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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, December 4, 1996 - Vol. 35 N° 62

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Table des matières

Présence du consul général de la république de Cuba à Montréal, M. Gabriel Tiel Capote

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Alors, mesdames et messieurs, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du consul général de la république de Cuba à Montréal, M. Gabriel Tiel Capote

Alors, pour débuter ce matin, j'ai le grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, du consul général de la république de Cuba à Montréal, M. Gabriel Tiel Capote.


Affaires courantes

Alors, nous allons débuter par les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. Mme la ministre de l'Éducation.


Rapports annuels du Comité d'accréditation des associations étudiantes, du Conseil supérieur de l'éducation et sur l'état et les besoins de l'éducation

Mme Marois: Merci, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport des activités 1995-1996 du Comité d'accréditation des associations étudiantes, de même que le rapport annuel 1995-1996 du Conseil supérieur de l'éducation, ainsi que le rapport sur l'état et les besoins de l'éducation intitulé «Pour un nouveau partage des pouvoirs et responsabilités en éducation».


Rapport annuel du Vérificateur général

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Je dépose, de mon côté, conformément à l'article 44 de la Loi sur le vérificateur général, le rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale pour l'année financière 1995-1996, le tome 2.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure. Alors, plus tard ou à une autre séance.

Mme la présidente de la commission de l'éducation et députée de Chicoutimi.


Élection de la présidente et du vice-président de la commission de l'éducation

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 28 novembre 1996 afin de procéder à l'élection de la présidente et du vice-président de la commission.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. M. le président de la commission de la culture et député de Lévis.


Étude du rapport annuel 1995-1996 de la Commission d'accès à l'information

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la commission de la culture qui a siégé le 27 novembre 1996 afin d'étudier le rapport annuel 1995-1996 de la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 199.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.


Élection du président et de la vice-présidente de la commission de la culture

Et, M. le Président, je dépose également le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 28 novembre 1996 afin de procéder à l'élection du président et de la vice-présidente de la commission.

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés. J'invite maintenant Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 59

Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 2 décembre 1996 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune.

Le Président: Alors ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Exempter les personnes à faibles revenus du programme d'assurance-médicaments

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 200 pétitionnaires de la région de Montréal, dont principalement le comté de Notre-Dame-de-Grâce.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«We, the undersigned, residents of the Province of Québec, do hereby petition the National Assembly to instruct that the Government of Québec exempt those individuals and families whose annual incomes are below the poverty line from any payment of a premium, deductible or coinsurance applicable under Bill 33, An Act respecting prescription drug insurance.

«Nous, soussignés, résidents du Québec, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement du Québec afin qu'il exempte tout individu ou famille dont le revenu annuel est au-dessous de l'indice de pauvreté du Québec, de la prime, de la franchise et de la coassurance applicables selon la loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Il n'y a pas, aujourd'hui, d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Et nous en arrivons donc immédiatement à la période des questions et des réponses orales. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.


Réglementation sur la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole dans le cadre de la loi sur le droit de produire

Mme Dionne: Merci, M. le Président. L'importance de l'agriculture pour le gouvernement du Québec ne s'est pas démentie dans le passé. Pendant 18 ans, on a connu des ministres seniors: de 1976 à 1985, le député de Lévis, de 1985 à 1994, le député de Portneuf et le député de Maskinongé. Depuis l'arrivée de l'autre façon de gouverner, M. le Président, deux ministres juniors à l'Agriculture en deux ans. Les agriculteurs ne se sentent pas représentés et doivent s'adresser directement au premier ministre pour être entendus et obtenir des réponses.

Malgré les engagements du premier ministre lors de son discours inaugural, malgré une entente importante signée en février dernier entre le monde municipal, l'UPA et le gouvernement pour que les agriculteurs aient le droit de produire, malgré l'adoption du projet de loi sur le droit de produire en juin dernier, malgré les engagements répétés du ministre de l'Environnement de déposer un règlement au sol, rien ne s'est passé, sauf pour nous faire des promesses, promesses de dépôt de documents, de consultations d'ici la fin novembre. Aujourd'hui, il n'y a rien encore de fait, M. le Président.

M. Laurent Pellerin soulignait, lors de l'ouverture du congrès de l'UPA, et je le cite: «On nous a promis une réglementation vivable pour le 15 novembre. Aujourd'hui, rien n'a été fait. C'est un manquement à la parole donnée et un non-respect à la classe agricole. On a perdu deux mois à parler avec eux autres. On aurait dû cogner tout de suite», M. le Président.

Alors, ma question, bien sûr, est au ministre de l'Agriculture: Est-ce que le ministre de l'Agriculture se rend compte que son gouvernement et lui-même rient du monde agricole en ne respectant pas ses promesses? Et quand tiendra-t-il ses promesses de déposer les règlements promis au monde agricole?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

(10 h 10)

M. Julien: Alors, M. le Président, je suis content que la députée de Kamouraska-Témiscouata me rappelle la loi n° 23. C'est une loi qu'on attend depuis 18 ans. Pendant huit ans, ils ont eu l'occasion de la faire puis ils ne l'ont pas faite. Elle est morte au feuilleton. Puis on vient me dire: Qu'est-ce que vous attendez?

La loi n° 23 est passée. Dans le cadre de la loi n° 23, au mois de juin, on s'est donné une année pour régler le dossier concernant les odeurs et les inconvénients, puis ça va être fait. Le mémoire va être déposé. Il y a une commission parlementaire à la fin du mois de janvier.

Quant à l'autre, je vais faire le point ce matin avec les producteurs; j'ai une rencontre avec eux, ils m'ont invité. Alors, je vais aller les rencontrer et je ferai le point là.

Le Président: Mme la députée.

Mme Dionne: M. le Président, le ministre de l'Agriculture se rend-il compte que sa loi sur le droit de produire qui a été adoptée en juin dernier n'est toujours pas en vigueur, et même la partie qui touche la Commission de protection du territoire agricole? Quand les acteurs qui sont en jeu, les Unions municipales, les producteurs, la population en général connaîtra-t-elle les vrais règles du jeu et quand cette loi sera-t-elle en vigueur?

Le Président: M. le ministre.

M. Julien: M. le Président, j'ai une rencontre avec mes partenaires à 11 h 15. Je vais faire le point avec eux sur ce dossier, compte tenu de l'importance qu'on a accordée comme gouvernement à la loi n° 23, un dossier qu'ils n'ont pas été capables de régler; deuxièmement, qu'on s'en vient avec le projet de réglementation au sol. Et ça, je ferai le point ce matin avec les producteurs; ils sont là, ils m'attendent, c'est des partenaires. Alors, c'est normal que je parle avec mes partenaires à ce sujet-là.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, au premier ministre, en notant que le ministre de l'Agriculture a trouvé le moyen de barbouiller son prédécesseur, le député de Lévis qui, pendant huit ans, lui aussi, a été là, puis, si je comprends bien, n'a rien fait, à écouter le ministre de l'Agriculture. Est-ce que le problème qui en est un de consensus entre le monde municipal et le monde agricole ne pourrait pas retenir l'attention du premier ministre un petit peu? Et quand entend-il se pencher comme négociateur en chef, là aussi, sur cette réalisation d'un consensus entre le monde agricole et municipal?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nos partenaires de l'UPA savent tout le travail qui a été abattu par le ministre de l'Environnement et le ministre de l'Agriculture au cours des récentes semaines, même des récents mois pour préparer un projet de règlement qui va satisfaire à tous les impératifs, à toutes les exigences. Et ce règlement sera rendu public très bientôt. C'est dans la phase à peu près définitive, il est à peu près terminé. On sera donc en mesure de le rendre public. Je crois que tout le monde en sera satisfait. Ça va se faire au plus tard d'ici une couple de semaines et ça va refléter les consensus, là, qui se sont à peu près dégagés entre les ministères et les partenaires.

Et je crois que, de ce point de vue, le gouvernement ne peut encourir aucun reproche, puisque nous savons très bien à quel point l'industrie agricole est importante pour le Québec. C'est un pilier extrêmement important de l'économie du Québec, c'est une constante dans la présence économique du Québec, et il est certain que les ministres qui s'occupent de ces dossiers, en particulier l'actuel ministre de l'Agriculture qui n'est pas un ministre junior, qui est un ministre à plein titre, font un travail extraordinaire.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. Maintenant qu'on vient de comprendre que la ministre de l'Industrie et du Commerce est une ministre junior, elle, que le ministre du Revenu est un ministre junior, lui, et que le ministre des Affaires internationales...

M. Bélanger: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Bélanger: Oui. Je pense que le chef de l'opposition officielle a choisi à ce moment-ci d'y aller en question complémentaire. Alors, à ce moment-là, on pourrait se passer de préambule, M. le Président.

Le Président: Alors, M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui. Maintenant qu'on vient de comprendre l'estime que le premier ministre voue à certains de ses collègues, de la même façon qu'on a compris l'estime du député de Trois-Rivières pour celui de Lévis il y a quelques instants, est-ce que le premier ministre, qui vient de se gargariser sur les travaux de consensus réalisés par le ministre de l'Agriculture et de l'Environnement, d'autre part, a une réponse à apporter au président de l'UPA qui dit que, rendus en décembre, après six mois de tergiversations, on en est rendus essentiellement à la proposition du ministre de l'Environnement de juin dernier?

Des voix: Oui, c'est ça.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que le président de l'UPA et tous les gens qui en font partie savent à quel point le gouvernement a travaillé fort pour faire adopter cette loi qu'ils ont attendue pendant longtemps. Ils savent que c'est un gain énorme qui a été accompli, qu'ils ont remporté. C'est un progrès important au Québec dans la réconciliation des exigences de l'environnement et de la production agricole.

Nous sommes en train de régler un problème qui date depuis très longtemps, qui est très complexe, et je pense que l'UPA aura tout lieu d'être satisfaite, de même que les milieux de l'environnement, des solutions qui seront atteintes.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. Est-ce que la législation sur le droit de produire qui était au coeur des engagements électoraux du Parti québécois en 1994 tout autant d'ailleurs que du Parti libéral du Québec, est-ce que cet engagement à légiférer rapidement sur le droit de produire, comme tous les autres engagements, n'est pas en train d'être évacué par le gouvernement, après tout le temps qu'il a mis, depuis presque un an, maintenant, que le premier ministre est en poste, à donner suite aux engagements électoraux du PQ? Et est-ce qu'on doit en conclure que, dans cette matière-là comme dans toutes les autres, le député de Jonquière est devenu chef de son parti pour qu'il manque quasiment à tous ses engagements électoraux?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition sait très bien dans quelle démarche fondamentale le gouvernement est engagé, dans une démarche de renouveau, dans une démarche de prise en charge des responsabilités, à laquelle il a lui-même abdiqué alors qu'il était chef du gouvernement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Richmond, en complémentaire ou en principale?

M. Vallières: Oui, en principale, M. le Président.

Le Président: En principale.


Projet de production d'éthanol-carburant à partir de maïs-grain

M. Vallières: M. le Président, nous assistons, dans la région de Lanaudière, à une offensive en règle de la population afin de forcer le gouvernement à prendre une décision dans le dossier de l'éthanol-carburant à partir de maïs-grain. En décembre 1994, le gouvernement promettait qu'il ferait connaître sa décision dans les plus brefs délais.

En juin 1995, je questionnais le gouvernement, en cette Chambre, sur les retards qu'il mettait à traiter ce dossier. La question est à ce point vitale que Mgr Lussier, l'évêque de Joliette, a décidé de s'impliquer pour convaincre lui aussi le gouvernement. La population s'inquiète, il s'agit d'un projet important, capable de créer une centaine d'emplois directs, pour un investissement de près de 100 000 000 $.

Dans un communiqué du 12 septembre dernier, le ministre responsable du Développement des régions s'est dit heureux de s'associer à la démarche du milieu pour demander la position gouvernementale concernant le projet de production d'éthanol-carburant.

M. le Président, puisque le volubile, polyvalent et important ministre du Développement des régions, siégeant à toutes sortes de comités, ne semble pas connaître la position gouvernementale puisqu'il le demande par voie de communiqué officiel, est-ce que son premier ministre est en mesure de nous faire part de la position de son gouvernement, à nous de même qu'à son ministre, en cette Chambre, sur le dossier de l'éthanol-carburant?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, c'est un dossier vieux de 1990, qui remonte au sommet économique, où neuf ministres libéraux assistaient à ce consensus régional, et, pendant trois ans, nous avons demandé de faire une étude de faisabilité. Nous n'avons jamais été capables jusqu'en septembre 1994.

En septembre 1994, on a enclenché l'étude de faisabilité. On a fait travailler un comité ministériel, et, d'ici quelques semaines, le ministre des Finances fera connaître sa décision, puisqu'il y va d'une détaxation de l'éthanol, vous le savez très, très bien. Ça engage des finances publiques de l'ordre de plusieurs dizaines de millions, et on ne peut pas prendre une décision à la légère. Mais, quant à nous, l'étude est faite, les ministères ont travaillé, contrairement à l'inertie libérale de quatre ans.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, je reviendrai au premier ministre et je lui demande: Quand est-ce que ce gouvernement va s'apercevoir qu'il a été élu en septembre 1994?

Est-ce que, M. le Président, le premier ministre peut nous indiquer, lui qui sait, et c'est confirmé par les voix de son ministre responsable du Développement des régions et du ministre des Finances, que le projet d'usine d'éthanol ne peut être viable sans une détaxation de l'ordre de 30 000 000 $ par année, est-ce que le premier ministre peut nous indiquer s'il est prêt à donner un coup de barre en ce sens et, en second lieu, en second lieu, est-ce que le premier ministre partage le point de vue du ministre responsable du Développement des régions qui se commet, par voie de communiqué, qui choisit déjà la région de Lanaudière pour l'implantation de ce projet d'usine d'éthanol dans sa région?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, quant à la première question, est-ce qu'on va s'apercevoir qu'on est élus, on le sait nous, il y en a qui ont été là neuf ans et ils ne s'en sont pas aperçus. Ça, c'est la première des choses.

La deuxième question, M. le Président, le ministre responsable de la région de Lanaudière soutient un dossier du sommet économique de Lanaudière de 1990. Est-ce qu'il y a une surprise de se battre pour sa région?

(10 h 20)

Troisièmement, la détaxation, j'avais répondu antérieurement en disant qu'il est bien beau de penser à des projets, mais on doit y donner des suites. Parce que ça implique des finances publiques, une détaxation peut priver les coffres de l'État de 30 000 000 $, donc ça demande une décision sérieuse, et seul le ministre des Finances peut prendre la décision de détaxer.

Mais, quant à nous, de Lanaudière, il n'y a pas personne en cette Chambre qui va reprocher à un député de se battre pour son comté et de se battre pour sa région. Ça, je pense que c'est tout à fait normal. Et que d'autres députés de d'autres régions se battent pour leur région. Le gouvernement prendra, en toute solidarité, sa décision en temps et lieu.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: Comment, M. le Président, le ministre responsable du Développement des régions a-t-il pu demander la position gouvernementale dans ce dossier par un vague communiqué de presse, alors que, en même temps, il élaborait sa politique sur l'énergie où il est dit, en page 95, pour l'éthanol-carburant à partir de maïs-grain, que cette production interfère avec la production agricole, que les conditions économiques permettant à cette filière d'être compétitive ne sont pas le plus souvent réunies? Est-ce que le ministre, M. le Président, est d'accord avec lui-même et, si oui, quand aura-t-il le courage de dire aux intervenants de la région ce qu'il pense vraiment de ce dossier et ce que pense son ministère de ce dossier?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je n'ai pas trop l'habitude de manquer de courage. J'en connais qui ont eu le courage de fermer des abattoirs et je les ai ouverts dans mon comté et dans ma région.

Deuxièmement, M. le Président, le sommet économique de Lanaudière s'est branché sur un projet, auquel ont assisté neuf ministres libéraux – et parmi les neuf, il y en a quelques-uns qui sont ici, là – qui ont assisté béatement à un sommet économique et qui ont assisté à ce consensus unanime. Comme ministre et comme député d'une région, surtout quand j'ai participé au vote dans ma région, je vais soutenir les dossiers, tout en sachant très bien qu'il peut y avoir une compétition pour recevoir cette usine d'éthanol.

Je dois vous dire une chose. Alors que l'Ontario se développe en éthanol, alors que d'autres pays ou provinces concurrentes se développent, tout ce qu'on veut nous, au Québec, dans notre région en particulier parce qu'il y a beaucoup de producteurs de maïs, c'est qu'on veut s'inscrire, on veut être en tête de liste et on va se battre pour ça. Et le gouvernement va prendre ses décisions en temps et lieu, et je suis convaincu qu'ils ne prendront pas neuf ans pour se brancher sur le dossier, ils ne seront pas quatre ans à ne rien faire comme vous avez fait, mais que, dans quelques semaines, vous allez avoir la réponse, et ce sera un autre dossier qui sera réglé que vous n'aurez pas pu régler, vous autres.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, ma question est au premier ministre: Puisque le ministre nous indique que ce n'est pas lui qui est porteur du dossier, par voie de communiqué de presse, est-ce que le premier ministre peut nous indiquer à qui on devra, sur ce dossier, adresser nos questions en cette Chambre? Est-ce qu'on doit déplacer nos questions vers le ministre responsable de la Métropole pour obtenir des réponses?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, le premier ministre fait confiance à ses ministres, qu'il a désignés pour chacune des régions du Québec, qui travaillent avec ses collègues. Nous avons travaillé avec le ministre des Finances, le ministre des Finances est venu dans le milieu, il y a à peine 15 jours, et il a dit: Le gouvernement, comme tel, comme équipe, ne se mouille pas, pour l'instant, sur le site. Mais vous ne reprocherez pas à un ministre d'une région de se mouiller pour son site. Ceci dit, si vous aviez fait ça, vous ne seriez peut-être pas du côté de la Chambre où vous êtes.

Le Président: En principale ou en complémentaire? M. le député d'Orford, en principale?

M. Benoit: En complémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre partage la position de M. Lavoie, qui est président de la Commission nationale sur l'écologie et l'environnement du Parti québécois, qui voit dans cette taxe, et je le cite, qui voit, dans cette essence verte, de la fausse représentation auprès de la population?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, étant donné que je croyais qu'elle s'adressait au ministre de l'Environnement, est-ce que vous pourriez la répéter, s'il vous plaît?

Le Président: M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, M. le Président, le président de la Commission nationale sur l'écologie et l'environnement du Parti québécois, dont fait partie le ministre de l'énergie, a dit, et je le cite textuellement, il calcule que cette essence verte, c'est de la faute représentation auprès de la population. Est-ce que le ministre est d'accord avec ça, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, les comités de travail ont le droit de réfléchir, ont le droit d'avoir leur opinion, et, comme gouvernement, on devra juger à partir des données scientifiques du dossier. Ça a fait l'objet d'un comité interministériel entre le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministre de l'Environnement, le ministre des Finances, et on va prendre nos décisions, et on s'expliquera devant nos instances. Allez-y, vous expliquer devant les vôtres.

Le Président: En principale, Mme la députée de La Pinière.


Accessibilité des services de santé et des services sociaux en région

Mme Houda-Pepin: M. le Président, les intervenants sociaux de la Montérégie, à l'instar des intervenants des autres régions du Québec, ont lancé, hier, un cri d'alarme pour dénoncer vigoureusement le danger qui guette les 320 000 jeunes Montérégiens dont la vie et la sécurité sont mis en danger à cause du sous-financement chronique dans le réseau de la santé et des services sociaux.

D'autres s'interrogent sur le lien entre le manque de ressources et la mort récente de trois bébés dans la région de Valleyfield et de Granby. Une enquête policière est d'ailleurs en cours dans le cas du décès d'un bébé de six semaines à Granby. La situation est si désastreuse, M. le Président, qu'une mère toxicomane, avec ses enfants de deux et quatre ans, a dû attendre neuf mois avant d'avoir de l'aide. Dans un autre cas, des jeunes ont été retournés chez leur mère prostituée et polytoxicomane, faute de ressources.

Ma question au premier ministre: Est-ce que le premier ministre, qui a déclaré que seuls les appareils et les machines seront touchés mais non les citoyens, réalise que ce sont nos jeunes, notre relève de demain et notre principal capital humain, qui sont en train de payer le plus lourd tribut et que l'improvisation de son ministre de la Santé nous mène vers un déficit social?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, comme la députée l'a très bien dit dans le préambule de sa question, il y a effectivement un problème d'un manque chronique, comme elle a dit, de ressources pour les jeunes en difficulté dans la région de la Montérégie. Elle l'a bien dit, ça existait, c'est chronique. On n'a pas créé le problème, on est en train de le régler tranquillement, M. le Président.

Il y a présentement pour les jeunes – ce que le syndicat a dit en conférence de presse – quelque 300 jeunes qui sont en attente de services et il y a effectivement un manque de places sur un calcul per capita, comparativement aux autres régions du Québec, d'à peu près 200 places en Montérégie. Présentement, la région de la Montérégie reçoit des services par des ententes avec les autres régions, spécialement à Montréal, et ça, c'est depuis longtemps que c'est là qu'on trouve la solution. Il y a un groupe interrégional des cinq régions autour de Montréal pour que des ressources de Laval et de Montréal puissent aider la Montérégie pendant qu'on règle progressivement le problème de manque de places. Il y a présentement en construction un centre d'accueil de 84 places qui va être jumelé avec les programmes d'entente sur Montréal où il y a des ressources qui peuvent aider la Montérégie. C'est vrai qu'il y a un problème, il est chronique, comme elle a dit, on en a hérité, mais il y a des mesures en place et les cinq régions collaborent ensemble pour améliorer la situation de façon très active, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, au-delà du discours creux du ministre de la Santé...

Des voix: Ah! Ah!

Une voix: C'est vrai.

Mme Houda-Pepin: ...est-ce que le premier ministre, qui est le seul à faire l'éloge de son ministre de la Santé, réalise que les régions du Québec souffrent d'un sous-financement chronique, à tel point qu'il y a des régions comme la Montérégie où il n'y a actuellement aucun service de médiation familiale ni aucune ressource pour les mères célibataires? Et peut-il s'engager...

Des voix: ...

Le Président: Mme la députée, en conclusion de votre question complémentaire.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, ma question au premier ministre, lui le grand négociateur en chef, est-ce qu'il peut s'engager devant cette Assemblée...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

(10 h 30)

M. Bélanger: M. le Président, vous avez rappelé à la députée de La Pinière qu'elle était en question complémentaire. Donc, à ce moment-là, elle ne peut faire aucun préambule. J'aimerais aussi rappeler, M. le Président, je pense qu'il faut rappeler à la députée de La Pinière qu'en vertu de l'article 77 de notre règlement, les questions ne peuvent comporter ni expression d'opinion ni argumentation. Donc, M. le Président, je pense qu'il faudrait rappeler à la députée de La Pinière qu'elle se doit de respecter le règlement quand elle pose ses questions.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, simplement pour faire remarquer au leader du gouvernement que, depuis qu'il a lu la chronique de Michel David, il n'est plus au cinéma, il est au théâtre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Bien. Alors, Mme la députée de La Pinière, en complémentaire, et il ne s'agit pas à ce moment-ci de répéter la question. Je pense que vous étiez à votre conclusion et je vous demanderais de respecter le règlement.

Mme Houda-Pepin: Alors, M. le Président, est-ce que le premier ministre – et je m'attends à une réponse du premier ministre – peut s'engager devant cette Assemblée à doter les régions du Québec de ressources adéquates pour assurer aux citoyens du Québec, et aux jeunes en particulier, des conditions de santé, de sécurité et de développement minimalement décentes?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, M. le Président, on en est bien au-delà des engagements à prendre en cette Chambre, présentement, dans ce domaine. On est présentement, activement, dans toutes les régions du Québec – et la députée pourra peut-être compléter ses devoirs et aller voir ce qui se fait dans les plans de transformation de chacune des régions – à investir et à transférer des ressources dans le domaine, entre autres, des jeunes pour les institutions qui doivent les recevoir, mais aussi pour beaucoup de programmes dans la communauté pour prévenir les problèmes qui amènent des jeunes à des difficultés, qui les amènent dans des centres de réadaptation. Le travail se fait beaucoup en amont.

