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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, May 20, 1997 - Vol. 35 N° 103

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

L'Assemblée va entreprendre ses travaux aux affaires du jour. Et j'inviterais le leader du gouvernement à nous indiquer l'affaire au menu.

M. Bélanger: En vous souhaitant une bonne journée, M. le Président! Je voudrais vous demander de prendre en considération l'article 18 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 125


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 18, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique.

Je vais céder la parole à M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Merci, M. le Président. M. le Président, aujourd'hui, nous entreprenons l'étude d'un projet de loi, le projet de loi n° 125 qui a été souhaité, voulu et qui est attendu, je pense bien, par la majorité de nos concitoyens et concitoyennes. C'est un projet qui constitue l'aboutissement d'une démarche initiée, depuis quelques mois déjà par notre gouvernement, dans le but de contrer les activités des bandes de motards criminels sur le territoire québécois.

Ce projet de loi, M. le Président, me tient bien sûr particulièrement à coeur pour deux motifs. D'abord parce que, comme ministre de la Sécurité publique, bien sûr, je suis responsable auprès de mes concitoyens et concitoyennes du maintien de la sécurité publique, de la prévention de la criminalité, ainsi que de l'amélioration des méthodes de lutte au crime, en général; et ensuite, également, M. le Président – et, là-dessus, je suis convaincu de parler au nom de l'ensemble des membres de cette Assemblée – parce que, comme citoyen du Québec, je souhaite que nous puissions tous continuer à vivre dans une société libre et démocratique qui refuse, et refusera toujours, d'être prise en otage par l'intimidation et la violence.

M. le Président, je tiens à souligner que le projet de loi n° 125 est le fruit, également, d'une étroite collaboration entre plusieurs partenaires. D'abord bien sûr, mes collègues: le ministre des Affaires municipales, M. Trudel, de même que le ministre de la Justice; mais aussi les maires des grandes régions de Québec et de la Communauté urbaine de Montréal, ainsi que les organisations policières québécoises. Notre objectif, bien, il est clair. C'est d'intensifier la lutte aux organisations criminelles en développant des outils supplémentaires – tant pour les corps policiers, que les organisations municipales, que pour le gouvernement lui-même – pour lutter plus efficacement contre cette forme de criminalité.

M. le Président, peut-être qu'avant d'aborder la substance comme telle du projet de loi j'aimerais rappeler le contexte – on le connaît un peu – qui nous amène à préconiser ces mesures et qui les rend nécessaires. D'abord, il faut constater que, malheureusement, au Québec, depuis quelques années, le territoire du Québec, particulièrement certaines régions métropolitaines, de Montréal et de Québec, sont devenues le théâtre d'une guerre ouverte entre bandes de motards criminels. Cette guerre est allée jusqu'à menacer, a menacé, a même entraîné des décès, donc menacé aujourd'hui l'honnête citoyen, puisqu'elle se manifeste, cette guerre, jusque dans les rues et dans les établissements publics de nos villes. Le phénomène du crime organisé, avec toutes ses formes de ramifications, on le sait, n'est pas chez nous un phénomène nouveau. Tout le monde se rappelle, bien sûr, de la Commission d'enquête sur le crime organisé, la CECO comme on l'appelait, qui s'est tenue dans les années soixante-dix. La lutte contre toute forme de banditisme est et doit être, donc, une préoccupation constante des pouvoirs publics; c'est une lutte qui n'est jamais terminée, c'est une lutte qui doit être une lutte de tous les instants.

Un peu comme les marchés économiques, d'une certaine façon, la lutte qui est associée aux activités criminelles a évolué au fil des ans et, bien sûr, a suivi un peu l'évolution du marché lui-même de la criminalité puisque, on le constate, de nouveaux joueurs ont pris place sur l'échiquier, et les bandes de motards criminels sont, bien sûr, de ce nombre. Leur lutte acerbe pour le contrôle de territoires, dont sont encore une fois trop souvent témoins et parfois victimes nos concitoyennes, nos concitoyens du Québec, menace, c'est évident, la sécurité publique et la menace à un niveau sans précédent. Nous sommes confrontés à cette réalité nouvelle surtout, je dirais, depuis l'année 1994. La police, en effet, relie plus de 230 événements violents – c'est beaucoup – à l'actuelle guerre des gangs, dont une cinquantaine de meurtres, une soixantaine de tentatives de meurtres, tout près de 75 bombes, plus de 55 incendies criminels. Alors, ces chiffres, M. le Président, je pense, indiquent très clairement l'ampleur du phénomène, et, au fil des mois, nous avons tous constaté l'augmentation sensible de la puissance des engins explosifs qui sont utilisés par ces groupes criminalisés.

Alors, c'est pour ces raisons que, depuis quelques mois, nous avons décidé d'agir dans ce dossier. Nous l'avons fait, bien sûr, avec les moyens dont nous disposions et nous l'avons fait également avec la volonté de se doter et de doter les forces policières de moyens supplémentaires. Ces moyens, c'est, bien sûr, d'abord et avant tout, l'action des forces policières. On sait bien que ce sont les forces policières qui peuvent, par un travail systématique, sur le terrain, identifier les coupables, monter la preuve et faire condamner les gens. Deux grandes opérations ont été mises sur pied: l'opération Carcajou et, dans la région de Québec, l'opération GRICO – j'y reviendrai. Mais cette action policière, M. le Président, n'est pas possible, bien sûr, sans, d'abord, s'appuyer sur des lois, sans, également, disposer de moyens législatifs importants, d'où la nécessité, bien sûr, de revoir ces outils législatifs qui sont les nôtres.

(10 h 10)

Or, évoquer nos moyens législatifs nous renvoie nécessairement aux limites du système fédéral dans lequel nous évoluons, puisque, on le sait, en vertu des partages de responsabilités, de compétences et de pouvoirs entre le fédéral et les provinces, on sait que, dans le système actuel, le principal instrument législatif de lutte à la criminalité, qui est le Code criminel, relève de la compétence du Parlement fédéral. C'est pourquoi nous avons tant insisté auprès d'Ottawa afin que soient adoptées des dispositions particulières visant à réprimer l'existence et les activités des bandes de motards criminels, notamment, par de meilleurs outils pour les services policiers et autres intervenants du système judiciaire, afin de faciliter les enquêtes, de même que les poursuites.

On sait que le ministre Rock et son homologue, le Solliciteur général du Canada, ont fait adopter, récemment, un projet de loi, à Ottawa, à la Chambre des communes, il y a quelques semaines, grâce, je pense, aux multiples interventions de l'ensemble des intervenants du Québec, de l'ensemble des intervenants municipaux, de même, également, que de l'action à Ottawa du parti officiel de l'opposition – du Bloc québécois – qui, tous, ont interpellé le gouvernement fédéral sur la nécessité et l'urgence d'agir dans ce dossier. Et, M. le Président, j'ai eu l'occasion de le dire, de constater que le gouvernement fédéral a posé un certain nombre de gestes qui, sans répondre totalement aux demandes du Québec, quand même, vont nous permettre d'avancer et vont permettre surtout aux forces policières de pouvoir faire un travail plus efficace.

De la même façon, nous avions clairement indiqué que le gouvernement du Québec, sur le plan législatif, ferait également sa part et notre gouvernement dispose également de moyens qui lui permettent d'intervenir à sa mesure dans la lutte contre les organisations de motards criminalisées. Encore une fois, M. le Président, si on excepte comme telle l'action des forces policières pour lesquelles des ressources importantes sont mises en oeuvre, dans le domaine législatif, une fois que le Code criminel est amendé, d'autres modifications viendront. M. Rock lui-même a indiqué clairement qu'il faudrait faire le point dans six mois. Mais le Québec dispose aussi d'instruments et c'est le sens des modifications législatives que nous proposons aujourd'hui, qui touchent plusieurs des lois du Québec.

Alors, ces propositions, donc, touchent autant le domaine des Affaires municipales, le domaine du ministère de la Sécurité publique et du contrôle par la Régie des alcools, des courses et des jeux des permis de bar de même que tout ce qui concerne les permis d'utilisation et d'exploitation d'explosifs.

Il est peut-être, M. le Président, important de rappeler – j'ai parlé tantôt de la situation, je l'ai décrite sommairement, bien sûr cette situation doit tous nous préoccuper – mais, dans le fond, peut-être rappeler un petit peu que, dans le cadre de cette lutte, le gouvernement jusqu'à maintenant n'est pas resté inactif puisque deux initiatives majeures – je l'ai mentionné tantôt – Carcajou et GRICO, ont vu le jour suite à un effort de concertation d'un ensemble de partenaires.

On sait que la guerre des gangs, qui s'est amorcée surtout dans la région de Montréal, s'est étendue en 1996 à la grande région de Québec, créant ainsi deux foyers distincts où les organisations criminelles s'opposent avec violence. Je l'ai dit, leurs attentats menacent malheureusement directement la sécurité de la population parce qu'ils se produisent surtout en milieux urbains densément peuplés et, le plus souvent, ces bandes de criminels prennent les débits d'alcool comme cibles de leurs interventions les unes contres les autres. Leurs moyens outrageux, bombes, cocktails Molotov, bagarres, saccage des lieux, mettent parfois même en péril la vie des clients de ces établissements et celle des habitants des environs. Ainsi, ces derniers risquent de voir non seulement une atteinte à leur intégrité physique, mais également voir subir à leurs biens des dommages sérieux et même parfois irréparables. Les gens qui vivent aux abords des repaires des bandes de motards criminels sont également menacés. C'est pourquoi certains quartiers de Montréal et de Québec et quelques municipalités de banlieue – on peut penser à l'exemple de Saint-Nicolas sur la rive sud de Québec – ont connu ou connaissent des incidents graves qui troublent la paix publique et menacent la sécurité de leurs résidents.

Donc, pour contrer ces activités, des mesures de sécurité publique importantes ont été prises. J'ai parlé de l'escouade Carcajou, créée en septembre 1995, constituée à part égale de ressources de la Sûreté du Québec, du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, avec également certaines ressources de la Gendarmerie royale du Canada. Cette escouade donc a été explicitement chargée de s'attaquer aux têtes dirigeantes des réseaux de stupéfiants qui se disputent le marché de la grande région de Montréal.

Mais, avec le déplacement de la guerre des gangs vers la région de Québec, nous avons créé également, en février 1996, dans la région de Québec, et réactivé au mois d'août 1996, une deuxième tête de pont de l'escouade Carcajou à laquelle participe également le Service de police de la ville de Québec. Mais, puisque les événements malheureusement que nous avons connus particulièrement dans la région de Québec se poursuivaient, puisque nous faisions face véritablement à une situation sans précédent, nous avons également mis sur pied une seconde unité d'intervention qu'on a appelé le Groupe régional d'intervention contre le crime organisé qui est mieux connu sous son abréviation de GRICO, constitué de ressources de tous les services policiers municipaux oeuvrant dans la grande région de Québec, ainsi que là encore de la Sûreté du Québec et de la GRC. C'est neuf corps de police de la région de Québec que nous avons regroupés ensemble avec une stratégie spécifique de surveillance des établissements licenciés qui sont ceux qui étaient ciblés par les groupes de motards criminels.

Cette opération se fait bien sûr en collaboration avec Carcajou Québec qui continue son travail à moyen terme du point de vue de la recherche des personnes qui sont à l'origine de ces événements, donc une intervention ciblée particulièrement dans des bars, dans des bars notamment de danseuses où s'effectue un nombre important de transactions de stupéfiants et qui sont des endroits de rencontre privilégiés de ces groupes criminalisés.

C'est important de rappeler, M. le Président, qu'en deux ans de travail l'escouade Carcajou a saisi plus de 300 armes dont quelques dizaines de fusils mitrailleurs, plus de 20 000 cartouches, au-delà de 1 200 bâtons de dynamite, près de 1 300 détonateurs et des quantités significatives de stupéfiants. Elle a également procédé à l'arrestation de tout près de 353 individus. Dans la seule région de Québec, tout près de 81 arrestations ont eu lieu en 1996. Puis, pendant ce temps-là, GRICO est loin d'être inactif puisque, après seulement quatre mois d'existence, il est procédé à 334 arrestations, réalisé plus d'une centaine de perquisitions en plus de supporter directement la préparation et la tenue d'auditions spéciales de la Régie des alcools, des courses et des jeux. Ces auditions avaient justement pour but la suspension ou la révocation de permis dans les établissements où des événements menaçant directement la sécurité de la population ont eu lieu.

Maintenant, M. le Président, il faut bien reconnaître que, malgré ces actions énergiques des forces policières – et elles se continuent tous les jours, on peut voir que l'action des forces policières se maintient et se continue – malgré le travail de l'appareil judiciaire, la situation demeure préoccupante et, pour y faire face, donc, avec des moyens plus efficaces, le projet de loi n° 125 qui est devant nous propose trois grands trains de mesures.

D'abord, je le disais tantôt, un élargissement des pouvoirs d'agir des municipalités, notamment lorsque la sécurité du public ou la tranquillité publique est en jeu. Les maires nous ont dit: Trop souvent, nous sommes paralysés; trop souvent, nous ne sommes pas capables d'intervenir rapidement; trop souvent, nous sommes pris devant des mesures judiciaires dilatoires qui nous paralysent dans notre volonté de fermer certains établissements menaçant la sécurité du public. Donc, je pense que le projet de loi n° 125 qui est devant nous devrait être de nature à satisfaire cette demande.

Deuxièmement, deuxième grand aspect qui est abordé dans ce projet de loi, des pouvoirs accrus d'intervention de la Régie des alcools, des courses et des jeux. Et, enfin, un resserrement des conditions d'accès aux substances explosives.

(10 h 20)

Alors, M. le Président, si le projet de loi n° 125 est adopté, et je ne doute pas qu'avec la collaboration de l'opposition il le sera, ce projet viendra rajouter – dans le coffre à outils des municipalités, des forces policières, du gouvernement – au budget, aux sommes déjà mises dans le cadre des opérations Carcajou et GRICO et viendra également rajouter aux modifications au Code criminel canadien, modifications qui ont été adoptées par la Chambre des communes récemment.

Alors, parler un peu, M. le Président, du contenu de ces propositions. Le premier volet vise donc à répondre aux préoccupations de nombreux représentants du milieu municipal qui ont demandé que les pouvoirs des municipalités soient renforcés afin de leur permettre de prendre des mesures dans une perspective de sécurité des personnes et des biens. Il faut rappeler, M. le Président, que les municipalités possèdent déjà le pouvoir de prescrire par règlement les matériaux à employer dans une construction et la façon de les assembler. Les municipalités ont déjà ces pouvoirs-là. Grâce à l'article 118, notamment, de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme les municipalités disposent de ces réglementations. Et là on est vraiment au coeur de ce qu'on peut appeler l'existence des bunkers sur les territoires.

Elles ne peuvent toutefois, et c'est les limites qu'elles nous ont demandé de corriger, elles ne peuvent toutefois, à l'heure actuelle, imposer l'application de ces règles à des bâtiments déjà existants, donc lorsque des bunkers sont déjà construits. Or, à l'instar du pouvoir qu'elles possèdent de prescrire, par exemple la modification des affiches, des enseignes, des panneaux-réclame déjà érigés, pour les rendre conformes à toute nouvelle réclamation, c'est l'article 113 de la même loi, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Il est donc proposé, un peu en parallèle, il est proposé ce qui suit:

Lorsque des municipalités auront modifié leur règlement de construction pour y introduire l'interdiction d'utiliser des éléments de fortification ou de protection, les municipalités auront le pouvoir de rendre ce règlement applicable à des immeubles déjà existants et d'exiger des correctifs afin d'éliminer, justement, ces éléments de fortification et de protection qui ne seraient pas justifiés eu égard aux activités ou usages permis.

Ce n'est pas normal, M. le Président, que lorsqu'on se construit une résidence on la construise avec des vitres blindées, des portes de métal, des caméras, des clôtures électrifiées. Quand on construit comme ça, c'est qu'on a des choses à cacher. Donc, les municipalités pourront dorénavant adopter un règlement de zonage semblable, pourront conséquemment lui donner une portée rétroactive en obligeant le propriétaire d'un édifice qui serait ainsi fortifié à corriger son bâtiment pour l'adapter à la nouvelle réglementation, bien sûr en donnant un délai pour que ces choses se fassent.

Alors, à défaut d'exécution dans le délai prévu par le règlement, l'article 227 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme va permettre au Procureur général de la province, à la municipalité régionale de comté ou à la municipalité concernée de présenter une requête en Cour supérieure pour faire ordonner la cessation de l'utilisation d'une construction incompatible avec ce règlement de construction. La Cour pourra également ordonner l'exécution des travaux requis aux frais du propriétaire pour rendre la construction conforme au règlement et une telle requête, pour éviter les mesures dilatoires, sera instruite et jugée d'urgence. Donc, M. le Président, on pense qu'avec cette disposition on va voir disparaître progressivement sur le territoire ces bâtiments fortifiés qui n'ont aucune justification par rapport à l'usage résidentiel qui leur est, officiellement, accordé.

Deuxième modification au plan municipal, M. le Président, plusieurs municipalités nous ont indiqué qu'elles n'avaient pas le pouvoir d'intervenir efficacement pour faire cesser des activités dans un établissement lorsque celles-ci menacent la sécurité publique ou la tranquillité des citoyens. Alors, certaines modifications à la Loi sur les cités et villes, de même qu'au Code municipal du Québec et aux chartes des villes de Montréal et de Québec vont permettre de remédier à la situation. Ainsi, concernant les menaces à la sécurité publique, le projet de loi n° 125, qui est devant nous, propose la solution suivante: Lorsque l'exercice de l'activité est susceptible de mettre en danger la vie ou la santé des personnes ou de causer un dommage sérieux ou irréparable aux biens, le conseil municipal pourra, si un permis est requis pour exercer cette activité, demander la révocation immédiate de ce permis devant la Cour du Québec. Et, durant l'instance, durant le débat juridique, le conseil municipal pourra aussi interdire l'accès à l'établissement ou ordonner la cessation de l'activité. Il pourra, de plus, demander au tribunal qu'aucun autre permis ne soit accordé et que l'accès au lieu soit interdit pour une période pouvant aller jusqu'à 12 mois. Dans le même contexte, lorsqu'un permis est requis et que l'activité est exercée sans permis, nous proposons que le conseil municipal puisse, même sans recours judiciaire, interdire l'accès à l'établissement pour une période pouvant aller jusqu'à 60 jours. Dans les deux cas, l'interdiction d'accès pourrait être levée lorsque, de l'avis du conseil municipal, un changement d'activité le justifie et qu'un permis est accordé.

Enfin, concernant la tranquillité des citoyens, nous proposons que le conseil municipal puisse demander au tribunal la révocation du permis du titulaire lorsque l'exercice des activités de son établissement trouble la tranquillité publique. M. le Président, c'est l'essentiel du premier volet de la loi n° 125 concernant l'élargissement des pouvoirs d'intervention des municipalités. À notre avis, l'ensemble de ces mesures répondent aux demandes qui nous ont été faites par les maires, tant de la région de Québec que de Montréal, donnent aux municipalités des moyens d'agir, leur permettent d'agir rapidement lorsqu'il y a urgence par rapport à la sécurité du public, tout en préservant, puisqu'on est dans un système de droit, le droit des interpellés à présenter leur défense, à faire valoir leurs points de vue, le tout devant la Cour du Québec.

Le deuxième grand volet du projet de loi concerne la Régie des alcools, des courses et des jeux et les permis de bars. Ce deuxième volet du projet de loi vise à accroître les pouvoirs d'intervention de la Régie des alcools, des courses et des jeux. On sait que la Régie a pour fonctions, notamment, de délivrer des permis d'alcool et d'en contrôler l'exploitation. Elle s'assure et elle doit s'assurer que leurs titulaires rencontrent toutes les exigences de la loi, tant pour obtenir leur permis que du point de vue du respect des conditions du maintien de ce permis. Et, à défaut par les titulaires de permis de respecter les conditions, la Régie peut ordonner des correctifs ou imposer des sanctions. Toutefois, et c'est le problème que nous rencontrons dans les cas graves où des membres d'organisations criminelles contrôlent des établissements, les utilisent comme cibles de leurs interventions les unes contre les autres, mettant, encore une fois, en péril la sécurité publique, les pouvoirs actuels de la Régie ne lui permettent pas d'agir avec toute la rapidité et l'efficacité nécessaires. Par conséquent, le gouvernement et le ministre... J'estime donc qu'il faut accroître les pouvoirs de la Régie par les mesures suivantes: D'abord, des pouvoirs en cas d'urgence. De nouvelles dispositions sont proposées dans la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux pour accroître, accélérer le pouvoir d'intervention de la Régie dans les cas d'urgence. Dorénavant, la Régie pourra suspendre immédiatement un permis et, par conséquent, les activités exercées par un établissement visé lorsque, à son avis, la poursuite de ses activités et le maintien de ce permis sont susceptibles de mettre en péril la vie ou la santé des personnes ou de causer un dommage sérieux ou irréparable aux biens.

Le processus actuel permet au titulaire d'un permis de présenter son point de vue devant la Régie avant que la décision ne prenne effet, ce qui, parfois, entraîne de très nombreux délais et on peut réassister, dans les 24 heures, les 48 heures, dans la semaine suivante, à d'autres actes de violence avec tous les dangers que cela implique. Donc, maintenant, cette possibilité pour un titulaire de faire valoir son point de vue, de défendre ses intérêts sera déplacée plus tard, à l'étape de la révision de la décision, s'il y a une telle demande de révision. Donc, la Régie pourra, comme on dit, agir maintenant et débattre du cas plus tard, ce faisant, garantir immédiatement la sécurité des citoyens.

Concernant la délivrance des permis, certaines modifications des lois sur les permis d'alcool permettront d'abord à la Régie d'exiger d'une personne qui présente une demande de permis qu'elle produise les documents relatifs aux sources de financement des activités visées ou servant à l'acquisition de l'établissement. La Régie pourra ainsi s'assurer, par des enquêtes, que le demandeur est le réel exploitant plutôt qu'un prête-nom et que cette expression n'est pas reliée à des organisations criminelles. Entre autres, la Régie devra refuser de délivrer tout permis si le demandeur a déjà été déclaré coupable d'un acte criminel lié aux actes visés au cours des cinq années qui précèdent la demande.

(10 h 30)

De nouvelles dispositions dans la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux permettront la mise en place et l'accessibilité d'un registre des demandes et des permis d'alcool en vigueur et ce registre contiendra des renseignements spécifiques aux fins d'assurer toute la publicité souhaitée auprès de tout citoyen, de toute municipalité, de tout corps policier ou de tout autre intervenant. Ces derniers, donc, pourront, le cas échéant, intervenir auprès de la Régie afin d'assurer le respect de la loi et de faire valoir le point de vue de ces intervenants avant que la Régie n'émette un permis. Le titulaire d'un permis devra également dorénavant l'exploiter de façon à ne pas nuire à la tranquillité publique et cette exploitation ne devra pas mettre en péril non plus la sécurité du public a fortiori. Si l'une ou l'autre de ces conditions de maintien du permis est enfreinte, le résultat pourrait être la suspension ou la révocation du permis.

Les solutions proposées, donc, visent à simplifier le processus menant aux décisions de la Régie pour assurer le maximum d'efficacité tout en préservant le droit du titulaire, bien sûr, de présenter son point de vue, de faire valoir ses représentations.

Il y aura donc des délais. La décision ne pourra, bien sûr, devenir exécutoire sans qu'il y ait certains délais, sans que les gens puissent présenter leur point de vue, mais, une fois que ces délais seront passés, une fois que les avis seront notifiés au titulaire, la décision deviendra définitive et exécutoire à l'expiration du délai si le titulaire ne présente pas d'observations ou, encore, ne réussit pas à faire valoir son point de vue. Il y aura éventuellement possibilité d'appel aussi, bien sûr.

Alors, la Régie pourra donc, grâce à cette mesure, intervenir immédiatement lorsque, par exemple, un détenteur de permis en cours d'exploitation change la nature des spectacles qu'il avait été autorisé à y tenir – parce que, souvent, c'est comme ça qu'on assiste à une sorte de dérive d'un permis – ou encore modifie l'aménagement des lieux de façon telle que la tranquillité publique en soit perturbée. Il y aura donc obligation maintenant, lorsqu'il y a une demande de permis, d'identifier clairement les spectacles qu'on veut tenir dans l'établissement de même que l'aménagement de l'établissement, de telle sorte qu'on n'assiste pas, en cours de route, à une véritable dérive des activités qui avaient été prévues. La Régie pourra, en tout temps au cours de ce processus de révision, qui peut s'étendre au-delà de 10 jours si une audience est tenue, ordonner l'exécution provisoire de la mesure prévue au préavis si justement, encore une fois, la poursuite des activités visées est susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes.

Dans le fond, M. le Président, c'est toujours le même esprit. L'esprit, ce n'est pas d'empêcher qu'au Québec il y ait des bars, ce n'est pas d'empêcher les gens de prendre un verre; l'esprit, c'est de faire en sorte de mettre fin à une situation où la sécurité du public, des biens, des personnes, la sécurité physique des personnes... Des morts sont littéralement... On assiste tous les jours dans les rues de nos villes à une véritable guerre que se livrent les gangs entre eux, guerre qui est tout à fait inacceptable dans nos sociétés démocratiques.

Enfin, M. le Président, la Loi sur les permis d'alcool va être modifiée afin que la Régie ait la possibilité d'interdire l'accès public dans un bar, une brasserie, une taverne pendant la période de suspension du permis ou pour une période pouvant aller jusqu'à six mois après la révocation du permis. Et quiconque se trouvera sans excuse légitime dans l'établissement visé par la mesure commettra une infraction et sera passible d'une amende. De plus, comme mesure dissuasive, la Régie pourra, d'abord, imposer comme condition du maintien du permis ou de sa remise en vigueur que le titulaire lui fournisse un cautionnement. Enfin, la Régie pourra confisquer ce cautionnement si certaines contraventions à l'exercice compétent et intègre des activités sont commises.

On a également élargi tout ce qui touche la définition des diverses espèces de boissons alcooliques, là encore pour éviter que certains profitent de certaines lacunes de nos lois, de sorte à couvrir tout le champ des boissons alcooliques. Il y a également, comme je l'ai indiqué tantôt, des hausses importantes des amendes qui pourront être doublées et même parfois triplées en cas de récidive. Et, lorsqu'une personne sera déclarée coupable d'une telle infraction, le juge pourra lui imposer, à titre de peine additionnelle, une amende équivalente aux sommes obtenues par la perpétration de l'infraction, M. le Président. Donc, pour l'essentiel, le deuxième volet du projet de loi n° 125 donne à la Régie des alcools, des courses et des jeux des pouvoirs d'agir rapidement, immédiatement, lorsque la sécurité du public est en jeu.

Troisième aspect du projet de loi concernant, cette fois-ci, les substances explosives. M. le Président, on le sait, de plus en plus, la lutte des motards criminels passe par l'utilisation d'explosifs; on l'a tous vu, on l'a tous su. On sait à quel point ces charges sont de plus en plus fortes et importantes. Donc, la Loi sur les explosifs impose actuellement l'obligation à une personne qui veut obtenir un permis, si elle veut avoir des explosifs en sa possession... La loi oblige certaines conditions, prévoit des motifs de refus de permis. Par exemple, lorsqu'un demandeur a été reconnu coupable de certains actes criminels dans les cinq ans précédant sa demande, un permis ne peut lui être accordé.

Cependant, malheureusement, encore une fois, certaines infractions criminelles, telles que les voies de fait avec lésions corporelles, les menaces de mort, le trafic de stupéfiants, ne constituaient pas, jusqu'à maintenant, un motif de refus de permis. Alors, vous comprenez bien, M. le Président, que, dans le genre de débat qu'on a, on est au coeur de la nécessité, en face de gens qui parfois se servent d'explosifs et ont un passé parfois relativement lourd en ces matières. Alors, compte tenu de cette situation, nous considérons qu'il est impératif d'ajouter aux dispositions existantes de la Loi sur les explosifs des mesures qui resserreront les conditions d'accès à ces substances et qui ajouteront aux motifs de révocation ou de suspension de permis dans ce secteur.

Alors, je propose donc qu'un permis autorisant la possession d'explosifs soit refusé à une personne qui, au cours des cinq années qui précèdent sa demande, a été déclarée coupable de n'importe quel acte criminel en vertu du Code criminel, de certaines infractions moins graves prévues au même Code, de certaines infractions à la Loi sur les aliments et drogues ou à la Loi sur les stupéfiants et, bien sûr, d'infractions aux lois sur les explosifs, tant les lois fédérale que provinciale. Et un tel permis pourrait également être refusé pour des motifs de sécurité publique ou lorsque, de l'avis de la personne responsable, la demande est faite au bénéfice d'un tiers.

Voilà, M. le Président, pour l'essentiel, les trois grands volets dans lesquels nous nous apprêtons à agir avec l'adoption, que je souhaite rapide, du projet de loi n° 125. J'ai la conviction, M. le Président, que l'adoption de ces mesures, l'adoption de cette loi est de nature à nous permettre d'intensifier la lutte à toutes les formes de crime organisé, mais particulièrement à celles que nous connaissons depuis quelque temps, à Montréal et à Québec, particulièrement reliées aux bandes de motards criminels.

Les policiers auront des outils supplémentaires, M. le Président, de même que les municipalités, le gouvernement, les régies, notamment la Régie des alcools, des courses et des jeux, pour justement mener une lutte plus efficace. Je pense, M. le Président, qu'en adoptant cette loi nous aurons franchi un pas de plus; un pas dans la bonne direction, dans la volonté, je pense, bien appuyée par l'ensemble de nos concitoyens, la volonté de l'ensemble des observateurs et des intervenants de nous doter, comme société démocratique, entre autres, et également nos forces policières des outils nécessaires à leur lutte à cette criminalité. Un seul projet de loi, M. le Président, c'est évident, ne peut résumer à lui seul tous les outils et toutes les urgences de cette lutte. Il faut voir l'ensemble des moyens dont se dote une société démocratique pour pouvoir juger de la démarche. Mais, encore une fois, ce projet de loi me semble aller dans la bonne direction.

Et je me permets en terminant, M. le Président, bien sûr, de rappeler l'urgence de la situation. Ce n'est pas parce que nous connaissons un peu moins d'événements – mais ceux-ci continuent – ce n'est pas parce que les forces policières obtiennent un certain succès que, pour autant, nous devons relâcher notre vigilance. Je souhaite donc, M. le Président, que nous puissions passer à travers toutes les étapes menant à l'adoption du projet de loi n° 125 avec célérité. J'espère que l'opposition officielle, un peu à l'exemple de l'opposition à Ottawa, du Bloc québécois à Ottawa, nous assurera de sa collaboration.

(10 h 40)

Je suis convaincu, M. le Président, que nous partageons un même sentiment d'urgence à cet égard. On n'a peut-être pas la même échéance électorale qu'avait le gouvernement fédéral, mais il est évident que c'est un projet de loi attendu, souhaité par toute la population, souhaité par l'ensemble des maires – qui ont fait connaître leurs commentaires fort positifs – souhaité par la Régie des alcools, des courses et des jeux et par les policiers. Je souhaite également, M. le Président, que ce projet de loi soit souhaité par l'opposition et qu'on ait sa collaboration, de telle sorte que le plus rapidement possible nous disposions de cet important outil dans notre lutte au crime organisé. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Frontenac. M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai souvent eu l'occasion de le dire, autant ici à l'Assemblée nationale qu'en commission parlementaire; à chaque fois que nous est soumis un projet de loi qui touche la justice ou la sécurité publique, j'ai toujours rappelé à ceux et celles qui nous écoutent, y compris évidemment aux collègues des deux côtés de l'Assemblée, que les grandes missions du gouvernement du Québec sont – pas nécessairement dans l'ordre, M. le Président; pour certains, ça peut être une avant l'autre, mais elles sont toutes extrêmement importantes – la santé des citoyens, l'éducation et la justice et la sécurité publique, la sécurité physique des citoyens et des citoyennes du Québec.

Et, comme je viens de le mentionner, M. le Président, pour plein d'observateurs, plein de citoyens et citoyennes du Québec, c'est peut-être la justice et la sécurité publique qui est la mission la plus importante du gouvernement du Québec, parce que, quand le système judiciaire est bafoué, c'est les droits les plus fondamentaux dans une société démocratique comme la nôtre qui risquent d'être écrasés et d'être bafoués, M. le Président. Quand les citoyens du Québec ne peuvent plus circuler dans les rues de la ville de Montréal, de la Vieille Capitale ici à Québec ou dans des petites municipalités comme Saint-Nicolas sur la rive sud, c'est quelque chose de dramatique et ça oblige évidemment tous les intervenants à réaliser l'urgence de la situation. Alors, dans ce sens-là, la justice et la sécurité publique est peut-être pour certains – et, quant à moi, j'ai quasiment envie de le dire que ce l'est mon cas, M. le Président – la mission n° 1 du gouvernement du Québec. Mais mettons sur le même pied d'égalité les trois grandes missions: la justice et la sécurité publique, la sécurité physique, la santé et l'éducation.

M. le Président, j'entendais tout à l'heure M. le ministre indiquer que le gouvernement fédéral a une responsabilité en regard de ce que je viens de dire: la justice, la sécurité publique, la sécurité des citoyens. Oui, évidemment. Essentiellement, la responsabilité du gouvernement fédéral, c'est de donner aux provinces une loi qui permet aux différents gouvernements de ces provinces de protéger les citoyens du Québec. Essentiellement, ça tient au Code criminel, mais également, M. le Président, il y a d'autres lois à connotation criminelle, entre autres la Loi sur les stupéfiants, la Loi des aliments et drogues, qui est de juridiction fédérale. Mais les pouvoirs du gouvernement fédéral, ils sont d'ordre législatif et également par le biais de sa police, qui est la GRC, la Gendarmerie royale du Canada.

On peut donc, sans risque de se tromper, M. le Président, tirer la conclusion qu'au Québec c'est, d'abord et avant tout, le gouvernement du Québec, son ministre de la Sécurité publique, son ministre de la Justice et son Procureur général – c'est le même personnage, le ministre de la Justice et le Procureur général – qui ont au premier chef la responsabilité de protéger les citoyens et citoyennes du Québec. D'ailleurs, M. le Président, cette conclusion-là, on peut la tirer des textes de la loi qui donne au ministre de la Sécurité publique les pouvoirs qu'il a et également qui définit la responsabilité du ministre de la Sécurité publique.

La Loi sur le ministère de la Sécurité publique, M. le Président, à son article 8, dit ceci. On parle du ministre de la Sécurité publique. «Le ministre élabore et propose au gouvernement des politiques relatives au maintien de la sécurité publique, à la prévention de la criminalité, à l'implantation et l'amélioration des méthodes de détection et de répression de la criminalité ainsi qu'à l'incarcération et la réinsertion sociale des détenus.» C'est la responsabilité du gouvernement du Québec et de son ministre que d'exercer, de remplir toutes ces importantes responsabilités que le législateur a données à l'Exécutif, au gouvernement du Québec, à son ministre de la Sécurité publique de façon plus spécifique.

C'est donc le gouvernement du Québec, son ministre de la Sécurité publique, qui est le plus concerné, M. le Président, lorsqu'on parle de la répression du crime, lorsqu'on parle de la prévention, lorsqu'on parle également, M. le Président, des mesures qu'on doit appliquer lorsqu'il y a eu crime, lorsqu'il y a eu condamnation. On parle évidemment d'incarcération puis on parle, en même temps – on n'aura pas, M. le Président, le temps d'en parler beaucoup ce matin – de la réinsertion des criminels soit réhabilités ou en voie d'être réhabilités.

