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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, November 25, 1997 - Vol. 35 N° 137

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Table des matières

Présence du député de la province de Cordoba de la République argentine, M. Carlos Bellettini

Présence du haut-commissaire du Commonwealth des Bahamas, Mme Angela Missouri Sherman-Peter

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons, Mmes, MM. les députés, nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du député de la province de Cordoba de la République argentine, M. Carlos Bellettini

Avant d'aborder les affaires courantes, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes du député de la province de Cordoba de la République argentine, M. Carlos Bellettini.


Présence du haut-commissaire du Commonwealth des Bahamas, Mme Angela Missouri Sherman-Peter

De plus, j'ai le plaisir de souligner également la présence dans les tribunes du haut-commissaire du Commonwealth des Bahamas, Son Excellence Mme Angela Missouri Sherman-Peter.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Il n'y a pas de dépôt de documents.


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Étude détaillée du projet de loi n° 163

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 19 et 20 novembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 163, Loi modifiant la Loi sur le curateur public et d'autres dispositions législatives relativement aux biens soumis à l'administration provisoire du curateur public. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'administration publique et député de Westmount–Saint-Louis.


Auditions conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

M. Chagnon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'administration publique qui a siégé afin de procéder aux auditions ci-dessous énumérées en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Le 10 septembre 1997, le président de la Commission des services juridiques; le 30 septembre 1997, le président de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec; le 1er octobre 1997, le secrétaire associé aux Services gouvernementaux et le directeur général des Services aériens et postaux; le 2 octobre 1997, le sous-ministre de la Sécurité publique et le sous-ministre de la Justice; le 8 octobre 1997, le sous-ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie et aussi le président de la Société de développement industriel; le 15 octobre 1997, le sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation; finalement, les 12 et 19 novembre 1997, le secrétaire du Conseil du trésor.

La commission a également tenu des séances de travail les 3, 4, 10 et 30 septembre, les 1er, 2, 8 et 29 octobre 1997 et les 11, 19 et 20 novembre 1997.

M. le Président, le rapport de la commission contient des recommandations. Et je tiens à vous souligner que c'est la première fois qu'une commission parlementaire du type de la nôtre a réussi à faire le tour de l'ensemble des dossiers émanant du rapport du Vérificateur général, et ça, avant le dépôt du prochain rapport demain matin. Je voudrais remercier les membres de ma commission, le vice-président et les autres membres qui ont travaillé sur ce dossier.

Le Président: Ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: M. le Président, je demande l'autorisation de cette Assemblée pour déposer une pétition non conforme au règlement.

Des voix: Oui, oui.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.


S'assurer que la réforme du régime d'aide sociale respecte les valeurs démocratiques

M. Dion: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2 670 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Saint-Hyacinthe.

«Considérant que le gouvernement a aboli le barème de disponibilité de même que le barème de participation;

«Considérant que le gouvernement a augmenté la coupure pour refus ou abandon d'emploi ou refus de se conformer aux directives de l'agent;

«Considérant que le gouvernement a comptabilisé la totalité des avoirs liquides lors de l'entrée à l'aide sociale;

«Considérant que le gouvernement a coupé les soins dentaires et optométriques et instauré l'assurance-médicaments;

«Considérant que le gouvernement a retiré le crédit d'impôts fonciers et qu'il a imposé les prestations d'aide sociale;

«Considérant que le gouvernement a retiré le barème de non-disponibilité aux mères ayant un enfant de cinq ans;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Que toute personne ait droit à un revenu décent qui permet de vivre dans la dignité;

«Que toute personne ait droit d'assurer une réelle distribution de la richesse et une véritable création d'emplois de qualité;

«Que toute personne ait droit de participer à la société de façon pleine et entière, que ce soit par l'emploi ou autrement;

«Que le régime d'aide sociale puisse reposer sur des valeurs démocratiques et, dans cette perspective, il doit notamment favoriser l'autonomie des personnes et combattre toute forme de discrimination;

«Qu'il ne doit y avoir aucune obligation de participer à des mesures d'insertion afin de toucher des prestations d'aide sociale;

«Que le régime d'aide sociale puisse être démocratisé en reconnaissant l'expertise des personnes elles-mêmes en mettant en place des mécanismes de recours à tous les niveaux.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Je demande le consentement pour déposer l'extrait d'une pétition.

(10 h 10)

Le Président: Vous pouvez y aller, Mme la députée.


Installer un feu de circulation à la croisée du chemin Perreault et du boulevard Gaboury, à Mont-Joli

Mme Doyer: Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 600 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Matapédia.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Plusieurs raisons justifient notre demande: premièrement, l'augmentation substantielle de la circulation sur le chemin Perreault Ouest en raison du prolongement de la voie de contournement; deuxièmement, les accidents qui s'y sont produits au cours des dernières années; troisièmement, la vitesse excessive à laquelle circulent les automobilistes dans les deux sens sur le boulevard Gaboury.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, résidents et résidentes du chemin Perreault et automobilistes, considérons que le ministère des Transports devrait installer des feux de signalisation à la croisée du chemin Perreault et du boulevard Gaboury, à Mont-Joli.» M. le Président, Mont-Joli s'écrivant avec un «i» plutôt qu'un «y».

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Merci, M. le Président. Avec le consentement, je dépose l'extrait d'une pétition signée par 1 598 pétitionnaires.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour...

M. Fournier: Bien, je le demande, M. le Président. Vous m'appelez, je demande le consentement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Écoutez, M. le Président, je n'ai pas eu vent d'aucune demande dans ce sens-là. M. le Président, vous avez demandé, au niveau des pétitions, de s'assurer, avant que le dépôt soit fait... Alors, de la même façon, s'il veut la déposer demain matin et en parler avec les gens concernés, je serai prêt à la regarder, mais pas aujourd'hui.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, très brièvement, M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, simplement pour indiquer au leader du gouvernement, l'invitant à revenir sur son refus de consentement, que nous avons consenti, dans le cas de deux députés ministériels, au dépôt de pétitions sans que j'en sois prévenu. J'avais confiance que ses députés accompliraient correctement leur devoir.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je serais très surpris que les employés de mon bureau n'aient pas communiqué avec les employés du bureau du leader de l'opposition avec lesquels on s'est entendu. Qu'on fasse la même chose.

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Je demanderais le consentement pour déposer l'extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: ...

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, pour être capable de gérer convenablement une telle entente, qui arrive toujours sur la question des pétitions non conformes, vous nous avez déposé la semaine dernière un document concernant les pétitions non conformes. J'aimerais être mis au courant avant de donner mon consentement, comme on le fait normalement par un téléphone à mes employés, pour qu'on puisse, après ça, déterminer si, oui ou non, on donne notre consentement.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement pour indiquer que, de ce côté-ci, il y a consentement, M. le Président.

Le Président: Alors, puisqu'il n'y a pas de consentement, M. le député de Rivière-du-Loup, il ne peut pas y avoir de dépôt de pétition à ce moment-ci.


Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège

Alors, interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

J'ai reçu dans les délais requis, de M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle, deux demandes d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Déclarations du ministre d'État des Ressources naturelles concernant le congédiement d'un fonctionnaire à Hydro-Québec pour divulgation de renseignements personnels

La première porte sur un outrage qu'aurait commis, le 20 novembre dernier, le ministre des Ressources naturelles en induisant la Chambre en erreur relativement au congédiement d'un fonctionnaire à Hydro-Québec en rapport avec le dossier de la divulgation de renseignements personnels.


Déclarations du premier ministre concernant la communication de renseignements personnels à son cabinet

La deuxième demande porte sur un outrage qu'aurait commis le même jour le premier ministre du Québec en induisant la Chambre en erreur relativement à l'implication de son bureau dans la divulgation de renseignements confidentiels.

J'ai reçu ces demandes selon les règles convenues. Alors, je prends les deux questions en délibéré et je vais rendre ma décision le plus rapidement possible. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Je pense que je n'ai pas à vous convaincre de l'importance des sujets qui sont mis de l'avant. Le premier ministre lui-même déclarait, la semaine dernière, en cette Chambre: «Le gouvernement considère cette chose sérieuse, puisqu'il s'agit d'un secret fiscal qui participe de l'intégrité de l'État.»

Des voix: ...

Le Président: Juste un instant! M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Dans ces circonstances, M. le Président, compte tenu qu'il s'agit de l'intégrité de l'État, et ça, c'était avant la manchette du journal de dimanche matin...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je voudrais éviter qu'on fasse actuellement un débat sur la question. Vous avez posé deux questions de privilège; je vous indique que je les prends en délibéré. Vous voulez me prier de faire ça rapidement parce que vous considérez que c'est une question importante, je le comprends, mais je ne veux pas, à ce moment-ci, qu'on plaide plus que ça.

M. Paradis: M. le Président, non seulement je considère qu'il s'agit d'une question importante, mais je considère qu'il s'agit d'une question que vous vous devez, compte tenu des dispositions de l'article 2 du règlement, de trancher avant la période de questions.

Dans les circonstances, M. le Président, si vous avez besoin de quelques moments de réflexion, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes à votre disposition. Vous avez les pouvoirs de suspendre le débat, de rendre la décision et de continuer les travaux de la Chambre. On parle d'une question qui est cruciale, qui est au centre du fonctionnement des institutions démocratiques.

M. Jolivet: M. le Président.

M. Paradis: On parle d'une question d'intégrité de l'État, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: Si c'est une question de règlement, M. le leader du gouvernement, j'entends déjà, sur la question, le leader de l'opposition officielle. Je vous reconnaîtrai immédiatement après.

Des voix: ...

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous voulez intervenir sur quoi, à ce moment-ci?

M. Jolivet: M. le Président, vous avez dit que vous allez rendre une décision. Je pense qu'il n'y a pas d'argumentation à ce moment-ci. Vous allez rendre votre décision. Il fait une demande, vous déciderez, mais pas d'argumentation, s'il vous plaît.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, dans les circonstances, je vous demanderais, compte tenu de la gravité de la situation, de suspendre les débats, de rendre votre décision en prenant le temps dont vous avez besoin pour rendre une décision qui est sage et éclairée et qui va lier tous les membres de l'Assemblée nationale quant à deux questions de privilège, une qui touche le premier ministre du Québec et...

Des voix: ...

Le Président: Écoutez, je comprends, M. le leader de l'opposition officielle, que vous demandez que cette décision soit rendue maintenant, avant la période de questions. Avant de prendre cette direction-là, j'ai vérifié les précédents également depuis de nombreuses années et j'ai indiqué que, compte tenu des précédents que j'ai consultés, j'entendais prendre cette question en délibéré. Et sachez bien que je suis très conscient des questions qui sont soulevées, de leur importance, et, dans ce contexte, je n'ai pas l'intention de faire traîner les choses inutilement. Mais, à ce moment-ci, je considère que j'aurais, je pense, besoin d'un temps suffisant pour réfléchir et faire en sorte que les décisions soient rapidement prises correctement.

M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, M. le Président. En vertu de nos règlements, vous avez, tout le monde le sait, déjà une heure et quart de réflexion possible... Quand même, conformément au règlement, avant la période de questions, ça vous a été transmis. Tout ce qu'on évoque de ce côté-ci, compte tenu de l'importance des allégations qui circulent, des personnes en cause, de l'intérêt public qui serait mieux servi à l'endroit de nos citoyens, c'est qu'à l'égard des questions qui sont soulevées par mon collègue de Brome-Missisquoi vous preniez le temps tout de suite, à partir de tout de suite, pas à partir de tout à l'heure, à partir de tout de suite, pour en décider.

Ce n'est pas de l'argumentation, on plaide l'importance du sujet, on ne nomme personne et on indique qu'il est important que ce soit décidé rapidement et non pas plus tard. C'est tout ce qui est en cause. J'argumente que ça presse. Je n'argumente pas que vous devriez décider telle ou telle chose, pour ou contre. Je ne préjuge pas de votre décision. J'indique que, quant à nous, c'est assez important pour que vous preniez le temps à partir d'immédiatement, 10 h 20, de vous retirer dans vos appartements avec vos conseillers, de regarder le dossier puis de nous revenir après ça.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, vous avez rendu une décision à l'effet que vous attendriez, que vous donneriez dans les plus brefs délais... Cette décision-là, elle est rendue. On essaie de vous la faire changer, mais j'espère que vous allez la conserver, M. le Président.

Le Président: Alors, à ce moment-ci, après avoir entendu les arguments de chaque côté, M. le chef de l'opposition, M. le leader de l'opposition officielle, je maintiens la décision que j'ai prise. Je vais rendre la décision dans les meilleurs délais. Mais je ne vois pas à ce moment-ci de raison pour retarder la période de questions et de réponses orales.

Une voix: Question de règlement.

Le Président: Je n'entends pas qu'on discute de la décision à nouveau. Sur une question de règlement, M. le leader adjoint de l'opposition.

(10 h 20)

M. Fournier: Certainement, une question de règlement pour mieux comprendre le règlement à l'avenir, j'imagine. M. le Président, je vous ramène aux articles qui commencent à l'article 66, à la sous-section 4 qui parle des interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. Vous allez noter que cette section précède la sous-section 5, Questions et réponses orales.

Évidemment, si on regarde l'article 75, d'abord sur la période de questions qui va s'ouvrir à un moment donné, cette période de questions: «Les questions doivent porter sur des affaires d'intérêt public, ayant un caractère d'actualité ou d'urgence, qui relèvent d'un ministre ou du gouvernement.» Pour que nous puissions, nous, de l'opposition, respecter le règlement, appliquer ce règlement, poser des questions... Je m'excuse, M. le Président, je n'ai...

Le Président: À ce moment-ci, M. le député de Châteauguay, je considère que la décision est rendue et je n'entends pas revenir sur cette décision. Et je vous ai indiqué qu'avant de prendre cette décision j'avais consulté les précédents. Et ce n'est pas d'hier que, sur ces questions-là, la présidence, même lorsque les questions... Parce que c'est dans la rubrique qui précède celle de la période des questions et des réponses orales, ce n'est pas d'hier que les présidents se réservent la possibilité de trancher plus tard et après la période des questions et des réponses, même dans les jours qui suivent. Je ne dis pas que c'est l'intention que j'ai en tête, sauf que, à ce moment-ci, je n'ai pas l'obligation de trancher rapidement et maintenant et je n'entends pas le faire avant la période des questions et des réponses.

M. Fournier: M. le Président, est-ce que je peux au moins avoir la possibilité de terminer un appel au règlement?

Le Président: C'est-à-dire que, M. le député de Châteauguay, la présidence, sur des appels au règlement, peut permettre plus de temps ou moins de temps selon qu'elle juge qu'elle est suffisamment informée. Et, dans le contexte, je n'entends pas revenir sur la décision, je pense que la décision est rendue. Et l'argumentation que vous voulez faire et que vous avez commencé à faire vise de toute façon à me convaincre de changer cette décision, et la décision est rendue.

Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Une question de directive, M. le Président. Vous avez été également saisi, je présume, dans les délais prescrits, d'une demande de débat d'urgence concernant le dossier de la divulgation de renseignements personnels provenant du ministère du Revenu. Est-ce que, dans le cas de ce débat-ci, c'est la même décision qui va prévaloir?

Le Président: Dans ce cas-là, M. le leader de l'opposition officielle, la décision, je l'ai choisie, j'ai choisi la décision que je rendrais et je conviens que cette décision-là se rendra immédiatement après les affaires courantes, au début des affaires du jour, comme ça se fait normalement. Alors, la décision sera rendue immédiatement après les affaires courantes, au début des affaires du jour.

M. Paradis: M. le Président, on pourrait possiblement, à ce moment-ci, compte tenu que votre décision est prête concernant le débat d'urgence sur la question des renseignements confidentiels du ministère du Revenu, solliciter le consentement de l'autre côté pour que l'on suspende à ce moment-ci nos débats, que vous ayez la possibilité également de rendre vos décisions sur les questions de droit et privilège pour qu'on sache au cours de la journée quel va être l'agenda de l'Assemblée nationale sur une question de l'intégrité de l'État.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Si on procède à la période de questions comme prévu, lorsqu'arrivera l'item prévu à l'ordre du jour, qu'on vient d'apprendre du leader de l'opposition et pour lequel vous avez reçu un avis, M. le Président, nous entendrons cette décision-là. Donc, la période de questions doit commencer à ce moment-ci, M. le Président.

Le Président: Encore une fois, M. le leader de l'opposition officielle, je suis très conscient des enjeux, d'une part; je n'ai pas l'intention de retarder indûment et de faire en sorte que l'Assemblée ne puisse pas être saisie de ce qu'elle pourrait éventuellement l'être. Mais, à ce moment-ci, j'ai indiqué, un, dans le cas des deux questions de privilège, que j'entendais rendre ma décision le plus rapidement possible, et si possible aujourd'hui; dans le cas de la demande du débat d'urgence, la décision est prise.

Actuellement, il y a des conseillers qui sont en train de préparer des notes pour soutenir cette décision-là en fonction des arguments que j'ai indiqués. À ce moment-ci, j'ai indiqué que la décision sur la demande de débat d'urgence interviendrait immédiatement après les affaires courantes, au début des affaires du jour, et c'est comme ça que j'entends procéder.

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Comme il n'y a rien au règlement qui indique le moment où – et vous avez toute la discrétion possible dans ces circonstances-là – vous devez rendre une décision, compte tenu que vous nous indiquez que la décision est prise concernant la tenue d'un débat d'urgence sur la question des renseignements confidentiels du ministère du Revenu, est-ce qu'on peut savoir à ce moment-ci, M. le Président – ce serait urgent de le savoir, là – quelle est cette décision?

Le Président: Écoutez, à ce moment-ci, je comprends votre argumentation. J'ai indiqué quelles étaient les choix au niveau des moments, c'est-à-dire que – et ce, je me réfère même à des précédents que j'ai consultés avant, et on vient encore de m'en indiquer un autre – les deux questions de privilège ou de violation de droit ou de privilège vont être tranchées le plus rapidement possible mais pas maintenant. C'est ce que j'ai indiqué.

Et, dans le cas du débat d'urgence, j'ai indiqué que la décision, je la rendrais immédiatement après les affaires courantes, ce qui va me permettre, pendant les affaires courantes, de faire en sorte que les notes qui doivent être préparées puissent l'être et qu'immédiatement on puisse rendre cette décision-là après les affaires courantes. En l'occurrence, ça va nous permettre d'aborder immédiatement la période des questions et des réponses orales qui, également, est une rubrique importante de nos travaux et de la séance.

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. On comprend très bien, M. le Président, que vous avez rendu une décision que vous ne rendriez pas de décision immédiatement en ce qui concerne les questions de droit et de privilège. Maintenant, vous avez également indiqué à la Chambre que, en ce qui concerne le débat d'urgence, votre décision est prise. On comprend que vous souhaitez l'étayer davantage, mais est-ce qu'on peut connaître la finalité de la décision? Vous pourrez l'étayer. Qu'est-ce qui vous empêche à ce moment-ci de nous communiquer, à l'Assemblée nationale – c'est une demande de débat d'urgence – si, oui ou non, il y aura un débat d'urgence aujourd'hui, M. le Président?

Le Président: Je pense que, pour le bon ordre des travaux, la présidence ne peut pas passer son temps à changer d'opinion. En l'occurrence, la décision que j'ai rendue sur le moment est celle que j'ai indiquée et je n'entends pas y revenir.

Encore une fois, je pense que l'attente ne sera pas énorme, puisque nous allons aborder normalement la période des questions et des réponses dans quelques instants. Peu après, on va aborder immédiatement les affaires du jour.

Alors, je vous avise donc qu'après la période des questions et des réponses orales sera par ailleurs tenu le vote sur la motion de censure de M. le député de Laporte débattue le 20 novembre dernier.

Alors, nous en arrivons... Sur une question de règlement, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Fournier: D'une autre teneur. Selon le règlement, M. le Président, il est possible, pour les députés de l'opposition et même les députés ministériels, de profiter de la période des questions pour poser des questions. Pour que nous puissions y arriver de façon correcte, il est normal que l'on détienne un certain nombre d'informations que l'Assemblée a en sa possession. En ce moment, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Écoutez! M. le député de Châteauguay, je crois que la présidence a pris des décisions, et tout le monde doit vivre avec les décisions de la présidence, qu'on aime ça ou qu'on n'aime pas ça. Et ça vaut d'un côté ou de l'autre. Et, selon les journées, ça fait plaisir à l'un ou à l'autre des côtés. Alors, à ce moment-ci, la décision est rendue, et j'invite le chef de l'opposition officielle à poser la première question principale.

M. Johnson: Oui, ma première question s'adresse à vous, M. le Président. Je n'ai connaissance d'aucun précédent où la décision de la présidence, c'est de nous dire que sa décision est prise puis qu'on va le savoir plus tard. C'est ça que je vous demande.

Des voix: C'est ça! Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, d'abord, vous savez très bien que ce n'est pas une question en vertu de la période des questions et des réponses orales, lesquelles questions s'adressent au gouvernement, d'une part. Deuxièmement, je peux très bien considérer, et c'est manifeste, je pense, pour tout le monde, que cette décision ne vous plaît pas. Je le regrette, mais c'est comme ça.

La décision, c'est d'attendre après les affaires courantes pour indiquer quelle est la teneur de la façon dont le président entend recevoir la question du débat d'urgence. Et, à ce moment-ci, je vous invite à respecter cette décision, qu'elle vous plaise ou pas, et à aborder la période des questions et des réponses orales au gouvernement. M. le chef de l'opposition officielle.


Questions et réponses orales


Mandat d'enquête confié à la Commission d'accès à l'information concernant la communication de renseignements personnels au cabinet du premier ministre

M. Johnson: Vous aurez compris que la période des questions commence à ce moment-ci et non pas il y a...

Le Président: Bien sûr.

(10 h 30)

M. Johnson: ...une minute et demie. Depuis environ 48 heures, ou un peu plus, il y a des allégations qui ont cours, qui ont pris naissance dans la livraison de dimanche de deux quotidiens, ici, au Québec, à la fin d'une semaine passablement mouvementée pour tout le monde qui est préoccupé de la confidentialité des renseignements, avec la découverte qu'au moins une personne aurait été congédiée, si on comprend bien, pour avoir trafiqué dans les renseignements confidentiels des contribuables, au ministère de Revenu, après avoir découvert, malgré les dénégations tonitruantes du ministre responsable des Ressources naturelles, qu'effectivement à Hydro-Québec aussi c'est déjà arrivé assez récemment qu'on doive congédier quelqu'un à cet égard-là. Maintenant, évidemment, il y a des allégations qui touchent la disposition qu'on fait de renseignements personnels, y compris – c'est ça qui s'ajoute, là – dans l'entourage immédiat du cabinet du premier ministre, pas du Conseil des ministres, du cabinet, donc, de son bureau, du bureau du premier ministre par l'un ou l'autre des membres de son cabinet.

Les réponses que le premier ministre nous a apportées hier et aujourd'hui sont, c'est le moins qu'on puisse dire, insatisfaisantes. Par exemple, le premier ministre nous dit, il l'a même dit tout à l'heure: Mon cabinet n'a jamais avoué avoir été mis au courant. Il a répété quelques secondes plus tard: Mon cabinet n'a jamais été au courant de tels renseignements. Je lui rappelle que c'est un chef de cabinet adjoint qui est en cause. Le personnage central travaillait comme chef de cabinet adjoint du premier ministre; on ne peut pas dire que le cabinet ne savait rien.

Le premier ministre a dit, par écrit, hier... Le cabinet du premier ministre a publié un communiqué de presse qui dit, à l'égard de ces allégations, que rien n'avait été divulgué, qu'il n'y avait rien, dans le fond, de substantiel, qu'outre le litige – je cite directement le communiqué de presse – outre l'existence d'un litige, il n'y a absolument rien qui pouvait transpirer de tout ça. Alors qu'aujourd'hui le premier ministre ne dit pas la même chose. Il dit que ce n'était qu'un numéro de téléphone qui était en cause. Apparemment, même, l'existence d'un litige ou les faits reliés à un litige n'étaient absolument pas en cause.

Et à l'égard, troisièmement, de l'élément nouveau; l'élément central, ça a l'air qu'un fonctionnaire du ministère du Revenu ne sait pas comment rejoindre, au téléphone, un notaire de la région de Montréal qui, en plus, est député du Bloc québécois. Je laisse à tout le monde d'apprécier le caractère inusité – je vais être poli, «inusité» – de voir que le premier ministre ne semble même pas avoir saisi, je dirais, l'incrédulité qui accueille les propos qu'il nous a relatés tout à l'heure. Il n'a pas saisi que c'est une explication essentiellement loufoque, celle d'un fonctionnaire du gouvernement du Québec qui appelle le cabinet d'un ministre, qui appelle le cabinet du premier ministre pour avoir un numéro de téléphone de quelqu'un qui est un personnage public évidemment.

Est-ce que le premier ministre ne trouve pas que, devant ces faits-là, ce n'était pas suffisant, une enquête interne privée, que ce n'est pas plus satisfaisant, une enquête dite externe, confiée à M. Comeau, qui demeure de nature privée, dont le déroulement ne sera pas public – le premier ministre a dit que ce ne serait pas public, il l'a dit, il n'était pas question de ça – et que ce qu'il faut, compte tenu des gens dans nos institutions, y compris le premier ministre, compte tenu des postes qui sont occupés, compte tenu de la nature même du litige qui est soulevé, compte tenu du fait qu'on n'est pas obligé de croire toutes les couleuvres, de toutes les avaler, à droite puis à gauche, qui sont envoyées dans le décor, dans le genre: C'est à cause d'un numéro de téléphone que les gens de haut niveau sont impliqués... Est-ce que le premier ministre peut s'engager ici à aller un peu plus loin que tout à l'heure et nous dire que l'enquête doit être de caractère public, que l'Assemblée nationale ou une commission parlementaire de l'Assemblée nationale doit être impliquée, car il en va, compte tenu des institutions, d'assurer le maximum de transparence, de ne laisser absolument rien au hasard et, dans le respect de la confidentialité des dossiers fiscaux, de faire en sorte qu'on fasse la lumière sur qui a fait quoi, quand, et qui savait quoi, quand?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, dans cet article qui a paru en fin de semaine simultanément dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec , il y avait deux sortes d'allégations. Premièrement, une allégation extrêmement grave voulant que mon cabinet, que le cabinet du premier ministre du gouvernement du Québec s'abreuvait systématiquement d'informations fiscales qu'il tirait du ministère du Revenu. Ça, ça a provoqué une sorte de délire au congrès du Parti libéral qui a demandé ma démission, M. le Président, sur la foi d'un article sans fondement, sans fondement, sans vérifier auprès de personne, une affirmation générale sans aucun fondement. Heureusement, le chef de l'opposition a eu la tête plus froide et n'a pas suivi son parti dans cet élan démagogique.

Alors, ce que je dis, M. le Président, à cette Chambre, ce que je dis au Québec tout entier, ce que je dis à tous ceux que je respecte, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Ce que j'affirme, M. le Président, c'est que, en aucun moment, je n'ai demandé à qui que ce soit, à mon cabinet ou ailleurs, comme premier ministre, d'aller chercher de l'information ailleurs et de l'utiliser; deuxièmement, les vérifications qu'on a faites – rapides, il est vrai parce que c'est arrivé il y a quelque temps – celles qui ont été faites à ma demande par mon directeur de cabinet auprès de mon entourage et de mon cabinet, c'est que je suis confirmé dans mon assurance qu'aucune personne de mon cabinet n'a demandé quelque information fiscale à qui que ce soit et en particulier au ministère du Revenu. Ça, c'est la première allégation.

La deuxième, M. le Président, c'est celle voulant que, à l'occasion d'un appel téléphonique fait par l'un de mes collaborateurs, M. Charles Chevrette, qui était à l'époque dans mon cabinet et qui avait la fonction d'adjoint au directeur de cabinet, à l'occasion d'un appel téléphonique qu'il a fait à Ottawa à un membre du cabinet du chef de l'opposition à la Chambre des communes, il aurait fait état de l'existence d'un litige fiscal concernant un député du Bloc québécois à Ottawa. Bien sûr que je me suis ému de cette affaire. Bien sûr, je m'en suis préoccupé et j'ai immédiatement demandé, j'ai fait demander par mon chef de cabinet au secrétaire général du gouvernement, dès dimanche avant-midi, de faire déclencher une enquête au ministère du Revenu pour savoir de quoi il retournait. Je me suis posé, moi aussi, la question: comment il se faisait qu'une personne de mon cabinet pouvait connaître l'existence d'un dossier fiscal, d'un problème fiscal, d'un cas fiscal – je ne sais pas de quoi il s'agit – concernant une tierce personne, un député ou un autre. J'ai demandé l'enquête. Je peux affirmer aussi, et je l'affirme fortement, qu'à aucun moment avant dimanche dernier je n'ai appris l'existence de cet appel téléphonique à Ottawa. À aucun moment. Personne ne m'en a parlé et, d'après ce que j'entends des vérifications faites par mon directeur de cabinet actuel, personne ne le savait non plus. Ça a été traité très rapidement par la personne concernée.

Alors, l'enquête interne faite au ministère du Revenu, nous avons eu le résultat ce matin. Premièrement, nous nous faisons dire par le ministère que, compte tenu des dispositions impératives de l'article 69 de la loi qui gouverne le ministère du Revenu, celui-ci ne peut pas rendre public tout le rapport puisque ce serait divulguer des renseignements confidentiels qui n'ont pas à être divulgués. Cependant, la sous-ministre en titre au ministère du Revenu a adressé ce matin au secrétaire général du gouvernement, M. Carpentier, un sommaire du rapport où les éléments qui peuvent être rendus publics le sont. Et la conclusion de cette note qui fait état de la conclusion de l'enquête qui a eu lieu en fin de semaine, c'est que – et je cite – «des faits analysés, rien n'indique que des informations confidentielles aient été communiquées à M. Charles Chevrette à l'occasion d'un contact téléphonique qu'il y a eu entre quelqu'un du cabinet du ministre délégué au Revenu et M. Chevrette».

(10 h 40)

M. le Président, j'ai vu, moi aussi, qu'il était question de contacts téléphoniques visant à obtenir de M. Chevrette le moyen de rejoindre le député. Je me suis, moi aussi, posé la question. Bien oui, je me suis posé la question. Le ministère a des ressources, pourquoi le ministère ne l'a-t-il pas fait lui-même? Alors, j'ai annoncé ce matin, il y a une heure à peine, que ces faits précis qui entourent les communications téléphoniques faites du cabinet du ministre du Revenu à M. Chevrette et de M. Chevrette au cabinet de l'opposition à Ottawa devaient faire l'objet d'une autre enquête – externe cette fois-ci, externe – et faite par un organisme qui a le mandat spécifique de protéger l'information confidentielle, en l'occurrence un de nos organismes, un qui dépend de nous, de l'Assemblée nationale, qui répond à nous. Il s'agit de la Commission d'accès à l'information qui a tous les moyens juridiques dans sa loi pour contraindre quelqu'un, pour l'assermenter, même pour porter des plaintes directement si elle le juge à propos.

M. le Président, je sais que c'est un peu long, mais vous comprendrez qu'avec tout le battage qu'on a fait depuis 48 heures où je n'ai pas eu l'occasion de me défendre, j'en profiterai à l'Assemblée nationale.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, tout simplement pour indiquer et rappeler à tout le monde qu'en l'occurrence et le chef de l'opposition et le premier ministre ont eu droit à plus de temps. M. le premier ministre, rapidement.


Document déposé

M. Bouchard: Il y a une information que je dois annoncer à la Chambre, M. le Président. Il y a donc cette lettre que j'ai adressée tout à l'heure à M. Paul-André Comeau, le président de la Commission, qui lui demande de faire toute la lumière sur les allégations relatives aux appels téléphoniques et autres, de façon externe. Et, à ce moment-là, je confie le mandat, j'invite la Commission à faire cette enquête. Je dépose la lettre.

Et, tout à l'heure, est tombée sur le fil de presse, sur le fil des dépêches une déclaration de M. Charles Chevrette. Je l'ai devant moi et j'en cite un extrait. C'est sa version, M. le Président. Moi, je n'ai pas discuté avec M. Chevrette, c'est sa version, qui est la suivante. On verra qu'elle corrobore partiellement celle du rapport d'enquête. Et je cite...

Des voix: ...

M. Bouchard: Ça, c'est un homme honnête qui parle, c'est Charles Chevrette, un honnête homme, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Chomedey, ce n'est parce qu'on n'a pas le droit à une intervention à un moment particulier, parce qu'on n'a pas le droit de parole, qu'on peut, un, enfreindre le règlement du décorum qui nous oblige à garder le silence, d'une part, et, deuxièmement, enfreindre le règlement de telle sorte qu'on utilise des propos qui sont provocateurs et blessants, qui sont contraires au règlement.

M. Paradis: M. le Président, avant que ça aille trop loin dans l'argumentation, je vous indique que le député de Chomedey n'a pas dit un seul mot.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, il y a des gens qui, dans cette Chambre, ont entendu, et les gens dans l'assistance l'ont entendu. Je pense, M. le Président, qu'il est, dans le contexte actuel, normal que vous demandiez au député de retirer ce qu'il a crié.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, quand quelqu'un ne dit mot, il ne peut retirer les mots qu'il n'a pas dits.

Le Président: Écoutez, M. le... M. le leader de l'opposition officielle, on conviendra qu'il y a un membre de votre groupe parlementaire, et je pense que c'était le député de Chomedey... Si vous m'indiquez... Un instant, là.

M. le leader de l'opposition officielle, vous vous êtes levé pour indiquer que ce n'était pas votre collègue qui avait prononcé les paroles. Je pense qu'on s'entend tous pour convenir qu'il y a eu des paroles qui étaient inacceptables qui ont été prononcées. C'est une question d'honneur, c'est une question de gentilhommerie, et je pense que c'est une question aussi de respect élémentaire non seulement à l'endroit des membres de l'Assemblée, mais à l'égard de la présidence qui a à faire appliquer des règlements et qui ne peut pas être partout, devant tous les visages, pour entendre exactement tout ce qui se dit. Sauf que je demanderais au député qui, dans ce cas-là, a prononcé les paroles qui ont été entendues assez clairement par beaucoup de gens d'avoir l'obligeance de les retirer. Et, en l'occurrence, si ce n'est pas le député de Chomedey...

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, on est à l'intérieur d'une période des questions. Je me suis levé strictement pour dire que les blâmes très sévères que vous adressiez au député de Chomedey ne s'adressaient pas à lui. Qu'on procède à la période des questions maintenant qu'on sait que ce n'est pas lui.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, vous savez très bien qu'il y a quelqu'un ici, dans cette Chambre, qui a utilisé des mots antiparlementaires. Tout le monde ici l'a entendu. Les gens dans l'assistance pourraient vous donner le témoignage de la personne, qui est le député de Chomedey. Et, s'il est gentilhomme, il va faire ce que vous demandez.

M. Paradis: M. le Président...

Le Président: Le règlement – juste un instant, là – le règlement est très clair sur deux articles: d'abord, l'article 32 sur le décorum, c'est celui que j'ai indiqué qui avait été violé, parce que l'article 35 à l'égard des paroles interdites et des propos non parlementaires s'applique à un député qui a la parole, donc qui a légalement la parole, c'est-à-dire qui a le droit de parole et qui s'exprime. En l'occurrence, ce qui a été prononcé, qui sont des propos inacceptables, ils ne peuvent pas être sanctionnés en vertu de 35, mais ils sont sanctionnables en vertu de 32. À 32, ce qu'on doit comprendre, c'est que c'est l'article fondamental du décorum. À partir du moment où cet article-là est régulièrement enfreint, et enfreint encore ce matin, de telle sorte que ça provoque le genre de comportement que nous avons, on se retrouve à finalement être incapable de procéder aux affaires qui sont urgentes ou importantes. En l'occurrence, encore une fois, je n'ai pas vu et je ne peux pas donc indiquer à un député en particulier... J'avais cru comprendre que c'était le député de Chomedey, je ne peux pas...

Des voix: ...

Le Président: Alors, j'ai indiqué qu'à mon avis, en l'occurrence, j'en faisais appel à l'esprit de gentilhommerie et à l'esprit d'honneur qui doit animer chacun des membres de l'Assemblée. On ne peut pas aller plus loin à ce moment-ci, et je demanderais au premier ministre de terminer sa réponse. M. le premier ministre.

M. Jolivet: M. le Président, j'aimerais juste connaître quelle est votre décision, parce que la première fois que vous l'avez rendue, vous avez demandé la gentilhommerie de la personne qui les avait prononcés. C'est à ça que j'ai fait appel. Je demande si c'est celle-là que vous appliquez.

Le Président: M. le leader du gouvernement, je viens d'indiquer justement qu'en vertu de 35 le président peut sévir sur des propos antiparlementaires et non parlementaires. Quand un député n'a pas la parole, on ne peut pas l'obliger à retirer des propos qui n'ont pas été prononcés régulièrement ou conformément à notre règlement, sauf qu'à ce moment-là l'article 32 s'applique. Et cet article est malheureusement souvent enfreint. En l'occurrence, j'avais cru comprendre et j'avais indiqué... On m'indique que ce n'est pas ce député, et je dois aussi, puisque je n'ai pas été témoin visuellement de l'incident... j'ai entendu comme les autres et j'avais cru reconnaître une voix, mais, comme on me donne l'assurance de la part du leader de l'opposition officielle que ce n'est pas le député en cause...

Des voix: ...

Le Président: Je pense qu'en l'occurrence les uns et les autres qui suivent nos travaux, autant les membres que le public et les gens des médias, seront à même de rendre témoignage de ce qui s'est passé. En l'occurrence...

M. Jolivet: M. le Président, je prends acte donc de votre décision, sachant que vous avez demandé à quelqu'un de faire en sorte que son honneur soit lavé, et je remarque qu'il ne le fait pas.

Le Président: M. le premier ministre. En terminant, M. le premier ministre.

(10 h 50)

M. Bouchard: M. le Président, par respect des droits qu'il faut reconnaître à tous les citoyens, y compris à M. Charles Chevrette, je voudrais ici citer un passage de la déclaration qu'il vient de rendre publique, et je cite: «À la suite d'un appel téléphonique d'un membre du cabinet du ministre du Revenu d'alors, dont je ne me rappelle pas le nom après deux ans, j'en ai déduit, sans qu'aucune information sur le contenu du dossier du député de Chambly à la Chambre des communes ne me soit transmise, qu'il pouvait y avoir des problèmes entre ce dernier et Revenu Québec. J'ai transmis cette information à M. André Néron, alors directeur de cabinet du chef du Bloc québécois, dans le cadre de mes échanges réguliers avec lui. Je nie formellement être intervenu officiellement au nom du bureau du premier ministre auprès de M. Néron afin qu'il intervienne.» Fin de la citation.

M. le Président, tout cela va être soumis à la Commission d'accès à l'information, qui a tous les pouvoirs, qui va nous assermenter, tout le monde, ceux qu'elle voudra assermenter. Nous allons témoigner et nous allons faire en sorte que la justice éclate.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Ça ne règle rien. Le premier ministre, par exemple, choisit très, très prudemment les termes qu'il emploie, dans le genre «personne de mon cabinet n'a demandé des renseignements au ministère du Revenu». Le fait est qu'il les savait, selon M. Néron, et les transmettait. Quelqu'un a transmis des renseignements quelque part. Il ne faut pas jouer avec les mots, là. Il ne faut pas jouer avec les mots! On ne peut pas dire: Mon cabinet n'était pas au courant si c'était juste mon chef de cabinet adjoint, qui est le personnage central. On ne peut pas dire: Ça devrait être tout correct, personne à mon cabinet n'a demandé des renseignements, quand on voit qu'il y a des renseignements qui circulent.

Le point, là-dedans, ce n'est pas de permettre au premier ministre de s'indigner puis de jouer à l'écorché vif, c'est de faire en sorte qu'on sache si, oui ou non, il comprend que la transparence est mieux servie par une enquête publique. Malgré tous les états de service et l'intégrité au-dessus de tout soupçon de M. Comeau, malgré le fait que le premier ministre prétend, sans doute à raison, que la Commission d'accès à l'information a entre les mains tous les pouvoirs qui lui permettent d'interviewer des gens, enfin, de les assigner, etc., tout ce temps-là, on ne saura pas ce qui se passe en réalité, il n'y aura pas de transparence. C'est ça qui est en cause ici.

Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte que c'est la tenue d'une enquête publique, sans divulguer les informations nominatives qui touchent l'un ou l'autre de nos concitoyens contribuables, qui est en cause ici et que c'est ça qui est la meilleure chose à faire: que ça soit public? Est-ce que le premier ministre comprend la différence entre une enquête, interne ou externe, privée, limitée, contrainte par certaines règles, comme il l'a très clairement indiqué ce matin, et – pas un spectacle, là – une commission parlementaire ou une commission d'enquête confiée à qui que ce soit, de telle sorte que ça se déroulera en pleine lumière, tout ça?

Parce qu'il faut faire la lumière là-dessus. Il ne s'agit pas de dire qu'on va s'en occuper. Ce qu'on met en cause chez le premier ministre, c'est son sens des responsabilités. C'est à ça qu'on fait appel, c'est à ça qu'on pousse. Et, moi, ce que je lui demande, c'est: Est-ce qu'il ne trouve pas, dans les circonstances, que son sens des responsabilités, il va mieux l'exercer dans le meilleur intérêt de tout le monde si on procède à une enquête publique plutôt que privée, interne ou externe?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous avons fait un inventaire exhaustif des moyens qui sont à la disposition de l'Assemblée nationale et du gouvernement pour faire une enquête de ce genre. Nous savons qu'il y a la commission parlementaire qui est demandée par l'opposition. Nous savons qu'il y a les commissions d'enquête, ce qu'on appelait autrefois les commissions royales d'enquête. Nous pensons, et je pense, M. le Président, qu'il faut trouver l'organisme et l'instance où la justice sera le mieux servie.

Quel est l'endroit, quelle est l'instance où nous avons le plus de chance d'avoir une étude rigoureuse, d'avoir une étude respectueuse du droit des gens et, bien sûr, de la confidence qui entoure les secrets fiscaux, en particulier? Nous nous sommes demandé: Est-ce qu'il existe, dans l'ensemble de notre législation, un organisme de ce genre? Y a-t-il, au Québec, un organisme nommé par l'Assemblée nationale, donc tirant de très haut ses lettres de créance, qui soit étranger au gouvernement, qui opère à distance, qui soit spécialisé, par ses propres responsabilités, dans la gestion de l'information confidentielle? Est-ce qu'il y en a un, M. le Président?

Bien sûr, il y en a un: c'est la Commission d'accès à l'information qui, avec rigueur et avec toute la latitude qui lui appartient, qu'elle voudra bien se donner dans le cadre de la loi qui lui donne des pouvoirs énormes pour procéder à l'opération qui lui est demandée, va faire un rapport public de tout ce qui aura été dit devant elle qui puisse être rendu public dans la mesure où il n'y a pas de secrets fiscaux, qui pourra déposer un rapport complet, qui pourra nous assigner. Moi-même, je m'attends, bien sûr, à être convoqué et à témoigner sous serment, M. le Président. Je le ferai parce que c'est mon devoir. Il n'y a personne au-dessus de la loi, et je dois répondre aux questions qui me seront posées, de la nature de celles qui sont posées aujourd'hui et auxquelles j'ai répondu déjà, mais, s'il y a d'autres questions plus précises, j'y répondrai. M. Chevrette, certainement, sera assigné comme témoin, certainement les gens du ministère du Revenu, probablement aussi, j'imagine, la ministre du Revenu, enfin tous ceux que la Commission voudra assigner. Est-ce qu'il y a de meilleures garanties à donner à la population québécoise que la vérité sera connue de façon totalement impartiale et parfaitement rigoureuse?

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: La semaine dernière, en parlant de la diffusion possible de renseignements confidentiels sur les contribuables, le premier ministre disait lui-même que le gouvernement considère – puis il a raison – cette chose sérieuse, puisqu'il s'agit du secret fiscal qui participe de l'intégrité de l'État. Est-ce que, au-delà de cette évidence, le premier ministre ne se rend pas compte que, dans le dossier qui nous concerne, son chef de cabinet adjoint – ce n'est pas un sombre ou obscur individu qui est en cause ici – dont il clame l'intégrité, l'ouverture, etc., et la transparence depuis quelques instants... Est-ce qu'il peut comprendre que M. Comeau ou la Commission d'accès à l'information n'aura pas à se demander qu'est-ce que quelqu'un au bureau du premier ministre avait à appeler au Bloc québécois pour laisser savoir d'une façon ou d'une autre qu'un député du Bloc a des problèmes avec l'impôt? Qu'est-ce que c'est, la mission des gens au cabinet du premier ministre de se mêler de ça? En vertu de quelle responsabilité d'État ou politique est-ce qu'on doit soulever auprès d'alliés partisans d'un parti politique dont le premier ministre a déjà été le chef des démêlés éventuels ou en cours d'un député du Bloc québécois, pour quelque raison que ce soit, avec l'administration publique quelle qu'elle soit, y compris l'impôt sur le revenu, le ministère du Revenu? Est-ce que le premier ministre pense vraiment que M. Comeau va pouvoir tenir compte de ça? Est-ce que ça fait partie de ses attributions?

Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte qu'il y a un dossier administratif de protection des renseignements confidentiels et qu'il y a un dossier qui va toucher l'intégrité du fonctionnement et de la mission du cabinet du premier ministre, des gens qui y travaillent, des rôles dont ils se pensent investis, de la mission qu'ils essaient d'accomplir et que c'est une question de ton et d'attitude dans l'utilisation de quelque renseignement que ce soit qui est en cause ici, et que M. Comeau, ce n'est pas ça sa job, il ne peut pas aller parler de ça, et que c'est publiquement que ça peut être vu, de la même façon que le premier ministre n'a pas hésité une minute avant de convoquer littéralement la télévision à suivre de proche l'enquête sur l'intégrité ou le déroulement d'enquêtes à la Sûreté du Québec? «C'est-u» au moins aussi important de savoir ce que les gens, au bureau du premier ministre, font avec les renseignements ou bien qu'ils obtiennent parce qu'ils les ont demandés ou sur lesquels apparemment ils auraient trébuché tout d'un coup?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, M. Comeau est nommé par l'Assemblée nationale, il préside la Commission. C'est la Commission au complet qui devra, si elle l'accepte – je présume qu'elle le fera – exécuter le mandat d'enquête qui lui est confié. Et je référerai le chef de l'opposition au premier alinéa de l'article 123 de la loi sur l'accès aux documents des organismes publics qui, notamment, confère à la Commission le mandat suivant: De surveiller l'application de la présente loi, de faire enquête sur son fonctionnement et sur son observation. Il s'agit de savoir si quelqu'un, au cabinet du premier ministre ou au cabinet ou au ministère du Revenu, a observé correctement la loi ou pas. Donc, la loi dit directement que la Commission qui a mandat pour évaluer tout cela et pour faire l'enquête, c'est cette Commission dont on parle, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

(11 heures)

M. Johnson: On ne veut pas de réponse d'avocat, là, on veut une réponse de premier ministre. Non, non, on ne veut pas de réponse d'avocat. Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte qu'il y a plusieurs aspects dans le dossier qui ont été soulevés? Le premier, c'est comment est-ce qu'on s'organise pour respecter la confidentialité des renseignements sur les contribuables, sur les citoyens de façon générale? Le deuxième, là, c'est qu'on est en train de se demander comment, tout d'un coup, à Ottawa, il y a quelqu'un qui a l'air au courant dans le détail, selon ce qu'il témoigne, de quoi il retourne dans un dossier du ministère du Revenu avec un contribuable; que, troisièmement, tout ça vient du fait qu'un fonctionnaire ne savait pas le numéro de téléphone – je continue à trouver ça bizarre comme explication, à la limite loufoque; que, quatrièmement, au bureau du premier ministre, son chef de cabinet adjoint, encore une fois, pas un obscure personnage, son chef de cabinet adjoint se sent soudainement investi d'une mission de liaison dans cette matière-là.

On n'est pas en train de se demander ça va être quoi, le plan de la prochaine campagne électorale fédérale ou au Québec, ou quoi que ce soit. On n'est pas en train de se demander quand va avoir lieu le caucus conjoint du Bloc et du PQ. On n'est pas en train de se demander ça, là. Puis, au cabinet du premier ministre, ils soulèvent à l'attention de gens à Ottawa un litige possible qui existerait entre un député et le ministère du Revenu du Québec.

C'était quoi, le point? Qu'est-ce que c'était, son objectif? Et comment est-ce que le premier ministre s'imagine que l'enquête qu'il vient de décréter va pouvoir répondre à ces questions-là qui sont réelles?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Ce que le chef de l'opposition nous dit, M. le Président, c'est qu'il y a la question de savoir ce qu'il s'est dit au téléphone entre les personnes qui se parlaient et d'où elles ont tiré leurs informations – ça, bien sûr, la Commission d'accès à l'information peut faire l'examen de tous ces faits, les recueillir par témoignages et autres – mais il nous dit: Cependant, il y a la question plus large de comment vont fonctionner les institutions dans l'État tout entier pour qu'on respecte le secret professionnel.

Je crois que c'est une bonne question qu'il vient de poser, et nous y répondons, parce que demain j'aurai l'honneur de présenter au Conseil des ministres un projet de décret pour confier à la Commission d'accès à l'information un autre mandat, cette fois-ci beaucoup plus large, qui va traiter essentiellement... Les détails seront définis par le Conseil des ministres. Essentiellement, les trois volets que je proposerai, c'est: d'abord, l'examen et l'évaluation de l'état et de l'efficacité des systèmes informatiques et autres mis en place pour protéger le caractère confidentiel des renseignements dont l'État a la garde; deuxièmement, l'évaluation des suites données par les ministères et agences gouvernementales aux demandes d'amélioration de ces systèmes qui leur ont été adressés par différents organismes durant les cinq dernières années; troisièmement, d'élaborer les propositions qui seraient jugées de nature à ajouter à l'efficacité des contrôles et modes de fonctionnement existants.

Je rappellerai que l'article 129 – je m'excuse de citer la loi, mais c'est la loi qui nous gouverne – qui gouverne, qui régit la Commission, lui confère les pouvoirs et l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, sauf le pouvoir d'emprisonner. Mais ça, on n'est pas rendu là encore, hein, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Le premier ministre persiste à ne pas répondre à toutes les questions qu'on lui pose et à tous les volets que je lui ai posés, notamment sur la pertinence d'un membre de son cabinet, son chef de cabinet adjoint, de se sentir investi d'une mission où ça fait partie de son rôle, ça, au cabinet du premier ministre, de traiter de l'éventualité d'un règlement d'un litige entre le ministère du Revenu et un député à Ottawa.

Là, je cherche la description de tâche, moi, qui permet à quelqu'un de l'entourage du premier ministre actuel de se trouver justifié... Il trouve ça normal, je présume. Le premier ministre n'en parle même pas, lui. Il trouve ça tellement normal qu'il ne répond pas à la question de savoir si une enquête va faire la lumière sur cet aspect-là de la conduite des affaires du bureau du premier ministre, donc, de l'État.

Ça ne permet pas de savoir pourquoi le ministre délégué au Revenu d'alors semble incapable – soit qu'il ne s'en souvient pas, soit qu'il ne veut pas y répondre – de nous dire s'il savait à l'époque que ça circulait, cette information-là, selon ce qu'on peut voir d'une entrevue que le ministre aurait donnée il y a quelques heures, je présume, à un quotidien du matin.

Est-ce que le premier ministre trouve encore que la Commission d'accès à l'information, qui va procéder de façon essentiellement privée, qui va nous remettre un rapport dont certaines parties, par définition, ne seront pas divulguées en raison de la façon dont peut-être les renseignements vont avoir été colligés – ça se peut; elle est maître, complètement maître de la façon de faire – est-ce que le premier ministre ne trouve pas ça incomplet dans les circonstances et qu'il demeure assez de zones d'ombre pour qu'on fasse la lumière de la façon la plus publique possible? C'est ça que je lui demande.

Pourquoi s'entêter à garder à l'ombre une partie du dossier alors que seule une enquête publique permet de sortir tous les éléments dont les citoyens et dont les députés, dont tout le monde, dont la presse veut entendre parler? Tout le monde veut en entendre parler, avec raison.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je considère que, au coeur même du mandat confié ce matin au président de la Commission d'accès à l'information, il y a l'évaluation des comportements des différentes personnes concernées: Est-ce qu'elles devaient faire ceci? Est-ce qu'elles devaient dire cela? Est-ce qu'elles devaient transmettre telle information à telle personne? Ça fait partie du mandat. Laissons la Commission nous dire ce qu'il en est.

En plus, je ferai remarquer au chef de l'opposition que, par respect pour les droits des individus qui sont en cause, M. Charles Chevrette, dans sa déclaration, nie formellement avoir fait quelque intervention que ce soit auprès du Bloc québécois visant dans un sens ou dans l'autre, qu'il a simplement transmis une information – enfin, ce qu'il dit – dont il a déduit l'existence du fait de la demande qu'on lui adressait au téléphone. Mais enfin, M. le Président, je constate comme tout le monde qu'il y a matière à précision, et c'est pour cela que nous aurons une enquête qui va nous permettre d'en savoir plus long et d'avoir les tenants et aboutissants de tout cela.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se rend compte – lui, je lui rappelle qu'il a dit que ça participe de l'intégrité de l'État, c'est l'affaire la plus importante qu'il y a... que le premier ministre, donc, va laisser tout le monde sur sa faim, que ce n'est pas satisfaisant. Est-ce qu'il se rend compte que ce n'est pas satisfaisant de continuer à refuser de la façon dont il le fait une enquête publique sur cette matière-là? C'est clair, la question.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, tout à l'heure, j'ai entendu le chef de l'opposition décrire l'enquête qui sera conduite, nous l'espérons, par la Commission d'accès à l'information, comme étant de nature privée. Mais pas du tout. C'est une enquête publique, c'est une enquête tenue par un organisme public. Les audiences ne donneront pas lieu à un spectacle affriolant, comme peut-être l'opposition le souhaiterait, mais les audiences se feront de la façon dont la Commission le souhaitera. Les comptes rendus seront publics. Elle devra faire rapport publiquement de ce qu'elle a découvert, des jugements qu'elle porte sur les comportements. C'est une enquête publique. Entendons-nous, il y a une distinction à faire entre spectacle public et enquête publique.

Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.


Demande d'enquête publique sur la divulgation de renseignements personnels par des fonctionnaires

M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. le Président, de part et d'autre de cette Chambre, on demande aux gens qui nous ont élus de nous faire confiance. Ce qui sous-tend le présent dossier, c'est de l'abus de confiance, bris de confiance, violation de cette confiance...

M. Jolivet: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Jolivet: M. le Président, je sais que le député, je dois lui faire honneur, mais je pense que la façon dont il a commencé la question, il fait des affirmations qu'il n'a pas le droit de faire en vertu du règlement.

Des voix: Abus de confiance.

Le Président: M. le leader du gouvernement, je ne crois pas qu'à ce moment-ci aucun membre de l'Assemblée n'ait été accusé de quoi que ce soit, ni qui que ce soit.

M. Mulcair: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, est-ce que vous considérez que, lorsqu'on accuse le gouvernement, ce n'est pas des membres du Parlement, ça?

(11 h 10)

Le Président: Je m'excuse, mais ce que j'ai compris, c'était qu'on disait que c'est une question d'abus de confiance, et je n'ai pas compris qu'on indiquait que le gouvernement avait abusé de la confiance. C'est très différent. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, de part et d'autre dans cette Chambre, on demande aux gens qui nous ont élus de nous faire confiance. Tantôt, c'est l'État qui dit: Donnez-moi de l'information sur votre santé, sur votre situation financière; je la garderai secrète. Tantôt, c'est les gens ici, en Chambre, qui disent: On peut faire confiance que personne ne va aller fouiller dans ces choses-là sans en avoir le droit. M. le Président, aussi incroyable que ça puisse paraître, le premier ministre vient de se lever dans cette Chambre pour répéter ce que le sous-ministre du Revenu a dit tantôt: «Le contact initié par le cabinet du ministre délégué au Revenu avait pour objet d'obtenir les numéros de téléphone du député.» M. le Président, tantôt, on s'est livré à une vaste recherche, on a sorti le bottin téléphonique Montréal–Rive-Sud 1997-1998, on l'a ouvert à la page où il y avait le numéro de téléphone du député, puis notre travail a été d'autant plus compliqué qu'il avait changé de numéro de téléphone entre-temps.

Hormis le fait que tous les citoyens, tous les contribuables mettent leur numéro de téléphone au travail et à la maison sur leur rapport d'impôts, est-ce que le premier ministre peut nous dire comment ça se fait que l'État, que, lui, il dirige, ait besoin de faire trembler les murailles de l'administration publique, sortir des sous-ministres pour donner des numéros de téléphone dans son propre cabinet, pour trouver un numéro de téléphone? Voyons donc, M. le Président, c'est cousu de fil blanc, cette affaire-là. Ça ne tient pas debout puis il n'y a personne qui le croit.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai lu ce qui a été écrit par la sous-ministre du Revenu; c'est un haut fonctionnaire de l'État. Respecter l'État, c'est d'abord respecter les gens qui en font partie puis qui l'incarnent.

Voici donc une femme qui a consacré sa carrière à servir l'État du Québec, qui a accédé à la plus haute fonction – oui, c'est le cas, n'est-ce pas? – qu'elle pouvait espérer occuper: sous-ministre en titre d'un ministère important comme celui du Revenu. Elle se voit confier une enquête par le premier ministre, via le secrétaire général. Elle ne peut pas publier le rapport complet parce qu'elle est limitée par les contraintes impératives de l'article 69 de son ministère. Elle dresse un compte rendu sommaire de ce qui peut être rendu public.

Donc, bien sûr, il n'y a pas tous les liens de causalité qui établissent les faits fiscaux qu'on ne connaît pas et qu'on ne connaîtra probablement jamais. Il ne faut pas les connaître, parce qu'ils sont protégés par le secret. Or, elle, elle nous dit: La conclusion, c'est que, des faits analysés, la conclusion, c'est qu'il n'y a eu aucune transmission... des faits analysés, rien n'indique que des informations confidentielles aient été communiquées à M. Charles Chevrette.

Bon. Alors, pour le moment, M. le Président, il faut prendre ça au pied de la lettre. C'est écrit puis c'est un compte rendu formel d'un sous-ministre du Québec.

Il y a une enquête additionnelle qui va être faite par la haute instance que constitue la Commission d'accès à l'information, présidée par un homme parfaitement honorable, qui est crédible dans tous les milieux du Québec par une longue carrière de probité. Attendons de voir la suite, M. le Président, avant de tirer des conclusions.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, comme le député de Chomedey a illustré de façon frappante, à mon sens, le caractère loufoque et incroyable de la source de ces renseignements-là, que tout ça, ça a pris naissance parce qu'un fonctionnaire cherchait un numéro de téléphone de quelqu'un avec qui il était en relation constante depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, selon les dires mêmes du contribuable, que la sous-ministre soit, en vertu de quelque règle que ce soit, contrainte de faire rapport sur ce qu'elle a appris... C'est ça qu'on lui a demandé: Qu'est-ce que vous avez appris?

La compétence de la sous-ministre n'est pas en cause, l'ayant moi-même déjà pressentie, lorsque j'occupais d'autres banquettes, pour occuper des postes importants. Ce n'est pas ça qui est en cause. Ce qui est en cause, c'est la transparence du processus: qu'est-ce qu'on peut demander, qu'est-ce qu'on ne peut pas demander; qu'est-ce qui est visible, qu'est-ce qui n'est pas visible; sur quoi peut-on faire rapport et sur quoi ne peut-on pas faire rapport; et qu'est-ce qu'on va apprendre au fur et à mesure que l'enquête va se dérouler.

Ce que je demande au premier ministre, ce que je lui ai demandé tout à l'heure: Est-ce qu'il ne comprend pas que, compte tenu que c'est l'intégrité de l'État qui est en cause, comme il l'a dit et comme tout le monde s'entend pour le dire, il doit procéder rapidement à la mise sur pied d'une enquête à caractère public – pas à caractère semi-public, s'il n'aime pas le mot «privé» – et que c'est ça, l'essence même de la démocratie? C'est comme ça que son sens des responsabilités doit s'exercer, lui qui invoque constamment René Lévesque comme grand démocrate – et il dit constamment qu'il veut imiter son mentor de la démocratie qu'était René Lévesque, contre une décision qu'il a prise, qui allait dans le sens de la démocratie. Qu'attend-il pour accompagner ses paroles par des gestes concrets comme décréter une enquête à caractère public sur des faits troublants qui touchent l'intégrité de l'État?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, puisqu'on parle de René Lévesque, rappelons que c'est lui qui a créé la Commission d'accès à l'information, justement pour faire ce genre de choses que nous avons aujourd'hui.

Des voix: ...

M. Bouchard: M. le Président, tout cela survient, ces allégations, comme l'a rappelé tout à l'heure le chef de l'opposition, elles sont venues à la fin d'une semaine où des inquiétudes ont été formulées quant à la façon dont étaient traitées les données confidentielles des citoyens par le gouvernement qui en a la garde.

La question, répétons-le, elle est fondamentale. Nous sommes tous des citoyens et nous avons tous des éléments de notre vie privée qui sont parqués quelque part et à plusieurs endroits dans des mégafichiers du gouvernement. C'est donc normal qu'on s'inquiète de ce qui arrive. Et je reconnais que l'opposition a raison de vouloir s'assurer que la population va être rassurée elle-même et que les moyens seront pris pour mettre fin à des inquiétudes légitimes qui peuvent s'exprimer.

Mais ce n'est pas nouveau, ça, M. le Président. En 1986, l'actuel leader de l'opposition a demandé une enquête policière sur un trafic de renseignements au ministère de la Sécurité du revenu; il y a eu deux fonctionnaires poursuivis en justice. En 1992, alors que l'actuel député de Laporte était ministre de la Sécurité du revenu, le journaliste Normand Lester a fait un reportage sur un fonctionnaire qui aurait vendu des renseignements sur des assistés sociaux à des bureaux de crédit; le fonctionnaire a été suspendu. Après cela, le ministère a commandé une enquête policière à l'unité des crimes économiques de la Sûreté du Québec; il y a eu un fonctionnaire d'accusé. M. Bourbeau... le ministre en question, dira que c'était un cas isolé et qu'il n'y avait pas de réseau organisé, M. le Président. En février 1993, le journaliste Michel Venne, du Devoir , signe divers articles sur l'existence d'un marché noir de renseignements au ministère de la Sécurité du revenu.

M. le Président, nous savons que c'est un problème très important dans tous les États. Le gouvernement intervient de plus en plus dans la vie des citoyens parce qu'il rend des services élaborés. Il faut donc que de plus en plus nous améliorions les systèmes, les modes de comportement. Par exemple, est-il acceptable, comme ça se fait depuis très longtemps, me dit-on, que les membres du cabinet politique du ministre du Revenu puissent, étant assermentés, bien sûr, traiter parfois certains cas? La question va être posée par la Commission. Il se pourrait que la Commission conclue: Non, il faudrait resserrer de ce côté-là. Est-ce que la Commission va nous dire: Il ne devrait jamais y avoir personne au cabinet du premier ministre ou dans aucun cabinet de ministre qui puisse faire la moindre mention d'un dossier fiscal, même s'il l'a obtenu de façon légale? Peut-être que ça va nous être dit.

C'est donc un moment privilégié que nous avons, grâce à l'instance extrêmement compétente à laquelle l'opération est confiée, de pouvoir faire améliorer encore la qualité de nos systèmes, M. le Président.


Votes reportés


Motion de censure proposant que l'Assemblée blâme le gouvernement pour le recours à une comptabilité parallèle, le transfert d'une partie de son déficit à d'autres instances et l'utopie du déficit zéro

Le Président: Alors, nous allons procéder maintenant aux votes reportés.

Je mets maintenant aux voix la motion de censure de M. le député de Laporte débattue le 20 novembre dernier. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste et plus particulièrement son ministre des Finances pour: le recours systématique à une comptabilité parallèle; la création d'une multitude de fonds spéciaux; le transfert d'une partie de son déficit notamment aux cégeps, aux universités et aux hôpitaux; et l'utopie du déficit zéro.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Dumont (Rivière-du-Loup). M. Le Hir (Iberville).

(11 h 20)

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bégin (Louis-Hébert), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Bélanger (Anjou), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Caron (Terrebonne), M. Bertrand (Portneuf), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Duguay (Duplessis), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:42

Contre:63

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion de M. le député de Laporte est rejetée.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne l'entrée en vigueur de la Loi sur l'équité salariale qui permet, au Québec, de faire un pas de plus dans sa lutte contre la discrimination fondée sur le sexe et vers l'application du principe de "travail équivalent, salaire égal".»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Alors, la motion est-elle adoptée?

M. Dumont: M. le Président, je n'ai malheureusement pas été averti de cette motion, alors, il n'y a pas de consentement.

Le Président: Alors, il n'y a pas... Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis? M. le député de Bonaventure.


Souligner le centenaire de la fondation des Chevaliers de Colomb au Québec

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne aujourd'hui le 100e anniversaire de la fondation des Chevaliers de Colomb au Québec et reconnaisse l'implication sociale des membres de ce mouvement.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Alors, je comprends qu'il y a consentement pour débattre de la motion.


Mise aux voix

La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Autres motions sans préavis? M. le leader du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 160

M. Jolivet: Oui, M. le Président. À la demande des membres de l'opposition, je refais les avis que je n'ai pu faire légalement la semaine dernière et je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'aménagement du territoire procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 160, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports et d'autres dispositions législatives, le mardi 25 novembre 1997, à la salle du Conseil législatif, et, à cette fin, entende les organismes suivants: le mardi 25 novembre 1997, de 20 heures à 20 h 15, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant le gouvernement; de 20 h 15 à 20 h 30, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant l'opposition; de 20 h 30 à 21 h 15, Régie des alcools, des courses et des jeux; 21 h 15 à 22 heures, Régie de la sécurité dans les sports; et – comme nous sommes en session intensive, M. le Président – de 22 heures à 22 h 45, Fédération québécoise de hockey sur glace;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre des Affaires municipales soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Président: Alors, il y a consentement pour déroger aux règles de consultations particulières? Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 166

M. Jolivet: Toujours dans le même sens, mais pour demain, M. le Président. À la demande de l'opposition, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'éducation procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives, le mercredi 26 novembre 1997, à la salle du Conseil législatif, et, à cette fin, entende les organismes suivants: le mercredi 26 novembre 1997, de 15 heures à 15 h 15, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant le gouvernement; de 15 h 15 à 15 h 30, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant l'opposition; de 15 h 30 à 16 h 15, Fédération des cégeps; de 16 h 15 à 17 heures, Fédération des associations de parents des cégeps du Québec inc.; de 17 heures à 17 h 45, Fédération nationale des enseignants du Québec; de 20 heures à 20 h 45, Fédération des enseignants des collèges; de 20 h 45 à 21 h 30, Fédération étudiante collégiale du Québec; de 21 h 30 à 22 h 15, Fédération autonome du collégial; 22 h 15 à 23 heures, Conseil des collèges non subventionnés;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la ministre de l'Éducation soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour déroger aux règles relatives aux consultations particulières? Il y a consentement. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 149, Loi portant réforme du régime de rentes du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 165, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Finalement, que la commission de l'aménagement du territoire procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 160, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports et d'autres dispositions législatives, de 20 heures à 22 h 45, et, par la suite, procédera à l'étude détaillée, de 22 h 45 à minuit, à la salle du Conseil législatif.

(11 h 30)

Le Président: Très bien. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira aujourd'hui, mardi 25 novembre, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie pour les mois de mars 1996 à mars 1997.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, vous avez pris en délibéré deux questions de droit et privilège des membres de l'Assemblée qui impliquaient, dans un cas, le premier ministre du Québec et, dans l'autre cas, le ministre des Ressources naturelles.

Comme vous êtes en délibéré, moi, je vous demande, parce que la jurisprudence de vos prédécesseurs n'est pas constante sur le sujet, de vous prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 193, au cas où, comme certains de vos prédécesseurs l'ont déjà fait, vous jugiez à propos de réunir les deux motions ou d'apporter des corrections de forme nécessaires.

Je vous demanderais également un avis quant au dépôt des motions suivantes qui doivent suivre les questions de droit et privilège, une première:

«Que l'Assemblée nationale statue sur la conduite du premier ministre qui aurait induit la Chambre en erreur, le jeudi 20 novembre 1997, quant au dossier relatif à la divulgation de renseignements personnels par des organismes publics, et qu'en conséquence l'Assemblée nationale statue sur le rapport de la commission de l'Assemblée nationale après que celle-ci aurait fait son enquête de plein droit.»

Et une autre motion qui découle des questions de droit et privilège:

«Que l'Assemblée nationale statue sur la conduite du ministre des Ressources naturelles qui aurait induit la Chambre en erreur, le jeudi 20 novembre 1997, quant au dossier relatif à la divulgation de renseignements personnels par des organismes publics, et qu'en conséquence l'Assemblée statue sur le rapport de la commission de l'Assemblée nationale après que celle-ci aurait fait son enquête de plein droit.»

Donc, M. le Président, deux éléments à la question de directive: quant à la forme comme telle, attirer votre attention sur les dispositions de l'article 193, deuxième alinéa; quant aux motions comme telles, est-ce que vous souhaitez que nous les produisions immédiatement ou est-ce que vous souhaitez rendre votre décision suite au délibéré, avant que ces motions soient produites?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je dois vous rappeler, suite à la demande du leader de l'opposition, ce qui a été rendu comme décision, le 7 juin 1983, de M. Richard Guay, en ce qui concerne la violation de droit et privilège sur la question qui est posée par le député, en sachant que, en vertu de l'article 55, paragraphe 2°, selon les décisions qui étaient rendues par vos prédécesseurs, elles ne s'appliquent pas à un ministre qui ne témoigne pas lorsqu'il répond à une question, parce que ce n'est pas une question de témoignage, ici, à l'Assemblée, à l'Assemblée nationale. Donc, en conséquence, M. le Président, vous avez des jurisprudences que vous pouvez consulter pour pouvoir prendre votre décision finale.

M. Paradis: M. le Président, qu'est-ce que c'est ça, cette histoire-là?

Le Président: M. le leader de l'opposition, sur la question de règlement.

M. Paradis: M. le Président, je vous ai adressé une question strictement de directive sur le plan de la procédure qui concerne nos travaux, des décisions dont vous êtes saisi. Moi, je comprends du leader du gouvernement qu'il veut plaider à ce moment-ci sur le fond et la recevabilité des questions de droit et privilège. Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre de son intervention? Sinon, qu'est-ce qu'il faisait debout?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je fais la même chose que vous, M. le leader de l'opposition. Vous avez fait valoir votre point de vue, je fais valoir le mien pour que le président soit mieux invité à prendre une décision éclairée.

Le Président: À ce moment-ci, M. le leader de l'opposition officielle, je souhaite rendre la décision indépendamment des nouvelles motions que vous souhaiteriez que je prenne en considération, et par la suite je pourrai éventuellement recevoir... C'est ce que je comprends, là. Alors, je préfère d'abord rendre la décision sur les deux motions qui m'ont été transmises, que vous m'avez transmises effectivement, et puis par la suite on verra, et vous verrez également, s'il y a lieu à ce moment-là.


Affaires du jour


Décision du président sur la recevabilité d'une demande de débat d'urgence du leader de l'opposition officielle

Alors, s'il n'y a pas d'autres renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons aborder les affaires du jour. Et, comme je l'ai indiqué, je vais rendre immédiatement ma décision sur la demande de débat d'urgence qui m'a été adressée précédemment, cette matinée.

Alors, cette demande de débat d'urgence est recevable, puisqu'elle correspond aux critères prévus à l'article 88 du règlement. Il s'agit d'un sujet précis d'intérêt public revêtant une importance particulière certaine. Le sujet relève de l'Assemblée. Il n'existe pas d'occasion prochaine d'en discuter, puisqu'il n'y a pas, entre autres, de motion du mercredi en période de travaux intensifs ni d'interpellation. Il ne peut y avoir non plus de motion de censure, l'opposition ayant épuisé le nombre de motions de censure qui lui est octroyé par le règlement. Quatrièmement, la période des questions orales ne constitue pas non plus une occasion prochaine de discuter du sujet dans le sens d'un débat, puisque cette période n'est pas une période de débat. Et, même si ce sujet a été abordé antérieurement, il y a toujours urgence d'en discuter en raison des développements additionnels survenus ces derniers jours.

Alors, la jurisprudence a déjà reconnu qu'en période de travaux intensifs la priorité devait être donnée aux affaires législatives du gouvernement. Toutefois, dans la plupart des cas, il s'agissait de situations où on approchait de la fin des travaux intensifs et où il ne restait que peu de temps pour le programme législatif du gouvernement. En l'occurrence, nous ne sommes qu'au tout début de la période des travaux intensifs, ce qui laisse suffisamment de temps au gouvernement pour sa législation. Alors, en vertu de l'article 92, le débat doit prendre fin à 13 heures aujourd'hui. Compte tenu qu'il s'agit d'un débat restreint, j'invite immédiatement les leaders à me rencontrer pour partager le temps.

M. Jolivet: M. le Président, je veux bien m'assurer que, compte tenu du délai, puisque c'est la fin de la séance à ce moment-ci, c'est jusqu'à 13 heures, si j'ai bien compris?

Le Président: C'est ce que je viens d'indiquer.

M. Jolivet: O.K.


Convocation des leaders

Le Président: Alors, nous allons suspendre les travaux quelques minutes, le temps que je fasse une rencontre avec les leaders.

(Suspension de la séance à 11 h 36)

(Reprise à 11 h 43)


Débat d'urgence sur la divulgation de renseignements personnels

Le Président: Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Avant que le débat d'urgence s'engage, je vous fais part de la répartition du temps de parole établie pour le déroulement de ce débat. Alors, cinq minutes sont allouées à l'ensemble des députés indépendants; les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat. Et, dans ce cadre, la durée des interventions n'est pas limitée.

Alors, je suis prêt à prendre... M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Pour bien comprendre votre décision versus le règlement, l'article 91 du règlement sur les temps de parole est relativement précis: «Si la demande est reçue, les députés ont un temps de parole de 10 minutes...», je veux savoir de quelle façon l'article 91 du règlement peut être invalidé par une réunion entre les leaders.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, je vous réfère à la coutume à l'égard des débats restreints. Notre coutume fait en sorte qu'il est régulier qu'on partage le temps, puisqu'il s'agit d'un débat restreint, de telle sorte que les groupes parlementaires puissent s'exprimer en fonction, disons, de l'importance qu'ils occupent en Chambre. Par ailleurs, ce n'est pas la première fois que le partage du temps que je viens d'indiquer a été utilisé pour des débats restreints permettant à des députés indépendants de pouvoir intervenir. Et on m'a indiqué précédemment, lorsque nous avons fait cette petite rencontre avec les leaders, qu'il est déjà arrivé une époque où il y avait quatre députés indépendants qui avaient à se partager cinq minutes. Alors, en l'occurrence, la décision que j'ai rendue est en fonction des précédents et de la nature du débat qui est un débat restreint qui doit se terminer dans 1 h 15 min.

M. Dumont: Sur la même question. À ma connaissance, les débats restreints sont gérés par l'article 210 de notre règlement et les articles 88 à 93 devraient encadrer les débats d'urgence et, à nulle part... L'article 210, lui, effectivement parle d'une réunion entre les leaders où on répartit le temps. À nulle part, des articles 88 à 93 qui gèrent les débats d'urgence, on mentionne une telle réunion entre les leaders. S'il y en a eu une pour bonne convenance, je ne m'oppose pas à ça, maintenant il m'apparaît que les dispositions de l'article 91 ne peuvent pas être renversées par cette réunion-là.

Le Président: Écoutez, moi, je vous réfère à une décision qui a déjà été prise en mars 1990 par le président Saintonge, à l'époque. La décision, c'est: «Lorsqu'il organise un débat restreint, le président doit convoquer les leaders pour faire le partage du temps en tenant compte de la présence des députés indépendants. L'organisation d'un débat restreint n'est pas soumise à l'application de l'article 209 du règlement et ne comporte donc pas les temps de parole prévus pour une motion de fond ou une motion de forme. La jurisprudence est claire à ce propos.» Alors...

M. Dumont: On dit la même chose, M. le Président. Vous parlez de l'article 209, lequel est suivi de l'article 210 qui touche les débats restreints. Ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'on n'est pas présentement dans un débat restreint tel que prescrit à l'article 210 du règlement. On est dans un débat d'urgence demandé par l'opposition, qui est géré par le deuxième chapitre de la section 7 sur les débats d'urgence, articles 88 à 93. Et il y a un article spécifique sur les temps de parole dans ce chapitre-là. À nulle part là-dedans, on définit le débat d'urgence comme étant dans la catégorie des débats restreints. Donc, je ne vois pas comment ce qui s'applique – et vous avez entièrement raison – ce qui s'est toujours appliqué pour les débats restreints peut être utilisé pour gérer le temps dans un débat d'urgence.

Le Président: Écoutez, ma compréhension des choses est que ce qui a été indiqué comme partage du temps est conforme à la pratique et aux coutumes de l'Assemblée. Alors, je vous suggère, à ce moment-ci, de vous en remettre à la décision que je viens de rendre. Autrement, finalement, on va prendre plus de temps à essayer de discuter.

Je pense qu'en l'occurrence, quand les règles ne sont pas écrites, on doit s'en référer également à la jurisprudence et aux coutumes. Dans ce contexte-ci, je crois que nous sommes dans le cadre d'un débat restreint, puisque nous n'avons que 1 h 15 min pour débattre d'un débat d'urgence sur une question qui a été considérée comme suffisamment urgente par la présidence pour permettre ce type de débat là. D'accord, M. le leader du gouvernement?

M. Jolivet: Oui, simplement une mise en garde, M. le Président. Compte tenu que l'affaire est sous enquête à ce moment-ci, j'aimerais que les députés soient bien conscients de l'article 35, paragraphe 3°.

Le Président: Je comprends, mais je ne pense pas que, en l'occurrence... Ça va. Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, quand l'Assemblée nationale suspend ses travaux normaux, l'étude des législations qui sont prévues par le gouvernement, c'est parce que, dans la société québécoise, il se passe un phénomène qui revêt une importance qui n'est pas usuelle. Vous en avez convenu, M. le Président, de cette importance. Je pense qu'on peut même ajouter que le premier ministre en a convenu, lui, la semaine dernière, et qu'aujourd'hui la société québécoise est unanime.

Rappelons brièvement les faits qui ont été rendus publics la semaine dernière, et ces faits-là ont amené ce qu'on appelle un bris du lien de confiance que les citoyens doivent avoir avec ce qu'ils ont de plus intime, le respect de leur vie privée comme telle.

Dans un premier temps, la ministre déléguée au Revenu confirme à l'Assemblée nationale qu'il y a un fonctionnaire qui a violé les dispositions du secret qui est strictement lié au rapport d'impôts que nous produisons tous comme citoyens et citoyennes du Québec. On a appris, dans les heures qui ont suivi, M. le Président, que ce n'était pas un mais sept fonctionnaires qui avaient été pris dans des situations semblables ou analogues. Il y a eu congédiement d'un fonctionnaire, des pénalités ou des sanctions appliquées contre d'autres fonctionnaires.

Le gouvernement nous a assurés que ça n'existait pas ailleurs. Questionné à l'Assemblée nationale par les députés de l'opposition, le ministre de l'Énergie et des Ressources a affirmé en cette Chambre – et vous en étiez un témoin privilégié, M. le Président – qu'à Hydro-Québec c'était étanche, ces choses-là n'existaient pas à Hydro-Québec, ça ne se passait pas. Et ça, il l'a affirmé de son siège à l'Assemblée nationale. Quelques minutes plus tard, nous apprenions, et les médias apprenaient également, de la bouche du ministre, qu'effectivement il y avait eu quelqu'un à Hydro-Québec qui avait transmis des renseignements confidentiels et que cette personne-là avait également été congédiée. Nous en sommes encore au niveau de l'implication de fonctionnaires qui divulguent des renseignements, et on voit que les sanctions s'appliquent rapidement quand on traite des fonctionnaires.

(11 h 50)

M. le Président, à ce moment-là, le premier ministre a fait une déclaration qu'il est bon de se rappeler. On n'était pas encore rendu en fin de semaine, on n'était pas dans ce qu'on appelle le personnel politique. Le premier ministre a déclaré, et je le cite au texte: «Le gouvernement considère cette chose sérieuse, puisqu'il s'agit du secret fiscal qui participe de l'intégrité de l'État.» Je pense que tout le monde constate que le premier ministre exprimait ce que tous les parlementaires, ce que tous les citoyens et citoyennes du Québec ressentaient à cette époque-là. Ce n'est pas facile pour des gens de douter de la confidentialité de leurs dossiers. Si on vous a refusé un emploi, est-ce que c'est parce que quelqu'un au gouvernement a communiqué des renseignements? Si on vous a refusé une marge de crédit, un prêt, un emprunt, est-ce que c'est parce que quelqu'un a divulgué de l'information à votre sujet? C'est pourquoi c'est tellement important, cette question, c'est pourquoi ça participe de l'intégrité du gouvernement et des institutions québécoises.

Dimanche matin, M. le Président, le Journal de Montréal titrait Coulage de renseignements confidentiels, le cabinet Bouchard en a aussi profité . On passait de coulage au niveau de la fonction publique à du coulage au niveau politique. Et, là-dessus, le premier ministre a eu l'occasion de nous présenter et de présenter à la population du Québec, autant dans la conférence de presse qu'il a convoquée ce matin qu'au cours de la période de questions, sa défense. Ensemble, on va regarder si on peut y attacher une crédibilité.

La pierre d'assise de sa défense, c'est que son chef de cabinet adjoint, qui était avec lui à Ottawa, qu'il a amené à Québec, qu'il a gardé dans des fonctions de chef de cabinet adjoint, n'a rien à se reprocher dans toute cette histoire-là, que, lui, il a été la malheureuse victime, ce chef de cabinet adjoint dans le bureau du premier ministre, d'un concours de circonstances qu'on vous demande de croire aujourd'hui. Le premier ministre demande à la population de croire qu'il y a un fonctionnaire au ministère du Revenu qui avait le dossier d'un député du Bloc québécois, puis qu'il tentait de le rejoindre, puis qu'il n'était pas capable de trouver son numéro de téléphone. Ça fait que, au lieu de regarder dans l'annuaire, au lieu d'appeler le 411, au lieu de regarder sur la formule de déclaration d'impôts où vous mettez vos numéros de téléphone, il a décidé – puis c'est ça qu'on nous demande de croire – d'appeler un attaché politique au cabinet du ministre du Revenu.

Ça, c'est la théorie que le premier ministre a rendu publique ce matin. Et là l'attaché politique, pas capable d'ouvrir le livre de téléphone, pas capable de signaler le 411, se dit: Je vais passer par le bureau du premier ministre. Je vais appeler son chef de cabinet adjoint pour lui demander le numéro de téléphone d'un député du Bloc pour que son dossier du Revenu puisse progresser. Ça, c'est ce qu'on nous demande de croire, M. le Président. Et là le chef de cabinet adjoint, ne connaissant sans doute pas le numéro de téléphone et pas capable de répondre immédiatement à la question, qu'est-ce qu'il fait? Il appelle à Ottawa quelqu'un au bureau du chef du Bloc, et là ça aurait été – suivant la version du premier ministre – pour lui demander le numéro de téléphone du député du Bloc.

M. le Président, si on croit ça, là, on croit le reste de la déclaration du premier ministre. Mais, si ça s'avère que ça, ce n'est pas vrai, si, au lieu de parler d'un numéro de téléphone, ils ont parlé d'un dossier, ça, ça veut dire que le bureau du premier ministre a traité d'un dossier d'un contribuable, qu'il a téléphoné à Ottawa et qu'il a communiqué des renseignements confidentiels. Pas au niveau des fonctionnaires, là. Au niveau des fonctionnaires, on dit: On les met dehors. Au niveau d'un attaché politique chef de cabinet adjoint du premier ministre, on dit: Ah! lui, il n'a rien à se reprocher, il a juste été question d'un numéro de téléphone.

Est-ce qu'il y a quelqu'un, de l'autre côté – je regarde l'ancien ministre de la Justice, je regarde l'ancien leader du gouvernement, je regarde l'ancien ministre des Finances – qui croit cette version-là que le premier ministre a rendu publique ce matin? Ah, il va dire que ce n'est pas lui, que c'est une sous-ministre, etc., mais, moi, je l'ai entendu à la télévision, c'est lui qui parlait et qui donnait ces réponses-là aux journalistes, à partir des documents qu'il avait en main.

Est-ce qu'il a pris connaissance des déclarations du député bloquiste à Ottawa qui dit: Moi, je n'ai jamais parlé de ça à personne, mon rapport d'impôts, même pas à ma femme, c'est une affaire confidentielle? Est-ce qu'on va croire le député bloquiste ou on va croire le premier ministre qui tente de sortir ça de son bureau? Est-ce qu'on va croire André Néron qui était au cabinet du chef du Bloc, de M. Gauthier, qui nous dit: J'ai discuté du dossier, on a eu des échanges sur le dossier fiscal? Est-ce qu'il va croire M. Néron, est-ce qu'il va croire le député bloquiste, ou il va tenter de nous faire croire qu'il a eu des téléphones sur un numéro de téléphone, M. le Président?

Si le premier ministre du Québec était sérieux quand il nous parlait de la question de l'intégrité des institutions du gouvernement et de l'État québécois, pourquoi ne déclenche-t-il pas immédiatement une enquête publique? Pas une enquête comme il a tenté de nous faire croire ce matin, semi-privée ou semi-publique, où on va entendre des gens à huis-clos – puis il nous a déjà prévenus qu'il ne pourra pas rendre le rapport public parce qu'il y a des parties... Pourquoi?

Le député, lui, il est allé sur la place publique, il a dit: Mon litige avec le ministère du Revenu, c'était ça, j'ai fait mon chèque. Tout le monde sait ce qui s'est passé dans ce dossier-là, sauf le premier ministre du Québec qui, lui, ne veut pas voir la réalité en pleine face et tente d'échafauder une histoire où il tente d'enterrer des agissements qui se sont produits dans son bureau et dont il est responsable; il tente d'évacuer ça vers d'autres ministères, M. le Président.

Aujourd'hui, les faits nouveaux dans cette affaire, c'est que ce n'est plus maintenant un seul cabinet qui est impliqué, ce sont deux cabinets qui sont impliqués: celui du premier ministre du Québec et celui du ministre de l'époque délégué au Revenu. On n'a pas encore trouvé, et je pense que le premier ministre aurait pu faire l'effort ce matin, se revirer, il était sur la banquette en arrière de lui, demander à l'ex-ministre du Revenu quel était le nom de l'attaché politique – je pense que ce n'était pas trop demander – puis dire aux gens: Ça s'est passé entre untel puis untel. Le premier ministre n'a pas jugé bon, il était trop occupé à nous vendre l'histoire du numéro de téléphone pour se revirer de bord puis demander qui était impliqué.

Ce qu'on a également comme élément au dossier, c'est une histoire qui, à ce moment-ci, ne se tient pas debout, M. le Président. Le premier ministre a encore la chance, avant que ça aille trop loin, de changer la version qu'il a donnée publiquement ce matin et de nous dire: Écoutez, j'ai revu le dossier, c'est dans la presse, ce ne sont pas les journalistes qui se sont trompés, ce n'est pas M. Néron qui s'est trompé, ce n'est pas M. Lebel qui s'est trompé; comme premier ministre, je suis responsable de l'intégrité de mon gouvernement, j'assume la responsabilité de mon cabinet, ce qui s'est fait n'aurait jamais dû se faire au niveau de la fonction publique, et surtout pas au niveau politique, et surtout pas dans le cabinet d'un premier ministre qui a la première responsabilité de préserver l'intégrité des institutions au Québec. Ça n'aurait jamais dû arriver.

Ce que le premier ministre tente de faire présentement, c'est de dire: Oubliez ça, tout ce que vous avez entendu, ce n'était pas vrai, M. Chevrette n'a rien à se reprocher, les gens au ministère, l'autre attaché politique n'ont rien à se reprocher, les gens à Ottawa n'ont rien... personne n'a rien à se reprocher. Puis, pour l'avenir, je vais poser des gestes qui vont faire en sorte qu'on va raffermir la sécurité des renseignements personnels. Puis en même temps il nous passe à l'Assemblée nationale des législations avec le bâillon qui font en sorte que tous les ordinateurs sont communiqués ensemble et que le citoyen se retrouve tout nu face à l'État québécois.

Ça, c'est la différence entre le discours du premier ministre puis les faits. On a besoin aujourd'hui, M. le premier ministre... Et je vous rappellerai qu'un de vos prédécesseurs l'avait fait, M. le chef de l'opposition l'a rappelé ce matin. L'ex-premier ministre du Québec, René Lévesque, dans de telles situations ne tentait pas de se cacher derrière des enquêtes qui n'ont pas toute la transparence et tout le degré de notion de public que doit avoir une telle enquête quand le lien de confiance entre les citoyens et l'État est rompu.

(12 heures)

M. le Président, vous avez été témoin, j'en suis certain, la semaine passée, le premier ministre nous disait: Ça n'existe plus. À l'émission J.E. , deux journalistes téléphonent. Des renseignements sur untel? Oui, ça coûte un peu plus cher que ça coûtait, c'était rendu à 450 $. Tout le monde a été mis au courant de ça.

Est-ce que le premier ministre aujourd'hui peut se lever en cette Chambre et nous dire que non seulement il prend cette affaire-là au sérieux, mais qu'il prend les moyens pour garantir à la population qu'il n'y en a pas d'autres dans d'autres ministères, qu'il affirme ça de son siège, qu'il a endigué le problème sur le plan de la fonction publique, que, sur le plan politique, les sanctions vont s'appliquer envers ceux et celles qui ont commis des indiscrétions inadmissibles quant au rapport d'impôts d'un individu et que, lui-même, il va s'en excuser publiquement auprès de la population du Québec, ou est-ce qu'il va continuer à tenter de cacher l'affaire, d'envoyer ça en avant et de meubler ça d'histoires absolument pas crédibles?

M. le Président, ce qui est important là-dedans, c'est de protéger la population, de protéger les victimes. On en connaît une, victime, M. Lebel. Le député du Bloc, c'est une victime. On ne connaît pas les victimes des erreurs de la ministre déléguée au Revenu ni de son prédécesseur en ce qui concerne le coulage d'informations. On ne connaît pas les victimes des erreurs du ministre des Ressources naturelles. Moi, au nom de l'opposition, comme institution, on devrait s'excuser, dans un premier temps, auprès de ces victimes-là et voir ce qu'on peut faire pour réparer le dommage qui leur a été causé. En ce qui concerne le premier ministre, au lieu de tenter d'inventer des histoires qui ne tiennent pas debout, M. le Président, qui sont cousues de fil blanc...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, vous savez très bien qu'en vertu du règlement on doit prendre la parole de celui qui a répondu à la période des questions ce matin et que le député qui parle à ce moment-ci n'a pas le droit, lui, d'inventer n'importe quoi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Effectivement, je reconnais qu'il faut éviter d'affirmer et de supposer des faits et des gestes qui impliquent des intentions, qu'on ne devrait pas le faire en cette Chambre. On peut élaborer des faits, mais laissons les gens interpréter et ne portons pas nous-mêmes des interprétations qui manqueraient au règlement.

M. Paradis: M. le Président, vous avez raison. Je suis obligé, et le règlement m'y condamne, de prendre ici, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, la parole du premier ministre comme telle. Mais les gens qui nous écoutent n'ont pas cette même obligation, eux autres. Ils peuvent regarder l'histoire que le premier ministre a racontée et juger si ça a du bon sens.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je connais la grande habileté du leader de l'opposition, mais vous savez très bien qu'il n'a pas le droit de faire indirectement ce que le règlement ne lui permet pas de faire directement. Donc, je pense, M. le Président, que, selon ce que vous lui avez donné comme information au moment où il a fait son intervention précédente, il devrait, à mon avis, ne pas tomber dans le même panneau après. Il le fait de façon indirecte. Donc, il ne peut pas imputer quelque motif que ce soit par la bouche d'un autre ou par sa bouche à lui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est le sens de mon intervention, et j'avais indiqué à ce moment-là de s'en tenir à relater les faits et à laisser les gens interpréter s'il y a lieu. J'ai demandé de ne pas aller plus loin et de ne pas imputer de motifs à partir de faits. Je crois qu'il faut laisser les gens en disposer. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, c'est ce que j'avais fait en me rangeant, comme je le fais tout le temps, à la sage décision que vous aviez rendue. Si le premier ministre ne veut pas prendre de remarque du côté de l'opposition, il pourrait quand même s'inspirer de la lecture des journaux, de certains éditoriaux qu'on retrouve ce matin autant dans la presse anglophone que dans la presse francophone. Sous le titre – et je sais qu'il n'aimera pas ça, je m'en excuse d'avance – Sans esquive – parce qu'on connaît son art d'esquiver – Pierre Gravel, dans La Presse , éditorialiste bien connu, parle de l'incident qui est en train de devenir une affaire et qui est devenu une affaire depuis que le cabinet du premier ministre et le cabinet du ministre du Revenu sont mis à partie: «Il reste que le chef de l'opposition – et je cite au texte – a tout à fait raison de ne pas vouloir se satisfaire de quelques nébuleuses explications – il a écrit ça avant l'affaire des numéros de téléphone; j'ai hâte de voir ce qu'il va écrire demain – visant à montrer qu'on s'énerve pour rien. L'indignation et l'inquiétude de l'opposition ne sont pas que de bonne guerre, elles sont aussi très saines compte tenu des dangers évoqués pour l'ensemble de la population.»

Au lieu d'applaudir bêtement, de l'autre côté, au lieu d'endosser une théorie qui ne tient pas debout, est-ce qu'on pourrait, ensemble, comme parlementaires, soumettre – comme René Lévesque l'avait fait à l'époque dans des circonstances aussi difficiles – l'examen de cette affaire soit à une commission publique, soit à l'Assemblée nationale du Québec pour que toute la lumière soit faite dans cette affaire? Je vois déjà le premier ministre qui dit: Il n'en est pas question. À sa place, là, quand on n'a rien à cacher, on dit oui à une enquête publique; quand on a quelque chose à cacher, on dit non, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie le leader de l'opposition. Je vais maintenant céder la parole à M. le premier ministre. M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Je pense que nous allons tous nous entendre de part et d'autre de cette Chambre pour considérer que toutes ces questions qui ont trait au caractère confidentiel des renseignements confiés à l'État sont extrêmement importantes, qu'elles sont névralgiques et qu'elles sont au coeur même de notre vie démocratique. Et, dans cette mesure, M. le Président, le gouvernement s'est préoccupé d'agir avec transparence et vigilance dès l'occurrence des premiers incidents qui nous ont alertés.

L'élément de départ de tout cela, c'est en mars dernier, je crois, à l'occasion d'une commission parlementaire où apparaissait l'un des commissaires de la Commission d'accès à l'information, M. Clarence White. M. White a déclaré qu'il croyait ou il a affirmé qu'il y avait du trafic d'informations dans différentes agences gouvernementales et différents ministères. Le gouvernement n'a pas attendu, puisqu'il s'agissait d'une allégation qui référait probablement à la commission d'activités peut-être criminelles; le gouvernement a donc immédiatement confié une enquête à la Sûreté du Québec pour qu'elle examine le bien-fondé de ce qu'avait déclaré M. Clarence White.

Dans la période qui a suivi, le ministère du Revenu a annoncé qu'il avait procédé notamment à un congédiement qui, lui, était relié à une vente d'informations que la personne concernée avait avouée. La ministre a également mentionné par la suite, selon le rapport de sa sous-ministre, que, durant la période précédente, un total d'environ sept personnes du ministère avaient subi des peines de congédiement du fait de comportement inacceptable au point de vue du caractère confidentiel de leur travail. Alors, évidemment, les gens, nous tous, on a dit: Coudon, c'est assez grave, ce qui se passe au ministère du Revenu.

Et, à ce moment-là, M. le Président, il y a eu des débats ici, en cette Chambre, et je me souviens que – c'était jeudi dernier, je crois – au cours d'un échange entre l'un des députés de l'opposition, le ministre des Ressources et moi-même, il a été question de ce qui se passait à Hydro-Québec. Hydro-Québec a été mentionné au nombre des agences qui pourraient faire l'objet d'un trafic d'informations lorsque M. Clarence White a comparu devant la commission parlementaire. Donc, elle était aussi dans le cadre de l'enquête policière, de l'enquête qui avait été lancée pour vérifier ce qu'il en était.

Au moment où M. Chevrette et moi avons répondu, nous n'avions aucune information, aucune indication quelconque que l'enquête avait révélé quoi que ce soit de négatif à Hydro-Québec. Et nous avons donc répondu en ce sens. Mais, à la fin de la période de questions, M. Chevrette a reçu de je ne sais qui, un collaborateur, une note lui disant que, effectivement, à Hydro-Québec, il y a eu un congédiement qui a été décrété à la suite des informations qui ont été révélées par l'enquête policière en cours. Alors, M. Chevrette a immédiatement, en sortant de la Chambre, annoncé le fait, donc, et s'est comporté comme un ministre vigilant et tout à fait transparent.

Mais le gouvernement avait, dès la fin de la semaine, analysé la question et j'ai moi-même mis au travail, pour la fin de semaine, un groupe de sous-ministres et de représentants de différents ministères qui conservent de l'information pour faire le point, un état de situation sur tout ce qui se passe dans toutes les agences gouvernementales et dans les ministères quant à la gestion de ces affaires. Et le rapport m'a été présenté effectivement lundi matin.

(12 h 10)

Mais qu'est-ce qu'il arrive dimanche matin? Dans le Journal de Montréal , un article irresponsable où on affirme que le cabinet du premier ministre pratique systématiquement le recours à des informations fiscales, l'image employée étant «s'abreuve d'informations fiscales», et ne cite qu'un incident, celui d'une communication téléphonique de M. Chevrette à quelqu'un du cabinet du chef de l'opposition à Ottawa, l'an dernier.

Alors, ce que je réitère ici, M. le Président, c'est qu'à mon cabinet ni moi ni personne n'avons – ni moi, c'est clair – demandé à qui que ce soit de requérir, d'obtenir ou d'utiliser les informations fiscales du ministère du Revenu. J'ai fait faire une enquête rapide, mais très rapide, interne qui me convainc que je peux affirmer avec assurance, sur la foi de cette enquête rapide, que personne de mon entourage n'a jamais demandé de renseignements fiscaux au ministère du Revenu. Cependant, là, ce qui arrive est cet élément particulier qui a été cité, l'appel téléphonique de M. Chevrette, qui était à l'époque l'adjoint de mon directeur de cabinet, un appel qu'il a fait à Ottawa.

Alors, M. le Président, ces choses-là ne sont pas simples, elles se sont passées il y a un an et demi. Ça se passe dans la rapidité des affaires. Nous avons demandé aux gens de faire un effort de mémoire, et M. Chevrette aujourd'hui a rendu public les souvenirs qu'il a de cette affaire. Et ce que M. Chevrette nous dit, c'est qu'il a reçu un coup de téléphone du ministère du Revenu. Il sait que c'est du cabinet du ministre, il ne peut pas identifier vraiment la personne parce que c'est un peu loin, mais l'information, l'échange téléphonique lui a donné à penser qu'il y avait un problème fiscal entre un député du Bloc et le ministère du Revenu. Dans les journées qui suivent – on n'a pas le détail – parlant avec son vis-à-vis à Ottawa, quelqu'un du cabinet du chef de l'opposition, il a simplement fait mention de ce qu'il avait tiré comme conclusion à l'effet de l'existence d'un problème fiscal et il affirme ne pas avoir demandé à qui que ce soit d'intervenir auprès de l'intéressé.

Mais, moi, M. le Président, dès que j'ai vu l'article, dès qu'on a attiré mon attention sur l'article en fin de semaine, s'agissant de cet incident particulier, j'ai demandé la tenue d'une enquête au ministère du Revenu. Le ministère du Revenu est un ministère qui fait beaucoup d'enquêtes sur son personnel, parce qu'on sait très bien qu'il y a des standards très importants à préserver, et ils ont fait une enquête.

Moi, ce que j'ai reçu ce matin, qui est un sommaire du rapport d'enquête, ce n'est pas moi qui l'ai écrit, ce n'est pas moi qui ai fait l'enquête. Moi, je ne demande rien à personne, je constate que, recevant le rapport sous forme d'un sommaire, il y a dans ce sommaire des affirmations qui y apparaissent et dont le public a maintenant connaissance puisque c'est la partie du rapport, me dit-on, qui peut être rendue publique, le rapport complet ne pouvant pas l'être puisque comportant des informations de nature fiscale qui ne peuvent pas être divulguées.

Bon, moi, M. le Président, je suis comme tout le monde, là. Je constate, en lisant ce sommaire-là, que, pour une raison ou pour une autre, qui n'est pas élucidée parce qu'apparemment on entrerait dans le secret fiscal, les fonctionnaires du ministère cherchaient à rejoindre un contribuable et ils ont pensé que les gens du cabinet du ministre, puisqu'il s'agissait d'un député et que bien sûr il y a des rapports étroits entre le Bloc et le Parti québécois, qu'au cabinet on pourrait plus facilement le rejoindre. Et le cabinet sachant qu'il y avait dans mon cabinet quelqu'un qui s'occupait des rapports avec le Bloc québécois, Charles Chevrette, qui connaissait bien les gens du Bloc, que peut-être lui pourrait les aider.

Mais, moi, je n'en sais pas plus que ce que je lis dans le rapport actuellement, mais j'éprouve moi aussi comme tout le monde le besoin d'aller plus loin puis d'en savoir plus sur cette affaire-là. Qu'est-ce qui s'est dit exactement? Qu'est-ce qui peut être dévoilé de façon correcte, en conformité avec la loi, des informations qui pourraient permettre de comprendre mieux le déroulement de cet incident?

Alors, j'ai décidé ce matin de confier un mandat particulier à la Commission d'accès à l'information, un mandat d'enquête sur cette question pour qu'elle puisse nous dire ce qu'il en est. Est-ce qu'il y a des gens à blâmer là-dedans? Est-ce qu'il y a des gens à blâmer dans mon cabinet? Est-ce qu'il y en a à blâmer dans le cabinet du ministre du Revenu de l'époque, compte tenu des circonstances qui entourent ce qu'on apprend de ces communications téléphoniques, M. le Président? Alors, moi, je veux savoir et j'ai demandé à la Commission d'accès à l'information de conduire cette enquête.

Je demanderais à l'opposition et je demanderais à tout le monde, M. le Président, de ne pas juger les gens avant que l'enquête ait eu lieu, de ne pas sauter sur des conclusions prématurées; il y a quand même des règles de justice dans cette société de droit qu'est la nôtre. Alors, puisqu'il y a maintenant une enquête qui va être déclenchée, puisqu'il y a un organisme parfaitement autorisé et nanti de tous les pouvoirs pour le faire, des pouvoirs d'assignation, des pouvoirs d'assermentation, même des pouvoirs de porter à lui seul des plaintes, laissons cette Commission faire son travail. On sera pourvu des conclusions de l'enquête et on pourra juger; on pourra juger s'il y a des blâmes à distribuer, s'il y a des sanctions à imposer, on pourra juger s'il y a des modes de comportements à modifier pour améliorer l'étanchéité du contrôle des informations confidentielles, mais laissons la chance à un organisme parfaitement crédible, qui a été constitué pour ça par l'Assemblée nationale, qui répond directement à l'Assemblée nationale, d'aller faire la lumière sur cette question, M. le Président.

Il y a une chose que je voudrais ajouter, c'est que, s'agissant de l'ensemble de tout ça, l'état de situation que nous avons dressé, qui m'a été présenté hier matin par les ministres en question – il y a eu 13 ministères qui ont été mis à contribution durant la fin de semaine pour faire le tour, un tour d'horizon de l'état de situation du contrôle de la protection des données confidentielles – cette semaine, la ministre du Revenu va faire une conférence de presse où elle transmettra l'état de situation tel que les sous-ministres des différents ministères l'ont dressé. On verra – je ne veux pas aller au-delà des conclusions qui viennent – que le gouvernement est très vigilant et qu'il s'assure du respect de l'intégrité des données confidentielles.

Il faut quand même noter une chose, c'est que ce problème, il n'est pas nouveau. Au fur et à mesure que l'État s'engage dans la prestation de services publics dans le domaine de la santé, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la sécurité du revenu, dans le domaine des analyses policières, des enquêtes policières, l'État est de plus en plus partout – et dans le domaine de l'impôt bien sûr – l'État se trouve donc, avec une rapidité considérable, à emmagasiner de plus en plus d'informations sur la vie privée des individus. Ça, c'est un phénomène dont il faut se préoccuper.

Fort heureusement, M. le Président, cette responsabilité accrue de l'État, dans le domaine de la cueillette, de la conservation et du traitement de données confidentielles, s'accompagne d'une avancée fulgurante de la technologie informatique. Il ne serait pas possible à aucun État, il serait impossible à la RAMQ, par exemple, de gérer l'assurance-maladie et toutes les données que nous avons si on n'avait pas de puissants ordinateurs, de logiciels de plus en plus sophistiqués qui permettent de traiter des millions d'opérations par jour; au seul ministère du Revenu, il y a des millions d'opérations informatiques par jour qui s'accomplissent.

Mais en même temps que nous avons donc une plus grande capacité de traiter par l'informatique ce genre de renseignements, il y a aussi fort heureusement l'amélioration des processus de contrôle informatique pour empêcher la diffusion indue de ces informations, pour les conserver. Par exemple, il y a des codes d'accès, il y a des signatures qui sont laissées par tous ceux qui consultent un fichier. On peut retracer qui, à quelle date et dans quel fichier un accès a été fait. On sait, par exemple – parce que c'est la sous-ministre Mme Malo, par le truchement de M. Carpentier, directeur général, qui m'a autorisé à le dire – que, dans l'enquête concernant les appels téléphoniques des cabinets politiques, on sait et elle nous affirme que, grâce à ces contrôles informatiques, elle peut confirmer que l'enquête a pu confirmer que le cabinet politique du ministre du Revenu n'a jamais accédé au fichier du contribuable. Donc, il n'y a pas eu d'accès au dossier du contribuable justement parce qu'ils ne peuvent pas; il y a des codes puis c'est organisé de telle façon qu'il y a des cloisons étanches établies non pas seulement entre les cabinets politiques, mais entre les différentes sections du ministère. Ce n'est pas n'importe quel fonctionnaire du Revenu qui peut aller entrer dans un fichier; il faut qu'il ait affaire à y aller, il faut qu'il utilise un code, il faut qu'il sache les codes parce qu'il a besoin de les savoir pour aller voir les données.

(12 h 20)

Mais je peux dire une chose, c'est qu'il est certain que, de toutes les sociétés industrielles modernes, le Québec est probablement l'une des plus avancées dans les contrôles qu'il a mis en place. Mais ça se fait par évolution. Et il y a des problèmes, c'est sûr, il y a toujours des problèmes. Il y a forcément des problèmes de fonctionnement, il peut y avoir des erreurs humaines, il peut y avoir aussi bien sûr des actes coupables, des actes répréhensibles, de la fraude. Donc, il faut une constante vigilance de l'État, des ministères concernés, des systèmes qu'on met en place, la vigilance de l'opposition, la vigilance de l'opinion publique, la vigilance du gouvernement, pour qu'on puisse faire tout ce qu'on peut, au maximum, en termes de protection des secrets de la vie privée.

Mais ce n'est pas nouveau. Je voudrais rappeler que, par exemple, en 1988, l'actuel leader de l'opposition, qui était ministre, a dû demander une enquête policière sur un trafic de renseignements au ministère de la Sécurité du revenu et deux fonctionnaires ont été poursuivis en justice. Ça ne veut pas dire que les systèmes de l'époque étaient inacceptables. Ça ne veut pas dire que le ministre avait tort. Ça ne veut pas dire que le gouvernement de l'époque ne se préoccupait pas du caractère confidentiel des données. Mais ça arrive, des dérapages, M. le Président. En 1992, l'actuel député de Laporte était ministre du ministère de la Sécurité du revenu et, à ce moment-là, il y a eu un reportage sur un fonctionnaire qui aurait vendu des renseignements sur des assistés sociaux à des bureaux de crédit. Le fonctionnaire a été suspendu.