Ne prenons que l'exemple de la Montérégie. Cette année, présentement, au moment où on se parle, c'est à peu près 3 500 000 $ que la régie régionale a investi, pour ces jeunes-là, en financement de places de réadaptation, dans des programmes d'intervention intensive en milieu naturel, dans les interventions de prévention pour aller au-delà des signalements, et dans des services aux jeunes mères qui sont en difficulté. C'est bien loin de l'engagement: on est présentement actif sur le terrain avec les communautés pour régler ce problème-là, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député Beauce-Nord.


Réorganisation des soins de longue durée dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean

M. Poulin: Oui, M. le Président. La région du Saguenay vient d'être éprouvée une autre fois par une catastrophe qui n'a rien de naturel. Au moment où la population québécoise a posé un geste de solidarité et de générosité, le ministre de la Santé et des Services sociaux a décidé de couper 3 800 000 $ supplémentaires dans cette région, ce qui a pour effet d'entraîner la fermeture d'hôpitaux, lentement mais sûrement.

À preuve, l'Hôpital de la Baie des Ha! Ha! a déjà fermé un étage complet, soit 24 lits. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, avec la complicité du député de Dubuc, demande maintenant à cet hôpital de fermer 50 autres lits de soins prolongés, soit 27 lits cette année et 23 lits l'an prochain.

Ma question au premier ministre: Lequel des deux foyers affiliés à l'Hôpital de la Baie a-t-il décidé de fermer: le Foyer de Bagotville ou le Foyer de Saint-Joseph?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: D'après ce que je peux voir, M. le Président, le député n'a pas pris la dernière cassette, mais la cassette d'il y a deux ans, celle du député de Robert-Baldwin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: On en est encore... Oui, oui.

Le Président: Je voudrais juste rappeler aux membres de l'Assemblée, autant pour les questions que pour les réponses, qu'une des dispositions de notre règlement, c'est qu'on doit formuler nos questions et nos réponses de telle façon qu'on ne doit pas susciter des débats. C'est clair que, si j'appliquais à la lettre cette disposition du règlement, il n'y aurait à peu près aucune question et aucune réponse qui se poseraient dans cette Assemblée, mais je pense qu'il ne faut pas exagérer non plus. Alors, M. le ministre de la Santé.

M. Rochon: Je pense qu'on va se mettre à l'ordre du jour, M. le Président.

Le Président: Très bien.

M. Rochon: Alors, dans la région du Saguenay– Lac-Saint-Jean comme dans toutes les régions du Québec, on a de beaucoup dépassé le stade de craindre la fermeture de lits d'hôpitaux. Ils sont ou bien fermés ou ils sont très bien identifiés. M. le Président, je fais présentement une tournée de toutes les régions du Québec, et on commence à sentir, sur le terrain, les effets de cette transformation-là en voyant quelles ressources alternatives on peut développer et comment on peut amener les services beaucoup plus près des gens. Et c'est ce qui se passe dans cette région-là, comme les autres.

Quant à des informations très pointues, à savoir quelles seront les décisions finales pour la réorganisation des ressources de soins de longue durée par rapport à l'arrimage avec l'hôpital, je n'ai pas l'information pointue précise. Ça me fera plaisir de vérifier où on en est là-dessus et d'informer cette Chambre, M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauce-Nord.

M. Poulin: M. le Président, je demande le consentement pour déposer un document confirmant la fermeture de 50 lits, document émis par la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Saguenay– Lac-Saint-Jean.

Le Président: J'ai déjà indiqué que la façon de procéder pour que, à ce moment-ci, à la période des questions et des réponses, il y ait dépôt de document avec consentement, c'est qu'il faut d'abord formuler la question et appuyer la question d'un document. À ce moment-là, on demande le consentement de l'Assemblée pour le dépôt du document. Là, vous avez fait l'inverse: vous avez formulé votre question et, à l'appui de votre question...

M. Poulin: En additionnelle: Est-ce que le premier ministre, après avoir approuvé la fermeture de 50 lits à l'Hôpital de la Baie, approuve le projet de construction à Chicoutimi d'un nouveau foyer de 50 lits – situé à 15 km de celui que l'on veut fermer – au coût de 5 500 000 $?

Le Président: M. le ministre de la Santé.

M. Rochon: Alors, comme je l'ai dit, M. le Président, sur le cas très spécifique de cette partie-là de la réorganisation des services, ça me fera plaisir de vérifier tous les détails dans les prochaines 24 heures et d'en informer cette Chambre de même que le député, M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauce-Nord.

M. Poulin: En additionnelle, M. le Président: Le premier ministre n'a-t-il pas déclaré, le 13 février dernier, dans le journal Le Quotidien , et je le cite, «qu'il demanderait à voir le dossier avant que la régie régionale prenne une décision finale»? Et j'en profite pour lui déposer le document, M. le Président.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document?

M. Bélanger: Consentement.


Document déposé

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, au nom de tous mes concitoyens et concitoyennes du Saguenay– Lac-Saint-Jean, je voudrais remercier notre parrain de l'intérêt qu'il porte à la région.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, M. le premier ministre, après ces bons mots...

M. Bouchard: Bien, M. le Président, je suis très content parce que j'ignorais qui c'était; on le sait maintenant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Parce qu'on s'en occupe nous autres.

Sur cette déclaration de février, je me souviens que c'était à propos de l'hôpital de Jonquière et de la réorganisation des services entre l'Hôpital de Chicoutimi et l'hôpital de Jonquière en particulier. Et je crois que les gens de Jonquière à l'époque avaient des appréhensions concernant la vocation de leur hôpital, et j'avais à ce moment-là eu des informations voulant qu'il n'était pas dans les plans du ministère de fermer l'hôpital de Jonquière et j'avais transmis l'information à mes électeurs.

Une voix: Bravo!

(10 h 40)

Le Président: En principale, M. le député d'Outremont.


Commandite d'événements culturels et sportifs par les compagnies de tabac

M. Laporte: M. le Président, le ministre de la Santé entrevoit déposer un projet de loi visant à limiter la commandite des événements culturels et sportifs par les compagnies de tabac. Pour justifier sa position, le ministre de la Santé déclarait, et je le cite: «Il va falloir d'autres sources de financement, une compensation pour une période de transition, une période de sevrage, finalement», disait-il. Tous reconnaissent que la santé des Québécoises et des Québécoises doit être au centre de nos préoccupations, mais, comme le mentionnait la ministre de la Culture, le milieu culturel ne doit pas perdre au change.

Ma question, M. le Président, s'adresse au premier ministre: Comment le premier ministre d'un gouvernement qui se dit soucieux de développement culturel peut-il sevrer l'activité culturelle de plus de 15 000 000 $ sans parler carrément de la mettre en péril, et ce, dans toutes les régions du Québec?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, on parlera et on discutera d'un projet de loi quand on sera rendu là. À ma connaissance, il n'y a pas encore de projet de loi sur le sujet. Il y a des...

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, M. le Président, il y a des travaux qui sont en cours, qui vont mener éventuellement à la proposition d'un projet de loi. Et ce qui a été dit à ce sujet, c'est que, dans un programme de santé publique – c'est ce dont on parle – qui vise à limiter l'accès aux produits de tabac, à protéger les non-fumeurs et à essayer le plus possible de faire que ceux qui ne fument pas encore, surtout les jeunes, ne contractent pas l'habitude – vu qu'on sait que c'est une habitude qui cause des problèmes de santé et que c'est une habitude qui cause des décès de façon importante – dans tout programme de santé publique, il y a des composantes qui visent à contrôler et à limiter la publicité.

Dans tout le domaine de la publicité fait partie aussi tout le phénomène de la commandite, et c'est donc quelque chose qui est en considération, et on devra voir si oui ou non et comment on va baliser une intervention dans ce domaine. Ce que j'ai très bien dit, et ma collègue aussi a assuré le milieu culturel, comme le milieu sportif, comme le milieu des loisirs: Les mesures qui éventuellement pourraient être prises dans ce domaine-là sont faites dans le plus grand respect de ceux qui dépendent présentement du financement des compagnies de tabac et en s'assurant que les mesures, si on devait intervenir dans ce domaine-là, ne fassent pas qu'ils subissent des dommages et fassent que leurs activités ne sont pas mises en péril, M. le Président.

M. Laporte: M. le Président, le premier ministre peut-il prendre l'engagement que la compensation financière gouvernementale sera non seulement équivalente aux sommes d'argent dont seront privés les milieux culturels, mais qu'elle sera aussi récurrente afin d'assurer l'avenir des activités culturelles concernées?

M. Rochon: M. le Président, quand on en sera rendu là, on pourra donner l'information d'où vient... Les sources de financement pour les compensations, on pourra en trouver. Et je voudrais juste donner un exemple à ce sujet...

Ça sera peut-être surprenant de voir ce que le virage ambulatoire peut donner, M. le Président.

Mais je voudrais juste donner comme exemple, M. le Président, pour qu'on dédramatise un peu certaines idées reçues. Il y a quelques années... Parce qu'il y a d'autres pays qui l'ont supprimé complètement, la commandite. Un des derniers qui l'a fait, c'est la France, et il y a eu des craintes énormes, et on a craint, par exemple, que la course automobile de formule 1 disparaisse de la France comme les grands événements sportifs. La France a légiféré dans le domaine, a été très rigoureuse là-dedans, et les voitures roulent toujours en France, M. le Président. Il y a des moyens de faire ces choses-là correctement qui vont protéger les gens. Il n'est pas question que les milieux qui dépendent du financement présentement des compagnies de tabac par la commandite soient menacés et qu'on mette en péril leurs activités. On verra ce qu'il y a à faire pour des fins de protection de la santé publique et on verra à le faire correctement en prenant le temps qu'il faut quand on sera rendu là pour que personne ne soit mis en péril par les mesures qu'on prendra, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre responsable du sport et des loisirs réalise que pareille décision menace la tenue d'activités sportives et de loisir d'envergure telles que l'Omnium de tennis du Maurier, les feux d'artifice de L'International Benson & Hedges, le Grand Prix de Formule 1 à Montréal, le Grand Prix Player's de Trois-Rivières, le Festival d'été à Québec, le Festival Juste pour Rire et bien d'autres événements à la grandeur du Québec et met en péril des millions de dollars en retombées économiques et touristiques et, par le fait même, des milliers d'emplois?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, en tant que responsable du loisir et du sport amateur au Québec, évidemment que nous sommes préoccupés de cette question, mais nous sommes d'abord préoccupés par la question de santé publique que vient de soulever le ministre de la Santé. Réduire la consommation de tabac est un objectif que nous nous sommes donné comme société, et la démonstration qui vient d'être faite par le ministre de la Santé doit être partagée globalement dans notre société.

Ceci étant dit, M. le Président, le ministre a bien expliqué que toute intervention va devoir prévoir des mécanismes en termes de compensation pour des activités de loisir et de sport amateur. Parce que, par ailleurs, au niveau du sport professionnel, on va bien constater, par exemple avec l'exemple que le ministre vient de donner, qu'il y a d'autres façons d'opérer, d'autres façons d'agir.

Et on ne répétera pas de ce côté-ci l'expérience que nous avons vécue au mois de juin dernier, où, après que le gouvernement du Québec, le gouvernement d'Ottawa et la ville de Montréal ont investi 20 000 000 $ dans un parc de tennis à Montréal, on a été obligé d'accepter que ce parc porte le nom d'une entreprise de fabrication de cigarettes, de tabac, et à ce moment-là nous lancions un message aux jeunes d'augmenter la consommation. Nous voulons protéger les activités de loisir et de sport amateur et nous allons trouver les moyens pour ce faire, M. le Président.

M. MacMillan: J'espère qu'on n'enverra pas la facture aux municipalités...

Le Président: M. le député.

M. MacMillan: ...la tenue d'événements sportifs et de loisir d'envergure, les profits qu'ils génèrent ne seront donc pas réinvestis dans le développement du sport québécois.

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: Alors, M. le Président, bien simplement, le ministre de la Santé a indiqué que les intentions qu'il avait, les discussions que nous avions font en sorte que nous allons mettre sur pied des mécanismes pour que des organismes, comme la fondation des Jeux du Québec, par exemple, puissent trouver les fonds nécessaires pour continuer à commanditer cet événement – qui, en particulier pour les Jeux d'été, se tiendra à Alma l'été prochain, il faut le souligner... à Alma et à Trois-Rivières pour les jeux d'hiver – pour que nous puissions continuer, avec des mécanismes adéquats, tout en protégeant la santé publique et en s'assurant qu'il y a une diminution de la consommation des produits du tabac, parce que c'est un objectif de santé publique, que nous puissions en toute cohérence continuer à supporter les activités de loisir et du sport amateur au Québec. C'est important, c'est une priorité pour nous.

Le Président: En complémentaire ou en principale, Mme la...

Mme Frulla: Principale.

Le Président: En principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: Merci.

Des voix: Oh!


Rejet de la candidature de M. Yves Ryan à l'Agence métropolitaine de transport de Montréal pour conflit d'intérêts

Mme Frulla: Depuis 11 mois, le ministre d'État à la Métropole peut se vanter d'avoir pris personnellement deux décisions. La première: tenter de forcer le développement de la gare de triage d'Outremont. Résultat: obligation de se rétracter et de s'excuser publiquement auprès du maire d'Outremont pour insulte et ingérence. La deuxième: refuser que le maire de Montréal-Nord, M. Yves Ryan, candidat choisi consensuellement par les élus de la Communauté urbaine de Montréal, siège au conseil d'administration de l'Agence métropolitaine de transport.

Sur ce sujet précis, le 26 novembre dernier, la Cour supérieure du Québec blâmait le ministre d'État à la Métropole et réfutait tout risque de conflit d'intérêts pour le maire de Montréal-Nord. Dans son jugement, le juge Croteau écrivait, et je cite: «C'est à tort qu'on n'a pas considéré sa candidature au poste d'administrateur de l'agence. Rien dans la loi n'autorisait à adopter une telle attitude.» Je rappelle que le ministre me disait exactement le contraire en Chambre.

Pour conclure cette saga – en principale, M. le Président: Est-ce que le ministre d'État à la Métropole réalise que son entêtement inutile n'a fait que braquer les élus de la Communauté urbaine de Montréal et finalement, après sept mois de perdus, peut-il nous confirmer que la nomination du maire de Montréal-Nord, M. Yves Ryan, sera entérinée aujourd'hui au Conseil des ministres?

(10 h 50)

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: M. le Président, si la députée de Marguerite-Bourgeoys veut que je réponde à ses questions, elle pourrait prendre l'habitude de les précéder de préambules moins discutables, de sorte qu'on aurait plus de temps pour répondre à la question.

Ce n'est pas vrai que je n'ai pris que deux décisions, j'en ai pris un très grand nombre et je peux vous assurer que les décisions qui font le plus de bien à Montréal sont celles qui ne paraissent pas parce que justement elles assurent la cohérence des actions gouvernementales à Montréal et que ce qui paraît, c'est les incohérences que vous avez accumulées pendant des années.

Des voix: Bravo!

M. Ménard: J'ai agi avec beaucoup de délicatesse dans la nomination d'un représentant de l'île de Montréal sur l'Agence métropolitaine de transport. J'ai dit, d'abord, que je respectais l'intégrité et la compétence de M. Ryan, que j'avais l'intention de suggérer sa nomination au gouvernement, jusqu'à ce que des avocats me signalent qu'il était, selon une interprétation – que je ne partageais pas au début – de la jurisprudence, en conflit d'intérêts.

J'ai demandé alors des opinions juridiques dans un domaine où je ne suis pas expert. La première opinion que j'ai eue me disait qu'il était en conflit d'intérêts. La CUM m'a envoyé des opinions différentes et dont l'argumentation était totalement différente que celle qui a été obtenue par le juge Croteau, soit dit en passant.

Alors, j'ai dit: Puisqu'il y a risque que M. Ryan ne puisse siéger dans toutes les décisions qui concerneront la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal ou que, s'il siège, ses décisions risquent d'être annulées par les tribunaux, je crois qu'il est préférable que vous me suggériez quelqu'un d'autre. Cette opinion, d'ailleurs, a été confirmée par les experts en droit administratif du ministère de la Justice.

J'ai entre-temps, proposé... Je pouvais suggérer la nomination de quelqu'un d'autre. Je ne l'ai pas fait. Je leur ai proposé de nommer le président de la commission des maires de banlieue. Il n'a pas voulu. Je leur ai proposé de nommer quelqu'un d'autre, qu'ils connaissaient bien, un ancien président de la commission des maires de banlieue et qui acceptait de démissionner après la décision: ils n'ont pas voulu encore. Ils m'ont demandé d'attendre...

Le Président: M. le ministre. Je voudrais rappeler aux membres de l'Assemblée qu'il y a un temps que le président a à apprécier, mais il y a un temps qui est imparti aux questions qui, selon le règlement, doivent être brèves, comme les réponses d'ailleurs, et la présidence n'a pas à juger si l'argumentation d'un préambule ou les éléments d'une réponse portent sur plusieurs sujets. Il a à faire sorte que, finalement, les questions et les réponses se fassent et se déroulent dans la conformité du règlement. À ce moment-ci, M. le ministre, vous avez largement utilisé le temps qui vous était imparti.

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je pense, M. le Président, que, dans votre discrétion, vous avez permis des préambules assez longs aux questions. Je crois que, quand le ministre est en train de faire une énumération de faits importants comme il le fait présentement, on se doit de donner la possibilité au ministre de répondre correctement aux questions, M. le Président. Donc, je ne comprends pas. Je vous avoue honnêtement que je ne comprends pas pourquoi on ne permet pas à ce moment-ci au ministre au moins de conclure sur ce qu'il a commencé, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: De façon à permettre au ministre d'élaborer davantage, il y a une additionnelle qui est prévue de la part du député de Sauvé: on le reconnaît immédiatement, et le ministre pourra continuer.

Le Président: De toute façon, ce qu'il faut qui soit clair, c'est que, même si la partie gouvernementale, puisqu'elle répond aux questions, jugeait que les réponses ne sont pas suffisamment complètes et qu'elle voulait avoir plus de temps, il y a un temps réglementaire que le président apprécie, et j'essaie, depuis le début que j'occupe ces fonctions, de faire en sorte de donner une certaine latitude par rapport au temps qui est donné à la fois pour les questions et pour les réponses. Mais il y a une limite, et, à partir d'un certain moment donné, quand j'indique que le temps est terminé, c'est parce qu'il est largement terminé. Je ne me lève jamais de façon stricte pour empêcher un membre du gouvernement ou même quelqu'un de l'opposition... pour restreindre son droit de parole ou sa possibilité de s'exprimer à l'égard à la fois des questions et des réponses.

Mais, vraiment, à ce moment-ci, je dois reconnaître que, ayant donné un peu plus de temps à la députée de Marguerite-Bourgeoys, j'en ai donné également beaucoup plus au ministre. On peut juger, mais, moi, je ne pense pas que qui que ce soit ici a l'avantage ou aura intérêt à commencer à chronométrer d'une façon très rigoureuse parce que à ce moment-là tout le monde va être perdant.

À ce moment-ci, je pense que ça met fin à la période de questions et des réponses orales. M. le leader de l'opposition officielle. Oui.

M. Paradis: Oui. Simplement une demande de consentement au leader du gouvernement. Dans les circonstances, le député de Sauvé avait une très brève question additionnelle, ce qui pourrait permettre au ministre responsable de la Métropole de donner un complément de réponse et de donner complètement toute la réponse qu'il souhaite donner. Je pense que, sur le plan de la démocratie parlementaire, les deux en sortiraient gagnants. À moins que le leader veuille bâillonner son ministre.

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Si la question du député de Sauvé était si importante, M. le Président, à ce moment-là, le leader aurait pu la placer un peu plus haut dans ses priorités, M. le Président, à la période des questions.

Le Président: Alors, cet échange et ce non-consentement mettent fin à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées aujourd'hui, pas plus qu'il n'y a de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en arrivons à l'étape des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement, vous avez la parole.


Motion proposant que la commission de l'aménagement et des équipements procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 43

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres dans cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'aménagement et des équipements procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 43, Loi sur les véhicules hors route, le mardi 10 décembre 1996, et, à cette fin, entende les organismes suivants, selon l'horaire ci-joint: la Fédération des clubs de motocyclistes du Québec, la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec, l'Union des producteurs agricoles du Québec, UPA, l'Union québécoise pour la conservation de la nature, l'Union des municipalités du Québec, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, l'Association d'orthopédie du Québec, l'Association des coureurs de moto du Québec;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour d'abord déroger aux règles relatives aux étapes du processus législatif? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, simplement – et ça nous permet de rappeler au leader du gouvernement l'importance des échanges de consentement, ça ne doit pas être une voie unique en fin de session: oui il y a consentement, M. le Président.

Le Président: Alors, il y a consentement. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais remercier le leader de l'opposition pour ses consentements parce que des fois, justement, il est un peu avare de ses consentements. Merci.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a également consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions? Alors, il y a consentement.


Mise aux voix

Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Adopté. Nous en arrivons maintenant à l'étape des avis touchant les travaux des commissions, maintenant. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'économie et du travail poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 72, Loi modifiant les lois constitutives des communautés urbaines et d'autres dispositions législatives, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 73, Loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.

Pour ma part, je vous avise que la commission des institutions se réunira en séance de travail aujourd'hui, mercredi le 4 décembre, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance de travail est d'organiser les travaux de la commission.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée...


Affaires du jour

Alors maintenant, nous en arrivons à la rubrique des affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

(11 heures)

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 13 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 77


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Alors, l'Assemblée reprend le débat ajourné à la séance du 3 décembre dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives. Alors, je suis prêt, à ce moment-ci, à reconnaître un nouvel intervenant, mais je demanderais d'abord aux collègues qui ont à quitter le salon bleu de le faire rapidement pour permettre au débat de s'engager sans délai. M. le député de Beauce-Nord.


M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. Je me dois, M. le Président, d'intervenir sur le projet de loi n° 77, loi qui affecte les 24 municipalités du comté de Beauce-Nord. Ce projet de loi vise à modifier les dispositions de la Loi de police régissant l'organisation des services de police sur le territoire du Québec. C'est ainsi qu'il prévoit notamment qu'une municipalité locale de moins de 5 000 habitants doit conclure une entente par l'intermédiaire de sa municipalité régionale de comté pour obtenir des services de la Sûreté du Québec, sauf si le ministre de la Sécurité publique l'autorise à recourir à un autre corps de police. Quant aux municipalités de 5 000 habitants et plus, elles seront desservies soit par leur propre corps de police, soit par un autre corps de police conformément à une entente conclue avec une autre municipalité, soit, sur autorisation du ministre, par la Sûreté conformément à une entente. Enfin, pour ce qui est des municipalités qui ne se conformeront pas à ces dispositions, elles seront desservies par la Sûreté conformément aux dispositions prévues par la Loi de police.

Le projet de loi précise le contenu minimal d'une entente portant sur les services de police fournis par la Sûreté du Québec à une municipalité et prévoit la création d'un comité de sécurité publique chargé du suivi de cette entente. Il propose également, dans la Loi sur le ministère de la Sécurité publique, l'institution du Fonds des services de police affecté au financement du coût des biens et services fournis par la Sûreté aux municipalités.

Le projet de loi modifie également la Loi de police afin de permettre aux policiers et aux constables spéciaux d'exercer certaines activités politiques. Par ailleurs, le projet de loi modifie la Loi sur l'organisation policière relativement au financement de l'Institut de police et à la composition de son conseil d'administration. Enfin, le projet de loi contient d'autres modifications d'ordre plus technique ou de concordance ainsi que des dispositions transitoires.

Essentiellement, M. le Président, c'est un projet de loi où le ministre de la Sécurité publique répond à une commande du ministre des Finances. M. le Président, le témoignage de plein de gens qui se sont prononcés à date sur l'intention du ministre de la Sécurité publique, intention avouée, mais, surtout, sur ce qui est caché dans le projet de loi n° 77. M. le Président, le ministre veut imposer la Sûreté du Québec et, en même temps, mettre en tutelle la gestion de l'organisation policière à l'intérieur des petites municipalités de zéro à 5 000 habitants. C'est ça que le ministre fait. Les notes explicatives de son projet de loi sont très explicites. En ce sens-là, les municipalités pourront faire plein de choses, sauf qu'elles devront se faire autoriser par le ministre.