Les fonctions du ministre consistent, plus particulièrement, puis c'est important, M. le Président, de le rappeler aux collègues de l'Assemblée, de le rappeler au ministre lui-même... Je suis convaincu que le ministre commence toujours sa semaine en lisant les articles 8 et 9 de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique, comme le ministre de l'Environnement, M. le Président, doit également... Puis, s'il ne le fait pas, autant lui que le ministre de la Sécurité publique, je leur rappelle, M. le Président, qu'afin de ne pas oublier les lourdes responsabilités que le gouvernement leur a confiées, ils doivent, à toutes les semaines, sinon à tous les mois... Surtout le ministre de la Sécurité publique doit prendre le temps de lire les responsabilités qu'on lui a confiées, prendre le temps également de lire les pouvoirs que la loi lui donne.

Ça vaut également peut-être plus pour lui encore, parce qu'il est porté, ce ministre de la Justice et Procureur général, des fois, à l'oublier, à nous donner l'impression, à nous de l'opposition officielle et à plein d'observateurs au Québec, que le Procureur général a la tentation, à l'occasion, M. le Président, de politiser un peu sa démarche. Ça, c'est dangereux. Lorsqu'on est ministre de la Justice, lorsqu'on est Procureur général, M. le Président, s'il y a un membre de l'Exécutif qui doit, en tout temps – en tout temps – comme ministre de la Justice et comme Procureur général, en tout temps, être au-dessus de toute partisanerie, c'est bien ce ministre-là, M. le Président. Et le député de Louis-Hébert, ministre de la Justice et Procureur général, nous a donné, à plusieurs occasions, à plusieurs reprises, l'impression qu'il n'était pas toujours au-dessus de tout soupçon en regard de cette analyse des lourdes responsabilités que deux premiers ministres successifs lui ont confiées de ministre de la Justice et Procureur général.

«Les fonctions du ministre – de la Sécurité publique – consistent plus particulièrement: à assurer ou à surveiller, suivant le cas, l'application des lois relatives à la police; à favoriser et à promouvoir la coordination des activités policières...» Dans certaines circonstances, et c'est le cas, M. le Président, lorsqu'on parle des escouades mises en place par le gouvernement, les différentes escouades spécialisées, le ministre de la Sécurité publique du Québec a même la responsabilité de coordonner les activités de la police qui relève – qui relève, quant à l'essentiel – du gouvernement fédéral. Je pense à la GRC, M. le Président.

Alors, ceci étant dit, on peut maintenant aborder la question qui nous est soumise par le biais de la loi n° 125, M. le Président. Le projet de loi n° 125, c'est, oui, un pas dans la bonne direction. Le ministre m'invitait, tout à l'heure, en conclusion, à ce que je le dise, j'imagine, le plus tôt possible, au moment de mon intervention. Oui, c'est un pas dans la bonne direction. On ne peut pas être contre la vertu, M. le Président. L'adage voulant que mieux vaut tard que jamais s'applique très bien – très bien, là – lorsqu'on aborde l'étude de 125, puis l'adage également qui dit que tout ça ou tout ce qu'il y a dans 125, c'est mieux que rien, aussi.

(10 h 50)

Alors, M. le Président, pour deux raisons: un, il était temps, deux, c'est un pas dans la bonne direction, j'indique tout de suite au ministre qu'on sera d'accord. Maintenant, ce n'est pas au salon bleu, ce n'est pas à l'Assemblée nationale comme telle qu'on se prête à cet exercice-là; c'est évident qu'en commission parlementaire on aura plusieurs questions à poser au ministre à travers aussi des mises en garde quant aux aspects d'ordre juridique du projet de loi n° 125.

Puis je l'aborderai, ça, également dans mon intervention de ce matin, il y a des dispositions du projet de loi n° 125 qui, quant aux principes qui nous gouvernent en matière d'administration de la justice, nous amènent, du côté de l'opposition – je suis convaincu que le ministre également l'a évalué avec ses conseillers – à nous questionner sur les conséquences que ça peut avoir sur d'autres législations, d'autres modifications législatives à venir. À cause de l'urgence de la situation, à cause de la gravité de la situation, on sera probablement d'accord avec ces dispositions-là, que je détaillerai tout à l'heure, même si elles constituent des renversements quant aux règles de droit en matière de droit criminel, M. le Président.

M. le Président, depuis beaucoup trop longtemps, depuis deux ans, ça a été Montréal, ça a été Québec, ça a été des petites localités – j'en ai parlé tout à l'heure – comme Saint-Nicolas, d'autres petites localités également au Québec, mais particulièrement Saint-Nicolas. C'est Montréal, qui avait vécu une période d'accalmie relative, qui recommence à vivre ces cauchemars qu'on croyait réglés dans la ville de Montréal. Le ministre en a parlé, l'objectif visé par le projet de loi n° 125, c'est de régler ou, à tout le moins, de diminuer le danger que représente la guerre sur le terrain que se font les groupes de motards criminalisés.

Le ministre l'a déjà dit, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, moi aussi, M. le Président, lorsqu'on parle de motards au Québec, de motards criminalisés, on ne vise qu'une infime partie de ceux et celles qui se promènent sur une moto, puis c'est de là qu'on parle de cette clientèle qu'on appelle «motards». Mais, à l'intérieur d'un nombre considérable de Québécois et de Québécoises qui s'adonnent à ce sport-là qui est de conduire une moto extrêmement dispendieuse dans certains cas, il s'est constitué des gangs. On en retrouve ici au Québec comme on en retrouve partout dans le monde. En Europe, en Amérique, aux États-Unis plus particulièrement, ailleurs au Canada puis ici au Québec, on vit ces drames. Et, dans certaines régions, il semble que ce soit plus agressif qu'ailleurs, et particulièrement au Québec. Ça tient à toutes sortes de phénomènes; ce n'est pas ce matin qu'on va évaluer tout ça.

Il y a un constat qu'on a fait, il y a un constat qu'il faut faire: autant du gouvernement fédéral que du gouvernement du Québec, il fallait intervenir de façon exceptionnelle, puis c'est ce que fait 125. Cependant, le ministre a pris pas mal de temps à comprendre, le ministre et son gouvernement, M. le Président. Il faut se souvenir de ce qu'on disait ici, en plein coeur de la Vieille Capitale – on parle d'octobre 1996: Ras-le-bol des bombes dans la basse ville . M. le Président, ça fait quand même sept, huit mois, ça, dans la Vieille Capitale.

Après avoir vécu ce qu'on avait vécu à Montréal, le drame s'est transporté de Montréal à Québec. Plein de citoyens, plein d'élus municipaux, de toutes sortes de façons, ont alerté le gouvernement, ont alerté le ministre de la Sécurité publique en lui disant: Faites quelque chose, intervenez; c'est devenu, ici à Québec, M. le Président, un drame. On lisait que des citoyens de Québec – j'ai les coupures de presse sous les yeux – en étaient rendus à la solution extrême de devoir envisager le déménagement, réalisant que la protection policière était carrément inefficace, que le gouvernement du Québec et son ministre de la Sécurité publique ne faisaient rien pour régler le problème, bien au contraire, et je vais le démontrer tout à l'heure. Les citoyens, M. le Président, en étaient rendus – et ils l'ont fait dans plusieurs cas – à changer de quartier, à déménager, à sortir, dans certains cas, purement et simplement de la ville de Québec.

La réponse du ministre face... Et je résume M. le Président: on a tous été témoins de drames exprimés par des citoyens et des citoyennes exemplaires, soit par les médias écrits, soit par les médias électroniques, radio, télévision. On a tous été témoins, les parlementaires de cette Chambre et tous les citoyens du Québec, de cris d'alarme, de désarroi lancés par ces populations au ministre de la Sécurité publique, à son gouvernement. Et la réponse, M. le Président, du ministre, après avoir été interrogé même ici à l'Assemblée nationale... Je l'ai interrogé à plusieurs reprises, moi, M. le Président: Qu'est-ce que le gouvernement a l'intention de faire? Qu'est-ce que le gouvernement a comme solutions à proposer à ces citoyens qui vivent dans l'angoisse quotidienne, M. le Président? Alors, la réponse du ministre, pas plus tard que le 12 mars: «Le ministre promet des pouvoirs accrus – on parle du ministre de la Sécurité publique – aux municipalités, mais pas avant l'automne.»

Imaginez-vous, M. le Président, les cris d'angoisse de cette population effrayée de la ville de Québec duraient depuis des mois et des mois. Ça a commencé de façon plus angoissée, si on veut, quelque part à l'automne 1996, septembre, octobre 1996. Même si la guerre des gangs de motards criminalisés durait depuis plusieurs mois, avant que des citoyens en soient rendus tellement inquiets et impatients à crier sur la place publique, M. le Président, il s'était passé plusieurs mois et, en octobre, ça a été l'éclatement de cette inquiétude de la population. Et – octobre, novembre, décembre, janvier, février, mars – six mois plus tard, le ministre, parce qu'il y a eu une pointe, quelque part en octobre, de violence... Ça s'est calmé, jusqu'à un certain point, un petit peu à la période des fêtes, puis ça a repris de plus belle, M. le Président, sauf erreur, en février, mars.

Et le ministre de la Sécurité publique était passif, incapable de réagir. Bien au contraire, il prévenait la population, il prévenait les élus municipaux, le 12 du mois de mars, que, pas avant l'automne... Lui, comme responsable de la sécurité physique des citoyens de tout le territoire du Québec, il constatait qu'il y avait un problème grave, M. le Président, mais c'est un aveu d'impuissance, lui qui a les pouvoirs. Ce n'est pas le ministre de la Justice fédéral qui a la responsabilité, dans le quotidien, de protéger les citoyens. Ce n'est pas le ministre de la Sécurité fédéral qui a la responsabilité et le devoir de coordonner, M. le Président, les effectifs policiers pour protéger les citoyens du Québec; c'est le gouvernement du Québec, c'est le ministre de la Sécurité publique.

Le ministre de la Sécurité publique s'est traîné les pieds, M. le Président, pendant presque un an – on parle du ministre qui est là, pas de celui qui l'a précédé – avant qu'il agisse et il agit aujourd'hui, là. Alors, en mars, c'était: Pas pour demain. C'était la réponse du ministre: S'occuper du problème avec les moyens qu'on a. Et les moyens qu'on a, M. le Président, c'est ce qu'il nous disait, on a une bonne Sûreté du Québec, on a des escouades spécialisées, Carcajou, GRICO, et ils font bien leur travail.

(11 heures)

M. le Président, je regrette, je regrette, le ministre a manqué de vigilance. Il a manqué de prévoyance. Il a pris du temps à comprendre, beaucoup de temps à comprendre.

M. le Président, non seulement en mars, il nous disait: Ça ira à l'automne, mais, en même temps, au moment où on vivait ces drames répétés à Québec puis, je le disais tout à l'heure, accalmies à Montréal, mais ça a recommencé à Montréal il y a trois semaines, un mois, au moment où ces guerres de gangs se déplaçaient en région, à Saint-Nicolas, le ministre faisait quoi, lui? Quel est le signal qu'il a envoyé à la population du Québec, lui qui a la responsabilité de protéger les citoyens du Québec? Je le répète: Il diminuait les effectifs à la Sûreté du Québec de plus ou moins 600 effectifs.

Le ministre a tenté en commission parlementaire, avec son nouveau directeur, M. Coulombe, qui est un homme sérieux qui, je pense, prend ses responsabilités à la tête de la Sûreté du Québec dans une période extrêmement délicate et difficile... Je pense que M. Coulombe est un bon gestionnaire. Est-ce qu'il a toutes les qualifications pour gérer la Sûreté du Québec à l'aube de l'an 2000? On verra. Mais, en commission parlementaire, j'ai eu avec lui et avec le ministre des échanges sérieux et fructueux. Cependant, j'ai démontré que la diminution d'effectifs dont je parle, dont j'ai parlé ici, à l'Assemblée nationale, c'est du vrai. Le ministre avec son directeur ont essayé de m'en passer une petite vite en disant: Ah! on va en remplacer un certain nombre, plus ou moins 180 ou 200. Mais, la réalité des choses, si je me souviens bien, on en avait remplacé 59, au moment où on procédait à cet échange en commission parlementaire, sur plus ou moins 200 au cours de l'année qui vient. Et je ne suis pas certain si je ne l'ai pas appris au ministre. Je ne suis pas sûr qu'il le savait, M. le Président.

Le ministre de la Sécurité publique, moi, voyez-vous, depuis janvier 1996 qu'il est ministre de la Sécurité publique, je ne pense pas qu'il soit de mauvaise foi, ça n'aurait pas de bon sens. Un ministre de la Sécurité publique, d'ailleurs comme tous les membres de l'Exécutif, la bonne foi va de soi, d'autant plus que la bonne foi est présumée et dans le Code civil et dans le Code criminel. La bonne foi dans le Code criminel, ça s'appelle la présomption d'innocence. Ça, ces deux principes – puis le leader du gouvernement m'écoute parce que c'est un avocat de profession, un avocat de métier – la bonne foi puis la présomption d'innocence, sont attaqués dans le projet de loi n° 125 – on en parlera tout à l'heure.

Alors, le ministre de la Sécurité publique, son directeur sont des gens de bonne foi, je le pense, sauf qu'ils jouent un petit peu à la cachette: 600 effectifs à la Sûreté du Québec, ça, c'est la réponse que le ministre a donnée à la population du Québec en désarroi dans certaines régions du Québec. Il a dit: On ne fera rien avant l'automne, on a la police qu'il faut – la Sûreté du Québec – puis on a des escouades capables de régler ce problème-là. Imaginez-vous, en même temps, il capitulait devant le président du Conseil du trésor puis devant le ministre des Finances.

Puis le premier ministre, lui, ça n'a pas l'air à le déranger, ça ne l'intéresse pas, lui il s'occupe de faire la promotion de la souveraineté. Le premier ministre, il n'a pas d'autre objectif que ça puis il le dit d'ailleurs. Tout ce qu'il fait, le premier ministre du Québec député de Jonquière, on l'a vu hier venir à la rescousse de Gilles Duceppe. Je suis obligé de parler un peu du Bloc parce que le ministre de la Sécurité publique tout à l'heure a fait un parallèle entre l'opposition officielle ici puis l'opposition officielle à la Chambre des communes, puis il nous compare au Bloc. Oh! Je n'ai pas réagi, j'aurais pu soulever une question de règlement. Mais je ne l'ai pas fait, parce que ça me permet de revenir, moi, en réplique sur le même sujet. Être comparé au Bloc, là, c'est dur à prendre, ça, M. le Président. Alors, moi, je l'ai encaissé, ce coup-là. Je me dis que ça peut toujours servir.

Hier, je voyais le premier ministre – il était là dans son comté pour dépanner le Bloc qui est en train de couler pas à peu près avec son chef qui, malheureusement, M. le Président, je pense qu'il est débordé de tous bords, tous côtés – les questions de sécurité des citoyens, ça l'intéresse moins que la souveraineté, M. le Président, hein, parce que, quand on va être souverains, il n'y en aura plus de motards criminalisés. Quand on va être souverains, il n'y aura plus de crimes, on n'aura plus besoin de police, on n'aura pas besoin d'armée, on n'aura pas besoin de lois à caractère criminel. Quand on va être souverains, ça va être le paradis sur la terre, le paradis terrestre. Ça va être ça, la souveraineté. Il y a des jeunes qui nous écoutent ici, puis je les regarde sourire, puis ils disent: Ça n'a pas de sacré bon sens.

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Frontenac. M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je croyais qu'avec un projet de loi aussi important le député de Frontenac ne manquerait pas d'inspiration sur le projet de loi. Est-ce que vous pouvez peut-être rappeler le député de Frontenac à la règle de la pertinence, s'il vous plaît, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Frontenac, vous connaissez assez les règles pour revenir assez rapidement au sujet en discussion. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Je ne sais pas si le leader était occupé à lire ses notes pour autre chose, peut-être. Non, je le comprends. Lui aussi, il est plus ou moins intéressé à ça, la sécurité publique puis la protection des citoyens. Je suis très pertinent quand je dis que le premier ministre n'a d'autre préoccupation que de faire la promotion de la séparation du Québec, de la souveraineté, puis de briser le Canada. Dans le quotidien, protéger les citoyens, lui, ça ne le préoccupe à peu près pas. La meilleure preuve, c'est que le ministre de la Sécurité publique, de deux choses l'une: il a, lui, mal défendu son dossier quant aux compressions à la Sûreté du Québec ou il a essayé de le faire puis ça a été une fin de non-recevoir de la part du premier ministre, du ministre des Finances et du président du Conseil du trésor. Ce n'est pas pertinent, ça, hein? Ce n'est pas pertinent ça, M. le Président? Le premier ministre: souveraineté, avec ça plus de problèmes, on n'aura plus besoin de police.

139 000 000 $ de compressions à la sécurité publique dont... Non, non. Le ministre grimace, là. Il n'est pas d'accord avec moi, mais je vais l'expliquer, le 139 000 000 $. Quand j'aurai terminé mon explication, il me dira s'il est d'accord ou pas. 139 000 000 $ de compressions à la sécurité publique dont 100 000 000 $ est récupéré par les municipalités, de sorte que cette année, par rapport à l'an passé, il y a une compression nette, qu'on ne peut pas contredire, de 39 000 000 $ dont 17 000 000 $ à la Sûreté du Québec.

Il y a des collègues du ministre de la Sécurité publique, puis je le comprends, chacun a ses dossiers, ses commissions parlementaires... Il y a 17 000 000 $ de moins mis à la disposition de la Sûreté du Québec dans une période aussi cruciale que celle qu'on vit depuis parlons d'un an, où le ministre a réalisé, a constaté que les escouades mises en place ne réussissaient pas à régler le problème, que la Sûreté du Québec était débordée, et lui n'a même pas réussi, lui qui a la responsabilité de protéger les citoyens puis les citoyennes du Québec, à protéger les budgets qu'il avait pour sa Sûreté du Québec l'an passé.

Est-ce que c'est un ministre responsable, ça? Est-ce que c'est un gouvernement qui a à coeur la protection de ses citoyens dans leur quotidien? Est-ce que c'est un gouvernement qui, plutôt que de penser à ce qui va se passer dans 15 ans, puis dans 20 ans avec son discours fantaisiste, à l'occasion, sur le nirvana de la souveraineté du Québec... Est-ce que c'est un gouvernement responsable, ça, M. le Président, dans une période aussi cruciale pour la sécurité des citoyens compresser de 17 000 000 $ la Sûreté du Québec? La conclusion est simple à tirer et d'autres que moi l'ont dit que c'était irresponsable.

(11 h 10)

Carcajou. Oui, la mise en place de Carcajou Montréal je pense que ça a été une bonne décision. On l'avait dit à l'époque. Pourquoi – et je l'ai reproché au ministre de la Sécurité publique – ne pas avoir procédé de la même façon à Québec? Pourquoi ne pas avoir donné à Carcajou Québec, toutes proportions gardées, compte tenu de la population à protéger, en nombre, qui est moindre qu'à Montréal, le territoire est moins vaste, les mêmes effectifs à Carcajou Québec qu'à Carcajou Montréal? Je n'ai jamais eu de réponse. Plus que ça, je me souviens, M. le Président, il y a plus ou moins un mois et demi, d'avoir questionné le ministre ici, à l'Assemblée, ses collègues en ont été témoins, une question très simple: Combien il y a d'effectifs dans Carcajou Québec? Le ministre ne le savait pas. Et on était, à ce moment-là, en plein coeur de la bataille, de la guerre des gangs des motards criminalisés. Le ministre en avait été incapable. Il me semble que ça aurait dû être, à ce moment-là – encore aujourd'hui, mais surtout à ce moment-là – le dossier le plus important pour lui, prioritaire pour lui, M. le Président. Il ne savait pas combien il y avait de policiers à Carcajou. Carcajou Québec n'a pas été épaulée comme Carcajou Montréal.

La solution, M. le Président – et, moi, je continue à dire ce que j'avais dit à l'époque, je le dis encore, appuyé dans ce sens-là par des experts en la matière, M. Sangollo, que connaît le ministre, qui est un expert quant à la répression du crime organisé – le directeur adjoint de la police de la CUM, Pierre Sangollo, M. le Président, le disait – ça, c'était le 13 du mois de mars 1997 – commentant la guerre des gangs de motards criminalisés: «Il faut d'abord renforcer Carcajou.» Ce n'est pas l'opposition, M. le Président, avec une analyse, évidemment, pas aussi solide et précise qu'un expert comme M. Sangollo, qui disait ça; c'est lui, là, M. Sangollo. Le ministre avait pris cette opinion, cet avis avec un grain de sel. Ça m'a toujours, M. le Président, surpris que le ministre ne réalise pas qu'il fallait, rapidement... Lorsqu'il disait aux maires, quelque part en mars: On verra à l'automne, pourquoi, à ce moment-là, ne pas avoir posé des gestes concrets sur Carcajou Québec?

M. le Président, quand le ministre a adopté sa loi n° 77 qui vise essentiellement, d'abord, à amener les citoyens du Québec qui ont la protection de la Sûreté du Québec à payer du simple au double... Ce qui coûtait, avant la loi n° 77, 0,10 $ du 100 $ d'évaluation coûte maintenant 0,18 $ du 100 $, de sorte qu'un citoyen qui demeure dans une petite municipalité de 1 200, 1 300 personnes, comme plusieurs députés ici, M. le Président, en ont dans leur comté respectif, ce citoyen qui payait 50 $ pour la protection de la Sûreté du Québec dans son village, dans sa petite municipalité, depuis l'adoption de la loi n° 77, qui est sous la responsabilité du ministre actuel, le député de Mercier, paie maintenant, ce citoyen-là, 90 $.

C'est ça, la loi n° 77; essentiellement, c'est une loi qui permet au gouvernement du Québec, à son ministre de la Sécurité publique d'aller chercher plus ou moins 40 000 000 $ de plus que ce qui était imposé avant. C'est ça, le 100 000 000 $, M. le Président. Maintenant, les citoyens du Québec, partout, à la grandeur du Québec, paient environ 100 000 000 $ sur 200 000 000 $ que coûtent, M. le Président, les services de la Sûreté du Québec quant à la patrouille, les services de base, là. Je ne parle pas des enquêteurs en matière de crimes graves, ce n'est pas de ça qu'on parle. 100 000 000 $ sur 200 000 000 $. Les citoyens du Québec, partout, sur tout le territoire du Québec – évidemment, là, on ne parle pas de Montréal, on ne parle pas de Québec – paient 50 % des coûts de la patrouille de la Sûreté du Québec.

Le ministre de la Sécurité publique, à l'occasion de l'adoption de la loi n° 77, envoyait le message suivant aux élus municipaux: Regroupez vos forces de police municipale. Si ça a du bon sens, si ça a du sens, si ça rencontre, M. le Président, des critères que le ministre avait déterminés à ce moment-là, moi, comme ministre, je donnerai le feu vert et, plutôt que d'avoir la protection de la Sûreté du Québec dans votre petite municipalité de 1 200 personnes, vous aurez la protection de la sûreté municipale de la municipalité voisine, plus grosse, qui a déjà son corps de police. M. le Président, moi, j'avais dit à l'époque, à quelque part en novembre, décembre, parce que le projet de loi a été déposé le 14 novembre 1996, j'avais dit au ministre de la Sécurité publique: Vous êtes, M. le ministre, en conflit d'intérêts. Vous êtes le ministre de la Sûreté du Québec, vous avez intérêt, comme membre du gouvernement, à ce qu'il y ait le plus grand territoire possible au Québec couvert par la Sûreté du Québec parce que, à chaque citoyen que vous protégez partout au Québec, ça vous donnera 0,90 $ du 100 $ d'évaluation sur la propriété foncière de ce citoyen-là.

Si ce n'est pas la Sûreté du Québec, ça sera la protection d'une sûreté municipale. Pas un sou dans les coffres de l'État, du gouvernement du Québec. C'est ça, le conflit d'intérêts. Et le ministre s'est gardé, il a prévu dans sa loi n° 77 qu'il était, lui, le seul à arbitrer. Il n'y a pas d'appel possible, là. Je comprends, c'est le pouvoir politique qui décide, c'est le ministre qui décide, en vertu de la loi n° 77, si les regroupements des corps de police municipaux seront acceptés ou pas, de sorte que, sur 29 projets de regroupement déposés depuis le dépôt de la loi en novembre, sur 29, 26 regroupements de corps de police municipaux ont été refusés.

C'est ça, le conflit d'intérêts, M. le Président. Chaque fois que le ministre accepte un regroupement, c'est moins d'argent pour sa Sûreté du Québec. Ce n'est pas facile, là. Ce n'est pas facile de rester objectif. Alors, il en a refusé 23 sur 29. Il y en a à peine six qui ont été acceptés, et le ministre sait à quel point la présidente de l'UMRCQ, Mme Simard, a été sévère à son égard pour ce volet-là de sa démarche.

Je me souviens, lorsque le ministre avait déposé la loi n° 77, Mme Simard avait dit des choses pas trop catholiques que je ne peux même pas répéter ici, à l'Assemblée, M. le Président. Et, quand elle a réalisé, avec d'autres de ses collègues, que les regroupements étaient systématiquement refusés, Mme Simard a reproché au gouvernement de les avoir induits en erreur, de leur avoir fait faire plein de choses, sachant à l'avance que ce serait inutile, d'avoir amené, M. le Président, l'ensemble des municipalités au Québec, des MRC, à dépenser plus ou moins 300 000 $ pour des études que le ministre avait décidé à l'avance de refuser.

M. le Président, un autre volet, un autre volet extrêmement préoccupant des responsabilités du ministre de la Sécurité publique qui ne sont pas bien remplies. Le ministre, à plusieurs reprises, sur des questions que je lui ai posées, sur des questions que d'autres députés lui ont posées, a banalisé la situation, a banalisé le problème, et je parle évidemment des libertés illégales.

M. le Président, lorsqu'on parle, avec le projet de loi n° 125, lorsqu'on veut, avec ce projet de loi là, améliorer la sécurité des citoyens en regard d'un problème très spécifique, la guerre des motards criminalisés, tout ce qui se passe avant, les accusations, ça, c'est la police qui fait enquête. Les accusations comme telles, ça veut dire avoir des procureurs, des substituts du Procureur général, des procureurs de la couronne en nombre suffisant et compétents, et, après, les incarcérations de ces criminels-là. Tout ça est important et ça suit évidemment un cheminement extrêmement logique. C'est ça, le système judiciaire; c'est ça, la protection du public; c'est ça, avoir à coeur, en tout temps et sous toutes ses facettes, la protection des citoyens.

(11 h 20)

Avant que je l'oublie, M. le Président, je dis tout de suite au ministre de la Sécurité publique qu'il devrait intervenir auprès du Procureur général face à la pénurie de substituts un petit peu partout au Québec, particulièrement dans les grands centres, à Montréal puis à Québec. Puis le ministre le sait, ça. Le ministre de la Sécurité publique le sait que le ministre de la Justice et Procureur général a négligé ses devoirs dans ce sens-là. Ça lui a été reproché à plusieurs reprises avec preuves à l'appui par le député de Chomedey qu'il y a un manque flagrant, criant, inquiétant de procureurs à Montréal et à Québec particulièrement, puis aussi en région, aussi en région. Et on le sait, des policiers l'on dit très clairement, lorsqu'on a à faire face aux gangs de motards criminalisés puis qu'on manque de procureurs pour soutenir nos preuves devant les tribunaux, bien, c'est décourageant, c'est démotivant puis c'est de toute évidence une justice qui n'est pas bien rendue parce que les procureurs sont en nombre insuffisant. Et ça, le ministre de la Sécurité publique le sait. Puis je lui demande, si ce n'est pas fait, d'intervenir auprès du Procureur général, d'intervenir auprès de son collègue, le ministre de la Justice, pour que les policiers sentent que le travail qu'ils ont fait n'est pas inutile, que le travail d'enquête qu'ils ont fait aboutit à des résultats qu'ils souhaitent lorsqu'ils sont convaincus que les accusés qu'on amène devant les tribunaux sont coupables. Un policier qui a bien fait son travail, qui réalise que le procureur de la couronne qui soutient la preuve que lui a recueillie est débordé de travail ou manque d'expérience, vous ne pouvez pas demander à ce policier-là d'avoir la même ardeur au travail le lendemain.

Ça, je le demande au ministre de la Sécurité publique. Ça fait partie de sa fonction, ça fait partie de ses responsabilités lorsqu'on dit qu'il a à prévenir le crime. Prévenir le crime, ça veut dire le combattre devant le tribunal, le combattre avec des armes au moins égales à ceux ou à celles à qui ils font face.

M. le Président, les criminels, là, qui font partie de gangs, que ce soit le crime organisé classique ou les motards qui font partie de gangs criminalisés, eux autres, ils sont bien équipés en avocats de défense. Ça, le ministre le sait. Je demande au ministre de faire des interventions auprès du Procureur général pour que celui-ci comprenne que, s'il y a un manque de procureurs ou des procureurs insuffisamment préparés ou manquant d'expérience, ça casse tout le cheminement.

L'autre aspect des responsabilités du ministre de la Sécurité publique qu'il a carrément négligé, et, dans ce sens-là, lui, il a épaulé aveuglément, il a épousé aveuglément la vision confuse de son prédécesseur, député de Laval-des-Rapides, je parle, M. le Président, des centres de détention. On a fait le virage carcéral en mettant la charrue avant les boeufs. Avant de fermer cinq centres de détention en éliminant de ce fait plus ou moins 300 places, on est revenu avec un 50 places additionnelles dans différents centres de détention. Plutôt que de mettre en place des mesures alternatives et de fermer après, on a fait l'inverse. On a procédé à la fermeture de cinq centres de détention sans – là, je parle au ministre de la Sécurité publique – se demander s'il remplissait son devoir.

C'est pour ça que je lui disais tout à l'heure, en début d'intervention, qu'il devrait lire à toutes les semaines l'article 8 de la loi sur la Sécurité publique: «Le ministre a la responsabilité de la répression de la criminalité et de l'incarcération des détenus.» C'est lui qui a cette responsabilité-là, pas la ministre de la Culture, pas le ministre de l'Environnement. M. le Président, l'incarcération des prévenus, c'est la responsabilité du ministre de la Sécurité publique. Preuve lui a été faite ici, à l'Assemblée nationale, je l'ai fait, d'autres députés l'on fait, qu'il y avait de la liberté illégale, de la liberté illégale, soit lorsqu'on libère de façon temporaire des prisonniers et, pire, lorsqu'on libère de façon définitive des prisonniers. M. le Président, au Québec, présentement, dans les rues de la ville de Québec, de la ville de Montréal, de plein de municipalités au Québec, il y a des gens qui sont en liberté illégale: soit pour toujours, liberté définitive, libération définitive, soit pour des congés de fin de semaine illégaux.

Puis, quand on disait ça, nous autres, le ministre nous regardait, du côté de l'opposition, puis il sourcillait à peine. Ça ne le dérangeait pas, lui qui a la responsabilité en vertu de la Loi de la sécurité publique, particulièrement de l'article 8, de s'assurer que ceux qui sont en prison le restent tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas purgé leur peine en tenant compte des critères de la loi, M. le Président. Et c'est son directeur du Centre de détention de Québec qui disait, M. le Président, le 10 février dernier: «La population devra être plus tolérante. On est rendu au stade où il faut sortir des gens dont on sait qu'ils n'ont pas abandonné leur intention de récidive, ou celle de poursuivre leur carrière criminelle.» M. Pelletier continuait, M. le Président, en disant ceci: «Je dois prendre tellement de décisions sur des libérations prématurées que je crains d'en prendre une mauvaise.» Prématuré, ça veut dire, M. le Président: Je les libère, mais, en regard des critères de la loi, je n'ai pas le droit de les libérer. Mais les prisons débordent.

Surpopulation carcérale, M. le Président. Pas pour des infractions au Code de la sécurité routière! J'ai entendu le ministre, moi, sur différentes tribunes, dire: Ce n'est pas grave, mesdames et messieurs qui m'écoutez, c'est pour des bagatelles. Savez-vous, M. le Président, de quels genres de crimes on parle? Voies de fait, violence de toutes sortes, offenses contre les biens – ça, c'est les crimes contre la personnes, M. le Président – des vols, des vols avec violence. C'est de ça qu'on parle, M. le Président; pas d'infractions au Code de la sécurité routière!

«Entre sortir quelqu'un qui a encore six semaines à faire et ne pas prendre celui qui vient d'écoper d'un an, je dois choisir la première solution.» C'est grave, ça, M. le Président! Le directeur du Centre d'incarcération de Québec dit ceci, si on comprend bien le message qu'il envoie, là: Le ministre de la Sécurité publique et son gouvernement m'oblige à poser des gestes illégaux. C'est ça qu'il dit, M. Pelletier. Il en a mangé toute une, M. Pelletier. Il n'a jamais, jamais rouvert la bouche, M. le Président. On l'a bâillonné. On lui a dit: Plus jamais! Ne parlez plus! Devoir de réserve. Est-ce que c'est le ministre lui-même ou par personne interposée? Je ne sais pas, M. le Président. Une chose qui est certaine, jamais plus M. Pelletier n'a osé dire quoi que ce soit; il est disparu dans le décor.

Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une dizaine de minutes. Je vais vous donner ça de façon précise bientôt.

M. Lefebvre: Oui. J'entends les collègues qui disent: Trop! Je les comprends. Ils doivent être tannés de se faire marteler de même, M. le Président. Ah! Moi, je fais ça de façon bien délicate. Je rappelle des faits. Puis tout à l'heure, M. le Président, mes collègues d'en face vont avoir l'occasion de s'exprimer, j'espère. Si ce que j'ai dit est faux, qu'on me contredise. Si ce que M. Pelletier dit est faux, qu'on le contredise, M. le Président. Je mets au défi tous les députés de cette Chambre qui sont en face de nous, là.

Je vois Mme la députée de Rimouski, là. Mme la députée de Rimouski qui a des choses à dire. Alors, tout à l'heure – moi, dans 15 minutes ou à peu près, j'ai fini mon intervention – elle me contredira, M. le Président, sur les libertés illégales, sur les budgets de la Sûreté du Québec diminués de 17 000 000 $, sur Carcajou, M. le Président, dont le ministre ne connaissait pas les effectifs à la mi-mars. La députée de Rimouski que j'entends babouner, si elle a des choses à dire, M. le Président – parce qu'elle réplique, là, puis elle n'a pas le droit de parole – elle se lèvera tout à l'heure, elle me contredira.

(11 h 30)

Moi, si on me fait la preuve que je me trompe, M. le Président, je vais m'excuser auprès du ministre. Mais, vous savez, le 12 mai, c'est la semaine dernière, ça – on parle toujours des libertés illégales – on lisait ceci: Prisons surpeuplées . «Le juge André Bilodeau a sursauté, hier, en apprenant que M. Christian Dion, 25 ans, de Vanier – c'est public, M. le Président – était libre comme l'air depuis le 25 avril, après avoir été condamné à 15 mois de prison le 7 mars.»

Le ministre me disait toujours: Donnez-moi un cas particulier. Je lui en donne un, là. M. Dion, qui, dans le jargon administratif, se trouvait en absence temporaire, n'a purgé que sept semaines sur 11 semaines, M. le Président. C'est ça, de la liberté illégale. Alors, Mme la députée de Rimouski, je l'invite tout à l'heure à me contredire là-dessus.