Les bureaux de crédit, les agences de renseignements, c'est un grand phénomène important aussi. Il y a au Québec pas loin de 18 000 à 20 000 personnes qui gagnent leur vie en traquant l'information, en allant chercher l'information partout. Ce n'est pas forcément au gouvernement qu'ils peuvent l'avoir, l'information; ils peuvent l'avoir par des opérations qui se font entre un organisme et un consommateur. Il y a emmagasinage d'information, puis ça vaut très cher, ces banques d'information là. Donc, il y a des gens qui passent leur vie à chercher l'information. Les banques ont le même problème que le gouvernement. Nos comptes de banque, ça en dit long. Nos dossiers financiers à la banque, ça en dit très long sur notre vie privée. Ils ont les mêmes informations. N'importe quel organisme aujourd'hui qui fait affaire avec les consommateurs emmagasine de l'information et il est assujetti à des tentatives des agences de renseignements de s'approvisionner là pour informer des clients.

M. le Président, en 1992, par exemple, l'actuel député de Laporte, qui était ministre, avait demandé une enquête policière à l'unité des crimes économiques de la Sûreté du Québec; il y a un fonctionnaire qui a été accusé. M. Bourbeau, après avoir vérifié tout cela, conclura que c'était un cas isolé et que ça ne mettait pas en cause de réseau. En février 1993, M. Michel Venne, du Devoir , avait publié une série d'articles sur l'existence d'un marché noir de renseignements au ministère de la Sécurité du revenu. Donc, le problème, il existait avant. Ça ne veut pas dire qu'il faut l'accepter, ça ne veut pas dire qu'il faut se résigner, mais il y a là un problème endémique, je dirais. On se rappellera que le député de Laporte, à l'époque, avait annoncé une enquête au sein de son ministère pour voir s'il y avait un marché noir, puis, quand il a reçu le rapport, le rapport interne, il avait conclu que, et je cite, «ce rapport le rassurait sur l'étanchéité du système informatique et la sécurité des banques de données».

Alors, M. le Président, ce qui est important, c'est d'abord de faire toute la lumière sur l'incident qui met en cause les appels téléphoniques faits par des cabinets politiques, premièrement; c'est fait par un mandat spécial qui a été décerné ce matin à la Commission d'accès à l'information. Deuxièmement, compte tenu de tout ce qui se passe, de l'accumulation des renseignements, du grand poids de renseignements qui sont maintenant emmagasinés dans les mégafichiers de l'État, sur les décisions que nous avons prises avec l'appui de la Commission d'accès à l'information de faire des croisements de fichiers, il est important de rassurer la population et de faire le point une autre fois sur l'état d'efficacité, sur la qualité des contrôles que nous avons déjà mis en place.

C'est pour cela que, comme je l'ai annoncé aujourd'hui, dès demain je saisirai le Conseil des ministres d'un projet de décret pour confier un mandat élargi, approfondi à la Commission d'accès à l'information pour nous dire clairement ce qu'il en est sur l'état et la qualité des contrôles qui sont présentement en place dans les différents ministères, évaluer de quelle façon ces ministères se sont comportés quand ils se sont fait demander par des organismes autorisés d'apporter des modifications. Est-ce qu'ils ont dit oui ou non ou est-ce qu'ils ont obtempéré? Nous savons qu'ils l'ont fait dans la plupart des cas, mais on verra dans l'état de situation, en particulier, qui déjà sera rendu public. Mais la Commission nous en dira davantage. Nous attendons également de la Commission qu'elle propose des solutions nouvelles et additionnelles susceptibles d'améliorer encore l'efficacité des contrôles et des modes de fonctionnement existants.

Alors, M. le Président, il pourrait y avoir d'autres éléments dans le mandat; c'est le Conseil des ministres qui va statuer demain. Mais le gouvernement est conscient de la gravité de ces allégations. Il réfute toutes celles qui ont trait à l'organisation d'un système dans mon cabinet pour utiliser les données à caractère fiscal. D'ailleurs, je n'ai pas entendu l'opposition revenir là-dessus. Mais, sur la question de l'événement particulier, de l'incident du téléphone, je n'aime pas cet incident, M. le Président, je souhaiterais infiniment qu'il n'ait pas eu lieu. Nous allons faire en sorte qu'il n'y en ait pas d'autres. Nous allons l'enquêter pour savoir s'il y a des comportements à reprocher et à sanctionner, nous verrons. Il y a des gens, de façon externe et honnête, qui vont le faire.

Et, bien sûr, M. le Président, je m'attends aussi à ce que la Commission nous propose de nouveaux comportements par rapport aux cabinets politiques. Il faut que les cabinets politiques soient davantage, j'en suis convaincu, que nous soyons tous nous-mêmes sensibilisés à la nécessité d'être d'un scrupule total, je dirais d'un scrupule paranoïaque vis-à-vis de toutes ces questions d'intégrité qui mettent en cause l'État même.

Et le gouvernement, M. le Président, en donne l'assurance, en prend l'engagement vis-à-vis de la population, nous allons faire en sorte qu'elle soit totalement rassurée quant à la qualité des contrôles et des systèmes qui protègent sa vie privée. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le premier ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le chef de l'opposition.

M. Bouchard: Est-ce que je pourrais ajouter un mot avant que... Parce que je voudrais prier le chef de l'opposition de m'excuser parce que je dois vraiment partir pour Sherbrooke. Je suis déjà très en retard. Je voudrais qu'il comprenne que ce n'est pas par manque de courtoisie, que je m'absente par obligation. Merci.

M. Johnson: M. le Président, je remercie le premier ministre de sa courtoisie, mais je peux l'assurer qu'il va entendre parler de ce que je vais dire. Peu importe...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le chef de l'opposition.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui. Ce que le premier ministre vient de nous dire, M. le Président, c'est ça qui m'a surpris, c'est qu'il est comme tout le monde. Il veut savoir ce qui est arrivé. Il ne demande rien à personne. Il dit: Je suis comme tout le monde. Je suis comme tout le monde, un citoyen qui se demande ce que c'est, cette série d'événements ou d'allégations là.

M. le Président, le premier ministre n'est pas comme tout le monde, il est premier ministre du Québec et il a les moyens, et surtout c'est son rôle, de faire en sorte que toute la lumière soit faite sur les allégations, sur les témoignages qui circulent, sur les entrevues que l'un ou l'autre, soit de ses collègues du Conseil des ministres, soit des collaborateurs de l'époque, soit des collaborateurs de l'époque du Bloc québécois, on fait circuler maintenant dans la presse.

Et ce que je vais dire au premier ministre, c'est que, comme premier ministre, ce qu'il a l'occasion de faire, c'est ce que j'aurais fait, c'est ce que René Lévesque a fait, tu déclenches une enquête la plus publique possible. Ça, c'est la première des considérations que le premier ministre doit avoir à l'esprit. Et j'en conclus que ou bien il ne comprend pas la nature du litige, je dirais, la nature du sujet qui retient notre attention, qui retient l'attention de la presse et de nos concitoyens, ou alors il ne veut pas comprendre. C'est un des deux, là, à l'évidence.

M. le Président, je présume, à ce moment-ci, que le premier ministre n'a pas saisi l'importance qu'il y a de déclencher une enquête au caractère le plus public possible et que le mandat qu'il a confié à la Commission d'accès à l'information ne rencontre pas les exigences de transparence qui doivent être les siennes. D'autant plus que c'est une autre occasion où le public va voir sa méfiance à l'endroit des gouvernements, de l'Assemblée, des élus éveillée encore une fois. Moi, je suis convaincu qu'il y a des gens – et on va en rencontrer – qui vont dire: Ah! Vous faites tous pareil. Les renseignements personnels qui sont au ministère du Revenu ou à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on sait bien, vous vous servez de ça.

M. le Président, ça fait 17 ans que je suis ici et je n'ai jamais entendu parler de quelque chose qui, de près ou de loin, ressemble à l'utilisation par un acteur qui, lui, est dans le domaine politique... Il n'est pas en train de vendre des renseignements pour 400 $ la «shot», là; il est en train de s'alimenter à des sources, selon les allégations, qui font en sorte qu'on peut se servir, dans l'entourage purement politique, pas administratif ou de fonction publique, du premier ministre, en l'occurrence, qu'on peut se servir de renseignements et qu'on peut les communiquer, qu'on peut en communiquer les détails, ou la substance, ou la saveur de façon générale, ça n'a pas d'importance, c'est le genre. C'est justement le genre de renseignements qui doit éveiller tout de suite notre attention et toute notre vigilance.

(12 h 30)

Malheureusement, la dernière fois que j'ai entendu parler de quelque chose qui pouvait ressembler à ça de loin, c'est-à-dire de vouloir traiter sur la place publique de la situation fiscale d'individus spécifiques, c'était, et l'ancien leader du gouvernement n'était pas ici à l'époque, le premier ministre non plus d'ailleurs, mais il y en a qui étaient ici qui se souviennent comment la loi 74 avait été déposée pour mettre dans l'embarras des Québécois qui occupaient des fonctions publiques et qui ne résidaient pas au Québec, ils étaient députés ou sénateurs à Ottawa. Il n'y avait pas beaucoup de séparatistes parmi eux. On a à l'évidence tenté d'utiliser la loi, l'Assemblée nationale, les renseignements d'ordre fiscal afin de mettre dans l'embarras des adversaires politiques.

La dernière fois que ça s'est vu ici, ça fait une quinzaine d'années puis c'était le Parti québécois qui était au pouvoir. Une fois, là, on peut penser que c'était une espèce d'accident ou d'aberration historique, mais, quand c'est encore des renseignements d'ordre fiscal qui circulent – cette fois-là sur des amis ou des alliés, si j'ai bien compris, plutôt que des adversaires politiques – et qu'il y a dans les cabinets politiques des gens dont on dit qu'ils se complaisent à se transmettre des informations comme celles-là, on vient de changer de registre complètement. Le premier ministre n'a pas compris le contexte dans lequel ça s'est déroulé, un contexte où depuis des jours la méfiance de nos concitoyens est éveillée parce que, au ministère du Revenu ou à Hydro-Québec, il y a eu au moins un cas dans chaque ministère ou dans chaque organisme où des renseignements de nature privée font l'objet d'un troc, d'un commerce contre rémunération.

Le premier ministre n'a pas compris – ça aurait dû être mon premier point – la matière même, au point de vue de l'État, qui est en cause ici, qui est l'intégrité des processus, qui est l'intégrité des personnes, qui est l'intégrité de l'État, qui est l'intégrité de la surveillance et de la responsabilité – c'est encore plus fort que ça – qu'a un élu, en l'occurrence le premier ministre ou différents ministres, de veiller à ce que l'État fonctionne de façon complètement étanche par rapport aux visées politiques du gouvernement, que l'État, dans son fonctionnement, dans ses relations avec les citoyens, ne soit entaché d'aucune façon des considérations d'ordre politique ou partisanes.

Le premier ministre n'a pas compris qu'on ne parle pas des mêmes joueurs que l'espèce de ribambelle d'enquêtes dont il nous a rappelé la tenue depuis 1988. On enquêtait à l'époque à chaque fois sur ce que des membres de la fonction publique, des employés de l'État n'avaient pas respecté leur mandat, n'avaient pas respecté le secret qu'ils doivent conserver à l'endroit de renseignements qu'ils détiennent. Il y avait eu littéralement du commerce de renseignements privilégiés, confidentiels. On ne parle pas de ça, là. On ne parle pas d'une enquête de police ou administrative sur un fonctionnaire qui a vendu des renseignements confidentiels.

Ça s'est d'ailleurs produit. Le premier ministre a oublié ces deux cas-là, à l'Hydro et au Revenu, dans la liste des exemples qu'il donne. Il n'est pas capable de nommer un seul cas où un membre d'un cabinet politique ou du cabinet même du premier ministre aurait été impliqué. On ne compare pas la même chose, là. On n'appelle plus ça des pommes et des oranges, c'est un pois puis un melon d'eau. C'est ça, la différence, alors qu'on voit qu'il y a une différence de nature dans les rôles que les joueurs ont dans l'échange, la transmission de renseignements confidentiels. Le premier ministre, M. le Président, n'a pas compris son rôle lorsqu'il dit qu'il est comme tout le monde là-dedans. Il n'a pas compris que c'est sa responsabilité première de s'assurer que, quoi qu'il advienne, il n'y a personne qui va soupçonner pour une minute que quelque chose est resté dans l'ombre.

Tout à l'heure, j'avais des questions des membres de la presse qui me demandaient si, je dirais, les enquêtes, les entrevues, etc., les travaux donc de la Commission d'accès à l'information ou des gens que M. Comeau pourrait désigner seraient accessibles aux journalistes. Autrement dit, est-ce que ça serait public? Je n'en sais rien pour le moment. On m'a rappelé – je ne prétends pas avoir lu la loi de A à Z – que, selon le premier ministre ou selon le gouvernement, M. Comeau et la Commission ont parfaitement le loisir, ils ont le droit même, ils ont la responsabilité de décider ce qui serait public puis ce qui ne le serait pas.

M. le Président, je vous soumets que c'est une façon pour le premier ministre de se décharger sur quelqu'un d'autre de la prise de la décision la plus importante qu'il doit y avoir dans ce dossier-là: que ça doit être transparent, visible à l'oeil nu, public, ce qui va se passer, afin que ne subsiste aucun doute sur le rôle des différents acteurs et des joueurs dans ce dossier-là. Et ce n'est pas vrai que c'est satisfaisant de dire: On va se fier à la bonne réputation de la Commission; elle décidera, dans toute sa sagesse, si c'est public ou privé, le déroulement de l'enquête, le déroulement des entrevues, les morceaux du rapport, etc.

C'est au gouvernement à décider ça. On ne délègue pas la responsabilité de faire la lumière en matière d'intégrité. On l'exerce, cette responsabilité-là, et elle s'exerce d'une seule façon: c'est de requérir la tenue d'une enquête de nature publique, par qui que ce soit, où que ce soit. On verra en temps et lieu si ça répond aux critères. Nous, on est convaincus que les critères de transparence sont le mieux respectés lorsqu'une commission de l'Assemblée nationale siège. C'est notre mandat. On n'est pas un «star-chamber», on n'est pas un tribunal obscur qui vit dans l'ombre. On doit, et c'est la nature même de nos fonctions, 24 heures par jour, représentant nos concitoyens, tout faire de façon publique et on est imputables publiquement de nos gestes auprès de la population. On n'a pas à se cacher, on n'a rien à cacher comme députés.

Il n'y a aucune raison d'hésiter, de la part du gouvernement, à faire en sorte que ce soit une commission parlementaire avec des députés assistés de gens, d'experts qu'on voudra bien, auxquels pourraient s'adjoindre des membres de différents organismes de l'État dont on croit qu'ils sont particulièrement versés dans ces matières-là. Mais il n'en reste pas moins que ce sur quoi il faut faire la lumière en premier, c'est le rôle que des gens qui ont des fonctions politiques ont joué à l'égard de renseignements qui ont pu être obtenus, sous quelque couvert que ce soit, d'un manquement à des règles d'éthique d'un fonctionnaire. Parce que c'est de ça qu'on parle, là.

Moi, je n'ai pas embarqué du tout, du tout dans l'espèce de démonstration du premier ministre qui essaie de nous dire: On n'a rien à faire là-dedans; les membres du cabinet, au ministère du Revenu, ne peuvent pas pitonner directement dans l'ordinateur pour savoir quels sont – je ne sais pas, moi – les revenus ou quoi que soit, la situation fiscale d'un contribuable. Personne n'a pensé que c'est ça qui se passait, là. Ça, c'est typique d'une défense un petit peu alambiquée pour un dossier qui est faible, d'inventer une allégation et de la démolir avec conviction. Ça, c'est typique, c'est de la diversion. Personne ne pense ça. Personne ne pense qu'ils sont branchés, au cabinet du ministre du Revenu, sur l'ordinateur dans lequel on retrouve des renseignements d'ordre confidentiel sur les contribuables. Ce n'est pas ça qui est en cause.

Ce qu'on veut savoir, c'est qui a parlé, à qui, à quel moment et de quoi. Finalement, c'est ça que le leader ne semble pas comprendre, c'est ça que le premier ministre ne semble pas comprendre, c'est ça que quelques-uns de ses collègues ne semblent pas comprendre. Parce qu'il faut voir les réactions de certains collègues ministériels en face qui trouvent que ça n'a pas de bon sens de ne pas faire une enquête publique sur une affaire importante comme ça. Ça, là, c'est évident.

Ce qui est évident pour moi, M. le Président, c'est qu'on doit pousser le plus loin possible la transparence qui doit présider à ce dossier-là et qu'un des aspects – c'est ça que je veux renfoncer comme dernier clou; ça fait assez souvent que je le dis... Ce n'est pas vrai que c'est normal qu'un chef de cabinet adjoint, au bureau du premier ministre, transige de cette façon-là, qui est alléguée, dans des renseignements d'ordre fiscal. Je répète: Quelle est la description de tâche de l'entourage du premier ministre qui fait en sorte qu'ils se sentent autorisés à avertir, présumément pour de bonnes raisons, de l'effet de leur bonté débordante à l'endroit de leurs alliés du Bloc québécois... qu'ils s'en vont aviser qu'il y a peut-être un problème avec un député quelque part qui se chicane avec un ministère au Québec? Ça, ce serait pour leur bien. On aurait divulgué des renseignements pour leur bien. Ça procédait d'un bon naturel.

Il n'y a pas de différence de nature entre le faire pour leur bien ou le faire pour le mal. Une fois qu'on détient des informations de cette nature-là, on ne peut pas se fier aux gens dans un cabinet politique pour aller toujours dans le même sens de faire ça pour le bien du contribuable, de faire ça pour le bien de la cause. Il faut également s'informer et, je dirais, se questionner sur ce qu'il y a de pas bien là-dedans, sur ce que ça représente pour le contribuable de voir une partie de sa vie privée qui circule dans des cercles comme ceux-là.

(12 h 40)

Ce que je déplore – je le dis en terminant – c'est que le gouvernement et le premier ministre, par sa mauvaise compréhension de son rôle, par sa mauvaise compréhension de ce que ça appelle comme décision compte tenu que c'est l'intégrité de l'État, fait en sorte qu'il ne répond pas à la méfiance naturelle du public qui entend parler de ça.

La seule façon de régler le problème, de lever le voile sur cette affaire, de faire en sorte qu'on sache exactement ce qui est vrai, ce qui n'est pas vrai dans les allégations, qui a dit quoi, à quel moment et qui savait quoi, et pourquoi dans l'entourage du premier ministre il y a des gens qui ont le temps de faire ça, qui ont le temps de parler au Revenu puis de parler au Bloc québécois puis parler de la situation fiscale d'un député, tel que M. Chevrette a avoué qu'il avait fait... C'est ça qu'on veut savoir, et d'aucune façon ce voile-là ne sera levé si on maintient, du côté du gouvernement, cette attitude que: Bien, on verra, puis quelqu'un décidera si ça peut être public, etc.

Je demande au premier ministre, pour une dernière fois aujourd'hui: Quand, à quel moment et de quelle façon va-t-il s'assurer que c'est un processus public, ouvert et totalement transparent qui fera la lumière afin de rétablir la confiance que les citoyens doivent avoir dans l'intégrité de l'État?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le chef de l'opposition. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Rivière-du-Loup pour une intervention de cinq minutes. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Alors, la première partie de mon intervention, je voudrais m'en servir pour recentrer ce dossier-là, du coulage, du commerce, de toutes les formes de circulation injustifiées d'informations privées sur nos concitoyens, dans la façon dont le gouvernement l'a abordé, parce que, quand on a commencé à voir apparaître les faits – puis au bout de 48 heures on était pas mal fixé sur le fait qu'il y avait des faits;il y en avait un peu partout, de la viande – l'attitude première du gouvernement était importante. C'est-à-dire que normalement le gouvernement aurait dû prendre l'affaire au sérieux, prendre du recul et chercher à faire le plus rapidement possible la lumière de la façon la plus complète possible sur l'affaire.

Or, les premières déclarations de la ministre déléguée au Revenu, de ses collègues, du ministre des Ressources naturelles, ont immédiatement démontré que tout au long de l'affaire ils allaient tenter de traiter chaque cas comme un cas isolé; alors tout de suite un cas isolé. Or, il n'y en avait plus un, c'était rendu à sept de plus, on était rendu à huit, c'étaient huit cas isolés. Le lendemain, le ministre des Ressources naturelles en avait un à Hydro-Québec, c'était un cas isolé. Un autre cas isolé au cabinet du premier ministre.

Il faut voir ça comme une attitude du gouvernement, derrière chacun des propos, qui ne peut pas amener la véritable lumière à être faite sur l'affaire, c'est-à-dire que tu ne peux pas véritablement redonner confiance aux citoyens, revoir l'ensemble des mécanismes qui gèrent les renseignements privés si ton attitude, si ta façon d'aborder le problème, c'est de dire: C'est tous des cas isolés. Je m'excuse, M. le Président, mais, quand dans un village il y a 20 cas isolés d'une même maladie, on commence à craindre une épidémie et on ne parle plus de cas isolés. Bien, c'est ce qui guette le gouvernement à l'heure actuelle et il ne semble pas s'en rendre compte.

Dans le cas plus précis évidemment du dossier qui touche le cabinet du premier ministre, je n'ose même pas commenter l'histoire qu'un chef de cabinet adjoint au cabinet d'un premier ministre, un chef de cabinet au cabinet d'un chef de l'opposition d'un pays, sans parler d'autres cabinets politiques, ça prend tout ce monde-là pour trouver un numéro de téléphone. Ça doit prendre du monde pour organiser les campagnes électorales quand vient le temps de faire sortir le vote, sortir les numéros de téléphone, si ça prend tout ce monde-là pour en sortir un, hein?

Alors, on est obligé de prendre la parole du premier ministre, selon les règles de la Chambre, de croire cette histoire-là et de laisser à nos concitoyens et concitoyennes le soin d'en juger. Mais il y a des choses sérieuses là-dedans. Quand ce député-là dit: On a mis de la pression sur moi, on se sert de mon rôle, de mon métier pour mettre de la pression... Parce que c'est un litige avec le ministère du Revenu. On parlait à ce moment-là d'un litige. Alors, de quelle façon, dans un litige où on ne peut pas présumer qui a raison...

Puis il y a des milliers de citoyens qui ont des litiges avec le Revenu. On doit présumer qu'il y en a une partie qui ont tort puis qui paient, puis une partie qui ont raison puis qui ne paient pas. C'est la nature d'un litige. On n'est pas d'accord sur un point, puis il finit par y avoir quelqu'un qui obtient un jugement puis qui gagne ou qui perd. Qu'on mette de la pression sur quelqu'un parce qu'il a tel métier – dans ce cas-ci, c'est un parlementaire, mais ça pourrait être n'importe quel autre métier public dans notre société, un artiste ou un autre métier... On va commencer à jouer avec les renseignements puis dire: Toi, tu es public, tu es connu du public, ça fait que tu n'as pas le droit de te faire justice. On va présumer que tu es aussi bien de payer puis de régler ton litige. Ça peut aller très loin.

Alors, c'est pour ça, M. le Président, que, moi, dès la semaine passée, j'ai parlé d'une enquête du Vérificateur général, parce que, à mon oeil, c'est celui qui est le mieux placé pour connaître les mécanismes. Il y a toujours bien une raison pourquoi, à l'intérieur des ministères, l'information circule. Il y a des mesures de sécurité qui ne sont pas prises ou il y en a qui sont prévues sur papier puis qui ne sont pas respectées. Il y a des failles. On n'a pas un système qui est étanche. On a un système qui a des failles et il faut, si on ne veut pas aller vers un État «Big Brother»...

Je ne sais pas si c'est l'État qui intéresse actuellement le gouvernement, parce que, moi, je ne suis pas intéressé dans cette histoire-là à faire des enquêtes sur tous les petits points pour blanchir tel employé du cabinet du premier ministre, non. On n'est pas intéressé à ce que le gouvernement joue sur sa réputation, sauve son image dans les journaux, que les titres soient plus favorables. On est intéressé à protéger le public, on est intéressé à protéger la population. On doit s'inquiéter de l'attitude qu'a prise le gouvernement, surtout que c'est le même gouvernement qui a enlevé l'accès au Vérificateur général, une partie de son travail dans le cas de la Caisse de dépôt, le même gouvernement qui immédiatement s'est levé pour dire: Non, non, on ne veut pas que le Vérificateur touche à ça. C'est le même gouvernement qui, quand le Protecteur du citoyen fait des déclarations qui ne font pas son affaire, menace dans les journaux le Protecteur du citoyen, M. le Président.

Quand on met tout ça ensemble, on est en droit de se poser des questions et de se demander: Est-ce que c'est le genre de monde dans lequel ce gouvernement-là veut nous amener à vivre?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Alors, je vais céder la parole maintenant à M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Il vous reste 13 minutes, M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, je voudrais reprendre le débat là où le chef de l'opposition l'a laissé tout à l'heure. Il a évoqué la question de la confiance. Le chef de l'opposition s'est exprimé avec beaucoup de passion tout à l'heure pour nous dire que les gens n'avaient plus confiance à l'endroit du comportement du gouvernement, n'avaient plus confiance à l'endroit des institutions. Je voudrais vous faire la preuve contraire, M. le Président, et, au contraire, affirmer haut et fort dans cette Assemblée que les Québécois et les Québécoises peuvent avoir confiance dans la qualité des institutions, que les Québécois et les Québécoises peuvent avoir confiance dans la qualité de la législation.

Et je voudrais d'abord rappeler que nous avons, au Québec, depuis 15 ans, une loi sur l'accès aux documents publics et sur la protection des renseignements personnels qui fait école de par le monde. Je voudrais rappeler que la Loi sur le ministère du Revenu prévoit un régime de protection des renseignements personnels encore plus strict que des dispositions prévues à la loi d'accès.

Lorsqu'on aborde la question de la confiance, il faut regarder d'abord la qualité des institutions, la qualité du travail que les parlementaires ont fait, en cette Assemblée, depuis plus de 15 ans. Et, à cet égard, nous pouvons tous, des deux côtés de l'Assemblée, qui avons poursuivi des objectifs souvent conjoints, avons adopté des lois à l'Assemblée nationale à l'unanimité, nous pouvons être fiers du travail qui a été accompli et du fait que l'édifice juridique que nous avons mis sur pied est un édifice qui est efficace.

Deuxièmement, il faut regarder la question de la qualité qui est accordée par les gestionnaires à la protection des renseignements personnels. Et je dois vous dire, M. le Président, que le premier signal d'alarme, ce n'est certainement pas les cris de l'opposition officielle, ce n'est certainement pas les titres dans les manchettes. Celui qui, le premier, s'est exprimé sur ces questions publiquement et qui a attiré l'attention de tous les parlementaires, c'est le Vérificateur général. Le député de Rivière-du-Loup réclame aujourd'hui une enquête du Vérificateur général? Eh bien, je lui réponds qu'elle a déjà été faite à l'initiative même du Vérificateur général, il y a de ça plus d'un an, où celui-ci s'est exprimé de façon très large sur la qualité des mesures de protection, sur la qualité des systèmes de gestion mis en place pour assurer la protection des renseignements personnels, pour assurer aussi l'application de la loi. Parce que ce n'est pas tout de mettre un droit dans une loi, c'est une autre chose aussi de la faire appliquer.

Quand le Vérificateur général du Québec a fait ses déclarations, tous les parlementaires ont été interpellés par cette question et ont voulu scruter la question. D'abord, la première question qu'ils ont soulevée, c'est: Comment se fait-il que la Commission d'accès à l'information ne fasse plus d'enquêtes? Parce que je vous rappelle qu'en 1990 la Commission d'accès à l'information faisait des enquêtes très régulières dans chacun des ministères. Elle ne l'avait pas fait depuis 1991. Ce qui a encore plus étonné les parlementaires – et le député de Chomedey pourrait confirmer ce que je dis – c'est lorsqu'on a vu Clarence White, un enquêteur désigné, avec des pouvoirs d'enquête, venir tout simplement alerter l'opinion et dire qu'il y a un problème, alors que lui a les pouvoirs d'enquête, alors que lui aurait pu agir. En somme, Clarence White est venu d'une certaine façon, M. le Président, plaider sa propre turpitude parce qu'il aurait lui-même pu agir. La Commission était celle qui était désignée.

(12 h 50)

Devant cette situation, les membres de la commission du budget et de l'administration, inquiets, ont exigé de la Commission d'accès à l'information qu'elle fasse une enquête sur la sécurité des mégafichiers. Et, si on parle de confiance, on a demandé, nous, les parlementaires, une commission parlementaire, pas les gens de l'Exécutif, des parlementaires à la commission du budget et de l'administration ont demandé à la Commission d'accès à l'information de faire son travail. La Commission avait comme mandat de faire une description détaillée des mesures de sécurité pour chacun des mégafichiers et de faire une appréciation de l'état de sécurité de chacun de ces mégafichiers.

Ce rapport a été un outil de travail important que tous les parlementaires de l'Assemblée ont convenu qu'il fallait encore documenter et enrichir. Et ça a donné lieu à un résultat de l'enquête, en mai 1997, que j'ai rendu public et que j'ai déposé à l'Assemblée nationale bien avant qu'il y ait des questions de l'opposition, bien avant qu'il y ait des manchettes dans les journaux. Le gouvernement avait agi et posé des gestes pour assurer le respect de ce droit fondamental prévu à la Charte québécoise des droits et libertés, prévu à la loi d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels.

Qu'est-ce qu'on lit, M. le Président, dans ce rapport d'enquête? Qu'est-ce qu'on doit rappeler à ceux qui aujourd'hui nous disent qu'on ne devrait plus avoir confiance, que l'intégrité de l'État est remise en question? Que, dans bien des cas, M. le Président, les mécanismes et les dispositions existent. Toutefois, ce qu'il reste encore à développer au Québec, comme nous l'avons fait récemment dans d'autres matières, c'est véritablement une culture de la vie privée. Ce n'est pas tout que d'avoir des lois. Ce n'est pas tout que d'avoir des systèmes de contrôle. Il faut interpeller les gestionnaires où qu'ils soient, l'ensemble des professionnels, dans une espèce de réflexion plus large, pour faire en sorte qu'ils changent leurs pratiques. L'employé qui s'absente de son poste de travail pendant quelques instants doit fermer son ordinateur lorsqu'il s'absente.

Nous devons faire en sorte, même si des technologies existent, d'accorder une attention encore plus particulière aux résultats qui nous sont fournis parfois par l'utilisation de ces nouvelles technologies. Ce qui est fantastique aujourd'hui, M. le Président, c'est que ces technologies nous permettent de mieux rassurer les gens, nous permettent de mieux assurer la protection des renseignements personnels. Par exemple, on nous suggère de faire en sorte de développer des systèmes d'alarme dans nos systèmes informatiques où, lorsqu'un dossier serait consulté à plusieurs reprise, qu'immédiatement cette information ressorte et soit portée à l'attention des gestionnaires de fichiers.

C'est pour en arriver à ce genre de chose que le président de la Commission d'accès à l'information, à la demande des parlementaires – et les gens de l'opposition le savent, le chef de l'opposition devrait savoir ça parce que le député de Chomedey sait de quoi je parle – a réuni l'ensemble des gestionnaires de mégafichiers et propose d'ici la fin du mois de décembre de rendre des directives très claires sur les critères de sécurité, sur les règles administratives qui doivent prévaloir pour l'administration de chacun de ces mégafichiers, M. le Président.

Alors, je termine en disant que nous ne pouvons affirmer ici que le travail que de part et d'autre nous faisons dans cette Assemblée n'est pas correct; au contraire, il est à la hauteur de la réputation que le Québec a toujours eue en matière de protection des renseignements personnels. Il est à la hauteur des attentes des Québécois et des Québécoises. Et je rajouterais, M. le Président – puisque je comprends qu'il me reste davantage de temps, je croyais que je l'avais dépassé – que ce que nous pouvons promettre ici, à l'Assemblée nationale, c'est d'assurer le respect de la confidentialité des renseignements personnels.

Mais nous ne pouvons pas promettre qu'il n'y aura pas de fraudes. Ce n'est pas parce que nous avons un Code criminel, un service de police, un service d'enquête à la police qu'il n'y a pas de crimes qui se commettent. Ce n'est pas parce que nous avons un Code de la sécurité routière qui empêche les gens de commettre des infractions au code de la route puis que nous avons la Sûreté du Québec qui patrouille les routes avec les corps municipaux qu'il n'y a pas de gens qui enfreignent les lois prévues à l'Assemblée nationale.

Et, pour y arriver, bien, il faut faire de la sensibilisation. C'est à ça que s'emploie ma collègue ministre du Revenu, par exemple, avec sa campagne d'information Pas sous la table . C'est à ça que s'emploie mon collègue ministre des Transports, par exemple, avec sa campagne pour faire en sorte tolérance zéro au niveau de l'alcool pour des gens qui pourraient être appelés à conduire. Et, pour arriver à avoir cette même attention en ce qui a trait à la responsabilité, à la protection des renseignements personnels, bien, il faut développer cette culture-là, et l'État a encore aujourd'hui des responsabilités parce qu'il reste encore du chemin à faire. L'intervention sera d'autant plus justifiée que les technologies nous permettent de nouvelles réalités et aussi parce que les ordinateurs que nous avons aujourd'hui contiennent davantage de renseignements qu'ils en contenaient il y a 10 ans ou il y a 15 ans.

Ce qui doit nous interpeller, M. le Président, ce ne sont pas les quelques cas qui ont été congédiés. Au contraire, les gens qui ont été congédiés sont des gens qui se sont fait pincer. Pourquoi ces gens-là se sont fait pincer? Parce qu'on a des systèmes informatiques performants, parce qu'on a des gestionnaires qui surveillent ces choses. Il ne faudrait pas se surprendre de voir que dans les dernières années il y a davantage de gens qui ont été congédiés pour ce type de motifs qu'il y en a eu il y a 10 ou 15 ans. Il y a 10 ans, il y a 15 ans, personne ne s'intéressait à ces choses-là parce qu'on n'avait pas d'institution performante, parce que les ordinateurs ne contenaient pas autant d'informations qu'ils en contiennent aujourd'hui.

Nous sommes essentiellement dans un secteur où le droit est nouveau, où il nous faut développer une nouvelle culture, et nous devrions au contraire nous réjouir du fait qu'on ait des systèmes qui sont performants, qu'il y ait des mécanismes qui fonctionnent. Avant d'affirmer qu'il y a un marché noir et avant d'affirmer, comme l'opposition tente de le faire croire à la population... et d'alerter et d'alarmer la population, est-ce qu'on peut attendre le rapport d'enquête de la Sûreté du Québec? À moins que l'opposition nous dise: Ah! la Sûreté du Québec, il n'y a plus personne qui a confiance en ça. Qu'est-ce qu'on fait, nous, dans cette Assemblée nationale, si on n'a plus confiance en nos forces policières? Qu'est-ce qu'on fait dans cette Assemblée nationale, nous, M. le Président, si on n'a pas confiance nous-mêmes dans les gens que nous avons désignés pour être à la Commission d'accès à l'information?

Le président, les enquêteurs de la Commission d'accès à l'information ont été élus ici par les deux tiers des membres, au minimum, je pense, dans tous les cas, sans doute à l'unanimité par les membres de l'Assemblée nationale. La Commission est une émanation directe de l'Assemblée nationale. Je ne serai pas, M. le Président, du côté de ceux qui prêchent pour qu'on aille faire un spectacle public sur ces questions, je ne suis pas de ceux qui prêchent pour qu'on aille faire un spectacle public et qu'on rende, qu'on divulgue, par le fait même, par une enquête publique, des renseignements qui seraient confidentiels. La voie que je préfère suivre, M. le Président, c'est celle que l'ancien ministre de la Sécurité du revenu a suivie lorsqu'il y a eu des allégations et des cas de fraude, où le ministre de la Sécurité du revenu, qui était le député de Laporte à l'époque, a dit: Je fais une enquête interne et je règle les choses.

Nous allons aujourd'hui encore plus loin et nous demandons à l'organisme désigné d'agir. Je pense que nous le faisons dans l'intérêt public, nous le faisons parce que nous sommes préoccupés, nous le faisons parce que nous savons que la Sûreté du Québec aussi va ajouter de nouveaux éléments de réponse. Et j'ai confiance, M. le Président, moi qui siège dans cette Assemblée, dans la qualité de nos institutions, dans la qualité du travail des parlementaires des deux côtés de la Chambre, parce que cette loi, il nous faudra la renforcer, renforcer les dispositions pénales parce qu'il nous faudra introduire peut-être de nouveaux recours en matière civile. Et c'est à ce défi que nous nous attaquerons dès la prochaine session, en conformité avec la volonté du gouvernement, et nous le ferons, j'en suis convaincu, M. le Président, avec l'appui de l'opposition officielle. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, je vais céder maintenant la parole à M. le député de Chomedey pour une intervention de deux minutes, ce qu'il reste à votre formation parlementaire.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, dans son intervention, le ministre responsable de la loi sur l'accès à l'information vient de réitérer les critiques qu'il a déjà eu l'occasion de formuler à l'égard de M. White et du service des enquêtes de la Commission d'accès à l'information, critiques qui n'étaient pas sans fondement au moment où il les a faites, car effectivement il n'avait pas de renseignements.

Il y a deux choses qui sont très préoccupantes, M. le Président. Dans un premier temps, de toute évidence, le ministre n'était même pas au courant aussi récemment qu'il y a une couple de semaines que la Sûreté du Québec avait bel et bien toutes les informations nécessaires en main depuis le 6 juin 1997. Qui plus est, M. le Président, en critiquant la compétence en matière d'enquête de la Commission d'accès à l'information comme il vient de le faire, il est en train de démontrer à quel point c'est du bidon, de proposer que l'on fasse enquête à la Commission d'accès à l'information sur les agissements au cabinet politique du premier ministre du Québec.

M. le Président, même si vous et des gens et nous qui travaillons dans ce domaine de politique comprenons aisément cette distinction, dans le public les gens comprennent difficilement la différence entre le gouvernement et l'Assemblée nationale. Le gouvernement comme appareil, c'est les ministères et organismes, et c'est là où la commission d'accès et de protection a un rôle à jouer. On parle aujourd'hui des agissements d'un cabinet politique, du staff politique, M. le Président, ce qui est complètement en dehors du mandat de la Commission d'accès à l'information. Ça n'a strictement aucun rapport.

M. le Président, c'est quoi, le réflexe dans le cabinet de ce premier ministre qui se lève en nous disant comment c'est grave et que, lui, il va très bien faire ça? Le réflexe, c'est: On protège nos chums souverainistes à Ottawa avec leurs autres chums souverainistes de l'ADQ et on ne dit pas un mot sur le fait qu'il y a une faille dans le système, que ça coule.

M. le Président, on blâme sévèrement ce gouvernement pour son incapacité et son incurie dans ce dossier.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député. Il est maintenant l'heure pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Nous allons entreprendre nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer l'item à l'ordre du jour.

M. Paradis: M. le Président, peut-être avant que...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Simplement une question d'information.

Le Vice-Président (M. Brouillet): D'information?

M. Paradis: La présidence a pris – ce n'était pas vous qui occupiez le fauteuil à ce moment-là – en délibéré, ce matin, à l'item question de droit et de privilège, deux questions de droit et de privilège qui avaient été soumises à l'Assemblée nationale concernant l'implication du premier ministre et du ministre des Richesses naturelles dans le coulage d'information au ministère du Revenu. La présidence nous a assurés que la décision serait rendue dans les meilleurs délais quant à ces deux questions de privilège, M. le Président. Ça fait maintenant un peu plus de six heures.

Est-ce que vous pourriez fournir à la Chambre l'information? Est-ce qu'on peut s'attendre à une décision au cours de l'après-midi, en début de soirée ou tout au moins au cours de la journée?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, je peux me renseigner. C'est le président lui-même, ce matin, qui avait pris ça en délibéré. Alors, je n'ai pas eu d'information. Mais, au cours de l'après-midi, là, on pourra l'informer de cette demande et on essaiera de voir s'il peut vous donner une réponse avant la fin de l'après-midi. On fera les démarches. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Nous allons aborder l'adoption du principe d'un projet de loi. C'est l'article 18.


Projet de loi n° 180


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 18, Mme la ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives. Je vais céder la parole à Mme la ministre. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Nous nous engageons aujourd'hui dans l'étude d'un projet de loi qui est majeur pour l'avenir de la société québécoise et pour celui de nos enfants, entre autres. Une formation de qualité à l'école et la réussite du plus grand nombre, ce sont les objectifs qui doivent inspirer chacune de nos actions quand nous travaillons à améliorer l'encadrement de l'activité éducative. Les travaux du Conseil supérieur de l'éducation au cours des 10 dernières années et ceux de la Commission des états généraux sur l'éducation en 1995-1996 nous indiquent que, pour parvenir à la réussite éducative, il faut situer la responsabilité le plus près possible du lieu même où se passe l'action, soit dans l'établissement scolaire.

Pour renouveler le modèle de gestion, le Conseil supérieur de l'éducation a recommandé d'alléger les structures et les encadrements, de donner une plus grande responsabilité à l'établissement en matière éducative et de favoriser un partenariat interne, et externe aussi, plus actif. La Commission des états généraux a, pour sa part, recommandé que l'école soit plus attentive aux besoins de la communauté et qu'elle fasse davantage appel aux contributions du milieu.

Dans son rapport sur les conditions de la réussite scolaire au secondaire, en décembre 1996, la commission de l'éducation de notre Assemblée nationale, qui était constituée de députés du parti ministériel mais aussi de députés de l'opposition, a préconisé de son côté, et je cite, «un modèle d'école autonome et responsable capable d'innover et d'assumer un projet éducatif spécifique répondant aux besoins de sa communauté et à laquelle il faut accorder – comme école – tous les pouvoirs nécessaires à l'affirmation de son rôle central». Fin de la citation. Dans sa conclusion, la commission déclare ceci: «L'accroissement de la réussite requiert que le système éducatif soit restructuré autour de l'école.»

J'ai donc la conviction que mes propositions qui tendent à confier aux actrices et aux acteurs de première ligne les responsabilités et les pouvoirs nécessaires pour favoriser cette réussite s'appuient sur des bases solides. Mais, pour confirmer encore cette conviction et compte tenu de l'importance de la réforme envisagée, j'ai d'abord convié l'ensemble de nos partenaires à discuter avec nous du contenu d'un avant-projet de loi. Une soixantaine de mémoires ont été présentés et plus d'une cinquantaine d'organismes sont venus exposer leur point de vue en commission parlementaire.

(15 h 10)

Les mémoires, les propos entendus et les échanges de vues fructueux, je vous dirais très fructueux, que nous avons eus pendant une dizaine de jours ont montré qu'il y avait un large consensus sur les lignes directrices de nos propositions, mais aussi ont permis en même temps aux uns et aux autres de préciser quelques appréhensions, de soulever aussi un certain nombre d'objections.

Le projet de loi que j'ai déposé à l'Assemblée nationale est donc l'aboutissement d'une réflexion collective bien nourrie et partagée pour ce qui est des conditions susceptibles de favoriser un meilleur équilibre entre les différents partenaires du projet éducatif, tant à l'enseignement primaire que secondaire, et ce, entre autres, en vue d'une éducation de meilleure qualité et de la réussite du plus grand nombre.

Le projet de loi maintient les principes fondamentaux et l'économie générale de l'avant-projet de loi qui a été discuté en commission parlementaire. Cependant, nous donnons suite à plusieurs des suggestions et des recommandations qui ont été faites aux membres de la commission, M. le Président.

Abordons maintenant cette question de l'économie générale de la loi et des lignes directrices qui l'animent. En fait, on vise essentiellement par ce projet à établir un meilleur équilibre dans le partage des responsabilités et des pouvoirs des différents partenaires du projet éducatif, et ce bien sûr avec la Loi sur l'instruction publique, au niveau de l'enseignement primaire et secondaire, autant l'enseignement de base que l'enseignement professionnel.

D'abord, l'établissement scolaire, une école, un centre d'éducation des adultes ou un centre de formation professionnelle. L'établissement scolaire donc, affranchi des normes et des encadrements trop nombreux, trop rigides, doit acquérir l'autonomie qui lui est nécessaire pour instaurer effectivement les conditions de la réussite des élèves en devenant un lieu d'initiatives dirigé par un conseil d'établissement dont la composition doit refléter un équilibre entre les usagers des services, y compris les membres de la communauté, et ceux et celles qui les donnent, et par un directeur ou une directrice qui soit investi des responsabilités et des pouvoirs qui sont destinés à faire de cette personne un véritable leader pédagogique. L'établissement doit redevenir – et je ne le redirai jamais assez, M. le Président – cette communauté éducative où les compétences respectives de tous les acteurs sont respectées, où l'autonomie professionnelle des éducateurs, et notamment celle des enseignantes et des enseignants, doit pouvoir s'exercer pour le plus grand bénéfice des élèves.

Certains souhaiteraient que le rôle de la commission scolaire soit ramené à celui d'une coopérative de services. Pour ma part, je crois plutôt qu'il est nécessaire que ce rôle soit reprécisé et que la commission scolaire, dirigée par des commissaires élus, assume plutôt des responsabilités stratégiques à l'égard de la répartition équitable des ressources, de la planification, du contrôle et de l'évaluation ainsi que du soutien aux établissements. La commission scolaire doit avoir un rôle déterminant en ce qui concerne l'accès de tous aux services et, bien sûr, c'est majeur, l'équité entre les écoles. Voilà pourquoi la commission scolaire conservera des responsabilités primordiales en matière de gestion des ressources humaines, matérielles et financières.

Il est aussi proposé de maintenir au ministère de l'Éducation les pouvoirs et les responsabilités nécessaires à l'établissement, sur l'ensemble du territoire, de services éducatifs de qualité pour toute la population. Le ministère continuera donc à déterminer les grandes orientations éducatives, à définir le curriculum national et à assurer le respect de son intégrité. Il allouera les ressources financières avec équité en effectuant, au besoin, les péréquations nécessaires, et le ministère assumera la conduite du système d'éducation, notamment en garantissant la valeur des diplômes décernés, peu importe où on obtiendra ce diplôme, et en élaborant, surtout, des indicateurs de la qualité des services rendus pour ce faire.

Cependant, il associera davantage ses principaux partenaires à sa mission en intégrant à la Loi sur l'instruction publique certains mécanismes permettant de conseiller la ministre sur des sujets aussi importants que les programmes d'études, l'évaluation du matériel didactique, l'agrément des programmes de formation des maîtres et, bien sûr, l'orientation de cette même formation.

Le projet de loi que je dépose confirme et précise aussi le nouveau sens de la participation des parents, qui deviennent membres à part entière d'une instance décisionnelle, et c'est important, M. le Président, de bien le souligner, une instance décisionnelle, soit le conseil d'établissement.

En effet, les propos que j'ai entendus de la part des regroupements de parents qui se sont exprimés en commission parlementaire me confirment dans ma conviction que ceux-ci souhaitent s'impliquer davantage dans les décisions qui touchent la vie de l'école, donc la vie de leurs enfants. Je suis persuadée qu'ils le feront en vue du mieux-être des enfants qui fréquentent cette même école.

Le projet de loi maintient aussi la présence de représentants de la communauté au sein du conseil d'établissement, mais selon une formule souple et qui soit respectueuse des besoins de chaque milieu. En outre, le projet de loi réaffirme l'importance de l'activité professionnelle du personnel enseignant en confirmant son autonomie professionnelle et en élargissant sa zone d'influence sur les questions à incidence pédagogique.

Voilà donc, et cela est esquissé à grands traits, les principales modifications que je propose d'apporter à la Loi sur l'instruction publique. Pour l'essentiel, les lignes directrices de l'avant-projet de loi – avant-projet qui a été étudié en commission parlementaire en septembre dernier – demeurent donc inchangées. Mais, pour que tous et toutes saisissent bien la portée du projet de loi que je dépose aujourd'hui, je vais maintenant indiquer les principaux changements que j'ai apportés à l'avant-projet de loi ainsi que les motifs à l'appui de ces modifications.

Les principaux changements apportés à l'avant-projet de loi à la suite de la commission parlementaire sont importants. En fait, tout au long des travaux de la commission, j'ai entendu de nombreuses suggestions, des recommandations très constructives, susceptibles d'aider à préciser les dispositions de la loi, à en renforcer la cohérence ou à faire tomber aussi des inquiétudes ou certaines objections. J'ai tenu compte d'un grand nombre de ces propositions. Je vous mentionne ici, M. le Président, les principales recommandations retenues et qui viennent modifier l'avant-projet de loi.

D'abord, la mission de l'école et le projet éducatif national. J'ai entendu, je crois, suffisamment de commentaires traduisant une inquiétude bien sentie à l'égard du curriculum national pour me convaincre d'introduire dans le projet de loi un énoncé portant sur la mission de l'école ainsi qu'une définition du projet éducatif de l'école, celui-ci étant une adaptation du projet éducatif national aux réalités locales. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté quant à ma volonté d'établir un curriculum national duquel aucune école ne puisse s'écarter. Le contenu de l'énoncé de politique éducative que j'ai rendu public le 30 septembre dernier et intitulé L'école, tout un programme témoigne de ma volonté à cet égard. Quel que soit l'endroit où vivent les élèves au Québec, les matières enseignées seront identiques, les programmes d'études seront identiques et les règles de sanction seront communes à tous.

J'ai déjà mentionné que les futurs régimes pédagogiques, en recentrant la grille-matières sur les matières essentielles, allaient ainsi laisser peu de place à des demandes de dérogation. Mais, néanmoins, me ralliant aux nombreux groupes qui craignent que des écoles, dans le but d'organiser un projet particulier, puissent s'éloigner du curriculum national, de la grille-matières en particulier, j'ai réintroduit dans le projet de loi une disposition conférant à la ministre, et non à la commission scolaire, le pouvoir d'autoriser une dérogation à la liste des matières obligatoires pour un groupe d'élèves donné. En somme, à curriculum national, dérogation nationale.

(15 h 20)

Maintenant, qu'en est-il de l'école de quartier et de l'école à projet particulier? L'école doit pouvoir adapter le curriculum national, particulièrement par l'adaptation et l'enrichissement des programmes d'études prescrits.

Et c'est là qu'on retrouve cette liberté que je voudrais que chacun exerce, s'approprie au sein de l'établissement, de l'école à l'égard du curriculum, de façon à mieux répondre – par ces enrichissements, par ces adaptations – aux besoins et aux attentes de tous les élèves qui lui sont confiés et de mieux insérer le projet éducatif national dans le contexte de sa communauté. De façon générale, cela n'est pas contesté. Je n'ai pas entendu non plus beaucoup d'avis divergents quant à la possibilité de chaque école de se donner une orientation particulière axée sur les nouvelles technologies, les sciences, le développement durable, à titre d'exemple, ou d'offrir un projet particulier à des élèves qui ont une motivation ou un talent exceptionnel ou particulier. Je pense au projet arts-études, sports-études. Ces projets contribuent la plupart du temps à insuffler dans l'école un climat propice au travail intellectuel dont tous les élèves de l'école sont susceptibles de bénéficier.

Par ailleurs, un certain nombre de groupes m'ont fait part de leur inquiétude devant ce qu'ils perçoivent comme la prolifération d'écoles totalement dédiées à un projet particulier. L'exemple le plus souvent évoqué est celui des écoles d'éducation internationale. On reproche à ces écoles de sélectionner leurs élèves sur la base des résultats scolaires et de drainer les meilleurs éléments des classes de l'école publique, ne laissant à l'école normale ou ordinaire que les élèves dits moyens ou faibles.

D'autres écoles, quant à elles, sont dédiées à des projets particuliers de pédagogies innovatrices et ne sélectionnent pas leurs élèves sur la base des résultats scolaires, mais exigent un engagement soutenu des parents dans la vie de l'école. Ce sont les projets à pédagogie alternative. Ce phénomène, je crois, mérite qu'on y porte attention, quoiqu'il n'ait pas l'ampleur que certains se plaisent à lui attribuer. En effet, un relevé fait par le ministère indique qu'il y a, au Québec, une quarantaine de ces écoles établies par les commissions scolaires pour loger un projet particulier, la majorité d'ailleurs d'entre elles – ces écoles – étant de niveau primaire et préconisant une pédagogie particulière. Les écoles totalement dédiées à un projet d'éducation internationale pour leur part sont au nombre de sept. Cela étant dit, la Loi sur l'instruction publique doit néanmoins fixer sans ambiguïté les paramètres de l'école de quartier et du droit des enfants à fréquenter cette école.

Voilà pourquoi les dispositions qui suivent sont proposées, de façon à permettre un sain équilibre entre les droits généraux communs à tous les élèves et les droits des enfants dont la motivation et les talents particuliers exigent des services expressément adaptés à eux. Le projet de loi maintient le principe du choix de l'école qui répond le mieux aux préférences de l'élève et de ses parents. Cela était déjà dans la loi, nous le reconfirmons dans la loi actuelle.

Je propose par ailleurs d'introduire dans la loi un critère de proximité pour l'inscription à l'école. Ce critère ne fera, je vous dirai, dans la majorité des cas, que confirmer les pratiques existantes qui sont fondées sur le bon sens, mais cette disposition aura pour effet d'établir un fondement légal au concept d'école de quartier et de baliser en conséquence le droit de tout enfant à fréquenter son école de quartier.

La possibilité que la commission scolaire établisse une école à projet particulier et définisse des critères particuliers d'inscription à cette école est aussi maintenue. Toutefois, les balises suivantes sont posées – il s'agit là d'une mesure exceptionnelle: une telle école ne pourra être établie qu'après la décision de la commission scolaire, à la demande d'un groupe de parents et après consultation du comité de parents; la commission scolaire devra cependant requérir l'autorisation de la ministre, qui sera donnée, le cas échéant, aux conditions et pour la période qu'elle détermine.

