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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, May 22, 1997 - Vol. 35 N° 105

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


]

Journal des débats


(Dix heures huit minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Bonjour. Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour


Affaires prioritaires


Motion de censure proposant que l'Assemblée blâme le gouvernement d'investir plus de temps et d'énergie à tenter de sauver le Bloc québécois plutôt que de tenter de régler les vrais problèmes des Québécois

Nous débutons nos travaux ce matin par les affaires du jour, et, aux affaires du jour, à la rubrique affaires prioritaires, à l'article 1 du feuilleton, M. le député de Westmount–Saint-Louis propose la motion de censure qui suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste d'investir plus de temps et d'énergie à tenter de sauver le Bloc québécois plutôt que de tenter de régler les vrais problèmes des Québécoises et des Québécois, notamment en abandonnant les quelque 800 000 assistés sociaux et les quelque 400 000 chômeurs et:

«d'avoir pelleté son déficit vers les commissions scolaires, les universités, les hôpitaux, les municipalités et enfin pour tous les citoyens qui écopent de hausses de taxes et de tarifs de toutes sortes;

«d'avoir affaibli le réseau de santé par des fermetures d'hôpitaux, des diminutions de lits et des coupures de personnel, ce qui contribue à augmenter les listes d'attente en chirurgie;

«d'avoir déstabilisé le réseau de l'éducation par son cafouillage total tant dans l'implantation de commissions scolaires linguistiques que dans l'implantation de la maternelle obligatoire plein temps, tout en obligeant les commissions scolaires à augmenter les taxes scolaires de plus de 100 000 000 $ cette année et, de plus, en enlevant le libre choix aux parents quant aux garderies;

«d'avoir déstabilisé le réseau municipal en annonçant, de façon totalement chaotique, des diminutions du nombre de MRC sans consultation, en annonçant un transfert de responsabilités de 500 000 000 $ aux municipalités sans les avoir consultées, sans les outils et les moyens nécessaires, ce qui les forcera à augmenter les taxes municipales de 0,17 $ à 0,18 $ du 100 $, en moyenne, soit 150 $ à 200 $ par maison au Québec;

(10 h 10)

«d'avoir abandonné le monde agricole, notamment les producteurs de porc et les producteurs de lait, par de fausses promesses, ce qui crée une insécurité énorme chez les producteurs;

«d'avoir amputé le budget des personnes âgées de plus de 253 000 000 $ et des plus démunis de près de 38 000 000 $ en les forçant à payer davantage pour leurs médicaments;

«d'avoir discrédité le système de police et le système de justice en brûlant les preuves de la culture illégale de marijuana en 1995 à Oka, en déstabilisant la Sûreté du Québec, la décapitant deux fois, ce qui a fait passer trois chefs en trois ans, et pour avoir déstabilisé le système judiciaire, comme l'ont dénoncé le bâtonnier et un des avocats les plus respectés au Québec, Me Guy Pepin, ce dernier claquant la porte du Conseil de la magistrature du Québec pour dénoncer en toute liberté l'attitude du ministre de la Justice;

«d'avoir contribué à diviser l'ensemble de la société québécoise, entre autres par son entêtement à ne pas reconnaître les résultats du référendum qu'il a lui-même tenu le 30 octobre 1995.»

Alors, avant que le débat sur cette motion de censure ne s'engage, je vous informe que la répartition du temps de parole établie pour la discussion de cette motion sera la suivante: une réplique de 20 minutes sera accordée à l'auteur de la motion, soit le député de Westmount–Saint-Louis; cinq minutes seront allouées à chacun des députés indépendants; le reste du temps sera partagé également entre les deux groupes parlementaires. Dans ce cadre, les interventions seront limitées à une durée de 20 minutes chacune, sauf pour l'auteur de la motion et pour le représentant du premier ministre qui pourront faire une intervention d'une heure chacun.

Je suis maintenant prêt à entendre le premier intervenant, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Débat sur la recevabilité


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, je suis certain, à votre grande surprise et à celle de mon bon ami le leader de l'opposition... Je voudrais vous exprimer, M. le Président, quelques argumentations, quelques commentaires quant à l'aspect de la recevabilité de cette motion-fleuve. Alors, est-ce que vous me...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...

M. Bélanger: Alors, M. le Président, je lisais avec beaucoup d'attention l'article, en fin de semaine, où on citait le député de Westmount–Saint-Louis, tout fier de sa prose abondante, de sa plume légère, de sa motion-fleuve qu'il allait présenter devant cette Assemblée nationale, tout fier du caractère inédit d'une telle motion. Et vous en conviendrez avec moi, M. le Président, essayons de trouver un précédent comme la motion issue de la féconde imagination du député de Westmount–Saint-Louis, et on conviendra avec moi, M. le Président, que c'est quand même une... Je pense que c'est une première. Le député de Westmount–Saint-Louis a choisi d'y aller, de procéder de cette façon pour la rédaction de cette motion de censure faite conformément à notre règlement, mais il y a des risques. Je crois qu'après l'exposé que je vais vous avoir fait, M. le Président, on va réaliser les risques qu'il y avait à procéder de cette façon-là.

Alors, il y a plusieurs points. Vous comprendrez, M. le Président, plus c'est long, plus il y a de points qui peuvent, à ce moment-là, soulever l'irrecevabilité de la motion. Le premier point que j'invoquerais, M. le Président, est le suivant: Le dernier paragraphe de la motion se lit comme suit: «d'avoir contribué à diviser l'ensemble de la société québécoise, entre autres par son entêtement à ne pas reconnaître les résultats du référendum qu'il a lui-même tenu le 30 octobre 1995.» Or, M. le Président, hier – évidemment, peut-être qu'on ne pouvait pas présumer de ce qui allait se passer hier, mais, maintenant, on est aujourd'hui – dans le cadre du débat sur les affaires de l'opposition, sur la motion de l'opposition, nous avons adopté la motion suivante: «Que l'Assemblée nationale exige de l'ensemble des hommes et femmes politiques du Québec qu'ils reconnaissent la volonté démocratique des Québécoises et des Québécois qui s'est exprimée lors du référendum du 30 octobre 1995 tenu en vertu de la Loi sur la consultation populaire, reconnaissant ainsi le droit fondamental des Québécoises et des Québécois de décider de leur avenir en vertu de cette loi.»

Ce qui est évident – on n'a qu'à regarder les galées – le parti ministériel qui forme le gouvernement, contrairement à ce qui est stipulé dans la motion de censure, a voté en faveur de cette motion, de ce qui est contenu dans la motion qui est devant nous aujourd'hui.

En conséquence, je crois que, c'est évident – j'ai bien hâte de voir l'argumentation que mon collègue le leader de l'opposition pourra avoir à cet effet-là – en vertu de notre article 194, la motion devient caduque. Parce qu'un des aspects de la motion est caduc, l'ensemble de la motion devient caduc.

L'article 194 de notre règlement se lit comme suit: «Lorsque, en cours de débat, une partie de motion devient caduque, la motion est viciée dans son ensemble.»

M. le Président, juste pour continuer mon argumentation sur ce point, l'Assemblée a tranché, hier, sur cet aspect de la motion. On a voté tous, en cette Chambre, en faveur de cette motion. Donc, ça voudrait dire que les députés de l'Assemblée nationale, comme moi, qui ont voté hier en faveur de cette motion vont être obligés de voter contre – parce qu'on va voter, évidemment, contre la motion de censure de l'opposition – quelque chose qu'on a approuvé hier.

Encore plus grave. Moi, M. le Président, à la limite – à la limite – je serais prêt à vivre avec cette contradiction, mais, c'est l'Assemblée nationale qui va se contredire par ce fait. Elle a tranché, hier; elle a voté, hier. On va demander aux députés de cette Assemblée nationale de se contredire. Ça n'a pas de bon sens!

Je suis étonné que le député de Westmount– Saint-Louis n'ait pas consulté le leader de l'opposition qui, je suis certain, est mal à l'aise vis-à-vis de cette forme de rédaction. J'en suis certain, le leader de l'opposition, il avait anticipé ce qui arriverait, puis je suis certain qu'il avait prévenu le député de Westmount– Saint-Louis, puis qu'il lui a dit: Écoute, ne fais pas ça, ça va être adopté par l'Assemblée nationale et ta motion devient caduque. Notre motion de censure, à ce moment-là, ne sera plus au feuilleton, on ne pourra pas en débattre. Et, je crois, à ce moment-là le député de Westmount–Saint-Louis a décidé de faire un choix et c'est le choix qu'il a fait, mais il va falloir qu'il vive avec.

M. le Président, sur ce point, je veux que ce soit très clair: je crois que la présidence se doit de statuer immédiatement sur ce point, après que l'argumentation sera terminée, avant que le débat se continue, parce que, ici, au niveau de la Chambre, au niveau du gouvernement, on a un menu législatif qu'on voudrait débattre et, si la motion est caduque, à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi on prendrait toute une journée à faire un débat sur une motion qui, j'en suis certain – tout en vous laissant évidemment votre discrétion et le pouvoir que vous avez de la décréter par la suite caduque – est caduque.

M. le Président, 194, quant à moi, est sans appel, ne donne même pas de marge de manoeuvre relativement à déterminer... Écoutez, on a voté hier en faveur de ça; maintenant, on va nous demander de voter contre aujourd'hui. Je crois qu'on ne peut pas demander ça à l'Assemblée nationale.

Si, M. le Président, pour une raison que j'ai peine à expliquer ou peine à anticiper, vous décidiez finalement que la motion n'est pas caduque, il y a d'autres points aussi qui, quant à moi, rendent la motion tout à fait irrecevable. L'article 191: «Les motions ne doivent contenir ni exposé de motif ni argumentation.» M. le Président, vous allez me dire évidemment qu'il y a une jurisprudence en cette Chambre qui fait en sorte qu'il y a une certaine latitude qui a toujours été donnée aux parlementaires pour qu'il y ait une argumentation, une tolérance au niveau de l'argumentation dans des motions. C'était peut-être vrai dans le passé, mais je crois que récemment la jurisprudence, en particulier sous la présidence du président de l'Assemblée nationale, le député de Borduas, est maintenant claire. Elle est maintenant claire, surtout depuis la décision du 21 mars 1997.

(10 h 20)

À ce moment-là, je me souviens très bien – et le leader de l'opposition, je suis certain, va s'en souvenir – on avait eu des notes explicatives sur un projet de loi, le projet de loi n° 104. L'article – je crois que c'est 233, M. le Président – notes explicatives, dernière ligne: «Celles-ci doivent exposer sommairement – les notes explicatives – l'objet d'un projet de loi et ne contenir ni argumentation ni exposé de motif.» L'article 191, qui parle des motions, dit exactement la même phraséologie: «Les motions ne doivent contenir ni exposé de motif ni argumentation.» Le projet de loi n° 104 – je pense que tout le monde reconnaît ça – on était dans un contexte exceptionnel, le contexte d'une loi spéciale, et, malgré tout, la présidence a été sans merci.

Et je voudrais lire le président de l'Assemblée nationale qui a été très clair: «Si on se réfère à la définition du dictionnaire – c'est la décision du 21 mars 1997, page 5448 – un motif est un mobile d'ordre psychologique, une raison d'agir, et, compte tenu de cette interprétation du sens des mots, il paraît évident à la présidence que les notes explicatives comprennent effectivement un motif.» Puis là il faut regarder cette décision-là, M. le Président, je crois avec beaucoup d'attention parce qu'on avait uniquement mis une petite phrase, une toute petite phrase qui disait: «Afin d'assainir l'état des finances publiques». Et la présidence, à ce moment-là, dans sa sagesse, avait dit: «On donne un motif, et, dans ce sens-là, puisque, par ailleurs, à la suite de l'article 233, il n'y a pas d'article qui stipule de quelle façon le président doit se comporter, il revient donc à la présidence de statuer sur ce qui doit être fait en l'occurrence.» Et, à ce moment-là, on nous a fait retirer des notes explicatives l'argumentation. Je dois comprendre que c'étaient des notes explicatives, on ne pouvait pas rejeter le projet de loi à cause des notes explicatives qui étaient non conformes. Mais là on est dans le cadre d'une motion, et, dans le cadre d'une motion, bien, à ce moment-là, si la motion est non conforme, la présidence n'a pas cette même latitude, elle se doit, à ce moment-là, de la rejeter et de la déclarer comme irrecevable, et on ne peut pas débattre de cette motion.

Alors quelle est cette argumentation? Premièrement, je voudrais juste dire c'est quoi, une argumentation. Le dictionnaire Larousse définit le mot «argument» comme suit: preuve, raison qui appuie une affirmation, une thèse; proposition dont on cherche à tirer une conclusion. Le dictionnaire Robert , quant à lui, définit le mot «argument» comme suit: raisonnement destiné à prouver une proposition; preuve à l'appui d'une disposition. C'est évident, M. le Président, à la lecture même de la motion, elle en est truffée. Il n'y a pas juste un peu d'argumentation, elle est truffée d'argumentation. Permettez-moi d'en analyser uniquement quelques-uns.

Deuxième alinéa: «d'avoir affaibli le réseau de santé par des fermetures d'hôpitaux, des diminutions de lits et des coupures de personnel, ce qui contribue à augmenter les listes d'attente en chirurgie.» C'est un jugement que rend à ce moment-là le député de Westmount–Saint-Louis dans ce deuxième alinéa.

Quatrième alinéa: «d'avoir déstabilisé le réseau municipal en annonçant, de façon totalement chaotique, des diminutions du nombre de MRC sans consultation, en annonçant un transfert de responsabilités de 500 000 000 $ [...] ce qui les forcera à augmenter les taxes municipales de 0,17 $ à 0,18 $ du 100 $, en moyenne, soit 150 $ à 200 $ par maison au Québec.» Encore là, M. le Président, on en tire des conclusions. Ce sont des conclusions que dans la motion du député de Westmount–Saint-Louis que celui-ci... des jugements, une opinion qu'il émet relativement au contenu de sa motion.

Cinquième alinéa: «d'avoir abandonné le monde agricole, notamment les producteurs de porcs [...] ce qui crée une insécurité énorme chez les producteurs.» Encore là, M. le Président, c'est un jugement, c'est une opinion qu'on émet dans la motion.

Septième alinéa: «d'avoir discrédité le système de police et le système de justice en brûlant les preuves de culture illégale [...] comme l'ont dénoncé le bâtonnier et un des avocats les plus respectés au Québec, Me Guy Pepin, ce dernier claquant la porte du Conseil de la magistrature du Québec pour dénoncer en toute liberté l'attitude du ministre de la Justice.» Alors là, M. le Président, je vous fais référence tout simplement à un cours élémentaire qui est donné au cégep, c'est l'appel à l'autorité. Ça, on appelle ça une procédure d'argumentation. C'est même une procédure d'argumentation qui est enseignée dans nos écoles. On l'enseigne dans nos écoles à nos cégépiens. Le député de Westmount–Saint-Louis et ancien ministre de l'Éducation s'en souvient, je suis certain. Quand on apprend à quelqu'un comment faire de l'argumentation, une des premières règles qu'on apprend, c'est l'appel à l'autorité, et c'est ce qu'il a fait lui-même. C'est difficile, comme on dit, de sortir le professeur en soi. Alors, il a décidé lui-même de faire de l'argumentation dans sa propre motion, mais ça en est.

Donc, M. le Président, pour ces raisons, nous croyons que la motion contrevient clairement et je ne vois pas comment vous pourrez, dans votre décision, nous dire qu'il n'y a pas d'argumentation là-dedans. Je ne le vois pas. Et l'opposition a choisi de procéder ainsi, avec une motion-fleuve. Elle aurait pu le faire comme toutes les autres oppositions l'ont fait, comme toutes les autres motions de l'opposition qu'on peut retrouver dans nos documents, où c'est une motion claire, sur un point précis – puis je vais revenir d'ailleurs là-dessus, ça va être mon troisième point – mais elle a décidé de le faire par une motion-fleuve, du blablabla. On parle, on jase pour parler, parler pour parler. Mais, à ce moment-là, il y a une sanction à ça. Et, M. le Président, quant à moi, vous ne pouvez pas, surtout depuis la décision qui est très, très claire, très, très limpide, du président de l'Assemblée nationale, le député de Borduas, qui, une fois pour toutes, a dit: Écoutez, là, l'argumentation, quant à moi, c'est ça. Et on nous a forcés... Et, M. le Président, vous le savez, dans le contexte de la loi n° 104, c'est un contexte spécial, et, comme toujours, d'ailleurs, nous avons obéi aux directives du président de l'Assemblée nationale et nous avons retiré de nos notes explicatives les motifs d'argumentation qu'on nous avait demandés. Alors, je demande, à ce moment-là, la même rigueur, mais cette fois-ci, ne pouvant pas évidemment demander de retirer, la motion devient tout à fait viciée et devient irrecevable en vertu de notre règlement.

Dernier point, M. le Président, et encore là, si, pour des raisons qui échappent à mon bon entendement, vous arriviez à la conclusion que la motion est recevable sur ces deux premiers points, il y a un troisième point. Cette motion contient plusieurs principes, c'est évident. Elle parle de plusieurs dossiers, de plusieurs actions gouvernementales. Ce sont tous des principes différents. On parle de notre système de justice. On parle de notre système de santé. On parle de notre système municipal. Ce sont tous des principes qui sont différents, qui auraient pu faire l'objet de motions distinctes. Et c'est comme ça que les oppositions qui ont précédé l'opposition présente ont toujours fait, M. le Président, sur des points particuliers et non pas sur un ensemble de points avec lesquels on décide de faire un genre de macédoine de motions de censure. On pourrait, quant à moi, faire une motion de scission, mais je ne la présenterai pas, la motion de scission. Pourquoi? Parce que je ne sais pas dans quoi on s'en va. Si je fais une motion de scission... Et, là-dessus, je vais vous demander une question de directive qui est fondamentale, quant à moi, dans votre décision, parce que tant aujourd'hui que plus tard, si jamais la situation venait à se reproduire, on est dans une situation où on ne sait pas où on s'en va, et ça peut avoir des conséquences excessivement graves à la fois pour l'opposition et pour le gouvernement.

Si je vous faisais une motion de scission, M. le Président, et que cette motion de scission était jugée recevable, disons que vous déclarez qu'il y a six – c'est six motions, dans le fond, il y a six principes, donc c'est six motions – comment s'articulerait, premièrement, le débat restreint à l'intérieur des dispositions qui prévoient que le débat sur une motion de censure a lieu au cours d'une seule séance? On en a six, maintenant, motions de censure, parce que la motion de scission aurait été jugée recevable et serait par la suite adoptée. Et, si la motion de scission est adoptée, est-ce que la nouvelle motion devient automatiquement aussi prioritaire et est débattue et votée à une séance subséquente ou est-ce qu'on la vote en même temps et on considère, à ce moment-là, que le débat sur la première motion, c'est le débat sur l'autre motion aussi en même temps? Qu'arriverait-il si la motion était scindée en six ou sept parties? Vous savez, l'opposition a droit à six motions de censure dans une Législature. Est-ce que, à ce moment-là, ils auraient épuisé leurs six ou sept motions? Si vous en arrivez à la conclusion qu'il y en a sept, il y aurait, à ce moment-là, une motion en trop? Ça n'a pas de bon sens, M. le Président!

(10 h 30)

Alors, vous comprenez qu'il faut, sur ce point, je crois, que la présidence nous éclaire à savoir si on peut faire une motion de scission sur une telle chose. Parce que, je vous le dis, M. le Président, si je fais une motion de scission, je crois que, au niveau de notre appareil législatif, on s'embarque dans une zone tout à fait grise, plus que grise, complètement nébuleuse, et on ne sait plus où on s'en va. Même l'opposition pourrait se retrouver à ne plus avoir aucune motion de censure jusqu'à la fin de cette Législature.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, je crois que cette motion, premièrement, comme je l'ai exposé, est caduque. Deuxièmement, parce qu'elle contient des motifs d'argumentation, elle est irrecevable. Troisièmement, cette motion-là, il y a autant de principes et de motions là-dedans que l'opposition aurait droit d'en avoir dans toute une Législature, ce qui, encore là, contrevient à notre règlement.

Qu'on ne vienne pas me dire que, écoutez, si elle est inscrite au feuilleton, la présidence l'a jugée recevable. Ce n'est pas vrai. Cet argument n'est pas vrai. D'ailleurs, il y avait une décision à cet effet-là. Je me souviens, et le député de Brome-Missisquoi s'en souviendra, j'avais une motion, à un moment donné, qui était au feuilleton, on la considérait caduque et on s'attendait à ce que la présidence la retire. À ce moment-là, le président de l'Assemblée nationale avait, encore là, je crois, dans sa sagesse, dit que ce n'est pas parce que, a priori, le président a accepté de l'inscrire au feuilleton qu'on ne peut plus soulever la caducité de la motion.

Et je voudrais aussi – c'est rare que ça m'arrive, mais je pense que le leader de l'opposition va m'en être reconnaissant – citer le leader de l'opposition qui, le 10 juin 1996, disait, en parlant d'une motion – et ce sont les paroles du leader de l'opposition et je le vois déjà réagir, fier de ses paroles qui, maintenant, vont le hanter peut-être: «Si vous décidez qu'elle est caduque – en parlant d'une motion – elle n'existe pas.» Alors, 10 juin 1996, parole, proverbe célèbre du leader de l'opposition.

Donc, selon ce raisonnement qui, quant à moi, est cartésien, comme seul le leader de l'opposition peut le faire, elle ne peut être corrigée par le président. Je crois que cet argument en soi est très fort. Pas juste parce qu'il vient du côté du leader de l'opposition, parce qu'il est d'une clairvoyance et d'une clarté absolument parfaites.

Je vous remercie, M. le Président. Et je crois que nous ne pouvons continuer à débattre de cette motion tant qu'il n'y aura pas eu une décision de la présidence relativement à la recevabilité de cette motion.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. J'aimerais entendre, à ce stade-ci, le leader de l'opposition. Alors, M. le leader.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, très brièvement, M. le Président. Plus on plaide longtemps et plus on s'embourbe dans ses motifs, moins on a de cause. Je vais répliquer très brièvement. Essentiellement, trois arguments vous ont été soumis. Le premier touche la question du dernier alinéa où on stipule ce qui suit: «d'avoir contribué à diviser l'ensemble de la société québécoise, entre autres par son entêtement à ne pas reconnaître les résultats du référendum qu'il a lui-même tenu le 30 octobre 1995.»

On a cité une motion du mercredi, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale hier. On n'a pas suffisamment insisté – ça a sans doute échappé à l'attention de mon collègue le leader du gouvernement – sur «entre autres», M. le Président, deux petits mots qui en disent long. Le leader du gouvernement sait que son gouvernement continue à susciter la division: la réinstitution de la police de la langue dans le projet de loi n° 40 qui est présentement en commission parlementaire; les soins de santé, entre autres au Centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke; la carte des commissions scolaires qui fait en sorte que des étudiants vont avoir à se déplacer et vont faire plus d'heures d'autobus dans une journée que d'heures d'école; les déclarations du ministre des Finances, du ministre aux Communautés culturelles; la participation du gouvernement dans la campagne du Bloc actuellement; la promesse d'un autre référendum. M. le Président, vous pourrez en ajouter. Je pense que vous en connaissez encore plus que moi sur la façon dont ce gouvernement-là tente de hisser ou de dresser les Québécois et les Québécoises les uns et les unes contre les autres.

Quant au deuxième argument, vous noterez que le leader a été prudent. Il a cité une décision de la présidence, le député de Borduas. Il n'a jamais cité aucun cas sous l'article 191. La jurisprudence et les précédents sont nombreux. Comme il l'a indiqué, on a droit à six motions de blâme lorsqu'on est dans l'opposition. Pas par session, comme il l'a indiqué, mais par Législature. Vous avez indiqué – c'est sans doute par mégarde – «par session», tantôt. À ce moment-là, vous pourrez vous référer à tous ces précédents.

Ça dispose en même temps, M. le Président, je le soumets, du troisième argument. S'il y a beaucoup de clientèles qui sont énumérées comme telles, il n'y a qu'un principe à la motion, c'est de blâmer le gouvernement. Ça se retrouve dans l'ensemble de la motion. Maintenant, oui, il y a beaucoup de clientèles qui sont mentionnées, mais il n'y a pas d'argumentation. Les listes d'attente – l'exemple qu'il a choisi en santé – c'est une admission du ministre de la Santé à l'occasion de la période des questions. Ça se retrouve dans le feuilleton du Journal des débats . Moi, j'avais mentionné 50 000 personnes en attente de chirurgie; le ministre a répondu 70 000. À ce moment-là, ce n'est pas de l'argumentation, on prend le ministre au mot. Le monde agricole, ils sont venus ici, devant l'Assemblée nationale – je sais que le leader était trop occupé pour les voir, les rencontrer – ils étaient plus de 11 000. Me Guy Pepin, sa déclaration, vous pouvez la retrouver dans les médias. Elle a fait l'objet de reportages dans à peu près tous les médias écrits et électroniques du Québec. Ce n'est pas de l'argumentation; ce sont des faits comme tels qui sont rapportés.

Si le député de Westmount–Saint-Louis en a mis plus que d'habitude, c'est peut-être, M. le Président, parce qu'on se retrouve dans une situation où il y en a plus que d'habitude. Si vous voulez vous en convaincre, on peut citer Pierre Bourgault, dans le Journal de Montréal du 7 décembre, qui nous explique pourquoi il y en a plus que d'habitude. Je le cite, M. le Président: «En effet, tout se déroule comme si M. Bouchard – excusez, le premier ministre – se disait en se levant le matin: "Il me semble qu'on a oublié de frapper sur quelqu'un hier, alors on va s'en occuper aujourd'hui".