Le ministre nous a demandé des cas précis; j'en ai un. C'est public, dénoncé. Le juge, savez-vous comment il l'a constaté, M. le Président? Ce monsieur-là revenait devant lui pour avoir une extension sur une autre infraction. Là, on parle de trafic de stupéfiants, M. le Président. Le ministre me regarde et, je ne sais pas, ça ne le dérange pas. Ça ne le dérange pas, la liberté illégale pour trafic de stupéfiants, M. le Président. Il récidive, ça ne le dérange pas, lui qui a la responsabilité d'incarcérer les criminels.

Moi, M. le Président, je trouve ça préoccupant, pas mal. Pour aborder 125, parce que tout ce que je viens de dire, M. le Président, c'est pour arriver à évaluer rapidement avec le ministre le projet de loi n° 125. Je l'ai dit tout à l'heure en introduction, on aura l'occasion de le discuter en commission parlementaire. Il a fallu que le fédéral intervienne pour amener le ministre à bouger de son bord. Alors, le fédéral, M. le Président... Le ministre a passé rapidement tout à l'heure sur les modifications. Et je pense que le ministre de la Justice fédéral a agi de façon sage dans ce dossier-là de la gang des motards criminalisés. Alors, on a créé des nouvelles infractions. On donne des pouvoirs additionnels, M. le Président, en matière d'écoute électronique, aux forces policières. On resserre les infractions en matière d'explosifs. On va dans ce sens-là, nous autres aussi, du côté du gouvernement du Québec. M. le Président, le gouvernement fédéral a fait son travail.

Est-ce que le projet de loi n° 125 répond à la situation? Le ministre en a parlé tout à l'heure. Moi, je l'invite tout de suite à noter, si ça l'intéresse, les points qui nous inquiètent, du côté de l'opposition officielle.

Est-ce que la Régie des alcools, M. le Président, est apte, capable d'accepter ses nouvelles responsabilités, compte tenu... Et le ministre le sait, j'ai questionné M. Ghislain K.-Laflamme, qui est un fonctionnaire de carrière très respectable: Est-ce que vous avez tous les effectifs et les budgets que vous souhaiteriez avoir, M. Laflamme? M. Laflamme, d'une façon très diplomate, a dit: Vous savez, on en prendrait évidemment plus, si c'était possible. Est-ce que le ministre est certain que la Régie est capable d'exercer les nouvelles responsabilités que lui confiera le projet de loi n° 125?

Est-ce que les municipalités, M. le Président, sont capables également – on parle de petites municipalités – sont organisées, compte tenu de ce qui se passe, là, avec l'agression pas à peu près du ministre des Affaires municipales à l'égard des petites municipalités? Dans certains cas, une municipalité qui a un employé ou deux, un employé et demi, M. le Président, on veut diminuer encore plus les effectifs, parce qu'on a dompé sur la tête des municipalités 500 000 000 $ – 125 000 000 $ cette année – jusqu'à la fin des temps, et on dit aux municipalités: Prenez ça dans la masse salariale. Est-ce que les municipalités seront capables de gérer les nouveaux pouvoirs que le ministre veut leur donner avec 125? Et les explosifs, ça, M. le Président, c'est technique, les questions que j'aurai à proposer au ministre en temps et lieu.

J'ai dit tout à l'heure qu'il y a des questions du côté de l'opposition, M. le Président, quant au volet juridique de certaines dispositions. L'article 2 renverse la présomption d'innocence. Ça, M. le Président, là, c'est gros, comme questionnement. La présomption d'innocence, c'est fondamental dans notre système de droit criminel. Avec l'introduction... Et ça, on aura l'occasion d'en reparler. Je manque de temps, M. le Président, je ne peux pas donner lecture de l'article. À l'article 2 du projet de loi n° 125, lorsqu'on modifie 348 de la Loi sur les cités et villes, on va renverser. Là, ça sera une présomption de culpabilité plutôt que la présomption d'innocence. Alors, c'est – je le disais tout à l'heure: en matière de droit civil, on parle de bonne foi qui est présumée; en matière de droit criminel, on parle de la présomption d'innocence. On renverse ça.

Moi, M. le Président, là, je comprends – je comprends – l'urgence de la situation, la gravité de la situation. Mais, juridiquement, et strictement au niveau juridique, M. le Président, je dis: Attention! Attention! Il faudra échanger là-dessus en commission parlementaire.

Le fardeau de la preuve, pour l'obtention d'un permis d'alcool, est renversé également. C'est le requérant qui va avoir le fardeau de la preuve. L'article 24 du projet de loi: on crée la présomption que le financement du requérant est illégal. Il aura, lui... Oui, oui, oui. Il aura, lui, à démontrer que son financement est correct et légal. C'est ça, un renversement.

Avant l'adoption du projet de loi n° 125, si, demain matin, vous vous présentez à la Régie, M. le Président, vous pourrez obtenir un permis. Vous n'avez pas à démontrer la légalité de votre financement. Vous êtes présumé – vous êtes présumé, M. le Président – avoir du financement légal. Là, on renverse ça. Réflexe d'avocat, moi, je dis: Attention! Est-ce que l'urgence, la gravité de la situation justifient de tels renversements de principes? Le principe sacré, là, audi alteram partem, bien, ça disparaît, ça aussi, M. le Président, puis le ministre l'a dit tout à l'heure. On va agir, puis après ça le requérant attaqué par une décision pourra se faire entendre.

Présenter des observations, un autre questionnement du côté de l'opposition. Bien, évidemment, c'est la conséquence de la loi n° 130 du ministre de la Justice. On ne se fait plus entendre, maintenant, devant les tribunaux qui sont des tribunaux quasi judiciaires. On présente des observations. Alors, ça, c'est une attaque que tous les parlementaires du côté de l'opposition ont dénoncée. Se faire entendre, c'est fondamental. C'est beaucoup plus protecteur pour le citoyen devant l'immense machine qu'est le gouvernement, à tous points de vue. Peu importe, M. le Président, dans quel secteur d'activité on se retrouve, se faire entendre, c'est beaucoup plus protecteur, sain, également, pour la démocratie et les droits des citoyens que de présenter des observations. Ça, le ministre le sait, j'en suis convaincu, M. le Président. Il a eu connaissance des débats qu'on a faits, à la commission des institutions, à l'occasion de l'adoption de la loi n° 130, qui était sous la responsabilité du ministre de la Justice, sur la justice administrative.

Je conclus, M. le Président, en disant au ministre de la Sécurité publique: On agit, du côté de l'opposition, et on agira, dans ce projet de loi là, de façon responsable. Agir de façon responsable, M. le Président, c'est de collaborer avec le gouvernement du Québec, qui propose quelque chose qui va, on le pense, améliorer la situation, qui va donner plus de pouvoirs aux municipalités – avec la réserve à laquelle j'ai fait référence tout à l'heure: encore faut-il que les municipalités puissent exercer ces pouvoirs-là – qui va donner des pouvoirs additionnels également à la Régie des alcools – encore faut-il que la Régie puisse exercer ces pouvoirs-là.

Mais, sur l'essentiel, on ne peut pas, M. le Président, être contre la vertu. On ne peut pas, du côté de l'opposition, refuser de collaborer. Je conclus en disant: M. le ministre aura à répondre à plusieurs questions, surtout d'ordre technique, M. le Président. Je ne referai pas, moi, en commission parlementaire, là, le préambule qui a duré 40 minutes, là, à chaque jour de nos débats en commission parlementaire. Mais je lui dis tout de suite, je l'invite à bien saisir la portée de certaines dispositions, la portée d'ordre juridique, là, de certaines dispositions de son projet de loi n° 125, et, en commission parlementaire, M. le Président, c'est bien évident qu'on va le questionner là-dessus. Merci, M. le Président.

(11 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. Je vais maintenant céder la parole, s'il n'y a pas d'autres intervenants, à M. le ministre de la Sécurité publique pour un droit de réplique d'une durée de...

Alors, nous allons reporter la réplique. Oui, vous voulez intervenir, M. le député d'Abitibi-Est? M. le député, je vous cède la parole.


M. André Pelletier

M. Pelletier: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, est un projet de loi, bien sûr, sérieux. C'est un projet de loi qui vise la sécurité du public et qui vise aussi la tranquillité des citoyens. Donc, dans son ensemble, c'est un projet de loi nécessaire, qui est demandé, qui est attendu. Et le sérieux de ce projet de loi contraste avec certaines remarques que j'ai entendues du député de Frontenac, certaines remarques qui étaient des commentaires qui m'ont surpris, entre autres un peu par la légèreté qui contrastait avec le sérieux de ce projet de loi là.

Entre autres, lorsqu'on a fait évaluer... C'était l'intervention du ministre à la fin de son exposé de ce matin, lorsque le ministre mentionnait le travail du Bloc dans le dossier, en référence avec la responsabilité du fédéral en tout ce qui concerne les lois régissant les activités criminelles au pays. Il était mentionné que le Bloc a fait des interventions en collaboration avec le gouvernement du Québec pour faire en sorte que le fédéral remplisse ses obligations en vertu des lois dont il est responsable.

Le fédéral, on le sait, est le premier responsable des activités et des lois dans le domaine criminel. Et, dans ce domaine des motards criminalisés, ça fait longtemps que la responsabilité du fédéral devait être appliquée. Il aura fallu des bombes, il aura fallu des décès, il aura fallu toutes sortes d'activités avant que le fédéral ne bouge. Il aura fallu que le Bloc et le gouvernement du Québec, à plusieurs reprises, interviennent pour que le premier responsable des activités criminelles prenne ses responsabilités.

Nos collègues d'en face n'ont pas, jusqu'à ce jour, été très bruyants à parler à leur succursale principale à Ottawa pour que cette succursale principale, leur bureau-chef, vienne au secours des activités qui contrevenaient à la loi ici, au Québec, principalement à Montréal et à la ville de Québec. Il a fallu des incidents malheureux. Une chance qu'on avait des gens qui défendaient le Québec au Parlement d'Ottawa! Il a fallu l'intervention principalement de nos collègues du Bloc pour enfin faire bouger le ministre fédéral, M. Rock, dans ce dossier-là.

La responsabilité au niveau du gouvernement du Québec est principalement au niveau des lois municipales. Ces lois municipales ont un sens à partir du moment où le gouvernement fédéral, qui a la responsabilité criminelle, agit, et à ce moment-là le gouvernement du Québec peut compléter par l'aménagement ou le renforcement des lois municipales existantes, entre autres en matière de construction et en matière de tranquillité des citoyens et de sécurité publique.

C'est ce que le projet de loi n° 125 vient faire: il vient renforcer certaines lois existantes. Je pense en particulier aux lois sur l'aménagement et l'urbanisme et aux règlements de ces lois concernant la construction. Les municipalités possèdent déjà le pouvoir de prescrire par règlement les matériaux à employer dans une construction et même la façon d'employer ces matériaux, la façon de les assembler, la façon de faire la construction. Les municipalités possèdent déjà la capacité de faire ces règlements pour le moment de la construction, sauf qu'elles ne possèdent pas actuellement les pouvoirs et l'application des règlements pour des constructions existantes, malheureusement souvent des constructions qui ont été exécutées sans permis.

Et le plus bel exemple, c'est que, dans le domaine des motards criminalisés, on a, dans des quartiers résidentiels – c'est là que l'exemple est le plus frappant – des constructions qui sont faites comme des fortifications, des résidences fortifiées. Ça n'existe pas dans notre code du bâtiment actuel, des résidences fortifiées comme on a pu le voir au cours de la dernière année à plusieurs reprises, des vraies fortifications de militaires. Donc, c'est des situations qui existent. La plupart du temps, ça a été des constructions faites sans permis, et les municipalités actuellement n'ont pas le pouvoir, sur ce genre de constructions existantes, d'agir. C'est ce que vient corriger le projet de loi n° 125.

Le projet de loi n° 125 propose que les municipalités puissent exiger que les constructions comportant des éléments de fortification ou de protection qui ne sont pas justifiés à l'égard des activités, entre autres, d'un quartier résidentiel... Ce projet de loi n° 125 va donc permettre aux municipalités de commander la modification de ces constructions qui ne sont pas conformes. Il est prévu dans le projet de loi un délai de six mois pour exécuter ou faire les travaux de correction. Et le projet de loi va donner la capacité légale aux municipalités d'agir à la place des contrevenants, si les constructions ne sont pas modifiées, ne sont pas corrigées après le délai de six mois.

Donc, en vertu de l'article 227 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, le Procureur général, la municipalité régionale de comté, les municipalités pourront alors présenter une requête en Cour supérieure pour faire ordonner la cessation des travaux, l'utilisation de la construction, si la construction est incompatible. La cour pourra également ordonner l'exécution de travaux requis aux frais du propriétaire de la construction qui ne sera pas conforme. Les travaux qui pourront être exécutés sur instructions de la Cour pourront être d'ordre à rendre l'habitation ou la structure ou le bâtiment conforme aux lois. Même si la construction existe aujourd'hui, les municipalités pourront faire les corrections nécessaires.

Les municipalités aussi auront un recours plus large en ce qui concerne les permis, quant à l'exercice de certains permis. Tout commerce ou toute activité qui ne respecterait pas l'exercice du permis qui aura été émis par la municipalité... Cette municipalité pourra, lorsque l'exercice s'adresse spécifiquement à la sécurité publique, spécifiquement à la tranquillité des citoyens, agir et retirer ce permis. Le projet de loi n° 125 donnera le pouvoir aux municipalités de retirer des permis dont l'usage n'est pas conforme ou dont l'usage met en danger la sécurité du public.

Les municipalités auront donc ces pouvoirs d'interdire même l'accès après avoir arrêté l'activité dans un commerce. Les municipalités pourront interdire l'activité mais aussi empêcher l'accès à cette propriété de tout individu et même du propriétaire qui pourra voir son activité et l'accès à l'établissement arrêtés, cessés aussi longtemps que le respect du permis n'aura pas été constaté. Et ça, il y aura un délai. L'activité qui n'est pas respectée pourra être arrêtée, annulée pour une période allant jusqu'à 12 mois afin que l'ensemble des activités permises par l'émission qui en aura été faite par les municipalités pourront être jugées satisfaisantes par les autorités compétentes.

(11 h 50)

Il y a aussi, enfin, un dernier aspect du projet de loi n° 125 et c'est l'activité de construction sans permis. Malheureusement, la plupart de tous les problèmes qui peuvent exister ou qui ont pu exister, dans le cas des motards criminalisés, à bien des égards, c'était toujours à partir de constructions exécutées sans permis. Et, au cas où cette situation pourrait se reproduire, le projet de loi n° 125 va faire en sorte que toute construction sans permis pourra permettre au conseil municipal, pourra permettre aux municipalités régionales de comté, sans aucun recours judiciaire... La loi va donner l'autorité d'interdire l'accès à tout établissement pour une période de 60 jours.

Toutes les fois qu'il y aura une construction ou une activité qui sera réalisée alors qu'aucun permis n'aura été délivré pour cette activité-là, la municipalité pourra, sans recours judiciaire, intervenir afin d'empêcher l'accès ou l'activité à cette construction pour une période d'au moins 60 jours. Dans les deux cas, l'interdiction d'accès pourrait être levée lorsque, de l'avis du conseil, un changement d'activité le justifie ou si un permis est accordé selon les règles, selon le permis de construction ou les règles d'activité régissant un tel permis.

M. le Président, en terminant, j'aimerais tout simplement... Tantôt, j'ai mentionné que le fédéral avait une responsabilité dans ce genre de problèmes, et ça nous amène à voir que ces problèmes sont accentués par la dualité de lois sur le même territoire ou de gouvernements. Je pense que ce projet de loi, qui vise à régler des problèmes qui ont été issus, entre autres, des activités criminelles, de certaines activités de motards, nous montre une autre fois, une fois supplémentaire, l'inefficacité du gouvernement fédéral dans ses responsabilités, dans ses propres responsabilités qu'il n'assume pas. Ça rend l'opération de sécurité et de protection des citoyens du gouvernement du Québec difficile.

Ça a pris plus d'une année à amener le gouvernement fédéral, avec l'aide du Bloc à Ottawa, avec l'aide des municipalités, avec l'aide aussi de démonstrations de citoyens qui disaient au gouvernement fédéral qu'il fallait faire quelque chose... Il faut toujours être vigilants, non seulement être vigilants, mais les délais que la dualité de gouvernements amène font en sorte qu'on se retrouve dans des difficultés administratives comme on a connues dans le dossier des motards. Et c'est toujours la même chose. Il y a toujours plusieurs niveaux d'intervention au niveau sécurité, au niveau de la sécurité policière, et je pense qu'on a là un autre exemple de l'inefficacité du système fédéral, qui fait en sorte qu'on n'a pas, en tant que Québec, tous les moyens de régler les problèmes sur notre territoire.

J'espère, M. le Président, que ce projet de loi permettra, dans les limites des responsabilités du Québec, d'améliorer, de renforcer les règlements des municipalités. Ce projet de loi vise le renforcement de notre capacité actuelle, en vertu des lois actuelles, de légiférer. C'est malheureux qu'on ait dû attendre tous ces délais parce que le gouvernement fédéral ne bougeait pas, heureux de la défense des intérêts du Québec qui a toujours été là par les autorités du gouvernement du Québec, par son ministre de la Sécurité publique et avec l'aide qu'on a reçue du Bloc à Ottawa. M. le Président, je vous remercie beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Abitibi-Est. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je vais au moins pouvoir commencer mon intervention, même si je n'aurai pas le temps de la terminer, certainement pour reprendre les propos qui viennent d'être dits par notre collègue d'en face. D'abord, pour vous dire ceci sur le principe du projet de loi, qui répond à des inquiétudes très profondes: Je pense qu'il est important qu'on puisse agir.

Je suis étonné, du côté ministériel, qu'on profite de cette situation pour jouer la petite guéguerre et la propagande, pour entendre le collègue d'en face nous dire qu'il ne comprend absolument rien à la répartition des pouvoirs. Là, je suis en train de comprendre pourquoi, lui, il a décidé d'être souverainiste, c'est parce qu'il ne comprend pas quels sont les pouvoirs qui existent déjà à Québec. C'est étonnant de voir que le ministre de la Sécurité publique ne sait pas que la loi qui lui donne ses pouvoirs et ses mandats lui dit, entre autres, qu'il est responsable de la sécurité publique. Ce n'est pas à Ottawa, M. le Président, c'est ici. Et ce n'est pas à 50 mi, à 25 mi du député, c'est à près de 20 pi du député qu'il est, le responsable. Il est là, à Québec. Il a le mandat de s'occuper de la sécurité publique.

Il y a une autre compétence que le Québec a, M. le Président, qui s'appelle l'administration de la justice. On l'a vu dans d'autres cas, que le gouvernement du Parti québécois n'a pas le courage de prendre ses responsabilités dans de nombreux dossiers, notamment – et je regarde le ministre de la Sécurité publique – dans l'affaire des «combats extrêmes». On avait décidé de pelleter ça dans la cour du fédéral.

Et on entend encore ça, M. le Président. Je trouve ça inadmissible – inadmissible – qu'on essaie de faire encore de la vente, d'arracher des appuis à l'idée de l'indépendance du Québec sous de faux prétextes. Aller dire au monde que Québec n'a pas juridiction pour s'assurer qu'il y aura de la sécurité publique au Québec, bien, M. le Président, c'est ne pas dire la vérité. Parce que la vérité, c'est que le ministre de la Sécurité publique, il est là avec nous, et ça fait un an qu'il aurait pu agir et il n'a pas agi. Ce n'était pas à cause du fédéral qui fait ceci ou cela ou ne fait pas ceci ou cela. Il a le mandat de le faire.

Et qu'est-ce qu'il fait quand il agit dans le cadre de ses compétentes? Ça, le député ne l'a pas dit. Qu'est-ce qu'il fait? Il réduit les effectifs policiers. Son collègue de la Justice, responsable de l'administration de la justice, s'il n'avait pas ces compétences-là, il n'y aurait pas de ministre. Est-ce que le député est en train de nous dire que le ministre de la Sécurité publique et le ministre de la Justice vont démissionner cet après-midi? S'il faut le croire, ils n'ont pas de compétences. S'il faut le croire, Québec n'a pas de pouvoir. Ah! il en a et il s'est doté de ministres. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que les ministres prennent leurs responsabilités, qu'il y ait des effectifs assez nombreux pour s'assurer de l'application des lois.

Alors, vous me faites signe, M. le Président. Je pourrai reprendre, lorsque les travaux reprendront, pour revenir au coeur de ce principe et, peut-être, faire une ou deux leçons au député qui nous a précédé. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous débutons la séance d'aujourd'hui immédiatement par les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 224

Le Président: À l'article b du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 224, Loi concernant l'adoption de Rémi Julien. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport. M. le député de La Peltrie présente le projet de loi d'intérêt privé n° 224, Loi concernant l'adoption de Rémi Julien.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions et pour que le ministre de la Justice en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Alors, cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article c de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 245

Le Président: À l'article c du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 245, Loi concernant la Municipalité de Pintendre. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose ce rapport. M. le député de Lévis présente le projet de loi d'intérêt privé n° 245, Loi concernant la Municipalité de Pintendre.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article d de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 252

Le Président: À l'article d du feuilleton, j'ai reçu également le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 252, Loi concernant la Ville de Beauceville. Le directeur de la législation a constaté que des avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport. Alors, M. le député de Beauce-Nord présente le projet de loi d'intérêt privé n° 252, Loi concernant la Ville de Beauceville.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


Rapport annuel de la Régie du gaz naturel

M. Chevrette: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1996-1997 de la Régie du gaz naturel.


Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale

Le Président: Alors, ce document est déposé. Je dépose, de mon côté, les décisions nos 843 à 849 du Bureau de l'Assemblée nationale.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions aujourd'hui.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Saint-Jean.


Construire une école primaire à Saint-Luc, dans la circonscription de Saint-Jean

M. Paquin: Je dépose l'extrait d'une pétition à l'Assemblée nationale par 607 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de Saint-Luc, dans la circonscription de Saint-Jean.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant les prévisions démographiques déposées par la ministre de l'Éducation en date du 13 février 1996;

«Considérant la capacité d'accueil de nos écoles reconnue par le ministère de l'Éducation;

«Considérant les règles du ministère de l'Éducation régissant le dossier des ajouts d'espace;

«Considérant que le nombre de groupes d'élèves passera de 61, c'est-à-dire 1 526 élèves, en 1995-1996 à 78, c'est-à-dire 1 960 élèves, en 1996-1997;

«Considérant que les nouveaux élèves ne peuvent être absorbés ni dans les écoles de Saint-Luc, ni dans les écoles de Saint-Jean-sur-Richelieu;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«En conséquence, nous, citoyens de Saint-Luc, demandons à l'Assemblée nationale la construction immédiate d'une école primaire dans notre ville.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Jacques-Cartier.


Cesser toute action visant à réformer ou éliminer les garderies privées

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 1 000 pétitionnaires de différentes régions du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le législateur québécois croit en l'existence d'un réseau témoin, empêchant ainsi d'accorder un statut de monopole au secteur public;

«Considérant qu'il en coûte annuellement à l'État 141 $ par enfant, ou 10,6 %, dans une garderie privée et 1 191 $ par enfant, ou 89,4 %, dans une garderie sans but lucratif;

«Considérant le droit au libre choix des parents et au libre accès à nos enfants au secteur privé;

«Considérant les 20 000 familles utilisatrices du système des garderies privées au Québec;

«Considérant que le secteur des garderies privées est créateur de 4 000 emplois au Québec;

«Considérant la nécessité d'une réduction des dépenses dans les finances publiques;

(14 h 10)

«Considérant que le secteur privé occupe à lui seul 40 % du réseau actuel, donc plus de 400 garderies au Québec;

«Considérant que le réseau des garderies privées du Québec est un service public qui doit être rendu accessible à tous les citoyens;

«Considérant que le secteur privé est un partenaire de premier ordre dans le système d'éducation nationale et qu'il offre des services éducatifs de qualité à tous les enfants du Québec;

«Considérant que les droits en éducation appartiennent d'abord à la population et non à l'État;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, prions l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement afin qu'il cesse toute action entreprise dans le but de réformer et d'éliminer la présence des garderies privées du réseau actuel dans le milieu des services à la petite enfance.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas aujourd'hui d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le leader du gouvernement, au nom de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances, proposant l'adoption du projet de loi n° 134, Loi n° 4 sur les crédits 1997-1998.


Questions et réponses orales

Alors, nous abordons maintenant la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Implication du premier ministre dans la campagne électorale fédérale

M. Johnson: Lorsque le premier ministre s'était pointé à Shawinigan, dans le comté de Saint-Maurice, je pense, avec d'autres bloquistes, répondant par là, disait-il, à une invitation pressante, une obligation morale, à toutes fins pratiques, de respecter la parole qu'il aurait donnée à Gilles Duceppe, Yves Duhaime et autres porte-parole de la cause de la séparation du Québec, le premier ministre nous avait donné l'impression qu'il y allait quasiment à reculons, on se souvient de ça, et qu'il était bien obligé d'y aller, mais qu'il avait bien hâte d'être premier ministre à temps plein pour tous les Québécois.

Depuis quelque temps, on a peut-être pu apprécier les mérites du premier ministre comme gestionnaire de l'État: on a vu comment il a traité avec les syndicats du secteur public, on a vu comment il a traité avec les propriétaires de garderies, on a vu comment il a traité avec les parents, comment il a traité avec les professeurs.

Est-ce que le premier ministre, nous ayant démontré tous ses talents depuis deux semaines, a décidé que là il retournait à son naturel et que, depuis hier, il est retourné comme rhétoricien de la cause souverainiste avec les bloquistes, est-ce qu'il est retourné comme un des grands porte-parole qui s'ennuient de la Chambre des communes ou est-ce qu'il a l'intention, au lieu de se livrer, dans le fond, à des règlements de compte avec de ses anciens collègues de la Chambre des communes, de se comporter comme le premier ministre de tous les Québécois à plein temps?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition a entrepris une énumération de la bonne gestion gouvernementale. Il a oublié d'ajouter que, vendredi dernier, l'agence de cotation Standard & Poor's a maintenu la cote A+ du Québec, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: C'est une bonne nouvelle. Nous le prenons comme une bonne nouvelle, bien sûr, M. le Président. Je crois que c'est un geste de confiance qui est posé dans la rigueur dont le gouvernement fait preuve, dans l'esprit de solidarité que manifestent les Québécoises et les Québécois, notamment les gens du secteur public. Mais, en même temps, nous avons bien vu que la réserve négative est maintenue, c'est-à-dire qu'il faut continuer dans la même direction, que nous avons des engagements qui sont contractés, que nous devons les tenir, M. le Président.

Pour ce qui est des garderies privées, le chef de l'opposition aura peut-être noté que, vendredi, au sortir d'une séance de négociation avec la ministre de l'Éducation et responsable des politiques familiales, les partenaires des garderies privées ont salué les orientations du gouvernement comme s'inscrivant dans une bonne direction, M. le Président.

Pour ce qui est de la campagne électorale qui est en cours, je m'étonne un peu que le chef de l'opposition, chef du Parti libéral du Québec, n'intervienne pas pour marquer sa profonde réprobation des attaques sans précédent dont l'Assemblée nationale du Québec, dont il fait partie, est présentement l'objet de la part des grands candidats fédéralistes, M. le Président, des gens qui veulent mettre en doute la décision exclusive et la compétence exclusive de l'Assemblée nationale de formuler la question référendaire, des gens qui veulent contester le droit du peuple du Québec de disposer de lui-même. Je m'attendrais à ce qu'il y ait, du côté du Parti libéral du Québec, dans sa vieille et bonne tradition, un sursaut d'énergie et d'indignation.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire comment, lui, il contribue par ses incursions dans la campagne fédérale, à force de décibels, de règlements de comptes avec son ancien collègue Jean Charest, ou qui que ce soit qu'il a connu dans une existence antérieure à Ottawa, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire comment ça contribue, ça, à donner des ordinateurs dans les écoles, à assurer qu'il y a des dictionnaires dans les écoles, à faire en sorte de donner des services de santé qui ont du bon sens, ou est-ce que le premier ministre va finalement montrer un peu de sensibilité pour les travailleurs et travailleuses du secteur public, qui sont pris avec des vrais problèmes, ou s'il va continuer à les ignorer et à se consacrer à la campagne fédérale? Qu'est-ce qu'il attend pour faire sa job de premier ministre pour tout le monde?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: L'un des grands atouts de la société québécoise, M. le Président, c'est justement la qualité des gens qui font partie du secteur public et parapublic. Nous l'avons vu au cours de ce débat du printemps dernier alors que l'opposition, se livrant à la démagogie, lançant des appels au manque de solidarité, a tenté de décourager les gestes de générosité qui se posaient dans le milieu du secteur public. Ils n'ont pas écouté l'opposition, les gens ont pris des décisions syndicales, des décisions démocratiques à l'intérieur de leurs instances et ils ont signé un accord qui nous permet justement de maintenir la cote financière du Québec, de maintenir la confiance dans le gouvernement du Québec, dans l'État du Québec et qui vont nous permettre de relancer l'emploi et de recréer les conditions d'une relance de l'économie du Québec, M. le Président.

Deuxièmement, pour revenir à la campagne électorale fédérale, ma contribution...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je crois que cette campagne électorale fédérale est une campagne qui dépasse les cadres d'une élection normale. Nous voyons bien que l'enjeu fondamental est un enjeu de démocratie. L'enjeu fondamental, c'est le respect de la démocratie québécoise. L'enjeu fondamental, c'est la question: Est-ce que la démocratie québécoise a besoin du contrôle et de la surveillance du garde-chiourme fédéral pour être une démocratie respectable?

Est-ce que l'Assemblée nationale, celle-ci, M. le Président, institution démocratique fondamentale du Québec, est-ce qu'elle a les coudées franches pour rédiger la question? Et si le peuple du Québec vote au prochain référendum à 50 % plus une des voix, est-ce que c'est la démocratie qui parle? J'aimerais entendre le chef de l'opposition là-dessus, M. le Président, et s'il est d'accord avec le chef fédéral.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: C'est Jacques Parizeau qui a écrit la question puis c'est le premier ministre qui plaide; ce n'est pas évident, ce que ça donne comme résultat, ça, on le sait! On le sait après, on ne le sait pas avant. Il faut le dire avant aux Québécois, ce qu'on réserve à l'occasion d'un référendum, de quelque façon que ce soit. Il faut que le premier ministre, à l'occasion de cette campagne, nous indique comment il s'inscrit dans la campagne fédérale à l'avantage des Québécois qui n'ont pas d'emploi, à l'avantage des professeurs qui n'ont pas de moyens, à l'avantage des infirmières qui veulent donner des services aux malades.

Quand est-ce que le premier ministre va se comporter comme le premier ministre de tous les Québécois au lieu de se promener et de se prendre pour le nouveau sauveur du Bloc québécois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'est ma profonde conviction que tous les Québécois et toutes les Québécoises sont des démocrates. C'est ma profonde conviction que la première valeur du Québec, c'est la démocratie, le patrimoine démocratique, le respect de nos institutions, le respect de la volonté démocratiquement exprimée du peuple québécois.

Alors, M. le Président, j'ai une question à poser au chef de l'opposition: Est-ce qu'il croit, comme Jean Chrétien, qu'une majorité du peuple québécois qui s'exprime pour son avenir, ce n'est pas suffisant?

(14 h 20)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se rend au moins compte que ça fait deux douzaines de fois qu'on demande à lui et à son parti...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre se rend compte que ça fait 24 ou 25 fois que lui-même et son parti refusent de soutenir une motion bien banale qui demande au gouvernement, au lieu de se garrocher dans une prochaine campagne électorale et référendaire ou certainement de faire des élections fédérales, de respecter la démocratie, le résultat de 1995, et de travailler dans l'ensemble du Québec pour tous les Québécois, pour tous les services publics québécois, dans toutes les écoles, tous les hôpitaux? C'est ça qu'on demande au premier ministre, pas de se promener à Jonquière et de faire des grands-messes avec Gilles Duceppe et Yves Duhaime.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je pense que ça leur fait mal, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: Alors, en ce début de semaine, j'invite tout le monde à la patience, à la sérénité et au silence. Il y a deux députés qui ont la parole à ce moment-ci, c'est le chef de l'opposition officielle et le premier ministre. Maintenant, la parole est au premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, si le chef de l'opposition s'inquiète à ce point – je crois qu'il s'inquiète légitimement de l'emploi au Québec – il me semble qu'il devrait profiter de l'occasion pour sauter dans l'arène de cette campagne fédérale où nous avons l'occasion de dire combien néfaste et inacceptable est cette politique du gouvernement fédéral qui vient piger dans les cotisations des employeurs et des employés à la caisse d'assurance-chômage pour réaliser sur le dos des chômeurs un profit de 5 000 000 000 $ par année qu'il utilise pour diminuer son déficit. Je crois, M. le Président, que, s'il y a une occasion privilégiée en démocratie où nous pouvons défendre l'intérêt fondamental du Québec et de nos travailleurs, c'est bien durant cette campagne électorale. Et je me surprends de voir que le chef de l'opposition n'est pas à nos côtés là-dedans, dans ce juste combat.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre peut nous dire en quoi on s'inquiéterait inutilement de l'emploi au Québec? Est-ce que c'est bien ce que le premier ministre vient de dire à la face du Québec, qu'on s'inquiète inutilement de l'emploi, avec un taux de chômage comme celui qu'il y a?

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, dans le brouhaha, le premier ministre aurait dit que c'était légitimement qu'on s'inquiète de l'emploi. Avec raison! Le gouvernement ne fait rien. Est-ce que le premier ministre... Bien, voyons, le seul gouvernement qui s'applaudit d'être sous surveillance des agences de crédit, depuis vendredi dernier. Bien, bravo. Il s'applaudit d'être sous surveillance!

Des voix: Bravo!

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre peut nous dire en quoi – dans la mesure où c'est effectivement une préoccupation dans toutes les régions du Québec – son implication dans la campagne fédérale est compatible avec sa responsabilité et son obligation d'être le premier ministre de tous les Québécois à temps plein au lieu d'aller faire du théâtre sur la scène, à Jonquière, avec les acteurs qu'on connaît, en espérant avoir le beau rôle, en espérant les remplacer, en manifestant qu'il s'ennuie de son ancien poste à Ottawa?

Est-ce que le premier ministre pourrait réaliser qu'il est aujourd'hui premier ministre du Québec et que la fonction qu'il occupe doit l'amener à s'occuper à temps plein des problèmes d'emploi au Québec, de services publics au Québec, des écoles au Québec, des garderies au Québec? Et c'est de ça dont il doit s'occuper et non pas de la pension ou de la rente de député de Gilles Duceppe ou des autres.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il se trouve que je suis le chef du gouvernement du Québec et, bien sûr, du gouvernement de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, et, à partir du moment où nous partageons un patrimoine commun fondamental qui est celui de la démocratie, je m'inquiète de ce qui se dit durant cette campagne fédérale. C'est très difficile pour un démocrate, au Québec, de s'asseoir silencieux et impuissant à écouter les choses très graves qui sont dites présentement, les attaques sans fondement, les attaques sans précédent de la part des fédéralistes.

