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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, December 4, 1997 - Vol. 35 N° 143

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants au préalable.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous abordons immédiatement les affaires courantes.


Déclarations ministérielles

Déclarations ministérielles. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.


Position du gouvernement sur les relations intergouvernementales canadiennes


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, devant la stratégie du gouvernement fédéral qui, d'une part, cherche à nier l'existence d'un peuple québécois capable et libre de décider de son avenir politique et qui, d'autre part, se comporte comme si le Canada était un État unitaire, niant ainsi tant l'esprit que la lettre de la Constitution canadienne, le gouvernement du Québec rend publiques les orientations suivantes qui guideront l'action gouvernementale québécoise:

Premièrement, le gouvernement réitérera en toutes circonstances les assises et la légitimité du droit du peuple québécois de disposer librement de son avenir politique, droit exercé en s'appuyant sur un processus éminemment démocratique, comme en témoignent les précédents de 1980 et de 1995;

Deuxièmement, il prendra les mesures nécessaires à la défense des institutions démocratiques du Québec par lesquelles s'exerce ce droit;

Troisièmement, il veillera au maintien et au respect de l'intégrité territoriale du Québec.

Parallèlement à son plan B, le gouvernement fédéral mène une politique qu'il qualifie de réforme administrative de la fédération. Un des premiers éléments de cette réforme vise à concrétiser et à légitimer le renforcement du rôle qu'il s'est arrogé dans le champ des politiques sociales, secteur qui relève de la compétence du Québec. Les provinces du Canada anglais, quant à elles, participent activement à cette centralisation en acceptant de reconnaître formellement à Ottawa un rôle de premier plan en ces matières, comme en témoigne notamment la déclaration de Calgary.

En 1996, sous le prétexte d'un rééquilibrage des rôles et des responsabilités, le gouvernement fédéral annonçait son retrait de certaines activités dans quelques secteurs relevant de la compétence du Québec, plus particulièrement ceux des forêts, des mines et du logement social, des loisirs et du tourisme, tout cela sans une juste compensation financière. Puis, volte-face d'Ottawa en 1997, le thème du rééquilibrage administratif a disparu de son discours. Le fédéral multiplie maintenant les initiatives dans de nombreux domaines relevant de la compétence du Québec. La santé, les services sociaux et l'éducation sont particulièrement visés.

L'imminence d'un surplus budgétaire à Ottawa provoque déjà un retour à un interventionnisme fédéral créateur de nouveaux chevauchements et dédoublements. Dans un tel contexte, le gouvernement du Québec défendra fermement son autonomie et sa maîtrise d'oeuvre dans les secteurs relevant de sa responsabilité. Par conséquent:

Quatrièmement, le Québec exigera le respect de ses compétences constitutionnelles et en revendiquera le plein exercice. Il continuera de dénoncer les ingérences du gouvernement fédéral et il exigera une pleine compensation financière sous forme de points d'impôt, particulièrement dans le cas de toute nouvelle entente ou initiative fédérale dans un secteur relevant de la compétence du Québec;

Cinquièmement, en cas de désengagement du gouvernement fédéral dans d'autres secteurs, il demandera, le cas échéant, qu'un transfert de responsabilité au Québec soit accompagné d'une juste compensation;

Sixièmement, il présentera, dans tout dossier où le Québec estime être traité de façon inéquitable, une réclamation financière en vue d'obtenir de la part du gouvernement fédéral une compensation ou un dédommagement équitable.

L'interventionnisme fédéral centralisateur s'exprime également au sein de forums intergouvernementaux. Les discussions, dans ces forums, comme le démontre le dossier des politiques sociales, agissent souvent comme un puissant accélérateur des initiatives du gouvernement fédéral en des secteurs qui ne sont pas de sa responsabilité. Dans ces forums, on doit aussi constater que le fait de ne pas tenir compte des positions du Québec devient une habitude canadienne. Le dossier de la prestation dite nationale pour enfants, imposée au Québec en 1996, constitue une preuve concrète de cette tendance. Il est cependant d'une importance fondamentale que le gouvernement du Québec fasse connaître ses positions à l'égard de ces forums intergouvernementaux et en suive de près l'évolution.

Le gouvernement ne s'associera pas à d'éventuelles discussions constitutionnelles multilatérales, à partir d'un constat lucide fait par l'ancien premier ministre Robert Bourassa qui déclarait, au lendemain de l'échec de l'accord du lac Meech, et je cite: «S'il y a une chose qu'on peut conclure de ces négociations, c'est que le processus de révision constitutionnelle existant au Canada est discrédité.» Fin de la citation. Le gouvernement du Québec entend continuer à privilégier une approche pragmatique. Ainsi:

Septièmement, il participera aux conférences fédérales-provinciales, à l'exception de toute conférence constitutionnelle, pour y assurer la défense des intérêts locaux, culturels, économiques et financiers du Québec sur la base des paramètres suivants: assurer le respect de ses compétences et de ses responsabilités en s'appuyant sur ses revendications historiques; obtenir la juste part des dépenses fédérales financées, pour près du quart...

Le Président: M. le ministre...

M. Brassard: ...par les impôts et taxes des Québécois...

Le Président: ...je m'excuse, j'ai une question de règlement du leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, strictement, M. le Président, appliquer les dispositions du règlement, que vous connaissez bien, quant à la durée des déclarations ministérielles. Maintenant, si le ministre nous indique qu'il a pratiquement fini et qu'il accorde le même temps de ce côté-ci pour la réplique, il y aurait consentement à un léger débordement. Mais je constate qu'on déborde déjà.

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Brassard: J'achève, M. le Président.

Huitièmement, le gouvernement du Québec participera de façon active aux discussions intergouvernementales sur la question de la révision des arrangements financiers au sein de la fédération. Dans le cadre de ces discussions, l'objectif du gouvernement sera non seulement de préserver, mais aussi d'accroître l'autonomie fiscale du Québec;

Neuvièmement, le gouvernement a l'intention d'oeuvrer au renforcement de l'espace économique Québec-Canada par la poursuite des efforts de mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur tout en privilégiant la conclusion d'ententes économiques bilatérales comme celles conclues avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswick;

(10 h 10)

Enfin, dixièmement, le gouvernement entend continuer à véhiculer un message conforme à la réalité québécoise pour corriger la perception souvent négative et non fondée du Québec au Canada anglais. Cela implique, entre autres, le rappel du caractère démocratique et responsable de la démarche du gouvernement quant à son projet collectif.

M. le Président, en mettant ces orientations au coeur de la conduite de ses relations intergouvernementales canadiennes, le présent gouvernement s'inscrit dans la continuité des positions historiques des gouvernements québécois qui l'ont précédé, positions axées sur la meilleure défense et l'active promotion des intérêts du Québec.

Le Président: M. le député de Châteauguay, pour vos commentaires.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le Président, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes sera certainement, deux fois dans le même mois, désormais connu comme le ministre responsable de la diversion avec une autre déclaration sortie de nulle part.

Mais quand même quelques commentaires, M. le Président, premièrement pour rappeler au ministre et au gouvernement du Parti québécois qu'à St. Andrews, cet été, les 10 provinces canadiennes ont démontré qu'elles avaient un but commun: approfondir l'union économique, approfondir l'entente sur le commerce intérieur signée par l'actuel chef de l'opposition. C'est à l'avantage des Québécois. C'est dans notre programme constitutionnel. C'est la volonté de tous les Canadiens, Québécois y inclus. Il faut donc être présents partout, y compris sur les discussions sur l'union économique, pour faire progresser le Québec.

Deuxièmement, à St. Andrews, les neuf provinces autres que le Québec, qui boudait, ont décidé qu'elles devaient réaffirmer leur autonomie dans leurs compétences et qu'il fallait limiter et restreindre le pouvoir fédéral de dépenser. Pour des raisons d'astuce, le premier ministre dénature cette vérité pourtant limpide à quiconque relit le document du Conseil provincial territorial sur la refonte des politiques sociales. Permettez-moi de citer un court extrait, pages 9 et 10, de ce rapport, le rapport du Conseil des ministres sur la réforme et la refonte des politiques sociales, qui soulignait que «le gouvernement fédéral ne doit agir dans les domaines de responsabilité exclusivement provinciales qu'après avoir consulté les provinces et territoires et avoir obtenu leur assentiment sur la façon dont les dépenses fédérales peuvent être efficacement affectées. Une nouvelle formule doit comprendre des règles régissant l'indemnisation des provinces ou des territoires qui se prévalent de l'option de retrait. Ces règles pourraient comprendre le droit de retrait avec indemnisation inconditionnelle.»

On est loin, M. le Président, de ce qui est démontré par la politique et la compréhension du gouvernement du Parti québécois, comme étant plus de fédéral et moins de provinces, alors qu'au contraire c'est plus de provinces et plus de contrôle sur les dépenses du fédéral. C'est donc plus d'autonomie pour les provinces, c'est limiter le pouvoir fédéral de dépenser, c'est favoriser une meilleure gestion de l'interdépendance, c'est améliorer le fonctionnement du Canada, c'est à l'avantage des Québécois, c'est aussi dans notre programme d'affaires canadiennes, c'est la volonté de tous les Canadiens, Québécois inclus. Il faut donc être présents partout, y compris dans les discussions sur l'union sociale, pour faire progresser le Québec.

Bien sûr que, dans tout État fédéral, il faut toujours demeurer vigilants devant les ingérences, il faut assumer et faire respecter nos compétences. Pour nous, du Parti libéral du Québec, telle a toujours été notre ligne de conduite et tel est notre programme pour l'avenir.

Maintenant, M. le Président, vous conviendrez que tout est dans le comment. Comment exercer une vigilance active et constructive? Comment améliorer le fonctionnement de notre union sociale? Dans le concret, comment améliorer le sort des Québécois qui sont les plus démunis? Certainement pas par une approche de confrontation ou en claquant la porte.

Établir des relations intergouvernementales, c'est l'art de tisser des alliances et c'est une telle stratégie d'alliances qui devrait se retrouver dans une déclaration ministérielle d'un ministre vraiment responsable des relations intergouvernementales. Dans sa réplique, le ministre va-t-il nous dire combien de fois et quand il a rencontré Mme Cunningham, ministre des Affaires canadiennes en Ontario, combien de fois et quand il a rencontré M. Hancock, ministre des Affaires canadiennes en Alberta, combien de fois et quand il a rencontré M. Petter, ministre des Affaires canadiennes en Colombie-Britannique? Il ne le fera pas, M. le Président, dans sa réplique. Il ne le fera pas, car il ne leur parle pas, car il ne construit pas. Il ne le fera pas parce qu'il ne fait pas de relations intergouvernementales; il fait de la confrontation intergouvernementale.

Quand est-ce que le gouvernement du Parti québécois va se rendre compte que les années soixante et soixante-dix sont maintenant chose du passé, que, dans les années quatre-vingt-dix, de nombreux gouvernements provinciaux partagent les mêmes objectifs que ce qui a toujours été défendu et promu par les différents gouvernements du Québec, notamment en matière sociale?

Un dernier point, M. le Président. Le ministre prétend qu'il doit refaire l'image négative du Québec en matière de démocratie. Puis-je lui suggérer que la première chose à faire, plutôt que de s'inventer des référendums de pratique, serait de respecter le référendum que nous venons de tenir? Les Québécois ont dit non à la séparation. Conséquence logique, ils ont dit oui au Canada. Pourquoi refuser aux Québécois les bénéfices d'une amélioration du Canada? C'est à l'avantage des Québécois, et, là-dessus aussi, il faut être présent partout pour le progrès du Québec.

Pendant que Terre-Neuve est la première province à adopter les suites de Calgary, le Parti québécois envoie son nouveau, ou peut-être toujours, numéro 2, M. Parizeau, et le chef de la cellule du Bloc, M. Duceppe, dans l'Ouest du pays pour continuer la confrontation et la destruction. Puis-je suggérer au gouvernement du Parti québécois que refaire l'image de la démocratie, c'est d'abord respecter la diversité des opinions et en tout temps renoncer à la force? Refaire l'image de la démocratie, c'est d'abord la respecter. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, pour votre réplique.


M. Jacques Brassard (réplique)

M. Brassard: M. le Président, nous venons d'apprendre par la voix du député de Châteauguay que le Parti libéral du Québec donne son accord à l'union sociale canadienne – c'est ça qu'il vient de nous dire – et à ce que les premiers ministres des provinces ont concocté en matière de programmes sociaux et de santé en complicité avec le gouvernement fédéral, reconnaissant du coup le rôle, et les responsabilités, et la place du gouvernement fédéral dans des compétences qui, de toute évidence reconnues par tout le monde, sont exclusives au Québec: programmes sociaux, programmes de santé. Et voilà que le Parti libéral vient de cautionner cette démarche...

Le Président: Je vous inviterais à maintenir le niveau de respect mutuel qu'on sentait depuis le début de la séance. M. le ministre.

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Simplement pour mentionner, M. le Président, que l'article 55 de notre règlement prévoit non pas une deuxième déclaration ministérielle écrite d'avance, mais une réplique.

Le Président: Ce n'était pas, vous le savez très bien, une question de règlement. M. le ministre.

M. Brassard: M. le Président, quelle insoutenable légèreté de pensée!

Donc, le Parti libéral du Québec reconnaît d'emblée que le gouvernement fédéral a un rôle et des responsabilités à assumer en matière de santé et de services sociaux. C'est vraiment un virage par rapport à toute la pensée de ce parti depuis 30 ans.

C'est d'ailleurs pour cette raison, sans doute, qu'il a donné son adhésion à la déclaration de Calgary qui justement cautionne également cette présence et ce rôle du gouvernement fédéral en matière de santé et de services sociaux – le point 7 de la déclaration de Calgary – déclaration de Calgary qui, comme on le sait, est devenue le programme constitutionnel du Parti libéral pour la prochaine élection, que va défendre le chef du Parti libéral du Québec, candidat choisi et désigné pour représenter le Canada anglais.

M. le Président...

Le Président: M. le ministre.

M. Brassard: Je comprends que ça rit jaune de l'autre côté...

Des voix: Bravo!

M. Brassard: ...parce que la servilité du Parti libéral, depuis quelques mois, est incommensurable.

Des voix: Bravo! Bravo!

(10 h 20)

M. Brassard: Il est quand même étonnant, surprenant et désolant que, devant l'offensive fédérale dans des champs de compétence qui sont les nôtres, stratégie-jeunesse, prestations pour enfants, bourses du millénaire, régime d'assurance-médicaments, Programme de soins à domicile, Fondation canadienne de l'innovation, ce sont toutes des initiatives du gouvernement fédéral dans nos champs de compétence... Vous avez remarqué, le député de Châteauguay n'a pas dit un seul mot face à cette politique interventionniste du gouvernement fédéral.

M. le Président, c'est triste de voir l'état du Parti libéral. Le sénateur Rivest, lui aussi, est attristé de cette situation. Il déclarait, au lendemain du discours du trône: «Le Parti libéral du Québec doit redevenir le porte-parole d'une vision québécoise du fédéralisme – "doit redevenir". Je voudrais qu'on affirme que les compétences du Québec ne sont pas négociables. Ça doit être clair et net.» Ça, c'est le sénateur Rivest, qui était conseiller, comme vous le savez, du premier ministre Bourassa. Malheureusement, il a cessé de conseiller le Parti libéral du Québec. Le gouvernement, quant à lui, M. le Président, se situe parfaitement dans la continuité historique des revendications du Québec. Merci.

Des voix: Bravo! Bravo!


Présentation de projets de loi

Le Président: Nous allons aborder maintenant l'étape de la présentation des projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, veuillez prendrez en considération l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 185

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre délégué à la Réforme électorale et parlementaire présente le projet de loi n° 185, Loi sur l'élection des premiers commissaires des commissions scolaires nouvelles et modifiant diverses dispositions législatives. M. le ministre délégué à la Réforme électorale et parlementaire.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, ce projet de loi établit des règles particulières pour l'élection des premiers commissaires des nouvelles commissions scolaires francophones, des nouvelles commissions scolaires anglophones et, le cas échéant, des nouvelles commissions scolaires dissidentes.

C'est ainsi que le projet de loi habilite le gouvernement à fixer par décret la date du scrutin et les dates des étapes requises pour la tenue du scrutin.

Le projet de loi habilite la Commission de la représentation à diviser le territoire de toute commission scolaire nouvelle en circonscriptions électorales, à défaut par le conseil provisoire de faire cette division, conformément aux règles édictées par le projet.

Le projet de loi habilite le Directeur général des élections à nommer les présidents d'élection et à établir les règles applicables à l'établissement et à la révision de la première liste électorale des commissions scolaires nouvelles ainsi qu'à l'établissement des bureaux de vote et au choix du matériel nécessaire au vote.

Plus spécifiquement, le projet de loi fait obligation au Directeur général des élections de prendre les mesures requises pour informer les électeurs des modalités d'exercice du droit de vote. Le Directeur général des élections doit notamment expédier à chaque adresse un avis informant les électeurs qui ont le droit de choisir de voter à l'élection des commissaires d'une commission scolaire anglophone des modalités d'exercice de ce droit.

Enfin, le projet de loi apporte les modifications de concordance nécessaires. Et les lois modifiées par ce projet sont la Loi sur l'instruction publique et la Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.


Lignes directrices du gouvernement du Québec en matière de relations intergouvernementales canadiennes

M. Brassard: M. le Président, je voudrais déposer les lignes directrices du gouvernement du Québec en matière de relations intergouvernementales canadiennes.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapports annuels de la Commission de la capitale nationale du Québec et de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik

M. Rochon: M. le Président, je dépose les rapports annuels, pour l'année 1996-1997, de la Commission de la capitale nationale du Québec et de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik.

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le leader du gouvernement.


Renvoi du rapport de la Régie régionale à la commission des affaires sociales pour examen

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que, conformément à l'article 392 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le rapport annuel 1996-1997 de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude;

«Que le ministre de la Santé et des Services sociaux soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 149

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 22 octobre, 4, 6, 13, 20, 25 novembre et 2 décembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 149, Loi portant réforme du régime de rentes du Québec et modifiant diverses dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements, M. le Président.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Lévis.


Respecter les engagements pris envers les étudiants en matière d'aide financière et de frais de scolarité

M. Garon: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition à l'Assemblée nationale par 10 953 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec.

Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant les engagements envers la population étudiante en matière d'aide financière et de frais de scolarité pris par le Parti québécois en 1994;

«Considérant que le gouvernement a imposé plusieurs mesures portant atteinte à l'accessibilité aux études postsecondaires;

«Considérant, par conséquent, qu'il faut rappeler à ce gouvernement les engagements formulés en 1994;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement afin qu'il respecte les engagements du Parti québécois, notamment: en établissant un mécanisme de consultation multipartite avant chaque modification à l'aide financière et aux frais de scolarité; en instaurant un règlement sur les frais de scolarité qui les fixerait au niveau actuel; en amorçant une réforme du régime d'aide financière qui inclurait la révision du calcul des contributions de l'étudiant, des parents et du conjoint, l'indexation des frais de subsistance et des bourses, l'assouplissement des modalités de remboursement des prêts et l'accès à l'aide financière sous forme de prêts pour les étudiants à temps partiel; en rétablissant le critère d'indépendance financière des étudiants ayant obtenu plus de 90 crédits dans un même programme universitaire; en réactualisant le Programme de remise de dette; en assurant la gratuité scolaire au collégial; en proposant une alternative aux frais différentiels pour les étudiants internationaux et canadiens non résidents.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Mme la députée de Mégantic-Compton.


Diviser la municipalité de Clifton-Partie-Est entre Saint-Malo et Saint-Isidore-d'Auckland

Mme Bélanger: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 283 pétitionnaires de la municipalité de Saint-Malo, de Clifton-Est et de Saint-Isidore-d'Auckland.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Nous nous opposons catégoriquement à la fusion totale de la municipalité de Clifton-Partie-Est avec celle de Saint-Isidore-d'Auckland;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre des Affaires municipales afin qu'il recommande la division de la municipalité de Clifton-Partie-Est en joignant la partie sud avec Saint-Malo et la partie nord avec Saint-Isidore-d'Auckland, tel que recommandé par la commission O'Bready et le rapport du médiateur, M. Roger Paquin, député de Saint-Jean.»


Documents déposés

Alors, M. le Président, je demanderais le consentement de la Chambre pour déposer une série d'arguments sous forme d'attendus qui appuient et rehaussent cette pétition.

Le Président: Il y a consentement, Mme la députée. Alors, les documents sont déposés et la pétition est également déposée. M. le député de Verdun.


Respecter les engagements pris envers les étudiants en matière d'aide financière et de frais de scolarité

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 7 350 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant les engagements envers la population étudiante en matière d'aide financière et de frais de scolarité pris par le Parti québécois en 1994;

«Considérant que le gouvernement a imposé plusieurs mesures portant atteinte à l'accessibilité aux études postsecondaires;

«Considérant, par conséquent, qu'il faut rappeler à ce gouvernement les engagements formulés en 1994;

(10 h 30)

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, citoyens et citoyennes du Québec, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement afin qu'il respecte les engagements du Parti québécois, notamment: en établissant un mécanisme de consultation multipartite avant chaque modification à l'aide financière et aux frais de scolarité; en instaurant un règlement sur les frais de scolarité qui les fixerait au niveau actuel; en amorçant une réforme du régime d'aide financière qui inclurait la révision du calcul des contributions de l'étudiant, des parents et du conjoint, l'indexation des frais de subsistance et des bourses, l'assouplissement des modalités de remboursement des prêts et l'accès à l'aide financière sous forme de prêts pour les étudiants à temps partiel; en rétablissant le critère d'indépendance financière pour les étudiants ayant obtenu plus de 90 crédits dans un même programme universitaire; en réactualisant le Programme de remise de dette; en assurant la gratuité scolaire au collégial; en proposant une alternative aux frais différentiels pour les étudiants internationaux et canadiens non résidents.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Des voix: Bravo!

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 11 115 pétitionnaires, étudiantes et étudiants de plusieurs régions du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant les engagements envers la population étudiante en matière d'aide financière et de frais de scolarité pris par le Parti québécois en 1994;

«Considérant que le gouvernement a imposé plusieurs mesures portant atteinte à l'accessibilité aux études postsecondaires;

«Considérant, par conséquent, qu'il faut rappeler à ce gouvernement les engagements formulés en 1994;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement afin qu'il respecte les engagements du Parti québécois, notamment: en établissant un mécanisme de consultation multipartite avant chaque modification à l'aide financière et aux frais de scolarité; en instaurant un règlement sur les frais de scolarité qui les fixeraient au niveau actuel; en amorçant une réforme du régime d'aide financière qui inclurait la révision du calcul des contributions de l'étudiant, des parents et du conjoint, l'indexation des frais de subsistance et des bourses, l'assouplissement des modalités de remboursement des prêts et l'accès à l'aide financière sous forme de prêts pour les étudiants à temps partiel; en rétablissant le critère d'indépendance financière des étudiants ayant obtenu plus de 90 crédits dans un même programme universitaire; en réactualisant le Programme de remise de dette; en assurant la gratuité scolaire au collégial; et en proposant une alternative aux frais différentiels pour les étudiants internationaux et canadiens non résidents.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Il y a une autre pétition. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je demanderais le consentement pour déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, mais non conforme pour des raisons techniques.

Le Président: Il y a consentement.


Sanctionner les crimes d'ordre sexuel par des mesures punitives exemplaires

M. Dumont: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 13 131 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«D'un côté, les centres d'aide pour les victimes d'agressions sexuelles les aident dans leurs démarches et, de l'autre côté, la justice ne veut pas entendre à quel point le viol et les abus sexuels sont graves et comment les victimes sont blessées, et cela, jusqu'à la fin de leur vie;

«Des sentences carrément injustes et un risque de récidive qui demeure important, si l'on considère des sentences trop courtes, donnent l'impression aux agresseurs que ce n'est pas si grave finalement;

«Les victimes ne portent pas plainte, car elles ont l'impression que la justice n'accorde pas d'importance à leurs souffrances et à l'acte qui a été commis;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Une justice meilleure et des sentences qui respectent les victimes et qui protègent la société des criminels.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Viger.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 191 pétitionnaires du comté de Viger...

Le Président: M. le député, je crois que vous devez solliciter le consentement, puisque, malheureusement, elle n'est pas tout à fait conforme. Alors, est-ce qu'il y a consentement? M. le député.


Négocier une entente avec l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je dépose, comme je le disais, l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 191 pétitionnaires du comté de Viger.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant le litige impliquant l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés et le ministère de la Santé et des Services sociaux;

«Considérant que l'acceptation des exigences du ministère conduit à brève échéance à la disparition des établissements privés et conventionnés;

«Considérant que nous, les usagers et les familles des usagers, témoignons de notre satisfaction à l'égard du centre d'accueil Ma Maison Saint-Joseph;

«Considérant que nous, les usagers et les familles des usagers, témoignons à l'effet que le milieu de vie y est agréable, que nous sommes traités avec respect et que nous tenons à la qualité des relations humaines toujours présentes;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre Jean Rochon, ministre de la Santé et des Services sociaux, afin qu'il négocie une entente avec l'ACHAP qui ne met pas en péril la survie des établissements privés conventionnés.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas d'interventions, aujourd'hui, sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales seront tenus les quatre votes reportés suivants: d'abord, sur la motion sans préavis présentée par M. le ministre des Relations internationales; puis sur la motion sans préavis présentée par M. le député de Robert-Baldwin; sur la motion sans préavis présentée par M. le ministre de la Santé et des Services sociaux; finalement, sur la motion de Mme la ministre de l'Éducation, proposant que le principe du projet de loi n° 170, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants, soit maintenant adopté. Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Seulement une question d'information, M. le Président. Nous avons été prévenus de l'absence de quelque ministres, de l'autre côté, mais pas de l'absence de Mme la ministre à l'Emploi et à la Concertation. Qu'est-ce qui explique son absence à la période de questions?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je vais vérifier parce que je n'ai pas d'information, à ce moment.


Questions et réponses orales

Le Président: Très bien. Alors, nous allons aborder la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Niveau d'endettement des étudiants inscrits aux études supérieures

M. Johnson: Le premier ministre dit souvent – on entend parler de ça – qu'il est pogné avec son parti. Il doit souvent comprendre également qu'il est pogné avec le programme de son parti. C'est ça qu'il faut avoir à l'esprit. Le premier ministre, par exemple en matière d'éducation, est également pogné avec ses propres propos de janvier 1996, lorsqu'il a dit que tout passait par l'éducation. C'était son engagement, d'être le premier ministre d'un gouvernement qui donnait une priorité à l'éducation.

Dans le programme du Parti québécois, qui a été publié avant les élections – j'imagine que le premier ministre se sent lié quand même, même s'il n'était pas candidat à l'époque – à la page 135, on parle de l'accessibilité aux études supérieures. Ça, c'est un des engagements du Parti québécois, à l'époque, qui faisait un constat double: celui du manque de ressources dans les réseaux d'enseignement supérieur, collèges et universités, où il y avait eu trop de coupures apparemment, selon le Parti québécois; et, deuxièmement, la crise de l'endettement étudiant, crise dont, en tout cas, moi-même et mes collègues entendons parler dans notre tournée des cégeps et des universités, c'est vraiment le problème numéro un que les étudiants ont à affronter.

Il est évident qu'on est obligés de constater qu'il n'y a pas eu amélioration de la situation de l'endettement étudiant depuis trois ans, mais, bien au contraire, qu'il y a eu détérioration. Et ce qu'on entend des étudiants comme des représentants étudiants – dont je voudrais saluer la présence ici, dans les tribunes, ceux de la Fédération des étudiants des universités du Québec – c'est que les étudiants se sentent trahis par un gouvernement qui leur a promis qu'il s'engageait à réduire l'endettement des étudiants au niveau de l'enseignement supérieur.

Est-ce qu'on peut demander aujourd'hui au premier ministre ce qu'il entend leur dire pour l'avenir, pas pour le passé? On ne veut pas toutes sortes d'explications qui ne finissent plus, pourquoi le programme ne s'applique plus. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire, pour l'avenir, pour restaurer l'espoir chez les étudiants inscrits dans des institutions d'enseignement supérieur au Québec, ce qu'il leur dit aujourd'hui pour demain et, incidemment, comment on pourra le croire, une fois qu'il l'aura dit?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et ministre de la Famille et de l'Enfance.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Évidemment, on prévient toujours de ne pas regarder le passé, parce qu'on a un peu honte du passé, de l'autre côté de cette Chambre, M. le Président.

(10 h 40)

M. le Président, l'endettement, voyez-vous, il est aussi dû au fait que des étudiants et des étudiantes doivent payer davantage pour leurs frais de scolarité. Et, à ce que je sache, depuis que nous sommes au gouvernement, l'engagement que nous avions pris de geler les frais de scolarité a été respecté, M. le Président, alors que, par ailleurs, en 1990-1991, alors que les frais de scolarité étaient de 944 $, ils sont montés, sous le gouvernement qui nous a précédés, à 1 539 $ pour des étudiants universitaires.

Maintenant, ce que nous avons fait, M. le Président, depuis que nous sommes arrivés au gouvernement, c'est que nous avons procédé à plusieurs modifications, entre autres au niveau du régime d'aide financière aux étudiants et aux étudiantes, toujours dans une perspective justement de réduire le niveau d'endettement, parce que je suis d'accord que cela est inacceptable. Cependant, évidemment, quand on le compare à ce qui se passe à l'extérieur du Québec, on constatera, par exemple, que le niveau moyen d'endettement au Québec est de l'ordre de 11 261 $ alors qu'ailleurs dans les autres provinces il est de l'ordre de 17 000 $ à 25 000 $.

Nous avons donc introduit, dans un premier temps, une série de mesures pour nous permettre d'abord de plafonner les prêts année après année parce que, dans les faits, le gouvernement qui nous a précédés a permis que, pour les écoles privées non subventionnées, les étudiants et les étudiantes aient accès au régime d'aide financière, ce qui a augmenté le coût du régime de l'ordre de 50 000 000 $, M. le Président, 50 000 000 $ évidemment qui ne sont pas dans les coffres de l'aide financière aux étudiants et aux étudiantes et surtout qui augmentent le niveau d'endettement de ces jeunes. Nous avons donc balisé le tout.

Nous avons prévu – et c'est dans le projet de loi à l'étude – que par voie réglementaire nous permettrons à des étudiants, entre autres, de faire en sorte qu'ils puissent, par périodes successives, bénéficier de remises du taux d'intérêt lorsque ces mêmes étudiants devront quitter le marché du travail. Nous avons négocié avec les institutions financières des rabais aux taux d'intérêt...

Le Président: Je pense que, à ce moment-ci, Mme la ministre...

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre, qui demeure muet... C'est assez suspect, compte tenu du non-respect d'un engagement de son gouvernement. C'est dans le programme du Parti québécois. Peut-être, je le répète, que le premier ministre n'était pas un candidat du PQ, là, en septembre 1994, mais il est premier ministre et il est chef de ce parti-là, aujourd'hui. Ce programme-là visait – est-ce que le premier ministre s'en rappelle? – à réduire l'endettement étudiant; pas à faire des bulles et des phrases et à dire des mots, mais essentiellement à réduire l'endettement étudiant. C'était ça, l'engagement, noir sur blanc.

Est-ce que le premier ministre se rend compte que son silence est interprété comme une négation du programme du Parti québécois et que, en laissant la ministre répondre, le premier ministre essaie de s'en tirer sans qu'on le rende responsable de ce dont il est responsable? En 1996, il a dit: Tout passe par l'éducation. Est-ce qu'on est en train de comprendre que la seule chose qui passe par l'éducation, c'est des coupures puis l'endettement étudiant?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ce n'est pas drôle d'entendre le chef du Parti libéral tenter de faire des leçons au gouvernement et au Parti québécois sur la façon extraordinairement ouverte et sensible avec laquelle il se comporte vis-à-vis des coûts de scolarité et de l'endettement. Il n'y a pas eu de gouvernements qui en ont fait plus que nous. Nous avons pris un engagement extrêmement rigoureux, celui de geler les frais de scolarité. Mme la ministre vient d'expliquer dans quelle situation confortable, je dirais, en tout cas avantageusement comparable, ça place les étudiants par rapport à ceux du reste du Canada. Il y a donc un effort, là, de la société québécoise qui est très important vis-à-vis de ces jeunes, qui est justifié, qui est fortement légitime parce que c'est un endroit où il faut investir en priorité, l'éducation et les jeunes, bien sûr.

Quant au taux d'endettement, les chiffres que vient de mentionner la ministre indiquent encore une fois que nous soutenons très avantageusement la comparaison avec les étudiants du reste du Canada, et je ferai remarquer, M. le Président, à l'opposition que le mandat n'est pas fini et que nous n'avons pas fini de faire des choses pour les jeunes.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se rend compte que son engagement de continuer à faire des choses pour les jeunes, c'est justement ça qui les inquiète et que ce qu'on est en train de mesurer, ce n'est pas de comparer la situation des étudiants québécois par rapport aux autres étudiants canadiens, c'est de comparer les gestes du gouvernement avec les engagements du premier ministre. C'est ça qui est en cause.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Évidemment, comme nous gérons une partie de leur héritage, M. le Président, ils n'aiment pas ça qu'on retourne au passé ni qu'on fasse ces comparaisons, parce que c'est celles-là...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Westmount-Saint-Louis, s'il vous plaît! Mme la ministre.

Mme Marois: Parce que, si vous permettez, M. le Président, de compléter ma phrase, c'est cet héritage qui fait en sorte que le taux moyen d'endettement des étudiants reste quand même élevé même s'il est beaucoup plus bas évidemment que ce qu'on peut constater par rapport à ce qui passe dans d'autres provinces.

Alors, non seulement nous respectons nos engagements... Et je pourrais reprendre un certain nombre de mesures. Je vous rappelle celles que j'ai annoncées lorsque le rapport présidé par M. Montmarquette m'a été déposé, auquel ont participé d'ailleurs des étudiants, où j'ai annoncé, entre autres, qu'un nouveau programme de remise de dette pour les étudiants et les étudiantes les plus démunis qui persévèrent dans leurs études ferait en sorte que cette dette serait réduite lorsqu'ils atteindraient l'objectif qui est la diplomation, évidemment, et la réussite de leurs études. Nous avons aussi introduit – je le rappelais – cette mesure qui permet à un jeune de voir ses intérêts pris en charge sur son prêt lorsqu'il doit quitter le marché du travail à l'intérieur d'un cinq ans qui suit la fin de ses études de telle sorte qu'il n'accumule pas davantage de dettes.

Par ailleurs, l'engagement que nous avons pris et que nous respectons et que nous respecterons, M. le Président, était à l'effet d'introduire un mécanisme de consultation à l'égard des changements que nous apporterions à la loi d'aide financière aux étudiants et aux étudiantes ou à ses parties réglementaires. J'ai eu de nombreux échanges avec les deux fédérations étudiantes, que je salue à mon tour, M. le Président, et nous nous sommes entendus qu'il y aurait, et il y a eu une consultation auprès, entre autres, d'un certain nombre d'étudiants du niveau du cégep et que nous verrions comment mettre en place ce mécanisme.

Dans un premier temps, j'ai annoncé, suite au rapport Montmarquette, que j'étais prête à implanter ce comité consultatif qui associerait les étudiants et les étudiantes, et nous travaillons en ce sens, M. le Président, avec les associations de ces deux mêmes regroupements d'étudiants, universitaire ou collégial. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Verdun.


Modifications apportées au régime d'aide financière aux étudiants

M. Gautrin: M. le Président, la vérité a ses droits. En principale: Est-ce que la ministre comprend que, depuis qu'ils sont au pouvoir, dans le cadre du régime de prêts-bourses, voici ce que vous avez fait?

Vous avez commencé par abolir la Table de concertation entre le ministère de l'Éducation et le mouvement étudiant, qui avait été mise sur pied par le député de Westmount–Saint-Louis lorsqu'il était ministre de l'Éducation. Vous avez diminué le nombre de semestres accessibles au régime de prêts-bourses dans les programmes de premier cycle du programme collégial. Vous avez réduit l'accessibilité à l'aide financière pour les étudiants québécois qui étudient à l'étranger. Vous avez aboli le critère d'autonomie pour les étudiants qui avaient accumulé 90 crédits universitaires pour le remplacer par un critère beaucoup plus long qui est celui d'avoir un diplôme de premier cycle. Vous avez aboli le Programme de remise de dette de 25 % pour les étudiants qui étudiaient à la maîtrise et au doctorat qui avaient fini leurs études dans les délais impartis. Vous avez uniformisé les frais admissibles pour le matériel didactique. Vous avez diminué les frais de garde remboursables. Vous avez aboli les frais de dépassement de certains stages. Ça, c'est ce que vous avez fait jusqu'à maintenant.

De surcroît, M. le Président, si vous me permettez, la loi n° 170 qu'on va peut-être voter ou... à l'heure actuelle fait qu'on doit tenir compte de la contribution parentale dans le calcul du prêt. Dans la loi n° 170, la remise du prêt est diminuée à 10 % et reportée en 1999, et non pas en 1998.

Alors, ma question à la ministre: Comment peut-elle prétendre qu'elle satisfait actuellement les engagements électoraux du Parti québécois, alors que tout ce qu'elle a fait, ça a été de détériorer purement et simplement le régime de prêts-bourses?

(10 h 50)

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Il faut un peu chercher la cohérence dans ce que le député de Verdun vient de nous dire.

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît! Je pense que le député de Verdun, tout le monde en conviendra, a eu l'occasion de poser clairement sa question et a eu le temps nécessaire pour le faire. Je pense qu'on doit accorder le même privilège à Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. La question qui est soulevée est de deux ordres. On croit qu'on doit préserver l'accessibilité aux études supérieures. Je crois que c'est ce que nous avons fait, entre autres en maintenant le gel des frais de scolarité, ce que n'avait pas fait le gouvernement qui nous a précédés. Deuxième élément, on nous dit: Il faut éviter que l'endettement des étudiants et des étudiantes n'augmente. Nous sommes d'accord, M. le Président. Alors, nous avons introduit des mesures, auxquelles le député de Verdun faisait référence, qui vont essentiellement dans ce sens-là.

Quand on dit à un étudiant et à une étudiante: Effectivement, pour faire tel cours collégial ou tel cours universitaire, cela prend deux ans, cela prend trois ans ou cela prend quatre ans. On dit: Parce que certains étudiants doivent prolonger le temps nécessaire, on va permettre que les prêts et bourses couvrent une période plus longue; ce que nous faisons. Mais on dit, cependant: Si elle est trop longue, elle amène effectivement à s'endetter davantage en dépassant ces périodes. Alors, oui, nous avons réduit le nombre de périodes durant lesquelles on a accès au régime parce que cela a un effet sur la réduction de l'endettement.

Quand on nous dit qu'on a réduit certains budgets pour les étudiants et étudiantes qui vont étudier à l'étranger, c'est vrai, M. le Président, lorsque ces mêmes études sont accessibles et disponibles au Québec. Nous ne l'avons pas fait, cependant, pour le niveau de la maîtrise et du doctorat parce que nous sommes bien conscients qu'il y a là un outil important à préserver. Par ailleurs, lorsqu'on nous parle des frais de garde, M. le Président, on oublie de dire que nous avons implanté une politique familiale qui, de façon universelle, couvre mieux les besoins de garde des enfants.

Alors, je veux bien accepter un certain nombre de remarques, mais je crois que ça dépasse les bornes. Et je pourrais vous parler, M. le Président, de la négociation à laquelle a procédé mon collègue le député de Lévis, lorsqu'il a été ministre de l'Éducation et qu'il a négocié avec les institutions financières un rabais et une réduction des taux d'intérêt. Est-ce que cela n'aide pas à réduire le niveau d'endettement des étudiants et des étudiantes?

Des voix: Oui! Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Pour parler de l'avenir plutôt que du passé, est-ce que la ministre peut nous dire si elle a l'intention d'introduire dès maintenant, alors qu'un projet de loi va être étudié en commission parlementaire dans les prochains jours, des dispositions pour respecter son engagement d'avoir une loi-cadre sur les frais de scolarité, qui fasse que le gouvernement ne puisse pas, l'avant-veille de Noël, changer les frais de scolarité sans avertir personne et qu'on n'ait pas besoin, pour le respect de leurs engagements, d'avoir une semaine de manifestation durant un sommet pour leur rappeler leurs engagements?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, j'aimerais revenir sur des échanges que j'ai eus avec les associations étudiantes ou que mes collaborateurs et collaboratrices ont eus avec ces dernières. Nous avons deux recommandations, actuellement, sur lesquelles nous travaillons. Il y en a une qui est effectivement de mettre en place un mécanisme de consultation. Nous parlons à ce moment-ci d'un comité consultatif. Et nous étudions – parce que les étudiants et étudiantes ont peut-être souhaité que ce soit un peu différent d'une loi-cadre, qu'il y ait un certain nombre d'autres aspects qui soient traités – nous travaillons avec eux de telle sorte que nous puissions dégager une orientation et un projet plus clairs et plus précis.

Par ailleurs, il y a un autre engagement auquel nous n'avons pas fait référence et sur lequel nous travaillons, qui est celui du remboursement proportionnel au revenu. D'ailleurs, le rapport Montmarquette nous a fait une recommandation à l'effet d'explorer davantage cette avenue avant de modifier notre régime. Parce qu'on dit que notre régime a quand même beaucoup d'avantages et que, en le changeant, évidemment, il faudrait en faire l'évaluation, comme de ses désavantages, pour voir si cette nouvelle mesure serait plus intéressante, ce à quoi nous travaillons et au ministère et avec les associations étudiantes, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: Est-ce que, compte tenu qu'on parle d'engagements électoraux puis qu'on est rendu à plus de trois ans dans le mandat, la ministre peut maintenant nous donner un échéancier puis qu'elle a à peu près l'idée de quand elle va respecter ses engagements?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, généralement, dans mon cas, on trouve que je vais un peu trop vite. Alors, que je puisse prendre un peu de temps à l'occasion, ce n'est pas nécessairement mauvais. Mais, cela étant, dans la prochaine année, normalement, nous devrions être capables d'arriver, et sans doute dans les prochains six mois, avec des propositions très concrètes à cet égard, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Marquette.


Campagne publicitaire dans les journaux sur la réforme de l'éducation

M. Ouimet: M. le Président, le député de Verdun a évoqué ce que vous avez fait aux niveaux collégial et universitaire. Voici maintenant ce que vous avez fait aux niveaux primaire et secondaire: vous avez coupé le financement des écoles primaires et secondaires du Québec; vous avez augmenté les taxes scolaires; vous avez doublé les frais de scolarité chargés aux parents. Les parents doivent payer de nouveaux frais pour le transport scolaire et la surveillance des élèves. Des parents paient jusqu'à 130 $ pour des cours de rattrapage; d'autres doivent attendre jusqu'à deux ans pour que leur enfant ait accès au service d'un orthophoniste. Des élèves n'ont même plus leurs propres manuels en classe pour des matières essentielles.

Malgré cela – et ça, c'est l'héritage de la ministre de l'Éducation – elle a garroché, la ministre de l'Éducation, près de 200 000 $ pour faire paraître cette publicité dans sept quotidiens montréalais, en fin de semaine, dans le cadre du Conseil national du Parti québécois. C'est proprement scandaleux, M. le Président!

Le Président: M. le député de Marquette, je vous inviterais à la modération dans l'utilisation des qualificatifs des actions qui sont posées. Alors, votre question, maintenant.

