sur le plan budgétaire.» Ça coûterait 495 000 000 $ au gouvernement, mais, avec la hausse de la TVQ, ils vont chercher 494 000 000 $, donc c'est quatre trente-sous pour une piastre, ce n'est pas plus compliqué que ça.

Je peux voir Michel Venne, dans Le Devoir , qui a dit sensiblement la même chose: «Le ministre des Finances donne avec une main, reprend avec l'autre main.» C'est ça, la réalité. Tout ça qui a été annoncé en grande pompe comme un soutien à la famille québécoise n'en est pas un, parce que qu'est-ce qu'on a fait? On a donné un certain répit au niveau des impôts, mais on est allé le chercher avec la taxe à la consommation. Alors, c'est de la poudre aux yeux, M. le Président, ce n'est pas plus compliqué que ça.

(17 h 50)

Deuxièmement, la grande réforme de la politique familiale annoncée en grande pompe, par laquelle la ministre et ses représentants ont dit en Chambre et en commission parlementaire à maintes reprises que 95 % des familles sortent gagnantes, ce n'était pas vrai, M. le Président. Les calculs étaient erronés, des représentants de la Régie des rentes du Québec et de la ministre responsable pour la Famille, parce que, quand les chercheurs ont pris les chiffres, quand ils ont regardé ça comme il faut... 72 % des familles québécoises sont pénalisées par la réforme de la politique familiale. Alors, ça, c'est une drôle de façon, c'est un drôle de message à envoyer à nos familles québécoises: On va vous aider avec une soi-disant réforme de la fiscalité qui est un quatre trente-sous pour une piastre et une réforme de la politique familiale qui enlève l'argent des familles québécoises.

Et, si on ajoute à ça, M. le Président, toutes les autres conséquences, on dit: On va arriver avec le déficit de 2 200 000 000 $. Mais, ce matin, en commission parlementaire, on voit que le déficit de nos hôpitaux a grimpé à 400 000 000 $. Alors, c'est parfait, ce n'est pas dans le livre qui est présenté ici parce que c'est dans d'autres livres. On a créé des fonds spéciaux, une pluie de fonds spéciaux, pour présenter d'une manière autre que le Vérificateur général même trouve très difficile à supporter. Le déficit demeure quand même là. Mais, ça, c'est des débats pour une autre journée.

Mais, si on peut revenir aux mères et pères des familles qui doivent composer avec les taxes scolaires augmentées, qui doivent composer avec les taxes municipales augmentées, qui doivent composer avec les services destinés aux familles, les services culturels, les services de loisirs des municipalités coupés ou des tarifs, comme dans les bibliothèques municipales, qui sont maintenant les tarifs, de plus en plus souvent, pour payer pour emprunter un livre de ma propre municipalité, ça, c'est quelque chose qu'il faut... Avant de dépenser 75 000 000 $ sur une énorme bibliothèque, peut-être qu'il faut s'assurer que dans toutes nos municipalités on puisse avoir l'accès gratuit aux bibliothèques existantes.

Mais, si on regarde également à l'école, moi, comme père de famille, quand je regarde la rentrée scolaire à nos écoles publiques gratuites, entre guillemets, M. le Président, et que ça me coûte 133 $ par enfant au niveau primaire et 160 $ par enfant au niveau secondaire, ça remet en question toute la notion de la gratuité de nos services scolaires. Et, malgré tout ça, comme parent, je vois que le service, la formation donnée à nos enfants continue à se détériorer.

Alors, je dis à ce gouvernement: Ça, c'est les priorités, et, parmi les choix que le ministre des Finances et ses collègues devront faire dans les prochains jours, il faut examiner attentivement le filon, le volet famille dans tout ça; il faut voir que ça, c'est les personnes que nous devrons aider. En anglais, on dit souvent: Il faut «practice what you preach». Alors, malgré les beaux discours, on a vu le gouvernement faire ses choix. Couper dans l'éducation, on peut couper de 6 %, ça, ce n'est pas un problème. Si on veut aller chercher 3,2 % dans la santé, on va couper là, parce que ça, ce n'est pas important pour les familles.

Mais, dans le global, est-ce que le gouvernement a réussi à baisser ses dépenses? Par 0,6 %. Alors, c'est un dixième de l'effort qu'ils ont exigé des municipalités, c'est un dixième de l'effort qu'ils ont exigé du réseau de l'éducation. Comme je l'ai dit, dans le tableau, quand on parle du revenu moyen des familles québécoises, c'est à la baisse depuis l'arrivée de l'autre façon de gouverner, dans le même régime fédéral. Alors, pour les autres provinces, qui ont réussi à garder le revenu moyen stable, dans le même régime, avec les mêmes problèmes, avec le même enjeu de réduire le déficit, au Québec, l'argent dans la poche des familles est passé de 32 784 $ en 1995 à 31 903 $ en 1997. Ça, c'est le Bureau de la statistique du Québec, ce n'est pas le député de Jacques-Cartier qui a créé ces chiffres.

Alors, ça démontre encore une fois que les politiques, les décisions que ce gouvernement a prises appauvrissent les familles québécoises. Il faut, dans les décisions que le gouvernement s'apprête à faire, mettre la famille, mettre les pères et mères et les enfants de notre société comme priorité. Alors, je pense que nous exigeons formellement un engagement que, au lieu d'augmenter encore une fois, d'une façon directe ou indirecte, le fardeau fiscal soit par les autres transferts des responsabilités vers les municipalités, couper des subventions vers les municipalités...

Ça, c'est une taxe sur la famille. Il faut le voir comme ça, parce que soit que le locataire va payer un loyer plus cher ou que le propriétaire va payer une taxe foncière plus chère, à cause de ces décisions. Si on augmente davantage les taxes scolaires, c'est le même résultat: on va augmenter davantage le fardeau fiscal des familles québécoises, et elles arrivent au bout du rouleau, elles n'ont plus les moyens de supporter ces augmentations.

Juste en terminant, j'ai trouvé ça drôle, le ministre de l'Industrie et du Commerce, pour justifier l'autre façon de gouverner, a dit: Vous avez fait la même chose. Moi, je veux dire au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie que le procès a été fait sur la façon de gouverner en 1994, sous le gouvernement libéral. Mais quand je vois maintenant que vous êtes en train de faire la même chose, c'est-à-dire ajouter au fardeau fiscal des familles québécoises 2 000 000 000 $ de taxes par année, c'est la même moyenne qu'on a vue pendant une période de récession occidentale, où c'était beaucoup plus difficile de gérer les comptes publics.

Moi, je dis que c'est une drôle de façon: On va faire la même chose que vous autres. Ce n'est pas le problème. Le problème, c'est qu'il faut remettre la famille au coeur de nos priorités, il faut examiner les choix de ce gouvernement en préparant son budget pour s'assurer qu'on va donner un coup de main à nos mères et pères de famille, qu'on va donner un coup de main à nos enfants. On va s'assurer qu'il y aura les moyens nécessaires pour répondre aux besoins et attentes de nos familles québécoises. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant mettre aux voix la motion du député de Jacques-Cartier.

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes de demain, ce qui permettra à notre collègue d'avoir un peu plus d'appuis, peut-être.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Donc, c'est très bien, nous allons accepter que le vote soit par appel nominal et qu'il soit reporté aux affaires courantes de demain.

M. Boulerice: Et je fais motion également que nous ajournions à demain, jeudi 12 mars, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Étant donné l'heure, oui, ce serait facile d'avoir l'unanimité. Nous allons ajourner, effectivement, à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 58)


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