«C'est pourquoi tout le monde est en beau maudit, dans tous les dossiers. Un jour, ce sont les municipalités régionales de comté qui écopent, le lendemain ce sont les étudiants, puis les agriculteurs, puis les assistés sociaux, puis les transporteurs scolaires, puis les commissions scolaires.

«On frappe partout, en environnement, en santé, dans la fonction publique, dans les affaires juridiques.

«On frappe d'abord les grands groupes pour ensuite s'en prendre à leurs composantes plus petites. On a l'impression, nous qui sommes en bas, de subir des bombardements à répétition.»

M. le Président, tout ce que la motion du député de Westmount–Saint-Louis fait, c'est de traduire ce qui se passe dans la réalité quotidienne, ce que ne veut pas voir ou entendre le gouvernement d'en face. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition. Alors, nous allons suspendre pour prendre en délibéré les remarques et nous allons vous revenir dans quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 38)

(Reprise à 11 h 58)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Décision du président sur la recevabilité

Alors, nous avons terminé de délibérer sur la recevabilité de la motion du député de Westmount–Saint-Louis, laquelle motion nous jugeons recevable. Et je vous avise immédiatement qu'à la reprise des travaux cet après-midi nous aurons à vous livrer notre argumentaire pour l'acceptation de la motion du député de Westmount– Saint-Louis.

Alors, je suspends immédiatement nos travaux.

M. Bélanger: M. le Président, un instant.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'espère que, dans la décision que vous allez rendre, vous allez répondre aux questions que je vous ai posées relativement aussi à la motion de scission, à ce qui arriverait s'il y avait une motion de scission. Alors donc, je comprends qu'avant...

Le Vice-Président (M. Pinard): Concernant la...

M. Bélanger: ...de commencer le débat à 14 heures, je veux dire après la période des affaires courantes, nous allons avoir votre décision.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, immédiatement après les affaires courantes, au début des affaires du jour de cet après-midi, nous allons vous exposer tous les motifs qui ont fait que la présidence a retenu la motion du député de Westmount–Saint-Louis.

Alors, nous suspendons nos travaux à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 1)

Le Président: Nous allons débuter par un moment de recueillement. Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons aborder immédiatement les affaires courantes.


Déclarations ministérielles

Déclarations ministérielles. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


Mise en place d'un nouveau programme de parrainage collectif des personnes en situation de détresse


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, M. le Président. J'annonce que le gouvernement du Québec vient de mettre en place un nouveau programme de parrainage collectif des personnes en situation de détresse. À partir d'aujourd'hui, le Québec deviendra le seul maître d'oeuvre en la matière sur son territoire. Je souhaite donc informer les membres de cette Assemblée de la nature des modifications apportées.

Depuis plus de 20 ans, le programme de parrainage collectif québécois aura permis à des groupes d'individus ou à des personnes morales de décider de parrainer des réfugiés. On se souviendra que les premiers groupes de réfugiés ayant pu bénéficier de ce programme sont ceux que l'on a désignés comme «les réfugiés de la mer», soit les «boat people», qui ont fui massivement le Sud-Est asiatique à la fin des années soixante-dix.

Depuis ses débuts, 16 200 personnes se sont établies au Québec grâce à ce programme. Toutefois, depuis cinq ans, nous avons constaté une diminution importante des activités de parrainage de réfugiés. Il devenait donc évident que des changements s'imposaient, et c'est pourquoi nous avons décidé de remodeler ce programme. Les caractéristiques majeures du nouveau programme québécois de parrainage collectif sont les suivantes.

Tout d'abord, ce sera un programme dont la clientèle admissible a été élargie de façon à pouvoir couvrir des candidats qui, tout en faisant face à des dangers réels et avérés, ne peuvent se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Au-delà de la définition prévue à la Convention de Genève, il existe un vaste éventail de circonstances où des personnes se trouvent bel et bien dans une situation de détresse telle qu'elles peuvent légitimement aspirer à être accueillies dans un tiers pays. Le gouvernement du Québec tenait à reconnaître et reconnaît aujourd'hui cette réalité. Nous avons donc prépublié, au printemps 1996, une modification à la réglementation québécoise ayant pour effet de rendre admissibles au parrainage collectif les personnes qui, de l'avis du ministre québécois de l'Immigration, se trouvent dans une situation de détresse où leur sécurité physique se trouverait menacée, notamment pour un risque d'emprisonnement, de torture ou de mort, ces personnes, si elles ne pouvaient venir au Québec, bien sûr. Cette modification est entrée en vigueur le 1er avril 1997.

Autre nouveauté, nous proposons à nos partenaires la signature d'ententes-cadres. Ces ententes seront établies entre le gouvernement du Québec et les organismes du milieu québécois de parrainage. Instruments de planification, elles permettront aux organismes signataires de prévoir, de concert avec le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, le niveau de l'effort humanitaire à être consenti sur un horizon de moyen terme.

À ce chapitre, il me semble important de réitérer ici deux positions que j'ai déjà eu l'occasion de faire valoir. Tout d'abord, les planifications qui seront établies pour une période donnée quant au nombre de personnes en situation de détresse devant être accueillies au Québec via le programme de parrainage collectif auront toujours un caractère approximatif. Il ne s'agira jamais de quotas, d'objectifs fermes ne pouvant être dépassés. D'autre part, il n'est pas question, dans une perspective où le nombre de personnes ainsi parrainées devrait augmenter, de réduire le niveau de l'effort consenti par le gouvernement du Québec.

Dans un autre ordre d'idées, je veux souligner que dans le cadre de ce nouveau programme québécois de parrainage collectif nous prenons des engagements importants et concrets en matière d'information des groupes souscrivant à des parrainages. Cette information permettra à tout moment de connaître le cheminement du candidat ou de la candidate. De plus, un soutien accru sera fourni aux groupes de parrainage, notamment au moyen du Guide du parrain . Par ailleurs, nous sommes à examiner la possibilité de mettre sur pied un programme de prêts de transport qui pourrait permettre de faciliter la venue au Québec de certains candidats qui ne sont pas éligibles au programme de prêts actuel.

En conclusion, M. le Président, le programme de parrainage collectif est bâti sur la base d'un partenariat renouvelé entre le MRCI et les organismes sans but lucratif. Pour que cette volonté de partenariat représente plus qu'un simple énoncé de principe, nous l'avons incarnée dans des mécanismes formels de concertation. La tenue annuelle d'une rencontre destinée à identifier les priorités d'intervention québécoise en matière de parrainage représente l'un de ces mécanismes. De même, un comité consultatif permanent servira de canal où s'exprimeront les besoins et les attentes du milieu québécois du parrainage. À ceci s'ajoute la conclusion d'ententes-cadres entre le Québec et les organismes responsables de parrainage dont j'ai parlé plutôt.

Telles sont donc, M. le Président, les grandes lignes du programme renouvelé de parrainage collectif. Le ministère négocie présentement avec plusieurs organismes en vue de signer dans les prochaines semaines les premières ententes-cadres. L'entrée en vigueur du nouveau programme québécois de parrainage collectif des personnes en situation de détresse représente l'aboutissement de travaux qui avaient été entrepris il y a déjà quelques années pour assurer la redéfinition de ce programme. Qu'il me soit permis ici de remercier pour leur contribution les organismes québécois et l'équipe du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, qui ont contribué à ces travaux.

Ce nouveau programme permet au Québec de reprendre le leadership en matière de parrainage collectif, permet au Québec d'assumer la pleine maîtrise d'oeuvre à l'égard de l'organisation du parrainage collectif des personnes se destinant à son territoire. C'est une victoire pour le Québec, ses partenaires et pour les milliers de réfugiés qui pourront bénéficier de notre nouveau programme.

Le Président: Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Laurier-Dorion pour ses commentaires.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Oui. Merci, M. le Président, et rapidement. Mes premiers commentaires sont à l'effet qu'il est un peu cocasse de voir le gouvernement meubler le temps de la session d'aujourd'hui, session où une motion de censure est présentée, avec une mesure qui finalement n'a aucune urgence d'être présentée aujourd'hui. Si le contenu de la mesure est raisonnable, il n'y a absolument aucune raison particulière pour que ce soit présenté aujourd'hui, si ce n'est que le gouvernement veut diminuer le temps disponible à l'opposition pour critiquer justement l'incurie gouvernementale depuis deux ans et demi.

M. le Président, la mesure annoncée fait des ajustements à un programme qui existe depuis 20 ans, des ajustements raisonnables, corrects et valables. C'est d'ailleurs un excellent exemple de la bonne entente et de la collaboration fédérale-provinciale. Le ministre prend la peine d'essayer de tourner ça en victoire pour le Québec. C'est une victoire pour le bon sens et c'est la preuve qu'effectivement, quand on veut faire marcher des choses au pays, au Canada, ça peut marcher. La vraie victoire, ce serait, pour le peuple, d'avoir un gouvernement qui s'attarderait à créer de l'emploi pour qu'on soit en mesure d'accueillir beaucoup plus de gens et d'éviter ce que Pierre Bourgault décrivait comme le pire gouvernement en 40 ans.

Alors, ça étant dit, les mesures sont raisonnables. Ce serait le temps aussi qu'on regarde de plus près la gestion du gouvernement. Merci.

Le Président: Merci, M. le député. Je cède maintenant à nouveau la parole à M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration pour son droit de réplique.


M. André Boisclair (réplique)

M. Boisclair: M. le Président, en remerciant, d'abord, l'opposition de son appui à cette mesure importante que nous avons su mener à terme, on me permettra finalement d'évoquer brièvement certains moments forts qui ont marqué l'évolution de ce programme depuis près de deux décennies. Il faut se rappeler, au 4 juillet 1979, au cours d'une conférence de presse où Jacques Couture, alors ministre québécois de l'Immigration, annonçait l'intention du Québec d'ouvrir ses portes aux réfugiés indochinois, qu'il annonçait du même souffle la mise sur pied d'un programme, le programme de parrainage collectif qui permettrait à la population québécoise de s'associer activement à cet effort humanitaire sans précédent. C'est à cette époque qu'une poignée de fonctionnaires québécois, dont plusieurs sont toujours au service du ministère, se sont retrouvés dans des camps thaïlandais, souvent dans des conditions très difficiles, pour amorcer un processus qui permettrait à des milliers de réfugiés de s'établir sur une nouvelle terre d'accueil, le Québec.

(14 h 10)

Avec le recul, nous pouvons aujourd'hui apprécier pleinement la signification de cette initiative. Celle-ci est double. Ce fut d'abord, bien sûr, le début d'une grande aventure qui aura durablement marqué notre conscience collective. Non pas que les Québécois ont découvert les réfugiés en 1979, mais, en 1979, pour des raisons qui seraient difficiles à élucider entièrement, les Québécois se sont sentis concernés personnellement par le drame indochinois, et cela s'est traduit par un vaste mouvement populaire à l'échelle du Québec tout entier, qui a permis de forger une sensibilité nouvelle et de contribuer à l'ouverture de nos concitoyens à la diversité ethnique et culturelle.

Mais le lancement du programme de parrainage collectif revêt une signification additionnelle, d'une autre nature. En effet, la mise en place de ce programme fut l'un des premiers gestes fondateurs de la politique québécoise d'immigration et aura aussi incarné la place que le Québec entendait accorder, au coeur même de sa politique d'immigration, à cette valeur fondamentale qu'est la solidarité internationale.

Une intervention d'un autre ministre québécois de l'Immigration survenue quelques années plus tard répond comme un écho à ces décisions de 1979. En effet, Gérald Godin modifiait la réglementation québécoise en 1982 en y insérant les dispositions permettant au Québec de sélectionner des candidats pour des motifs humanitaires. Ces contributions des ministres Jacques Couture et Gérald Godin, dont je me permets ici, en tout respect et en toute modestie, de célébrer la mémoire, comptent aujourd'hui au nombre des assises fondamentales de la politique québécoise d'immigration. C'est ainsi que l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration rendu public en 1990 sous la gouverne de Mme Gagnon-Tremblay réitère cet objectif d'accueil – énoncé adopté d'ailleurs à l'unanimité à l'Assemblée nationale,qui reprenait notamment les objectifs au moyen du programme de parrainage collectif. Mis sur pied à la fin des années soixante-dix, il devenait nécessaire d'apporter des changements dans notre programme de parrainage collectif afin de l'adapter au contexte actuel. La reformulation du programme a été nourrie par les diagnostics, les suggestions et les critiques qui ont été formulés par le milieu québécois du parrainage collectif. Vous savez, M. le Président, les deux grands axes autour desquels cette politique, maintenant, s'inscrit.

En conclusion, je voudrais reprendre les propos récents de Mme Glynis Williams, du diocèse anglican de Montréal, et je la cite. Mme Williams s'exprimait en ces termes: «Souvenons-nous que les réfugiés sont des personnes ordinaires transformées par des événements extraordinaires. Il est dangereux de se séparer des réfugiés en les plaçant dans une catégorie à part et de les traiter en objets plutôt qu'en personnes. Si nous étions nés ailleurs qu'ici nous aurions pu vivre les mêmes tragédies et dépendre de la générosité des autres. N'oublions surtout pas que plusieurs personnes ici ont vécu l'expérience de réfugié. Nous tous ici avons reçu beaucoup, et pas seulement en termes économiques. Nous avons aujourd'hui la responsabilité de nous questionner sur comment, nous, tous ensemble, pouvons construire un programme pour réfugiés juste et plein de compassion.»

Je pense, M. le Président, que l'annonce d'aujourd'hui, avec l'appui de l'opposition officielle, est un pas dans la direction souhaitée par Mme Williams. L'unanimité exprimée par l'Assemblée nationale nous permet tous de nous approprier des mots admirables du regretté Gaston Miron à l'occasion de la publication de L'homme rapaillé , en 1970, qui s'exprimait ainsi: «Me voici comme un homme dans une maison faite en son absence. Je ne suis pas revenu pour revenir, je suis arrivé à ce qui commence.» Je vous remercie.

Le Président: Alors, merci, M. le ministre.

Présentation de projets de loi. Il n'y en a pas aujourd'hui, ni de dépôt de documents.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des affaires sociales et député de Charlevoix.


Étude détaillée du projet de loi n° 102

M. Bertrand (Charlevoix): Je dépose, M. le Président, le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 7, 14 et 20 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Le rapport est déposé. Il n'y a pas de dépôt de pétitions aujourd'hui ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales M. le ministre de la Santé et des Services sociaux répondra à une question posée le 21 mai dernier par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne concernant l'organisme, le centre Après-coup.


Questions et réponses orales

Alors, nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Modification du règlement concernant la coloration de la margarine

M. Johnson: Même si ça irrite le premier ministre qu'on parle de son ordre du jour et de son agenda, je vais lui en reparler. Je vais lui parler des rencontres qu'il accorde finalement, lorsqu'on intervient, par exemple, aux parents qui ont des enfants dans les écoles privées. On croit savoir aujourd'hui qu'il y a une rencontre de prévue avec ces gens qui étaient ici hier et qui n'ont pas pu rencontrer le premier ministre, ne serait-ce que quelques instants, si j'ai bien compris. La Coalition pour l'école montréalaise aussi, pour laquelle j'ai plaidé une rencontre auprès du premier ministre lors des crédits du Conseil exécutif, aurait reçu, enfin! un engagement, pour l'instant, pour le 2 juin, ce avec quoi elle est extrêmement heureuse, c'est entendu. Il faut que le premier ministre fasse ça aussi. Les cadres scolaires, qui ont été reçus comme des manifestants à la porte du bureau, les cadres de la santé, tous les cadres du secteur public, dans le fond, qui voulaient voir le premier ministre il y a quelque temps avaient été reçus comme des manifestants. Et, sur la foi de l'intervention du député de Westmount–Saint-Louis, on croit comprendre qu'ils ont, eux aussi, été vus.

Évidemment, il y a des Allemands qui n'ont pas encore vu le premier ministre, on le sait. Et plus on regarde ce dossier-là, incidemment, plus on s'aperçoit que le premier ministre avait donné un engagement cinq semaines à l'avance, que ça avait été annulé et que le vice-premier ministre ne l'avait pas remplacé, lui non plus, avec les résultats qu'on connaît. Ça, c'est assez regrettable. Contrairement à ce que le premier ministre a dit, personne de son Conseil des ministres n'a pu rencontrer ces gens, et il y avait même eu des annulations.

Et aujourd'hui, enfin une rencontre qui, elle, a eu lieu, celle avec les producteurs de lait, avec la Fédération des producteurs de lait du Québec, qui sont venus faire noter au ministre de l'Agriculture et au premier ministre, notamment, la négligence de son prédécesseur pendant un an, 1994-1995, et la négligence du premier ministre actuel et de son gouvernement depuis près d'un an et demi dans un dossier où les mandats étaient clairs, où la délégation du Québec à Winnipeg, en juillet 1994, composée de fonctionnaires de très haut rang... On ne prétend pas que les ministres sont partout à la fois, et le ministre de l'Agriculture sait qu'il ne peut pas aller à toutes les rencontres fédérales-provinciales ou interprovinciales. Tout le monde le sait, ça! Et le mandat était extrêmement clair.

Aujourd'hui, on voit que la Fédération des producteurs de lait du Québec entend soumettre et a soumis le cas ce matin, très, très précisément, au premier ministre. Et ce que je cherche ici publiquement, c'est quel engagement le premier ministre a-t-il finalement contracté? Non seulement de regarder le dossier, non seulement de continuer à blâmer les autres, y compris ses prédécesseurs, mais quel engagement concret a-t-il contracté afin de régler ce problème – pas le regarder, pour le régler – compte tenu de l'inaction, de l'inertie du gouvernement depuis novembre 1994 dans un dossier qui intéresse l'économie québécoise, les régions du Québec et les producteurs de lait du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il faut se rappeler que, dans les journées qui ont précédé l'élection de septembre 1994, l'actuel chef de l'opposition, qui était alors premier ministre, a apposé la signature du Québec au bas d'un accord interprovincial qui avait pour but de supprimer des entraves à la liberté du commerce et que cet accord faisait suite à un rapport de décision qui a été dressé en juillet 1994 à Winnipeg, à une conférence fédérale-provinciale où notre ministre de l'Agriculture de l'époque, le ministre libéral de l'époque, n'assistait pas.

Nous savons, M. le Président, que l'accord qui a été signé en septembre était conforme au mandat qui avait été émis à l'intention de la délégation qui s'est rendue à Winnipeg, mais le problème, M. le Président, c'est que le moins qu'on puisse dire – et je le dis par sens des responsabilités – c'est que l'accord est éminemment ambigu et qu'il a jusqu'à maintenant prêté à une interprétation extrêmement défavorable au Québec qui fait en sorte qu'il y a des gens qui prétendent et qui ont signé des opinions jusqu'à maintenant à l'effet que le Québec a signé un accord qui l'amène, au début de septembre 1997, à abolir le règlement actuel qui interdit de colorer la margarine. Les raisonnements juridiques sont complexes, il y a beaucoup de technique là-dedans.

Nous sommes un gouvernement, M. le Président, qui est tout à fait attentif aux questions agricoles, qui connaît bien l'importance de l'industrie agricole, en particulier l'industrie laitière, qui sait très bien qu'il faut défendre cette industrie, et ce gouvernement est tout à fait décidé à défendre l'industrie, M. le Président, malgré les obstacles juridiques qui ont été créés par le gouvernement qui nous a précédés. Nous sommes en train, donc – et c'est ce que j'ai dit à mes vis-à-vis de l'UPA et de l'industrie laitière – d'explorer avec d'autres juristes – cette fois-ci, d'un cabinet externe, d'un cabinet privé, les meilleurs qu'on ait pu trouver – les moyens de nous sortir du pétrin où nous a mis le gouvernement qui nous a précédés.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

(14 h 20)

M. Johnson: Au lieu de défendre son ministre de l'Agriculture qui, lui, ne semble pas défendre l'agriculture québécoise, est-ce que le premier ministre pourrait prendre le relais et défendre les producteurs de lait du Québec dans le dossier de la coloration de la margarine? Est-ce que le premier ministre, au lieu de s'en remettre à des interprétations abusives, alors que l'objectif était d'harmoniser, donc de rendre semblable partout au Canada la réglementation... que cette interprétation doit toujours être faite dans l'intérêt des producteurs de lait québécois et non dans l'intérêt des autres Canadiens, est-ce que le premier ministre va finir par comprendre que son intérêt et que l'intérêt des producteurs de lait du Québec doit primer et que ça ne sert à rien de blâmer les autres, que ça ne sert à rien d'interpréter de façon abusive des termes qu'il dit lui-même ambigus? Pourquoi interprète-t-il des termes ambigus contre les producteurs de lait du Québec?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous connaissons bien les impacts négatifs de ce qui a été signé par le gouvernement qui nous a précédés sur l'industrie laitière; nous nous en inquiétons, nous aussi. Mais nous sommes en train de tout faire en effet pour défendre les producteurs laitiers contre les erreurs du gouvernement qui nous a précédés.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre ne reconnaît pas que son gouvernement n'a absolument rien fait pour mesurer les impacts économiques, et que les impacts économiques, les seuls dont on ait entendu parler, c'est qu'il y a quelque chose entre trois et 30 jobs d'affectées?

Alors, qu'est-ce que le premier ministre est en train de nous dire? Son gouvernement dit qu'il y a juste 30 jobs d'affectées, et il nous blâme de mettre en danger l'entreprise de production laitière au grand complet. Qu'il se fasse une idée, là! Qu'il arrête d'être ambigu, qu'il arrête de dire une chose et son contraire à la fois, qu'il arrête son double langage et qu'il défende donc l'industrie de production de beurre québécois. C'est ça que les gens attendent du premier ministre, qu'il défende les intérêts des producteurs de lait du Québec et non pas les intérêts du député de Trois-Rivières.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: M. le Président, je suis content de voir le chef de l'opposition défendre avec intérêt les producteurs agricoles et les producteurs laitiers. C'est nouveau. Il ne l'a pas fait dans le temps. Il l'a signée, l'entente. Évidemment, il veut s'en laver les mains. C'est bien clair.

Je comprends aussi qu'un ministre de l'Agriculture ne peut pas être partout. Mais, de 1990 à 1994, il y a eu 11 conférences fédérales-provinciales; ils ont réussi à en manquer sept. Pas trop pire! La meilleure, c'était justement celle du mois de juillet, où on discutait de cet épineux problème. Le ministre est parti du Conseil des ministres avec son mandat. Il y a eu un petit problème, il ne s'est pas rendu. Il n'était pas là, puis on a dit: Ses fonctionnaires, encore? C'est un dossier qui était éminemment politique. Il fallait défendre les intérêts du Québec. Il n'était pas là. Ça, c'est une chose qui est claire.

Deuxièmement, les études. Il y a eu deux études d'impact réalisées, une concernant la margarine. L'entente, c'étaient les trois provinces et faite par l'Ontario et pour le Québec. La deuxième, c'était sur les oléobeurres, les produits d'imitation, faite par le Québec, Ontario-Québec. Ces études-là sont faites. Ce qu'on va faire, c'est qu'on va les réactualiser, pas de problème. Mais elles ont été faites.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Au lieu de blâmer les gens qui ne sont pas ici ou de blâmer les chauffeurs d'autobus, comme le Bloc québécois, là, au lieu de blâmer tout le monde, y compris les chauffeurs d'autobus, comme c'est votre habitude, est-ce que le premier ministre ne pourrait pas cesser son interprétation abusive de ce qu'il appelle un texte ambigu, pour les fins qui le servent, et nous indiquer à quel endroit, dans la décision dont il s'inspire, il est question d'abolir les règlements sur la coloration de la margarine? À quel endroit est-il question de ça, par opposition à indiquer que c'est l'harmonisation et, évidemment, l'harmonisation dans le sens des intérêts du producteur québécois qui est en cause, du point de vue du gouvernement du Québec, et pas d'autre chose?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, quand on regarde ce dossier complexe, on voit une lettre datée du 20 juin 1994, adressée par le président de l'UPA, M. Laurent Pellerin, au ministre de l'Agriculture de l'époque, M. Picotte – Picotte, c'est ça? – ministre libéral du gouvernement alors en fonction, et, dans cette lettre, le président de l'UPA fait une distinction entre les barrières purement techniques et les barrières techniques qui ont des incidences politiques.

Les barrières purement techniques, ce n'est pas ce qui nous concerne. C'est quelque chose sur lequel l'UPA était d'accord. L'UPA était d'accord pour que tout de suite on signe un accord qui les supprime. Mais l'UPA mettait en garde le ministre contre la fixation d'un échéancier afin de mettre en oeuvre des mesures qui pourraient s'attaquer à des barrières techniques à incidences politiques. Ça, c'était la consultation qui a été faite auprès de l'UPA, et l'UPA avait très clairement marqué le cadre de ce qu'il fallait faire pour sauver les intérêts des producteurs agricoles et laitiers, en particulier.

Or, l'accord qui a été signé par le premier ministre en pleine campagne électorale – il n'a pas eu le temps de lire, peut-être, ce qu'il a signé – l'accord qu'il a signé est contraire à ce que demandait l'UPA, parce que ça va plus loin et ça fixe un délai de mise en vigueur de mesures – 1er septembre 1997 – pour supprimer les barrières techniques à incidences politiques. Voilà le problème. C'est là que c'est né, le problème. Il est né par l'incurie du chef de l'opposition.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Si le premier ministre veut s'amuser à faire du droit, est-ce qu'il a pris au moins connaissance de l'opinion juridique qui lui a été soumise aujourd'hui et qui démontre que, justement, ce n'est pas une mesure technique, ce n'est pas, d'aucune façon, une réglementation d'ordre technique visant à, je dirais, contraindre le commerce intérieur qui est en cause; c'est une mesure, ça, la coloration de la margarine, qui, comme en Europe, comme aux États-Unis, vise à renseigner le consommateur sur ce qu'il mange, et que d'aucune façon ce n'est une barrière au commerce interprovincial?