M. Ouimet: Question, M. le Président: La ministre, qui parlait de honte, n'a-t-elle pas honte, elle, d'avoir dilapidé des sommes d'argent qui doivent servir en premier, avant tout, aux enfants et non pas pour soigner son image de technocrate auprès... de soigner son image, M. le Président, auprès des militants du Parti québécois?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et ministre de la Famille et de l'Enfance.

Mme Marois: Alors, M. le Président, M. Lévesque avait l'habitude de dire: Être informé, c'est être libre, et je crois qu'il est nécessaire, à ce moment-ci d'un projet qui est majeur et qui concerne l'ensemble des enfants et des jeunes du Québec... Je pense à toute la réforme de l'éducation qui, d'abord, concerne ce qu'on va leur enseigner, qui concerne la façon dont on va organiser et distribuer les services, qui concerne les nouveaux rôles et responsabilités des commissions scolaires qui seront organisées d'une façon totalement différente de celle que l'on connaît maintenant, entre autres, avec la contribution de l'opposition, sur une base linguistique plutôt que confessionnelle. Alors, il nous apparaissait important, à ce moment-ci, d'informer l'ensemble de la population avec un document qui rappelait, d'une façon systématique, ce que nous proposons et ce que nous allons faire.

(11 heures)

Nous avons choisi, soit dit en passant, la fin de semaine dernière, parce que nous avions demandé le nombre d'encarts qu'il y avait dans les journaux. On sait qu'à ce moment-ci ce n'est pas toujours propice, compte tenu de la période, et nous savions que c'était donc cette fin de semaine où il y avait le moins d'encarts, un, pour le rassurer au cas où il craindrait que je l'aie fait à cause de notre Conseil national. Deuxièmement, le coût, effectivement, est de l'ordre de 181 000 $, et cela revient à 0,11 $ l'exemplaire. Je crois que cela est normal, cela est raisonnable. Et cela était surtout nécessaire parce que, malheureusement, je ne peux pas beaucoup me fier sur l'opposition pour faire ces choses-là.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Comment la ministre de l'Éducation peut-elle prétendre que c'était nécessaire de dépenser 181 000 $, alors que... Voici les publicités, qui étaient déjà disponibles, voici ce que vous avez déjà publié, et il y en a qui ont été distribuées dans tous les foyers québécois. Vous êtes en train de dilapider des fonds publics. La seule chose qu'il y a de neuf, c'est l'image de la ministre de l'Éducation dans les foyers.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, justement, l'ensemble des documents auxquels fait référence notre collègue de Marquette ont été publiés en un très petit nombre d'exemplaires parce que nous, nous savons que cela coûtait davantage, coûtait plus cher parce qu'il s'agissait de documents, évidemment, dont le contenu était beaucoup plus élaboré. Ce qu'on retrouve dans l'information qui a été distribuée, c'est une synthèse, évidemment, de ce que nous faisons. Cependant, les documents que nous avons publiés, si c'était à refaire, je le referais demain matin, parce que c'est évident qu'il faut informer et les directions d'école et les parents et les professeurs.

Le député me montrait, entre autres, une toute petite brochure qui, elle, s'est adressée aux parents, concernant les maternelles. Vous souviendrez, M. le Président, que beaucoup de parents étaient inquiets lorsqu'on a proposé l'implantation des maternelles et souhaitaient avoir en main un outil leur permettant de comprendre ce que nous allions offrir aux jeunes de maternelle. Alors, effectivement, nous avons fait un extrait du programme de maternelle, que nous avons reproduit sur un petit dépliant que nous avons rendu disponible à tous les parents. Et je croyais et je crois toujours que c'était mon devoir de le faire, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle.


Patients atteints de cancer en attente de chirurgie à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vendredi dernier, le Journal de Montréal titrait ce qui suit: Prisonnier d'une liste d'attente à l'hôpital Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, il a failli mourir . «La famille et les chirurgiens sont révoltés.» Sous le titre Un chirurgien en colère , Michelle Coudé-Lord disait ce qui suit: «La colère gronde chez les chirurgiens et médecins spécialistes des Laurentides. J'ai 13 patients cancéreux que je ne peux opérer. Le ministre de la Santé ne dit pas la vérité lorsqu'il prétend que les cas les plus urgents sont opérés. "On a notre voyage." confie le Dr Stéphane Gravel, seul chirurgien thoracique de la région des Laurentides. Le Dr Gravel est le médecin traitant de Gérard Robert. "C'est incroyable à dire, mais cet homme atteint d'un cancer du poumon fut opéré plus rapidement à cause d'une urgence imprévue, un abcès qui s'est présenté sur son poumon atteint de cancer. Sa condition se détériorait. Telle est la réalité de la médecine spécialisée au Québec. Tous mes collègues sont dans cette situation, et les administrations des régies et les politiciens continuent de nier cette réalité et celle des malades. C'est très frustrant."»

M. le Président, la famille Robert a dénoncé la situation à la direction de l'hôpital, à la régie régionale et au ministre de la Santé. L'hôpital a reconnu en ces termes la situation difficile, et je cite la lettre de l'hôpital: «Il s'avère que le débat en regard de la problématique générale des listes d'attente ne relève pas simplement du médecin ni du centre hospitalier, mais des choix gouvernementaux dans l'allocation des ressources dans le domaine de la santé.» La régie régionale, quant à elle, a répondu que tout va bien dans le meilleur des mondes. Le ministre de la Santé n'a apporté aucune réponse à la demande de la famille Robert, qui intervient pour les autres patients.

M. le Président, la question au ministre de la Santé est la suivante: Va-t-il enfin assumer sa responsabilité de ministre de la Santé et donner à l'hôpital ainsi qu'au Dr Gravel les moyens de traiter les malades qui sont atteints du cancer?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, les faits sont un peu différents de ce qu'on vient d'entendre. Évidemment, on n'est pas surpris que la démagogie de l'opposition amène à vouloir donner le plus d'ampleur à une situation qui a été un moment difficile.

À l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, dans la réorganisation des services de santé, dans le remplacement de personnels au bloc opératoire et dans les salles d'opération, il y a eu quelques semaines où un délai un peu plus long a dû être accusé, et un léger rallongement des listes d'attente à cause de la formation de nouveau personnel. L'hôpital l'a reconnu tout de suite. C'est une situation qui a duré quelques semaines. Et je peux réaffirmer que, pendant ce temps-là, les priorités étaient toujours respectées et que les médecins qui ont eux-mêmes à juger de l'urgence des cas pouvaient opérer en priorité les malades qui avaient besoin d'une intervention immédiatement ou dans l'espace de quelques jours.

Dans cette situation, il est faux de dire que le ministère, la régie régionale et l'hôpital n'ont pas assumé leurs responsabilités. La direction de l'hôpital, la direction des services professionnels et du département de chirurgie ont suivi de très près toutes les situations, se sont assurées de la priorité des cas, et les patients ont été opérés selon... D'ailleurs, M. Robert, qui a vu une aggravation de son état, a été immédiatement opéré en urgence. Maintenant, il y a quatre ou cinq patients, je pense, qui sont sur la liste d'attente à l'hôpital, et l'attente moyenne est de quatre à cinq semaines, est à l'intérieur du quatre à cinq semaines qui est jugé tout à fait normal comme moyenne générale.

Alors, la réalité, elle est la suivante. Il y a eu une période difficile, les gens sont intervenus rapidement, la situation a été corrigée tout de suite, et les patients n'ont pas eu à en souffrir, M. le Président.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi.


Délai d'opération des patients à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme

M. Paradis: Oui, M. le Président, en principale. Ce matin, à l'hôpital Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, encore 13 patients qui sont atteints d'un cancer du poumon sont en attente d'être opérés. À cet hôpital, ce matin encore, et ce, depuis le mois de juillet, deux salles d'opération sont fermées. Le quota d'opérations à cet hôpital – et c'est encore vrai aujourd'hui – n'autorise que deux interventions par semaine pour ces cas. L'attente varie encore aujourd'hui de six à huit semaines pour ces personnes qui luttent contre un cancer. Cette semaine, avant-hier, mardi, les opérations prévues au bloc opératoire ont dû être annulées par manque de personnel infirmier.

Quel moyen le ministre de la Santé entend-il prendre pour que ces patients soient opérés avant qu'il ne soit trop tard?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, il y a eu, et l'information que j'ai, c'est qu'à la fin d'octobre il y a effectivement eu jusqu'à une quinzaine de patients qui étaient en attente. À la fin de novembre – je n'ai pas les données des derniers jours – mais, à la toute fin de novembre, il restait quatre patients en attente, et la durée d'attente était à l'intérieur d'un mois. Bon, qu'il y ait ce matin... il faut faire attention, là, et ça, ça fait partie de la démagogie. Si, à la fin de novembre, si le 28 novembre, il y avait quatre patients en attente, si, aujourd'hui, il y en a 15, ce n'est pas 15 patients qui peuvent être en attente plus que quatre ou cinq jours. Il y en avait quatre en attente à la fin de novembre. Alors, que, présentement, il y ait plus de patients qui soient en attente pour être opérés, si ça correspond au volume et au nombre d'interventions qui peuvent être faites à l'intérieur d'une ou deux semaines à l'hôpital, ce n'est pas surprenant. Il y en avait quatre en attente; une semaine après, il y en a 15. Ce qui va être important, c'est que les patients soient opérés dans les prochains jours et les prochaines semaines, compte tenu de leur état.

Alors, d'essayer de faire, encore là, un pathos parce que, à un moment donné, dans le temps, il y a une liste d'attente qui est longue... S'il y a un hôpital qui est là parce qu'il a des services à rendre puis qu'il sert des patients qui ont des problèmes, c'est bien normal qu'il y ait du monde aux portes, M. le Président. L'important, c'est que les gens soient servis dans un temps convenable, qui correspond à la priorité de leur état de santé, et avec qualité. Et c'est ce que l'hôpital de Saint-Jérôme fait. Et on m'a assuré encore dernièrement que le fonctionnement du bloc opératoire fait que l'attente est à l'intérieur du nombre de semaines qui est tout à fait naturel pour la situation des patients.

Alors, c'est complètement distordre et fausser la réalité que de montrer qu'à un moment donné il y a beaucoup de patients en attente. Ce qui est important, c'est le temps qu'ils doivent attendre et la qualité des services qu'ils reçoivent, et ça, ils ont ça à Saint-Jérôme.

Le Président: M. le député.

(11 h 10)

M. Paradis: Est-ce que le ministre va prétendre que la semaine dernière, lorsque le Journal de Montréal parlait de 13 patients en attente, le Journal de Montréal faisait de la démagogie? Est-ce que le ministre peut au moins prendre l'engagement en cette Chambre... On parle de patients atteints de cancer du poumon; qu'il y a encore 13 patients qui sont en attente ce matin; que deux opérations n'ont pu avoir lieu mardi, à cet hôpital, par manque de personnel au bloc opératoire. Est-ce qu'on va prendre en cette Chambre, comme le règlement nous oblige à le faire, la parole du ministre de la Santé ou la parole du médecin qui veut sauver la vie de ses patients et qui dit que le ministre ne dit pas la vérité à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, quand je donne des informations dans cette Chambre, je prends la peine d'aller vérifier avant. Moi, je parle avec la parole de la direction de l'hôpital, du directeur des services professionnels de l'hôpital, du directeur du département de chirurgie de l'hôpital, et c'est sur la base de l'information transmise par ces médecins-là qui sont responsables de traiter des patients et de s'assurer que leurs confrères et leurs collègues travaillent avec tous les moyens dont ils ont besoin, M. le Président. C'est ça qu'est la situation.

En plus du travail que font ceux que j'ai nommés, et de l'hôpital, il y a aussi, effectivement, les régies régionales qui s'assurent que, si jamais un hôpital est en trop grande difficulté de contrôler une situation dans l'immédiat, on va appeler à collaborer d'autres hôpitaux dans la même région. Dans le cas d'une région comme les Laurentides, au besoin, on aura même recours à des hôpitaux dans la région de Montréal, par exemple. C'est ça qui fait la force d'un système de santé et de services sociaux, c'est qu'il fonctionne comme système. Les établissements ne sont pas isolés, les médecins ne sont pas isolés, ils ont tout ce qu'il faut pour bien faire leur travail. Et, si ça déborde – ça fait partie de la normale des choses qu'à un moment donné il y ait un accroissement de services – d'autres sont là pour venir au secours. C'est un travail de système, un travail d'équipe qui se fait, M. le Président.

Mes informations sont sur la base de ceux qui sont responsables sur le terrain de faire marcher un système qui reste, quand même, un des meilleurs dans le monde, M. le Président.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques, en principale.


Augmentation du budget du Programme d'adaptation de domicile entre autres pour les personnes handicapées

M. Boulerice: En principale, M. le Président. Alors que le gouvernement fédéral s'est honteusement désengagé de l'habitation sociale, que le gouvernement libéral précédent s'est littéralement lavé les mains dans ce domaine, le ministre des Affaires municipales, il y a deux semaines, en un seul avant-midi, inaugurait 18 coopératives d'habitation dans le Centre-Sud de Montréal.

L'habitation sociale étant une préoccupation marquée du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, M. le Président, il y a quand même un volet que j'aimerais aborder avec le ministre, qui est celui du Programme d'adaptation de domicile de la Société d'habitation du Québec. Le ministre a annoncé un ajout de 5 000 000 $, comme il a d'ailleurs ajouté...

Une voix: Question.

Le Président: Ça va bien depuis ce matin, le président fait ce qu'il a à faire. Alors, laissez-le donc continuer.

M. Boulerice: Ne vous inquiétez pas, à bonne question, bonne réponse.

Alors, le ministre ayant annoncé l'ajout d'une somme additionnelle de 5 000 000 $ pour le Programme d'adaptation de domicile de la Société d'habitation du Québec afin de réduire les délais d'attente des personnes handicapées qui sont inscrites à ce programme, la question que j'aimerais poser au ministre et que l'opposition voudrait bien entendre est: Quelle est la liste et les détails d'attente des personnes handicapées, M. le ministre?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, pour ne pas briser la tradition à l'approche de la période des Fêtes, il faut d'abord commencer par répondre que je suis un peu surpris de la question. La question du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques nous permet de rappeler ceci, M. le Président. À l'occasion du discours sur le budget du ministre des Finances, nous avons annoncé un plan de relance du logement social au Québec de 125 000 000 $ et nous avons particulièrement annoncé que, pour les personnes handicapées au Québec dont la liste d'attente en termes d'adaptation de domicile est très longue et les délais sont très élevés. M. le Président, nous avons donc ajouté une somme de 5 000 000 $ aux 4 200 000 $ que nous investissions annuellement pour l'adaptation du domicile des personnes handicapées, pour maintenir ces personnes à domicile et réduire les coûts dans d'autres systèmes.

Ce 5 000 000 $, M. le Président, va nous permettre de répondre à 600 nouvelles demandes d'adaptation de domicile annuellement et, en particulier, ce 5 000 000 $ va servir à répondre aux besoins des personnes les plus démunies parmi les personnes handicapées, pour réaliser leur adaptation de domicile. C'est ainsi, M. le Président, qu'on pourra constater que, dès l'automne 1998, puisque le processus est engagé, on aura réduit d'une année le délai d'attente pour les personnes qui ont besoin d'adaptation de domicile, avec ce total de 9 200 000 $ que nous consacrons à l'adaptation de domicile pour personnes handicapées au Québec.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques.

M. Boulerice: Est-ce que je dois comprendre de la réponse du ministre que le temps d'attente sera réduit de 50 %, donc de la moitié? Et quelles sont les mesures que le ministre entend prendre pour réduire l'attente des autres clientèles, dont on retrouve d'ailleurs des cas dans les circonscriptions libérales?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Effectivement, M. le Président, l'ajout d'une somme de 5 000 000 $ annuellement pour répondre aux besoins les plus urgents et réduire effectivement de 50 % les délais d'attente, la longueur d'attente des personnes qui sont en besoin d'adaptation de domicile. Il demeure que, pour les autres catégories de personnes qui ne sont pas classées parmi les plus démunies, il y a également de très longues listes d'attente. C'est pourquoi j'ai demandé à la Société d'habitation du Québec de faire un effort supplémentaire. Et c'est avec grand plaisir que j'annonce aujourd'hui un ajout de budget annuellement de 1 500 000 $ pour permettre de réaliser 100 nouvelles unités d'adaptation par année et ainsi atteindre un budget de 10 700 000 $ pour l'adaptation de domicile annuellement et, enfin, être capable de répondre à 1 100 demandes d'adaptation de domicile par année.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Déclaration du procureur de la Commission d'accès à l'information concernant la communication de renseignements personnels au cabinet du premier ministre

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Dans l'affaire du coulage de renseignements confidentiels, on se souviendra qu'au départ la ministre déléguée au Revenu avait dit en Chambre qu'il y avait eu un congédiement. On a dû apprendre en dehors de la Chambre qu'il y en avait, en fait, huit. On a appris en Chambre, du ministre de l'Énergie, qu'il n'y avait pas de problème à Hydro-Québec. On a appris en dehors de la Chambre qu'effectivement la Sûreté du Québec était rendue là-dedans aussi et qu'il y avait eu un congédiement. Vendredi, on a appris qu'il y avait au moins deux autres organismes ou ministères où il y avait un problème. Le ministre des Transports a admis en Chambre que la Société de l'assurance automobile en était un. L'autre demeure confidentiel pour l'instant.

On se souvient qu'au début le premier ministre a sorti un communiqué de presse avouant qu'il y avait eu une communication de renseignements confidentiels entre son bureau et le Bloc québécois à Ottawa. Le lendemain, on apprend qu'il y a eu un rapport, au ministère du Revenu, qui avait conclu: Des faits analysés, rien n'indique que des informations confidentielles aient été communiquées à M. Charles Chevrette.

Hier, en conférence de presse, Me Marc Bergeron, qui doit agir comme procureur de la Commission d'accès à l'information dans l'enquête sur le coulage d'informations confidentielles, notamment au bureau du premier ministre, a dit ceci, et je le cite textuellement: «Il y a eu violation, c'est clair.» Est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il est d'accord avec le procureur de la Commission qu'il est clair qu'il y a eu violation de la loi?

Le Président: M. le premier ministre.

(11 h 20)

M. Bouchard: M. le Président, si on se réfère aux propos qui ont été tenus par le procureur de la Commission, on peut voir que ces propos font voler en éclats trois accusations sans fondement de l'opposition: premièrement, il a affirmé, contrairement à ce que prétend l'opposition, que la Commission avait tous les pouvoirs juridiques pour conduire son enquête de façon solide; il a également rapporté qu'il rencontrait une coopération totale de la part des gens du gouvernement qui avaient été contactés pour participer à l'enquête, et il a dit: Aucun blocage; et, troisièmement, il a annoncé qu'il y aurait des audiences publiques.

Alors, je crois que tous les critères, toutes les conditions sont réunies pour que cette Commission fasse la lumière comme nous y attendons.

Deuxièmement, de façon plus spécifique en rapport avec la question qui est posée concernant un jugement qui a été énoncé par le procureur, M. le Président, vous comprendrez que, par respect pour l'indépendance de cette Commission et pour éviter que cette Chambre ne la fasse dérailler, je m'abstiendrai de faire tout commentaire sur les propos du procureur, sur quelque jugement de valeur que ce soit, et que nous allons, en ce qui nous concerne, nous contenter de coopérer pleinement avec le déroulement de l'enquête.

Le Président: En principale, M. le député de Frontenac.


Enquête de la Sûreté du Québec sur la communication de renseignements personnels au cabinet du premier ministre

M. Lefebvre: Même affaire, en principale, M. le Président, toujours dans l'affaire de la violation des renseignements confidentiels. Le premier ministre doit se souvenir que le ministre de la Sécurité publique disait, le 25 novembre, concernant l'enquête de la Sûreté du Québec dans l'entourage du premier ministre, les questions que je lui posais concernant ce sujet-là, le ministre de la Sécurité publique disait, et je le cite: «L'enquête de la Sûreté du Québec dans l'entourage du premier ministre peut avoir lieu si on découvre quelque chose.» M. le Président, le procureur Bergeron a déjà trouvé. Il y a eu infraction. Le secret fiscal a été violé.

Est-ce que le premier ministre va continuer, lui et son entourage, à se mettre à l'abri d'une enquête de la Sûreté du Québec avec, entre autres, les pouvoirs d'une perquisition? Comme tous les autres acteurs concernés dans cette affaire, tous les autres simples citoyens ont été enquêtés par la Sûreté du Québec, questionnés par la Sûreté du Québec, perquisitionnés par la Sûreté du Québec, est-ce que le premier ministre, lui et sa gang, son entourage, là...

Le Président: Vous conviendrez, M. le député de Frontenac, que c'est un propos que je ne peux accepter à l'Assemblée.

M. Lefebvre: Est-ce que le premier ministre, lui et son entourage, vont accepter de se comporter comme les simples citoyens, accepter d'être enquêtés et questionnés par la Sûreté du Québec, de sorte qu'ils ne continuent pas à accréditer la thèse voulant qu'il y ait deux systèmes d'enquête, deux systèmes de justice, un pour lui et son entourage, et un autre pour les simples citoyens du Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Il a été établi très clairement que l'enquête de la Commission d'accès à l'information est l'enquête la plus rigoureuse, la plus vigoureuse, la plus complète qui peut être menée. La Commission d'accès à l'information a un très grand nombre de pouvoirs que n'a pas la Sûreté du Québec. La Sûreté du Québec ne peut pas obliger quelqu'un à répondre à des questions, ne peut pas assigner quelqu'un, ne peut pas l'assermenter, tandis que la Commission, elle, a le pouvoir de le faire, elle a en plus le pouvoir de faire des audiences publiques, M. le Président.

Et le député qui est un ancien ministre de la Justice sait très bien que les propos qu'il vient de prononcer pour qualifier mon entourage sont des propos inacceptables en démocratie. Il sait très bien aussi que cette Commission est celle qui réunit les meilleures conditions pour que la réconciliation des problèmes qui se posent dans cette affaire, c'est-à-dire faire une enquête, toute la lumière et en même temps respecter les renseignements personnels, puisse se faire correctement. C'est la Commission qui a le plus d'expertise pour le faire. Elle va le faire, j'en suis convaincu, en tout doigté, mais en toute vigueur pour que tout ce qui est arrivé soit connu publiquement et qu'elle puisse aussi porter un jugement sur les comportements des intéressés.

Je pense que, s'agissant de la Sûreté du Québec, elle peut quand même faire toutes les enquêtes qu'elle veut. Il n'y a rien qui l'empêche. J'ajouterai que les enquêtes qui ont été demandées étaient à propos de trafic d'informations. Il n'y a aucune indication dans l'événement rapporté, dans les allégations faites dans le Journal de Montréal concernant la transmission d'une information fiscale alléguée, il n'y a aucune indication qu'il s'agisse là d'éléments criminels. Attendons que l'enquête soit faite, puis on pourra ensuite porter des jugements, M. le Président. Un peu de démocratie.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée.


Votes reportés

Nous allons maintenant procéder aux quatre votes reportés. Alors, je demanderais la collaboration de tous les membres de l'Assemblée.


Motion proposant de souscrire à la Convention sur l'interdiction et la destruction des mines antipersonnel

Nous allons procéder d'abord au vote sur la motion de M. le ministre des Relations internationales, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec, au nom de toute la population québécoise, s'associe à tous ceux et celles à travers le monde qui veulent que les mines antipersonnel soient interdites et détruites et souscrive aux objectifs humanitaires qui sous-tendent la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, qui sera signée cette semaine, à Ottawa;

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec d'examiner les moyens à sa disposition, dans le cadre de sa juridiction, pour appuyer le gouvernement fédéral et contribuer à relever le défi que représente la mise en oeuvre de la Convention, notamment en ce qui a trait au soutien aux victimes et aux réfugiés, et à l'aide à la reconstruction économique des zones affectées par cette terrible tragédie.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Bouchard (Jonquière), M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), M. Brouillet (Chauveau), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bégin (Louis-Hébert), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Caron (Terrebonne), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Désilets (Maskinongé), M. Brien (Rousseau), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Duguay (Duplessis).

M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Dumont (Rivière-du-Loup). M. Filion (Montmorency).

(11 h 30)

Le Président: Est-ce qu'il y a des députés contre cette motion? Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:106

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: Cette motion vient d'être adoptée à l'unanimité.


Motion proposant de réaffirmer le droit de tout citoyen de se prononcer librement dans le cadre des débats démocratiques de notre société

Je mets maintenant aux voix la motion sans préavis présentée par M. le député de Robert-Baldwin, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme le droit de tout citoyen et citoyenne de se prononcer librement sans menace dans le cadre des débats démocratiques de notre société; que cette Assemblée condamne tout appel ou incitation à la violence, toute forme de violence déjà commise et que cette Assemblée demande au gouvernement du Québec de prendre les moyens appropriés et en particulier une enquête policière pour garantir aux citoyens ainsi menacés que leurs droits démocratiques seront protégés.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Johnson (Vaudreuil)...

Le Président: Un instant. Question de règlement, M. le leader?

M. Jolivet: Non, ce n'est pas une question de règlement. Je voudrais juste demander au leader de l'opposition...

Une voix: Non.

M. Jolivet: ...si c'est le même vote. Non?

Le Président: Par appel nominal.

La Secrétaire adjointe: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Dumont (Rivière-du-Loup). M. Filion (Montmorency).

M. Bouchard (Jonquière), M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), M. Brouillet (Chauveau), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bégin (Louis-Hébert), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Caron (Terrebonne), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Désilets (Maskinongé), M. Brien (Rousseau), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Duguay (Duplessis).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever. Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:106

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: Très bien, la motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je vous ai fait signe pendant la période de votation, je ne voulais pas en aucune façon interrompre la votation, mais on s'était entendu avec les gens de l'autre côté qu'il n'y avait pas dans le texte des mots que vous avez utilisés; j'aimerais que les correctifs soient appropriés, puisque c'est ce sur quoi on s'était entendu.

Le Président: Alors, le leader de l'opposition officielle semble partager votre point de vue. Je vais vérifier finalement les termes qui ne devraient pas apparaître dans la motion, mais je crois, si je comprends bien, que ça ne change pas le sens de la motion ni le vote. Très bien.


Motion proposant de souligner la Semaine québécoise des personnes handicapées

Alors, maintenant je vais appeler la motion de M. le ministre de la Santé et des Services sociaux qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Semaine québécoise des personnes handicapées qui se déroule du 1er au 7 décembre et dont le thème est L'accès, c'est l'autonomie

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

M. Jolivet: Est-ce que le leader de l'opposition et les membres indépendants accepteraient que ce soit le même vote?

M. Paradis: Même vote, M. le Président.

Le Président: Alors, nous allons enregistrer le même vote.

Le Secrétaire: Pour:106

Contre:0

Abstentions:0


Adoption du principe projet de loi n° 170

Le Président: Très bien, la motion est adoptée. Je mets maintenant aux voix la motion de Mme la ministre de l'Éducation proposant que le principe du projet de loi n° 170, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants, soit maintenant adopté. Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Bouchard (Jonquière), M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bégin (Louis-Hébert), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Caron (Terrebonne), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska).

Le Président: Un instant, là! Tout le monde conviendra que les votes à l'Assemblée nationale ont un caractère solennel et qu'ils devraient se dérouler comme il se doit, selon notre règlement.

La Secrétaire adjointe: M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Désilets (Maskinongé), M. Brien (Rousseau), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Duguay (Duplessis).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Dumont (Rivière-du-Loup). M. Filion (Montmorency).

(11 h 40)

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:60

Contre:44

Abstentions:0

Le Président: La motion de Mme la ministre de l'Éducation est donc adoptée. En conséquence, le principe du projet de loi n° 170 est adopté. M. leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'éducation

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour étude détaillée.

Le Président: La motion est-elle adoptée? Adopté.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, M. leader du gouvernement.


Souligner le 80e anniversaire du restaurant Le Parlementaire

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je suis assuré de l'appui de tous les collègues et je sollicite cependant leur consentement pour présenter la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne le 80e anniversaire du restaurant Le Parlementaire et rende hommage aux équipes professionnelles de cuisiniers, de serveurs et de serveuses qui se sont succédé afin de développer l'image de marque du restaurant de notre Assemblée.»


Mise aux voix

Le Président: Alors, je comprends qu'il y a consentement pour présenter la motion sans débat. Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?

Une voix: Oui.

Le Président: Alors, je demanderais aux députés qui doivent aller travailler à l'extérieur de l'enceinte du salon bleu de le faire. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Demander au gouvernement fédéral de ne pas abandonner le projet de Gazoduc Trans Québec et Maritimes inc.

M. Béchard: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour déposer la motion sans préavis suivante, c'est-à-dire:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral et à l'Office national de l'énergie de ne prendre aucune décision irréversible qui pourrait mettre en péril le projet de Gazoduc Trans Maritimes sans au préalable avoir analysé, étudié et comparé les retombées économies, sociales et environnementales qui peuvent en découler pour le plus grand avantage du Québec et de l'Est du Canada.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour présenter cette motion? Alors, il y a consentement. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, depuis plusieurs mois, je dirais même depuis plusieurs années, des gens travaillent sur ce projet qui est carrément un projet d'avenir pour le Québec et pour le rôle du Québec au niveau énergétique. Je pense que ce matin, au-delà de toute partisanerie politique, il est intéressant que l'on se serre les coudes derrière ce projet-là qui constitue définitivement un avantage comparatif pour l'économie non seulement du Québec, mais de tout l'Est du Canada.

Tous s'entendent depuis des mois pour dire que ce projet est supérieur aux autres projets qui ont été soumis, que ce soit au niveau des coûts, que ce soit au niveau des retombées économiques, au niveau des retombées environnementales. Cependant, on en est présentement à une étape où il faut demander qu'on arrête... d'analyser... qu'on ne prenne aucune décision tant que les analyses ne seront pas complétées, tant que tous les projets n'en seront pas au même niveau.

Ce projet de gazoduc, M. le Président, a des retombées économiques absolument importantes pour ma région, qui est la région de Kamouraska-Témiscouata, mais aussi pour l'ensemble du Canada et l'ensemble du Québec. On parle, par exemple, que, si jamais ce projet-là ne se réalise pas, de Gazoduc Trans Maritimes, c'est l'annulation de projets d'investissement qui auraient engendré des retombées économique de l'ordre de 524 000 000 $ sur le PIB du Canada, et on parle de près de 7 660 emplois-personnes-année qui sont aussi compromis par l'annulation. Sur le Québec, on parle d'un impact négatif de 250 000 000 $ sur le PIB et de près de 3 600 emplois-personnes-année qui seraient compromis par le fait qu'on ne réalise pas ce projet. Ça, c'est sans compter le prix du gaz naturel qui serait à la hausse et la perte d'opportunités pour des ventes hors franchises.

Au-delà de ça, M. le Président, il y a aussi le rôle fondamental de ce gazoduc et du projet de Trans Maritimes sur notre compétitivité économique et sur notre capacité d'attirer des entreprises dans nos régions et dans tout l'Est du Canada. Je tiens à le souligner, ce n'est pas seulement une question du Québec, mais c'est aussi une question de tout l'Est du Canada. C'est fondamental pour notre capacité d'attraction. C'est un avantage comparatif que nous aurions sur toutes les autres régions, et je pense qu'il faut tous se serrer les coudes derrière ce projet-là. Nous devons prendre cette place. Je pense que le ministre a dit à plusieurs reprises, le ministre des Ressources naturelles, qu'il voulait que le Québec devienne une plaque tournante énergétique. Je pense que ce projet-là, nous devons tous être derrière justement pour le situer dans cette stratégie énergétique là.

Enfin, M. le Président, je crois que nous devons faire tout en notre pouvoir, en tant que représentants des gens de nos régions et surtout en tant que défenseurs des intérêts du Québec, pour appuyer le projet de Trans Maritimes et surtout éviter de faire tout geste de provocation inutile qui pourrait compromettre ce projet crucial pour l'avenir de l'économie du Québec, mais aussi pour l'avenir de tout l'Est du Canada. Je demande donc, ce matin, par cette motion, que l'Assemblée nationale se serre les coudes derrière ce projet de Trans Maritimes pour faire pression auprès du gouvernement fédéral afin qu'aucune décision ne soit prise dans ce dossier avant que nous ayons analysé tous les projets qui sont là. Je pense que nous devons tous nous serrer les coudes derrière ça.

Je suis heureux d'avoir eu le consentement, ce matin, M. le Président, pour déposer cette motion-là qui est importante pour l'avenir de l'économie québécoise, importante pour l'avenir de l'économie de l'Est du Canada, importante pour nos entrepreneurs, nos entreprises, nos régions, importante pour la création d'emplois. Je vous remercie.

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. J'invite tous les membres de cette Assemblée à voter effectivement en faveur de cette motion, motion que nous n'aurions sans doute pas présentée il y a quelques semaines ou quelques mois parce qu'on espérait que l'ensemble du dossier chemine tout simplement en fonction de la qualité ou de la valeur du dossier. C'est ce qu'on désirait tous, et on était convaincus, comme le disait le député de Kamouraska-Témiscouata, qu'on avait un dossier puis qu'on a toujours un dossier qui, sur le plan technique, est excellent.

Mais il y a un problème, et je voudrais l'expliciter, ce matin. Le problème qui est survenu dans cela, c'est que, dès le départ, les chances n'ont pas été égales. Faut bien le dire, il y avait une longueur d'avance du groupe américain qui s'était préparé pour déposer son dossier. Nous nous sommes mis à travailler correctement. Puis, devant la commission chargée d'étudier... On n'a même pas attendu. On a même dit que c'était irrecevable dans les délais. On a même jugé irrecevable, rappelez-vous, le fait que le seul consortium canadien, là, faut bien se comprendre... Puis je dis «canadien» à dessein parce que Gaz Métro est fusionnée avec d'autres partenaires de l'Ontario puis qu'il y en avait d'autres d'autres provinces également, des Maritimes. Donc, le seul consortium canadien n'avait même pas chances égales au départ, s'est même vu refuser... C'est-à-dire, il s'est vu traiter hors mandat de la commission parce que le délai était dépassé, si bien qu'on se retrouve avec un seul joueur sur la glace.

Et, qui plus est hier l'ONE décide: Allez-y, alors que Gaz Métro est en appel puis que c'est probablement la semaine prochaine que Gaz Métro sera entendue en appel. Bien, tout simplement, on dit au gouvernement fédéral, par la motion – et c'est pour ça que je n'ai même négocié aucun libellé, aucun contenu: Bien, écoutez, pourriez-vous demander à l'ONE au moins de faire en sorte qu'on puisse avoir justice? Parce qu'on est en appel de procédure. C'est tout à fait inconcevable que le consortium formé de Québécois, d'Ontariens et d'autres gens d'autres provinces ne puisse pas se faire entendre. C'est ça, à toutes fins pratiques, qu'on dit: Justice, s'il vous plaît!

(11 h 50)

Et je suis d'accord avec le ton, il ne faut pas exagérer, ni dans un sens ni dans un autre. Il faut démontrer notre ferme volonté, par exemple, pour faire en sorte que le dossier soit étudié au mérite. Parce que je pense que tous les parlementaires de cette Assemblée sont convaincus que le dossier, la valeur du dossier en termes de retombées économiques et d'emplois est extraordinaire non seulement pour le Québec effectivement, mais aussi pour l'Est du Canada. Et ça, je pense que ça permettra la pénétration d'une autre source énergétique dans une région qui en a drôlement besoin, comme par exemple le Bas-Saint-Laurent via Rivière-du-Loup, où, avec des artères secondaires, on pourra mener le gaz jusqu'à Rimouski et permettre à nos industries de se développer correctement, tout en permettant à une partie du Nouveau-Brunswick effectivement, elle aussi, de se développer économiquement, et elle en a besoin.

Donc, M. le Président, c'est sobrement mais avec beaucoup d'insistance que l'on demande à l'ONE et qu'on demande au gouvernement fédéral de respecter au moins la teneur du dossier, qu'on permette une analyse effectivement sérieuse, une analyse comparative extrêmement importante qui doit se faire, parce que c'est comme rien, on doit travailler, puis on doit travailler pour un projet qui a des retombées maximales non seulement pour le Québec, mais pour l'ensemble canadien dans les circonstances. Donc, quand on peut unir nos efforts face à un dossier... Et on demande surtout que ce soit analysé correctement, sainement, froidement, on pense que l'Assemblée nationale doit unanimement précisément adopter cette résolution. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Rivière-du-Loup. C'est sur la même motion?

M. Béchard: Non, Kamouraska-Témiscouata; Rivière-du-Loup, c'est lui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est sur la même motion? Ah bon! c'est bien. Alors, c'est ça, c'est vous qui avez présenté la motion. J'arrive, là, je ne savais pas de quel côté venait la motion. Alors, votre droit de réplique, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Béchard: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pas de Rivière-du-Loup, excusez, là...

M. Béchard: Non.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est ça, là, je comprends un peu vos regards. M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Ce n'est pas très loin, hein, c'est...


M. Claude Béchard (réplique)

M. Béchard: On entoure Rivière-du-Loup, mais elle n'est pas incluse encore dans notre comté. M. le Président, effectivement, c'est notre côté qui a présenté cette motion-là, et je suis heureux de l'attitude du ministre des Ressources naturelles dans ce dossier-là. Je pense que, sur le ton, tous s'entendent pour dire que, oui, effectivement on peut avoir l'impression que les chances n'ont pas été égales – puis on n'embarquera pas là-dedans pour rien pour ne pas mettre d'huile sur le feu.

Cependant, il reste des étapes à franchir dans le dossier. Je pense que nous devons tous unir nos efforts pour s'assurer que le gouvernement fédéral porte une attention particulière, ne prenne aucune décision irréversible qui ferait en sorte qu'on se ramasserait dans un imbroglio juridique par la suite. Il reste des étapes dans le dossier avant de prendre des décisions, et je pense qu'on doit, de chaque côté, faire tout ce qui est en notre possible pour que le gouvernement fédéral ne donne pas un oui à un projet qui aurait des impacts très négatifs pour notre économie, pour notre avenir, pour nos entreprises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader...

M. Paradis: Vous êtes très rapide ce matin, M. le Président. Vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah bon! je ne le sais pas, on se sent en forme. Vote par appel nominal.

M. Boulerice: ...l'article 223.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Article 223, oui.

M. Boulerice: Je demande que le vote soit reporté à la fin de la période des affaires courantes de demain, vendredi, 5 décembre.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, le vote sera reporté à la période des affaires courantes de demain. Bon, il n'y a pas d'autres motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous sommes à l'étape des avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président – et pour rassurer le leader de l'opposition, j'ai la feuille bleue – j'avise cette Assemblée que la commission de l'éducation va procéder aux consultations particulières sur le projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des finances publiques, quant à elle, poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 161, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement du territoire va poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 175, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Finalement, que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 178, Loi sur l'abolition de certains organismes, aujourd'hui, de 16 h 30 à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, c'est terminé, M. le leader adjoint. Très bien. Alors, ceci met donc fin aux avis touchant les travaux des commissions.

Nous en sommes maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, tout est très clair pour tout le monde.


Affaires du jour

Donc, nous mettons fin à la période des affaires courantes pour entreprendre celle des affaires du jour. J'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'item à l'ordre du jour.

M. Boulerice: Oui. Alors, M. le Président, il s'agira de l'item 29 à notre feuilleton.


Projet de loi n° 162


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 29, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, président du Conseil du trésor, propose l'adoption du projet de loi n° 162, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, j'ai le plaisir de proposer l'adoption du projet de loi n° 162 qui modifie les dispositions législatives en matière de retraite.

Ce projet de loi modifie plusieurs régimes de retraite, introduit des dispositions concernant le retour au travail des personnes ayant bénéficié du Programme de départs volontaires et définit le rôle des comités de suivi du programme. J'étais d'ailleurs intervenu ici en deuxième lecture en expliquant les principes qui sous-tendaient le projet de loi. Nous avons procédé en commission parlementaire, nous avons adopté ce projet, chacun de ses articles, à l'unanimité d'ailleurs, je le dis, en remerciant l'opposition. Nous avons adopté chacun de ses articles, mais quelques amendements, et nous revenons maintenant en troisième lecture pour son adoption.

Alors, je rappelle à mes collègues que ce projet de loi fait suite à l'adoption, le printemps dernier, de la loi n° 104 sur la diminution des coûts de la main-d'oeuvre dans le secteur public et de la loi n° 123 modifiant diverses dispositions des régimes de retraite du secteur public. Ces deux lois découlaient des ententes intervenues entre le gouvernement, les syndicats du secteur public et les associations de cadres sur la mise en place de programmes de départs volontaires. Ces programmes ont permis, au 1er décembre 1997 – et je réajuste les chiffres que je donnais la dernière fois – à 35 389 personnes, dont 2 169 cadres, de prendre une retraite méritée à des conditions avantageuses et au gouvernement de réduire de manière importante ses coûts de main-d'oeuvre.

Je ne peux passer sous silence une autre conséquence bénéfique de ces programmes de départs, soit l'embauche de milliers de jeunes Québécois dans le secteur public... parapublic, je devrais dire, plutôt. Nul doute que la venue de tous ces jeunes, notamment à titre d'enseignants aux niveaux primaire et secondaire, rendra encore plus dynamique la formation de nos enfants.

(12 heures)

En ce qui concerne le projet de loi en tant que tel, il modifie plusieurs régimes de trois manières: premièrement, en appliquant certaines règles fiscales qui prévoient qu'un participant doit cesser d'être visé par son régime de retraite au plus tard le 31 décembre de l'année au cours de laquelle il atteint l'âge de 69 ans, au lieu de la limite actuelle de 71 ans – je vous rappelle que les principaux régimes qui s'appliquent aux employés des secteurs public et parapublic, soit le RREGOP, le RRE, le RRF, le RRCE, ont déjà fait l'objet d'une telle modification le printemps dernier; deuxièmement, en prévoyant la participation au RREGOP de certains employés du gouvernement fédéral intégrés dans une fonction au gouvernement du Québec à partir du 1er avril 1998; troisièmement, en apportant certains ajustements aux mesures temporaires de retraite déjà prévues dans les lois sur le RREGOP et le RRCE. Ces ajustements découlent, pour la majorité, des recommandations du comité de suivi pour le personnel syndicable. Ils concernent notamment l'admissibilité aux programmes, les retours au travail exceptionnels et le taux d'intérêt applicable aux demandes de rachat effectuées dans le cadre du programme par les employés de niveau non syndicable.

Pour ce qui est du retour au travail dans le secteur public des nouveaux retraités, le projet de loi prévoit plusieurs dispositions qui encadrent très rigoureusement cette possibilité. Je les rappelle brièvement.

La personne qui a bénéficié du Programme de départs ne peut revenir travailler directement ou indirectement par le biais d'une agence de personnel dans un délai de deux ans à compter de la prise de sa retraite. Un employeur visé par le RREGOP ne peut conclure, durant la même période, un contrat de services ou d'entreprise avec un retraité.

Il est possible de déroger à ces interdictions en raison de circonstances exceptionnelles relatives à l'organisation du travail ou au service à la clientèle. Pour les employés syndicables, c'est le comité de suivi qui détermine ces circonstances et qui autorise la dérogation. Pour les employés non syndicables, ces responsabilités sont confiées au président du Conseil du trésor ou au ministre de la Santé ou de l'Éducation ou au ministre concerné. Le comité de suivi des employés non syndicables est informé des dérogations accordées.