Par exemple, je me demande quelle est la réaction du chef de l'opposition quand il entend son chef, Jean Chrétien, et son ami, Jean Charest, nous dire qu'ils vont vouloir contrôler la question qui sera rédigée par l'Assemblée nationale. Lui qui est un vieux routier de l'Assemblée nationale, lui qui a siégé ici pendant de nombreuses années, qui a apporté une contribution certaine à la qualité des travaux de l'Assemblée nationale, qui sait avec quelle importance ça s'inscrit dans la vie démocratique québécoise, est-ce qu'il ne s'inquiète pas de voir que ce geste fondamental que posera l'Assemblée nationale de rédiger la question référendaire sera sujet à contrôle de la part de ses amis et chefs Jean Charest et Jean Chrétien?

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: À quel moment est-ce que le premier ministre va se rendre compte que ce que les Québécois veulent voir réglé, c'est la question de l'emploi, c'est la question des services publics, c'est la question des fournitures de dictionnaires puis d'ordinateurs dans les écoles? Ce sont des choses de tous les jours dont le gouvernement et le premier ministre, au premier chef, ne s'occupent pas.

Au lieu de nous entretenir d'une éventuelle question référendaire que tout le monde souhaite que jamais il n'aura l'occasion de poser, parce qu'on sait ce que ça donne, avec Parizeau qui est venu dans le portrait, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire qu'il va s'occuper de la question de l'emploi au lieu de s'occuper de la question référendaire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, en avril, l'emploi vient d'augmenter pour le cinquième mois consécutif au Québec. Depuis le sommet économique, Québec a créé 57 000 emplois nouveaux, net, net net, comme dirait le ministre des Finances, et qui représentent plus de la moitié des emplois nouveaux créés au Canada. On s'occupe d'emploi. Nous souhaiterions en créer plus, mais nous continuons de travailler très fort et nous allons sortir le Québec du trou où le Parti libéral nous a mis.

Deuxièmement, revenons à la campagne électorale qui obsède passivement le chef de l'opposition. Il est obsédé mais il ne fait rien. Je voudrais lui demander: Pourquoi n'est-il pas debout avec nous présentement? Il peut aller à une autre tribune. Il n'est pas obligé de venir sur la nôtre. C'est un peu beaucoup lui demander, je crois, mais il pourrait s'en trouver une, tribune, une invitation quelque part, peut-être avec Jean Chrétien ou Jean Charest, pour rappeler à ses acolytes fédéralistes que le Québec a une dette de 2 000 000 000 $ en vertu de la TPS qui n'a pas été harmonisée, qui n'a pas été payée ici dans son harmonisation alors qu'elle l'a été dans les Maritimes. Il devrait rappeler notre part de recherche et développement qu'on n'obtient pas. L'immense majorité des centres de recherche dans la région de l'Outaouais sont du côté d'Ottawa et non pas du côté de Hull. Il devrait aussi profiter de l'occasion pour dénoncer la loi anti-tabac qui est anti-montréalaise, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Il s'ennuie vraiment de la Chambre des communes. Franchement, là! Est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer – ça fait six ou sept fois que je lui pose la question, il ne répond pas; ça fait sept fois, on est à la veille d'avoir la vérité, c'est comme rien, on connaît ses habitudes – et nous dire en quoi ça contribue à améliorer la situation de l'emploi qu'il aille sur les tribunes, avec Gilles Duceppe et Yves Duhaime, insulter publiquement des anciens collègues à lui? Est-ce que...

(14 h 30)

Des voix: Wo!

M. Johnson: Absolument, absolument.

Le Président: Alors, M. le chef de l'opposition, je vous inviterais à la prudence, compte tenu des dispositions de l'article 35, qui sont assez claires. Je vous inviterais, à ce moment-ci, à faire en sorte que la façon de formuler les questions ne contrevienne pas à l'article 35. M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous dire en quoi ses charges à fond de train contre les personnes mêmes que sont le chef du Parti conservateur et le premier ministre du Canada contribuent d'un iota, un tant soit peu à améliorer la qualité du débat démocratique? Est-ce qu'on peut lui demander comment ça contribue à créer des emplois de plus? Est-ce qu'on peut lui demander comment ses performances théâtrales – il n'y a pas d'autre mot, «théâtrales» – viennent contribuer à améliorer le sort des Québécois et viennent régler, au départ et à la racine, les problèmes qui frappent la société québécoise, qui sont des problèmes de sous-emploi, de sous-investissement et de fardeau fiscal? C'est ça que les Québécois attendent de leur premier ministre, non pas des discours à l'emporte-pièce, à Jonquière ou ailleurs.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le Québec vit encore de la fédération canadienne et, à ce titre, nous envoyons à Ottawa, bon an mal an, quelque chose comme 30 000 000 000 $ par année d'impôts et de taxes. Nous sommes sous le coup, bien sûr, et nous subissons les effets de décisions qui sont prises à Ottawa, des décisions extrêmement importantes, des décisions budgétaires, entre autres; en particulier, quand le gouvernement décide de couper de près de 2 000 000 000 $ par année les paiements de transfert qu'il nous fait, au gouvernement du Québec, pour nous aider à supporter les soins de santé, je crois que ça a un impact, ça, sur la vie collective québécoise.

Quand le gouvernement fédéral ponctionne 5 000 000 000 $ par année dans la caisse d'assurance-chômage pour les fins de son propre déficit, qu'il coupe sur notre dos et sur le dos des chômeurs, ça a un effet directement sur l'emploi au Québec, ça. De sorte que de participer à cette campagne et de rappeler ces choses aux dirigeants fédéraux, M. le Président, lui, il appelle ça les insulter, moi, j'appelle ça faire son devoir démocratique.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Comment le premier ministre peut-il persister à avoir deux discours, deux langages, comme celui-là, un langage purement théâtral d'insulteur à l'endroit de personnalités...

Le Président: M. le chef de l'opposition. Les dispositions de l'article 35 sont très claires. On ne peut pas «se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit». Je pense que de qualifier le premier ministre comme vous venez de le faire, vous conviendrez que ce n'est pas à propos à l'Assemblée nationale. Alors, M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, ayant constaté que l'article 35 ne s'applique pas quand le premier ministre fait des discours à Jonquière contre les politiciens fédéraux, à l'évidence, est-ce que le premier ministre peut nous redire comment sa prose, comment ses interventions font avancer d'un cran l'emploi au Québec, augmente de un millième de 0,25 $ les investissements au Québec?

Est-ce qu'on peut demander au premier ministre comment il voit, comme chef du gouvernement, que son rôle et sa participation dans la campagne bloquiste, avec ou sans Jacques Parizeau, on ne le sait pas trop, ces affaires-là changent d'une journée à l'autre avec les gens d'en face... Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire comment ça améliore la situation de l'emploi, de s'installer à Jonquière avec Gilles Duceppe et de pourfendre ses anciens collègues ou des politiciens qui ont décidé de bonne foi de représenter leurs concitoyens, mais qui, au lieu de le faire ici, le font ailleurs? Est-ce qu'il peut nous expliquer ça?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Merci. Je vais faire une suggestion, une petite suggestion entre 1 000 au chef de l'opposition. Il cherche de bonne foi à nous aider à créer de l'emploi. Qu'ils se lèvent dans cette Chambre et qu'ils appuient, lui et le député de Laporte, formellement la demande de 2 000 000 000 $ de compensation pour l'harmonisation de la TPS. Avec ça, le lendemain, on retourne 500 000 000 $ aux entreprises du Québec qu'on n'a pas remis dans le budget et, le surlendemain, les emplois surgissent.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: En constatant avec tout le monde que le débat a reculé au lieu de progresser avec l'intervention du vice-premier ministre et que c'est une distraction pure et simple qu'on tente d'insérer dans le débat, est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer comment sa participation – je lui redemande – avec le langage virulent qu'on lui connaît, avec le caractère brutal de ses attaques à l'endroit d'autres politiciens, fait avancer d'une seule marche le progrès de l'emploi? Comment la qualité des services publics en est améliorée? Comment la qualité de la justice en est améliorée? Comment le ministre de la Justice, lui, va être amélioré? Comment, le premier ministre, par ses interventions, améliore non seulement la situation de la population du Québec, mais également la situation de son gouvernement qui est en mal pour le moment, qui est en mal?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, parmi les choses que nous avons faites et qui améliorent et amélioreront davantage encore la situation de l'emploi au Québec, il y a cette grande réussite d'avoir convaincu, d'avoir forcé le gouvernement fédéral à faire un pas dans la bonne direction pour ce qui est des transferts de juridiction pour la main-d'oeuvre. On n'a pas eu la juridiction, entente administrative, on a eu une partie des montants seulement, mais le Québec va maintenant pouvoir fusionner tous les programmes, aura la capacité d'établir une cohésion dans la mise en place de ses programmes. C'est une chose que le gouvernement du chef de l'opposition n'a jamais réussi avant, M. le Président. Si nous l'avons réussi, c'est en très grande partie grâce à la présence du Bloc québécois à Ottawa. C'est pour ça qu'on appuie le Bloc actuellement, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer comment ça se fait que ça ne marchait pas quand lui était à Ottawa et que, maintenant qu'il n'est plus là, non seulement ça marche pour le Québec, mais pour quatre autres provinces en plus, la main-d'oeuvre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'est parce que le fédéral est têtu, ça a pris du temps. Ça a pris 32 ans, M. le Président, pour réussir ce que son père, ce que Jean Lesage, ce que Robert Bourassa, ce que René Lévesque, ce que tout le monde a essayé et n'a jamais réussi. Aujourd'hui, après 32 ans de solidarité québécoise, après l'unanimité que nous avons faite avec les forces vives du Québec, au lieu de nous diviser comme l'a fait le chef de l'opposition, nous avons réussi à exercer sur le fédéral une pression telle qu'il n'a pu dire non au Québec et qu'il a été obligé de faire le pas qu'il devait faire dans l'intérêt des travailleurs du Québec. C'est pour ça qu'on vote pour le Bloc, M. le Président.

(14 h 40)

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Impasse dans les négociations sur le nouveau pacte municipal

Mme Delisle: M. le Président, ça fait deux mois que le ministre des Finances a décidé de pelleter 500 000 000 $ de factures dans la cour des municipalités; ça fait deux mois que le ministre des Finances a exigé également des municipalités qu'elles réduisent leur masse salariale de 6 %; ça fait deux mois également que le premier ministre et le ministre des Affaires municipales nous indiquent que leur pelletage ne doit pas se concrétiser par une hausse du compte de taxes pour les contribuables; ça fait un mois que le ministre des Affaires municipales a déposé sa réformette pour un nouveau pacte municipal donnant aux municipalités jusqu'au 1er septembre 1997 pour discuter de ses propositions; et ça fait également un mois que le ministre des Affaires municipales nous promet, et je le cite, «des lieux d'échanges et de discussions entre les élus locaux, le gouvernement et les syndicats». On sait ce qui est arrivé jeudi dernier: la première rencontre organisée par le ministre s'est soldée par un échec lamentable.

Ma question au premier ministre, M. le Président: Est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il a finalement entendu et compris ce que lui disent depuis de nombreuses semaines le monde municipal et les syndicats, c'est-à-dire que la réformette du ministre des Affaires municipales relève de la pure improvisation et que le train du ministre des Affaires municipales ne s'en va nulle part, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, bien sûr, c'est un autre dossier que l'opposition aimerait bien voir échouer. C'est toujours les voeux qu'ils émettent chaque fois que le gouvernement entreprend une mesure pour redresser l'emploi, remettre de l'ordre dans les finances publiques, faire en sorte que l'équité règne au Québec. Mais, cette fois-là encore, les voeux de l'opposition seront déçus, M. le Président, parce que le dossier progresse, difficilement – ce n'est pas un dossier facile – mais il progresse, M. le Président.

L'UMRCQ a accepté de lancer les chantiers de concert avec le ministre des Affaires municipales. Les villes de l'île de Montréal, la CUM, les villes de banlieue de même que la ville de Montréal ont accepté de former une table où les trois chantiers seront entamés en travail conjoint. Les syndicats ont accepté des négociations locales, M. le Président, qui vont se dérouler dans le cadre du Code du travail actuel. Et le gouvernement est en train de continuer son oeuvre de persuasion et d'appui à tous les intéressés pour que les vis-à-vis se parlent davantage. Et je suis convaincu que, dans plusieurs municipalités du Québec, les plus imaginatives sans doute, on est en train de préparer des plans de redressement, des plans de discussion avec les vis-à-vis syndicaux, qui vont nous permettre d'atteindre l'objectif.

N'oublions pas que tout ça s'inscrit dans une grande démarche d'équité et que tout le monde au Québec, maintenant, a fait sa part. Il reste les municipalités, leurs syndicats. Et nous sommes confiants que tout cela se passera correctement, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: Réalise-t-il, M. le Président, le premier ministre, que ce n'est pas le voeu de l'opposition de voir échouer une telle réformette, mais que ce sont les élus locaux qui ont refusé, M. le Président?

Le premier ministre réalise-t-il, M. le Président, que ce sont les élus locaux qui ont quitté la table, jeudi dernier, et que ce sont les syndicats qui ont passé le message suivant, c'est-à-dire que le gouvernement n'avait pas à s'ingérer dans les conventions collectives qu'il n'avait pas lui-même signées avec les employés municipaux?

Et pourrait-il enfin admettre, le premier ministre, que c'est d'une réforme sérieuse dont veulent entendre parler les élus et les syndicats et non pas d'une réformette préparée sur le coin d'une table, M. le Président, d'une réforme sérieuse et non pas de l'improvisation?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais d'abord me réjouir de l'appui de l'opposition dans la démarche que nous entreprenons. Et c'est vrai qu'il faut une réforme. Et c'est ce que nous voulons faire. Et, même, nous voulons tellement le faire que nous voulons le faire de concert avec les municipalités et les parties syndicales. Nous avons convié les intéressés, M. le Président, à participer ouvertement, de façon consensuelle, à des discussions qui vont permettre d'opérer les transferts requis de la façon la plus acceptable possible, la plus équitable possible. Qu'on nous donne le temps de faire les choses.

Je me souviens que, chaque fois qu'on a entrepris des choses de ce genre-là – et même de plus difficiles, comme dans le cas du secteur public – on a subi pendant deux mois ou trois mois les pires prédictions des prophètes de malheur qui nous font face. M. le Président, dans ce cas-ci comme dans les autres, nous travaillons respectueusement, nous travaillons de façon responsable, dans le sens de l'équité, et je suis convaincu que nous réussirons.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, le premier ministre réalise-t-il, lorsqu'il parle de se donner du temps et de le faire de façon consensuelle, que la date butoir est le 1er septembre 1997 et que, lorsqu'il parle de consensus, actuellement, le monde municipal est divisé? Il n'est pas uni, il est divisé. Comment le premier ministre entend-il, M. le Président, respecter cette date butoir là et de façon consensuelle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je connais cette date du 1er septembre et je sais qu'avant il y a le mois d'août, avant il y a le mois de juillet, il y a le mois de juin, il y a les semaines qui restent au mois de mai. Et je constate déjà que, dans les municipalités, il y en a déjà plusieurs maintenant qui nous appuient. C'est ce qu'on appelle la division; moi, j'appelle ça une amorce d'appui qui va s'étendre et qui va faire en sorte qu'on va trouver les consensus qui sont requis, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, est-ce que le premier ministre pourrait admettre qu'il sera incapable de rencontrer la date butoir et que son plus grand désir, qui était de ne pas voir les hausses de taxes au municipal, ça ne pourra pas se réaliser, puisqu'il ne se passe strictement rien actuellement au niveau des tables et des discussions et que la seule politique qui va s'appliquer ici, malheureusement pour les contribuables municipaux, ça va être une hausse faramineuse du compte de taxes, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je ne peux pas dire que je sois surpris de voir ce sentiment d'impuissance qui anime l'opposition. C'est le même sentiment d'impuissance qui les faisait assister les bras baissés à des dépassements budgétaires de 1 000 000 000 $ par année pendant six ans de suite, ce qui nous a valu les pires problèmes avec les agences de crédit et la perte de confiance dans les milieux financiers vis-à-vis de la gestion du gouvernement du Québec.

M. le Président, nous ne sommes pas des surfemmes et des surhommes, mais nous pensons par exemple que, quand nous travaillons en coopération avec les gens, dans le dialogue et dans le respect, il n'y a rien d'impossible.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances pourrait déposer les analyses d'impact et les simulations qui ont été préparées par son ministère afin de démontrer le bien-fondé des propositions 9 à 17 de la réformette du ministre des Affaires municipales, afin que les municipalités puissent savoir à quoi s'en tenir, M. le Président?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Les municipalités, elles le savent parfaitement, à quoi s'en tenir. Nous avons fixé avec eux et avec elles, les élus hommes et femmes, des objectifs qui sont des objectifs légitimes et qui sont une affaire d'État, et les élus municipaux le comprennent très bien.

On parlait de la campagne fédérale précédemment. Ne serait-ce que pour la raison que le gouvernement du Canada a poussé 10 000 000 000 $ de son déficit dans nos finances publiques, ce serait une raison, si l'opposition avait du courage, de s'en mêler et de dénoncer cette manoeuvre sans précédent de l'État fédéral.

Et nous demandons aux autorités municipales, dans le plus grand respect, comme nous l'avons fait avec les syndicats représentant nos employés... La députée a parlé de la division entre les municipalités. C'est sûr qu'il n'y a pas unanimité le premier jour. Il n'y avait pas unanimité le premier jour entre la CSN, la CEQ et la FTQ, et pourtant ça a fini dans le respect par un accord civique. Et c'est ça qu'on demande aux municipalités: avoir l'esprit civique de réaliser que nos finances publiques étaient dans un état de désordre incommensurable. La confiance se regagne une année par année. Chaque niveau électif au Québec doit faire son effort, et je compte sur les hommes et les femmes des Affaires municipales et des municipalités pour le faire.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: Le ministre des Finances, M. le Président, se rappelle-t-il que son ministère a organisé neuf rencontres conjointes avec des spécialistes en fiscalité municipale? Et pourrait-il nous dire si, suite à ces rencontres-là, il y a eu des études de faites, des simulations de faites, des évaluations d'impact sur le compte municipal et, si oui, s'il peut les déposer, s'il vous plaît?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Ces rencontres ont eu lieu et plusieurs autres, ce qui prouve d'ailleurs le respect que nous avons eu pour nos interlocuteurs municipaux. On a commencé ces rencontres avant même le budget, à la demande de leurs représentants élus au Sommet de Montréal. C'était dans les archives du Sommet, on s'en souvient. Et ces études, dont les fruits ont été partagés, sont la base des propositions faites par mon collègue des Affaires municipales. C'est une série d'hypothèses qui ne constituent pas un carcan, qui en plus impliquent une souplesse considérable. Et le ministère des Finances va continuer à être un ministère de services en cette matière pour alimenter les diverses parties de toutes les études dont elles auront besoin.

Le Président: M. le député de Richmond, en principale.


Redécoupage des territoires des commissions scolaires

M. Vallières: Oui. M. le Président, la carte des commissions scolaires de la ministre de l'Éducation cause des problèmes partout sur le territoire québécois. Elle proposait récemment la fusion de la commission scolaire Eastern Townships et de la commission scolaire District of Bedford. La limite de territoire proposée par la ministre signifie, entre autres, le retrait des territoires des MRC de Drummond et d'Arthabaska, actuellement desservis par la commission scolaire Eastern Townships.

(14 h 50)

Dans la pratique, cela signifie que des enfants d'Ulverton, qui parcourent actuellement 8 km pour se rendre à l'école Richmond, devront se rendre à Trois-Rivières et parcourir 90 km. Dans la pratique, cela signifie que des enfants de Kingsey Falls, qui parcourent actuellement 12 km – municipalité qu'a eu beaucoup de difficultés à trouver le chef du Bloc récemment – pour se rendre à l'école de Danville, devront se déplacer à Thetford Mines et parcourir 110 km dans les deux directions et, donc, se taper quatre heures d'autobus, alors que, actuellement, il en faut à peine 20 minutes.

Ma question au premier ministre, M. le Président: Est-ce que le premier ministre trouve que ce projet de sa ministre est raisonnable, c'est-à-dire que ce projet vient faire en sorte que les étudiants de l'école primaire, entre autres, vont passer plus de temps à voyager que de temps à étudier?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Le projet de Mme la ministre de l'Éducation est présentement en consultation. Je suis surpris, d'abord, que le député de Richmond tire des conclusions. Parce que la logique, quand on est en consultation, c'est d'attendre le fruit des consultations et les ajustements qui suivent. Ça, c'est premièrement.

Deuxièmement, la ministre de l'Éducation a voulu respecter les territoires intégraux des MRC présentement, sans révolution de quelque territoire de MRC que ce soit. C'est la deuxième chose qu'elle a dite, qu'elle a affirmée.

Troisièmement, elle a parlé également, pour respecter ces territoires de MRC, qu'il y avait la possibilité de contrats de services entre différents territoires, pour ne pas, précisément, préjudicier l'élève. Attendons le fruit des consultations et le député pourra ravaler sa gomme.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre responsable du Développement des régions ne devrait pas se contenter de son ministère, avec la réponse qu'il vient de fournir?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vallières: Est-ce que le premier ministre, lui, peut nous indiquer, contrairement au ministre qui vient de s'exprimer, s'il partage le point de vue du secrétaire régional de la région de l'Estrie, qui dit que les distances à parcourir résultant de cette fusion sont inacceptables pour les étudiants anglophones? Il ajoute que les intérêts de ces étudiants devraient être au coeur de ce débat et que, d'après lui, il est ridicule de leur faire parcourir tant de kilomètres pour se rendre à un établissement scolaire anglophone. Où était le ministre responsable du Développement des régions? Où est le premier ministre, M. le Président?

Ma question: Est-ce que ça a du bon sens de proposer une pareille carte, et pourquoi la ministre de l'Éducation propose-t-elle un problème pour ensuite demander aux commissions scolaires locales de le corriger? Pourquoi ne pas, elle, modifier son projet de carte scolaire maintenant?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, la ministre de l'Éducation a voulu présenter un projet qui respectait les territoires de MRC actuelles. Je pense que c'est tout à fait logique. Elle a dit: Voici, les MRC sont découpées de telle façon, on va regrouper des territoires entiers pour une commission scolaire. Ça peut regrouper deux territoires de MRC, trois territoires de MRC, mais elle ne touche pas à l'intégrité du territoire des MRC dans la présentation du document initial.

De plus, elle enclenche un processus de consultation. Est-ce que le député pourrait retenir son agressivité jusqu'à la fin des consultations et des correctifs que la ministre apportera éventuellement? Est-ce que le député pourrait, M. le Président, tenir compte du fait qu'on peut très facilement transiger, puis ça se fait présentement entre territoires de MRC, par des contrats de services? Est-ce que le député pourrait, un tantinet, faire preuve d'imagination, lui aussi, dans ses questions et penser qu'il y a du monde qui sont capables de négocier entre eux, qui sont capables de faire valoir leurs points de vue dans des consultations publiques?

Je pense, M. le Président, que c'est peut-être humain de dire que ça n'a pas de bon sens, telle chose, mais c'est à la condition que ça se fasse. Attendons!

Le Président: Je comprends, M. le chef de l'opposition officielle. Mais le problème, c'est qu'il reste à peine deux, trois minutes et je voudrais permettre au député d'Iberville – le député indépendant – de poser une question. Alors, M. le député d'Iberville.


Propos de M. Jacques Parizeau à l'endroit des minorités ethniques

M. Le Hir: Oui, M. le Président. La semaine dernière, le premier ministre refusait de donner suite à la motion de l'Assemblée nationale, motion adoptée unanimement, condamnant le nationalisme ethnique et de condamner les propos de l'ex-premier ministre Parizeau à l'endroit des minorités anglophones.

Aujourd'hui, on apprend que l'ex-premier ministre participera à la campagne du Bloc québécois, à laquelle participent le premier ministre et d'autres tenants du mouvement souverainiste, sans s'être excusé des propos «divisifs» qu'il avait tenus à l'endroit des anglophones.

Alors, le premier ministre est-il conscient que son refus de condamner les propos de l'ex-premier ministre laisse persister une ambiguïté relativement à l'attitude de son gouvernement à l'endroit des minorités ethniques, qui menace la légitimité de sa propre option et qui compromet sa propre crédibilité comme chef de parti politique au Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, si le député d'Iberville a un compte à régler avec quelqu'un qui n'est pas en cette Chambre, qu'il le règle ailleurs.

Le Président: Un instant, M. le député d'Iberville! Vous avez posé une question de règlement. Alors, puisque j'étais debout, la question de règlement n'a pas été formulée. M. le député.

M. Le Hir: Ma question de règlement, M. le Président, c'est de vous demander de faire respecter l'article 35.6° du règlement.

Le Président: L'article 35.6° interdit aux membres de l'Assemblée d'imputer des motifs indignes à un député et de refuser d'accepter sa parole. Un instant, M. le député d'Iberville! D'abord, si on pouvait avoir un peu de silence, ça permettrait à la présidence d'écouter le député d'Iberville sur sa question de règlement. M. le député.

M. Le Hir: M. le Président, on m'attribue des motifs indignes en présumant que je veux régler des comptes.

Le Président: Comme je le fais régulièrement presque chaque jour, d'une certaine façon, malheureusement, je demanderais à tous les députés de s'en tenir à l'esprit et à la lettre du règlement. Et, en conséquence, je vous cède la parole, M. le député d'Iberville, pour une question complémentaire, la dernière à ce moment-ci pour la période de questions. M. le député d'Iberville, question complémentaire rapide.

M. Le Hir: C'est la même question, M. le Président, il n'y a pas eu de réponse.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Même réponse.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Strictement, M. le Président, pour vous faire remarquer que, suite à la question de règlement du député d'Iberville, vous avez invité le premier ministre à se conformer au règlement, qu'il vous a publiquement défié et que vous vous êtes rassis et vous avez dit: Fin de la période de questions, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je suis touché de voir le leader de l'opposition se porter à la rescousse du député d'Iberville. Mais, cependant, vous avez dit à tous les parlementaires de respecter le règlement, ce que nous faisons, M. le Président.

Le Président: M. le député d'Iberville, tout le monde a la parole quand le président donne la parole. M. le député d'Iberville.

M. Le Hir: Sur la question de règlement, M. le Président, si vous n'intervenez pas à ce stade-ci, c'est que le règlement n'a aucun sens.

Le Président: Je vous inviterais, M. le député d'Iberville, comme tout le monde ici, à l'Assemblée, non seulement à relire l'article 41, qui indique que les décisions du président ne peuvent être discutées, d'une part.

(15 heures)

D'autre part, j'ai eu l'occasion à plus d'une reprise en cette Chambre de souligner que l'application du règlement, en particulier lorsque survient ce genre d'incident à l'égard d'interprétations qui sont en particulier reliées à l'article 35, dans la mesure du possible, la présidence utilise le moyen de demander une reformulation ou de faire un avertissement, comme je l'ai fait à plus d'une reprise aujourd'hui à la période de questions, et tout le monde s'est contenté de cela.

Dans la mesure où la présidence sentirait, comme c'est déjà arrivé encore récemment, que ce ne serait pas suffisant, à ce moment-là, le président peut juger qu'il faut retirer et amener le parlementaire en question à reformuler ou à retirer tout simplement sa question.

À ce moment-ci, compte tenu des échanges, j'ai considéré que le premier ministre... il y avait eu un avertissement, vous avez posé finalement une question en disant la même question, il y a eu la même réponse. Ça termine, à mon avis, pour le moment, l'échange. Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Vous avez très bien résumé la situation, M. le Président. Il y a eu question, il y a eu réponse que vous avez jugée non conforme au règlement. La question a été répétée et le premier ministre a récidivé. J'invoque à ce moment-ci, M. le Président, le huitième alinéa de l'article 2 de notre règlement qui est très clair: «Outre les pouvoirs que la loi lui confère, le président [...] exerce les autres pouvoirs nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions et au maintien du droit et des privilèges de l'Assemblée et des membres de l'Assemblée», M. le Président.

Dans les circonstances, est-ce qu'on pourra obtenir du premier ministre non pas une récidive contre votre décision, mais une réponse à une question qui a été posée?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: On va sauver du temps, M. le Président. Puisque le député d'Iberville a des reproches à adresser à une personne qui n'est pas en cette Chambre, j'ai eu l'obligeance de le référer à cette personne et de bien vouloir discuter avec elle directement de ce qu'elle lui reproche.

Le Président: J'ai déjà averti d'un côté de la Chambre, et c'est vrai pour l'autre côté, que la présidence n'entendait pas se faire intimider par qui que ce soit.


Votes reportés


Présentation, adoption du principe et adoption du projet de loi n° 134

Il n'y a pas de réponses différées aujourd'hui mais il y a, comme je l'avais annoncé, un vote reporté. Alors, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de M. le leader du gouvernement, au nom de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances, proposant:

«Que l'Assemblée soit saisie du projet de loi n° 134, Loi n° 4 sur les crédits 1997-1998;

«Que le principe de ce projet de loi soit adopté;

«Que le projet de loi soit adopté.»

Que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Charest (Rimouski), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. MacMillan (Papineau), M. Laporte (Outremont).

M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:61

Contre:36

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée. En conséquence, le projet de loi n° 134, Loi n° 4 sur les crédits 1997-1998, est donc adopté.

Nous passons maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je demanderais le consentement de la Chambre pour que je puisse faire, avant les motions, l'avis touchant la consultation relativement au projet de loi n° 109 sur l'instruction publique.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Alors, le leader de l'opposition officielle me signale que vous avez le consentement, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'éducation procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures ainsi que demain, le mercredi 21 mai 1997, de 9 heures à midi, à la salle du Conseil législatif.


Motions sans préavis

Le Président: Alors, cet avis étant donné, nous allons passer maintenant aux motions sans préavis, mais auparavant je demanderais aux députés qui doivent travailler à l'extérieur du salon bleu de quitter la salle de l'Assemblée rapidement. Alors, rapidement, s'il vous plaît. Ceux qui doivent quitter la salle de l'Assemblée, là, faites-le maintenant. Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts.


Souligner la Semaine de l'arbre et des forêts

Mme Carrier-Perreault: Oui. M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que cette Assemblée souligne la tenue de la Semaine de l'arbre et des forêts qui permet aux Québécois et aux Québécoises de mieux connaître l'importance économique et récréative de la forêt.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Consentement.

M. Bélanger: M. le Président, il y aurait consentement pour un intervenant de part et d'autre.

Le Président: Alors, il y a consentement, me fait signe le leader de l'opposition officielle. Alors, Mme la ministre, vous pouvez y aller.


Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Je présente aujourd'hui à cette Assemblée une motion pour souligner la Semaine de l'arbre et des forêts qui se tient cette semaine, du 18 au 24 mai, et dont le but est de promouvoir la conservation des forêts tel qu'il a été prévu à l'article 209 de la Loi sur les forêts. Cette importante semaine permet de sensibiliser la population à l'importance environnementale et économique de la forêt dans notre quotidien. Cette année, les activités se dérouleront sous le thème: La forêt, ça compte .

(15 h 10)

Oui, les forêts, ça compte parce que près de 92 % des forêts québécoises sont publiques et appartiennent donc à tous les Québécois et à toutes les Québécoises. Les forêts, ça compte également parce qu'elles sont l'un des plus grands maillons de notre économie. En effet, le Québec est un important fabricant de pâtes, papiers et de bois de sciage. L'industrie forestière joue donc un rôle primordial dans le développement socioéconomique du Québec et de ses régions. D'ailleurs, les chiffres abondent pour démontrer que l'industrie forestière continue de croître et de fournir des emplois de haute qualité essentiels à la vitalité économique du Québec. En voici quelques-uns.

L'industrie forestière est le principal contributeur à la balance commerciale du Québec. Plus de 8 500 000 000 $ en 1995, soit presque l'équivalent de la balance commerciale pour l'ensemble des biens et services, qui équivaut à 8 600 000 000 $. Les livraisons sont à la hausse. Plus de 9 400 000 tonnes de pâtes et papiers et près de 6 000 000 000 de pieds mesure-planche en 1995 par rapport à 7 700 000 tonnes et 4 000 000 000 de pieds mesure-planche en 1990. Le secteur forestier québécois fournit près de 80 000 emplois directs. Les emplois manufacturiers du secteur comptent pour 14,5 % des emplois manufacturiers du Québec. Un signe, aussi, de la qualité de ces emplois, la masse salariale annuelle s'élève à plus de 2 500 000 000 $, soit près de 16 % des salaires manufacturiers qui sont payés au Québec.

L'industrie forestière engendre environ 120 000 emplois indirects et induits. C'est une industrie où des spécialistes de toutes sortes trouvent des débouchés, que ce soit en électricité, électronique, robotique, chimie, biochimie, mécanique, foresterie, et j'en passe, M. le Président. L'industrie forestière est le principal moteur économique et souvent le seul employeur manufacturier dans quelque 250 municipalités réparties sur l'ensemble du territoire québécois.

Comme vous pouvez le constater, les forêts, ça compte pour l'économie. Non transformées, elles sont aussi le lieu de nombreuses activités de plein air. Dans diverses régions du Québec, elles sont le rendez-vous de centaines de milliers de Québécois et de touristes qui s'adonnent à la randonnée pédestre, la descente de rivière en eau vive, la natation, la motoneige, le ski de fond, le camping, le canotage, la chasse, la pêche, la villégiature, donc beaucoup d'activités.

Vous le savez, M. le Président, la forêt est importante pour tous les Québécois et toutes les Québécoises. Elles font véritablement partie de la vie des gens d'ici, et ce n'est pas étonnant puisque les forêts recouvrent plus de la moitié du territoire du Québec. Les forêts sont abondantes, c'est vrai, et le gouvernement s'assure que leur aménagement soit fait en conformité avec les normes et les règlements de façon à respecter le rendement soutenu et la pérennité de la ressource. C'est d'ailleurs dans ce souci qu'en 1996, l'an dernier, à l'Assemblée nationale, nous avons adopté une modification à la Loi sur les forêts qui inclut, comme principe général, la reconnaissance du patrimoine forestier par l'aménagement durable de la forêt afin de répondre aux besoins économiques, écologiques et sociaux des générations actuelles et futures. Cette même année, le Québec a ajouté au préambule de la Loi sur les forêts les six critères de développement durable des forêts.

Enfin, le ministère de l'Environnement et de la Faune et le ministère des Ressources naturelles ont également modifié le règlement sur les modalités d'intervention dans les forêts du domaine public de façon à resserrer les mesures relatives à la protection des lacs et des cours d'eau, de façon à imposer des modes de coupe qui permettent de protéger la régénération et les sols, de façon aussi à élargir les bandes de boisés entre les aires de coupe de plus de 100 hectares et interdire toute activité d'aménagement forestier dans certains sites considérés comme plus fragiles.

Comme vous pouvez le constater, M. le Président, les forêts, ça compte pour tous les Québécois et toutes les Québécoises. Il nous apparaît important de permettre à la population de s'exprimer quand nous arrivons avec des changements ou des réformes dans ce domaine.

Après la consultation sur la stratégie de protection des forêts, en 1994, les audiences publiques sur les modes de dégagement de la régénération forestière, ce printemps, mon collègue, M. Guy Chevrette, ministre d'État des Ressources naturelles, a confié aux secrétaires régionaux la tâche d'entreprendre une consultation publique sur la forêt habitée. Un projet de politique devrait d'ailleurs être proposé au cours des prochaines semaines.