Quand le premier ministre va-t-il enfin interpréter l'accord qui a été signé, les mesures qui ont été prises, les mandats qui ont été donnés dans le sens de l'intérêt du Québec et des producteurs laitiers du Québec au lieu de dans le sens des intérêts de son ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, les dirigeants de l'UPA, en effet, m'ont fort obligeamment permis de prendre connaissance ce midi d'une opinion légale qui a été émise par un de leurs conseillers juridiques, quelqu'un d'un cabinet privé. J'en ai lu certaines parties, je n'ai pas eu le temps de tout lire de cette opinion, et j'ai constaté qu'il y avait un effort de réflexion juridique pour tenter de trouver un trou dans le mur de béton, en tout cas, qu'a dressé autour de nous le gouvernement libéral.

Mais, M. le Président, je connais les difficultés juridiques qui ont été créées par le gouvernement qui nous a précédés. Je suis responsable, parce que je suis en train de chercher moi-même des moyens de contrer les difficultés. Donc, je ne vais pas plaider aujourd'hui la cause des autres. Je connais les difficultés. Je ne veux pas les répéter ici. Je ne veux pas donner de force aux arguments de ceux qui plaideront contre nous. Et je demande au chef de l'opposition d'être responsable vis-à-vis de ce dossier. Qu'il l'admette donc, qu'il a créé un obstacle juridique et que maintenant nous devons travailler ensemble pour trouver des moyens de le surmonter.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: À quel moment le premier ministre va-t-il se rendre compte que ça fait plus de deux ans et demi que le PQ est au pouvoir, qu'il n'y a rien qui a été fait et que, là, vous réveillez, trois ou quatre mois avant l'échéance, et que vous persistez, que le gouvernement persiste à interpréter cet accord et les textes qui l'accompagnent non pas dans le sens des intérêts des producteurs laitiers du Québec, mais dans le sens de l'interprétation qui vient d'un fonctionnaire de je ne sais pas où qui prétend que le terme «harmoniser», ça veut dire «abolir», au Québec? Depuis quand est-ce que ce n'est pas...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je ne vais pas entrer dans le détail du dossier pour préserver les chances du Québec et les chances des producteurs agricoles de se sortir du trou où nous a mis le gouvernement qui nous a précédés.

Deuxièmement, M. le Président, le ministre vient de dire que les études d'impact, elles ont été faites. Cependant, il est vrai qu'elles datent d'un certain moment maintenant. Il faut les mettre à jour. Nous allons les mettre à jour. Nous avons convenu avec les gens de l'UPA qu'il était opportun de procéder à une mise à jour de ces études d'impact, nous le ferons. Nous avons également convenu de l'opportunité de terminer une consultation auprès de l'industrie afin de faire le tour complet des horizons et des aspects qui sont touchés par ce dossier.

M. le Président, nous sommes en train de chercher péniblement, parce que la difficulté est considérable, une issue dans cette situation, dans ce dilemme où nous a mis l'erreur du gouvernement qui nous a précédés. Mais je voudrais que le chef de l'opposition se rappelle que c'est lui qui a signé l'accord. C'est lui qui l'a signé, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

(14 h 30)

M. Johnson: M. le Président, c'est le gouvernement précédent, effectivement, qui a signé un accord qui visait à faire en sorte que, dans l'intérêt des producteurs de lait... Absolument, absolument. L'interprétation abusive que donne le premier ministre tardivement, lorsque ça fait trois ans que ça devrait être réglé... Ça fait presque trois ans que vous êtes au pouvoir et vous n'avez absolument rien fait dans ce dossier-là. Vous venez de vous réveiller. Pas de consultations, rien du tout. C'est ça, la négligence. La vraie négligence, c'est celle du gouvernement actuel. Et, au lieu de s'occuper du beurre québécois, il s'occupe du Bloc québécois.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, comment le chef de l'opposition peut-il se gargariser et prétendre qu'il a signé un accord dans l'intérêt des producteurs laitiers, alors que cet accord a été signé à l'encontre même des pressions qu'ils ont faites sur lui pour l'empêcher de signer ce qu'il a signé puis qu'il a signé quand même?

Le Président: En complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. Comment le premier ministre peut-il concilier le fait à l'effet que le ministre de l'Agriculture la semaine dernière nous a dit qu'il y avait un impact de pertes de 30 emplois dans le dossier de la coloration de la margarine, alors que les études ne sont pas même pas actualisées? Donc, ça veut dire, M. le Président, que le ministre de l'Agriculture a induit la Chambre en erreur.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Alors, lorsque cet accord-là a été signé... Les études d'impact, ce qu'on a comme information, on parle de 30 à 40 emplois, mais uniquement sur la question de la margarine. Je ne parle pas des oléobeurres et je ne parle pas des produits d'imitation, et je l'ai mentionné la semaine dernière. Parce que effectivement, si on prend le tout, ça a un impact majeur sur le développement économique du Québec, et ça, il faut le regarder et ça ne concerne pas la margarine.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup d'abord, en complémentaire.

M. Dumont: Oui. Comment ça se fait que l'Alberta qui est le leader de l'industrie bovine a été défendue par son gouvernement puis que l'harmonisation dans ce domaine-là s'est faite en fonction de l'Alberta? Comment, au Québec, un gouvernement qui se dit nationaliste en théorie, en pratique, dans un dossier concret, prend une attitude défaitiste, s'affaisse devant l'Ontario puis a besoin de se faire pousser dans le dos par ses syndicats agricoles pour défendre les intérêts de ses producteurs? En d'autres termes, à quoi ça sert d'avoir un gouvernement qui s'enroule dans le drapeau d'un discours mais qui, dans la pratique, passe dans le beurre pour défendre les intérêts de ses producteurs?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, avant de répondre à l'assaut passionné du jeune député de Rivière-du-Loup, je voudrais le féliciter, au nom de toute la Chambre, pour son récent mariage.

Et je voudrais aussi peut-être lui suggérer de diriger son tir de barrage ailleurs que vers nous, mais de le tirer vers ses anciens amis, puisque ce sont eux justement qui ont signé l'accord qui fait le problème.

Le Président: M. le député de Lévis, en complémentaire.

M. Garon: Je voudrais demander au premier ministre: Est-ce qu'il peut prendre en considération dans son analyse de la situation que, malgré une entente fédérale-provinciale qui avait été signée en 1984, le gouvernement s'est senti capable de mettre de côté l'entente, alors que le Québec avait déjà dépensé tout l'argent – il s'était mis au système métrique dans le système alimentaire et, après la prise du pouvoir par le gouvernement Mulroney, en 1984, le gouvernement a décidé que le système de mesures anglaises pourrait demeurer malgré l'entente qui avait été faite et malgré que le Québec, lui, avait fini de se mettre au système métrique – et l'engagement qui avait été fait par le gouvernement fédéral n'a pas été respecté?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, dans tous les milieux, du côté gouvernemental, du côté de l'industrie, tout le monde se rappelle – même dans l'opposition – les services signalés que le député de Lévis a rendus à l'agriculture, et je suis très heureux qu'il mette à mon attention ce fait que je note et que je transmettrai aux intéressés.

Le Président: M. le député de Richmond, en complémentaire également.

M. Vallières: Oui, en complémentaire, M. le Président: Est-ce que le ministre responsable des Régions, qui est responsable aussi de la protection des emplois en région, compte tenu de ce qu'on vient d'entendre nous indiquant qu'on disposait des études d'impact pour les régions, peut nous indiquer combien d'emplois dans les études d'impact ont été calculés, le nombre de pertes d'emploi par région au Québec, dans la région d'Amqui, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, dans la région de Saint-Hyacinthe et ailleurs au Québec? Puisque ces études sont disponibles, est-ce que le ministre peut nous indiquer quel est l'inventaire qu'il a fait du nombre d'emplois perdus dans chacune des régions du Québec comme suite à la mesure que ce gouvernement est disposé à adopter?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: Le ministre responsable des régions va participer à la réactualisation des chiffres des études d'impact, et je vous dirai que ça me fera plaisir, M. le député de Richmond, de faire exactement ce que j'ai fait avec l'abattoir de Saint-Esprit: corriger vos gâchis.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre est en train de nous dire qu'il est volontairement intervenu auprès de la Régie des marchés agricoles pour influencer une décision dans le dossier de l'abattoir de Saint-Esprit? La question, c'est de savoir...

M. Chevrette: Question de règlement. Question de privilège! M. le Président, est-ce que le député a bien...

Mme Delisle: ...

M. Chevrette: Est-ce que le député de Richmond et la députée de Jean-Talon sont prêts à affirmer de leur siège que je suis intervenu auprès de qui que ce soit à la Régie des marchés agricoles? M. le Président, je dis, de mon siège, ici: Si c'est ce qu'ils maintiennent, moi, personnellement, je vais me servir de l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui. Alors, M. le Président, sans s'énerver, cette fois-ci, j'aimerais que le ministre nous indique sur quelle base il a porté son appui...

M. Bélanger: Un instant, un instant.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. La...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, il est clair que, avec les termes employés par le député de Richmond, le député de Richmond a porté des accusations contre le ministre des Ressources naturelles relativement au fait qu'il serait intervenu auprès d'un organisme quasi judiciaire, ce qui pourrait coûter le poste à un ministre. Ce type d'accusation n'a pas sa place en cette Chambre. Il se doit de retirer ses propos immédiatement.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Il n'y a pas matière à invoquer les privilèges. Je vais vous lire – c'est trois lignes – un extrait de La Terre de chez nous qui rapporte les propos du ministre comme tels. Les propos du ministre: «Si la Régie a un comportement politique, dites-le-nous et on va changer les régisseurs.»

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement.

M. Paradis: M. le Président, c'est ce qu'il a déclaré. Il peut...

M. Bélanger: Non, non, non. Non, non.

Le Président: Alors, j'inviterais les uns et les autres au calme, là, actuellement. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je comprends mal l'intervention du leader de l'opposition. La question de règlement a été posée. On a tous compris les propos tels qu'exprimés par le député de Richmond, il a porté des accusations contre un ministre en cette Chambre et il se doit de retirer immédiatement les propos. Il ne peut y avoir aucune interprétation là-dessus.

(14 h 40)

Le Président: Bon. Même si dans sa question de règlement le député de Joliette n'a pas précisé l'article, je pense qu'il devait faire référence... Il y avait 35.5°, en tout cas: on ne peut «attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question». Ça, c'est 35.5°. On ne peut non plus «imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole». Et j'ai compris que, dans l'intervention du député de Joliette, il y avait rectification des propos qui avait été faite. À ce moment-ci, je demande au député de Richmond d'accepter la parole du député de Joliette et de reformuler sa question selon les règles.

M. Vallières: M. le Président, vous comprendrez qu'avec la réponse qu'a donnée le ministre à la question que j'ai posée, dans mon sens, je ne lui prêtais aucune intention dans le dossier qui a été mentionné tantôt. Pour moi, c'est clair, la réponse était très claire. Mais la question qui était posée au ministre est la suivante: Vis-à-vis de l'appui qu'il donne aux politiques de son gouvernement dans le dossier de la margarine versus le beurre, sur quoi se base-t-il pour l'appuyer? Compte tenu des impacts qu'on nous indique qui ont été faits dans chacune des régions, est-ce que le ministre est en mesure de nous dire si, oui ou non, il possède ces impacts, quels sont les emplois qui sont menacés dans chacune des régions concernées?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, tous les efforts consentis présentement, c'est pour se sortir précisément de l'embarras dans lequel nous a placés le Parti libéral, et plus particulièrement le chef de l'opposition, qui, en pleine campagne électorale, a signé... Et il trouve ça drôle, d'avoir signé un tel torchon, M. le Président.

Le Président: J'inviterais mes collègues qui sont tentés de faire des dialogues entre eux, d'un côté ou de l'autre, à se retenir et à faire en sorte que le règlement puisse être respecté. M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, ce qui compte présentement pour le gouvernement et ce qu'il y a de plus urgent, c'est précisément de trouver une porte de sortie, suite à une entente qui a été signée, malgré des avertissements de l'UPA, par l'actuel chef de l'opposition en pleine campagne électorale. Vous essayez de nous faire amuser avec des études d'impact. On ne veut pas qu'il y en ait, d'impact, on veut se sortir du merdier dans lequel vous nous avez mis.

Le Président: Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en principale.


Application du régime d'assurance-médicaments

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. L'ex-candidat du Parti québécois dans mon comté, le Dr Réjean Thomas, a rompu le silence pour critiquer durement le gouvernement péquiste et pour dénoncer avec ferveur les décisions qui sont prises contre les plus démunis par ce gouvernement.

M. le Président, suite aux nombreuses dénonciations de l'opposition officielle, suite au constat d'échec des intervenants qui, eux, ont à coeur le bien-être des plus démunis, suite au cri d'alarme des différentes coalitions qui dénoncent le fait qu'un très grand nombre de Québécois et de Québécoises se privent de manger actuellement pour pouvoir se procurer leurs médicaments, et suite aux nombreuses plaintes qui ont été reçues à la RAMQ et au Protecteur du citoyen, le ministre de la Santé et des Services sociaux va-t-il enfin admettre, malgré la déclaration un peu loufoque et surprenante de son homme de confiance à la Régie, à savoir que son régime d'assurance-médicaments était un succès total, et malgré le fait que le ministre de la Santé, avec son assurance-médicaments, a empoché 37 000 000 $ sur le dos des personnes assistées sociales et 253 000 000 $ dans les poches des personnes âgées, est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux va enfin admettre qu'il y a de graves ratés dans son régime d'assurance-médicaments et qu'actuellement, au Québec, il y a des gens dont la santé est mise en péril?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je pense qu'on a une situation où il faudra faire attention que ne s'applique pas le vieux dicton qui dit de faire attention pour ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Quand on parle de l'assurance-médicaments, il faut se rappeler de ce qu'il y avait avant puis de ce qu'il y aurait si on ne l'avait pas faite. Il faut se rappeler de la situation. Avant, il y avait 2 $ pour les personnes âgées, que le gouvernement aurait dû augmenter – n'importe quel type de gouvernement – parce que le système craquait. Il y avait un gouvernement qui nous...

Le Président: M. le ministre. Alors, si la réponse ne plaît pas, je pense que vous avez tout le loisir de revenir en question complémentaire. M. le ministre.

M. Rochon: Oui. Puis, si on a peur des réponses, on peut éviter de poser les questions, à ce moment-là. Avant, ce que le gouvernement qui nous a précédés avait fait pour se sortir d'une situation de financement qui était rendue impossible pour le médicament, ce qu'il avait fait: il avait imposé un 2 $ aux personnes âgées, qu'il aurait dû augmenter parce que ça ne tenait plus le coup; il avait aboli la circulaire malades sur pied; il avait aboli...

Le Président: Faites attention aux expressions que vous utilisez en arrière-ban, là. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: On va se ressayer. Alors, devant la situation intenable du financement du médicament qu'on avait avant... C'est ça qu'on a corrigé. Le gouvernement précédent, la bonne solution qu'il avait trouvé, lui, il avait suspendu la fameuse circulaire malades sur pied qui couvrait tous les malades qui ont des maladies chroniques, qui prennent des médicaments coûteux et qui doivent les prendre longtemps. Ils n'ont pas demandé une contribution; ils ont aboli. Ils ont dit: Vous payez tout sans protection. Il y avait 1 400 000 Québécois sans aucune couverture. Ça, ils ne s'en occupaient pas. Ça n'existait pas. Ça, c'était la situation d'avant.

La situation maintenant avec l'assurance-médicaments, c'est: il y a une contribution effectivement qui est demandée à tout le monde, mais là tout le monde a une couverture au complet et tout le monde utilise le programme. Si on prend juste les nouveaux adhérents au programme, ceux qui n'avaient aucune couverture, 1 400 000 personnes, depuis le début de ce programme-là, au mois de janvier, il y en a près de 550 000, 40 % de ces gens-là, qui ont utilisé le programme, alors qu'ils n'avaient aucune protection avant. Et, là-dessus, il y a au-dessus de 115 000 enfants, pour lesquels il n'y a aucuns frais pour le médicament, qui ont utilisé le programme. Voilà, en résumé, là, quand on dit qu'il faut faire attention pour protéger un programme, c'est une nette amélioration sur ce qu'il y avait avant.

Maintenant, ce qu'on a dit dans les journaux ce matin quant aux 800 cas qui seraient en difficulté, ça, on a vérifié ce matin au bureau du Protecteur du citoyen. Les 800 cas, c'est les 800 compilés depuis le mois d'août dernier, depuis 10 mois. Là-dessus, il y a 240 cas qui sont complètement réglés. Il y en avait à peu près 200 où c'était des problèmes d'accès téléphonique au régime dans les premiers jours. Ça a été réglé en l'espace de quelques jours. Maintenant, les gens ont un service direct en dedans de quelques secondes quand ils vont chez le pharmacien.

Je conclus, M. le Président. Il y a à peu près 350 cas qui sont en règlement, et ça demande la collaboration et des syndicats et des employeurs pour harmoniser les collectifs avec les programmes. Il en restait 200 sur les 800 qui étaient des gens qui sont des prestataires de la sécurité du revenu. Et tous ces cas-là ont été vus, suivis. Les gens ont été pris en compte par la collaboration entre la Régie de l'assurance-maladie du Québec, les CLSC et les pharmaciens.

Alors, ce n'est pas un programme qui est en crise, ça; c'est un programme qui termine son rodage, qui est après se stabiliser et dessert l'ensemble des Québécois. Finalement...

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, toujours au ministre qui a peur des interpellations, mais qui en a long à dire aujourd'hui... Il n'était pas là.

Le Président: En complémentaire, de façon réglementaire, ça va éviter des problèmes, Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le ministre peut toujours dire qu'il est fier d'avoir mis sur pied un programme d'assurance-médicaments, quand on touche à la santé des gens, qui fait que, finalement, avec ça, on fait du cas par cas? Puis on parle de la santé des gens. Les gens sont malades. Et, quand on dit qu'il y a des milliers de gens qui se privent de nourriture pour pouvoir se procurer leurs médicaments, M. le Président, comment ce gouvernement peut être fier d'avoir mis sur pied une assurance-médicaments qu'il faut régler cas par cas? C'est inhumain, ça, M. le Président.

Le Président: M. le ministre.

(14 h 50)

M. Rochon: Dans le préambule, on revenait à l'interpellation, M. le Président. Je voudrais rappeler qu'on a appliqué, nous, les règles qui permettent qu'un ministre se fait remplacer. Alors qu'on avait offert n'importe quel jour, sauf le jour choisi, ils n'ont pas voulu accommoder. Et, devant un collègue, le ministre du Revenu, très bien préparé pour répondre aux questions, eux ont eu peur puis ils se sont sauvés, M. le Président. Pas nous autres; eux autres. Alors, s'ils ne savent pas ce que c'est que de faire affaire à une équipe, ils vont l'apprendre. Bon.

Finalement, M. le Président, j'ai dit à plusieurs reprises que, pendant l'application du programme d'assurance-médicaments, on verrait justement à s'assurer que cas par cas... Cas par cas. C'est ce qu'on fait dans le domaine de la santé et des services sociaux et les gens sont traités cas par cas, comme des individus, pas comme des foules, pas comme des machines. C'est ça, la nature des services de santé et des services sociaux, c'est de s'occuper des gens en tant qu'individus. On a très bien cerné, en plus de tous les problèmes qui ont été réglés, un groupe de personnes pour qui il va falloir apporter certaines améliorations.

J'ai déjà dit dans cette Chambre qu'avec ma collègue de la Sécurité du revenu on travaillait sur une solution qui va être bien adaptée à ces gens-là, parce qu'on a pris le temps de régler tous les autres problèmes et de bien cerner leur situation. Et on devrait être capable – comme j'ai pu l'annoncer – à la fin de nos travaux, pour le prochain trimestre que va commencer le programme, en juillet, d'apporter une amélioration qui va aider les gens qui ont encore une difficulté avec la disponibilité d'argent au moment où ils vont chercher leurs médicaments, M. le Président.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-ce que le ministre va continuer à soutenir que c'est un succès total et que tout va bien? Après avoir été dénoncé par les médecins, les infirmières, les pharmaciens, tous les intervenants du milieu, il est maintenant dénoncé par la Curatrice publique, il est maintenant dénoncé par le président de la Commission des droits de la personne, ce matin il est également dénoncé par le Protecteur du citoyen. Est-ce que toutes ces personnes se trompent, y inclus le Dr Thomas, l'ancien candidat péquiste, y inclus ma collègue qui vient de lui adresser une question? Est-ce que tout le monde est dans l'erreur et que le ministre est correct?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Quand on a pris le temps de lire la série d'articles – et ça, c'est typique, là, de donner une série de choses sans même dire ce qu'il y a dans les articles – ce que les gens disent essentiellement, tous – et là-dessus, on est bien d'accord – c'est qu'on est dans une situation très difficile; c'est qu'on corrige une situation des finances publiques qui demande des grands sacrifices aux gens et qui demande à tout le monde de se serrer la ceinture dans une période très difficile. Tout le monde dit ça. On est les premiers à le dire et on est les premiers à vouloir se sortir de cette situation-là. C'est ce qu'on est après réussir.

Alors, les gens rappellent la difficulté de la situation, font des mises en garde pour qu'on s'assure de bien protéger les gens, et c'est essentiellement ce qu'on fait. Alors, les reproches qui peuvent être là-dedans ne sont pas à ceux qui apportent des solutions; ils sont plutôt à ceux qui ont créé le problème, je pense, hein?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le ministre peut démontrer cet après-midi un minimum de sensibilité et accepter aujourd'hui d'étaler sur 12 mois le paiement de la franchise pour les personnes de la sécurité du revenu et pour les personnes âgées à faibles revenus?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: La sensibilité, ce n'est pas seulement cet après-midi, c'est à tous les jours qu'on l'a et depuis le début de ce programme-là, M. le Président. Et j'ai dit et je redis qu'on a pris le temps de développer une solution. Je m'étais engagé à ce qu'on règle tous les problèmes qu'on puisse trouver pendant les deux premiers trimestres et à bien cerner ce qui ne trouvait pas solution dans le régime comme il fonctionne, avec les moyens administratifs actuels et que, s'il y avait des gens pour qui on n'avait pas trouvé une solution, avec ma collègue de la Sécurité du revenu – parce qu'il y a un problème de pauvreté derrière ça, là, c'est ça; ce n'est pas juste un problème d'accès aux médicaments, c'est un problème de pauvreté – et comme on s'y est engagé, on devrait être capables pour le prochain trimestre d'apporter une amélioration importante pour les gens qui ont encore de la difficulté à avoir l'argent disponible au moment où ils ont besoin du médicament, M. le Président. On l'a dit puis on va le faire.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en principale.


Programme d'allocation familiale unifiée

M. Copeman: Oui, M. le Président. Merci. La ministre responsable de la Famille dévoilait la semaine dernière la nouvelle allocation unifiée pour enfant. Nous nous rappelons qu'en février dernier le Conseil de la famille et l'économiste Ruth Rose nous avisaient que les familles monoparentales bénéficiaires de l'aide sociale avec de jeunes enfants pouvaient être perdantes.

En effet, M. le Président, nous avons fait les mêmes calculs que le professeur Rose, mais cette fois-ci à partir des chiffres rendus publics la semaine passée par la ministre responsable de la Famille. Fait étonnant, une mère monoparentale avec deux enfants de moins de six ans sort perdante avec cette nouvelle politique, avec une perte nette d'environ 2 000 $ à partir du 1er septembre prochain.

Ma question est fort simple, M. le Président: Comment la ministre responsable de la Famille peut-elle concilier l'engagement de son gouvernement de ne pas pénaliser les bénéficiaires de l'aide sociale, avec cette perte nette de 2 000 $ pour une famille monoparentale avec deux enfants en bas de six ans?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et ministre responsable de la Famille.

Mme Marois: Alors, M. le Président, la semaine dernière, j'ai effectivement annoncé un certain nombre de mesures nous permettant de corriger certains aspects concernant l'allocation unifiée, qui portera le titre désormais d'allocation familiale. Dans les améliorations que nous avons apportées, nous avons, au contraire, tenté de corriger la situation qui concernait les chefs de famille monoparentale, qui concernait les familles avec un grand nombre d'enfants, parce qu'on sait que celles-ci voyaient leur allocation diminuer d'une façon trop importante lorsque le nombre d'enfants dans la famille était significatif, de telle sorte que, dans l'ensemble, je crois que nous avons, au contraire, corrigé la situation tant des chefs de famille monoparentale, tant des familles à bas revenus avec de jeunes enfants, des enfants plus âgés et de nombreux enfants dans les familles. Nous avons prévu des périodes de transition pour les personnes à l'aide sociale qui auraient pu voir leur situation se modifier au moment où nous faisons la transition. Et, en ce sens, M. le Président, je crois qu'il y a de plus en plus de familles qui sont gagnantes, au Québec, de cette politique familiale, et non l'inverse.

Le Président: M. le député.

M. Copeman: M. le Président, est-ce que la ministre peut admettre que ces mesures transitoires s'appliquent uniquement aux bénéficiaires actuels de l'aide sociale, tel qu'indiqué dans ses documents, et que quelqu'un, une mère de famille monoparentale avec deux jeunes enfants qui va faire application pour l'aide sociale, à partir du 1er septembre, sort perdante d'à peu près 2 000 $ par année à cause de ce nouveau barème annoncé par la ministre?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, ce que nous faisons par la politique familiale, c'est d'instaurer, d'une part, une allocation familiale et, d'autre part, d'implanter des services de garde à coût réduit, accessibles à l'ensemble des personnes qui en ont besoin sur le territoire québécois, d'implanter une politique de services éducatifs et, enfin, d'implanter un congé parental.