M. le Président, les élus municipaux ne le prennent pas, avec raison. Imposer la Sûreté du Québec, pourquoi? Pour que les citoyens du Québec à l'intérieur des petites municipalités financent la Sûreté du Québec pour un montant additionnel de 40 000 000 $, contrairement à ce que disait le ministre dans le cahier des crédits. Au mois de mai dernier, on parlait de 25 000 000 $ puis 30 000 000 $; maintenant c'est 40 000 000 $. C'est ça que le ministre se fait dire partout aussitôt qu'il met le nez à l'extérieur.

Je vais vous faire part de certains commentaires ou remarques émis par l'Union des municipalités régionales de comté lors de son audition en commission parlementaire. La première: «C'est inacceptable. Le seul but du projet de loi n° 77 est d'assurer une source de financement dédié à la Sûreté du Québec sans permettre une gestion efficace et efficiente des services de police au Québec. L'UMRCQ veut que toutes les municipalités aient le choix, peu importe leur taille. L'UMRCQ veut le respect et l'autonomie municipale. L'UMRCQ veut un délai pour pouvoir effectuer des regroupements municipaux. Le ministre a clairement indiqué qu'il n'autoriserait plus de corps policier après le 1er janvier 1997. Le gouvernement méprise et humilie les élus municipaux, c'est la négation du partenariat au profit d'un paternalisme dépassé.»

Une augmentation de la facture de 80 % pour les municipalités de 5 000 habitants. Cette année, elles paieront près de 40 000 000 $ de plus. Je dois dire, là-dessus, que les pauvres municipalités, elles en ont eu, des surprises, ces derniers temps: 50 000 000 $ pour financer la Sûreté du Québec; 76 000 000 $ d'une commande dernièrement du ministère des Finances concernant le remboursement de la TVQ; et 50 000 000 $ de montants retirés sur la TGE, la taxe sur le gaz et l'électricité. Au total, ça fait 176 000 000 $ qui sont refilés aux municipalités.

Je dois vous dire que, dans ma région, toutes mes municipalités sont concernées, les 24 municipalités. Et je dois dire que les municipalités qui sont très partenaires dans des projets de développement économique pour des projets de réalisation affectent actuellement leur budget pour pouvoir tenter de ne pas augmenter le compte de taxes. C'est bien beau, faire un sommet économique, mais, quand on affecte la création dans des milieux régionaux, je pense qu'on ne va nulle part.

La Beauce est reconnue comme étant un milieu, on va dire, d'entrepreneurs, un milieu qui se défend au niveau de nos PME. Vous savez qu'actuellement, au niveau politique, nos moyennes entreprises sont sollicitées de toutes parts, du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario, des États américains. On se doit de travailler, les municipalités, tous les gens impliqués dans le milieu, avec nos entrepreneurs pour chercher à ce qu'ils investissent chez nous. Et on n'est pas exempts de ça. La Beauce est une des régions où le taux de chômage, au Québec, est le plus faible. Mais je dois vous dire qu'actuellement plusieurs de nos entreprises sont sollicitées pour aller vers l'extérieur.

Ces incitatifs que nos municipalités mettent de l'avant, soit pour l'organisation de parcs industriels, de motels industriels, souvent font toute la différence pour pouvoir maintenir des investissements chez nous. Puis je pense qu'en y mettant ces sommes de taxes exagérées on risque de ne pas avoir les incitatifs nécessaires pour retenir des investissements chez nous. On n'a qu'à regarder tout ce qui se fait actuellement, que ce soit à Saint-Odilon, dans mon comté, à Beauceville, à Saint-Joseph, à Sainte-Marie. Il y a vraiment des projets de première importance, des gros investissements, et il y a des investisseurs qui sont prêts à le faire, mais ils écoutent ce qui leur est fait de l'extérieur, et ça peut mener, on va dire, à des pertes d'emploi considérables.

Aussi, M. le Président, nos pauvres propriétaires de résidences, nos pauvres travailleurs qui vont recevoir leur compte de taxes, je pense qu'ils en ont soupé, on va dire, d'avoir des taxes à gauche et à droite. Tantôt c'est Hydro-Québec, tantôt c'est l'assurance-maladie. Là, ça va être leur compte de taxes qui va augmenter. On sait que la consommation est fragile, puis tout l'aspect commercial de nos milieux peut être touché par ça. Le 176 000 000 $, principalement, s'adresse aussi aux régions. Je pense qu'il y aurait lieu de réviser la position du gouvernement pour ni plus ni moins minimiser les impacts que ça peut avoir sur l'avenir, sur la création d'emplois dans nos milieux.

Je continue avec des commentaires émis par l'UMRCQ: «Le ministre aura les mains libres pour augmenter les petites municipalités. Fixer une durée minimale de cinq ans pour les ententes entre la SQ et les municipalités est démesuré. L'UMRCQ veut un processus de réouverture de ces ententes, compte tenu que les petites municipalités ont peu d'expérience et d'expertise dans les services policiers, sinon l'UMRCQ envisage un boycott pur et simple de ces ententes. L'UMRCQ s'oppose au financement de l'Institut de police de Nicolet. Le gouvernement n'impose pas une telle taxe aux autres employeurs du Québec. On n'a qu'à prendre le secteur du meuble, par exemple, ou le secteur de l'imprimerie, il n'y a aucune taxe qui est chargée à ces secteurs-là. Il s'agit d'une double facture pour les corps policiers. L'UMRCQ veut le retrait de ces dispositions. Le projet de loi n° 77 ne reflète pas les préoccupations exprimées lors de la tournée du ministre. Le projet de loi n° 77 ne règle pas le problème numéro un de l'organisation, soit le contrôle des coûts. Les municipalités sont laissées à elles-mêmes, abandonnées quant à déterminer le contenu des conventions collectives. Quant à la Sûreté du Québec, le ministre négocie et refile la facture aux municipalités. Le ministre veut maintenir le niveau des effectifs à la Sûreté du Québec. Le rôle de la Sûreté du Québec est de donner des services de police spécialisés, pas de base, sinon qu'à titre supplétif.»

(11 h 10)

Qu'est-ce qu'il y a d'autre dans le projet de loi? Le financement de l'Institut de police pour un montant de 8 000 000 $, la possibilité de permettre aux policiers d'occuper les postes d'élus. M. le Président, l'impact économique du projet de loi n° 77, j'en ai parlé tout à l'heure avec des exemples très concrets, 40 000 000 $ d'augmentation pour payer la Sûreté du Québec, c'est 80 % de hausse pour nos petites municipalités. 80 %, c'est beaucoup d'argent, si je prends des exemples comme chez nous: Saint-Victor, Saint-Frédéric, Saint-Bernard, lesquelles, les municipalités, nous ont écrit pour dénoncer ça. Elles ont écrit au ministre, mais elles n'ont pas été entendues.

Ce n'est pas ce que le ministre avait dit en tournée. Il se l'est fait reprocher très sévèrement par Mme Simard de l'UMRCQ. Essentiellement, ce que Mme Simard lui dit: Vous ne nous avez pas dit la vérité. C'est ça qu'elle lui reproche, M. le Président. Pourquoi on est contre? À cause de tout ce que je viens de vous dire mais aussi à cause de ceux et celles qui sont directement concernés et qui sont venus nous dire, en commission parlementaire... à cause de ce qu'ils nous ont dit au cours des derniers mois. Les maires de l'UMRCQ, de l'UMQ, de la CUM, les chefs de police, M. Cannavino et M. Turcotte, tout en répondant aux questions soulevées par le ministre et d'autres membres de la commission, ont fait le portrait de ce qu'était la Sûreté du Québec aujourd'hui. On a alors démontré que la Sûreté du Québec, dans l'état actuel de ses effectifs, de ses budgets, ne peut pas prendre la charge additionnelle que veulent lui donner le ministre et le gouvernement pour des fins strictement financières. Elle ne peut pas prendre de charge additionnelle.

M. le Président, c'est une aberration de forcer une petite municipalité de 5 000 habitants et moins, qui n'en a pas les moyens, à payer les services de la Sûreté du Québec. Une autre taxe déguisée, une opération de pelletage. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le projet de loi n° 77. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Bertrand.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir sur la loi n° 77, surtout en ce qui a trait aux impacts sur les municipalités et surtout de voir jusqu'à quel point ce n'est pas une loi qui fait en sorte d'ajouter des services additionnels aux citoyens. Pourquoi on s'empresse de voter cette loi-là? C'est parce que les citoyens manquent de services policiers? Non. On s'empresse de faire cette loi-là parce qu'on a besoin d'argent. On a besoin d'argent puis on a trouvé où le prendre: dans les municipalités qui sont sans défense.

Étant donné que vous êtes un parlementaire depuis plusieurs années, je vais faire un peu l'historique, et ça va vous rappeler les années 1978-1979. Ce n'est pas la première reprise que le gouvernement du Parti québécois tente de faire la même chose. Rappelez-vous la loi 48. La loi 48, en 1978-1979, on voulait imposer un corps de police aux municipalités de 5 000 de population et plus. C'est une loi qui existait, qui n'a jamais été respectée, qui avait été avancée par le ministre à l'époque, Marc-André Bédard si je me souviens bien. Et pourquoi ça n'avait pas été respecté? Parce qu'il y a une différence entre vouloir baisser des coûts et donner des services. Et, dans la loi, on disait: Toutes les municipalités qui ont 5 000 de population et plus se doivent d'avoir un corps de police. Qu'est-ce qu'on avait mis de l'avant, M. le Président, dans les années quatre-vingt? C'est à savoir qu'il y a des municipalités qui ont 5 100 âmes et il y a des municipalités qui en ont 3 500 et qui, durant la période estivale et durant la période hivernale, en ont 25 000, 30 000, qui n'étaient pas soumises à cette loi 48, au niveau de la police.

M. le Président, une loi de police, ça doit venir, et un corps de police doit être présent pour répondre à une criminalité. On n'a jamais, au Québec, depuis 20 ans, parlé sur le fond des services policiers. Jamais. On a une seule façon d'instaurer un corps de police au Québec, une seule façon. Il y a des municipalités qui ont 500 personnes. Vous en avez peut-être dans votre nouveau comté; moi, j'en ai plusieurs. Est-ce que ces gens-là ont besoin d'un corps de police – à l'époque, on mettait entre parenthèses «chromé» – syndicalisé pour une criminalité très basse? Pourquoi existe un corps de police? C'est pour répondre à la criminalité et non pour répondre à un gouvernement qui est en quête d'argent.

Et c'est encore pire, la loi n° 77. C'est encore pire. La loi 48, le ministre Bédard, à l'époque, et le Parti québécois aussi, à l'époque, avaient eu au moins le courage de ne pas l'appliquer. Et les gens vont dire... De l'autre côté, on ne les entend pas beaucoup, parce que les gens du Parti québécois savent très bien que c'est une ponction financière. Point. On ne rajoute pas de services à la population, et ce qui est important pour un gouvernement, c'est d'essayer particulièrement de faire en sorte qu'il y ait une équité, c'est-à-dire: quelqu'un qui reçoit un service, quelqu'un qui paie pour un service.

Je peux vous dire, M. le Président – ça va vous rappeler aussi des souvenirs – que c'est ce qu'on a essayé d'appliquer dans la réforme Ryan, au niveau des corps de police, bien difficilement et dans bien des cas bien arbitrairement. Mais rappelez-vous ce que les Unions demandaient. L'UMQ disait: Écoutez, on paie à 100 % nos corps de police, et la Sûreté du Québec qu'on paie à travers nos impôts donne des services à des municipalités qui ne paient pas un sou. Ça a été ça, la réforme policière de M. Ryan à l'époque. Ça a été d'essayer de mettre une certaine forme d'équité à celui qui reçoit un service puis à celui qui paie pour un service. Et je vous le dis très bien, M. le Président, bien arbitrairement, ça a été très difficile, comme élus – puis ceux qui sont ici s'en rappellent – de dire pourquoi on va charger tant de milliers de dollars pour tel service. Ça a été très difficile, mais ça a été un premier pas pour dire que les municipalités – les petites municipalités en particulier – qui reçoivent un service paient pour leur service même si c'est le service de la Sûreté du Québec.

Mais là la loi n° 77, ce n'est pas ça. Le ministre hier – et je voulais tellement parler sur la loi que j'étais ici à 6 h 10 ce matin – s'est levé et nous a dit: Écoutez, le Parti libéral, le parti de l'opposition veut séparer la loi, mais la loi, c'est comme un train. Bien, là, c'est vrai que c'est un train. C'est un train qui est en train d'écraser tout le monde. C'est un train qui n'a pas de gare. Quand est-ce que ça va s'arrêter? Les petites municipalités... Je prends un exemple tangible: Une fois que la loi a été déposée, le maire de Lantier, une petite municipalité de 400 personnes, paie pour la Sûreté du Québec... payait, pardon – parce qu'il va payer davantage – 100 000 $. Bon. À l'époque de la réforme Ryan, il payait 70 000 $, il est monté à 100 000 $, mais cette année il monte à 130 000 $ et sans avertissement: 40 % d'augmentation. Si c'est ça que le ministre de la Sécurité publique nous dit, que c'est une loi comme un train, c'est vrai que c'est un train. Il n'y a pas de gare, puis, s'il y a quelqu'un sur le rail, on l'écrase.

La question qu'il faut se poser, M. le Président, c'est: La municipalité de Lantier, qui paie 130 000 $ pour la Sûreté du Québec, est-ce qu'elle utilise les services de la Sûreté du Québec pour 130 000 $? C'est pour ça que c'est créé, un corps de police. C'est pour donner des services. Que le citoyen paie le service, c'est équitable, mais qu'il paie le service des autres ou qu'il paie la dette d'un gouvernement, ça, c'est inadmissible.

C'est pour ça que je faisais un peu l'historique – puis vous étiez en Chambre à ce moment-là – de la loi 48. Quand les petites municipalités ont revendiqué, le ministre, qui était un ministre de région, a décidé de ne pas l'appliquer parce qu'elle n'était pas applicable. On ne pouvait pas pénaliser une municipalité de former un corps de police lorsqu'il n'y avait pas de criminalité, donner un corps de police à une municipalité où la criminalité n'était pas élevée. Et c'est pour ça que je dis au ministre: Il y a eu une commande du ministre des Finances, mais il va falloir un jour ou l'autre qu'on se parle, au Québec, des services de police et de la diversité des services de police qu'on peut se donner. Est-ce que ça ne peut pas être des constables spéciaux à moindres coûts pour donner une certaine forme de sécurité?

(11 h 20)

Ceux qui ont déjà été maires, ici, qui avaient des activités dans leur municipalité, dans le Code municipal, c'est permis d'assermenter des constables spéciaux avec les mêmes responsabilités qu'une police. Et, dans la plupart des municipalités, ça fonctionnait très bien. Pourquoi, si ce n'est pas une commande autre que financière, le ministre ne veut pas s'asseoir et justement discuter de l'importance de donner des bons services de sécurité, de police aux citoyens du Québec?

Mais ce n'est pas de ça qu'on parle. Ce n'est pas de ça qu'on parle. On parle d'augmenter une facture de façon incroyable. Et je ne peux même pas, M. le Président, vous accuser de ça. Je me rappelle, à la réforme Ryan, lorsqu'on a mis les premiers coûts per capita aux petites municipalités. Je ne peux pas accuser le ministre de la Sécurité publique, il n'était pas ici. Mais c'est le ministre des Affaires municipales. Je me rappelle de ses discours, parce que c'est un député de région. Il a dit: Mes petites municipalités vont payer pour la Sûreté du Québec. Il déchirait sa chemise. Le député de Joliette, la même chose. Tous les députés qui étaient en cette Chambre, ici, qui représentaient des petites municipalités qui n'avaient pas de corps de police, ces gens-là dénonçaient le gouvernement.

Mais savez-vous ce qui est arrivé après la réforme de M. Ryan? La facture n'a pas augmenté de l'indice du coût de la vie, a augmenté de 25 %... 40 %. On parle de 40 %. Écoutez, ce n'est pas une augmentation minime, 40 %. Lantier, qui n'a même pas un budget de 1 000 000 $, se voit augmenter sa facture et paie pour la Sûreté du Québec 130 000 $. Où ces gens-là vont puiser les ressources pour payer ça? Chez le citoyen. Mais le citoyen, est-ce qu'il a des services équivalents? C'est ça, la question, M. le Président.

Je comprends l'empressement du gouvernement à vouloir passer cette loi-là. Et je répète ce que mes collègues ont dit et je pense que ça vaut la peine: On ne devait pas siéger la nuit. Et siéger la nuit pour donner des services à des citoyens, essentiels, c'est important. S'il y avait eu une catastrophe, M. le Président, je pense que tout le monde serait d'accord pour siéger la nuit. Mais où est la catastrophe? Est-ce qu'il y a des citoyens au Québec qui ont demandé des services additionnels? Au contraire, ils n'auront pas de services additionnels, M. le Président, mais ils vont avoir des coûts additionnels.

Et rappelez-vous l'ultime objectif de la réforme de M. Ryan, de se créer des corps municipaux, ceux qui le veulent bien, et de baisser la facture de la Sûreté du Québec. Parce qu'on ne peut pas... Et là on vit dans, je dirais, un fouillis général. L'idée, c'était que les municipalités de 5 000 et plus ou d'autres créent leur corps de police, utilisent moins les services de la Sûreté du Québec, donc que le coût de la Sûreté du Québec baisse. Bien, M. le Président, on se retrouve, deux ans après. Les coûts de la Sûreté du Québec augmentent, les coûts des municipalités augmentent. Pas les coûts du gouvernement. Les coûts du gouvernement, c'est pelleté dans la cour des petites municipalités.

Quand le ministre disait, hier... Écoutez, c'est un peu indécent. Le ministre a dit: Écoutez, je conviens qu'il y a pas mal de monde qui est contre ma loi, mais l'UMQ n'est pas tout à fait contre. L'UMQ! La plupart des villes qui adhèrent au mouvement de l'UMQ, c'est les municipalités qui avaient déjà des corps de police, qui ne sont à peu près pas touchées par la loi. Par contre, même l'UMQ met des réserves sur la façon dont c'est fait.

Mais l'UMRCQ, qui représente des petites entités municipales, eux, on frappe dessus. Le train passe, puis le train ne déraille pas. Le train les frappe, puis ces gens-là vont payer. Ils ne vont pas juste payer cette année, ils vont payer les années prochaines aussi. Je me demande même si le but ultime du gouvernement ce n'est pas de fermer des petites municipalités, de les fermer complètement. Eux qui parlaient – je vois le député de Dubuc... Par contre, je vais vous dire, le député de Dubuc est capable quand même de faire la part. Mais il y a plusieurs petites municipalités qui, j'imagine, ne sont pas très contentes de voir l'escalade, l'escalade des coûts avec pas plus de services et avec pas de diminution des coûts de la Sûreté du Québec. C'est ça qui est étonnant.

Moi, je dis au ministre: Il veut passer sa loi? Il va la passer. Son train va même écraser l'opposition. Il va même, si elle ne réussit pas à passer en commission parlementaire, mettre le bâillon. Savez-vous pourquoi? Pas pour les citoyens; parce que le gouvernement du Parti québécois a besoin d'argent. C'est ça, la réalité.

Une voix: Oui.

M. Thérien: C'est exactement ça, la réalité.

Une voix: C'est ça.

M. Thérien: On nous a fait accroire que, dans le domaine de la santé, on aurait plus de services avec moins; ce n'est absolument pas le cas. Vous avez vu un petit peu le rapport interne qui indiquait jusqu'à quel point les décisions ne sont pas prises par les gens compétents, elles sont prises par le ministre. Et le ministre, lui, il a une commande du ministre des Finances, point à la ligne. On est rendu comme ça, M. le Président.

Et particulièrement l'UMRCQ s'oppose ouvertement puis fortement, puis menace même de faire certaines représailles. Un des principes, c'est l'autonomie municipale. On est tous des élus, on revendique tous le rôle de porte-parole de nos citoyens, autant que celui qui a été élu pour une municipalité a le droit au respect et a le droit à son autonomie municipale, à ses choix. Et là on dit que celles qui ont 5 000 de population ou moins, si elles veulent se créer un corps de police, c'est le ministre qui va décider. Ah! c'est le ministre qui va décider. Où est le principe de l'autonomie municipale?

Je le sais, pourquoi c'est le ministre qui va décider. C'est bien simple, le ministre, lui, il ne peut pas baisser ses coûts de la Sûreté du Québec, puis, si la ville se crée un corps de police, elle ne paiera plus pour la Sûreté du Québec, donc un coût supplémentaire. Le jeu est simple, c'est clair, les cartes sont ouvertes. Pour qui on fait ça, cette loi-là? On fait ça pour aider les citoyens? C'est faux.

La présidente de l'UMRCQ et les membres de l'UMRCQ ont raison de dire que c'est une violation de l'autonomie municipale. On parle, à ces municipalités-là, de dire: Écoutez, on veut en fusionner quelques-unes. Puis on leur donne un an. On dit: Écoutez, je pense qu'il y aurait lieu de regrouper des municipalités; on vous donne un an pour discuter puis peut-être deux. Mais, quand c'est le temps de la police, ah, on ne donne plus de délai: Vous allez régler ça tout de suite puis à notre façon.

Moi, je peux vous dire que c'est inacceptable. C'est une violation de tout élu. C'est un élu du peuple qui a des choix à faire. Si on lui dit: T'as une responsabilité, c'est d'assurer la sécurité pour tes citoyens et dis-nous de quelle façon tu vas assurer la sécurité de tes citoyens, l'élu peut dire, pourrait dire ou pouvait dire avant, mais pas maintenant avec le Parti québécois: Bien, je vais me créer un corps de police, peut-être modeste, mais je vous donne mon plan de sécurité pour mes citoyens. Ça, ce n'est pas accepté, absolument pas. On nous dit: Tu vas passer par là, ça va coûter tant, puis c'est moi qui décide. Bien, ça, je peux vous dire, ils ont raison, les élus, ils ont raison d'être en maudit.

Moi, je suis représentant de 22 municipalités, dont 17 sont touchées par les corps de police, et je peux vous dire que ce n'était pas une question de politique, hier, c'était une question de violation de droits. Les gens étaient insultés, surtout, de voir grimper la facture, même pas du coût de la vie, mais de 40 %. J'aurais aimé voir, à l'inverse, que le Parti libéral aurait fait ça au pouvoir, j'aurais aimé voir le ministre des Affaires municipales. Il n'aurait plus de chemise au bout de deux minutes. Le député de Joliette, ah, là, il n'aurait plus pas juste sa chemise, ses pantalons. Tout aurait déchiré. Imaginez-vous, 40 %. C'est des citoyens qui paient, puis on parle de services, là. Pourquoi on n'est pas capable de dire aux citoyens: Écoutez, on ne vous donne pas plus de services, on a besoin d'argent, on va vous taxer, et on a trouvé cette façon-là?

Parmi les oppositions de l'UMRCQ, vous savez, le ministre, il a fait une tournée. L'autre fois, il s'est levé et il a dit: J'ai fait une tournée, j'ai rencontré tous les maires. Bien oui, il les a rencontrés, mais il ne les a pas écoutés. C'est absolument le contraire, ce que les maires nous ont dit. Il est venu à Saint-Jérôme, dans les Laurentides, et les maires, ils nous ont tous dit qu'ils étaient opposés à ça. Lui, il se lève et il dit: Je suis peut-être un des ministres qui ont fait le plus de tournées, qui ont rencontré les gens. Bien oui, mais rencontrer les gens, c'est une affaire, M. le Président, mais les écouter... Et d'ailleurs ce n'est pas la première fois qu'on fait des consultations et qu'on n'écoute pas les gens. Mais là c'est dramatique. C'est dramatique parce que c'est dans leur cour.

(11 h 30)

Si on avait pour intérêts la sécurité et le citoyen, on ne serait pas rendu à voter cette loi qui veut de l'argent, point à la ligne. On met quelques petits principes démocratiques pour donner le droit aux policiers... Ça, on adhère à ça. Encore pire, on charge 1 % pour l'Institut de police, on dit: Écoutez, on va faire payer aux municipalités aussi où les policiers sont formés. Encore une petite taxe, encore aux élus, encore aux citoyens. Je peux vous dire que, dans la tournée du ministre, lorsqu'on dit, à l'UMRCQ, que le ministre n'a pas écouté les préoccupations... À Saint-Jérôme, j'y étais et je n'ai pas entendu un maire dire: Allez de l'avant. Absolument pas. Ils étaient insultés. Le ministre écoutait. Il consulte, il écoute, après ça, une fois qu'il est passé, il dit: Au moins, je vais pouvoir leur dire que je suis venu dans la région. Ça sert à quoi? Vous savez, il y a une chose de sûre en politique: quand tu n'es pas cru, tu es cuit. C'est la réalité. Vous savez, en politique, là, les faits rattrapent les paroles.