Par ailleurs, le projet de loi permet au comité de suivi des employés syndicables et non syndicables de déterminer la recevabilité des demandes de rente de retraite reçues hors délai.

Enfin, deux dispositions du projet de loi visent spécifiquement les employés de niveau non syndicable. La première précise que les dispositions usuelles de retour au travail ne s'appliquent pas aux cadres qui ont bénéficié du Programme de départs volontaires et qui effectuent un retour au travail avant le 1er décembre 1997. Et les mêmes règles s'appliquent aux syndiqués et au personnel de niveau non syndicable.

La deuxième mesure précise que le taux d'intérêt applicable à l'égard d'une demande de rachat faite par un employé de niveau non syndicable dans les délais prescrits par le Programme de départs volontaires leur étant applicable est fixé à 8,60 % pour la période débutant le 1er août 1997. Il s'agit d'uniformiser le traitement des dossiers en utilisant le même taux que celui dont ont bénéficié les employés syndiqués pour des rachats similaires.

Finalement, M. le Président, le député de Verdun a soulevé, durant l'étude du projet de loi en commission parlementaire, une interrogation relative au libellé d'une partie de l'article 35.1°. Après une analyse attentive effectuée à ma demande par les juristes du secrétariat du Conseil du trésor, ces derniers me confirment que le libellé actuel de l'article 35.1° est correct et qu'il n'est pas susceptible d'entraîner une mauvaise interprétation. Je n'ai donc pas jugé opportun de présenter un amendement au projet de loi, à ce stade-ci de nos travaux.

Alors, je remercie le député de Verdun pour son appui au projet de loi et son travail efficace en commission parlementaire, de même que je remercie les députés de la commission du Parti québécois qui ont participé à l'étude de ce projet de loi et qui l'ont fait très sérieusement. Je remercie aussi les employés du secrétariat du Conseil du trésor, ceux de la CARRA, la Commission administrative des régimes de rente et de retraite, pour leur excellente collaboration et leur effort intense tout au long de cette année. Je peux vous dire qu'il s'est agi d'une tâche immense, une étude de plusieurs dizaines de milliers de dossiers qu'ils ont faite de façon très efficace et qui s'est faite sans erreurs, en autant que je sache, à ce stade-ci. Et je pense, M. le Président, que nous devons les féliciter pour la qualité de leur travail.

M. le Président, j'ai une pensée particulière, donc, pour les employés de la CARRA qui ont manipulé des centaines de milliers de documents essentiels au traitement des dossiers de retraite tout en réduisant au minimum les erreurs, qui sont souvent nombreuses lors des opérations de ce genre. Je termine donc cette intervention en remerciant les 35 389 personnes, à ce jour, qui ont servi l'État du Québec et ses citoyens discrètement, efficacement durant les dernières décennies et qui nous ont quittés pour une retraite bien méritée. Je en vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Vous allez comprendre, et je vais essayer d'expliquer le cheminement de notre formation politique et de baliser le sens de notre appui au projet de loi.

Ce projet de loi est issu, comme le rappelait le ministre, de la loi n° 104 et de la loi n° 123 qui était la loi sur les départs volontaires. Je rappellerai que nous nous sommes prononcés contre la loi sur les départs volontaires. Nous pensons que deux choses se trouvent dans cette mesure: elle avait été négociée avec une épée de Damoclès sur la tête, premièrement, il ne faut pas l'oublier, et deuxièmement ça avait pour effet d'aller puiser dans les excédants d'actifs du RREGOP l'équivalent de 800 000 000 $.

Je vous signalerai le fait aussi que le Programme de départs volontaires, qui est de 35 000 personnes qui en ont profité, dépasse de 20 000 ce qui était prévu au moment où il avait été établi, à peu près, ce qu'il va falloir financer par le budget de l'État. Mais il donne des effets immédiats et son coût est amorti sur une période de 16 ans.

Il y a là, M. le Président, un certain nombre de questions fondamentales où on pense qu'on a, en termes de rapports intergénérationnels, c'est-à-dire entre les jeunes d'un côté et les personnes qui ont pu bénéficier de ce programme extrêmement avantageux de départs volontaires, une iniquité. Nous l'avons répété maintes fois et nous le répétons encore aujourd'hui.

Ceci étant dit, M. le Président, c'est-à-dire étant bien clair qu'il n'est pas question pour nous d'adhérer ni au projet de loi, à ce qui était la loi n° 104, ni à la loi n° 123, c'est-à-dire en aucune manière au Programme de départs volontaires, la manière dont il a été fait, la manière dont il est financé, nous sommes saisis du projet de loi n° 162. Et vous comprenez bien la situation dans laquelle se trouve l'opposition, d'avoir un projet de loi comme le projet de loi n° 162 qui suit les projets de loi nos 104 et 123, mais qui, disons, en découle d'une certaine manière. Nous ne pouvons pas, même si nous contestons... Il faut bien être conscient, nous continuons à contester politiquement la décision du gouvernement d'avoir passé et d'avoir choisi cette méthode-là. Il est clair qu'une fois que la loi est passée la stricte mécanique d'application de la loi nécessite des aménagements qui étaient inclus dans le projet de loi n° 162. Et la stricte mécanique, à ce moment-là, c'était des aménagements qui étaient nécessaires.

Le projet de loi n° 162, et on l'a rappelé, va couvrir un certain nombre de points. D'abord, c'est une question d'harmonisation avec la législation fédérale en ce qui touche l'âge après lequel on ne peut plus contribuer à un fonds de pension, qui a été ramené de 71 ans à 69 ans. Et là on a été amené à faire les mesures de correction à l'intérieur d'un certain nombre de lois, c'est-à-dire les lois sur le Régime de retraite des membres de l'Assemblée nationale, sur le Régime de retraite de certains enseignants, sur le Régime de retraite des agents de la paix en services correctionnels, sur le Régime de retraite des élus municipaux, sur le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, sur le Régime de retraite des maires et des conseillers des municipalités et les régimes de retraite des secteurs public et parapublic. M. le Président, c'était donc des mesures de simple concordance et on ne pouvait pas s'opposer à de telles mesures.

(12 h 10)

Les autres éléments du projet de loi vont, d'une part, couvrir les employés fédéraux qui, dans le cadre de la mesure sur l'entente de la main-d'oeuvre, vont être transférés du gouvernement fédéral au gouvernement provincial. Et il était nécessaire aussi qu'on prévoie comment leur régime de retraite allait être transféré d'un cas à l'autre, mesure qui était purement, à ce moment-là, administrative.

En ce qui touche les éléments plus particulièrement propres au Programme de départs volontaires, faut bien être conscient que, si on se met dans la position de dire: Le Programme de départs volontaires existe, les aménagements qui sont prévus au projet de loi, c'est-à-dire qui voient à bien baliser le retour au travail exceptionnel et éventuel de certaines personnes qui ont bénéficié du Programme de départs volontaires dans certaines fonctions à titre exceptionnel, c'était aussi nécessaire de les baliser. Je prends acte de la déclaration aussi du président du Conseil du trésor quant à la rédaction de l'article 35 et au fait que la rédaction de l'article 35 – j'imagine que privément il pourra me donner l'avis juridique ou l'avis de ses juristes – corresponde bien à ce qu'on voulait dire en commission, et je n'ai pas de raison d'en contester ici la pertinence.

Alors, M. le Président, quand nous votons en faveur du projet de loi n° 162, nous le faisons parce que c'est la stricte logique de voter en faveur de ce projet de loi qui est un projet de loi purement technique. Ça ne veut pas dire – et j'entends bien ici le rappeler devant cette Chambre – que l'opposition adhère au Programme de départs volontaires, à la manière dont il est financé et à la manière dont il fonctionne. Mais, une fois que le Programme de départs volontaires a été mis en place – et il est mis en place, puisque déjà 35 000 personnes s'en sont prévalues – il est normal qu'on adapte la fonction publique à cette décision et l'opposition ne peut que concourir au bon fonctionnement de l'appareil de l'État. Alors, dans ce sens-là, nous allons voter en faveur du projet de loi n° 162, mais je tiens encore à rappeler: Ce n'est en aucune manière, de notre côté, une adhésion au Programme de départs volontaires et à la manière dont le Programme de départs volontaires a été financé. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. M. le ministre, pour quelques minutes, votre droit de réplique.


M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: Oui. Merci, M. le Président. Je veux simplement répondre à une remarque du député de Verdun qui touche l'amortissement du fonds des départs assistés. Je vais simplement lui rappeler que, lorsqu'il y a des coûts dans ces fonds de retraite pour des programmes comme cela, et dans le privé et dans le public ils sont amortis sur une période de 16 ans. C'est ce qu'on appelle «la méthode DUMERCA», c'est-à-dire la durée de vie utile des bénéfices qui en découlent.

Le privé l'a fait ainsi durant de très longues années, et le public s'est ajusté à cette technique d'amortissement des avantages et des coûts de ces avantages, en 1990, lorsque l'actuel chef de l'opposition était président du Conseil du trésor. Nous n'avons rien changé à la politique du gouvernement, rien, absolument rien; nous avons continué comme le gouvernement le faisait autrement justement en étant très prudents, sur ce plan-là, de ne pas modifier les règles comptables pendant le temps où nous faisons cette lutte au déficit, parce que cela entraînerait inévitablement des critiques de la part de l'opposition. Nous n'avons donc pas changé la décision du gouvernement prise en 1990 et, je suppose, qui était sur la recommandation de l'actuel chef de l'opposition, alors président du Conseil du trésor. Nous n'avons rien changé. Aujourd'hui, on nous critique là-dessus. M. le Président, je veux simplement réaffirmer que nous comptabilisons ces coûts de la même façon que l'ancien gouvernement le faisait, et donc c'était sur une base comparable.

Alors, c'est la remarque que je voulais faire, et je remercie encore une fois le député de Verdun de sa collaboration quant à l'adoption du projet de loi. Je comprends aussi que la discussion que nous avons sur le mode d'amortissement de ce fonds sur les départs assistés... D'ailleurs, ce n'est pas un fonds, c'est dans le programme de retraite, dans les programmes de retraite eux-mêmes, les régimes de retraite eux-mêmes que cet amortissement a lieu. Alors, M. le Président, je veux simplement le remercier de sa collaboration au cours de l'étude de ce projet de loi. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Le projet de loi n° 162, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vous fais motion de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons accéder à votre demande avec le consentement de tout le monde. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 16)

(Reprise à 15 h 4)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous reprenons les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Nous allons passer une bonne partie de notre après-midi sur certains projets de loi du ministre d'État de l'Économie et des Finances, et je vous demanderais de prendre en considération l'article 5 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 167


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 5 de notre feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 167, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Y a-t-il des interventions? Alors, M. le ministre des Finances.

M. Landry (Verchères): Vous seriez surpris, M. le Président, si je vous disais: Il n'y a pas d'intervention!

Le Vice-Président (M. Pinard): Ha, ha, ha! Effectivement.

Une voix: Ha, ha, ha!


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Il y a, bien sûr, une intervention parce que notre Assemblée est conviée à adopter le principe de cette loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Fréquemment, notre Assemblée modifie, modernise, adapte les législations visant les caisses d'épargne et de crédit pour une raison bien simple: c'est que les caisses d'épargne et de crédit, pour nous, Québécois et Québécoises, c'est notre système bancaire pour la moitié. L'activité bancaire, au Québec, se fait dans des caisses d'épargne et de crédit à la hauteur d'à peu près 50 %. L'autre moitié, comme on le sait, est divisée en un quart pour la Banque nationale, qui est une institution à siège social québécois et très québécoise, et d'autres institutions québéco-canadiennes qui sont les autres composantes du système bancaire. Donc, quand on dit qu'on travaille pour les caisses d'épargne et de crédit, on touche la moitié du système bancaire. C'est une chose importante, il est très important que ces institutions, qui sont des coopératives en plus – ce qui est un modèle socioéconomique en soi extrêmement sympathique – aient des conditions de concurrence et des conditions de fonctionnement qui leur permettent de s'acquitter de leur lourde mission de gérer l'épargne et le crédit.

Tout le monde sait, par ailleurs – et il y a eu un très grand débat, et plusieurs groupes de pression, ceux qu'on appelle les lobbys, s'en sont mêlés – qu'on est en train de revoir la Loi sur les intermédiaires de marché aussi. Alors, je veux bien faire cette mise en garde au début à ceux qui nous écoutent, que cette loi ne modifie pas la Loi sur les intermédiaires de marché et ne donne aucune interface nouvelle entre la vente d'assurances et les caisses populaires. La Loi sur les intermédiaires de marché, en temps et lieu, c'est-à-dire bientôt, elle sera déposée devant cette Chambre, mais c'est une autre affaire. Je voudrais que personne ne s'inquiète. Il y a déjà des gens du monde de l'assurance qui ont dit: À travers la loi des caisses, vous allez leur permettre des choses dans le domaine de l'assurance. Ce n'est pas ça, cette discussion, elle aura lieu au moment opportun, c'est-à-dire quand nous allons discuter la Loi sur les intermédiaires de marché.

Alors, l'approche que nous proposons maintenant dans ces modifications législatives touche d'abord les normes de capital, et ce que l'on demande, c'est que les normes de capital des caisses soient celles utilisées pour les banques. En effet, la loi exige le maintien d'un capital suffisant sans fixer de critères d'évaluation. Ainsi, les autorités peuvent toujours utiliser les critères les plus modernes. Présentement, la méthode d'évaluation envisagée est l'application des critères établis par la Banque des règlements internationaux dans le cadre de l'accord de Bâle. Essentiellement, on exige le maintien d'un capital équivalant à 8 % de l'actif pondéré selon le risque. Par exemple, les obligations gouvernementales ont une pondération de zéro, tandis que les prêts commerciaux ont une pondération de 100; alors, 8 % de l'actif pondéré suivant le risque, ce qui est une méthode bancaire pratiquée au plan international, puisqu'on voit que c'est suivant les accords internationaux de Bâle.

Les normes de placement maintenant. On fait la même chose: on utilise les normes de placement utilisées par les banques. Donc, essentiellement, l'institution est libre d'investir dans toutes sortes de biens. Elle doit cependant adopter et suivre des politiques de placement prudentes – cela va de soi, c'est la gestion des épargnes d'autrui – et la fédération qui regroupe les diverses unités adopte des normes pour ses caisses affiliées, pour ses unités affiliées. Ainsi, l'institution non seulement peut mais doit appliquer des méthodes de gestion prudentes de son portefeuille de placement, à cause des règles établies au niveau de la fédération. Et l'Inspecteur général – celui qu'on appelle l'IGIF – peut donner des instructions à une caisse concernant ses placements.

Nous allons également appeler l'Assemblée à voter diverses mesures concernant les conflits d'intérêts. Alors, j'en évoque un certain nombre: élargir, par exemple, dans ses mesures, aux intérêts du conjoint des enfants mineurs la déclaration d'intérêt que doit faire un dirigeant. Le dirigeant de caisse actuellement doit déclarer, et on lui demande d'établir son... Comme on le fait d'ailleurs pour les déclarations d'intérêts des membres du Conseil des ministres et les déclarations d'intérêts qu'on exige maintenant dans plusieurs secteurs d'activité économique en particulier. On va prévoir un seuil monétaire au-delà duquel un intérêt doit être déclaré. Il y a des choses qui sont de minimis, mais il y a des choses qui sont d'importance; il faut faire la distinction entre les deux. On va prévoir qu'un dirigeant doit déclarer toute situation de conflit d'intérêts, peu importe la nature du conflit. Comme ça, on ne peut pas en rater une sorte ou l'autre. Tout conflit d'intérêts potentiel doit être déclaré, peu importe sa nature.

(15 h 10)

On va concentrer les règles gouvernant les transactions intéressées sur les personnes en mesure d'influencer les décisions de la caisse, toute personne en mesure d'influencer les décisions de la caisse. On va prévoir la production, par le Conseil de vérification et de déontologie de la caisse, d'un rapport sur la conformité des prêts consentis à des personnes intéressées pour réétablir une distance et réétablir un examen critique lorsque la caisse est amenée à faire du crédit à une personne qui n'est pas à distance.

On va régir le crédit consenti aux dirigeants de l'ensemble des entités qui appartiennent aux groupes chapeautés par une confédération. Alors, il n'y aura aucun recoin où on pourra obtenir des conditions d'une caisse populaire sans que ça soit transparent, public, déclaré.

On va permettre à une confédération d'émettre des instructions écrites à une personne morale qu'elle contrôle pour faire cesser un cas de conflit d'intérêts. Donc, si une confédération contrôle une personne morale, par écrit, elle pourra lui adresser des directives pour mettre en lumière et mettre fin à tout conflit d'intérêts potentiel, prévoir que les personnes chargées des inspections seront soumises à des règles de déontologie et que les transactions entre les caisses et les personnes chargées de la vérification seront soumises aux même règles.

Donc, tout un éventail de mesures non pas pour augmenter le niveau d'éthique, qui est déjà très, très haut, mais, partout où il y a des hommes et des femmes, des êtres humains, la prudence s'impose. En matière financière, en matière de gestion, un accident est vite arrivé. Alors, on va aider, de par une loi de notre Assemblée, à augmenter le niveau d'éthique dans ce chaînon important de notre système financier.

Nous allons également établir des règles d'affectation des trop-perçus. Les trop-perçus, c'est le vocabulaire coopératif pour les profits, les bénéfices qui conduisent, en particulier dans le secteur privé, aux dividendes et qui, dans le secteur coopératif, conduisent à la ristourne. Alors, la caisse pourra continuer à verser des ristournes comme avant. La caisse pourra choisir, mais ce choix devant être approuvé par les membres en assemblée générale, de verser plus d'argent dans un fonds créé pour des projets communautaires ou encore de verser les ristournes sous forme de crédits pour des services offerts par le mouvement dont la caisse fait partie. Alors, ristourne classique comme avant, oui, possible, avec la permission de l'assemblée générale. Et là on voit bien qu'on est en matière coopérative et en matière, dans la pratique, bien souvent, communautaire. Les caisses populaires sont souvent une institution centrale du village ou de la communauté et peuvent décider que c'est sous forme communautaire que les trop-perçus seront distribués et que les ristournes seront des ristournes sociales et communautaires plutôt que des ristournes individuelles, comme l'est le dividende dans le monde capitaliste. Et enfin l'assemblée générale est libre d'affecter les trop-perçus comme elle le veut, à condition que les exigences financières soient satisfaites.

Je vous ai dit en introduction que nous venons souvent devant cette Assemblée pour modifier les législations des caisses d'épargne. J'ai dit de façon générale pourquoi; je voudrais dire maintenant de façon plus spécifique pourquoi nous avons eu un projet l'année dernière et nous en avons encore un cette année. Ce n'est pas juste pour le plaisir de voir le député de Westmount et le député de Viger en commission parlementaire, bien que ce ne soit pas un plaisir négligeable, mais ce n'est pas les motivations profondes qui font qu'on revient cette année devant l'Assemblée.

C'est que nous avons procédé en 1996 aux modifications les plus pressantes, puis le projet de loi n° 167 fait partie du processus de révision périodique des lois concernant les institutions financières. Je l'ai dit, ces caisses sont tellement importantes que périodiquement, à cause des changements dans l'univers financier international, de la globalisation des marchés et d'autres modifications des règles, il faut les maintenir constamment à jour. Alors, il y a des révisions urgentes qui vont au plus pressé puis il y a des révisions à peu près permanentes qui sont des adaptations de nos lois au contexte d'aujourd'hui. Par ailleurs, les caisses n'ont pas eu trop de toute l'année pour s'adapter aux changements apportés à la loi en 1996. Alors, il y a une question d'adaptation.

Voyons maintenant pourquoi exempter un employé de l'application des règles de déontologie; c'est l'abrogation de l'article 188. D'abord, parce qu'on dit qu'il appartient aux dirigeants de la caisse et non pas à l'Assemblée nationale d'établir des règles de déontologie pour tous les employés, y compris ceux qui consentent du crédit. C'est une responsabilité qui relève de la régie interne de l'entreprise et non pas de notre Assemblée nationale, en dépit de la qualité des travaux que nous y conduisons. Et les règles que la caisse va imposer seront vraisemblablement plus appropriées que les règles conçues pour les dirigeants.

Pourquoi maintenant prévoir un pouvoir de permettre des activités? Essentiellement, il s'agit de permettre l'utilisation par le gouvernement du réseau de distribution et de collecte que représente l'ensemble des caisses du Québec. Les produits distribués ou collectés pourraient être de toute nature, selon les besoins. Alors, là, je donne des exemples que je qualifie de purement fictifs. Je veux bien le dire là; je ne suis pas en train de dire qu'on va le faire ou que les caisses vont le faire. Les caisses veulent ce pouvoir de faire des choses comme la collecte et la distribution des dons en cas de sinistre, puisqu'on est devant des organisations communautaires et coopératives, elles voudraient peut-être éventuellement faire ça; l'offre d'un programme de formation financière pour les retraités, ce n'est pas généralement dans la mission d'une institution bancaire, mais ce type d'institutions à vocation particulière pourraient être intéressées à faire ça; fabrication de cartes avec photographie pour l'assurance-maladie; devenir des points de distribution du réseau de la santé du gouvernement.

Encore une fois, j'insiste pour dire que je ne suis pas en train d'annoncer que ça se fera. Je suis en train d'annoncer, par ces exemples purement fictifs, que les caisses pourront faire maintenant des activités de ce genre étant assises sur des dispositions de leur loi.

Pourquoi, maintenant, prévoir un pouvoir d'interdire des activités? Je viens de dire pourquoi on doit en permettre. Pourquoi, à l'article 215, on doit pouvoir interdire? L'approche adoptée en matière de pouvoir est de ne pas limiter a priori ce que peut faire une caisse, en autant que ses activités se rapportent à la réalisation de ses objets. Donc, c'est une approche permissive, ouverte, balisée, mais avec la possibilité de baliser davantage et d'interdire des activités. Alors, le pouvoir gouvernemental vise à interdire a posteriori certaines activités qui ne sont pas expressément permises par la loi et qui soit ne conviendraient pas à une institution de dépôt, soit ne se rapporteraient pas, selon le gouvernement, aux objets d'une caisse, soit seraient jugées dommageables pour l'économie québécoise.

Là, je n'ose pas donner d'exemple, même fictif, pour ne pas donner de mauvaises idées à quiconque. Mais on sait que le Mouvement Desjardins, malgré l'estime que nous lui portons et que la collectivité lui porte, au cours des dernières années, s'est valu quelques manchettes qui laissaient entendre que sa vigilance avait pu être trompée en matière de prise en compte des intérêts de l'économie québécoise. Je pense que je parle d'une façon assez limpide pour que tout le monde qui suit ces questions comprenne. Donc, une approche permissive, une approche ouverte, une approche non naïve et une approche qui permet de limiter au besoin et d'interdire au besoin.

Alors, voilà, en gros, à quoi se résume notre intervention législative de cette année par rapport aux caisses. Et je réitère, parce que je sais que le sujet est sensible, que rien dans ce projet de loi n'est en interface avec la loi que nous allons déposer sur les intermédiaires de marché. Toute la question de la caisse-assurances et de la banque-assurances sera discutée en temps et lieu, mais ce n'est ni le temps ni le lieu. Merci, M. le Président.

(15 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Finances. Nous céderons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition et député de Westmount– Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 167 que nous étudions aujourd'hui, cet après-midi, vise à élargir les pouvoirs d'une caisse, d'une fédération de caisses ou de la confédération. Le projet de loi comme tel, on l'a dit, est presque une tradition. Le projet de loi de la Fédération des caisses ou du secteur des caisses d'épargne Desjardins nous arrive au moins une fois l'an. L'an dernier, contrairement à cette année, le projet de loi était arrivé très en retard et il avait dû être adopté quasiment à la limite même de nos travaux. On doit avouer que cette année le Mouvement Desjardins a été un peu plus rapide, profitant probablement de l'expérience moins drôle de l'an passé où l'Assemblée était un peu suspendue en attendant que des négociations se règlent entre les différentes fédérations à l'intérieur du Mouvement Desjardins pour que nous puissions adopter le projet de loi.

Cette année, le projet de loi est devant nous. Je sais que toutes les fédérations n'ont pas encore donné – en tout cas, selon les recherches que j'ai faites – leur aval au projet de loi. Il n'en demeure pas moins que je ne m'attends pas à ce que les fédérations s'annoncent... Je ne m'attends pas à ce qu'aucune des fédérations, d'ailleurs, annonce qu'elle est en désaccord avec le projet de loi. Je serais surpris.

M. le Président, malgré tout, le projet de loi comme tel comporte plusieurs éléments et le ministre des Finances vient de nous faire part de quelques-uns de ces éléments. C'est un projet de loi qui... Évidemment, j'avais oublié l'article 1 et l'article 51, et parlons-en tout de suite. Dans le fond, vidons ce sujet, puisque le ministre en a déjà évoqué la teneur. L'article 1 du projet de loi dit ceci: L'article 3 de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit est modifié par l'insertion, après le paragraphe 2°, du suivant... Une caisse a pour objet «d'offrir ou de fournir d'autres services financiers et des produits financiers à ses membres».

Le premier article du projet de loi a suscité des réactions dans plusieurs chaumières à travers le Québec. Évidemment, notre code de procédure m'y oblige et ça me fait plaisir de prendre la parole du ministre quand il nous dit que la loi des intermédiaires de marché n'est pas affectée par la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Maintenant, dans le public, les associations de courtiers, les associations d'assurances, les associations de consommateurs, elles n'ont pas les mêmes obligations procédurales que j'ai et elles nous écrivent. L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes m'a écrit ceci:

«Le projet de loi n° 167 modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

«M. le député, étant donné l'intérêt que vous portez au dossier sur la distribution des produits et services financiers, nous avons pensé vous faire parvenir copie d'une lettre adressée au chef de l'opposition. Nous voulons que l'opposition amène le gouvernement à faire connaître publiquement les conditions qu'il entend prendre pour faire savoir et faire valoir ce que veut dire exactement l'article 1.»

Et la lettre au chef de l'opposition dit ceci: «Nous avons pris connaissance du projet de loi n° 167, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, et nous tenons à vous informer que celui-ci suscite beaucoup d'inquiétudes chez les sociétés d'assurance. En effet, il est clair que la combinaison du projet de loi n° 167, article 1, avec la Loi sur les intermédiaires de marché, article 16 et article 201, mènerait sans contredit à un décloisonnement favorable au Mouvement Desjardins sans qu'un débat public soit tenu.

«Ainsi, M. le chef de l'opposition, nous faisons appel à vous pour inciter le gouvernement à faire connaître publiquement les conditions selon lesquelles il envisage de permettre au Mouvement Desjardins de vendre de l'assurance dans ses caisses populaires. En fait, nous désirons être informés de ses véritables intentions relativement aux filiales dédiées, au double emploi, à l'échange de renseignements personnels, aux rentes liées, à la distribution d'assurance-crédit et aux autres produits d'assurance déjà distribués dans les caisses.

«Puisque cette requête vise notamment à permettre aux intéressés de s'exprimer sur le sujet, nous nous attendons à ce que le ministre d'État de l'Économie et des Finances réponde à notre demande avant l'adoption du projet de loi n° 167. Nous souhaitons qu'un débat public soit tenu sur cette question.

«Les sociétés d'assurance sont fort étonnées de constater que le gouvernement tente, malgré une opposition considérable, de satisfaire indirectement les attentes de certaines institutions de dépôt sans procéder à un débat éclairé sur les conditions entourant la vente d'assurances dans les caisses.

«Veuillez recevoir, M. le chef de l'opposition, l'expression de nos sentiments les meilleurs.

«Vice-président principal d'affaires québécoises, M. Yves Millette de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.»

M. le Président, j'ai reçu le même genre de documentation venant des associations de consommateurs, venant d'associations de courtiers, venant d'associations... Je vais éviter la lecture, mais elles vont toutes dans le même sens.

Le ministre nous dit: Mon projet de loi n'interfère pas avec la Loi sur les intermédiaires de marché. Moi, je pense qu'au départ, dans ce projet de loi, en commission parlementaire, le ministre aurait tout intérêt à écouter les différents intervenants qui, eux, craignent qu'une interprétation autre que celle du ministre ne puisse éventuellement faire en sorte que l'adoption du projet de loi n° 167 mène indirectement à l'adoption d'une partie de la Loi sur les intermédiaires de marché. Il y aurait donc intérêt, M. le Président, au départ de cette commission parlementaire qui étudiera le projet de loi article par article, que nous ayons des audiences limitées, de façon à entendre les quelques groupes qui ont déjà manifesté une certaine opposition. Nous pourrons, dans le temps, encadrer ces audiences de façon à permettre au ministre des Finances de rassurer ces différentes clientèles, ces différentes personnes qui, évidemment, ne veulent pas se faire passer le plus gros sapin de leur vie.

Je pense que l'opposition officielle – je vous le dis d'avance – exigerait le retrait de l'article 1 et aussi de l'article 51, s'il apparaissait qu'ils permettent au gouvernement de détourner l'esprit et la lettre du rapport Baril. C'est clair, nous exigerions le retrait des articles 1 et 51 du projet de loi n° 167, qui sont de la même farine et qui, à ce moment-là, feraient en sorte de permettre au gouvernement de faire indirectement ce qu'il ne semble pas pouvoir faire directement: modifier la Loi sur les intermédiaires de marché de façon à permettre la vente d'assurance dans les caisses d'épargne et de crédit. Le ministre nous dit: Ce n'est pas le cas, ce n'est pas ce que je veux faire. Mais il a, me semble-t-il, le devoir de rassurer chacune des parties concernant ce sujet.

Deuxièmement, M. le Président, ce projet de loi est un projet de loi important parce qu'il représente une mutation importante et complète de la Confédération qui vient, parfois... qui risque en tout cas d'exacerber le niveau de différends entre le Mouvement des caisses et le réseau des caisses d'économie à travers tout le territoire du Québec.

Ceci étant dit, il y a des aspects du projet de loi, en dehors encore une fois des articles 1 et 51, qui nous apparaissent tout à fait valables. Nous avons fait quelques études et nous avons remarqué que le gouvernement du Québec – peut-être que c'est le Mouvement Desjardins – se retrouve à être un peu en retard sur ce que la province de l'Ontario et la province du Nouveau-Brunswick ont déjà offert aux caisses populaires de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Nous nous retrouvons un peu en retard sur ces deux provinces quant au nouveau pouvoir à donner aux caisses, aux fédérations et à la Confédération. Je pense, entre autres, au pouvoir de permettre aux caisses d'offrir un financement à des sociétés qui... Prenons l'exemple des Ameublements Tanguay, les gens de Québec connaissent les Ameublements Tanguay, je ne veux pas faire de l'annonce, mais les gens de Montréal penseraient au Cousin Germain à Sainte-Rosalie, qui vend des meubles. Alors, vous vendez des meubles, à peu près tous les vendeurs de meubles offrent un service de crédit. Or, le Mouvement Desjardins ne peut pas s'inscrire au crédit de tiers, par exemple, des sociétés qui vendent des meubles si les acheteurs de meubles ne sont pas déjà membres du Mouvement Desjardins. Si vous n'êtes pas membre du Mouvement Desjardins, vous ne pouvez pas accéder au crédit, Desjardins ne peut pas faire affaire avec vous via le vendeur de meubles chez qui vous allez acheter. Alors, ce genre de projet de loi là, le projet de loi n° 167, vise à corriger ce genre d'oubli qui a été fait dans le passé, et cela devrait permettre enfin au Mouvement Desjardins de pouvoir concurrencer le secteur bancaire à cet égard.

(15 h 30)

Maintenant, le projet de loi comme tel fait en sorte de nous amener à organiser la capitalisation d'une façon un peu différente. Il y a une modification des normes de capitalisation qui est applicable au réseau Desjardins, qui seront essentiellement modifiées de façon assez importante, mais de façon à permettre au Mouvement Desjardins de s'accrocher sur les normes internationales de capitalisation pour le réseau coopératif. Alors, les normes internationales vont permettre au Mouvement Desjardins de pouvoir, d'une part, faire affaire ailleurs qu'au Canada, de pouvoir faire affaire un peu partout dans le monde, en ayant les mêmes normes de capitalisation que nous retrouvons dans le réseau bancaire, que nous retrouvons partout ailleurs à l'échelle de la planète.

Le projet de loi aussi va nous permettre de donner de façon accessoire au Mouvement Desjardins... pourra lui permettre, entre autres, de pouvoir capitaliser davantage, capitaliser des caisses afin, notamment, de permettre à une fédération ou à la Confédération d'établir des normes concernant la suffisance et la composition du capital de base.

M. le Président, encore une fois, outre les importantes réserves que nous avons, qui sont plus que des réserves, les craintes que nous partageons avec le monde des assurances à l'égard de l'article 1 et de l'article 51 du projet de loi, le projet de loi nous apparaît être un pas en avant, à l'exception de ces deux articles pour lesquels nous sommes encore dans le gris, nous sommes encore dans le clair-obscur, plutôt obscur que clair. Nous pensons que ce projet de loi mérite une adoption, en faisant en sorte évidemment qu'à l'étude article par article nous puissions voir le ministre des Finances établir de façon claire que chacun des articles permet des modifications aux caisses populaires, des modifications et des bonifications à leur loi, mais toutefois, évidemment, qu'il n'accorde pas des possibilités de concurrence déloyale pour le Mouvement Desjardins dans le système bancaire.

M. le Président, nous pensons, encore une fois, que le ministre des Finances aurait intérêt à faire en sorte de permettre des audiences le plus rapidement possible, dès que nous irons en commission parlementaire sur l'étude article par article de ce projet de loi. Nous sommes, comme les gens du secteur de l'assurance, très craintifs de l'interprétation que nous pourrions avoir aujourd'hui de l'application de l'article 1 et de l'article 151 du projet de loi n° 167. Pour l'instant, M. le Président, je m'en tiendrai à ça. Je souhaite que le ministre des Finances ait bien compris le message de façon à ce qu'on puisse adopter le projet de loi n° 167 en faisant soulever les réserves que nous amènent les articles 1 et 51 le plus rapidement possible, de façon à ce que le secteur des caisses d'épargne Desjardins soit, entre autres, sur le même pied qu'il l'est en Ontario ou au Nouveau-Brunswick et puisse faire en sorte de pouvoir donner plus de services à sa clientèle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Nous céderons maintenant la parole au député de Viger. Alors, M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. On a devant nous le projet de loi n° 167, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Ce projet de loi, comme le disait mon collègue, a pour objectif de modifier les dispositions relatives à la capitalisation des caisses afin, notamment, de permettre à une fédération ou à une confédération d'établir des normes concernant la suffisance et la composition du capital de base. C'est un des items, M. le Président. L'autre de ce projet de loi prévoit qu'une caisse et une fédération pourront offrir des services à des personnes qui ne sont pas des membres. Troisièmement, ce projet de loi introduit des dispositions visant à renforcer les pouvoirs de supervision et d'intervention de l'Inspecteur général ainsi que les exigences de divulgation des intérêts des dirigeants et des situations de conflit d'intérêts.

Par ailleurs, ce projet de loi, comme le disait mon collègue, vise à élargir les objets et les pouvoirs d'une caisse, d'une fédération et d'une confédération, notamment pour permettre à une caisse ou à une fédération de fournir de nouveaux services et des produits financiers. En plus, une caisse, une fédération et une confédération pourront exercer, en outre des activités expressément autorisées par la loi, toute autre activité qui se rapporte à la réalisation de leurs objets, sauf si le gouvernement leur en interdit l'exercice.

Or, c'est justement ça qui nous fait dire que ce projet de loi a toutes les apparences d'un écran de fumée. Pour des dizaines de milliers de personnes à travers le Québec qui travaillent comme intermédiaires de marché ou comme courtiers en assurances, le ministre est en train, du moins en apparence, jusqu'à preuve du contraire, de prendre des moyens détournés pour leur imposer par la force une situation qu'ils ne veulent absolument pas.

Le projet de loi n° 167 que le ministre a déposé veut élargir les pouvoirs des caisses populaires Desjardins, comme je le disais tout à l'heure. De façon plus précise, touchons le sujet très controversé... De façon plus précise, dans l'article 1 du projet de loi, le ministre propose de changer l'article 3 de la loi actuelle sur les caisses d'épargne et de crédit pour permettre aux caisses de vendre des produits qu'elles ne sont pas autorisées à vendre présentement. Actuellement, la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit dit, à l'article 3 – et je le cite – qu'une caisse a pour objet: premièrement, de recevoir les économies de ses membres en vue de les faire fructifier; deuxièmement, de consentir du crédit à ses membres; troisièmement, de favoriser la coopération entre les membres de la caisse, entre les membres de la caisse et entre celle-ci et d'autres organismes coopératifs; quatrièmement, M. le Président, de promouvoir l'éducation économique et sociale des coopératives. C'était ça, M. le Président, l'article 3 de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Le ministre, avec le projet de loi n° 167, propose de modifier cet article pour inclure parmi les pouvoirs des caisses la possibilité d'offrir ou de fournir tout produit ou service financier à ses membres. Cet élargissement, affirme le ministre, est normal dans un contexte où la gamme des produits et services financiers ne cesse de s'élargir et de se diversifier et que la définition d'une institution de dépôt, comme une caisse d'épargne et de crédit, doit refléter cette nouvelle réalité.

M. le Président, à première vue, on avait envie d'être d'accord, du moins sur le principe, mais, quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit que le geste du ministre n'est peut-être pas aussi gratuit et dépourvu d'intentions qu'il n'y paraît, et je m'explique.

On ne peut s'empêcher de penser, en effet, que le dépôt du projet de loi n° 167 est intimement lié à l'appétit particulièrement grand des caisses pour la vente d'assurance dans leurs succursales. Pour être plus précis, M. le Président, le projet de loi n° 167 permettrait au ministre de procéder, par décret, à un décloisonnement général permettant aux caisses de distribuer des produits d'assurance dans leurs succursales sans avoir pour autant à attendre la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché, le printemps prochain.

(15 h 40)

M. le Président, le projet de loi n° 167 donnerait ce pouvoir au ministre et au gouvernement. Voici comment. La loi actuelle sur les intermédiaires de marché prévoit, à son article 16, que, et je le cite, M. le Président, «sous réserve des règlements du gouvernement, un intermédiaire de marché en assurance ne peut à la fois exercer des activités à ce titre et être à l'emploi d'une institution financière qui n'est pas un assureur». C'est ça, l'article 16, actuellement, de la Loi sur les intermédiaires de marché, M. le Président. Cet article de la Loi sur les intermédiaires de marché interdit donc à un intermédiaire de marché d'être à l'emploi d'une institution de dépôt, donc d'une caisse, sous réserve des règlements du gouvernement.

Toutefois, un autre article de la Loi sur les intermédiaires de marché, M. le Président, l'article 201, prévoit que le gouvernement peut, par décret, déterminer «dans quels cas et à quelles conditions un intermédiaire de marché en assurance peut être employé d'une institution financière autre qu'un assureur». La possibilité qu'une institution financière, outre qu'un assureur, comme une caisse, puisse avoir à son emploi un intermédiaire de marché existe déjà dans la loi, malgré l'interdiction générale. Toutefois, cela n'arrive pas, puisque actuellement la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit n'autorise pas les caisses à vendre directement des produits d'assurance, donc à embaucher des intermédiaires de marché; elle les empêche actuellement, M. le Président.

Ce que le projet de loi n° 167 propose, c'est de changer ça. Il propose d'élargir les pouvoirs des caisses pour leur permettre d'offrir ou de fournir de façon générale des produits financiers sans distinction particulière. Deux plus deux font quatre, M. le Président. On arrive forcément à la conclusion que le ministre, avec le projet de loi n° 167 – nous, on espère se tromper, mais, d'après les avis qu'on a, c'est ça; on va le voir en commission parlementaire, lorsqu'il y aura des consultations – autoriserait implicitement la distribution de produits d'assurance dans les caisses et qu'il lui suffirait d'un décret pour en fixer les modalités d'application. Voilà ce qu'il ferait, d'après nous.

En clair, M. le Président, une fois le projet de loi n° 167 adopté, le gouvernement n'aurait plus qu'à décréter les conditions dans lesquelles les caisses peuvent vendre des produits d'assurance sans autre forme de procédures. Or, aucun des intervenants majeurs dans ce dossier ne croit qu'une décision aussi lourde de conséquences pour des milliers de Québécois doit être prise par un simple décret. Il est clair qu'une orientation aussi fondamentale doit faire l'objet d'une loi et qu'elle ne saurait être laissée au pouvoir discrétionnaire uniquement de l'exécutif. Je crois qu'il faut rappeler ici au ministre que le processus de révision de la Loi sur les intermédiaires de marché a permis de mettre clairement en évidence à quel point ce sujet est sensible et complexe au Québec. Mes collègues et moi-même avons vu combien la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché comporte des enjeux majeurs pour l'économie. Nous croyons sincèrement que le gouvernement n'a pas le droit de procéder sournoisement, par la porte d'en arrière, à une réforme aussi majeure, ce qu'il s'apprête à faire avec le projet de loi n° 167.

La commission parlementaire qui s'est penchée sur toute cette question de la distribution des produits d'assurance dans les caisses a fait des recommandations très précises sur les modalités qui devraient être mises en place avant d'autoriser la distribution de produits d'assurance par les institutions de dépôt. Le rapport Baril a fait la preuve que ce genre de réforme doit faire l'objet d'une planification très attentive et que la recherche de consensus est la voie qui s'impose, étant donné l'importance des enjeux.

Donc, tout ce qui s'est passé dans ce dossier a d'ailleurs amené le ministre à entreprendre des pourparlers avec les parties afin de trouver une solution de consensus. N'est-il pas surprenant, M. le Président, d'ailleurs, de voir le ministre déposer le projet de loi n° 167 alors que ces négociations se poursuivent? Ce dépôt hâtif ne risquera-t-il pas de porter un préjudice grave à des négociations pourtant indispensables pour éviter une crise dans le secteur des assurances au Québec?

Le ministre semble bien avoir l'intention coupable de faire indirectement ce qu'il n'a pas fait jusqu'à date directement. On est du moins en droit de le croire devant ce dépôt provocateur, M. le Président, parce que je pense que la meilleure façon, c'était de ne pas le déposer, ce projet de loi.

Le ministre, d'après moi, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre. Excusez-moi, M. le député de Viger. M. le ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président. Notre grand ami a violé le règlement en me prêtant des intentions, et je crois qu'il a même ajouté le mot «coupable». J'espère que j'ai mal compris. Il n'a pas le droit de me prêter d'intentions. J'ai clairement dit, au début de mon intervention, que ce qu'il prétend que je veux faire, je ne veux pas le faire. Et son prédécesseur, le député de Westmount, a respecté notre règlement, lui; il l'a même respecté de façon active en disant qu'il se disait lié par le règlement, tandis que son honorable ami a l'air, lui, de se sentir délié de tout principe cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je retiens vos propos, M. le ministre. Effectivement, M. le député de Viger, je vous prierais de vous en tenir en toutes lettres à notre règlement de l'Assemblée nationale, règlement qui régit nos débats.

Et je me permets également de vous mentionner, M. le ministre, que vous pourrez, en réplique... vous avez un droit de réplique sur l'adoption du principe du projet de loi, et il y aura lieu de clarifier certains points. Alors, M. le député de Viger, tout en respectant en tous points notre règlement.