Pour ce faire, M. le Président, nous avons revu l'ensemble de la situation des familles, de telle sorte qu'on traite de la même façon un enfant qui sera dans une famille d'une personne bénéficiaire de l'aide sociale ou dans une famille d'une personne qui aura un revenu qui sera un bas revenu ou un moyen bas revenu, M. le Président. De telle sorte que, justement, la variable enfant, le fait qu'on ait ou non des enfants, ne soit pas un désincitatif à venir sur le marché du travail et, par ailleurs, non plus, qu'un enfant ne soit pas traité différemment selon qu'il est dans une famille à la sécurité du revenu ou qu'il est dans une famille où les parents vont chercher un revenu à l'extérieur, M. le Président. C'est la façon dont on a fonctionné.

Nous croyons que c'est une politique équitable. Nous aurons l'occasion d'ailleurs d'en discuter, puisqu'on avait souhaité qu'il y ait une commission parlementaire, qu'il y ait des auditions publiques, et nous le ferons, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Possibilité de retarder l'adoption du projet de loi créant la Commission de développement de la métropole

Mme Frulla: M. le Président, le ministre d'État à la Métropole prétend toujours être à la recherche de consensus. Après avoir raté le bateau avec son projet de loi sur la Commission de développement de la métropole, où le consensus est loin d'être clair, voilà que les élus de la métropole s'entendent pour lui en offrir un, c'est-à-dire de surseoir à l'adoption du projet de loi n° 92 pour le moment, jusqu'à ce que leurs discussions avec le ministre – son collègue – des Affaires municipales soient complétées, qu'ils en soient venus à une entente et qu'ils soient fixés face au dossier de la fiscalité métropolitaine.

M. le Président, est-ce que le ministre d'État à la Métropole entend répondre favorablement au consensus et retarder l'adoption du projet de loi créant la Commission de développement de la métropole?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

(15 heures)

M. Ménard: Je ne crois pas que cette suggestion serait utile à la métropole, et particulièrement à ses élus. La Commission de développement de la métropole, c'est justement une tentative de donner aux élus municipaux et aux principaux acteurs municipaux une table de concertation, une table dans laquelle ils vont participer à la planification gouvernementale, et je pense qu'ils ont tout avantage à bénéficier de cet outil plutôt qu'à s'en écarter.

Cette Commission a été conçue pour servir la métropole. Ce serait un bien mauvais service à rendre à la métropole que de retarder une solution dont elle pourrait bénéficier en attendant que les problèmes fiscaux, difficiles, que nous avons tous... Je vous rappelle que, quand on nous parle de pelletage chez les municipalités, nous, on s'est fait littéralement souffler ça par le fédéral. C'est une infime portion. Et ce que nous leur demandons, aux municipalités, qui se vantent toujours de bien gérer, c'est d'essayer de faire comme nous, de trouver le moyen de mieux gérer. Nous leur demandons un effort qui n'est pas plus grand que celui que nous nous imposons à nous-mêmes. Il n'y a pas là raison de retarder un projet qui est à l'avantage des municipalités de la métropole dans leur ensemble et de leurs citoyens.

Le Président: Alors, cet échange met fin à la période des questions et des réponses orales pour aujourd'hui.


Réponses différées


Demande d'aide financière du centre pour conjoints violents Après-coup

Il y a cependant une réponse différée. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux va répondre maintenant à une question posée le 21 mai dernier par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne concernant l'organisme le centre Après-coup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Hier, effectivement la députée, on se rappellera, a posé une question au sujet d'un organisme communautaire, Après-coup, qui aurait, selon elle, eu des refus répétés du ministre de la Santé et des Services sociaux pour obtenir du financement. Un autre exemple d'un devoir mal fait de la part de celle qui pose la question, M. le Président.

Dans sa question, la députée dit qu'il y a un seul centre de crise pour hommes violents au Québec, qui serait Après-coup. Il y en a 26. Il n'y en a pas un; il y en a 26. Par la suite, elle continue.

Une voix: ...

M. Rochon: Non, non. Elle a dit: «Il y a un seul centre de crise pour hommes violents au Québec». Il y en a 26. Je lis ce qu'elle a dit, M. le Président. Elle a par la suite dit que c'était un centre qui héberge des conjoints violents en situation de crise. Or, le centre héberge des gens, mais pas en situation de crise. Il héberge des gens pour appliquer – ils sont les seuls à proposer ce genre d'intervention – ce qu'ils appellent une thérapie intensive, qui est une espèce de forme de désintoxication pour des gens qui seraient des gens violents. Mais ce n'est pas pour une intervention en état de crise.

Maintenant, les refus du ministre. Effectivement, l'organisme a écrit au ministre, d'abord au ministre des Finances. D'après ce qu'on a pu relever, il n'y a pas eu de réponse. Il a écrit, pour une première fois aussi, au ministre de la Santé, qui lui a expliqué que le ministère ne financerait pas ce genre d'activité. Ces deux lettres-là, c'est en 1994, avant la dernière élection.

Depuis ce temps-là, il y a une autre lettre qui a été envoyée, qui est le 5 mai, au début de ce mois-ci, au ministre actuel de la Santé et des Services sociaux. Vérification faite – ce que la députée aurait pu avoir tout de suite si elle avait communiqué avec la régie régionale ou parlé à l'organisme – cet organisme est déjà financé à la hauteur de 138 000 $ par année par la régie régionale. Ils ont demandé un financement, pour la prochaine année, de 159 000 $. Vérification faite encore, ils vont obtenir un financement sûrement à la hauteur de ce qu'ils ont eu au cours des dernières années par le programme Soutien aux organismes communautaires, qui est maintenant régi en région.

Alors, les lettres auxquelles elle n'a pas eu de réponse, c'était leur gouvernement qui ne répondait pas ou qui disait non. Depuis ce temps-là, ils sont financés, au niveau de leur régie régionale, de façon comparable aux autres organismes, aux 25 autres, qui font ce genre d'intervention, M. le Président. Un devoir bien fait, elle nous aurait fait sauver du temps dans cette Chambre.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en complémentaire.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que je peux déposer les lettres du 5 mai 1997 adressées à la régie, adressées aussi au premier ministre du Québec par M. Denis Bélanger? Et quand le ministre fait de la démagogie comme il vient de le faire, c'est M. Bélanger qu'il insulte, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Voudriez-vous rappeler à la députée de... M. le Président, voudriez-vous rappeler à la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne qu'elle est en question complémentaire? Il n'y a pas de préambule.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, simplement pour rappeler, M. le Président, que, dans le cas qui nous concerne et sur lequel la députée pose sa question, il y a trois personnes qui sont décédées, dont un enfant. Si le ministre avait lu le rapport du coroner, il ne répondrait pas comme il répond à présent.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, ce n'était pas une question de règlement, ça. Non, ce n'en était pas une. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, vous êtes en complémentaire. Vous commencez votre question par demander le consentement pour un dépôt de documents. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Bélanger: Consentement.


Documents déposés

Le Président: Il y a consentement. Votre question.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux, à qui j'ai appris qu'il y avait seulement un seul, un unique centre d'hébergement pour hommes violents au Québec, et c'est le centre Après-coup – c'est le seul – peut admettre qu'aujourd'hui il nous a donné une autre de ses réponses évasives et fuyantes, comme d'habitude, et que, lui, il n'est même pas capable de trouver 150 000 $ pour le seul centre d'hommes violents au Québec, qui héberge des hommes violents qui viennent de partout à travers le Québec, quand ce ministre... Je n'ai pas terminé, assieds-toi!

Des voix: Oh!...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Premièrement, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne peut garder son calme. Deuxièmement, ce n'est pas parce que le sujet est sérieux qu'on n'est pas obligé de respecter le règlement. Le terme «est-ce que» n'est pas un mot magique qui permet de faire un préambule après.

Le Président: Vous avez raison, mais vous conviendrez que c'est au président d'apprécier cette question-là. Alors...

M. Lefebvre: ...

Le Président: Je pense, M. le député de Frontenac, qu'on va convenir qu'on ne vous a pas entendu, hein? Ha, ha, ha! En conclusion, Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le ministre peut m'expliquer comment il a pu trouver dans son discrétionnaire 5 000 $ pour financer un club de hockey, 10 000 $ pour la Société nationale des Québécois, 75 000 $ pour le Carnaval de Québec, 100 000 $ pour le Bureau du film de Québec, 225 000 $ pour la Communauté urbaine de Québec, mais il n'est pas capable de trouver 150 000 $ pour le seul et unique centre qui fait de l'hébergement pour hommes violents au Québec?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Parlant de démagogie, toutes ces dépenses ont été faites par le ministre de la région de Québec de façon tout à fait justifiée en vertu des règles d'administration des fonds.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Bon. Alors, mettons leur démagogie de côté. Je pense que ma réponse est très claire. La députée avait posé sa question, pour commencer ça hier, en disant qu'on ne répondait pas aux lettres, aux demandes de cet organisme. J'ai très bien démontré que les réponses qu'ils n'ont pas reçues ou les réponses négatives, c'était l'ancien gouvernement qui leur avait donné ça. Depuis le gouvernement actuel, ils ont écrit une fois. La lettre du 5 mai, elle peut la déposer, puis, à ce moment-là, si elle la dépose, je vais déposer les lettres qu'ils ont reçues avant, les lettres qu'ils ont écrites sous l'ancien régime, M. le Président, et on aura le dossier complet.

Et ce que je leur dis, c'est qu'ils demandent un financement à la hauteur de 150 000 $ puis ils en ont 138 000 $ qui leur a été donné et qui va leur être continué. Alors, ça, c'est le niveau de financement qui est donné à tous les organismes communautaires qui font ce genre d'intervention là.

(15 h 10)

L'hébergement qu'ils font est une approche de type désintoxication qu'ils ont commencé à offrir en 1993 en demandant aux gens de payer pour ça, parce que ce n'est pas une pratique qui est établie encore, du tout, qui est discutée. Et les centres de crise, ce n'est pas ça qu'ils font, ils interviennent en étant disponibles 24 heures par jour, sept jours par semaine, dans le milieu pour aider les gens quand ils en ont besoin et, comme on a déjà recommandé, comme les coroners ont recommandé, pour héberger temporairement au besoin. C'est ça, l'hébergement qui est lié en rapport avec une crise. Ce n'est pas le type de programme qu'ils appliquent à Après-coup. Et Après-coup ont le financement qu'ils ont demandé. On ne peut pas leur donner plus.

Le Président: Il n'y a pas de votes reportés aujourd'hui.

À l'étape des motions sans préavis...


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous allons aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des transports et de l'environnement procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 105, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, en ce qui me concerne, je vous rappelle que l'interpellation de demain, le vendredi 23 mai 1997, portera sur le sujet suivant: La relance de la métropole. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys s'adresse alors à M. le ministre d'État à la Métropole. Cette interpellation aura lieu exceptionnellement de 8 heures à 10 heures. Je voudrais remercier les deux députés, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et M. le ministre d'État à la Métropole, de permettre ainsi au Parlement écolier de pouvoir tenir ses audiences demain à partir de 10 heures.

Alors, avant de passer aux affaires du jour, je vais suspendre quelques instants, le temps de permettre au vice-président, qui doit rendre une décision importante, de finaliser et de pouvoir prendre place au fauteuil. Les travaux sont suspendus quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 12)

(Reprise à 15 h 19)


Affaires du jour


Affaires prioritaires


Motion de censure proposant que l'Assemblée blâme le gouvernement d'investir plus de temps et d'énergie à tenter de sauver le Bloc québécois plutôt que de tenter de régler les vrais problèmes des Québécois


Décision du président sur la recevabilité (suite)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous poursuivons les affaires du jour. Aux affaires prioritaires, à l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée poursuit le débat sur la motion de censure présentée par M. le député de Westmount–Saint-Louis en vertu de l'article 304 du règlement. Alors, ce matin, je vous ai annoncé la décision de la présidence, juste avant la suspension de nos travaux, et je vous ai mentionné que la motion du député de Westmount–Saint-Louis était recevable. Je vous ai également mentionné que j'étais pour vous donner mon argumentaire, concernant la recevabilité, sur les points que le leader du gouvernement a soulevés ce matin.

Tout d'abord, concernant la caducité. Invoquant l'article 194, le leader du gouvernement soutient que la motion de censure est viciée dans son ensemble et en conséquence irrecevable pour le motif qu'une partie de celle-ci est devenue caduque depuis son inscription au feuilleton. La partie en question est le dernier alinéa de la motion, qui se lit comme suit: «D'avoir contribué à diviser l'ensemble de la société québécoise, entre autres par son entêtement à ne pas reconnaître les résultats du référendum qu'il a lui-même tenu le 30 octobre 1995.»

(15 h 20)

Le leader du gouvernement soutient que l'Assemblée nationale a rendu caduque cette partie de la motion de censure en adoptant hier la motion présentée par le député de Châteauguay, amendée par le ministre responsable de la Réforme électorale et parlementaire, et qui se lit ainsi:

«Que l'Assemblée nationale exige de l'ensemble des hommes et femmes politiques du Québec qu'ils reconnaissent la volonté démocratique des Québécoises et des Québécois, qui s'est exprimée lors du référendum du 30 octobre 1995, tenu en vertu de la Loi sur les consultations populaires, reconnaissant ainsi le droit fondamental des Québécoises et des Québécois de décider de leur avenir en vertu de cette loi.»

Après analyse, on ne peut en arriver à la conclusion que l'adoption hier par l'Assemblée nationale de la motion du député de Châteauguay a eu pour effet de rendre caduque la motion de censure présentée aujourd'hui. Sans entrer dans le fond de la question, j'estime que le député de Westmount–Saint-Louis peut techniquement prétendre dans sa motion que le gouvernement a dans le passé contribué à diviser l'ensemble de la société québécoise, en dépit de l'adoption hier par l'Assemblée nationale de la motion du député de Châteauguay, amendée par le ministre responsable de la Réforme électorale et parlementaire, et aux termes de laquelle est reconnue la volonté démocratique des Québécoises et des Québécois, qui s'est exprimée lors du référendum du 30 octobre 1995.

Concernant le deuxième argument, principe versus sujet. Selon le leader du gouvernement, la motion de censure comporterait plusieurs principes, ce qui, par application de l'article 205 de notre règlement, la rendrait scindable. Sur cette question, j'aimerais rappeler la distinction qu'il faut faire entre le principe ou l'objet d'une motion et les sujets dont elle traite. Le principe d'une motion, c'est son objet, c'est l'objectif que poursuit son auteur. De toute évidence, dans une motion de censure, l'objectif poursuivi est celui de blâmer le gouvernement et ultimement de lui exprimer que l'Assemblée lui retire sa confiance.

Pour justifier cette attitude, l'auteur de la motion de censure expose la ou les raisons pour lesquelles le gouvernement doit être blâmé. Ces raisons constituent autant de sujets qui sont abordés dans le cadre de la motion de censure, mais aucun d'entre eux ne doit être confondu avec l'objet lui-même de la motion qui est de censurer le gouvernement. Une motion de censure ne peut donc contenir qu'un seul principe, soit la censure de l'activité gouvernementale, même si cette censure porte sur plusieurs activités ou plusieurs sujets, en l'occurrence l'éducation, la santé, le municipal, et ainsi de suite – je crois qu'il y en avait six ou sept. Le nombre de sujets contenus dans la motion de censure ne détermine donc pas le nombre de principes.

Concernant votre troisième argument, motif et argumentation, le leader du gouvernement soulève le fait que la motion de censure présentée ce matin contient des exposés de motifs et de l'argumentation, contrairement aux dispositions de l'article 191 de notre règlement. Je ne retiendrai pas le point de vue du leader de l'opposition officielle selon lequel il s'agirait non pas d'argumentation, mais plutôt d'admission ou de fait rapporté. De fait et de toute évidence, la motion contient des exposés de motifs et de l'argumentation.

À ce stade-ci, je voudrais faire une importante distinction entre celle-ci et ceux-là dans un contexte d'une motion de censure. Malgré l'article 191, les motions de censure ont toujours comporté des exposés de motifs. Supprimer d'une telle motion les motifs, c'est-à-dire les raisons pour lesquelles on souhaite blâmer le gouvernement, serait réduire cette motion à une motion dont les termes ne varient pas. Il est dans la nature même d'une motion de censure de comporter, outre l'expression du blâme lui-même, les raisons, éventuellement nombreuses, pour lesquelles on blâme le gouvernement.

Par contre, ce que le leader du gouvernement reproche à la motion de ce matin est plutôt de la nature de ce que l'on peut appeler de l'argumentation. Et, sur cette question, je suis en parfait accord avec lui: même une motion de censure ne devrait pas en comporter. Toutefois, tenant compte d'une longue suite de précédents qui témoignent de la tolérance dont la présidence a fait preuve depuis fort longtemps en cette matière et rappelant les décisions récentes rendues tant par mon collègue vice-président le 20 novembre dernier et par le président lui-même le 16 octobre précédent, j'accepte, encore cette fois-ci, qu'une motion contenant de l'argumentation puisse être présentée et débattue – j'apprécierais que, pour la suite, on m'écoute religieusement.

Ceci étant dit et après discussion, ce midi, avec le président et avec l'accord de ce dernier, j'informe l'Assemblée que dorénavant la présidence, dans son ensemble, entend manifester la plus grande rigueur en ce qui a trait à l'application de l'article 191 de notre règlement.

Dès lors, pour parler clairement, sera jugée irrecevable toute motion comportant de l'argumentation et toute motion, à l'exception des motions de censure, comportant des exposés de motifs. Et, conformément à l'article 193, je me verrai même dans l'obligation de refuser l'inscription au feuilleton d'une telle motion. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je me demande pourquoi... La question que je vous pose ou que je pose à la présidence... Je comprends que maintenant l'avertissement a été lancé. Maintenant, il n'y aurait plus de motifs d'argumentation qui seraient acceptés dans des motions, je comprends ça. Mais, moi, je me demande... Quand on a déposé le projet de loi n° 104 avec nos notes explicatives, on nous les a fait retirer, puis il n'y a pas eu, à ce moment-là, d'avertissement que c'était la dernière fois. Là, maintenant, la dernière fois, c'est maintenant, c'est aujourd'hui. Mais, nos notes explicatives, il a fallu que, nous, on les retire immédiatement, sinon on n'allait pas plus loin.

Et 191 et 233, c'est identique. C'est identique, la phraséologie, la terminologie. J'aimerais la comprendre, la décision. Est-ce qu'on arrive, excusez-moi, avec tout le respect que j'ai pour la présidence, à un réveil tardif de la présidence? Je ne le sais pas. Moi, j'aurais peut-être aimé, à ce moment-là... Quand, nous, on a accepté ce que la présidence nous a demandé – parce je crois qu'il faut toujours respecter la décision de la présidence – on a enlevé l'argumentation dans nos notes explicatives. Maintenant, on nous dit: Écoutez, dernière fois, on l'accepte encore, là, mais c'est fini, il n'y en aura plus. M. le Président, moi, c'est la première fois que je vois une décision comme ça.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, ça me fait plaisir, à ce stade-ci, de vous donner l'explication. Tout d'abord, concernant un projet de loi, le projet de loi n° 104, c'était la première fois, selon les vérifications que nous avons faites au niveau de la présidence, que dans un projet de loi il y avait une argumentation. Donc, le président, pour la première fois et pour l'avenir, a maintenu qu'il n'y aura plus d'argumentation lors des dépôts de projets de loi.

Concernant les motions de censure. De part et d'autre, les motions de censure ont comporté beaucoup d'argumentation; motifs et argumentation. Alors, en feuilletant la jurisprudence, soit les autorités qui nous guident, nous nous sommes aperçus que nous ne pouvions, à ce stade-ci, trancher en vertu de l'article 191 parce que, de part et d'autre, tant l'opposition que le gouvernement pouvaient nous sortir éventuellement de la jurisprudence à cet effet.

(15 h 30)

Ce que je vous mentionne maintenant – et je pense que je veux que ce soit très clair – c'est que la présidence a pris le temps d'examiner d'une façon très approfondie la question. Et, au niveau d'un projet de loi, tel que vous me l'avez mentionné tout à l'heure, la présidence a fait en sorte que vous puissiez retirer... Vous pouviez retirer et remettre un nouveau projet de loi, et le projet de loi a suivi toutes les étapes, alors que l'article 191, s'il y avait une application textuelle de cet article, ferait en sorte que, si on l'appliquait, à ce moment-là, automatiquement, la motion de censure, qui est une des motions les plus graves, les plus importantes dans notre système démocratique, à ce stade-ci, serait nulle, de nullité absolue puisqu'il y aurait une partie, soit au niveau de l'argumentation, qui ne serait pas retenue, et, de ce fait, la motion tomberait.

Le geste que la présidence pose aujourd'hui est à l'effet maintenant d'aviser les deux groupes parlementaires et même les députés indépendants – parce que vous savez que, lors d'une session législative, vous avez droit à six motions de censure – que nous n'accepterons plus, dorénavant, aucune espèce d'argumentation lors du dépôt des motions de censure. Ça vous convient? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Dernière question de directive, M. le Président. Je comprends ce qui s'était fait au niveau de la loi n° 104, M. le Président. Justement, la présidence – et je crois que le leader de l'opposition va être d'accord avec moi – a le pouvoir de faire des corrections quant à la forme soit d'une motion, ou de quelque chose qui est présenté devant elle, qui pourraient la rendre, à ce moment-là, correcte à notre règlement. Dans le même esprit que, à ce moment-là, la présidence nous avait demandé de modifier les notes explicatives, je me serais attendu, puisque vous reconnaissez qu'il y a de l'argumentation dans la motion, bien, à ce qu'on biffe ou qu'on fasse biffer les passages où il y avait de l'argumentation pour rendre la motion conforme. Puis, à ce moment-là, on aurait pu le faire. Je pense que ça aurait été, en toute équité, ce à quoi je m'attendais, M. le Président, et ce à quoi je crois que les membres de l'Assemblée nationale pouvaient s'attendre.

Mais là, dans le fond, ce qu'on me dit: Elle est irrecevable, mais c'est la dernière, là, cette fois-ci, c'est la dernière que je laisse passer. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. Ça n'a pas de bons sens.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous savez, M. le leader du gouvernement, la présidence se doit quelquefois d'agir en bon père de famille et de faire en sorte que les travaux ultérieurs de la Chambre s'exécutent selon une nouvelle orientation. Et la présidence veut tout simplement statuer et vous situer à l'effet que, dorénavant, l'argumentation n'aura plus sa place au niveau des motions de censure.

Alors, qu'il y ait un dépôt d'une motion de censure accompagnée de motifs, nous acceptons, mais qu'il y ait dépôt d'une motion de censure avec motifs et avec argumentation, la présidence vous avise, ainsi que les députés indépendants, que dorénavant l'argumentation aura lieu lors des plaidoiries en cette Chambre par les députés qui débattront de la motion de censure. À l'intérieur même de la motion de censure, l'argumentation ne sera plus tolérée, parce que, notamment, vous allez convenir qu'on n'a pas à juger de l'impact de l'argumentation et de l'étendue de l'argumentation au niveau de chacune des motions de censure qui peuvent être déposées.

Donc, c'est un choix que la présidence a effectué. C'est un choix que la présidence veut maintenir pendant la durée de cette Législature. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, l'article 41 dit que les décisions du président ou de l'Assemblée ne peuvent être discutées. Je n'ai pas le goût d'en discuter, M. le Président, simplement d'exprimer qu'il y avait une jurisprudence qui s'était établie en cette Chambre; que celle qui a précédé cette motion-ci, c'était une motion sur le lieutenant-gouverneur, à un moment donné, présentée par le gouvernement; que la tendance a voulu, avec les précédents, que ce qu'on a fait aujourd'hui soit généralement accepté par la présidence.

Moi, je suis un petit peu estomaqué. Vous nous donnez gain de cause, mais les motifs pour lesquels vous nous donnez gain de cause – je vous l'indique bien respectueusement, M. le Président – ne passent pas, à mon humble avis, le test ni de l'analyse du libellé comme tel du règlement ni de la poursuite jurisprudentielle. Je comprends ce que la présidence cherche à faire. Je vous soumettrai respectueusement que ça peut se faire dans le cadre d'une réforme parlementaire où le règlement est modifié et où on peut créer de nouveaux précédents et changer les courants. Mais faire une réforme parlementaire du trône sans que les partis politiques ou que les députés aient été impliqués pour modifier le libellé et apporter des nouveaux changements jurisprudentiels, moi, ça me paraît osé, et je vous le soumets bien respectueusement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie, M. le leader de l'opposition, tout en étant persuadé que ça va vraiment accélérer le processus de la réforme parlementaire et également l'étude de notre règlement à venir. Ce sera un sujet brûlant. Mais, quant à nous, au niveau de la présidence, nous avons statué sur le sujet et nous avons l'intention d'interpréter l'article 191 de cette façon. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je pense que... Juste un peu pour aller dans le même sens que le leader de l'opposition, vous le savez, j'ai été un des premiers à demander l'application de 191, parce que j'avais du mal à comprendre. Je me faisais répondre par la présidence, M. le Président, qu'une réforme s'en venait et qu'en attendant que la réforme s'en vienne, l'interprétation allait être libérale, dans un certain sens du terme «libéral», M. le Président.

Et là je ne peux que me réjouir qu'on me dise que maintenant on va appliquer 191, c'est bien ça, qu'on me dit: Maintenant, on applique 191, on n'attend plus la réforme. Mais c'est parce que, M. le Président, vous comprendrez que... Pourquoi on ne l'a pas fait quand c'était 233, quand, nous, nos notes explicatives, on nous a dit: Non, non, non, ça ne passe pas, changez-les, vos notes explicatives. Et puis maintenant, là, on nous dit: Écoutez, ah non! là, c'est la dernière... Je comprends le bon père de famille. C'est une expression en droit, un principe en droit, et je sais votre formation juridique, c'est une expression qu'on connaît tous. Mais le bon père de famille a sommeillé, M. le Président, et ce n'est pas nécessairement vous que je vise.