Cette semaine, c'est donc un moment privilégié pour célébrer les forêts. C'est d'ailleurs ce qui se fait dans toutes les régions du Québec. Que ce soient les écoles, les municipalités, les clubs 4-H, les compagnies forestières, de plus en plus d'organismes se joignent à nous et fêtent. Ainsi, M. le Président et chers collègues, je vous invite tous, chacun dans votre milieu, à célébrer cette Semaine de l'arbre et de la forêt 1997 pour que tous les Québécois et toutes les Québécoises sachent que, pour nous, les forêts, ça compte. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Mme Carrier-Perreault: ...tous les Québécois et les Québécoises sachent que, pour nous, les forêts ça compte. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la ministre. M. le député de Montmagny-L'Islet.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Je pense qu'il est intéressant pour chacun d'entre nous de revivre année après année la Semaine de l'arbre et de la forêt parce que nous savons tous le rôle qu'ont joué l'arbre et la forêt dans le développement de notre société, d'une part. On pourrait longuement parler de l'apport économique que ça a permis justement pour développer le Québec tel qu'on le connaît aujourd'hui, le Québec des régions.

Dans la vie de chaque jour de chaque Québécois et Québécoise, nous avons la chance, nous, ici, au Québec, de bénéficier davantage de cette ressource, justement, et Mme la ministre le mentionnait, que ce soit pour des activités de plein air, que ce soit pour des activités familiales d'excursions en forêt, de chasse et de pêche, comme plusieurs le pratiquent, et je pense que c'est dans notre culture au Québec, ça nous permet d'apprécier davantage le rôle que doit jouer chacun d'entre nous pour la protection de cette ressource, d'une part, et faire comprendre à chacun qui participe au développement et à l'aménagement de cette ressource du rôle que doivent jouer nos institutions, nos industries, nos institutions d'enseignement. Aussi, comme on le pratique depuis plusieurs années dans nos écoles, faire comprendre aux jeunes et aux moins jeunes le rôle qu'a joué la forêt pour créer des emplois, pour donner des emplois à nos pères de famille, à nos parents et à nos amis, dans le passé comme aujourd'hui.

L'industrie forestière est très florissante au Québec. Nous avons un volume d'affaires très impressionnant et, surtout dans les dernières années, cette industrie a su s'améliorer, se développer pour faire profiter davantage cette ressource et la valoriser au niveau des Québécois comme sur le plan international. Nous avons, tous et chacun, une responsabilité: se rappeler à tous les jours ce que je viens de mentionner du rôle qu'elle a joué, en bénéficier davantage et permettre à nos enfants de vivre des activités de plein air et, à ceux qui vont nous suivre, de vivre des activités de plein air florissantes, mieux organisées que dans le passé et savoir, comme je le mentionnais, protéger davantage nos forêts, valoriser l'arbre.

Chacun d'entre nous a la chance à tous les jours, quand c'est possible, soit dans la cour arrière de leur résidence, soit dans les parcs au niveau des centres urbains, de remarquer que la présence de l'arbre nous rassure dans plusieurs cas. Vous voyez des familles, dans des paysages qu'on voit, familiaux, des familles pique-niquer sous un arbre, et je pense que ça nous fait la démonstration jusqu'à quel point ce paysage de plein air, ce paysage de ressources que nous avons qui est l'arbre doit être conservé à son meilleur, tel qu'on le connaît aujourd'hui et comme on souhaite le connaître demain pour le meilleur de nous tous. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?

Des voix: Non.

Le Président: M. le député de Papineau.


Souligner la victoire des Olympiques de Hull en finale de la coupe Memorial

M. MacMillan: Merci, M. le Président.

«Que l'Assemblée nationale souligne la victoire des Olympiques de Hull de la Ligue de hockey junior majeur du Québec lors de la finale de la coupe Memorial tenue à Hull le 18 mai dernier.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Il y aurait consentement pour un intervenant de part et d'autre.

Le Président: Très bien. M. le député de Papineau, vous avez la parole.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique et au nom du député de Hull, M. Robert LeSage, et aussi mes collègues de l'Outaouais et, bien sûr, en mon nom comme porte-parole des sports et loisirs, je suis très fier aujourd'hui, M. le Président, de prendre la parole pour féliciter les Olympiques de Hull de leur victoire à la conquête de la coupe Memorial.

Je félicite cette équipe et tous ceux et celles qui ont été impliqués à différents niveaux et qui ont contribué à conserver au Québec cette coupe Memorial. Vous vous rappelez, l'an passé, c'était dans le comté de Shefford, l'équipe des Prédateurs de Granby qui avait remporté la victoire.

(15 h 20)

J'espère, M. le Président, que c'est le début d'une nouvelle tradition. On peut dire: Mission accomplie, à leur vingt-quatrième saison d'existence. Ça me fait penser à la première année des Festivals de Hull, dont les propriétaires du temps étaient MM. Claude Grant, M. Yves Bourassa, le directeur général du temps, M. Normand Baril, et j'avais participé au premier camp d'entraînement. Aujourd'hui, on peut dire, et je répète: Mission accomplie. Les Olympiques de Hull on fait littéralement exploser le toit de l'aréna Robert Guertin dimanche soir en remportant leur toute première coupe Memorial devant leurs propres partisans. Ils ont donc ardemment donné à Hull sa première conquête du précieux trophée. C'est donc avec fierté que toute la population de l'Outaouais a fêté la victoire, dimanche et hier, des Olympiques de Hull, cette équipe de hockey junior qui nous a fait un grand honneur, au Québec et pour la région de l'Outaouais. Cette jeunesse, c'est notre espoir, c'est la relève, et c'est important de souligner toute l'énergie qu'ils ont déployée, la discipline, les heures de pratique, les sacrifices, tout ça pour arriver au résultat qu'on a eu aujourd'hui.

Je félicite le directeur général, Charles Henry, qui a cru à son équipe dès le début et qui a mis tant d'efforts pour arriver à cette victoire, l'entraîneur-chef Claude Julien, qui en est à sa toute première saison comme entraîneur-chef, ses adjoints, les soigneurs; également, les organisateurs, MM. Yvon Sabourin et Michel Filion, à la tête de l'armée des bénévoles qui ont travaillé d'arrache-pied dans l'ombre et grâce à qui la réussite du tournoi a été assurée. Chapeau à la ville de Hull, son maire, Yves Ducharme, et ses conseillers et conseillères. Alors, au nom de ma formation politique, au nom du député de Hull, M. Lesage, sincères félicitations aux Olympiques de Hull et à toute leur organisation, en espérant que la coupe est ici pour y rester. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Papineau. M. le député d'Abitibi-Ouest.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que je joins ma voix et celle de l'équipe ministérielle à la motion du député de Papineau. En enlevant quelques noms, on est 100 % d'accord, je dirai pourquoi tantôt, en «joke». Je crois que c'est avec beaucoup de fierté qu'on doit saluer effectivement cette extraordinaire belle victoire des Olympiques de Hull qui, après beaucoup d'années, ont réussi à mettre la main sur cette fierté – je me rappelle dans le hockey junior – qu'était la coupe Memorial. Et pour des gens de l'Ouest, de l'Ontario, sur une base un peu historique, traditionnelle, jusqu'à tout récemment, c'était normal de remporter la coupe Memorial. Ce n'est que récemment, puisque c'est la deuxième année d'affilée, que les Québécois remportent ce magnifique trophée qui indique le niveau de compétition, qui indique également la progression et la qualité du sport d'équipe qu'on peut représenter dans la Ligue majeure du Québec. L'an passé, pour ceux qui s'en rappellent, c'est les Prédateurs de Granby qui avaient réussi à gagner la coupe Memorial.

La motion dit, bien sûr, féliciter la victoire des Olympiques, la Ligue de hockey junior majeur lors de cette finale, mais je pense qu'il faut voir là également un objet de fierté pour tous les Québécois, toutes les Québécoises, qui démontre que lorsqu'on permet aux Québécois de compétitionner d'égal à égal, nous sommes là, puis souvent nous sommes là comme vainqueurs. Alors, c'est exactement ce qui est arrivé en fin de semaine. Bien sûr, il faut chaleureusement féliciter la direction des Olympiques de Hull qui a mis énormément d'années à avoir une équipe compétitive, de qualité; M. Charles Henry en est pour beaucoup, je connais toute l'implication qu'il a mise. Je félicite également M. Claude Julien, je félicite les joueurs, le public, parce que, dans la Ligue majeure, l'Abitibi a deux équipes qui compétitionnent dans cette ligue. Nous avons les Foreurs de Val-d'Or qui, année après année, ont une très bonne performance, et nous avons également l'équipe de Rouyn-Noranda; pour la première année cette année, ça a été un peu plus difficile, mais c'est une ligue que nous connaissons et c'est une ligue qui a fait ses preuves, qui offre un bon calibre de jeu et qui a progressé au fil des ans.

Alors, je me joins à la motion. La «joke», tout simplement, c'est qu'avec l'accord du député de Hull, ainsi de suite, alors je suis content que ce soit le député de Papineau, il est un petit peu plus souvent en cette Chambre que la visite qu'on peut avoir du député de Hull. Mais j'ai bien dit que c'était pour faire un petit commentaire de nos visiteurs, parfois, qui se présentent dans cette Chambre.

Aujourd'hui, par contre, la motion, c'est vouloir dire aux gens: Bravo pour l'équipe, bravo aux supporters, puis extraordinaire succès, parce que, pour la deuxième année d'affilée, les Québécois ont mis la main sur ce symbole de qualité et de haute compétition du hockey junior ici, au Québec, et je pense que, pour une deuxième année d'affilée, pouvoir garder ce trophée-là, c'est un objet de fierté pour tous les Québécois, toutes les Québécoises. Donc, on n'a aucune espèce de réticence à se joindre à la motion du député de Papineau.


Mise aux voix

Le Président: Alors, sur cette expression d'unanimité, est-ce qu'on peut considérer la motion comme adoptée?

Des voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Très bien. Est-ce qu'il y a, M. le leader du gouvernement, d'autres avis touchant les travaux des commissions?

M. Bélanger: Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 97, Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, demain, le mercredi 21 mai 1997, de 9 heures à midi, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira aujourd'hui, mardi le 20 mai, de 15 h 30 à 17 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère des Ressources naturelles du mois d'août 1993 au mois de mars 1997.

Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 145 du règlement, qui prévoit que trois commissions peuvent se réunir simultanément pendant les affaires du jour? Alors, il y a consentement.

Je vous avise également que la commission de l'administration publique se réunira demain, mercredi le 21 mai, de 9 heures à midi, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère du Travail du mois d'août 1991 au mois de mars 1997.

Et je vous avise, de plus, que la commission de la culture se réunira en séance de travail demain, mercredi le 21 mai, de 8 heures à 9 heures, au salon Québec-Est-Centre du restaurant Le Parlementaire. L'objet de cette séance est d'adopter le rapport final sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous en arrivons à la rubrique des renseignements sur les travaux de l'Assemblée. En ce qui me concerne, je vous informe que, demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Châteauguay. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du premier ministre qu'il reconnaisse la volonté démocratique des Québécoises et des Québécois qui s'est exprimée lors du référendum du 30 octobre 1995.»


Affaires du jour

Alors, nous passons maintenant aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article du 18 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 125


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 18, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique. Alors, je reconnais maintenant le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier (suite)

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'avais, avant la pause du dîner, entrepris le débat, je pense, avec trois ou quatre minutes. Je voudrais poursuivre et revenir au coeur même. J'avais dû commencer mes remarques en rappelant à l'ordre le côté ministériel qui ne semble pas vraiment savoir comment fonctionne le partage des compétences entre la capitale à Ottawa et la capitale à Québec. Il y a un de nos collègues d'en face qui nous a dit qu'il n'y avait aucune responsabilité à Québec pour la sécurité publique, alors qu'il y a pourtant un ministre de la Sécurité publique. Il y a un collègue d'en face qui a dit que l'administration de la justice, ça ne concernait pas le Québec, alors que c'est pourtant une de nos compétences reconnues dans la constitution et il y a un ministre de la Justice qui est là.

Je comprenais donc qu'il y a des députés péquistes qui pensent qu'il y a des ministres de trop au sein de leur formation. C'est comme ça que ça s'est terminé à la pause du dîner. Et je veux bien constater qu'effectivement, de la façon dont certains ministres s'occupent de leurs fonctions, occupent leurs responsabilités, je peux concourir à la conclusion qu'un des collègues péquistes a tirée ce matin, à l'effet qu'il y avait des ministres qui ne faisaient pas leur travail puis qu'il y avait un gouvernement qui ne s'occupait pas de ses responsabilités. Ça, c'est vrai. Mais il faut quand même se rappeler qu'il y a des compétences ici, à Québec, et qu'avant de faire – comme le disait le chef de l'opposition – du grand théâtre pour essayer de s'inventer des humiliations, pour aller en chercher d'autres, ça serait peut-être mieux que les ministres qui sont ici s'occupent de leurs responsabilités et essaient de travailler pour l'ensemble des Québécois.

Alors, je voulais juste faire cette remarque, parce que ce qui m'intéresse, c'est beaucoup plus de regarder le projet de loi n° 125, d'aller au coeur de ça. Je ne pensais pas que c'était approprié – et j'espère qu'il n'y aura pas d'autres collègues ministériels, M. le Président, qui vont retourner dans cette petite rhétorique de propagande – d'essayer de dire que le fédéral a attendu pendant un an, alors que c'était – et ce projet de loi est la preuve qu'il y a des compétences ici, qu'un ministre peut bouger, qu'il aurait pu bouger avant. Alors, j'espère qu'on va être capable de regarder ce que fait le gouvernement du Québec, ici: c'est notre fonction; et on va laisser ceux qui sont à Ottawa faire la leur.

(15 h 30)

Une chose qu'on peut constater, et je clos le débat là-dessus: il est vrai qu'à Ottawa il y a eu de l'action qui s'est passée. J'aurais préféré que le gouvernement, que le côté ministériel nous dise: Bon, bien, dans ce cas-là au moins, on fait amende honorable; on leur tape souvent sur la tête, c'est vrai qu'ils ont bougé plus vite que nous dans leur champ de compétence.

Pourtant, les deux paliers ensemble font la démonstration, à l'égard d'une question excessivement importante – ce que la guerre des gangs de motards a comme effets sur la population – qu'il est important et possible, M. le Président, d'avoir une action concertée de nos paliers de gouvernement pour s'attaquer à des problèmes comme ceux-là. Et c'est pourquoi nous avons dit que nous allions supporter le principe. Parce que le principe de ce projet de loi, M. le Président, c'est de donner une réponse à des inquiétudes qui sont excessivement grandes dans la population, et ça, c'est un principe fondamental auquel on concourt. Et nous appuyons ce principe parce que nous constatons, comme les autres collègues de ce côté-ci – je pense que tout le monde le constate – les inquiétudes très vives, l'ampleur du cauchemar que vit la population. Et, dans certains villages, dans certaines villes, c'est pire qu'ailleurs, et je pense qu'il faut y porter une attention particulière. Donc, un premier propos pour dire que l'action concertée des paliers de gouvernement est possible et que, dans ce cas-là, on espère que ça va porter les fruits auxquels tout le monde s'attend.

Sur le fond, lorsqu'on va avoir à étudier, M. le Président, le projet de loi n° 125, évidemment lorsqu'on fera l'étude article par article, il faudra regarder de façon précise certaines questions de fond. Il y en a de deux ordres, des questions de fond. Je vais y revenir tantôt. Des questions de fond sur le contenu même, sur les articles. Il y a avec nous, M. le Président, ici, en cette Chambre, le président de la commission des institutions, qui sait que nous sommes à étudier le projet de loi n° 89, et il y a des questions qui sont soulevées par ce projet de loi qui mettent en cause certains des débats que nous avons eus à l'égard du projet de loi n° 89. Je vais y revenir tantôt.

L'autre aspect de fond qu'il faudra étudier... Et je pense qu'il serait important de faire le point tout de suite et sur le principe et sur le débat article par article. Et, ma foi, aussi, à la fin, j'ai l'impression qu'il faudra aussi y revenir sur l'adoption finale. Parce que, même si on adopte de nouvelles règles, de nouveaux moyens, de nouveaux pouvoirs qui sont donnés soit aux municipalités soit à la Régie des alcools, des permis et des courses, encore faut-il se rappeler qu'on pourrait inventer 500 000 000 de nouvelles règles, s'il n'y a personne pour les appliquer, s'il n'y a personne pour les superviser, s'il n'y a personne pour poursuivre une fois qu'on a constaté des infractions, à quoi ça sert si ce n'est qu'à faire illusion, si ce n'est qu'à être un écran de fumée?

Et ce qu'il y a à déplorer... Parce que ce qui n'accompagne pas ce projet de loi, qui propose de nouvelles façons de faire pour essayer d'attaquer le mal là où il est, M. le Président, ce sont les effectifs. Mon collègue de Frontenac en a parlé tantôt. Un court mot là-dessus, si vous me le permettez.

Les effectifs policiers d'abord. Mon collègue de Frontenac a démontré que c'est aux environs de 600 effectifs que le Québec compte en moins maintenant. Alors, au même moment où, depuis un an, le gouvernement du Parti québécois se creuse les méninges à se demander: Est-ce qu'on va faire un pas en avant? Est-ce qu'on va faire quelque chose pour essayer d'apaiser les inquiétudes?... Ça a pris un an. Là, ils font un geste mais n'accompagnent pas ce geste de la possibilité, de la capacité de mettre en pratique non seulement les nouvelles règles qui seront édictées, mais celles qui existent déjà. Six cent policiers de moins, des procureurs de la couronne en nombre insuffisant, des centres de détention fermés: on a là les moyens de mettre en vigueur des règles qui existent déjà, des moyens qui sont amenuisés, qui sont diminués, qui sont réduits.

Alors, quand on regarde tout ça, M. le Président, on se dit: Même si on débat du principe, en ce moment, de la valeur d'établir de nouvelles règles, de nouveaux moyens sur lesquels on s'entend tous, il faut bien aussi faire un point à l'effet qu'on aurait toutes les règles possibles, s'il n'y a personne pour les appliquer, ça ne donnera pas grand-chose.

Alors, peut-être un espoir qu'on peut demander au gouvernement, c'est de nous envoyer un signal et de nous dire: Oui, on va être cohérent; oui, on va faire un peu plus; oui, on va éviter de faire comme dans d'autres dossiers et juste faire un écran de fumée, on va mettre des effectifs. Il y aura des possibilités de mettre en pratique ce qu'on dit. Dans ce cas-là, au moins pour une fois, il n'y aura pas d'écart entre le discours et l'action. Ce serait un premier geste, ce serait une première pour ce gouvernement, mais, pour les populations concernées, je pense que cette première, elle est méritée. Et, même si ça change un peu les habitudes du gouvernement péquiste de mettre dans l'action ce qu'il dit dans ses propos, bien, ça ne fera pas de tort de commencer, pour une fois, à tenir... à être cohérent, juste à être cohérent, juste à être capable de dire: On met des nouvelles règles et on va les appliquer.

Et ça, M. le Président, je pense que ce serait salué beaucoup plus que tous les discours à savoir: Est-ce que c'est de la faute du fédéral, de tel ministre? Qui a écrit la lettre en premier? toutes les petites games de stratégies, de tactiques, pour essayer de dire: Ce n'est pas moi qui est responsable. Je pense que la population attend de nous tous des propos sérieux et cohérents. Et, dans ce cas-là, on est tous en train de dire qu'il y a des inquiétudes graves, qu'il faut agir, qu'il faut des règles et qu'il faut les appliquer. Alors, le premier point de fond qu'il est important de mentionner, c'est celui des effectifs: policiers, procureurs de la couronne, centres de détention, s'assurer qu'on ait l'encadrement qui permet d'aller au fond des choses.

Le deuxième élément, M. le Président. Et ça, on va y revenir sur la question de l'étude article par article, non seulement au niveau d'éléments comme la rétroactivité avec lesquels... Et, dans ce cas-là, je dois avouer... Comme à l'article 1, on en parle, M. le Président. Et je pense qu'on a assez bien précisé pour essayer de réduire les dangers qui peuvent accompagner une mesure avec portée rétroactive, on le sait. On essaie d'éviter ce genre de choses, parce qu'une portée rétroactive, c'est d'aller affecter le droit des gens qui jusque-là avaient ce droit-là. On les affecte dans le passé. Il est impossible pour eux de savoir qu'une nouvelle règle arrivera. Dans ce cas-là, je dois avouer que, lorsqu'on est capable de bien cerner la cible, il peut être approprié d'utiliser cette méthode. Encore faut-il être prudent, M. le Président, et je pense qu'on devra le faire lors de l'étude article par article.

Même chose pour le renversement du fardeau de preuve, sur la présomption d'innocence, un des principes fondamentaux de notre société. Et, lorsqu'on passe à côté de ça, il faut s'assurer – et là on va le regarder très, très, très attentivement – qu'on va vraiment là où il faut aller et non pas qu'il y ait de débordements, parce que ce qui est dangereux avec ce genre de projet de loi, ce sont les effets de débordements. Il ne s'agit pas de ne pas agir, de ne pas légiférer. Au contraire, il faut légiférer. Au contraire, il faut qu'il y ait une action gouvernementale. Mais il faut s'assurer que cette action... Et c'est notre devoir, comme législateurs, tous, des deux côtés de cette Chambre, de s'assurer que le législateur saura cibler le mal et ne pas engendrer d'effets pervers par son projet de loi. C'est l'élément qu'il faut retenir.

Par ailleurs, il y a un autre élément, M. le Président, qui m'attire particulièrement à la lecture du projet de loi n° 125. Il m'attire non pas en termes de goût, M. le Président, mais attire mon attention. Lorsqu'on regarde le nouvel article 32.1 de la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, qui est amené par l'article 56 du projet de loi n° 125, ce qui est assez étonnant... Et je vais vous lire un court extrait, M. le Président, juste pour permettre à ceux qui sont familiers avec l'étude du projet de loi n° 89 de voir qu'il y a des lumières rouges qui s'allument.

Le nouvel article 32.1 qu'on propose, M. le Président, on dit qu'avant de refuser le renouvellement d'un permis – là, je parle de la Régie des alcools, des courses et des jeux, et je lis seulement certains passages – de les suspendre ou de les révoquer, la Régie doit notifier par écrit à la personne concernée un préavis de la décision projetée. Elle doit aussi accorder à cette personne un délai d'au moins 10 jours pour présenter des observations, y compris demander à se faire entendre et produire des documents pour compléter son dossier.

Ce qui est assez étonnant, M. le Président, c'est qu'en même temps qu'on nous propose ce projet de loi nous sommes en train d'étudier le projet de loi n° 89, où il a été amplement démontré – et, ça, des deux côtés de cette Chambre, on le comprend, on le conçoit et on est d'accord avec ça – que c'est différent, le droit de présenter des observations et le droit d'être entendu.

Le droit d'être entendu, M. le Président, c'est, entre autres, le droit de contre-examiner, le droit de contre-interroger, le droit d'aller voir ce que l'administration a dans ses cartons pour s'assurer que le citoyen, l'administré ne sera pas affecté. Et, à l'égard du projet de loi n° 89, ce qu'on dit au ministre, c'est: Ça n'a pas d'allure d'enlever... Parce que, en ce moment, le droit d'être entendu est un principe de justice naturelle que nous avons, comme administrés, dans notre société. Le ministre de la Justice, à l'égard de sa réforme de l'administration, ce qu'il appelle la déjudiciarisation, M. le Président, ce qu'il est en train de faire, c'est de réduire la protection des droits des citoyens. Ils n'auront plus le droit de se faire entendre, le droit d'être entendus, au sens de contre-interroger, de contre-expertiser. Ils n'auront que le droit de présenter des observations.

Et ça soulève tout un problème, parce qu'on se trouve à comprendre que, dans la tête du ministre de la Justice, la déjudiciarisation, ça veut dire moins de justice. Ça n'a jamais été compris comme ça par la population et ça n'a jamais été ce que les gens ont compris de leur programme électoral, M. le Président. C'est à des milles et des millions de milles d'un consensus populaire sur l'idée de déjudiciarisation, qui est une idée d'avoir une justice plus souple, mais pas moins de justice.

Or, ce que fait le ministre de la Justice avec le projet de loi n° 89, c'est de réduire le droit d'être entendu à un simple stade de droit de présenter des observations, ce qui est bien différent. Dans ce cas-là, c'est l'administration qui gagne contre l'administré.

(15 h 40)

Dans ce cas-ci, M. le Président, et c'est sans doute un débat qu'on aura à avoir aussi sur le projet de loi n° 89, qui n'est pas adopté... Donc, on a deux projets de loi qui sont en train de nous présenter deux pistes différentes. Dans le cas du 89, dans toutes les lois, on enlève le droit au citoyen d'être entendu pour simplement avoir le droit de présenter des observations.

Ici, on est en train de nous présenter un nouvel article, 32.1, à la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, où on dit «présenter ses observations, y compris demander à se faire entendre». Alors, là, tout un débat va se poser: Est-ce que la possibilité de se faire entendre signifie le droit d'être entendu, tel que compris par les principes de justice naturelle, signifiant alors la possibilité de contre-expertiser, la possibilité de contre-interroger, la possibilité de faire venir des témoins? Si c'est ce que ça signifie, alors pourquoi avoir indiqué le concept de présenter ses observations, qui, pour le ministre de la Justice, très bien compris par lui et exposé par lui, est un des éléments du droit d'être entendu auquel cas on n'a pas besoin de disloquer ces deux données?

Ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est qu'on a devant nous deux pièces législatives, 89, 125, qui semblent, à première vue, se contredire. Alors, sur les remarques au niveau du principe du 125, je vous dis donc ceci: Il faut être prudent, prudent non seulement en regardant le 125 dans son ensemble, mais prudent aussi en regardant le 125 avec d'autres lois, notamment avec le projet de loi n° 89. Il va falloir s'assurer d'être cohérent. Donc, maître mot à l'égard de l'action gouvernementale, un souhait: s'assurer de la cohérence, s'assurer qu'il soit capable de savoir ce que sa main gauche et sa main droite font, s'assurer de savoir que, lorsqu'on donne des nouvelles règles aux municipalités, aux différentes régies, lorsqu'on donne un nouveau cadre qui permet de cibler le mal, il y ait, en véritable cohérence, des moyens de l'appliquer. Donc, ne jamais perdre de vue que le ministre qui propose des nouvelles règles n'est pas capable de nous donner les effectifs nécessaires à la mise en place, mise en vigueur de ces nouveaux moyens.

Ceci dit, M. le Président, la volonté du gouvernement de s'attaquer à ce mal, même si elle fut longue à venir, s'exprime par ce projet de loi n° 125. Nous sommes favorables au principe de ce projet de loi, nous allons regarder avec attention les conséquences, éviter les effets pervers qui pourraient être accompagnés. Et je termine en vous disant que nous allons continuer à militer, plaider pour que ce gouvernement puisse enfin avoir de la cohérence, puisse enfin se donner les moyens pour mettre en vigueur, appliquer des pièces législatives qu'il fait adopter. S'il ne le fait pas, nous devrons conclure qu'il s'agira encore une fois d'un artifice, d'un écran de fumée, d'une illusion qui sera donnée à l'ensemble des Québécois, et ce sera bien malheureusement à déplorer. Mais nous continuerons d'insister et peut-être qu'un jour nous saurons les convaincre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. Nous allons céder maintenant la parole au député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole à l'occasion du débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, projet de loi qui a été déposé dans cette Chambre par le ministre de la Sécurité publique le 8 mai dernier.

Très rapidement, M. le Président, quand on fait la lecture de ce projet de loi très technique de 64 articles, on s'aperçoit que le gouvernement a choisi de répondre à une situation grave en termes de protection publique en augmentant le pouvoir des municipalités du Québec, qu'elles soient régies par la Loi sur les cités et villes, le Code municipal et, en ce qui concerne Québec et Montréal, par leur charte respective.

Ces problèmes graves qui menacent la protection de la population originent des guerres de monopole que se livrent des bandes de motards criminalisés. Toutefois, même si le ministre de la Sécurité publique a choisi le 8 mai pour proposer ses solutions, des événements tragiques reliés à la guerre des motards remontent, quant à eux, à l'année 1995, lorsque surtout l'opinion publique fut apeurée d'apprendre le décès du jeune Daniel Desrochers, assassiné à Montréal par une bombe qui était bêtement destinée à un membre d'un groupe criminel.

Depuis ce temps, M. le Président, on se rappellera que le Québec a été témoin presque à chaque semaine d'un nouvel épisode de cette guerre de motards criminalisés. Cette guerre s'est évidemment transportée de Montréal à Québec. Dans la capitale, c'est avec surprise et consternation que la population de plusieurs quartiers résidentiels a dû apprendre ce que c'est, la violence au quotidien, ce que ça veut dire, de vivre sous la menace d'explosions de colis, de véhicules piégés.

Les autorités municipales ont aussi appris à connaître le phénomène de la guerre des gangs, et surtout ces autorités municipales ont clairement saisi qu'elles devaient mettre en commun les ressources qu'elles possédaient parce que – et c'est déplorable – le gouvernement du Québec et son ministre de la Sécurité publique n'ont jamais mis au service de Québec les ressources importantes dont l'escouade Carcajou de Montréal disposait lors de sa formation, à l'automne 1995, à Montréal, M. le Président.

Si, à Montréal, comme le soulignait il y a encore quelques semaines M. Pierre Sangollo de la police de la Communauté urbaine de Montréal, Carcajou a pu compter jusqu'à 95 policiers spécialisés, expérimentés pour lutter contre les gangs de motards, Carcajou Québec n'a jamais pu compter sur plus de 20 à 25 policiers. Et le nombre de ces policiers fluctuait tellement, M. le Président, que même le ministre de la Sécurité publique s'est drôlement mêlé ici, en cette Chambre, en répondant aux questions de mon collègue de Frontenac, qui, lui, a toujours insisté pour connaître les raisons du ministre qui a refusé de traiter le problème de la guerre des gangs à Québec comme son prédécesseur, qui avait répondu aux attentats à l'explosif et aux assassinats à Montréal par une escouade Carcajou avec beaucoup plus de ressources que l'escouade Carcajou Québec qui a dû affronter des problèmes semblables avec moins d'outils, M. le Président.

Sans entrer dans tous les détails du projet de loi n° 125 que la commission parlementaire des institutions verra à étudier à son mérite, je voudrais plutôt aborder un autre point important du projet de loi, M. le Président. En fait, ce sujet très important nous vient toujours à l'esprit quand on lit le projet de loi. En effet, on attend toujours quelque part, dans le texte du projet de loi, un engagement du gouvernement pour qu'il ajoute lui-même des ressources, qu'il augmente sa contribution de façon concrète dans l'action quotidienne des forces policières municipales qui font la guerre aux criminels.

M. le Président, nous restons sur notre appétit et nous laissons le projet de loi qui demeure muet sur la question pour tenter de voir si les crédits du ministre de la Sécurité publique ont été augmentés. Parce qu'on se dit: La protection de la population doit au moins vouloir signifier quelque chose pour le gouvernement.

M. le Président, j'ai rencontré dernièrement des agents de la Sûreté du Québec qui discutaient aussi avec plusieurs de mes collègues du manque de ressources qu'on a depuis deux ans à la Sûreté du Québec, de la fierté qu'on avait, nous, les Québécois et les Québécoises, d'avoir ce corps de police là qui était devenu – un mot qui est très populaire – d'une spécificité envers leur professionnalisme et leur expérience à combattre tous ces motards-là. Et on a mis ça de côté, M. le Président. On a mis ça de côté encore une fois sur le dos des citoyens, sur le dos d'une jeune personne même qui est décédée avec une bombe proche de lui. C'est triste, M. le Président, qu'on ait pu, pendant 30 ou 40 ou 50 ans... que la Sûreté du Québec devienne vraiment reconnue à travers le Canada, même l'Europe pour sa spécialité. Je ne suis pas un expert moi-même dans la police, mais j'ai été conseiller municipal chez nous, à Buckingham, et président de la commission intermunicipale, j'ai pu comprendre le rôle important qu'un policier a à faire dans pas seulement la drogue, pas seulement les bombes, les motards, mais la protection de ses citoyens.

(15 h 50)

Je vois M. le ministre, qui est de l'autre côté, qui trouve ça... Je ne dirai pas le mot parce que vous allez être obligé de couper dans le temps, mais on dirait qu'on veut mettre complètement la Sûreté du Québec... Exemple, Carcajou en était. C'était la fierté des Québécois et Québécoises, de la protection dans chacune de nos régions. On n'a plus ça.

Vous savez, M. le Président, la nuit, on avait de quatre à cinq, à six patrouilleurs dans un comté comme le mien, Papineau; maintenant, il y en a un ou une qui patrouille ou qui est dans son bureau à répondre au téléphone. Il n'y a personne pour protéger. C'est ça qu'ils ont fait ici depuis deux ou trois ans. C'est ça qui se passe, là. On attend les crédits pour prendre des décisions sur le dos de nos citoyens, qui n'ont aucune protection, parce que ce gouvernement-là a coupé les crédits depuis qu'ils sont là, depuis 1994. La preuve est là et M. le ministre le sait. On a fermé des bureaux de la Sûreté du Québec. Exemple, chez nous, après 35 ans, on a fermé un bureau à Buckingham, dans le comté de Papineau, et on a envoyé ça à Hull.

Ça veut dire qu'il va y avoir moins de services et moins de protection, M. le Président. Et on prend ça à la légère. C'est important, la sécurité de nos gens. Chacun et même les gens qui sont de l'autre côté le savent aussi, qu'ils ont des bureaux de la Sûreté du Québec avec moins de personnel, moins de protection, moins de sécurité. C'est la vérité, on le sait, c'est prouvé. Et on coupe encore une fois. C'est le gouvernement, le gouvernement du Parti québécois qui a coupé sur les services de la sécurité et de la protection des citoyens du Québec. Et, un jour, les gens vont les remercier et on sait quand, M. le Président.

M. le Président, je me répète, la protection de la population doit au moins vouloir signifier quelque chose pour ce gouvernement-là. Erreur, M. le Président. Comme je viens de mentionner, les crédits de la Sécurité publique sont en baisse et le ministre a même dû cette année facturer 100 000 000 $ aux municipalités pour que la Sûreté du Québec assume des services en dépit des coupures successives que le gouvernement péquiste lui a imposées depuis qu'il est au pouvoir.

Comme dernière remarque, je voudrais indiquer au gouvernement qu'il ne lui suffit pas de donner aux municipalités des pouvoirs réglementaires additionnels pour fermer des établissements pour que, lui, le gouvernement puisse se dire qu'il a fait son travail. Bien au contraire, dans notre régime démocratique, l'État doit donner l'exemple en matière de respect des institutions. Peut-on croire à une société débarrassée de tout manquement, de toute illégalité quand ceux qui sont élus et qui ont à rendre des comptes, comme gouvernement, n'assument pas leurs responsabilités?

Ici, M. le Président, je me souviens des questions de mon collègue de Frontenac sur le spectacle de l'ancien ministre de la Sécurité publique, en juillet 1995, à la télévision, quand il détruisait des plans de pot de Kanesatake. Deux ans plus tard, les trafiquants, qui n'ont jamais été accusés, doivent mourir de rire et se rouler par terre en revoyant la cassette de nouvelles de cette époque mettant en vedette l'ex-ministre. Je me souviens aussi des questions du député de Frontenac, qui mettait en demeure le gouvernement d'interdire la tenue des «combats extrêmes» du 26 avril 1996 au même endroit. Tous nos collègues qui ont le respect des institutions essaient encore d'oublier les réponses désolantes du ministre de la Justice à mon collègue de Chomedey, ici, à ma droite, sur le compte des dépenses d'un juge en chef de la Cour du Québec et sur les détails de la nomination d'un autre juge sur le compte de qui? Et c'est très triste, M. le Président, on saura peut-être qu'il n'était pas au courant de son passé du FLQ.