M. Maciocia: Avec beaucoup de plaisir, M. le Président. Vous me connaissez assez pour savoir que je n'enfreins jamais le règlement, et je pense de ne pas l'avoir fait, même actuellement. Je dis seulement que le ministre, probablement il se sent... je ne sais pas s'il se sent responsable qu'on se pose la question: Pourquoi il a déposé le projet de loi n° 167 en cette Chambre, quand il sait d'avance qu'il est en pourparlers, qu'il est en négociations avec les intéressés sur la question de la Loi sur les intermédiaires de marché? Et qu'actuellement on se pose la question: Pourquoi il l'a fait s'il ne le fait pas d'une façon pour détourner justement et aller chercher le même objectif qu'il devait aller chercher avec la loi n° 134? Il y va avec la loi n° 167.

M. le Président, je pense que le ministre manque de respect à l'endroit justement des intermédiaires de marché, des agents, des courtiers, des compagnies d'assurances qui lui ont demandé – ils lui ont demandé – au cours des derniers jours de surseoir au dépôt et à l'adoption de la loi n° 167 tant et aussi longtemps que la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché et les négociations qui l'entourent n'auront pas fixé les conditions dans lesquelles la distribution des produits d'assurance par les caisses pourrait être autorisée. Ils sont en négociations. Je pense que la meilleure façon de faire, c'est de continuer ces négociations. Il n'y a aucune urgence d'adopter le projet de loi n° 167. Il n'y en a pas, d'urgence. On peut adopter la Loi sur les intermédiaires de marché et, après, adopter – ou en même temps – la loi n° 167.

La moindre des choses, M. le Président, aurait été de respecter cette demande, car elle est parfaitement logique et raisonnable de leur part. Il est normal en effet de demander que la révision de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit ne précède pas la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché, puisque les deux sont intimement liées. Elles sont intimement liées, comme je le disais tout à l'heure. Le ministre le sait très bien, le dépôt du projet de loi n° 167 est un pied de nez à ceux qui négocient actuellement de bonne foi avec lui pour trouver une solution acceptable à la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché.

(15 h 50)

Pourrait-il s'engager, M. le Président, à ce que la loi n° 167 ne soit pas adoptée avant que la Loi sur les intermédiaires de marché ne soit réglée, dans un premier temps? C'est simple. En toute logique, la redéfinition des pouvoirs des caisses ne devrait survenir qu'après que les conditions de la distribution des produits d'assurance par les institutions de dépôt auront été bien arrêtées dans une loi sur la distribution des produits et services financiers. C'est ça qu'on dit, M. le Président. Autrement, on met la charrue avant le boeuf et on prend des risques avec des milliers d'emplois.

Le gouvernement du Québec sait très bien qu'en agissant sans discernement et dans la précipitation et en provoquant une situation favorable aux caisses, au détriment des autres, il va provoquer un raz de marée immédiat des grandes banques canadiennes dans le secteur des assurances. Celles-ci sommeront immédiatement le ministre fédéral des finances de les autoriser à distribuer des produits d'assurance dans leurs succursales, au nom de l'équité commerciale avec les caisses. Or, vous et moi savons que les banques auraient un avantage concurrentiel gigantesque sur les compagnies d'assurances. À brève échéance, le gouvernement du Québec aurait ainsi pavé la voie à la concentration du marché de l'assurance dans les mains des grandes banques, malgré les conséquences très graves que cela comporte. Est-il bien sage, M. le Président, de concentrer ainsi un produit financier de première nécessité dans les mains de six grandes banques à travers le pays? La question se pose: est-il bien sage d'exposer le consommateur aux risques que pose la vente d'assurance par les banques? Vente liée, vente forcée, exploitation abusive des renseignements personnels, etc.

Peut-on se rappeler, au passage, que les associations de consommateurs à travers le Québec et tout le Canada s'opposent avec vigueur à ce que le gouvernement autorise les banques à dominer le marché de l'assurance, convaincus que cela se ferait au détriment des consommateurs? Qui de mieux placé que ces associations pour nous éclairer, nous, parlementaires, ainsi que le gouvernement, sur la pertinence d'aller ou non dans cette direction?

On est en droit de se demander aussi en quoi l'adoption de cette loi est-elle si urgente. Le ministre doit prendre les procédés de façon ordonnée dans ce dossier, sinon il risque de revenir à la case de départ et de provoquer, encore une fois, une crise majeure dans toute cette industrie qui procure des milliers d'emplois au Québec, M. le Président. Rien ne serait plus désolant, il me semble, au moment où des solutions consensuelles se dessinent dans le dossier de la loi sur les intermédiaires, qu'un geste de défi du ministre vienne tout faire échouer. Rien ne justifie l'adoption accélérée du projet de loi n° 167.

En un mot, M. le Président, nous estimons que le ministre doit renoncer pour le moment à ce projet de loi et à en remettre l'adoption après celle de la loi sur la distribution des produits et services financiers, qui remplacera la loi sur les intermédiaires. Il ne doit pas tomber dans la provocation gratuite en laissant planer la menace de procéder par décret là où son intransigeance l'a empêché jusqu'à maintenant d'en arriver à un consensus avec les gens de l'industrie, un consensus – faut-il le répéter – absolument nécessaire dans ce dossier, car les impacts d'une révision mal ficelée se mesureraient dans des dizaines de milliers d'emplois potentiellement perdus dans une multitude de PME québécoises et par une concentration du marché dans les mains des banques.

Ce n'est pas le bon moment, M. le Président, d'aller de l'avant avec ce projet de loi. Je voudrais dire au ministre aussi qu'il y a même la Fédération des caisses d'économie Desjardins qui lui a fait valoir certaines objections sur ce projet de loi, qui est en désaccord avec une vingtaine d'articles de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous demandons au ministre, en commission parlementaire, de faire des consultations particulières, de faire venir ces gens devant la commission de manière que ça soit très clair et que ça soit dans l'intérêt de tout le monde: du gouvernement, des intermédiaires de marché, de la population et du consommateur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Viger. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Comme il n'y a pas d'autres intervenants, alors, M. le ministre des Finances, vous avez un droit de réplique de 20 minutes, conformément à l'article 216. M. le ministre.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry (Verchères): M. le Président, je serais étonné qu'il me faille 20 minutes pour répondre au genre d'objections que je viens d'entendre. Le député de Westmount avait dit que, l'an passé, j'avais déposé la loi trop tard. Son collègue vient de me dire que je la dépose trop tôt. Ils ne sont jamais contents, quoi! Je pense que je l'ai déposée juste au bon moment pour permettre à tout le monde de se prononcer et permettre à nos commissions parlementaires de faire leur travail en toute transparence.

Au contraire, plus je la dépose rapidement, plus ça donne aux intéressés de temps pour en prendre connaissance et réagir. Et, quand ils en auront pris connaissance et qu'ils l'auront bien analysée, puisque c'est l'Assemblée nationale qui a la primeur des lois, ils verront bien que le député de Viger se trompe de loi, pour l'intervention qu'il vient de faire, et peut-être de Parlement, aussi, parce qu'en effet la Loi sur les banques, au Canada, régit l'activité des banques et que nous sommes aujourd'hui en train d'étudier la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit qui sont – je l'avais, il me semble, bien dit – des entités juridiques d'une nature très différente et appartenant à des univers de juridictions très différentes...

Il se trompe de loi parce que, encore une fois, je le redis, les modifications apportées aux objets et pouvoirs des caisses – ce que nous faisons maintenant – n'auront pas pour effet, ça va de soi, de soustraire les caisses à l'application des autres lois régissant les services financiers au Québec. Il y a toute une série de législations, notamment la Loi sur les intermédiaires de marché et la Loi sur les assurances, deux autres pièces importantes de notre législation.

Ce qu'il y avait de vrai, par ailleurs, dans l'intervention du député de Viger – et ça, j'en suis vraiment très content et mes collègues ici, du caucus, qui m'ont beaucoup aidé dans cette opération en sont très contents aussi – c'est que des discussions se poursuivent avec divers intervenants intéressés à la Loi sur les intermédiaires de marché, des discussions qui ont été longues, approfondies, auxquelles, presque dans la plupart des cas, j'ai participé moi-même, personnellement, pendant le temps qu'il fallait pour arriver à une approche consensuelle.

Nous en sommes près, de ce consensus qui, par ailleurs, je ne crois pas, pourra être total. C'est très rare que, quand l'Assemblée nationale intervient, 100 % de la population est d'accord. Il faut que l'intérêt public soit servi, d'abord le consommateur, deuxièmement... L'intérêt public, le consommateur et, dans la mesure du possible, les intervenants qui nous font des recommandations. Or, nous les avons écoutées très attentivement, ces recommandations, en commission parlementaire. Le Journal des débats , par exemple, est très riche de tout ce qui s'est dit en commission parlementaire, des opinions extrêmement pertinentes et des objections extrêmement pertinentes.

Tout ça fait l'objet, encore une fois, de travaux, de réflexions supplémentaires. Et je crois pouvoir, dans les meilleurs délais, c'est-à-dire bientôt, présenter à notre Parlement une loi sur les intermédiaires de marché qui nous permettra de faire le débat qu'a voulu faire au sujet de la mauvaise loi et partiellement dans le mauvais Parlement le député de Viger. Alors, je ne veux pas qu'on anticipe et je ne veux pas me lancer moi-même dans les exposés que nous aurons tous et toutes à faire quand la Loi sur les intermédiaires de marché sera devant nous.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Finances. M. le député de Westmount–Saint-Louis, vous voulez vous prévaloir de l'article 212?

M. Chagnon: De l'article 213.

Le Vice-Président (M. Pinard): De l'article 213.

M. Chagnon: Est-ce que le ministre accepterait que je lui pose une petite question?

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous accepteriez de répondre à une question, M. le ministre?

M. Landry (Verchères): Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, allez-y, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

(16 heures)

M. Chagnon: M. le Président, je disais tout à l'heure dans mon allocution que les différents intervenants nous ont demandé des audiences publiques ou, du moins, des audiences au début de la commission. J'ai aussi – c'est plus nouveau – la Fédération des caisses d'économie, en plus des associations d'assurances dont je parlais tout à l'heure, qu'il pourrait à ce moment-là faire en sorte, dans le cas des compagnies d'assurances et des courtiers, etc., et des associations de consommateurs, de rassurer. Est-ce qu'il a l'intention de tenir des audiences au début de la commission?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je vais consulter les diverses communications que j'ai reçues, je dois avoir reçu les mêmes que l'opposition, et j'aurai l'attitude la plus ouverte possible au sujet de ces auditions si elles s'avéraient nécessaires.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Comme nous avons terminé le débat sur l'adoption du principe, le principe du projet de loi n° 167, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est-elle adoptée?

M. Brassard: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous demanderais d'appeler l'article 7, M. le Président.


Projet de loi n° 169


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 7 de votre feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 169, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 169? Alors, M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'espère obtenir cette fois l'appui sans réserve de l'opposition sur un projet de loi qui est de nature technique mais très utile sinon utilitaire.

En effet, il s'inscrit dans la volonté du gouvernement d'alléger le fardeau administratif des entreprises. Vous savez que notre gouvernement, sous l'impulsion du premier ministre en particulier qui en fait presque une affaire personnelle, s'est lancé dans des opérations de contrôle strict de toute nouvelle réglementation, ou surréglementation, et même de déréglementation et d'allégement du fardeau réglementaire.

Le projet de loi que nous soumettons aujourd'hui va exactement dans cette ligne, car en effet une entreprise qui démarre au Québec doit s'inscrire auprès d'une multitude d'organismes et de ministères. À chacun de ces organismes, à chacun de ces ministères, l'entreprise doit répéter les mêmes informations de base l'identifiant, et elle reçoit, de chacun de ces organismes et ministères généralement, un numéro pour que le ministère et l'organisme puissent gérer plus facilement ses dossiers. Oui, c'est peut-être plus facile ministère par ministère, mais ça finit par créer une jungle, une diversité de numéros d'un ministère à l'autre. Et pour la mise à jour de son dossier de base, l'entreprise doit répéter les mêmes corrections, et ce, en fonction d'identifications différentes d'un ministère ou organisme à l'autre. Alors, non seulement procédures complexes au départ, mais corrections complexes au fur et à mesure que la vie de l'entreprise progresse.

Le grand nombre de numéros d'identification et les démarches multiples qui y sont associées pour leur obtention ou leur simple mise à jour s'avèrent des irritants qui n'ont plus leur raison d'être dans le contexte actuel. Quand on entrait dans des grands plumitifs à la plume à l'encre, les numéros et les noms des entreprises... M. le Président, qui avez eu un passé professionnel notarial, vous n'avez pas connu cette époque évidemment à cause de votre jeune âge, mais les notaires d'autrefois, eux, trempaient leur plume dans l'encre, au sens littéral, et écrivaient dans de grands plumitifs. Bien ça, c'est fini aujourd'hui. On sait bien qu'avec les ordinateurs et avec toutes les méthodes modernes de traiter la communication et l'information, qu'on appelle d'ailleurs «les technologies de l'information», on peut faire beaucoup mieux que ce qu'on fait, et nous voulons le faire. La solution passe par l'octroi aux entreprises, par la mise à leur disposition d'un numéro d'identification qui soit valide dans tous les ministères et organismes du gouvernement du Québec avec lesquels les entreprises transigent. Un, pour tous les ministères et organismes.

On sait que plusieurs numéros d'identification ont été considérés par un groupe de travail ministériel formé à cette occasion. On a regardé tous ceux qui avaient à se numéroter partout et on a essayé de voir lequel avait le plus de vertus pour devenir le numéro unique. Et celui qu'on a retenu, c'est celui que reçoivent actuellement les entreprises lorsqu'elles s'immatriculent au registre des entreprises du Québec par le biais du greffier de la Cour supérieure de Québec ou de l'Inspecteur général des institutions financières, tel que prévu par une de nos lois, qui est la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales.

Il y a 500 000 entreprises, un demi-million d'entreprises, déjà immatriculées. Des modifications doivent cependant être apportées à cette loi afin de faciliter l'octroi d'un numéro d'entreprise du Québec – c'est comme ça qu'on va l'appeler, un NEQ – aux nouvelles entreprises. Le but du projet de loi accompagnant la mise en place du numéro d'entreprise du Québec est de modifier l'infrastructure d'octroi de ce numéro d'entreprise pour le rapprocher le plus possible d'un premier contact avec l'appareil gouvernemental.

L'implantation du numéro d'entreprise du Québec fait en sorte qu'une entreprise qui fait affaire au Québec, qu'elle ait une place d'affaires ici, au Québec, ou non, puisse s'identifier par le biais d'un numéro unique valide dans tous les ministères ou organismes avec lesquels elle transige. Ce numéro sera couplé à un minimum d'informations permettant d'identifier l'entreprise. Il s'agit ici d'informations qui doivent déjà être fournies par les entreprises assujetties. Donc, on ne va pas instaurer une collecte d'informations nouvelles; on veut diminuer le fardeau, on ne veut pas l'augmenter. Donc, toutes les informations dont il s'agit doivent déjà être fournies dans le cadre de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales; aucune nouvelle obligation, donc.

À partir du moment où l'entreprise aura obtenu son numéro d'identification du Québec, qui sera consigné au registre des entreprises du Québec, ces informations seront accessibles – ni plus, ni moins qu'avant, en termes de volume – à l'ensemble des ministères et organismes sur simple divulgation de ce numéro. Alors, le projet de loi, j'insiste, ne modifie en rien la nature et le caractère public de ces informations; ces informations sont déjà requises, elles sont déjà consignées dans un très grand nombre de registres sous divers numéros, mais ce sont les mêmes informations. Donc, nous n'ajoutons pas aux exigences de divulgation, et rien ne sera plus secret ou plus public avant qu'après, parce que toutes ces informations sont déjà de caractère public.

Je dois dire que notre numéro unique ne vise pas, dans un premier temps, une rationalisation des conditions d'accès des entreprises aux différents services gouvernementaux non plus que la concentration de ces accès à un même comptoir de services. En d'autres termes, ce n'est pas encore le guichet unique. Mais il s'agit là d'objectifs liés à l'implantation d'un guichet unique, donc, éventuellement, d'une concentration des services et de mesures qui vont faciliter l'accès des services aux entreprises. C'est ainsi que ce numéro constitue un premier pas dans cette direction d'un tronc commun d'informations facilitant l'identification d'une entreprise et allégeant d'autant le fardeau administratif résultant d'un premier contact avec l'appareil gouvernemental.

Il y a trois mesures législatives principales qu'on retrouve dans le projet de loi. La première a un caractère de souplesse et permet à l'Inspecteur général des institutions financières d'immatriculer, en plus des personnes morales, les personnes physiques, les sociétés et les groupements, ce qui à ce jour est l'apanage exclusif du greffier de la Cour supérieure. Alors, là, l'Inspecteur général des institutions financières pourra se livrer à cette activité pour les personnes morales, les personnes physiques, les sociétés et les groupements. La seconde mesure législative permet à l'Inspecteur général de conclure des ententes avec les ministères ou organismes du gouvernement pour leur déléguer, aux conditions et selon les limites prévues dans l'entente, le pouvoir d'immatriculer une personne physique, une société, un groupement ou une personne morale. Donc, l'Inspecteur peut le faire, l'Inspecteur peut déléguer à un organisme l'attribution d'immatriculation de ce numéro. Notre loi habilite, par ailleurs, tout ministère ou organisme du gouvernement à conclure une telle entente, ce qui est la conséquence logique de notre intention. Cette mesure, par sa grande flexibilité, permettra de gérer la structure selon la demande et les besoins exprimés par les clientèles. Elle est donc souple.

(16 h 10)

Enfin, la troisième mesure législative essentielle est constituée d'un ensemble de dispositions qui ont pour effet de confier à l'Inspecteur général seul le pouvoir et la responsabilité d'immatriculer les entreprises du Québec. Les greffiers, avec lesquels l'Inspecteur général des institutions financières partageait ce pouvoir, continueront d'immatriculer les personnes physiques, mais en fonction d'une entente – l'entente dont j'ai parlé plus haut – conclue avec l'Inspecteur général. On discute présentement de cette mesure avec les ministères concernés, dont, bien entendu, le ministre de la Justice.

En conclusion, par cette mesure, le Québec se donne les moyens de favoriser et de faciliter le démarrage des nouvelles entreprises, d'une part, en rendant plus accessible l'immatriculation et, d'autre part, par la simplification des procédures administratives auxquelles elles étaient confrontées, leur permet de se consacrer plus facilement à leur vie entrepreneuriale et à leur activité de création de la richesse. Alors, ce n'est pas un projet révolutionnaire au plan de notre philosophie – nous voulons déjà simplifier toutes les procédures – mais, sur le plan technique, voire sur le plan technologique, c'est une belle innovation dont l'État fera profiter les entreprises du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Finances. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. J'ai bien écouté les propos du ministre des Finances concernant le projet de loi n° 169, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales. Ce projet de loi vise à faciliter l'implantation d'un numéro unique d'entreprise au Québec et, à cette fin, il permet à l'Inspecteur général des institutions financières d'immatriculer, en plus des personnes morales, les personnes physiques, les sociétés et les groupements. Alors, tout au plus, le projet de loi prévoit-il que l'immatriculation devra maintenant être effectuée dans tous les cas par l'Inspecteur général des institutions financières ou, si une entente à cet effet est conclue, par un ministère ou un organisme du gouvernement. La loi actuelle prévoit que cette responsabilité incombe aux greffiers de la Cour supérieure pour l'immatriculation d'une personne physique, d'une société ou d'un groupement et à l'Inspecteur général pour les personnes morales.

Alors, nous sommes en faveur du choix de l'Inspecteur général des institutions financières pour assurer le rôle de plaque tournante de l'identifiant unique gouvernemental, et je ne peux que saluer qu'enfin le gouvernement réponde à une demande maintes fois formulée par les entreprises. Regrouper sous un même numéro d'identification facilitera les échanges des entreprises avec le gouvernement, principalement avec les ministères qui font le plus affaire avec ces dernières. Nous osons donc croire que le même numéro s'appliquera pour toutes les relations qu'ont les entreprises avec le gouvernement, soit le ministère du Revenu, la CSST, etc., et ce, tel que formulé par la recommandation n° 20 du rapport Charbonneau en 1994.

Alors, comme le ministre le sait, puisqu'il est lui-même le titulaire du ministère des Finances, les entreprises perçoivent 80 % des taxes et impôts que reçoit le gouvernement. Cela représente un travail colossal pour les PME, et, selon une étude de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, les coûts d'administration reliés à la perception de ces taxes sont de 2 000 000 000 $ par année. Il va donc de soi que le gouvernement fasse tout en son possible pour leur faciliter la tâche pour que le système d'administration de ces taxes soit simple, efficace, de manière à ce qu'elles perdent le moins de temps possible.

Malheureusement, il semble qu'il existe plusieurs lacunes au système actuel, surtout en ce qui concerne le ministère du Revenu. C'est, en effet, ce qui ressort d'un récent sondage réalisé par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante auprès de 796 PME québécoises. Malheureusement aussi, il semble que plusieurs lacunes soulevées par les chefs d'entreprises soient les mêmes que celles soulevées dans le rapport du groupe de travail chargé, sous la présidence du ministre du Revenu du Québec, en 1994, de présenter des recommandations afin d'améliorer les relations entre les contribuables, les mandataires et le ministère du Revenu.

Je rappelle au ministre des Finances que le groupe de travail mis sur pied par l'ancien premier ministre et l'actuel chef de l'opposition officielle et député de Vaudreuil a déposé son rapport en mars 1994. Or, on le sait, il y a eu un changement de gouvernement l'automne qui suivit, et il appartenait dès lors au gouvernement actuel de concrétiser les recommandations du rapport. Bien que l'accueil général de Revenu Québec se soit amélioré, il reste plusieurs lacunes qui auraient valu la peine d'être corrigées et amendées dans le présent projet de loi dont nous sommes en train de faire l'adoption de principe. Celui-ci aurait eu, au moins, le mérite d'être plus consistant.

Alors, il aura donc fallu attendre trois ans et demi après la recommandation – à court terme, qu'on disait – du rapport Charbonneau du gouvernement libéral, en 1994, afin que le gouvernement péquiste décide de s'occuper du problème. Or, force m'est de constater qu'il y a eu peu d'évolution dans le domaine de l'allégement réglementaire depuis 1994, puisqu'il existe de nombreuses similitudes entre les recommandations du rapport Charbonneau, en 1994, et les recommandations du rapport Saucier en décembre 1996.

De plus, il aura fallu attendre un autre neuf mois pour que le premier ministre réponde à un engagement qu'il avait pris lors du Sommet socioéconomique, en 1996, soit celui de créer un groupe-conseil sur l'allégement réglementaire. Et, plus de trois mois après sa création, donc un an après son engagement du Sommet, encore aucune recommandation n'émane de ce groupe de travail. Sans dire qu'il y a immobilisme, admettons, M. le Président, que les choses avancent à pas de tortue.

La mise en vigueur de mesures de réglementation complexes, la prolifération des règlements, la multitude de formulaires à remplir, l'absence de coordination, les chevauchements, les conflits, les négociations interminables entre les différents ministères ou les paliers de gouvernement qui entraînent des délais sont autant d'éléments qui affectent la productivité des entreprises et se traduisent par une augmentation des coûts. Il en découle des prix plus élevés pour les consommateurs. Ces répercussions économiques négatives sur le secteur privé sont trop souvent négligées par les législateurs et les fonctionnaires qui sont responsables des mesures réglementaires.

Or, en 1994, dans le rapport du groupe d'intervention sur la déréglementation présidé par Michel Charbonneau, plusieurs recommandations portaient notamment sur les problèmes de téléphonie au ministère du Revenu, le taux de pénalité pour remise tardive et le traitement de la TVQ et de la TPS. Or, ces problèmes ne sont toujours pas réglés, puisque, selon le sondage réalisé par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante dernièrement, plus de 70 % des PME se plaignent toujours de la lenteur à obtenir une ligne téléphonique pour communiquer avec le ministère du Revenu, les pénalités sont toujours considérées comme trop élevées et appliquées avec trop de rigidité et devraient être harmonisées avec celles de Revenu Canada. Les chefs d'entreprises se plaignent également que les formulaires de déductions à la source sont trop complexes et nombreux, que les délais de remboursement des sommes dues par Revenu Québec sont trop longs, soit de 30 à 60 jours alors qu'ils devraient se limiter à un maximum de 30 jours. Et, enfin, les entrepreneurs se plaignent que Revenu Québec bénéficie de taux d'intérêt très bas, alors que les PME en connaissent de très hauts et que, donc, on devrait appliquer le même taux d'intérêt aux créances des contribuables qu'aux créances de Revenu Québec.

Je constate donc, M. le Président, que le gouvernement rate encore une fois une belle occasion de joindre les gestes à ses paroles. En effet, le premier ministre avait annoncé, à l'automne 1996, à l'occasion d'un discours à la Chambre de commerce et d'industrie de Laval, que son gouvernement favoriserait la déréglementation. Malgré la répétition de ses affirmations lors du Sommet de décembre 1996, la réglementation continue de plus belle au Québec. Pour déréglementer, le gouvernement du Parti québécois devra démontrer ce qu'il n'a toujours pas fait, qu'il sait prendre des risques mesurés.

(16 h 20)

L'adoption de principe du projet de loi sur lequel nous nous penchons aujourd'hui ne doit être que le début d'un long processus. En effet, le législateur québécois doit instaurer dans ses méthodes de travail un souci constant d'efficacité. Nos lois et nos règlements doivent passer le test ISO. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement en place, et ce, à partir de maintenant, de déposer la réglementation relative à chacun des projets de lois, ainsi que les études d'impact qui les accompagnent, ici même, en cette Chambre. De cette façon, tous mes collègues parlementaires pourront se pencher sur ces derniers qui bien souvent constituent les principaux irritants entre l'État et les entreprises. Le tout aussi est motivé par un souci de transparence.

Selon une étude menée par l'Institut Fraser en 1993-1994 et dont on retrouve les résultats dans le dernier Fraser Forum , la réglementation abusive, tous paliers de gouvernement confondus, coûte annuellement aux Canadiens la somme de 85 000 000 000 $, soit 12 % de notre produit intérieur brut. Transposé au Québec, ça représente 20 500 000 000 $ qui sont perdus chaque année. Bien que la situation soit améliorée depuis, elle demeure encore inacceptable. Nous devons tous mettre l'épaule à la roue et faire de la déréglementation une priorité. Le Parti québécois doit sortir de son immobilisme et cesser de freiner ce processus. Nous devons travailler à rendre notre économie plus flexible et plus dynamique. Il faut la sortir de son carcan qui bien souvent est fort contraignant pour nos PME. Non seulement la déréglementation doit-elle faciliter le contact entre les entreprises et l'État, comme le veut ce projet de loi, mais doit aussi minimiser les coûts administratifs, produire des gains sociaux et surtout répondre à un consensus établi par nos partenaires économiques. En effet, il faut préconiser une approche ciblée qui s'attaque de façon directe et précise aux domaines qui, aux yeux de nos partenaires, présentent des irritants majeurs.

M. le Président, le projet de loi n° 169 est, j'en conviens, un tout petit pas dans la direction souhaitée. Cependant, il ne doit pas servir à voiler la piètre performance du Parti québécois dans le domaine de la déréglementation. En effet, alors que la majorité des provinces canadiennes et des pays industrialisés ont adopté des politiques sérieuses en ce domaine, le Québec fait cavalier seul en s'obstinant à mettre sur pied toute une série de lois qui alourdissent de façon considérable la charge réglementaire déjà existante.

Quand le gouvernement va-t-il se réveiller et constater que, parmi toutes les juridictions nord-américaines, c'est au Québec que les taxes sur la masse salariale payées par les employeurs sont les plus élevées? Après 45 mois, un référendum, deux discours d'assermentation, un engagement budgétaire, deux sommets socioéconomiques, deux rapports de consultation – Charbonneau et Saucier – et la mise sur pied enfin d'un groupe-conseil sur l'allégement réglementaire, ce que nous avons à nous mettre sous la dent est bien maigre. La taxe de 1 % sur la formation est un excellent exemple de l'approche dépassée et improvisée des péquistes en matière d'allégement réglementaire. Alors que le gouvernement sait que les besoins relatifs à la formation ne sont pas les mêmes dans tous les secteurs d'activité économique, il a tout de même réussi à imposer de façon unilatérale sa taxe universelle. Alors, non seulement le gouvernement ne déréglemente pas ou déréglemente très peu, mais en plus il rajoute du poids administratif sur les épaules des entreprises.

Que dire du retrait de la loi n° 142 et de la Loi sur l'équité salariale? Les exemples sont nombreux. Ce n'est pas d'une surcharge administrative supplémentaire qu'ont besoin les entreprises, mais plutôt de flexibilité. De même, des assouplissements au Code du travail pour que les sous-traitants ne soient pas forcés d'adopter la convention collective de l'entreprise qui donne le contrat sont demandés depuis plusieurs années. Aussi, des modifications aux lois sur les accidents de travail sont attendues, et la lourdeur administrative des normes environnementales est décriée.

En matière de déréglementation, le Parti québécois aurait pu prendre une tangente intéressante, celle d'intégrer au sein d'un ministère ou tout simplement d'abolir un bon nombre d'organismes. Or, le rapport Facal, ayant étudié 209 organismes gouvernementaux, recommandait cette pratique dans le cas de 90 d'entre eux. Avec le projet de loi n° 178, c'est seulement une dizaine de ces derniers qui seront privatisés par le gouvernement. Si on considère, depuis la création de ce comité, le nombre de groupes de travail et de comités de toutes sortes qui ont été créés, on y reconnaît bien les méthodes de travail des péquistes. Alors, il faudra définitivement accélérer le rythme pour en arriver à des résultats concrets et palpables.

En parlant de rythme, M. le Président, en 1994, le rapport Charbonneau – alors, c'est celui-là, pour ceux qui l'auraient oublié – proposait la modernisation des décrets de convention collective. En 1997, c'est toujours au stade de projet. Seize mille employeurs, 130 000 salariés sont concernés. Qu'est-ce que le gouvernement attend pour agir?

Et que dire sur le décret du verre plat? On avait parlé de l'abolir. On se rend compte aujourd'hui que le travailleur, lorsqu'il va sur le chantier de construction, est maintenant assujetti au décret de la construction, ce qui est pire. Alors, le gouvernement donne d'une main et retire de l'autre.

Il était aussi question de revoir la Loi sur la qualité de l'environnement afin de simplifier, de réduire le nombre des autorisations. Toujours à l'ordre du jour. En effet, les modalités d'application des politiques environnementales constituent un irritant majeur pour les PME.

Dans la même veine, M. le Président, les problèmes rencontrés en ce qui a trait à la multiplication, aux conditions d'émission, à leur fréquence, leur coût et au système d'inspection qui accompagne les demandes d'autorisation au ministère de l'Environnement et de la Faune et du MAPAQ devaient aussi être révisés.

Alors, pour terminer, M. le Président, j'aimerais donc réitérer mon appui au projet de loi n° 169 qui, malgré certaines questions qu'il soulève, semble répondre aux attentes dans le dossier de l'instauration d'un numéro unique pour les entreprises. Cependant, j'espère que M. le ministre sera en mesure de nous indiquer comment il entend doter d'un numéro unique les entreprise déjà enregistrées, si c'est le cas, et ce, sous différents numéros, auprès de différents organismes.

De plus, au moment où on parle d'un bris de confiance entre le citoyen et le gouvernement dans la vente de renseignements fiscaux par le ministère du Revenu et Hydro-Québec, il y a lieu de se questionner à savoir si ce numéro unique aura comme conséquence de faciliter l'obtention de renseignements sur des tiers. Aussi, le tout pourra-t-il se faire sans qu'il y ait couplage de fichiers? Autant de questions, M. le Président, sur lesquelles nous espérons être éclairés en commission parlementaire par M. le ministre.

Vous comprendrez donc, M. le Président, que, puisque la proposition qu'on débat aujourd'hui émane du gouvernement libéral en 1994, nous sommes d'accord que mieux vaut tard que jamais et que, donc, nous donnerons notre appui au projet de loi n° 169. Merci.

(16 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi? Alors, M. le député d'Orford.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, M. le Président. Je ne devais pas intervenir sur ce projet de loi mais, à écouter ma consoeur qui a fait une présentation tout à fait magistrale sur le projet de loi n° 169, je voudrais dire que j'ai fait partie de la commission Charbonneau, M. le Président, commission qui a été très sérieuse et qui effectivement s'est penchée en profondeur sur la déréglementation. À écouter ma consoeur de Beauce parler avec force, vigueur, intérêt, sagesse de déréglementation, je rappellerais au ministre des Finances que le Conseil du patronat l'a rencontré la semaine dernière et lui a rappelé comment, au niveau de la réglementation, au Québec, après le rapport Charbonneau, rien, mais rien n'a vraiment été fait 45 mois plus tard; 45 mois. Et on sait comment ils se sont promenés en ascenseur, avec tout ce monde, pour travailler sur la déréglementation, entre le bureau du premier ministre, puis un secrétariat, puis un comité. Puis, deux sommets socioéconomiques plus tard, on demeure l'État le plus réglementé en Amérique du Nord. Les industriels, que ce soient ceux de Premier, que ce soient ceux de Breton, on entend à tous les jours des industriels nous dire – et le Conseil du patronat l'a dit au ministre pas plus tard que cette semaine – Faites quelque chose avec la déréglementation.

Nous sommes tout à fait surpris, de ce côté-ci de la Chambre, que ça aura pris 45 mois, M. le Président, après l'élection – la nouvelle façon de gouverner, la nouvelle façon de faire les choses, 45 mois plus tard! – pour accoucher d'un projet de loi dont le rapport Charbonneau était clair: un seul numéro à travers l'État pour toutes les sociétés. Tout le monde était d'accord. J'écoutais le ministre des Finances nous dire, sur un autre projet de loi un peu plus tôt, que dans une législation, ce n'est pas toujours évident que tout le monde est tout à fait tout d'accord. Bien, dans ce cas-là, M. le Président, Michel Charbonneau, à l'époque député de Saint-Jean, qui avait mené une grande consultation avec toutes sortes de monde... J'ai été membre de cette commission-là. On a écouté tout le monde et son père, et tout le monde était d'accord à dire: Arrivez-nous avec un seul numéro partout dans l'appareil gouvernemental.

Or, je dois dire que la nouvelle façon de gouverner... Je comprends qu'il y a eu un référendum, qu'ils ont passé bien du temps là-dessus, M. le Président, mais je déplore que ça ait pris 45 mois pour finalement aboutir avec un projet de loi qui aurait pu se faire le lendemain d'une élection. Si la priorité de l'État québécois, si la priorité du gouvernement péquiste avait été de créer des emplois, le lendemain de leur élection, ça n'aurait pas été de sortir les drapeaux puis de se promener à la grandeur du Québec, ça aurait été de mettre le rapport Charbonneau en place immédiatement pour qu'on crée des emplois rapidement, pour sauver des emplois chez nous, emplois qui en ce moment, nous le savons, vont se créer ailleurs. Alors que le Québec aura créé 37 000 emplois dans la dernière année, plus ou moins, l'Ontario en aura créé tout près de 90 000, M. le Président. C'est ça, le constat économique du Québec en ce moment. Nous sommes bien en arrière.

Et si je vous parlais des investissements, les chiffres du Conseil du patronat sont dramatiques, M. le Président. Quand nous regardons les chiffres du Conseil du patronat, c'est quelque chose comme 26 000 000 000 $, l'ensemble des investissements au Québec dans la dernière année, versus tout près de 90 000 000 000 $ quand nous regardons l'Ontario. Tout ça, en grande partie...

Le ministre des Finances va nous parler de la structure. Bien oui, il y a un problème de structure. On le reconnaît, nous aussi. Mais ce n'est pas en prenant 45 mois pour déréglementer l'État sur une chose aussi évidente qu'un seul numéro, d'organiser un peu notre affaire, qu'on va arriver à quelque chose. C'est incroyable, ce qu'on a fait avec le rapport Charbonneau, alors que tout ça aurait dû être mis en place le lendemain de l'élection. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi? Comme il n'y a pas d'autres intervenants, M. le ministre des Finances, votre droit de réplique. M. le ministre.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry (Verchères): D'abord, M. le Président, je voudrais remercier le député d'Orford d'avoir évoqué le Conseil du patronat. J'aurais peut-être pu le faire spontanément, mais là vraiment il m'ouvre la porte. Je vais dire que, moi, j'ai connu une période où le Conseil du patronat et le Parti libéral du Québec vivaient dans une symbiose telle qu'il aurait été difficile de passer un fil entre la pensée de l'un et de l'autre. Par un retour historique que je n'aurais même pas osé imaginer, dont je n'aurais même pas rêvé dans mes rêves les plus secrets, le Conseil du patronat a fini par prendre acte de la gestion catastrophique de son allié d'autrefois, le Parti libéral.

Le député d'Orford parle du rapport Charbonneau; je peux lui parler du rapport Gobeil, moi, où on devait gérer l'État comme une business puis on devait mettre de l'ordre dans les finances publiques, etc.

En tout cas, j'ai eu une belle émotion ce matin en lisant les journaux, moi qui ai été ministre du Développement économique de René Lévesque entre 1976 et 1985, qui ai eu, quoique en conservant de bons liens d'amitié, à me confronter avec M. Ghislain Dufour je ne sais plus combien de fois sur à peu près tous les sujets, de lire ce que le Conseil du patronat dit de nous maintenant et dit aussi de nos amis d'en face indirectement, le 4 décembre 1997.

Il parle de notre gouvernement en disant: «Sa gestion des finances publiques nous plaît beaucoup. Voilà un gouvernement qui s'est attaqué au problème de façon sérieuse, et les résultats s'en viennent.» Et il dit également: «Cela fait mal, mais c'est parce qu'on a mis beaucoup trop de temps à s'attaquer au problème.» Voilà, on a eu des amis d'en face qui ont été là pendant 10 ans, qui en ont fait, des rapports, je ne le nie pas, qui en ont fait, des promesses, je ne le nie pas, mais, je le dis pour la députée de Beauce-Sud en particulier, terre entrepreneuriale, les résultats ont été catastrophiques. Le parti politique auquel elle a choisi de se joindre – et je le regrette pour elle, pour une personne qui vient d'une terre d'économie et de développement – a réussi l'exploit durant son dernier mandat – comment se fait-il que la députée ait fait un si mauvais choix? – de 1989 à 1994, d'avoir un bilan de zéro emploi créé. Pas un. Malgré tous les efforts beaucerons de création d'emplois – puis la Beauce a dû avoir une création nette très, très élevée – la négligence libérale pour l'ensemble du Québec a effacé la Beauce et a effacé tout le reste, et, en cinq ans, ils ont eu zéro.

On en a 5 000 net par mois, nous, actuellement. 5 000 net par mois. J'aimerais mieux que ce soit 10 000 net. Ce n'est pas 10 000 net, c'est une sérieuse amélioration de la conjoncture économique. C'est une sérieuse amélioration, aussi, de la situation des investissements, dont a parlé également le député d'Orford. Les investissements étrangers, l'an dernier, ont atteint un sommet record pour les dernières années. La dernière année libérale, c'était 500 000 000 $; l'an dernier, c'était 3 000 000 000 $. C'est déjà six fois plus, et, cette année, on pense qu'on va aller à plus que ça. D'abord, dans deux seuls coups, il y a le Mont-Tremblant à 500 000 000 $ et il y a eu Magnola à 750 000 000 $, plus ce qui est annoncé quotidiennement. Alors, on va avoir une année, celle qui s'achève en termes de calendrier, très bonne.

Mais la Banque de Montréal, qui – le député de Westmount s'en souviendra – a tendance à considérer, pour parler le langage boursier de Manhattan, l'économie du Québec «bearish» et non pas «bullish»... Ils pensent plutôt qu'on a la démarche de l'ours que la charge du taureau. D'ailleurs, démarche de l'ours, dans votre cas, c'était pire que ça, c'était sommeil de l'ours, parce que, avec zéro emploi en cinq ans, l'ours, il n'avance même pas, il est dans son hibernation profonde. Mais, là, la Banque de Montréal, elle dit que notre économie, maintenant, a une attitude «bullish», la charge du taureau, et l'année qui vient va être la meilleure des 10 dernières. Alors, ça serait bon que les entrepreneurs beaucerons, dont un des grands regrets de mon implication dans l'activité économique québécoise depuis 15 ans est qu'ils ne votent pas pour nous en aussi grand nombre que je le souhaiterais, que les entrepreneurs beaucerons... Avec la comparaison qu'ils vont faire, administration libérale et notre administration, ils vont bien se rendre compte qu'il est dans leur intérêt d'avoir un gouvernement qui gère sérieusement les finances publiques, un gouvernement qui a l'attitude d'incitation aux investissements probablement la plus spectaculaire de tous les gouvernements d'Amérique du Nord.

Il est vrai que certains aspects de notre fiscalité sont trop lourds. Je n'en disconviens pas, et, si on se bat avec autant d'ardeur pour aller au déficit zéro, c'est pour être capable ensuite de donner une fiscalité beaucoup plus compétitive. Mais, cela dit et en attendant, il ne faut pas, surtout à un député qui vient d'une région de PME, laisser dire des choses déprimantes contraires à la réalité. Et je vais lui faire envoyer, à la députée de Beauce-Sud, le rapport Price Waterhouse, qui est un rapport que le Parti libéral avait commencé à commander à récurrence régulière et qu'on continue et qui dénote que, pour les PME, le Québec est, dans les juridictions qui l'entourent, à peu près l'endroit le plus extraordinaire pour investir. Notre fiscalité sur les PME est une fiscalité relativement légère, les moyens d'incitation que nous avons pour les aider à croître sont dans les meilleurs, alors, quand on prend en compte tous les niveaux de fiscalité – municipale, Québec, Ottawa – et qu'on additionne ça et qu'on compare, disons, au Massachussetts, qui est un État américain voisin, ou qu'on compare ça à l'Ontario, le Québec est dans une très bonne posture.

(16 h 40)

Mais, cela dit, nos impôts sur les personnes physiques, résultat d'une longue négligence en matière de finances publiques, sont trop hauts, et particulièrement comparé à l'Ontario, qui a annoncé des baisses d'impôts considérables, et il va falloir suivre, et, déjà dans les réformes fiscales annoncées, puisque dans quelques jours, là, l'impôt sur les personnes physiques, pour tous les gens qui gagnent en bas de 50 000 $, va baisser de 15 %, tous ceux qui gagnent en haut, il va baisser de 3 %, et il y a une hausse de la taxe de vente de 1 %, mais qui sera compensée pour les plus démunis et qui, de toute façon, ne touche pas à notre concurrentialité contre l'Ontario parce que l'Ontario était plus haute que nous, alors on reste concurrentiel, taxe de vente, et on améliore légèrement pour l'impôt sur les personnes physiques.