Il me reste seulement une minute, M. le Président. Peut-être qu'avec un consentement j'aurais un autre 20 minutes. Non? Pas vraiment? M. le ministre... Excusez-moi, M. le Président – c'est un titre équivalent, «président» ou «ministre» – c'est pour vous dire jusqu'à quel point cette réforme-là n'est pas faite pour le citoyen, n'est pas faite en vue d'améliorer – c'est notre rôle de parlementaire de vouloir améliorer la qualité de vie de nos citoyens – mais c'est fait pour piger dans ses poches. Exactement. Et c'est pour ça que je suis vertement opposé à cette loi-là, tout comme mon parti. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Bertrand. M. le député de Nelligan.

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le député de Chomedey, question de règlement.

M. Mulcair: Étant donné l'immense importance du sujet, est-ce qu'on pourrait vérifier si on a quorum, s'il vous plaît?

Le Président: Je crois que vous avez raison, nous n'avons point quorum. Alors, qu'on appelle les députés.

(11 h 33 – 11 h 35)

Le Président: Nous avons maintenant quorum, alors je cède la parole, à ce moment-ci, au député de Nelligan pour son intervention.

Une voix: Lui, il est bon.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis heureux que, au moins maintenant, nous ayons quelques députés en face de nous, parce que c'est une loi assez importante, c'est une question assez importante, le projet de loi n° 77, et je pense que nous avons le droit d'insister pour que le côté ministériel nous écoute. Peut-être qu'il y a quelques députés qui trouvent le sujet de la Loi qui modifie la Loi de police drôle, mais on prend ça vraiment au sérieux.

M. le Président, je trouve ça dégueulasse qu'il n'y ait presque aucun député de l'autre côté qui ait trouvé cette loi assez importante pour demander la parole et faire une intervention. Il me semble, M. le Président, que la population du Québec mérite un gouvernement beaucoup plus efficace que ça. De plus en plus, nous voyons que la population québécoise a déjà perdu confiance en ce gouvernement.

M. le Président, je suis prêt. Je n'ai pas été convaincu par le ministre de la Sécurité publique quand il a parlé sur ce projet de loi, j'ai été convaincu par le député de Frontenac et plusieurs de mes collègues qui ont parlé sur le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, as the bill reads in English: Bill 77, An Act to amend the Police Act and other legislative provisions.

Clair et simple, M. le Président: c'est un mauvais projet de loi. C'est un mauvais projet de loi et ce n'est pas surprenant que tous les interlocuteurs, que tous les intervenants soient contre ce projet de loi. J'espère que ce gouvernement va avoir le courage de dire: Effectivement, c'est un mauvais projet de loi. Et j'espère qu'ils vont changer, améliorer ou juste oublier ce projet de loi. Parce que la population du Québec a besoin d'un projet de loi qui fasse effectivement une réforme de la police et pas nécessairement, pas juste une autre façon de taxer. Parce que c'est clair et simple aussi, M. le Président, ce projet de loi ne s'intéresse pas vraiment au caractère de service de police, c'est une autre façon de taxer. Une autre façon de taxer, je pense que c'est la seule ligne de pensée de ce gouvernement...

Une voix: D'une façon détournée.

M. Williams: ...comment on peut taxer la population québécoise.

Je pense qu'il y a un comité ministériel spécial sur ce sujet qui est en train, chaque jour, de penser à une autre façon de fouiller dans les poches de la population québécoise. Parce que, si tu fais du dumping aux municipalités, M. le Président, c'est toi... c'est vous, je m'excuse, c'est vous et moi et tous les contribuables qui paient. C'est les mêmes payeurs de taxes. Avec ça, peut-être que le gouvernement ne comprend pas ça, mais M. et Mme Tout-le-Monde comprennent ça.

J'ai prononcé plusieurs discours dans cette Chambre, M. le Président. Nous sommes en train de créer un nouveau lexique du gouvernement péquiste: Comment taxer la population québécoise. Ils ont de temps en temps utilisé les mots: «taxe», «impôt», «copaiement», «tarif», «prime», «franchise», «participation forfaitaire», «frais d'usagers», «abolition des mesures de détaxation». Maintenant, le «Fonds des services de police» et ce fameux 50 000 000 $ qu'il est en train de transférer aujourd'hui, 50 000 000 $ qu'on ajoute aux 76 000 000 $ que le ministre des Finances a annoncés la semaine passée: c'est une semaine difficile pour les municipalités et les contribuables québécois, M. le Président, c'est une facture de 130 000 000 $ que ce gouvernement péquiste est en train d'envoyer aux populations québécoises.

J'ai trouvé intéressant que le député de Bertrand ait souligné que ce n'est pas la première fois que le gouvernement péquiste a pensé de faire ça, ils ont essayé de faire ça dans leur premier mandat avec le projet de loi 48. J'ai écouté comme il faut le député de Bertrand, parce que, lui, il était maire dans ce temps-là, maire d'une municipalité quand le gouvernement, pour la première fois, a essayé d'imposer un corps de police aux petites municipalités. Je trouve ça intéressant que ce gouvernement soit déjà vide de nouvelles idées; il est en train de chercher dans le cahier de politiques de presque 20 ans passés. Il me semble, M. le Président, comme je l'ai déjà dit, que la population québécoise mérite mieux que ça.

(11 h 40)

M. le Président, il y a deux grands sujets qu'on peut discuter pendant le débat de principe du projet de loi n° 77. Un, c'est la liberté de choix des municipalités; c'est fondamental. Et l'autre, comme je l'ai mentionné, c'est un projet de loi qui est encore une nouvelle taxation pure et simple de ce gouvernement. Pour expliquer ça d'une autre façon, M. le Président, le gouvernement est en train de mettre en péril l'autonomie des municipalités. Sur le fond de ce projet de loi n° 77, on peut questionner, mais l'impact peut aller beaucoup plus loin, M. le Président. Le gouvernement péquiste est en train de dire que les municipalités ne peuvent pas prendre leurs décisions elles-mêmes. Il dit qu'il va prendre les décisions importantes pour elles. Il dit à chaque conseil municipal et à chaque maire: Vous n'avez pas la compétence de prendre les décisions. M. le Président, je suis carrément contre ça. Je viens aussi de la politique municipale. Les politiciens, les représentants sont des élus par suffrage universel, ils représentent la population, ils ont un droit et une responsabilité de prendre des décisions pour la population.

Actuellement, aujourd'hui – et tout le soir, parce que nous avons, au moins de ce côté, passé un soir à essayer de défendre la population québécoise – et durant la soirée, c'était clair selon mon opinion que la démocratie était en péril. La démocratie est en péril parce que c'est un autre geste draconien, dogmatique de ce gouvernement. Il gouverne par des décrets, par des décisions cachées, par des décisions prises entre quelques sous-ministres et par le chantage. Ils ne prennent pas les décisions en transparence, ils ne prennent pas les décisions, dans mon opinion, démocratiquement.

Et l'exemple qu'on peut trouver dans le projet de loi n° 77 est un bel exemple. Il dit à nos municipalités qu'ils vont prendre la décision du type de corps de police elles auront. Une décision fondamentalement importante, M. le Président. Il dit qu'ils vont imposer la Sûreté du Québec aux municipalités de 5 000 habitants et moins. Malgré leurs besoins, ils ont décidé qu'ils peuvent imposer, cette fois, un corps de police à toutes les municipalités. C'est complètement inacceptable comme façon de gouverner.

Le deuxième point, M. le Président, que j'ai mentionné, c'est qu'il est en train, encore une fois, comme il fait chaque semaine, d'augmenter le fardeau fiscal des contribuables; il est en train de continuer son avalanche de nouvelles taxes. Nous avons parlé hier de 600 000 000 $ de nouvelles taxes, et la saison n'est pas finie. Au moins le ministre des Finances n'est pas ici pour se lever avec une nouvelle taxe, avec une petite annonce d'un ministre. J'espère qu'avant Noël nous n'allons pas avoir d'autres nouvelles taxes: nous en avons déjà trop.

Cet exemple, le projet de loi n° 77, ce n'est pas une réforme des corps de police, des services de police, c'est une autre façon de taxer la population québécoise. Et nous sommes tous taxés jusqu'ici. Tous taxés, là. Et ce gouvernement est en train de taxer tout ce qui bouge, tout, et même quelque chose qui ne bouge pas. Il va peut-être taxer nos discours ici, je n'en ai aucune idée.

M. Lefebvre: Les droits d'auteur.

M. Williams: Il cherche partout comment il peut taxer la population... Merci, M. le député de Frontenac, pour tes commentaires et ton appui à mon point de vue.

Il cherche comment on peut taxer le monde. Juste un autre exemple. Il y a cet exemple du n° 77, mais vous savez qu'au ministère du Revenu – avec brillance, ils y ont pensé au moins – ils ont envoyé 52 000 lettres à chaque restaurant, partout dans la province de Québec, pour demander à chaque propriétaire de remplir un formulaire avec les noms, les numéros et le montant de pourboires que les serveurs et serveuses ont reçu pour 1995. L'année passée. Il est en train de chercher partout, parce que c'est un gouvernement incompétent, incapable de gouverner. Maintenant, il est en train de faire de l'improvisation sans arrêter. Avec ça, ils ont trouvé.

Ce n'est pas après une vaste consultation qu'ils sont arrivés avec un projet de loi n° 77. Le Conseil des ministres, dont je voudrais changer le nom pour le conseil des adjoints parlementaires au ministre des Finances, s'est réuni et il a dit: Quelle est votre commande cette semaine, M. le ministre des Finances? Quel ministère est-ce que vous allez cibler pour fouiller dans les poches de la population québécoise? Bien, cette semaine, ils ont décidé que c'était le tour du ministre de la Sécurité publique. Avec ça, il dit: Oui, monsieur, de combien d'argent avez-vous besoin? Je vais trouver ça d'une façon ou l'autre. Mais ça ne fait rien, je ne fais aucune consultation sur ça. Ça ne fait rien, je vais trouver une façon de taxer la population québécoise encore. Et ça ne fait rien que le ministre des Finances soit juste arrivé avec un cadeau de Noël de 76 000 000 $ la semaine avant.

M. le Président, c'est inacceptable, cette façon de gouverner. Et j'espère que le conseil des adjoints parlementaires du ministre des Finances va avoir le courage bientôt d'être effectivement un conseil des ministres qui peut protéger leurs dossiers, qui peut protéger d'abord et avant tout les citoyens du Québec. Parce que nous avons besoin d'une réforme de notre service de police. D'ailleurs, dans la lettre, le président de la Communauté urbaine de Montréal réclame des états généraux sur la police. C'est clair, c'est ça qu'elle demandait. Nous n'avons pas besoin d'une autre loi qui taxe la population québécoise. Et l'impact sur la Communauté urbaine de Montréal, c'est un autre 2 300 000 $ par année que nous, les payeurs de taxes, on doit trouver après toutes les autres taxes. M. le Président, le concept lui-même que le gouvernement peut décider c'est quoi, le mieux pour une municipalité, est faux. C'est incorrect, c'est mal ciblé.

Je voudrais juste utiliser un exemple chez nous. La SPCUM, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, où nous sommes doublement taxés à cause de ce projet de loi, est en train de faire tout un programme de décentralisation. Nous sommes en train de créer les postes de quartier – nous allons en avoir cinq dans l'ouest de l'île de Montréal – de rendre la police plus proche de la population. Les besoins de la population de l'ouest de l'île de Montréal, où vous trouvez le beau comté de Nelligan, sont différents des besoins du centre-ville ou peut-être les côtés est ou nord de Montréal. Avec ça, nous avons ajusté, nous avons adapté le service de police pour notre municipalité. Il me semble que c'est tout à fait logique.

Nous avons des élus municipaux, ils sont membres des comités sur la sécurité, à la Communauté urbaine de Montréal, et ils ont décidé, parce qu'ils sont le gouvernement le plus proche de la population, que ça va être mieux, que ça va être plus efficace de continuer comme ça. Mais ce n'est pas ça que ce gouvernement péquiste, le gouvernement de taxation a pensé. Il dit non. Il va décider la façon dont les municipalités de moins de 5 000 doivent procéder avec un corps de police. Ça ne répond pas aux besoins des municipalités, ça ne répond pas aux besoins de mon comté et ça ne répond pas aux besoins de la Communauté urbaine de Montréal.

Nous avons aussi, tout caché à la fin de ce projet de loi, un changement de rôle de l'Institut de police. Je pense que, là, nous avons besoin d'une réforme. On doit adapter notre formation de police. Je pense que nous n'avons pas besoin de juste changer de conseil d'administration, de donner plus de pouvoir décisionnel au ministre. On doit, un, certainement changer le conseil d'administration, rendre ça plus accessible à la population, mais aussi peut-être qu'on doit mieux formuler la façon dont on forme notre service de police. Moi-même, j'ai écrit une lettre au ministre sur ce sujet. Malgré mes demandes, il a refusé, il n'a pas nécessairement trouvé la nécessité de faire cette réforme du service de police.

(11 h 50)

M. le Président, il y a un autre principe fondamental. Si je paie pour quelque chose, j'ai le droit de contrôler les coûts, j'ai le droit d'influencer la façon dont mon argent est dépensé. Mais, non, le gouvernement veut juste prendre plus de mon argent. Il veut dépenser de la façon qu'il veut. Il veut imposer un service de police où ça n'est pas nécessairement bienvenu, sur la Communauté urbaine de Montréal, par exemple. Le leadership de la Communauté – et j'ai un grand respect pour le leadership de la Communauté urbaine de Montréal – a demandé qu'effectivement la police de la Communauté urbaine de Montréal puisse être en charge de la sécurité routière. Ce gouvernement péquiste, ce gouvernement de taxation, ce gouvernement de «faute des autres» dit: Non, on connaît ça mieux que vous. Nous allons imposer les services de police, vous n'avez pas la compétence de prendre les décisions vous-même. Voyons donc, M. le Président! La population du Québec mérite plus de respect que ça.

Tout le monde était contre ce projet de loi. Je ne cite pas tous les commentaires, mais je voudrais juste en mentionner quelques-uns. J'ai déjà mentionné qu'effectivement la Communauté urbaine de Montréal était contre. L'Union des municipalités régionales de comté du Québec était contre; ils ont parlé spécifiquement du respect de l'autonomie municipale. L'UMQ était contre, la Fraternité des policiers de la CUM, l'Association des policiers provinciaux, et je peux continuer.

On questionne que d'utiliser 1 % de la masse salariale de cette façon est inacceptable. Ils ont demandé de le retirer, eux. Je vois que ce n'est pas souvent qu'un chef de police fait des commentaires sur un projet de loi, mais, comme on dit dans la Gazette , «Police chief flays Québec for reforms. The head of the Montreal Urban Police Department has challenged the Québec Government to hold public hearings on law enforcement rather than rush through legislation reforms that will add more than $ 2 000 000 to local tax bills. Duchesneau, clearly angry, said yesterday his department only learned through a news report last week that the provincial Government intended to complete its reform of the Police Act, which oversees the police profession, by next month.»

The amendment calling for police forces to chip in 1 % of their salaries – that's costing 2 200 000 $ – is unacceptable. Refusal to stop charging MUC taxpayers provincial services that they don't receive is also unacceptable, and that's one of our main concerns, Mr. Speaker. This is a law that is opposed by everybody who knows anything about police services, but its objectives are very clear. This Government wants to get every cent they can get out of the taxpayers of Québec. This Government is not capable of governing. This Government is not capable of making decisions that are based on the best interests of Québec. What they're doing is coming up with all kinds of ways to get into our pockets and take money out of them, and this is another $ 50 000 000 tax grab.

But, more hideous than all that, Mr. Speaker, is this is another act that the Government is trying to do to take control of the municipalities, take control of duly elected municipal councils. When a municipal council cannot make a decision on what kind of police force it should have, you're taking a fundamentally important decision away from it. Think about that for a minute, Mr. Speaker. This Government is telling every municipal council that they can't make that decision. They are going to say: It's going to cost you more money, no more services, and you're going to have less control. What is more absurd than that, Mr. Speaker?

Il me semble, M. le Président, que c'est assez clair. Et, pour le faible nombre de députés péquistes dans cette chambre, j'espère qu'ils vont comprendre que c'est un mauvais projet de loi, qui a reçu l'opinion négative de presque tout le monde. Je voudrais juste citer et terminer avec le commentaire de l'UMRCQ: «Une arnaque pour prendre en otage les citoyens des municipalités les moins bien nanties.» C'est une citation de Mme Simard. C'est des mots forts. J'espère que le ministre de la Sécurité du revenu va écouter le porte-parole de l'opposition, le député de Frontenac, qui a bel et bien défendu les intérêts de la population québécoise. Et je voudrais, dans cette Chambre, le féliciter et je trouve ça excellent que lui ait été au moins ici pour le débat de cet important projet de loi.

J'espère que nous allons convaincre ce gouvernement d'arrêter ce projet de loi tout de suite. Ce n'est rien, ce n'est pas grave d'admettre que vous avez commis une autre erreur, mais j'espère que vous allez avoir le courage... ils vont avoir, je m'excuse, M. le Président, le courage de dire: Effectivement c'est un mauvais projet de loi. On ne veut pas encore «dumper» un autre 50 000 000 $ aux municipalités. Nous avons fait une erreur et nous n'allons pas passer ce projet de loi n° 77. Avec ça, je vais certainement appuyer les démarches du député de Frontenac. Je suis contre ce projet de loi et j'espère n'avoir jamais besoin de voter sur ce mauvais projet de loi. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Nelligan. Je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, Bill 77, An Act to amend the Police Act and other legislative provisions, constitue un autre exemple où, sous le «guise» d'une réforme, le gouvernement actuel, le gouvernement du Parti québécois, est en train en vérité de venir piller à nouveau dans les poches des contribuables.

Si on lit les notes explicatives du projet de loi, on peut constater qu'il y a certains éléments du projet de loi qui pourraient être perçus comme étant d'intérêt public général – je m'attarderai un peu plus tantôt sur un des aspects sur lesquels on est d'accord – et c'est le fait qu'on va permettre à un membre d'un corps de police de se présenter comme un candidat dans une élection. C'est conforme à la Charte des droits et c'est une bonne idée. Cependant, c'est la manière de s'y prendre qui étonne, lorsqu'on regarde le projet de loi, car effectivement on est en train d'enlever l'autonomie des autorités locales dûment élues. On a tellement souvent entendu l'actuel gouvernement du Parti québécois dire qu'il y avait un gouvernement de trop – et, évidemment, lorsqu'ils disent ça, ils sont souvent en train de faire référence au gouvernement fédéral. Selon eux autres, c'est évident qu'on a trop de niveaux de gouvernement, ici, au Québec et, avec le gouvernement fédéral disparu, bien, on pourrait sauver de l'argent. Force nous est de constater, M. le Président, que, dans leur analyse, il y a peut-être deux niveaux de gouvernement de trop, parce que, quand ils ne veulent pas faire disparaître le gouvernement fédéral, ils veulent faire disparaître l'autonomie et l'autorité des gouvernements régionaux et municipaux. C'est effectivement ce que ce projet de loi est en train de venir faire.

M. le Président, non seulement c'est un autre exemple d'un pattern général du gouvernement du Parti québécois de faire semblant de proposer les réformes – mais, en fait, de venir piller dans les poches des contribuables – mais c'est un exemple additionnel, comme si on en avait besoin de plus, des carences majeures dans le domaine de la protection du public et de l'administration de la justice, ici, au Québec.

On a eu, au cours des dernières années, des exemples étonnants du manque de compréhension de l'importance de la justice dans une société moderne, civilisée et démocratique comme la nôtre. On a vu que le gouvernement du Parti québécois est un des seuls en Amérique du Nord à enlever aux gens le droit d'être représentés par un avocat payé par l'aide juridique quand ils ne peuvent pas se le permettre. À la place de ça, ils ont instauré un système où des fonctionnaires, des bureaucrates vont avoir la témérité de prétendre se substituer aux juges, qui doivent normalement être autonomes, et de faire la détermination à l'avance s'il y a une probabilité d'emprisonnement ou pas. C'est complètement farfelu. Ça nie l'autorité des juges et ça nie, M. le Président, l'autorité des membres dûment élus de cette Assemblée nationale. Ça ne faisait pas six mois que l'actuel gouvernement du Parti québécois était au pouvoir que les journaux titraient déjà, et je me souviens d'un éditorial dans Le Devoir : «La justice ratatinée». Aujourd'hui et demain, commence un débrayage général de tous les avocats de la province qui acceptaient l'aide juridique. Ils sont furieux de s'être fait berner par le gouvernement du Parti québécois, qui leur avait fait des promesses, des promesses qu'il n'a jamais tenues: promesse de les consulter, promesse d'avoir un volet contributoire qui allait normalement élargir le nombre de personnes couvertes par l'aide juridique, promesses que le gouvernement du Parti québécois, comme c'est son habitude, n'a jamais tenues de quelque manière que ce soit.

On l'a vu aussi, M. le Président, très récemment avec le projet de loi n° 130 – on aura sans doute l'occasion de revenir là-dessus plus en détail. À nouveau on a présenté ça comme étant quelque chose de bon pour le public, quelque chose qui constituait une amélioration. Et, dans les faits, on est en train de priver le public de recours et de droits. Ici, M. le Président, on est en train de refiler une facture dans les millions de dollars aux municipalités et aux contribuables à ce niveau-là et, ce faisant, on va se donner bonne conscience. Le gouvernement va avoir la témérité de se lever et dire: Vous voyez, on vient de baisser le budget au ministère de la Sécurité publique: nous sommes de bons gestionnaires.

(12 heures)

Aujourd'hui même, M. le Président, le Vérificateur général a déposé son rapport annuel. Il est très intéressant de noter que, dans ce rapport annuel, le Vérificateur général blâme sévèrement l'incompétence et l'incurie du ministère de la Sécurité publique dans l'administration de ses programmes. Intéressant, car on se rend compte que c'est là que devraient être réalisées en tout premier lieu les économies, plutôt que d'aller chercher des sommes dans les poches des contribuables au niveau municipal.

Je vais vous donner un seul exemple, M. le Président, parce que évidemment le projet de loi est truffé de ces exemples-là; mais je vais vous en donner un. Avec des termes très anodins, avec leur manière habituelle de cacher ce qu'il en est vraiment, le projet de loi dit, dans ses notes explicatives: Par ailleurs, le projet de loi modifie la Loi sur l'organisation policière relativement au financement de l'Institut de police et à la composition de son conseil d'administration, une petite phrase qui, à sa lecture, ne dévoile rien du tout, contrairement à ce que devrait faire une note explicative.

It's worth noting, Mr. Speaker, that in the explanatory notes to the bill the Government, as is its want, hides the truth of what it is about in this bill, and it says in terms that don't reveal the content: The Act respecting police organization is amended to introduce provisions pertaining to the funding of the police Institute and to the composition of its board of directors. Well, let's look at the second part first.

En regardant le deuxième élément en premier, pour ce qui est du conseil d'administration, justement, le projet modifie sa composition en y retranchant deux représentants du monde municipal et deux représentants du milieu socioéconomique. On ne veut pas de ce monde-là sur le conseil d'administration de notre Institut de police! Par contre, on y ajoute un représentant de la Sûreté du Québec, un du service de police de la CUM et un d'un autre corps de police. Le résultat, c'est très, très simple: dans des termes très techniques que personne n'est capable de comprendre à sa simple lecture, on est en train de refiler, juste dans le cas du seul Institut de police du Québec, une facture de plusieurs millions de dollars au contribuable au niveau municipal. Est-ce qu'il y a en cela quelque économie que ce soit pour le contribuable? Il y a juste un contribuable, M. le Président, il y a une personne qui est payeur de taxes. Il n'y en a pas 36. Ce n'est pas le fait que le provincial est en train de pelleter cette facture dans la cour des municipalités que ça change quoi que ce soit, au contraire.