Bien amicalement, M. le Président, je souligne au gouvernement, même s'il aura notre accord de principe sur le projet de loi n° 125, qu'on ne lutte pas efficacement contre le crime sans y mettre des budgets nécessaires, sans donner à la justice les moyens de faire son travail correctement et sans agir de façon exemplaire comme gouvernement dans le respect des institutions qui protègent notre société, dans le respect des conventions collectives signées avec ses fonctionnaires et sans mettre les lois référendaires à la remorque de ses objectifs politiques comme l'a récemment avoué Jacques Parizeau. C'est tout simplement une question de valeurs démocratiques et c'est la population qui en est le juge. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Papineau. Nous céderons maintenant la parole à la députée de Chapleau. Mme la députée.


Mme Claire Vaive

Mme Vaive: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole à l'occasion de ce débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, projet déposé, le 8 mai dernier, par le ministre de la Sécurité publique.

On se souvient tous de l'histoire récente qui a conduit le gouvernement à finalement déposer le projet de loi n° 125. Les guerres de monopole du commerce de la drogue auxquelles se livrent les gangs de motards ont fait des victimes innocentes et ont rendu la vie impossible à des milliers de citoyens honnêtes à Québec, Saint-Nicholas et Montréal, pour ne nommer que ces villes où les attentats à l'explosif et les assassinats des bandes rivales de motards criminalisés ont fait la manchette.

Phénomène intéressant pour moi qui assume le rôle de porte-parole dans le dossier de l'action communautaire pour l'opposition officielle, on a vu, et cela a débuté il y a plusieurs mois, des citoyens dont la vie était menacée par cette guerre sauvage, des citoyens parler ouvertement contre des criminels, des citoyens qui ont dénoncé ces crimes, dénoncé les menaces qui pesaient contre leurs enfants parce qu'un bar était situé sur le chemin d'une école primaire, des citoyens outrés, à leurs yeux leurs droits étaient oubliés, oubliés par le gouvernement qui multiplie les coupures, oubliés par les longs débats judiciaires qui s'éternisent sur les droits des criminels. Assez, c'est assez, ont crié ces honnêtes gens qui habitent souvent des quartiers défavorisés de nos villes.

Intéressant, ce phénomène, M. le Président, car il incarne tout ce pouvoir de la population qui a fait finalement bouger le gouvernement, gouvernement qui a toutefois attendu le dépôt du projet de loi du ministre fédéral de la Justice, M. Allan Rock, qui a bien compris le désarroi de la population et qui a renforcé les dispositions du Code criminel canadien pour répondre de façon vigoureuse aux défis que pose le crime organisé, et les bandes de motards criminalisés notamment. Donc, à la suite du projet de loi de M. Rock, le ministre de la Sécurité publique du Québec a déposé son projet de loi n° 125, le 8 mai dernier.

Si, à la lecture du projet de loi, on remarque que le ministre tente de rapprocher les solutions du pouvoir réglementaire des municipalités qui pourront éventuellement fermer des établissements qui détiennent ou pas les permis pertinents sur leur territoire, on se serait attendu à voir le gouvernement exposer un plan, une vision et des moyens concrets pour appuyer l'action quotidienne des autorités municipales et des corps policiers qui doivent affronter le crime organisé, qui, lui, dispose des ressources financières énormes pour se défendre tout en développant ses réseaux criminels.

Or, il n'en est rien. Pour les municipalités il s'agira de fermer des établissements dont les propriétaires pourront par la suite porter le dossier devant la Cour du Québec. Pour la Régie des permis d'alcools, des courses et des jeux, il deviendra plus facile de refuser d'émettre de nouveaux permis d'alcools parce que leurs conditions d'émission seront resserrées.

Pourtant, M. le Président, il suffit d'être à l'écoute de la population et des milieux communautaires pour savoir que la criminalité et les groupes de criminels qui en sont la cause ont mille et une façons de parvenir à leurs objectifs et d'accroître ainsi, de jour en jour, leur pouvoir et leur emprise dans une société que nous voulons pourtant la plus civilisée, la plus évoluée, la plus juste et la plus généreuse pour tout le monde.

(16 heures)

Aussi, M. le Président, nous cherchons les priorités de ce gouvernement. Le gouvernement n'avait-il pas dans ce dossier de la lutte aux motards criminalisés l'occasion d'exprimer haut et fort son attachement pour la justice et le respect des institutions? Le ministre de la Sécurité publique me répondra que c'est ce qu'il fait. Moi, je lui dis que c'est très facile de présenter un projet de loi comme le projet de loi n° 125. C'est facile pour le ministre de dire: Oui, je vais donner des outils aux villes et elles se débrouilleront devant les tribunaux si l'établissement que la municipalité X a décidé de fermer porte sa cause devant les tribunaux. Sans lui prêter d'intention, je vois que le gouvernement a choisi d'agir là où il n'aura pas à payer un sou. À preuve, M. le Président, les crédits du ministère de la Sécurité publique sont toujours en baisse, que ce soit la part du gouvernement dans le budget de la Sûreté du Québec ou la timidité des mesures pour lutter contre la contrebande d'alcool et les bandes de motards criminels.

Est-ce que le gouvernement s'imagine qu'il n'aura rien à payer ou croit-il que la facture sociale de la criminalité va... acquérir? M. le Président, les groupes communautaires nous parlent de la réalité. Ces groupes nous disent où en sont les besoins des jeunes et des moins jeunes qui tentent de s'arracher à la drogue, de refaire leur vie loin des criminels qui les ont entraînés vers les prisons. Ces groupes ne reçoivent aucun signal nouveau dans ce projet de loi. Ils perçoivent tout au plus un outil additionnel pour les municipalités et pour les fonctionnaires de la Régie des alcools, des courses et des jeux.

Même si nous voterons pour le projet de loi n° 125, nous disons au gouvernement que rien n'est terminé et que, du côté de l'opposition, la vigilance continuera de s'exercer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Chapleau. Nous céderons maintenant la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Alors, Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, cet après-midi, de joindre ma voix à celle des collègues qui sont intervenus dans le cadre du projet de loi n° 125, projet de loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique.

M. le Président, on se rappellera que ça fait quand même plusieurs années... Il y a des événements malheureux qui sont arrivés il y a plus d'un an dans la région de Montréal et qui ont, je pense, largement sensibilisé non seulement les députés à l'Assemblée nationale, mais ont évidemment sensibilisé les citoyens, les citoyennes du Québec, particulièrement les gens vivant dans des quartiers peut-être un peu plus défavorisés et qui sont un petit peu plus portés à rester dans des quartiers où se trouvent des bars criminalisés. C'est fort dommage parce que ce sont ces gens-là qui doivent payer la note, M. le Président.

Il y a eu mortalité il y a un an, on s'en rappellera, et je pense que ce crime, carrément gratuit, a fait en sorte d'éveiller la sensibilité des gens et de forcer les élus à la fois municipaux et provinciaux à regarder de quelle façon on pourrait gérer ce problème-là. On se rappellera aussi, M. le Président, que, récemment, dans la région de Québec... J'inclus dans la région, vous comprendrez, la rive sud, ce n'est pas parce qu'on a un fleuve qui nous sépare, je préfère dire que le fleuve nous unit, la rive sud et la rive nord de Québec. Ces gens-là, je fais référence, en fait, à Saint-Nicolas, ont vécu une situation fort déplorable. Il y a des gens dans la région de Québec, dans le quartier Limoilou, le quartier Saint-Roch, qui vivent dans la terreur depuis des mois et des mois, voire même des années.

Alors, suite aux pressions, comme vous le savez, des élus municipaux de la grande région de Québec, je ne peux que déplorer le fait que le gouvernement ait attendu aussi tard pour bouger, mais n'eut été de cette intervention-là, de façon massive – je dois féliciter les élus de la région de Québec pour leur initiative et leur volonté de voir ce dossier-là réglé – je ne pense pas qu'on serait en train de parler du projet de loi n° 125 aujourd'hui. Toutefois, on est en train d'en parler parce qu'il y a eu cette initiative et parce que le gouvernement a décidé d'aller de l'avant en permettant aux municipalités ou en octroyant, devrais-je dire, aux municipalités des pouvoirs accrus, évidemment, dans des circonstances extraordinaires et très particulières.

Vous comprendrez qu'étant la députée responsable pour la région de Québec pour ma formation politique je suis contente de voir qu'on a enfin répondu à cet appel pressant. Je déplore qu'on ait pris tant de temps. Par contre, je pense que le gouvernement donne aux municipalités du Québec quelles qu'elles soient, mais plus particulièrement, évidemment, celles qui vivent ces situations tragiques, des outils qui vont leur permettre tout au moins de se retourner rapidement de bord et d'essayer de rassurer leur population.

M. le Président, vous avez été maire de votre municipalité, vous savez ce que ça signifie. Je pense que, vous et moi, on n'aurait pas souhaité avoir en nos murs à vivre les situations qu'ont connues le maire de Saint-Nicolas, le maire de Québec et le maire de toute autre municipalité qui a eu à régler ou à tenter de régler des problèmes.

Alors, le projet de loi n'est pas parfait, c'est certain. Mais, au moins, le projet de loi vient donner des outils supplémentaires, comme j'ai mentionné tout à l'heure, aux élus municipaux, et à plusieurs titres.

Très brièvement, M. le Président, on note que le projet de loi comporte trois volets: des pouvoirs accrus d'intervention de la Régie des alcools, des courses et des jeux dans le contrôle des permis de bar; un élargissement des pouvoirs d'agir des municipalités lorsqu'il y a urgence et que la sécurité du public et est en jeu et, enfin, un resserrement des conditions d'accès aux substances explosives.

Je ne ferai pas la nomenclature de l'ensemble des projets, sauf que j'aimerais juste vous rappeler quelques éléments qui m'apparaissent importants. Alors, on modifiera, par le biais de ce projet de loi, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme afin d'octroyer le pouvoir aux municipalités d'obliger à modifier une construction comportant des matériaux non conformes à la réglementation existante ou dont l'assemblage déroge à cette réglementation.

Ce qui est intéressant, M. le Président, exactement, c'est que cette disposition permettra aux municipalités d'y aller ou d'agir de façon rétroactive. La question qu'il faut se poser, et je pense que c'est important qu'on se la pose: Qu'arrive-t-il des droits acquis? Moi, je ne suis pas ici pour défendre les groupes organisés criminalisés, mais je pense qu'il va falloir faire confiance à nos tribunaux et s'assurer que les tribunaux verront en ces articles de loi l'utilisation par les élus d'une façon saine et je pense bien que cet outil-là qu'on vient de donner ou qu'on donnera aux municipalités, je sais pertinemment qu'il sera utilisé avec bon sens et bon jugement.

Toutefois, c'est évidemment l'élément dont il faudra discuter en commission parlementaire. On ne fera pas le procès ici de chacun des cas ou des causes qui se retrouvent devant la Cour, mais il est certain, par contre, qu'on a donné aux municipalités un outil, puis je pense qu'il est important qu'elles l'aient.

On va donner aussi au municipalités par l'insertion de l'article octroyant un pouvoir d'intervention pour faire cesser des activités dans un établissement lorsque celles-ci menacent la sécurité publique ou la tranquillité des citoyens. Dans les cas d'activités exercées sous le régime d'un permis, le conseil municipal peut demander la révocation de ce permis devant la Cour du Québec et, durant l'instance, interdire lui-même l'accès à l'établissement ou ordonner la cessation de l'activité.

M. le Président, le projet de loi introduit aussi des dispositions qui permettent à un membre de la Sûreté du Québec de refuser un permis autorisant la possession d'explosifs à une personne qui, au cours des cinq années qui précèdent sa demande, a été déclarée coupable de n'importe quel acte criminel en vertu du Code criminel.

Il y a de nombreux articles dans le projet de loi. On aura l'occasion d'en discuter article par article lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire. Je note, par contre, la grande collaboration du fédéral et du provincial dans ce dossier-ci et la rapidité avec laquelle le gouvernement du Québec a décidé d'accélérer ses démarches à partir du moment où le ministre fédéral de la Justice a décidé d'aller de l'avant avec des propositions.

Je pense que ce projet de loi là fait l'affaire des maires du Québec. Je leur ai parlé, j'ai parlé aux maires de la grande région de Québec, j'ai parlé avec le maire de Saint-Nicolas. Il n'est pas parfait, ils en conviennent, mais c'est un outil dont ils avaient besoin et ils s'attendent à ce que, s'il doit être perfectionné, il le sera par le biais des amendements qu'on pourra apporter à cette loi-là en d'autres temps.

Alors, M. le Président, je donne mon accord, je voterai en faveur du projet de loi n° 125 parce que je pense qu'il va permettre aux citoyens de dormir en paix, certainement mieux en paix, et va assurer la sécurité des citoyens et des citoyennes du Québec. Merci.

(16 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. M. le ministre, votre droit de réplique.


M. Robert Perreault (réplique)

M. Perreault: Quelques commentaires en conclusion, M. le Président.

D'abord, je souligne que, de façon générale, l'opposition, dans les diverses interventions qui ont été faites, a donné son accord, son appui au projet de loi, indiquant à juste titre que ce projet était à la fois nécessaire, qu'il était également demandé, souhaité par la grande majorité des intervenants et qu'il avait fait l'objet de discussions préalables entre les diverses parties: les forces policières, le monde municipal, etc.

M. le Président, je voudrais quand même faire une ou deux remarques. L'opposition a soulevé le fait que... comment dire, tout en donnant son accord, a un petit peu profité de ce débat pour ratisser assez large, comme on dit, en intervenant sur la question de la détention, en nous rappelant les débats sur la loi n° 77, en mêlant les choses en termes des effectifs policiers à la Sûreté du Québec en matière de gendarmerie avec les questions qui sont devant nous. C'est de bonne guerre, M. le Président, l'opposition, le projet de loi étant relativement satisfaisant, l'opposition étant plutôt favorable au projet de loi, devait bien sûr trouver un certain nombre de raisons de faire son travail, celui de critiquer. Mais, en même temps, mon Dieu, j'aurais aimé mieux que la critique se concentre de façon plus précise sur le projet de loi qu'on a devant nous qu'en faisant le tour de tous les vieux débats. J'avais, tantôt, un peu l'impression d'entendre les débats lorsque nous avons fait la discussion du projet de loi n° 77, l'année passée. Alors, je comprends que l'opposition n'a pas encore accepté certaines des réformes que nous avons mises de l'avant mais mélange un peu les cartes.

M. le Président, deux, trois choses ont été dites qui méritent d'être corrigées. La Sûreté du Québec, à toutes fins pratiques, a des budgets, cette année, qui sont similaires à ceux de l'an dernier. Ces questions ont été abordées lors de l'étude des crédits, et je comprends que, dans le cadre d'une réforme qui transfère aux municipalités certaines responsabilités – on sait que certaines municipalités du Québec ne payaient qu'une faible proportion des coûts de gendarmerie, on sait qu'il y a, de ce point de vue là, un réaménagement en termes d'équité entre les contribuables du Québec – bien, dans ce contexte, je comprends que l'opposition ne l'a jamais accepté. Mais, toutes les semaines, il m'arrive de signer des ententes à travers le Québec et d'entendre des maires, des préfets nous dire qu'ils sont contents de cette entente. Récemment, j'étais dans les régions de Trois-Rivières, à Maskinongé, Louiseville, régions que vous connaissez bien, M. le Président, et on me disait, j'entendais les maires... le préfet de Bécancour, ancien député libéral – je ne peux pas le soupçonner d'être partisan de mon parti – qui disait à quel point l'entente qu'on signait était intéressante, qu'elle augmentait les effectifs policiers dans sa municipalité régionale de comté. La même chose des propos de la mairesse de Louiseville où, là aussi, dans la MRC de Maskinongé, on augmentait le nombre de policiers.

Alors, M. le Président, je pense qu'on a mélangé un peu, de l'autre côté, les pommes et les oranges. D'ailleurs, je pense qu'on mélange encore les chiffres. Il est vrai qu'on demande à la Sûreté du Québec un effort, comme c'est demandé à tous les ministères, à toutes les instances du gouvernement dans le contexte des finances publiques, mais je pense que, de l'autre côté, on en a mis beaucoup pour faire une espèce de salade; ça ressemblait parfois un peu à une salade. Mais je retiens surtout de tout ça que l'opposition prend acte que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction, qu'elle considère qu'elle a l'appui des municipalités, que ce projet de loi, donc, rencontre l'appui des municipalités, qu'il est souhaité et qu'il viendra compléter une série de mesures que nous mettons de l'avant en matière de sécurité publique.

Et, à cet effet, je pense que l'opposition sous-estime les efforts qui ont été faits, notamment dans la région de Québec, depuis maintenant des mois, et non pas juste avec la présentation de ce projet de loi, mais pour d'abord regrouper les forces policières de la région de Québec, les amener et amener les responsables locaux à assumer leur part de responsabilité dans la lutte au crime à travers leur corps policier, l'appui de mon ministère à cette lutte, l'ajout de ressources budgétaires importantes et également, je pense, avec un succès réel, bien que, là encore, en ces matières, il faut reconnaître que c'est une lutte de tous les instants, c'est une lutte qui ne sera jamais terminée.

Alors, M. le Président, je retiens donc surtout, encore une fois, des diverses remarques qu'on a entendues – on aura l'occasion de répondre à certaines considérations plus techniques en commission, je pense qu'on aura les réponses – que l'opposition est d'accord avec nous pour dire que ce projet de loi est attendu par la population. Et j'espère – et ce n'est pas du tout un commentaire partisan, contrairement à l'impression que certains députés ont pu avoir – que ce gouvernement pourra avoir, ici, à Québec, de la part de l'opposition, le même appui que le gouvernement fédéral, qui est intervenu suite à nos interventions, a obtenu du Bloc québécois pour faire rapidement passer des projets de loi qui allaient dans le même sens, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre de la Sécurité publique.

Puisqu'il n'y a plus d'autres intervenants le principe du projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, est-il adopté?

M. Lefebvre: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement?


Renvoi à la commission des institutions

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Lefebvre: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement?

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 20 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 136


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 20 de notre feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 136? M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Merci, M. le Président. Alors, M. le président, dès mon arrivée à la tête du ministère de la Sécurité publique, j'ai été sensibilisé, bien sûr, à l'importance de revoir un certain nombre de lois encadrant le milieu de la sécurité publique au Québec. Et parmi ces lois, une loi très importante qui est souvent méconnue de nos concitoyens et de nos concitoyennes qui nous écoutent: toute la loi qui concerne le système de la déontologie policière. Quand on parle de déontologie policière, on parle des règles d'éthique en matière des relations entre les policiers et les citoyens.

Le projet de loi n° 136 qui est devant vous, M. le Président, vise donc l'amélioration du système de déontologie policière sans pour autant en altérer les fondements. J'y reviendrai, ça me semble assez important. On sait que notre système de déontologie policière est né au début des années quatre-vingt-dix suite à une réforme importante. Nous avons nous-mêmes eu l'occasion de faire faire un travail d'analyse et de recherche significatif par M. Corbo, l'ex-recteur de l'Université du Québec à Montréal. Et, pour l'essentiel, le projet qui est devant nous maintient les principes, les fondements de notre système mais vise, cependant, à corriger plusieurs de ses lacunes après maintenant six ans d'activités.

C'est évident que la question des rapports entre les citoyens et la police, bien, c'est sûrement l'une des problématiques fondamentales de toute société démocratique. Nous avons, au Québec, un système de déontologie policière qui, au niveau des principes, réagit de façon, je dirais, généralement plutôt adéquate. Au fil des ans, cependant, comme je le disais, certaines lacunes importantes ont été soulevées quant aux modalités d'application de ce système. C'est pourquoi aujourd'hui, par la Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière, je veux, M. le Président, apporter des correctifs qui me semblent essentiels en modifiant le processus actuel afin qu'il réponde aux attentes de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Donc, je l'ai dit tantôt – et je le redis, M. le Président, ça me semble important – je précise donc que les fondements du système de déontologie policière au Québec n'ont jamais vraiment été remis en cause, non plus que les principes qu'il sous-tend. D'ailleurs, le Québec est reconnu internationalement pour son avant-gardisme en matière de déontologie policière. Et on peut dire que l'actuel système a donné des résultats positifs, par rapport à la situation qui prévalait avant son entrée en fonction.

Les critiques, cependant, dont il est l'objet visent essentiellement la lourdeur du processus et les délais qu'il génère; le grand nombre des décisions du comité de déontologie qui sont portées; les coûts élevés, également, assumés par les différents intervenants, principalement les municipalités et le gouvernement; ainsi que les chevauchements possibles de la déontologie et de la discipline, qui sont propres aux relations de travail chez les policiers.

(16 h 20)

Comme le système actuel de déontologie existe dans sa forme présente depuis maintenant septembre 1990, il m'apparaît tout à fait opportun, après bientôt sept ans de rodage, de procéder à sa révision pour les bénéfices tant des citoyens et des policiers, pour la qualité du service policier et également pour la santé des finances publiques.

C'est pourquoi, le 16 août dernier, le 16 août 1996, j'ai confié à M. Claude Corbo le mandat d'examiner les mécanismes et le fonctionnement du système de déontologie policière et de me faire les recommandations qu'il jugerait appropriées. On sait que M. Corbo, depuis 1969, avait occupé d'importantes fonctions à l'Université du Québec à Montréal, qu'il s'est également impliqué dans de très nombreuses activités de service à la communauté montréalaise et québécoise, qu'il a entre autres écrit un rapport extrêmement important sur les relations entre les services policiers de la Communauté urbaine de Montréal et les communautés culturelles de la métropole. Il était donc la personne toute désignée pour faire cette analyse, rencontrer les divers intervenants et nous proposer les correctifs nécessaires.

Alors, le rapport de M. Corbo m'a été remis au début de janvier dernier, il y a donc quelques mois à peine, et le diagnostic qui est posé par M. Corbo après sa consultation est à la fois clair et éloquent, et ce à plus d'un titre. Tout d'abord – et c'est la raison pour laquelle j'ai dit tantôt que nous maintenions l'architecture, les principes du système de déontologie au Québec – le rapport Corbo met l'accent sur la qualité des principes, justement, de ce système déontologique tel qu'il est actuellement en vigueur, qu'il faut, et je le cite, «jalousement préserver». Donc, c'est un acquis. Il s'agit là notamment de la transparence du système, de son accessibilité, de son indépendance et, également, de sa place dans l'ensemble des réseaux de juridiction complémentaires entre, d'une part, des instances responsables de l'application du droit criminel et, d'autre part, des gestionnaires tributaires de l'organisation et du bon fonctionnement des services policiers.

Donc, pour toutes ces raisons, le rapport Corbo nous dit: Il faut préserver ces principes, préserver l'essentiel de l'architecture du système de déontologie policière, et, compte tenu de cette affirmation, le rapport nous propose de conserver les pièces maîtresses du système qui sont, rappelons-le: un code de déontologie unique applicable uniformément à l'ensemble des policiers et policières du Québec... Ça a l'air d'une chose simple à dire, M. le Président, mais ça n'existe pas partout; ça n'existait pas au Québec il y a quelques années, l'idée d'avoir à la fois un code de déontologie et, en même temps, qu'il soit applicable à l'ensemble des policiers et policières du Québec. Le deuxième élément, c'est un commissaire à la déontologie qui garantit la transparence du système, assure la protection des citoyens, des droits des citoyens et répond d'un traitement efficace, juste des plaintes. Ensuite, il y a une instance décisionnelle, qu'on appelle le «comité de déontologie», qui examine les plaintes qui lui sont acheminées par le commissaire et détermine les sanctions requises, parce que, lorsque des policiers sont reconnus coupables en vertu de ce système, ils ont des sanctions qui peuvent aller jusqu'à la suspension et même parfois au renvoi. Il y a également un mécanisme d'appel requis, puisque nous vivons dans une société où les principes d'équité, de justice, de droits des divers citoyens, y compris des policiers, existent, donc pour l'ensemble des intervenants.

Maintenant, cela dit, le rapport Corbo, donc, se penche aussi sur les lacunes de notre système, et évidemment le projet de loi va davantage traiter et corriger ces lacunes, notamment en ce qui a trait aux délais de traitement des plaintes. Il insiste sur la nécessité de mettre en place un mécanisme plus flexible de manière à diminuer le temps d'attente des citoyens qui portent plainte contre des policiers. Exemple: le rapport souligne que le délai requis par le commissaire à la déontologie policière avant de citer un policier devant le Comité de déontologie – le citoyen porte plainte, le commissaire reçoit la plainte et, au nom du citoyen, poursuit, en quelque sorte, ou enfin fait une plainte à l'égard du policier devant le Comité de déontologie – que ce délai, actuellement, est en moyenne de 410 jours – c'est plus d'un an – qu'il faut compter un délai moyen, ensuite de ça, de 310 jours pour que le Comité de déontologie rende la décision et qu'une fois sur quatre, c'est-à-dire dans 25 % des cas, il faut en plus ajouter un délai d'un autre 150 jours en raison du temps qui s'écoule entre le début de l'audience et celui du délibéré, et qu'au surplus, bien sûr, ce délai moyen ne tient pas compte des délais d'appel qui surviennent dans certains cas et qui peuvent prendre jusqu'à deux ans.

Dans le fond, M. le Président, ce dont on se rend compte, c'est que, au total, c'est deux ans et demi, trois ans, parfois, entre le moment où un citoyen fait une plainte, où ça passe dans l'ensemble du système et où on aboutit à une décision. Alors, c'est bien évident que, dans ce contexte-là, il est tout à fait, pour nous, inconcevable qu'une plainte qui, par exemple, a pu trouver son origine dans un simple manque de courtoisie du policier à l'égard d'un citoyen puisse mettre en branle un processus judiciaire de trois ans, quatre ans avant qu'une décision définitive ne soit arrêtée; et donc, il nous semblait nécessaire d'agir dans l'intérêt même du maintien des principes de notre système et de la transparence de ce système.

Vous savez également, M. le Président, comme tous les intervenants intéressés aux questions policières – je suis sûr que vous êtes quelqu'un de bien au fait de ces situations. Vous avez déjà été un maire d'une municipalité; vous connaissez ça – le ministère de la Sécurité publique affecte annuellement à la déontologie policière près de 5 000 000 $ qui sont un peu répartis à parts égales entre les diverses institutions, là, le commissaire et le Comité de déontologie. Par ailleurs, les employeurs des corps policiers, les municipalités, la Sûreté du Québec nous ont signalé que, pour ces employeurs, l'actuel système de déontologie policière engendre également pour eux des frais importants et, sur la base des estimations, parce qu'il est difficile d'avoir une comptabilité absolument rigoureuse de tout ça, nous savons, par exemple, que depuis 1990 la Sûreté du Québec, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, les corps policiers municipaux et la Cour du Québec ont assumé des coûts annuels de tout près de 5 000 000 $, ce qui totalise, au global, des frais de tout près de 10 000 000 $ annuellement pour les contribuables du Québec en termes de coûts pour maintenir le système de déontologie policière au Québec.

M. le Président, c'est évident que c'est un système, on l'a dit tantôt, qui a fait ses preuves, qui est bon. C'est un système qui avait des lacunes. J'ai mentionné celle des délais. Mais c'est évident qu'on est capable d'avoir un système performant, efficace, qui atteint ses buts sans pour autant atteindre des sommes de 10 000 000 $ par année. Le système a été conçu à la fin des années quatre-vingt, à une époque où on croyait les finances publiques intarissables, où on pouvait se bâtir, en quelque sorte, des systèmes absolument sophistiqués qui, bien sûr, répondent en partie aux objectifs visés mais qui, on s'en rend compte, peuvent le faire à la fois plus efficacement et à meilleur coût. Donc, c'est le deuxième objectif du projet de loi.

D'autres constats se dégageaient du rapport Corbo qui, également, ont mérité notre attention et qu'on va retrouver en termes de correctifs dans le cadre du projet de loi. Ainsi, par exemple, au chapitre du traitement des plaintes, il apparaît que seulement 10 % des dossiers soumis au commissaire se terminent par une entente à l'amiable en conciliation. Il s'agit là d'une performance qui, à notre avis, pourrait être améliorée de façon substantielle, et ce n'est pas uniquement une question d'économies, mais qui sont réelles, et non seulement une question de réduction du temps d'attente, mais il nous semble que, également, c'est dans les objectifs qu'on doit viser qu'il y ait une entente entre les parties et préférable à une décision d'un comité de déontologie ou à un jugement d'un tribunal qui, en quelque sorte, éloigne le citoyen de sa police, éloigne la direction des corps policiers de la gestion quotidienne du personnel, parce que, encore une fois, dans bien des cas, les plaintes formulées sont réelles mais soulèvent des questions qui sont des questions de relations humaines qui méritent d'être corrigées mais qui pourraient l'être, dans bien des cas, à notre avis, par la conciliation.

Le rapport Corbo considère, de ce point de vue, que le milieu devrait être davantage responsabilisé en matière de déontologie policière, d'autant plus que ce n'est pas toujours facile d'établir la frontière entre la déontologie puis la discipline. La déontologie traite davantage des questions des relations entre le policier et le citoyen. La discipline peut soulever toutes sortes d'autres considérations dans le cadre du travail d'un policier. Alors, l'importance, c'est que, donc, le système doit faire en sorte, bien sûr, que ces questions sont bien distinguées.

(16 h 30)

Le rapport Corbo signale également que certaines plaintes adressées au commissaire, dans certains cas graves – parce qu'il n'y a pas que les plaintes dont j'ai parlé; il y a parfois des événements graves qui se produisent, la mort de personnes, même, ça peut aller jusqu'à la mort de personnes.

Donc, on a vu que certaines plaintes adressées au commissaire parfois, à tort ou à raison – c'est le Comité qui en décide – peuvent contenir des allégations à caractère même criminel. Évidemment, dans ce cas, le système de déontologie doit accélérer le cheminement des plaintes vers les instances appropriées, parce que, à ce moment-là, évidemment, on est dans le cadre de procédures d'enquêtes criminelles, et afin de dissiper tout doute dans l'esprit des plaignants quant à l'équité et à la transparence du système. Certains plaignants ont parfois pu croire dans le passé que la déontologie constituait une sorte de justice parallèle, moins sévère pour le policier et lui permettant en quelque sorte d'échapper au processus judiciaire. Donc, l'accélération du traitement de façon à rapidement diriger certaines plaintes, lorsqu'elles relèvent davantage d'accusations criminelles, vers l'instance appropriée est de nature, également, à rajouter à la transparence de l'ensemble de notre système de justice et des activités policières au Québec.

C'était donc, pour l'essentiel, M. le Président, les orientations retenues par le rapport Corbo. J'en profite pour souligner la qualité de l'analyse, la clarté de l'énoncé de même que la célérité apportée à l'exécution de son mandat. Ça n'arrive pas suffisamment de féliciter les gens qui font un travail rapide, remarquable dans le temps et dans les coûts. C'est parfois rare. M. Corbo s'en est acquitté avec beaucoup d'efficacité, et je profite de la tribune que j'ai pour l'en féliciter et l'en remercier.

Nous avons, suite au rapport, bien sûr, rencontré plusieurs partenaires, plusieurs intervenants, tant du côté de la direction, l'Association des directeurs de police du Québec, que des principales fraternités et associations de policiers. Nous avons également eu des discussions avec des représentants des unions municipales. Et je dirais, M. le Président, que, dans l'ensemble, les intervenants se sont montrés plutôt favorables aux orientations du rapport, parfois avec certaines remarques. On entendra sûrement quelques-uns de ces commentaires en commission parlementaire. On en a retenu plusieurs, et, chaque fois que les ajustements qui ont été demandés nous sont apparus aller dans l'esprit du rapport et de le consolider, nous les avons déjà intégrés.

Maintenant, je voudrais préciser que le projet de loi n° 136 prévoit conserver les pièces maîtresses de l'actuel système de déontologie policière que j'ai évoqué. Donc, le Code de déontologie demeure là, l'institution du commissaire demeure là, le Comité de déontologie et le mécanisme d'appel. Ce qui est nouveau, c'est un mécanisme obligatoire de conciliation au plan local, dès le départ, qui deviendra sûrement, à notre avis, un élément majeur du système de déontologie.

Je pense qu'il faut essayer de voir de quelle façon, au-delà de l'aspect plus formel de ce système, on peut atteindre un peu plus de rapprochement et de compréhension entre le policier et le citoyen qui se plaint de son comportement, entre un citoyen et son corps de police, M. le Président. Et, à cette fin, la conciliation entre les parties, plutôt qu'un caractère très formel, une espèce de judiciarisation presque à outrance, doit constituer, me semble-t-il, le fondement du régime de déontologie policière.

Et c'est pour cette raison que le projet de loi propose que cette conciliation soit désormais obligatoire, à moins – et cette nuance est importante – que le commissaire à la déontologie ne s'y oppose pour des raisons d'intérêt public. Le Commissaire à la déontologie aura toujours le choix, devant une plainte, de considérer qu'il est de l'intérêt public, compte tenu de l'importance de la plainte, compte tenu du caractère de la plainte, de ne pas procéder par conciliation.

Je suis convaincu, M. le Président, donc, que ce règlement à l'amiable des plaintes au plan local permettra d'alléger considérablement le système tout en accordant, dans la plupart des cas, au plaignant et au policier concerné la possibilité de s'expliquer et, je le souhaite, de trouver satisfaction mutuelle, et ce, dans des délais plutôt courts. En ces matières, on sait que la qualité, que l'expérience du conciliateur sont des facteurs essentiels pour un tel mécanisme de consultation. Et, pour qu'il ait toute chance de porter ses fruits, le projet de loi propose de confier au commissaire la responsabilité de nommer des conciliateurs dans les différentes régions du Québec et de leur référer les parties au besoin. Les coûts liés à la conciliation, qui sont réels mais peu élevés d'après nous, seront assumés par l'employeur du policier visé par la plainte.

En plus de rendre la conciliation obligatoire, le projet de loi qui est devant nous vise à apporter des correctifs aux structures et au fonctionnement du système par divers allégements procéduraux. Par exemple, le plaignant dorénavant pourra déposer une plainte soit auprès du commissaire, comme maintenant – et là-dessus je veux clarifier des choses, M. le Président, parce que j'ai entendu, suite à une entrevue que j'ai faite à la radio, des commentaires de citoyens; je pensais avoir été clair – soit auprès du corps de police dans le poste de police local. Les citoyens qui, pour toutes sortes de raisons, seraient mal à l'aise d'aller à leur poste de police pour se plaindre pourront le faire comme maintenant directement auprès du commissaire, comme ils pourront aller au poste de police tout simplement pour chercher le formulaire, comme ils pourront aussi déposer leur plainte, remplir le formulaire avec l'aide de préposés à l'accueil dans un poste de police, qui, en passant, ne sont pas toujours des policiers membres des associations policières, puisque de plus en plus, pour ces fonctions, dans des postes de police, on retrouve des civils.

Le délai pour le dépôt d'une plainte est ramené de deux ans à un an. La personne qui recevra la plainte aura l'obligation d'apporter au citoyen toute l'aide qu'il requiert pour recueillir les informations disponibles et les documents pertinents, s'il y a lieu, et la plainte déposée sera acheminée rapidement au commissaire et au directeur de police concerné, c'est-à-dire dans les cinq jours ouvrables, ce qui constitue une nette amélioration. En outre, la personne qui recevra la plainte devra informer le plaignant des modalités de la conciliation, puis, si le plaignant décide de refuser de se soumettre à la conciliation, il aura donc 30 jours pour en informer le commissaire, qui est quelqu'un de neutre, d'indépendant, en indiquant les motifs de son refus. Et c'est à ce moment-là que le commissaire devra, dans les 30 jours qui suivent, procéder à l'analyse du dossier et l'envoyer en conciliation, s'il y a lieu, ou s'en réserver l'examen approfondi dans les cas d'infractions criminelles ou dans les cas graves ou pour tout autre motif d'intérêt public.