C'est parce que j'ai un peu de difficulté à comprendre le raisonnement derrière tout ça. Je vais m'y plier, M. le Président, mais j'aurais préféré, en toute équité, quand même... Et on n'a pas répondu à cette question: Pourquoi on n'a pas tout simplement biffé les passages qui contenaient de l'argumentation pour rendre notre motion conforme à l'évolution exponentielle de la jurisprudence?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, vous savez, M. le leader du gouvernement, ce que vous nous soulevez, c'est véritablement une correction de fond que de biffer des mots et non pas une correction de forme. Alors, si, nous, on se permet maintenant d'enlever du texte dans une motion de censure qui est déposée, à ce moment-là je pense que nous outrepassons nos devoirs. Alors...

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, je vous écoute.

M. Bélanger: C'est pourtant ce qui a été fait avec les notes explicatives du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, je me dois tout simplement de vous rappeler que vous nous traitez souvent du projet de loi n° 104, lequel a été dûment corrigé par le gouvernement. L'imbroglio qui s'est glissé ce matin... pas l'imbroglio, mais le travail qu'on effectue, qu'on fait maintenant, ça concerne une motion de censure. Alors, il y a véritablement une très grande différence entre un projet de loi qui peut être modifié et dont l'étude peut être poursuivie: première lecture, présentation, ensuite la deuxième lecture et la troisième lecture, alors qu'une motion de censure se doit d'être traitée dans la même séance. Et, comme je vous parle de la même séance, il y aurait peut-être lieu maintenant que débutent véritablement les travaux de cette Chambre sur la motion de censure de l'opposition, et j'inviterais de ce fait le député de Westmount–Saint-Louis à bien vouloir nous entretenir. M. le député.


Débat sur la motion


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président. D'abord, je vous remercie. Mes premiers mots sont: Enfin! Je suis en attente depuis 10 heures ce matin pour plaider cette question. C'est une motion de censure, M. le Président, et j'ai l'impression que, s'il y a quelqu'un qui a été censuré, c'est moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: M. le Président, d'abord, permettez-moi de vous féliciter sur la rigueur de votre jugement en ce qui concerne mon cas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Et cela me permettra évidemment de commencer – à 15 h 40 plutôt qu'à 10 heures ce matin – la motion de censure que vous avez lue ce matin. Mais je pense qu'il n'y a pas beaucoup de personnes qui ont attendu depuis 10 heures ce matin pour savoir par où je continuerais à partir de ma motion de censure, M. le Président.

(15 h 40)

D'abord, je voudrais remercier mes collègues de l'opposition de m'avoir non seulement permis, mais de m'avoir demandé de déposer cette motion de censure. Une motion de censure, dans nos règles parlementaires, c'est une mesure exceptionnelle, une mesure exceptionnelle qui n'est employée que quelques fois par Législature. Une Législature, c'est la période de temps qui se passe entre deux élections. Alors, M. le Président – M. le nouveau Président – vous n'aurez pas d'objection, j'imagine, à ce que je vous relise cette motion de censure, puisqu'elle a été lue pour la dernière fois à 10 heures ce matin. Et, comme je le mentionnais, j'imagine que nos auditeurs ont pu changer depuis cette heure-là.

«20 mai 1997. Motion de censure inscrite par le député de Westmount–Saint-Louis en vertu de l'article 304 du règlement:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste d'investir plus de temps et d'énergie à tenter de sauver le Bloc québécois plutôt que de tenter de régler les vrais problèmes des Québécoises et des Québécois, notamment en abandonnant les quelque 800 000 assistés sociaux et les quelque 400 000 chômeurs;

«d'avoir pelleté son déficit vers les commissions scolaires, les universités, les hôpitaux, les municipalités et enfin pour tous les citoyens qui écopent de hausses de taxes et de tarifs de toutes sortes;

«d'avoir affaibli le réseau de santé par des fermetures d'hôpitaux, des diminutions de lits, des coupures de personnel, ce qui contribue à augmenter, entre autres, les listes d'attente en chirurgie;

«d'avoir déstabilisé le réseau de l'éducation par son cafouillage total tant dans l'implantation de commissions scolaires linguistiques que dans l'implantation de la maternelle obligatoire plein temps, tout en obligeant les commissions scolaires à augmenter les taxes scolaires de plus de 100 000 000 $ cette année et, de plus, en enlevant le libre choix aux parents quant aux garderies;

«d'avoir déstabilisé le réseau municipal en annonçant, de façon totalement chaotique, des diminutions du nombre de MRC sans consultation, en annonçant aussi des transferts de responsabilités de plus de 500 000 000 $ – uniquement pour cette année – aux municipalités sans les avoir consultées, sans les outils et les moyens nécessaires, ce qui les forcera à augmenter les taxes municipales de 0,17 $ à 0,18 $ du 100 $, en moyenne, soit 150 $ à 200 $ par maison au Québec – en augmentation de taxes municipales à cause de décisions prises par ce gouvernement;

«d'avoir abandonné le monde agricole, notamment les producteurs de porc et les producteurs de lait, par de fausses promesses, ce qui crée une insécurité énorme chez les producteurs;

«d'avoir amputé le budget des personnes âgées de plus de 253 000 000 $ et des plus démunis de notre société de près de 38 000 000 $ en les forçant à payer davantage pour leurs médicaments;

«d'avoir discrédité le système de police et le système de justice, M. le Président, en brûlant les preuves de la culture illégale de marijuana en 1995 à Oka, en déstabilisant la Sûreté du Québec, la décapitant deux fois, ce qui a fait passer trois chefs en trois ans, et pour avoir déstabilisé le système judiciaire, comme l'ont dénoncé le bâtonnier et un des avocats les plus respectés au Québec, Me Guy Pepin, ce dernier claquant la porte du Conseil de la magistrature du Québec pour dénoncer en toute liberté l'attitude du ministre de la Justice;

«d'avoir contribué à diviser l'ensemble de la société québécoise, entre autres par son entêtement à ne pas reconnaître les résultats du référendum qu'il a lui-même tenu le 30 octobre 1995.»

M. le Président, certains députés et autres commentateurs ont parlé d'une motion-fleuve, d'une motion-fleuve de censure quant au gouvernement. On pourrait aussi parler d'une motion de gouvernement pot-pourri ou d'une motion de gouvernement qui est le pot-pourri de situations que nous entendons et dans nos bureaux de comté et en nous promenant à travers le Québec. Voilà de quoi ils nous parlent, les gens du Québec. Voilà de quoi ils se plaignent, les gens du Québec. Le niveau de mécontentement et de grondement dans la population est en augmentation constante depuis des mois, M. le Président, parce que le gouvernement ne s'occupe pas des affaires du peuple, ne s'occupe pas des affaires de l'ensemble de la population. Ce n'est pas un raisonnement, puis ce n'est pas un jugement nouveau.

Juste un peu avant les Fêtes, M. le Président, je vous le rappelle, un chroniqueur qui n'est pas classé parmi les plus fédéralistes, Pierre Bourgault, dans le Journal de Montréal du 7 décembre 1996 et dans le Journal de Québec , écrivait ceci: «En effet, tout se déroule comme si M. Bouchard se disait en se levant le matin: Il me semble qu'on a oublié de frapper sur quelqu'un hier, alors on va s'en occuper aujourd'hui. C'est pourquoi tout le monde est en beau maudit, dans tous les dossiers. Un jour, ce sont les municipalités régionales de comté qui écopent, le lendemain ce sont les étudiants, puis les agriculteurs, puis les assistés sociaux, puis les transporteurs scolaires, puis les commissions scolaires, et enfin, tout le monde.» Voilà l'opinion de Pierre Bourgault, pas un sympathisant de notre côté de la Chambre, mais quelqu'un qui parle au monde, quelqu'un qui réussit à comprendre ce dont la population du Québec se plaint. Eh bien, voici ce qu'on voit, voici ce que l'on entend.

Et je peux répéter, dans cette motion de censure, chacun des éléments qui la composent, M. le Président:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste d'investir plus de temps et d'énergie à sauver le Bloc québécois que de tenter de régler les vrais problèmes des Québécoises et des Québécois, notamment en abandonnant les quelque 800 000 assistés sociaux et les quelque 400 000 chômeurs.»

M. le Président, de son siège, le premier ministre nous a dit, au cours des dernières semaines, qu'il était heureux de voir les statistiques concernant la création d'emplois qui permettent de dire qu'au Québec il s'était créé une cinquantaine de milliers d'emplois. Mais ce qu'il ne nous dit pas, c'est que, uniquement dans les mois de juillet et août 1996, il y a moins d'un an, le Québec avait perdu 79 000 emplois. Les 79 000 emplois perdus en deux mois, juillet et août, n'ont encore pas été récupérés, les emplois de juillet et d'août dont le vice-premier ministre, le ministre des Finances, nous avait dit: Voilà la raison pour laquelle nous avons perdu tous ces emplois, c'est à cause de la météo. La météo était l'explication de la perte d'emplois en juillet et août l'an dernier.

M. le printemps... M. le Président – vous ressemblez au printemps, M. le Président – avec le printemps qu'on a, je ne sais pas pourquoi le député de Verchères ne critique pas les problèmes qu'il a maintenant à voir à ce que quelques emplois soient créés. Le gouvernement se comporte avec un discours pour dire les choses, puis, dans le même discours, il peut dire le contraire.

M. le Président, en dépit d'un agenda que nous croyons chargé, que nous savons chargé, pas plus tard qu'il y a 15 jours, le premier ministre refusait de rencontrer des dirigeants de sociétés allemandes venus au Canada pour prospecter de nouveaux marchés, venus au Canada pour prospecter de nouveaux endroits d'investissement. Des Allemands sont allés rencontrer et ont rencontré longuement le premier ministre de l'Ontario, le ministre de l'Industrie et du Commerce du Canada à Ottawa, mais n'ont jamais été capables de recevoir un avis favorable pour pouvoir rencontrer le premier ministre du Québec. Ni lui ni aucun membre de son cabinet n'était assez ouvert, intéressé, je dirais, à rencontrer des gens qui auraient pu nous aider à créer des emplois au Québec, dans des secteurs qui ne sont pas des secteurs dans lesquels nous sommes des nains, des secteurs dans lesquels nous sommes déjà forts.

(15 h 50)

Mais la masse critique, notre capacité de devenir de plus en plus forts nécessitent des investissements de sociétés comme Bayer par exemple, immense complexe pharmacologique allemand, des sociétés comme Daimler-Benz en aéronautique. On sait que, dans la région de Montréal, l'aéronautique et le pharmaceutique sont des secteurs vitaux pour notre développement économique.

Pendant ce temps-là, le premier ministre faisait du porte-à-porte dans le comté de Sainte-Marie–Saint-Jacques avec le chef du Bloc québécois plutôt que de rencontrer les dirigeants de 8 000 entreprises, les plus grandes d'Allemagne. Trente-cinq dirigeants qui auraient aimé rencontrer le premier ministre, discuter de création d'emplois, discuter de l'avenir, discuter de nos moyens pour pouvoir aider les entreprises allemandes à venir s'implanter sur le territoire du Québec, à créer des emplois au Québec. Le message du premier ministre a été rapidement compris par ces sociétés: Je ne suis pas intéressé; j'ai d'autre chose à faire. M. le Président, voilà comment on abandonne 800 000 assistés sociaux et 400 000 chômeurs rapidement. C'était simplement un exemple.

M. le Président, ce gouvernement peut aussi être accusé d'avoir pelleté son déficit vers les commissions scolaires, les universités, les hôpitaux, les municipalités afin que tous les citoyens qui écopent de hausses de taxes et de tarifs de toutes sortes puissent se plaindre, et c'est réussi. On n'a pas, dans l'ensemble de l'histoire récente du Québec, de période où les citoyens ont été aussi attaqués par un gouvernement qui leur transfert sans subtilité des tonnes et des tonnes de taxes: scolaires déjà annoncées, municipales camouflées, par l'intermédiaire d'augmentation de déficits dans le secteur des hôpitaux, dans le secteur des universités, dans le secteur des commissions scolaires. Ce qu'on voit, ce qu'on sait ne nous apporte aucune espèce de joie mais plutôt une grande tristesse.

M. le Président, nous avons convenu avec le gouvernement qu'il fallait... Et nous avons aussi adopté, permis l'adoption d'une loi ramenant le déficit des opérations courantes à zéro, la loi permettant de ramener le déficit du gouvernement à zéro; non seulement les opérations courantes, mais l'ensemble des opérations gouvernementales à zéro. Mais, M. le Président, le gouvernement se sert de cette loi comme alibi pour tenter de camoufler son déficit vers différentes zones d'activité dans chacun des secteurs d'activité du Québec. Prenons le secteur scolaire par exemple. Le secteur scolaire, l'an dernier, le gouvernement a transféré 40 000 000 $ de taxes; 40 000 000 $ qui ont été retrouvés par les commissions scolaires, 40 000 000 $ d'augmentation de taxes par les commissions scolaires. Cette année, la ministre l'a elle-même avoué, c'est plus de 100 000 000 $ de nouvelles taxes scolaires que le budget du ministre des Finances va imposer aux Québécois par le biais des commissions scolaires.

Le même budget fait en sorte d'obliger les municipalités à recevoir des responsabilités nébuleuses, au moment où on se parle, pour 500 000 000 $, avec aucune espèce de possibilité permettant aux municipalités de pouvoir, d'une façon ou d'une autre, faire autrement que de transférer à leurs contribuables ce 500 000 000 $. M. le Président, les municipalités, en plus de ce montant-là, se voient réduire leur remboursement de taxe de vente du Québec, se voient aussi participer au financement de l'Institut de police, se voient aussi participer au financement de la Sûreté du Québec dans les zones où il n'y a pas de policier. C'est une décentralisation que le gouvernement prétendait vouloir faire? C'est une décentralisation non pas de ses moyens; c'est une décentralisation de son déficit.

M. le Président, dans d'autres secteurs, comme les universités par exemple, les universités avaient un déficit accumulé de près de 100 000 000 $. Les universités, après l'exercice de cette année, vont avoir un déficit accumulé de près de 200 000 000 $. Voilà une façon habile de passer un 100 000 000 $ de déficit gouvernemental vers un organisme paragouvernemental que sont les universités.

Les hôpitaux, cette année, ont fini leur année financière avec 145 000 000 $ de déficit accumulé. Tous, dans le secteur hospitalier, admettent qu'avec le budget qu'on nous a déposé le niveau de déficit dans le secteur hospitalier sera augmenté de plus de 200 000 000 $, ce qui va faire en sorte de voir le déficit accumulé du secteur hospitalier exploser à plus de 345 000 000 $, à 350 000 000 $ à la fin de l'exercice financier de cette année, sans compter, et j'en parlerai plus loin, toutes ces coupures de services à la population.

M. le Président, je voudrais vous rappeler aussi que le Vérificateur général, dans le budget, dans même l'optique, dans même ce qui est recherché par le gouvernement, c'est-à-dire d'arriver à un déficit zéro, met en garde le gouvernement en disant ceci: «Le gouvernement, contrairement aux recommandations du Conseil de la comptabilité et de la vérification du secteur public de l'Institut canadien des comptables agréés, ne comptabilise pas toutes ses obligations envers les régimes de retraite autres que le RREGOP, le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics», soutient M. Breton en parlant notamment des vieux régimes de retraite, celui des fonctionnaires, et là je pense au RRF, au RRE et aussi à celui des policiers de la Sûreté du Québec.

«De plus, le gouvernement fait abstraction dans ses livres comptables – ce n'est pas rien, ça, M. le Président – du coût des changements apportés aux régimes de retraite à la suite des dernières négociations avec les employés des secteurs public et parapublic, qui ont permis à des milliers de fonctionnaires de quitter l'appareil gouvernemental. L'effet de ces pratiques comptables a pour conséquence que le passif relatif aux régimes de retraite et à la dette nette, au 31 mars 1996, est sous-évalué de 10 900 000 000 $ et que le déficit des opérations budgétaires de l'année financière est sous-évalué de 1 200 000 000 $.»

Cette remarque, ce n'est pas une remarque de l'opposition officielle; cette remarque est celle du Vérificateur général du Québec, le même genre de fonctionnaire qui a posé des remarques très dures sur le budget de Montréal il y a quelques semaines en ce qui concerne le vérificateur de Montréal. Le Vérificateur général du Québec, voilà les commentaires qu'il formule à l'égard d'un objectif qu'on tente de camoufler, M. le Président.

Cette remarque du Vérificateur général ferait en sorte que le déficit du Québec devrait être, le 31 mars prochain, de 4 400 000 000 $. Le déficit, au lieu d'être de 3 200 000 000 $ à la fin de l'an passé, est sous-évalué de 1 200 000 000 $. Il devrait être de 4 400 000 000 $, comme le prévoit le Vérificateur général plutôt que le ministère des Finances. Sans compter qu'on a à attendre un an et demi avant le dépôt des comptes publics pour savoir ce qu'il y a exactement eu de dépensé dans les dépenses de ce gouvernement.

Ceci, un commentateur nous le disait, n'a guère fait broncher le ministre des Finances. En janvier dernier, le ministre affirmait qu'il n'était pas question que le gouvernement modifie ses méthodes comptables, pas question. Les méthodes comptables, c'est celles qui sont utilisées dans tous les autres gouvernements au Canada, mais pas le Québec. Une société distincte, une méthode comptable distincte, on a des résultats distincts. Toutefois, le ministre des Finances ne niait pas l'ampleur de la sous-évaluation notée par le Vérificateur général. Le ministre des Finances ne nie pas l'ampleur de la sous-évaluation évoquée par le Vérificateur général.

(16 heures)

Le Vérificateur ne l'a pas dit là-dedans, mais on sait bien que, dans son document, dans son rapport, il demande depuis des années au gouvernement du Québec de pouvoir avoir une vérification consolidée de ses états financiers. Résultat: Attendez plus tard! Attendez plus tard! Le Québec est la dernière province à ne pas avoir une vérification consolidée de ses états financiers. La dernière des dernières. «C'est-u» normal? «C'est-u» correct? M. le Président, ma réponse, c'est: Non, ce n'est pas correct. Et, tant qu'on n'aura pas cette vérification consolidée, on ne pourra même plus prendre la parole du gouvernement lorsqu'il dit qu'en plus il diminue le niveau de déficit.

M. le Président, j'ajoutais, dans la motion de censure, que j'accusais le gouvernement «d'avoir affaibli le réseau de santé par des fermetures d'hôpitaux, des diminutions de lits et des coupures de personnel, ce qui contribue à augmenter les listes d'attente en chirurgie». M. le Président, il faut quand même se souvenir qu'au cours de la dernière campagne électorale on avait le premier ministre Parizeau, chef de l'opposition à l'époque... le chef de l'opposition Parizeau qui se promenait un peu partout dans la province puis qui disait que c'était épouvantable qu'à l'hôpital Sainte-Justine il y ait une liste d'attente de 3 000 enfants en attente de chirurgie. La liste d'attente, aujourd'hui, est de 4 300 enfants. Le ministre de la Santé a été obligé d'admettre, à des questions posées par le député de Brome-Missisquoi, que la liste d'attente, à l'ensemble du Québec, a plus que doublé depuis trois ans. L'autre façon de gouverner!

L'autre façon de gouverner, M. le Président, c'est celle qui va faire en sorte que les citoyennes puis les citoyens du Québec vont devoir se poser la question, comme ils se la posent actuellement, à savoir: Qu'est-ce que ce gouvernement m'a apporté de plus depuis trois ans? En quoi je suis mieux que je n'étais, depuis trois ans bientôt? La réponse est claire, M. le Président, simple, limpide. Elle coule de source. Les gens sont moins bien qu'ils n'étaient il y a trois ans. Ils sont plus pauvres. Ils sont moins bien soignés. Ils sont moins bien instruits. Ils sont moins bien organisés sur le plan municipal. Mais, dans le cas du secteur de la santé, dans mon propre comté, on a fermé deux hôpitaux. Dans le vôtre, on a cherché à en fermer un. Dans le secteur de la santé à Montréal, on a fermé sept hôpitaux.

Et, M. le Président, on posait des questions. On disait, en Chambre: C'est bien beau de fermer des hôpitaux, mais vous allez avoir un problème. Si vous fermez sept urgences, il n'est pas possible que vous n'ayez pas de problèmes dans les urgences des hôpitaux qui vont demeurer ouverts. Comme de fait, depuis presque un an, le ministre de la Santé, qui passait pour être un génie la première année et demie de son mandat, est devenu un paria dans plusieurs milieux. Pourquoi? Parce que non seulement il a été incapable d'avoir imaginé, d'avoir anticipé ce qui arriverait avec les fermetures de services d'urgence des hôpitaux qu'il a fermés, mais il a été aussi incapable d'anticiper l'effet de débordement qui serait automatiquement causé dans l'ensemble des autres hôpitaux de la grande région métropolitaine. Et cela est vrai pour Montréal, mais cela est vrai aussi pour plusieurs régions à travers le Québec.

La députée de Beauce-Sud, nouvellement arrivée, nous amenait les journaux locaux. On voyait que même l'aspirant député péquiste, le candidat péquiste battu par la députée de Beauce-Sud, se plaignait de voir 131 lits coupés dans des services de longue durée pour Saint-Georges de Beauce puis pour la région de Beauce-Sud, M. le Président. Tout le monde, à part le gouvernement qui ne réalise pas ce qu'il fait, est en attente d'un changement de cap, d'un changement de politique profond, rapide et efficace, de la part du gouvernement, en matière de santé. Mais qu'est-ce qu'on nous propose? On nous propose une nouvelle désinstitutionnalisation des soins de santé pour les malades mentaux. M. le Président, c'est presque une infamie!

M. le Président, je suis député du centre-ville de Montréal. Il y a 20 ans, un gouvernement péquiste, dans lequel il y avait comme ministre de la Santé celui qui est maintenant président de l'Office des personnes handicapées, a commencé la désinstitutionnalisation des soins de santé mentale à travers le Québec, et depuis ce temps-là, M. le Président, on voit les résultats dans le centre-ville de Montréal. Ils se promènent. Ils sont considérés puis ils vivent comme itinérants.

Quand la ville de Montréal, M. le Président, a ouvert un centre qui s'est appelé Dernier Recours, un centre dans lequel on retrouvait des gens, des itinérants qu'on ne pouvait recevoir nulle part ailleurs, ni au Refuge Meurling, ni à La Maison du père, ni Chez Doris... Des cas extrêmement lourds, M. le Président, des cas extrêmement lourds que le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques aurait dû connaître et s'y intéresser. Des cas extrêmement lourds, M. le Président, qui, lorsqu'on a vérifié l'ensemble des gens qui étaient bénéficiaires de ce centre de dernier recours, on s'est aperçu que, sur 225 personnes qui y résidaient, il y en avait 214 qui étaient des cas de désinstitutionnalisation d'instituts psychiatriques, qui avaient été laissés pour compte, laissés tout seuls, sortis dehors de l'hôpital puis: arrange-toi! Il y a des gens qui étaient malades, M. le Président, des gens qui étaient malades puis pour lesquels il n'y a pas eu de suivi.

Ça a été ça, le programme de désinstitutionnalisation numéro un du gouvernement du Parti québécois de 1977 à 1981. M. le Président, il n'est pas question, en 1997, qu'on puisse croire, croire ce qu'on nous a fait croire en 1977 et 1981 à l'effet que, oui, on va les désinstitutionnaliser. On va fermer 3 000 lits pour les malades psychiatriques à travers la province de Québec puis on va les suivre. Mais on ne les a pas suivis il y a 15 ans puis il y a 20 ans. On ne les a pas suivis. On les a perdus dans la nature. Ils sont venus, une grande partie d'entre eux se sont en venus dans Montréal. Ils courent les rues de Montréal. Sont-ils plus heureux, M. le Président? Sont-ils plus heureux, ces gens-là qui vivent plus ou moins selon l'air du temps, à quêter au coin d'une rue, à manger parfois ce qu'ils trouvent dans des sacs de vidanges. C'est ça, la société qu'on veut nous bâtir? C'est ça, la société qu'on veut nous promettre? C'est pour ça qu'on veut diminuer de 3 000 lits les centres de soins psychiatriques?

M. le Président, je vous rappellerai que ce même gouvernement, pas il y a 20 ans, cette année, l'an dernier, le même ministre de la Santé a promis qu'on aurait un virage ambulatoire dans lequel tout se ferait correctement, parce que le ministre avait lui-même vérifié chacun des détails de la réforme. M. le Président, le virage ambulatoire est dans le champ, est entre autres dans le champ parce qu'il avait aussi promis que, lorsqu'on ferait des opérations d'un jour, qu'on en ferait plus. Mais c'est correct. Voilà un objectif avec lequel nous sommes d'accord. Mais il a dit aussi: Nous allons faire plus d'opérations d'un jour, et les gens seront suivis par des infirmières de leur CLSC, des infirmières de centres de services communautaires.

M. le Président, l'honnêteté nous dicte de dire et de décrier cette situation qui maintenant est fort connue. Il n'y en a pas, d'infirmières dans les CLSC après 16 h 30, 17 heures, le soir, dans la majorité des CLSC du Québec. Il n'y en a pas, de suivi fait aux malades qui ont été opérés pour des opérations d'un jour, puis qu'ils sont retournés chez eux. Puis aujourd'hui, le même ministre de la Santé du même gouvernement va essayer de nous faire accroire qu'on va fermer 3 000 lits en soins psychiatriques puis qu'on va faire le suivi de ces gens-là? M. le Président, le terme pour conclure de ça est antiparlementaire. Je ne le dirai pas.