Ce que les élus municipaux disent, ce que les chefs de police et les chefs des pompiers sont en train de dire, c'est que ça risque de produire une réduction dans la masse salariale pour le service de police et les services d'incendie. Ça, encore une fois, on tombe dans un des thèmes principaux du gouvernement du Parti québécois: c'est le fait que la première chose qu'il coupe, c'est le service direct à la population. La dernière chose qui est touchée, et ce, en tout moment avec ce gouvernement, c'est la bureaucratie, l'administration, la direction.

C'est ainsi dans le domaine de la santé et des services sociaux, où on prétend avoir effectué un virage ambulatoire, où, en fait, si on regarde dans les CHSLD notamment, on est en train de remplir de paliers décisionnels, de remplir de plus en plus de fonctionnaires et de bureaucrates pour tenter d'appliquer un programme inapplicable. Entre-temps, il n'y a plus d'argent pour les médicaments des bénéficiaires, les gens ne reçoivent plus leurs soins, on coupe le temps des soignants et des gens qui rendent des services auprès de la population. Ça, c'est ce que le gouvernement du Parti québécois coupe en premier, parce que le gouvernement du Parti québécois a une vision bureaucratique.

Le gouvernement du Parti québécois est incompétent au niveau de l'administration et de la gestion de la chose publique. Alors, incapable de voir clair dans ses programmes, il se fait toujours un plaisir d'ajouter programmes après programmes, d'ajouter paliers après paliers en matière d'administration.

Un exemple concret qui risque d'intéresser nos amis d'en face dans le domaine des services de police: le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal a préparé une offre aux Aéroports de Montréal pour assurer le service de police à l'aéroport Dorval et à l'aéroport Mirabel, suite au départ imminent de la Gendarmerie royale du Canada comme service de police attitré à ces endroits-là. On sait que le gouvernement fédéral est en train de se retirer des aéroports. Le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal a travaillé d'une manière assidue à la préparation et à la confection d'une offre. Il a fait une offre aux Aéroports de Montréal, l'institution, l'organisme qui gère les aéroports. Il leur a dit: Voici, on est capable de vous fournir un service de police selon telles modalités, telles bases, à tel prix. Vous savez ce que le ministre de la Sécurité publique a fait, M. le Président? Il est intervenu. Dès qu'il a eu vent de ça, il est intervenu directement auprès des autorités des Aéroports de Montréal pour leur faire des menaces, ni plus ni moins, M. le Président, les menacer, leur dire qu'il n'était pas question que le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal fournisse le service de police à l'aéroport de Mirabel et à l'aéroport de Dorval.

Quel motif est-ce que le ministre de la Sécurité publique a pu donner pour sanctionner, pour cautionner, pour expliquer une telle ingérence? Il a dit que les aéroports, ça fait partie des frontières du Québec et que c'était seulement la Sûreté du Québec qui avait le droit de s'en occuper. Théorie intéressante qui peut se justifier si on fait une analyse serrée puis si on fait une conclusion semblable suite à un bon débat public. Mais il n'y a jamais eu de débat public là-dessus. Et ce que le ministre de la Sécurité publique était aussi en train de dire, c'est que le coût de ça, ça lui importait peu. Ça ne le dérangeait pas que le contribuable allait finir par payer plus, encore une fois, de ses poches si c'est le service de police de la Sûreté du Québec qui est dans les aéroports plutôt que le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal.

Cela montre, M. le Président, à quel point il est difficile, comme parlementaire, de prendre au sérieux le gouvernement du Parti québécois lorsqu'il nous arrive avec une loi comme le projet de loi n° 77, soi-disant réorganisant le service de police, pour sauver de l'argent. Parce que, lorsque vient le temps de défendre une idéologie... Et le ministre de la Sécurité publique a fait des menaces. Il est intervenu à plusieurs reprises jusqu'aux plus hauts niveaux aux Aéroports de Montréal pour leur dire qu'il n'était pas question qu'ils entretiennent la possibilité d'avoir le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal.

C'est une question idéologique, M. le Président, qui est intervenue à ce moment-là. C'est le gouvernement du Parti québécois qui, par définition, est en train de faire semblant que la séparation a déjà eu lieu, même si ça coûte encore plus d'argent aux contribuables, en insistant que ce soit le service de la Sûreté du Québec qui soit dans les aéroports, sans débat public. Parce que, comme on le disait tout à l'heure, M. le Président, si on fait un débat public là-dessus, si on en discute, si le ministre explique les tenants et aboutissants de son raisonnement, on pourrait peut-être seconder son point de vue. Mais rien de cela n'a eu lieu jusqu'à date; au contraire, le ministre de la Sécurité publique, en catimini, a fait ces interventions-là auprès des Aéroports de Montréal au nom de la Sûreté et contre le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal. Implicitement, dans cela, M. le Président, il y a un blâme à l'égard du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, un blâme tout à fait inadmissible de la part d'un ministre de la Sécurité publique qui n'est pas là pour prendre pour un parti ou pour l'autre, mais qui est là pour défendre l'intérêt du public dans ces choses-là.

Mais, M. le Président, il y a aussi un élément pour lequel... Si on fait une critique constructive, on est là pour dire les parties que l'on considère valables en même temps qu'on fait nos critiques constructives. Je dois dire que la partie du projet de loi qui modifie la Loi de police afin de permettre aux policiers et policières et aux constables spéciaux d'exercer certaines activités politiques, c'est une bonne idée et c'est conforme à la Charte. Sauf, donc, pour certains officiers de la Sûreté et les directeurs des autres corps de police, un policier pourrait notamment être candidat à une élection fédérale ou provinciale, mais à condition d'être alors en congé sans solde, et pourrait également se présenter dans une élection municipale ou scolaire, à condition, cette fois-là, que ce soit en dehors du territoire où il exerce ses fonctions.

On disait que c'est conforme à la Charte, M. le Président, et c'est tout à fait vrai. On a déjà vu ça dans le domaine des fonctionnaires. Il y avait des gens qui avaient eu à se présenter dans des élections provinciales ou même fédérales qui étaient des serviteurs de l'État, et il n'était pas question, à mon sens, de refuser à ces gens-là leur droit, dans une démocratie, de se présenter. Je crois que le projet de loi donne raison aux jugements qui sont intervenus depuis lors et à l'analyse selon laquelle c'est effectivement tellement fondamental dans une société, le droit de voter et le droit d'être candidat, qu'on ne devrait pas en être privé, à moins d'avoir vraiment des motifs supérieurs qui ne sont pas présents dans l'espèce.

(12 h 10)

Cela contraste, M. le Président, avec la situation qui existe au fédéral, où, par exemple, on a vu récemment le sergent d'état-major Gaétan Delisle, qui est un homme que tous ceux qui le connaissent, comme c'est mon cas, admirent énormément pour son courage et son bon travail... Le sergent d'état-major Delisle a été congédié lorsqu'il a été élu maire de la municipalité de Saint-Blaise sur le Richelieu. Fort étonnant, M. le Président, et fort inacceptable, car, justement, quelqu'un qui a toujours été là pour défendre le droit et la loi et pour défendre les citoyens, de se faire dire qu'il perdait son emploi à la Gendarmerie royale du Canada à cause du fait qu'il s'était présenté dans une élection, c'était fort inquiétant. La semaine dernière, en commission parlementaire à Ottawa, il a même été révélé que, à au moins cinq reprises, la permission avait été donnée à d'autres personnes membres de la Gendarmerie royale du Canada de se présenter dans des élections. Cette permission fut même donnée, d'après les informations déposées en commission parlementaire, par le commissaire de la GRC lui-même. La différence, faut-il le croire, M. le Président, c'est que le sergent d'état-major Gaétan Delisle était celui aussi qui organisait la GRC en vue de leur syndicalisation. C'est sans doute ça, la distinction, et c'est un autre droit garanti en vertu de la Charte, le droit de s'organiser et de négocier une convention collective et des conditions de travail qui se trouve, à notre sens, dans un cas comme celui-là, frustré.

Et, encore une fois, ici, au Québec, on a su éviter cette difficulté-là et on est en train de vivre un moment assez tendu en matière de négociations des conventions collectives: un gouvernement qui veut les rouvrir. Mais on a des services de police, y compris la Sûreté du Québec, où on a des syndicats; c'est un droit, un droit en termes de liberté d'association, un droit en termes de liberté de choix de ses porte-parole. C'est un droit dans une société démocratique de s'organiser ainsi. Et, que ce soit en Irlande, ou en Allemagne, ou en France, les services de police ont toujours eu cette possibilité-là. Et j'espère que l'exemple que le Québec est en train de donner ici, l'exemple avec lequel, je répète, M. le Président, on est d'accord ici, l'exemple de permettre à un membre d'un service de police de se présenter comme candidat, ça va être émulé à d'autres niveaux, et je viens de vous donner un exemple.

On a aussi un certain nombre de restrictions qui demeurent dans d'autres lois. Je pense, par exemple, à la Loi sur le Barreau, qui interdit à l'heure actuelle à un policier de devenir membre du Barreau. Un de mes anciens associés, aussi ex-membre de la GRC, était justement devenu comptable agréé et avocat, mais il ne pouvait pas devenir membre du Barreau tant et aussi longtemps qu'il restait dans un service de police – même si, entre experts et presque philosophes du droit, on peut se poser des questions existentielles, si on peut à la fois être membre d'un service de police et membre du Barreau. Je vous avoue, M. le Président, sur le plan du gros bon sens, qu'il n'y a rien qui empêcherait de trouver un aménagement dans les lois ou une certaine limitation de pratique, plutôt que de nier le droit d'adhérer à une association ou d'en faire partie, comme c'est le cas à l'heure actuelle dans la Loi sur le Barreau.

Et donc, avec cette partie du projet de loi n° 77, le problème que l'on vit à l'heure actuelle au niveau fédéral est évité, et c'est tout à notre honneur, car ça reconnaît plus de droits. Mais, sur le fond, en ce qui concerne l'organisation policière, M. le Président, le projet de loi lui-même représente des problèmes évidents. Dans certaines municipalités, comme mon collègue le député des Laurentides le disait tantôt, la facture pour les services de police va augmenter de 40 %, de 50 %, voire de 60 %. Encore une fois, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu'il n'y a qu'un seul contribuable, qu'il y a une seule personne au bout qui paie la facture en question. Et on ne peut pas faire semblant qu'on est en train de réaliser des économies dans le domaine de la protection du public, dans le domaine de la sécurité publique, si, en fait, on est juste en train de pelleter ça à un autre niveau du gouvernement. Ce n'est pas vrai qu'il y a la moindre économie là-dedans.

M. le Président, le Vérificateur général est très sévère dans son rapport aujourd'hui. Le Vérificateur général dit qu'au ministère de la Sécurité publique on gère mal les programmes, on gère mal les fonds publics. Et c'est pour cette raison qu'on aurait beaucoup plus souhaité voir le gouvernement arranger l'administration pour sauver réellement de l'argent plutôt que de faire semblant de sauver de l'argent en pelletant à nouveau des responsabilités dans la cour des municipalités. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, en vertu de l'article 100, j'aimerais faire en conclusion une motion d'ajournement.

Le Président: M. le député de Chomedey, je m'excuse, mais, pour que la motion d'ajournement que vous venez de faire puisse être recevable, il aurait fallu que vous la fassiez durant le temps de parole qui vous était imparti. On ne peut pas constater que votre temps de parole est terminé et, par la suite, revenir et dire: Écoutez, maintenant, je voudrais faire une motion d'ajournement des travaux. Il faudrait que ce type de motion puisse se faire à l'intérieur du 20 minutes qui vous est imparti par le règlement. À ce moment-ci, je vais être obligé de reconnaître un autre intervenant. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Lefebvre: M. le Président, sauf erreur, au moment où le député de Chomedey est revenu pour vous indiquer qu'il voulait soumettre à l'attention des collègues de l'Assemblée un ajournement du débat en vertu de l'article 100, il était encore à l'intérieur de la période de temps qui lui était allouée, à savoir 20 minutes.

Ceci étant dit, je vous demanderais de reconnaître le député de Chomedey, en expliquant aux collègues que la motion d'ajournement du débat, c'est une motion très précise qui permet à l'auteur de la motion, le député de Chomedey, d'intervenir pour 10 minutes, à un autre collègue de la formation de l'opposition – c'est moi qui ai l'intention de parler pour l'autre 10 minutes – et, j'imagine, Mme la députée de Terrebonne pour 10 minutes. Il m'apparaît que le député de Chomedey était encore à l'intérieur du 20 minutes, M. le Président.

Le Président: Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Selon l'article 41 de notre règlement, votre décision ne peut être discutée. Vous avez rendu votre décision, vous avez bel et bien dit que le député de Chomedey avait terminé son intervention au moment où il a présenté sa motion et que c'est irrecevable.

Le Président: M. le député de Frontenanc, j'ai vérifié et je dois vous dire que, malheureusement pour vous et votre collègue, le temps de parole qui était imparti au député de Chomedey était terminé largement quand le député de Chomedey a fait son intervention. D'ailleurs, il avait terminé, il s'était rassis et il s'est relevé pour intervenir à nouveau.

M. Lefebvre: M. le Président, je me fais une règle d'or de respecter la décision de la présidence. Je veux tout simplement indiquer à ma collègue que c'est rien que partie remise, là. J'espère qu'elle l'a compris!

Le Président: Je sais très bien, M. le député de Frontenac, et à cet égard je vous rends hommage, que vous respectez toujours les décisions de la présidence.

Alors, à ce moment-ci, je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. Je vois le député d'Outremont qui veut intervenir. Alors, M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci beaucoup, M. le Président. Le projet de loi n° 77, ainsi que je vais essayer de le démontrer, est un mauvais projet de loi, nonobstant les aspects positifs qui ont été mentionnés, et en particulier par mon collègue le député de Chomedey. Sauf que, ainsi que je vais essayer de le démontrer, ces aspects positifs, ces bénéfices du projet de loi sont très nettement inférieurs à ce qu'on peut décrire comme étant ses coûts, ses désavantages et, j'irais même jusqu'à dire, M. le Président, ses dangers.

Ce projet de loi enlève aux municipalités de moins de 5 000 habitants leur liberté de choisir le mode d'organisation de leur service de police. Et ce qu'on constate, c'est que les organismes qui représentent ces municipalités, ces petites municipalités – je pense à l'UMRCQ, mais aussi à l'UMQ, qui est l'organisme qui représente les plus grandes municipalités – résistent, s'opposent à ce projet de loi. Pourquoi s'opposent-ils à ce projet de loi? Ainsi que mes collègues l'ont mentionné, il ne fait aucun doute que l'opposition au projet de loi repose en grande partie sur des motifs qu'on pourrait qualifier de pratiques: 40 % de plus sur la facture des petites municipalités seront maintenant transférés dans les fonds du gouvernement. Il y a donc des raisons pratico-pratiques à ce que les petites municipalités et leurs représentants s'opposent à ce genre de projet de loi.

(12 h 20)

Mais la résistance n'est pas exclusivement une résistance pratico-pratique, M. le Président. La résistance des petites municipalités, des citoyens, des citoyennes et de ceux qui parlent en leur nom est aussi ce qu'on pourrait appeler une résistance idéologique. Et je vais essayer de le démontrer, M. le Président.

Le Président: M. le député de Bourassa, sur une question de règlement?

M. Charbonneau (Bourassa): Je vais m'excuser auprès de mon collègue d'Outremont. Mais, étant donné que nous participons à un débat très, très important, est-ce que le nombre de députés qui sont dans la salle est suffisant actuellement? J'en compte six, sept à peu près. Est-ce que c'est suffisant pour le quorum?

Le Président: Vous avez raison, M. le député de Bourassa, nous n'avons point quorum à ce moment-ci. Alors, je demande à ce que les députés soient appelés.

(12 h 21 – 12 h 23)

Le Président: Alors, nous allons reprendre le débat, et la parole est toujours au député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Je disais donc, pour l'avantage de mes collègues du gouvernement qui n'étaient pas présents lors du début de ma présentation, que, s'il y a des résistances à ce projet de loi, elles ne sont pas exclusivement d'ordre pratico-pratique. Il ne s'agit pas exclusivement de résistances qui sont motivées par le refus des municipalités de se voir enlever leur argent. Il y a une autre forme de résistance que j'ai appelée idéologique et sur laquelle je voudrais revenir maintenant.

Le projet de loi repose d'abord, M. le Président, sur une remise en question et une remise en question plutôt radicale du principe de l'autonomie des municipalités. Les municipalités de moins de 5 000 avaient jusqu'à maintenant, comme je l'ai mentionné tantôt, le choix du mode d'organisation de leur service de police. Or, on sait maintenant que, pour exercer ce choix, les municipalités auront dorénavant à obtenir l'autorisation du ministre; et, ce qui est plus grave et ce qui est évident, de toute façon, M. le Président, c'est que cette autorisation du ministre ne leur sera que rarement donnée, puisque, finalement – la loi le montre très clairement – le ministre a intérêt à ce que les municipalités utilisent le mode d'organisation de leur service de police que lui-même privilégie, puisque, finalement, ça amène de l'eau dans les coffres du gouvernement.

Donc, il y a donc, d'une part, une perte d'autonomie de nos municipalités, et l'une des conséquences de cette perte-là, M. le Président, c'est celle qu'on observe non seulement dans ce domaine, mais dans bon nombre d'autres domaines de la pratique quotidienne de la société québécoise, ça sera évidemment une déresponsabilisation des citoyens par rapport à la gestion de leurs besoins et à l'organisation des services qui sont compatibles avec la meilleure gestion de ces besoins. Donc, c'est un projet de loi qui non seulement soustrait des municipalités une part de l'autonomie qu'elles possédaient déjà, mais aussi qui, par conséquent, aura cet effet – et là, dans ce sens aussi, on peut vraiment parler d'un effet pervers au sens même moral du terme et non seulement au sens technique du terme – de déresponsabilisation du citoyen et de la citoyenne ordinaire face à son devoir de se prévaloir de l'obligation d'exercer elle-même un choix qui la regarde, compte tenu de sa capacité de gérer ses besoins.

En plus de ce questionnement d'autonomie, il y a autre chose dans ce projet-là, M. le Président, qui n'est pas évidemment visible à tout oeil nu. Ce projet véhicule ce que d'autres projets de ce gouvernement véhiculent tout également: une forme nouvelle de paternalisme. Cette forme de paternalisme, c'est une nouvelle forme de paternalisme. Parce qu'on en a connu beaucoup, de paternalisme, au Québec. On a connu le paternalisme traditionnel qui consistait à présumer que, pour des raisons de coutume, pour des raisons de principe hiérarchique, parce qu'on appartenait à certains corps qui avaient été consacrés par l'usage, par la tradition ou, dans certains cas, par des corps qui avaient été établis par l'autorité divine. Des gens étaient donc mieux capables que d'autres de prendre les décisions qu'il fallait prendre au nom des autres qui auraient été, de toute manière, parfaitement capables de prendre les décisions en question.

On a connu ça, cette forme de paternalisme là. Maintenant, on est en train d'en connaître une autre, forme de paternalisme, qui cette fois ne repose plus sur la tradition, mais qui repose sur la prétention des «électocrates» et des technocrates, à Québec, de décider de ce qui est mieux pour l'ensemble des citoyens. Dans ce cas-ci, on décide de ce qui est dans le meilleur intérêt des petites municipalités parce qu'on a, comme «électocrates» et comme technocrates, la prétention d'en savoir plus long qu'elles sur ce que sont leurs véritables besoins et sur les modalités qu'elles devraient choisir pour les satisfaire.

Non seulement se croit-on meilleur que les citoyens et les élus locaux, mais ce néopaternalisme tend à faire traiter les citoyens et les élus locaux comme s'ils étaient des enfants. C'est ça, M. le Président, le paternalisme. Le paternalisme, c'est l'idéologie qui repose sur la conviction que celui qui décide connaît mieux l'intérêt de celui ou de celle pour laquelle il décide parce que celle pour laquelle on décide n'a pas la capacité de prendre une décision éclairée ou une décision dans son meilleur intérêt puisque c'est une enfant, puisqu'elle se comporte comme une enfant ou parce que c'est une mineure.

Et, dans ce sens-là, je pense qu'on est en présence d'un projet extrêmement pernicieux, parce que c'est presque, oui, l'équivalent d'une mise en tutelle de personnes qui étaient parfaitement responsables d'exercer leurs responsabilités en fonction d'une évaluation de leurs besoins et d'un calcul d'organisation qui soit à la fois efficient parce qu'il répond à leurs besoins, mais aussi efficace parce que ces gens-là sont responsables de ressources financières et ils sont parfaitement capables de décider de ce qui est le plus capable de répondre à leurs besoins et de ce qui est aussi le moins coûteux pour répondre à leurs besoins, compte tenu que les ressources financières sont rares et que ces personnes-là sont parfaitement habilitées pour les gérer d'une façon intelligente.

(12 h 30)

Mais ce n'est pas ce que les «électocrates» et les technocrates de Québec croient. Eux, ils croient – et on le voit dans d'autres projets de loi de ce gouvernement – que ces gens-là ne sont pas habilités pour pouvoir s'autogouverner, pour pouvoir s'autorégir. Et il faut voir l'incroyable paradoxe qu'une législation comme celle-là représente, puisqu'elle est voulue par un gouvernement qui prétend que la population du Québec serait mieux servie si elle était une population souveraine, si nous étions un peuple souverain. Donc, un gouvernement qui affiche une prétention de souveraineté, une volonté de souveraineté n'a même pas le courage, n'a même pas la disposition habituelle, je dirais, n'a même pas l'habitus de pouvoir reconnaître aux gens ordinaires la capacité de s'autogouverner. C'est très grave, M. le Président, et, dans cette Assemblée, on parle souvent du double langage du gouvernement. Mais, dans ce cas-ci, c'est un double langage à un très, très, très haut niveau d'abstraction. C'est presque une schizophrénie, parce que, en plus, comme je l'ai mentionné, de vouloir véhiculer la conviction que nous pouvons être souverains, ces gens-là sont en train d'agir comme si les gens ordinaires, les gens de la base, les gens des localités étaient incapables de l'exercer. Pas la souveraineté, évidemment, mais leur capacité de s'autogouverner dans le meilleur sens de leurs intérêts.

Et on en arrive finalement à la dernière pirouette du ministre de la Sécurité publique. Encore là, c'est vraiment, comme je le disais l'autre jour en Chambre, une façon de se comporter qui est un exemple tellement probant de ce que Jolivet et Bonin décrivent dans leur petit livre sur l'éloge de la trahison, lorsqu'on essaie de faire croire à des gens, à des électeurs, à des gens qui sont capables de s'autodéterminer que finalement la décision qu'on prend est dans leurs meilleurs intérêts, puisqu'on les a consultés, et que, sur ça, on est arrivé à faire le consensus. On en «parle-t-u», M. le Président, du consensus auquel on serait présumément arrivé à l'intérieur de ce gouvernement! Consensus.

Il semble qu'il y ait au Québec des consensus à peu près sur tout, sauf que, en même temps que cette prétention de consensus est proclamée, ce qu'on observe, c'est des manifestations de plus en plus fortes, de plus en plus organisées de résistance aux décisions de ce gouvernement, et on est ici en présence évidemment d'un cas de figure absolument patent et absolument convaincant. Il s'agit, quoi, il s'agit, c'est clair... Nous sommes en présence d'une tentative de manipulation de l'opinion publique, parce que...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Président: Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, tentative de manipulation, là, vraiment... Le député d'Outremont a beau être très éloquent, je pense qu'il y a des limites, et c'est un abus de notre règlement. C'est imputer des motifs indignes.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Lefebvre: M. le Président, il n'y a pas de faute à tenter de. Manipulation puis tentative de, c'est complètement différent. Je ne vois pas en quoi mon collègue est en infraction avec les règlements ou la loi de l'Assemblée. Ça va très bien dans la pertinence. L'article 211, M. le Président. Puis il apprend à nos collègues d'en face plein de choses, eux qui, avant l'intervention de Mme la députée de Terrebonne, écoutaient mon collègue avec grande attention.

Le Président: M. le député d'Outremont, je vous inviterais simplement à la prudence à l'égard de l'utilisation des propos qui peuvent éventuellement être considérés comme non parlementaires dans l'enceinte.