Donc, on facilite le dépôt d'une plainte. On assure aux intéressés un accès beaucoup plus rapide à une information de meilleure qualité plutôt qu'à un formulaire un peu neutre. Dès la réception de la plainte, le processus privilégie la conciliation encore une fois à moins que le commissaire en décide autrement.

D'autre part, pour corriger certaines imprécisions de la loi actuelle lorsqu'il y a des plaintes de nature criminelle, le projet de loi propose d'établir clairement si les actes reprochés au policier par un plaignant peuvent être assujettis au Code criminel, que, dès ce moment-là, les instances appropriées en soient immédiatement saisies. Dans les faits, une telle modification nous apportera une garantie en faveur d'un traitement juste et équitable de la plainte, laquelle sera désormais référée dès le départ, s'il y a lieu, dans le cheminement judiciaire approprié. Le commissaire pourra toujours disposer en cours d'enquête de la prérogative de transmettre un dossier au Procureur général si, par exemple, de nouvelles informations lui permettaient de le faire, c'est-à-dire que, si, au départ, il ne considérait pas qu'il s'agissait d'un dossier de nature criminelle, mais que, au fur et à mesure que son enquête avance, il considère que c'est le cas, il pourra donc non seulement au début, mais en tout temps dans le processus référer le dossier aux instances appropriées.

L'un des éléments centraux de l'actuel processus, M. le Président, de notre processus de déontologie, c'est la tenue d'une enquête par le commissaire lorsqu'il a été jugé que la plainte était bien fondée. Pour raccourcir les délais d'enquête et de cheminement d'une plainte dans le processus et pour en préserver l'impartialité ainsi que la transparence, le projet de loi propose que les enquêtes soient dorénavant réalisées par des enquêteurs du commissaire dans toutes les régions du Québec. Les enquêteurs seront soit des fonctionnaires du commissaire, soit des policiers détachés auprès du commissaire pour une période prolongée. Ils n'auront, sauf exception, aucun lien d'appartenance présent ou passé avec le corps de police du policier visé par l'enquête, et le délai normal prévu pour la réalisation de l'enquête sera fixé à trois mois.

Une autre proposition concerne également les frais d'une enquête. Dorénavant, ces frais seront imputés à l'employeur du policier visé par l'enquête. Une telle proposition suscitera à notre avis une responsabilisation accrue de l'employeur au même titre qu'elle favorisera de toute évidence une prévention de la récidive lorsque le policier sera trouvé fautif. Puisqu'il y aura un lien direct entre la faute commise et le coût pour la municipalité, conséquemment il y aura des signaux d'alarme donnés par le système.

(16 h 40)

Dans le système actuel, le commissaire doit citer un agent de paix devant le Comité de déontologie s'il estime que la plainte le justifie. Dorénavant, il en fera autant seulement si la preuve le justifie. La nuance est importante. Comme en matière de droit pénal ou criminel et en fonction du principe d'équité et de justice, avant de porter une accusation ou de citer un policier devant une instance décisionnelle, il faut minimalement disposer d'une preuve étayée; autrement, nous ne servons pas toujours les intérêts de la justice, à la fois compte tenu de l'importance des actes reprochés aux policiers sur leur propre carrière et également compte tenu de l'importance des ressources budgétaires affectées à de telles enquêtes. Cette modification sera certainement utile pour les utilisateurs, puisque, comme le signale M. Corbo dans son rapport, des quelque 534 décisions rendues par le Comité de déontologie en six ans, c'est seulement dans 175 cas, soit le tiers, que l'action des policiers a été jugée dérogatoire.

Donc, il y a aussi, dans la correction de ce système, la volonté d'indiquer à nos concitoyens que porter plainte, tout en étant un droit, droit que nous souhaitons garantir par un système transparent, est aussi un acte grave qui mérite d'être réfléchi et qui doit s'appuyer sur des faits réels, M. le Président.

Alors, c'est évident que les modifications dont j'ai parlé précédemment vont entraîner des révisions des structures actuelles en ce qui concerne l'institution du commissaire, la déconcentration et la valorisation du processus de conciliation. Donc, nous allons, en conséquence, procéder à l'abolition de deux des trois postes de commissaire adjoint.

En ce qui concerne le Comité de déontologie policière. D'abord rappeler que, depuis 1990, 20 % des dossiers soumis au commissaire se sont rendus devant le Comité. Or, comme je l'ai déjà souligné, nous misons beaucoup sur l'ensemble des allégements et améliorations annoncés, et particulièrement sur la conciliation, pour réduire ce volume. Par conséquent, en tenant compte des autres modifications prévues au projet de loi qui est devant nous, une réorganisation du Comité de déontologie s'impose.

M. Corbo proposait une première version, une deuxième version de corrections, soit aller du côté de trois juges de la Cour du Québec soit de réformer le Comité de déontologie. Après discussions, nous avons retenu ce deuxième aspect. Donc, nous allons abolir les trois divisions de l'actuel Comité. Parce que, actuellement, le Comité fonctionne avec les policiers de la Sûreté du Québec, les policiers de la Communauté urbaine, les autres policiers. Nous allons abolir ces trois divisions, et désormais les citations seront entendues devant un seul membre.

En ce qui a trait au processus d'appel à la Cour du Québec, bien sûr nous maintenons ce droit d'appel, ça fait partie des droits des justiciables, mais des dispositions permettront de mieux l'encadrer. C'est ainsi que, un peu comme c'est prévu déjà dans le Code du travail, la cour pourra dorénavant rejeter sommairement un appel qu'elle jugera abusif ou dilatoire.

D'autres bonnes nouvelles, M. le Président, puisque ce projet de loi n° 136, en plus de viser plus d'équité, meilleure organisation, rapidité de décisions, poursuit également un objectif de diminution des coûts. Je l'ai dit tantôt, le système actuel était devenu prohibitif au plan des coûts qu'il engendre tant pour les municipalités que pour le gouvernement.

Ce qu'il faut savoir, M. le Président, c'est que, dans le système actuel, la plainte est reçue par des fonctionnaires du gouvernement qui sont payés par les contribuables, les enquêtes sont faites par des gens payés par les contribuables, les policiers qui sont amenés à témoigner sont payés par les contribuables, souvent à temps double, les avocats qui défendent ces policiers sont payés par les contribuables, les gens qui jugent ces policiers sont payés par les contribuables. Lorsqu'il y a appel et qu'on utilise des avocats, tant dans les municipalités qu'au gouvernement que le commissaire, tout ce beau monde est payé par les contribuables. Les juges qui entendent l'appel le sont. M. le Président, c'est évident qu'on a un système qui a fait ses preuves mais qui a démontré ses lacunes, notamment au niveau des coûts. Je pense qu'on peut avoir un système plus performant à beaucoup moins cher.

Conséquemment, on pense que les allégements vont permettre de réduire de quelque 35 % les coûts annuels de quelque 3 100 000 $ que les municipalités encourent présentement, et que le gouvernement, pour sa part, va économiser environ 20 % des coûts de quelque 6 300 000 $ par année que nous assumons. Donc, sur 10 000 000 $, au total, les pouvoirs publics, donc les contribuables du Québec, pourront voir la facture réduite de près de 2 000 000 $, soit près de 20 % de l'ensemble de la facture. Alors, par les temps qui courent, ce n'est pas un mince objectif, d'atteindre de telles diminutions de coûts tout en respectant les principes qui sont à la base du système.

Alors, en terminant, M. le Président, je pense que ma conviction, c'est que la réforme qui est devant nous s'imposait. Elle ne vise pas à remettre en question l'ensemble de notre système de déontologie; elle vise à le moderniser, à le mettre à jour, à tenir compte de sept années de fonctionnement, à tenir compte des lacunes qui ont été signalées par beaucoup d'intervenants. Ces lacunes, essentiellement, c'est que c'est long, c'est lourd, c'est coûteux, lourd au sens de trop judiciarisé. Et je pense que ce que nous mettons de l'avant devrait permettre à la fois de préserver les droits des citoyens, préserver également les droits des policiers à une défense lorsqu'ils sont l'objet d'une plainte et en même temps préserver les droits de l'ensemble du grand public à avoir un système qui, oui, est essentiel, un système de déontologie essentiel dans un système démocratique, mais en même temps qui tienne compte de la capacité de payer des contribuables. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Sécurité publique. Nous céderons maintenant la parole au député de Frontenac. Alors, M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 136 n'est pas particulièrement impressionnant par le nombre d'articles qu'on y retrouve, mais il est important. Lorsqu'on parle, comme le ministre vient de le dire en terminant, des droits des citoyens et parallèlement, dans la situation présente, qu'on parle des droits des policiers, des obligations des policiers... Mais aussi des obligations des citoyens parce que, lorsqu'on a des droits, on a des obligations. Et ça, à chaque fois qu'on peut le faire, il faut le rappeler à nos concitoyens et concitoyennes au Québec. Des droits, ça ne va pas sans obligations et on ne le dit peut-être pas suffisamment aujourd'hui. Qu'on parle de justice, qu'on parle de sécurité publique, qu'on parle de soins de santé, qu'on parle de droit à l'éducation, on a collectivement, également, des obligations.

On a l'obligation, dans un premier temps, de ne pas abuser du système. On a l'obligation de faire en sorte que ce qui est mis à notre disposition par l'État soit utilisé de la façon la plus efficace possible puis au moindre coût possible. Essentiellement, c'est ce que vise le projet de loi n° 136: réduire les coûts en matière de surveillance des agissements des policiers du Québec. Mais il faut être prudent. Lorsqu'on vise à faire d'abord et avant tout des économies dans une activité comme la déontologie policière, je dis au ministre: Soyez prudent, M. le ministre. Faites attention. Il ne faut pas que ce qui vous guide soit des considérations d'ordre financier.

Oui à de la récupération d'argent dépensé par l'État, mais que ce soit en matière de protection comme telle... J'en ai parlé ce matin à l'occasion du projet de loi n° 135. Le ministre a fait semblant de ne pas comprendre ce que je voulais dire, M. le Président. Le ministre pensait qu'on allait discuter de 135 sans aborder ce qui se passe globalement au niveau du ministère de la Sécurité publique quant à la protection des citoyens. Le ministre est là quand même depuis assez longtemps pour comprendre. J'espère qu'il le comprend. Je ne lui demande pas de l'avouer, là, rien que de m'indiquer d'un signe de tête qu'il comprend qu'on ne peut pas isoler au ministère de la Sécurité publique une politique du gouvernement, un geste sans qu'il ait des répercussions, des conséquences sur la vision globale du gouvernement, de son ministre de la Sécurité publique quant à la protection des citoyens et des citoyennes du Québec. C'est pour ça... Puis je continue à le maintenir, parce que je vais faire tout à l'heure la même démonstration, je vais tenter de le faire, sur le projet de loi n° 136.

(16 h 50)

Quand, à l'occasion du débat sur le principe de 135, l'opposition dit au gouvernement puis à son ministre: Lorsque vous réduisez les effectifs à la Sûreté du Québec, lorsque vous réduisez les budgets mis à la disposition de la Sûreté du Québec, bien, vous diminuez la protection des citoyens, à moins qu'on nous démontre – Dieu sait que cette preuve-là n'a pas été faite – qu'on va être plus efficace avec moins d'argent, qu'on va être plus efficace avec moins d'effectifs... Lorsque, M. le Président, on dit au ministre – et je ne comprends pas que ça l'a... Je ne dis pas que ça l'a blessé pour qu'il ne s'en remette pas, mais ça l'a offusqué, que je fasse un tour d'horizon sur ce qui s'est passé au niveau de la protection des citoyens, protection qui est sous sa responsabilité. Ça l'agace un peu qu'on lui parle de Carcajou Québec qui, par rapport à Montréal, M. le Président, a été beaucoup moins efficace. Pourquoi? Parce qu'il y avait moins d'effectifs.

C'est l'obligation de l'opposition de collaborer, surtout, M. le Président, en matière de protection des citoyens, en matière de justice. Moi, je le fais avec toute la collaboration... On collabore au maximum avec le gouvernement parce qu'on parle de la protection des citoyens. On peut avoir le goût ici, à l'Assemblée nationale, comme n'importe quel Parlement que l'on retrouve dans nos régimes démocratiques, c'est normal, de faire de la politique. On a même le droit d'être partisan. Absolument. Il s'agit de le faire avec modération, en respectant le règlement de l'Assemblée nationale ici, à Québec, en respectant la Loi sur l'Assemblée nationale, mais on a le droit d'être partisan. Vous savez, il y a des sujets sur lesquels on ne s'entendra jamais, jamais! À moins que l'un ou l'autre, on se retrouve sur le chemin de Damas, je ne serai jamais d'accord avec la souveraineté du Québec, moi, la séparation du Québec, parce qu'essentiellement... Je vais tout de suite arriver au projet de loi n° 136, M. le Président, je veux juste indiquer au ministre qu'il y a des sujets qui nous opposent. C'est ça, la démocratie. C'est bien, il s'agit de le dire d'une façon correcte et civilisée.

Cependant, il y a d'autres sujets, M. le Président, où on se rejoint beaucoup plus facilement. La protection des citoyens, il n'y a pas un seul parlementaire ici qui ne souhaite pas que les citoyens du Québec soient les mieux protégés possible avec les coûts les moins élevés possible, quant à cette protection que l'État doit donner aux citoyens du Québec. Ça, on s'entend là-dessus, M. le Président. Les moyens d'y arriver, cependant, ça peut varier. On n'a pas tout à fait la même philosophie. Est-ce que les droits collectifs l'emportent sur les droits individuels? Il y a tout ça qui sous-tend les décisions qu'on prend lorsqu'on est à la gouverne de l'État.

Le projet de loi n° 136... Parce que, cette introduction, M. le Président, étant faite, il faut arriver à l'essentiel de mon propos, le projet de loi n° 136. Le ministre l'a dit tout à l'heure, on parle de droits des citoyens, des obligations des policiers et policières du Québec. Le projet de loi n° 136 vise à modifier la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière. Le projet de loi a été déposé tout juste avant la date d'échéance, qui est le 15 mai. Le ministre l'a déposé le 13 mai.

Je ne sais pas, je pense qu'il a hésité. Il a envie de repousser ça à l'automne. Je ne sais pas. Décidé, finalement, probablement poussé, encore une fois, par le président du Conseil du trésor. Le ministre, lui, comme d'autres de ses collègues... Je vois le ministre de la Santé qui nous honore de sa présence. Il est ici cet après-midi et il ne fait pas les interpellations le vendredi matin. Non, mais j'apprécie qu'il soit là cet après-midi. Je dis au ministre de la Sécurité publique... Il a décidé à la toute dernière minute d'y aller avec le projet de loi n° 136, repenser la déontologie... Son intervention de tout à l'heure, M. le Président, qui essentiellement est conforme à tout ce qu'il a dit publiquement à date, c'est essentiellement une question de piastres qui le guide.

Alors, il faut conclure qu'à deux ou trois jours de l'échéance du 15 mai le président du Conseil du trésor ou le ministre des Finances, ou les deux, ont dit, en l'appelant par son prénom: M. le ministre – on se tutoie entre collègues à l'Exécutif, sauf exception – y vas-tu avec ta déontologie? On peut récupérer de l'argent? Alors, le ministre a décidé à la dernière minute d'y aller. C'est le 13 mai que son projet de loi a été déposé.

M. le Président, la déontologie en matière policière, c'est quoi? C'est un ensemble de règles de conduite auxquelles sont soumis les policiers puis les policières du Québec, évidemment, à l'intérieur de leurs fonctions. Si on veut résumer la déontologie, M. le Président, c'est ça.

Depuis le 1er septembre 1990, il y a un règlement, dans lequel règlement on retrouve ces règles. Puis ce n'est pas volumineux. Il y a à peine une quinzaine d'articles, 14 articles précisément. Tous les policiers du Québec, tous les policiers, sauf la GRC, la Gendarmerie royale du Canada, sont soumis à ces règles de déontologie. Les policiers, M. le Président, c'est bon de le rappeler – sauf erreur, je pense que le ministre ne l'a pas fait – il y a 12 500 policiers au Québec, plus ou moins, et policières, municipaux, Communauté urbaine de Montréal; plus ou moins 3 700 policiers à la Sûreté du Québec. Plus ou moins. Pour le ministre, il y en a plus; pour l'opposition, il y en a beaucoup moins. Si on ne s'entend pas sur ces chiffres-là, on va finir par faire enquêter le ministre rien que là-dessus.

Parce que j'essaie d'avoir des réponses en commission parlementaire sur combien il y a de policiers à la Sûreté du Québec, il n'y a pas moyen de le savoir. C'est: une journée, une réponse; le lendemain, une autre réponse, avec des explications qui varient également d'un mois à l'autre. C'est les policiers qui ont pris leur retraite ou ceux qui prendront leur retraite, des policiers à l'essai, d'autres qui sont évidemment permanents. Il n'y a pas moyen de se comprendre. On est obligés de prendre les chiffres qui nous sont soumis par des sources plus objectives: les syndicats de la Sûreté du Québec ou le représentant de la Sûreté du Québec. On a eu ces chiffres-là en commission parlementaire. On parle de quelque chose qui tourne autour de 3 600 à 3 700 policiers à la Sûreté du Québec.

C'est, M. le Président, la structure actuelle, le ministre en a parlé tout à l'heure, de la déontologie. Bien, on la retrouve, cette structure-là dans la Loi sur l'organisation policière, particulièrement aux articles qui se situent entre les articles 35 à 150. Il y a un commissaire à la déontologie. Le système actuel, M. le Président, c'est un commissaire à la déontologie avec trois adjoints. Le ministre n'a pas trop insisté sur le système actuel parce que ça met en parallèle, de façon évidemment évidente, ce qu'il veut faire. Ce qu'il veut faire, bien, c'est de réduire les services à la population qui prétend être en droit de se plaindre d'agissements de policiers et de policières. Lorsqu'on réduit la structure, M. le Président, lorsqu'on diminue de trois adjoints à un adjoint, comme le ministre le propose dans son projet de loi, on donne moins de services à la population concernée.

Le ministre dira: Non, un adjoint, ça va être aussi efficace que trois adjoints. C'est le raisonnement qu'il va tenir. Ça, moi, je regrette, il ne me convaincra pas là-dessus. Qu'il me dise, qu'il dise à l'opposition: Soit, M. le Président – dans sa réplique sur le principe ou en commission parlementaire – la structure, on va l'alléger, il va y avoir moins de monde, puis les Québécois puis les Québécoises qui ont à se plaindre de la police devront vivre avec ça. C'est ça que j'aimerais entendre, M. le Président, au lieu d'essayer de faire croire, comme son collègue le ministre de la Santé qu'avec beaucoup moins on fait beaucoup plus. C'est pour ça que la population écoute les politiciens puis les politiciennes, surtout ceux et celles qui sont au pouvoir, puis ils disent: Il me semble que ça ne se peut pas parce que, dans la vie de tous les jours, nous autres, avec beaucoup moins, on n'est pas capables de faire beaucoup plus.

(17 heures)

Quand le ministre de la Sécurité publique parle, quand le ministre de la Santé parle, quand le premier ministre parle, eux autres, ils ont trouvé la formule magique. Beaucoup moins, beaucoup moins, beaucoup moins, autant de services, sinon plus, autant de protection, sinon plus. Ça ne se peut pas, M. le Président. Qu'on dise donc très clairement et franchement à la population: Vous aurez moins de services, vous devrez vivre avec ça, puis vous devez comprendre qu'il y a des contraintes auxquelles nous sommes confrontés; et qu'on le dise, puis la population va l'apprécier; pas comme dans Beauce-Sud puis dans Prévost dernièrement. On l'a vu, M. le Président, le gouvernement a été jugé très sévèrement. Pas parce que le gouvernement ne fait rien que des méchants coups; de temps en temps, il pose des gestes qui ont du bon sens. Mais on ne donne pas l'heure juste aux citoyens puis aux citoyennes, on ne leur dit pas la vérité avec un grand V. Je n'ai nommé personne, Mme la leader adjointe du gouvernement, je n'ai pas dit où. Comme gouvernement, on ne donne pas l'heure juste puis les citoyens ne croient pas, puis quand ils s'expriment, la sentence est sévère; on l'a vu dans Beauce-Sud, on l'a vu dans Prévost. Alors, je dis à M. le ministre de la Sécurité publique: Vous voulez repenser la déontologie, la structure? On est prêts à collaborer, nous autres, on est prêts à évaluer tout ça. Si on peut faire presque aussi bien avec beaucoup moins d'argent, prouvez-nous le. Et si vous réduisez la structure, ça veut dire moins de facilités pour le citoyen qui se croit lésé, qui croit, à tort ou à raison, qu'un policier ou une policière a été incorrect, bien, avec la réforme du ministre, ce n'est pas vrai que ça va aller plus vite.

À première vue, 136 peut nous donner l'impression que ça va aller plus vite. Ah oui, évidemment, si on complique la démarche à un point tel qu'il y a 50 % moins de plaignants ou de plaignantes, bien, ça va aller plus vite. Pour toutes sortes de raisons, parce qu'on va réaliser, chez les citoyens et citoyennes concernés, qu'on ne peut plus être entendu, bien, on ne se plaindra plus puis on va prendre notre trou, comme on dit. C'est là-dessus, M. le Président, que l'opposition a des inquiétudes: réévaluer la déontologie, repenser, pourquoi pas, la structure. Pourquoi pas, M. le Président, mais pas au point de sacrifier, surtout en cette matière, les droits, les possibilités pour les citoyens de surveiller, de façon légitime, l'activité de leurs policiers et de leurs policières. Si c'est l'objectif, réduire cette possibilité pour les citoyens, l'opposition va indiquer au ministre que, non, on n'est pas d'accord, puis ce non-là, ce sera à partir de maintenant jusqu'au bout de la démarche.

Évidemment, on sait à l'avance que 136, à moins que le président du Conseil du trésor ou le premier ministre ou le ministre des Finances dise au ministre de la Sécurité publique: Bah, on a de l'argent en masse, on n'a plus besoin de 136, à moins que ça, ça arrive, M. le Président, même si l'opposition est en complet désaccord, le projet de loi n° 136, on va l'adopter quelque part autour du 20 juin. Qu'on le veuille ou non du côté de l'opposition, si c'est la volonté du gouvernement, les règles étant ce qu'elles sont, ici, à l'Assemblée nationale puis en commission parlementaire, on va se faire bulldozer, puis le gouvernement vivra avec ça, évidemment. Ça, un gouvernement, M. le Président, les règles qu'on retrouve dans notre règlement, dans la Loi sur l'Assemblée nationale sont écrites de telle façon qu'un gouvernement peut et doit gouverner, puis une opposition peut et doit s'opposer. Mais, ultimement, le gouvernement sort avec ses lois. Moi, je ne suis pas mal à l'aise avec ça, M. le Président. Évidemment, la sentence la plus sévère, ce n'est pas l'opposition officielle qui la rend, la sentence, c'est le peuple en temps et lieu. Si on n'a pas respecté les droits des parlementaires qui s'opposent à la vision du gouvernement, bien, à un moment donné, le peuple s'exprime.

Mais, ceci étant dit, il faut qu'un gouvernement puisse adopter ses lois, et on a mis dans nos règlements des procédures extrêmement agressives: motion de suspension des règles, loi spéciale, tout est là. C'est au gouvernement à juger de façon intelligente s'il l'utilisera ou pas. Et je me souviens qu'en campagne électorale du mois d'août 1994 l'ex-leader du gouvernement, qui était à l'époque leader de l'opposition officielle, nous disait: Ça va changer avec nous, les lois spéciales, motions de suspension des règles, ça sera terminé. On n'en a jamais eu autant en si peu de temps, M. le Président. Et je vois le ministre, qui a été leader adjoint du gouvernement pendant un certain temps, Relations avec les citoyens, il le sait, lui. Puis je me souviens, quand il était de ce côté-ci de la Chambre puis qu'on soumettait à l'attention des parlementaires les motions de suspension des règles, M. le ministre s'exclamait, il s'indignait; et pourtant il en a plaidé depuis qu'il a changé de côté, M. le Président, depuis qu'il est à votre droite plutôt qu'à votre gauche. Il en a plaidé. Et il a toujours réussi, lui comme ses collègues, à trouver une justification à la décision de suspendre les règles.

Lorsqu'on suspend les règles, M. le Président, c'est pour tasser l'opposition. Pas pour empêcher les députés ministériels de parler; on n'a pas besoin de suspension des règles. Ils ne parlent pas, les députés ministériels! Ils ne parlent pas; on ne sait pas ce qu'ils pensent. Sur 135, je ne sais pas ce qu'ils pensent; sur 136, on ne sait pas ce qu'ils pensent, M. le Président. Ça, ça m'inquiète lorsqu'on parle de sécurité publique, lorsqu'on parle de déontologie.

Ce matin, on a parlé de la sécurité des citoyens dans la ville de Québec; pas un seul député de la Vieille Capitale ne s'est levé, M. le Président, pour dire: On est d'accord. Évidemment, on ne peut pas s'attendre à ce qu'un député ministériel se lève. On en a vu quelques exemples, mais sûrement pas les députés ministériels de la Vieille Capitale, se lever puis dire: On est en désaccord, M. le ministre, puis on vous l'indique ici même, à l'Assemblée. Et, même si on est d'accord aujourd'hui, on vous reproche de ne pas vous être grouillé avant. Hein? Alors, non seulement, M. le Président, on ne les entend pas dire qu'ils sont en désaccord, on ne les entend même pas dire qu'ils sont d'accord. J'aimerais ça, moi, entendre un député ministériel de la Vieille Capitale s'exprimer sur le projet de loi n° 135 – j'aurais aimé ça, M. le Président – nous dire: Nos citoyens sont inquiets, dans la basse-ville de Québec. On était tout aussi inquiet qu'eux l'étaient. Puis on avait hâte que le ministre fasse quelque chose. On ne sait pas ce qu'il pense, M. le Président, tout comme on ne saura pas non plus ce que les ministériels pensent, sauf M. le ministre. Il faut donc prendre pour acquis qu'il parle au nom des 75, ou à peu près, sans qu'il y ait la moindre réserve. Ça n'a pas de bon sens! On ne sait pas ce qu'ils pensent sur le projet de loi n° 136, M. le Président.

Le projet de loi n° 136 vise essentiellement à repenser la structure. Le ministre dit: On ne veut pas changer les règles, les principes. Je ne suis pas sûr, moi. Je ne suis pas certain, M. le Président. À titre d'exemple, je vais tout de suite parler de quelque chose que le ministre va comprendre rapidement. Lorsqu'on ramène la prescription de deux ans à un an – il sait qu'il fait ça, je ne sais pas trop à quel article, là; je l'ai à quelque part ici, là. La prescription est ramenée, M. le Président, c'est l'article 11.

L'article 11 du projet de loi n° 136 ramène la prescription de deux ans à un an, M. le Président. Ça, c'est beaucoup plus que repenser la structure, M. le Président, de repenser le mécanisme de plainte: c'est carrément éliminer des droits. La prescription – le ministre sait très bien de quoi je parle – quand on réduit, essentiellement, le délai mis à la disposition d'un plaignant potentiel, lorsqu'on réduit ce droit-là de deux ans à un an, on élimine des droits. On élimine, pour des citoyens, M. le Président, le droit légitime de se plaindre, puisqu'on réduit la période. Que le ministre ne nous dise pas qu'il ne fait que toucher la structure mais pas les principes, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, M. le Président. Lorsque, comme je l'ai dit tout à l'heure, on élimine deux adjoints ou commissaires, alors qu'il y en a trois présentement, est-ce que ce n'est pas éliminer des possibilités pour les plaignants d'être entendus rapidement? Moi, je dis oui, M. le Président.

Moi, un des reproches que je fais au ministre, M. le Président, c'est de ne pas avoir permis à l'opposition – puis il a abondamment, tout à l'heure, parlé de M. Bellemare, de Me Bellemare, et subséquemment de M. Corbo... Les reproches, puis le ministre le sait, qu'on lui fait, c'est de ne pas avoir, ni pour un ni pour l'autre, eu la chance, nous de l'opposition, de questionner ces deux personnes respectables qui se sont penchées sur la question qui a amené le ministre à déposer le projet de loi n° 136.

(17 h 10)

Le rapport Bellemare, M. le Président, avait été commandé par le prédécesseur. Moi, je me suis dit: C'est parce que c'est le député de Laval-des-Rapides, l'ex-ministre de la Sécurité publique, qui a commandé l'étude Bellemare que le ministre actuel n'en tient plus compte. Il se dit: Moi, tout ce que mon prédécesseur a fait... Remarquez bien qu'il n'aurait peut-être pas tort, M. le Président. Il s'est distancé rapidement de son collègue député de Laval-des-Rapides, et, sous certains aspects, je ne le blâme pas, il a été sage. Il a été sage parce qu'il savait, lui, tout ce qui était en suspens, M. le Président, tout ce que l'ex-ministre de la Sécurité publique avait laissé en suspens dans certains dossiers, un véritable gâchis. Alors, ce qu'il a fait, le ministre de la Sécurité publique, probablement conseillé sagement dans certains cas, c'est qu'il s'est distancé de l'ex-ministre de la Sécurité publique, le député de Laval-des-Rapides, et il s'est dit: Moi, je vais, à partir de maintenant, prendre mes décisions sans tenir compte de ce qui s'est passé depuis septembre 1994, et, entre autres, je pense que c'est ce qui l'a guidé. Mais là, cependant, M. le Président, le ministre se trompe.

Je me souviens que l'ancien ministre de la Sécurité publique en avait parlé, de la déontologie, et, lui aussi, il s'était dit scandalisé par plein de choses; il n'avait jamais rien fait. Le ministre actuel a eu la même réaction pas longtemps après avoir été assermenté; je ne peux pas lui reprocher de ne pas bouger, il fait quelque chose. Est-ce qu'on sera d'accord? Je ne sais pas encore, M. le Président, je le dis tout de suite au ministre. Je ne le sais pas encore. Il va y avoir des conditions que l'opposition va mettre sur la table; on verra.

L'ex-ministre de la Sécurité publique a parlé de réglementer les bingos. Pour moi, ça ne faisait pas trois jours qu'il était assermenté, en septembre 1994, il en avait mis sur la table, M. le Président, pour 22 ministres de la Sécurité publique; finalement, il n'a pas fait grand-chose. Le ministre actuel, il en a parlé, mais là, à un moment donné, il faut qu'il bouge, lui aussi, parce qu'il veut bien essayer de se distancer de celui qui l'a précédé, mais il ne peut pas, M. le Président, ignorer tout ce que son prédécesseur a dit, parce que son prédécesseur a créé des attentes en matière de bingos. Alors, il a déposé le projet de loi la semaine dernière.

J'aurais aimé pouvoir questionner – et le ministre se souvient, j'avais même fait une motion préliminaire à l'occasion de l'étude sur le projet de loi n° 77...

M. Kelley: Quelques-unes.

M. Lefebvre: Oui. Mon collègue de Jacques-Cartier me chuchote à l'oreille que j'en avais fait, avec d'autres collègues évidemment, quelques-unes, une vingtaine de motions préliminaires. Essentiellement, c'était toujours la même, M. le Président: On veut entendre M. Untel ou Mme Unetelle, tel organisme pour nous éclairer sur la portée de 77 et, entre autres – et ça, le ministre n'a jamais pu me contredire là-dessus – est-ce que ça n'aurait pas été normal qu'on puisse entendre Me Bellemare, qui s'est penché sur les techniques d'enquête policière? Jamais, moi, M. le Président, je n'ai pu m'entretenir avec Me Bellemare. Je suis convaincu qu'il a des choses intéressantes à nous dire.

Ça a coûté savez-vous combien? Vous ne le savez pas, vous, M. le Président; aucun membre du caucus péquiste ne le sait, j'en suis convaincu. Même les collègues ministériels qui étaient en commission parlementaire n'ont pas été attentifs, ça leur est passé, M. le Président, 12 pi par-dessus la tête. Ça a coûté 115 000 $, M. le Président, le comité Bellemare; c'est tombé dans le vide. Le ministre fait signe que ça a coûté plus que ça, voyez-vous? Moi, c'est les chiffres que j'ai ici à l'étude des crédits: 115 000 $. Peut-être que ça a coûté 200 000 $, 250 000 $, 300 000 $. Le ministre est en train de me dire, M. le Président – et, dans ce sens-là, j'apprécie sa franchise – que ça a coûté plus que 115 000 $. Aux crédits, c'est 115 000 $. Il y a des dépenses cachées...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: ...hein, qui apparaissent sous d'autres volets ou d'autres postes, c'est de même qu'on appelle ça. Moi, j'ai 115 000 $; le ministre me dit que ça a coûté... Il fait un signe «2», là, pour Mme la députée de Matapédia; elle semble être au courant, je l'ai entendue... Alors, ça a coûté plus que 115 000 $, M. le Président, et c'est tombé dans le vide. On n'a jamais pu questionner Me Bellemare sur le résultat de son évaluation.

Le ministre a abondamment, tout à l'heure, parlé du rapport Corbo, dont il s'est inspiré, lui et ses conseillers, pour accoucher du projet de loi n° 136. Jamais, M. le Président, on a pu, du côté de l'opposition, questionner M. Corbo, qui est un expert en la matière, Claude Corbo, on le reconnaît. On aurait voulu... Je l'ai demandé au ministre à plusieurs reprises, on voudrait échanger avec M. Corbo.

Les chiffres que j'ai, moi, Corbo, ça a coûté combien? M. le ministre, ça a coûté combien, Corbo? Ha, ha, ha! Hein? Les chiffres que j'ai, moi, M. le Président, c'est 75 000 $. 115 000 $ et plus, plus 75 000 $, on dépasse les quelque 200 000 $, puis si on fouille un peu, là, parce que c'est presque la suggestion qu'on me fait, 115 000 $ plus 75 000 $, ça fait 190 000 $. C'est plus que ça.

Alors, je peux dire sans risque de me tromper: On a dépensé au-delà de 200 000 $ pour évaluer des situations, pour évaluer le comportement des policiers à tous points de vue, au niveau de la déontologie comme telle – Corbo – au niveau de l'enquête – de l'enquête, c'est différent, ça, M. le Président – ça, c'est le comité Bellemare. Ça a donné quoi comme résultat? Deux rapports qui sont tombés dans les tablettes, inutiles! Que le ministre ne me dise pas qu'il avait besoin de Corbo pour pondre 136, M. le Président. Pas besoin d'une enquête qui a coûté, là, au-delà de 75 000 $ pour dire: Un adjoint plutôt que deux ou trois, ça va aller mieux. Pas besoin, M. le Président, d'une longue étude pour dire: La prescription, on va la ramener de deux à un an. Ça ne prend pas un génie pour penser ça. Ça ne prend pas un gros comité puis ça ne coûte pas 75 000 $, M. le Président. 200 000 $ flambés, complètement inutilement. Et tant et aussi longtemps qu'on ne verra pas puis qu'on ne pourra pas évaluer le fruit du travail de ces deux comités-là, on est obligé d'arriver à cette conclusion-là, et c'est d'autant plus inquiétant que le ministre n'a pas voulu... Tout à l'heure, il a dit, là, qu'il y a eu des rencontres avec les intervenants pour arriver à 136.