(16 h 10)

M. le Président, si la santé se retrouve aujourd'hui dans un état chaotique, qu'en est-il du réseau de l'éducation? On veut implanter des commissions scolaires linguistiques. Nous sommes d'accord. On veut s'y prendre de la façon dont on a reculé et avancé, retourné et reculé, comme le gouvernement l'a fait dans le dossier des commissions scolaires depuis un an et demi. C'est un véritable ballet! M. le Président, si, des commissions scolaires linguistiques, on veut en mettre de l'avant, prenons donc au moins l'expérience qui a servi dans le passé pour faire en sorte de, par exemple, regrouper les commissions scolaires. Le gouvernement veut diminuer le nombre de commissions scolaires de 158 à 70. Soit! Très bien. Mais qu'il prenne les outils et les moyens qui ont déjà été pris pour faire ces regroupements.

M. le Président, quand même qu'on déciderait, du haut du seizième étage du complexe G à Québec, comme ministre de l'Éducation, que le monde va arrêter de tourner et que, le 1er septembre 1997, il y aura des maternelles à temps plein sur tout le réseau québécois, qu'il y aura, le 1er juillet 1998, des commissions scolaires linguistiques partout sur le territoire, voilà un voeu cher aux yeux, probablement, de tous les membres de cette Assemblée. Mais, quand on a une intention, qu'on veut la mettre de l'avant, on prend les moyens les plus logiques et puis les plus efficaces pour faire en sorte de pouvoir l'organiser. Qui se serait plaint si on avait dit: Nous allons prendre le temps qu'il faut pour avoir des classes maternelles d'ici les deux ou trois prochaines années scolaires? Les commissions scolaires qui sont prêtes, qui ont des locaux, qui ont des profs déjà formés pourront faire de la maternelle plein temps à partir de septembre. Celles qui n'en ont pas pourront commencer en septembre 1998 ou en septembre 1999. Tu fais ton plan sur trois ans.

Là, aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où des parents critiquent, puis je peux comprendre pourquoi ils critiquent. Ils vivent généralement dans des banlieues dans lesquelles le nombre de classes pour l'enseignement du réseau primaire ne suffit pas. Et on leur dit: On va en plus vous créer des classes de niveau maternelle, qui manquent actuellement. Problème. On va trouver des profs pour enseigner à vos enfants. On va prendre deux jours cet été puis on va les former. Il y a un problème. Il y a quelqu'un à quelque part qui devrait regarder l'ensemble du curriculum de scolarisation précoce – avec lequel je suis en accord – au niveau de la maternelle, mais qui va impliquer nécessairement des modifications sur le curriculum de tout le premier cycle de l'enseignement élémentaire. Or, on n'a pas eu un mot là-dessus. La ministre et le ministère de l'Éducation, personne n'a soufflé un mot là-dessus. On ne sait pas où on s'en va. On pense que c'est ça qui devrait être fait.

Des commissions scolaires linguistiques, tout le monde est d'accord, semble-t-il. Le député de Marquette est arrivé avec une solution qui semblait être intéressante sur le plan du droit, qui a été refusée par le gouvernement qui a décidé qu'il allait de l'avant avec les commissions scolaires linguistiques, qui a reculé, qui est revenu. Bref, au moment où on se parle, on attend un amendement constitutionnel, qui nous arrivera probablement d'ici Noël, puis donc qui fera en sorte, après Noël, de chercher à faire un regroupement de commissions scolaires, de les faire passer de 158 à 70 dans un laps de temps de six mois. Ça n'a pas beaucoup de bon sens.

Je vous prie de me croire, juste l'étalage des cartes scolaires proposées est un ramassis de problèmes qui devrait faire l'objet d'une consultation vaste et importante dans tous les milieux du Québec. Il y a des problèmes majeurs avec ces cartes-là, des problèmes qui peuvent se corriger, mais il y a des problèmes majeurs d'application, avec ces cartes-là, dans plusieurs milieux. Bien, M. le Président, voilà une approche chaotique: essayer de revirer tout d'un coup en même temps d'une seule façon et d'une seule manière, en ayant seulement une seule vision des choses, sans attendre d'écouter ce que les gens ont à dire sur un sujet qui les préoccupe autant que l'éducation de leurs enfants. M. le Président, on le sait, je l'ai dit tout à l'heure.

En plus de ça, on a retrouvé, par exemple, dans les finances des commissions scolaires, une coupure de près de 600 000 000 $, ce qui va faire en sorte que les commissions scolaires vont être obligées d'augmenter la taxe scolaire, d'augmenter le compte de taxes de tous les contribuables du Québec, qu'ils soient agriculteurs, qu'ils soient dans n'importe quel milieu. Dans toutes les régions du Québec, tous les propriétaires fonciers du Québec vont voir leurs taxes scolaires augmenter, mais ceux qui seront davantage touchés, ce seront les gens qui résident sur l'île de Montréal.

M. le Président, je n'ai qu'un mot à dire pour déplorer, du côté de l'opposition, le sort que fait le gouvernement au monde des garderies à but lucratif. On a l'impression, de ce côté-ci de la Chambre, que la dernière négociation a été le lieu d'une vaste tractation où, pour faire plaisir à des associés syndicaux dans d'autres dossiers, plus constitutionnels ceux-là, on a sciemment décidé d'augmenter le nombre de syndiqués de CEQ en faisant en sorte de doubler le temps prescrit pour les enfants au niveau de la maternelle. Évidemment, si les enfants qui sont au niveau de la maternelle n'y sont plus à demi-temps mais y sont à plein temps, il y aura deux fois plus d'enseignants, enseignantes au niveau de la maternelle, donc il y aura deux fois plus de cotiseurs à la CEQ. Mais, sachant ceci, on savait aussi pertinemment que ça posait un problème de répartition dans le milieu des garderies, parce que le milieu des garderies, qui, lui, est généralement syndiqué CSN, voyait une partie de sa clientèle s'en aller dans les écoles. Or, on voit, en tout cas, on a l'impression qu'il y a un deal qui s'est fait: Les enfants de cinq ans appartiendront à la CEQ puis les enfants de moins de cinq ans appartiendront à la CSN, et ça, on trouve ça inacceptable.

M. le Président, par toutes sortes de pirouettes, le gouvernement a réussi à déstabiliser le monde municipal. L'UMRCQ, l'UMQ, ensemble, dénoncent le gouvernement, particulièrement depuis un an, pour avoir, sans consultation jamais, envoyé dans leur cour des tonnes de taxes, taxes, comme je l'ai mentionné tout à l'heure... Juste après que les gens aient fini leur budget, dans le monde municipal, ils apprenaient de la bouche du ministre des Finances que le gouvernement du Québec ne remboursait plus la taxe de vente du Québec que les municipalités recevaient; un remboursement de leur taxe de vente du Québec, ils n'en recevraient plus: 75 000 000 $ pelletés dans la cour municipale; un autre 40 000 000 $ pour le financement de la Sûreté du Québec pelleté dans la cour municipale, les municipalités qui n'ont pas de service de police.

M. le Président, est-ce que c'est normal d'avoir le bruit de l'ordinateur du député de Sainte-Marie– Saint-Jacques?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, s'il vous plaît! Ce n'est pas l'habitude de désigner le nom des députés, par exemple. Je vous inviterais... Mais je sais qu'il y a eu une décision de rendue... dans la mesure où ça ne dérange pas. Alors, à ce moment-là, vous pouvez l'utiliser, mais, si vous ne pouvez pas éviter le son qu'on a entendu, je vous inviterais à faire attention. Je ne connais pas assez la technologie de votre appareil pour savoir si c'est inhérent à votre appareil ou si c'est occasionnel ou accidentel. Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président. Je disais que le monde municipal a été déstabilisé par les décisions du gouvernement qui a fait en sorte de pelleter un 75 000 000 $ en ne remboursant plus la taxe de vente du Québec, en forçant les municipalités à payer 40 000 000 $ pour le financement de la Sûreté du Québec, à financer aussi pour 500 000 000 $, un demi-milliard de dollars, dans le dernier budget, de nouvelles, soi-disant, responsabilités dans le secteur municipal.

M. le Président, c'est de 0,17 $ à 0,18 $ le 100 $ d'évaluation qui, au bout de la ligne, l'automne prochain, le printemps prochain, seront payés par les contribuables du Québec pour financer le pelletage du déficit du gouvernement du Québec vers les municipalités, et ça, ça va coûter entre 150 $ et 200 $ par propriétaire de maison au Québec. Est-ce que ça a de l'allure, M. le Président? «Ç'a-tu» de l'allure de penser que les contribuables du Québec, après s'être fait accrocher dans le dossier par le gouvernement, transférant des taxes scolaires, vont se faire accrocher comme ça dans le transfert des taxes municipales?

(16 h 20)

M. le Président, ce gouvernement, après avoir promis pendant la campagne électorale le droit de produire dans toutes les régions du Québec... Le droit de produire, le droit de produire. «On vous promet le droit de produire». Vous allez pouvoir produire, que disaient M. Parizeau et ses acolytes dans toutes les régions du Québec. Aujourd'hui, on se retrouve, trois ans plus tard, les producteurs de porc empêchés de produire, empêchés par le ministère de l'Environnement, avec de nouveaux règlements, empêchés de pouvoir vivre à la campagne comme les gens de la campagne.

On voit aussi les producteurs de lait, comment ils sont démoralisés de voir leur gouvernement qui les a abandonnés, qui ne s'en est pas occupé, qui ne s'est pas occupé des dossiers des producteurs de lait depuis les deux dernières années et demie. On lui a fait des fausses promesses, au monde agricole. On a fait de fausses promesses, dans le secteur agricole, à travers tout le Québec. On est allé berner les agricultrices puis les agriculteurs du Québec, puis maintenant ils s'en sont aperçus. Ils ne sont pas venus 12 000 sur la colline parlementaire pour rien. Ils ne sont pas venus à Québec pour le fun. Ils sont venus 12 000 à Québec pour se plaindre, pour se plaindre d'un gouvernement qui ne les comprend pas, ne les écoute pas et ne fait pas en sorte de remplir les promesses qu'il leur avait faites avant l'élection. M. le Président, non seulement les producteurs de porc, de lait, de tout ce que nous consommons ont vu un affaissement important de la valeur du portefeuille de l'agriculture, mais, en plus, eux autres aussi vont se faire ramasser par des augmentations de taxes, eux autres aussi, ils vont se faire attraper par des diminutions de services comme le gouvernement les a planifiées, ou mal, ou ne les a pas planifiées, depuis un an, un an et demi.

M. le Président, tous se rappelleront comment le ministre de la Santé avait fait en sorte d'annoncer en grande pompe qu'on aurait un nouveau système d'assurance-médicaments qui remplacerait ce qui existait auparavant. Les mêmes députés péquistes, y compris le député de Laurentides, ont tous crié haro sur le baudet lorsque l'ancien gouvernement, le gouvernement libéral, avait imposé un 2 $ par prescription pour les personnes âgées. On avait imposé un 2 $ par prescription. C'était horrible! Il y avait même une publicité de campagne électorale faite par le Parti québécois à l'époque à la télévision. On voit une personne âgée, un vieux monsieur puis une vieille madame qui sont sur le bord d'un banc du parc, puis l'un dit à l'autre: Ah! toi, tu paies 2 $? Ah oui, on paie 2 $, puis c'est donc un gouvernement qui ne nous comprend pas! Puis la fin de la conclusion: Maintenant, un gouvernement du Parti québécois s'engage à changer cela.

Effectivement, vous l'avez changé: maintenant, les gens, ce n'est plus 2 $ qu'ils vont payer, c'est 20 $, c'est 30 $, c'est 100 $, ça peut aller jusqu'à 800 $. Ça, c'est les personnes âgées qui vont payer. Puis elles vont payer combien? Je peux vous le dire, combien elles vont payer. Elles vont payer, cette année, 253 000 000 $. Elles en payaient 35 000 000 $. Elles en paient 35 000 000 $! Maintenant, elles vont en payer 253 000 000 $, payés direct par les personnes âgées. Pas les autres, là, les personnes âgées. Avoué par le ministre en commission parlementaire. Les personnes âgées sont la cible du gouvernement. 253 000 000 $ plutôt que les 2 $. Vous vous en rappelez? Ça, ça rapportait 35 000 000 $.

Les plus démunis, les sociaux-démocrates, la social-démocratie, les gens de gauche. Bien, les plus démunis, M. le Président, seront forcés de payer 38 000 000 $ pour avoir droit à des médicaments. Et, des médicaments, je fais partie de ceux qui sont obligés d'en prendre. Tu n'as pas le choix; tu as une santé qui ne te permet pas de te passer de tes médicaments. Ceux qui ont les moyens, ça va bien. Mais les plus démunis: 38 000 000 $ que ça va leur coûter cette année!

Ce n'est pas pour rien que l'ombudsman, le Protecteur du citoyen rapporte 800 cas de gens qui se sont plaints au Protecteur du citoyen parce que leur choix réel – leur manque de choix, M. le Président, leur absence de choix – se situe entre manger ou prendre leurs médicaments. Or, M. le Président, manger ou prendre des médicaments, ça ne peut pas être le lot accepté, agréé par une population, par un gouvernement qui est un peu civilisé. Ça ne se peut pas. Puis, si on appelle ça de la sensiblerie, bien, je m'excuse, de ce côté-ci, on a cette sensibilité-là.

M. le Président, dans un autre secteur: la police, la justice. Qu'est-ce qu'on a depuis deux ans et demi? Dans la police, je vous répète ce que je vous ai dit: «d'avoir discrédité le système de police et le système de justice en brûlant les preuves de la culture illégale de marijuana en 1995 à Oka». Qui dans cette salle-ci, à la télévision, n'a pas vu le député du comté de Laval-des-Rapides, ministre de la Métropole aujourd'hui, être dans le champ avec la police en train de faire les foins à Oka puis de brûler le pot? Qui n'a pas vu ça? Qui n'a pas vu ça, cette image extraordinaire où tu vois le ministre ramasser le pot, brûler le pot puis s'exclamer, deux ans plus tard: On s'excuse, on ne peut pas poursuivre, on a brûlé les preuves? Ça va bien, M. le Président! Bon gouvernement!

M. le Président, la Sûreté du Québec, ce n'est pas un petit organisme. C'est un organisme important. C'est un organisme qu'on ne doit pas mépriser. Je dirais: Qu'on ne doit pas mépriser comme ce gouvernement l'a méprisé. Ça fait trois chefs de police qu'ils passent en moins de trois ans, ces gens-là. Trois chefs de police! C'est assez pour déstabiliser n'importe quelle organisation, M. le Président. Sans compter que le système judiciaire comme tel est à ce point déstabilisé que même les plus connus, les plus éminents de nos juristes se plaignent et blâment directement le ministre de la Justice pour son incurie et son manque de vision à l'égard de notre système de justice au Québec, M. le Président.

Et, malgré tout ça, malgré qu'il ait mis le diable dans le secteur hospitalier, qu'il ait mis le diable dans le secteur municipal, qu'il ait mis le diable dans le secteur scolaire, le gouvernement trouve encore le moyen de diviser notre société, de diviser les Québécoises, de diviser les Québécois par son entêtement, M. le Président, à vouloir constamment ramener et le dossier linguistique et le dossier constitutionnel comme étant les deux fers de lance, les espèces de deux mamelles d'une société péquiste qui sont les moyens les plus sûrs de faire en sorte de limiter la capacité du Québec de voir son économie reprendre de la force, de voir l'économie du Québec régénérer de l'emploi, de voir l'économie du Québec refleurir. On se tire dans le pied, M. le Président, toujours de la même façon, et cela depuis des années. Et on n'apprend pas de nos erreurs, on n'apprend pas de nos omissions, M. le Président.

(16 h 30)

Pour terminer, M. le Président, je voudrais encore une fois conclure en citant Pierre Bourgault. Je vous le rappelle, Pierre Bourgault, pas le gars le plus sympathique à notre parti politique. On se «comprend-u» assez bien! Pierre Bourgault dit ceci, le 7 décembre dernier, et je vais en faire ma conclusion, M. le Président, parce que je pense que cela pourrait se vérifier, il y a une part d'anticipation dans ce texte-là qui n'est pas mauvaise, c'était dans la période, souvenez-vous-en, où le Bloc québécois se cherchait un chef: «Je pense, en effet, disait Bourgault, qu'il vaudrait mieux renvoyer à Ottawa le premier ministre du Québec, M. Bouchard, où il faisait du bon travail parce qu'il occupait un poste à sa mesure. On ne peut pas en dire autant de Lucien Bouchard premier ministre du Québec. La fonction semble le dépasser et il dirige ce qui semble devoir être l'un des pires gouvernements des 40 dernières années.» Et voilà pourquoi je pense que cette motion de censure devrait être adoptée. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Vous avez, avec 52 minutes, épuisé le temps qui était imparti à votre groupe parlementaire. Vous aurez votre droit de réplique de 20 minutes.

Alors, je vais céder la parole à M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor. Votre groupe parlementaire dispose d'un temps de 52 minutes.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, cette motion de censure, qui tire d'ailleurs dans tous les sens, à tort et à travers, qui exagère honteusement les difficultés de transition, qui soulève des problèmes déjà réglés, qui intente des procès d'intention au gouvernement et qui veut semer partout l'insécurité, cette motion de censure passe très exactement à côté de ce qui est important, à côté des grands débats et de la vision responsable que le gouvernement du Parti québécois a choisi d'adopter dans la conduite des affaires de l'État québécois.

La motion du député de Westmount–Saint-Louis est une reconnaissance implicite du triste bilan financier que nous a laissé le gouvernement précédent, une reconnaissance implicite également de son impuissance face à Ottawa. Un exemple de cette propension à passer à côté de la question: on reproche au gouvernement de s'intéresser à l'élection du Bloc québécois, comme si on ignorait que le Bloc est un instrument unique et de très grande valeur au service des Québécois et de leurs intérêts, que le Parti libéral d'en face devrait appuyer et défendre, et un instrument autrement plus efficace que tout ce qu'on a connu auparavant comme députation fédérale qui devait toujours systématiquement se soumettre ou se démettre devant les exigences du reste du Canada, des partis, donc dans tous les cas qui devait diluer les intérêts québécois avant même de penser à se lever en Chambre ou avant toute décision, des députés québécois qui devaient sans cesse s'autocensurer.

C'est de cela qu'il s'agit lorsqu'on parle de la nécessité de soutenir le Bloc québécois et c'est ce que le gouvernement de tous les Québécois a le devoir de faire. Ce n'est pas, à proprement parler, du Bloc québécois en soi qu'il s'agit, mais c'est le Québec qu'il faut protéger contre les conséquences des engagements aussitôt reniés qu'énoncés des libéraux fédéralistes Pierre Trudeau et Jean Chrétien au référendum de 1980 et des engagements superficiels de Jean Chrétien à Verdun lors du référendum de 1995. On a alors, dans les deux cas, annoncé des changements qui, bien sûr – et, dans ces deux cas, on le savait sûrement très bien – ne sont pas venus. On a alors trahi les engagements pris envers les Québécois. Tout ce qui est venu, c'est un plan B qui nie le droit du Québec à l'autodétermination et qui profère des menaces envers les Québécois.

Ainsi, on ne devrait pas, selon l'opposition, soutenir le Bloc québécois. Mais alors, devra-t-on compter sur les libéraux du Québec pour réclamer notre juste compensation d'Ottawa dans le dossier de la TPS, ou encore dans le dossier de l'habitation sociale, ou dans une foule d'autres dossiers où nous discutons avec Ottawa? Je ne me souviens absolument pas qu'ils aient élevé la voix à ce sujet. Est-ce que ce seraient, encore là, des cas d'autocensure? Il faut se le demander, M. le Président. Ou leur arrive-t-il de se faire censurer par le grande frère fédéral?

Au coeur de notre débat sur notre avenir, comme société et comme peuple, se retrouvent les questions de l'état des finances publiques et du poids sans cesse croissant que les déficits annuels et accumulés font peser sur les comptabilités nationales, dont celle du Québec. Des finances publiques dans un état lamentable, voilà la situation dont nous avons hérité en reprenant le pouvoir, à l'automne 1994. Le Parti libéral, élu en 1985, s'était pourtant engagé à assainir les finances publiques, à lutter contre le déficit et à remettre en question le rôle et la taille de l'État. Comme dans combien d'autres dossiers, les libéraux fédéralistes n'ont pas livré la marchandise. En pelletant devant eux ces problèmes, ils ont laissé la situation s'aggraver considérablement, au point où nous nous sommes retrouvés devant la nécessité de faire face de toute urgence à la crise. Car, M. le Président, il s'agit bien d'une crise.

Au Québec, on a vu le déficit accumulé grossir rapidement, avec une accélération notable au cours des années quatre-vingt-dix. Ainsi, cette dette accumulée est passée de 42 000 000 000 $, en 1989-1990, à 77 000 000 000 $, en 1995-1996. Au 31 mars 1996, chaque Québécois devait 10 393 $. Le rapport d'endettement du gouvernement, ou le ratio d'endettement du gouvernement, est, quant à lui, passé de 11 % du produit intérieur brut – le PIB – au 31 mars 1971 à un ratio de 44,3 % aujourd'hui. Pire encore, une bonne moitié de ces 77 000 000 000 $ ont été consacrés à des dépenses courantes, ce qui revient à contracter une hypothèque sur 20 ans pour payer l'épicerie de la semaine, et c'est sans compter malheureusement la part du Québec dans la dette fédérale accumulée, le 600 000 000 000 $.

M. le Président, l'accumulation des déficits a donc fini par provoquer la crise de l'endettement collectif que nous vivons maintenant. Le gouvernement du Québec aura versé cette année 6 000 000 000 $ en remboursement des intérêts sur sa dette. Cela représente 14,7 % de ses dépenses. Nous pourrions aussi compter le 1 500 000 000 $ en intérêts remboursés par le gouvernement du Québec pour les immobilisations de la Société d'assainissement des eaux, des commissions scolaires, des hôpitaux, de la Société de financement agricole, de la Société de développement industriel et d'autres, en particulier dans le budget du ministère des Transports. Au total, 7 500 000 000 $ de dépenses d'intérêts ou 18,6 % du budget.

Sans cette hypothèque, M. le Président, nous ne serions déjà plus en déficit, mais nous profiterions plutôt d'un surplus qui pourrait se traduire par des baisses de taxes et d'impôts. C'est cela, la réalité. Cette dette vient gruger année après année notre marge de manoeuvre et provoque donc d'elle-même, par l'ampleur qu'elle a prise, des déficits. Il devient évident que ce n'est pas la lutte au déficit qui menace nos services publics et risque d'alourdir les taxes et les impôts. C'est l'effet combiné de chaque nouveau déficit et du déficit accumulé qui menace la qualité de vie des Québécois, leurs institutions, leur filet de sécurité sociale et le bien-être des générations futures. Ne confondons pas la maladie avec son traitement. Surtout pas.

Entre 1990-1991 et 1994-1995, les coupures de transferts du gouvernement fédéral ont totalisé 9 300 000 000 $ pour le Québec. Le ménage des finances publiques fédérales se fait évidemment sur le dos des provinces et du Québec, et ce n'est pas terminé. Ces transferts subiront cette année une chute importante et se situeront par la suite à ce niveau. On nous a récemment annoncé que ces coupures seront légèrement moins importantes que ce qui était d'abord prévu. Ce serait vraiment faire preuve d'une mentalité de chien battu que d'en remercier le gouvernement fédéral.

(16 h 40)

Il est maintenant clairement démontré que le gouvernement fédéral doit une grande partie de ses succès en matière d'assainissement des finances publiques au pelletage dans la cour des provinces et du Québec. Les objectifs fédéraux de réduction des dépenses de programmes n'ont pas été atteints. Cela a été révélé au cours des dernières semaines. Nous avons fait le travail à la place du fédéral, et cela continue pendant qu'Ottawa se gargarise des résultats obtenus.

Cependant, M. le Président, l'incurie du gouvernement du Parti libéral du Québec, qui s'est traduite par un retard à amorcer le nécessaire redressement budgétaire, combinée aux actions vigoureuses entreprises par nos voisins et concurrents ont généré le retard qu'affiche le Québec en ces matières, retard que nous nous attachons à éliminer et que nous éliminerons. Nous savons bien que cette avance prise par nos voisins et compétiteurs peut avoir de graves conséquences sur la capacité du Québec à demeurer concurrentiel en termes d'investissements, de productivité, de fiscalité des entreprises et des individus. Or, c'est de cette capacité concurrentielle que dépendent aussi bien le maintien des emplois que l'expansion du marché du travail.

M. le Président, vendredi dernier, l'agence de cotation Standard & Poor's a annoncé qu'elle maintenait à son niveau antérieur la cote du Québec. La mention «perspective négative» reste néanmoins accolée à la cote du Québec, ce qui signifie qu'une nouvelle décote est possible s'il n'y a pas de réduction importante du déficit. Cela démontre que nous ne devons pas, que nous ne pourrons pas relâcher nos efforts.

Il y aurait un prix élevé à un réétalement de notre plan d'élimination du déficit, et ce prix, c'est la décote financière. L'impact financier d'une telle décote se chiffrerait par une augmentation des coûts de financement du gouvernement et des organismes du secteur public pendant la période de cinq ans qui suivrait une telle décote. Plus grave encore, un passage à la cote B aurait pour effet de limiter l'accès du gouvernement aux marchés financiers en restreignant le bassin d'investisseurs qui achètent des titres québécois, soit parce que leur politique d'achat interdit des titres de qualité inférieure à un niveau donné soit parce qu'ils ne peuvent consacrer qu'une proportion réduite de leur portefeuille à ces titres. À la limite, le Québec pourrait se trouver incapable de financer son déficit, l'obligeant ainsi à couper rapidement plusieurs milliards de dollars de dépenses.