J'indique dès à présent certains critères que j'entends utiliser dans l'examen des demandes visant l'établissement, par des commissions scolaires, d'écoles à projet particulier. Ainsi, il m'apparaît souhaitable que l'établissement d'une telle école dans un milieu donné ne risque pas de mettre en péril la composition de l'effectif de l'école de quartier, que l'utilisation d'un immeuble à cette fin par la commission scolaire n'ait pas pour effet de priver des élèves de la fréquentation de leur école de quartier, que les critères d'inscription ne soient pas excessifs, par exemple basés sur les seuls résultats scolaires ou les seuls résultats obtenus à des tests de rendement – bien sûr, ces résultats seront pris en compte, mais pas seulement ceux-là.

La loi maintiendra aussi la possibilité que la ministre établisse des écoles à vocation régionale ou nationale: l'école de cirque, une école de danse et d'autres pourraient apparaître. Sur cette question des projets particuliers, je propose donc une orientation que j'estime raisonnable. Elle assure que tous les élèves suivent le curriculum national. Elle permet à l'école de proposer à des élèves ayant une motivation ou un talent particulier des défis à leur mesure. Elle évite la prolifération d'écoles totalement dédiées à des projets particuliers et elle assure qu'aucun élève ne sera refusé à son école de quartier parce qu'il y existe un projet particulier.

Le plus grand défi de l'école publique n'est-il pas d'être une école commune qui aurait les moyens et qui doit être un excellent établissement, autonome, compétent, centré sur ce qui intéresse vraiment nos concitoyens et nos concitoyennes, nos enfants, travaillant à conduire tous ces enfants vers la réussite, rendant ses comptes sur la place publique? S'il y avait davantage de ces écoles dans leur entourage, les parents seraient peut-être moins tentés d'aller chercher ailleurs ce qu'ils estiment être en droit d'obtenir pour leurs enfants ou de réclamer des projets à menu particulier qui n'en ont parfois que le nom et dont le menu ne les intéresse qu'à défaut de mieux.

Qu'en est-il, maintenant, M. le Président, des services aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage de même qu'aux élèves handicapés? Plusieurs groupes ont aussi fait des observations au sujet des services offerts aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, et certains s'en sont inquiétés. Des groupes voudraient que la loi oblige les commissions scolaires à intégrer tous les élèves handicapés ou en difficulté dans la classe ordinaire. Mais, comme le montre la jurisprudence la plus récente à cet égard, il n'apparaît pas qu'une telle obligation soit de nature à servir les intérêts de tous les enfants. Cependant, l'intégration doit être possible chaque fois qu'un enfant est susceptible d'en tirer profit. Aussi, je propose que la loi crée pour chaque commission scolaire l'obligation – je dis bien «l'obligation» – d'adopter une politique relative à l'organisation des services aux élèves handicapés ou en difficulté, et ce, dans le but de favoriser leur intégration dans les classes ou groupes ordinaires et aux autres activités de l'école chaque fois que cela est possible, profitable à l'élève et propre à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale.

À la demande de plusieurs aussi, le projet de loi insiste davantage sur les capacités des enfants plutôt que sur leurs forces et leurs faiblesses quand il s'agit d'adapter les services à l'intention des élèves handicapés ou en difficulté. Enfin, il comporte l'obligation pour la commission scolaire de consulter le comité consultatif des élèves handicapés ou en difficulté quand elle souhaite conclure une entente de scolarisation avec un autre organisme au profit d'un élève handicapé ou en difficulté. Dans ce cas, la commission scolaire doit favoriser l'organisation des services pour ces personnes le plus près possible de leur lieu de résidence.

En dépit des carences soulevées dans un certain nombre de mémoires et des inquiétudes exprimées par plusieurs intervenants, la législation et la pratique scolaire québécoise en matière de services éducatifs destinés aux élèves handicapés ou en difficulté sont parmi les plus progressistes en Amérique, et j'entends bien que nous continuions à progresser à cet égard, puisque l'école doit être un puissant facteur d'inclusion et qu'elle doit refléter la conviction que tout enfant est éducable et a une contribution à apporter à la société.

Le conseil d'établissement, qu'en est-il? Il constitue l'une des composantes principales du nouvel équilibre recherché dans l'agencement des responsabilités et des pouvoirs touchant les services éducatifs. Il ne faut donc pas s'étonner que chaque groupe qu'intéresse le fonctionnement du nouveau conseil ait fait des suggestions ou propositions à son sujet et, bien sûr, notamment sur sa composition. Mais il ne faut pas perdre de vue le principe fondamental que je mettais de l'avant à l'ouverture de la commission parlementaire.

(15 h 30)

Pour assumer les responsabilités accrues qui leur sont dévolues, les établissements seront dorénavant dirigés par des conseils d'établissement dont la composition et le fonctionnement obéissent à la logique suivante: la mise en commun et le partage de compétences différenciées plutôt que l'appropriation et le chacun pour soi du pouvoir confié à l'établissement. Cela change fondamentalement l'esprit dans lequel nous voulons voir travailler ces nouveaux conseils d'établissement, la mise en commun et le partage de compétences différenciées. Ce qui veut dire que chacun en a, que chacun peut être un apport à ce conseil d'établissement et que c'est cette mise en commun qui va faire la différence d'une école à l'autre, mais qui va surtout faire la différence dans le projet éducatif qui va s'adresser aux enfants de cette même école et aux jeunes adultes de ces mêmes écoles.

Les changements à la composition du conseil d'établissement que je propose dans le projet de loi visent l'atteinte d'un équilibre entre le personnel de l'école et les parents tout en permettant une représentation de la communauté et des élèves du deuxième cycle du secondaire, le cas échéant. Au cours de notre réflexion, il m'est apparu plus important de donner davantage de poids à la représentation des parents que de maintenir le droit de vote des représentants de la communauté. Ceux-ci pourront faire bénéficier le conseil d'établissement de leur expertise particulière sans pour autant voter sur les décisions.

Puis-je dire, par ailleurs, que, dans plusieurs cas et dans la très grande majorité des cas, la plupart des décisions se prennent par voie de consensus et qu'il y a rarement de vote sur les propositions qui sont débattues. Par ailleurs, les nombreuses observations faites en ce sens m'ont convaincue qu'il convenait de réserver la présidence du conseil d'établissement à un représentant ou une représentante des parents. C'est ce que nous ferons, M. le Président.

Maintenant, en ce qui a trait à la participation des parents. Compte tenu des remarques que j'ai entendues au cours de la commission parlementaire et des commentaires que j'ai lus dans les nombreux mémoires présentés par des groupes de parents, il m'est apparu nécessaire d'accorder une attention particulière aux conditions de la participation des parents, et ce, au-delà du poids de leur participation au sein du conseil d'établissement et au-delà aussi de la présidence qui leur serait réservée.

En effet, j'ai cru percevoir chez plusieurs un certain malaise à l'égard de leur nouveau rôle, c'est-à-dire comme membre à part entière d'une instance décisionnelle. Certains, je le rappelle, voient dans les nouvelles dispositions de la loi un amenuisement de leur rôle, ne considérant que l'aspect quantitatif de leur présence. J'ai bien compris à cet égard, donc, que les parents veulent conserver la possibilité réelle de mettre en place des forums de participation où ils vont retrouver le poids du nombre au sein de leur institution.

J'ai donc ajouté dans le projet de loi une disposition permettant à l'assemblée générale des parents de former un organisme de participation et d'en déterminer les règles de fonctionnement. Il aurait pour fonction, donc, de promouvoir la collaboration des parents à l'élaboration, à la réalisation et à l'évaluation périodique du projet éducatif de l'école ainsi que leur participation à la réussite scolaire de leur enfant. Répondant au voeu exprimé par les parents, le projet de loi prévoit que cet organisme pourrait se réunir dans les locaux de l'école et bénéficier de services de soutien administratif.

Le projet de loi prévoit aussi que la commission scolaire devra consulter les parents pour tout projet visant à créer une école dédiée à un projet particulier. Enfin, par suite de nombreuses demandes des parents à ce sujet, j'ai introduit dans le projet de loi une clause de protection pour les parents qui agissent de bonne foi dans le cadre de leurs fonctions au sein du conseil d'établissement. Cette disposition me paraît de nature à dissiper une forme d'insécurité qui pourrait risquer autrement de freiner la participation des parents à ce conseil, ce que nous ne souhaitons surtout pas.

Les enseignants et les enseignantes. Plusieurs groupes, et pas seulement les représentants des enseignants eux-mêmes, se sont interrogés sur la place de l'autonomie professionnelle du personnel enseignant et sur la reconnaissance de sa compétence dans la loi. Il s'agit, en effet, d'une question fondamentale et qui va bien au-delà du libellé d'article de loi. Je voudrais expliquer comment j'entends définir le champ d'exercice de cette compétence et de cette autonomie.

Premièrement, le projet de loi ne remet pas en cause le fait que la classe est une zone d'entière autonomie pour l'enseignant et l'enseignante. En ce sens, il reconduit l'actuel article de la Loi sur l'instruction publique qui reconnaît le droit de l'enseignant, notamment, de prendre les modalités d'intervention pédagogique qui correspondent aux besoins et aux objectifs fixés pour chaque groupe ou pour chaque élève qui lui est confié, de choisir les instruments d'évaluation des élèves qui lui sont confiés afin de mesurer et d'évaluer constamment et périodiquement les besoins et l'atteinte des objectifs par rapport à chacun des élèves qui lui sont confiés en se basant sur les progrès réalisés. Non seulement cette disposition n'est pas altérée, mais il est prévu explicitement dans l'énoncé de politique éducative L'école, tout un programme , que j'ai rendu public récemment, que les programmes seront conçus de façon à occuper environ 75 % du temps prévu afin que les enseignantes et les enseignants aient la marge de manoeuvre nécessaire, 25 % du temps d'enseignement, soit pour enrichir ce programme, soit pour aider certains élèves en difficulté, en somme pour pratiquer dans leurs classes cette poursuite de l'égalité des chances dont ils font la promotion à bon droit.

Ensuite, le projet de loi élargit la zone d'influence du personnel enseignant jusqu'au conseil d'établissement, qui devient une instance décisionnelle sur un certain nombre de sujets déterminants pour la réussite éducative. Ainsi, les représentants du personnel pourront-ils intervenir, avec droit de vote, sur la définition du projet éducatif, les modalités d'application du régime pédagogique, l'enrichissement et l'adaptation des programmes d'études, la répartition du temps entre les matières enseignées, la mise en oeuvre des programmes complémentaires et même le budget annuel de l'école. Sur ces sujets, le personnel se voit donner l'occasion de prendre des décisions en collégialité avec les autres membres du conseil d'établissement et d'apporter ses éclairages à ces derniers.

Troisièmement, le projet de loi réserve exclusivement au personnel enseignant l'élaboration des propositions portant sur les critères d'implantation de nouvelles méthodes pédagogiques, les normes et les modalités d'évaluation des apprentissages et les règles de classement des élèves, propositions qui seront soumises à la direction pour approbation. Il leur réserve surtout le choix des manuels scolaires et du matériel didactique, choix que devra approuver la direction. Il leur permet de convenir avec la direction de l'école des activités de perfectionnement que celle-ci organisera. Il leur fait également devoir de collaborer à la formation des futurs enseignants et à l'accompagnement de ces derniers en début de carrière. Autant de sujets éminemment pédagogiques et professionnels qui balisent le territoire exclusif du personnel enseignant et de la direction de l'école, toute ingérence étant exclue.

En somme, les enseignants voient se multiplier leurs lieux d'influence. D'une part, leur droit de vote au conseil d'établissement concerne des sujets sur lesquels ils auront déjà été consultés par la direction de l'école avant que celle-ci ne formule ses propositions. D'autre part, ils sont les seuls acteurs des propositions qui sont approuvées par la direction de l'école sur les sujets d'ordre pédagogique qui ne concernent pas le conseil d'établissement. De cette façon, les enseignants et les enseignantes et les autres membres du conseil d'établissement agiront de concert en ce qui a trait aux grands encadrements de la vie de l'école, et le personnel enseignant agira en propre pour ce qui est de l'aménagement de la vie pédagogique.

(15 h 40)

La direction de l'école. Les responsabilités et les pouvoirs de la direction de l'école sont resitués en conséquence et prennent, de ce fait, une importance plus grande. En effet, le pouvoir d'influence de la direction est désormais consacré, puisqu'elle est la seule porte d'entrée de toute proposition qui sera débattue par le conseil d'établissement. D'une part, c'est à la direction qu'il incombera de préparer les dossiers à soumettre au conseil d'établissement. Elle aura ainsi un rôle important, un rôle de régulation quant à la séquence des décisions à prendre et à l'ordre de mise en oeuvre des décisions prises. D'autre part, le leadership de la direction sera davantage sollicité, puisqu'elle devra faire en sorte que les décisions du conseil d'établissement ne soient pas déterminées d'abord par des rapports de force opposés, mais reflètent plutôt une complémentarité de compétences au service de la réussite éducative des élèves.

Par ailleurs, en ce qui a trait à un certain nombre de prérogatives pédagogiques, la direction agit comme une véritable instance, puisqu'elle est dotée d'un pouvoir d'approbation après avoir sollicité et favorisé l'élaboration de propositions de la part du personnel enseignant à qui elle doit justifier les motifs de son refus, le cas échéant. Ainsi, aucun groupe ne possède en propre tous les pouvoirs au sein de l'école, mais chacun les exerce dans les domaines de sa compétence qui est partagée différemment selon les questions en cause.

La commission scolaire. Un certain nombre d'intervenants en commission scolaire ont dit souhaiter que le rôle de la commission scolaire soit ramené à celui d'une coopérative de services. Ce n'est pas mon choix, et je tiens à le réaffirmer ici. À cet égard, je me permets de revenir encore une fois au rapport final de la Commission des états généraux sur l'éducation qui a reconnu la légitimité et l'importance de cette structure intermédiaire, notamment pour faire contrepoids à une centralisation qui pourrait être excessive et bien sûr pour assurer par ailleurs l'équité entre les écoles.

C'est pourquoi le projet de loi confère des responsabilités importantes à la commission scolaire, notamment en ce qui concerne la planification des services éducatifs sur son territoire, la gestion des immeubles et des actes d'établissement, y compris le maintien et la fermeture des écoles, l'application des régimes pédagogiques dans les écoles qui relèvent de sa compétence, y compris le pouvoir d'autoriser des dérogations, sauf en ce qui concerne la grille- matières. Pour l'exercice de son mandat, le projet de loi vise à autoriser la commission scolaire à administrer des épreuves d'évaluation internes dans les matières qu'elle détermine à la fin de chaque cycle du primaire et du premier du secondaire. La commission scolaire a la responsabilité de répartir les ressources entre les établissements relevant de sa compétence avec équité. À cet égard, elle a un devoir de transparence et le projet de loi l'oblige à rendre public les objectifs et les principes de répartition des subventions, du produit de la taxe scolaire de même que des autres revenus entre ses établissements et les critères afférents à ces objectifs et principes ainsi que les objectifs, les principes et les critères qui ont servi à déterminer le montant qu'elle retient pour ses besoins et ceux des comités de la commission scolaire.

Quelques autres domaines dans lesquels le projet de loi fait suite à des observations présentées lors de la commission parlementaire seront maintenant abordés. En effet, plusieurs autres aspects de l'avant-projet de loi ont été modifiés à la suite des audiences de la commission parlementaire; ils seront mis en lumière au cours de l'étude du projet de loi article par article. Je ne mentionnerai ici au passage que quelques modifications importantes et qui étaient souhaitées par divers intervenants.

D'abord, il m'est apparu nécessaire de reconnaître dans la loi le rôle indispensable du personnel enseignant de même que celui des établissements d'enseignement et des commissions scolaires dans la formation pratique des futurs enseignantes et enseignants. Le projet de loi modifie par conséquent l'énoncé de la responsabilité générale de l'enseignant, tel qu'il apparaît dans la loi actuelle, par l'ajout du devoir de collaborer à la formation des futurs enseignants et à l'accompagnement des enseignants en début de carrière. Les fonctions et pouvoirs de la commission scolaire sont modifiés de façon à lui permettre de conclure une entente avec tout établissement d'enseignement de niveau universitaire sur la formation des futurs enseignants et l'accompagnement des stagiaires ou des enseignants en début de carrière.

J'ai également reconnu l'intérêt des municipalités pour le plan triennal de répartition et de destination des immeubles de la commission scolaire. Ainsi, le projet de loi prévoit-il que ce plan sera transmis à chaque municipalité et à chaque MRC dont tout ou partie du territoire recoupe celui de la commission scolaire. Cette disposition permettra de meilleures communications entre les dirigeants du monde scolaire et ceux du monde municipal et favorisera une plus grande concertation, ce que nous souhaitons, M. le Président.

Le projet de loi oblige aussi la commission scolaire à organiser des services de garde pour les élèves du préscolaire et du primaire lorsqu'un conseil d'établissement lui en fait la demande. Cela est nouveau. Cela vient reconnaître les besoins de garde des enfants dans nos écoles. Les modalités d'organisation doivent être convenues entre la commission scolaire et le conseil d'établissement et prévoir l'utilisation des locaux attribués à l'école.

Enfin, j'ai été sensible aux observations qui m'ont été faites concernant les risques de conflits d'intérêts chez les personnes siégeant au conseil d'établissement. J'ai donc introduit certaines dispositions visant à prévenir de tels conflits, des dispositions qui s'appliqueront autant aux membres du conseil d'établissement qu'aux membres du conseil des commissaires et au directeur général de la commission scolaire.

La commission des programmes d'études et le Comité d'évaluation des ressources didactiques, qu'en est-il? Comme cela a été annoncé dans l'énoncé de politique éducative L'école, tout un programme , le projet de loi propose d'instituer une commission du ministre, une commission des programmes d'études qui sera chargée de conseiller la ministre sur toute question relative aux programmes d'études qu'elle établit en vertu de la loi et un comité d'évaluation des ressources didactiques chargé notamment de conseiller la ministre aussi sur toute question relative à la liste des manuels scolaires et de lui recommander les ressources didactiques à approuver pour utilisation dans les écoles. Les deux structures proposées sont légères. Elles font principalement appel à des compétences des organismes des réseaux d'enseignement. L'objectif principal est de mettre en place, à distances stratégiques de la ministre et du ministère, des instances destinées à entretenir une réflexion permanente sur deux composantes majeures du curriculum et de faire des recommandations à la ministre sur les principaux contenus éducatifs de l'école.

Le projet de loi que je dépose propose des changements importants dans les pouvoirs et responsabilités des diverses instances du système éducatif. Il va entraîner des transformations majeures dans les rapports entre les principaux acteurs de la scène éducative, notamment les gestionnaires de la commission scolaire, les directions d'école, les éducateurs et les éducatrices et le personnel enseignant, au premier chef et, bien sûr – bien sûr – les parents. Mais, puisqu'il s'agit, tout en réformant le curriculum, de mettre en place les conditions favorables à l'atteinte de la réussite éducative des élèves, ce que je propose, et je le rappelle, est d'abord de créer de véritables communautés éducatives où les compétences seront mises en commun au profit de la réussite des enfants plutôt que les pouvoirs soient répartis entre les groupes selon l'approche habituelle de la promotion des intérêts particuliers. Mon choix demeure celui que j'exposais au moment de l'ouverture de la commission parlementaire: partager les compétences veut aussi dire les reconnaître et les respecter.

Donnant suite au voeu maintes fois exprimé en commission parlementaire, le projet de loi que je dépose comporte des dispositions qui sont de nature à permettre une transition harmonieuse. Ainsi, un certain nombre de dispositions seront en application dès la sanction de la loi. Certaines devront s'appliquer durant l'année scolaire 1998-1999, alors que d'autres entreront progressivement en vigueur au cours des années scolaires 1998-1999 et 1999-2000, selon des modalités établies par la commission scolaire après consultation des conseils d'établissement.

Mais, comme je l'ai moi-même mentionné à plus d'une reprise, les enjeux de cette réforme ne sauraient souffrir de délais indus, et «souplesse» ne signifie pas «immobilité». Je compte donc que toutes les instances responsables mettront en oeuvre avec diligence les actions que requiert l'atteinte des objectifs visés. Toutefois, j'ai pris bonne note des demandes pressantes exprimées par plusieurs et surtout par les groupes de parents et de directeurs et directrices d'école. Soyez assurés que le ministère prendra les dispositions nécessaires, avec ses partenaires, pour que les personnes qui sont au coeur de l'implantation de cette réforme puissent recevoir la formation et l'appui nécessaires à la réalisation de leur nouveau mandat.

(15 h 50)

Les changements que je propose d'apporter à la Loi sur l'instruction publique, dans le but de créer des communautés éducatives habilitées à prendre les décisions propres à favoriser une activité éducative adaptée aux enfants, et ceux qui sont prévus dans l'énoncé de politique éducative que j'ai rendu public il y a quelques semaines sont les deux pièces maîtresses d'une même réforme. Il y a un effort de cohérence entre les orientations du projet de loi que je dépose et les choix annoncés pour la révision du curriculum, de ce qu'apprennent nos enfants à l'école. Ce sont des éléments indissociables. Il y a une volonté d'équilibre entre les diverses composantes du système éducatif et plus qu'un simple exercice de décentralisation. Il faut voir dans les changements proposés une volonté de mettre en place un réseau de régulation des pouvoirs et des responsabilités, des contenus obligatoires, mais aussi des contenus adaptables par les milieux, des attributions des gestionnaires et des prestataires des services et de celles des personnes qui reçoivent des services, afin que le projet éducatif national puisse se réaliser en tenant compte des objectifs de chaque milieu, M. le Président. Et c'est comme cela que nous prendrons le véritable virage de la réussite. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de l'Éducation. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens donc, mais non pas en lieu et place du critique, qui aura l'occasion de se joindre à nos travaux. Il est en visite sur le terrain, M. le Président, justement allé rencontrer les gens des institutions scolaires pour prendre le pouls réel de ce qui se passe.

Vous me permettrez de vous dire, M. le Président, qu'on aurait préféré, de ce côté-ci de la Chambre, bien sûr, que le critique puisse assister à ce débat sur le principe. Nous aurions certainement apprécié cette convention, qui existe naturellement à l'Assemblée, de voir à ce que les porte-parole et le ministre puissent être là en même temps. Il semble que le gouvernement ne souhaite pas que le critique puisse apporter ses éléments et ses remarques tout de suite.

Ceci étant, M. le Président, nous regardons le projet de loi n° 180 à une période... Il me vient toujours dans la tête la façon de faire et les paroles qui sont prononcées, et de regarder un peu en arrière. J'ai eu, moi aussi, comme mon collègue de Marquette, comme à peu près tous les membres du Parti libéral du Québec, du caucus libéral, de l'opposition, nous nous promenons dans les institutions scolaires et j'ai eu l'occasion de rencontrer, à l'Université du Québec à Trois-Rivières, l'association étudiante qui me disait, à propos d'un projet de loi n° 88 déposé l'an passé par Mme la ministre de l'Éducation, qu'ils avaient été trahis par les propos de la ministre, les engagements de la ministre et le projet de loi tel qu'il avait été ensuite amené.

À cette époque-là, ce qu'ils me disaient, M. le Président – et, un peu à l'instar de notre règlement où on doit prendre la parole des gens d'en face, je prends aussi la parole des représentants de la fédération étudiante – c'est que la ministre leur avait promis des engagements à l'égard de l'aide financière et qu'ils se sont retrouvés, par la suite, M. le Président, avec des changements dans les règles qui les ont pénalisés. Et puis, évidemment, on comprendra facilement pourquoi il y a une mobilisation chez les étudiants, signatures de pétitions, critiques à l'égard de la façon de faire du gouvernement.

On arrive maintenant avec un autre projet de loi supposément pour donner suite à des demandes. M. le Président, ma première remarque sur ce projet de loi sera de regarder qu'est-ce que le milieu demande vraiment. Est-ce que le milieu demande vraiment des pièces législatives? Est-ce que les institutions scolaires, les commissions scolaires, que l'on passe du primaire à l'universitaire, des enseignants aux étudiants, aux administrateurs, est-ce qu'ils demandent des pièces législatives et des discours, M. le Président? S'il y en a un seul, ici, qui pense que l'action législative du gouvernement répond à la demande du milieu, je lui dis: Vous vous trompez. Ce que les acteurs, dans le milieu, veulent, ce sont des ressources, M. le Président. Ce n'est pas des discours et du blablabla pour faire illusion de changement, pour faire illusion de s'occuper des problèmes. Ce ne sont pas de grands discours où on s'invente une suite à ce qu'on a proposé nous-mêmes en se disant: Bien, les autres ne l'ont pas trop attaqué, donc ils étaient d'accord avant qu'on le dise. Non. Dans le milieu scolaire, dans le milieu de l'éducation, ce que les gens recherchent, ce sont des ressources.

Alors, mon premier point, M. le Président, sur le projet de loi n° 180, est le suivant: Est-ce que la ministre est consciente qu'avec des coupures à hauteur de 6 % dans le domaine de l'éducation, pour des coupures dans le budget général qui s'élèvent à 0,6 %, est-ce que la ministre de l'Éducation considère que c'était le geste approprié que de défendre au cabinet une pièce législative pour jouer dans différentes structures? On va y venir tantôt. Est-ce que c'était vraiment là où elle devait mettre tout son poids, toute son influence? Est-ce qu'elle devait se battre pour faire changer des pièces législatives, ou si sa première action n'aurait pas dû être de défendre le budget de l'éducation, de défendre la priorité de l'éducation?

Mon collègue de Marquette a eu l'occasion de le souligner notamment – je me demande si ce n'était pas la semaine dernière ou la semaine d'avant – de révéler ce que l'on voit un peu partout dans les médias. Il y a une loi au Québec qui fait en sorte que chaque étudiant devrait avoir un manuel scolaire. J'espère qu'il n'y a personne ici, dans cette Chambre, qui va remettre cette pièce législative en doute, qu'un des premiers éléments, si on veut atteindre l'excellence – et pas juste pour l'élite, pour amener tout le monde vers l'excellence – s'il y a des moyens à prendre, ce n'est pas du blabla, puis des discours, puis des pièces législatives, c'est de s'assurer que nos lois actuelles sont respectées, notamment de s'assurer que les étudiants ont les outils pour étudier.

Ça leur en fait une belle jambe de savoir combien il y a de personnes sur tel comité, puis de savoir qui est majoritaire sur tel autre, puis «y a-tu» de la péréquation avec la commission scolaire pour les legs puis les subventions données à telle commission scolaire. Ça leur en fait une belle jambe, M. le Président. Ce qu'ils veulent savoir, les parents, les enfants, c'est: Est-ce qu'on a du monde au Québec qui nous gouvernent, qui ont à gérer les fonds publics, qui ont à coeur l'éducation? Moi, je leur réponds: Non. Non, pas quand on vient nous faire débattre du projet de loi n° 180. Ce n'est pas vrai. On ne va pas nous demander... Puis je comprends que c'est ça qu'on nous demande, puis je comprends qu'il faut le faire, puis je comprends que les règlements nous forcent à le faire, mais je veux bien qu'on se rende compte, dans un premier temps, que ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on vient discuter d'une action législative pour aider l'éducation qui se limite à changer des structures, alors qu'on a des lois qui existent qui ne sont pas appliquées parce qu'on ne met pas les ressources appropriées.

Je m'excuse mais, quand on va sur le terrain, c'est ça que le monde nous dit. Puis pas juste quand on visite les institutions, là. Si, pour certains de nos collègues, la tournée des institutions n'a pas été faite, il y a du monde dans votre entourage, il y a des gens qui vont à votre bureau de comté, vous en voyez des parents, qu'est-ce qu'ils disent, M. le Président? Ah, ils disent: Oui, mais on n'a pas de moyens. Des coupures. Puis il y en a qui nous disent ceci, M. le Président: Oui, mais des coupures, là, M. le premier ministre, il nous a dit que c'était bien important. Oui, mais il ne les a pas faites. Il les a faites dans l'éducation puis il a augmenté les budgets ailleurs, ce qui fait que, au net-net, au général, au total, 0,6 %, ce n'est même pas 1 %, pour l'ensemble des activités gouvernementales. Mais il y a deux places que là il a coupé: l'éducation puis la santé. Puis, moi, on va me dire: Oui, mais c'est normal qu'il coupe là, c'est les grandes missions. Bien, je m'excuse, si c'est les grandes missions, on va les protéger puis c'est les autres qu'ils vont couper. Pourquoi on va pénaliser les étudiants avec des coupures à la hauteur de 6 %? Pourquoi on va faire ça?

(16 heures)

Alors, ça, c'est la première remarque que je veux faire, M. le Président. Je veux bien – puis c'est notre mandat – qu'on vienne discuter des pièces législatives que le gouvernement amène, le système marche comme ça. À la dernière élection, le Parti québécois a eu plus de sièges, ils forment le gouvernement et c'est eux qui forment l'exécutif; ils nous déposent des projets de loi puis c'est ça qui est l'action de l'Assemblée nationale. Nous, on a à légiférer, à s'assurer que les dispositions législatives sont correctes, mais on a aussi le droit, M. le Président, de s'interroger sur le bien-fondé de l'action privilégiée par Mme la ministre de l'Éducation, droit de se demander et partager avec les gens à la maison, partager avec eux pour se dire: Est-ce que vous considérez que Mme la ministre de l'Éducation a raison de se battre au Conseil des ministres pour nous amener un projet de loi n° 180 qui change quelques patentes, mais qui ne dit pas un mot sur des ressources déficientes, sur une abdication de la ministre au Conseil des ministres pour s'assurer que les budgets seraient là, que les budgets seraient au rendez-vous, qu'il y aurait des services auxquels les jeunes non seulement doivent s'attendre, mais ont le droit de s'attendre en vertu de la loi qui existe déjà?

Alors, on nous amène dans un grand processus législatif qui, espère le gouvernement, va nous faire oublier ce qu'ils ont fait. Mais, comme intervenant sur ce projet de loi, M. le Président, la première chose que je veux faire, c'est de noter que ce n'est pas avec du papier, des articles de loi qu'on améliore la situation, c'est en donnant, d'abord et avant tout, les ressources. Quand les ressources seront là, quand les lois actuelles seront respectées, qu'on pourra voir les effets qu'entraîne l'application de la loi, là on pourra se dire: Ah! il y a des choses à corriger. Il faut changer la loi parce qu'on n'a pas eu les pleins effets auxquels on s'attendait. Mais là on est dans une situation où le gouvernement pénalise, empêche que la loi ait ses pleins effets en ne donnant pas toutes les ressources. Et là ils nous arrivent et ils nous disent: Bien, il faut changer la loi parce qu'elle ne nous donne pas les pleins effets. Si on lui avait donné toutes les ressources qui doivent accompagner justement la loi, probablement que nous aurions des effets bien supérieurs.

Quand je dis ça, M. le Président, et c'est un peu la conclusion non pas de mon propos, mais du propos que je veux avoir et veux tenir avec vous aujourd'hui, c'est un peu la conclusion à laquelle arrive Jean-Claude Rondeau de l'ENAP, ancien sous-ministre à l'Éducation, et il disait ceci dans La Presse du 15 novembre, et je cite M. Rondeau: «Le temps de présence des enfants à l'école est nettement insuffisant et le gouvernement ne veut pas augmenter le nombre d'heures de cours par semaine. Les conseils d'établissement vont donc compléter par des activités payantes ce qui aurait normalement dû être fait par les enseignants, que ce soit en français, en mathématique ou en anglais. C'est une forme de privatisation partielle.»

C'est un des éléments de ce projet de loi n° 180 qu'on a. Qu'est-ce qu'il met en lumière? Qu'est-ce que met en lumière cette affirmation de Jean-Claude Rondeau? Elle met en lumière une question de ressources. Tout le débat de société auquel nous convie le gouvernement en ce moment, à savoir qui va payer quoi, tient sa source... Et tous les mécanismes qu'on amène, celui d'ouvrir la porte, comme disait Michèle Ouimet dans La Presse , à une généralisation de vente de boîtes de chocolat, cette idée de péréquation qui permet de répartir les donations, legs et subventions. On est où, là? On est dans quel domaine, là? On est dans le domaine palliatif. On veut une alternative au sous-financement par l'État de sa mission principale d'éducation, mission principale parce que c'est une mission qui prépare l'avenir. C'est une mission pour la jeunesse d'aujourd'hui, dit-on, mais c'est pour toute la société de demain.

Ce sont les emplois que nos jeunes pourront occuper qui vont générer le développement économique, le progrès économique, la création de la richesse qui va nous permettre par la suite de répartir cette richesse, de s'assurer que l'ensemble des citoyens québécois ont une couverture adéquate dans une société qui doit être de plus en plus juste et non pas de moins en moins juste. Telle est pourtant la pente qu'a choisie le gouvernement.

L'ensemble des dispositions – et j'y viens – de ce projet de loi. Ah! il y en a bien quelques-unes à gauche, à droite sur d'autres sujets, mais, lorsqu'on voit la teneur principale, ce qui se cache derrière tout ça, est-ce qu'on n'a pas, M. le Président... Et je pose la question. Moi, j'ai cette conclusion. Peut-être que les gens d'en face pourront nous dire que ce n'est pas le cas, puis j'aimerais bien les entendre.

Mais, honnêtement, je vais vous dire: J'ai l'impression qu'on est dans de la diversion. J'ai l'impression qu'on passe à côté du vrai problème. Ah! il y a bien quelques éléments à gauche et à droite, mais... Puis la ministre de l'Éducation semble me dire que non, M. le Président. Elle ne partage pas ce point de vue là. Mais le vrai problème – puis elle ne partage peut-être pas ce point de vue là, et c'est pour ça qu'on est dans ce problème – c'est le sous-financement. Si Mme la ministre de l'Éducation s'était battue au Conseil des ministres, si elle avait dit, à l'occasion du budget: Mais ça n'a pas d'allure, excusez-moi... Elle s'est peut-être battue, mais alors qu'elle en témoigne, qu'elle partage avec nous ses tentatives et insuccès.

Mais, informés que nous sommes, de la façon dont nous le sommes, il n'y a pas eu de telle bataille; au contraire, on a fait le choix d'aller dans les solutions alternatives, une pièce législative palliative. C'est de ça qu'il est question devant nous. Il m'est difficile, M. le Président, de ne pas mettre, on dit souvent, un gros crayon jaune là-dessus, de ne pas mettre ça en relief. Je pense que c'est bien l'élément majeur qui est au coeur de ce projet de loi, la décision par le gouvernement d'abdiquer financièrement ses responsabilités.

Alors, rapidement, des éléments sur la décentralisation. Peut-on dire que le fait d'accorder une plus grande autonomie aux écoles mène à de meilleures performances scolaires? Pas sûr. Il y a des études qui démontrent le contraire. Il y a des parents qui pensaient avoir une meilleure prise, à qui on avait dit qu'ils auraient une meilleure prise. Il devra, pour eux, y avoir une reprise s'ils veulent être satisfaits parce que, là aussi, les résultats ne sont pas tels que promis.

Il y a la question de l'enrichissement des programmes d'études, et on peut se demander, M. le Président, s'il est vrai, comme la ministre tente de nous le faire croire, qu'on ne vas pas sombrer dans l'uniformité, s'il est vrai qu'il va y avoir encore de la liberté, de la liberté pour ceux qui ont à en user – non pas la liberté pour le gouvernement, la liberté pour ceux qui ont à en user – c'est-à-dire les parents, les enfants, qu'il pourra y avoir suffisamment de choix pour qu'ils puissent exprimer cette liberté et puissent l'exercer.

Je parlais, M. le Président, de la gratuité. Il est à ne pas douter que, lorsqu'on voit les développements à l'égard de ce que j'ai lu tantôt, des propositions qui sont faites, de l'ouverture faite aux parents de multiplier les activités de financement, on est rendus à se demander, comme le disait M. Rondeau: Est-ce qu'on n'est pas en train de faire de la privatisation partielle? Un ensemble d'éléments, de questionnements devront être faits sur ce projet de loi.

Je terminerai en disant que, de mon côté, la question principale reste, demeure. Je crains qu'elle ne soit jamais répondue par le gouvernement. Comment expliquer une abdication devant la mission principale d'éducation? Comment expliquer une baisse de 6 % des budgets de l'éducation, alors que l'ensemble des activités, éducation incluse, et toutes les autres, s'élèvent à 0,6 %? Pourquoi avoir choisi de pénaliser l'éducation? Pourquoi avoir choisi de pénaliser l'avenir du Québec? Cette question-là demeure, reste. Je crains qu'elle ne soit jamais répondue. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Alors, nous allons mettre le projet de loi aux voix, sinon. Ah! il y a un intervenant? Bon, très bien. J'attendais que quelqu'un se lève. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, vous pouvez vous lever quand je suis debout.

(16 h 10)

M. Chagnon: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah bon. Bien, très bien. Alors, vous pouvez vous relever. Vous voulez intervenir? Ha, ha, ha! Très bien. M. le député de Westmount–Saint-Louis, je vous cède la parole.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président. Il me fait plaisir de participer à ce débat, au début d'un débat sur le projet de loi n° 180, modifiant la Loi sur l'instruction publique, pour plusieurs raisons. Je pense que tous ceux qui me connaissent dans cette Chambre savent jusqu'à quel point le sujet de l'éducation est un sujet qui m'a toujours beaucoup préoccupé, pour ne pas dire qu'il a parfois été une certaine passion.

J'ai occupé, comme on le sait aussi, pendant quelque temps le poste de Mme la ministre. Il y a aussi dans cette Chambre un autre de nos collègues, le député de Bourget, qui a eu l'immense tâche d'être ministre de l'Éducation pendant plusieurs années aussi, et tant le député de Bourget que moi-même avons quelques lettres de créances à ce sujet. Évidemment, dans mon cas particulier, ce n'est pas le fait d'avoir été ministre de l'Éducation qui m'a amené à me préoccuper de ces questions-là, mais plutôt le contraire. Ayant été préoccupé des questions d'éducation, ç'a été un moment relativement plaisant et agréable que d'être ministre de l'Éducation dans ces conditions-là.

Mon propos aujourd'hui se veut dans le fond une analyse de première main sur le projet de loi, que j'ai pu lire relativement rapidement. Je voudrais souligner à Mme la ministre que d'un point de vue général le projet de loi cherche à mon avis à faire en sorte de renforcer le rôle de l'école dans la communauté et par rapport aussi aux membres qui la constituent, évidemment éventuellement pour mieux servir les enfants qui la fréquenteront.

Mais, dans tout projet de loi, à mon humble avis, qui vient toucher la dynamique des relations entre le ministère, les commissions scolaires et les écoles, l'idée de vouloir décentraliser – qui est une idée qui a des années d'existence, ça fait au moins 30 ans qu'on cherche à décentraliser; on a d'abord centralisé au ministère de l'Éducation, et depuis peut-être une quinzaine d'années on cherche à décentraliser du ministère de l'Éducation vers les commissions scolaires ou des commissions scolaires vers les écoles... Ce projet de loi m'apparaît concerner davantage la responsabilisation des écoles eu égard au rôle qu'elles n'ont pas dans leurs relations, à tout le moins, entre les commissions scolaires et les écoles.

Je pense que l'équilibre des pouvoirs des uns et des autres dans le ministère, dans le réseau et dans le système d'éducation mériterait d'être regardé peut-être plus avant dans le sens suivant. Je pense que la réorganisation des écoles suggérée par Mme la ministre est une approche intéressante. Je pense qu'elle est d'ailleurs acceptée par les commissions scolaires. Mais je pense qu'il y aurait eu intérêt aussi de la part du ministère à se regarder lui-même et à évaluer de sa propre autorité ce qui aurait pu advenir d'une partie de l'autorité du ministère en ayant pu la transférer en décentralisant certaines parties de l'autorité du ministère vers les corps publics locaux.

Il m'apparaît, M. le Président – et, si ce n'est pas le cas, Mme la ministre pourra toujours le dire plus tard – que cet équilibre-là fait défaut dans l'organisation de ce projet de loi là. Il me semble que la décentralisation ne passe que d'un côté, du côté des commissions scolaires vers les écoles, mais on ne sent pas de profonde préoccupation de décentraliser le ministère de l'Éducation en le ramenant plus près du milieu vers les commissions scolaires. À tout le moins, je n'ai pas eu cette impression en lisant le projet de loi. Alors, si cet équilibre... Et j'imagine que la commission parlementaire va entendre des groupes, et ces groupes-là pourront eux-mêmes venir dire ce qu'ils en pensent.

Mais, lorsqu'on revient à l'école, on s'aperçoit que d'abord dans le projet de loi une grande partie, je dirais, de l'âme et du corps du projet de loi, mais particulièrement sa fabrication, tourne autour du conseil d'établissement: la composition du conseil d'établissement, les fonctions et pouvoirs du conseil d'établissement. Et on veut en faire un organisme de participation, ce qui en soi n'est pas une mauvaise idée. Il y a déjà des organismes, il y a déjà des comités, au niveau des écoles, qui fonctionnent, qui fonctionnaient bien. La ministre a décidé de mettre en place un conseil d'établissement. Elle aurait pu aussi bien décider de prendre le conseil d'orientation et d'en modifier la vocation. Elle a décidé de faire un conseil d'établissement. Partons de là.

On dit: Le conseil d'établissement comprend au plus 20 membres et il est composé des personnes suivantes – alors on nomme les noms des représentants, on dit: des parents d'élèves fréquentant l'école et qui ne sont pas membres du personnel de l'école, élus par leurs pairs – alors des parents seront choisis parmi les parents pour faire partie du conseil d'établissement; au moins quatre membres du personnel de l'école, dont au moins deux enseignants, élus par leurs pairs; et, si une école enseigne au secondaire au deuxième cycle, deux élèves de ce cycle élus par les élèves de l'école inscrits au secondaire; et puis, s'il y a des services de garde, vous aurez un représentant du service de garde; et deux représentants de la communauté qui ne sont pas membres du personnel de l'école, nommés par le conseil.

Au départ, j'avoue que je trouve le conseil de madame, le conseil d'établissement assez lourd sur le plan, d'abord, de sa composition et, éventuellement, M. le Président, de son fonctionnement, parce que, imaginez le directeur d'école... Et les écoles au Québec n'ont pas toujours 1 500, 2 000 élèves et 3 000 élèves; les écoles au Québec ont souvent moins de 500 élèves, et il y a au moins 700, 800 écoles qui ont moins de 300 élèves. Là, on se ramasse avec un conseil d'établissement qui pourrait, à la rigueur, comprendre 20 personnes. J'imagine évidemment aisément que, dans une école de 200 élèves ou de 100 élèves, il n'y aura pas 20 personnes sur le conseil d'établissement. Ça, je peux comprendre ça aisément.

Mais déjà, si j'ai un nombre de parents qui sera au moins l'équivalent des quatre membres de l'école – parce qu'on dit que le nombre de parents sera au moins égal au nombre des autres représentants – alors il y a au moins quatre membres du personnel de l'école, dont au moins deux enseignants élus par leurs pairs – alors, que l'école ait 200 élèves ou 2 000, il y aura au moins quatre représentants du personnel de l'école – il y aura donc aussi au moins quatre parents, à la rigueur, plus les deux représentants de la communauté, plus le représentant des services de garde, alors on se ramasse à 12 – il faut que le nombre soit égal, puisqu'il y a un nombre pair de parents – 12, puis 13, puis 14, 14 personnes plus le directeur d'école, plus possiblement le commissaire s'il est invité.

Semble-t-il que le commissaire, selon le point de vue de la ministre, n'est pas un bon représentant de la communauté, puisqu'il ne peut pas représenter la communauté sur le conseil d'établissement. C'est un point de vue, en tout cas, c'est un point de vue différent. Peut-être que la ministre ne partage pas mon interprétation, c'est possible, mais c'est ce que je lis dans le projet de loi.

Moi, j'arrive un peu à... Je n'ai pas participé aux discussions préalables avec la ministre sur le sujet, mais je m'aperçois qu'on va avoir un conseil d'établissement qui risque d'être assez lourd. Je suggère à la ministre de regarder des possibilités d'amendement de façon à ce que son projet de loi puisse mieux s'adapter aux différences des écoles au Québec, aux différentes écoles au Québec.

Quant au commissaire, ce que je disais tout à l'heure, je vois que l'article 44 du projet de loi dit ceci: «Toutefois, tout commissaire peut participer aux séances du conseil d'établissement s'il y est autorisé – s'il y est autorisé, il y a une nuance – par le conseil d'établissement, mais sans droit de vote.» Généralement, dans les commissions scolaires, les gens qui se font élire dans les commissions scolaires sont des gens qui ont déjà eu un intérêt ou qui ont un intérêt dans les écoles de leur milieu et qui représentent, parce qu'ils sont élus, la communauté. Mais je ne fais pas de chichi avec ça, je fais tout simplement la remarque que les conseils d'établissement m'apparaissent d'une composition assez lourde compte tenu de la différence de types d'école qu'on a au Québec.

(16 h 20)

Je m'aperçois que le rôle du directeur d'école est déjà un rôle important dans une école, mais, avec les nouveaux mandats que Mme la ministre et surtout que son projet de loi apportent au directeur de l'école, la direction de l'école va requérir non seulement toutes les qualités que nous leur connaissons déjà, mais va requérir aussi un rôle qui risque de devenir beaucoup plus politique – politique dans le sens grand P – non seulement avec son personnel, mais dans ses relations avec les parents des élèves pour faire des choix qui sont extrêmement importants. Il y aura des obligations de moyens que le conseil d'établissement aura à prendre, l'obligation de moyens concernant l'application du régime pédagogique.

Peut-être que c'est du chinois pour ceux qui nous écoutent, mais des obligations de moyens pour utiliser et pour mettre en place le régime pédagogique, ça veut dire choix des manuels, ça veut dire choix des moyens, quel type d'enseignement sera apporté, et le directeur d'école risque d'être mis en conflit sérieusement entre l'une et l'autre des parties. Si toutefois il y avait une discussion un peu aride ou un peu virile sur ce sujet, le directeur d'école serait mis dans une situation relativement épouvantable, pris un peu comme le jambon dans un sandwich – ha, ha, ha! – et pris de façon à être très difficilement capable de gérer. Ce qu'il doit d'abord gérer, c'est ses enseignants puis s'assurer que ses enseignants soient capables de faire en sorte que les élèves de ces écoles aient les meilleures performances académiques possible.

Ceci étant dit, on pourrait argumenter plus longtemps sur la représentation des parents. Certains pensent que des parents, il devrait y en avoir plus. D'autres estiment que le projet de Mme la ministre est bon. Je pense que les parents eux-mêmes viendront dire ce qu'ils veulent, parce que j'ai compris qu'il y aurait des consultations sur ce projet de loi là, consultations qui permettront, entre autres, aux représentants des fédérations différentes de pouvoir venir s'exprimer, j'imagine. Alors, à ce moment-là ces questions-là seront certainement soulevées.

Il y a un point particulier qui a fait l'objet de quelques remarques particulièrement dans les médias, et j'ai de la difficulté exactement à bien comprendre, à bien situer là où est l'opinion de Mme la ministre. Je sais que la CEQ, la Centrale des enseignantes et des enseignants du Québec, a fait manifestement pression sur la ministre pour assassiner les écoles soi-disant appelées sélectives, les écoles internationales, les écoles de différents acabits. On remarque que la vision de la CEQ a eu un certain accueil chez Mme la ministre qui désormais se donne le droit de décider s'il y aura des écoles alternatives, mais sélectives dans certains cas, pour faire en sorte de pouvoir croître ou encore grossir en nombre. La ministre se garde le pouvoir de déterminer s'il y aura encore de ce type d'écoles.

La ministre se garde aussi et nous dit publiquement qu'elle ne favorise pas ce genre d'écoles là, qu'elle préfère avoir tout le monde dans la même école, je présume. C'est, à mon avis, relativement vague, en tout cas pas très précis. Peut-être ai-je mal compris, mais je n'ai pas bien saisi les nuances faites par Mme la ministre sur cette question. Mais, personnellement, M. le Président, je vous dirais une chose: je pense que la CEQ est dans le champ sur ce sujet-là et qu'elle est personnellement à côté de la volonté non seulement populaire, mais profonde des parents au Québec. Je pense que les parents veulent avoir les écoles les plus performantes pour leurs enfants.

Et, ayant été moi-même comme président de la régionale de Chambly en 1982, si ma mémoire est bonne – on remonte un peu dans le temps – ayant été l'instigateur de la première école internationale publique au monde... Ça s'est passé au Québec, ça s'est passé à Saint-Hubert. Cette école-là, elle existe encore, c'est l'École internationale de la commission scolaire, qui est maintenant L'Eau-Vive et qui changera de nom bientôt. Cette école-là, M. le Président, a 1 200 élèves. Effectivement, elle fait une sélection non pas sur le revenu des parents, elle fait une sélection sur les élèves en fonction de leurs notes à la fin du niveau primaire, et les meilleurs élèves peuvent aller à l'école internationale si cela les intéresse, ceux qui ont les meilleures notes.

M. le Président, depuis les cinq dernières années, depuis l'année où j'ai publié les résultats des écoles aux examens du ministère de l'Éducation, de toutes les écoles du Québec dans toutes les commissions scolaires depuis cinq ans, cette école-là se classe première, toutes écoles confondues, publiques ou privées, en termes de niveau du nombre de ses élèves qui d'abord passent leurs examens du secondaire V, mais aussi au niveau de l'élévation de la note qu'ils reçoivent dans les examens formels du ministère de l'Éducation. C'est la plus haute moyenne générale observée à travers le Québec; c'est dans une école publique, l'école internationale de Saint-Hubert.

Je me rappelle aussi, dans ces mêmes années, avoir été l'instigateur d'autres types d'écoles, des écoles sports-études ou, entre autres... qui sont intégrées à d'autres écoles, comme sports-études de l'école de Mortagne, où des élèves comme Isabelle Brasseur, comme Sébastien Lareau, Sébastien... Tous ces sportifs ont été des élèves de ces écoles-là. Et ces élèves-là n'auraient pas pu fréquenter l'école secondaire s'ils n'avaient pas eu un système adapté au type de besoins pédagogiques qu'ils requéraient, compte tenu de leur potentiel sportif et des compétitions qui les amenaient à l'échelle de la planète pour justement se faire valoir auprès de leurs pairs.

M. le Président, ça, c'est deux exemples. Je pourrais nommer à Mme la ministre les exemples d'autres écoles qui sont spécialisées en danse, en musique et même parfois... Si je reprends l'exemple de l'ancienne, de feue la commission scolaire régionale de Chambly, le regroupement de tout l'enseignement professionnel de chacune des écoles polyvalentes à la polyvalente Pierre-Dupuy, on s'est retrouvé à faire une école qui est une forme de sélection, une école sélective avec un projet particulier. On a une école qui est une école où on ne fait que de l'enseignement professionnel. Alors, c'est une école spécialisée, ça, et, dans ce cadre-là, à mon avis, elle m'apparaît, comme les autres types d'écoles, faire en sorte de répondre à un besoin extrêmement important, comme on répond aux besoins avec des écoles spécialisées pour des élèves subissant différents handicaps. Or, ces écoles-là, M. le Président, m'apparaissent extrêmement importantes, et je pense que la ministre aurait davantage intérêt à écouter l'opinion publique plutôt que l'opinion de la CEQ sur ce sujet.

Ceci étant dit, lorsqu'on parle des parents, des directeurs d'école, on a aussi au niveau des écoles des enseignants qui sont absolument capitaux. C'est les enseignants... La vieille expression de nos grands-parents qui parlaient de leurs enfants et qui disaient: Ma fille fait l'école à telle place. «Ma fille fait l'école», c'était une expression savoureuse dans le sens qu'elle correspondait exactement à la réalité. Les enseignants font l'école et des enseignants motivés vont vous transformer une école du tout au tout rapidement. Mais, M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous, les enseignants, par leurs porte-parole, ont indiqué qu'ils ne l'appréciaient pas tellement.

Vous me dites que j'ai deux minutes. Alors, je vais tenter d'atterrir – ha, ha, ha! – c'est le cas de le dire. Je suggère à Mme la ministre la lecture d'un document de son ministère, qui vient juste de paraître d'ailleurs, Vie pédagogique , novembre-décembre 1997, Lettre ouverte à Catherine, future directrice d'école , Catherine étant une enseignante. Le texte est écrit par un fonctionnaire de son ministère, à la Direction générale de la Rive-Sud, de la Montérégie. Et qu'est-ce que dit Catherine, cette enseignante, de l'idée de travailler à la direction d'une école? Vous verrez qu'elle a au moins 12 obstacles majeurs, 12 obstacles qu'on retrouve dans son projet de loi.

(16 h 30)

J'aimerais signifier à Mme la ministre, par votre intermédiaire, M. le Président, qu'il y a des problèmes, dans ce projet de loi là, des problèmes qui vont faire en sorte de modifier considérablement... À moins qu'elle ne le sache pas, mais une personne qui connaît un peu l'éducation ne peut pas comprendre que ce projet de loi là n'aura pas pour effet de modifier substantiellement les conventions collectives des enseignants actuellement, d'abord, par la transformation des champs d'enseignement, par la modification des règles de mutation et d'affectation et, effectivement, éventuellement, par les excédents d'effectifs, M. le Président.

La ministre aurait intérêt – je terminerai là-dessus – à ouvrir le champ de discussion avec les enseignants sur des modifications aux conventions collectives, qui seront extrêmement importantes pour faire en sorte que ce projet de loi là puisse vivre, si elle veut qu'il puisse continuer.

M. le Président, je pourrais continuer plus longuement. C'est là un rapport, comme je vous ai dit, une analyse de première main. Ce projet de loi là m'apparaît aller dans un sens intéressant, mais il comporte des difficultés extrêmement complexes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Bourget.


M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président. Je voudrais noter au départ que les deux députés de l'opposition qui se sont exprimés jusqu'ici ne se sont guère attardés sur le fond du projet de loi, ils n'ont fait que l'effleurer, alors qu'à mon avis il faudrait marquer la présentation de ce projet de loi d'une pierre blanche pour la société québécoise tout entière, étant donné son importance et les répercussions qu'il aura sur l'avenir de notre société québécoise.

Ce projet est en effet l'aboutissement d'une longue réflexion sur la nécessité d'une révision de fond en comble de la visée éducative de l'école. Cette entreprise a été commencée il y a un certain nombre d'années. Elle a été commencée par le Parti québécois en 1983-1984, lorsque nous avons présenté un livre blanc sur l'école, qui s'appelait L'école communautaire et responsable , qui, ensuite, a donné lieu à un avant-projet de loi et ensuite à un projet de loi n° 40, qui a été débattu en commission parlementaire durant plus de six semaines et où nous avons reçu plusieurs mémoires.