Mais, si on n'avait pas eu cinq ans de croissance d'emploi nulle – il n'y a pas eu un payeur de taxes et d'impôts supplémentaire durant les cinq dernières années où vous avez été là – si on n'avait pas eu ça, si on n'avait pas eu des libertés incroyables prises avec le budget et des erreurs à répétition sur le déficit, un déficit qui culminait à 5 700 000 000 $ la dernière année, on aurait pu attaquer plus vigoureusement. Mais, avec les moyens qu'on a, M. le Président... Et j'espère que ce message va se rendre à tous les entrepreneurs beaucerons afin que leur pensée politique, si cela peut arriver, se modifie plus en notre faveur dans les années à venir, j'espère que ce message va se rendre, que le Québec, cette année, a connu une excellente année, que celle qui vient sera la meilleure des 10 dernières et que le gouvernement qui gouverne à Québec actuellement non seulement réussit à concilier son idéal de répartition sociale et de justice sociale avec sa rigueur dans les finances publiques, mais également avec une formidable action en faveur du développement économique.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances. Le principe du projet de loi n° 169, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement, oui.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: ...je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous demanderais d'appeler l'article 6 du feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 168


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 6, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, cette semaine même, nous avons rendu hommage dans cette Chambre à la mémoire d'un très grand disparu, Michel Bélanger, dont les obsèques auront lieu samedi prochain. L'institution dont nous voulons changer la loi et, par conséquent, les approches de gestion découle de ce grand souffle économique de la Révolution tranquille dont Michel Bélanger fut l'un des contributeurs principaux. Le premier ministre de l'époque était libéral, M. Jean Lesage, et il était conseillé notamment par un brillant économiste qui s'appelait Jacques Parizeau, qui était directement attaché à son cabinet, et le directeur général de la planification du ministère des Richesses naturelles, dirigé par René Lévesque, et ce directeur de la planification s'appelait Michel Bélanger.

Michel Bélanger, Jacques Parizeau, André Marier, personnage clé, aussi, de cette époque, ont réfléchi longuement à une double problématique du Québec: comment faire servir notre État, dont on disait qu'il est le seul vraiment très riche parmi nous – et c'était rigoureusement vrai, en dehors de toute idéologie – au progrès économique du Québec et, à cette époque, à la reprise en main par les Québécois francophones, en particulier, de l'activité économique? Non pas que l'idéal soit que toutes les entreprises du Québec appartiennent à des Québécois ou que toutes les entreprises du Québec qui appartiennent à des Québécois appartiennent à des Québécois francophones. La question n'en est pas là. Les économies sont ouvertes et il y a de grandes transnationales qui travaillent sur notre territoire, qui font un excellent travail et qui sont des citoyens corporatifs, des fois, de meilleure qualité que d'autres dont les attributs externes semblent être plus reliés au terroir.

Donc, une bonne économie, puissante et moderne comme l'est devenue celle du Québec, c'est une économie généralement composite où il y a des petites entreprises, des grandes, des très grandes à vocation multinationale et transnationale et des entreprises contrôlées totalement par les nationaux, et d'autres qui ne le sont pas, d'autant plus qu'aujourd'hui le Québec a lui-même ses multinationales travaillant dans tous les pays du monde.

On a parlé de cet accident de santé qui est survenu à Pierre Péladeau. Bien, Pierre Péladeau et son empire Quebecor, c'est le deuxième imprimeur de la planète Terre. C'est donc dire que, dans plusieurs pays au monde, le premier imprimeur du pays, c'est une entreprise québécoise, Quebecor.

Quand la Caisse de dépôt a été conçue, à l'époque de Jean Lesage, on n'en était pas là. On était à la reprise en main, on était à la consolidation et on cherchait en même temps à se constituer une caisse de retraite pour notre avenir, parce que la Caisse de dépôt, c'est également le grand gestionnaire de la Régie des rentes du Québec. Alors, rendement et essor économique, c'étaient les deux maîtres mots de l'époque, et la Caisse s'est bien acquittée de son rôle, est devenue une très grande institution, a contribué à l'essor économique, a des rendements intéressants. On peut dire qu'il n'y a presque pas de grandes entreprises de tout le Canada où la Caisse de dépôt ne soit pas présente d'une manière ou d'une autre, et parfois d'une façon significative. Mais le jour est venu, comme cela fut fait à quelques reprises dans l'histoire de la Caisse, de modifier certains aspects législatifs qui régissent son opération.

Alors, le projet de loi que je vous propose aujourd'hui contient principalement des dispositions qui fournissent à la Caisse la souplesse nécessaire – et c'est un mot clé – pour investir son actif, qui est actuellement de 262 000 000 000 $, de façon optimale. En effet, d'une part, le projet donne plus de flexibilité pour répartir l'actif entre les différentes classes existantes sur le marché, pour en tirer profit, et, d'autre part, notre projet de loi lui fournit la latitude pour mieux appuyer le développement ou la croissance des entreprises québécoises. Ce meilleur appui provient d'un niveau de participation établi en fonction des besoins de l'entreprise et en équilibre avec le montant des fonds investis par la Caisse.

Ce projet de loi balise cependant la souplesse ainsi créée en assurant que la Caisse tienne compte des besoins de financement du secteur public québécois dans sa politique annuelle de répartition de l'actif. Le conseil d'administration sera également tenu d'établir des paramètres de placements négociés dans lesquels la Caisse pourrait détenir plus de 30 % des actions ordinaires.

Pour revenir sur le volet rendement et répartition de l'actif, il est important de préciser que la décision de répartition de l'actif est le principal facteur expliquant l'écart de rendement entre différents portefeuilles. Cette répartition constitue aussi une contribution majeure au contrôle du risque. Or, la Caisse est actuellement légalement limitée à 40 % de son actif en actions, ce qui la contraint à la portion de la frontière efficiente où le rendement espéré est moins élevé. Évidemment – et on va le voir par des comparaisons historiques – il est des périodes de développement et de croissance où ce sont les actions qui donnent du rendement, et la Caisse est limitée à 40 % de son actif en actions.

(16 h 50)

En effet, les études réalisées sur les cinq dernières années démontrent que les principaux gestionnaires de caisses de retraite en Amérique du Nord – je ne dis pas «caisses en général», je dis vraiment «caisses de retraite» pour comparer des comparables – ont une répartition de l'actif en actions qui se situe en moyenne autour de 55 %, donc 15 % de plus. Dans certains cas, cette position est de plus de 70 % en actions. À titre d'exemple, une augmentation de la pondération en actions et une réduction conséquente des obligations sur ces cinq dernières années auraient procuré à la Caisse un gain additionnel de 1 900 000 000 $ par année, 1,1 % de rendement de plus. Ce n'est pas négligeable. Quand on sait que le déficit du Québec, cette année, sera de 2 200 000 000 $, suivant les conventions comptables établies par nos prédécesseurs, ce n'est pas un montant négligeable que d'avoir, entre guillemets, perdu 1,1 % de rendement, c'est-à-dire 2 000 000 000 $ chaque année à cause d'une limitation législative qui empêche la Caisse de faire comme ses consoeurs gestionnaires, je le répète, de caisses de retraite.

Alors, la Caisse désire dépasser en performance ses indices de référence, c'est-à-dire les comparables, et ses compétiteurs. La Caisse est cependant consciente de son rôle sur le marché des titres du secteur public québécois, les obligations du gouvernement, dont le projet de loi lui demande et édicte qu'elle tienne compte. Le moment pour apporter un tel ajustement s'inscrit, par ailleurs, à l'intérieur d'un contexte favorable, vu, à cause de la gestion serrée du gouvernement, la réduction des besoins d'emprunt du gouvernement. Quand on a un déficit de 5 000 000 000 $ ou 6 000 000 000 $ par année, c'est sûr que les besoins d'emprunt sont beaucoup plus considérables et, quand on s'approche du déficit zéro, le gouvernement, le secteur public en général a tendance à emprunter moins.

Une politique, également, annuelle de placements plus compatible avec la pratique de ses pairs, donc des caisses analogues, et soucieuse du rôle de la Caisse face aux titres du secteur public québécois ne peut que profiter à l'ensemble des déposants de la Caisse et à l'ensemble des entreprises et de la population du Québec. Les déposants de la Caisse, je le redis, c'est en particulier les adhérents au Régime de rentes du Québec, c'est-à-dire l'ensemble de la population québécoise.

Dans le même esprit d'assurer un rendement optimal de chacune des classes d'actifs utilisées par la Caisse, le projet de loi propose un nouveau libellé pour tenir compte de l'évolution du marché. C'est notamment le cas pour les investissements dans les compagnies immobilières ou les investissements dans de nouveaux produits dont ceux résultant d'une titrisation d'actifs notamment à l'égard des hypothèques. On en fait des titres, d'où ce mot, ce néologisme étrange de titrisation. Le projet de loi permet donc à la Caisse d'acheter de tels actifs en complément à la titrisation qu'elle pourrait déjà faire de ses propres actifs depuis 1992. C'était le projet de loi sanctionné le 23 juin 1992. Ce marché est maintenant développé et encadré et la Caisse y opérera selon ces règles.

Le projet de loi ajuste le libellé des activités des filiales existantes soit pour leur procurer une meilleure assise juridique, comme c'est le cas pour les hypothèques, ou pour y intégrer des activités nouvelles comme des participations et des garanties dans des créances et des portefeuilles hypothécaires. Ces garanties que la Caisse pourra dorénavant octroyer lui permettront d'aller chercher un rendement supplémentaire sans changer le risque des actifs qu'elle détient déjà ou d'aller chercher le seul rendement lié à ces garanties sans encourir le risque lié à la détention des actifs.

De la même façon, notre projet de loi permet à la Caisse d'augmenter ses activités de prêt en assouplissant les conditions liées aux actions ou autres titres que la Caisse peut et doit exiger en garantie de ces prêts. On lui permet donc de répondre à des besoins de financement tout en protégeant les sommes investies, comme c'est le cas pour tout investisseur responsable.

En complément, on clarifie la disposition actuelle qui permet à la Caisse de prendre des garanties à l'égard des prêts consentis par elle et de détenir les titres résultant de l'exercice de ces garanties. Si ce sont des titres qu'elle ne pourrait autrement détenir, une limite de quatre ans est fixée. Ce délai lui permet de réorganiser le placement et de détenir des véhicules conformes à sa loi constitutive.

On clarifie aussi la disposition actuelle lui permettant de détenir pour un maximum de quatre ans un titre qu'elle ne pourrait autrement détenir en fonction de l'exercice ou de la réalisation de droits ou d'obligations contractuelles, comme, par exemple, dans le cas des conventions d'actionnaires. Cette modification donne suite à une opinion du Vérificateur général du Québec. Donc, parfois, nous trouvons que ses opinions sont pertinentes et nous en tenons compte dans l'élaboration de nos lois.

Le projet de loi n° 168 favorise également la mise en place simplifiée et plus spécialisée de réponses à de nouveaux besoins de financement par la création de nouvelles filiales de placements négociés. Plus spécifiquement, ces filiales visent des entreprises qui offrent, vendent ou assurent la distribution de produits ou services financiers tels les fonds mutuels. Elles visent également la gestion de fonds ou de services reliés à la gestion de fonds, et ce, pour des sommes provenant de l'extérieur du Québec. Nous pourrons ainsi mettre à contribution l'expertise d'activités de placements développée par la Caisse pour susciter de nouveaux investissements de capitaux au Québec.

Ces nouveaux champs d'activité visent à répondre à la fois aux besoins des entreprises québécoises et aux impératifs des marchés dans lesquels elles évoluent. En effet, pour le seul secteur des fonds mutuels, le Québec représente un potentiel d'investissement de l'ordre de 75 000 000 000 $ pour les 10 prochaines années. Quoique les Québécois contribuent actuellement pour environ 21 % du marché, 38 000 000 000 $, les gestionnaires québécois ne récoltent que 4 % à 5 % du marché canadien et 20 % du marché québécois. Au même moment, des spécialistes canadiens et américains s'intéressent agressivement au marché du Québec, ce qui ne peut qu'accentuer la gestion de fonds québécois à l'étranger et ce qui profite au développement de sociétés autres que le Québec avec des fonds québécois.

Le projet de loi permet donc à la Caisse, à l'égard des fonds mutuels, d'investir dans des sociétés québécoises gestionnaires de services financiers pour appuyer leur démarrage, leur croissance ou des projets spécifiques tels la création de produits ou le développement de nouveaux marchés. Tout en demeurant à l'intérieur de son rôle d'investisseur par son appui, la Caisse favorise la canalisation des épargnes québécoises dans des sociétés québécoises. Elle suscite aussi de nouveaux investissements de capitaux de l'extérieur du Québec au Québec.

Une autre illustration de cette volonté de dynamisation du marché québécois et du pôle d'attraction de Montréal comme place financière est la gestion de fonds ou l'exercice d'activités de placement ou de services reliés à des activités de placement: gestion du risque, calcul du rendement, répartition d'actifs. On vise notamment des caisses de retraite de l'extérieur du Québec. Dans les projets déjà amorcés pour réaliser ces objectifs, la Caisse cible et cherche à attirer par son expertise, sa notoriété, des fonds qui seraient autrement gérés ailleurs.

Précisons que les placements négociés constituent à la fois un investissement et un partenariat avec des entreprises. C'est par cette activité que la Caisse veut intensifier et contribuer activement au projet Contribution à l'essor économique du Québec. C'est pourquoi le projet de loi intègre, à l'égard des placements négociés déjà existants, la possibilité de réaliser des investissements par le biais d'actions cotées en Bourse ou de participation au capital. On précise en même temps que les portefeuilles de ces filiales ne sont pas visés par des limites établies avant leur création pour chaque investissement réalisé.

Depuis sa création, en juin 1995, cette structure a permis de réaliser des investissements de l'ordre de 2 400 000 000 $, dépassant largement l'objectif prévu à l'époque, qui était de 1 600 000 000 $. Au 30 juin 1997, le Groupe Participations Caisse avait des participations dans plus de 300 entreprises et son portefeuille se chiffrait à cette date à plus de 4 400 000 000 $.

Autre nouveauté amenée par notre projet de loi pour favoriser ces activités de placements négociés, c'est celle de donner à la Caisse la possibilité de détenir un niveau de participation dans les entreprises qui rencontrent autant leur besoin de financement que le risque lié aux montants investis. Tout en conservant le principe d'une limite d'investissement de 30 % des actions ordinaires d'une personne morale pour les placements de type grand marché, où par essence l'horizon d'investissement est plus court et plus liquide, le projet de loi précise certaines circonstances de placements négociés. Ces circonstances sont liées à l'équation investissement-risque. On peut penser notamment au démarrage, prédémarrage de projets de haute technologie ou financement de projets d'acquisition. Les principes de régie d'entreprises adoptés par la Caisse favorisent une représentation proportionnelle des actionnaires au conseil d'administration d'une entreprise.

La Caisse a toujours respecté le principe lié au contrôle de l'opérateur fondateur. Force est d'admettre cependant que dans certaines circonstances les actionnaires doivent s'assurer de l'expertise de l'équipe de direction, puisque la rentabilité ou même la survie de l'entreprise en dépendent. Cela se retrouve particulièrement dans le secteur des technologies ou de la biotechnologie où les génies de recherche et développement qui ont conçu une technologie ou un produit doivent opérer une transition vers la commercialisation. Ils doivent également s'assurer de l'expertise pointue et requise s'ils ne la possèdent ou ne la développent eux-mêmes, et ce, au moment approprié. Un niveau de participation adéquat, et donc supérieur à 30 %, est également requis dans le cas de restructuration d'entreprises.

(17 heures)

C'est pourquoi, tout en créant l'ouverture, le projet de loi qui est devant nous établit que le conseil d'administration de la Caisse devra établir des balises à l'application de la disposition proposée et que le rapport annuel de la Caisse devrait identifier ces investissements.

Le projet de loi ajuste certaines limites de placement en remplaçant des pourcentages par un principe de gestion prudente et raisonnable pour les immeubles et hypothèques et la politique de placement en actions. On poursuit ainsi l'approche amorcée en 1992, intégrant cette notion à l'égard des placements en actions. Il constitue également le coeur des pouvoirs de placement du nouvel Office d'investissement du Régime de pensions du Canada créé par le gouvernement du Canada et avec lequel la Caisse devra traiter. Vous savez que le gouvernement du Canada va imiter ce que le gouvernement du Québec a fait au cours de la Révolution tranquille et va se créer, lui aussi, une caisse qui aura à peu près les principes que nous sommes en train d'appliquer à notre propre Caisse de dépôt.

Par ailleurs, plusieurs dispositions spécifiques de notre projet de loi visent à répondre à des commentaires du Vérificateur général ou à des rapports qu'il a faits. Ce projet de loi propose des ajustements du libellé de dispositions ayant permis la réalisation de placements, notamment à l'égard de la notion d'exploitation sous-jacente à l'acquisition, par exemple, de vignobles et à l'exploitation de ressources minérales, pétrolières ou gazières par l'entremise de tiers. Cette notion est reprise de façon générale pour s'assurer que la Caisse exerce toute activité ou opération qui permet de protéger ou de favoriser la valeur d'un placement. Elle vise aussi à en tirer le meilleur rendement financier possible.

Finalement, sur le plan administratif, le projet de loi change la date du dépôt du rapport annuel de la Caisse à l'Assemblée du Québec du 30 mars au 15 avril. Cet ajustement tient compte de l'ensemble des nouvelles données à y inclure et facilitera les travaux de vérification annuels du Vérificateur général dont l'échéancier est serré, notamment en fonction des données des filiales à consolider.

Par ailleurs, on précise qu'au moins sept membres du conseil d'administration sur neuf doivent résider au Québec, autant pour assurer la représentation du conseil de la Caisse que pour tenir compte de la multitude de ses activités. La Caisse pourra aussi bénéficier de l'apport de son réseau d'affaires au bénéfice de la performance de la Caisse et au profit de ses déposants et de tous les Québécois.

Vous voyez donc, M. le Président, que ce que ce projet de loi vise est de garder la Caisse dans le courant des grands bouleversements qui ont affecté le marché des capitaux au cours des dernières années. Tout le monde a entendu parler d'un rapport très méritoire fait par un homme qui a la patience des anciens moines bénédictins quant aux recherches qu'il fait en matière d'épargne. Je parle de Rosaire Morin, le directeur de l' Action nationale . Rosaire Morin a fait des recherches intéressantes auxquelles le gouvernement s'est modestement associé en subventionnant la recherche de M. Morin. M. Morin est arrivé à des conclusions que, je le dis d'entrée de jeu, le gouvernement ne partage pas, puisqu'il propose des approches beaucoup plus autoritaires, si je puis dire, et beaucoup moins conformes – en tout respect pour M. Morin – à la pensée économique contemporaine. Je lisais hier que M. André Marsan, un analyste financier bien connu qui a réussi dans le monde des capitaux à Montréal, prenait la métaphore suivante de l'institutrice qui demande à un élève: S'il y a cinq oiseaux sur un fil téléphonique et qu'on en tire un, combien en reste-t-il? Et l'écolier a répondu avec sagacité: Il n'en reste aucun parce que le coup de feu fait partir les autres. On peut en tuer un, mais les autres s'en vont. Alors, M. Marsan prenait cette figure pour dire que le marché des capitaux ne se mène pas tambour battant ou à coups de mesures autoritaires.

Alors, ce qu'on fait avec la loi de la Caisse fait partie de la panoplie de mesures non autoritaires pour permettre à une de nos grandes institutions de s'inscrire mieux dans le marché actuel des capitaux de façon à consolider son action, consolidant ainsi Montréal comme place financière, de façon à lui donner des rendements supérieurs, puisque nous sommes tous et toutes les rentiers qui profiteront de l'action de la Caisse de dépôt et placement, et pour donner l'exemple aussi d'une gestion moderne.

Le problème soulevé par Rosaire Morin, ce n'est pas tellement que notre économie manque de capitaux. On le voit, on est dans des années de croissance vraiment assez exceptionnelles. Il n'y a pas de projets, au Québec, qui manquent de financement, la moitié du capital de risque au Canada, grâce en particulier à l'action de la Caisse, est au Québec et toute une pléthore de fonds publics, privés, associatifs sont disponibles pour les projets. En plus, l'étranger investit énormément au Québec, de sorte que, de facto, le Québec est un importateur net de capitaux. Il en rentre plus qu'il en sort, et quand il en sort, à cause des dividendes qu'ils nous ont payés, il en revient, évidemment; c'est dans la nature des choses. Quand un Québécois, à travers un courtier torontois, place de l'argent, les intérêts reviennent quand même chez lui, même si l'argent est investi à Toronto ou en Indonésie, soit dit en passant. Même si on est importateur net, il y a, dans ce qu'a dit Rosaire Morin, une vérité qui doit nous faire réfléchir. La gestion de tout cet argent est très créatrice d'emplois. Il y a beaucoup d'hommes et de femmes, dans les grandes métropoles financières – à New York, c'est par centaines de milliers – qui gagnent leur vie justement à gérer l'épargne des autres. Et si une partie notable de nos épargnes est gérée ailleurs, bien, on se prive non pas, je le redis encore une fois.

Et ça, c'est bien expliqué par les analystes: M. Claude Picher, qui a d'excellents articles sur la question; M. Miville Tremblay, qui connaît bien la question et qui a écrit un livre, d'ailleurs, sur les mouvements de capitaux. Ils vont tous dans le même sens, y compris l'ancien premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, qui faisait le débat justement avec M. Marsan, à l'École des hautes études commerciales. Tout le monde sait bien que ces flots de capitaux sont dans la nature des choses et qu'il en entre et qu'il en sort.

Mais, pour diverses raisons, depuis 1950, Montréal a perdu beaucoup de son importance comme place financière, malgré une bataille quand même énergique qui est faite par la Bourse de Montréal, qui est faite au sein des centres financiers internationaux. Mais, au cours des 10, 12 dernières années – c'est surtout ça que le rapport de M. Rosaire Morin met en lumière – dès que les fonds mutuels sont devenus populaires comme ils l'ont été, on a assisté à un déplacement de la gestion des épargnes d'un très grand nombre de Québécois et de Québécoises vers Toronto, voire d'autres villes. Et je l'ai dit, en faisant allusion à un geste du Mouvement Desjardins dans l'étude d'un projet de loi antérieur à aujourd'hui, le Mouvement Desjardins lui-même n'a pas été totalement exemplaire en cette matière. Les fonds de pension des travailleurs et des travailleuses de divers secteurs, secteurs hautement syndiqués, n'ont pas été exemplaires en cette matière. Je dois dire que les dirigeants des syndicats québécois m'ont assuré d'une action déjà commencée pour sensibiliser leurs gestionnaires de fonds de pension aux réalités évoquées par le rapport Morin.

Et le gouvernement mettra en place un série de mesures toutes compatibles avec l'économie de marché et la liberté des investisseurs, une série de mesures pour corriger certains déséquilibres qui doivent l'être. Et, parmi ces mesures, il y a sûrement la modernisation, la souplesse dans la prudence de gestion accompagnant le projet de loi de la Caisse de dépôt et placement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de parler, en fin d'après-midi, sur le projet de loi n° 168 modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Je m'excuse à l'avance auprès du ministre des Finances de ne pas lui faire le plaisir ou de lui gâcher un peu le plaisir qu'il a eu ce matin en lisant La Presse et en regardant le titre qu'il a pu voir à l'égard de la Caisse de dépôt et placement. J'ai lu le même article. Toutefois, j'ai eu une approche un peu différente...

Une voix: Conseil du patronat.

M. Chagnon: Conseil du patronat. J'ai dit quoi?

Des voix: Vous avez dit la Caisse de dépôt.

M. Chagnon: Lapsus linguae.

Une voix: Bien, ce n'est pas la même chose.

(17 h 10)

M. Chagnon: En ce qui concerne le Conseil du patronat, lorsque je lisais: «Sa gestion des finances publiques – parlant du gouvernement – nous plaît beaucoup», je suis obligé de vous dire, M. le ministre, que je ne sais pas ce que le président avait fumé avant de faire cette déclaration, s'il a bien fait cette déclaration, mais c'est exactement le contraire qu'il est venu nous dire à notre caucus. Et j'ai des témoins ici, qui sont mes collègues. Et j'ajouterai en plus de ça que, questionné sur cette volonté d'avoir un déficit zéro en l'an 2000, tout le monde, les membres du Conseil du patronat et nous aussi, sommes d'accord avec l'objectif. Mais les membres du Conseil du patronat et nous considérons que, compte tenu de ce que le Vérificateur général a dit, personne ne croit le ministre des Finances lorsqu'il parle de son déficit zéro en l'an 2000. On sait que son déficit de l'an dernier, de 2 200 000 000 $, est effectivement un déficit de 3 700 000 000 $, parce qu'il y a 1 500 000 000 $, découverts par le Vérificateur général, envoyés dans des fonds spéciaux, cachés de son budget, et ça, le Conseil du patronat l'a remarqué.

Le Conseil du patronat a demandé d'avoir un déficit zéro pour l'an 2000, mais il y a une condition que le ministre des Finances n'a pas évoquée et qu'ils nous ont donnée. Ils nous ont dit: Le déficit zéro pour l'an 2000, oui, mais à la condition que ça ne se fasse pas par augmentation de la taxation.

Malgré toutes les promesses du premier ministre, malgré les promesses du député de Verchères, malgré les promesses de n'importe qui dans ce gouvernement-là, au moment où on se parle, M. le Président, le projet de loi n° 161, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, qui est présentement en commission parlementaire, ici, va faire en sorte d'augmenter nos taxes pour au-delà de 1 000 000 000 $.

Le projet de loi n° 173, Loi instituant le fonds spécial de financement des activités locales et modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, qui est devant nous encore aujourd'hui va faire en sorte de pelleter 375 000 000 $ dans la cour des municipalités. 1 500 000 000 $ d'augmentation d'impôts, et ça, le Conseil du patronat nous a dit que c'était absolument injustifiable, absolument injustifiable.

Le Conseil du patronat nous a dit aussi qu'il trouvait absolument malsain non seulement que le ministre des Finances ne consolide pas ses états financiers de façon à cesser de cacher, par le biais de ses fonds spéciaux, 1 500 000 000 $ de déficit supplémentaire à son budget de l'an dernier, mais il nous a dit aussi: On voudrait faire en sorte que l'on cesse de forcer les hôpitaux à gérer des déficits qui s'accumulent année après année et qui vont finir, cette année, par être de l'ordre de plus de 575 000 000 $; faire en sorte que les universités ne soient plus obligées de gérer des déficits, forcées par le gouvernement de faire des déficits d'au-delà de 250 000 000 $; faire en sorte que les commissions scolaires, que les cégeps ne soient plus endettés comme ils le sont, forcés de l'être par le gouvernement qui camoufle son déficit dans les hôpitaux, dans les commissions scolaires, forçant ces dernières à augmenter leurs taxes, dans les municipalités, forçant ces dernières à recevoir 375 000 000 $ de dépenses du gouvernement du Québec, partie de son déficit, et finalement masquant la réalité financière du Québec. C'est cela que nous a dit le Conseil du patronat lorsqu'il nous a rencontrés, et je tenais quand même à le souligner, même si cela peut déplaire au député de Verchères.

M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous, le projet de loi n° 168 concernant la Caisse de dépôt, a essentiellement cinq volets.

Le premier volet: la Caisse n'aura plus à limiter ou à se limiter à 40 % de parts d'actions dans son actif total. On sait, grosso modo, que la Caisse de dépôt à un actif de 60 000 000 000 $, 62 000 000 000 $. La Caisse, au moment où on se parle, ne peut pas avoir plus de 40 % de son actif, c'est-à-dire 40 % de 60 000 000 000 $, 24 000 000 000 $, dans un portefeuille d'actions. La Caisse nous demande: Levez-nous cette limite.

Deuxième volet: la Caisse nous demande, sur ses neuf administrateurs, d'avoir la possibilité d'en nommer deux hors Québec.

Troisième volet: la Caisse demande de pouvoir détenir plus de 30 % des actions ordinaires d'une société.

Quatrième volet: la Caisse cherche à étendre ses activités de nature immobilière, particulièrement ses activités de nature immobilière, à l'extérieur du Québec et même du Canada.

Cinquième volet: création de nouvelles filiales. La Caisse demande de pouvoir créer de nouvelles filiales, et cela, semble-t-il, agrée au ministre des Finances.

Mais il y a un sixième volet, M. le Président, qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi et qui, pour nous, nous apparaîtrait essentiel pour faire en sorte que ce projet de loi soit voté rapidement. La Caisse, qui se veut de plus en plus libre, n'est certainement pas imputable aux membres de cette Assemblée. Pour nous, ça demeure absolument important, essentiel, que la Caisse de dépôt devienne imputable à cette Assemblée. Le Vérificateur général du Québec, nommé par cette Assemblée, s'est vu contraint de sortir de la Caisse de dépôt dans laquelle il aurait voulu faire une vérification d'optimisation des ressources. Le ministre des Finances, le premier ministre ont empêché le Vérificateur général de faire une vérification d'optimisation des ressources à la Caisse de dépôt.

En fait, on se trouve dans la situation où le premier ministre et le ministre des Finances ont empêché l'Assemblée nationale, les membres de l'Assemblée nationale d'avoir le maximum d'information sur la gestion de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le premier ministre et le ministre des Finances. Il nous apparaît absolument essentiel dans ce projet de loi que la Caisse soit forcée d'être visitée par le Vérificateur général pour qu'il puisse y faire une vérification d'optimisation des ressources non seulement à la Caisse, mais dans l'ensemble de toutes les filiales créées par la Caisse, malgré sa loi constituante actuelle.

M. le Président, la Caisse ne veut pas recevoir le Vérificateur général pour des fins d'une vérification d'optimisation des ressources. Le Vérificateur général, qui est le chien de garde de l'Assemblée en matière de finance, en matière de gestion, voici ce qu'il nous dit en page 193 du dernier mémoire, du dernier tome, tome II, du rapport à l'Assemblée nationale pour l'année 1996-1997. Je vais vous le lire:

«Conformité avec la loi – la Caisse de dépôt et placement du Québec – la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec autorise la Caisse, compte tenu de certaines restrictions, à faire des placements, des opérations financières et des prêts. Depuis quelques années, nous sommes en désaccord – c'est le Vérificateur général qui parle, le Vérificateur général dit – nous sommes en désaccord avec la Caisse quant à l'interprétation qu'elle fait de certains articles de cette loi. À cause de ses interprétations de la loi ou de son recours à des montages financiers, la Caisse fait ou pourrait faire indirectement ce qu'elle ne peut faire directement.

«Notre rapport de l'an dernier faisait état de quatre cas qui nous amènent à conclure ainsi. Ces situations, dont voici un bref rappel, qui sont toujours d'actualité: premièrement, le recours à un montage financier met la Caisse en situation de détenir, par l'entremise d'une filiale en propriété exclusive, 50 % des droits dévolus aux actions ordinaires de deux personnes morales exploitant un commerce alors que la loi fixe une limite à 30 % de tels placements.» Le ministre dit: On va changer la loi, puisque la Caisse est dans l'illégalité. Le Vérificateur général nous dit: La Caisse est dans l'illégalité, la Caisse ne répond pas à ce que la loi dit. Le ministre des Finances dit: Bien, on va changer la loi de la Caisse. Qui mène ici? La Caisse ou le ministre des Finances?

«L'interprétation que la Caisse fait de sa loi en ce qui concerne le contrôle de la limite d'investissements en immeubles, en hypothèques et en actions de compagnies immobilières l'amène à exclure le coût des immeubles qu'elle possède par l'entremise de ses filiales.» En deux mots, il y a des possibilités de camouflage. Elle ne camoufle peut-être pas, mais il y a des possibilités de camouflage. Il y a des données, il y a des informations financières que les membres de l'Assemblée nationale ne peuvent pas avoir parce que le Vérificateur général ne peut pas faire son job dans les filiales de la société d'État.

«En confiant l'exploitation de ses ressources pétrolifères à un mandataire auquel elle peut dicter une façon de faire, plutôt qu'à un tiers indépendant assumant seul les risques, la Caisse ne respecte pas, à notre avis, sa loi constitutive.» Et cela est tellement vrai qu'on va le changer dans la loi qui est devant nous. Donc, la Caisse a pris les devants. Avant que sa loi soit changée, selon ce que le Vérificateur général nous dit, la Caisse a pris les devants. La Caisse a dépassé les limites de juridiction qu'elle avait, les limites de sa loi constitutive, et cela, depuis fort longtemps, alors nous allons changer la loi pour permettre à la Caisse ce qu'elle n'avait pas le droit de faire.

«Cette année, un autre cas s'ajoute à la liste – encore le Vérificateur général qui parle. En effet, la Caisse, par l'entremise d'une filiale en propriété exclusive, détient des actions ordinaires et des actions privilégiées dans une personne morale qui exploite un commerce. Les actions privilégiées comportent, au même titre que des actions ordinaires, des droits aux dividendes et au partage du reliquat. Par ailleurs, la convention unanime d'actionnaires leur confère également le droit de vote: que les deux actionnaires détiennent des actions ordinaires ou privilégiées, la convention accorde à chacun d'eux le droit de nommer 50 % des administrateurs et elle exige leur vote affirmatif pour adopter toute résolution concernant les matières spéciales énumérées dans cette convention. Ces matières spéciales visent tous les éléments essentiels du contrôle d'une compagnie.

(17 h 20)

«Lorsqu'une convention unanime d'actionnaires accorde ainsi aux détenteurs d'actions privilégiés – déjà assorties, au même titre que les actions ordinaires, du droit au dividende ainsi qu'au partage du reliquat des biens de l'entreprise au moment de sa liquidation – un droit de vote à toutes fins utiles identique à celui des porteurs d'actions ordinaires, ces actions ne sont privilégiées que de nom et elles doivent être considérées comme des actions ordinaires au sens que leur donne la loi constitutive de la Caisse.

«À cause de ce montage financier, la filiale de la Caisse détient, dans les faits, 50 % des droits et des pouvoirs normalement dévolus aux détenteurs des actions ordinaires. Un tel placement ne peut être détenu par une filiale de la Caisse, puisqu'il n'est pas conforme à la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

«D'ailleurs, une réserve concernant la conformité de ce placement a été ajoutée au rapport du Vérificateur général sur les états financiers de la filiale en propriété exclusive de la Caisse, Sofinov Société financière d'innovation inc., pour l'exercice terminé le 31 décembre 1996.» On apprenait aujourd'hui qu'on va doubler les montants investis dans Sofinov. M. le Président, je reviendrai sur les filiales de la Caisse.

Je reviens sur le premier volet de ce projet de loi. La Caisse n'aura plus à limiter à 40 % sa part d'actions, la part d'actions de son actif. Je disais, tout à l'heure, quelque chose comme 24 000 000 000 $ sur 60 000 000 000 $ d'actif à la Caisse. Nous sommes tout à fait d'accord avec cette position. Nous trouvons même que cela aurait pu être changé il y a quelques années. Si je prends, par exemple, le fonds de retraite des enseignants de l'Ontario, Teachers' fund, il a, au moment où on se parle, à peu près 72 % de son portefeuille en actions. Alors, il est évident que des portefeuilles comme ceux de la Caisse de dépôt et placement se doivent de dépasser 40 % de leur actif en parts d'actions.

Deuxième volet. La Caisse demande qu'on modifie non pas son nombre d'administrateurs, mais qu'on qu'on permette à la Caisse de pouvoir avoir des administrateurs hors Québec. Je ne comprends pas exactement ce pourquoi la Caisse demande cela mais, si la Caisse le veut, on ne s'y objectera pas.

Troisième volet. La Caisse pourra détenir plus de 30 % des actions ordinaires dans une société. Ça, M. le Président, on trouve que c'est dangereux, que ce n'est pas le rôle de la Caisse que de devenir administrateur de sociétés. En acceptant l'article tel que libellé dans le projet de loi, on pourrait permettre à la Caisse de devenir propriétaire à 100 % des actions ordinaires de n'importe quelle société, n'importe quelle société qui n'est pas en actions publiques, qui n'est pas en bourse, et cela, ce n'est pas le rôle de la Caisse que de prendre l'ensemble des risques de chacune de ces sociétés. Ce n'est pas non plus le rôle de la Caisse que de devenir administrateur d'une kyrielle de sociétés, et cela, nous allons nous y opposer.

La Caisse cherche à étendre ses activités de nature immobilière hors Québec. Nous voyons un danger très grand à cette vue, de faire en sorte de développer du marché immobilier hors Québec, hors Canada, même hors Amérique du Nord. Lorsqu'on a des investissements, comme c'est le cas actuellement en Pologne, lorsqu'on parle de nous en faire faire au Viêt-nam nous disons tout de suite, M. le Président: Nous ne pensons pas qu'il soit sain que la Caisse de dépôt prenne des risques comme ceux-là avec le fonds de pension de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, qui sont en majorité des employés de l'État. Les risques pris dans l'immobilier au Viêt-nam et en Pologne sont des risques qui sont trop grands pour une organisation comme notre Caisse de dépôt. Quand vous avez construit un immeuble à Gdansk, ou à Varsovie, ou à Hanoi, à Hô Chi Minh-Ville, vous ne pouvez pas partir avec, c'est clair. C'est un risque qui est trop grand, à notre avis, dans le secteur de l'immobilier, et, même si la Caisse cherche à étendre ses activités dans le secteur de l'immeuble, nous ne jugeons pas qu'il soit exactement sain pour la Caisse de le faire.

Quant à la capacité de la Caisse de créer de nouvelles filiales, bien, là encore, M. le Président, nous avons des réserves, des réserves qui sont importantes parce que, si l'on regarde la liste des filiales déjà créées par la Caisse, vous allez être surpris d'apprendre qu'il y en a plusieurs. Je vais vous les nommer. Que la Caisse soit obligée en plus de demander la permission ou la possibilité de pouvoir créer une nouvelle filiale dépasse un peu l'entendement.

La Caisse de dépôt et placement du Québec a les filiales suivantes: 1857-2800 Québec inc., ne me demandez pas ce qu'ils font, cette société-là ne peut pas être vérifiée par le Vérificateur général; 2742-8069 Québec inc., ne me demandez pas ce qu'ils font, cette société-là ne peut pas être vérifiée par le Vérificateur général; 2742-8077 Québec inc., encore une fois, non vérifiée par le Vérificateur général; 2742-8627 Québec inc., non vérifiée par le Vérificateur général; 9037-8423 Québec inc., non vérifiée par le Vérificateur général; Cadev inc., non vérifiée par le Vérificateur général; Cadim inc., vérifiée par le Vérificateur général; centre commercial Van Horne inc., non vérifiée par le Vérificateur général; centre d'achats Fiesta ltée, non vérifiée par le Vérificateur général; Ivanhoé Capital LP, non vérifiée par le Vérificateur général; Ivanhoé Equities LP, non vérifiée par le Vérificateur général; Ivanhoé Equities II LP, non vérifiée par le Vérificateur général; Ivanhoé Equities III LP, non vérifiée par le Vérificateur général; Ivanhoé inc., non vérifiée par le Vérificateur général; Ivanhoé II inc., non vérifiée par le Vérificateur général; Ivanhoé III inc., non vérifiée par le Vérificateur général; Les Immeubles PenYork I inc., non vérifiée par le Vérificateur général; Les immeubles PenYork II inc., non vérifiée par le Vérificateur général. PenYork Properties inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Accrington inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Belgique inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ bureaux inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Chelmsford inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ commercial inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ E.U. inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Finances, non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Holdings (U.S.) inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Hôtels inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ industriel inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ international inc., non plus vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Kirkcaldy, non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Mansfield, non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Mexique inc, non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ placements inc., non plus vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Ulster inc., non vérifiée par le Vérificateur général; SITQ Vancouver inc., non vérifiée par le Vérificateur général; la Société immobilière de Pologne, non vérifiée par le Vérificateur général; la Société immobilière Trans-Québec inc., non vérifiée par le Vérificateur général; la Société immobilière Trans-Québec II inc., non vérifiée par le Vérificateur général; Western Favell (Québec) inc., non vérifiée par le Vérificateur général.

(17 h 30)

Ce que le Vérificateur général a pu vérifier, M. le Président, ces quelques sociétés sont les suivantes: 2318-4518 Québec inc. a été vérifiée par le Vérificateur général; Capital CDPQ inc. a été vérifiée par le Vérificateur général; Capital communications CDPQ inc., Capital d'Amérique CDPQ inc., Capital international CDPQ inc. ont été vérifiées par le Vérificateur général ainsi que Sofinov, Société financière d'innovation inc. Donc, six sociétés ont été vérifiées par le Vérificateur général. Il y en a à peu près 35, 40 qui ne l'ont pas été. Puis la Caisse de dépôt vient nous demander: Donnez-nous donc la chance de pouvoir faire d'autres filiales pour qu'on puisse avoir d'autres activités qui ne seront pas vérifiées par le Vérificateur général, pour qu'on puisse ni plus ni moins, dans le fond, cacher encore un peu plus d'activités financières aux membres de cette Assemblée nationale.

M. le Président, nous pensons, nous croyons fermement que la Caisse de dépôt devrait avoir l'obligation de recevoir le Vérificateur général pour faire l'ensemble de la vérification et, si le Vérificateur général le juge à propos, une vérification d'optimisation des ressources.

C'est pour cela que nous croyons que ce projet de loi devrait être divisé et devrait permettre d'abord de lever la limite de 40 % de la part d'actions dans l'actif de la Caisse de dépôt. Mais toutes les questions touchant l'immobilier devraient être regardées plus longuement, devraient être scrutées davantage et devraient permettre au ministre des Finances de prendre plus de temps pour regarder véritablement ce que la Caisse de dépôt cherche à faire, cherche à avoir.

Mais, finalement, nous croyons fermement que dans ce projet de loi, ou par commande, par exigence, je dirais, du gouvernement, la Caisse de dépôt devrait recevoir le Vérificateur général pour faire une vérification d'optimisation des ressources. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marguerite-D'Youville. Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville, je vous cède la parole.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Avant d'aborder le fond du projet de loi n° 168, je me dois de relever certaines affirmations que faisait mon collègue de Westmount dans son introduction lors de son intervention. Il a fait allusion à certaines règles de comptabilité sur lesquelles s'interroge le Vérificateur général; ces règles sont en fonction depuis au moins 17 ans. Et lorsque le député de Westmount insinue qu'en appliquant à la lettre ces normes que préconise le Vérificateur c'est un déficit de 1 000 000 000 $ de plus qu'aurait dû enregistrer le gouvernement du Québec, je ne puis que lui rappeler que, si les mêmes règles s'étaient appliquées sous le régime libéral, ce n'est pas un déficit de 6 000 000 000 $, déficit record, que nous aurait laissé l'administration libérale en 1994, mais plutôt un déficit record de l'ordre de 9 000 000 000 $ à 10 000 000 000 $. Alors, je pense qu'il faut quand même mettre les choses en perspective et comparer des oranges avec des oranges et des pommes avec des pommes.

Ceci étant dit, il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 168, parce qu'il y a quelques mois la commission des finances publiques de l'Assemblée nationale établissait un précédent en recevant pour la première fois depuis 30 ans le président-directeur général de la Caisse de dépôt. Se profilait à ce moment-là en filigrane le projet de loi n° 168, puisque nos échanges avec le P.D.G. de la Caisse avaient porté presque essentiellement sur les éléments qui font partie du projet de loi. Les discussions que nous avions eues à ce moment touchaient, entre autres, le rôle de la Caisse, à savoir: Est-ce que la Caisse devrait maintenir sa double mission, c'est-à-dire d'assurer un rendement optimal aux Québécois tout en maintenant son rôle de moteur dans l'économie québécoise? Les opinions étaient partagées, mais, de ce côté de la Chambre, nous étions d'avis que la Caisse devait viser à maximiser ou à optimaliser son rendement tout en maintenant sa présence importante et significative dans l'essor économique du Québec. Et je me réjouis de voir aujourd'hui que le projet de loi n° 168 entérine cette double mission de la Caisse et la consigne dans un projet de loi pour les années à venir.