M. Laporte: Je vous remercie de vos bons conseils, M. le Président, mais évidemment, dans mon esprit, il était absolument hors de propos que j'en vienne à vouloir, disons, faire des affirmations offensantes pour le gouvernement, puisque finalement, de toute manière, j'ai la conviction que l'électorat est tellement un électorat intelligent que ce genre de comportement est absolument un comportement inefficace et sans conséquence, de toute manière.

Mais on ne se retrouve pas moins devant une situation où le ministre, encore une fois, nous dit: Écoutez, une décision est prise, une consultation a été faite, et je peux m'appuyer sur un consensus pour donner une légitimité et, finalement, une légalité à ce type de décision. Or, dans ce cas-ci, c'est évident que le consensus est une construction artificielle, puisque finalement toutes sortes de manifestations de résistance s'organisent, et des gens dénoncent ce genre de projet.

En conclusion, M. le Président, j'ai donc le devoir d'appuyer les positions qui ont été prises par mes collègues antérieurement, et en particulier la position qui a été prise par mon collègue de Frontenac. Ce projet est une façon détournée par le gouvernement de renflouer ses coffres aux dépens des petites municipalités et, je dirais, de renflouer ses coffres – et ça, évidemment, c'est un aspect plutôt subtil, disons, du comportement gouvernemental qu'on observe maintenant – aux dépens de ceux qui ont moins la capacité de se défendre contre ce genre d'intervention. Et je l'ai vu, moi, ce comportement, dans d'autres situations, lorsque je me suis joint, à Montréal, au mois d'août, à la résistance des assistés sociaux et des gens âgés à l'égard de la loi sur les médicaments du ministre de la Santé.

Encore là, j'ai écrit là-dessus. On peut consulter un texte que j'ai publié dans La Presse , dans lequel je disais que là on voyait, de la part d'un gouvernement, un comportement de décision de solutionner ses problèmes de déficit, de vouloir mettre en oeuvre une stratégie mais aux dépens des gens qui ont le moins la capacité de résister à ce genre de pression. C'est grave. C'est grave, cette situation-là où on cible les gens qui ont la capacité de résister qui est la moins forte pour pouvoir solutionner les problèmes et atteindre les objectifs, les problèmes qu'on a jugés urgents et les objectifs qu'on s'est donnés indépendamment des justificatifs qu'on peut invoquer pour pouvoir faire croire à l'électorat que ces motifs sont parfaitement justifiés.

Donc, je m'oppose à ce projet et je me joins à l'opposition de mes collègues pour les raisons que j'ai mentionnées, parce que c'est un projet qui est résisté, et parfaitement bien résisté, et parfaitement justifié d'être résisté pour des raisons pratiques, mais aussi parce que ce projet véhicule une vision de société que j'ai qualifiée de néopaternaliste, mais qui est aussi une vision de société centraliste qui présume que les électocrates et les technocrates à Québec en savent plus long que tout le monde, ce qui est vrai dans ce projet mais ce qui est vrai dans d'autres projets qu'on a vus circuler ici, dans cette Chambre. Et je pense qu'il faut s'opposer non seulement à ce projet pour des raisons pratico-pratiques, mais il faut aussi s'opposer à la vision de société que ce projet véhicule et que ce gouvernement est en train d'essayer de nous imposer au nom de justificatifs qui ne me paraissent, à mon avis, absolument pas convaincants.

Donc, il n'est pas vrai que les citoyens soient des mineurs, il n'est pas vrai que les citoyens soient incapables de faire les choix qui sont le mieux capables de répondre à leurs besoins et qui les serviront le mieux dans ce domaine de l'organisation des services policiers, et il n'est pas vrai que les grands électocrates et les grands technocrates à Québec en savent plus long sur les affaires des citoyens locaux que les citoyens et les citoyennes elles-mêmes et les élus locaux qu'ils ont élus ou qu'elles ont élus pour les représenter.

Donc, M. le Président, il faut s'opposer avec vigueur au projet de loi n° 77, même si on sait que le gouvernement prendra toutes les mesures et posera toutes les actions qui feront que, malgré cette opposition, le projet viendra probablement en exercice de toute manière. Mais il reste qu'il y a des moments dans la vie d'une démocratie où il faut prendre des oppositions pour des raisons de principe, parce qu'on résiste à la volonté d'un gouvernement d'imposer une vision de société. Et c'est, à mon avis, ce qui, en ce qui me concerne en tout cas, motive d'abord et avant tout mon opposition au projet de loi n° 77. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député d'Outremont. M. le député de Bourassa, maintenant.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Je n'aurais pas d'objection si un député du côté de la majorité voulait s'exprimer. Je pense que, en toute courtoisie, on peut permettre l'alternance. On ne veut pas s'accaparer le temps, nous, ici. S'il y en avait un, de temps en temps, qui voulait se lever pour dire son point de vue sur le projet de loi, M. le Président, ça serait peut-être plus intéressant pour les téléspectateurs. Je suis prêt à laisser mon tour à quelqu'un de l'autre côté, M. le Président.

(12 h 40)

Le Président: Il ressort, M. le député de Bourassa, que, pour le moment, vous êtes celui qui veut intervenir à ce moment-ci. Alors, allez-y.

Des voix: ...

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Président: M. le leader adjoint.

M. Lefebvre: Est-ce que je pourrais vous demander de rappeler au député de Dubuc qu'il peut répondre à l'invitation de mon collègue de Bourassa, se lever, nous donner son point de vue, mais ne pas l'interpeller comme il est en train de le faire d'un côté à l'autre de la Chambre, c'est carrément illégal. S'il a des choses à dire, qu'il se lève, qu'il ait un peu de courage, puis on va l'écouter.

Le Président: Très bien. Alors, Mme la leader adjointe.

Mme Caron: M. le Président, quand le député de Bourassa s'est levé, c'est parce qu'il avait l'intention de prendre la parole. Je suis d'accord avec lui pour une chose. C'est vrai que ça serait effectivement plus intéressant si on respectait l'alternance, je suis bien d'accord avec lui. Mais, comme nous sommes en parfait accord avec le projet de notre ministre, nous allons laisser le député de Bourassa utiliser son temps de parole.

Le Président: M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est parce que, M. le Président, quand on prend la parole, souvent ils nous interrompent en gromelant, comme ça, on ne sait pas trop. Alors, s'ils voulaient prendre la parole, faire un bon discours, on pourrait peut-être apprécier certains aspects du projet de loi. C'est ça que je voulais souligner, en toute démocratie et transparence, M. le Président. Il n'y a pas de quoi s'offusquer pour ça, hein?

M. le Président, je crois que nous avons été, jusqu'à maintenant, 24, du côté de l'opposition, à nous exprimer sur ce projet de loi, et, sauf erreur, de l'autre côté, ils ont été trois, me dit-on. Alors, je pense que, s'il y a des gens qui suivent le débat ou du moins les grandes lignes, ils doivent peut-être s'interroger: Pourquoi cette disproportion dans le nombre d'intervenants de part et d'autre, alors qu'on sait que, du côté gouvernemental, ils sont autour de 75 et, nous, on est 45, à peu près, 46? Alors, M. le Président, pourquoi, quand arrive le temps de débattre d'un projet de loi, c'est complètement disproportionné dans l'autre sens? Nous sommes 24, je suis le vingt-quatrième; eux, ils ont été trois.

Ils disent qu'ils sont en accord avec le projet de loi. C'est ce qu'ils disent quand on les force à parler, à dire deux, trois phrases, mais, quand on engage une conversation plus privée avec certains d'entre eux, ce n'est pas ça qui ressort. Ils ont beaucoup de critiques, ils en ont entendu beaucoup, de critiques, contre le projet de loi et ils en ont plein les bras, des critiques, eux aussi, qu'ils pourraient formuler. S'ils voulaient participer au débat d'une manière démocratique et transparente, je pense qu'ils en apporteraient beaucoup, de critiques, aussi.

On sait bien que la pratique veut qu'on fasse nos critiques, quand on est au pouvoir, surtout à l'intérieur du caucus. Comme ça, on peut faire nos petits compromis entre nous. Et on pense qu'on contribue à la démocratie à travers des débats à huis clos, au caucus. Mais, M. le Président, quand on est élu, ce n'est pas juste pour participer aux caucus de nos formations respectives, c'est pour, au sortir des caucus, arriver ici, à l'Assemblée nationale, dire nos opinions et discuter.

Il y a des bons aspects dans le projet de loi. Mon collègue de Chomedey, de l'opposition officielle, lui-même, a attiré l'attention du public et peut-être l'attention de certains parlementaires d'en face sur certains aspects positifs du projet de loi. Normalement, M. le Président, il aurait dû y avoir des gens d'en face, du gouvernement, de l'aile gouvernementale qui disent: Il y a peut-être certains aspects à améliorer, mais voici les aspects positifs, puis là nous expliquer ça et l'expliquer à la population. C'est mon collègue de l'opposition libérale, le député de Chomedey, qui est obligé de faire une partie de l'ouvrage que normalement devraient faire les gens d'en face, c'est-à-dire faire ressortir certains aspects positifs du projet de loi.

Je tenais à faire le point là-dessus, M. le Président, parce que nous mettons beaucoup d'heures, beaucoup d'efforts, des dizaines et des dizaines d'heures à faire l'examen de ce projet de loi, à ce stade-ci de sa discussion. Il y aura d'autres dizaines d'heures plus tard en commission parlementaire, si le gouvernement persiste à aller de l'avant. S'ils ne veulent pas parler, c'est peut-être qu'ils sont un peu secoués devant toutes ces critiques. Nous ne les inventons pas, ces critiques, nous ne faisons, souvent que les reprendre, que reprendre ce que disent les clientèles derrière, les publics desservis ou prétendument desservis par ce genre de projet de loi. Nous nous faisons l'écho de ces gens-là. Nous apportons leur point de vue ici. C'est ça, le jeu de la démocratie.

Et nous l'avons fait pendant des dizaines d'heures, jusqu'à une heure très avancée cette nuit, pour ne pas dire ce matin, M. le Président, autour de 5 h 30, 6 heures du matin.

Une voix: À 7 heures.

M. Charbonneau (Bourassa): À 7 heures, que la Chambre a ajourné, M. le Président.

Les gens qui suivent le débat, c'est sûr qu'ils ne peuvent pas mettre autant d'heures que nous, j'imagine, parce que la population du Québec n'aurait pas dormi de la nuit. Si tout le monde était à l'écoute de l'Assemblée nationale, ça serait une grande journée de repos et de sommeil dans les bureaux et dans les usines aujourd'hui parce qu'on a travaillé jusqu'à 7 heures du matin, à parler, à faire des discours. C'est sûr que chaque personne ne peut pas suivre le débat dans son détail. C'est normal. Mais, s'ils veulent voir l'essentiel du débat... Pourquoi est-ce qu'on est obligé d'en parler d'aussi nombreuses heures, M. le Président? C'est parce que, dans l'Assemblée nationale, il y a des règles de fonctionnement archaïques, M. le Président, qui nous permettent, qui permettent au gouvernement, de manière discrétionnaire, de faire des débats, de laisser se prolonger les débats toute la nuit jusqu'au lendemain matin.

Et, quand je vous dis ça, à vous, je sais que vous êtes très sensible à cela parce que, en tant que président de l'Assemblée nationale, vous avez pris l'initiative, malgré des bruits de fond venant de la droite, de votre droite, des bruits de fond venant du leader du gouvernement et de quelques autres autour, vous avez pris la responsabilité, M. le Président, de déposer devant l'Assemblée nationale un projet de réforme des horaires et du calendrier, de certaines règles du jeu de l'Assemblée nationale. Et, si vous obteniez l'accord de cette Assemblée sur vos propositions de renouvellement de fonctionnement, bien, il n'y en aurait plus comme ça, de discours, toute la nuit, parce que ce serait limité à minuit en période intensive. Il y aurait au moins un minimum de décence dans l'organisation de notre travail, et ça permettrait à la population de ne pas être obligée de passer des nuits debout pour suivre les débats ici. Ça nous permettrait, nous autres, les parlementaires, d'avoir aussi la possibilité d'organiser notre temps d'une manière un peu plus humaine.

M. le Président, on est pris avec des règles comme ça, mais je vous encourage à profiter de l'expérience, une fois de plus, de ce qui se passe à l'occasion de cette session intensive pour revenir avec vigueur, revenir avec force, avec ténacité – comme vous pouvez le faire quand vous voulez bien – sur ces transformations, de manière à ce que les débats, à l'avenir, se fassent à l'intérieur des heures normalement ouvrables ou observables pour des téléspectateurs.

M. le Président, tout ça pour mettre en lumière l'attention que nous portons à ce projet de loi malgré qu'on doive le faire même en pleine nuit. Mais nous nous reprenons le jour aussi. On essaie d'être aussi intéressant le jour que la nuit. Et ce n'est pas très, très grave quand nos amis d'en face nous disent: Vous vous répétez. M. le Président, ce n'est probablement pas le même monde qui a le temps de nous regarder la nuit puis qui a le temps de nous regarder le jour en plus, et vice versa. Donc, qu'on reprenne certains arguments, à un moment donné peut-être que, par osmose et automatisme, ces gens-là vont répéter nos arguments à l'intérieur de leur caucus, puis ça va peut-être modifier le projet de loi dans un sens plus acceptable. À force de leur répéter, bien, ça va faire comme des chansons à succès. Tout à coup, on se prend à fredonner un air ou quelques paroles d'une chanson. On se demande d'où ça vient. On ne le sait pas exactement, même l'auteur, mais on les fredonne parce qu'on les a intériorisées. C'est parce qu'on les a entendues très, très, très souvent, M. le Président.

Bien, on espère que ça va avoir cet effet-là chez nos collègues d'en face. À force d'entendre les mêmes critiques, en tout ou partiellement, à travers 25, 30, 40 interventions, bien, à un moment donné, ils vont se retrouver entre eux à avoir l'air de penser. Ils vont dire des choses, entre eux, au sein du conseil des députés, du caucus, ils vont se reprendre, ils vont se surprendre tout à coup à répéter certaines critiques qu'on a faites. Et eux autres aussi, à force de les répéter, ils vont s'en convaincre, puis peut-être qu'ils vont réussir à modifier certains aspects du projet de loi du ministre de la Sécurité publique.

Voilà pourquoi on met autant d'insistance à faire l'examen public de ce projet de loi, comme c'est notre responsabilité. Il s'agit du projet de loi n° 77 qui modifie la Loi de police, et c'est un projet de loi, faut-il le rappeler en plein jour, puisqu'on l'a fait en pleine nuit, qui comporte 26 articles. Ça a l'air banal de dire ça, mais il y a des gens de notre côté qui ont demandé, qui ont défié certains orateurs de la partie d'en face de faire la preuve qu'ils connaissaient au moins le nombre d'articles dans le projet de loi, et ils n'ont jamais eu de réponse encore parce qu'ils ne prennent pas la parole. Bien, là, ils vont avoir le temps, à force de se préparer, avec les questions qu'on pose, ils vont finir par savoir qu'il y a 26 articles.

C'est une loi assez importante qui a soulevé des tollés de protestations, notamment de la part de l'Union des municipalités régionales de comté, qui regroupe quelque 8 000 élus sur le plan municipal. C'est des gens qui ont accepté, comme nous, les élus à l'Assemblée nationale, de mettre, comme on dit, leur face sur un poteau. Ça veut dire de se mettre sur le marché de l'opinion publique. Ils ont accepté de se compromettre pour des idées, pour une cause dans un parti politique ou, en tout cas, en vue d'obtenir une charge d'ordre public. Comme nous ici. Nous sommes 125, eux sont 8 000; nous, nous couvrons le territoire du Québec, eux autres aussi, à leur manière, couvrent le territoire du Québec.

(12 h 50)

Donc, c'est important, M. le Président, de maintenir un dialogue actif et ouvert avec ce réseau de nos collaborateurs du niveau municipal, un réseau très important, très étendu dans toutes les régions. C'est important de garder, je dirais, les fenêtres ouvertes, les corridors de discussion ouverts, le dialogue, de le garder de manière constructive. Malheureusement, même si nous avons – à des ordres différents: nous, au niveau du Québec; eux, au niveau de l'ensemble du territoire de base – des responsabilités de représenter les intérêts de nos commettants les uns et les autres, nous avons des échos qui nous proviennent de ces élus municipaux qui vont dans un autre sens complètement que celui où s'aventure le ministre de la Sécurité publique avec son projet de loi n° 77 concernant la réforme policière.

M. le Président, l'UMRCQ en a gros sur le coeur devant l'attitude de ce gouvernement de se servir sans vergogne dans les budgets municipaux. L'UMRCQ fait le point de manière très éloquente dans son bulletin de liaison du mois de décembre quant à l'avalanche de taxes ou de nouvelles responsabilités qui tombent sur sa tête, sur la tête de ses élus dans toutes les régions du Québec à la suite d'une cascade de décisions de la part de ce gouvernement.

Et le gouvernement du Québec aime se plaindre. Lorsqu'il est interrogé sur certaines décisions, il dit: J'ai été obligé de décider ça à cause du fédéral. Ça, il aime nous abreuver de cette réponse-là: C'est à cause du fédéral si on fait ci, si on fait ça. Et lui se retourne de bord, puis il frappe sur le municipal. Le municipal se retourne de bord et il frappe qui, lui? J'aimerais ça que les gens d'en face viennent répondre à cette question-là. On n'a pas de réponse, M. le Président. Je suis prêt à m'asseoir tout de suite et à permettre à quelqu'un d'en face de prendre son 10 minutes, 15 minutes pour faire une réponse sensée là-dessus. Il frappe qui, le palier local, lui, une fois qu'il est frappé par le provincial? Il est obligé d'aller dans la poche des contribuables.

C'est ça qu'ils seraient obligés de nous dire s'ils acceptaient de prendre la parole, de relever les défis qu'on leur lance. C'est ça qu'ils doivent dire aussi quand ils se réunissent entre eux. Ils savent bien cette réalité et ils la craignent un peu. Ils savent qu'ils devront retourner, à chaque fin de semaine, devant leur électorat, en rencontrant des clubs de l'âge d'or, des clubs sociaux, des organisations de différents genres. On en rencontre tous des dizaines et des centaines, de personnes, à chaque fin de semaine, dans nos comtés, et ils se disent entre eux ce qu'ils se font dire par le monde aussi puis ils n'aiment pas trop ça. Alors, c'est pour ça qu'ils n'osent pas mettre ça dans leurs discours. Ils n'osent pas prendre la parole... Parce qu'il y a quand même des gens qui sont probes, qui sont honnêtes, et puis, s'ils devaient prendre la parole pour refléter à l'Assemblée nationale ce qu'ils ont entendu, ils seraient rouges de honte. Ils seraient rouges de honte, tandis que, nous, nous sommes rouges de nos convictions. Ce n'est pas pareil du tout, ça.

M. le Président, l'UMRCQ, c'est une organisation qui prend ses responsabilités. Et, nous, quand nous reprenons le point de vue de l'UMRCQ, nous prenons les nôtres aussi. Nous prenons ce projet de loi un peu à témoin. Ah! ce n'est peut-être pas le projet de loi le plus important de la session; il y en a peut-être d'autres. On a discuté récemment d'équité salariale. C'était très, très important. Puis on va discuter de la Régie de l'énergie. C'est un autre débat très important.

On ne dit pas que c'est le débat du siècle ni que c'est le projet de loi de la session, M. le Président. Mais, nous sommes au début de la période intensive qui va nous mener vers le 20 décembre à coups de débats, le jour et la nuit, à la discrétion du gouvernement. Et ils ont plusieurs dizaines de projets de loi sur la table, dans la machine. Et ils ont le problème des négociations du secteur public, en plus. Ils ont les étudiants sur le dos, en plus. Ils ont le secteur de la santé qui leur tourne le dos, de plus en plus, suite aux improvisations du ministre de la Santé. Ce gouvernement-là a sur le dos à peu près tout ce qui bouge dans le milieu scolaire. À force de comprimer les dépenses dans ce milieu, c'est rendu que les commissions scolaires sont obligées de taxer les parents pour garder les enfants sur l'heure du midi. Elles sont obligées d'inventer de nouveaux frais, de nouveaux tarifs pour arriver à ne pas faire de déficits ou à en faire le moins possible.

On a appris que les hôpitaux s'en viennent avec 100 000 000 $ de déficit. On sait que les régies sont en panique, elles ne sont pas capables de livrer les commandes de coupures qui leur ont été demandées par le ministre des Finances. L'Union des producteurs agricoles, M. le Président, une chance que les murs sont épais ici! On ne peut pas entendre les échanges qu'il y a de l'autre bord de la rue, au Centre des congrès. On ne pouvait pas entendre non plus, hier soir, les échanges qui avaient lieu de l'autre côté de la rue ici, à Québec, au Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec. Il y en avait 2 500 qui étaient réunis. Ils en attendaient 2 000; ils en ont eu 2 500.

Une voix: Ils ont manqué de place.

M. Charbonneau (Bourassa): Tous ces gens-là sont en train de préparer un dur réveil à ce gouvernement.

La semaine passée, il y avait des dizaines de milliers de personnes qui manifestaient dans le Québec et ici même, à Québec, l'autre week-end d'avant. Même la CSN s'en vient manifester encore en fin de semaine prochaine. Quand on regarde ça, là, le diable est aux vaches à peu près partout, à peu près dans tous les domaines. Ce gouvernement-là a réussi ça en quelques jours, en quelques semaines, M. le Président. Le Sommet, là, ça a été le sommet de la confusion.

Là, ils ont bâti des consensus. Ça avait l'air beau. C'est comme un gâteau qu'ils soufflent. Vous savez, un soufflé au fromage, ça se souffle, ça monte, ça gonfle. C'est l'heure du midi, M. le Président, il y a beaucoup de gens qui sont aux tables. Eux autres, ils mangent; nous autres, on parle. On peut faire des comparaisons culinaires. Ça monte, mais un rien de ça ramène à la réalité. Il n'y a plus rien. Quand la broue est partie, il n'y a plus rien dans le fond du verre. Les consensus du Sommet, c'est ça. Ça a éclaté en morceaux, morceau par morceau. Regardez les journaux: les uns menacent, les autres passent à l'acte. Là, les consensus qui ont été montés artificiellement volent en éclats, actuellement. Pourquoi? Parce que les gens ne sont pas dupes. Mais les gens sont de bonne volonté, au Québec, et, en tant que responsables de diverses organisations, ils sont toujours tentés par des propositions qui ont l'air généreuses, qui ont l'air de reposer sur une base de participation.

Les gens sont prêts à donner leur point de vue, à donner de leur temps, de leurs énergies dans tous les secteurs de la société. Alors, ils ont répondu à l'appel du premier ministre il y a six, sept mois. Ils ont travaillé très fort, y compris l'été, ce qui est assez exceptionnel pour certaines organisations, de mettre des efforts concrets durant l'été. Ils sont arrivés au Sommet, et il y a eu quelques conclusions de tirées à la hâte par le premier ministre, vers la fin du Sommet, qui ne reposent sur rien de concret par la suite. On le voit, les rues sont pleines de monde qui manifeste. Et puis, si toutes les personnes à qui ça tente de manifester sortaient, ce serait de la congestion générale, actuellement.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Ce serait terrible. Il y en a, là, qui sont obligés d'aller travailler malgré tout, malgré qu'ils ne soient pas contents. Il y en a qui ne sont pas organisés, mais ça leur tenterait de sortir quand même. Et puis il y en a qui y pensent, M. le Président. Il y en a qui ont des réputations d'être des professionnels, ils se promènent en cravate, qui sont dans des endroits, dans des bureaux très, très posés, où tout se fait calmement. Ils commencent à penser à dire: On devrait, nous autres aussi, manifester, prendre la rue, le gouvernement comprendrait peut-être davantage notre message. Bien, ça, c'est le portrait général dans lequel s'inscrit ce projet de loi.