Et ce projet de loi n° 40, comme le projet de loi qui l'a suivi, se nourrissait, s'inspirait de la même source qui a inspiré le projet de loi n° 180. Il importe, en effet, de redonner à l'école les moyens d'accomplir sa véritable mission. Quelle est la mission de l'école? La mission de l'école, bien sûr, c'est d'instruire les enfants, de leur transmettre l'héritage des générations précédentes. C'est aussi, bien sûr, de les qualifier pour les fonctions qu'ils auront à exercer au sein de la société: études supérieures pour certains, collégiales pour d'autres, professionnelles pour d'autres.

Mais, d'une façon bien plus importante, la mission de l'école c'est de former des personnes humaines qui vont atteindre, grâce à l'école, le plein potentiel de leur développement ainsi qu'une aptitude à se donner du bonheur qu'elles n'auraient pas eu autrement. Nous le disions déjà dans le livre blanc de 1982: Tant va l'école, tant va la société. Si l'école remplit véritablement sa mission, nous aurons une société où chaque citoyen, où chaque personne humaine donnera sa pleine mesure en même temps qu'elle conquerra le droit de développer toutes ses aptitudes, de les exercer et, en même temps, d'atteindre à une félicité liée à sa personne. Nous le disions, si nous réussissons, si l'école réussit à former ces générations de jeunes, la société non seulement s'en portera mieux, mais elle remplira véritablement le but d'une société, c'est-à-dire de procurer à chacun de ses membres son accomplissement.

Il fallait donc donner à l'école les moyens d'accomplir cette mission d'instruction, de qualification mais surtout de formation, de développement personnel, multidimensionnel. Car, on a beau parler de cette mission, il faut aussi donner à l'école les moyens d'y arriver. Donner à l'école ces moyens d'y arriver, c'est d'abord penser aux parents pour qui l'éducation de leurs enfants est la principale préoccupation, la préoccupation la plus importante, la plus exigeante. Il fallait donc leur donner une place prépondérante à l'école. Il y a là bien plus que la décentralisation, M. le Président. La décentralisation, c'est un principe d'organisation des sociétés. Mais si ce projet de loi décentralise vers l'école, c'est surtout pour redonner aux parents les moyens pour que l'école fasse en sorte de donner à leurs enfants tout ce dont ils ont besoin, que les enseignants, que l'école donnent à leurs enfants pour que leur rêve à eux de développement pour leurs enfants se réalise, d'où l'importance très grande que prennent les parents dans le conseil d'établissement. C'est un parent qui présidera; ils seront représentés. Et les parents seront là pour voir à ce que chaque école se donne un projet éducatif qui va dans le sens de leurs aspirations, de leur devoir.

L'autre personne importante, aussi, c'est l'élève lui-même, l'enfant lui-même. Et c'est la raison pour laquelle, au secondaire, le projet de loi prévoit que l'élève sera lui-même représenté au conseil d'établissement afin qu'il puisse donner sa contribution sur l'orientation de l'école, sur l'orientation de son projet éducatif, puisqu'il est le premier à l'intéresser et puisqu'il a son mot à dire sur ses aspirations, sur ses besoins.

Donc, une école véritablement axée sur ceux qui ont la responsabilité de l'enfant: le parent, l'enfant lui-même, mais aussi l'enseignant puisque, sans l'enseignant, les aspirations de l'enfant, les aspirations des parents ne peuvent pas se réaliser. Les parents, l'enfant ont absolument besoin de l'enseignant et d'une façon absolument primordiale et fondamentale. Et c'est la raison pour laquelle le conseil d'établissement donne une telle place à l'enseignant, la raison pour laquelle aussi on garantit à l'enseignant son rôle autonome, sa pleine autonomie au sein de l'école dans toutes les matières pédagogiques. Il se rend autonome dans son école, dans sa classe, c'est lui qui décidera comment appliquer les programmes, les méthodes pour enseigner mais aussi les méthodes d'évaluation. C'est lui aussi qui proposera au directeur d'école les instruments didactiques qui lui apparaissent les mieux appropriés, ainsi que les méthodes d'évaluation. D'où la nouvelle composition du conseil d'établissement, qui sera décisionnel, et ça aussi, c'est extrêmement important, car, en matière d'éducation, même si le ministère continuera de donner les grandes orientations en matière de grille-matières, en matière de régime pédagogique, en matière de programme, il reste que c'est à l'école d'appliquer ce régime pédagogique, de le mettre en oeuvre et même de l'enrichir.

Et le projet de loi réalise enfin une ambition que j'ai, en tout cas, personnellement, depuis plusieurs années, de laisser des plages libres pour l'adaptation et pour l'enrichissement des programmes, adaptation et enrichissement en fonction des élèves, bien sûr, de la population d'élèves que nous avons, ceux qui ont certaines difficultés, d'autres, au contraire, qui ont des atouts extraordinaires et dont il faut tenir compte, et aussi des enfants qui appartiennent à un certain milieu et que le milieu a façonnés, et qui peuvent en avoir des côtés positifs mais aussi négatifs, qu'il faut corriger, d'où l'importance, encore une fois, de laisser au conseil d'établissement des plages qui lui permettront de prendre les mesures pour adapter les programmes, pour enrichir les programmes en fonction des besoins des enfants, en fonction des besoins de la communauté également.

(16 h 40)

Et, aussi, ce conseil d'établissement, que la ministre définissait tout à l'heure comme une communauté éducative, aura des rapports à entretenir avec son milieu. Une école ne se situe pas dans l'abstrait; elle se situe dans un milieu qui lui envoie des élèves qui ont leurs caractéristiques, parfois positives ou négatives, mais également qui ont ces caractéristiques sur toutes sortes de plans. Il est bien sûr que, dans une certaine communauté, forestière, ou minière, ou urbaine, l'adaptation ou l'enrichissement du programme devra tenir compte des conditions dans lesquelles auront grandi les enfants. Et l'école aussi devra entretenir des rapports avec la communauté à plusieurs points de vue pour mieux connaître, par exemple, les difficultés d'apprentissage, pour mieux connaître les blocages que l'enfant peut avoir et faire participer les parents ainsi que tout le personnel de l'école à la correction de ces difficultés.

L'école aussi, comme on le disait à l'époque et comme il faut le répéter encore aujourd'hui, doit devenir un pôle de développement culturel pour la société dans laquelle elle est insérée, un pôle de développement social par ses équipements, par le personnel qu'elle contient, par les compétences qu'elle recèle, par les orientations culturelles qu'elle transmet aux élèves mais qu'elle doit aussi transmettre à la communauté, donc une sorte de vase communicant entre l'école et la communauté.

Telles étaient les vues que nous avions il y a une vingtaine d'années qui ont été réalisées en partie, mais qui se sont heurtées à certains obstacles. Mais ces obstacles ont été étudiés au fil des années. Et le gouvernement est très prudent. Avant de déposer ce projet de loi, il a tenu des états généraux, il a entendu tous les représentants de la communauté éducative durant des semaines et des semaines. Il y a eu un rapport, Inchauspé, qui a dégagé des états généraux les orientations les plus importantes, les plus fondamentales. Il y a eu une commission parlementaire où nous avons entendu à nouveau toutes sortes de groupes. Et c'est donc après que toutes ces orientations nouvelles, profondes, importantes, nécessaires, urgentes ont été analysées, ont été pesées, qu'elles ont reçu le consensus quasi général, que le gouvernement, cette fois sûr de son affaire, avec toute la prudence nécessaire mais l'audace aussi que cela exigeait, a présenté ce projet de loi qui instaurera une ère nouvelle pour l'école québécoise et qui lui permettra enfin de réaliser beaucoup mieux la mission que l'école a toujours eue.

Ce conseil d'établissement aussi aura une autre caractéristique. Il est décisionnel, je l'ai dit. Être décisionnel, cela veut dire avoir des pouvoirs, certes, des pouvoirs qu'il saura exercer au plus près des besoins, mais cela aussi veut dire que le conseil aura des responsabilités. Et je pense que c'est la première fois que, dans un projet de loi, on incarne, on énonce les responsabilités de chacun de ceux qui participent à la vie de l'école: responsabilités des parents, responsabilités des enseignants, responsabilités du personnel professionnel, responsabilités du directeur d'école, responsabilités de l'élève, également. Ces gens seront réunis dans un conseil d'établissement où on leur demandera d'ordonner leurs compétences particulières en vue d'un bien commun qui est le développement optimal et maximal de la personne non seulement au moyen de l'instruction, mais aussi au moyen de l'éducation et au moyen de la communication avec la communauté.

Donc, ce conseil d'établissement réussira, j'en suis sûr, à substituer à l'esprit corporatiste, à l'esprit de clocher un idéal de concertation axé sur la mission de l'école, la réussite éducative des enfants, la formation intégrale de la personne. Il faut commencer par mettre en place cet organisme, rendre facile l'exercice de ses responsabilités. On ne dit pas que cela va se faire en un jour. Nous connaissons tous la nature humaine, nous sommes tous faillibles, nous avons tous nos défauts, mais je pense que, avec cette mission de l'école qui est incarnée dans le projet de loi et qui sera incarnée également dans sa mise en oeuvre, nous assisterons à un changement graduel de mentalité, d'autant plus que cela correspond déjà au désir de chacun des participants.

Les parents voudront que leurs enfants se développent au maximum, les enseignants qui ont fait de l'enseignement et de la formation une carrière à laquelle ils veulent consacrer l'essentiel de leurs énergies, j'en suis sûr, collaboreront d'une façon très étroite à cet objectif, au projet éducatif qu'il incarnera dans la vie de tous les jours, et, avec ce nouveau conseil d'établissement où les responsabilités deviendront plus importantes que les pouvoirs, où les responsabilités sont à l'origine du pouvoir qui leur est confié, je suis convaincu que tout sera mis en place pour qu'on arrive à une véritable mission et à une réussite éducative de l'école.

D'autres aspects aussi sont à considérer. Bien sûr, ce projet de loi n° 180 est le couronnement d'une entreprise très vaste qui est menée au ministère de l'Éducation depuis trois ans maintenant. Elle la résume, cette oeuvre de réflexion, mais elle n'en constitue pas le seul élément. Il ne faudrait pas oublier aussi que contribueront à la mise en place, à la mise en oeuvre harmonieuse et efficace de ce projet de loi d'autres mesures qui ont été prises et qui visent l'éducation, comme par exemple la refonte du régime pédagogique où on éliminera le style cafétéria, l'esprit encyclopédique pour recentrer l'enseignement sur les matières de base, comme par exemple l'enseignement de la langue maternelle, l'enseignement de la langue seconde, l'enseignement des mathématiques, l'enseignement des sciences, l'enseignement de l'histoire, l'enseignement, en somme, qui est absolument nécessaire pour asseoir les bases d'un développement intellectuel ultérieur. Ce retour aux sources, ce retour à l'essentiel pourra aussi trouver sa place, son cheminement normal dans ce que prévoit le projet éducatif où encore une fois les matières essentielles seront véritablement à l'honneur, mais où l'élimination de plusieurs matières non pas inutiles mais superfétatoires ou moins importantes laissera la place à des plages horaires où le projet éducatif insérera les préoccupations propres au milieu d'où proviennent ces enfants et où l'école est insérée.

Faut aussi penser que le nombre de commissions scolaires sera considérablement diminué et il faut aussi penser que bientôt s'installeront non seulement les prématernelles – une prématernelle cinq ans maintenant devenue obligatoire – mais des prématernelles quatre ans, des garderies pour des enfants de quatre ans, de trois ans où, selon l'avis de tous les pédagogues et psychologues, peuvent se discerner très tôt les blocages qui empêchent ou qui pourront empêcher ces enfants de profiter à plein des ressources éducatives qu'on met à leur disposition à l'école.

(16 h 50)

C'est tout cet ensemble que le gouvernement a voulu remanier, a voulu mettre en place pour l'an 2000 pour donner à notre société sa vitalité, sa vigueur, son élan, mais surtout pour donner à chaque personne humaine les chances qu'elle a, et qu'elle doit avoir, et qu'elle doit exercer aussi en vue de l'enrichissement personnel d'abord, mais aussi en vue de l'enrichissement collectif. C'est là une grande oeuvre, M. le Président. Je suis convaincu que ce projet de loi est le plus important que nous ayons eu à présenter dans cette année 1997. Et, quand on regardera, d'ici cinq à 10 ans, ce qui s'est accompli de plus important dans cette Législature 1994-1998 ou 1994-1999, on notera que ce projet de loi n° 180 aura été probablement l'élément majeur de progrès de notre société, de progrès de la société québécois, mais de tous les citoyens, de toutes les personnes humaines qui la composent, parce qu'il n'y a rien de plus important dans le destin de l'humanité ou dans le destin d'un peuple que la formation, que l'instruction, que la qualification d'une personne qui lui permet d'aspirer au bonheur et de donner à la société dont elle fait partie toute la contribution que cette société attend, mais que l'être humain lui-même veut donner pour son propre accomplissement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bourget. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est un plaisir pour moi de prendre la parole à l'étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives. Quelques petits commentaires quant aux pronostics du député de Bourget au fait que ce projet de loi serait peut-être le projet de loi le plus marquant de cette Législature. Semble-t-il que sa boule de cristal fonctionne beaucoup mieux que la mienne. Moi, je ne peux pas voir si loin que ça pour l'instant. Je prends l'engagement par contre, comme père de famille qui a des enfants dans les écoles publiques au Québec, que je vais revenir après la prochaine Législature pour commenter les propos du député de Bourget, et on sera peut-être en mesure de débattre ensemble, M. le Président, et de voir à quel point ses pronostics se sont avérés exacts. Quant à moi, M. le Président, il est un peu trop tôt pour évaluer la portée des modifications qu'on veut prendre avec le projet de loi n° 180.

M. le Président, j'aimerais aborder, quant à moi, une question un peu particulière, au sujet du projet de loi n° 180, en ma qualité de porte-parole de l'opposition officielle en matière des services aux personnes handicapées, toute la question des élèves handicapés que j'aimerais aborder dans les quelques minutes qui me sont réservées et tenter de faire une analyse du projet de loi n° 180 comparé avec l'avant-projet de loi et surtout avec les commentaires de plusieurs groupes qui ont comparus devant la commission de l'éducation à l'occasion de l'avant-projet de loi, les commentaires qu'ils avaient eus à ce moment-là, et voir à quel point 180, le projet de loi de la ministre de l'Éducation, répond aux préoccupations exprimées par plusieurs groupes qui ont pris la peine de présenter des mémoires, des groupes représentant des organismes de personnes handicapées.

Première question, M. le Président. Je vais tenter de les aborder, les commentaires, de façon thématique. C'est un peu complexe, le projet de loi, il est long; c'est un peu difficile de tenter de suivre toutes les modifications, mais je vais tenter de faire mon intervention selon plusieurs thèmes. Dans un premier temps, la question de l'intégration des élèves handicapés. La politique officielle du gouvernement du Québec depuis de longues années est de favoriser l'intégration des élèves handicapés dans les écoles publiques régulières. C'est la politique officielle du gouvernement du Québec de longue date. Ça fait partie de la politique à part entière des années 1980, et c'est généralement accepté dans le milieu éducatif que c'est la bonne politique à suivre.

Il y a des limites, M. le Président. C'est évident qu'il y a certaines limites à l'intégration à 100 % des élèves handicapés, mais généralement la règle normale, la règle de base est de tenter d'intégrer jusqu'au plus haut point les élèves handicapés dans les classes régulières des écoles québécoises. À ce sujet, nulle autre que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, commission établie par l'Assemblée nationale du Québec, n'a présenté un mémoire sur l'avant-projet de loi sur l'instruction publique et ils ont commenté assez longuement sur toute la question de l'intégration. Ils ont indiqué, entre autres, M. le Président, que... Je vais peut-être citer quelques phrases du mémoire: «Dans le contexte de l'avant-projet de loi qui pousse encore plus loin la décentralisation, l'imprécision des dispositions actuelles exige la consécration explicite du droit à l'intégration dans la Loi sur l'instruction publique. Conjointement avec d'autres mesures propres à rendre explicite l'objectif d'intégration des élèves ayant une déficience intellectuelle, telles que des modifications au régime pédagogique et aux instruments du ministère de l'Éducation, le législateur pourrait s'inspirer des modèles du Nouveau-Brunswick et des Territoires du Nord-Ouest où la loi scolaire pose clairement en principe le droit de tout élève d'appartenir à un groupe régulier tout en bénéficiant des services d'adaptation.»

C'était la recommandation de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, M. le Président, que le législateur devrait s'inspirer de deux modèles qui existent. Je comprends peut-être que le gouvernement actuel n'aime pas s'inspirer des modèles qui existent ailleurs au Canada, mais c'est quand même le fait, M. le Président, et la suggestion vient de la Commission des droits de la personne qu'on devrait s'inspirer des lois scolaires du Nouveau-Brunswick et des Territoires du Nord-Ouest.

Ça vaut peut-être la peine de citer un bref extrait de la loi scolaire des statuts du Nouveau-Brunswick, 1990: «Un conseil scolaire doit placer les élèves exceptionnels pour qu'ils reçoivent respectivement des programmes et services d'adaptation scolaire conjointement avec des élèves non exceptionnels dans les centres de classe ordinaires dans la mesure où le conseil scolaire tient compte des besoins éducatifs de tous les élèves.» Ça, c'est l'impératif donné par la loi scolaire au Nouveau-Brunswick. La suggestion de la Commission des droits de la personne, M. le Président, c'est qu'on devrait s'inspirer de la même chose et, à l'intérieur de notre Loi sur l'instruction publique, donner un impératif aux commissions scolaires d'intégrer les élèves handicapés dans les classes régulières.

Est-ce que la loi n° 180 répond à cet impératif, M. le Président? Ça, c'est la question qu'il faut se poser, et je vous réfère à l'article 70 tel que rédigé: «La commission scolaire adopte, après consultation du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, une politique relative à l'organisation des services éducatifs à ces élèves dans le but de favoriser leur intégration dans les classes ou groupes ordinaires et aux autres activités de l'école chaque fois que cela est possible, profitable à l'élève et propre à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale.»

M. le Président, je ne crois pas personnellement que le test de l'impératif, l'obligation de rendre claire dans la loi l'obligation pour les commissions scolaires d'intégrer des élèves handicapés dans les classes scolaires, soit réussi par la formulation dans le projet de loi qui est devant nous. Je suis content qu'il va y avoir des consultations particulières, M. le Président, et je souhaite que cette question de l'intégration fasse partie de ces consultations particulières parce qu'il y a là un enjeu majeur en ce qui concerne l'éducation des élèves handicapés au Québec. Toute la question de l'intégration, M. le Président... Ce même thème a été reproduit par d'autres intervenants, comme l'Office des personnes handicapées du Québec qui recommande «que la classe régulière de l'école de quartier constitue la norme pour tous les élèves handicapés, sauf pour certains cas où les autorités scolaires pourraient démontrer que la classe spéciale rencontre mieux les besoins particuliers des élèves».

(17 heures)

Et, plus loin, l'Office des personnes handicapées du Québec indique: «Dans des cas très exceptionnels, la commission scolaire pourra conclure une entente de services avec une autre commission scolaire ou un organisme, mais elle devra démontrer pourquoi elle ne peut répondre aux besoins de l'élève. Une telle entente devra être approuvée par la ministre de l'Éducation.»

La Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec, M. le Président, indique aussi très clairement dans son mémoire que l'intégration dans les écoles régulières devrait être la norme, et ainsi de suite pour l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées et l'Association québécoise pour l'intégration sociale, qui indiquent également dans leurs mémoires: Que le ministère de l'Éducation élabore une politique qui reconnaisse le développement intégral de tous les élèves dans le cadre d'un enseignement en classe ordinaire de l'école de son quartier.

Je ne pense pas, M. le Président, que le projet de loi qui est devant nous va assez loin à cet égard. C'est une faille importante, quant à moi, dans toute la question de l'éducation, de l'enseignement des élèves handicapés au Québec.

Autre thème, M. le Président, celui de la représentation soit des élèves par le biais de leurs parents, surtout les élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage ou d'adaptation. Plusieurs intervenants, pendant les consultations sur l'avant-projet de loi, ont suggéré que la loi devrait assurer la présence d'un parent d'un élève handicapé ou en difficulté d'apprentissage ou d'adaptation, sa présence sur le conseil d'établissement. Le gouvernement n'a pas retenu cette recommandation. Là, encore une fois, je trouve que c'est une autre faille dans le projet de loi n° 180.

Il est vrai, aux articles 34 et 36 du projet de loi, qu'on retrouve à l'intérieur de la formation, de la composition du comité des parents, M. le Président, de la commission scolaire l'obligation d'intégrer des parents des élèves handicapés, en difficulté d'apprentissage ou d'adaptation, mais il faut faire la distinction entre le comité des parents et le conseil d'établissement. La distinction est très importante, M. le Président. Le comité des parents d'une commission scolaire est un organisme très consultatif avec très peu de pouvoirs, très peu d'influence sur les choses quotidiennes qui se passent dans les écoles. Si on accepte l'explication de la ministre, c'est les conseils d'établissement qui vont avoir un certain pouvoir décisionnel, semble-t-il, selon elle. Mais, si c'est le cas, M. le Président, l'absence d'un parent d'un élève handicapé, en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage est une autre faille importante dans le projet de loi.

M. le Président, également, la ministre, la loi aurait pu obliger la participation des gens dans le domaine des enfants handicapés, en difficulté d'apprentissage ou d'adaptation lors des comités d'experts, les comités consultatifs à la ministre de l'Éducation, tel qu'on peut lire aux articles 145 et ainsi de suite du projet de loi, où on établit une commission des programmes d'études, un comité consultatif à la ministre de l'Éducation, il y a un comité d'agrément des programmes de formation à l'enseignement, il y a un comité d'orientation de la formation du personnel enseignant.

On aurait pu préciser que ce serait important d'avoir des professionnels qui oeuvrent dans le domaine des enfants handicapés, en difficulté d'apprentissage ou d'adaptation sur ce comité-là. On ne l'a pas fait, M. le Président, une autre faille dans le projet de loi. Surtout, peut-être, M. le Président, le comité d'orientation de la formation du personnel enseignant, parce qu'on sait à quel point il est important que la formation des enseignants... En ce qui concerne les enfants handicapés, c'est les professeurs, les enseignants qui sont chargés de l'éducation de ces élèves avec des capacités et des besoins spéciaux. Et je regrette, personnellement, M. le Président, que la ministre n'ait pas jugé opportun d'inclure sur le comité d'orientation et de la formation du personnel enseignant quelqu'un qui, obligatoirement, oeuvre dans le domaine de l'éducation des élèves handicapés, en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage. Une question primordiale où on fait peu de progrès dans le projet de loi.

Je dois l'avouer, tout n'est pas nécessairement noir avec le projet de loi. Il y a une place, en particulier, où on fait un certain progrès, et il s'agit du plan d'intervention pour les élèves handicapés, contenu à l'article 96.9. On indique que c'est un ajout, une nouvelle notion. La question du plan d'intervention était toujours présente, mais l'ajout, c'est les mots suivants: «Ce plan doit respecter la politique de la commission scolaire sur l'organisation des services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage et tenir compte de l'évaluation des capacités et des besoins de l'élève faite par la commission scolaire avant son classement et son inscription dans l'école.»

Je dois avouer que c'est un progrès par rapport à la législation actuelle. C'est la première fois dans mon analyse que j'indique qu'il y a du progrès. C'est très mince, c'est très peu. Et, comme législateurs, on est toujours obligés d'évaluer les avantages et les inconvénients dans un projet de loi. À date, en ce qui me concerne et en ce qui concerne les élèves handicapés, je trouve plus d'inconvénients que d'avantages. Mais ça se trouve qu'à l'article 96.9 il y a un avantage, un certain progrès face à la situation actuelle.

Mais, par contre, cette notion d'un plan d'intervention, qui est très importante pour un élève handicapé, est complètement absente, si j'ai bien compris le projet de loi, en ce qui concerne les centres de formation professionnelle. Elle est présente dans les écoles par le biais de l'article 96.9 du projet de loi où on indique clairement que c'est le directeur de l'école qui a l'obligation de développer, d'établir un plan d'intervention; le directeur d'école. Mais on sait fort bien, dans la loi 180, qu'on établit des centres de formation professionnelle chargés de la formation professionnelle des élèves. Mais, dans les centres de formation professionnelle, toute cette notion du plan d'intervention pour un élève handicapé ou en difficulté d'apprentissage ou d'adaptation est complètement absente. Elle est complètement évacuée par le projet de loi n° 180. Une autre faille très importante, M. le Président.

On peut se réjouir que, du côté de l'école, tel que défini par le projet de loi n° 180, on ait un plan d'intervention pour les élèves handicapés, établi par le directeur de l'école avec consultation des professionnels et des parents impliqués, mais, du côté des centres de formation, le projet de loi est muet, et c'est tout à fait inacceptable. D'ailleurs, c'est la Confédération des organismes des personnes handicapées qui a insisté beaucoup, si ma mémoire est fidèle, sur la nécessité d'avoir des plans d'intervention d'accès pour la formation professionnelle. C'est un élément manquant, complètement insuffisant dans le projet de loi.

(17 h 10)

M. le Président, je ne sais pas combien de temps il me reste, mais je ne peux passer la question des budgets accordés. Je crois que c'est Napoléon qui a dit: La stratégie est importante, mais le tout est dans l'exécution. Alors, c'est vrai qu'avec la loi 180 on a la stratégie du gouvernement en ce qui concerne les services dispensés aux élèves handicapés, en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, mais le tout est dans l'exécution. Et on ne peut que déplorer les compressions massives que fait le gouvernement actuel en matière d'éducation et l'impact sur les programmes pour les élèves handicapés.

Et, à ce titre, je cite le même mémoire de la Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec qui, devant la commission parlementaire, a écrit ceci: «Les compressions budgétaires – c'est la page 16 de son mémoire, le 16 septembre 1997 – frappent durement les services en adaptation scolaire, compromettant dramatiquement l'accès adéquat aux ressources pour les élèves ayant des besoins spéciaux et affectant aussi l'égalité de leurs chances en éducation.» C'est des propos très durs tenus à l'égard de la situation budgétaire pour les élèves handicapés au Québec, des propos très durs de la part d'un organisme qui est très crédible dans le domaine des services aux personnes handicapées, qu'on ne peut pas négliger, M. le Président. Selon la COPHAN, nous sommes en train de compromettre l'égalité de leurs chances en éducation.

M. le Président, si le tout est dans l'exécution, ce gouvernement a vraiment manqué à son devoir. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous allons maintenant céder la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Avant l'entrée de jeu, c'est la première fois que j'ai l'occasion de constater le rétablissement de votre santé. Alors, bienvenue, bon retour et bon rétablissement.

À mon tour, j'aimerais participer dans le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives, Bill 180, An Act to amend the Education Act and various legislative provisions. Moi, je veux aborder cette question en regardant les quatre grands enjeux pour les parents du Québec parce que c'est avant tout comme porte-parole de notre formation politique en matière de la famille... En faisant la lecture d'un projet de loi qui est complexe, qui est difficile, j'ai essayé de cerner c'est quoi, les vrais enjeux pour les parents. Je dois déclarer dès le départ: J'ai un intérêt personnel dans ça, je suis un parent du Québec. Alors, quand je regarde ce projet de loi, quand j'essaie de cerner c'est quoi, l'impact réel sur la participation de nos parents dans la formation de nos jeunes, oui, j'ai un parti pris. Moi, j'ai un intérêt personnel, mais je viens de déclarer, je pense, que j'ai respecté toutes les normes de notre Législature.

Et, d'entrée de jeu, je veux parler, premièrement – on a discuté de ça déjà – de la question du rôle des parents. Quand j'ai entendu la ministre et le député de Bourget, quand ils ont donné leurs discours, que c'est comme révolutionnaire, le rôle que les parents vont jouer dans cette nouvelle réforme et ces conseils d'établissement, je regarde la réaction de la Fédération des comités des parents quand le porte-parole le plus important des parents, il dit qu'ils sont insatisfaits. Alors, où est la révolution, où est le grand bonheur avec l'annonce du projet de loi n° 180 quand les personnes qui sont appelées jour après jour à faire fonctionner nos comités d'école sont insatisfaites? Je me demande pourquoi. C'est quoi, les choses qui sont manquantes?

C'est parce que, premièrement, il y a l'enjeu que nous allons discuter en commission plus longuement, mais le fait que, surtout au niveau secondaire, nos parents vont devenir minoritaires sur les comités d'école. Alors, c'est une drôle de façon, une drôle de manière de dire aux parents: Vous allez être beaucoup plus importants, on va vous rendre minoritaires sur votre comité d'école... conseil d'établissement. Pardonnez-moi, je dois apprendre le nouveau lexique qui vient avec le nouveau projet de loi. Quand on n'a vraiment pas grand-chose à changer, on va changer le vocabulaire et ça va encore une fois confondre nos parents. Alors, sur le conseil d'établissement, tout d'un coup les parents sont minoritaires. Alors, c'est déjà quelque chose qui est curieux.

Et, quand je regarde ce que les parents ont demandé comme exigences, qu'ils veulent être consultés, et je dis «consultés»... Parce qu'il faut toujours, dans ce domaine, respecter le rôle des enseignants, respecter les pouvoirs des directeurs et directrices d'école, respecter les pouvoirs du ministre, du ministère de l'Éducation, respecter le rôle des commissions scolaires. Alors, ce n'est pas de dire que les parents doivent tout décider, tout contrôler. Mais au moins on regarde la liste, à mon avis, assez modeste de ce que les parents ont exigé comme pouvoirs consultatifs. Ils ont: voir le choix des matériels scolaires et didactiques, c'est quoi, les modalités d'évaluation des élèves. Ça, c'est des choses très terre-à-terre, des choses qui varient d'une école à l'autre, et je pense que les parents ont tout intérêt... mais ils sont écartés.

Moi, je pense qu'on peut ajouter, avec mon expérience dans notre comité d'école, qu'il y a beaucoup d'autres choses où les parents veulent avoir un mot à dire. Ce n'est pas à dire décisionnel, un droit de veto, mais ils veulent être consultés, entre autres, sur le choix du personnel, sur le régime pédagogique, sur les heures de la semaine, sur quelque chose d'aussi simple que: À quelle heure est-ce que l'école ouvre ses portes? Trop souvent, les parents sont complètement écartés du processus. C'est décidé soit par les exigences du transport scolaire, soit à la demande des enseignants, soit la commission scolaire qui décide... Mais, sur une question très pratique: À quelle heure est-ce que l'école ouvre ses portes? nous avons vécu ça chez nous. L'école secondaire ouvre ses portes, la première classe, à 7 h 45 le matin. M. le Président, ce n'était pas évident de faire lever les enfants, les habiller et préparer le lunch, et tout ça, pour arriver à l'école à 7 h 45. Alors, c'est quelque chose sur lequel il y avait beaucoup de parents qui voulaient commenter, et ils ont été écartés du processus.

On peut ajouter à ça: Quelle sera la première journée de classe à l'automne? Moi, je ne connais pas un parent, M. le Président, qui aime les classes avant la fête du Travail. Moi, je pense qu'un gouvernement pourrait être réélu simplement en disant: Pas d'école avant la fête du Travail. Mais, même sur une question aussi simple que ça – je fais une blague, et tout ça – notre comité d'école, notre commission scolaire, les représentants des parents disent à chaque année: On ne veut pas commencer l'école au mois d'août pour nous donner une semaine à la fin de février ou au début de mars, dans la pluie, pour trouver quelque chose à faire avec nos enfants. Notre préférence, c'est l'été, quand il faut beau, de garder nos enfants à la maison, et on commence l'école après la fête du Travail. Mais, sur une question aussi simple que ça, est-ce que les parents ont un mot à dire? Non.

Alors, c'est bien beau de m'arriver avec un conseil d'établissement maintenant, mais, si les parents n'ont pas plus de mots à dire sur ces genres de questions assez pratiques mais quand même importantes chez nous pour tous les parents au Québec qui doivent trouver une façon de faire garder leurs enfants pendant une semaine au mois de mars ou une semaine à la fin de février, ce n'est pas toujours évident. On n'a pas les services de garde; c'est un autre sujet sur lequel je vais revenir plus tard dans mon discours et c'est un autre sujet qu'on n'a presque pas touché du tout dans ce projet de loi dit révolutionnaire.

These questions are even more important for the linguistic minority in Québec because underpinning Bill 180 is a move from confessional to linguistic school boards. One of the bets that have been made by the English-speaking school community is that the protections afforded to a minority language school system are greater than those afforded to a confessional school system, and that the powers that are in section 23 of the Canadian Constitution will allow English-speaking parents, as minority parents in Québec, to have a greater role in the control and management of their school system.

And again, Bill 180 does not take this into account. and I think that it is up to the Minister and for her officials to go back, to look at things like the Manitoba reference case and the Mahé case which dealt with the rights of francophone parents in the Province of Alberta, to look at the case again and see what kind of powers will have to be transposed onto an English school system. Because what the majority decides to do with its school boards is one issue, but there will be obligations for the Québec Government, for the Minister of Education towards the minority language parents. These are not found in Bill 180; I don't think it has been taken into consideration. But, if you look at the Mahé decision, it says: Minority parents have something to say about the choice of personnel in the schools, the choice of the curriculum that is going to be used. Especially in culturally sensitive subjects like English and history, where the minority language has a literature, the minority community has a greater say.

So, these are some of the questions that are going to have to be addressed that are not addressed in Bill 180. But, as we move away from a confessional system and towards a linguistic system, these are questions that are going to have to be addressed in the legislation.

(17 h 20)

Donc, sur la question du rôle des parents, ça, c'est le premier enjeu pour les parents et je pense que le projet de loi laisse beaucoup à désirer, parce que, au-delà des belles déclarations qu'on veut privilégier la participation des parents, qu'on veut les favoriser, qu'on veut créer les conseils d'établissement pour souligner cette importance, pour beaucoup des vrais enjeux à la fois au niveau du projet éducatif de l'école mais également sur les petites choses pratiques, comment l'école fonctionne, les parents ne sont pas consultés aujourd'hui et ne seront pas plus consultés après l'adoption de ce projet de loi.

Le deuxième enjeu pour les parents, M. le Président, c'est la question du choix des parents. On a dit qu'il y avait, à cause de la présence des écoles privées, surtout dans la région de Montréal mais à travers le Québec, une certaine concurrence entre le secteur privé et le secteur public, et en réponse au développement dans le secteur privé on a vu le secteur public devenir avec une plus grande gamme de choix pour les parents. Alors, ce n'est pas l'école uniforme pour tout le monde. Il y a certaines écoles qui ont opté pour une vocation plutôt internationale. Dans mon comté, à l'école St. Thomas, il y a effectivement une école internationale qui a largement enrichi la communauté de cette école. C'est une école avec une école internationale à côté d'un programme normal ou régulier, et je pense qu'il y a un enrichissement de l'école dans son ensemble et il y a un enrichissement de la bibliothèque. Les parents sont plus engagés. C'est une bonne nouvelle pour tous les enfants à l'école, pas uniquement pour le volet international.

Ça, c'est une option. Il y a une autre option, une autre école secondaire tout près de chez nous, qui a une vocation beaucoup plus école de quartier, qui est le choix de plusieurs parents. Il y a une troisième école, Jean XXIII, qui a un programme de sports-études pour les jeunes qui aiment nager et étudier, et ça, c'est leur choix. Parce que c'est mon expérience, à moi, que tous les enfants sont différents, même chez nous. J'ai cinq enfants avec des besoins différents, avec des intérêts différents. Et de prétendre qu'un régime pédagogique, un modèle, une chose va répondre aux besoins de même tous mes enfants serait irréaliste, et, pour l'ensemble des enfants au Québec, oubliez ça.

Alors, je pense au sain esprit qui règne aujourd'hui à l'intérieur de nos écoles. Et, quand la ministre a parlé tantôt d'introduire cette notion d'un principe de proximité, alors tout le monde a dit: Ah, oui, c'est bon; il faut favoriser notre école de quartier, mais il ne faut pas que ça devienne un cheval de Troie qui va introduire que toutes les écoles vont devenir les mêmes, pareilles, uniformes, partout. Parce que, si on se dirige vers ça, je pense que ça va juste aider les personnes qui vont abandonner l'école du système public pour les écoles privées. Moi, comme parent, mon choix est toujours l'école publique; c'est ma préférence. Je respecte par contre les choix des parents qui décident d'envoyer leurs enfants dans les écoles privées.

Mais je pense que les écoles publiques doivent voir l'école privée comme un défi plutôt qu'une menace et de dire que, s'il y a des enfants... Et sur l'île de Montréal je pense qu'un élève sur cinq au niveau secondaire est maintenant dans le secteur privé. Alors, pour moi, il y a un message clair pour les écoles publiques, un grand défi: Comment est-ce que je peux faire pour attirer les familles et les jeunes à mon école? Alors, il faut voir ça comme ça, et, comme je dis, sur l'île de Montréal surtout – je suis plus familier avec la situation sur l'île de Montréal – la réponse de nos commissions scolaires et de nos écoles est d'avoir une gamme de choix. Alors, si votre jeune aime les sports, il y a des programmes de sports-études où il peut aller aux études et il peut participer à son sport de choix en même temps. Ça, c'est intéressant pour certaines familles.

Pour d'autres familles, peut-être qu'une école internationale fait leur affaire. Pour une troisième, peut-être que c'est l'école de quartier qui fait leur affaire. Moi, je pense qu'il faut regarder le projet de loi. Et, quand on tombe en commission, il faut toujours avoir à l'esprit la préservation de cette diversité d'options pour les parents. Parce que sinon, si on se dirige vers une école uniforme, ça va juste encore une fois encourager les parents à faire d'autres choix et à abandonner notre système d'écoles publiques, et ça, je pense que tout le monde ici est contre cette notion d'un abandon des écoles publiques.

So, the second issue, Mr. Speaker, is this question of protecting the choices for parents. One of the responses of the public school in Québec to developments in the last few years has been to come up with a range of choices, from local schools to international schools to public schools that look like a private school, that have a uniform with a shirt and a tie, and so on, and so forth. And I think it's very important, as we go through this bill, to make sure that the choices for parents are protected. My fear is that, by introducing this principle of proximity, by saying that people have a right to go to the school nearest to them, our schools will become uniform, we will cut out the choice of parents. I think it's in the interest of a healthy public school system that we preserve as many of these choices as possible.

Le troisième enjeu, c'est toute la notion de la gamme des services pour les parents à l'extérieur du régime pédagogique et les enseignants comme tels. Et, encore une fois, nous avons discuté ça à maintes reprises dans cette Chambre. Je vais revenir à la charge. Nos écoles d'aujourd'hui sont mal adaptées aux besoins des familles québécoises et on a ajouté quelques toutes petites miettes dans le projet de loi qui est devant nous. On a dit, enfin, qu'un membre du personnel des services de garde en milieu scolaire va être sur le conseil d'établissement. Pourquoi pas un parent? Alors, on dit: Pour le personnel des services de garde, il va y avoir un représentant sur le conseil d'établissement, mais les parents sont absents. Les parents peuvent s'arranger en tout temps, mais, si c'est important d'insister pour avoir quelqu'un du personnel de la garderie sur le conseil d'établissement, pourquoi pas un parent utilisateur? Pour moi, c'est une lacune très importante.

Autre chose que j'attendais... L'autre avantage, il y a le changement très subtil, dans l'article 88, où on a dit que, si le conseil d'établissement décide d'avoir un service de garde en milieu scolaire, la commission scolaire doit donner suite. Avant, c'était «peut» donner suite. Alors, il y a toute une montagne de différence entre «peut» et «doit», et je pense que nous devrions souhaiter le changement. Pourtant, avant le projet de loi n° 145, au printemps, nous avons établi, dans l'Assemblée nationale et nos règlements québécois, la définition de c'est quoi, un service de garde en milieu scolaire. Mais, avec la loi n° 145, au printemps, nous avons enlevé du projet de loi toute définition et toute référence à c'est quoi, un service de garde en milieu scolaire. Alors, moi, j'ai dit, comme porte-parole de l'opposition officielle en matière de garderies: Bon, j'arrive avec une grosse brique, le projet de loi n° 180, et la ministre va définir comme il faut c'est quoi, un service de garde en milieu scolaire.

Il n'y a rien, M. le Président, il n'y a rien quant à la notion de c'est quoi, un service de garde en milieu scolaire. Et on ne cherche pas des exigences énormes, on ne cherche pas tout un régime réglementaire, mais quelques principes de base doivent être définis pour nos enfants de cinq ans à 12 ans, comme nous avons fait pour nos enfants de zéro à quatre ans.

Par exemple, c'est quoi, la formation requise pour quelqu'un qui travaille avec nos jeunes avant et après les heures d'école? Nous avons, dans les garderies, les exigences quant à la formation. Pour les personnes qui travaillent en services de garde en milieu scolaire, on n'a rien dit. C'est quoi, nos exigences quant aux locaux? On a une notion de ratio entre le nombre de jeunes et le personnel après les heures d'école. C'est quoi, le rôle précis des parents dans la gestion de ces services de garde? Le projet de loi qui est devant nous est muet et je pense que ça, c'est un oubli.

Et on peut ajouter à ça tout l'arrimage pas uniquement des services de garde, mais la surveillance le midi, les programmes de devoirs. Je pense qu'on a une occasion en or, maintenant, de faire tout ça ensemble, peut-être, les services extrascolaires qu'un conseil d'établissement peut gérer. Peut-être que c'est le moment aussi, dans le projet de loi n° 180, de définir c'est quoi, ces services de garde extrascolaires mélangés. Au lieu d'avoir trois programmes distincts comme dans notre école primaire, peut-être que le monde qui gère le service de garde en milieu scolaire peut faire la surveillance le midi aussi et peut faire des recommandations au conseil d'établissement quant au réaménagement à l'école pour donner un meilleur service à nos jeunes.

Parce que nos écoles ne sont pas du tout, mais pas du tout adaptées. Juste comme l'exemple le plus simple, il n'y a même pas une cafétéria dans la plupart de nos écoles primaires qui sont appelées maintenant à fournir un repas à tous nos jeunes. Il n'y a pas de cuisine, il y a des micro-ondes, on fait des aménagements qui sont rarement efficaces. Alors, ça, c'est le troisième.

(17 h 30)

Le quatrième, très rapidement, c'est tout le discours sur le financement. Qu'est-ce qu'on a devant nous? Le vrai enjeu, dans l'éducation, c'est le désengagement de ce gouvernement envers l'éducation. Les coupures de 6 %, Mme Michèle Ouimet, récemment, dans La Presse , a déploré: L'école est-elle à vendre? Mais ce qu'elle constate, c'est uniquement: Si l'État n'est plus là pour donner les locaux et les matériaux éducatifs pour nos jeunes, c'est évident que les parents vont prendre la relève.

Moi, je suis chanceux, je viens d'un comté assez nanti, mais, même dans mon comté, il y a trois écoles où les parents ont vu les graffitis, ont vu le fait qu'il n'y avait pas de couche de peinture dans l'école. Alors, ils ont décidé de prendre les choses en main. Ils ont fait une corvée communautaire. Ils ont peinturé leurs propres classes dans leur école parce que ça ne se peut pas que nos jeunes... Et ça, c'est le résultat d'un désengagement progressif de ce gouvernement qui coupe dans les budgets de l'éducation, qui ne va pas entretenir nos écoles, qui ne met pas d'argent dans les bibliothèques de nos écoles. Le fait que nos jeunes doivent partager des livres, maintenant – il n'y a même pas un livre par enfant – moi, je trouve ça scandaleux, M. le Président!

Ça, c'est le résultat du désengagement d'un gouvernement qui trouve 60 000 000 $ pour les courses de chevaux, mais il n'est pas capable de remplir sa mission essentielle. Alors, au lieu d'acheter Blue Bonnets, on va prendre cet argent et on va mettre ça dans nos écoles, on va donner un coup de main pour nos bibliothèques d'école, parce que sinon c'est évident que les parents vont faire des corvées, c'est évident que les parents vont répondre à l'école et vont venir pour aider nos écoles. Mais la raison pour laquelle les parents sont obligés de le faire – et les choses sont constatées par Mme Ouimet dans son article – avant tout, c'est le résultat du désengagement de ce gouvernement envers nos écoles et l'éducation. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais quitter le siège pour permettre au président de rendre sa décision sur une question qui lui a été formulée ce matin. M. le Président.


Décision du président sur la recevabilité des questions de privilège soulevées par le leader de l'opposition officielle à la période des affaires courantes

Le Président: Alors, je suis maintenant prêt à rendre mes décisions concernant les questions de privilège, prenant la forme d'outrages au Parlement, que m'a adressées ce matin le leader de l'opposition officielle. Les deux cas soulèvent la même question, à savoir si une allégation d'avoir induit la Chambre en erreur peut constituer un outrage au Parlement, c'est-à-dire un acte susceptible de porter atteinte à l'autorité et à la dignité de l'Assemblée ou d'entraver les parlementaires dans l'exercice de leurs fonctions.

Tout d'abord, M. le leader de l'opposition officielle m'a fait parvenir un avis dans lequel il prétend que le ministre d'État des Ressources naturelles aurait, le jeudi 20 novembre dernier, induit la Chambre en erreur et ainsi commis un outrage au Parlement en déclarant, et je cite: «Si Hydro-Québec n'a pas congédié de monde, c'est parce qu'elle n'avait pas l'ombre du début d'un doute qu'il y avait du monde qui trafiquait de l'information.» Fin de la citation. Toujours selon le leader de l'opposition officielle, le ministre aurait déclaré plus tard à La Presse qu'un fonctionnaire avait été congédié pour avoir fait le commerce illicite de renseignements confidentiels. À l'appui de sa prétention, M. le leader de l'opposition officielle a joint à l'avis qu'il me faisait parvenir ce matin une copie d'un article du quotidien La Presse .

Il importe de rappeler qu'il n'appartient pas, en l'espèce, au président de statuer sur le fond de la question et ainsi de déterminer si le ministre d'État des Ressources naturelles a induit la Chambre en erreur. La question à laquelle doit répondre le président est de savoir si les faits invoqués par le leader de l'opposition officielle sont de la nature de ceux qui peuvent constituer un outrage au Parlement. L'allégation d'une intention délibérée d'induire la Chambre en erreur n'est pas un fait mais plutôt une prétention sur laquelle la présidence ne peut prendre appui pour décider de la recevabilité d'une question de privilège prenant la forme d'un outrage au Parlement. Un des principes fondamentaux qui doivent gouverner les délibérations de l'Assemblée nationale est codifié au paragraphe 6° de l'article 35 du règlement, qui prévoit que «le député qui a la parole ne peut imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole». Il s'agit donc d'une présomption selon laquelle la parole d'un député doit toujours être acceptée.

Comme je l'ai mentionné dans une décision rendue le 19 juin 1996, cette présomption en faveur d'un député ne peut être renversée que si celui-ci, lors d'une intervention, trompe l'Assemblée et, par la suite, reconnaît l'avoir délibérément trompée, commettant ainsi un outrage au Parlement. Cela est d'ailleurs démontré au-delà de tout doute par des précédents dans le monde parlementaire de type britannique, dont quelques-uns sont survenus ici, à l'Assemblée nationale du Québec. À cet égard, outre la décision précitée du 19 juin 1996, je vous réfère à une décision rendue le 19 octobre 1988.

En l'espèce, les faits invoqués par le leader de l'opposition officielle ne peuvent être considérés comme étant une reconnaissance, de la part du ministre d'État des Ressources naturelles, d'avoir délibérément induit la Chambre en erreur. Rappelons-le, la présidence n'a pas à déterminer s'il y a une contradiction entre les paroles prononcées en Chambre par le ministre et celles qu'il aurait prononcées à l'extérieur de l'Assemblée. La présidence doit simplement rechercher dans les faits qui lui ont été soumis s'il y a une reconnaissance non équivoque de l'intention délibérée d'induire la Chambre en erreur.

Rien dans les faits qui m'ont été soumis ne permet d'en arriver à une telle conclusion. Pour ces motifs, je déclare donc que les faits invoqués par M. le leader de l'opposition officielle concernant le ministre d'État des Ressources naturelles ne sont pas de la nature de ceux qui peuvent constituer un outrage au Parlement.

Concernant maintenant le deuxième avis que m'a fait parvenir M. le leader de l'opposition officielle. Dans cet avis, le leader prétend que le premier ministre aurait, le même jour, jeudi 20 novembre 1997, induit la Chambre en erreur et ainsi commis un outrage au Parlement en déclarant, et je cite: «S'il est vrai que l'État rend des services, obtient pour les rendre des informations confidentielles, il a l'obligation, bien sûr, d'utiliser tous les moyens à sa disposition pour les garder confidentielles.» Fin de la citation. De l'avis du leader de l'opposition officielle, le bureau du premier ministre aurait ensuite admis, le dimanche 23 novembre 1997, qu'il avait été impliqué dans une affaire de renseignements personnels. Une copie de ce communiqué a été jointe à l'avis que m'adressait à ce sujet ce matin le leader de l'opposition officielle.

Tout comme je l'ai rappelé dans la décision précédente, il n'appartient pas en l'espèce au président de statuer sur le fond de la question et ainsi de déterminer si le premier ministre a effectivement induit la Chambre en erreur. Encore une fois, la question à laquelle doit répondre le président est de savoir si les faits invoqués par le leader de l'opposition officielle sont de la nature de ceux qui peuvent constituer un outrage au Parlement.

En l'espèce, en m'appuyant sur les mêmes règles de droit parlementaire que celles exposées dans la décision précédente que je viens de rendre, j'en arrive à la conclusion que les faits invoqués par le leader de l'opposition officielle ne peuvent être considérés comme étant une reconnaissance de la part du premier ministre d'avoir délibérément induit la Chambre en erreur.

Tout comme je l'ai rappelé précédemment, je n'ai pas à déterminer s'il y a une contradiction entre les paroles prononcées en Chambre par le premier ministre et les propos contenus dans le communiqué de presse émanant de son bureau. Encore une fois, rien dans les faits qui m'ont été soumis ne me permet de conclure à une reconnaissance non équivoque par le premier ministre de son intention délibérée d'induire la Chambre en erreur.

Pour ces motifs, je déclare donc que les faits invoqués par M. le leader de l'opposition officielle concernant le premier ministre ne sont pas de la nature de ceux qui peuvent constituer un outrage au Parlement.

Alors, à ce moment-ci... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Tout en respectant l'article 40 de notre règlement, M. le Président, sans contester la décision que vous venez de rendre, tout le monde a été témoin du fait que le ministre de l'Énergie a fait une déclaration en cette Chambre, vous l'avez bien résumée, et qu'il a fait 15 minutes plus tard une déclaration complètement contraire à l'extérieur de la Chambre. Vous avez mentionné, dans votre décision, que vous ne pouviez en conclure que le ministre avait délibérément – et j'ai souligné le mot, et vous me direz si je l'ai fait à tort ou à raison dans votre décision – trompé la Chambre. Maintenant, disons que la Chambre a été trompée, quel remède s'offre à la disposition... Quel...

M. Jolivet: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement. Est-ce que, à ce moment-ci, le leader de l'opposition officielle... M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, il a parlé de l'article 40. J'ai bien compris, l'article 40 du règlement? Ce qu'on lit à l'article 40, c'est: «Remarques lors d'un rappel au règlement. Le président peut autoriser quelques remarques à l'occasion d'un rappel au règlement. Elles doivent se limiter à l'article invoqué et au point soulevé.»

J'aimerais savoir, à ce moment-ci, quel est le règlement que le député et leader de l'opposition utilise, puisque, à ce moment-ci, il fait de façon indirecte un appel à votre décision, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Si le nouveau leader du gouvernement avait continué sa lecture du règlement, il serait rendu à l'article 41 qui traite des appels de vos décisions. Il est, pour le moment, là, dans le cadre de l'article 40. Les deux peuvent se lire l'un par rapport à l'autre. M. le Président, nous en étions à vous demander une directive.

M. Jolivet: M. le Président...

Le Président: Non, je pense que, moi aussi, M. le leader... Je pense que les articles que vous invoquez, M. le leader de l'opposition officielle, de toute évidence ne paraissent pas pertinents pour vous permettre à ce moment-ci d'intervenir. Alors, si vous voulez intervenir, je vous prierais d'invoquer les bons articles.

(17 h 40)

M. Paradis: M. le Président, si vous ne voulez pas d'intervention en vertu de 40, si vous ne voulez pas d'intervention en vertu de 41, je vous rappellerai les us et coutumes de cette Chambre, qui ont été respectés par tous vos prédécesseurs sur ce banc, qui veulent qu'à l'occasion d'une décision de la présidence il soit permis aux leaders, autant du gouvernement que de l'opposition, de demander des éclaircissements et des directives à la présidence. Si le leader ne le sait pas, je peux concevoir que, vous, vous le savez, M. le Président.

M. Jolivet: M. le Président...

Le Président: Juste un instant, M. le leader du gouvernement. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, je ne m'inquiétais pas tellement de savoir en vertu de quel règlement... Parce qu'effectivement la tradition veut que le président permette aux deux leaders, éventuellement, de l'interroger sur le sens de sa décision, sur sa portée. Mais je ne voudrais pas, comme je l'ai déjà indiqué, que cette tradition soit utilisée, encore une fois – et je ne dis pas que c'est le cas actuellement – pour remettre en cause la décision de la présidence ou pour faire le débat que je n'autorise pas, à ce moment-ci.

M. Paradis: M. le Président, avec la même latitude que vous avez vous-même déjà reconnue dans le passé à ceux qui se sont levés dans des circonstances analogues, également vos prédécesseurs, simplement... On a un cas où un député a dit quelque chose à l'Assemblée nationale, tout le monde en a été témoin de l'autre côté: Il n'y avait pas personne à Hydro-Québec qui était impliqué là-dedans, c'était clean, c'était propre, etc. Quinze minutes après, devant les journalistes, le ministre dit – le député, là – exactement le contraire. Vous dites: Moi, je n'ai pas dans ce que vous m'avez soumis les éléments qui me disent que ça a été fait de façon délibérée.