Cette décision est d'autant plus sage que, comme le soulignait tout à l'heure le ministre des Finances, le gouvernement fédéral lui-même s'apprête à créer l'équivalent de notre Caisse de dépôt et placement. Ce qui me fait dire, M. le Président, qu'au fond le caractère distinct du Québec n'est pas uniquement source de dissension au Canada, mais il peut être également source d'inspiration.

Un élément qui également préoccupait les membres de la commission lors de nos échanges était le maintien d'une souplesse nécessaire pour que la Caisse puisse optimiser son mandat. Avec le déplafonnement de l'obligation de se limiter à 40 % d'actions dans son actif, le projet de loi ouvre la porte à cette souplesse. Tout à l'heure, le ministre des Finances rappelait que les gestionnaires nord-américains des fonds de retraite oscillent entre 55 % et 70 % d'actions.

Il y a plus que cela. Je vous indiquerai que 98 % de l'ensemble des caisses de retraite ont plus d'actions que la Caisse de dépôt et que 91 % de l'ensemble des caisses de retraite ont moins d'obligations que la Caisse. Cette mesure a bien sûr suscité également des discussions. Je dois vous avouer que j'étais de ceux qui au départ voyaient d'un oeil assez sceptique ce déplafonnement de 40 % d'actions de la part de la Caisse, mais, en rétrospective et en examinant l'évolution du marché de même que les tendances économiques qui se profilent à l'horizon, les craintes que j'avais ainsi que celles de plusieurs de mes collègues se sont passablement atténuées sinon complètement dissipées.

Nos craintes venaient du fait que nous étions conscients du besoin de maximiser le rendement de la Caisse, mais évidemment tout en minimisant le risque associé à l'optimisation ou à la maximisation de ce rendement. On sait tous que les actions sont plus risquées; d'ailleurs, si on regarde sur une base de 25 ans la performance des actions par rapport aux obligations, on s'aperçoit – et je parle, par exemple, de 1969 à 1993 – qu'à toutes fins pratiques le rendement nominal des obligations à long terme était de 9,83 % alors que celui des actions américaines était de 11,58 %, donc supérieur d'environ 2 %, alors qu'en actions canadiennes c'était de l'ordre de 9,89 %. C'est donc dire que, sur une base de 25 ans, à toutes fins pratiques, le rendement nominal des actions et des obligations, l'écart n'était pas significatif. Alors, on s'interrogeait, on se posait la question: Puisque sur une base à long terme l'écart n'est pas significatif, pourquoi prendre davantage de risques en débloquant sur la possibilité pour la Caisse d'augmenter son portefeuille d'actions?

(17 h 40)

Ces craintes, également, ont refait surface, pour ainsi dire, lorsque les marchés financiers, les marchés boursiers asiatiques ont vécu les soubresauts que l'on a connus au cours des dernières semaines. Alors, encore une fois, ceux qui craignaient que les investissements en actions de la Caisse augmentent le risque de leur portefeuille s'en trouvaient quelque peu alimentés. Sauf qu'on a très bien vu comment ces marchés boursiers se sont ressaisis et comment on a réussi à limiter et à tempérer l'effet de ces soubresauts sur les marchés asiatiques dans nos propres marchés nord-américains ou européens.

Autre préoccupation que nous avions, c'est que le portefeuille obligataire de la Caisse est très important – il est de l'ordre de 28 000 000 $ – et que la Caisse a un rôle essentiel dans l'achat, dans la liquidation et dans le maintien de la stabilité des titres du gouvernement du Québec. 63 % du portefeuille obligataire de la Caisse est constitué d'obligations du Québec, 31 % d'obligations du Canada et 5 % d'obligations étrangères. D'autre part, la performance de la Caisse, qui est très respectable et qui a été vantée par, je pense, la plupart des observateurs de la scène financière, au cours des 10, 15 dernières années, est très fortement tributaire du marché obligataire, et, à cet effet, j'aimerais, pour le bénéfice des collègues, rappeler que, sur une base de 10 ans, les placements obligataires de la Caisse ont eu un rendement assez impressionnant, si je les compare, par exemple, à ceux de ScotiaMcLeod et de la médiane Sobeco. La Caisse non seulement a affiché un rendement supérieur à celui de ScotiaMcLeod, mais se situe légèrement au-dessus également de la médiane Sobeco. Donc, la Caisse ayant si bien performé sur une période de 10 ans grâce à ses placements obligataires, on pouvait, on était en droit de s'interroger sur la pertinence ou la sagesse de déplafonner le montant d'actions que la Caisse pouvait posséder, puisque ce rendement était satisfaisant avec un minimum de risque associé à ce portefeuille.

Je disais tout à l'heure, M. le Président, que ce déplafonnement, finalement, quand on y regarde de près, non seulement n'augmentera pas le risque associé au portefeuille de la Caisse, mais, en réalité, je pense qu'il n'aura guère d'impact sur son rôle. D'abord, le projet de loi balise la souplesse qui est créée en assurant que la Caisse tiendra compte des besoins de financement du secteur public québécois dans sa politique annuelle de répartition des actifs. Comme je l'indiquais tout à l'heure, le portefeuille obligataire de la Caisse est constitué à 63 % d'actions du gouvernement du Québec, donc, à ce moment-là, avec la disposition qui est introduite dans le projet de loi, ça nous sécurise, nous, et ça peut sécuriser les Québécois que la Caisse va continuer à jouer son rôle par rapport aux titres financiers du gouvernement du Québec.

D'autre part, cet ajustement s'inscrit dans un contexte, également, de réduction des besoins d'emprunt des gouvernements en général et du gouvernement du Québec en particulier, principalement et particulièrement lorsqu'on aura atteint l'objectif du déficit zéro. Alors, pour ceux que le rôle de la Caisse comme acheteur d'obligations du Québec pouvait préoccuper, cette préoccupation se trouve atténuée du fait que, grâce à sa bonne gestion financière, le gouvernement aura de moins en moins besoin d'emprunter et pourra même, à partir de l'atteinte du déficit zéro, commencer effectivement à réduire son endettement. Donc, à ce niveau-là, le projet de loi tient compte des préoccupations qu'avaient les députés par rapport à cette dimension particulière du rôle et de la composition du portefeuille et de l'actif de la Caisse. D'ailleurs, le projet de loi répond également à l'objectif de réduire notre endettement sur les marchés étrangers. Et, à cet effet, je pense que le vice-premier ministre a bien indiqué comment nous pouvions, par les mesures qui étaient impliquées dans ce projet de loi, récupérer une partie de l'épargne des Québécois qui est acheminée à l'extérieur.

Le troisième élément que j'aimerais souligner dans ce projet de loi, c'est qu'il ajuste la performance et la gestion de la Caisse à l'évolution du marché et aux nouveaux instruments financiers. Au cours des 25 années de comparaison dont je vous parlais tout à l'heure en ce qui concerne le rendement moyen des obligations par rapport aux actions, le marché des actions était beaucoup plus limité, était beaucoup moins diversifié et beaucoup moins performant qu'il ne l'est à l'heure actuelle et qu'il ne le sera à l'avenir. Les marchés financiers sont aujourd'hui ouverts, à toutes fins pratiques, presque 24 heures autour du globe.

Les améliorations dans le domaine des communications, les nouvelles techniques de gestion et les nouvelles techniques de communications qui ont été introduites font en sorte que les marchés boursiers sont beaucoup plus volatils, comme on l'a vécu sur les marchés financiers asiatiques il n'y a pas tellement longtemps. Mais, par contre, la contrepartie, l'autre côté de la médaille, c'est que la rapidité des communications fait en sorte que nous pouvons réagir très rapidement à ces déséquilibres et à ces emportements des marchés boursiers, de sorte que je pense que nous pouvons être rassurés que des catastrophes ou des krachs boursiers comme les bourses l'ont vécu en 1929-1930 et à un moindre degré au début des années quatre-vingt ne risquent pas de se reproduire à court terme.

Le projet de loi prévoit également la possibilité d'investir dans des compagnies immobilières, dans les titres d'hypothèques et dans des garanties, dans des créances et des portefeuilles hypothécaires. C'est une trouvaille et une ouverture assez intéressante, puisqu'elle permet d'investir dans des rendements sans avoir nécessairement à assumer le risque qui vient avec la détention de l'action elle-même. Alors, à ce niveau-là, ça m'apparaît quelque chose qui est fort intéressant, qui va permettre à la Caisse de profiter des nouveaux instruments financiers qui se développent sur le marché et, par conséquent, d'augmenter son rendement.

La loi permet également la création de nouvelles filiales de placement, tels que les fonds mutuels, qui vont permettre de mettre à profit l'expertise des gestionnaires du Québec et de mettre l'épargne des Québécois au service du Québec. Le vice-premier ministre rappelait tout à l'heure que, à lui seul, le marché canadien représente un potentiel de 175 000 000 000 $ pour ces fonds mutuels. Cette disposition du projet de loi m'apparaît d'autant plus intéressante que les gestionnaires québécois – comme, d'ailleurs, l'a souligné le vice-premier ministre – à l'heure actuelle, ne récoltent que de 4 % à 5 % de ce marché et à peine 20 % du marché québécois, qui est de l'ordre d'à peu près 38 000 000 000 $.

Avec ce projet de loi, la Caisse pourra mettre son expertise et l'expertise des gestionnaires québécois au service des Québécois, non seulement au service des Québécois, mais elle pourra également aller capter de l'épargne de l'extérieur du Québec et ainsi répondre aux préoccupations qu'avait exprimées Rosaire Morin dans l'article publié dans L'Action nationale , auquel faisait référence tout à l'heure le ministre des Finances.

Cette disposition est particulièrement intéressante pour ceux d'entre nous qui se préoccupaient de cet exode de l'épargne des Québécois, puisque, si on regarde les titres financiers qui sont couverts par ces fonds mutuels et quand on regarde l'importance que prennent de plus en plus les RÉER, les Régimes d'épargne retraite, dans notre société, et que l'on considère que les RÉER, les intérêts courus sur ces RÉER, plus les régimes de pensions enregistrés, représentent pour le gouvernement du Québec un manque à gagner en termes de revenus d'environ 3 000 000 000 $ par année, c'est quelque chose d'intéressant de voir que, par la création de ces filiales de fonds mutuels, la Caisse de dépôt pourra aller chercher à l'extérieur du Québec et compenser, pour ainsi dire, un peu les sorties de fonds auxquelles Rosaire Morin et d'autres s'intéressaient.

(17 h 50)

Quant à la limite du 30 % dans les actions ordinaires des titres enregistrés en Bourse, elle est maintenue, et contrairement à ce que disait le... pour les opérations de grands marchés, c'est-à-dire les titres boursiers, elle est maintenue, le principe est maintenu, et les dispositions du projet de loi qui vont permettre à la Caisse d'exercer un contrôle administratif sur des petites entreprises en démarrage ou dans des entreprises de haute technologie qui traversent une phase difficile de commercialisation, bien, contrairement à ce que disait le député de Westmount, je pense que c'est de nature à rassurer les Québécois quant à la bonne gestion de ces entreprises et quant à la bonne gestion des rendements de la Caisse, par rapport à l'investissement dans ces entreprises, qui sont beaucoup plus risqués.

En conclusion, M. le Président, ce projet de loi n° 168 répond au double objectif de maximiser le rendement de la Caisse, tout en réduisant le risque, et de contribuer de manière significative à l'essor économique du Québec. C'est pourquoi nous l'appuierons avec enthousiasme. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marguerite-D'Youville. Il y a d'autres intervenants? Alors, M. le député d'Orford?

M. Benoit: Est-ce qu'on peut suggérer, M. le Président, d'ajourner étant donné qu'il est quelques minutes avant la fin et que nous allons de toute façon devoir revenir ce soir? Nous avons un nombre d'intervenants assez grand, alors, ça nous éviterait de commencer une présentation et d'être obligé de la reprendre après le souper.

M. Brassard: Oui, M. le Président, pas d'ajourner, mais de suspendre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ça me prend précisément justement un consentement de l'Assemblée, mais, si vous êtes d'accord, oui, nous allons non pas ajourner, mais suspendre, parce que nous reprenons, ce soir, la même séance à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise à 20 h 33)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Nous sommes dans le contexte du 80° anniversaire du restaurant Le Parlementaire, et c'est pour ça que j'ai cette tenue de 1917. Mais, ceci étant, nous allons continuer l'étude d'un principe d'un projet de loi très important, et je vous demande de prendre en considération l'article 6.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Cet habit vous sied admirablement. À l'article 6 de votre feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi? M. le député d'Orford.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Je voulais intervenir sur le principe du projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Il faut peut-être d'abord rappeler les faits un peu. La Caisse de dépôt est venue, finalement, au monde avec le Parti libéral du Québec. Il ne faut jamais perdre ça dans l'histoire. Le PQ a cette facilité d'essayer de nous dire que tout a commencé avec eux et que tout va finir avec eux. Mais faut-il encore se rappeler que la Caisse de dépôt a été une des grandes oeuvres de Jean Lesage, du peuple québécois, oui, du peuple québécois qui avait décidé de se donner un outil pour gérer les deniers publics des gens qui, dans la fonction publique, et d'autres, décidaient de faire gérer, et c'est devenu un outil très important au moment de la Révolution tranquille.

62 000 000 000 $ plus tard, une des plus grandes caisses de fonds de pension que nous avons au pays, 250 membres de personnel, plus ou moins, des gens très compétents. Il y a eu à l'occasion quelques petites histoires malheureuses, mais, au total, je pense qu'on a à se réjouir, d'abord, de cette école qui a été la Caisse de dépôt et de la qualité des gens, autant sur le conseil d'administration que des gens qui travaillent à la Caisse de dépôt.

Nous avons aussi, je pense, à nous réjouir de la performance des actifs de la Caisse de dépôt. Là aussi, oui, il y a eu des choses que nous avons entendues, il y a des questions que nous posons au ministre des Finances régulièrement. Nous allons continuer à le faire, nous allons le faire ce soir, nous allons discuter de son projet de loi, mais je pense qu'il ne faudrait pas porter ombrage à une des grandes institutions du Québec dont l'ensemble des Québécois sont très fiers.

Dans le projet de loi n° 168, j'aimerais toucher à quelques aspects en particulier dans le temps qu'il m'est permis de vous adresser la parole ici ce soir. Un des aspects de ce projet de loi: la Caisse aura maintenant la permission d'investir plus de 40 % de son capital dans du capital de risque, ce qui fera, finalement, une plus grande latitude pour les gestionnaires de fonds de la Caisse de dépôt, particulièrement dans les époques comme celle où nous vivons, où les rendements sur les marchés boursiers sont nettement supérieurs à d'autres secteurs de l'économie. Et nous savons que d'autres fonds de pension au Canada, tel que le fonds de pension des professeurs de l'Ontario, qui a des actifs très importants, ont cette permission d'être à plus de 40 %. Or, c'était peut-être souhaitable. Peut-être qu'on ne le fait pas au bon moment, d'autre part. Nous le faisons à un moment donné où les marchés boursiers sont, aux dires de plusieurs, très dispendieux, très surévalués. Mais je pense que les gestionnaires auront à décider à quel moment ils iront à plus du 30 % qu'ils étaient en ce moment.

Je rappelle au ministre des Finances, d'autre part, que, oui, la Caisse est gestionnaire de ces avoirs-là, mais ils sont d'abord et avant tout – et je n'ai pas entendu ce mot-là trop souvent dans le discours du ministre – fiduciaires de ces avoirs-là et ils en sont de grands responsables, responsables du capital, responsables du rendement et responsables de risques bien calculés, M. le Président.

J'invite le ministre des Finances à ne jamais – et je sais que ça n'a pas été le cas – se servir de la Caisse de dépôt pour des visées purement politiques. À cet égard, j'aimerais lui rappeler qu'on a appris, le lendemain du référendum, avec beaucoup de peur, avec stupeur, M. le Président... Et j'aimerais lire ce que Philippe Dubuisson, journaliste à La Presse , disait il y a quelques jours: «À entendre l'ex-premier-ministre Jacques Parizeau expliquer à quel point l'institution figurait au centre de sa stratégie post-référendaire, ou encore l'actuel numéro 2 de la Caisse de dépôt, Michel Nadeau, arguer sur la validité d'un oui à 50 % plus un vote, force est de constater que la société d'État n'est pas à l'abri ou indépendante du pouvoir politique.»

Alors, oui à lever cette barrière du 30 % dans le capital-actions, mais ne permettons pas aux dirigeants de la Caisse de devenir des outils d'un appareil politique qui n'a qu'un seul but – et les gens qui nous écoutent ici ce soir le savent, ils n'ont qu'un seul but – et depuis 1976 qu'ils ont ce seul but, de séparer le Québec du Canada. Et ils sont prêts à se servir de tous les outils, M. le Président, dont le plus important, celui de nos propres pensions. Alors, des gens ont vu clair là-dedans. M. Parizeau, qui n'est plus parlementaire, ne s'est pas caché pour le dire: Écoutez, moi, le lendemain de la souveraineté, je me serais servi de ça. Je me serais servi de ça. J'aurais essayé de stabiliser les affaires, au Québec. Alors, c'est la première chose dont je mets en garde le ministre des Finances.

Le deuxième point dont je veux parler au ministre des Finances, c'est que la Caisse, maintenant, pourra être propriétaire de plus de 30 % du capital-actions dans des placements négociés. Pour les gens qui nous écoutent ce soir, un placement négocié, c'est une entente avant finalement que les actions soient sur les marchés boursiers, et la Caisse pourrait agréer avec le vendeur des actions de la compagnie ou son intermédiaire, le courtier, d'aller à plus de 30 %.

Mais il y a un problème là aussi, M. le Président. La Caisse est un gestionnaire de fonds, est un fiduciaire de fonds, mais ne doit pas être un gestionnaire de compagnies, un opérateur de compagnies. Et, pour une rare fois, je dois dire que je suis d'accord avec le ministre des Finances qui disait il y a quelques jours dans une conférence de presse, et je le cite – et j'espère que les gens de la Caisse nous écoutent ici ce soir: «À ce sujet, le ministre Landry dit que la Caisse devra se donner des balises afin d'éviter de se retrouver dans un rôle d'opérateur. Il le faudra en effet, car, compte tenu de ses moyens financiers, la Caisse peut facilement prendre le contrôle de bon nombre d'entreprises prometteuses et en forcer la croissance.»

(20 h 40)

M. le Président, il est toujours dangereux dans un milieu où il y a beaucoup de monde, beaucoup de petites entreprises... et nous avons ce géant, géant qui fait ombrage souvent à bien du monde, il est dangereux – je ne dis pas que nous ne devons pas le faire, mais je mets la Caisse de dépôt en garde – de se servir de cet outil. Nous avons eu des cas, en commission parlementaire, questionnables, pour le moins dire. Nous avons même rappelé la Caisse de dépôt et nous siégeons maintenant en huis clos avec la Caisse de dépôt pour leur poser plein de questions sur certaines transactions. Mais, comme il y a des entreprises privées là-dedans qui ne voulaient pas être reconnues, nous l'avons fait à huis clos, M. le Président.

Or, j'invite le ministre des Finances à se rappeler qu'il est d'abord gestionnaire, fiduciaire de fonds publics mais certainement pas opérateur de compagnies; à cet effet, il devra faire bien attention. Je veux aussi rappeler au ministre des Finances qu'au fur et à mesure qu'on élargit, qu'on agrandit le rôle de la Caisse de dépôt au Québec on agrandit aussi l'importance de l'État dans le PIB. Un savant confrère du ministre des Finances nous rappelle régulièrement dans ses écrits, professeur d'université, penseur devant le Seigneur comme le ministre des Finances, il nous rappelle très souvent que...

M. le Président, je pense qu'à ce point-ci je devrais demander le quorum, si vous êtes d'accord. M. le Président, excusez-moi de vous déranger, est-ce qu'on ne devrait pas demander le quorum? M. le Président, je pense que nous devrions prendre le quorum.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous sommes actuellement 16 membres en cette Assemblée, et je rappelle que le quorum est de 13. Alors, je vous invite à continuer, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Alors, M. le Président, je rappelais au ministre des Finances que, au fur et à mesure qu'on ajoute à la taille de la Caisse de dépôt on ajoute cette portion du PIB qui vient de l'État. Alors, de savants confrères au ministre des Finances nous rappellent régulièrement que, dans les États où plus de 30 % du PIB vient de l'État, ça a un effet négatif sur la performance économique de l'État. Quand le ministre nous dit: Écoutez, nous, au Québec, on a un problème de chômage, c'est dans la structure, est-ce qu'on ne doit pas se demander si cette même structure, qu'il n'a jamais voulu définir, est-ce que ce n'est pas finalement cette ingérence de l'État à tout égard et partout? Le Parti libéral a privatisé 36 entreprises. On s'est fait chahuter pendant des mois par le PQ. Le PQ est revenu en place. Ils sont après nous remettre plein de règlements, et non seulement plein de règlements, mais ils sont après essayer de s'ingérer, encore une fois, dans toutes sortes de secteurs.

Le pire, M. le Président, c'est ce qu'on passe sous silence dans ce projet de loi. Et j'aimerais, encore une fois, lire un court passage d'un éditorial, et je pense que c'est l'aspect... «Il faut cependant grandement déplorer, dans ce projet de loi, disait cet éditorialiste, le fait que ce projet de révision de la loi de la Caisse de dépôt déposé en catimini reste muet sur l'obligation de rendre compte de ses dirigeants. La Caisse de dépôt refuse toujours obstinément au Vérificateur général, Guy Breton, d'examiner ses pratiques de gestion, son efficacité, sa performance et l'optimisation de ses ressources. À lui seul, ce fait témoigne de la nécessité de se pencher sur les mécanismes de surveillance des activités de la Caisse de dépôt. C'est plutôt au chien de garde qu'est le Vérificateur général qu'incombe la responsabilité d'examiner sous tous les angles les moindres faits et gestes de la Caisse de dépôt. Il a toutes les compétences pour jouer ce rôle au nom des contribuables.» Malheureusement, le premier ministre et le ministre des Finances refusent de faciliter l'accès à la Caisse de dépôt, et c'est préoccupant, M. le Président.


Motion de scission

Alors, M. le Président, mon temps se terminant, je voudrais maintenant dire que, de notre côté, nous sommes relativement d'accord avec ce projet de loi, mais dans la mesure où il serait scindé, ce projet de loi. Il y a des aspects, dont tout l'aspect de l'immeuble, qui est une autre affaire, et, de notre côté, je voudrais proposer cette motion de scission:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 168 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, comprenant les articles 1, 2, 6, 7, 10, 11, 13 et 15; et un deuxième intitulé Loi assouplissant certaines restrictions de la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, comprenant les articles 3, 4, 5, 8, 9, 12, 14 et 15.» Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. Alors, nous allons suspendre nos travaux pour examiner la recevabilité de la motion du député d'Orford. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, est-ce que, avant de prendre une décision, vous allez nous permettre de faire un plaidoyer sur cette question ou bien vous allez aller regarder la question et nous demander quelques renseignements avant de prendre votre décision finale? J'aimerais savoir quelle est la façon dont nous allons procéder.

Le Vice-Président (M. Pinard): À ce stade-ci, je peux peut-être recevoir une courte intervention de la part du gouvernement et également une courte intervention de la part de l'opposition. À la suite de vos interventions de part et d'autre, j'irai consulter et prendre une décision finale. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Alors, M. le Président, compte tenu de la motion qui est devant nous, est-ce que vous permettriez à ce moment-ci une courte suspension nous permettant de vérifier certaines affaires et revenir ensuite, avant que votre décision soit prise?

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous m'invitez à suspendre pendant environ combien de temps, M. le leader du gouvernement?

M. Jolivet: Une dizaine de minutes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Une dizaine de minutes. M. le député de Westmount–Saint-Louis, est-ce que vous acquiescez à la demande du leader du gouvernement?

M. Chagnon: Bien, avant que vous suspendiez, j'aimerais que vous entendiez les arguments.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je pense que le député de Westmount–Saint-Louis n'a pas compris ma question. Ma question...

Le Vice-Président (M. Pinard): Allez.

M. Jolivet: Je pense que le député de Westmount– Saint-Louis n'a pas compris ma question au président. J'ai demandé: Est-ce qu'il pourrait me permettre, compte tenu de la demande de scission, un délai de 10 minutes me permettant d'aller voir et permettre, à ce moment-là, la discussion sur le sujet avant que le président, ensuite, ne prenne sa décision?

Le Vice-Président (M. Pinard): Je préfère, et de beaucoup, vous entendre avant que je ne procède à mon délibéré, parce que, sinon, nous allons poursuivre indûment la discussion. Alors, nous... M. le député de Verdun.

M. Gautrin: ...pour permettre à l'opposition d'essayer de trouver des arguments contre...

M. Chagnon: Pas à l'opposition, au gouvernement.

M. Gautrin: Au gouvernement...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie beaucoup, M. le député de Verdun. Merci infiniment. Alors, nous allons suspendre nos travaux pendant 10 minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 49)

(Reprise à 21 h 12)


Débat sur la recevabilité

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous sommes maintenant prêts à entendre une argumentation de part et d'autre. Alors, je vous demanderais, M. le député de Westmount–Saint-Louis, de bien vouloir débuter.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Alors, M. le Président, je ne voudrais pas faire perdre le temps de cette Chambre, puisqu'il m'apparaît assez évident que l'économie de ce projet de loi nous permet de demander sa scission. Essentiellement, ce que nous plaidons ce soir, c'est de scinder le projet de loi en ses deux caractéristiques les plus importantes. D'une part, la caractéristique du projet que j'ai plaidée cet après-midi, qui est la partie la plus importante, c'est-à-dire le déplafonnement de 40 % de la possibilité de l'actionnariat à l'intérieur de la Caisse, que le 40 % des actifs de la Caisse, qu'elle puisse dépasser ce 40 % en actions, tel que prescrit dans le projet de loi.

Je dirais ensuite que les éléments qui nous permettraient de scinder le projet de loi sont essentiellement les deux autres articles qui, comme le premier, découlent de la vie courante de la Caisse, c'est-à-dire, par exemple, la possibilité d'avoir deux administrateurs de l'extérieur du Québec sur le conseil et, deuxièmement, la possibilité de décaler de 15 jours la date du dépôt du rapport annuel de la Caisse à l'Assemblée nationale, qui était inscrit dans la loi pour le 31 mars et qui serait désormais pour le 15 avril.

Ça m'apparaît faire partie, encore une fois, dans l'économie du projet de loi, des éléments qui sont ce que j'appellerais des opérations courantes de la Caisse. Le reste, tout ce qui suit, les opérations d'organisation du fonctionnement de la Caisse dans ses actions qui ne font pas partie de l'organisation courante de la Caisse, et là je pense à toute cette possibilité d'acquérir de l'immobilier à l'extérieur du Canada, c'est-à-dire d'acquérir de l'immobilier à quelque part dans le monde, on parle de la Pologne, on parle du Viêt-nam, on parle de ci, on parle de ça, de faire des filiales, d'augmenter le nombre de filiales et aussi finalement de déplafonner le 30 %, comme on l'a inscrit tout à l'heure, d'acquisition d'actions dans des sociétés, ça, ça m'apparaît faire partie d'un autre concept, un projet de loi qui pourrait être fort différent du premier. Le premier, encore une fois, devant se limiter au déplafonnement de 40 %, plus les modifications à l'organisation interne de la Caisse, c'est-à-dire son conseil d'administration et la date de dépôt de son rapport annuel. Voilà, M. le Président, ce qui m'apparaît être fondamentalement des raisons pour lesquelles ce projet de loi devrait être scindé.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le leader du gouvernement et député de Laviolette.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Bel essai de la part du député de Westmount–Saint-Louis, d'autant plus que je vous rappellerais, M. le Président, que, à chaque fois qu'on a eu des motions de scission, ça visait des projets de loi qui modifiaient plusieurs lois. Le projet qui est devant nous, le projet de loi n° 168, ne modifie qu'une seule loi. Même si le projet de loi contient plusieurs modalités, il n'y a qu'un seul principe: le pouvoir de la Caisse de dépôt et placement, qui a pour seul et unique but de faire fructifier l'argent des Québécois. Alors, si l'opposition s'était donné la peine de procéder à une lecture attentive du projet de loi, elle aurait constaté que le projet de loi n° 168 n'est constitué que d'un seul principe et non pas de plusieurs principes. Le but du projet de loi est unique et il vise uniquement les pouvoirs de la Caisse de dépôt et placement, donc, M. le Président, ce que l'on a devant nous comme projet de loi, son essence même, c'est le principe que je viens de décrire.

On a, dans nos jurisprudences, des changements qui peuvent permettre à ce moment-ci de faire une scission, mais, quand je regarde ce que l'on a devant nous... Et on va rapporter, à ce moment-là, la décision 241.3 de notre document qui est le document que vous nous présentez, M. le Président, Recueil des décisions concernant la procédure parlementaire , et on verra que la motion de scission est irrecevable puisque le projet de loi devant nous ne contient qu'un seul principe – je le rappelais, je le redis – qui a pour but de faire fructifier l'argent des Québécois. Même si le projet de loi contient plusieurs modalités, il ne faut pas nécessairement en conclure qu'il contient plusieurs principes. Parce que le but de la scission, c'est quand il y a plusieurs principes.

Alors, le projet de loi qu'on a devant nous, M. le Président, c'est une décision, en tout cas, que vous avez à prendre qui concerne le fait que le projet de loi qui est devant nous ne contient qu'un seul principe. Les deux projets de loi ne peuvent constituer deux projets de loi distincts, selon la proposition qui est faite par la motion qui est présentée devant nous, de faire un projet de loi qui comprendrait les articles 1, 2, 6, 7, 10, 11, 13 et 15 puis un deuxième que les députés libéraux voudraient nous voir placer en comprenant les articles 3, 4, 5, 8, 9, 12, 14 et 15.

Alors, je vous le redis, M. le Président, les deux projets de loi ne peuvent constituer deux projets de loi distincts, puisque le projet de loi n° 168 ne vise que la modification d'une seule loi constitutive, la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Les pouvoirs d'investissements immobiliers sont intrinsèquement liés aux pouvoirs dévolus à la Caisse de dépôt et placement dont le rôle – de la Caisse de dépôt et placement – est de faire fructifier l'argent des Québécois, et c'est le principe qui est inclus à l'intérieur du projet de loi.

Scinder ce projet de loi, M. le Président, serait illogique. Et vous allez voir, en regardant le projet de loi lui-même, que les articles 7 et 12 sont directement liés à l'article 32. Je lis l'article 7. On dit: L'article 32 de la loi est modifié... Et on voit, par rapport à ce que les députés nous proposaient tout à l'heure, par rapport aux articles 7 et 12... Je pourrais vous lire chacun des articles, M. le Président, mais je pense que vous allez le faire vous-même. Ça nous amène à dire que les articles 7 et 12 sont directement liés à l'article 32, et on ne peut scinder, en conséquence, le projet de loi.

Donc, M. le Président, nous sommes devant un projet de loi unique dont le seul et unique principe est de faire en sorte de modifier la loi de la Caisse de dépôt, tout en sachant que l'unique but recherché est de faire fructifier les argents des Québécois. Dans ce contexte-là, M. le Président, scinder le projet de loi serait illogique. Et je vous invite, en regardant la jurisprudence, à refuser la proposition faite par le député de l'opposition.

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous remercie infiniment, M. le député de Verdun. J'avais établi que je désirais une intervention de chaque côté. Nous allons maintenant prendre le temps nécessaire pour délibérer et rendre une décision la plus sage possible.

(Suspension de la séance à 21 h 16)

(Reprise à 21 h 54)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Décision du président sur la recevabilité

Je suis maintenant prêt à rendre ma décision concernant la recevabilité de la motion de scission au projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, présentée par M. le député de Westmount–Saint-Louis.

Des voix: Orford.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je m'excuse, la motion a été présentée par le député d'Orford.

Dans l'argumentation qu'il a soumise au soutien de la recevabilité de sa motion, le député prétend que le projet de loi comporte deux principes: un premier concernant l'organisation des affaires courantes de la Caisse de dépôt et placement du Québec et un deuxième concernant les restrictions relatives aux placements de la Caisse.

Après avoir analysé le projet de loi n° 168, je conviens avec le député que le projet de loi comporte vraisemblablement plus d'un principe. Toutefois, les deux projets de loi qui résulteraient de la motion de scission ne renferment pas, en réalité, deux principes distincts. Enfin, les deux projets de loi ne seraient pas cohérents, puisqu'un des principes identifiés par le député se retrouverait dans les deux projets de loi, soit le principe concernant les restrictions relatives aux placements de la Caisse.

En résumé, la présidence reconnaît que le projet de loi n° 168 comporte plus d'un principe. Toutefois, telle que présentée, la motion de scission ne rencontre pas les conditions nécessaires à la recevabilité d'une telle motion. Alors, je rejette donc la motion de scission présentée par le député d'Orford.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Alors, le temps de parole du député d'Orford étant complété, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 168? Alors, Mme la députée... Lorsque le député de Verdun aura terminé de vous saluer, ma chère madame... Alors, j'inviterais maintenant la députée de Saint-François à nous donner son allocution. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. M. le président, bien sûr que nous acceptons votre décision, mais nous trouvons qu'il est malheureux, pour le gouvernement, de ne pas avoir pensé scinder ce projet de loi, parce que je pense que nous sommes... Non seulement je pense, mais nous sommes tout à fait d'accord avec la question du 40 % concernant les actions, mais, cependant, je pense qu'il faut réfléchir davantage quant aux autres modifications apportées au projet de loi.

M. le Président, dans ce projet de loi qui modifie la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, entre autres, on retrouve, dans la répartition de son actif, que la Caisse n'aura plus à limiter à 40 % la part des actions de son actif total. C'est une contrainte qui est susceptible de gêner l'action de la Caisse dans sa recherche d'un meilleur rendement pour ses déposants et c'est une gestion qui est compatible avec les pratiques des principaux gestionnaires des fonds de retraite nord-américains. Je pense, M. le Président, que ça va permettre aussi possiblement un meilleur rendement au niveau de la Caisse, parce que souvent on se pose des questions quant au rendement de la Caisse, et ça va sûrement permettre à la Caisse d'améliorer ses rendements.

Le projet vise aussi à créer des filiales pour l'exercice de nouvelles activités reliées à l'immobilier, à la gestion de fonds – et ça, nous avons énormément de réserves, M. le Président, et j'y reviendrai tout à l'heure – à l'offre aussi, à la fourniture de services relatifs aux activités de placement et pour la réalisation d'investissements dans certaines personnes morales ou entités. Actuellement, on le sait, la Caisse ne peut détenir plus de 30 % en actions ordinaires d'une société; lors d'un placement négocié, cette contrainte sera levée dans certains cas.

La loi permettra aussi à la Caisse d'investir dans des sociétés québécoises de gestion de portefeuilles de façon à soutenir les localisations au Québec de ce type d'activité. De plus, la Caisse pourra ouvrir son conseil d'administration à deux membres de l'extérieur du Québec. Enfin, le projet de loi contient diverses dispositions visant à faciliter la gestion par la Caisse de ses investissements.

M. le Président, récemment, certains députés membres de la commission des finances ont eu la possibilité de questionner les hauts dirigeants de la Caisse de dépôt et placement du Québec suite à un mandat d'initiative qui avait été demandé à cette fin par les députés. En effet, l'Assemblée nationale, comme vous le savez, permet aux députés d'initier certains mandats pour faire la lumière sur la gestion d'un ministère, d'une société d'État ou encore d'un organisme gouvernemental. Je pense que c'était une des premières fois que la Caisse de dépôt et placement, que les dirigeants, c'est-à-dire, avaient la chance de venir s'expliquer, s'exprimer devant cette commission formée de parlementaires.

Cette commission, on s'en souviendra, a eu lieu à la fin d'août. C'était une commission parlementaire qui était tenue à huis clos. Il y a plusieurs sujets qui avaient été abordés. Entre autres, on a discuté de l'administration, de l'organisation, les choix de placement, le code d'éthique, les filiales et l'impartition, les fonds régionaux, l'indépendance de la Caisse par rapport au pouvoir politique, tout à fait importante, l'investissement, les investissements à l'étranger, la mission de la Caisse, les placements immobiliers, les placements infructueux et controversés – parce qu'on sait qu'il y a eu beaucoup de publicité sur certains placements qui ont été moins fructueux que d'autres – la présence internationale de la Caisse, aussi, la rémunération et les ressources humaines, le rendement de la Caisse, et, bien sûr, on a parlé aussi du Vérificateur général.

(22 heures)

Donc, sur 14 sujets, M. le Président, on a quand même eu l'occasion pendant deux jours de questionner la Caisse sur ces différents sujets.

M. le Président, je pense qu'au départ on doit quand même saluer ce qui se fait à la Caisse. La Caisse de dépôt et placement du Québec est un beau fleuron, je pense, du Québec. C'est un levier économique extrêmement important mais aussi très puissant. La Caisse de dépôt, comme on le sait, gère nos retraites, elle gère nos bas de laine, elle gère les actifs d'organismes tels la Régie des rentes du Québec, la Société de l'assurance automobile du Québec, les régimes de retraite des employés du gouvernement et des organismes, et, bien sûr, j'en passe.

Donc, on se souviendra que, lorsqu'on a créé la Caisse en 1965 – et c'est justement l'ancien premier ministre Jean Lesage qui a créé la Caisse de dépôt et placement – on voulait corriger à ce moment-là une inégalité historique entre les institutions financières francophones et anglophones. On se souviendra qu'à la tête des institutions financières on retrouvait, bien sûr, beaucoup d'anglophones mais très peu de francophones. Donc, M. le Président, c'était une question de corriger cette inégalité historique.

Je parcourais, je regardais le discours de Jean Lesage à l'époque. Je sais que le député de Crémazie s'en inspire souvent, et il me dit souvent que ce discours du premier ministre Lesage à l'époque est même une de ses lectures de chevet. Alors, je voudrais vous faire part un peu de ce que pensait à l'époque Jean Lesage sur la Caisse et pourquoi on avait créé la Caisse. Et je cite à la page 1, justement, du discours qui avait été prononcé en Chambre le 9 juin 1965.

On disait: «À cet égard, les intérêts de la population du Québec sont multiples. Il faut indiscutablement assurer aux dépôts la sécurité que l'on est en droit d'attendre d'un organisme convenablement géré. Il faut en particulier protéger les sommes accumulées contre l'érosion de la hausse des prix que, depuis de nombreuses années, le Canada, pas plus que les autres pays du monde, n'a pu éviter. Le projet de Caisse de dépôt prévoira donc la possibilité d'investir une fraction appréciable de l'actif dans d'autres titres que ceux qui ont une valeur fixe. Les intérêts des Québécois ne s'arrêtent pas, après tout, à la sécurité des sommes qu'ils mettront de côté pour assurer leur retraite. Des fonds aussi considérables doivent être canalisés dans le sens du développement accéléré des secteurs public et privé de façon à ce que les objectifs économiques et sociaux du Québec puissent être atteints rapidement et avec la plus grande efficacité possible. En somme, la Caisse ne doit pas seulement être envisagée comme un fonds de placement au même titre que tous les autres, mais comme un instrument de croissance, un levier plus puissant que tous ceux qu'on a eus dans cette province jusqu'à maintenant.»

Et là je pense qu'il faut poursuivre aussi, parce qu'il avait déjà prévu que c'était important aussi de s'assurer de faire fructifier, mais aussi d'avoir des placements sécuritaires. Alors: «Encore ne faut-il pas entretenir d'illusions sur l'usage qui doit être fait de la Caisse. En particulier, on aurait tort de croire que cet instrument doit servir à financer dans n'importe quelle condition des projets économiques ou sociaux, si essentiels soient-ils. La Caisse n'est pas destinée à subventionner le gouvernement, les municipalités ou les commissions scolaires et les entreprises. Il ne peut être question, comme on a semblé le croire dans certains milieux, qu'elle prodigue des prêts à des taux d'intérêt très bas, à plus forte raison sans intérêt. Elle doit pouvoir satisfaire à la fois à des critères de rentabilité convenables et rendre disponibles ces fonds pour le développement à long terme du Québec. De tels objectifs ne sont pas incompatibles à condition que l'on sache associer avec prudence, c'est-à-dire une prudence élémentaire, à des objectifs économiques et financiers précis.»

Alors, M. le Président, on voit qu'en 1965 le premier ministre Jean Lesage, de l'époque, avait vu grand pour le Québec et il connaissait l'importance de créer une telle caisse pour, bien sûr, gérer les retraites des Québécois et Québécoises; et aussi, en somme, c'était, comme je le mentionnais tout à l'heure, notre bas de laine.

La mission de la Caisse, je viens de le mentionner, c'est de gérer les régimes de pension, mais aussi il faut faire fructifier les capitaux qui lui sont confiés, parce que c'est plusieurs organismes québécois qui contribuent à son action, et par des investissements aussi qui permettront de dynamiser l'économie du Québec.

On peut dire, M. le Président, en général, que la Caisse de dépôt et placement est bien gérée. Bien sûr, il faut reconnaître qu'il y a eu des placements un peu moins fructueux que d'autres, malheureux même, je dirais. Je pense, entre autres, au placement qui a été fait à la compagnie Bre-X, qui a coûté 100 000 000 $ à la Caisse de dépôt et placement. Mais, malgré tout, je pense qu'il faut saluer quand même la gestion de la Caisse. Je pense qu'il arrive, comme à tout bon gestionnaire, parfois, des expériences un peu plus malheureuses, mais bien sûr qu'il faut aussi agir avec beaucoup de prudence. Et je reviendrai tout à l'heure sur la question de l'immobilier, M. le Président.

Donc, je pense que la question au moins qu'il faut se poser, c'est: La mission économique a-t-elle un coût pour les cotisants? La mission économique de la Caisse a-t-elle encore aussi sa raison d'être? Et je pense, au 31 décembre 1996, quand on voit que l'actif net était de 57 000 000 000 $ et que maintenant il est près de 62 000 000 000 $, que ce sont des questions qu'il faut se poser.

La Caisse de dépôt et placement a aussi plusieurs filiales. Je dirais même que, lorsqu'on a eu cette commission parlementaire, on s'est posé beaucoup de questions, parce qu'à un moment donné on avait l'impression que la Caisse multipliait un peu, diversifiait beaucoup ses secteurs, et il y a toujours un certain danger. On l'a vu, par exemple, avec des grandes entreprises au Québec. Pensons à Lavalin, entre autres, qui, à un moment donné, a décidé de diversifier ses secteurs d'activité, et ça n'a pas été nécessairement rentable. Alors, quand on voit le nombre de filiales de la Caisse et la diversification aussi de ses secteurs, à ce moment-là, on ne peut pas faire autrement que de dire: Attention! Est-ce que c'est la bonne voie à utiliser? Est-ce qu'il n'y a pas des dangers, par exemple, à multiplier des activités pour lesquelles, parfois, on a moins d'expérience? Par exemple, faire des placements un peu partout, je pense, entre autres, au niveau des placements immobiliers.