On l'a pris à témoin, ce projet de loi, parce que l'environnement dans lequel il s'inscrit, le monde en a marre, il en a soupé jusque-là, M. le Président, parce que le contenu de ce projet de loi, à plusieurs égards, est empreint d'autoritarisme, de paternalisme, comme le disait mon collègue d'Outremont, est empreint d'une volonté d'imposer des choses. Ça, c'est au niveau du contenu, malgré qu'il y ait deux, trois aspects, peut-être, positifs que le gouvernement devrait faire ressortir. D'ailleurs, je les invite à le faire. En tout cas, on l'a fait, nous autres, en pleine responsabilité et, ça n'a pas été difficile, en toute objectivité. Ce n'est pas difficile pour nous d'être objectifs. Le positif, le négatif, nous faisons nos discours en mettant en relief les deux aspects pour que la population soit informée, étant donné que les parlementaires du gouvernement ne l'informent pas, la population. Ça fait que, nous autres, on prend notre rôle au sérieux. Les aspects positifs, on les dit, puis les aspects négatifs, malheureusement, comme il y en a plus, bien, on est obligés de parler plus longtemps là-dessus. Mais ça, c'est juste à cause du projet de loi, ce n'est pas à cause de nous.

Alors, l'environnement de ce projet de loi est complètement repoussant – on n'a qu'à regarder les rues et les journaux – le contenu de ce projet de loi est détestable à plusieurs égards, puis la démarche qui a amené à la naissance de ce projet de loi, à sa présentation, bien, elle est critiquée partout parce qu'elle n'a pas été respectueuse des points de vue entendus dans les milieux. Alors, ça nous suffit, ça, M. le Président, pour voter contre ce projet de loi, vous l'aurez sans doute compris, sinon on va continuer, M. le Président.

Le Président: Très bien. Merci, M. le député de Bourassa. Il est maintenant 13 heures. Alors, nous allons ajourner nos travaux et le débat à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 7)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. Alors, nous reprenons notre débat aux affaires du jour, débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives. Je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant. Mme la députée de Mégantic-Compton, vous avez la parole.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Nous sommes à discuter de l'accord de principe du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives. Ce projet de loi modifie les dispositions de la Loi de police régissant l'organisation des services de police sur le territoire du Québec.

M. le Président, j'aurais préféré ne pas avoir à intervenir sur un projet de loi semblable, qui permet au gouvernement de réduire son propre déficit sur le dos des municipalités et, par ricochet, sur le dos des contribuables. Malgré ce que nous disait avec vigueur le premier ministre, le 28 mars dernier, déclaration solennelle, et je cite: «Les citoyens ne sont pas touchés, M. le Président. C'est les machines, l'administration, les appareils, c'est sûr, mais les citoyens ne sont pas touchés.» Des paroles vides de sens, de la bouche du premier ministre.

Si les citoyens ne sont pas touchés avec toutes les augmentations de taxes, qui, M. le Président, est touché? Par qui ce gouvernement croit-il que la facture de 50 000 000 $ qu'il s'apprête à refiler aux municipalités par ce projet de loi sera-t-elle payée, sinon par les pauvres contribuables que nous sommes? Faut-il vivre à ce point enfermé dans une bulle pour ignorer que le citoyen dont parle avec émotion le premier ministre est le même citoyen qui, lorsque sa municipalité l'exigera, va mettre la main dans sa poche pour payer cette facture de 50 000 000 $?

En plus, il ne faut pas oublier le 250 000 000 $ pour favoriser le retour des assistés sociaux sur le marché du travail, en plus de payer plus cher pour son permis de conduire et d'immatriculation. Je ne peux énumérer toutes les nouvelles taxes et impôts auxquels le citoyen aura à faire face, M. le Président, depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, car je vais prendre tout mon temps de parole pour les énumérer.

Le critique libéral et député de Frontenac a réussi à arracher, à la toute dernière minute, une consultation de certains organismes, qui ont eu peu de temps pour se préparer. Encore une fois, manque de considération, manque de respect envers les élus municipaux. C'est de l'improvisation, M. le Président. Cela confirme que le ministre n'en voulait pas, de consultation. Son lit est déjà fait, il va bulldozer son projet de loi.

(15 h 10)

Ce projet de loi, les municipalités n'en veulent pas. Elles l'ont fait clairement savoir au ministre de la Sécurité publique. Elles veulent conserver le choix de leur police. Et on peut les comprendre. L'UMRCQ n'en veut pas. D'ailleurs, Mme Simard, la présidente, en commission parlementaire, a livré une véritable charge contre le ministre de la Sécurité publique, M. Robert Perreault, en démontrant que son évaluation des coûts de 200 000 000 $ par année pour les services de la Sûreté du Québec aux municipalités qui n'ont pas de corps de police est gonflée, trafiquée et arbitraire. Comment, dans le contexte économique actuel, pouvez-vous justifier que des municipalités de petite taille, de moins de 3 000 habitants, peu populeuses, reçoivent une augmentation de taxes de 80 %? La présidente de l'UMRCQ a également mis en opposition les déclarations du ministre Perreault à celle de l'ex-ministre Claude Ryan. Ce dernier avait...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, Mme la députée. Il y a une règle qu'on s'est donnée, là, d'une façon assez précise, pour ne pas mentionner un membre par son nom, même quand nous lisons un texte. Ce n'est pas toujours facile, mais vous pourrez remplacer par... Oui, mais là vous pourrez changer en disant le ministre de la Sécurité publique, ça va aller. Très bien. Excusez-moi. Je vous cède la parole.

Mme Bélanger: ...les déclarations du ministre de la Sécurité publique à celle de l'ex-ministre Claude Ryan. Ce dernier avait effectivement déclaré devant l'Assemblée nationale, en 1991, que les coûts de la Sûreté du Québec pour les municipalités desservies étaient de 135 000 000 $. «Comment se fait-il – Mme Simard se pose la question – qu'avec moins de municipalités desservies la facture soit portée à 200 000 000 $ cinq ans plus tard, soit 65 000 000 $ de plus? Est-ce une mauvaise gestion des ministres de la Sécurité publique, hausse des conventions collectives ou facture gonflée pour nous abuser?», demande la présidente de l'UMRCQ.

M. le Président, plusieurs MRC ont signifié leur intention d'entreprendre une étude pour se doter de leur propre corps de police. Mais, dans le projet de loi n° 77, j'y vois un refus très clair dans la législation que le ministre tente d'imposer aux municipalités. Cette loi fait la démonstration hors de tout doute de l'incapacité de ce gouvernement à communiquer avec les élus municipaux. Il préfère plutôt imposer son point de vue sans dialogue constructif et sans se soucier aucunement des principales préoccupations exprimées par les élus municipaux. M. le Président, c'est ce qu'on appelle «l'autre façon de gouverner»: Tu fais ce que je te dis et tu te tais, sinon je vais te punir. Comme pour les fusions des municipalités, c'est: Marche avec nous autres ou crève. On va te couper les vivres, on va te punir encore.

Permettez-moi de ramener ce projet de loi dans une perspective régionale. Le projet de loi n° 77 oblige une municipalité de 5 000 habitants ou moins à conclure une entente avec la Sûreté du Québec pour ses services de police. Où retrouve-t-on ces municipalités de 5 000 habitants ou moins, sinon dans les régions? Le Québec de demain, c'est le Québec des régions, a dit le ministre responsable du Développement des régions. Ça, c'est le discours; la réalité, elle est très différente. À quoi donc ressemblera le Québec de demain si ce gouvernement continue d'abuser de la sorte des municipalités, de transgresser sans aucune pudeur ni aucune retenue les règles du jeu pourtant clairement établies?

M. le Président, jeudi dernier encore, le ministre des Finances, dans une déclaration solennelle à l'Assemblée nationale, abolissait, comme ça, tout d'un coup, le remboursement partiel de la TVQ sur les biens et services achetés par les municipalités. Et voilà, d'un simple claquement de doigts, 76 000 000 $ venaient d'être subtilisés des poches des contribuables via les goussets des municipalités. Et pourtant, les municipalités étaient bien loin d'imaginer un tel scénario d'horreur, elles qui venaient de compléter ou étaient sur le point de terminer l'exercice budgétaire de la prochaine année financière.

M. le Président, le gouvernement libéral l'a fait dans le passé, nous diront les gens d'en face. Oui, mais de façon différente. Par exemple, le transfert d'une partie du réseau routier local, alors que c'est maintenant une décision appréciée par les municipalités. Mais, quand nous avons transféré ce programme, il y avait une aide qui accompagnait notre politique: 50 000 000 $ par année pour aider les municipalités à absorber les coûts reliés à l'amélioration de leur réseau local. D'ailleurs, le gouvernement péquiste se refuse à le maintenir, ce fameux programme de 50 000 000 $ pour l'aide aux municipalités. Mais, quand le vase est plein, il faut savoir s'arrêter, et là le gouvernement ajoute ce qu'il faut pour que la coupe déborde. Trop, c'est trop; assez, c'est assez, vous disent les élus municipaux.

M. le Président, pour donner l'illusion aux contribuables qu'il gère efficacement son propre budget, qu'il respecte son engagement de réduire à zéro son déficit annuel d'ici l'an 2000, ce gouvernement déverse une bonne partie de ses responsabilités sur le dos des municipalités, les forçant même à s'endetter et à taxer pour faire face à ce pelletage excessif. Mais on n'augmente pas les taxes, dit le premier ministre.

Quand on sait que de plus en plus les municipalités doivent se substituer au gouvernement pour assurer des services autrement dispensés par ce dernier – qu'on pense à l'entretien des routes, au financement du transport en commun et bientôt le service de police – on peut facilement imaginer qui aura à payer la note en bout de piste: les payeurs de taxes dans les municipalités. On a vu dernièrement que même les régies régionales de santé, pour exécuter la commande du ministre de la Santé, devront, elles aussi, recourir encore plus aux emprunts.

L'éditorialiste de La Tribune de Sherbrooke, M. le Président, a d'ailleurs bien saisi le drame qui se pointe à l'horizon. Il dit, et je le cite: «Mais le danger est réel de créer la pauvreté des collectivités et la pauvreté des moyens, désagréger le tissu social et détruire des institutions bâties de longue date.» Fin de la citation.

Comment ce gouvernement, M. le Président, peut-il nier cette évidence et rester sourd aux récriminations des régions qui, lentement mais sûrement, se vident de leur substance? Le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police, n'est en fait rien d'autre que la propre incurie du gouvernement dans sa recherche de solutions pour atteindre son objectif de déficit zéro. Mais voilà, il privilégie les solutions faciles, celles qui ne nécessitent aucun effort, pour pouvoir oser prétendre qu'il a fait le ménage dans ses finances publiques, pendant que les municipalités, elles, sont en train d'étouffer sous le poids des nouvelles responsabilités, sans avertissement et sans transfert de ressources financières. Et tantôt, M. le Président, le gouvernement va demander aux mêmes municipalités d'ouvrir leur bourse pour faire du développement régional, mais le gouvernement l'aura vidée avant et, encore une fois, il y aura augmentation de taxes municipales pour favoriser le développement local.

Nous avons à maintes reprises, comme opposition officielle, M. le Président, dénoncé le double langage de ce gouvernement. Je dois reconnaître que ce projet de loi nous donne encore raison. Le gouvernement s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur de l'autonomie municipale et contre l'imposition de solutions mur à mur. L'autonomie municipale, dans le projet de loi, M. le Président, en prend pour son rhume. En effet, on ne laisse guère le choix aux municipalités en les obligeant à conclure une entente avec la Sûreté du Québec pour ses services de police. Il en sera de même pour toutes les municipalités, indépendamment de leur expérience ou de leur situation particulière.

Pour imposer sa police aux municipalités, le ministre nous dit que les services seront meilleurs. Permettez-moi d'en douter, M. le Président. Ce pelletage est la conséquence directe de l'incapacité de ce gouvernement de créer les emplois nécessaires à l'augmentation des revenus du gouvernement. Alors, il a décidé de culpabiliser et surtout d'accuser les autres: les coupables, ce sont les commissions scolaires; les coupables, ce sont les municipalités; c'est aussi les entreprises; les coupables, ce sont aussi les employés du secteur public. Les coupables, les grands coupables: les contribuables. Alors, tout le monde doit payer pour l'incapacité de ce gouvernement et, au premier rang, les municipalités. C'est inacceptable, M. le Président.

(15 h 20)

Le gouvernement se prépare d'autres problèmes en traitant aussi cavalièrement le monde municipal. Il subira les lourdes conséquences au plan politique, mais aussi sur le plan du bon fonctionnement du gouvernement dans son ensemble. Il y va de la crédibilité et de la qualité des relations du gouvernement avec ses partenaires du monde municipal. Et dire, M. le Président, qu'on nous parle de régionalisation. Ça augure bien curieusement pour l'avenir. Et c'est pour toutes ces raisons que je vais voter contre le principe du projet de loi n° 77.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je vais céder la parole, maintenant, à M. le député de Laporte. M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, le gouvernement du Québec nous propose un projet de loi qui s'intitule Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives et qui vise à faire en sorte d'imposer littéralement à plusieurs municipalités du Québec, de très nombreuses municipalités du Québec, les services de la Sûreté du Québec pour surveiller le territoire de ces municipalités-là, les petites municipalités, sans laisser aux municipalités le choix du service de police dont elles voudraient se doter.

On sait que, jusqu'à maintenant, les petites municipalités du Québec, celles qui ont moins que 5 000 de population, avaient le choix: elles pouvaient s'organiser entre elles ou elles pouvaient faire un contrat avec la Sûreté du Québec, si tel était leur désir et, à ce moment-là, elles payaient une somme qui était fixée à 0,10 $ par 100 $ d'évaluation. À partir de maintenant, avec la nouvelle loi, les municipalités n'auront plus le choix. Avant ça, elles pouvaient – bon, je l'ai dit – contracter avec la Sûreté du Québec, mais elles pouvaient aussi s'organiser entre elles. Elles pouvaient se liguer avec d'autres municipalités adjacentes et former un corps de police intermunicipal qu'elles géraient en commun avec d'autres municipalités, ce qui leur permettait d'atteindre les objectifs qu'elles recherchaient tant sur le plan de la sécurité du territoire que sur le plan budgétaire.

Le gouvernement impose dorénavant une camisole de force aux petites municipalités. Il dit: Vous devrez dorénavant faire affaire avec la Sûreté du Québec. Et pas à n'importe quel coût, M. le Président. On augmente, on double pratiquement la facture. Les municipalités devront payer 0,18 $ par 100 $ d'évaluation pour les services de la Sûreté du Québec. C'est donc important comme augmentation pour les municipalités du Québec. Et la question qu'on doit se poser, c'est: Est-ce que ça correspond à une meilleure protection du territoire pour les municipalités? C'est ce que nous allons tenter de voir.

Mais, avant d'aller plus loin, il apparaît que cette opération du gouvernement du Québec est une vaste opération qui tente d'aller siphonner des fonds dans les municipalités du Québec. D'après les estimés, l'opération complète du projet de loi n° 77 devrait coûter à peu près autour de 50 000 000 $ de plus au monde municipal, de plus que maintenant. Si on prend, là, les coûts qui ont été estimés à 0,18 $ du 100 $ d'évaluation, plutôt que 0,10 $, plus le 8 000 000 $ que le gouvernement impose au monde municipal pour défrayer une partie des frais de l'école de police, ça fait à peu près 50 000 000 $ de plus. C'est donc une vaste opération de siphonnage d'argent auprès des municipalités pour tenter de renflouer la caisse du gouvernement.

C'est une opération qui apparaît relativement improvisée. Et, là-dessus, M. le Président, ça me fait peur un peu parce que c'est la deuxième fois en dedans d'une semaine qu'on voit le gouvernement s'attaquer au monde municipal, littéralement imposer d'une façon unilatérale des coûts additionnels au monde municipal sans qu'il y ait eu quelque consultation que ce soit, ou à peu près pas de consultation. Et, à titre d'ex-ministre des Affaires municipales, et à titre d'ancien maire d'ailleurs, je dois dire que je suis profondément choqué de voir le manque de sensibilité de ce gouvernement-là à l'endroit du monde municipal.

Quand on parle du monde municipal, on ne parle pas de n'importe quoi. On parle d'un régime démocratique d'élus municipaux qui ont subi les affres d'élections, qui ont posé leur candidature, qu'ils soient conseillers municipaux ou qu'ils soient maires, qui ont dû présenter à leur population respective des programmes, des projets et qui ont été élus sur la base d'engagements qu'ils ont pris à l'endroit de leurs concitoyens. Or, quand vous vous faites élire, que ce soit au niveau municipal ou ailleurs, vous avez la responsabilité d'accomplir les promesses que vous avez faites, et les élus municipaux, comme nous, s'engagent, lorsqu'ils se présentent aux élections municipales, à réaliser un certain nombre de choses, dont, entre autres, à équilibrer des budgets et autant que possible à réduire le fardeau fiscal de leurs contribuables.

Et voici que le gouvernement du Québec décide tout à coup de leur transférer des responsabilités. Il y a des sommes d'argent additionnelles qu'elles doivent payer, ces municipalités-là, au gouvernement du Québec, ou enfin dans l'exercice de leurs fonctions, sans pour autant avoir été consultées ni avoir eu le temps de se préparer.

On a vu la semaine dernière le ministre des Finances se lever ici, en Chambre, et nous annoncer ex cathedra que le monde municipal venait de perdre 76 000 000 $. On venait couper d'un seul coup, par une simple déclaration du ministre des Finances, une somme de 76 000 000 $ qui était le remboursement d'une partie de la TVQ aux municipalités. Et le ministre des Finances, à qui on faisait le reproche de ne pas avoir consulté le monde municipal, nous a dit: C'est une mesure fiscale, il n'est pas dans les traditions du gouvernement d'annoncer d'avance ces augmentations de taxes; on doit respecter le secret du budget ou le secret fiscal, et c'est pour ça qu'on n'a pas du tout consulté les municipalités.

M. le Président, c'est mal connaître le monde municipal que de réfléchir ainsi et de parler ainsi. Le monde municipal, ce n'est pas un simple citoyen ordinaire qui pourrait peut-être être avantagé, s'il connaissait d'avance l'imposition d'une taxe. On comprend ça, que le ministre des Finances n'ira pas dire, la veille: Demain, je vais augmenter les taxes sur l'essence, par exemple. On sait bien que plusieurs citoyens iraient se précipiter à la pompe, la veille, pour faire le plein d'essence et pourraient, de cette façon-là, jouir d'un avantage par rapport à d'autres.

Mais, quand on parle du monde municipal, c'est différent. Il est bien évident que, quand le ministre des Finances nous dit: Je vais cesser de rembourser 76 000 000 $ de la taxe de vente, même s'il l'avait télégraphié un mois d'avance, s'il en avait discuté avec les élus municipaux, ça n'aurait en aucune façon changé quoi que ce soit. Le gouvernement n'aurait pas été appauvri d'autant par le fait que le monde municipal aurait été mis au courant, parce que c'est une taxe qui a de toute façon été imposée, et on aurait pu la percevoir.

C'est un peu la même chose ici pour les corps de police. Que le gouvernement s'assoie à la Table Québec-municipalités et en discute franchement avec ses partenaires, ça n'aurait pas fait en sorte de priver le gouvernement de quelque somme d'argent que ce soit. Donc, l'argument qu'on nous sert est tout à fait irrecevable.

Le monde municipal, c'est un monde d'élus, comme nous, qui ont à répondre devant leurs citoyens de leurs budgets, et le gouvernement du Québec se doit de les respecter et de leur donner la chance de pouvoir respecter ces budgets-là. Mais, quand on leur lance par la tête des nouvelles taxes, quand on leur impose des charges additionnelles sans les avoir prévenus, bien, on les met devant le fait accompli, et les élus municipaux sont obligés de dire à leurs citoyens: Je regrette, je m'étais trompé, les sommes d'argent dont je dispose sont inférieures à ce que j'avais pensé, j'avais mal planifié, mais incidemment ce n'est pas ma faute, c'est le gouvernement du Québec qui nous a refilé des factures qui n'étaient pas attendues.

(15 h 30)

M. le Président, ça me fait un peu rire quand je vois ça – ou plutôt pleurer, je devrais dire – parce qu'on a souvent entendu ici, en cette Chambre, les représentants du gouvernement du Parti québécois venir se plaindre à l'infini des gestes du gouvernement fédéral, du mauvais gouvernement fédéral, nous disaient-ils, qui refile aux provinces canadiennes une partie de son déficit. Combien de fois avons-nous entendu les députés du Parti québécois venir nous casser les oreilles avec cet argument-là: Le gouvernement fédéral se déleste sur les provinces d'une partie de son déficit?

M. le Président, c'est exact que le gouvernement fédéral a réduit ses transferts aux provinces, mais pas seulement au Québec, à toutes les provinces, et c'est un peu compréhensible, parce que ces sommes d'argent là, elles étaient carrément empruntées. On connaît l'étendue du déficit du gouvernement, il était immense. Il est de moins en moins immense, on doit le dire d'ailleurs. Et le déficit du fédéral rétrécit toujours. Mais les sommes d'argent qui étaient transférées aux provinces, c'étaient des emprunts. Alors, c'était un peu difficile à expliquer, que le fédéral allait emprunter de l'argent pour le transférer aux provinces. Si ça avait été des surplus ou des sommes de son budget, ça aurait été compréhensible. Mais, dans la mesure où le fédéral ne réussissait pas à boucler son budget, on comprend qu'il ait voulu diminuer ses transferts aux provinces.

Mais là, M. le Président, il y a la manière, et c'est ça que le Parti québécois n'a pas compris, la manière de faire les choses quand on est sérieux et respectueux de ses partenaires. Le fédéral a publié, il y a trois ans, ou quatre ans même, un plan de réduction des transferts aux provinces. On a dit: Voici les sommes d'argent que vous recevrez en 1994-1995, voici ce que vous recevrez en 1995-1996, en 1996-1997, en 1997-1998. On a mis chacune des années qui s'en venait, deux ans, trois ans, quatre ans à l'avance, et on a dit: Voici ce que vous recevrez, de sorte que, le gouvernement du Québec savait d'avance et sait toujours d'avance quel montant d'argent il recevra d'une année à l'autre en transferts fédéraux. Et ces sommes-là, bien sûr, elles ont été en diminuant, mais, au moins, le gouvernement du Québec, en préparant ses budgets annuels, savait à quoi s'en tenir.

Ce n'est pas ça que fait le gouvernement du Parti québécois à l'endroit des municipalités. Il fait tout à fait le contraire. Aucune planification, tout est laissé à l'improvisation la plus totale. Le gouvernement navigue d'année en année. Et quand il se rend compte, dans une année donnée, que ses revenus ont diminué ou que ses dépenses ont augmenté...

Exemple. Le cataclysme qu'on a connu au Saguenay–Lac-Saint-Jean, les inondations, ça a coûté un peu d'argent au gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec décide d'aller taxer les municipalités ou chercher de l'argent ailleurs parce que ce n'était pas prévu et qu'il n'y avait aucune réserve. Et, plutôt que de dire au monde municipal bien franchement: Nous pensons que nous pourrions vous transférer des dépenses additionnelles, nous pensons que nous pourrions récupérer du monde municipal en général une certaine somme d'argent ou diminuer nos transferts aux municipalités et nous allons le faire selon un programme dont nous allons discuter avec vous – ce que le fédéral avait fait, d'ailleurs, avec les provinces – et, ensuite de ça, on appliquera ce programme de réduction... Là, le gouvernement, s'il faisait ça, au moins, aurait le respect du monde municipal. Le monde municipal dirait: On n'est peut-être pas d'accord, mais le gouvernement s'est assis avec nous, en a discuté avec nous, nous a avisés d'avance, nous a donné le plan de réduction, et, au moins, quand on prépare nos budgets, on le sait d'avance et on prévoit en conséquence. Ça, ça serait de la bonne gestion et ça serait le geste d'un gouvernement responsable, qui a le respect de ses partenaires.

Mais, ce n'est manifestement pas le cas de ce gouvernement-là, qui n'a aucun respect du monde municipal, aucun respect. M. le Président, ce n'est qu'arrogance, ce n'est que mépris envers le monde municipal. Et pourtant, les élus municipaux, ce sont des partenaires, ce sont des élus comme nous. Et le gouvernement du Québec, depuis plusieurs années d'ailleurs, a formé un lieu de rencontre où les élus municipaux et les élus du Québec – enfin, le gouvernement du Québec – se rencontrent régulièrement pour discuter des problèmes qui existent entre les deux paliers de gouvernement, pour discuter aussi de la législation qui s'en vient. Je le sais, M. le Président, j'ai été à ce poste-là, et mon collègue le leader du gouvernement aussi, et nous avons toujours respecté ce cheminement-là.