Mais le prix d'un report, c'est aussi la décote politique. Quelle serait la crédibilité du Québec, de son gouvernement, de ses ministres, de ses députés si nous passions à côté de nos objectifs? Qu'en penseraient les contribuables qui supportent déjà un lourd fardeau fiscal? Qu'en penseraient les jeunes à qui on continuerait d'ériger une montagne de dettes qu'ils devront régler au cours de leur vie? Le diagnostic que nous avons posé sur les finances publiques québécoises est qu'il s'agit d'abord et avant tout d'un problème de niveau de dépenses, et conséquemment de contrôle des dépenses. Pourquoi? Parce que le fardeau fiscal des contribuables québécois est déjà trop élevé, très élevé. Il était, en 1993, toutes taxes et impôts en proportion de notre PIB, de 39,6 % par comparaison à 36,8 % pour l'Ontario et à 29,3 % pour les États-Unis. Et c'était avant les baisses d'impôts décrétées par le gouvernement Harris en Ontario, notamment.

M. le Président, on ne peut donc pas attendre de solution au problème des finances publiques du côté d'une éventuelle augmentation des revenus du gouvernement. L'essentiel de l'effort de redressement doit impérativement porter sur les dépenses. Pour la première fois depuis très longtemps, le gouvernement du Québec a respecté, en 1995-1996 et en 1996-1997, ses prévisions de dépenses. Et j'ai la ferme intention de faire en sorte que le gouvernement respecte les objectifs qu'il s'est fixés encore cette année.

En 1996-1997, pour chaque dollar d'augmentation des revenus de l'État en incluant l'inflation, les dépenses de programmes ont été réduites de 4 $. Nous savons d'ores et déjà qu'avec l'appui des Québécois nous sommes fermement engagés dans la voie de la réussite. Un effort budgétaire, en 1997-1998, au-dessus des 2 300 000 000 $, d'un niveau encore une fois sans précédent et portant principalement sur les dépenses, avec un effort particulier sur les coûts de main-d'oeuvre, qui comptent pour 56 % de nos dépenses de programmes, c'est un effort budgétaire, dis-je, que nous devons respecter et que nous allons respecter au cours de l'année présente.

Au terme de cet exercice financier, cependant, les choses devraient devenir moins difficiles. Les trois quarts du chemin auront été parcourus, tout en nous réservant une capacité d'attention, de souplesse pour des situations particulières, des situations difficiles. L'État québécois aura acquis une vitesse de croisière qu'il nous suffira de maintenir en stabilisant le niveau des dépenses, en plus d'effectuer les ajustements ponctuels qui s'avéreront nécessaires. Le Québec aura récupéré, pour la suite des choses, une marge de manoeuvre pour assumer les priorités de sa population et de son Parlement.

M. le Président, je voudrais, à ce point de mon intervention, faire quelques remarques sur cette motion du député de Westmount–Saint-Louis. Je disais, au tout début de mon intervention, que cette motion exagérait honteusement les difficultés de transition, qu'elle soulevait des problèmes déjà réglés, qu'elle veut intenter, qu'elle intente des procès d'intention au gouvernement et qu'elle veut semer l'insécurité. Je veux simplement reprendre quelques termes qui sont ici, dans cette motion. Je veux simplement dire qu'il est absolument inexact de prétendre que le gouvernement a abandonné les 800 000 assistés sociaux et les 400 000 chômeurs. Dans toutes les clientèles qui ont pu être touchées et qui l'ont été le moins possible par le gouvernement, celles qui l'ont été le moins ont encore été les clientèles qui sont ici mentionnées.

M. le Président, cette motion entend reprocher au gouvernement d'avoir pelleté son déficit vers les commissions scolaires, les universités, les hôpitaux, les municipalités en disant qu'on écopait de hausses de taxes, de tarifs de toutes sortes. Je dirai, par exemple, que le député de Westmount–Saint-Louis, qui a mentionné les étudiants, n'a pas pris connaissance du fait que les droits de scolarité des étudiants n'avaient été affectés d'aucune manière dans les décisions du gouvernement. Les droits de scolarité ont été gelés. Alors, il est faut de prétendre ce qu'il a dit tout à l'heure.

Le député de Westmount–Saint-Louis dit que nous avons augmenté ou que nos gestes, nos décisions ont contribué à augmenter les listes d'attente en chirurgie. Non. Le sens même du virage ambulatoire, c'est le contraire. Les listes d'attente ont été diminuées, et mon collègue de la Santé l'a très bien exposé ici, en réponse aux questions à l'Assemblée nationale.

Le député prétend qu'il y a un cafouillage total en éducation. Je regrette, ce n'est pas ça, le cas, M. le Président. Je regrette, nous faisons une réforme majeure. Nous avons lancé les états généraux, qui ont remis un rapport. Il y a eu des décisions de prises qui attendaient depuis très longtemps d'être prises. Et le député tout à l'heure mentionnait des cas qui sont absolument inexacts: par exemple, que la ministre ne s'occupait pas des changements au curriculum de l'enseignement au primaire. Au contraire, il y a un comité qui va remettre incessamment son rapport justement parce qu'elle s'en préoccupe pour le mois de septembre. Il y a des transitions à assumer, et nous les assumons en éducation comme ailleurs.

(16 h 50)

M. le Président, on nous accuserait d'avoir déstabilisé le réseau municipal sans avoir consulté les municipalités. Nous consultons les municipalités. Mais nous avons dit à tous, à tous les Québécois, et le premier ministre du gouvernement du Québec l'a d'ailleurs dit: Chacun serait amené, appelé à contribuer pour sa part dans l'objectif d'élimination du déficit. Chacun serait amené à contribuer. Et cela a été dit dès l'entrée en fonction du premier ministre ici, lors de son discours inaugural. Tout le monde a été averti qu'il aurait une part à fournir. À moins de continuer comme ces gens ont fait, d'accumuler des déficits les bras baissés, à moins de le faire, nous devons au contraire prendre les décisions que nous avons prises. Je pourrais continuer. En ce qui concerne le monde agricole, mon collègue y viendra tout à l'heure.

On a parlé de l'assurance-médicaments. Voilà une réforme qui a pris tout son sens au cours de l'année. Voilà une excellente réforme par laquelle tous les Québécois sont couverts et où le principe directeur, c'est que ceux qui ont les moyens payent pour les médicaments qu'ils prennent.

Alors, M. le Président, j'avais ces quelques remarques à faire au député de Westmount, mais je dirai là-dessus que tous mes collègues pourraient répondre à chacun des points qu'il a soulevés. Les actions que nous menons le sont dans un esprit de responsabilité, d'équité et de solidarité envers les plus démunis de notre société, et ce Québec solidaire, nous le construisons aujourd'hui en protégeant notre filet social.

La politique familiale que nous avons lancée, par exemple, va aussi dans le sens de l'affirmation de nos solidarités. Dès le 1er juillet prochain entrera en vigueur l'allocation familiale unifiée pour enfants, et dès septembre prochain la maternelle à temps plein sera offerte gratuitement à tous les enfants de cinq ans. Des services de garde seront aussi progressivement offerts à 5 $ par jour, d'abord aux enfants de quatre ans et l'an prochain à ceux de trois ans, et ainsi de suite, jusqu'à ce que l'offre de services de garde touche tous les âges.

Un Québec solidaire, M. le Président, c'est donc un Québec où les jeunes et les aînés, où les travailleurs à faibles revenus et les démunis, les familles et les retraités savent qu'ils peuvent compter sur la grande famille québécoise. Ils savent que l'aide à l'enfance, à l'équité, à la retraite sont des acquis inattaquables reposant sur la générosité active des Québécois et sur des assises financières solides.

Le déficit inquiète tous les Québécois, et pour cause. La capacité de leur État à assurer la solidarité sociale et la pérennité d'un espace francophone bien à eux leur semble fragile. L'indépendance du Québec se fera d'ailleurs quand un plus grand nombre de Québécois seront rassurés sur la solidarité et la solidité financière et économique de leur État national.

M. le Président, c'est en considérant l'intérêt de tous les Québécois que le gouvernement a entrepris de restaurer la santé financière de l'État québécois, car nos intérêts sont ceux du Québec, contrairement aux fédéralistes libéraux ou autres qui défendent non pas le Québec, mais le Canada, et encore, une vision bien étroite et centralisatrice de ce Canada.

L'alternative Charest qu'évoquent certains n'est, quant à elle, qu'une voie d'évitement qui, le cas échéant, s'avérerait encore une fois décevante, très décevante. Les fédéralistes voudraient décider de la stratégie des souverainistes et de la façon dont ils devraient se comporter durant la présente campagne. Qu'ils ne s'attendent pas à ce que nous les laissions nous dicter notre conduite. Ils auraient avantage à faire un examen de conscience et à se demander s'ils sont fidèles au mandat pour lequel ils ont été élus eux-mêmes. Peut-on espérer, M. le Président, qu'à défaut d'épouser la longue marche du Québec pour assumer son destin le chef actuel de l'opposition officielle cesse de voler bas et redonne à tout le moins une âme à son parti, comme Daniel Johnson son père, comme Jean Lesage et Robert Bourassa qui n'en demandaient pas moins?

L'Assemblée nationale, loin de blâmer le gouvernement dans sa gestion responsable et transparente des deniers publics, doit se faire solidaire de la volonté de changement au Québec, volonté qu'ont trahie les libéraux tant du Québec que d'Ottawa en ne donnant aucune suite crédible à leurs promesses référendaires de 1980 et 1995. Dans les circonstances, le Bloc québécois s'avère le seul outil politique reflétant l'âme québécoise, le cheminement d'un peuple.

Le présent gouvernement peut et doit à la fois mettre de l'ordre dans la maison suite au passage des vandales dans chacune de ses pièces. Cela s'appelle corriger le gâchis financier de l'administration libérale. Il doit se donner un coffre à outils complet pour mieux aménager et agrandir la maison, la seule du seul peuple francophone en Amérique. Cela s'appelle la souveraineté.

Personnellement, après plus de 30 ans en politique active au Québec, trois principes directeurs guident mon mandat d'élu de Labelle à l'Assemblée nationale: le retour à la santé financière et économique au Québec; la solidarité à l'endroit des plus démunis de notre société; la construction du pays du Québec, pays qui soit différent de celui que l'on veut quitter et avec lequel on peut vivre en harmonie comme partenaire. Voilà ce que je veux laisser à mes enfants, à ceux de Labelle, à ceux de tout le Québec et à ceux venus d'ailleurs. M. le Président, nous voterons donc contre la motion du député de Westmount–Saint-Louis. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le président du Conseil du trésor. Il reste à votre groupe parlementaire 27 minutes d'intervention. Alors, je serais prêt à reconnaître le prochain intervenant. Ils ont terminé leur temps de parole. Il reste la réplique de 20 minutes pour M. le député de Westmount– Saint-Louis. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.


M. Guy Julien

M. Julien: M. le Président, il y a actuellement une bataille, je dirais, d'image qui est un peu malsaine non seulement pour le gouvernement, mais aussi pour l'ensemble de la classe agricole. Et je suis content de ce débat-là parce que je veux réaffirmer que le gouvernement a à coeur le développement du secteur agricole. Je suis conscient, comme tous mes collègues d'ailleurs du Conseil des ministres, de l'apport économique du secteur agricole pour le Québec et de la nécessité de lui offrir un environnement socioéconomique qui lui permet de s'épanouir. C'est très important.

D'ailleurs, j'ai quelques données là-dessus. Par exemple, il faut savoir que l'agriculture ou l'agroalimentaire au Québec, c'est près de 10 % du produit intérieur brut. On parle de 385 000 emplois, donc environ un emploi sur 9 au Québec. On dit que l'agriculture est la première source d'emploi au niveau du primaire: 65 000 emplois. Dans la transformation: premier rang en valeur des livraisons et deuxième pour l'emploi parmi les 20 secteurs industriels; on parle de 47 000 emplois. Juste dans la région de Montréal, par exemple, on peut parler de 57 % relié à la transformation, et, dans la grande région de Montréal, on parle de 75 %. Si on veut situer un petit peu cette statistique par rapport au poids du Québec dans le Canada, on peut parler du PIB de 21 %, des recettes monétaires agricoles de 16 % et des livraisons manufacturières de 24 %. Donc, c'est énorme. Il s'est créé, M. le Président, en 1995-1996, 12 000 emplois net dans le secteur agricole, ce qui est énorme.

Si on regarde nos importations et nos exportations, on arrive à peu près à une balance commerciale équilibrée. On a des exportations de 2 000 000 000 $ et des importations de 2 200 000 000 $, ce qui est une performance extraordinaire parce que c'est une évolution d'à peu près 72 % depuis les dernières années au niveau des exportations. Donc, je pense que, là-dessus, ça nous permet de considérer... Et c'est ce qui fait que le gouvernement maintient son appui et va tout faire pour que le secteur agricole puisse se développer.

On reproche au gouvernement de ne pas avoir de vision sur le développement du secteur agricole. Permettez-moi de corriger cette fausse impression. Dans le cadre du dernier exercice budgétaire, j'ai déposé un plan stratégique du ministère pour les trois prochaines années. Ce plan présente les grands enjeux du secteur agroalimentaire, précise la mission du ministère, définit les orientations stratégiques et identifie les principes directeurs au niveau des moyens. J'ai d'ailleurs présenté les grandes lignes de ce plan aux membres de l'exécutif de l'UPA et à ceux du conseil d'administration de la Coopérative fédérée du Québec. Et j'ai une série d'autres rencontres qui vont se faire d'ici le mois de juin pour rencontrer tous nos partenaires pour vraiment leur déposer notre plan stratégique. Si, comme je le disais à l'UPA, il y a des choses qu'on devrait bonifier – donner d'autres outils, d'autres orientations – on est prêt à regarder ça, il n'y a pas de problème.

(17 heures)

Pour réaliser ce plan, le ministère dispose de ressources encore relativement substantielles malgré les récentes réductions. Le budget agricole du MAPAQ est actuellement de 521 000 000 $, soit encore le plus important budget agricole, au Québec, par rapport à l'ensemble du Canada. Ce qu'il importe de retenir, M. le Président, c'est que, malgré les réductions, l'ensemble des éléments de la politique agricole québécoise ont été maintenus intacts. Donc, on n'a eu aucune coupure de programme et on a maintenu tout ce qu'il fallait pour avoir les outils nécessaires au développement de l'agriculture au Québec. En plus, malgré un contexte difficile où les crédits et les effectifs du ministère diminuent, nous sommes tout de même parvenus à dégager des ressources pour répondre à de nouveaux besoins: en agroenvironnement, par exemple, avec le programme d'aide à l'investissement et, en développement des marchés, avec le programme d'appui à la concertation.

M. le Président, l'un des grands défis auxquels nous sommes confrontés, c'est de concilier la croissance des entreprises agricoles, la protection de l'environnement et la coexistence harmonieuse sur le territoire. À cet effet, en juin dernier, nous avons adopté la loi n° 23 sur la protection du territoire et des activités agricoles, qui est sans contredit une pièce majeure pour atteindre cet objectif. Cette loi vient confirmer la pérennité de la zone agricole et vient dire aux municipalités qu'elles doivent, dans cette zone, favoriser l'utilisation prioritaire du sol à des fins d'agriculture. Il s'agit là d'un appui sans équivoque du gouvernement en faveur du développement d'un secteur agricole dynamique et durable. Et, tel que convenu lors de l'adoption de la loi n° 23, le 20 juin 1996, le Conseil des ministres s'est engagé à mettre en vigueur cette loi dans toutes ses parties au plus tard le 20 juin 1997.

Et la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, sur les bruits et poussières et les odeurs, a tenu des auditions publiques du 8 au 16 avril dernier et a déposé son rapport à l'Assemblée nationale le 8 mai dernier. Il s'agit d'un rapport unanime des membres de la commission qui contient des normes réalistes permettant aux producteurs agricoles d'exercer leur profession tout en respectant l'environnement. Je tiens à remercier tous mes collègues, autant de l'opposition que du parti ministériel, pour le travail qu'ils ont fait pour arriver à un rapport unanime, ce qui n'était pas facile, concernant les bruits et poussières et les odeurs. M. le Président, notre engagement, qui était de tenir et d'accepter que la loi soit en application le 20 juin avec toutes ses composantes, sera respecté.

Dans un même temps et malgré un contexte de ressources financières plus que limitées, le gouvernement a accepté d'améliorer le support financier offert aux entreprises agricoles en agroenvironnement, comme vous avez pu le constater lors du discours du budget. Ce nouveau programme permettra aux entreprises agricoles de faire face aux nouvelles exigences environnementales et d'accélérer l'adaptation de leur système de production aux impératifs du développement durable. Il s'agit là d'un engagement gouvernemental de 318 000 000 $, ce qui constitue une nette augmentation par rapport aux 124 000 000 $ dépensés depuis 1988 dans le Programme d'aide à l'amélioration de la gestion des fumiers.

Le gouvernement libéral du temps s'était pourtant engagé à investir des sommes substantielles à la résolution de cette problématique mais n'a jamais livré la marchandise, en y consacrant moins du tiers des sommes promises. Donc, dans le fond, ce qu'on a investi, c'est 124 000 000 $ au lieu de 388 000 000 $. Et ce qui est intéressant dans ce nouveau programme, c'est qu'on ne couvrira pas uniquement le PAAGF, c'est-à-dire le Programme d'aide à l'amélioration de la gestion des fumiers, mais on va couvrir aussi l'accessibilité aux nouvelles technologies, on va couvrir aussi l'utilisation de nouveaux équipements et on va permettre à nos producteurs de se doter de solides conseils gestion.

Le nouveau programme que nous venons de mettre en place permettra de mieux couvrir l'ensemble de la problématique agroenvironnementale et de rendre disponible l'aide financière selon de nouvelles modalités qui permettront aux entreprises de réaliser les investissements nécessaires sur une période beaucoup plus courte. Avec l'ancien programme, il aurait fallu presque 20 ans avant de venir à bout de la problématique des structures d'entreposage des fumiers. Je pense que – on l'a vu lors de la commission parlementaire, M. le Président – des éléments majeurs ont été portés à notre connaissance, entre autres l'utilisation de nouvelles technologies, et ça, ça m'apparaît beaucoup plus en termes de perspectives, ce qui va permettre le développement de notre agriculture dans le cadre d'un développement durable. Donc, avec le nouveau programme, il sera possible de rendre conformes à la réglementation d'ici cinq ans toutes les entreprises agricoles, tout en leur permettant de demeurer compétitives et de contribuer au développement économique du Québec et des régions.

Un autre élément important, c'est la gestion de l'offre. Donc, à ceux qui doutent de mon appui envers le secteur laitier québécois, ils ont vite oublié que j'ai obtenu du Conseil des ministres l'autorisation de signer deux ententes avec les autres provinces permettant à la gestion de l'offre de demeurer bien vivante. Ces ententes renouvellent les façons de faire permettant d'être à la fois avantageuses pour les producteurs laitiers québécois et compatibles avec les règles du commerce international. Cet appui est d'autant plus remarquable que le Québec a été la première province à signer et ainsi à se commettre par rapport aux autres provinces.

Grâce à ces ententes, les producteurs laitiers québécois, qui produisent près de 50 % du lait destiné à la transformation, peuvent ainsi obtenir un meilleur revenu sur le marché intérieur, tout en diminuant les risques d'attaque sur les marchés extérieurs. Mon engagement à défendre les intérêts des producteurs laitiers et la gestion de l'offre s'est également matérialisé lors des récentes attaques des Américains sur l'application des droits tarifaires pour les produits sous gestion de l'offre.

En effet, à ma demande, toutes les ressources spécialisées de mon ministère ont été mises à contribution dans la préparation de la défense du dossier qui s'est soldée par une décision favorable. Parce qu'on sait que c'est le gouvernement fédéral qui négocie, mais, nous, on voulait s'assurer que les intérêts du Québec soient bien protégés dans cette négociation-là. Et c'est pour ça qu'on a mis beaucoup d'énergie à s'assurer que nos droits et nos intérêts soient bien protégés.

Et je suis encore prêt à m'engager pour faire face à toute attaque à venir, parce que je pense que la gestion de l'offre a bien servi les producteurs agricoles et je suis convaincu qu'elle peut encore bien les servir en autant qu'on continue à l'adapter. À cet effet, je suis heureux de la récente décision des producteurs laitiers d'aller de l'avant avec la mise en place d'un programme optionnel d'exportation.

Et je ne voudrais pas oublier non plus, cette année, la bataille que nous avons menée pour la protection de la fabrication à base de lait cru. Même si c'était infime dans l'ensemble de la production – on parle autour de 0,9 % – il nous apparaissait important de protéger ce type de production pour permettre à nos producteurs d'avoir des débouchés pour leur lait.

Quant à la margarine, la réglementation afférente à la coloration de la margarine, les engagements pris lors de la réunion fédérale-provinciale par le gouvernement libéral de l'agriculture en juillet 1994 à Winnipeg, il a été convenu de terminer l'analyse économique visant à déterminer quels seront les effets d'harmoniser les règlements sur la coloration de la margarine, de consulter l'industrie, de finir de préparer un plan de travail en vue d'harmoniser les règlements sur la coloration de la margarine avant le 1er septembre 1997.

À ce jour, nous avons réalisé les étapes suivantes: étude d'impact économique portant sur la coloration de la margarine, étude d'impact de la commercialisation éventuelle des oléobeurres au Québec et en Ontario, consultation par le biais du Conseil de gestion de l'industrie laitière du Québec, qu'on appelle le Comité de concertation de l'industrie laitière – parce qu'il y a eu plusieurs rencontres où, à l'ordre du jour, on avait inscrit la question de la margarine, des oléobeurres et des succédanés.

La réglementation concernant la margarine, les oléobeurres et les produits d'imitation a été abordée à plusieurs reprises. Dans cette période, ce sujet fut remis à plus tard compte tenu de l'importance des dossiers à traiter, soit le GATT, soit les ententes P-9, P-6, les ententes qu'on a signées cette année.

Concernant le plan de travail, il devait être réalisé par les trois provinces qui n'avaient pas harmonisé leur réglementation en date de la rencontre des ministres. Et on sait que, depuis ce temps-là, l'Ontario a abrogé son règlement; l'Île-du-Prince-Édouard l'a fait. Et ce qu'on s'apprête à réaliser... et, lors de la rencontre que nous avons eue avec les producteurs, et ce que j'avais mentionné précédemment, soit lors de la rencontre de la Fédération des producteurs de lait: actualiser les études d'impact économique, compléter la consultation auprès des représentants de l'industrie. Donc, à ce niveau-là, nous allons faire ce que nous avons à faire. Nous avons demandé aussi d'autres avis externes pour vraiment vérifier la portée de cet accord, tel que mentionné cet après-midi par le premier ministre.

Un autre dossier qui m'apparaît important, c'est qu'on a réalisé la Loi sur les appellations réservées. Ça faisait plusieurs années que le milieu agricole souhaitait une législation sur les appellations réservées, loi qu'on a adoptée il y a quelques mois donc, c'est-à-dire à l'automne dernier. Ceci n'était pas une mince tâche dans une période où on cherche surtout à diminuer la réglementation. Cette loi ouvre de nouveaux horizons pour la promotion des produits régionaux, de spécialité et biologiques. Et je pense que ça va permettre, entre autres, de développer l'agrotourisme, consolidant ainsi l'économie de nos régions ainsi que l'occupation de notre territoire.

Parce que je pense qu'il y a deux lignes importantes à retenir lorsqu'on parle du développement de l'agriculture pour les prochaines années. Il y a tout le contexte de la mondialisation des affaires, auquel on devra s'adapter, autant par l'exportation que de développer de nouveaux produits ciblés, etc., développer nos approches dans de nouveaux pays. On est quand même dans 144 pays actuellement, où on exporte. Donc, il va falloir vraiment faire les efforts nécessaires pour développer ces marchés-là. Cependant, on ne doit pas tout entraîner nos interventions uniquement dans cette ligne-là. Il faut aussi avoir les interventions qui nous permettent de protéger nos régions, qui permettent d'occuper notre territoire, de faire en sorte que notre ruralité soit bien occupée.

(17 h 10)

Et cette loi-là répond, à mon point de vue, à cette deuxième ligne que le ministère entend développer dans les prochaines années. Alors, les appellations réservées présentent un potentiel énorme sur le plan commercial. Avec cette loi, l'industrie agroalimentaire québécoise dispose d'un outil additionnel pour caractériser ses produits, les mettre en valeur et mieux les vendre ici et partout dans le monde.

Une autre réalisation qui mérite d'être soulignée est la mise en place prochaine d'un programme d'appui à la concertation qui est doté d'un budget pouvant atteindre 15 000 000 $ au cours des trois prochaines années, dont 2 000 000 $ cette année même. Ce programme permettra un appui au fonctionnement des tables de concertation, la conclusion d'ententes de partenariat avec le milieu ainsi que l'accès à une aide financière pour la réalisation de projets structurants. Je veux vous rappeler que c'est une table qui existe. Il y a 25 filières qui existent au Québec et qui regroupent un ensemble de productions. Dans chacune de ces filières-là, on retrouve la production, la transformation, la distribution, recherche et développement, formation. Chacune de ces filières-là se donne un plan stratégique pour maximiser l'apport économique de chacune de leurs productions. Et ça, c'est une base extraordinaire qui va permettre, si vous voulez, une meilleure concertation entre tous les intervenants du milieu, mais par filière.

Alors, ce programme constitue un appui sans équivoque à l'approche filière et à la concertation régionale, parce que, dans chacune des régions, maintenant nous avons des tables de développement de l'agroalimentaire, sur lesquelles je compte énormément pour stimuler le développement de l'agroalimentaire dans l'avenir. Il est bon de se rappeler que l'industrie agroalimentaire emploie plus d'une personne sur 9 au Québec. Lors du rendez-vous des filières agroalimentaires d'octobre dernier, les leaders de cette industrie ont confirmé leur intérêt face à cette formule de concertation et leur volonté d'y investir davantage.