Parmi les filiales, on retrouve, entre autres, deux groupes de filiales. Le premier groupe est un groupe de participation de la Caisse. Ce groupe oeuvre en marge des grands marchés boursiers obligataires et monétaires, et ces filiales possèdent les pouvoirs relatifs aux décisions d'investissement. Une de ces filiales, Sofinov, s'occupe de développer un portefeuille d'investissements dans les entreprises d'innovations technologiques. Je pense, M. le Président, que c'est tout à fait important, surtout dans le contexte économique actuel où on développe de plus en plus la technologie, surtout les recherches des nombreux chercheurs qu'on retrouve dans les universités ou un peu partout. Mais je me souviens aussi, lorsqu'on a fait cette commission parlementaire, que plusieurs personnes sont venues nous dire qu'elles avaient certaines inquiétudes parce qu'elles avaient l'impression, plusieurs entrepreneurs avaient l'impression d'être un peu sur un siège éjectable, dans le sens que, s'ils apportaient une bonne invention, à ce moment-là, après quelques temps, étant donné que la Caisse finançait certains projets, ils avaient l'impression d'être évincés après un certain temps. La Caisse prenait par la suite la direction de certaines entreprises, et ils avaient l'impression d'être un peu évincés. Je comprends que, dans certains cas, la Caisse avait peut-être raison pour pouvoir s'assurer du rendement aussi de ses prêts, sauf qu'il y a peut-être eu certains cas où ça méritait quand même un peu plus de réflexion.

Le deuxième groupe de filiales, c'est le groupe immobilier de la Caisse. Ce groupe réunit par ses filiales tous les secteurs d'investissements immobiliers, y compris les titres hypothécaires. Et ce groupe compte sept filiales, dont Yvanhoé. On entend parler beaucoup de la filiale Yvanhoé, qui se spécialise surtout dans les centres commerciaux, aussi bien au Québec et au Canada, qu'aux États-Unis. Il y a également Cadim, cette filiale qui fait de la gestion de placements immobiliers et qui est détenue avec des promoteurs ou constructeurs qui en assument la gestion courante, principalement dans le secteur résidentiel. Une grande partie des nouveaux placements en immobilier s'effectue hors Québec. Et la proportion hors Québec du portefeuille de cette filiale, Cadim, est passée de 10 % à 31 %.

(22 h 10)

On retrouve aussi des axes stratégiques que la Caisse s'est donnés. Bien sûr, le projet de loi est peut-être en fonction de ça. Mais, encore là, comme je vous dis, j'ai peut-être certaines réserves au niveau de certaines décisions: entre autres, en ce qui concerne les axes stratégiques, on voulait diminuer la pondération des obligations, des valeurs à court terme, des actions canadiennes et québécoises, et augmenter la proportion des actions étrangères, y compris les titres américains. Ça revient, M. le Président, à l'augmentation du 40 % de la part des actions dans son actif total, et nous sommes d'accord avec cette partie du projet de loi. Nous sommes d'accord parce que je pense que ça va aider non seulement au rendement, mais ça va sûrement aider la gestion des actifs de la Caisse. Nous sommes d'accord avec ça. Cependant, il y avait également, dans les axes stratégiques de la Caisse, un autre secteur qui était d'augmenter les placements étrangers à 30 % du portefeuille immobilier, et on disait que l'horizon de placements étrangers sera plus court au Québec et au Canada. Bon, bien sûr, on favorisait aussi l'expansion des secteurs à grand potentiel tels l'innovation et en technologie, les communications, les télécommunications ou la biotechnologie.

Alors, M. le Président, la question, comme je le mentionnais, du 40 %, la composition du portefeuille de la Caisse, cette composition s'est considérablement modifiée depuis les années quatre-vingt, et la proportion d'actions a été en progression constante au détriment des obligations, mais, comme je vous le dis, on est en accord avec ça. Le gouvernement veut maintenant augmenter cette proportion à 40 %. Mais je regardais, justement, dans les documents cet après-midi et je constatais que, grâce à une interprétation libérale de la loi actuelle, présentement, il semble que le niveau d'actions atteint aujourd'hui 43,1 %. Les administrateurs de la Caisse ont demandé au législateur de hausser cette limite à 40 %, mais, grâce à cette interprétation, comme je le mentionnais, on pouvait quand même y arriver avec un 43,1 %. Je le répète, nous sommes d'accord avec ça. D'autres caisses de retraite, d'ailleurs, comme celle de la Commission du régime de retraite des employés municipaux ou encore le Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, font une place beaucoup plus importante aux actions tant canadiennes qu'étrangères. Donc, avec cette portion du projet de loi, nous sommes en accord.

Cependant, nous sommes en désaccord avec la question de l'immobilier. C'est pourquoi nous avions demandé tout à l'heure de scinder le projet de loi parce que, au niveau de l'immobilier, c'est beaucoup plus risqué. Comment peut-on qualifier, par exemple, le niveau de risque des placements de la Caisse dans l'immobilier? Est-ce qu'on a intérêt à investir dans l'immobilier? Je pense que ce sont des questions qu'on est en train de se poser. A-t-on intérêt à investir surtout dans l'immobilier à l'étranger? Et, si oui, est-ce qu'on s'est donné des véritables balises pour le faire, le cadre légal entre autres? La Caisse peut acquérir des immeubles, actuellement, à certaines conditions, mais, cependant, investir dans un secteur résidentiel comme, par exemple, au Mexique, on pense que les risques peuvent être beaucoup trop grands. Mon collègue le député de Laporte avait d'ailleurs soulevé cette question lors de la commission parlementaire, et la réponse du président de la Caisse – à l'époque, M. Scraire – avait été la suivante, il nous avait dit: «Le secteur résidentiel résiste assez bien à la détérioration des marchés. L'intervention de la Caisse se situe dans des ensembles résidentiels de l'ordre de 20 000 000 $, ce qui fait du marché du Québec un marché restreint, et l'investissement dans les pays dits émergents se fait avec peu de ressources et permet certaines retombées économiques au Québec.»

C'est sûr, M. le Président, que, si, sur un actif total de 62 000 000 000 $, il y a 20 000 000 $, par exemple, qu'on investit dans le secteur immobilier à l'étranger, vous me direz: Ce n'est pas beaucoup. Donc, on peut le risquer. Mais, quand on gère le bas de laine des Québécois, quand on gère les fonds de retraite des Québécois, je pense que même, malgré tout, 20 000 000 $, ou 1 000 000 $, ou 2 000 000 $, c'est déjà trop. On ne peut pas se permettre de perdre ou de risquer, surtout quand on sait que le risque est là. Alors, malgré cette réponse, il est permis d'émettre des doutes, comme je le mentionnais, sur cette politique d'investissement à l'étranger dans le secteur immobilier. Il y a trop de facteurs de risque qui pourraient perturber, justement, la rentabilité des projets à l'étranger. Je lisais justement dans le journal The Gazette ... Ce journal avait fait, à un moment donné, l'état, dans un article, d'une série de transactions infructueuses dans le marché immobilier, imaginez-vous, montréalais, ici, à Montréal même. Alors, comment peut-on rentabiliser sérieusement des placements immobiliers dans d'autres pays, si on a eu de la difficulté même à Montréal, dans d'autres pays qui ne sont pas nécessairement les pays les plus stables, alors, par exemple, que la preuve est faite qu'on a de la difficulté à le faire au Québec, de faire des placements qui sont le moindrement sécurisés?

Je voyais également qu'on parlait de la Corporation Condo Viêt-nam ltée, un projet de 176 000 000 $. M. le Président, le Viêt-nam, actuellement, n'est pas le pays le plus stable, le plus démocratisé. Il y a quand même des dangers. On ne sait pas. Supposons que la Caisse investit des sommes considérables comme 160 000 000 $US, par exemple, au Viêt-nam. Qui nous dit, par exemple, que – je ne sais pas, moi – dans cinq ans, une fois que tout sera investi, qu'on aura construit, même si on a une garantie, qu'il n'y a pas quelqu'un, au niveau gouvernemental ou dans le pays, qui nous dira: Bien, écoutez, tous ces investissements-là appartiennent maintenant au gouvernement? Qu'est-ce qu'on peut faire dans les circonstances? C'est terminé, on s'en va puis on n'a pas le choix.

Alors, je pense qu'actuellement la stabilité dans ces différents pays n'est pas suffisamment reconnue pour dire que ces placements sont sécuritaires. Et c'est là, je pense, qu'il faut être prudent, et ça, même si ça ne peut représenter qu'une petite portion, par exemple, sur les 62 000 000 000 $ que gère actuellement la Caisse de dépôt et placement.

Aussi, M. le Président, lors de cette commission, nous avions demandé à Pierre Arbour, qui est une personne qui connaît très bien la Caisse, certaines recommandations... il nous avait fait certaines recommandations. Il était venu nous présenter justement ses recommandations à la commission. Il disait justement que la Caisse de dépôt et placement, ce n'est pas un spéculateur, c'est un investisseur, puis il affirmait que les placements justement tactiques de la Caisse correspondent plus à la vocation d'un spéculateur que d'un investisseur. Au niveau de l'immobilier, il nous incitait à la prudence aussi.

Il y a un autre point sur lequel nous sommes en désaccord, c'est la question du 30 %. La Caisse peut consentir des prêts garantis par une hypothèque sur les titres qu'elle peut acquérir et détenir. M. le Président, il faut faire attention parce que la Caisse gère... c'est-à-dire, la Caisse, elle prête. Ce n'est pas à elle à gérer, elle n'a pas à gérer les entreprises. Elle doit aider les entreprises dans leur financement, mais elle n'a pas à les gérer. Et le fait de posséder plus que 30 % des actions, à ce moment-là, ça en fait quand même un actionnaire assez puissant. Et on a vu aussi que la Caisse ne se gêne pas non plus pour aller chercher toutes les garanties dont elle a besoin, je dirais même plus que n'importe quel, parfois, autre créancier hypothécaire pourrait le faire, que ce soit, par exemple, avec le droit de veto. La Caisse se donne presque toujours un droit de veto, et à peu près toutes les garanties... Vous m'indiquez, M. le Président, que j'ai terminé?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Si vous voulez préparer votre conclusion, je vais vous laisser encore une minute.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, écoutez, M. le Président, pour faire court. Je n'avais pas vu, M. le Président, que vous m'aviez indiqué que mon temps s'écoulait.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, j'ai été distrait.

Mme Gagnon-Tremblay: Ah bon!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je ne l'avais pas fait, alors j'aurais dû le faire. Je vous laisse encore une minute pour terminer.

Mme Gagnon-Tremblay: Je vous remercie, M. le Président. Donc, tout ça pour vous dire que, actuellement, il y a énormément de prudence au niveau du 30 % concernant les entreprises, c'est-à-dire l'investissement dans les entreprises. Il y a la question de l'immobilier, bien sûr, dont j'aurais aimé aussi parler, toute la question du Vérificateur général, la juridiction du Vérificateur et ce que le Vérificateur, à mon avis, est en droit de faire au niveau de la Caisse, mais, en conclusion, M. le Président, je dois vous dire qu'il faut toujours garder à l'esprit que la Caisse de dépôt et placement gère nos avoirs, gère notre bas de laine, gère l'épargne-retraite des Québécois et que tout risque injustifié est inacceptable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Y a-t-il d'autres intervenants?

M. Gautrin: ...M. le Président, j'imagine que l'ancien directeur de la Caisse, le député de Crémazie pourrait parler.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, moi, je respecte le règlement. Le premier qui se lève, je lui cède la parole.

Des voix: Ha, ha, ha!

(22 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Verdun, l'alternance est là quand la personne se lève. L'alternance ne joue pas quand elle ne se lève pas. Alors, c'est celui qui se lève qui a la parole. Je vous cède la parole, M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, je suis heureux d'avoir la parole pour intervenir sur le projet de loi n° 168 et vous convaincre, Mme la députée de Rosemont, à quel point ce projet de loi, bien qu'il comporte un certain nombre de points sur lesquels nous puissions être d'accord, comporte aussi des points qui sont éminemment inquiétants.

Alors, on va essayer de se comprendre dans ce débat. Je fais partie de ceux qui ont le plus grand respect pour les succès – et je pèse volontairement mes mots, M. le Président – que la Caisse de dépôt, avec la loi qui est sienne, a pu obtenir. Je me permettrais de vous rappeler – et comprenez-moi bien – qu'on est en train de vouloir modifier la loi sur la Caisse de dépôt, mais il n'est pas inutile de connaître ce que la Caisse de dépôt a pu connaître comme succès avec la loi qui est sienne, c'est-à-dire la loi qui ne serait pas amendée. Alors, je me permets de vous rappeler que – et j'ai ici le rapport, si vous voulez – tant dans le marché obligataire que dans le marché des actions québécoises et canadiennes, que dans le marché des actions internationales, que dans le marché du financement hypothécaire, que dans le marché des valeurs à court terme, que dans le marché des actions internationales – et, si vous voulez, M. le Président, vous n'avez pas ce rapport, je serais prêt à le déposer pour que, au moins, vous en ayez une photocopie et que ça puisse être disponible pour les membres de cette Assemblée – la Caisse de dépôt a su connaître des succès, c'est-à-dire des taux de rendement qui étaient supérieurs à ceux qui étaient connus sur le marché, et ils ont mesuré ça par des indices... Peut-être, ceux qui ne le savent pas, on parle du TSE 300, c'est-à-dire une moyenne des 300 actions qui se transigent le plus sur la Bourse de Toronto. Lorsqu'on parle du marché des actions, on parle du marché obligataire, et on compare avec l'indice Sobeco ou l'indice ScotiaMcLeod, lorsqu'on parle des placements obligataires.

Sur l'ensemble des marchés, la Caisse de dépôt a connu des succès qui lui permettent de dire que les taux de rendement que la Caisse a obtenus sont en général supérieurs à l'indice... Ici, peut-être que ce serait intéressant pour vous d'avoir les chiffres, je suis sûr que vous êtes intéressés.

Si je prends les placements obligataires, le ScotiaMcLeod, sur cinq ans, est à 10,64; la Caisse est à 11,13. Si je prends les actions canadiennes, le TSE 300 est à 16,47, sur cinq ans toujours, parce qu'il faut quand même mesurer ça, comme vous le savez, sur une certaine période de temps; la Caisse est à 16,56.

Je tourne encore, donc on est sur les placements hypothécaires. Je laisse de côté volontairement les immobiliers, parce que ça va être le grand point du débat. Sur les placements hypothécaires, la médiane Sobeco est à 8,64, sur cinq ans; la Caisse est à 8,95. Sur les valeurs à court terme, la médiane Sobeco est à 5,72, sur cinq ans toujours; la Caisse est à 5,75.

Les actions internationales. On peut dire que, sur les actions internationales, américaines et étrangères, bien qu'il y ait des taux de rendement importants, peut-être parce que c'est un marché qu'elle connaît un peu moins, elle est légèrement en dessous de la médiane Sobeco qui est à 24,15; la Caisse est à 22,26. Mais vous voyez à ce moment-là que les taux de rendement sur les actions internationales sont nettement supérieurs aux taux de rendement des actions canadiennes.

Alors, M. le Président, il faut qu'on sache qu'avec la loi telle qu'elle existe la Caisse de dépôt a su gérer correctement les argents qui étaient déposés au nom de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, soit à cause des participations dans les fonds de retraite, du RREGOP, du RRE, du RRF, soit à cause des participations dans le Régime de rentes du Québec.

Bon. Une fois qu'on a compris ça, on se pose la question: Pourquoi changer? C'est important de comprendre ça. Vous avez quelque chose qui marche pas mal puis vous dites: Pourquoi changer? Alors, on va comprendre les changements qui sont proposés et réfléchir ensemble si les changements sont justifiés.

Alors, dans le projet de loi n° 168 qui est proposé par le gouvernement, il y a un certain nombre de changements qui sont proposés. D'abord, des changements purement mineurs au niveau des administrateurs et de la possibilité d'avoir des administrateurs qui sont non-résidents nécessairement au Québec. Bon, il n'y a pas là lieu de fouetter un chat autour de cette question.

Trois questions restent importantes dans le projet de loi, M. le Président. La possibilité d'investir... Vous comprenez que, dans la Caisse de dépôt, vous ne pouvez pas investir plus que 40 % de l'actif en termes d'actions; ça, c'est le premier élément. Le deuxième élément: lorsque vous investissez dans une compagnie, vous ne pouvez pas contrôler la compagnie plus que 30 %; ça, c'est le deuxième élément. Le troisième élément, il y avait d'énormes restrictions dans le marché immobilier.

Vous avez remarqué, dans tout ce que je vous ai fait actuellement comme liste, je n'ai pas parlé du marché immobilier; je vais y revenir après, parce que, s'il y a un endroit où la Caisse n'a pas performé, c'est dans le marché immobilier. Je répète. Autant la Caisse a eu des succès dans le marché obligataire, des succès sur le marché des actions, des succès sur les marchés des valeurs à court terme, dans le marché immobilier, on ne peut pas dire que la Caisse a eu de véritables succès. Alors, d'où vient la réticence que l'opposition a de permettre d'aller ou d'étendre ses activités dans un marché où visiblement elle n'a pas connu le succès?

La première question à laquelle nous avons à répondre est la suivante: Est-ce qu'il est sain que cette barrière de 40 % dans l'investissement des actifs de la Caisse en actions puisse être levée? Je dois dire que le député de Marguerite-D'Youville a fait une assez bonne... a posé la question, peut-être on lui a pas répondu, mais enfin a posé la question. Il a dit: Écoutez, dans le passé le rendement moyen sur le marché des obligations n'est pas mauvais; on ne peut pas dire que le rendement moyen des marchés obligataires, qui s'établit à 11,13 comparé au rendement moyen sur les actions québécoises et canadiennes qui est à 16,56... bon, vous êtes dans le domaine du comparable. Et il posait la question justement: Est-ce qu'il est nécessaire à l'heure actuelle de permettre qu'on puisse lever le plafond du 40 % des investissements des actifs de la Caisse en actions? La réponse pour moi est oui. Je vais vous expliquer pourquoi, M. le Président.

Je vais vous expliquer pourquoi, M. le Président, parce que le marché obligataire, qui est intimement lié aux nécessités d'emprunt des gouvernements, que ça soit les gouvernements provinciaux, que ça soit les gouvernements fédéraux ou que ça soit les gouvernements municipaux, va devenir de moins en moins attrayant dans la mesure où les gouvernements, atteignant – et quels qu'ils soient, là – un statut de déficit nul, leur nécessité d'emprunt... Comprenez-moi bien, nécessité d'emprunt, parce que, lorsqu'on va sur le marché obligataire, essentiellement, c'est le gouvernement qui emprunte de l'argent. C'est une obligation qui est émise soit par une municipalité, soit par une corporation de la couronne comme Hydro-Québec, soit comme une obligation d'épargne du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. Lorsqu'on va sur le marché obligataire, les rendements sur le marché obligataire sont intimement liés au besoin d'emprunt des gouvernements qui va en diminuant.

(22 h 30)

De plus, on remarque que, suite à la croissance que l'on a connue en Amérique du Nord et particulièrement aux États-Unis, l'évolution des rendements sur les actions américaines a été particulièrement bonne. Alors, je me permets de vous rappeler, parce que ce n'est pas inutile de le dire et la Caisse participe déjà aux actions en investissant dans les actions américaines. Si vous regardez les investissements dans les actions américaines, la Caisse a eu un taux de rendement, pour l'année 1997, de 30,43 %, que vous devez comparer, M. le Président, si vous comparez sur une année, au taux de rendement de la Caisse dans le marché obligataire, qui a été, en 1997, de 15,09 %. Donc, vous voyez que, grosso modo, le taux de rendement sur le marché des actions américaines est, pour les années qui sont en train de venir, le double de celui que l'on rencontre sur le marché des obligations.

Et ça nous amène à penser que la limite qui est imposée par la loi à la Caisse, de limiter ses investissements dans le véhicule financier qu'on appelle des actions... Comprenez bien ce que je veux dire. Les limites qui sont imposées par la loi dans le véhicule financier que sont les actions, et c'était limité à 40 %, a empêché la Caisse de bénéficier pleinement, dans ces dernières années, de l'énorme croissance, de l'énorme taux de rendement que l'on avait sur le marché des actions, particulièrement des actions américaines.

Alors, qu'est-ce que fait le projet de loi? Il dit: La loi va déplafonner, il n'y aura plus de limite dans la loi quant à la possibilité d'investir sur le marché des actions, tout en étant conscient que les politiques de placement de la Caisse – parce qu'il faut bien être conscient que ce n'est pas parce que la loi retire un plafond que la Caisse va mettre tout son argent dans les actions américaines – continueront à être adoptées par le conseil d'administration de la Caisse.

Alors, ça, ça touche le premier élément du projet de loi, le retrait du plafond quant aux investissements en actions, c'est-à-dire le rapport que vous devriez avoir entre les investissements en actions, les investissements en obligations et les investissements en valeurs à court terme. On retire ce plafond-là en faisant confiance au conseil d'administration dans ses politiques de placement.

Le deuxième élément qui est inquiétant pour nous dans le projet de loi, c'est ce qui touche le marché immobilier. Alors, M. le Président, c'est important de bien comprendre parce que, autant j'ai vanté la Caisse sur ses taux de rendement exceptionnels sur un horizon des cinq dernières années – j'aurais pu remonter sur les 10 dernières années, j'aurais eu une autre vision – mais, quand je rentre sur l'immobilier – bien sûr, le marché immobilier n'est pas le même – la Caisse, sur un horizon de cinq ans, a d'abord eu un rendement négatif.

Je suis bien sérieux, M. le Président. Comprenez-moi bien. On a eu des rendements qui voisinaient le 10 % sur cinq ans dans le marché des obligations, qui voisinaient les 20 à 25 % dans le marché des actions, mais, sur le marché de l'immobilier, les placements que la Caisse a faits dans le marché de l'immobilier, sur un horizon de cinq ans, ont été des placements qui n'ont rien rapporté, mais qui ont coûté... Le rendement a été – comprenez-moi bien – de moins 1,98 % sur cinq ans. Si on compare avec l'indice Sobeco... J'ai fait les comparaisons, jusqu'à maintenant, dans les autres secteurs avec l'indice Sobeco et j'ai remarqué que, dans le secteur des actions, dans le secteur des obligations, dans le secteur des valeurs à court terme, toujours, les placements de la Caisse avaient été supérieurs et à l'indice Scotia McLeod et à l'indice Sobeco; au niveau du marché immobilier, la Caisse n'a pas performé.

Pourquoi? Pour deux raisons. Parce que le marché immobilier est un marché bien différent du marché des valeurs liquides qu'on peut négocier facilement. Que ce soit des actions, des obligations, c'est un marché sur lequel vous pouvez facilement vous départir, en cas de difficultés ou de fluctuations financières. Ce n'est pas du tout le cas sur le marché immobilier.

À l'heure actuelle, ce que nous propose, ce que nous demande le projet de loi, ce que demande le gouvernement à la Caisse, c'est: Vous allez pouvoir rentrer sur le marché immobilier, mais non pas tellement sur le marché immobilier... On vous donne la possibilité – parce qu'on connaît un peu ce qui se passe à la Caisse de dépôt – non pas sur le marché immobilier qui est le marché, disons, nord-américain... Il y a essentiellement deux expansions de prévues: le marché immobilier en Pologne et le marché immobilier au Viêt-nam.

Alors, vous savez comme moi, M. le Président, que le marché immobilier, c'est des valeurs qui sont beaucoup moins facilement négociables que les valeurs d'un marché d'actions ou d'un marché d'obligations, où, en quelques heures d'avis, vous pouvez liquider un portefeuille et vous pouvez acheter d'autres valeurs. Là, dans le marché immobilier, vous êtes tributaire d'un bien et, lorsque vous voulez vous en départir, vous avez des limites considérables et des limites aussi politiques. Parce qu'une valeur immeuble ne se négocie pas aussi facilement qu'une valeur meuble, c'est-à-dire qu'une action ou qu'une obligation.

Alors, les craintes que l'on a, de ce côté-ci de la Chambre, c'est que l'entrée de la Caisse de dépôt qui, déjà dans le passé – je tiens à insister là-dessus – n'a pas bien performé dans le marché nord-américain sur le marché immobilier... Autant, et je tiens à répéter et être honnête avec vous, la Caisse a très bien performé sur les marchés obligataires, le marché des actions et le marché des valeurs à court terme, autant sur le marché immobilier elle n'a pas réussi à performer pour toutes sortes de raisons. Et ce n'est pas ici une mise en doute de la qualité de la Caisse que j'essaie de faire.

Et là on nous demande par ce projet de loi de dire: Vous allez pouvoir entrer sur le marché immobilier et encore plus, non pas le marché immobilier nord-américain sur lequel il y a une forme de sécurité à cause des connaissances que l'on peut avoir des règles politiques, mais sur un marché immobilier beaucoup plus aléatoire, beaucoup plus risqué qui est le marché immobilier au Viêt-nam, le marché immobilier en Pologne, le marché immobilier en Indonésie – c'était le troisième pays qui était considéré par le projet de loi. Alors, ça, M. le Président, c'est une latitude que nous ne voulons pas donner actuellement à la Caisse de dépôt.

Alors, le troisième élément... le deuxième élément – il me reste peu de temps pour l'aborder – c'est celui des participations de la Caisse de dépôt dans les entreprises lorsqu'elle investit localement ici, au Québec: Est-ce qu'elle peut dépasser plus de 30 %? Il faut bien être conscient que la Caisse de dépôt n'est pas un organisme de gestion, ne se veut pas être un organisme de gestion. C'est d'abord et avant tout un organisme d'investissement. Et nous sommes de ceux qui pensent qu'il est préférable que la Caisse de dépôt continue à rester un organisme d'investissement, c'est-à-dire limite sa participation aux entreprises rentables, bien sûr – parce qu'il n'y a pas de raison... la Caisse de dépôt, il n'est pas question qu'elle fasse des investissements non rentables – dans des secteurs où elle ne sera pas un partenaire majoritaire.

Pour résumer notre point de vue, M. le Président, autant je respecte la Caisse de dépôt, autant je dois dire que la Caisse de dépôt est un organisme de placement qui a connu des succès, autant je dois dire que le marché, actuellement, obligataire d'actions justifie l'ouverture qui est demandée dans le projet de loi face au marché des actions, c'est-à-dire permettre à la Caisse de dépôt d'utiliser au maximum le véhicule des actions qui semble être celui qui, à court terme, donne les rendements les plus importants, autant j'ai des réticences à lui confier et lui donner la possibilité d'aller dans le marché immobilier où, rappelons-le, dans le passé, elle n'a pas connu de grands succès.

(22 h 40)

Et soyez conscient, M. le Président – si vous me permettez de terminer sur ces questions-là – que la Caisse de dépôt va être appelée, avec les réformes qui vont être votées – enfin, qui risquent d'être votées, parce qu'on ne peut jamais prévoir de la décision de la Chambre – face aux modifications au Régime de rentes du Québec... La Caisse de dépôt, puisqu'on a choisi de surcapitaliser le Régime de rentes pour compenser les effets qu'on pourrait avoir, les effets dus à la chute démographique... Et je ne voudrais pas avoir à rentrer, ici, sur le débat sur le projet de loi sur la réforme du Régime de rentes parce que ce n'est pas le débat qu'on est en train de faire. Je dois dire qu'il est important qu'on fasse très attention parce qu'on ne joue pas sur quelques montants d'argent. Il faut qu'on fasse très attention à l'heure actuelle. Autant je suis prêt à dire à la Caisse de dépôt: Allez dans le marché des actions, autant j'ai d'énormes réticences à lui laisser la possibilité d'aller dans un marché où elle n'a pas connu de succès, elle n'a connu que des situations difficiles, qui est le marché de l'immobilier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais céder la parole à M. le député de Crémazie. M. le député.


M. Jean Campeau

M. Campeau: M. le Président, en 1965, il y a 32 ans, Jean Lesage livrait son discours en cette Assemblée nationale lors de la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Jean Lesage était ce premier ministre à l'origine de la Caisse de dépôt, comme l'ont mentionné plusieurs députés sur le sujet. D'autre part, il avait d'abord créé la Régie des rentes du Québec, qui est le fonds de pension universel des travailleurs et travailleuses du Québec. On se souviendra que c'était à l'occasion de la création du fonds de pension universel de tous les Canadiens et Canadiennes que Jean Lesage avait cru bon de doter le Québec de son propre fonds de pension, de sa propre Régie des rentes.

Alors, déjà on voyait la distinction entre le Québec et le restant du Canada. Donc, on a eu la Régie des rentes du Québec qui, comme je le disais, est le fonds de pension de tous les Québécois et Québécoises, et on a eu du même coup la Régie des rentes du Canada qui est le fonds de pension universel des autres Canadiens.

En créant la Caisse de dépôt et placement du Québec, Jean Lesage créait dans le fond une banque, une banque où serait déposé l'argent, où seraient gérés les fonds. Jean Lesage, les gens d'en face se surprendront, était réellement un homme de vision. Jean Lesage, M. le Président, n'avait pas peur de son ombre, lui. Jean Lesage ne péchait surtout pas par omission. Parce que vous savez, dans le fond, dans la vie, c'est le pire péché, l'omission. On est en mesure de faire quelque chose, de réaliser quelque chose et on ne le fait pas par lâcheté, par peur ou par paresse. Mais Jean Lesage n'était pas un de ces individus-là. Il savait se décider. Il savait surtout s'entourer de consultants compétents. Là-dessus, il était reconnu, Jean Lesage.

On se souviendra évidemment de son ministre des Ressources naturelles, René Lévesque, qui est devenu par la suite premier ministre. On se souviendra aussi de son ministre de l'Éducation, Paul Gérin-Lajoie. Il y en aurait d'autres qu'on pourrait nommer qui étaient tous très compétents et très bons. Jean Lesage n'avait pas peur de s'entourer de gens forts.

Sur la Caisse et la Régie des rentes, M. Lesage a su profiter des conseils d'André Marier, qui est aujourd'hui à la retraite. C'était un brillant fonctionnaire et un brillant économiste qui est devenu plus tard président de la SOQUIA et un des membres du conseil d'administration de la Caisse de dépôt, dans les années quatre-vingt.

Mais il y en avait un autre, M. le Président. Il y avait un autre consultant qu'on appelle «le père obscur de la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec». Ce dernier était d'abord diplômé des Hautes Études commerciales. Il était aussi diplômé du London School of Economics et de l'université de la Sorbonne à Paris. Si on jouait à l'invité mystère, vous auriez sûrement reconnu l'ancien ministre des Finances, président du Conseil du trésor, ministre du Revenu et, finalement, premier ministre du Québec. Bien oui, c'était Jacques Parizeau, qui était à ce moment-là le principal conseiller sur la création de la Caisse de dépôt, le principal conseiller du premier ministre Lesage.

Jean Lesage insistait sur les deux objectifs de la Caisse, et ça, je pense que, sauf mon collègue le ministre des Finances, personne ne l'a mentionné jusqu'ici. Il y avait deux objectifs de la Caisse, qui demeurent, et ce sont des objectifs principaux. La Caisse doit faire un rendement optimum sur ses investissements; ça doit rapporter, il doit y avoir des profits, il faut une profitabilité. Mais aussi, en même temps, elle doit travailler au développement économique du Québec. Ça veut dire: support à l'essor économique du Québec, support dans tous les domaines, pourvu évidemment que ce soit rentable. Jean Lesage disait «rendement optimum», M. le Président, il ne disait pas «rendement maximum». Pourquoi? C'est parce qu'il parlait en même temps d'une philosophie générale de l'administration des fonds, mais il parlait aussi du développement économique du Québec. Il fallait réaliser les deux.

Et, quand il parlait de la philosophie, il disait: Sécurité des dépôts, protection contre l'inflation. Il ajoutait – et j'en reparlerai plus tard – que la Caisse ne devait pas être envisagée comme un fonds de placement au même titre que tous les autres, alors il n'est pas nécessaire de toujours comparer la Caisse aux autres fonds de pension à travers le Canada. La Caisse, c'est un outil spécial différent des autres. Il ajoutait que la Caisse n'était quand même pas destinée, même si elle devait faire du développement économique, à subventionner le gouvernement, les municipalités et les commissions scolaires ou les entreprises. Ici, j'avais sorti du texte du discours le même extrait que ma collègue la députée de Saint-François, alors je n'aurai pas à répéter les mêmes paroles.

À ce stade-ci, j'aimerais parler d'une répartition d'actifs. Mon collègue le ministre des Finances en a parlé dans son allocution. C'est quoi, une répartition d'actifs dans le placement? Bien, disons, là, pour vulgariser, qu'il y a deux grandes classes de titres: les titres de propriété et les titres de dettes et de créances, en finance.

Alors, les titres de propriété, vous pouvez investir en actions, vous êtes propriétaire d'une partie de la compagnie, vous avez des actions dans Provigo, vous avez des actions dans Alcan, vous avez des actions dans Canam Manac; vous pouvez aussi posséder des immeubles. Alors, ce sont des titres de propriété.

Il y a aussi des titres de dettes ou de créances. Bien, ce sont les obligations. Le gouvernement du Québec emprunte, émet des titres et s'engage à payer à l'échéance. C'est une créance, c'est un titre d'obligation. Il y a aussi les hypothèques. On emprunte sur nos maisons par hypothèque. Évidemment, il y a les bons du trésor, les dépôts dans les banques, et le reste. Il y en a d'autres, d'autres sortes.

Mais, après qu'on a choisi cette répartition d'actifs là, titres de propriété, titres de dettes, il faut parler de répartition géographique – mon collègue, le député de Verdun, en a parlé un peu, il a élaboré sur la répartition géographique tout à l'heure – parce que, quand il s'agit de la répartition géographique, dans chacun des actifs, que ce soient des actions, des obligations... Mais prenons, par exemple, les actions, bien, on peut investir dans le marché des actions du Québec, des États-Unis, de l'Asie, du Canada, de l'Europe et du Japon. Mais il faut savoir choisir.

Si on revient aux actions, au cours des quatre dernières années, le rendement des actions canadiennes a été meilleur que le rendement des obligations canadiennes. Donc, il valait mieux, peut-être, investir plus en actions qu'en obligations. C'était vrai pour les quatre dernières années. Mais je voudrais souligner chez vous, M. le Président, un élément de prudence, parce que j'ai ici le livre Caisses de retraite et placements , de Jean-Jacques Pelletier et Carmand Normand, qui élabore bien, dans un tableau bien expliqué, que, au cours des 25 dernières années, les obligations canadiennes à long terme et les actions canadiennes ont rapporté à peu près le même rendement: 9,8 % toutes les deux sur 20 ans. Donc, les obligations, c'était aussi bon que les actions.

Les obligations, sur une période de 15 ans, ont rapporté plus que les actions sur le marché canadien. Donc, il ne faut pas se lancer dans les actions, dire: Au cours des quatre dernières années, ça a rapporté plus, donc il faut mettre tout notre argent dans les actions. Il faut être prudent. Et revenons au discours de Jean Lesage qui disait: Sécurité des dépôts.

(22 h 50)

Sur une période de cinq ans, de 1989 à 1993, bien, les obligations, au Canada, ont rapporté 15,75 % en moyenne. Les actions, 8 %; entre 8 % et 9 %, 8,64 %. Donc, on voit que, dans la période de 1989 à 1993, si on avait un portefeuille plus important d'actions, on avait donc une performance inférieure à quelqu'un qui avait un portefeuille en obligations. Bon.

J'ai mentionné que, au cours des quatre dernières années, ça n'avait pas été le cas, les actions avaient donné un rendement supérieur aux obligations. Maintenant, au cours des trois derniers mois, bien, ça a été un petit peu... Sans que ce soit la débâcle sur le marché des actions, la performance des actions a été comme ci comme ça. Donc, au cours des trois derniers mois, la performance des obligations a été supérieure.

Alors, le but de mon propos, M. le Président, c'est qu'il faut être prudent là-dedans. Oui au projet de loi n° 168, pourvu que la Caisse de dépôt reste prudente dans son portefeuille. Parce que, dans les actions, le risque est toujours, ou la plupart du temps, beaucoup plus important que dans les obligations. Et je voudrais ramener là-dessus, en terminant, que, dans le discours de Jean Lesage, on disait: Sécurité des dépôts, et on ajoutait: La Caisse de dépôt n'est pas un fonds de placement au même titre que tous les autres. Alors, arrêtons de vouloir comparer la performance de la Caisse de dépôt avec les autres fonds de pension, que ce soit au Canada ou à travers les États-Unis. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Crémazie. Il n'y a pas d'autres intervenants. Alors, nous allons mettre aux voix le principe du projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Ce principe est-il adopté? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, vote par appel nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote par appel nominal. M. le leader du gouvernement.


Vote reporté

M. Jolivet: Oui, M. le Président, en vertu de l'article 223, report à demain, aux affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote est donc reporté à demain, durant la période des affaires courantes. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 26 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 164


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 26, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 164, Loi modifiant la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. Je vais céder la parole à Mme la ministre. Alors, Mme la ministre déléguée au Revenu, je vous cède la parole.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, aujourd'hui, le projet de loi n° 164 franchit une nouvelle étape. Il s'agit en effet de la prise en considération du rapport de la commission des finances publiques, et c'est avec beaucoup de plaisir et de satisfaction que je soumets à cette Assemblée, pour prise en considération, ce rapport de la commission des finances publiques concernant le projet de loi n° 164. Ce projet de loi a été présenté le 4 novembre et le principe en a été adopté le 13 novembre dernier. La commission des finances publiques en a fait l'étude détaillée le 18 novembre et en a adopté les cinq articles. Ce projet de loi contient cinq articles et modifie une seule loi, c'est la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires.

Il y a trois mesures dans ce projet de loi là. La première a pour but de permettre au tribunal d'autoriser le paiement de la pension par le débiteur alimentaire directement à son créancier en attendant la prise en charge du dossier par le ministère du Revenu conformément à la loi. La deuxième mesure, elle prévoit que la sûreté devant être fournie par le débiteur alimentaire lors d'une demande conjointe d'exemption de la loi doit garantir le paiement de la pension pendant un mois au lieu de trois mois tel que prévu actuellement. Et la dernière mesure, elle a pour effet de prolonger à 30 jours le délai dans lequel le débiteur alimentaire doit fournir cette sûreté au ministre du Revenu.

Avant, donc, de demander l'adoption du rapport de la commission des finances publiques, j'aimerais remercier tous les membres de la commission parlementaire qui ont participé à la discussion sur ce projet de loi, et en particulier la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne qui a collaboré à ces échanges. En conclusion, je demande donc à cette Assemblée d'adopter le rapport de la commission des finances publiques sur l'étude du projet de loi n° 164.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre déléguée au Revenu. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de LaFontaine, je vous cède la parole.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. En effet, M. le Président, le projet de loi n° 164 est un projet de loi qui est important pour les citoyens, les Québécois et les Québécoises qui ont à vivre la situation de divorce, de pension alimentaire. Je pense que la loi qui avait été apportée initialement par le gouvernement créait un certain nombre de problèmes, un certain nombre d'irritants de par les montants qui étaient retenus à la source pour les gens qui n'embarquaient pas sur le paiement automatique des pensions alimentaires, en effet, qui était de trois mois à ce moment-là. Un certain nombre de personnes avaient fait en sorte de sensibiliser l'opposition, et le gouvernement certainement, à cette problématique, et nous avions donc eu l'occasion de faire des recommandations à cet effet-là. Et on voit que le gouvernement, maintenant, rapporte de trois mois à un mois la caution de perception. Alors, M. le Président, nous pensons que c'est là certainement une amélioration et nous ne pouvons certainement qu'abonder dans ce sens-là.

Maintenant, il reste à voir toute la problématique des perceptions de pensions alimentaires. Car, en effet, un certain nombre de personnes, de Québécois et de Québécoises qui vivent sous l'emprise de cette loi-là, nous font valoir quotidiennement les retards et les longueurs que la loi a engendrés en ce qui concerne la perception des pensions alimentaires. Car, au lieu de favoriser et d'accélérer le processus, on se rend compte que des gens, des femmes bien souvent majoritairement, se retrouvent à recevoir leur pension après de longs délais et des tergiversations administratives parfois pénibles.

Alors, M. le Président, certes c'est une amélioration, mais il reste quand même que bon nombre de nos compatriotes, des femmes, des familles monoparentales et des enfants subissent encore aujourd'hui les conséquences de cette loi. Alors, est-ce que le gouvernement amène une loi, amène quelque chose qui va régler le problème de ces gens-là? Je ne pense pas. Je pense qu'il va faciliter, qu'il va faire en sorte peut-être de simplifier, mais il n'en reste pas moins que, encore une fois, on constate que, lorsqu'une loi bureaucratique est présentée, le système n'est pas prêt et que les citoyens doivent en subir les conséquences.

M. le Président, nous ne pouvons pas être contre cette loi-là parce qu'elle est une amélioration à quelque chose qui crée problème. Mais nous aurions souhaité que tous les cas, toutes les femmes, toutes les mères de famille qui aujourd'hui attendent encore de recevoir leur pension alimentaire et qui ne la reçoivent pas du fait de la langueur de la loi, du fait de l'embouteillage administratif, nous souhaiterions qu'elles la reçoivent. Alors, nous déplorons cet état de fait.

Maintenant, en ce qui concerne ce projet de loi là, vu que ça peut permettre certainement d'améliorer le système, nous sommes bien sûr en faveur – on ne pouvait pas être contre – mais nous déplorons quand même les difficultés que les gens peuvent vivre actuellement et nous encourageons la ministre, nous souhaitons qu'elle fasse encore plus, qu'elle fasse en sorte que les fonctionnaires de son ministère accélèrent le processus et régularisent les milliers de cas qui sont en attente depuis bien souvent plusieurs mois, de nombreux mois, pour qu'enfin toutes les femmes et les mères de famille québécoises, et aussi les pères, il y en a quelques-uns là-dedans, reçoivent rapidement les pensions qui sont nécessaires pour faire vivre, pour élever leurs enfants et pour assurer leur subsistance.

M. le Président, bien sûr, nous sommes comme parti en faveur de ce projet de loi là, tout en réservant notre opinion à l'effet que c'est un correctif à une loi qui a été mal amenée et qui, pour régler des problèmes, a créé d'autres genres de problèmes. Nous encourageons, encore une fois je le répète, le gouvernement à prendre les mesures administratives pour les régler et accélérer ce processus qui crée des difficultés pour des milliers de femmes au Québec. Donc, M. le Président, nous sommes bien sûr en faveur du projet de loi. Merci.

(23 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Il n'y a pas d'autres intervenants?


Mise aux voix du rapport

Le rapport de commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 164, Loi modifiant la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 27 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 165


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 27, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 165, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec. Je suis prêt à céder la parole à Mme la ministre déléguée au Revenu.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. J'ai donc le plaisir de soumettre ce soir à l'Assemblée nationale pour prise en considération le rapport de la commission des finances publiques concernant le projet de loi n° 165.

Le projet de loi n° 165 a été présenté aux membres de cette Assemblée le 4 novembre dernier et le principe a été adopté le 13 novembre dernier. La commission des finances publiques en a fait une étude détaillée les 18 et 25 novembre et a adopté l'ensemble des dispositions qu'il propose. Aucun amendement n'a été apporté à la version présentée de ce projet. Nous avons, par contre, discuté d'un amendement possible, qui a été avancé par le député de Nelligan, et j'y reviendrai dans la partie du projet de loi que cet amendement concernait.

Ce projet de loi contient 12 articles et il modifie la Loi sur les impôts, la Loi sur ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec. L'ensemble des modifications contenues dans ce projet de loi consistent d'abord à solutionner différents problèmes liés à l'interprétation et à l'application des lois fiscales et, d'autre part, à permettre la communication de certains renseignements confidentiels à des tiers.

Ainsi, M. le Président, une première mesure vient conférer aux vérificateurs du ministère du Revenu le pouvoir de prendre une copie des documents qu'ils examinent lors des opérations de vérification. Une autre mesure va permettre au ministère du Revenu de cotiser une personne au-delà des délais normaux, dans des cas de fraude, si aucune déclaration n'a été produite et qu'une cotisation estimative a été établie, comme le ministère du Revenu peut le faire actuellement à l'égard d'une personne qui produit une fausse déclaration.