Il a parlé avec je ne sais pas qui – je ne sais pas qui – on peut bien en inventer, là, ou en mettre plus que moins. Sans vouloir lui prêter de mauvaises intentions, Mme la leader, ne vous levez pas pour rien, là...

Mme Caron: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: ...je pense que, là, vraiment, il y a une exagération flagrante et un non-respect du règlement. Je veux bien croire qu'il n'a pas eu à l'utiliser dernièrement, mais, vraiment, il doit sûrement se rappeler du règlement à l'effet qu'il ne peut imputer des motifs indignes au député et dire qu'il invente qu'il a parlé à des gens.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac, je vous inviterai à continuer tout en respectant, comme vous savez si bien le faire, l'article 35, notamment, de notre règlement. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, le ministre a dit avoir rencontré des intervenants. Il n'en a pas nommé un. Je ne les connais pas. Je suis obligé de prendre sa parole, hein? Mme la leader adjointe du gouvernement, vous savez que c'est une règle qui doit nous gouverner en tout temps. Prendre la parole du ministre. Dans certains cas, c'est dur. C'est très difficile, M. le Président. Puis, moi, je suis respectueux des règles. J'ai été vice-président de l'Assemblée, M. le Président. C'est très important. Sinon, on ne se comprendra plus. Alors, je vais prendre la parole du ministre, qui a eu des rencontres avec plein d'intervenants, puis je ne dirai plus qu'il doit en mettre plus que moins puis qu'il doit en inventer. Je ne dirai plus ça. Je n'ai pas le droit de dire ça.

M. le Président, j'aurais cependant aimé que l'opposition officielle, pas seulement le porte-parole en matière de sécurité publique et député de Frontenac, d'autres de mes collègues auraient aimé avoir cette chance de discuter avec M. Corbo, de discuter avec M. Bellemare. Peut-être que le projet de loi n° 136 serait écrit autrement. Peut-être, M. le Président, qu'on pourrait plus rapidement indiquer au ministre puis à son gouvernement qu'on est d'accord sur 136. Mais on n'a pas pu recevoir l'éclairage probable – l'éclairage probable – et de Me Bellemare et de M. Corbo.

(17 h 20)

Moi, je prends pour acquis qu'ils ont des choses intéressantes à nous expliquer, mais ils n'ont pas pu. Ça, M. le Président, ça a coûté 200 000 $. Avec 200 000 $, le ministre de la Santé, il sait ce qu'il pourrait faire, lui, puis Dieu sait qu'il ne lèverait pas le nez là-dessus, 200 000 $, M. le Président, par les temps qui courent, pas pour lui, pour les malades du Québec, les citoyens et citoyennes du Québec dont il a la responsabilité; 200 000 $! Alors, c'est des amis du régime qui en ont profité un petit peu. Oui, oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac, je vous inviterais au respect intégral de notre article 35, ne pas susciter de débat.

M. Lefebvre: M. le Président, personne ne va me faire croire, là, que Me Bellemare, ce n'est pas un ami proche du Parti québécois puis de l'ex-ministre de la Sécurité publique. Ça ne veut pas dire qu'il n'a pas fait son travail, ça. Je n'ai rien dit de ça, je n'ai pas dit qu'il n'a pas fait son travail; j'ai dit que, par hasard, c'est lui qu'on a retenu. Me Corbo, M. Corbo, c'est moins évident. C'est tout. Je peux dire ça ici, M. le Président. Ça n'enlève pas les compétences de Me Bellemare, ça. Moi, je ne le connais pas. J'aurais aimé ça l'interroger. Le ministre ne nous a pas donné cette possibilité-là. Alors, il doit comprendre qu'on va insister à l'occasion de 136, pas exiger; on ne peut rien exiger, du côté de l'opposition. À la force du nombre – j'ai connu ça, moi aussi, avant Mme la députée de Matapédia, parce qu'elle est une jeune parlementaire par rapport à des députés de 10, 12 ans – on a connu ça, la force du nombre. Ça, il faut l'utiliser avec prudence, modération, parcimonie, comme dit le député de Dubuc. Il faut être prudents avec ça, la force du nombre, M. le Président.

Je le dis tout de suite: j'espère que le ministre va nous permettre d'entendre M. Corbo en commission parlementaire avant qu'on commence l'étude du projet de loi n° 136, qu'on commence à évaluer chacun des articles, et M. Corbo, M. le Président, et d'autres intervenants. Parce que la déontologie, j'allais dire, c'est moins spectaculaire, oui, c'est moins spectaculaire de parler de déontologie que de parler des moyens qu'on doit mettre en place pour écraser la guerre des motards criminalisés, mais ce n'est pas moins important, la déontologie. C'est, encore là, vous savez, lorsqu'on se préoccupe de la sécurité des citoyens agressés par des bandes de voyous, ça, c'est spectaculaire, c'est une évidence que les citoyens doivent être protégés dans leur intégrité physique.

Mais les droits des citoyens, puis c'est de ça qu'on parle en matière de déontologie, M. le Président, c'est tout aussi important, parce que, si les citoyens du Québec, les citoyennes du Québec ne sont pas bien protégés en matière de déontologie policière, c'est encore plus dangereux, à moyen puis à long terme, que tout autre droit qu'on pourrait leur enlever. Ça peut avoir des effets très, très, très pervers à moyen puis à long terme. Personne au Québec, y compris les policiers eux-mêmes, ne voudrait d'un État où les policiers, policières auraient tous les droits, n'auraient jamais à répondre de leurs gestes. Personne ne veut ça au Québec – puis je me répète – y compris les policiers eux-mêmes, M. le Président.

Je disais tout à l'heure que ce qui guide – jusqu'à preuve du contraire, c'est ça, M. le Président – le ministre dans son cheminement pour arriver au projet de loi n° 136, c'est des économies d'argent. «Traitement des plaintes à l'égard des policiers – c'est ce que disait le ministre le 17 août 1996 – pas de bon sens. Le système de déontologie policière coûte actuellement plus de 10 000 000 $ par année. Ça n'a pas de bon sens.» Le ministre parlait des délais, parlait de la lourdeur du cheminement, mais ce sur quoi il insistait, c'étaient les coûts. Il en a, tout à l'heure, parlé rapidement, on sait que c'est plus ou moins 10 000 000 $, globalement, la déontologie, 5 000 000 $ supportés par le gouvernement, 5 000 000 $, à peu près, supportés par les municipalités.

La médiation. J'ai parlé tout à l'heure... les questions que l'opposition se pose présentement, les éléments qui vont empêcher l'opposition, au niveau du principe, de donner un accord au ministre, un accord, M. le Président, immédiat, et à l'étape du principe, bien, c'est ça, la première occasion, c'est le principe, moi, je dis tout de suite au ministre: Au niveau du principe, l'opposition, sans être farouchement contre, ne peut pas être pour. On a besoin de la commission parlementaire. Et ça, le ministre, j'espère qu'il n'est pas surpris de ça. M. le Président.

Les raisons, rapidement, qui amènent l'opposition à avoir des réserves, c'est la prescription, de ramener de deux à un an. La conciliation obligatoire. Le ministre en a parlé pas mal tout à l'heure, de la conciliation obligatoire. Ça, M. le Président, l'opposition a des réserves là-dessus. Je veux qu'on nous explique l'avantage de la conciliation obligatoire; et, si on fait un parallèle rapidement avec la médiation familiale, bien, là aussi, M. le Président, le ministre de la Justice s'entête à obliger la conciliation, à obliger la médiation, et le premier réflexe qu'on a, c'est de réaliser qu'entre ces deux expressions, ces deux mots, la médiation, la conciliation, et obligatoire, il y a une contradiction entre les deux, M. le Président.

La conciliation et la médiation, ça ne peut pas être obligatoire si on veut que ce soit efficace. Il faut que ce soit volontaire. Ça se contredit, les expressions. Médiation volontaire, on la demande. L'une ou l'autre des deux parties la demande, l'autre partie peut souscrire à cette demande-là, si on fait un rappel rapide de ce qui se passe en droit familial, la médiation obligatoire, une contradiction dans les termes. Et avec toute la conséquence que ça peut avoir, si on revient, M. le Président, en matière de médiation familiale, qu'elle soit obligatoire, on est convaincus, du côté de l'opposition, que non seulement ça peut être négatif comme résultat, ça peut même bloquer un cheminement qui va dans le bon sens. On impose aux parties de se parler. Ce n'est pas de même que ça marche dans la vraie vie, M. le Président.

Lorsqu'un couple, monsieur et madame sont à se tirer ce qu'il y a de meubles dans la maison parce qu'ils ne sont plus capables de s'endurer – c'est comme ça que ça se passe, c'est pour ça qu'il y a des tribunaux, c'est pour ça qu'il y a des procédures de divorce et de séparation de corps – mais on ne les force pas à se parler, M. le Président. Il y a un temps pour ça, et, dans certains cas, on ne veut pas, et c'est bien. C'est un choix. Alors, forcer la médiation, je ne crois pas à ça, moi. Obligation volontaire, oui. La conciliation volontaire, oui.

Exactement, M. le Président, comme la perception des pensions alimentaires, d'inscrire dans le système les bons payeurs, erreur. Judiciariser, M. le Président, alors qu'on fait tout ce qu'on peut dans tous les secteurs d'activités pour sortir les citoyens des mécanismes judiciaires, voici qu'on va exactement dans le sens contraire en matière de perception des pensions. Le bon payeur – non, non, c'est très pertinent, Mme la députée, si vous avez suivi les débats, c'est très, très pertinent – on force les citoyens, M. le Président, on judiciarise leur vie de tous les jours, alors qu'en matière de perception des pensions alimentaires souvent les créancières, parce que 98 % des créanciers sont des femmes, ne veulent pas de perception par le biais du système judiciaire. Mais on a institué la perception des pensions d'un mur à l'autre: bons payeurs, débiteurs corrects comme débiteurs incorrects, ils passent dans le tordeur. C'est ça qu'on a fait.

Et c'est ce qu'on est en train de faire dans 136: «conciliation obligatoire». Le commissaire perd des pouvoirs. Là, si le ministre veut m'écouter, M. le Président, le commissaire en matière de déontologie, par l'introduction de la médiation obligatoire, va perdre des pouvoirs. L'autonomie du commissaire est attaquée par la médiation obligatoire. Le ministre dit non. Il a peut-être raison. Moi, je pense que non, je pense que c'est mon interprétation, M. le Président, qui est la bonne. Il faudra qu'on en parle en commission parlementaire.

(17 h 30)

La médiation familiale, pourquoi? On ne sait pas. Le ministre n'a pas répondu à cette question-là dans son intervention de tout à l'heure. Il a peut-être pris pour acquis que l'opposition dirait: C'est bon. Non. Médiation obligatoire, M. le Président, conciliation obligatoire, que ce soit en matière de médiation familiale, que ce soit en matière de déontologie policière, il y a une contradiction évidente au niveau de l'étymologie des termes, des expressions, des mots. De la médiation, ça ne peut pas être obligatoire. Il faudra que le ministre nous explique ça, puis je le dis tout de suite, il va avoir des problèmes à nous convaincre, parce que le ministre de la Justice, quoiqu'il a reculé un peu, lui... Je pense que la médiation, maintenant, en matière de droit familial, il est revenu parce qu'il s'est fait «bâtonner», entre guillemets, un peu partout au Québec par, entre autres, le Barreau de Sherbrooke.

Je me souviens, en commission parlementaire, la commission des institutions, le ministre de la Justice y avait goûté pas à peu près sur sa vision de la médiation, puis on avait eu droit à des exposés de jeunes avocates extrêmement articulés, bien préparés. Et le ministre de la Justice, s'il n'avait pas été vaniteux – on comprend ça, M. le Président – il aurait tout de suite reconnu qu'il s'était trompé. Il a attendu quelques jours puis il est revenu à de meilleures intentions. Alors, moi, je dis au ministre: Préparez-vous à nous convaincre que la médiation en déontologie policière doit être obligatoire, alors que présentement ce n'est pas le cas, elle est volontaire. Oui, de la médiation, absolument, mais obliger les parties à s'asseoir, j'ai de la difficulté à croire que ça va améliorer le processus.

Le ministre l'a dit tout à l'heure, il a présentement, au Comité de déontologie, trois divisions. La Sûreté du Québec, la SPCUM – parce que c'est gros, la SPCUM – puis ce qui reste de corps policiers au Québec, ce qui était également extrêmement important... Le ministre n'a pas changé d'idée. Moi, s'il m'avait dit: C'est écrit à l'article 28 qu'on va nous ramener ça à une division. Mais, même si c'est écrit, depuis, j'ai changé d'idée, puis, non, on va maintenir le système actuel. Non, le ministre a dit tout à l'heure, il a expliqué – ce qui est écrit dans le projet de loi – son intention: c'est de ramener ça à une seule division. Il faudra nous convaincre. Peut-être que ça a du bon sens. Mais il me semble que la déontologie, je comprends qu'il y a des règles de base, mais des règles de base. Que ça soit un policier de la SPCUM ou un policier de la Sûreté du Québec, il y a des règles fondamentales qui doivent guider chaque policier, chaque policière dans le cours normal de ses activités de travail. Mais il me semble qu'il y a des distinctions, et c'est pour ça qu'il y avait trois divisions. Le ministre va devoir nous convaincre. Ce qui le guide essentiellement, il n'y a rien d'autre, si j'ai bien compris son intervention de cet après-midi, c'est de sauver des piastres. C'est légitime, mais pas lorsqu'on est en matière de sécurité publique, de protection des citoyens, de protection des droits des citoyens et des citoyennes du Québec, en matière de relations avec leurs protecteurs, leurs policiers.

M. le Président, ce qui doit guider le ministre, ce n'est pas d'abord et avant tout de sauver de l'argent, c'est de respecter les droits fondamentaux des citoyens. Puis, à travers cette évaluation-là, en partant du principe de base que les droits doivent être maintenus de façon intégrale, est-ce qu'on peut sauver quelques millions, pas l'inverse. Et le ministre a des lapsus révélateurs lorsqu'il fait des interventions publiques, lorsqu'il se laisse aller un peu, là, puis qu'il nous dit le fond de sa pensée, on comprend que c'est d'abord et avant tout de récupérer de l'argent pour son président du Conseil du trésor. Puis là, bien, le ministre, il va tenter de nous convaincre en disant: Voyez-vous, je ne fais pas ça rien que pour le gouvernement du Québec, ça touche également les municipalités, parce que les coûts sont partagés, ça coûte à peu près autant aux municipalités qu'au gouvernement du Québec. Le ministre va nous dire que, si on modifie le processus, si on modifie la structure puis que le gouvernement du Québec sauve quelques centaines de 1 000 $, ça sera vrai également pour les municipalités. On verra. On verra, M. le Président.

Alors, je termine en disant au ministre qu'on n'est pas... Il faut faire attention à ce qu'on dit avec le ministre de la Sécurité publique. Il faut faire attention avec lui. Il nous interprète. Il nous interprète. Je l'ai dit ce matin sur 135 puis j'ai fait le tour de la question, parce qu'on ne peut pas dissocier ce que le ministre propose par le biais du projet de loi n° 135, on ne peut pas dissocier ce qu'il y a là-dedans avec tout ce qu'il administre, lui, au niveau de la sécurité publique, y compris la Sûreté du Québec, les pouvoirs à la Régie des alcools, les pouvoirs aux municipalités. Ça ne se dissocie pas.

Je dis au ministre, M. le Président, parce que, lorsqu'on a dit, à 135: «On est d'accord, mais on a des réserves», il a tassé du revers de la main les motifs, les inquiétudes de l'opposition, puis je lui ai dit, j'ai été très explicite: «Il y a des dispositions dans 135 qui constituent des virages spectaculaires en regard des règles de preuve devant les tribunaux de juridiction criminelle.» On ne peut pas tasser du revers de la main le renversement du fardeau de la preuve. On ne peut pas ignorer que le ministre, dans le projet de loi n° 135, inverse la présomption d'innocence pour établir la présomption de culpabilité. C'est fondamental, ça, c'est fondamental. Alors, le ministre a semblé vouloir dire qu'on s'opposait pour autre chose que ce qu'il y a dans 135. Non, M. le Président. Ce qu'on dit, c'est que ça a pris du temps. Ce qu'on dit également, c'est que c'est un pas dans le bon sens, 135, mais il y a des questionnements extrêmement importants au niveau des principes.

Le projet de loi n° 136, je dis au ministre: L'opposition n'est pas carrément contre, mais, sur le principe, tout à l'heure, s'il y a un vote, on dira non. Pour le moment, c'est non. On insiste, et je dis au ministre, au nom de l'opposition officielle, s'il veut faciliter la compréhension de l'opposition de ce qu'il y a dans 136, s'il veut venir chercher l'adhésion de l'opposition sur quelque chose d'important, qu'il nous permette de consulter, d'entendre des experts.

J'ai parlé de Me Bellemare, j'ai parlé de M. Corbo. On en connaît d'autres. Le ministre en connaît d'autres. On lui demande, et c'est au nom de l'opposition que je fais cette demande-là, en concluant, en commission parlementaire on pourrait, avant de procéder à l'évaluation du premier article, se faire éclairer. Les questions... Je dis tout de suite au ministre, ça, bien, il sait très bien que c'est dit en toute bonne foi, il ne pourra pas répondre à toutes ces questions-là, je le comprends, il a des conseillers autour de lui, il a des conseillères autour de lui, mais qu'il amène en commission parlementaire, entre autres, M. Corbo, Me Bellemare et d'autres experts. Ça pourra permettre à l'opposition de cheminer plus facilement, peut-être de se faire convaincre que les différentes réserves que j'ai exprimées ne sont pas fondées parce qu'elles ont reçu des réponses aux questions qu'on posera.

Alors, pour le moment, on est à l'étape du principe, puis nos règles sont écrites de telle sorte que c'est au principe qu'on s'exprime de façon globale sur l'intention du législateur, c'est-à-dire pas du législateur, je m'excuse, de l'exécutif. Le parrain du projet de loi, c'est l'exécutif, c'est le ministre de la Sécurité publique. Tout de suite, on exprime nos réserves. On indique au ministre que peut-être on se ralliera à ce qu'il veut, mais la commission parlementaire, puis c'est pour ça que ça existe, une commission parlementaire, M. le Président, elle sera d'une extrême importance dans ce projet de loi là, tout comme pour ce qui est du projet de loi n° 135. Alors, j'invite le ministre à réfléchir là-dessus, peut-être au moment de sa réplique, soit après-midi ou demain, de nous dire: Oui, l'opposition, vous aurez le droit de questionner Me Bellemare, M. Corbo et d'autres experts. J'espère que le ministre va arriver à cette conclusion-là. Je vous remercie, M. le Président.

(17 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Frontenac. Nous cédons maintenant la parole au député de Jacques-Cartier. Alors, M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de me lever en Chambre cet après-midi pour parler sur la loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière, Bill 136, an Act to amend the Act respecting police organization and the Police Act as regards police ethics.

Je pense que c'est un sujet de toute importance; on a vu, à travers l'Amérique du Nord, que les systèmes de déontologie policière sont essentiels pour préserver le lien de confiance entre le citoyen et les policiers. Dans plusieurs des grandes villes nord-américaines, on a vu des incidents très regrettables. On peut penser à Los Angeles, à New York, à Vancouver, à Toronto et même à Montréal, où il y a eu des incidents entre les policiers et les citoyens qui ont profondément perturbé la paix sociale. Alors, je pense qu'un bon système de déontologie policière est un lien essentiel entre le citoyen, les policiers et l'État.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt à regarder ce projet de loi et je pense qu'il est très important de rappeler dans cette Chambre que le système de déontologie policière existant a été l'une des grandes réussites du gouvernement précédent, parce qu'effectivement c'est en 1990 que le gouvernement libéral a réussi à mettre en place notre système de déontologie policière. Je veux saluer, en passant, peut-être deux anciens députés de cette Assemblée, l'ancien député de D'Arcy-McGee, Herbert Marx, et également l'ancien député de Robert-Baldwin, Sam Elkas, tous les deux ministres de la Sécurité publique, qui ont réussi à mettre en place ce système de déontologie policière. Je pense que c'est tout à fait normal, M. le Président, qu'après six ans de travail, après six ans d'existence, on soit en train de regarder notre système de déontologie. On est en train de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Je trouve et je me réjouis de la première recommandation de l'étude, qui a été faite par le gouvernement et par M. Corbo, quant À la recherche d'un système de déontologie policière juste, efficient et frugal . La première recommandation dit, et je cite: «Que soit préservé au Québec un système de déontologie policière respectant des critères d'universalité et d'uniformité, d'accessibilité, de transparence, d'indépendance, de responsabilité civile, et doté des éléments essentiels que sont un code de déontologie, une institution accueillant les plaintes et leur assurant un traitement efficace, juste et équitable, une instance décisionnelle déterminant s'il y a dérogation au code de déontologie imposant des sentences et un mécanisme d'appel de telles décisions.»aaaaaaa Alors, ça, c'est la première recommandation, qui reprend les éléments essentiels du système existant. Encore une fois, je cite le rapport de M. Corbo: «Que la très grande majorité des témoignages reçus rejettent soit l'abolition pure et simple du système, soit le retour à la situation antérieure, caractérisée par la Commission de police.» Il confirme également la nécessité de conserver la pièce maîtresse du système actuel.

Alors, je pense que le travail qui a été fait il y a sept ans dans cette Chambre par les ministres du gouvernement précédent a été fructueux et je pense qu'on a devant nous un système qui a réussi à améliorer le lien de confiance entre le citoyen et nos policiers. Alors, je pense qu'il faut, en commençant, saluer le travail qui a été fait. Ce que nous avons réussi à mettre en place est un système qui a réussi à mettre en place un système de traitement des plaintes qui a répondu à beaucoup des demandes qui étaient faites à l'époque par le milieu.

Mais, comme j'ai dit, c'est tout à fait normal après cinq ans, six ans, sept ans, de revoir le travail et, surtout, le problème de délais. Je pense que c'était quelque chose qu'on a étudié dans le passé, qu'on a soulevé, et, dans le rapport de M. Corbo, on parle entre le moment où on dépose une plainte et une décision du Comité de déontologie. C'est fort évident que ce ne sont pas toutes les plaintes qui cheminent jusqu'au bout du système, mais, pour une plainte qui est traitée comme ça, ça prend au-delà de deux ans, de A à Z dans le système.

Alors, pour le citoyen qui se sent lésé dans ses droits, c'est un retard indu, et je pense que, sur ça, le gouvernement a tout intérêt à trouver des moyens plus efficaces pour réduire le délai. Et l'opposition officielle va collaborer avec eux autres.

Mais je veux juste retenir l'attention du ministre sur un des choix qui a été fait pour arriver à ça, c'est de réduire le nombre de commissaires adjoints de trois à un. Au départ, je pense que c'était une solution, à première vue, on peut dire: Hum! peut-être que c'est intéressant, c'est peut-être le moyen qu'on peut utiliser pour redéployer ces ressources autrement. Mais il faut faire attention, parce que un des devoirs que nous avons donnés au commissaire adjoint était effectivement d'expliquer ce système aux citoyens du Québec, et, entre autres, il y a une des commissaires adjointes, Me Marlene Jennings, qui avait le mandat, au départ, d'aller surtout dans les communautés minoritaires pour bien expliquer comment le système fonctionne. Soit dans les communautés autochtones, soit dans les communautés sur l'île de Montréal, il y avait tout un effort supplémentaire fait auprès de ces communautés parce que c'est souvent les membres de ces communautés qui sont victimes d'un acte policier et où les liens de confiance sont peut-être les plus fragiles.

Alors, je pense que le travail que Me Jennings a fait à travers le Québec, moi, j'ai croisé Mme Jennings de temps en temps à Kuujjuaq, ou à Kahnawake, ou chez les Algonquins. En tout cas, à travers le Québec, elle a fait un travail remarquable pour essayer d'étendre notre système, d'expliquer notre système. Alors, il y avait un genre de volet d'éducation dans le mandat des commissaires adjoints, et je pense que c'est quelque chose à retenir que de juste dire qu'on peut réduire le nombre de places et les utiliser autrement. Il y a toujours ce volet de faire comprendre, expliquer notre système aux groupes de citoyens, aux représentants surtout des communautés minoritaires, ce qui est fort important. Et je ne veux pas qu'on perdre ça de vue.

Je vois, en passant, M. le Président, dans l'entente, on fait référence à la création des liens plus formels avec les communautés autochtones. Et je trouve ça fort louable. C'est quelque chose que, je pense, à première vue, a été soulevé par la communauté mohawk de Kahnawake. Suite à la crise de 1990 et tous les tristes événements de cet été, nous avons créé un groupe de travail pour essayer d'améliorer les relations entre la Sûreté du Québec, les policiers mohawks de Kahnawake, et les Peacekeepers, et la communauté mohawk et, également, la communauté autour de la réserve de Kahnawake, les personnes qui demeurent sur la rive-sud de Montréal.

Et un des éléments que nous avons regardés à l'époque, en 1991-1992, est une suggestion, effectivement, qu'il faut avoir un lieu plus formel entre notre système de déontologie policière et les communautés autochtones.

Alors, c'était, à ce moment-là, juste une idée. On n'a pas réussi à mettre tout ça en place avant le changement de gouvernement, en 1994. Mais je me réjouis aujourd'hui de voir que nous avons mis ça dans le projet de loi n° 136; ça concrétise une chose sur laquelle nous avons travaillé à l'époque, et je pense qu'il serait fort intéressant d'avoir un meilleur lien de confiance établi entre les communautés autochtones et les différents corps de police au Québec.

The suggestion that is in Bill 136 to improve relations or to have a more formal recognition of the place for Native communities within our police ethics system, I think, is a large step forward. It is an idea that, I think, amongst other places, has its origins in discussions between the Minister of Public Security of the time, Mr. Claude Ryan, and the Native community of Kahnawake, where we had a very complicated situation after the crisis of 1990. And it was hoped that we could find a way to improve relations between the various police forces that were working on and around the reserve in Kahnawake, the citizens of the reserve, the Mohawks of Kahnawake, the citizens of the municipalities around Kahnawake. And one of the suggestions that was made at that negotiation table was to try to have our police ethics system adapted to the needs of these communities.

So I think that, in the bill that is before us today, we are taking that suggestion that was made at the time and moving it forward and I think it is due in part to the work that one of the deputy commissioners, Marlene Jennings, did, who was given a mandate by the former police ethics commissioner, Fernand Côté, to go around and to try to reinforce relations between... or try to explain the police ethics system to Native communities and to other minorities across Québec because there was a new system; it was something that was only put in place in 1990, Mr. Speaker, and it was thought to be very important that we try to come up with a way to reinforce the links between the various minorities and the police system, because that, as we have seen, across North America, is a place where too often it can be a cause for confrontation and the social peace can be put at risk if we do not have a link of confidence between police officers and members of minority communities.

(17 h 50)

Alors, je comprends le raisonnement qui a amené le ministre à réduire le nombre de commissaires adjoints, mais je pense qu'il y a quand même le volet d'éducation et d'expliquer le système à la population, qu'il est important de préserver... Et ce n'est pas uniquement en préservant des postes de commissaire adjoint qu'on va réussir à le faire. Mais je pense que c'est un volet important à ne pas perdre de vue dans le réaménagement du système qui est ici.

Mais je veux rejoindre aussi... Comme je l'ai dit: Il faut réduire les délais, qui sont souvent indus. Mais je veux revenir au thème qui a été abordé par mon collègue le député de Frontenac. C'est tout le problème de conciliation qui est plus ou moins obligatoire. J'ai lu l'article 10 comme il faut, et c'est très évident que le fardeau va être beaucoup sur les épaules du citoyen. Alors, quand je lis: Toute plainte en déontologie policière doit être soumise à la conciliation, sauf lorsque le commissaire la réserve à sa juridiction, le fardeau est mis sur le citoyen d'être exempté, au lieu d'avoir quelque chose qui mette les deux à forces égales. Parce que, moi, en lisant ça, en lisant le 51.1 dans le nouveau projet de loi, c'est évident que ça va être au citoyen, qui est souvent déjà traumatisé par l'expérience, d'écrire à un commissaire, dans un système qu'il ne comprend pas très bien, pour trouver un motif valable pour être exempté de la conciliation.

Il faut rappeler que, si c'est un citoyen qui a fait la prétention, ou au moins a déposé une plainte qu'il y avait eu une utilisation de la force excessive par le policier, la dernière chose que le citoyen veut faire, c'est de se remettre devant l'auteur de l'acte d'agression – entre guillemets, parce qu'il n'y a aucune preuve qu'une agression a été faite – mais, quand même, ça risque d'être très difficile, pour moi, de reconfronter quelqu'un que, moi, je suis en train d'accuser peut-être d'une utilisation de force excessive ou un autre abus d'autorité qui est prévu dans notre code de déontologie.

Alors, c'est un risque de perturber les relations, et je ne suis pas convaincu. Le ministre, je suis convaincu, va nous expliquer en commission parlementaire que la formulation, ici, était si souple. Mais, moi, je ne pense pas. Et moi, je pense de plus en plus que le message est clair à l'effet qu'il faut avoir une conciliation. Ça devient une conciliation obligatoire. Et nous avons, et on continue, de notre côté de la Chambre, dans le projet de loi n° 65 qui est la médiation familiale, à dire que pour qu'une médiation, tout comme une conciliation, fonctionne bien, il faut avoir l'accord des deux parties. Et moi, ma crainte, c'est la façon que c'est écrit dans le projet de loi n° 136, ici, ça va être quasi obligatoire, parce que le fardeau doit être sur un citoyen, peut-être déjà traumatisé, de faire une preuve, d'aller écrire une lettre pour expliquer comme il faut pourquoi il veut être exempté de la conciliation prévue dans l'article 10 de ce projet de loi.

Alors, je pense qu'il faut regarder ça attentivement, parce que, en lisant ça, moi, je pense que ça nous amène à une conciliation presque obligatoire, et ça va être une erreur. Et nous avons toujours dit, je sais que M. Ryan a dit à maintes reprises à M. Côté, quand il était commissaire à la déontologie, de favoriser une conciliation. Si on peut trouver une solution sans faire partir le grand bateau du Comité de déontologie, et tout ça, tant mieux! M. Ryan a toujours dit en clair que, si le citoyen et le policier peuvent faire un arrangement, essayer de trouver une solution au problème sans partir la grande mécanique du Comité de déontologie, tant mieux! Mais je pense qu'il faut avoir de la souplesse. Et moi, ma crainte dans la formulation qui est ici, on est en train d'enlever la souplesse nécessaire pour arriver à la conciliation et le but souhaitable.

L'autre chose, ma crainte, c'est toujours la question de la vraie raison; je pense que mon collègue de Frontenac a soulevé ça aussi. Et je reviens toujours à un article qu'on n'a pas mentionné assez souvent dans cette Chambre, mais c'était dans La Presse du 27 mars 1999, et c'est La défense des droits durement touchée par la réduction des dépenses publiques , et ça dit entre autres, au moment du dépôt du livre des crédits par ce gouvernement: «Les organismes voués à la défense des droits voient leurs budgets fondre de 25 % lors de la prochaine année financière commençant le 1er avril.» On parle des droits de la personne, on parle du Comité pour les droits de la jeunesse, on parle de la Commission d'accès à l'information, on parle de l'Office de la protection du consommateur; tous ces groupes ont vu leurs budgets coupés de 25 %.

Parce que c'est élémentaire, M. le Président: on peut avoir la meilleure Charte des droits au monde, on peut avoir la meilleure déclaration des principes et des droits, mais si le citoyen n'a pas accès aux moyens pour se défendre, si le citoyen n'a pas le moindre moyen de faire écouter sa voix, ça ne vaut pas grand-chose, M. le Président, et ma crainte ici, c'est, encore une fois: Est-ce que la vraie raison de la réforme, c'est de donner un meilleur service aux citoyens ou est-ce que c'est de répondre à une commande qui a été faite par le Conseil du trésor, encore une fois, parce qu'on trouve que les coûts sont trop élevés?

Et j'ai même vu le directeur de la police de Montréal, M. Duchesneau. J'ai beaucoup de respect pour M. Duchesneau, mais je pense qu'il a vu dans ce projet de loi peut-être un moyen de sauver des sous. Mais ce n'est pas sauver des sous pour les policiers, ni pour les municipalités ni pour le gouvernement, qui doit être la priorité. La priorité, avant tout, c'est de répondre aux besoins des citoyens qui sont lésés par une personne d'autorité dans notre société. Alors, déjà, le rapport des forces entre le citoyen et un policier, c'est le citoyen qui est inégal, c'est le citoyen qui a peu de pouvoirs, peu de moyens pour faire prévaloir son point de vue. Alors, je pense que, oui, peut-être que ça coûte un petit peu cher à nos citoyens pour les aider à défendre leurs droits, mais on a tout intérêt à le faire, parce qu'on a vu dans d'autres grandes villes nord-américaines ce qui arrive si le lien de confiance est brisé. On a juste à penser à la grande émeute dans la ville de Los Angeles concernant Rodney King, et tout ça.

Si les citoyens perdent leur confiance dans la police, ça va nous coûter nettement plus cher. Et Montréal également a été touchée par quelques incidents très malheureux, mais je pense qu'à cause de nos systèmes, à cause du fait que les droits des citoyens sont protégés, au moment du décès de Marcellus François ou de Trevor Kelley ou d'autres personnes comme ça, les systèmes ont réussi et les liens de confiance, qui sont toujours fragiles, mais nous avons réussi, comme société, de passer à travers tout ça. Mais si l'objectif qui est devant nous maintenant est de miner les ressources disponibles pour la protection des citoyens, à moyen terme, ça risque de nuire.

Alors, en terminant, M. le Président, moi, je pense qu'on a tout intérêt de... Juste un dernier point, sur la prescription, un autre point d'ajouté. C'est juste attirer l'attention du ministre sur le fait que souvent c'est les accusations criminelles qu'il faut passer avant la déontologie policière et, dans tout le va-et-vient des accusations criminelles, souvent, le citoyen oublie de porter plainte sur la déontologie policière parce qu'il y a d'autres processus qui sont déclenchés. Il arrive à la fin du processus peut-être sans avoir satisfaction. Il veut maintenant déclencher le processus de déontologie, qui est un système autre, et si la prescription est trop courte, il risque d'avoir perdu le droit de porter plainte. Alors, je pense que ça, c'est une autre prescription, il faut regarder ça attentivement.

Alors, en terminant, je veux joindre ma voix à celle de mon collègue de Frontenac. On a des personnes qu'on peut consulter rapidement. Moi, je pense qu'on a tout intérêt d'entendre M. Corbo, qui a écrit un rapport de 207 pages, pour voir qu'est-ce qu'il pense. Il y a également une étude qui a été déposée la semaine passée par M. Pierre Tremblay, Manon Tremblay et Lucie Léonard, des chercheurs des Universités de Montréal et de McGill qui ont regardé le comportement des policiers dans des quartiers multiethniques.

(18 heures)

Alors, rapidement, on peut regarder ces éléments, le projet de loi afin de le bonifier, mais, pour le moment, je pense que le projet de loi dans la forme actuelle, on a des choses à corriger. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Jacques-Cartier. Le principe du projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté sur division ou adopté?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

Mme Caron: Oui. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 21 mai 1997, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Donc, les travaux sont ajournés à mercredi 21 mai, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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