Ce programme aura aussi la particularité d'être géré en concertation avec les intervenants de l'industrie. Il s'agit d'un pas de plus dans la responsabilisation des intervenants face à leur développement. Comme j'ai eu l'occasion de le mentionner souvent, je pense que le rôle de l'État père de famille, celui qui gérait tout, est terminé. L'État doit avoir un rôle beaucoup plus d'accompagnateur en fonction des besoins, des priorités, des préoccupations des gens. C'est dans ce cadre-là que le ministère, chez nous, travaille, donc de vraiment donner ce qu'il faut aux gens pour se responsabiliser et les accompagner dans cette démarche-là. Par cette mesure, chacune des tables sectorielles et régionales pourra se doter d'un plan stratégique de développement, réaliser des projets concrets sur la base de ce plan et se donner des objectifs de développement sur les marchés interne et externe.

Je veux aussi vous signaler, enfin, rapidement une série d'autres interventions qui démontrent de façon évidente l'implication du présent gouvernement dans le développement des entreprises agricoles. Il faut se rappeler qu'on a procédé au lancement d'une stratégie de développement du boeuf en concertation avec la filière bovine. On est importateurs actuellement. Il faut que cette filière-là ou cette production-là se structure et puisse se développer au maximum.

On travaille sur d'autres dossiers pour leur permettre d'atteindre ces objectifs-là: le renouvellement de l'entente relative au programme Amélioration de la santé animale au Québec; la création d'un fonds de développement des marchés en émergence; la mise en place d'un programme d'encadrement de qualité et d'un projet-pilote d'encadrement marketing destiné aux petites entreprises de transformation. Parce qu'on sait que, dans les grandes chaînes, de plus en plus on s'en vient avec des normes de qualité, mais on veut que nos petites entreprises puissent le faire, et elles n'ont pas toujours le moyen de se doter de certaines normes. On pense, entre autres, à la norme HACCP, qui est une norme propre aux systèmes d'alimentation. Là-dessus, on a mis un programme pour permettre à nos PME de s'adapter à ces nouvelles règles.

On a adopté une politique scientifique et technologique pour le secteur bioalimentaire québécois; mise en place d'un crédit spécial pour les producteurs de pommes aux prises avec des difficultés consécutives au gel des pommiers au cours de l'hiver 1994 – ils ont attendu longtemps, on l'a réglé, le dossier – mise en application d'un programme spécial d'assistance financière à l'intention des exploitations agricoles qui ont subi des dommages lors des pluies diluviennes de juillet; et, aussi, nous avons réussi à nous entendre pour avoir un programme spécial pour les entreprises à temps partiel, qui sont de plus en plus importantes dans le développement agricole au Québec; on parle d'une nouvelle protection en assurance-récolte dans le foin.

Je pourrais vous citer encore d'autres exemples, mais ce sont des projets qu'on a réalisés depuis que je suis là, depuis 16 mois, qui font en sorte qu'on s'est donné vraiment des outils pour renforcer notre structure socioéconomique, notre structure agricole au Québec.

Alors, comme vous pouvez le constater, M. le Président, le présent gouvernement est très loin d'avoir abandonné le monde agricole. Au contraire, en moins de deux ans, nous allons assurer aux entreprises agricoles le droit de produire qu'elles ont réclamé en vain pendant les 10 ans de pouvoir du Parti libéral, parce que c'est un projet de loi qu'on attendait. On dit 10 ans, et même un peu plus. Nous avons également mis en place diverses mesures qui vont permettre au monde agricole de faire face aux nouveaux défis auxquels il est confronté.

En terminant, j'aimerais rappeler à tous mes collègues que c'est en relevant le défi de l'environnement et en accroissant le soutien des consommateurs aux produits agricoles d'ici que nous serons le mieux en mesure, tous et toutes ensemble, de maintenir les emplois existants et d'en créer de nouveaux et d'accroître notre richesse collective. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant. Mme la députée de Terrebonne et leader adjointe du gouvernement, je vous cède la parole. Il vous reste huit minutes d'intervention pour votre groupe parlementaire.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci beaucoup. Alors, M. le Président, je trouve un peu curieuse la motion que nous avons devant nous aujourd'hui et je vais vous dire pourquoi. Le début de cette motion nous dit: «Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste d'investir plus de temps et d'énergie à tenter de sauver le Bloc québécois», et là suit une kyrielle de mesures. Mais c'est pour le moins curieux, parce que, si je regarde nos travaux en cette Chambre depuis deux semaines, ce que je remarque, c'est que ce sont justement les libéraux qui, jour après jour, ramènent le dossier constitutionnel et le dossier des élections fédérales. Rappelez-vous nos périodes de questions. J'aimerais bien faire le calcul sur les périodes de questions que nous avons eues au cours des dernières semaines et je peux vous assurer que, du côté de l'opposition, on a passé un temps extrêmement important à poser des questions sur la campagne électorale fédérale, sur le dossier constitutionnel, sur les souverainistes. On a passé notre temps à nous questionner là-dessus plutôt que de nous questionner sur tous les sujets qu'on nous reproche de ne pas travailler. C'est ça qu'on a fait.

Regardez la motion du mercredi, cette semaine, une belle motion du mercredi, de l'opposition, le temps pour l'opposition de questionner le gouvernement sur les choses de l'État. Qu'est-ce qu'on a présenté comme motion cette semaine? Hier, une motion pour que le gouvernement reconnaisse le résultat du référendum de 1995. Hein, c'est ça qu'on a fait, M. le Président! Pendant deux heures, l'opposition, au lieu d'utiliser son temps pour faire une motion sur les dossiers qui touchent les gens, sur ce qu'elle nous dit que les gens leur parlent, non, elle a décidé de faire une motion sur les résultats du référendum en 1995. Bien, c'est évident qu'à ce moment-là ils nous ont obligés, tout le monde ici, en cette Chambre, à parler sur le référendum, sur la souveraineté, sur la Constitution, sur l'élection fédérale. Mais, cette motion-là, elle venait de l'opposition.

Et, aujourd'hui même, ils font une motion de censure. Ils auraient très bien pu faire une motion de censure qui aurait commencé par dire: «Nous demandons au gouvernement de s'occuper des vrais problèmes des Québécoises et des Québécois», puis défiler toute une série de sujets. Ils trouvent encore le tour de nous reparler de l'élection fédérale et ils terminent leur motion en nous reparlant des résultats du référendum d'octobre 1995. M. le Président, je pense que c'est un petit peu un miroir, hein? Ce qu'ils nous reprochent, là, finalement, c'est leur obsession à eux. Ils ne nous parlent, depuis quelques semaines, que du sujet de la Constitution, du référendum puis de l'élection fédérale. Alors, je trouve ça un peu spécial d'avoir à parler de ça encore aujourd'hui.

(17 h 20)

En même temps, ils démontrent que le gouvernement, justement, n'est pas inactif, parce que, en même temps, dans la motion, de quoi on nous parle? On nous parle de la réforme de l'éducation, on nous parle de la réforme de la santé, on nous parle de l'assurance-médicaments, on nous parle du droit de produire, on nous parle de la politique familiale, on nous parle du système judiciaire, on nous parle de modifications au palier municipal, on nous dit qu'on a haussé des taxes puis des tarifs puis on nous parle qu'on a pelleté le déficit. Bien, M. le Président, pour du monde qui est en train de s'investir puis de passer beaucoup de temps dans l'élection fédérale, bien, je trouve qu'on a fait pas mal de choses. En même temps qu'ils nous disent qu'on ne s'occupe pas des affaires de l'État, dans tous les sujets qu'ils présentent et leurs arguments, ils se trouvent à nous dire que, malgré tout, on a eu le temps de faire une réforme de l'éducation, une réforme de la santé, l'assurance-médicaments, on a réussi à faire une loi sur le droit de produire, une nouvelle politique familiale, on a modifié le système judiciaire, on a fait des modifications, une réforme au niveau municipal. Puis on a fait tout ça, là. Bien, je trouve très très étrange de les entendre. En fait, ils prouvent qu'effectivement le gouvernement du Québec a agi dans tous les domaines.

Je ne reprendrai pas le domaine du monde agricole puisque le ministre de l'Agriculture vient de le faire lui-même dans le détail en présentant les différentes politiques de son ministère. Je ne reviendrai pas, bien sûr, non plus sur tout l'aspect financier, parce que, ça, on n'a pas dit que le gouvernement du Québec avait réussi ce qu'eux n'avaient jamais réussi, c'est-à-dire à équilibrer ses finances, à respecter son budget, à présenter un déficit puis arriver à ce déficit-là et non pas 1 000 000 000 $ de plus à chaque année que ce qu'on prévoyait, comme dans le temps du gouvernement libéral.

Je pense que le président du Conseil du trésor nous a très bien défini, au niveau de la politique budgétaire du gouvernement, que nous avons une politique, que nous la respectons et que nous l'appliquons. Eh bien, pour faire ça, il faut effectivement s'occuper des affaires de l'État, et pour arriver à changer la situation au niveau de l'emploi, je pense qu'il faut effectivement apporter des modifications dans l'ensemble de notre système.

Quand on nous dit, dans la motion, qu'on a contribué à augmenter les listes d'attente en chirurgie, bien, je regrette, parce que le ministre de la Santé, aux crédits, tout dernièrement et lors d'une motion le 7 mai, a clairement présenté les résultats au niveau des listes d'attente. Il y a une diminution des listes d'attente; il n'y a pas une augmentation. Et je vais inviter le député de Westmount–Saint-Louis à relire les galées de la motion du 7 mai. D'ailleurs, je l'ai utilisée pour une émission à la télé communautaire, parce que je trouvais que c'était extrêmement bien fait. En une heure, le ministre de la Santé a fait un portrait de la situation qui existait avant, le portrait actuel et la situation qui s'en vient, pour l'année qui vient. Donc, non, les listes n'ont pas augmenté, elles ont diminué.

On nous parle de l'implantation des commissions scolaires linguistiques. M. le Président, durant neuf ans, le gouvernement libéral pouvait implanter les commissions scolaires linguistiques. Ils sont d'accord avec les commissions scolaires linguistiques; le député de Marquette nous a constamment demandé d'intervenir pour des commissions scolaires linguistiques. Donc, le Parti libéral, au moment où il était au pouvoir, aurait très bien pu faire cette implantation-là. Ils n'ont jamais réussi à le faire et nous reprochent aujourd'hui de commencer à le faire.

Au niveau des taxes municipales, M. le Président, vous conviendrez que la commande a été très claire, et ce n'était pas de transférer sur les contribuables. La commande est toujours claire au niveau des municipalités, c'est de s'assurer que les réductions vont être faites sans augmenter les taxes. Et c'est la même chose du côté des commissions scolaires.

Enfin, M. le Président, je pense que, du côté de l'assurance-médicaments, on aurait aussi pu dire que, même s'il y a eu des coûts pour les personnes âgées et pour les personnes qui sont sur l'aide sociale, il y a quand même 1 400 000 personnes de plus au Québec qui maintenant sont couvertes par l'assurance-médicaments, et qu'elles ne l'étaient pas avant.

Alors, M. le Président, vous m'indiquez que mon temps s'achève. Je pense que nous aurions pu reprendre paragraphe par paragraphe. Je trouve cette motion pour le moins curieuse. Je pense qu'à nouveau le parti d'opposition avait le goût de reparler de Constitution ou de repasser son petit message, d'essayer de nous faire croire que nous ne gouvernions pas et que nous étions à travailler à l'élection fédérale. Il a tout simplement démontré qu'au contraire nous avons agi et fait des réformes sur tous les plans. Ils peuvent ne pas être d'accord avec nos réformes, mais ils devraient nous dire au moins qu'on a agi. Ils auraient peut-être même dû nous dire, dans leur aspect: Allez donc travailler à l'élection fédérale et cessez donc de faire des réformes, c'est dérangeant pour nous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Terrebonne. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount– Saint-Louis pour son 20 minutes de réplique. M. le député.


M. Jacques Chagnon (réplique)

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Les trois intervenants précédents n'auront pas la chance, je dirais, de nous avoir fait changer d'avis. J'écoutais... et je réponds un peu en même temps au président du Conseil du trésor, au ministre de l'Agriculture, à la députée de Terrebonne, qui nous dit: Ah! on fait des choses puis on s'occupe de l'élection fédérale. Oui, oui, vous vous occupez de l'élection fédérale. La preuve, c'est que, pas plus tard que dans votre caucus d'hier ou d'avant-hier, vous en avez parlé une grande partie de votre caucus. C'est même dans les journaux ce matin, ce qui va bien parce que ça donne une bonne idée de ce qui se passe dans vos caucus! C'est ça, votre préoccupation, l'élection fédérale, l'élection du Bloc.

D'ailleurs, on dit ceci: Le premier ministre, Lucien Bouchard, a clairement donné le feu vert à ses troupes pour qu'elles se lancent encore plus à fond dans la campagne, rapportent-ils. Comme si lui, ayant déjà investi son temps dans la campagne, lui qui n'a pas le temps de rencontrer les investisseurs allemands qui pourraient créer de l'emploi au Québec, profitait encore une fois de l'élection fédérale pour faire en sorte que les députés péquistes soient encore plus impliqués dans l'élection fédérale avec le Bloc, le Bloc qui, mon Dieu, c'est clair, c'est évident...

Pour l'instant, je voyais le président du Conseil du trésor faire campagne, par le biais de l'Assemblée nationale, contre le chef conservateur, contre le chef libéral. Il ne nous a pas dit un mot du chef du Bloc, par exemple, soit dit en passant. Il a peut-être des petits problèmes avec ça ou encore il a lu, comme d'autres, ce que certains commentateurs ont dit, que dans le Bloc on avait la plus belle collection de deux de pique. Mais, ça, je ne les connais pas. Sauf une chose: c'est qu'on n'en a pas entendu parler bien, bien gros au cours des dernières années, au moment où ils étaient députés fédéraux depuis trois ans, même comme opposition officielle. Mais le Bloc québécois, dont l'avenir, de toute façon, est fixé par son éternel impuissance politique...

M. le Président, c'est à cette impuissance politique que le gouvernement du Parti québécois donne son aval. C'est à cette impuissance politique que le Parti québécois, le gouvernement, les députés du Parti québécois, le premier ministre passent plus de temps à s'occuper qu'à s'occuper des vraies affaires des Québécois. Le président du Conseil du trésor nous a dit, eh bien, que c'est la faute du fédéral, parce que, dans les paiements de transfert, le gouvernement fédéral a coupé aux provinces. C'est vrai, mais il a coupé les provinces et les provinces ont eu un traitement égal. Québec n'a pas été plus coupé que l'Ontario ou que les autres provinces, Québec n'a pas été coupé différemment. Le gouvernement fédéral a traité toutes les provinces de la même façon. Et, si le gouvernement du Québec est dans une situation un peu moins bonne, c'est parce que lui-même, comme le dit, entre autres, le Vérificateur général, M. Breton, joue dans ses propres mesures comptables. Je vous rappelle ce que le Vérificateur général du Québec a dit du gouvernement actuel. Il a dit que les pratiques comptables utilisées par ce gouvernement ont pour conséquence que le passif relatif aux régimes de retraite et à la dette nette au 31 mars 1996 est sous-évalué de 10 900 000 000 $.

Mme la députée de Terrebonne disait: Nous, on ne se trompe pas de 1 000 000 000 $. La remarque du Vérificateur général sur la sous-évaluation de 1 200 000 000 $, sous-évaluation du déficit de 1 200 000 000 $... Le président du Conseil du trésor nous avait dit que c'était 3 200 000 000 $, son déficit. Le Vérificateur général dit: C'est 4 400 000 000 $ au 31 mars dernier. 4 400 000 000 $! Personne n'a contredit le Vérificateur général. Alors, qu'est-ce qu'on en fait de se gloser du fait que Standard & Poor's – une firme de cotation, M. le Président – a gardé le Québec A plus? C'est bien le moins, qu'ils aient gardé le Québec A plus! Le Québec est sous surveillance de Standard & Poor's, comme l'a dit lui-même le président du Conseil du trésor. Non seulement on est sous surveillance, mais on nous regarde de façon un peu particulière. On est déjà décotés. Standard & Poor's a déjà décoté le Québec, et le gouvernement trouve ça fin d'avoir été décoté puis d'être sous surveillance.

(17 h 30)

M. le Président, on n'a pas répondu aux vrais problèmes que j'ai soulevés. Lorsque je dis que ce gouvernement passe plus de temps à s'occuper des intérêts de l'élection fédérale et du Bloc québécois qu'à s'occuper des vrais problèmes des Québécois, on ne nous a pas dit ce qu'on avait fait pour éviter le pelletage du déficit, le nôtre, là, pas celui du fédéral vers les provinces, dont on a parlé, dont le président du Conseil du trésor a parlé, mais le pelletage du déficit vers les commissions scolaires, les universités, les hôpitaux, les municipalités. Ça, pas un mot. Ça, on cache ça comme tout, évidemment. Pas besoin d'en parler trop longtemps. Mais le président du Conseil du trésor a essayé de s'étirer les bretelles pour se dire: Nous, on est un bon gouvernement. On a bien administré. Sauf que, dans son livre des crédits qui a été publié il y a à peu près une semaine, on remarque qu'il augmente ses dépenses. Il augmente ses dépenses de 195 000 000 $ pour différents portefeuilles. 350 000 000 $ sont à venir en augmentation de dépenses par ce gouvernement-là pour l'aide familiale, plus une augmentation du coût du service de la dette qui n'était pas prévue et dans laquelle on va retrouver un autre budget supplémentaire.

M. le Président, ce n'est pas moi qui l'écris, c'est lui. Il dit ceci: «En tenant compte de cette majoration, la baisse des dépenses des programmes par rapport à 1996-1997 est de 0,6 %.» C'est ça, la vraie réalité. C'est ça, l'autre façon de gouverner. On pourrait commencer par dire la vérité. 0,6 % de coupure dans ces programmes, avec une augmentation – vous pouvez parler, le président du Conseil du trésor – 24 % d'augmentation de dépenses prévu par son gouvernement. À quel ministère? La Santé? Non, vous vous êtes trompés. L'Éducation? Vous vous êtes encore trompés. L'Environnement? Vous vous êtes encore trompés. L'Agriculture? Vous perdez tout. Non. 24 % d'augmentation pour le ministère du Revenu! Une autre augmentation pour l'aide aux plus démunis? Non. 67 % d'augmentation pour un budget du Conseil du trésor!

M. le Président, dans la santé, on a diminué de 3,4 %; dans l'éducation, on a diminué de 5,6 %; dans l'agriculture, on a diminué de 16 %. Ça, le ministre ne s'en est pas vanté tout à l'heure. Par contre, la diminution totale de l'ensemble des programmes de l'an dernier par rapport à cette année, c'est moins de 1 %, c'est plus près de 0,5 %, mais ceux qui ont écopé, c'est la santé, l'éducation puis l'agriculture. Ils ne s'en sont pas vantés. Ils ne s'en sont pas vantés du tout.

Le ministre prétend que j'ai parlé des étudiants, puis lui se glose du fait qu'il a gelé les droits de scolarité. M. le Président, où est-ce qu'il était, le ministre, l'automne dernier? Pendant deux mois, les étudiants ont été dans la rue. Sept semaines de cours perdues au cégep du Vieux-Montréal avant que son gouvernement comprenne que, comme disait la ministre de l'Éducation, l'éthique politique faisait en sorte que l'on devait respecter nos promesses politiques. Bien, nos promesses politiques... Peut-être que ce gouvernement-là devrait respecter ses autres promesses politiques, l'autre façon de gouverner dont on nous avait tant fait état, dans tout. On réglait tous les problèmes avant l'élection. On augmentait le nombre de lits d'hôpitaux. On disait aux gens – c'est dans le programme électoral du parti: Il manque d'infirmières. Le ministre de la Santé nous dit qu'il y en a 10 000 de trop. Bien, il y a quelqu'un quelque part qui se trompe. Mais je sais, on sait puis de plus en plus de Québécois savent comment ils ont été trompés pendant la dernière campagne électorale.

M. le Président, le problème de fond de ce gouvernement-là, c'est qu'ils ne se sont pas fait élire pour administrer le Québec, ils ne se sont pas fait élire pour améliorer le sort de nos services dans le domaine de la santé, dans le domaine de l'éducation, ils ne se sont pas fait élire pour améliorer la qualité de vie des gens les plus démunis, ils ne se sont pas fait élire pour améliorer le sort des cultivateurs, ils ne se sont pas fait élire pour faire en sorte que les gens aient de meilleurs loisirs ou encore un meilleur environnement; ils se sont fait élire rien que pour une raison: ils veulent séparer le Québec du Canada. Ils passent leur temps, de ce temps-ci, à travailler avec le Bloc pour séparer le Québec du Canada. Ils sont ici, puis le ciment qui unit l'équipe ministérielle, le seul ciment qui les unit, c'est du genre de ce qu'on retrouve dans des sectes, une vraie religion: On veut sortir le Québec du Canada. On veut sortir le Québec du Canada. L'Ordre du temple de la séparation, le nouvel OTS.

M. le Président, on pourra toujours dire ce qu'on en voudra, mais la motion de censure qui a été déposée par l'opposition officielle répond davantage aux vraies préoccupations des Québécoises et des Québécois, elle répond davantage aux problèmes et aux craintes qu'ils nous confient. On ferme des hôpitaux pas plus tard qu'encore aujourd'hui. On prétend qu'il y a 400 lits de trop dans la région de Québec. «C'est-u» vrai, ça, les députés de Québec, 400 lits de trop dans votre région? 1 000 lits de trop dans la région de Montréal? On a fermé sept hôpitaux dans Montréal. On va en fermer peut-être dans Québec, au Lac-Saint-Jean, dans la région du député de Dubuc.

Bien, l'important, c'est de s'occuper de la campagne électorale du Bloc. C'est sûr que, ça, c'est vraiment important, la campagne électorale du Bloc, ça va tellement bien!

Une voix: ...

M. Chagnon: Mettez-vous un chapeau sur la tête puis faites campagne avec le chef! M. le Président, que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste d'investir plus de temps et d'énergie à tenter de sauver le Bloc québécois plutôt que de tenter de régler les vrais problèmes des Québécoises et des Québécois, notamment en abandonnant les quelque 800 000 assistés sociaux puis les 400 000 chômeurs comme, entre autres, l'a fait le premier ministre – je le répète – en refusant de rencontrer les industriels allemands qui auraient été susceptibles de vouloir et de pouvoir, eux, investir de l'argent privé au Québec.

M. le Président, je rappelle que l'opposition officielle accuse ce gouvernement d'avoir pelleté son déficit vers les commissions scolaires, les universités, les hôpitaux, enfin, que tous les citoyens du Québec soient obligés d'écoper de hausses de taxes et de tarifs de toutes sortes.

Nous accusons et j'accuse ce gouvernement d'avoir affaibli le réseau de santé par des fermetures d'hôpitaux, des diminutions de lits et des coupures de personnel, ce qui contribue à augmenter les listes d'attente en chirurgie – quoiqu'en dise la députée de Terrebonne.

J'accuse ce gouvernement d'avoir déstabilisé le réseau de l'éducation par son cafouillage total tant dans l'implantation de commissions scolaires linguistiques que dans l'implantation de la maternelle obligatoire à plein temps, tout en obligeant les commissions scolaires à augmenter les taxes scolaires de plus de 100 000 000 $ par année et, de plus en plus, en enlevant le libre choix aux parents et aux garderies – presque l'affaire Dreyfus, M. le député de Labelle.

J'accuse, M. le Président, ce gouvernement d'avoir déstabilisé le réseau municipal en annonçant, de façon totalement chaotique, des diminutions du nombre de municipalités régionales de comté, sans consultation, en annonçant un transfert de responsabilités de 500 000 000 $ aux municipalités sans les avoir consultées, sans leur donner les outils et les moyens nécessaires, ce qui les forcera à augmenter les taxes municipales de 0,17 $ à 0,18 $ du 100 $ en moyenne, soit 150 $ à 200 $ par maison au Québec.

J'accuse ce gouvernement d'avoir abandonné le monde agricole, notamment les producteurs de porcs et les producteurs de lait, par de fausses promesses, ce qui crée une insécurité énorme chez les producteurs.

J'accuse ce gouvernement d'avoir amputé le budget des personnes âgées de plus de 253 000 000 $ et des plus démunis de cette société de près de 38 000 000 $ en les forçant à payer davantage pour leurs médicaments.

J'accuse ce gouvernement d'avoir discrédité le système de police et le système de justice, entre autres en laissant un de ses ministres brûler les preuves de la culture illégale de marijuana en 1995 à Oka, en déstabilisant la Sûreté du Québec, la décapitant deux fois, ce qui a fait passer à trois le nombre de chefs en trois ans dans cette société et pour avoir déstabilisé le système judiciaire, comme l'ont dénoncé le bâtonnier et un des avocats les plus respectés au Québec, Me Guy Pepin, ce dernier claquant la porte du Conseil de la magistrature du Québec pour dénoncer en toute liberté l'attitude du ministre de la Justice.

Et, finalement, M. le Président, j'accuse ce gouvernement d'avoir contribué à diviser l'ensemble de la société québécoise, entre autres par son entêtement à ne pas reconnaître les résultats du référendum qu'il a lui-même tenu le 30 octobre 1995.

M. le Président, ce gouvernement mérite uniquement une chose: non seulement sa décote sur les plans financiers, mais il est aussi en train d'instruire sa cause dans la décote auprès de l'opinion publique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin au débat sur la motion de censure. Je vais mettre aux voix la motion de censure. Vous demandez le vote nominal; alors, le vote nominal sera accepté. Mme la leader adjointe.

Mme Caron: Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes du mardi 27 mai 1997.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote est reporté aux affaires courantes de mardi, le 27 mai prochain, à 10 heures, pendant la période des affaires courantes. Mme la leader du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 27 mai 1997, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous ajournons nos travaux à mardi prochain, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 40)


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