Le ministère du Revenu pourra également cotiser de nouveau une corporation et une fiducie de fonds commun de placements dans un délai d'un an, à la suite d'un avis de cotisation établi par le gouvernement fédéral, afin d'apporter les corrections correspondantes en vertu des lois fiscales québécoises.

Ensuite, ce projet de loi introduit deux assouplissements en ce qui concerne la possibilité qu'a une personne qui n'a pas contesté son avis de cotisation dans le délai de demander une prorogation de ce délai. Ces assouplissements concernent le délai dans lequel une telle demande peut être faite et les circonstances dans lesquelles une telle demande sera acceptée.

Quant à la communication de renseignements confidentiels, ce projet de loi propose également d'introduire dans la Loi sur le ministère du Revenu un mécanisme permettant aux membres d'un corps policier munis d'une autorisation judiciaire le droit d'obtenir des renseignements fiscaux afin de lutter contre les produits de la criminalité.

Sur cette question, M. le Président, le député de Nelligan aurait souhaité que nous ajoutions à l'article 4 un amendement pour assurer la destruction de certains documents ou le retour de certains documents une fois les enquêtes terminées. Malheureusement, nous avons demandé des avis au ministère de la Sécurité publique, au ministère de la Justice ainsi qu'à notre contentieux du ministère du Revenu, et les trois ministères concernés ne peuvent donner suite et ne nous recommandent pas de donner suite à cet amendement parce qu'ils démontrent qu'une obligation relative à la destruction ou à la remise au ministère du Revenu de certains documents qui nous seraient transmis en vertu de l'article 69.0.2 aurait un certain nombre d'effets, et je vais les énumérer.

D'abord, on considère qu'il nuirait au travail des policiers qui enquêtent dans le milieu du crime organisé. Ensuite, il contreviendrait à la Loi sur les archives, qui ne permet pas la destruction avant terme de documents. Il contreviendrait aussi au devoir de conservation auquel sont astreints les corps policiers. Il créerait des régimes différents de conservation, d'éléments d'information recueillis dans le cadre d'une enquête, selon que ces informations proviennent ou non du ministère du Revenu du Québec. Enfin, si on exigeait du ministère du Revenu qu'il exerce un suivi non seulement des copies de documents qu'il transmettra aux différents corps policiers, mais également des enquêtes proprement dites, cela nécessiterait de la part du ministère du Revenu tout un système de suivi pour lequel il n'est pas qualifié, et il ne peut pas être tenu, bien sûr, d'être informé du déroulement de ces enquêtes policières.

Enfin, c'est probablement l'élément qui est le plus important pour l'ensemble des trois opinions, un tel amendement créerait un précédent que même la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ne prévoit pas dans le régime qui est applicable à la protection des renseignements nominatifs. La dernière composante de ce projet de loi propose également une mesure qui permet à la Régie des rentes du Québec d'obtenir du ministère du Revenu du Québec la communication de renseignements d'identification d'ex-conjoints. Cette communication s'avère nécessaire pour permettre à la Régie de procéder rapidement au partage des gains admissibles des ex-conjoints à la suite d'un divorce.

En terminant, M. le Président, encore une fois, je tiens à remercier les membres de la commission des finances publiques, qui ont travaillé sérieusement à l'étude de ce projet de loi. Je demande donc à cette Assemblée et à vous, M. le Président, de bien vouloir adopter le rapport de la commission des finances publiques sur l'étude détaillée du projet de loi n° 165.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre déléguée au Revenu. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais faire quelques commentaires sur le dépôt du rapport de la commission sur le projet de loi n° 165, la Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec. Bill 165, An Act to amend the Taxation Act, the Act respecting the Ministère du Revenu, the Act to facilitate the payment of support and the Act respecting the Québec Pension Plan.

M. le Président, effectivement, comme la ministre déléguée l'a mentionné, nous avons eu une commission efficace avec un bon échange d'informations. Malgré ça, je suis déçu que nous n'ayons pas trouvé un moyen de répondre aux demandes de l'opposition. Mais j'ai apprécié les réponses que la ministre a données. Quand nous avons eu une chance de discuter la question face à face, la ministre déléguée, elle-même, a pensé que ma suggestion était correcte et justifiée. Mais ce n'est pas surprenant que la machine arrive avec un avis qui dit: Non, effectivement, on ne peut pas faire ça.

(23 h 10)

Je vais expliquer la raison de ma demande. J'accepte que – il n'y a pas d'autre chose que je peux faire ce soir – la ministre ne dépose pas un amendement tel que je l'ai demandé. On discute une question assez importante particulièrement pendant cette session, les quelques dernières semaines, on parle d'informations confidentielles qui viennent du ministère du Revenu. Je sais qu'il y a tout un autre débat, et je ne commence pas le débat ce soir sur cette question, mais je pense que chaque Québécois et Québécoise est en train de se demander la question: Est-ce que l'information qui vient du ministère du Revenu est sécure? Est-ce que l'information confidentielle va être protégée? Ou est-ce que ça va être divulgué à quelqu'un d'autre? Est-ce que ça va être à vendre, etc.?

C'est pourquoi, quand j'ai vu encore une fois, M. le Président, une loi qui permet un échange d'informations confidentielles à quelques niveaux, j'ai pensé que c'était le temps de commencer à établir un mécanisme de destruction de ces documents. Il y a des articles dans la loi qui permettent de faire des photocopies de documents fiscaux pendant une enquête policière – c'est clair, c'est ça que la ministre déléguée a mentionné – toujours encadré par une décision d'un juge. Avec ça, c'est clair qu'il y a une certaine protection de cette information parce que la police doit plaider la raison d'avoir cette information. Le juge doit décider: Est-ce que c'est nécessaire? Avec ça, il me semble que c'est, à ce niveau, bien encadré, et je ne mets pas en doute que, peut-être dans quelques cas exceptionnels, ça va être un pouvoir nécessaire.

Mais, M. le Président, comme la Commission d'accès à l'information l'a dit, avec toutes les questions de couplage des dossiers, le mégafichier, on doit mettre fin à la permanence de cette information. Ma suggestion pendant le débat, c'est: Est-ce qu'on peut ensemble trouver une façon d'avoir une date limite, une date de destruction de cette information? J'ai recommandé qu'on puisse peut-être avoir un article dans la loi qui oblige que ces documents soient retournés au ministère du Revenu. Et, avec un bon échange, incluant les interventions du président de la Commission, qui est ici ce soir, nous avons décidé que ce n'est pas nécessairement une bonne façon de faire.

J'ai recommandé deux endroits où on peut tricoter ou ajouter un article qui dit: Donne ce pouvoir au juge qui peut dire qu'après l'utilisation de cette information ces documents doivent être détruits. M. le Président, c'est important que je souligne l'importance de ça. Je ne veux pas avoir les documents fiscaux qui peuvent être traînés partout, dans les postes de police ou dans les dossiers, mais, une fois que c'est fini, pourquoi ne pas avoir une obligation de mettre fin à ces documents?

M. le Président, je pense que c'est un point assez important. Nous sommes dans une nouvelle période de technologie, d'échange d'informations, et nous avons vu qu'avec le couplage des dossiers, c'est loin d'être protégé. La Commission d'accès à l'information elle-même a commencé à questionner la permanence de tous ces documents. C'est pourquoi j'ai pensé que, dans ce projet de loi, ça va être assez important d'introduire le concept d'une date limite. On ne veut pas avoir, année après année, de l'information confidentielle qui peut être oubliée dans une valise, qui peut être oubliée dans un dossier, qui peut être utilisée par un autre. C'est pourquoi je comprends – c'est un côté du débat – qu'il doit y avoir le droit de faire les photocopies des documents fiscaux si le juge trouve ça approprié, mais j'ai cherché à trouver une balise qui va respecter plus tard la confidentialité de ce document.

Parce que, M. le Président, la ministre déléguée a dit qu'elle veut utiliser ça pour la lutte contre les produits de la criminalité, etc. Je comprends, mais peut-être que la personne est innocente. Il n'y a aucune raison d'avoir cette information qui peut être utilisée contre elle par ses compétiteurs, par exemple. Il n'y a aucune raison de garder cette information dans les dossiers des policiers. C'est pourquoi j'ai insisté. J'ai insisté pendant tout le débat sur le projet de loi n° 165. Je suis de ceux sur lesquels la ministre déléguée n'a pas eu assez d'influence pour convaincre les autres qu'effectivement, malgré ses intentions, parce qu'elle était pas mal d'accord avec mon idée, je suis de ceux que, finalement... on n'arrive pas avec cette recommandation.

Il y a une autre section qu'il faut que je souligne, c'est la question d'envoyer une information pour les pensions alimentaires. L'information sur le renseignement d'identification, votre numéro d'assurance sociale. Il me semble, M. le Président, peut-être qu'on doit... Je ne mets pas en doute qu'on veut assurer qu'il y ait le meilleur système possible pour les pensions alimentaires, mais est-ce que ce n'est toujours pas le transfert d'informations tel qu'on peut le trouver dans le projet de loi n° 165 qui est le meilleur? Avec ça, j'ai questionné la ministre.

Il y a un autre article – et je sais que mon collègue le député de Verdun veut discuter de ça – c'est la question de l'article 10, qui discute toutes les questions de délais et les questions du double «jeopardy». Si l'employeur ne remplit pas ses formulaires, c'est quoi, les obligations à l'employé? J'ai déjà discuté de ça, M. le Président. Je laisse mon collègue le député de Verdun discuter de ça un peu plus tard.

Mr. Speaker, briefly, Bill 165 has some important components to it, but some disturbing components, disturbing components in which we allowed for the transfer of certain confidential information, certain delays of assessment, and I am concerned that we haven't built in enough balances. I brought up a number of times the questions about further delays in terms of assessment time. I brought up concerns about the notion of the destruction of the documents once they are finished with. The Minister herself seemed quite open, quite pleased with that during discussions, she seemed open with the suggestion, but not surprisingly, the various ministries came back and said no, they didn't want these documents destroyed. The Minister responsible for Relations with the citizens is here tonight, and I recommend that he listens to this debate and hopefully seizes upon this opportunity to begin to introduce notions of closure of confidential information. The Commission d'accès à l'information has already stated that the problems of these great central data banks, of keeping information for extended periods of time is quite dangerous.

So, Mr. Speaker, without going on longer, those are some of our concerns that we had with Bill 165. We believe that this bill hasn't taken into account all of our considerations. We are concerned that the proper checks and bounds haven't been built in. We are concerned that this is a bill that, again, doesn't respond to what we consider some fundamental concerns, that has, yes, given the tools to the Ministry of Revenue to do the job, but also make sure that there are proper checks and balances to protect the confidential information of Quebeckers.

M. le Président, merci pour cette opportunité de parler après le débat aux commissions parlementaires sur le projet de loi n° 165. Nous avons, comme opposition, essayé d'aider la ministre à améliorer ce projet de loi. Nous avons essayé de convaincre la ministre que, malgré qu'on puisse être d'accord avec certaines parties de ce projet de loi, on peut améliorer les protections pour les citoyens. On ne veut pas avoir tout le temps des projets de loi qui donnent plus de pouvoirs au ministère du Revenu et moins de pouvoirs aux citoyens. On ne veut pas avoir des projets de loi qui donnent tout le temps plus d'échanges d'informations confidentielles, et je suis heureux que vous soyez en train d'écouter ça, M. le ministre. Merci beaucoup, et j'espère que vous allez prendre note de ça.

(23 h 20)

Et aussi, comme mon collègue le député de Verdun va en discuter, il y a certainement quelques problèmes spécifiques avec l'article 10 de ce projet de loi, et, malgré toutes nos interventions, la ministre n'a pas pris nos suggestions, et on arrive ce soir avec un projet de loi qui ne nous satisfait pas, M. le Président. Et merci pour cette opportunité d'expliquer encore une fois mes commentaires sur ce projet de loi n° 165.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Maintenant, je vais céder la parole à M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Et leader du gouvernement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Et leader du gouvernement. Avec plaisir.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. C'est pour vous demander, et je fais motion en ce sens, d'ajourner ce débat pour passer à un autre débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion d'ajournement du débat est-elle adoptée? Adopté.

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur division. Très bien. Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'adoption finale d'un projet de loi de mon collègue le ministre du Travail, à l'article 31.


Projet de loi n° 172


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 31, M. le ministre du Travail propose l'adoption du projet de loi n° 172, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail. Alors, M. le ministre du Travail, je vous cède la parole.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, avant que les membres de l'Assemblée nationale adoptent le projet de loi n° 172, j'aimerais rappeler brièvement les trois sujets pour lesquels des modifications législatives ont été apportées à la Loi sur les normes du travail. C'est sûr qu'on a eu un débat en commission parlementaire, et on a eu l'occasion d'approfondir passablement les notions qui sont devant nous ce soir. Ça concerne, vous vous en doutez bien, le travail des jeunes, le travail des enfants.

Les modifications proposées visent à interdire le travail des enfants de moins de 16 ans entre 23 heures et 6 heures du matin, sauf dans le cas de la livraison des journaux ou d'autres cas qui pourraient être réglementés par le gouvernement du Québec. Il oblige en outre un employeur à aménager les heures de travail de ces jeunes de manière à ce qu'ils puissent être à leur résidence familiale pendant les heures dont je viens de parler, c'est-à-dire entre 23 heures et 6 heures du matin.

Le deuxième sujet concerne l'amélioration des conditions de travail des domestiques. Le but du projet de loi est d'assurer la gratuité de la chambre et de la pension à l'égard d'un domestique qui loge ou qui prend ses repas à la résidence de son employeur.

Enfin, il y a une série de modifications, plus techniques celles-là, qui retranchent de la Loi sur les normes du travail les dispositions relatives à la publication des projets de règlement, de façon à rendre la Loi sur les règlements applicable à ce cas-ci comme dans tous les autres.

Quant au travail des enfants, M. le Président, régulièrement, les médias ont attiré notre attention sur les cas d'enfants qui, à mon avis, posaient un certain nombre de problèmes quant à l'utilisation des services qu'on faisait de ces jeunes. Il y avait un cumul de travail à temps partiel qui faisait en sorte qu'on s'est inquiété pour leurs études. Ça soulève évidemment un certain nombre de questions sur le cheminement scolaire de ces jeunes, sur la santé de même que sur leur sécurité.

Le premier travail que nous avons fait a été d'examiner l'état de la législation au Québec. Ce qu'on a découvert, c'est que le Québec ne possède aucune législation de portée générale régissant l'âge d'accès des enfants au travail. Aucune loi québécoise n'a jamais imposé des horaires de travail adaptés pour les enfants. Il fallait donc jeter un coup d'oeil attentif sur cet aspect de la vie de nos jeunes. Cependant, jusqu'en 1981 – c'est peut-être important de le rappeler – l'accès du marché était pratiquement interdit aux enfants d'âge de moins de 16 ans par la Loi sur les établissements industriels et commerciaux. Cette loi est maintenant abrogée.

Aujourd'hui, certaines lois sectorielles fixent des limites d'âge généralement motivées par la santé, la sécurité, la moralité ou la protection du développement physique ou psychologique de l'enfant. Enfin, et c'est important, il y a la fréquentation scolaire obligatoire jusqu'à la fin de l'année académique pendant laquelle l'enfant atteint l'âge de 16 ans ou obtient un diplôme décerné par le ministère de l'Éducation. Il fallait donc, dans notre législation, au moins s'ajuster à la Loi sur l'instruction publique qui fixe l'obligation d'aller à l'école jusqu'à 16 ans. Voilà l'essentiel, M. le Président, des dispositions législatives sur la question relative au travail des enfants.

Compte tenu de l'importance du sujet – et on en est conscient et on l'a bien compris en commission parlementaire – on est loin d'avoir épuisé le sujet, loin de là. D'ailleurs, la commission de l'économie et du travail s'est donné un mandat d'initiative de poursuivre la réflexion immédiatement après les vacances des Fêtes de sorte qu'on puisse revenir devant l'Assemblée nationale le moment venu pour compléter la législation.

M. le Président, il y a un consensus général, je pense, dans la population quant à l'accès des jeunes au marché du travail, mais ce même consensus ne favorise pas non plus le travail de nuit ni le déplacement d'enfants pour vendre du chocolat aux quatre coins du Québec. Il y a eu des abus, et je pense que le projet de loi qui est là vise à mettre les enfants à l'abri des abuseurs.

M. le Président, je souligne qu'on a également prévu la question du gardiennage, la question de la livraison des journaux, et on pense que le gardiennage à domicile n'est pas visé par le présent projet de loi parce qu'il est déjà exclu de l'application de la loi des normes. Alors, en conséquence, les membres de la commission de l'économie et du travail ont convenu de modifier la loi dans le sens qui est proposé, sauf que l'interdiction du travail de nuit et la présence à la résidence familiale ne se poseront pas seulement aux salariés de moins de 15 ans, mais aux salariés de moins de 16 ans.

De plus, le titre de la nouvelle section initialement intitulée Normes particulières aux enfants a été remplacé par Le travail de nuit des enfants, de sorte qu'on se comprenne bien quand on légifère, que la législation traduise bien ce qu'on a débattu en commission parlementaire, de sorte que le législateur s'exprime en toute clarté et en toute simplicité. Il est important de franchir cette étape. Il est important aussi de commencer à mieux baliser le travail des enfants et de s'adapter avec souplesse aux nouvelles réalités dans l'exercice du pouvoir réglementaire qui est le nôtre.

Si je dis qu'il s'agit d'une première étape, c'est parce que le sujet est tellement vaste que les membres de notre commission de l'économie et du travail souhaitent poursuivre ces travaux. Le sujet nous importe, nous tient à coeur, et il faut examiner avec soin toutes les autres avenues. Et c'est pour ça qu'on a décidé de consulter des experts, de demander l'avis du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, de sorte qu'on soit mieux éclairé sur toute la question.

Quant au deuxième sujet, M. le Président, j'ai rencontré au cours des derniers mois un certain nombre d'associations, dont l'association qui se préoccupe en particulier du travail domestique, des personnes, des femmes – parce qu'il s'agit à 99 % de femmes – qui exercent le métier d'aide domestique dans la résidence de leur employeur. On a pensé, en toute simplicité et en toute logique aussi, que ce travail de domestique qui réside chez son employeur, c'est que l'obligation de résider chez son employeur relève d'abord d'une décision de ce dernier et, à ce moment-là, c'est parce que ça fait son affaire et que c'est, en général, voulu par cette personne. Cette disponibilité complète de la domestique résidente apporte de nombreux bénéfices à la famille qui l'emploie. Alors, les questions du gîte, de la nourriture et des frais de résidence, on a décidé de les enlever parce que ça représente, en gros, 40 $ par semaine. Alors, M. le Président, si on réussit à se comprendre, ça va être encore meilleur.

Une voix: ...à vous entendre...

(23 h 30)

M. Rioux: M. le Président, si l'opposition officielle réussit à m'entendre, c'est un peu ce que je veux parce que je sais qu'il y a une réplique qui doit suivre. C'est qu'on a pensé de régler cette question-là une fois pour toutes de sorte que les domestiques qui résident chez leur employeur soient libérés de ces frais qui, à notre avis, n'ont plus de sens dans le contexte économique et social du Québec d'aujourd'hui.

Alors, je voudrais aussi vous signaler une dernière série d'amendements qui ont été apportés à la loi. C'est une série de modifications qui visent à ce que les règles relatives à la publication des projets de règlement soient adaptées à la Loi sur les normes du travail. Désormais, cette loi-là va suivre la même réglementation que la loi générale sur les règlements au Québec.

M. le Président, j'aimerais vous signaler deux choses, en terminant. Si nous avons décidé d'agir sur le travail des enfants la nuit, ce n'est pas parce qu'au Québec il y a des abus considérables, ce n'est pas parce qu'il y a un pourcentage énorme d'enfants qui travaillent la nuit. Ce qu'on a voulu, au fond, c'est faire en sorte d'empêcher que des enfants de très jeune âge, de moins de 16 ans, qui travaillent la nuit compromettent leur réussite scolaire.

Et on sait aussi, et les spécialistes qui sont venus témoigner en commission parlementaire nous ont bien fait remarquer que, lorsqu'il y a des abus chez les jeunes, c'est lorsqu'ils travaillent la nuit, qu'ils sont en dehors du foyer familial, et que, souvent, les situations d'abus se présentent dans des moments particuliers de la journée, c'est-à-dire entre minuit, le soir, et 6 heures du matin. Alors, on a pensé, en toute sagesse, que ce travail-là devait être banni parce qu'on veut la réussite scolaire des jeunes et on veut aussi...

Le député d'Argenteuil va se souvenir des remarques extrêmement judicieuses qui nous ont été faites par le directeur de la Protection de la jeunesse, qui nous a dit: Bien sûr qu'il y a une loi pour protéger les jeunes, mais il n'y a pas de loi qui les empêche de travailler la nuit. Alors, il a évalué que la Loi sur la protection de la jeunesse, la loi de la fréquentation scolaire obligatoire et la loi qui interdit le travail des jeunes la nuit, voilà trois éléments qui viennent protéger nos jeunes et qui leur permettent de faire une vie normale de jeunes. Parce que, à mon avis, M. le Président, le travail d'un jeune, c'est d'aller à l'école et de réussir. Ça m'apparaît, ça, fondamental.

Alors, M. le Président, je termine en soulignant la collaboration assez exceptionnelle de l'opposition dans ce dossier. Et je dois aussi rendre hommage à l'opposition parce que, en 1993, les libéraux, lorsqu'ils étaient au pouvoir, ont fait un certain nombre de recherches et d'études, ils ont abondamment consulté plusieurs organismes et ils en étaient arrivés à un certain nombre de conclusions. Alors, ce qu'ils n'ont pas fait lorsqu'ils étaient au pouvoir... Nous essayons, nous, de notre côté, de donner suite aux recherches qu'ils ont faites et qu'ils ont bien faites, je crois. Et c'est pour ça qu'on reçoit, dans ce projet de loi, l'appui de l'opposition officielle. Je les remercie et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je suis toujours inquiet quand je reçois des fleurs, comme ça; j'ai toujours peur de recevoir le pot par la suite. Mais je dois quand même remercier le ministre du Travail de sa collaboration pendant le travail de la commission, où, avec l'insistance de l'opposition, il va sans dire, il a quand même accepté des amendements importants auxquels nous tenions, avec vigueur d'ailleurs, et il a finalement accédé à notre demande devant l'émotion, les sentiments que nous avons manifestés et l'importance de la demande que nous avons proposée.

M. le Président, le projet de loi n° 172, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail, s'adresse à deux aspects, deux aspects très différents, qui n'ont rien à faire l'un l'autre, au fond. Un s'adresse au travail pour les aides familiales ou au travail domestique, et l'autre est sur le travail pour les enfants en période de 23 heures à 6 heures le matin.

Je vais d'abord m'adresser au travail pour les aides familiales. Je les appelle les aides familiales, M. le Président, parce que, malheureusement, dans le projet de loi, c'était une de leurs demandes, que les aides domestiques soient dorénavant appelées aides familiales. Malheureusement, le ministre n'a touché qu'un seul aspect dans sa loi en ce qui a trait aux aides domestiques ou aides familiales en s'adressant seulement au gîte et aux repas.

Vous devez comprendre, M. le Président – et je n'ai pas besoin d'élaborer longuement là-dessus – comme on sait, que pour 90 % des travailleuses en foyer, pour les aides familiales, ça se fait au noir, que la législation que nous allons adopter ce soir vraisemblablement s'adresse à très petit nombre d'individus, ça ne s'adresse qu'à ceux qui sont déjà déclarés, qui sont au blanc, d'une part, et ceux qui sont au blanc, déjà ils respectent ce genre d'aménagement que le ministre nous propose. Alors, la demande de par la loi d'imposer le gîte et les repas, vous savez, quand ça s'adresse à un groupe d'individus qu'on ne connaît pas, sur lesquels on n'a aucun contrôle, qui se fait au noir, bien, c'est une loi dans le fond qui est perdue. C'est une loi qui est souhaitable, mais on aurait dû trouver des moyens par lesquels ce genre de travail puisse être contrôlé de façon beaucoup plus facile par les autorités gouvernementales de sorte que la loi que le ministre nous propose aujourd'hui, ou cette partie de la loi, puisse s'appliquer facilement.

Malheureusement, le pendant de la loi qui pourrait faire que cette loi-là s'applique n'est pas là. Je comprends qu'il va me dire: Ça relève du ministère des Finances. Mais, M. le Président, je pense que, lorsqu'on s'engage à mettre un projet de loi sur la table, il faut le voir de fond en comble pour s'assurer que, au moins, la loi qu'on passe va s'appliquer. Je m'explique. Si on pense que 85 % à 90 % des aides familiales font le travail au noir, la première orientation qu'on doit prendre, c'est celle de s'assurer que le travail au noir se fait au blanc. On a entendu ceux qui ont pu regarder Le Point hier et ce soir, on a entendu ce que ça faisait, les choses au noir. Il y a des choses évidentes, là, qui nous font dresser le poil, M. le Président, de voir comment c'est organisé et orchestré. Par ailleurs, pour les aides domestiques, ce n'est pas ça. Elles le font parce qu'elles ont peur, qu'elles sont seules, qu'elles sont isolées et qu'elles n'ont pas les informations appropriées.

J'avais demandé au ministre du Travail de voir avec son confrère des Finances s'il n'y aurait pas lieu de passer une loi par laquelle on encouragerait les gens à déclarer les aides familiales. Je lui avais proposé et démontré à ce moment-là un jugement qui avait été porté par la Cour suprême, Mme Symes versus Canada, qui avait demandé d'avoir le droit de déduire de ses impôts le salaire de sa travailleuse familiale. À cette fin, M. le Président, il y a eu un jugement partagé par la Cour suprême en 1994, jugement qui disait, au fond, et je vais lire les quelques lignes qui s'adressent vraiment à ce travail: «Le monde actuel des affaires est de plus en plus peuplé d'hommes et de femmes, et l'interprétation de l'expression "dépenses d'entreprise" doit tenir compte de la situation de tous les participants dans ce domaine. Le soin des enfants est un élément essentiel de la capacité des femmes de gagner un revenu. L'appelante a été logique sur le plan commercial en engageant une gardienne d'enfants. Ces dépenses ont été engagées en vue de tirer un revenu ou de faire produire un revenu et par conséquent leur déduction en vertu de l'article 9 n'est pas interdite, telle que rédigée.»

(23 h 40)

M. le Président, si on a porté un jugement partagé en 1994 alors qu'en 1997 on sait que 55 % des nouveaux emplois qui sont créés sont des emplois autonomes qui vont obliger la mère ou le père à rechercher de l'aide, un support pour pouvoir s'occuper de la maison, souvent s'occuper des enfants, c'est une façon d'être un entrepreneur, comme quelqu'un qui fabrique des meubles, d'engager quelqu'un pour fabriquer des meubles dans le but de faire un revenu, d'obtenir un revenu. Alors, la femme ou la mère qui a une profession ou un autre travail, qui va gagner un revenu à l'extérieur et, pour ce faire, a besoin de quelqu'un pour garder la maison, ça devrait être déductible de ses impôts.

Ce faisant, M. le Président, nous aurions solutionné un des problèmes majeurs en ce qui a trait à l'aide familiale, parce qu'il y aurait avantage pour l'individu de la déduire de ses impôts, donc de la déclarer. Alors, on irait avec un avantage, non pas avec des pénalités, parce que, comme je disais tantôt, la loi va s'appliquer mais elle ne s'applique sur personne, on ne les connaît pas. Ils ne sont pas déclarés, alors qu'est-ce que ça nous donne de passer un projet de loi lorsqu'on sait que ces gens-là ne sont pas déclarés officiellement?

Alors, cette proposition, M. le Président, je l'ai mentionnée au ministre et je lui répète ce soir qu'il a intérêt, dans les mois qui viennent, à rouvrir ce dossier-là, avec le ministre des Finances, pour s'assurer qu'en donnant cet avantage fiscal aux familles qui vont gagner un revenu additionnel, qui ont besoin d'une aide familiale, bien, à ce moment-là, elles seront déclarées et elles pourront bénéficier de tous les avantages qu'elles ont demandés d'ailleurs, parce que l'Association pour la défense des droits du personnel domestique avait demandé certains avantages. Et un des points qui seraient évidents, c'est que tous les avantages sociaux auxquels elles ont droit mais dont elles ne bénéficient pas parce qu'elles ne sont pas déclarées, elles y auraient droit, M. le Président. Je dis toujours «elles» parce que, pour 99,9 %, ce sont des femmes. Alors, elles auraient droit à la RAMQ, évidemment, à l'assurance-emploi, au Régime de rentes du Québec, aux avantages de la CSST, ce à quoi elles n'ont aucun recours aujourd'hui parce qu'elles ne sont pas déclarées.

Alors, je souhaite que le ministre, dans les mois à venir, s'adresse directement à ce problème qui lui avait d'ailleurs été suggéré dans le passé.

En ce qui a trait au travail des enfants, M. le Président, c'est quelque chose qui nous concerne tous au plus haut point parce que c'est l'avenir de notre population, c'est l'avenir de notre société, et si on n'est pas capables, comme individus ou comme société, de protéger ce qui va nous supporter, bien, on a un gros problème, on a un problème majeur. C'est ce à quoi ce projet de loi s'adresse, je dois dire, timidement. C'est un premier pas, mais au moins il y a une porte qui est ouverte.

On sait que, depuis 17 ans, il y avait un vide juridique complet en ce qui a trait au travail des enfants. Et aujourd'hui ce n'est pas que ce soit un malheur que les enfants travaillent. Peut-être qu'il y en a qui profitent de la situation et qui les exploitent, mais je ne pense pas que ce soit le problème actuellement au Québec. Mais avant que les problèmes surgissent, je pense qu'il est souhaitable qu'on puisse légiférer et encadrer, baliser ce travail.

Dans le projet de loi tel qu'il nous avait été proposé, M. le Président, on demandait 15 ans et moins. Nous avons réussi à convaincre le ministre d'accepter notre amendement de monter l'âge jusqu'à 16 ans. On l'avait demandé pour être logiques avec nous-mêmes, parce que la Loi sur l'instruction publique dit bien que les enfants sont obligés d'aller à l'école jusqu'à 16 ans. On sait très bien aujourd'hui que, parmi les jeunes chômeurs, 75 % n'ont pas terminé leur secondaire V. Les encourager à travailler, pas les encourager mais leur permettre de travailler la nuit, ça nous apparaissait comme un encouragement à décrocher. On sait qu'il y a déjà suffisamment de décrocheurs aux secondaires IV et V – on s'en va jusqu'à 40 % à 45 % – on n'a pas besoin de les encourager en leur permettant de gagner de l'argent pour se permettre un certain luxe qui leur apparaît tellement important à leur âge mais qu'ils regretteront amèrement dans 10, 15 ans.

Alors, devant cette situation, le ministre a accepté de monter l'âge jusqu'à 16 ans. Mais, malheureusement, M. le Président, nous n'avons pas réussi à le convaincre de mettre un plancher. Pourquoi le plancher m'apparaissait important? Il m'apparaît toujours important parce que la loi, telle qu'elle est définie, va laisser sous-entendre... Il y a toujours des malsains pour interpréter la loi. On dit qu'on ne permet pas le travail de 23 heures à 6 heures. Le malsain, plus fin que d'autres, va dire: Ah! Bien, on permet le travail jusqu'à 23 heures. Et, comme on n'a pas d'âge plancher, ça veut dire qu'un enfant de 10 ans peut aller travailler jusqu'à 23 heures; selon la loi, ça lui est permis, et en bonne et due forme, avec tout le support bureaucratique qu'on peut donner.

Je ne pense pas qu'un enfant de 10 ans, 11 ans, 12 ans, 13 ans soit capable d'aller travailler jusqu'à 23 heures, de poursuivre des études, sans qu'à un moment donné il en paie le coût, que ce soit par sa santé ou par ses résultats. On a entendu parler depuis des mois, à cause de la diplomation qui est tellement importante, des résultats qui sont tellement importants, que, si on ne favorise pas l'atteinte des résultats, bien, on va se ramasser avec une société qui malheureusement ne pourra accomplir ce vers quoi elle se prépare, c'est-à-dire un avenir glorieux, un avenir riche, un avenir absolument essentiel de connaissances, puis qu'elle va abandonner pour toutes sortes de raisons, parce qu'on aura favorisé le travail chez les enfants en bas de 13 ans.

Quand on parle de 13 ans, M. le Président, ce n'est pas sorti des nues, c'est des chiffres avec des études qui ont été faites soit par l'Organisation internationale du travail, ou l'ANACT, qui a très bien étudié ce genre de situations, parce que, à cause de l'ALENA, évidemment tout est impliqué avec le Mexique où les jeunes travaillent à toute heure du jour ou de la nuit. Devant cette situation, ils ont pu comparer et étudier la performance des enfants, surtout lorsqu'ils sont en bas âge et qu'ils doivent travailler soit pour aider leur famille à boucler le budget ou qu'ils veulent eux-mêmes se donner des avantages spécifiques.

Alors, vous comprendrez que j'aurais souhaité que le ministre nous accorde ce plancher. Nous avons insisté, pendant, j'allais dire plusieurs heures, M. le Président, et à un moment donné j'ai cru que nous avions réussi à briser la corde qui le retenait et qu'il allait nous accorder ce 13 ans qui m'apparaît tellement important. Et important pas seulement pour moi, mais le Conseil du patronat et la CEQ avaient eux-mêmes conseillé dans leur rapport que l'âge de 13 ans soit comme un âge plancher. Ils le proposaient de façon volontaire; non pas que ce soit écrit dans la loi, mais de façon volontaire. Mais comme on connaît les hommes – tant qu'il y aura des hommes, il y aura de l'hommerie – ça va rester difficile d'obtenir de la part des employeurs, lorsqu'ils y voient leur bénéfice, d'accéder au fait qu'on n'engage pas un enfant avant l'âge de 13 ans.

Il y a des groupes, exemple Saint-Jérôme, qui ont réussi, avec la collaboration du Conseil du patronat, des commissions scolaires, des groupes sociaux, des employeurs, des chambres de commerce, à prévenir et à ne pas engager d'enfants en bas de 13 ans. Ils l'ont fait, M. le Président, parce qu'eux aussi, comme nous, ils croient qu'il est important qu'un enfant de 13 ans, qui est en pleine croissance, puisse bénéficier des bienfaits du repos, non pas d'aller travailler de 16 heures jusqu'à 23 heures dans un travail structuré; ce n'est pas ça qu'un jeune doit faire.

Le ministre l'a mentionné à la fin de son allocution tantôt, le travail d'un jeune, c'est d'aller étudier, c'est ça, sa job. On lui demande de travailler et de réussir. Alors, quand on leur permet de s'émanciper et d'aller travailler le soir jusqu'à 23 heures, il est évident que la performance à l'école va s'en ressentir. Ces jeunes-là, c'est notre avenir, et on ne peut pas laisser aller cette situation sans au moins légiférer pour mettre des balises à cette proposition qui est devant nous, c'est-à-dire de laisser sentir aux gens que le travail jusqu'à 23 heures, quel que soit l'âge, n'a pas de conséquence, il vous est permis, il est légal.

(23 h 50)

Ça, M. le Président, c'est peut-être le seul regret que j'avais dans la loi qui nous était présentée. On a réussi à le contourner grâce à la bonne volonté du ministre qui a accepté de demander à la commission de l'économie et du travail de prendre un mandat d'initiative pendant les mois de janvier, février et avant le mois de mars, de faire un rapport, d'étudier dans son ensemble la problématique du travail chez les jeunes. Alors, j'espère que, pendant son travail, la commission va entendre plusieurs groupes qui sont intéressés et qui ont des informations intéressantes et importantes à nous transmettre là-dessus, que la commission, après l'écoute de ces groupes, transmettra un rapport dans lequel le ministre pourra s'abreuver, pourra aller chercher tout ce qu'il lui faut pour compléter son projet de loi n° 172 dans lequel évidemment il manque plusieurs parties.

Il l'a bien dit, il a pris les informations que le gouvernement précédent était allé chercher auprès des groupes. Mais la dynamique a changé depuis ce temps-là. La dynamique a changé, le contexte social a changé. Et l'ouverture par la commission de l'économie et du travail de tout ce contexte, avec les différents groupes qui viendront parader, va sûrement lui permettre de remettre à jour ce projet de loi, de s'assurer que le travail des jeunes va être bien encadré, bien structuré, non pas dans un but de remplacer l'autorité parentale. C'est loin d'être le but de la loi.

La loi ne veut pas se substituer aux parents, elle veut simplement encadrer les employeurs. Elle ne s'adresse même pas aux parents, elle s'adresse aux employeurs. Elle dit aux employeurs: Voici ce que vous pouvez faire. Elle ne dit pas aux parents quoi faire avec leurs enfants, elle ne leur dit pas: Bien, là, si ça vous est permis jusqu'à 23 heures, envoyez-les tous travailler jusqu'à 23 heures, le soir. Ce n'est pas ça qu'elle dit. Elle dit à l'employeur: À partir de 23 heures, vous ne pouvez pas engager un jeune de 16 ans et moins jusqu'à 6 heures le matin. Et, si on arrive, avec la commission de l'économie et du travail, à mettre un âge plancher, elle dira aux employeurs: Vous ne pouvez pas les engager en bas de 13 ans.

M. le Président, on peut regarder ça comme une atteinte à l'autorité parentale, mais ce sera probablement loin d'être une atteinte, mais un appui aux parents, avec tout l'environnement qu'ils connaissent aujourd'hui, qui porte atteinte aux familles, à l'autorité parentale, à la gestion de la famille. Avec le contexte social dans lequel nous vivons, ça va donner un support additionnel aux familles pour dire à leur enfant: Bien, écoute, tu ne peux pas y aller, la loi te l'interdit. Au moins, ils vont avoir un support additionnel que nous leur donnerons dans le but, évidemment, de s'assurer que les employeurs respecteront notre avenir à nous comme citoyens, c'est-à-dire notre jeunesse.

Et je pense qu'il y a d'autres éléments sur lesquels on pourrait s'étendre, M. le Président, mais la santé de ces jeunes enfants qui sont en pleine croissance, quand vous voyez... On en a parlé en commission. Je ne veux pas faire pleurer le ministre à nouveau, mais quand je lui parlais de sa petite fille, et qu'il allait la coucher le soir, à 13 ans... Et, tout à coup, on s'imagine qu'elle est allée travailler jusqu'à 23 heures, le soir. Elle a 13 ans, elle est toute petite, elle est toute menue, on s'en va la border puis on se dit: Mon Dieu! ça ne se peut pas qu'elle travaille jusqu'à 23 heures, le soir. Puis on accepterait ça, nous, comme législateurs, permettre que des jeunes enfants en pleine croissance puissent aller travailler le soir jusqu'à 23 heures.

Alors, c'est pour ça que j'avais demandé au ministre et je l'incite ardemment à poursuivre dans cette lancée ou dans son encadrement pour tout le travail chez les enfants. Il va réussir à protéger l'avenir de notre société, ce qui va assurer notre survie. Je pense que, devant cette situation, M. le Président, nous, dans l'opposition, nous ne pouvons faire autre chose que d'accepter et de supporter le projet de loi qui nous est présenté, tout en souhaitant qu'il soit prolongé dans le travail de la commission, et qu'au mois de mars, lors de la reprise de la session, le ministre nous arrive avec un nouveau projet de loi dans lequel nous retrouverons les éléments essentiels protégeant nos jeunes.

Vous savez, M. le Président, quand je vous dis qu'en 1993 il y a eu 592 jeunes qui ont eu des accidents de travail, ce n'est pas banal, 592 jeunes qui ont des accidents de travail. En 1995, il y a en a eu 509. Ça fait quand même au moins 500 à 600 enfants par année qui subissent des accidents de travail. Et là on ne décrit pas l'âge; ça peut être de 10 ans à 15 ans. Alors, je pense que c'est important qu'on puisse encadrer le travail chez nos enfants et s'assurer que l'avenir de la société québécoise puisse profiter d'un encadrement sain, un encadrement propre qui va les encourager à poursuivre leurs études, à obtenir des résultats plutôt que d'aller chercher des avantages, un luxe qui ne sera que très éphémère et temporaire.

Alors, M. le Président, je tiens à remercier, en terminant, tous les membres de la commission qui ont siégé sur ce projet de loi où chacun y est allé de ses commentaires importants, de ses énoncés, de ses inquiétudes qui ont été partagées. Et je veux remercier aussi le travail de tous les secrétaires qui ont participé, et particulièrement le ministre qui a été à l'écoute, parce qu'il a accédé aux demandes de l'opposition, en tout cas, partielles. Et j'espère que le travail qui se poursuivra en commission parlementaire, par la commission de l'économie et du travail, sur le travail des enfants, dans leur mandat d'initiative, fera que le travail de nos enfants sera bien encadré et protégera notre avenir à nous comme Québécois. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie M. le député d'Argenteuil. Il n'y a plus d'autres intervenants? Le projet de loi n° 172, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, pour permettre au député de pouvoir faire son intervention, je permettrais un petit dépassement de minuit en revenant à l'article 27.

M. Gautrin: M. le Président, vous comprenez bien que le règlement nous oblige à terminer à minuit, et nous allons donc être obligés... Avec plaisir je pourrais faire une minute de mon intervention, et je pourrai, dans une séance ultérieure bien sûr, poursuivre cette intervention qui est éminemment importante, M. le Président.

Alors, je ne sais pas, mais je vais tout simplement commencer mon intervention. À minuit, je comprends qu'on va être obligé d'arrêter, et on pourra bien sûr recommencer à un autre moment.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il vous reste deux minutes, M. le député de Verdun. Sans plus tarder, je vous cède la parole.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, vous appelez actuellement le projet de loi n° 165, c'est bien ça?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, c'est vrai, je n'ai pas eu le temps, vous vous êtes levé avant que je puisse parler.

M. Gautrin: Alors, appelez-le donc, M. le Président, mon temps comptera après que vous commencez à appeler. Merci.


Projet de loi n° 165


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous prenons le débat à l'article 27: prise en considération du rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 165. M. le député de Verdun, deux minutes.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, alors, il me reste à peu près une minute et quelque chose. Alors, je tiens à intervenir sur ce projet de loi qui est, je trouve, absolument malheureux. Malheureux que dans un projet de loi qui semble bénin à première vue, qui s'appelle Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec, on s'en va glisser subrepticement, en cachette, une modification à la Loi sur le régime de rentes du Québec, alors qu'au même moment, dans un autre commission, ce gouvernement, par le projet de loi n° 149, propose une réforme en profondeur du régime de rentes du Québec. Alors, c'est ce que j'appelle du manque de clarté, du manque de visibilité. Et n'eût été de la vigilance des parlementaires de l'opposition, on aurait certainement passé cet article sans qu'on puisse en débattre, parce que bien sûr la majeure partie du projet de loi touche le ministère du Revenu et les questions qui touchent la perception des pensions alimentaires, sauf cet article 10 qui n'a rien à voir avec le reste de la loi, mais qui touche la réforme du régime des rentes.

Alors, M. le Président... J'ai terminé mon temps, je recommencerai ultérieurement, avec la même ire que j'ai aujourd'hui face à cet article.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, étant donné l'heure, nous allons lever la séance et ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à minuit)


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