Moi, je vous demande une directive, à ce moment-ci, M. le Président. Et dans le cas du ministre de l'Énergie et dans le cas du premier ministre – qui a fait exactement la même chose, mais, au lieu d'être 15 minutes, ça a été 48 heures plus tard, la contradiction – comment on peut, comme membres de l'Assemblée nationale, autant du côté ministériel que de ce côté-ci... On est obligés, en vertu du règlement, et vous l'avez souligné, de prendre la parole de celui qui parle en cette Chambre. Mais ça, c'est difficile à gérer avec ce qui se dit à l'extérieur quand c'est exactement le contraire.

Quels sont les mécanismes, si ce n'est pas la question de droits et de privilèges de l'institution et des parlementaires, de contrôle qui s'offrent à ce moment-là à vous comme président de l'Assemblée nationale parce que vous vous devez de défendre, en vertu du règlement et de la Loi sur l'Assemblée nationale, les droits et privilèges et de l'institution et des députés qui s'offrent à nous? Est-ce que c'est en vertu de l'article 316? Est-ce qu'on doit tenir une commission d'enquête pour savoir si ça a été fait de façon délibérée? Moi, si vous me dites qu'il n'y a aucun mécanisme ou règlement, j'aurai compris qu'il y a une grave lacune soit dans le règlement soit dans la décision, sans la contester, M. le Président. Si vous m'indiquez qu'il y a d'autres voies pour rétablir la vérité en cette Chambre et qu'on oblige les parlementaires à dire la vérité en cette Chambre parce qu'on oblige les gens à les croire, à ce moment-là nous introduirons la procédure appropriée.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur la question de règlement.

M. Jolivet: M. le Président, je suis un peu surpris que le leader de l'opposition, qui a beaucoup d'expérience en cette Assemblée, ne se rappelle pas qu'il y a des façons d'agir qui sont les suivantes: si la période de questions... Parce que le ministre peut avoir une réponse qu'il a, à ce moment-là, dans son âme et conscience la vérité. Il arrive que, en certaines circonstances, pendant la période de questions, une information lui provienne, parce qu'il n'avait jamais eu connaissance de cette information, et qu'il soit possible de la divulguer en donnant un complément de réponse, en demandant la permission pour le faire.

La première chose, c'est de faire ce que le ministre a fait. Au moment où il a su qu'il y avait d'autres choses pour lesquelles il n'avait aucune connaissance, puisque la période de questions était terminée, qu'il n'y avait pas moyen de revenir ici, il est allé le dire directement et ouvertement.

La deuxième chose, quant à la question du premier ministre, le leader de l'opposition a fait des insinuations qui, à mon avis, ne sont pas réelles, et, en conséquence, M. le Président, le moyen de le régler est de deux ordres: ou le député repose la question lors de la période de questions de demain ou il y a un complément de réponse de donné par quelqu'un, selon les procédures habituelles de notre règlement, M. le Président, et ça clarifiera la situation.

Le Président: Très rapidement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, il existe effectivement des mécanismes de protection pour les ministres. Si un ministre ne sait pas la réponse, il peut, en vertu de l'article 82 de notre règlement, à la période des questions, refuser de répondre. Quand le ministre répond, c'est parce qu'il prétend connaître et savoir la réponse.

Si jamais – pas une fausseté, M. le Président – une imprécision s'était glissée dans sa réponse et qu'elle n'était pas complète, l'article 80 prévoit qu'il peut y avoir réponse différée et complément de réponse. Ce sont les mécanismes à l'intérieur de la période des questions.

Mais, quand un ministre prétend le savoir, répond à l'Assemblée nationale du Québec qu'il n'y a rien à Hydro-Québec ou qu'il n'y a rien dans le bureau du premier ministre, et que, 15 minutes après, il déclare exactement le contraire – et, nous, on est obligés de prendre sa parole, ici; le règlement nous oblige d'un côté comme de l'autre – quels sont les gestes à l'intérieur de l'Assemblée nationale qu'il se propose, pas pour le député de Brome-Missisquoi, pas pour l'opposition officielle, pour les députés ministériels qui ont également été trompés, qui sont allés répéter ces choses-là dans leur comté, qui sont allés répéter ces choses-là dans leur comté tout au long du week-end et qui ont été trompés...

Le Président: Bon. À ce moment-ci, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, on va arrêter la comédie ici. Le député de l'autre côté le sait très bien. Ce que le ministre a répondu, c'était ce qu'il connaissait en son âme et conscience. Au moment où il sortait de l'Assemblée – parce que les moyens de communication sont rapides, puis les gens nous écoutent à la période des questions – il y a des gens qui l'ont informé qu'effectivement il s'était passé quelque chose qu'il ne connaissait pas au moment où il a donné sa réponse. Donc, il ne peut avoir trompé personne.

La deuxième, c'est qu'en contrepartie il ne nous a pas non plus trompés, et, dans ce contexte-là, M. le Président, je pense qu'on devrait arrêter cette discussion-là. Elle est inutile, à ce moment-ci. Des moyens sont prévus par notre règlement; qu'il les utilise s'il pense devoir les utiliser.

Le Président: Alors, dernière intervention. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je pense qu'on s'entend d'un côté comme de l'autre, et ça touche le coeur de votre décision, et je vais reprendre ma question de directive. Je pense que tout le monde s'entend que l'Assemblée nationale a été trompée. Là où vous avez insisté...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je pense que le député dépasse les bornes, à ce moment-ci. Le député peut prétendre des choses après les faits, mais il ne peut pas l'avoir fait au moment où l'individu l'a donné. Dans ce contexte-là, M. le député, je ne suis pas avocat, mais je comprends très bien le sens des mots, et personne n'a été trompé ici. Le ministre responsable a répondu ce qu'il connaissait en son âme et conscience et, après informations qui lui ont été données après, il a donné les informations pour éviter, justement, que le député, puisqu'on ne pouvait pas le faire ici, en cette Assemblée, soit d'une façon ou d'une autre mis dans des conditions inacceptables. Donc, M. le Président, je pense que votre décision, vous êtes capable de la rendre à ce moment-ci. Il n'est plus besoin d'argumenter.

Le Président: En terminant, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, je pense qu'on dit la même chose. Je vais éviter de... M. le Président, vous aurez compris...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Tout le monde aura compris qu'on dit que l'Assemblée nationale, de part et d'autre, a été trompée. Vous dites qu'elle n'a pas été trompée délibérément et c'est là-dessus que la...

M. Jolivet: Non, M. le Président.

Le Président: Je pense qu'il faut éviter de faire un débat. Le mot «tromper» a une portée qui laisse entendre qu'on le fait délibérément. On peut induire la Chambre en erreur de façon accidentelle, mais on ne peut pas tromper d'une façon qui n'appelle pas une intention coupable. Le concept de «tromper», c'est un concept qui, en soi, suppose – c'est ma connaissance ou ma lecture de la langue française – une intention coupable. Et, dans ce contexte-là, je vous prierais, M. le leader, d'utiliser plutôt une autre expression pour qualifier ce qui s'est produit à l'Assemblée.

M. Paradis: Moi, je m'excuse, M. le Président, à ce moment-là, d'avoir repris votre propre expression, parce que vous avez utilisé dans votre décision les mots «trompé délibérément». Et, quand vous avez ajouté le qualificatif «délibérément» après le mot «trompé», vous avez voulu qualifier l'intention ministérielle à ce moment-là.

Ce que le député de l'autre bord dit, M. le Président, c'est qu'il n'y avait pas d'intention de la part du ministre. Ce qu'on prétend de ce côté-ci, c'est que, quelle que soit la situation, l'Assemblée nationale n'a pas eu la vérité. Et comment peut-on rétablir cette exigence de base qu'ont les parlementaires des deux côtés de la Chambre d'obtenir à la période des questions, que ce soit une question ministérielle, ou une question de l'opposition, ou une question des députés indépendants, la vérité au moment où on pose une question? Et, si on ne peut pas invoquer – c'est là le sens de ma directive, M. le Président, suivant votre décision – une question de droit et de privilège, comment peut-on rétablir à l'Assemblée nationale le droit à la vérité?

Le Président: Écoutez, je crois qu'il y a d'abord l'article 35.6°, auquel on faisait allusion, qui doit être rappelé. Tout membre de l'Assemblée, finalement, parle et les autres collègues sont amenés, selon notre règlement, à accepter les paroles. Autrement dit, ce que les députés doivent dire, en fonction du code d'honneur que nous avons, ils doivent parler publiquement non pas avec la langue de bois ou de façon mensongère, mais ils doivent donner l'heure juste.

(17 h 50)

Et je crois que c'est arrivé souvent dans le passé que des députés pouvaient induire la Chambre en erreur sans nécessairement le faire délibérément. Évidemment, quand on induit la Chambre en erreur, à ce moment-là on ne peut pas prétendre que toute la vérité est à la connaissance de l'Assemblée. Mais, à ce moment-là, de deux choses l'une, et c'est ça que prévoit notre règlement. Vous avez utilisé des dispositions. S'il y avait eu preuve ou s'il y avait eu évidence qu'un membre de l'Assemblée aurait trompé délibérément, aurait induit délibérément et de façon volontaire l'Assemblée, la présidence aurait pu, à ce moment-là, accepter.

D'autre part, il y a toujours les dispositions des articles 315 et suivants qui peuvent être utilisées par un membre. À ce moment-là, l'article 316 est clair, et 315: par une motion, on peut mettre en cause la conduite d'un membre du Parlement, notamment pour reprocher à un membre «d'avoir porté atteinte aux droits et privilèges de l'Assemblée ou de l'un de ses membres». Mais, autrement, on ne peut pas demander à la présidence de statuer si chacune des informations qui sont communiquées par un membre ou l'autre de l'Assemblée, à chaque fois qu'il prend la parole, est exacte. On ne peut pas demander à qui que ce soit au fauteuil de statuer sur la véracité de tous les propos qui sont tenus en Chambre. La seule chose que notre règlement prévoit – et c'est des précédents, et c'est ce que j'ai rappelé – c'est que, dans la mesure où il y a évidence que quelqu'un a délibérément induit la Chambre en erreur...

Et il y a un cas célèbre en Grande-Bretagne, le cas Profumo, où finalement le député avait reconnu lui-même à l'extérieur et par la suite à l'intérieur de l'Assemblée ou de la Chambre des communes, à Londres, qu'il avait induit la Chambre en erreur. À ce moment-là, il n'y a pas de doute, c'est un outrage au Parlement. Mais, tant qu'il n'y a pas évidence de cette volonté, de cette espèce de mens rea, comme on l'utilise dans le jargon des avocats, je crois qu'à ce moment-ci il n'y avait pas d'autre décision à rendre que celle que j'ai rendue.

Encore une fois, je vous indique que nous sommes un forum public. À quelque part, la sanction ou le jugement qui doit être porté, c'est le jugement que nos concitoyennes et nos concitoyens portent sur les délibérations, sur les façons dont ces délibérations se tiennent et sur les informations qui sont communiquées au public à travers ces délibérations-là et éventuellement sur les interventions des uns et des autres pour questionner la véracité, pour tenter d'avoir plus d'informations ou d'aller plus loin sur une question.

À ce moment-ci, M. le leader de l'opposition officielle, je pense que c'est tout ce que je peux indiquer à l'égard de votre demande de directive.

M. Paradis: Oui. M. le Président, je vous remercie des indications sur la demande de directive. Les indications sont claires, et j'en sais gré à la présidence. Quant, maintenant, à l'application de ce qu'on appelle «la mens rea», est-ce que je comprends bien de la décision que vous venez de rendre qu'un ministre peut faire une déclaration en cette Chambre, dire exactement le contraire à l'extérieur de la Chambre 15 minutes plus tard et que, si la présidence n'a pas de preuve qu'il l'a fait avec la volonté de tromper l'Assemblée nationale, il n'y a, à ce moment-là, dans aucun cas ouverture ou question de droit ou de privilège?

Le Président: Voilà. Exactement. Et c'est à vous, et aux autres collègues, et également au public d'apprécier, par exemple, les explications qui viennent d'être données par le leader du gouvernement. Et vous reconnaîtrez que ce sont des explications plausibles. Moi, je n'ai pas à me prononcer, encore là, sur la véracité des faits. Chacun intervient publiquement, chacun intervient avec son honneur, ici, et tout le monde intervient en ayant l'obligation, selon notre code d'honneur, de parler en disant la vérité. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui. Juste pour terminer sur cette question-là, parce que le député, il a des façons de poser des questions qui insinuent des choses. Dans ce contexte-là, M. le Président, je ne peux pas accepter la façon dont il a posé la dernière question, dans la mesure où il ne peut pas dire qu'il y a eu tromperie quelque part; dans la mesure, comme je le dis. Le député-ministre répond ici avec son âme et conscience en vertu du règlement, on doit tenir compte qu'il a dit la vérité et je crois qu'il a dit la vérité. Il s'expliquera s'il le voudra.

Deuxièmement, quant au reste, les communications modernes, la façon dont les gens écoutent nos débats permettent... S'il y a malencontreusement une information qui a été donnée à la Chambre et qui peut être corrigée le plus rapidement possible, les moyens sont prévus dans notre règlement. Si on est encore en période des questions, on demande la permission au président d'accéder, avec la permission de l'opposition... de donner notre réponse immédiatement, puisqu'il y a des règles pour la question des réponses différées.

Dans ce contexte-là, M. le Président... Oui, avec l'assentiment. J'ai bien dit «avec l'assentiment». S'il n'y a pas d'assentiment, il doit attendre à la fois suivante. La fois suivante, c'est quand? C'est aujourd'hui parce que nous n'avons pas siégé depuis jeudi passé. Le ministre a utilisé plutôt un moyen qui était à sa disposition, c'est d'aller dire qu'il venait d'être mis au courant que l'information qu'il avait donnée n'était pas complètement correcte non pas par rapport à ce qu'il connaissait, mais par rapport à ce qu'était la réalité. Donc, dans ce contexte-là, M. le Président, je pense qu'il a choisi le moyen le plus approprié, le plus rapide pour donner exactement la réponse.

Le Président: Juste un instant, là. Je voudrais éviter que cette discussion autour de la décision que je viens de rendre finisse par être une façon détournée de faire ce qui est prévu aux articles 317 et autres. Autrement, finalement, si on veut mettre en cause la conduite d'un député, il y a des façons de le faire et, si on ne le souhaite pas ou si on ne veut pas, à ce moment-là le règlement nous oblige à prendre la parole des collègues.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Dans le sens de vos remarques et contrairement à celles du leader du gouvernement, il n'y a pas seulement que la période des questions où on peut revenir à la charge.

Vous avez indiqué, et je veux que ce soit clair dans la réponse à la directive que je vous ai demandée, qu'il existe également les articles 315 et suivants qui permettent à la vérité d'avoir droit de cité à l'Assemblée nationale.

Le Président: En tout cas, c'est au choix des membres de l'Assemblée de pouvoir mettre en cause la conduite d'un collègue, mais, à ce moment-là, il y a des dispositions pour le faire et il y a des conséquences à l'acte, aussi, de part et d'autre.

Alors, à ce moment-ci, est-ce qu'on peut s'entendre pour suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures? Alors, nous reprendrons le débat qui est en cours à ce moment-là, à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise à 20 h 3)


Projet de loi n° 180


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous reprenons la séance, ce soir, avec la poursuite du débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives. À ce moment-ci, je serais prêt à reconnaître un nouvel intervenant. M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole, au nom de l'opposition officielle, concernant le projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives, Bill 180, An Act to amend the Education Act and various legislative provisions.

M. le Président, la plupart de mes collègues qui ont déjà parlé sur le sujet ont eu l'occasion de faire le tour dans le détail, mais je me permettrais, comme entrée en matière, tout simplement de signaler certains des amendements les plus importants.

La première chose, M. le Président, que l'on note, c'est que le projet de loi accorde à chaque établissement d'enseignement, donc à chaque école, des fonctions et pouvoirs actuellement dévolus à la commission scolaire, que ce soit en matière de services éducatifs, de services extrascolaires ou de gestion des ressources humaines, matérielles et financières. Donc, on voit à cet égard, M. le Président, une certaine décentralisation des pouvoirs, ce qui en soi est une bonne chose parce que, tout comme en matière constitutionnelle, toujours bien en maintenant les grandes structures, il faut s'assurer que les services sont donnés au niveau le plus proche. On prévoit aussi que ces fonctions et pouvoirs seront exercés par un conseil d'établissement qui, dans le cas de l'école, viendrait remplacer le conseil d'orientation et le comité d'école.

Avec cette proposition-là, M. le Président, on se permet d'exprimer une certaine quantité de réserves. En effet, nous nous préoccupons du fait que d'aucuns pourraient percevoir cela comme constituant une diminution des pouvoirs des parents. Même si on est d'accord avec l'idée de décentraliser, il faut quand même s'assurer que les parents maintiennent un niveau de responsabilités, à l'intérieur de l'école, qui soit identique à ce qui existe à l'heure actuelle.

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi n° 180 institue un nouveau type d'établissement d'enseignement, à savoir le centre de formation professionnelle. Celui-ci sera chargé d'assurer la formation professionnelle, tant auprès des jeunes que des adultes, dans le cadre d'un nouveau régime pédagogique particulier. M. le Président, il s'agit là d'une idée fort intéressante, et, pour avoir eu l'occasion dernièrement, avec ma collègue la députée de Mille-Îles qui, même si elle siège en face, fait un excellent travail comme députée de comté... Elle a fait un travail extraordinaire pour l'ouverture d'une nouvelle école à Laval, et j'ai eu le plaisir de participer à cette ouverture, une école polymécanique.

Lorsqu'on rencontre les entreprises d'une manière régulière, lorsqu'on rencontre aussi ceux qui font l'embauche au sein de ces entreprises-là, on se rend compte qu'il y a souvent une maille qui manque dans le chaînon de la formation, c'est-à-dire que, même si on peut avoir une bonne formation au niveau universitaire et sortir des bons ingénieurs, il faut, par ailleurs, s'assurer qu'on a une bonne formation technique, ce qu'on ne peut trouver au niveau cégep. Mais aussi il y a des gens qui doivent avoir cette formation-là qui se situe juste en deçà du cégep, qui est aussi une excellente formation technique et qui vient pallier à ces carences au niveau de l'entreprise.

Ce dont il faut par ailleurs s'assurer, M. le Président – et je sais que la ministre est fort consciente de cette question-là – c'est qu'il y ait des passerelles qui existent entre ces divers niveaux pour ne pas que le jeune, par exemple, qui décide de faire sa formation initiale au niveau du cégep se trouve bloqué là ou que le fait d'aller faire une formation technique plus loin soit la fin des ses possibilités d'avancement. Je me souviens que, lorsqu'on a créé un comité, au moment où j'étais le président de l'Office des professions du Québec, pour s'assurer que les finissants de l'École de technologie supérieure puissent accéder à l'Ordre des ingénieurs, bien, c'était une heureuse initiative qui a rallié tous les membres du gouvernement de part et d'autre de cette Chambre tout en ralliant un bon appui dans le milieu professionnel. On avait jusque-là, à l'École de technologie supérieure, la possibilité, pour des finissants des cours longs, des cours professionnels cégep en matière technique, de parfaire leurs connaissances au niveau universitaire, mais ils n'étaient pas reconnus ingénieurs, malgré le fait que les études pouvaient s'y apparenter à très peu de chose près.

Ce qu'on a réussi à faire, en travaillant de concert avec l'Ordre des ingénieurs, c'est assurer qu'on montait le niveau d'enseignement pour qu'il soit conforme aux exigences des ingénieurs aux niveaux canadien et international, et maintenant, M. le Président, même si on a commencé au cégep technique, on peut accéder à l'ETS et appliquer ce qu'on a déjà appris, l'amener au niveau de l'ingénierie, et c'est une excellente chose. De la même manière, dans plusieurs autres sujets, je souhaite que le type d'enseignement particulier, le centre de formation professionnelle dont on parle ici va pouvoir offrir ces possibilités-là pour beaucoup de personnes qui n'auraient peut-être pas pu y accéder, pas pu utiliser toutes leurs possibilités, .

Le projet de loi prévoit, par ailleurs, qu'en concordance avec les changements que je viens de mentionner l'on modifie les fonctions et pouvoirs du directeur de l'établissement d'enseignement, de la commission scolaire, du ministre et du gouvernement ainsi que du comité de parents de la commission scolaire. Dans le dernier cas, il est prévu qu'il serait désormais formé de parents provenant des conseils d'établissement des écoles et d'un parent provenant du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage.

(20 h 10)

M. le Président, on va suivre avec beaucoup d'attention le cheminement de ce projet de loi là, car, comme dans tout projet de loi dans le domaine de l'éducation, il y a toujours des tenants de thèses différentes. C'est un sujet qui préoccupe évidemment les gens qui suivent les travaux de cette Assemblée, et malheureusement trop souvent les élus dans cette Chambre avaient tendance à envoyer leurs propres enfants à l'école privée, notamment au niveau secondaire. J'ai trouvé ça fort intéressant de faire cette constatation-là. Je tiens à mentionner que la ministre fait exception à cette règle; ses enfants ont toujours été à l'école publique, comme les nôtres d'ailleurs. Mais je trouve que c'est extrêmement important pour les élus de comprendre qu'au Québec on est dans une situation assez particulière, car ailleurs en Amérique du Nord – et je parle notamment de nos voisins du Sud, aux États-Unis – il est formellement interdit à l'État de verser un sou à une école privée, une école à vocation religieuse ou autre. C'est contre la loi, c'est contre la Constitution, la plus haute loi des États-Unis. C'est en vertu de l'interprétation faite de la Constitution américaine par la Cour suprême américaine qu'il est formellement interdit de verser l'argent.

Ici, au Québec, selon les circonstances, on verse grosso modo 50 %, 60 % de ce que l'on aurait versé à ce même élève s'il avait fréquenté une école publique. C'est donc un transfert massif de fonds publics vers des écoles proprement privées, et éventuellement je crois que la force des choses va faire en sorte qu'il y aura un questionnement de société sur ce phénomène-là. Mais on n'en est pas là pour l'instant, M. le Président.

Toujours est-il que, si on veut que l'école publique offre une alternative crédible aux écoles privées, il faut trouver des nouvelles formules. Et c'est un des aspects de ce projet de loi qui nous inquiète le plus parce qu'on n'est pas encore rassuré que c'est l'intention claire de ce gouvernement de permettre aux expériences qui existent à l'heure actuelle, pour les écoles internationales par exemple, de continuer. Comme le dit une des personnes qui ont analysé le projet de loi: Il ne faut pas percevoir un examen d'entrée comme étant un moyen d'exclusion. Un examen d'entrée basé sur les notes ou sur la capacité d'entreprendre un programme ne fait que s'assurer d'un certain degré de réussite. C'est sûr que les formules peuvent changer d'un endroit à un autre.

Ici, en Amérique du Nord, au Québec, on ne fait pas exception. L'entrée dans une faculté de médecine, l'entrée dans une faculté de médecine, l'entrée dans une faculté de droit, se fait par concours, à l'entrée. Il y a tantôt des examens qui sont bien cadrés, comme aux États-Unis, tantôt la cote z, ici, puis il y a une manière de s'assurer, dans la mesure du possible, que les gens qui peuvent entreprendre ces études-là avec la plus grande chance de réussite vont être les personnes qui vont rentrer. C'est une autre manière de faire.

En France, par exemple, une première année à la faculté de pharmacie, on va retrouver 1 500, 2 000 étudiants, tous admis dès qu'ils ont les exigences minimales de base, et le concours se fait à la fin de la première année. Il y en a juste 10 % qui vont réussir leur examen final. C'est une autre manière de faire les choses. Il n'y a pas une manière qui est plus correcte, en termes absolus, que l'autre. Mais ici, au Québec, on a toujours eu cette heureuse tendance d'avoir un examen du ministère qui vient s'assurer d'une certaine connaissance minimale, égalisée et pondérable, et on a aussi, au cours des dernières années, ouvert la porte de plus en plus à des expériences enrichissantes, et je ne cite que l'exemple des écoles internationales pour le connaître bien, dans ma propre famille. Je trouve ça extrêmement intéressant.

Donc, le projet de loi, tout en laissant une certaine place à ces écoles-là, du moins pour la poursuite des expériences qui sont déjà en cours, à notre point de vue n'est pas suffisamment précis en ce qui concerne la poursuite de ces activités-là et l'éventuelle création d'autres institutions. Jumelé avec nos autres remarques concernant le financement de l'école privée, M. le Président, il nous semble qu'il est opportun qu'on mette toutes ces questions sur la table et qu'on les étudie avec sérénité.

J'ai souvent entendu dire une sorte de phrase clé, qui était que le secteur des écoles privées était un secteur témoin et donc qu'il fallait l'encourager avec l'argent de l'État. Je ne demande pas mieux que d'être convaincu de ça, mais je n'arrive vraiment pas à comprendre pourquoi l'argent des payeurs de taxes de jeunes qui vont à l'école publique, leurs parents, devraient payer les taxes pour ceux qui vont à l'école privée. Dans ma manière de voir les choses, une école privée a toujours été une école privée, c'est-à-dire privée. Je vois difficilement pourquoi toutes ces ressources-là, au moment où on se parle, devraient aller là-dedans, surtout si on est capable d'encourager et d'enrichir l'école publique avec des programmes d'écoles internationales, des écoles spécialisées, et j'en passe. C'est là-dessus donc, M. le Président, qu'on va porter une attention particulière dans ce projet de loi pour s'assurer que les ouvertures que contient le projet de loi sont réelles et vont suffire à la tâche.

Mr. Speaker, Bill 180, An Act to amend the Education Act and various legislative provisions, provides a certain number of fundamental changes in our school system. It is to go along with the other changes that we've seen in the past couple of years, Mr. Speaker, and the result from the Estates General on Education, the result from years of hard work, from the many people in the education system, whether it be within the ministry itself or in other government departments or agencies.

In particular, Bill 180 provides that certain functions and powers presently exercised by school boards in connection with educational services, community services and the management of human, physical and financial resources will be transferred to individual educational institutions. These functions and powers are to be exercised by the governing board established for each educational institution. The governing board will, in the case of schools, replace the existing orientation committee and school committee. So, in that regard, Mr. Speaker, we are looking at a certain decentralization of the powers towards the school. Now to the extent that there will strong parental involvement in the management of the school, that type of decentralization can indeed prove to be a very positive element.

On the other hand, Mr. Speaker, there are certain other aspects of Bill 180 that are of great concern to our side of the House. For example, the bill provides for a new type of educational institution, and we are also providing that certain powers are to be exercised by the governing board established for each educational institution. In those two cases, Mr. Speaker, what we are looking at, we are concerned with the fact that Bill 180 might indeed be reducing parent responsibility in certain other ways. So, what we are seeing is a shifting of powers away from the school commission into the school itself, but within the school structure we are afraid that the administration might play a greater role than will the parents. And that is for us something that we are going to keep a very close eye on it.

The Bill also provides for consequential changes to the functions and powers of the principals of educational institutions, for the school boards themselves, Mr. Speaker, the Minister and the Government, and the role of the school board parents' committee. And that's where we are starting to be concerned where the parents come in. In the latter case, the committee will henceforth be composed of parents, of members of school governing boards and of one parent representing the advisory committee on services for handicapped students and students with social maladjustments or learning disabilities.

Mr. Speaker, the bill goes on to provide that certain powers and functions relating to school transportation are transferred to the Minister of Education. We came within a whisker to see it go to a regional government authority such as MRCs or municipalities during the summer, and it was good to see the Government back away from that.

The Bill also provides for the establishment of a programs council, a teaching resource evaluation committee, a teacher training program evaluation committee and a teacher training policy committee whose mission is to advise the Minister on the matters within their purview. Now, Mr. Speaker, one can only agree with the goal of evaluating teacher training programs. However, one of the most surprising aspects of this government's interventions in terms of deregulation over the past few months was the so-called Facal Committee Report, a committee put together by the Member of the National Assembly for Fabre.

The committee report, Mr. Speaker, contained an alarming proposition which testified to a profound ignorance of the fundamental structure of one of the most important institutions in terms of college education in this province, and I just like to take a minute, with regard to Bill 180 on this particular subject, to talk about that. Several years ago, the Government established a Commission to evaluate CEGEPs, la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, an excellent initiative, Mr. Speaker. The Commission in question, as its name indicates to everyone, except for the people who sat on that Commission of PQ deep thinkers who decided that they should propose to abolish it, the purpose of that Commission was, as its name would suggest, to evaluate the teaching that goes on in the CEGEPs. Having been, over the past several weeks, into numerous CEGEPs across the province, I can only say: that Commission is accepted, is respected, is wanted by administration, by teachers and by students who understand what's going on. For the first time across the province of Québec, we're going be able to look at the CEGEP teaching structures and say: Is there something going on that's valid in this CEGEP and how is it compared to what's being taught in other CEGEPs?

The fact that the people who put together that report failed to understand the difference between a Commission which has the authority to pronounce itself on something like the validity of education in the CEGEPs, and something like the Conseil supérieur de l'éducation which, they figure: Well, we'll just wrap this thing up and pitch it into the Conseil supérieur de l'éducation, because, what the hell, they both deal with education! So somehow they can be pushed together like two snowballs making one bigger one. It makes no sense and it really shows that they don't have a clue what they're doing on the other side of the House when it comes to evaluation in school programs or in the CEGEPs.

(20 h 20)

So I'm convince that the Minister of Education, who is coming up with what is actually an excellent idea to make sure that the teaching programs, the programs that are going to be training people before they're going to the schools, are actually teaching them something that is valid. Do they know how to read and write French or English according to the case? Can they actually know the subjects that they're going to be asked to be teaching? That makes sense. The Minister is on the right track with that.

What makes no sense is to see our colleagues across the way propose the abolition of the Commission and its integration into a structure that is merely a consultant. It's an advisory body. You don't send a Commission that is supposed to be evaluating something into an advisory body. But it's that type of facile, very superficial analysis that we've grown used to with the Parti québécois Government and the so-called deregulation committee, this committee that is supposed to provide some sort of purview and overview of the structures of Government and come up with recommendations to lighten the load of Government on people. What we can see, Mr. Speaker, it's simply one more straw man set up to be knock down. It's just something else that this Government has come up with, it's just another report to be laid on the table, and I very much regretted to see that my colleague, the Member of the National Assembly for Fabre, would allow his name to be put on that sort of report. It was simply a sign, as far as we're concerned, of incompetence and inability to understand the structure of government and the purposes of various government agencies and organizations and the very basic difference that exists between a Commission d'évaluation, an evaluation committee, an assessment board, and something that is there to provide counsel, advice, an advisory body, a consultative body like the Conseil supérieur de l'éducation.

So, to the extent that my colleague from Fabre came within a whisker of making it to the Conseil des ministres, to the Executive Council last time, I'm glad to see that the Ministry of Education is still there, at the very least, and he hasn't quite made it yet, although, when I look at the quality of the interventions of his colleague from Vimont, whose vast understanding of the functioning of the city of Laval has been now laid before the public in the newspapers recently, and the brilliant and talented Minister of Justice from the other riding in Laval, of Laval-des-Rapides, well then, again, maybe by comparison, if we still have to have someone in Cabinet from Laval, my colleague from Fabre still does have a chance, Mr. Speaker.

With regard to individual programs that do exist in the schools and the ability of the school system to provide innovative and interesting programs, it's very reassuring for us to see that the Minister is at least showing some openness for the maintenance of things like international schools; it's a very good idea. What we're a little bit concerned about is that the Bill will eventually sap the financial ability of those programs to exist separately. We're also quite concerned that, in areas where the average revenue is quite a bit lower, the parents will have a lot more trouble coming up with the fresh funds, because let's not kid ourselves, Mr. Speaker, what we're looking at here is another way for the Government to say: Well, we've cleaned up public financing. But what they're in fact saying is that, on a school by school level, on a parent by parent level, even though your kids are in public school, the Government's going to be taking a bigger slice out of your paycheck.

Now, parents who are able to do that will of course be willing to do it because they realize the importance of education. What we're quite concerned about, though, is that in underprivileged areas, parents will not be able to follow pace and, instead of doing something constructive in our society to make sure that the schools and the children in those underprivileged areas are given an extra leg up so that they can keep up the standards and have a better chance of bringing themselves forward in life, we're afraid that it will produce the opposite effect.

So, for those reasons, for now, Mr. Speaker, on this side of the House, we're withholding our approval of this Bill, but we're going to wait to see what kind of changes the Government is going to bring forward. Thank you very much.

Le Président: Merci, M. le député de Chomedey. M. le député de Lotbinière.


M. Jean-Guy Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour, j'ai l'honneur d'intervenir sur le projet de loi n° 180, la Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique. Auparavant, M. Président, permettez-moi de revenir sur certaines affirmations malheureuses du député de Châteauguay en début de séance, la première voulant que la ministre actuelle ne respecte pas ses engagements envers les étudiants des universités sur les droits de scolarité.

Je rappellerai au député de Châteauguay que nous avons respecté tous nos engagements électoraux là-dessus. Nous avons promis de geler les frais de scolarité lors de notre mandat et nous l'avons tenu. Je rappellerai aussi que les étudiants se rappellent que les libéraux ont trahi, eux, leur confiance en augmentant de 27 % en moyenne, de 1989 à 1994, les frais de scolarité. Durant leur mandat, ils ont augmenté les frais de scolarité de 140 %, donc plus que le double, comme le déficit de la province. Donc, en matière de crédibilité, le député de Châteauguay est aussi crédible en matière d'éducation que le député de Laporte l'est en matière de finances publiques.

Je rappellerai aussi, M. le Président, que le député de Châteauguay déplorait l'absence du critique de l'éducation, donc on faisait le débat sans lui. Bien, écoutez, je pense qu'il faut lui rappeler que la première responsabilité des parlementaires, c'est d'être en Chambre, donc on n'a pas à attendre que le député et critique soit ici pour faire le débat. En plus, le député de Jacques-Cartier, je pense qu'il nous a révélé un élément important de la plateforme du Parti libéral pour les prochaines élections en matière d'éducation. Il nous a dit qu'il souhaitait qu'il n'y ait pas d'école avant la fête du Travail. Nos jeunes vont être très heureux de ça, mais je pense que ces éléments-là sont un peu légers.

Maintenant, mon intervention va porter surtout sur la place des enseignants dans le projet de loi que Mme la ministre a présenté, donc l'intervention sous l'angle de la place des enseignants, comment on les interpelle dans le projet de loi et comment on veut les responsabiliser. Pour ce faire, je vais comparer la loi actuelle avec le projet de loi. Les enseignants, au point de vue de l'autonomie en classe, dans la nouvelle loi, auront... Comme disait Mme la ministre, la classe, ce sera une zone entière d'autonomie pour l'enseignant et l'enseignante. Il faut reconnaître ça à un triple niveau parce que j'ai été enseignant, et que je suis parent, et qu'en plus je suis un législateur. Donc, l'intérêt à ce niveau-là, c'est mon intérêt personnel comme l'intérêt collectif du Québec. Un enseignant qui a pleine autonomie dans sa classe, c'était aussi dans la loi actuelle, mais notre projet de loi vise à réactualiser justement cette volonté-là. Donc, c'est vraiment le professeur, l'enseignant qui a l'autonomie de sa classe, l'autonomie professionnelle de sa classe.

Maintenant, on se rappelle aussi que les enseignants au Québec n'avaient pas grand mot à dire au niveau des commissions scolaires, n'étaient pas, justement, partie prenante, n'avaient aucune responsabilité ni pouvoir décisionnel au niveau de la commission scolaire. En ramenant le pouvoir et surtout les responsabilités au niveau de l'école, les enseignants auront plus de responsabilités, et je vais vous en faire part, M. le Président. Dans la loi actuelle, ils n'ont aucune responsabilité à ce niveau-là. Ils auront, dans le nouveau projet de loi, les responsabilités suivantes: les enseignants et les enseignantes vont pouvoir participer à l'élaboration des propositions que la direction doit soumettre au conseil d'établissement, donc de concert avec les directeurs d'établissement, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ils vont pouvoir aussi participer aux pouvoirs décisionnels du conseil d'établissement sur la politique d'encadrement des élèves, sur les modalités d'application du régime pédagogique, sur le temps alloué à chaque matière et sur la mise en oeuvre des services complémentaires et particuliers. Ce sont là des responsabilités qu'ils n'avaient pas auparavant. Donc, le conseil d'établissement va leur permettre d'avoir ces responsabilités et de les assumer. On les interpelle fortement pour ça.

Aussi, ils vont pouvoir formuler des propositions pour approbation par la direction de l'école sur les items suivants: les programmes d'études locaux, c'est-à-dire dans chacune des écoles, dans leur conseil d'établissement. Tous les critères d'implantation des nouvelles méthodes pédagogiques, ils vont pouvoir les établir, travailler de concert avec la direction de l'école et les soumettre au conseil d'établissement. Ils vont participer aussi au choix des manuels scolaires et du matériel didactique. Ils vont aussi participer aux normes et aux modalités d'évaluation des apprentissages de l'élève. Et enfin, ils vont faire partie justement du comité pour les règles de classement des élèves et le passage d'un cycle à l'autre au primaire. Donc, ce sont là des responsabilités qui vont être confiées au conseil d'établissement, et les enseignants et les enseignantes feront partie entièrement de la décision.

(20 h 30)

Dans la loi actuelle, maintenant, on sait que les enseignants et les enseignantes sont consultés par la commission scolaire pour un certain nombre de pouvoirs. Ils vont continuer à être consultés, les enseignants, sur les pouvoirs qui demeurent ceux de la commission scolaire, donc ceux auxquels la ministre, dans son discours d'entrée, a fait allusion. Donc, vous voyez, M. le Président, que ces nouvelles responsabilités pour les enseignants et les enseignantes sont extrêmement importantes et qu'ils vont pouvoir jouer un rôle accru sur le conseil d'établissement de chacune des écoles. Donc, on les interpelle fortement à jouer ce rôle-là, à y participer, et c'est là une des économies de la loi, et nous en sommes très fiers parce que je pense que, comme enseignant, j'aurais aimé faire partie justement des décisions de mon école, de mon environnement immédiat. Donc, ils ont là, les parents aussi, une participation accrue. La communauté et les centres de formation professionnelle, maintenant, qui vont pouvoir, eux aussi, agir avec le socioéconomique, c'est-à-dire les représentants, les entreprises, et faire l'adéquation entre le théorique et le productif.

M. le Président, il m'a fait extrêmement plaisir d'intervenir sur cet important projet de loi pour la société québécoise, pour la réussite éducative de nos jeunes, et aussi on se fie fortement à la participation responsable de nos enseignants et de nos enseignantes pour ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Lotbinière. Mme la députée de La Pinière, maintenant.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'intervenir sur le projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives. L'éducation a toujours été au centre des préoccupations du Parti libéral du Québec, c'est également l'une de mes principales priorités comme députée de La Pinière. En effet, dans le comté de La Pinière et plus largement sur la rive sud de Montréal, une sous-région avec laquelle la ministre est assez familière, puisque son comté s'y trouve, nous avons des écoles parmi les plus performantes au Québec, des écoles dans un milieu où la diversité culturelle et linguistique est admirablement bien gérée et bien intégrée, soit dans des projets éducatifs spécifiques ou dans des écoles à vocation particulière.

Dans les notes explicatives du projet de loi n° 180, on peut lire que «ce projet de loi propose une restructuration des pouvoirs, des responsabilités et des rapports entre les établissements d'enseignement, la commission scolaire, le ministre de l'Éducation et le gouvernement. C'est ainsi que le projet accorde à chaque établissement d'enseignement des fonctions et pouvoirs actuellement dévolus à la commission scolaire, que ce soient en matière de services éducatifs, de services extrascolaires ou de gestion des ressources humaines, matérielles et financières. Ces fonctions et pouvoirs seront exercés par un conseil d'établissement qui, dans le cas de l'école, viendra remplacer le conseil d'orientation et le comité d'école. Par ailleurs, le projet institue un nouveau type d'établissement d'enseignement, à savoir le centre de formation professionnelle. Celui-ci sera chargé d'assurer la formation professionnelle tant auprès des jeunes que des adultes dans le cadre d'un nouveau régime pédagogique particulier.»

M. le Président, la ministre, dans son intervention cet après-midi sur l'adoption du principe du projet de loi n° 180, a dit qu'elle cherchait, par ce projet de loi, à améliorer la formation et l'encadrement des élèves et à ramener le niveau de responsabilité le plus près possible du lieu où se passe l'action, c'est-à-dire les établissements scolaires. Quand on regarde ce projet de loi et quand on le lit, on se rend compte que la ministre n'a certainement pas pris les bons moyens pour atteindre ses objectifs. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la ministre n'a pas pris les bonnes dispositions pour ce faire. En réalité, ce que la ministre propose, c'est encore un réaménagement de structures, un réaménagement de partage de pouvoirs qui concrètement, sur le terrain, sème déjà de nombreuses inquiétudes chez les parents et dans le milieu de l'éducation en général.

Alors, de quoi s'agit-il dans ce projet de loi? D'abord, la ministre abolit le conseil d'orientation et le comité d'école pour les remplacer par un conseil d'établissement où les parents qui sont concernés au premier chef par l'éducation de leurs enfants perdent le contrôle au profit des autres intervenants, notamment le personnel scolaire. Cette restructuration des pouvoirs donne l'impression que les établissements scolaires ont plus d'autonomie, ont plus de responsabilités. Mais de quelle autonomie s'agit-il si les parents qui sont concernés au premier chef par l'éducation n'ont plus le choix des écoles qu'ils veulent pour leurs enfants? Parce que désormais, M. le Président, en vertu de ce projet de loi n° 180, la ministre exige que les enfants s'inscrivent dans leurs écoles de quartier.

Dans notre système actuel d'éducation, les parents sont présents au conseil d'orientation de l'école et participent précisément à en déterminer les orientations, à définir les projets éducatifs de l'école. Ils avaient une voix prépondérante au sein de l'école, ils avaient leur mot à dire sur une foule de décisions, notamment la révocation d'un acte d'établissement. Avec la disparition du comité d'école, selon le projet de loi n° 180, avec la disparition du conseil d'orientation et leur remplacement par les conseils d'établissement, la représentation des parents a chuté de façon sensible et a été ramenée au même niveau paritaire que le personnel de l'école. Si la ministre y voit un avantage, moi, comme parent, j'y vois une perte de pouvoir pour tous les parents du Québec qui participent activement à faire de leurs écoles des milieux de vie et de réussite scolaire pour leurs enfants.

(20 h 40)

D'ailleurs, la ministre le reconnaît elle-même, puisqu'elle admet qu'elle a apporté des modifications à l'avant-projet de loi suite à la commission parlementaire de septembre dernier. Or, dans l'avant-projet de loi qui a fait l'objet de la consultation, les parents avaient la majorité au conseil d'établissement. Qu'est-ce qui s'est passé entre-temps et qui a amené la ministre à marginaliser le poids quantitatif des parents au sein du conseil d'établissement? Car, sur les 20 membres de ce conseil, seuls quatre parents y siégeront; les autres sont, à des niveaux différents, des représentants du personnel scolaire, y compris le personnel enseignant. L'un des commentaires que j'ai entendus le plus souvent venant des gens du milieu de l'éducation, c'est que la ministre a sacrifié les véritables besoins de l'école et des parents pour s'ajuster aux commandes qu'elle a reçues de la Centrale de l'enseignement du Québec, la CEQ.

Au niveau opérationnel, ce conseil d'établissement, qui est une instance décisionnelle, peut s'avérer assez lourd et difficile à faire fonctionner si les consensus tardent à se dégager. Par exemple, au niveau de l'approbation des budgets et de la gestion des bâtiments, ce sont les commissions scolaires qui sont mandataires auprès du ministère de l'Éducation. Par exemple, dans mon comté, la commission scolaire de Brossard a une entente avec la ville qui lui permet de gérer adéquatement l'espace-école. Durant les cours, c'est la commission scolaire qui en dispose et, en dehors de la classe, c'est la ville qui gère les établissements en fonction d'une politique de location de locaux aux groupes communautaires, sportifs et socioculturels accrédités. Qu'en serait-il s'il fallait que des consensus ne se dégagent pas sur l'approbation des budgets et sur la location des locaux à tel ou tel organisme?

M. le Président, le projet de loi n° 180 modifie aussi le rôle du directeur d'école, rôle qui s'alourdit avec de nouveaux mandats, mais sans aucune garantie de ressources supplémentaires. En parlant avec un directeur d'école dans mon comté, il m'a dit: C'est bien beau, la décentralisation, mais il faut aussi décentraliser les ressources au niveau de l'école. Et il a ajouté: Si j'ai un toit de mon école qui coule, et si en même temps je dois participer à une réunion pédagogique, et si au même moment un élève indiscipliné attend à ma porte, il y a un ordre de priorité qui va s'établir tout seul. Il faut d'abord parer aux urgences. Voilà la réalité concrète de ce que cela signifie, la décentralisation, à la façon dont la ministre veut l'implanter. Alors, on peut se demander: Où sont les ressources additionnelles qui doivent accompagner cette restructuration des pouvoirs?

Depuis que ce débat entourant le projet de loi n° 180 est dans l'air, de nombreuses inquiétudes se sont exprimées. Pas plus tard qu'il y a trois jours, en fin de semaine, j'étais invitée au festival des nations, à l'école Saint-Lawrence de Brossard, une école primaire de quelque 600 élèves dont le tiers de la clientèle est composé d'élèves certifiés et les deux tiers suivent le programme en français. Les enfants sont intégrés en classe et suivent des cours ensemble. Les élèves anglophones suivent des cours d'anglais dès la deuxième année du primaire, alors qu'ils sont placés à la maternelle et en première année en classe d'immersion française, immersion totale.

Les élèves francophones, par ailleurs, suivent des cours d'anglais au deuxième cycle du primaire, c'est-à-dire en quatrième, cinquième et sixième, et, au terme du primaire, la très grande majorité des enfants est pratiquement bilingue. La beauté de la chose, c'est que tout cela se passe dans l'harmonie. Les parents, les élèves, la direction de l'école, le personnel enseignant sont très près de la vocation particulière de leur école et veulent la garder telle quelle parce qu'elle fonctionne bien, parce qu'elle donne de bons résultats et parce qu'elle est un exemple de coexistence harmonieuse entre les communautés francophone, anglophone et les communautés d'origines diverses.

Or, de quoi est-ce qu'on m'a parlé, M. le Président, en fin de semaine? De leurs inquiétudes. Les parents se demandent s'il faut aller avec la commission scolaire francophone ou avec la commission scolaire anglophone, s'il faut sauvegarder la vocation particulière de leur école comme école bilingue offrant des services qui répondent aux attentes des parents. Et l'école Saint-Lawrence est un modèle dans ce domaine.

Voilà donc que le projet de loi n° 180 vient semer la controverse dans des écoles qui ont réussi à établir des projets particuliers et une vocation particulière qui méritent non seulement d'être maintenus, mais également d'être partagés avec d'autres écoles. Les enseignants et la direction de l'école Saint-Lawrence en particulier sont prêts à tout faire pour sauvegarder la vocation bilingue de leur école. J'espère que la ministre de l'Éducation va entendre mon message et va tout faire pour sauvegarder la mission de cette école.

Ils ne veulent pas perdre leurs acquis, à l'école Saint-Lawrence. Une enseignante qui a ses enfants dans cette école m'a dit qu'elle ne comprenait pas pourquoi la ministre voulait imposer un zonage scolaire pour forcer les élèves à s'inscrire dans l'école de leur quartier. Elle m'a donné son propre exemple. Elle m'a dit: Moi, j'enseigne ici, à Saint-Lawrence, mes enfants étudient ici, pourquoi exiger d'inscrire mes enfants dans une école de mon quartier, tout près de chez moi, si la seule raison que la ministre peut me donner c'est la proximité? Moi, je fais le choix de l'école en fonction des intérêts de mes enfants.

En effet, qu'est-ce que la ministre peut faire pour permettre aux parents de choisir l'école en fonction de leurs attentes et des besoins de leurs enfants? Pourquoi vouloir limiter cette liberté de choix quant à l'école de quartier en particulier?

Le même problème se pose pour d'autres écoles de mon comté où nous avons des petites écoles, notamment l'école participative, l'école La Tourterelle. Ce sont des petites écoles de 120 élèves qui fonctionnent bien grâce à la concertation des représentants des parents, des enseignants et des élèves, de la direction de l'école et qui visent, par une pédagogie basée justement sur les besoins des enfants, la réussite pour tous. Les gens sont inquiets par rapport à la sauvegarde de la mission de leur école comme une école à vocation particulière.

La ministre, d'après ce que nous avons entendu, veut mettre la clef dans les écoles à vocation particulière sous prétexte qu'elles sélectionnent les élèves. Mais cette sélection ne se fait pas en fonction du niveau de la richesse, M. le Président, elle se fait en fonction des besoins des enfants et des parents. Les élèves ne constituent pas un groupe monolithique; ils ont des rythmes d'apprentissage différents, ils ont des centres d'intérêt différents, ils ont des goûts différents. Pourquoi vouloir niveler l'école par le bas? Qu'est-ce que la ministre a contre l'excellence, contre la performance, contre la réussite scolaire? Que cette excellence, que cette performance soient dans l'école publique commune, tant mieux! Qu'elles le soient dans d'autres écoles, et pourquoi pas! Pour ma part, j'adhère au principe de l'équité et de l'égalité des chances. Mais l'égalité des chances implique que le gouvernement offre un enseignement de qualité à tous les élèves, et c'est aux parents de choisir l'école qu'ils veulent pour leurs enfants.

Alors, quand on parle d'égalité des chances, cela ne signifie pas qu'il faille priver tous les parents et les élèves qui veulent aller un peu plus loin de la possibilité de le faire. Or, c'est exactement ce que la ministre entend faire avec les écoles internationales. Il y en a sept au Québec. Limiter leur expansion revient à dire que c'est leur mort à brève échéance. Il y a énormément d'inquiétude, M. le Président, dans les milieux des écoles internationales. Les parents, les élèves m'écrivent, pour ce qui est de l'école internationale Saint-Hubert, parce qu'ils ne savent pas vraiment de quoi demain sera fait, avec les commentaires et les messages que la ministre a envoyés dans la population.

(20 h 50)

M. le Président, les écoles internationales ont fait leurs preuves. Elles répondent à des besoins et à des attentes bien précises de la part des parents. On peut être fiers de voir que c'est l'école publique commune qui a réussi justement à développer des écoles à vocation particulière, des écoles qui peuvent se mesurer en termes de qualité avec des écoles au plan international. Quand on sait qu'on estime à 15 ans l'exigence minimale du marché du travail de l'an 2000, 15 ans de scolarité, pourquoi est-ce qu'il faudrait nécessairement empêcher les écoles internationales de se développer? Parce qu'il y a là un énorme potentiel, et les parents en veulent des écoles internationales. C'est un modèle à consolider au lieu de vouloir nécessairement le limiter.

J'ai eu l'occasion, M. le Président, de participer au comité qui a travaillé à l'élaboration d'un rapport qui a été remis en 1994 au ministre de l'Éducation de l'époque; ce rapport s'intitule Préparer les jeunes au 21e siècle . Préparer les jeunes au 21e siècle, ça doit être la mission essentielle de l'école publique au Québec. Ça devrait être aussi la mission essentielle de la ministre. Je sais qu'elle transportait avec elle ce rapport-là, et elle m'a dit qu'elle s'en était inspirée, donc elle en a pris connaissance. Or, qu'est-ce que disait ce comité de travail qui a présenté le rapport Préparer les jeunes au 21e siècle ? C'est de permettre à l'école de se centrer sur sa mission essentielle, sur les matières essentielles, de permettre aux jeunes de performer, de développer leurs aptitudes et leurs compétences dans tous les domaines qui leur sont d'intérêt, pas nécessairement limiter leur potentiel, mais de leur donner les chances de le développer par tous les moyens, par toutes les approches pédagogiques les plus adaptées dépendamment de leurs besoins. C'est ce qu'on souhaiterait que la ministre entende et qu'elle puisse prendre note des commentaires de l'opposition officielle pour faire en sorte qu'on puisse avoir un projet de loi qui va dans l'intérêt des parents et des élèves et non pas dans l'intérêt de la ministre de l'Éducation, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la députée de La Pinière. M. le député de Marquette. Je crois, M. le député, que vous intervenez au nom de votre formation politique, alors je pense que vous avez les 60 minutes à votre disposition.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je pense qu'il est important à ce moment-ci de rappeler le point de départ de toute l'opération de la soi-disant réforme en éducation menée par l'actuelle ministre de l'Éducation et initiée et amorcée par son prédécesseur, le député de Lévis. On se rappelle qu'il y a eu un processus des états généraux qui a été enclenché par le gouvernement du Parti québécois, qui a duré environ 18 mois, qui devait conduire à une réforme en éducation. Et le député de Lévis à l'époque et la ministre de l'Éducation ont répété combien de fois que ça ne serait pas une réforme de structures. Le ministre du Travail et député de Matane s'en rappelle sûrement, il avait la même préoccupation que moi.

Pourtant, 18 mois plus tard, après le dépôt du rapport des commissaires des états généraux de l'Éducation, on regarde l'objectif que s'est fixé la ministre de l'Éducation. Dans un document qu'elle déposait en début d'année, si ma mémoire est fidèle, et intitulé Prendre le virage du succès , elle se fixait comme objectif ce qui suit. Elle disait à la page 1 de son document: Le coup de barre à donner consiste à passer de l'accès du plus grand nombre – résultat de la réforme des années soixante suite au dépôt du rapport Parent – au succès du plus grand nombre. L'objectif que s'est fixé la ministre de l'Éducation, c'est de faire passer au succès du plus grand nombre tout ce qui se fait en éducation pour pouvoir atteindre cet objectif.

Or, on regarde les gestes concrets qui ont été posés par la ministre de l'Éducation et son gouvernement. Premièrement, ça s'est fait sur une toile de fond de compressions budgétaires sans précédent. Alors qu'on prétendait vouloir investir en éducation, alors qu'on prétendait que l'éducation était une priorité pour le gouvernement, ça a fait l'objet de compressions budgétaires sans précédent dans l'histoire du Québec.

Par la suite, dans le cadre de ces compressions budgétaires là, on regarde les projets de loi qui ont été déposés par la ministre de l'Éducation et les différents gestes qu'elle a posés pour atteindre son objectif. Le premier projet de loi qu'elle a déposé a été le projet de loi n° 109, la loi qui visait à implanter des commissions scolaires linguistiques. Or, on se rend bien compte que toute cette opération-là avait comme objectif une diminution du nombre de commissions scolaires, de faire passer le nombre de commissions scolaires de 156 à environ 72 ou 73 et, par la suite, de les établir sur une base linguistique.

On constate, M. le Président, que d'aucune façon on ne s'est rapproché de l'objectif qu'on s'était donné de faire réussir le plus grand nombre d'élèves possible. Pourtant, la commission parlementaire de l'éducation avait fait un travail considérable dans le cadre d'un mandat d'initiative, avait soumis plusieurs hypothèses de travail à la ministre de l'Éducation pour l'aider dans son travail, et une des hypothèses, c'était bien sûr de réduire le nombre de commissions scolaires, mais les économies qui pourraient découler de la réduction du nombre de commissions scolaires devraient être investies directement à l'école et plus particulièrement dans la salle de classe, ce qui n'a malheureusement pas été fait.

Le deuxième projet de loi qui est déposé par la ministre de l'Éducation, c'est le projet de loi n° 180. Or, le projet de loi n° 180, c'est un projet de loi qui vise à répartir à nouveau les pouvoirs entre le ministère de l'Éducation, les commissions scolaires et les directions d'école, et, soit dit en passant – j'attire l'attention de la ministre de l'Éducation à cet égard-là – je n'ai pas vu un seul pouvoir dans le projet de loi n° 180 qui est transféré du ministère de l'Éducation vers les commissions scolaires. On parle pourtant d'une décentralisation. Je n'ai pas vu un seul pouvoir qui quitte le ministère de l'Éducation ou la ministre de l'Éducation pour se diriger soit vers les commissions scolaires soit vers les écoles. Cependant, j'ai vu des pouvoirs et des responsabilités qui appartenaient jusqu'à aujourd'hui aux commissions scolaires qui sont maintenant rapatriés par le ministère et la ministre de l'Éducation. On peut parler, donc, à cet égard-là, d'une centralisation plutôt que d'une décentralisation.

Ceci étant dit, ce qu'on observe, M. le Président, c'est que depuis trois ans il n'y a à peu près rien qui a été fait de la part de la ministre de l'Éducation ou de son prédécesseur pour se rapprocher de l'objectif qu'ils se sont pourtant donné et que, nous, nous nous donnons comme formation politique, c'est-à-dire de viser la réussite du plus grand nombre d'élèves possible.

Évaluons maintenant au mérite le projet de loi n° 180. La ministre, en commission parlementaire... Parce qu'il y a eu commission parlementaire pendant trois semaines où nous avons entendu environ une cinquantaine de groupes, une cinquantaine d'organismes qui sont venus livrer leur point de vue sur l'avant-projet de loi qui a précédé le projet de loi. La question que je posais de façon systématique à peu près à tous les intervenants qui se présentaient devant nous, c'était la question suivante, à savoir: Quel sera l'impact de la décentralisation sur l'amélioration des résultats scolaires ou sur le décrochage scolaire? Parce que je savais fort bien, M. le Président, que les études québécoises, les études canadiennes et les études américaines qui ont été faites sur le sujet ont démontré de façon convaincante qu'il n'y avait aucun impact de la décentralisation sur l'amélioration des systèmes scolaires.

(21 heures)

Je cite, à titre d'exemple, une étude qui a été publiée très récemment par le professeur Jean-Claude Rondeau, qui était anciennement sous-ministre à l'Éducation, datée du mois de juin 1997 et intitulée La décentralisation des pouvoirs aux écoles . La conclusion du professeur Rondeau, qui a passé au peigne fin toute la littérature canadienne et américaine sur le sujet de la décentralisation sur le plan scolaire, était la suivante, il disait ceci: «Peut-on dire que le fait d'accorder une plus grande autonomie aux écoles mène à de meilleures performances scolaires ou permet de réduire les coûts de l'éducation?» Là il fait référence à un certain nombre d'études, et voici sa conclusion: «Si le rapport fait état de nombreuses innovations introduites dans trois districts grâce à une marge d'autonomie plus grande...» Donc, il y a des aspect positifs, oui, à la décentralisation, beaucoup d'innovation, beaucoup plus de flexibilité, beaucoup plus de marge de manoeuvre au niveau de la prise de décision. Mais, sur l'objectif que le gouvernement s'est fixé, sur l'objectif que la ministre de l'Éducation s'est fixé, voici sa conclusion: «On n'a pu trouver de preuve d'une amélioration de la performance des élèves soit par les résultats aux tests scolaires, soit par la fréquentation scolaire, ou soit par l'émission de diplômes.»

Pourtant, on prétend que le projet de loi n° 180, c'est un moyen utilisé par la ministre de l'Éducation pour atteindre son objectif d'inviter les élèves à prendre le virage du succès. Pourtant, ce moyen-là, il a été évalué à la lumière de l'objectif que se sont fixés la ministre de l'Éducation et le gouvernement. Et les conclusions sont extrêmement claires dans toutes les juridictions en Amérique du Nord où les gouvernements ont décidé de procéder à une décentralisation. Et ça s'est fait dans d'autres cas, en Alberta, dans les différents États aux États-Unis, dans un contexte où il n'y avait pas de compressions budgétaires, dans un contexte où les conditions auraient été favorables. Et, malgré le fait que les conditions étaient favorables dans ces autres juridictions là, eh bien, ça n'a pas donné les résultats escomptés.

Dans l'étude américaine qui avait été commandée par deux sénateurs américains, le sénateur Edward Kennedy, personnage bien connu, et le sénateur David Durenberger, on avait posé un certain nombre de questions au General Accounting Office de Washington pour faire l'inventaire à travers les États-Unis d'Amérique, à travers l'ensemble de ces États, pour voir: Indiquez-nous quels ont été les résultats de la décentralisation, nommée en anglais «school-based management» ou «site-based management», par rapport au critère de la réussite scolaire des jeunes. Et les résultats aux États-Unis ne sont pas probants. Le General Accounting Office avait conclu qu'il n'y avait aucune amélioration des résultats des élèves au niveau de la diplomation, au niveau des tests scolaires ou au niveau de la fréquentation scolaire.

Alors, c'est quand même étonnant. L'ensemble du gouvernement est convié à un exercice. On prétend, on s'est dit au gouvernement: On veut favoriser la réussite scolaire du plus grand nombre d'élèves possible, voici le moyen que je vous suggère, moi, ministre de l'Éducation et députée de Taillon, et pourtant la littérature et l'expérience nord-américaines ne sont pas concluantes. L'expérience nord-américaine n'est pas concluante. À vrai dire, elle est négative à cet égard-là. Je répète la conclusion du professur Rondeau: «On n'a pu trouver de preuve d'une amélioration de la performance des élèves soit par les résultats aux tests scolaires, soit par la fréquentation scolaire, ou soit par l'émission de diplômes.» Donc, la ministre, avec le moyen qu'elle s'est donné, elle est complètement à côté de la coche.

Même chose... Je pourrais citer, M. le Président, des études canadiennes qui ont été faites sur le même sujet, une étude que j'ai entre les mains du professeur Reitzug et du professeur Capper. Il y en a un qui est un professeur du Wisconsin, l'autre... Excusez-moi, ça, c'est une étude américaine. Mais ils citaient largement les résultats d'études canadiennes menées sur le même sujet. La bibliographie comporte à peu près une cinquantaine d'ouvrages spécialisés qui ont été faits sur le sujet.

Alors, je reviens à la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi. De façon systématique, je posais la même question au groupe et j'ai posé la question également aux promoteurs, ceux qui étaient les promoteurs de l'école autonome et responsable, les directeurs d'établissement. Et même eux n'ont pas réussi à démontrer de quelque façon que ce soit que le processus de décentralisation, malgré les mérites qu'il a, que nous reconnaissons... Mais, par rapport à l'objectif que s'est fixé la ministre de l'Éducation, eh bien, les directeurs et directrices d'école n'arrivaient pas à faire la démonstration de quelque résultat que ce soit. Et pourtant ils étaient les promoteurs de l'affaire.

J'ai donc posé la question régulièrement à la ministre de l'Éducation, qui a le fardeau de prouver à l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale que le projet de loi qu'elle met de l'avant et que le principe qu'elle retient de la décentralisation vont donner des résultats sur le plan de la réussite scolaire, sur le plan de l'augmentation du taux de diplomation, sur le plan de l'amélioration des tests scolaires, sur le plan du raccrochage scolaire, si on veut, ou de la fréquentation scolaire. Jamais la ministre de l'Éducation s'est-elle prononcée sur une de ces études-là. Jamais nous a-t-elle dit sur quelle étude elle s'appuyait pour maintenir l'affirmation que le processus de décentralisation auquel elle nous convie va donner les résultats que nous souhaitons.

Pourtant, c'est majeur le brassage de structures qui va avoir lieu au cours des prochaines années. Parce que c'est de ça qu'il s'agit, essentiellement. Il s'agit de prendre des pouvoirs et des responsabilités et des obligations, de brasser les cartes, de les rebrasser et de les redistribuer à nouveau. On fait des heureux et on fait des personnes qui sont malheureuses. Les personnes qui sont malheureuses sont, bien sûr, les parents. J'aurai l'occasion d'y revenir.

On regarde quel autre moyen la ministre s'est donné. Il y a le projet de loi n° 109, et, encore là, avec l'implantation des commissions scolaires linguistiques, on est dans l'ordre des structures. Or, M. le Président, un exercice qui devait conduire à autre chose qu'une réforme des structures n'a conduit à autre chose qu'une réforme des structures. Nous sommes conviés à ça, la ministre démontrant, j'imagine, son manque d'imagination, son manque de ressources financières pour venir en aide aux écoles, son manque d'initiative pour agir là où l'éducation se fait, là où les apprentissages et les connaissances sont transmis des enseignants vers les élèves, dans la salle de classe. Il n'y a rien, il n'y a rien dans les projets de loi déposés par le gouvernement sur ce qui se passe en salle de classe, là où se fait l'éducation. Ce n'est pas au niveau d'un conseil d'établissement que les élèves vont acquérir des compétences, vont acquérir des connaissances. Pourtant, l'objet du grand débat auquel nous a conviés la ministre de l'Éducation, eh bien, tout tourne autour du conseil d'établissement, des pouvoirs que le conseil d'établissement aura par rapport aux pouvoirs de la commission scolaire. On est loin de la salle de classe, on est loin du lieu véritable d'action en éducation.

(21 h 10)

Et je rappelle, M. le Président, toile de fond, compressions budgétaires de 2 000 000 000 $, compressions budgétaires sans précédent pour des élèves qui sont en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, ces mêmes élèves là qui font en sorte que, en partie, les statistiques au Québec semblent peu acceptables pour quelque formation politique que ce soit.

Ces élèves-là, on n'arrive pas à les aider. On n'arrive pas à offrir du perfectionnement et de la formation continue à nos enseignants et à nos enseignantes. Pourtant, ce sont les deux acteurs principaux de notre système scolaire. Premier acteur: l'élève. Deuxième acteur, de façon accessoire: l'enseignant. Tout le reste, il est périphérique à ce qui se passe dans la salle de classe. Pourtant, la ministre s'est concentrée, a consacré l'ensemble de ses énergies à ce qui se passe en périphérie de la salle de classe.

M. le Président, la ministre, par son projet de loi, vient violer un principe fondamental en éducation. Principe fondamental: le principe de la gratuité scolaire, le principe qu'on doit financer des services publics avec des fonds publices. La ministre, par deux dispositions bien précises... Et on se pose la question: C'est à la demande de qui que soudainement la ministre a inscrit dans le projet de loi un pouvoir qu'elle veut donner aux conseils d'établissement d'exiger une contribution financière aux usagers des services éducatifs? C'est à la demande de qui, Mme la ministre de l'Éducation, que vous avez inscrit ça dans le projet de loi? Parce que, en regardant mes notes en commission parlementaire, pas un seul organisme sur les 50 n'a revendiqué ce nouveau pouvoir là, que semble vouloir accorder la ministre de l'Éducation, de piger à nouveau dans les poches des contribuables pour aller chercher du financement pour un service public.

M. le Président, les articles 88 et 89 du projet de loi sont extrêmement dangereux parce qu'ils viennent à l'encontre du principe que les commissaires des états généraux de l'éducation s'étaient donnés, que tous les gouvernements du Québec se sont donnés depuis qu'il y a un ministère de l'Éducation et même avant: c'est le principe de la gratuité scolaire. Je vais vous lire l'oeuvre de la ministre de l'Éducation au niveau de l'article 89. L'article 89 du projet de loi dit ceci: «Pour l'application de l'article 88, le conseil d'établissement peut, au nom de la commission scolaire et dans le cadre du budget de l'école, conclure un contrat pour la fourniture de biens ou services avec une personne ou un organisme. Il peut en outre exiger une contribution financière des utilisateurs des biens ou services offerts.» Je demande à la ministre de l'Éducation: Qui a bien pu lui demander une telle affaire? Qui a bien pu lui demander de violer le principe de la gratuité scolaire? À ma connaissance, aucun des organismes, aucun des 50 organismes que nous avons entendus en commission parlementaire n'est venu prendre la défense de cet article-là, de ce nouveau pouvoir que le gouvernement veut donner.

Puis, dans le fond, le risque qu'on y voit, M. le Président, c'est bien sûr l'école à deux vitesses qui va en découler. Une école qui est située en milieux favorisés, une école qui est située à l'Île-Bizard, ou à Outremont, ou à Westmount, là où les milieux et les personnes sont riches et pourront financer de leurs poches des services éducatifs qui, autrefois jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à l'arrivée de ce projet de loi là, de cet article-là, étaient autrefois assumés par l'État, pensez aux inégalités que ça va créer par rapport aux milieux moins bien nantis dans notre société, qui n'auront pas les mêmes moyens, où les parents ne pourront pas offrir à leurs enfants la même qualité, la même quantité de services parce que la ministre permet aux conseils d'établissement d'exiger une contribution financière pour ces services-là.

M. le Président, ça inquiète à peu près tous les chroniqueurs en éducation. La position est constante dans Le Devoir , dans La Presse , dans Le Soleil , dans la Gazette , et d'autres spécialistes du monde de l'éducation, tant au niveau universitaire que les gens qui sont dans le réseau, les gens se posent la question: Pourquoi est-ce que le gouvernement vient de violer le principe de la gratuité scolaire? Pourquoi? La ministre peut peut-être penser que ce n'est pas une disposition qui est lourde de conséquences, mais elle inquiète tout le monde, sauf la ministre de l'Éducation.

Il serait peut-être bon de rappeler l'article de Michèle Ouimet du 15 novembre 1997, L'école est-elle à vendre? . Et la journaliste a recensé quelques exemples qui existent déjà et auxquels la ministre veut ouvrir toute grande la porte et encourager de telles pratiques. La journaliste dit ceci: «Dans son projet de loi, la ministre de l'Éducation ouvre les portes. Les écoles pourront, par exemple, exiger une contribution des parents pour toutes sortes de services offerts en dehors des heures de classe, comme des cours de récupération, de l'aide aux devoirs et aux leçons, des activités d'informatique, des activités de français, des activités d'anglais, et j'en passe.» Elle dit ceci, la journaliste: «Les écoles rivalisent d'imagination, transformant du même coup les parents et les enfants en véritables colporteurs, pris avec des montagnes de boîtes de chocolat à vendre ou des piles de gratteux à refiler aux voisins et aux amis. Avec le projet de loi, ces pratiques deviennent officielles. Elles sont étendues, voire coulées dans le béton ou, plutôt, dans un article de loi.»

M. le Président, comment pouvons-nous accepter un tel accroc à un principe qui est fondamental au point de vue des services publics en matière d'éducation pour des jeunes enfants de six ans allant jusqu'à l'âge de 11 ans et de 11 ans jusqu'à l'âge de 16 ans? La ministre est en train de faire dépendre leur succès et leur réussite de la capacité financière de leurs parents de payer pour certains services. Et ça, je pense et je prédis d'avance que ça sera dénoncé par tous les groupes qui vont se présenter à nouveau devant la commission parlementaire, comme ils l'ont dénoncé en commission parlementaire dans le cadre de l'avant-projet de loi. Et j'invite la ministre de l'Éducation à renoncer à de tels principes, à renoncer et à dire soit au ministre des Finances, ou au président du Conseil du trésor, ou au premier ministre lui-même qu'on ne peut pas accepter de telles violations de principes aussi fondamentaux que le principe de la gratuité scolaire.

(21 h 20)

M. le Président, lorsqu'on se donne, comme société, un principe d'égalité des chances pour tous les citoyens, indépendamment de leur classe sociale, indépendamment de leur richesse particulière, indépendamment de leur revenu, si on reconnaît ce principe-là au niveau de l'école publique, on doit absolument renoncer – renoncer – à cet article de loi là, qui va venir créer des inéquités sans précédent entre les gens qui ont une capacité financière de se payer des services et d'autres qui n'ont pas la même capacité financière de se payer de tels services, et on sait que l'école en offre de moins en moins, de services, à leurs élèves, et la ministre est en train d'inviter le financement privé à prendre le relais du financement public à cause du désengagement de son gouvernement à l'égard de l'éducation. Elle aura compris que l'opposition fera une bataille en règle sur ce projet de loi là et sur cet article de loi là.

Autre principe, M. le Président, parce que c'est important de le dire: la ministre a dit à combien de reprises, privément, publiquement, lors de conférences de presse ou suite à des entrevues qu'elle accordait à des journalistes, qu'elle voulait favoriser la participation des parents, qu'elle voulait favoriser l'implication des parents dans la chose scolaire, et je suis convaincu que, dans sa tête, elle maintient toujours ce principe-là. Mais, lorsqu'on voit les choix qu'elle a exercés à la suite des consultations privées qu'elle a menées avec certaines centrales syndicales, elle a décidé de trahir les engagements qu'elle avait à l'égard des parents, elle a décidé de trahir ses engagements à l'égard des parents et de faire en sorte que les parents, dans ce projet de loi là, ont tout perdu. Les parents, dans ce projet de loi là, ont tout perdu. La ministre a fait sauter le comité d'école, qui n'était constitué que de parents. La ministre a fait sauter le conseil d'orientation, qui était composé majoritairement de parents. Les parents avaient le contrôle de ces deux comités-là, comités à l'intérieur de l'école. La ministre les a remplacés par un conseil d'établissement, des conseils d'établissement au nombre de 20. On peut déjà se poser la question: Sera-t-il fonctionnel? On peut déjà se poser la question: Dans certains milieux, là où il y a de petites écoles, est-ce qu'il sera fonctionnel, ce conseil d'établissement là? Et est-ce que la représentation qui est prévue dans le projet de loi pourra être respectée?

Mis à part cette question-là, là où les parents étaient majoritaires ou là où les parents étaient les seuls intervenants au niveau d'un comité, ces comités disparaissent. Et puis, par la suite, on regarde ce qui s'est passé au niveau des parents. À l'école primaire, ils ont perdu la majorité. Ils seront, au mieux – au mieux – paritaires avec le personnel enseignant et les autres membres du personnel. Et, au niveau de l'école secondaire, ils seront minoritaires. Au niveau secondaire, les parents seront minoritaires. Au niveau primaire, les parents ne seront pas majoritaires. Recul considérable pour les parents. Juste au niveau de la composition, alors qu'elle affirmait vouloir leur confier plus de responsabilités, leur accorder plus de pouvoirs et favoriser leur participation, qu'ont-ils constaté, comme moi, après une lecture fine du projet de loi? Ils s'en sont fait passer une petite vite par la ministre de l'Éducation.

Et lorsqu'on regarde les pouvoirs importants au niveau d'une école, eh bien, là, les parents ont perdu sur toute la ligne. Les parents ont perdu sur toute la ligne. Il suffit de lire les articles 82, 83, 84 et 87 et l'article 96.10 pour le constater. On l'a fait de façon, on pensait peut-être, assez subtile pour que les gens ne puissent pas s'en rendre compte, mais on s'en est rendu compte. On s'est rendu compte que, sur les pouvoirs fondamentaux qu'exerceront les conseils d'établissement, les parents n'auront pas leur mot à dire. Les parents n'auront pas leur mot à dire parce que... Je vous lis une partie de 96.10: «Sur proposition des enseignants ou, dans le cas des propositions prévues au paragraphe 5°, des membres du personnel concernés, le directeur de l'école approuve, approuve, approuve, approuve et approuve.» Alors, comment ça va se passer dans la réalité? Pour quelqu'un qui a oeuvré en milieu scolaire sur le terrain, on comprend très vite que le véritable pouvoir, c'est de pouvoir élaborer des propositions à la base. Ce pouvoir, il est exclusif aux enseignants et aux membres du personnel. Les enseignants vont élaborer un projet, vont élaborer des orientations. Et on peut les prendre un à un, ces pouvoirs-là.

Les orientations concernant «les programmes d'études locaux pour répondre aux besoins particuliers des élèves». Il me semble que les parents auraient leur mot à dire là-dedans: «besoins particuliers des élèves». Quand je lis «des élèves», moi, je lis également «les enfants des parents» qui veulent avoir un mot à dire dans l'éducation de leurs enfants.

«Approuve les critères relatifs à l'implantation de nouvelles méthodes pédagogiques, approuve le choix des manuels scolaires et du matériel didactique requis pour l'enseignement des programmes d'études, approuve les normes et modalités d'évaluation des apprentissages de l'élève.» Et là on comprend le bulletin de notes. Les parents voulaient avoir un mot à dire au niveau du bulletin de notes, ce qu'ils ont toujours eu et ce qu'ils n'auront plus désormais. Les parents voulaient avoir un mot à dire sur le choix de manuels scolaires parce qu'on sait fort bien qu'il y a des manuels scolaires qui sont approuvés qui ne contiennent pas de cahiers d'exercices, qui ne contiennent pas d'exercices, et que les parents, par la suite, doivent piger dans leurs poches pour financer des cahiers d'exercices. Les parents voulaient avoir un mot à dire minimalement sur ces choses-là.

Les parents voulaient avoir un mot à dire sur le projet d'études local. À qui ça appartient de développer un projet d'études local pour répondre aux besoins des enfants? Bien, la ministre est en train de dire, et elle dit dans le projet de loi: Parents, ça ne vous regarde pas, mêlez-vous de ce qui vous regarde; moi, comme ministre de l'Éducation, je dis: Ça ne regarde que les enseignants et ça ne regarde que les membres du personnel. Et c'est eux qui vont élaborer des propositions. Et, si les propositions ne sont pas retenues, non pas par les parents mais par la direction d'école, eh bien, les enseignants, on leur demande d'élaborer une nouvelle proposition. Ils ont ce pouvoir-là. Et, dès le moment où la direction d'école va approuver ces choses-là, eh bien, là, on comprend qu'il y a eu entente entre le personnel enseignant, les membres du personnel, les autres personnels de l'école et la direction d'école. Alors, là, on prend ce projet-là, on l'amène au conseil d'établissement et on demande aux parents d'estampiller ce qui a déjà été approuvé. En anglais, on dit «rubber-stamp what we've already approved». C'est ce rôle-là que veut faire jouer la ministre de l'Éducation aux parents. Nous, de notre côté, nous disons non à cela et c'est un non catégorique. Les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants et ils ont leur mot à dire à l'école.

(21 h 30)

Et comment prétendre par la suite, comment prétendre en conférence de presse, alors que personne n'avait encore lu, sauf quelques initiés, mais personne n'avait encore lu le projet de loi, la ministre les a convoqués clandestinement le soir précédant la conférence de presse et, de façon isolée, elle a fait venir la CEQ, elle a fait venir la Fédération des commissions scolaires et elle a fait venir la Fédération des comités de parents pour leur donner une lecture du projet de loi, une interprétation du projet de loi, pour amener par la suite les parents et les partenaires à se positionner favorablement. Sauf que, dès le moment où les partenaires ont pris connaissance du projet de loi, ils se sont rendu compte que ça ne marchait pas. Ils se sont rendu compte que ce que la ministre leur avait dit dans les petites officines gouvernementales, en privé, de façon isolée... dès qu'ils ont lu ça, ils ont dit: Ce n'est pas ça que vous nous aviez dit, ce n'est pas ça que vous nous aviez promis; quand vous nous aviez dit, comme parents, qu'on aurait notre mot à dire, qu'on aurait plus de pouvoirs, qu'on aurait plus de responsabilités, qu'on pourrait élaborer certaines choses, ce n'est pas ça qui se retrouve dans le projet de loi.

Regardons la perte. Là où ils contrôlaient les affaires, deux comités qui existaient, le comité d'école et le conseil d'orientation, on fait disparaître ça, partis, remplacés par un conseil d'établissement où on dit aux parents: Minoritaires au secondaire, au mieux paritaires au niveau primaire. Mais, sur les objets fondamentaux du projet éducatif à l'école, sur tout ce qui peut concerner les choses importantes à l'école, les parents n'ont plus voix au chapitre. Ils se sont fait complètement tasser.

M. le Président, la Fédération des comités de parents de la province de Québec l'a dénoncé la semaine passée. Le président Garry Stronach avait ceci à dire: «Après l'examen du projet de loi, la Fédération constate que les pouvoirs confiés aux conseils d'établissement sont loin d'être le reflet fidèle de l'avant-projet de loi.» M. Stronach rappelle que les parents tenaient à être consultés sur des sujets comme le choix du matériel scolaire et du matériel didactique, les normes et modalités d'évaluation des apprentissages des élèves et les règles de classement. «Nous ne nions pas l'autonomie professionnelle des enseignants, nous voulons simplement avoir un mot à dire sur ce que nous avons à payer», a expliqué le président en conférence de presse. Ils s'inquiètent également, l'ensemble des parents de la province de Québec, ils s'inquiètent des services que les parents devront financer par les campagnes de souscription. Ils faisaient la mise en garde suivante: «Il faudra veiller à ce que les services habituellement fournis par l'école le jour, par exemple des cours de rattrapage, ne soient refilés aux parents.»

Alors, on constate ce qui s'est passé entre le moment où l'avant-projet de loi a été déposé et le moment où la ministre de l'Éducation n'avait pas tranché les choses de façon formelle, tentait de faire plaisir à tout le monde. Et c'est un vieux truc, M. le Président, c'est un vieux truc de déposer un avant-projet de loi qui fait plaisir à tout le monde, mais qui est rempli d'incohérences, parce que les partenaires viennent par la suite dire: Ça nous fait bien plaisir cela, mais vous allez devoir clarifier notre rôle à cet égard. Et avec le dépôt du projet de loi, bien là on constate les choix effectués par la ministre de l'Éducation et on voit où la véritable priorité de ce gouvernement se retrouve, certainement pas du côté des parents, certainement pas des gens qui sont les premiers éducateurs de leurs enfants, qui ont les premières responsabilités en matière d'éducation au niveau de leurs enfants. On les a complètement écartés et tassés.

Je rappelle, M. le Président – parce que là on est vite amenés dans la mécanique, la tuyauterie et la quincaillerie du projet de loi – ce que je disais un peu plus tôt: que, malgré tout ça, on n'atteint pas l'objectif qu'on s'est fixé de faire réussir le plus grand nombre d'élèves possible parce que le moyen choisi par la ministre de l'Éducation est complètement à côté de la coche.

On constate, avec la violation du principe de la gratuité scolaire, que la ministre vise véritablement un désengagement du gouvernement du Parti québécois à l'égard du financement de services publics comme l'éducation et on demande aux parents, on demande au financement privé de prendre le relais, et on a placé des mécanismes dans le projet de loi qui vont faciliter ce genre de choses là, parce qu'on l'a bien dit, on parlait d'aide aux devoirs et aux leçons, on parlait de récupération, on parlait de rattrapage, on parlait d'informatique. Et c'est tellement vrai, M. le Président. Aujourd'hui je rencontrais les étudiants du collège André-Laurendeau, à LaSalle, et les étudiants du collège André-Laurendeau, à LaSalle, qui m'ont dit ce qui suit.

Par le biais de l'association étudiante, ils reçoivent des cotisations de chaque étudiant qui est à l'école, il y en a environ 3 000 à André-Laurendeau. Avec les cotisations qu'ils perçoivent, ils vont chercher un financement d'à peu près 90 000 $. À cause des compressions brutales du gouvernement d'en face, ils travaillent actuellement, dans leur laboratoire d'informatique, avec des ordinateurs, des 386, des modèles qui sont, vous l'avez compris, désuets. Qu'ont-ils fait? Ils ont décidé de piger dans leurs propres fonds des cotisations qui devaient financer des services pour les étudiants, des sorties pour les étudiants, ils ont décidé de prendre 16 000 $ pour faire l'achat d'ordinateurs. Vous avez là le plus bel exemple du financement privé qui sort de la poche des étudiants. Les étudiants, de leurs propres poches, qui paient des cotisations à leur association étudiante, une partie de leurs cotisations va pour payer des ordinateurs parce que la ministre de l'Éducation, le premier ministre et le gouvernement du Parti québécois ne donnent pas suffisamment de ressources aux cégeps pour pouvoir être bien outillés sur le plan scolaire.

(21 h 40)

Si ça se passe déjà à cause du désengagement du gouvernement du Parti québécois, imaginez là ce qui va se passer quand la ministre de l'Éducation légalisera la situation, autorisera la situation. Et, par le fait que ça soit inscrit dans le projet de loi, c'est une invitation à aller chercher des fonds privés pour compenser pour les fonds publics. Au niveau des conseils d'établissement, on a mis sur pied des mécanismes, on a autorisé des fondations. On prévoit tout un mécanisme, au niveau de l'article 92, pour la levée de fonds: «Le conseil d'établissement peut – je lis l'article 92 – au nom de la commission scolaire, solliciter – vous m'avez bien compris, M. le Président, «solliciter»; «solliciter», ça veut dire quoi? Ça veut dire aller demander du financement privé – toute somme d'argent, subvention ou autre contribution bénévole de toute personne – et, quand je lis «personne», ça veut dire parent, ça veut dire contribuable, ça veut dire étudiant, ça veut dire tout organisme – ou tout organisme public ou privé désirant aider à la réalisation du projet éducatif de l'école.» On invite le conseil d'établissement à mettre sur pied une fondation. On l'invite plutôt à solliciter toute somme d'argent pour aider à la réalisation du projet éducatif de l'école. On en est rendu là avec le gouvernement du Parti québécois. On se désengage sur le plan public puis on donne des pouvoirs d'aller piger dans les poches d'autres.

On a fait un petit peu la même chose à un autre niveau, à une autre échelle, au niveau des municipalités. On a dit aux municipalités: Allez taxer vos contribuables davantage, puis, par la suite, envoyez-nous le chèque, et, nous, on va le prendre. On a fait la même chose au niveau des taxes scolaire, on a dit: Vous, les commissions scolaires, vous étiez rendues partout au plafond avec les règles de la Loi sur l'instruction publique, on va vous permettre d'aller en chercher toujours un peu plus dans les poches des contribuables. On le fait sur le plan national, on le fait sur le palier intermédiaire qui est la commission scolaire et, maintenant, on est en train de le faire au niveau de l'école.

On est en train de le faire au niveau de l'école, puis lisez bien ça, M. le Président, ça le dit en toutes lettres: pour aider à la réalisation du projet éducatif de l'école. Et on parle de l'école publique, on ne parle pas d'une école privée, on ne parle pas d'une école où les parents disent: On est prêt à mettre de l'argent pour que nos enfants puissent recevoir tel type d'enseignement dans tel type d'école privée. Il s'agit de la Loi sur l'instruction publique pour gérer les écoles publiques. Alors, j'avise la ministre de l'Éducation que, si elle s'attend d'avoir un quelconque appui par rapport à cet article du projet de loi là, bien, il n'y a à peu près aucun partenaire, sinon aucun partenaire dans le monde de l'éducation, qui est prêt à accepter un tel accroc au principe de la gratuité scolaire.

C'en est rendu que, comme parent de deux enfants qui vont dans une école primaire publique, ma petite fille, hier, m'a amené une note venant de son école primaire qui disait: On implante une mesure qui vise à vendre des muffins. On vend des muffins – ça fait rire le député de Laviolette – puis, avec les sommes d'argent qu'on va aller recueillir, on va acheter des manuels scolaires. On va acheter des livres avec les sommes que nous allons chercher dans les poches des parents et des contribuables. Ça se passe déjà parce qu'on connaît la situation ou on va bientôt la connaître, la situation au niveau des manuels scolaires. Il y a un problème criant dans les écoles du Québec, et on verra bien ce que la ministre fera avec l'inventaire, lorsqu'elle déposera son inventaire ou lorsqu'elle fera des recommandations, mais, déjà là, on en est rendu, comme parents, à financer des choses aussi fondamentales qu'un livre pour un élève dans une matière essentielle. Et, comme parent d'un enfant au public, j'ai été témoin de ça pas plus tard qu'hier. C'est hier que j'ai reçu cette note-là. Alors, imaginez-vous, quand la ministre ouvre la porte par le biais de l'article 89, ce qui va se passer. J'ai déjà fait référence au cégep André-Laurendeau, où les étudiants, avec des cotisations qu'ils reçoivent de l'ensemble des étudiants du cégep, se voient dans l'obligation, s'ils veulent avoir des outils pour assurer leur apprentissage, pour assurer leur éducation, de payer des ordinateurs qu'ils remettent au cégep pour qu'ils puissent travailler avec des outils le moindrement modernes. Et c'est ça que la ministre est en train d'encourager.

Je vous relis l'article 92: «Le conseil d'établissement peut solliciter – on dit bien «solliciter» – et recevoir toute somme d'argent de toute personne ou de tout organisme public ou privé désirant aider à la réalisation du projet éducatif de l'école.»

Où sont rendues les personnes qui se disaient social-démocrates dans ce gouvernement-là? Où est rendu le député de Matane, ancien président de syndicat? Où est-il? Où est sa voix à l'intérieur d'un conseil des ministres pour permettre une telle chose? Et toutes les centrales syndicales vont dénoncer ce genre de choses-là: le désengagement de l'État, la privatisation de l'État de certains volets d'une école publique. Où sont-ils rendus?

Est-ce que le premier ministre du Québec, ancien chef du Bloc québécois, a réussi à changer à ce point le programme politique du Parti québécois? A-t-il réussi à ce point à faire oublier les origines du Parti québécois, ses alliances traditionnelles avec certains groupes, les principes qu'il était censé défendre, les principes qu'il a mis de l'avant en 1994 pour se faire élire? Tout ça, ça me fait penser au coup de baguette magique qu'il avait donné aux études Le Hir; il les avait fait disparaître. Moi, je vous dis qu'il a fait disparaître d'un coup de baguette magique la social-démocratie à l'intérieur de ce parti-là. Et il a fait disparaître leur programme politique et leurs engagements électoraux d'un coup de baguette magique.

À l'évidence, quand on regarde ce qui se passe depuis qu'il est en poste, il est en train de violer les principes auxquels, semble-t-il, adhéraient les militants et les militantes du Parti québécois. Jamais, j'ai l'impression, sous René Lévesque, un tel projet de loi n'aurait pu voir le jour avec de tels accrocs aux principes de la gratuité scolaire, avec un tel non-respect des droits des parents. Tout ça disparaît. Il faut être fort, M. le Président. Je ne sais pas, soit qu'il faut être fort ou qu'il faut être faible, un des deux. Il est peut-être fort des faiblesses des autres; je n'en ai aucune idée. Vous pouvez être sûr, M. le Président, qu'il y aura des batailles en règle sur ces deux principes-là, qui sont fondamentaux.

(21 h 50)

J'aborde brièvement parce qu'il me reste peu de temps, mais j'aurai l'occasion d'y revenir, M. le Président, compte tenu que vous me signalez que mon temps est presque écoulé... J'aurai l'occasion d'y revenir dans le cadre de la commission parlementaire et des groupes que nous entendrons. Mais je rappelle aussi que la ministre ne fera oublier à personne le fait qu'elle n'a jamais démontré ni de façon directe ni de façon indirecte et n'a jamais cherché à démontrer le lien qui existait entre ce projet de loi-là et la réussite scolaire du plus grand nombre. La preuve n'a jamais été faite, la ministre n'a jamais répondu à aucune étude documentée qui existe depuis un certain nombre d'années, qui ont évalué le vécu des écoles. Là où il y a eu décentralisation dans d'autres juridictions, ça n'a donné aucun résultat sur le plan scolaire, sur le plan de la réussite des élèves, taux de diplomation, réussite scolaire ou tests scolaires. Et ça, M. le Président, c'est l'objectif fondamental de la réforme, et la ministre ne réussira pas à me le faire oublier parce que c'est vers ça qu'on doit travailler. On doit travailler vers la réussite du plus grand nombre d'élèves possible et c'est dans la salle de classe que ça se passe, et ça passe par des moyens accrus tant pour les élèves que pour les enseignants. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière d'éducation.

Comme il n'y a plus d'intervenants, Mme la ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?

Mme Marois: Très brièvement, M. le Président, mais s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez un droit de parole de 20 minutes, madame.


Mme Pauline Marois (réplique)

Mme Marois: Certainement. Alors, je vous remercie, M. le Président.

D'abord, j'étais bien heureuse de voir enfin arriver le critique de l'opposition, le député de Marquette, parce que, comme son leader lui-même l'a dit, il était, lui, sur le terrain aujourd'hui pendant que nous étions à l'Assemblée nationale, nous. Alors, évidemment, il a eu la chance d'aller au cégep André-Laurendeau. J'aimerais bien pouvoir en faire autant, mais, comme vous m'avez dit que mon devoir était d'abord d'être ici, j'y suis, M. le Président.

Par ailleurs, M. le Président, peut-être le député de Marquette, n'ayant pu discuter avec certains de ses collègues, devrait-il prendre le temps de le faire cependant. Parce que son collègue le député de Chomedey, dont j'ai apprécié d'ailleurs l'intervention qui était d'une grande qualité – il y a certaines remarques avec lesquelles j'étais un peu moins en accord – a dit, d'entrée de jeu: «La première chose, M. le Président, que l'on note, c'est que le projet de loi accorde à chaque établissement d'enseignement, donc à chaque école, des fonctions et pouvoirs actuellement dévolus à la commission scolaire, que ce soit en matière de services éducatifs, de services extrascolaires ou les gestions de ressources humaines, matérielles et financières, etc. Donc, on voit à cet égard, M. le Président, une certaine décentralisation des pouvoirs, ce qui, en soi, M. le Président, est une bonne chose.» Et il continue en ce sens.

Alors, c'est la première intervention de mon collègue le député de Marquette, il dit, lui, qu'il croit que ce n'est pas une bonne chose. Et, moi, je lui dis – je ne lui parle pas de la théorie de la décentralisation, on va se parler concrètement, là, M. le Président: Il me semble que, quand les gens ont du pouvoir sur ce qu'ils peuvent faire, sur les problèmes qu'ils rencontrent et ont les moyens de solutionner les problèmes qu'ils rencontrent sans, sans arrêt, être obligés d'aller réclamer des interventions, ces interventions viennent-elles de la commission scolaire ou du ministère de l'Éducation, il me semble que c'est plus responsabilisant, il me semble que ça va de soi, ça. Moi, comme personne, qui ai, au quotidien, oeuvré dans des organisations publiques, soit de la santé et des services sociaux, dans des organismes communautaires, à chaque fois qu'on a eu les moyens de prendre en main nos responsabilités, d'assumer et de faire front devant les difficultés qu'on rencontrait sans avoir à demander à Pierre, Jean, Jacques, comme on dit, on solutionnait plus vite nos problèmes. Et, dans le fond, c'est simple, c'est ce que l'on fait.

Si on faisait ça cependant – et là je serais d'accord avec le député – sans accompagner le tout d'une perspective et d'une vision en termes d'éducation au plan national, avec un curriculum, donc un programme, hein... Un curriculum, c'est ce qu'apprennent nos enfants et nos jeunes au primaire et au secondaire, en français, en mathématiques, en histoire, en anglais langue seconde, dans une troisième langue, en sciences, en mathématiques, en économie, en biologie, avec ce que l'on apprend... c'est-à-dire, avec un curriculum, un programme dont les contenus, eux, vont être définis nationalement. Ça va de soi, M. le Président, qu'on ne va pas laisser décider à chaque école de ce qu'elles vont enseigner aux enfants: un petit peu plus de français, mais pas beaucoup finalement; on aimerait mieux, nous, faire autre chose. Ce n'est pas comme ça que ça marche. On le sait. Et ça, ça, il y a des bonnes balises là-dessus.

Je vais rappeler d'ailleurs cela à la députée de La Pinière tout à l'heure qui faisait référence au rapport Corbo auquel elle avait participé, qui, effectivement, est un excellent rapport. Il était tellement bon, d'ailleurs, M. le Président, qu'il a inspiré la suite des choses et que l'un des membres de ce groupe, M. Inchauspé, a à son tour présidé le groupe de travail qui m'a recommandé la mise en place de ce nouveau programme, de ce nouveau curriculum national qui nous ramène aux matières essentielles. Alors, oui, des moyens, des pouvoirs logés à l'école, au conseil d'établissement, mais oui, un curriculum qui, lui, est national et doit se définir centralement. Mais une marge de manoeuvre au plan local, au niveau de l'établissement, l'établissement primaire, l'établissement secondaire, pour être capable de jouer sur ces heures-là étant entendu qu'on ne peut pas jouer sur ce que doivent apprendre en bout de piste, ce que doivent savoir, en bout de piste, nos enfants et nos jeunes. Ça, aucune tolérance à ça. Qu'est-ce que vous voulez, quand on émet un diplôme, on sanctionne des études qui doivent avoir été faites et des contenus qui doivent avoir été acquis.

Alors, si on regarde le projet de loi comme une pièce isolée... Et j'ai pris la peine de le dire cet après-midi lorsque j'ai fait mon discours d'introduction à l'étude du projet de loi, lorsqu'on prend la peine de regarder l'ensemble des pièces qui concernent la réforme de l'éducation, là, on peut se réconcilier. Si je faisais comme le député de Marquette, je lui donnerais sans doute raison. S'il ne prenait qu'un élément de la réforme et de, entre autres, la loi avec les nouvelles responsabilités là où elles sont logées et cette décentralisation sans que ce soit accompagné du reste, effectivement, je le suivrais dans ce raisonnement, mais il faut voir le tout comme un tout parce que, effectivement, il y aura des mesures dans tous les cas de par la loi, mais de par le programme national qui, lui-même, a été annoncé par un énoncé de politique éducative, justement pour lever toute espèce d'ambiguïté.

Par ailleurs, M. le Président, la députée de La Pinière, tout à l'heure, a dit que j'allais imposer un zonage scolaire et obliger les parents à aller, avec leur enfant, à l'école de quartier. Moi, j'ai compris que les parents voulaient plutôt qu'on les aide à ce que l'école de quartier leur reste accessible et disponible. Mais, par ailleurs, elle n'a pas lu la loi correctement, et cela peut arriver, évidemment, parce que ce n'est pas son dossier habituel, et il faudrait qu'elle y retourne, puisqu'il y a un article très clairement énoncé dans la loi, qu'on reprend d'ailleurs dans le projet de loi, où on dit: Le parent – en l'améliorant par rapport à ce qu'il était dans la Loi sur l'instruction publique – a le choix de l'école pour son enfant, le choix de l'école. On ne dit pas qu'il doit aller à l'école de son quartier, il a le choix de l'école selon ses préférences, selon ce qui convient mieux aux valeurs qu'il a, à ce qu'il croit, etc. Donc, il peut, sauf que, évidemment, imaginez de quoi aurait l'air notre système si chaque parent allait dans n'importe quelle école et que, à un certain endroit, ce serait vide puis, à l'autre, ce serait plein.

Alors, évidemment, on balise le tout par une contrainte, on dit: Si vous voulez envoyer votre enfant dans telle autre école, d'abord, un, il faut qu'il y ait de la place. Ça, ça va de soi, on va privilégier les enfants du quartier. Je pense que c'est un peu normal, hein? Est-ce que quelqu'un comprendrait que, moi, parent qui demeure à quelques centaines de mètres de l'école, je ne puisse pas y envoyer mon enfant parce qu'une autre citoyenne, un autre parent, à 5 km plus loin, vient dans mon école? Là, je dirais: Peut-être que vous devriez me donner priorité. C'est ce qu'on dit dans la loi tout simplement. Cependant, si le parent qui est très loin de cette école, il veut la choisir et qu'il reste de la place, il pourra le faire. C'est en ce sens qu'on dit que le parent a le choix de l'école. Mais, évidemment, on comprendra aussi qu'on ne va pas se mettre à transporter les enfants à 10 km, 15 km, 20 km, 25 km, alors qu'on doit, bien sûr, procéder à des économies de ressources. Donc, il y a des contraintes liées aux ressources disponibles. Mais, dans les faits... Et cela arrive, puisque beaucoup de nos projets à vocation particulière – et je pense, entre autres, aux écoles à pédagogie alternative – sont des écoles qui réunissent ou qui rassemblent des enfants de plusieurs quartiers différents. Donc, ils y viennent, ils choisissent d'y venir, et cela se fait.

(22 heures)

Et on préserve aussi... Et là il faut être clair, il ne faut pas qu'on dise n'importe quoi là-dessus quant aux projets particuliers. Je pense qu'on a trouvé l'équilibre et qu'on a trouvé les balises, puis on va progressivement travailler en ce sens-là pour voir comment on va traiter les nouveaux projets particuliers qui pourraient arriver dans une école dédiée à cette seule fin. Bon, là, je m'explique. En langage simple, il y a actuellement des programmes d'éducation internationale, il y a actuellement des programmes sports-études, arts-études. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire un programme où, en plus de faire son français, ses mathématiques, son histoire, ses sciences, on a une partie du temps qui est consacrée à l'apprentissage et à la formation en musique, en chant, en danse. C'est ça, arts-études. Sports-études, c'est des jeunes qui ont le goût de pratiquer des sports. C'est le hockey, c'est le soccer, c'est le baseball, peu importe, d'autres types de sports. Ils doivent cependant s'assurer que le contenu des matières qu'ils ont à apprendre soit intégré et, en même temps, ils tassent un petit peu le temps qui est dévolu à ces matières-là pour faire du sport ou pour faire de la musique et, souvent, ils mettent un peu plus de temps, d'ailleurs, faut-il le dire, ces jeunes, dans les programmes particuliers. C'est ça, des projets particuliers, alors donc: éducation internationale, pédagogie alternative, arts-études, sports-études.

Je dis: Avec notre nouveau projet de loi, avec l'énoncé de politique éducative, j'aimerais ça qu'il se développe de tels projets dans toutes les écoles du Québec. Je ne dis pas qu'il ne doit plus y en avoir. Je dis: Imaginez, dans vos écoles, des projets de ce type. Et, pour que les jeunes y aient accès, pouvez-vous, en sus des notes... Parce que c'est évident qu'il faudra toujours, quelque part, regarder les notes d'un jeune, si on veut qu'il soit capable de passer à travers ce qu'il a à apprendre, en même temps qu'il va accorder du temps aux sports, à la musique ou à un programme particulier. C'est évident. Mais peut-être qu'on n'est pas obligé de demander à tous ces enfants-là d'avoir 90 % et plus. Peut-être qu'à 70 %, qu'à 65 % ils vont être assez motivés, ils vont réussir aussi leurs cours de base, tout en faisant de la musique, tout en étant dans un programme d'éducation internationale qui va stimuler leur intérêt pour ce qui se passe sur la planète et qui va les stimuler aussi à s'inscrire dans l'apprentissage, par exemple, d'une troisième langue, etc. Je ne veux pas éliminer ça. Je veux qu'on le rende possible dans nos écoles, M. le Président.

Et ce que j'aime moins, puis je le dis, mais je le permettrai... Et c'est évident que les projets qui sont déjà organisés sur cette base-là devraient normalement être reconnus s'ils sont appuyés par le comité de parents – c'est dans ma loi – et si la commission scolaire me fait des recommandations positives. Il y en a actuellement une quarantaine de projets comme ceux-là: sept d'éducation internationale et 40 de pédagogie alternative ou autres. Mais la différence entre ces mêmes programmes que je vois dans l'école secondaire de la municipalité, ou de la région, ou du quartier qui réunit d'autres quartiers de la ville et l'école primaire, la différence, c'est qu'on ne met pas de façon isolée les enfants dans une école en disant: Vous, on vous sort de l'école, n'est-ce pas. Et, dans le fond, il y a une forme de ségrégation. J'aimerais mieux que ces enfants-là, qui sont une richesse pour l'école québécoise, restent dans l'école habituelle, normale, de quartier, parce que je pense que ces enfants-là sont tellement une richesse pour l'école qu'ils peuvent aider leurs petits camarades qui ont un peu plus de difficulté, les aider à se rattraper puis à être des éléments actifs dans l'école. C'est ça qu'on veut faire, parfois, dans ces programmes, stimuler le leadership de certains de ces jeunes. Bien, gardons-les dans les endroits où ils peuvent l'exercer, ce leadership-là. C'est tout simplement ça que je dis aux parents.

Je ne dis pas aux parents: Arrêtez de stimuler vos enfants, ne les invitez pas à participer à tel programme, puis on n'en veut plus. Je dis: Est-ce qu'on ne peut pas les faire dans l'école de quartier? Est-ce qu'on ne peut pas les faire dans l'école secondaire de sa municipalité? C'est ça que je dis, M. le Président. Alors, il ne faut pas me faire dire des choses que je n'ai pas dites.

Maintenant, on a soulevé deux ou trois autres choses. Je vais en aborder deux très brièvement. Je ne sais pas combien il me reste de temps. Bon, je suis correcte, j'ai suffisamment de temps pour le faire en synthèse évidemment, parce qu'on aura l'occasion en commission parlementaire d'aborder longuement ces questions. La première, c'est le pouvoir des parents. Là, je veux qu'on soit clair. D'abord, le député de Marquette a étiré la sauce un peu, hein. Il a dit que les parents étaient en désaccord, et tout ça. Quand on lit le communiqué des parents, ils disent: On a beaucoup plus de pouvoirs, quand même, qu'avant; on n'a peut-être pas tout ce qu'on voulait, mais on a beaucoup plus de pouvoirs qu'avant. Alors, donc, soyons un petit peu réalistes, regardons les choses avec un petit peu plus de réserve qu'on ne l'a fait du côté de l'opposition, hein? Bon.

Alors, les parents. Qu'est-ce qui arrive aux parents? D'abord, dans l'avant-projet de loi, effectivement, ils étaient minorisés ou minoritaires, dans le sens où les gens de la communauté avaient droit de vote, et, si on considérait qu'ils devaient former avec les parents la moitié du conseil d'établissement par rapport au personnel de l'école, soient-ils enseignants, personnel du service de garde, professionnels, personnel non enseignant, c'était vrai, c'était tout à fait juste, et ils m'ont demandé de modifier cela. Je l'ai fait. Ça, c'est pour l'école primaire.

Cependant, au secondaire, j'ai pensé puis je continue de penser que les jeunes de l'école secondaire, qui sont des utilisateurs de services, des étudiants de l'école, avec les parents formaient ceux qui profitaient de l'ensemble de l'institution et qu'ils faisaient partie de la même équipe, et que, de l'autre côté, le personnel d'enseignement, le personnel professionnel formait l'équipe qui rendait ces services. Et donc j'ai gardé la parité en ce sens-là. Bien là, si on le voit autrement puis on dit: Nos enfants ou nos jeunes, eux, ils ne sont nulle part ou ils sont plutôt du côté des enseignants, comme si c'étaient d'ailleurs deux équipes qui s'affrontaient... Alors que ce n'est pas ça qu'on veut faire, c'est l'inverse, M. le Président. On veut que ce monde-là travaille en synergie, travaille ensemble au projet éducatif de leur école. Alors, là, il y a quelque chose, enfin que je ne comprends peut-être pas, mais on pourra en débattre. Mais, cependant, il y a effectivement parité, vu comme ça, et au primaire et au secondaire.

Et il y a autre chose, il y a deux autres choses. D'abord, actuellement, les parents, ils n'ont pas de pouvoirs. Et c'est ça qu'il faut comprendre, là, c'est important. Les parents ont un pouvoir de recommandation. On peut être nombreux à recommander, mais on ne fait que recommander. Quand on décide, M. le Président, là, on ne dit pas: M. le directeur, on aimerait mieux que ce soit comme ça; Mme la directrice, on n'aime pas tout à fait le projet qui est là. Là, ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: Les parents approuveront un certain nombre de choses. «Approuver», cela veut dire «décider». Parce que je peux approuver sans changer quoi que ce soit, mais je peux approuver en proposant des changements, en procédant à des changements. Et c'est ça, le sens du mot «approuver». Le directeur de l'école qui, lui, approuve un projet que lui présentent ses enseignants, il est très clairement dit que, s'il n'est pas d'accord avec ce qui lui est proposé, il décidera autrement, et comme ça, c'est ça, approuver.

Et c'est la même chose pour le conseil d'établissement où sont les parents. Les parents sont paritairement présents, ont la moitié des sièges, mais plus que ça, ils ont une forme de droit de veto, parce que le président ou la présidente, en cas d'égalité, là où on n'arrive pas à une entente, tranche. Alors, on part d'une situation actuelle, où les parents n'ont aucun pouvoir, que celui de recommander et de proposer, à un pouvoir réel où ils décident.

Mais les parents nous ont dit: On se trouve un petit peu... pas assez nombreux pour faire ça, on aimerait ça pouvoir avoir encore un comité de parents, un comité d'orientation – appelons-le comme on voudra. J'ai convenu avec eux que ça avait de l'allure. Alors, on réintroduit dans la loi un forum de participation. Quand les parents au conseil d'établissement voudront consulter tous les parents de l'école s'ils le veulent, ils pourront le faire. Et ils m'ont dit, les parents... Mais j'ai dit: Pourquoi je suis obligée d'écrire ça dans la loi? Vous êtes capables de faire ça, il n'y a personne qui va vous empêcher de faire ça. Ah! ils ont dit: Non, Mme la ministre, si vous ne l'inscrivez pas dans la loi, notre école peut-être ne nous permettra pas de nous réunir puis ne paiera pas pour nos locaux. Ah! Alors, là, j'ai compris et je me suis dit: D'accord, on va l'inscrire dans la loi. Il y aura donc un forum de participation, et là c'est les parents qui vont le définir comme ils veulent. S'ils veulent que ce soit l'assemblée générale des parents d'une façon systématique, ce le sera. S'ils veulent que ce soit une délégation qui ressemblera à un comité de parents, ce sera ça. À eux de le définir, tout est possible, mais ils décideront, alors qu'auparavant ils étaient consultés, ils proposaient. Là, ils décideront. C'est fort différent.

(22 h 10)

Et enfin la question des fonds. Mais alors, là, je suis estomaquée de la réaction sur cela, sur le fait qu'on puisse ramasser des sous pour l'école. Comme si ce n'était pas déjà le cas. Moi, je suis absolument incroyablement étonnée de ça. J'ai fait le tour de quelques écoles dans mon coin, dans mon comté, puis là une a 10 000 $ dans son petit fonds. D'ailleurs, savez-vous ce qu'ils me disent actuellement – et, surtout, ne faites pas ça si vous m'entendez? Ils me disent: On va se dépêcher de le dépenser avant que la nouvelle loi arrive. Bien, voyons donc, ne faites pas ça, ce sont ces fonds-là dont on parle dans la loi. Vous savez que la loi ne le permet pas actuellement, alors les parents qui ramassent des fonds, là, il n'est pas prévu dans la loi qu'ils puissent le faire. Ce qui n'est pas prévu n'est pas défendu, mais, à un moment donné, quand on a des troubles, ça peut devenir très ennuyeux pour des parents.

On n'a pas voulu implanter des fonds pour que ça remplace la responsabilité de l'État et qu'on n'investisse pas dans nos écoles les sommes nécessaires pour offrir les services éducatifs, on le dit même dans la loi, mais on dit: Les parents, ils en ramassent des fonds, on va encadrer ça, tout simplement, et on va le mettre dans la loi. Mais, si vous aimez mieux qu'ils continuent à en ramasser comme ils veulent, qu'ils fassent ce qu'ils veulent avec ça et qu'ils achètent des livres et des ordinateurs ou n'importe quoi, on ne l'écrira pas dans la loi. Est-ce que vous pensez que ça va empêcher les parents de le faire? Est-ce que vous pensez que les parents vont arrêter de vendre des calendriers et des barres de chocolat pour s'offrir des petites choses intéressantes en parascolaire à l'école? Si vous pensez que c'est le cas, moi, vous savez, sur ça, pas de doctrine, hein? Alors, s'il faut regarder cela d'un peu près, je le regarderai, mais là il ne faut pas me faire dire, par exemple, que les parents, actuellement, ne ramassent pas de sous, n'en ont pas de fonds et puis que je dois complètement fermer les yeux là-dessus peu importe comment c'est géré et de quoi ça a l'air. Mais enfin, nous pourrons en discuter.

M. le Président, cette loi est une loi majeure qui vient réformer la Loi sur l'instruction publique, elle sera soumise à débat à l'occasion de la commission parlementaire, nous pourrons encore corriger certains de ses aspects, mais, quant au fond et quant à l'ensemble des éléments majeurs qui la composent, je crois que nous sommes dans la bonne direction vers le succès, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre de l'Éducation. Le principe du projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pardon? Adopté sur division. Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'éducation

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Nous allons adopter un nouveau principe, et je vous propose l'article 11.


Projet de loi n° 172


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 11, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 172, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail. M. le ministre, je vous cède la parole pour 60 minutes.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, le projet de loi qui est devant nous vise essentiellement deux objectifs: d'abord, de légiférer sur le travail des enfants et aussi de régler un problème qui perdure depuis des années au Québec, le travail des domestiques, les femmes qui travaillent chez leur employeur.

M. le Président, je pense honnêtement qu'il était grand temps que le Québec étudie un projet de loi comme celui qui est devant nous et qui vise principalement le travail des jeunes d'âge scolaire. Nous connaissons tous ce problème répandu en Amérique du Nord qu'est le travail des jeunes d'âge scolaire. C'est une très grande préoccupation. Et, je me souviens, dès le début de mon mandat, on était tombé d'accord, le critique de l'opposition en matière de travail de l'époque, le député de LaFontaine, pour qu'on en arrive un jour à en parler. Je lui avais promis qu'on le ferait, mais je ne pensais pas qu'on le ferait aussi vite que ça.

Il y a urgence d'agir pour plusieurs raisons, parce que, lorsqu'on parle du travail des jeunes qui occupent un emploi pendant leurs études et dont l'incidence sur leur cheminement scolaire peut avoir des impacts considérables au chapitre de la réussite, par exemple, je pense qu'il est temps qu'on se pose un certain nombre de questions.

Le Québec s'est déjà doté de plusieurs dispositions législatives qui assurent aux jeunes en âge de fréquenter l'école une protection essentielle à leur développement intellectuel et au développement aussi de leur santé. Je pense en particulier au Code de la sécurité routière, qui fixe l'âge de 16 ans, minimum, pour la conduite d'un véhicule automobile, également à la Loi sur la formation et la qualification de la main-d'oeuvre, qui établit à 16 ans l'âge minimal d'admission à l'emploi ou pour un métier. Pensons aussi à la Loi sur la protection de la jeunesse et à la Loi sur l'instruction publique, qui prévoient la fréquentation scolaire obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans.

M. le Président, le projet de loi qui est devant nous s'inscrit dans cette même ligne de pensée, puisque l'intérêt du gouvernement, c'est de faire en sorte que les enfants puissent bénéficier de conditions favorables, tant à l'égard de leur rendement scolaire qu'à celui de leur santé. Ainsi, il nous est apparu nécessaire d'établir une période quotidienne pendant laquelle un enfant pourra bénéficier du repos nécessaire pour refaire ses forces, aller à l'école et travailler aussi, s'il le fait, mais dans des conditions correctes. Enfin, le projet de loi oblige l'employeur à aménager l'horaire de son salarié de moins de 15 ans de façon à ce qu'il soit à la résidence familiale entre 23 heures et 6 heures du matin.

Cette disposition, loin de se substituer au rôle essentiel des parents – et là je tiens à être précis là-dessus, il ne faudrait pas s'énerver – vise plutôt à favoriser l'application harmonieuse de la loi tout en appuyant le travail d'éducation des parents. Cette disposition sera par ailleurs imprégnée d'une certaine souplesse, puisque le gouvernement se réserve le pouvoir d'exclure certaines activités du projet de loi par voie réglementaire. Nous étudierons les cas d'exception et nous les soumettrons, M. le Président, de sorte que le gouvernement, par règlement, pourra agir dans certains cas précis qui seront portés à son attention.

En établissant l'interdiction du travail des jeunes de moins de 15 ans entre 23 heures et 6 heures le lendemain, nous répondons aux impératifs dont j'ai parlé précédemment. Et je me permets de souligner les principes convenus, par exemple, dans la Convention relative aux droits de l'enfant qui a été adoptée par les Nations unies, Convention à laquelle le Québec souscrit d'emblée. Le Québec est également lié par le contenu de l'Accord nord-américain de coopération en matière de travail, un accord parallèle à l'ALENA, qui établit un certain nombre de dispositions visant le travail des enfants. Au fond, il est temps que le Québec se mette à l'heure de l'Amérique du Nord et de certaines provinces canadiennes qui ont su agir dans ce domaine-là et qui l'ont fait avec brio.

Le deuxième volet du projet de loi – et ça, c'est une mesure sociale-démocrate – contient une disposition qui, celle-là, vise à rétablir une situation pour la domestique résidant chez son employeur en lui assurant de bénéficier de meilleures conditions de travail. Je dis «la domestique» parce que, dans la très grande majorité des cas, c'est des femmes qui occupent ces emplois. En effet, la domestique résidente se voit obligée de demeurer à la résidence de son employeur, lequel profite largement de cette obligation. Nous, on pense que cette disponibilité immédiate voulue par l'employeur, ça se paie.

Il y a des personnes qui embauchent des domestiques et qui trouvent le tour de les faire payer pour loger chez elles et de les faire payer aussi pour leur nourriture. Alors, ce que le projet de loi vise, aujourd'hui, c'est que, l'employeur qui exige que sa domestique demeure chez lui, il n'est plus question qu'on lui charge un tarif ou une somme égale, par exemple, à 40 $ par semaine. Ce sera terminé, avec le projet de loi.

Il en va de même aussi pour les domestiques qui n'habitent pas chez leur employeur, mais quand ce dernier trouve le tour de leur faire payer leurs repas. Ça aussi, le projet de loi prévoit une disposition qui va épargner désormais à la domestique résidant chez son employeur de payer 40 $ ou à celle qui n'y réside pas de payer ses frais de repas.

(22 h 20)

J'ajoute, M. le Président, que c'est finalement afin d'assurer une concordance avec ce qu'on pourrait appeler un travail qui est fait correctement par des personnes qu'on embauche pour leurs compétences, mais qu'on doit respecter. Les groupes qui représentent les travailleuses qui résident chez leur employeur sont venus nous rencontrer, nous ont exposé la situation, et je pense qu'il était temps d'agir.

Quant aux autres parties du travail d'une femme qui réside chez son employeur, ça, c'est régi par règlement. Par exemple, on établit à 49 heures par semaine la durée de la semaine de travail des domestiques, et leur salaire est fixé également par règlement. Ça, c'est un aspect réglementaire.

Ce qu'on propose ici, c'est une disposition législative qui va protéger ce type de personnes, qui en ont grandement besoin. Il y aura quelques dispositions, aussi, dans le projet de loi pour s'ajuster à la Loi sur les règlements qui régit notre Assemblée. C'est des dispositions mineures. On aura l'occasion d'en parler en commission parlementaire.

Mais, M. le Président, je suis très heureux qu'on puisse maintenant aborder l'étude de ce projet de loi qui vise le travail des enfants. Il s'agit, au fond, pour le législateur, de mettre les enfants à l'abri de ceux qui auraient tendance à les exploiter. Il en va de même pour les personnes qui travaillent comme domestiques chez leur employeur. Il faut éviter toute forme d'exploitation. Le gouvernement du Québec a décidé d'agir là-dedans. Et je suis très heureux qu'on puisse aborder cette étude du projet de loi le plus rapidement possible. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Pour moi aussi, M. le Président, c'est un honneur de venir participer au débat sur le projet de loi n° 172, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail. Tout d'abord, M. le Président, il faut savoir que ce projet de loi, présenté par le député de Matane et ministre du Travail, traite de deux grands sujets peu connus: d'abord, les enfants au travail et les aides domestiques.

Le premier enjeu du projet de loi n° 172 qu'il faut discuter ce soir, M. le Président, porte sur le travail des enfants au Québec. Mais oui, on pense que le travail des enfants dans notre société, ce n'est pas un problème. Est-ce que la proposition du gouvernement en cette matière est réaliste, réalisable, raisonnable et suffisante dans une société moderne, libre et démocratique comme la nôtre? Vous comprendrez, M. le Président, qu'il n'est pas question pour moi d'aborder un tel sujet de façon partisane. Nous avons devant nous l'opportunité de bien faire ou de mal faire nos devoirs en tant que citoyens du Québec, parents et représentants et porte-parole de nos électeurs.

La grande majorité de nos concitoyens pensent que le travail des enfants dans les sociétés nord-américaines ne pose pas vraiment de problèmes. La plupart d'entre nous, d'ailleurs, croyont que l'exploitation de l'enfance et des enfants dans l'activité marchande, dans la production de biens et services n'est qu'un phénomène isolé, vestige de civilisations moribondes, issu de pays du tiers-monde. Ce n'est qu'au Bénin, en Inde on dans d'autres pays éloignés qu'on retrouve des enfants qui doivent travailler de longues heures pour apporter la nourriture à la maison ou pour tout simplement survivre. Eh bien, détrompons-nous! Le travail des enfants est un phénomène de plus en plus fréquent, même ici, chez nous, dans nos comtés, dans nos villes, dans nos villages et dans nos entreprises.

De plus en plus, les familles québécoises voient leur revenu disponible diminuer par des hausses constantes de leurs contributions de toutes sortes au financement des services publics qui, de leur côté, continuent à diminuer. Depuis 1973, M. le Président, la pauvreté de notre société fait des gains. Le fossé entre ceux qui sont inclus et ceux et celles qui sont exclus du marché de l'emploi et du travail ne cesse de s'élargir. De plus en plus, de façon lente et tranquille, la société québécoise avance à reculons. On avance à reculons un peu plus lorsqu'on impose aux parents d'enfants des frais de toute nature pour financer les coupures gouvernementales. On en a eu un exemple tantôt avec la discussion sur le projet de loi de l'éducation. Par exemple, M. le Président, combien de parents dans votre comté ou dans le mien doivent aujourd'hui défrayer des montants toujours plus élevés pour le matériel de classe, pour la surveillance le midi, tantôt pour le transport scolaire et tantôt pour une calculatrice?

Selon une étude demandée par l'Institut québécois de planification financière rendue publique au début du mois de juin, le portrait financier des Québécois et Québécoises est loin d'être réjouissant. Les compressions de salaires, les horaires de travail réduits et le fardeau fiscal accru ont provoqué une baisse de 5 % des revenus réels des Québécois et Québécoises, et le Québec demeure confronté à une inquiétude collective. À la fin de l'année 1996, près du tiers des 3 600 000 travailleurs du Québec déclaraient être incertains vis-à-vis de leur emploi. Plus de 1 000 000 de travailleurs et travailleuses craignent de perdre leur emploi.

De plus, des changements profonds dans notre tissu social, dans l'organisation de notre société affectent également la vie de ceux et celles qui prendront notre relève dans quelques années. L'éclatement des familles, causé très souvent par les problèmes économiques qu'un chômage trop élevé et persistant produit dans la vie d'un couple, est réel. L'augmentation du nombre de familles monoparentales est une réalité qu'il faut voir et comprendre. Nous devons apprendre à vivre avec ces changements, mais nous devons également être attentifs à l'évolution de notre société parce que nous sommes responsables des lois que nous adoptons ici, à l'Assemblée nationale. Cet appauvrissement collectif que nous connaissons, ces changements profonds de l'organisation familiale frappent durement les enfants et toute notre jeunesse. Nous connaissons mal encore aujourd'hui les effets de tous ces changements, mais, oui, les enfants, parce que les parents ne peuvent leur accorder ce dont ils ont besoin, sont aujourd'hui obligés d'aller faire leur gagne-pain en travaillant à l'extérieur en bas âge.

Mais nous savons aussi, M. le Président, que le taux de décrochage scolaire est terriblement élevé dans ce Québec que nous aimons tous et qu'il frôle le 40 %. Nous savons que plus de 500 enfants, chaque année, ici, au Québec, chez nous, sont victimes d'accidents de travail.

Nous savons aussi, M. le Président, que des études ont démontré qu'un enfant qui travaille plus de 15 heures par semaine met en péril son année scolaire, et ce, le Conseil du patronat avait fait cette constatation en 1992. On est aujourd'hui en 1997. D'ailleurs, un comité interministériel avait fait ce rapport en 1996. Nous savons aussi que le Québec devrait tout faire pour favoriser le développement de la jeunesse québécoise en priorisant par tous les moyens l'éducation et l'instruction, surtout en cette époque de mondialisation et de libre-échange. Aujourd'hui encore, plus qu'hier, le savoir prend une place stratégique infiniment importante dans notre capacité de garantir notre avenir collectif. Encore récemment, M. le Président, nous apprenions que 75 % de nos chômeurs et chômeuses n'ont pas terminé leur secondaire V. Le Conseil supérieur de l'éducation, dans son rapport, lance un appel vibrant aux syndicats, aux entreprises, aux groupes communautaires, aux familles et à l'État. L'école à elle seule ne suffit plus à la tâche. Nous avons tous une partie de responsabilités. Nous devons, tous ensemble, réfléchir au bout de chemin que nous devons faire aujourd'hui dans nos domaines respectifs pour préparer la société de demain.

(22 h 30)

Parce que nos enfants sont notre bien le plus précieux et notre plus grand gage d'avenir, nous devons, M. le Président, examiner avec soin la proposition contenue au projet de loi n° 172. Les employeurs peuvent-ils embaucher les enfants au Québec n'importe comment, n'importe quand, sans aucune restriction, sans aucune balise et sans aucune orientation législative? Or, M. le Président, le Québec a la loi la plus permissive au Canada. En fait, depuis 1979, il n'y a plus de loi qui encadre le travail des enfants au Québec. Il y a un vide juridique. Il était donc grand temps de mettre en place une loi qui commence – de façon très timide, je dois l'admettre – à mettre en place des balises.

Le Conseil de la famille, dans un avis qu'il rendait public récemment, en 1992, confirme qu'il n'y a pas, au Québec, de loi sur l'âge minimum du travail, et pourtant l'Organisation internationale du travail fixe l'âge minimum du travail à 15 ans pour ne pas compromettre la santé, la sécurité et le développement intellectuel, social et moral du jeune. Est-ce que le projet de loi n° 172 va assez loin? Il est permis de se questionner, M. le Président, sur l'intérêt à pousser plus loin les mesures contraignantes pour l'emploi des enfants en bas de 15 ans. Imaginez que ce n'est que pour le travail de nuit que cette loi est mise en place.

Parce que nous savons toutes ces choses, parce que le ministre du Travail le sait aussi, nous avons la responsabilité de regarder le projet de loi avec ouverture et avec attention. J'ai la ferme conviction que notre jeunesse est dynamique. Nos jeunes sont débrouillards. D'ailleurs, ils n'ont pas le choix. Notre jeunesse doit être aussi précoce. Très vite, nos enfants trouvent des moyens pour combler ce que le gouvernement enlève à leurs parents. Il ne s'agit pas d'empêcher cette débrouillardise, bien au contraire, mais il s'agit plutôt de remplacer le rôle prépondérant de la responsabilité parentale, de l'autorité parentale, et il s'agit tout simplement de regarder ensemble si, collectivement, compte tenu des travaux importants qui sont faits depuis les dernières années, la société que nous tentons de représenter est mûre pour un encadrement législatif plus complet à l'égard des enfants après 17 ans de vide juridique.

Est-ce que le législateur peut appuyer les parents dans les arbitrages quotidiens? Est-ce que l'État considère que l'enfance, actuellement, mérite que des balises plus complètes soient proposées aux parents? Est-ce qu'il est possible de guider, de mettre en place une carte routière pour assurer la réussite scolaire? Est-il possible de penser à une espèce de frontière législative à l'intérieur de laquelle chaque enfant sera libre de faire les choix qu'il désire sans affecter ou hypothéquer son avenir par un déséquilibre involontaire entre le travail et les études? Bref, ne faudrait-il pas, pour les cas problèmes, que la loi fixe minimalement quelques indications plus claires, ce que nous ne retrouvons pas dans le projet de loi actuel?

L'Alberta, le Manitoba et Terre-Neuve ont compris l'importance de l'enjeu des enfants au travail. Ces provinces ont adopté une réglementation pour baliser le travail des moins de 16 ans pendant les jours de fréquentation scolaire. On limite le nombre d'heures par jour à deux ou trois heures. On limite le nombre de jours durant les semaines de classe, deux ou trois jours. On interdit le travail entre 20 heures et 6 heures le matin. On limite les heures travaillées à huit heures par semaine durant la période scolaire. Et surtout, M. le Président, on demande le consentement écrit d'un parent ou d'un tuteur pour tout engagement d'un jeune de moins de 16 ans.

Le phénomène est donc réel, et nous devons le regarder en face. Selon l'avis du Conseil supérieur de l'éducation datant de 1992, ce phénomène du cumul des études et du travail rémunéré à temps partiel est un phénomène massif.

Un avis récent du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, daté du 28 octobre 1997, M. le Président – c'est tout récent – partage les préoccupations que je tente modestement d'exprimer aujourd'hui. On nous dit que 40 % des jeunes du secondaire ont un emploi à temps partiel. Je rappelle, M. le Président, que ce Conseil a le bénéfice de pouvoir compter sur l'expertise de nos principaux acteurs sociaux et économiques. Cet avis porte sur le travail des enfants. Après avoir appuyé l'orientation du ministre en ce qui concerne l'interdiction du travail de nuit entre 23 heures et 6 heures pour les enfants de 15 ans et moins, à l'exception de la livraison de journaux et du gardiennage à domicile, le Conseil dit ceci: «Le Conseil est par ailleurs d'avis que le ministre devrait s'intéresser à l'ensemble de la problématique du travail des enfants de moins de 16 ans.» Je dis bien «l'ensemble», non pas seulement le travail de nuit. Le Conseil incite le ministre, lors du processus d'élaboration de normes portant sur le travail des enfants, à s'inspirer de la politique concernant le travail des jeunes élaborée conjointement par la Centrale de l'enseignement du Québec et le Conseil du patronat du Québec. Enfin, le Conseil souhaite être consulté par le ministre sur ce dossier au moment où il le jugera opportun.

Alors, je questionne le ministre, M. le Président. Pourquoi ne pas bien faire tout de suite et pourquoi attendre à plus tard? Pourquoi remettre à demain ce que nous pouvons faire aujourd'hui? Pourquoi ne pas tenir compte des nombreux travaux qui ont été faits pour améliorer le projet de loi à cet égard? Est-ce que le ministre manque de souffle? Pourquoi nous présente-t-il une pièce de législation incomplète à ce moment-ci? Est-ce qu'il ne serait pas prêt à entendre des groupes en commission parlementaire? Nous avons la chance, avec un peu de bonne volonté, de faire un travail constructif pour les jeunes, pour les parents, pour les écoles et pour leur réussite scolaire surtout. Nous pourrions examiner la politique élaborée par le Conseil du patronat et la Centrale de l'enseignement du Québec. Et voilà un outil de base relativement simple qui pourrait se transformer en véritable politique gouvernementale.

Mme Pagé, présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec, disait, lors d'une allocution prononcée à l'occasion d'un colloque de la Conférence tripartite Canada–États-Unis–Mexique, en parlant de l'intention du ministre du Travail d'interdire le travail de nuit des enfants de 14 ans et moins, et je cite, M. le Président: «Tout en saluant cette initiative tardive et, somme toute, assez timide, le ministre du Travail devrait sans doute s'inspirer de la politique concernant le travail des jeunes que la CEQ et le Conseil du patronat du Québec ont conjointement élaborée et rendue publique en septembre 1996.»

Il faut bien comprendre que cette politique, comme le soulignait Mme Pagé, ne vise pas à décourager totalement le travail rémunéré des jeunes, bien au contraire. Elle s'adresse d'abord aux employeurs. On retrouve dans cette politique des engagements tout à fait raisonnables, comme: l'employeur s'engage à ne pas embaucher les enfants de moins de 13 ans; l'employeur s'engage à ne pas faire travailler les jeunes de moins de 16 ans plus de 15 heures par semaine pendant l'année scolaire; l'employeur s'engage à respecter la limite de deux heures de travail rémunéré par jour, par jeune, pendant les jours de classe, et à sept heures durant les jours sans classe; il s'engage aussi à ne pas faire travailler les jeunes qui sont assujettis à l'obligation de fréquentation scolaire pendant les heures de classe; l'employeur s'engage à ne pas faire travailler les jeunes entre 21 h 30 et 6 heures.

M. le Président, toutes ces mesures apparaissent logiques et raisonnables. Pouvons-nous en tenir compte dans le débat que nous amorçons ce soir? Pouvons-nous espérer du ministre du Travail, gardien des lois du travail, qu'il réfléchisse avec nous en commission parlementaire sur le contenu de son projet de loi? Sommes-nous en mesure de transformer la timidité du ministre sur ce dossier pour répondre mieux à la réalité sociale dans laquelle les parents, les enfants et les écoles vivent aujourd'hui? Devant l'ampleur, la très forte progression du travail des enfants au Québec, la mesure proposée est-elle raisonnable et suffisante?

Voilà des questions, M. le Président, qui méritent, à notre avis, toute l'attention du gouvernement. Nous voulons des réponses et nous voulons que le ministre du Travail puisse nous convaincre qu'il n'est absolument pas possible de faire plus. Il devra, à ce chapitre, nous fournir des explications solides et convaincantes.

Tel que le Conseil du patronat l'a suggéré, les entreprises de la région de Saint-Jérôme ont fait volontairement appel à la communauté pour interdire, telles les mesures proposées par le Conseil du patronat et la CEQ, le travail des jeunes qui ne répondait pas aux standards mis de l'avant par ces deux organismes. Ceci s'est fait de façon volontaire, M. le Président, et il est souhaitable que ça puisse s'étendre à l'ensemble de la province.

Ce qui m'amène à parler du deuxième grand enjeu que touche le projet de loi n° 172, et nous parlerons des aides familiales ou des domestiques. Il faut savoir que les femmes du Québec se battent depuis une vingtaine d'années pour tenter de convaincre les gouvernements qui se sont succédé d'améliorer la législation du travail s'appliquant à cette activité. Ce corps d'emploi occupé principalement et majoritairement, sinon presque exclusivement, par des travailleuses, qu'on appelle encore des domestiques, est victime depuis très longtemps d'un traitement à part et peut-être même discriminatoire.

(22 h 40)

Le 25 avril 1997, se tenait un colloque organisé par l'Association pour la défense des droits du personnel domestique. Au cours de ce colloque, la sociologue Élisabeth Ouellet arrivait à la conclusion qu'il fallait une loi claire à court terme, largement diffusée et appliquée pour assurer une protection adéquate aux aides familiales. On remarque dans ce type d'emploi un phénomène de servitude et de sous-rémunération. En 1995, l'Association présentait à la ministre du Travail de l'époque, Mme Harel, sept revendications. Deux autres ont été ajoutées depuis, M. le Président, et vous m'indiquez qu'il me reste encore deux minutes. Je pense que c'est une erreur, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, vous disposez de 60 minutes en tant que représentant officiel. Très bien.

M. Beaudet: Il me semblait, j'étais un peu... Je ne veux pas occuper les 60 minutes, mais je veux prendre ce qui me revient.

On remarque dans ce type d'emploi un phénomène de servitude et de sous-rémunération. Me Stéphanie Bernstein faisait état de nombreuses discriminations dans le cadre juridique qui s'applique à ce type d'activité. La Commission des droits de la personne a déjà produit des avis sur certains cas. On parle d'une sous-considération des tâches liées aux soins de la personne, de l'inégalité de la rémunération fixée par la Loi sur les normes. Par exemple, l'aide familiale résidente a droit à 264 $/semaine pour une semaine normale de 49 heures, alors que les travailleurs ont normalement droit au salaire minimum sur une semaine normale qui sera de 40 heures, et ce, en l'an 2000. Pour un même genre de travail d'entretien dans un édifice public, un décret du gouvernement assure 11,50 $ l'heure ou 506 $/semaine. On parle aussi du fait que ces travailleuses n'ont pas droit à la protection contre les accidents du travail, à moins qu'elles paient une prime, parce qu'on les considère comme des travailleurs autonomes. Elles n'ont pas droit non plus au retrait préventif de la femme enceinte. Elles n'ont pas droit d'utiliser le droit de refus prévu à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. On sait aussi les difficultés de preuve que ces travailleuses endurent dans leurs réclamations devant la Commission des normes du travail et on demande que le fardeau de la preuve soit renversé sur les employeurs, comme ça existe en Ontario et dans le Code canadien du travail. La loi devrait être modifiée pour obliger les employeurs d'aides familiales à s'enregistrer à la Commission des normes.

En 1995, l'Association présentait à la ministre du Travail de l'époque, Mme Harel, sept revendications, et deux autres se sont ajoutées depuis le colloque de 1997, M. le Président. Et je vous les cite parce qu'elles m'apparaissent importantes: Le travail d'aide familiale étant reconnu comme une profession, que le terme «domestique» soit changé dans les lois pour «aide familiale»; que la rémunération des aides familiales qui résident avec leur employeur soit fixée au taux horaire minimum comme tous les autres travailleurs du Québec; que les aides familiales qui résident chez leur employeur aient le droit d'être rémunérées en temps supplémentaire après la semaine normale de travail plutôt qu'après les 49 heures comme tous les autres travailleurs du Québec; que l'article 3 de la loi sur les normes soit abrogé de sorte que les aides familiales qui prennent soin d'enfants ou de personnes handicapées ou âgées et qui n'effectuent aucun travail ménager puissent bénéficier de la protection de la loi, ce qui n'est pas le cas présentement; que les employeurs soient obligés d'inscrire les aides familiales à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et de payer leur cotisation comme employeurs; que les employeurs soient soumis à la cotisation de la Commission des normes du travail et qu'ils s'enregistrent aussi comme employeurs à la CNT; que des peines plus sévères soient imposées aux employeurs qui ne respectent pas la loi; que l'employeur n'ait pas le droit de faire payer aux travailleuses un montant d'argent pour la chambre et la pension lorsque l'aide familiale est obligée de loger chez l'employeur, ce qui est l'objet du projet de loi d'aujourd'hui – mais je veux noter, M. le Président, que c'est le seul élément dans le projet de loi que l'on touche, alors que tous les autres sont tout aussi importants; et, finalement, que l'aide familiale puisse être rétribuée pour les périodes où elle est en disponibilité chez l'employeur. Actuellement, l'aide familiale qui réside chez son employeur n'est pas considérée par la jurisprudence comme étant au travail lorsque, en dehors de ses heures régulières, elle est appelée à surveiller les enfants en l'absence des parents. Pourtant, il y a là une obligation de présence qui devrait être rémunérée.

Selon ce mémoire, M. le Président, en Ontario, au Manitoba et en Colombie-Britannique, il n'y a plus de différence salariale et de différence sur la semaine normale de travail entre les aides familiales résidentes et les autres travailleurs. Le principe d'égalité exige que ce précédent soit suivi par le Québec.

On apprend aussi que la Commission des normes, en 1987, et le Conseil du statut de la femme, en 1990, ont recommandé que les aides familiales reçoivent les mêmes conditions de travail que les autres travailleurs québécois. Dans ce mémoire, on explique que, si la fonction exclusive est de prendre soin d'un enfant ou d'une personne malade handicapée ou âgée dans une résidence privée, l'employée n'est pas couverte par la Loi sur les normes du travail, et, pour bénéficier de la loi, il faut aussi effectuer des travaux ménagers. L'Association s'oppose vigoureusement à cette situation qui revient à valoriser davantage les travaux ménagers plutôt que les soins aux êtres humains.

Toujours dans ce mémoire, on nous dit que la Commission des droits de la personne considère cette exclusion contraire au principe de l'universalité de la Loi sur les normes du travail. De plus, ces exclusions sont contraires à l'article 46 de la Charte québécoise des droits et libertés, qui garantit que toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. Selon l'Association, un travailleur qui n'a pas le droit à l'application de la Loi sur les normes n'a pas droit de toute évidence à des conditions de travail justes, raisonnables et sécuritaires. En 1994, le Conseil de la famille a aussi statué sur les aides familiales, dont la seule fonction consiste à prendre soin de tierces personnes et qui devraient être protégées entièrement par la loi.

Enfin, le mémoire explique que l'Ontario et la Colombie-Britannique exigent des employeurs de cotiser au régime de santé et sécurité du travail lorsque les aides familiales travaillent plus de 24 heures par semaine. L'Association demande de modifier les articles 2 et 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour que la couverture des aides familiales soit aussi obligatoire.

Finalement, M. le Président, l'Association demande des modifications pour que les employeurs ne soient plus soustraits à l'obligation de s'enregistrer à la CNT et à payer une cotisation sur la masse salariale. Les impacts économiques de tous ces changements ont fait l'objet d'un document de travail de Pierre-Yves Crémieux, professeur au Département des sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal. Ce document cherche à évaluer l'impact économique de l'inclusion des aides familiales dans les normes du travail, tant pour les employeurs et les employés que pour le gouvernement. Ce document souligne les impacts de contribution à l'assurance-emploi, à la CSST, à l'impôt fédéral et à l'impôt provincial, à la Régie des rentes, au Fonds de santé de l'assurance-maladie et à la Commission des normes. Il s'agit donc d'estimations basées sur des hypothèses qui ne sont pas toujours exactes, faute de données.

Plus récemment, M. le Président, le ministre du Travail, dans une émission diffusée en avril, s'engageait à revoir toute cette question. Le 12 novembre dernier, le projet de loi n° 172 était déposé. Et nous avons, depuis, reçu un nombre important d'interventions contre le fait que la proposition du gouvernement ne répond aucunement aux demandes formulées depuis 20 ans à l'égard des femmes travaillant dans ce secteur d'activité.

Dans une lettre du 18 novembre, l'Association pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal s'exprimait ainsi: «Ce projet de loi nous préoccupe, nous déçoit au plus haut point. Malgré son article 51.0.1, il ne reprend aucun des sept changements à la législation que nous avons demandés à la ministre Louise Harel en 1995. Ainsi, en aucune façon, il n'assure la protection minimale et en toute égalité des droits de ces travailleuses en maison privée que nous revendiquons maintenant depuis 20 ans.» Vous comprendrez, M. le Président, que cette Association réclame du gouvernement qu'il agisse en toute transparence et qu'il accompagne ce projet de loi de consultations publiques, ce à quoi le ministre m'a dit qu'il n'avait pas d'objection.

Nous avons reçu aussi copie d'une lettre datée du 19 novembre, de la Fédération des femmes du Québec, sous la plume de sa présidente, Mme Françoise David, et qui dit ceci: «Nous considérons que ce projet de loi est inacceptable et nous exigeons la tenue d'une consultation publique. Nous savons que plusieurs organisations appuient la démarche de l'Association pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal.»

(22 h 50)

M. le Président, nous sommes aussi d'accord pour qu'une consultation se fasse, puisque, selon toute apparence, le projet de loi n° 172 est l'aboutissement timide, incomplet et inacceptable de 20 ans de lutte des femmes pour le droit à des conditions de travail minimales, raisonnables, justes et équitables.

En terminant, M. le Président, j'aimerais faire deux suggestions importantes que le ministre pourrait prendre en considération. D'abord, il y a plusieurs groupes qui ont manifesté leur intérêt à se faire entendre à cette commission parlementaire, et je réitère ma demande au ministre pour que nous ayons une commission parlementaire pour entendre les groupes qui ont bien voulu nous faire part de leur demande et pour enfin essayer d'enrichir ce projet de loi. L'autre suggestion, M. le Président, elle est peut-être loin à aboutir, puisqu'elle demandera la participation d'autres ministères, mais il serait souhaitable d'envisager une déduction personnelle pour l'employeur. Dans le contexte actuel du changement de travail, on sait que 55 % des nouveaux emplois créés depuis 1991 se font comme travailleurs autonomes. Actuellement, à cause de ce changement de travail, le support d'une aide domestique à la maison est devenu pratiquement une nécessité permettant à une femme, en général, de pouvoir gagner sa vie. Et, s'il s'agit d'un employé qui est à son emploi dans le but de gagner un revenu, M. le Président, il y a eu déjà un jugement de la Cour suprême du Canada qui a abouti à un résultat négatif pour la demanderesse, mais il n'en reste pas moins que ce fut un jugement partagé. Et les commentaires que l'on a soulevés lors de ce jugement, je me permets de vous les citer, M. le Président: «Le monde actuel des affaires est de plus en plus peuplé d'hommes et de femmes, et l'interprétation de l'expression "dépense d'entreprise" doit tenir compte de la situation de tous les participants dans ce domaine. Le soin des enfants est un élément essentiel de la capacité des femmes de gagner un revenu. Et l'appelante, dans le cas présent, a été logique sur le plan commercial en engageant une gardienne d'enfants. Ces dépenses ont été engagées en vue de tirer un revenu ou de faire produire un revenu et, par conséquent, leur déduction d'impôts en vertu de l'article 9 n'est pas interdite telle que rédigée.»

Alors, je propose au ministre du Travail de faire cheminer cette idée, où il serait possible pour les familles qui ont à leur emploi des aides domestiques et qui utilisent ce moyen pour gagner un revenu, que cette dépense leur soit déductible parce que, justement, elle est faite dans le but de gagner un revenu, et c'est tout comme une entreprise qui a des employés à son service pour avoir des revenus.

M. le Président, je peux assurer le ministre qu'en commission parlementaire nous procéderons avec célérité pour l'adoption de son projet de loi, mais nous souhaitons voir ajouter les changements que nous avons proposés ce soir, que ce soit pour le travail des enfants en bas de 16 ans pour que la loi soit plus contraignante ou que ce soit pour les aides domestiques pour qu'on puisse leur donner les avantages auxquels elles ont droit. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Maintenant, s'il n'y a plus d'autres intervenants, je vais céder la parole à M. le ministre pour son droit de réplique. M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: M. le Président, j'ai beaucoup apprécié le discours du député d'Argenteuil. D'abord, je trouve que sa sensibilité vis-à-vis du travail des enfants est assez intéressante et je crois qu'on aura de bonnes discussions en commission parlementaire. Je voudrais lui rappeler, par exemple, deux, trois petites choses qui vont certainement continuer de nourrir sa réflexion. Parmi les organismes que les libéraux ont consultés, en 1992 et 1993, sur le travail des jeunes, je voudrais juste en énumérer quelques-uns, parce que la liste est très longue, mais je voudrais aller du côté des groupes les plus représentatifs. Par exemple, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le Conseil des affaires sociales, le Conseil de la famille, la Commission des normes du travail, le Conseil supérieur de l'éducation – ce n'est pas rien – ensuite la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le Conseil permanent de la jeunesse, la Commission de protection des droits de la personne, etc. Suite à ces consultations nombreuses, le gouvernement d'alors a décidé de créer un comité interministériel qui regroupait le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur à l'époque, et on avait également regroupé le ministre du Travail et celui de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

Les libéraux avaient quand même accouché d'une bonne recommandation. Donc, en 1994, leur principale recommandation visait à interdire le travail de nuit des jeunes de moins de 14 ans. Évidemment, c'était un pas dans la bonne direction, mais le problème, c'est que les libéraux n'ont pas bougé là-dessus. Aujourd'hui, évidemment, je comprends combien le député d'Argenteuil peut avoir la mine réjouie, c'est qu'on fait aujourd'hui ce qu'ils n'ont pas pu faire avant.

M. le Président, j'aimerais d'abord vous souligner que, parmi les amendements qu'on apporte à la Loi sur les normes du travail, il y a beaucoup de choses qui vont découler par après de règlements du gouvernement. Par exemple, les conditions de travail des domestiques qui résident chez leur employeur vont être fixées par règlement du gouvernement du Québec. Ce n'est pas l'instance appropriée, l'Assemblée nationale, pour modifier un règlement, puisque c'est la prérogative du gouvernement.

Je voudrais souligner aussi que les dispositions qu'on apporte en ce qui a trait au travail de la domestique, bien, vous avez remarqué que c'est toute une question rattachée aux repas, aux frais de séjour et, évidemment, aux frais de logement. Alors, encore là, il n'y a pas de matière à partir dans de vastes consultations pour savoir comment on va régler un problème comme celui-là, puisque – je dois le répéter – c'est par voie réglementaire, dans la plupart des cas, que nous allons procéder.

Mais je voudrais souligner, en terminant, combien le phénomène du travail des jeunes intéresse beaucoup de gens dans la société québécoise, non seulement les éducateurs, non seulement les parents, mais le législateur également, le Conseil du patronat du Québec que j'ai rencontré à cet effet, j'ai rencontré Mme David, et j'ai rencontré aussi la présidente du Mouvement des auxiliaires familiales. D'ailleurs, j'aime mieux ça que «domestiques». «Auxiliaires familiales» m'apparaît être un meilleur vocable que «travailleuses domestiques».

Nous, ce qu'on veut, au fond c'est simple, c'est que le travail des jeunes la nuit soit circonscrit, qu'on mette ça entre des balises qui soient raisonnables pour ne pas compromettre son travail. Parce que le travail principal d'un jeune de 15 ans, c'est d'aller à l'école. C'est ça, son travail. Quand il décide de gagner des sous, on ne veut pas l'empêcher. On ne veut pas se substituer à l'autorité parentale, M. le Président. Mais, cependant, il faut que ça soit fait selon un certain nombre de règles, et c'est la responsabilité du législateur d'agir de la sorte.

Alors, M. le Président, c'est sûr, pour certains, c'est un petit projet de loi, mais c'est une pièce importante au plan social. Et je pense aussi que c'est une législation qui se fait attendre depuis tellement d'années que j'aime mieux franchir un pas décisif aujourd'hui que de tourner en rond encore quelques années puis de faire en sorte que les jeunes – et le député d'Argenteuil le disait éloquemment tout à l'heure, et longuement: les jeunes sont sans protection législative. Il était donc important d'agir et d'agir rapidement.

Quant aux suggestions heureuses qu'il veut me faire, vous comprendrez bien qu'on va en discuter en commission parlementaire avec beaucoup de plaisir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre du Travail.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 172, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

(23 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, pour cette soirée, il nous reste une adoption de principe. L'article 13.


Projet de loi n° 174


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 13, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 174, Loi modifiant la Loi sur les explosifs. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je présentais devant cette Assemblée, le 12 novembre dernier, le projet de loi n° 174 intitulé Loi modifiant la Loi sur les explosifs dont nous annonçons aujourd'hui l'étape de l'adoption du principe. Vous vous souviendrez sans doute que, au cours du printemps 1997, à la suite d'une série d'événements violents reliés à la guerre que se livrent certains groupes criminels, le gouvernement du Québec a été amené à prendre diverses initiatives afin de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique sur son territoire. Parmi les actions entreprises en ce sens, l'Assemblée nationale a procédé à la modification d'un certain nombre de lois dans le triple but d'attribuer des pouvoirs accrus d'intervention à la Régie des alcools, des courses et des jeux dans le contrôle des permis de bar, d'élargir les pouvoirs de réglementation et d'intervention des municipalités lorsqu'il y a urgence ou que la sécurité du public est en cause, de resserrer les conditions d'accès à des substances explosives.

Quelques mois à peine après leur entrée en vigueur, il semble que les différentes modifications apportées aient déjà porté fruit. Elles ont notamment permis, à l'échelle des grandes régions de Montréal et de Québec, une intensification de la lutte aux bandes de motards criminelles en coordonnant les efforts des municipalités, des forces policières et de différents organismes gouvernementaux comme la Régie des alcools, des courses et des jeux. Mais, compte tenu du contexte de leur adoption, ces modifications législatives, bien que majeures à certains égards, se sont limitées à l'essentiel, en considérant surtout l'objectif qui nous animait alors et qui continue de nous animer, c'est-à-dire la sécurité du public. Or, il y a lieu, dans certains domaines, de compléter l'action que nous avons entreprise et de bonifier quelques-unes des dispositions adoptées de manière à nous assurer de leur caractère équitable pour l'ensemble des personnes ou des corporations qui leur sont assujetties et dans le but d'en faciliter l'application pour les organismes gouvernementaux concernés. C'est là, pour l'essentiel, l'esprit du projet de loi qui est devant nous aujourd'hui et qui consiste, comme son titre l'indique, à modifier la Loi sur les explosifs.

L'application de la Loi sur les explosifs, M. le Président, permet à notre société de s'assurer de la qualité des personnes physiques ou morales qui sont autorisées, sur son territoire, à avoir des explosifs en leur possession. En considérant les formes de violence qu'ont prises certains épisodes de la guerre entre groupes criminels, on comprendra aisément qu'il s'agit là d'une pièce maîtresse parmi les instruments mis à notre disposition afin de prévenir ce genre de criminalité. C'est ainsi que, par les amendements apportés le printemps dernier, nous avons empêché toute personne criminalisée d'avoir légalement en sa possession l'une ou l'autre des substances explosives visées par la loi. Nous avons limité par ailleurs les occasions de complicité, dans les cas de vols d'explosifs, entre les gens de l'intérieur des entreprises détentrices de permis et les groupes intéressés à s'en procurer clandestinement. Il reste cependant à procéder à quelques ajustements fonctionnels afin d'éviter que les mesures adoptées ne viennent pénaliser les individus ou les entreprises dont les explosifs, compte tenu de la variété d'usage que l'on peut faire à des fins tout à fait licites et utilitaires, constituent le principal gagne-pain.

Actuellement, un permis d'explosif ne peut être délivré à une personne qui a été, au cours des cinq dernières années qui précèdent sa demande, déclarée coupable d'une infraction aux lois fédérales et québécoises sur les explosifs ou aux règlements pris en vertu de celles-ci. Nous souhaitons donc, par le présent projet de loi, accorder aux membres autorisés de la Sûreté du Québec responsables de la délivrance des permis d'explosifs de même qu'au ministre de la Sécurité publique le pouvoir de refuser ou de retirer un permis lorsque le demandeur ou le titulaire a été déclaré coupable de certaines infractions en prenant en considération un certain nombre de critères dans le processus d'évaluation d'une demande de permis ou dans l'examen de son retrait possible, particulièrement lorsque les actes reprochés au demandeur ou au titulaire ne sont pas de nature criminelle mais constituent des manquements, parfois d'ordre purement administratif, aux lois fédérales ou québécoises sur les explosifs.

Outre l'atteinte à la sécurité publique et le fait qu'une demande puisse être effectuée au bénéfice d'une autre personne, qui sont là des motifs de refus déjà prévus dans la loi, les critères proposés sont: la nature, la gravité et la fréquence de l'infraction; le préjudice causé ou qui aurait pu être causé par l'infraction; le risque de préjudice grave que présenterait l'exercice, par le demandeur ou le titulaire de permis, d'une activité autorisée par le permis compte tenu de l'attitude dénotée par l'infraction commise; le fait que le demandeur ou le titulaire du permis fréquente des personnes qu'il sait être de réputation criminelle ou fraternise avec de telles personnes sans justification. La proposition qui vise à accorder un pouvoir de refuser ou de retirer un permis introduit donc une certaine souplesse dans la loi, et les facteurs qui doivent être pris en considération dans l'exercice de ce pouvoir viennent encadrer le jugement et le processus de prise de décision des institutions et des personnes responsables de son application.

Par ailleurs, afin de conserver à cette loi toute la sévérité qui s'impose, le présent projet de loi contient des dispositions visant à majorer de façon significative les amendes imposées à l'issue d'infractions à la Loi sur les explosifs ou à son règlement d'application.

L'objectif que nous poursuivons consiste dans le resserrement des conditions d'accès à des substances explosives par la réduction et l'élimination, si possible, des situations de négligence au sein de l'industrie. Ces situations sont susceptibles de faciliter la tâche des criminels qui désirent se procurer de telles substances. Dans cette perspective, nous croyons qu'il convient de sensibiliser en tout premier lieu les détenteurs de permis aux conséquences de cette négligence et aux risques que des comportements insouciants font courir à la société.

Une appréciation sommaire des infractions commises au cours des dernières années et des peines qui ont été imposées par les tribunaux permet de croire que les montants appliqués dans le cadre des dispositions actuelles ne confèrent pas aux amendes le caractère ou l'effet dissuasif qui devraient normalement leur être associés. Les faibles montants exigés auprès des contrevenants entraînent fréquemment l'enregistrement d'un plaidoyer de culpabilité sans pour autant que les correctifs appropriés et durables soient apportés par la suite. Plus encore, le coût de la plupart des catégories de permis étant supérieur à l'amende minimale généralement imposée, on peut supposer que cette situation est de nature à inciter certains utilisateurs occasionnels d'explosifs à courir le risque d'agir sans permis.

En portant les amendes prévues dans la Loi sur les explosifs à un niveau comparable aux amendes que l'on retrouve généralement dans les autres lois ou règlements auxquels sont également assujettis les individus et les entreprises de l'industrie des explosifs, comme par exemple la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la loi sur le transport des marchandises dangereuses, le Code de la sécurité routière, et en introduisant des montants distincts pour les personnes physiques et les personnes morales à cet égard, le présent projet de loi aura pour effet, j'en suis personnellement convaincu, de responsabiliser les détenteurs de permis par rapport à leurs privilèges et à leurs obligations. En imposant notamment des sanctions plus importantes aux entreprises prises en défaut, nous favoriserons chez celles-ci le développement et l'adoption de règles plus rigoureuses de sécurité dans la manipulation, le transport et l'entreposage d'explosifs.

J'ajouterais en conclusion, M. le Président, que les modifications proposées vont généralement dans le sens des attentes qui m'ont récemment été formulées par l'Association des distributeurs d'explosifs du Canada. Conscients de leur responsabilité en matière de sécurité publique, soucieux de remplir leur devoir civique et de maintenir une image de professionnalisme, les représentants de l'industrie des explosifs disent en effet appuyer et encourager l'adoption de mesures qui, comme celles que le gouvernement a prises au cours du printemps dernier, permettent un contrôle plus strict des personnes ayant accès à des substances explosives.

Je me permets donc d'inviter l'Assemblée nationale à poursuivre cette démarche pour le mieux-être et la sécurité de la collectivité québécoise et à adopter le principe du projet de loi n° 174, Loi modifiant la Loi sur les explosifs. Je vous remercie, M. le Président.

(23 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Frontenac.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Si l'opposition, en juin dernier, a supporté le gouvernement dans l'adoption de la loi n° 125 qui visait essentiellement à modifier un certain nombre de lois auxquelles le ministre a fait référence tout à l'heure... Je veux juste le rappeler, là, des modifications pour donner des pouvoirs additionnels à la Régie des alcools, des jeux et des courses, modifier également la Loi sur les explosifs elle-même et aussi – le ministre y a fait référence – donner des pouvoirs, là aussi, additionnels aux municipalités. Alors, si l'opposition a supporté le gouvernement dans l'adoption de ces mesures-là, bien, évidemment qu'on va – et je veux que le ministre le sache tout de suite – agir de la même façon pour l'adoption du projet de loi n° 174. On pense cependant que ça aurait pu être fait en même temps. Il me semble qu'en juin on aurait pu... Toutes les dispositions qui apparaissent dans le projet de loi n° 174 auraient pu se retrouver dans le projet de loi n° 125 ou la loi n° 125 modifiant les diverses lois dont on vient de parler.

Le ministre a fait un court rappel sur le contexte qui a amené le gouvernement à légiférer comme on l'a fait en juin. La guerre des motards criminalisés, à ce moment-là, était à son maximum. Il ne faut pas – et je suis convaincu que le ministre sera d'accord avec moi – bien au contraire, prendre pour acquis que c'est terminé. On l'espère puis on le souhaite tous, M. le Président, qu'on soit à votre gauche ou à votre droite, évidemment.

Je voudrais cependant rappeler au ministre qu'il ne faudrait pas mettre de côté la participation du gouvernement fédéral, et, d'ailleurs, ça a été souligné sans équivoque par le maire de la belle municipalité de Saint-Nicolas au moment où on a été témoin d'une opération policière assez exceptionnelle, la Sûreté du Québec qui s'est présentée au bunker propriété des Hell's Angels à Saint-Nicolas. Cette opération-là, M. le Président, a été possible... Évidemment, il y aura, j'imagine, un débat à venir devant le tribunal pour sanctionner cette opération-là, mais tout ça a été fait, évidemment, en vertu des nouvelles dispositions apparaissant au Code criminel, et ceci, grâce à la vigilance du ministre de la Justice du temps, M. Allan Rock. Et c'est le maire de Saint-Nicolas qui, publiquement...

Une voix: ...

M. Lefebvre: Le ministre de la Justice du gouvernement fédéral, M. Allan Rock, a, à juste titre, modifié certaines dispositions du Code criminel qui ont permis cette opération-là. Il faut souhaiter que ça se répète, M. le Président. Au Québec, un petit peu partout au Canada, on retrouve ce genre de situation où on se retrouve face à des situations semblables, et c'est le maire de Saint-Nicolas qui, sans réserve, a salué l'initiative du gouvernement fédéral.

M. le Président, on parle de sécurité des citoyens. Ce que le ministre dit essentiellement, c'est que, tout en visant évidemment à protéger encore mieux les citoyens, il faut peut-être réajuster certaines dispositions contenues dans la loi n° 125 pour ne pas en même temps, M. le Président, agresser ceux qui font commerce de vendre et d'utiliser les explosifs de façon parfaitement légale. On est d'accord, évidemment.

Alors, le ministre a fait très rapidement le tour des courtes dispositions du projet de loi n° 174. Je veux lui dire tout de suite que les dispositions dont la Sûreté du Québec et l'agent de la Sûreté du Québec... Les dispositions dont on devra tenir compte, ce qui apparaît à 174, je ne sais pas trop à quel article, M. le Président, c'est assez peu important de s'arrêter ce soir aux articles très précis. La nature, la gravité, la fréquence de l'infraction, le préjudice causé ou qui aurait pu être causé par l'infraction, tous ces considérants-là, tous ces critères-là, on ne peut pas les débattre ici ce soir, on le fera en commission parlementaire.

Le ministre sera sûrement d'accord avec moi qu'il faut, tout en étant extrêmement sévère et vigilant, être très prudent pour ne pas donner à un agent de la Sûreté du Québec des pouvoirs abusifs, des pouvoirs arbitraires. Puis on l'avait souligné au moment où on avait discuté du projet de loi n° 125, M. le Président, ça, c'est dangereux, c'est extrêmement dangereux, et, en temps et lieu, en commission parlementaire, au cours des prochains jours, j'imagine, je vais sûrement questionner le ministre sur l'encadrement de ces pouvoirs-là qu'on donne à un agent de la Sûreté du Québec.

M. le Président, ça fait le tour des remarques que je voulais vous soumettre ce soir à l'attention des collègues de l'Assemblée. C'est le principe, alors on est d'accord avec l'essentiel. On fera des remarques et des suggestions au ministre en commission parlementaire. J'imagine que le ministre se réjouira de réaliser que c'est son premier projet de loi comme ministre de la Sécurité publique. Alors, on peut l'assurer immédiatement, ce soir que, d'ici quelques jours, ce projet de loi là sera adopté, en espérant cependant qu'il prendra note des différentes remarques et suggestions qu'on lui fera en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. M. le ministre.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, mais je m'enquérais des intentions du ministre quant à sa réplique, à son droit de réplique.

Une voix: Il est sans réplique.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce soir, il est sans réplique? Alors, c'est bien.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 174, Loi modifiant la Loi sur les explosifs, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission plénière

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré en commission plénière pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Ayant bien travaillé en cette première journée de la session intensive, sachant que d'autres personnes continuent jusqu'à minuit en commission parlementaire, ici, en cette Assemblée, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à mercredi, 26 novembre 1997, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 17)


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