M. le Président, j'ai été ministre des Affaires municipales pendant au-delà de deux années. Jamais je n'ai déposé un projet de loi ici sans en avoir discuté auparavant avec le monde municipal, avec les représentants de l'Union des municipalités du Québec, de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Bien sûr, on ne leur a pas donné le texte du projet de loi, mais on a discuté de ses implications. Très souvent nous avons eu à nous en féliciter, parce qu'il y a beaucoup de sagesse dans le monde municipal, ce sont des gens qui sont proches des citoyens, des gens qui ont, M. le Président, le pouls de la population et qui savent ce qui convient le mieux au monde municipal. En consultant ces gens-là, en discutant avec eux, on ne peut retirer que des avantages.

Ce gouvernement-là est un gouvernement qui méconnaît le monde municipal, qui semble n'y avoir aucune racine ni, comme je le disais tout à l'heure, aucune sensibilité à son endroit. Et on le voit à l'occasion du dépôt d'un projet de loi comme celui-ci, la loi n° 77, qui impose littéralement au monde municipal une seule voie, la voie des services de police imposés à toutes les municipalités qui ont 5 000 habitants ou moins. Et, pour celles qui ont 5 000 habitants ou plus, là, M. le Président, on leur laisse le choix d'avoir leur propre corps de police, mais on vient leur imposer une taxe additionnelle, encore là, sans aucune négociation. Sans avoir saisi le monde municipal de l'intention, on leur impose une taxe pour financer les services de l'école de police de Nicolet. M. le Président, la décence aurait voulu que le gouvernement en discute avec ses partenaires du monde municipal.

Mais revenons aux municipalités de 5 000 habitants ou moins. Celles-là devront, M. le Président, accepter d'office les services de la Sûreté du Québec et un tarif prévu d'avance, 0,18 $ par 100 $ d'évaluation, donc majoré d'à peu près 100 % par rapport à ce qui existait précédemment. Et la question qu'on doit se poser, c'est: Est-ce que, sur le territoire du Québec, finalement, on aura un meilleur service policier dans nos petites municipalités? Parce qu'on sait, M. le Président, quand on demeure dans une petite municipalité, qu'on ne voit pas tous les jours une voiture de police qui circule sur la rue ou dans le rang, pour ceux qui demeurent dans des rangs. M. le Président, on n'en voit jamais, à toutes fins pratiques, des automobiles de police dans les petites municipalités ou dans les campagnes.

Je le sais, M. le Président, parce que j'y réside. Quand je vois une voiture de police passer devant chez moi, M. le Président, je peux faire allumer un lampion, je peux vous assurer que ça ne se produit pas. Maintenant, c'est possible que je sois malchanceux, qu'il n'en passe pas sur ma rue, sur mon rang, mais c'est un fait, on n'en voit pas beaucoup. Maintenant, pour ceux qui conduisent leur véhicule automobile un peu rapidement, ça peut être commode de ne pas rencontrer trop souvent des automobiles de police, mais quand il y a des problèmes qui se posent, quand on a besoin de secours, quand on a besoin de protection, là on réalise comment, évidemment, le territoire du Québec est grand par rapport au nombre de policiers, parce que le nombre de policiers, il diminue d'année en année. M. le Président, quand on regarde ça, on est passé, en 1993-1994, de budgets de 412 000 000 $ qui sont constamment en réduction. Quand on regarde les budgets qui sont déposés année après année par le gouvernement du Québec, on voit que les budgets sont réduits, année après année, pour le service de la police. C'était 412 000 000 $ en 1993-1994, 388 000 000 $ l'année dernière, 368 000 000 $ cette année. Ça va en diminuant. Et le nombre de policiers aussi diminue.

Alors, la question qu'il faut se poser, c'est: Comment pourra-t-on augmenter le territoire de la Sûreté du Québec, enfin, si un grand nombre de petites municipalités maintenant doivent faire affaire avec elle, alors qu'on réduit le nombre de policiers et les budgets? M. le Président, la conclusion qui s'impose d'emblée, c'est que probablement que le service va être beaucoup moins bon. Ce n'est pas la faute de la Sûreté du Québec, M. le Président, car on leur demande de couvrir plus de territoire avec moins de policiers et moins d'argent. Alors là, c'est la sécurité des citoyens qui est en cause.

(15 h 40)

M. le Président, vous me faites signe que mon temps va bientôt être épuisé. Je voudrais simplement dire, puisqu'on va devoir clore bientôt, que, quant à moi, je suis profondément attristé de voir le gouvernement du Québec nous arriver avec un projet semblable, un projet qui est improvisé manifestement – ça sent l'improvisation – qui n'est apporté ici que dans le but de permettre au gouvernement de récupérer des millions de dollars, qui ne tient pas compte du tout de l'intérêt des régions du Québec, des petites municipalités, des citoyens qui ont besoin de protection, qui enlève toute liberté aux municipalités de négocier les meilleures solutions possible, plusieurs d'entre elles, qui va probablement les forcer à se fusionner. Parce que c'est ce qu'on voit en filigrane ici: Fusionnez-vous, vous aurez plus de 5 000 de population, alors peut-être qu'on vous permettra d'avoir votre propre corps de police!

M. le Président, ce n'est pas évident qu'en fusionnant des municipalités on a un meilleur service, on a une meilleure qualité de vie. Il y a beaucoup de municipalités au Québec qui s'en tirent très bien avec des petits budgets, et les citoyens sont parfaitement heureux de vivre dans des municipalités de taille plus petite. Alors, M. le Président, je ne peux que déplorer, en conclusion, un projet de loi semblable, un projet de loi manifestement qui est apporté dans le but d'économiser de l'argent et non pas de venir en aide aux citoyens du Québec. Ce n'est pas comme ça que le gouvernement va rassurer les citoyens du Québec et ce n'est pas comme ça que le gouvernement va faire en sorte de donner confiance en la Sûreté du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Le prochain intervenant, M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition.

M. Paradis: Il fut un temps, M. le Président, où les ministres organisaient, conformément à une décision d'un de vos prédécesseurs, leur agenda de manière à prioriser les travaux de l'Assemblée nationale du Québec. Je déplore, M. le Président, que ce ne soit pas le cas de l'actuel gouvernement. Peut-être que le ministre qui nous présente ce projet de loi, le ministre de la Sécurité publique, aurait avantage à suivre la décision de votre prédécesseur. Il pourrait en apprendre sur le véritable contenu du projet de loi et sur...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement, sur une question de règlement.

Mme Caron: M. le Président, on ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne fait pas directement. Le leader de l'opposition, en disant que les ministres devraient voir à arranger leur agenda pour suivre les travaux en cette Chambre, soulignait l'absence du ministre, et il n'a pas le droit de le faire. Il sait très bien que nous sommes aujourd'hui mercredi et que c'est le Conseil des ministres, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, brièvement, sur la question de règlement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le Président, ce n'est pas le premier mercredi que l'Assemblée nationale siège. L'Assemblée nationale siège tous les mercredis. Et la décision de votre prédécesseur faisait en sorte que les ministres étaient invités par l'Assemblée nationale – et c'est votre devoir de le faire – à prioriser leur agenda en fonction du respect des travaux de l'Assemblée nationale du Québec, M. le Président, et je vous invite très modestement à maintenir cette décision de votre prédécesseur.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est une décision qui a été indicative. Alors, elle demeure indicative, et il faut laisser au gouvernement le soin de l'interpréter et de l'appliquer à bon escient. C'est lui qui a, si vous voulez, à gérer cette décision-là, et non pas le président. C'est assez bizarre de dire ça, mais, comme c'est indicatif... Et vous savez très bien qu'il y a toutes sortes de circonstances qui peuvent justifier, à un moment ou l'autre, l'absence de membres de cette Assemblée. Moi, je n'ai pas, dans chaque cas, à intervenir pour juger et décider de la justesse, si vous voulez, de l'absence ou de la présence, dans des cas particuliers. C'est une directive générale et c'est laissé au gouvernement de l'appliquer à bon escient. M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Constatant, M. le Président, que le gouvernement a choisi de ne pas l'appliquer en ce mercredi, j'en viens au sujet qui nous amène devant vous. Un projet de loi sur la sécurité publique, un projet de loi sur la Loi de police, ça devrait normalement rallier à peu près tous les intervenants en cette Chambre, ça devrait rallier l'unanimité des parlementaires, un tant soit peu que ce soit véritablement un projet de loi sur la police puis un projet de loi qui vise à améliorer la sécurité des populations que nous représentons ici, à l'Assemblée nationale du Québec.

M. le Président, à la lecture du projet de loi, on s'aperçoit qu'il s'agit, comme l'a indiqué le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Frontenac, d'une mascarade. En fait, tout ce que ce projet de loi là fait, c'est qu'il fait en sorte que les services de police ne soient nullement améliorés, que dans certains cas ils soient diminués. Ça fait en sorte que la formation des policiers ne soit en aucune façon modifiée – c'est la même formation qui va être donnée aux policiers – puis ça fait en sorte que les payeurs de taxes que l'on représente ici, qu'ils soient propriétaires ou locataires, dans chacune de nos circonscriptions électorales, doivent payer davantage de taxes. Combien de taxes? Une cinquantaine de millions de plus.

Pourquoi à ce moment-ci tenter d'aller chercher 50 000 000 $ de taxes de plus dans la poche des contribuables québécois? Pour simplement maintenir sinon diminuer des services de sécurité publique parce que les revenus ne rentrent pas au gouvernement du Québec, parce que ce gouvernement-là n'a pas réussi à créer d'emplois, parce que, depuis la venue du nouveau premier ministre, il y a 10 mois, il s'est perdu 54 000 emplois au Québec. Ça, c'est 200 emplois par jour qui se perdent. Ça, c'est moins de monde qui à chaque jour contribue à la création de la richesse au Québec et plus de monde qui doit dépendre des services sociaux pour maintenir une certaine subsistance, moins de monde également parce que ce gouvernement-là, avec ses politiques, fait en sorte que notre bilan migratoire soit négatif.

Il y a 7 000 personnes de moins au Québec, au moment où nous nous parlons, qu'au moment où le nouveau premier ministre, il y a 10 mois, est entré en fonction. C'est 7 000 payeurs de taxes de moins. Quand on regarde les derniers états financiers – et le député de Laporte en a parlé, qu'il y a un manque à gagner de 245 000 000 $ dans les six premiers mois – on a donc besoin de nouvelles taxes, et on se cache derrière un projet de loi dit Loi de police pour aller chercher des taxes additionnelles. Et on le fait sur le plan parlementaire, M. le Président, en bousculant l'Assemblée nationale du Québec, en faisant en sorte que l'Assemblée siège en pleine nuit, toute la nuit dernière. D'ailleurs, quand on est intéressé à aller piger ou fouiller dans les poches des contribuables, c'est plus sécurisant de le faire la nuit. Peut-être, comme ça, qu'il y a moins de gens qui vont s'en rendre compte... pour le moment. Mais, lorsque l'argent va sortir de leurs poches, avec le prochain compte de taxes, tout le monde va s'en rendre compte.

M. le Président, c'est donc un projet de loi qui crée des taxes, un projet de loi également qui ne crée pas d'emplois, qui, au contraire, va faire en sorte que les emplois diminuent dans les régions, que les corps policiers municipaux régionaux, devant le refus du ministre de leur accorder certaines juridictions, fassent en sorte qu'ils congédient des policiers dans nos régions, un projet de loi qui va diminuer la sécurité à laquelle est en droit de s'attendre la population du Québec.

Le député de Laporte en a fait mention tantôt, il y a beaucoup de députés libéraux qui se sont levés en cette Chambre et qui ont décrit la situation de la sécurité publique dans leur comté. Il y a beaucoup de députés péquistes qui sont restés assis parce qu'ils savaient que ce qui était dit était vrai. Dans ma circonscription électorale de Brome-Missisquoi, qui s'étend entre le lac Champlain et le lac Memphrémagog, la nuit, il n'y a qu'une voiture de police qui patrouille 100 milles de long par 50 milles de large, et, au moment où les municipalités veulent s'entendre et s'organiser – et c'est le cas de la municipalité de Bedford, de la municipalité du canton de Bedford et de la municipalité de Stanbridge Station – pour former un corps de policiers municipaux pour libérer la Sûreté du Québec de certaines fonctions ou d'une partie du territoire, pour faire en sorte que la population soit mieux protégée, le ministre de la Sécurité publique offre des fins de non-recevoir à ces gens qui veulent se prendre en main en région, tant et si bien que, suite à ce refus, l'an prochain, à Bedford, au lieu d'avoir six policiers, bien, il va peut-être y en avoir quatre ou trois. C'est comme ça qu'on diminue la sécurité pour les gens de Bedford et des environs et c'est comme ça qu'on fait en sorte que la Sûreté du Québec ait un territoire impossible à surveiller, compte tenu des moyens qui sont mis à la disposition de la Sûreté du Québec.

Donc, M. le Président, un projet de loi qui crée des taxes additionnelles pour les Québécois, un projet de loi qui diminue l'emploi dans les régions du Québec, un projet de loi qui diminue la sécurité publique minimum à laquelle les Québécois et les Québécoises qui résident dans le comté de Brome-Missisquoi ou dans les autres circonscriptions électorales au Québec sont en droit de s'attendre, un projet de loi qui également démasque encore une fois ce gouvernement.

(15 h 50)

On n'aura pas besoin de rappeler ici les clientèles qui se sont senties trahies par le gouvernement du Parti québécois. Vous avez vu les étudiants manifester cet automne parce qu'ils se sont sentis trahis par les engagements du gouvernement en place. Ces jours-ci, M. le Président, il ne se passe pas une journée sans que les fonctionnaires des réseaux public et parapublic, particulièrement les gens qui oeuvrent dans le domaine de la santé puis dans le domaine de l'éducation, ne manifestent ouvertement leur sentiment de trahison. Ils se sentent également trahis. À la veille du référendum, pour acheter leur vote, on leur avait promis des augmentations de salaire sur trois ans équivalant à peu près à 1 000 000 000 $.

Une voix: Et voilà!

M. Paradis: Le lendemain du référendum, ces gens-là sont en droit de se sentir trahis parce que le gouvernement, au lieu de donner suite à la signature qu'il a apposée au bas des contrats, a choisi de rouvrir unilatéralement ces contrats et de tenter de récupérer non seulement les augmentations qu'il avait consenties pour acheter le vote, mais encore davantage. C'est la répétition, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: À deux reprises, le leader de l'opposition a imputé des motifs indignes au gouvernement: «Acheter des votes», M. le Président. Il l'a répété à deux reprises. Alors, ça ne fait pas partie de notre règlement, selon l'article 35.6.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, rapidement, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Oui, je ne vois pas là, d'aucune façon, d'entorse à nos règlements, M. le Président.

Des voix: Ah! Ah!

M. Lefebvre: C'est une figure de style qui est reconnue depuis toujours. «Acheter un vote», M. le Président, étymologiquement, il n'y a pas d'infraction. C'est parfaitement correct, d'autant plus que c'est vrai.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, on ne peut pas, à partir de faits qu'on constate, induire des intentions, si vous voulez, à quelque personne que ce soit. Je veux bien constater ce qu'il y a eu ici avant et après, mais, de là à induire des intentions, le règlement ne le permet pas. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, on va laisser aux fonctionnaires le soin de tirer les conclusions, des gens qui, à la veille du référendum, ont reçu une augmentation ou se sont fait promettre des augmentations substantielles et, le lendemain du référendum, se font retirer ces augmentations substantielles. On leur laissera qualifier étymologiquement le geste du gouvernement.

Les gens de la justice, également. Les avocats qui débraient partout au Québec, on n'a jamais vu ça, M. le Président. Parce que ce gouvernement a renié ses engagements envers l'accessibilité à la justice. Et, pour ceux et celles qui en douteraient encore aujourd'hui, des gens qui habituellement ne manifestent pas beaucoup, des gens qui sont très patients et très endurants.

Une voix: Ils sont rendus à bout.

M. Paradis: Les producteurs agricoles, qui s'étaient fait promettre par les deux formations politiques à la veille des élections qu'on légiférerait pour leur assurer, en zone agricole, le droit de produire, étaient à l'hôtel Hilton, de l'autre côté de la rue, aujourd'hui. Ils ont accueilli le ministre de l'Agriculture. Moi, je vois l'ancien ministre de l'Agriculture qui, je pense, était content de ne pas être là aujourd'hui. Ils l'ont accueilli en rappelant tout simplement les engagements formels que le gouvernement avait pris à la veille du référendum, également quant au droit de produire...

Une voix: Ouais.

M. Paradis: ...puis ils les ont placés face à la réalité des règlements du ministre de l'Environnement.

Une voix: Trompés.

M. Paradis: Deux ans et demi après la promesse électorale. Et ces gens-là criaient, M. le Président, leur désespoir. Des jeunes agriculteurs, dans la salle, qui se sont sentis trompés et trahis par le gouvernement du Parti québécois, et aujourd'hui ce sont les maires.

Le député de Laporte l'a mentionné – il a été ministre des Affaires municipales, j'ai également eu l'occasion d'occuper cette fonction – il n'y a pas de personnes, ou de personnages, devrais-je dire, politiques qui aiment mieux collaborer avec les gouvernements que les élus municipaux, que les maires et les échevins de nos municipalités. Moi, j'en compte 34, municipalités, dans le comté de Brome-Missisquoi. Ces gens-là ont toujours collaboré, beau temps, mauvais temps, avec les gouvernements en place puis avec le député en place. C'est la même chose dans votre comté, madame, puis c'est la même chose dans le comté du député de Bellechasse, qui suit attentivement nos débats.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, depuis le nombre d'années que le leader de l'opposition est dans cette Chambre, il sait très bien qu'il doit s'adresser à vous, M. le Président, et non s'adresser à quelque député que ce soit.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, bon. Enfin, je crois qu'il s'est adressé à moi, dans les circonstances. À vous? Ah! bon, écoutez. Peut-être, mais, vous savez, vous ferez attention à l'avenir, M. le leader.

M. Paradis: M. le Président, il y a des gens qui ont l'épiderme sensible. Et je m'adresse à vous, M. le Président. Ces gens-là, finalement, ont raison de se sentir trahis et ils constatent comme nous que le gouvernement a un double langage. J'en étais à parler des maires, qui sont des collaborateurs de premier plan, des élus, des gens qui sont responsables. Je faisais appel à l'ensemble des députés. Il y a combien de maires qui vous ont appelé, dans vos comtés... Combien de maires vous ont appelé, M. le Président? Combien de maires ont appelé les députés péquistes, de l'autre côté de cette Chambre, pour leur dire: On veut le projet de loi n° 77, on veut et on insiste pour avoir 50 000 000 $ de plus de taxes à passer à nos contribuables? Combien de maires ont appelé pour vous demander une diminution des services de sécurité publique à la population du Québec, M. le Président? S'il y en a de l'autre côté qui ont reçu des résolutions dans ce sens-là, moi, je vous serais obligé de les déposer. Parce que tous les maires, de ce côté-ci, puis on en représente qui ont des allégeances soit libérales, soit péquistes, tous les maires s'opposent à ce projet de loi. Il n'y a pas un citoyen qui a réclamé un tel projet de loi. Il n'y a pas un citoyen qui a réclamé 50 000 000 $ de taxes additionnelles. Et, moi, ça m'explique des choses.

Habituellement, M. le Président, dans un débat comme celui-là, il y a des députés de l'opposition qui se lèvent pour parler puis il y a des députés ministériels qui se lèvent pour parler. J'ai écouté tout au long de la nuit les débats. Il n'y a pratiquement pas de députés ministériels qui se sont levés pour parler, et je les comprends. C'est un signe d'intelligence. Il y en a, je pense, trois, à date, qui ont osé parler quant au contenu de ce projet de loi. Ces trois-là n'ont pas encore réalisé quel était le contenu du projet de loi; les autres l'ont sans doute réalisé.

La présidente de l'Union des municipalités régionales de comté, Mme Jacinthe Simard, que vous connaissez bien, M. le Président, et qui n'est pas réputée pour ses sympathies ou sa proximité avec le Parti libéral du Québec – au contraire, si, dans le passé, elle a manifesté des sympathies, c'était avec l'autre formation politique – face à un tel projet de loi, elle s'exprimait ainsi, par l'entremise du Journal de Québec du 22 octobre 1996, à la page 10: «La présidente de l'organisme, Mme Jacinthe Simard, en a contre les 50 000 000 $ et plus que le ministre a décidé de refiler aux municipalités.» Ce n'est pas un député libéral qui vous parle, c'est la présidente des maires, des échevins. Elle représente à peu près 1 200 municipalités au Québec, dans toutes les régions du Québec. «Elle en a également contre l'intention annoncée par le ministre de faire adopter une loi pour empêcher les municipalités de créer leur propre corps de police.» Parce que c'est ça que ça fait, la loi qui est devant nous. «La présidente de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec déplore que le ministre n'ait pas tenu compte des 700 résolutions d'opposition à son projet de réorganisation policière.» Sept cents résolutions d'opposition de conseils municipaux, il me semble que ça devrait, à un moment donné, commencer par faire réfléchir quelqu'un de l'autre côté de la Chambre; pas une en faveur puis 700 contre.

(16 heures)

À un moment donné, ça en prend combien pour que ces gens-là comprennent que le rôle de député n'est pas celui de vendeur du projet de loi du gouvernement aux électeurs, qu'ils aiment ça ou qu'ils n'aiment pas ça, mais que le rôle de député, qu'on soit ministériel ou de l'opposition, c'est celui de défenseur des citoyens et des intérêts des citoyens, défenseur des municipalités et des intérêts des municipalités, comme tel, quand ça converge avec les intérêts de la population du Québec? Combien de temps ça va prendre à ces gens-là pour comprendre que c'est ça, le rôle d'un député, comme tel, et se lever en cette Chambre et dire: Oui, dans mon comté de Bonaventure, moi aussi, mes maires s'opposent à ce projet-là; oui, dans mon comté de Bellechasse; oui, dans mon comté de La Prairie, mes maires s'opposent à ce projet de loi, comme les travailleurs de la fonction publique s'opposent au coup de force du gouvernement et à la réouverture des conventions collectives? Ça ne prend pas tant de courage que ça pour se lever en cette Chambre et dire la vérité. Ça prend beaucoup plus de mollesse pour rester assis et devenir complice d'un ministre qui n'a rien compris à la situation et qui est le pantin du ministre des Finances dans le cadre de ce projet de loi, M. le Président. Ce n'est pas un projet de loi de sécurité publique, c'est un projet de loi strictement de fiscalité. Le seul objet, c'est d'aller fouiller dans les poches des contribuables, et on ne comprend pas pourquoi ce n'est pas le ministre des Finances qui, ce coup-là aussi, a présenté le projet de loi.

M. le Président, moi, je n'oserais pas être aussi dur que Mme Simard à l'endroit du ministre, mais je suis obligé de vous rapporter complètement les faits, de citer au texte Mme Simard, dans le même article du même journal auquel vous pouvez vous référer, M. le Président: «L'Union des municipalités régionales de comté – et on va comprendre pourquoi on se retrouve devant un tel projet de loi – estime que le ministre de la Sécurité publique – elle mentionne son nom, M. le Président, le ministre de la Sécurité publique, vous savez c'est qui, vous, puis la population aussi – n'est pas intelligent.»

M. le Président, c'est la présidente de l'Union des municipalités régionales de comté qui s'exprime comme ça...

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...ici, vous le savez, répéter toujours la façon dont les gens s'expriment à l'extérieur de la Chambre. Alors, on ne peut pas – c'est une règle qu'on applique – faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, ne serait-ce qu'en citant les paroles d'un autre.

M. Paradis: M. le Président, je m'en excuse. Moi, je connais Mme Simard comme une gentille dame, bien éduquée, délicate et habituellement réservée quant aux expressions qu'elle emploie et surtout une dame de bon jugement. Donc, je lui laisse ses paroles, je n'ai pas le droit de les prononcer, mais je peux l'assurer que je les partage, M. le Président, dans ce cas-ci.

M. le Président, dans quelques minutes, l'Assemblée nationale aura à se prononcer sur ce projet de loi. Les députés de toutes les formations politiques, et surtout les députés d'en face, à qui je m'adresse, auront le choix de défendre les intérêts de leurs électeurs et de leurs électrices ou, après avoir manifesté suffisamment d'intelligence pour se taire tout au long du débat, devenir tout à coup les marionnettes serviles d'un gouvernement qui ne vise qu'à taxer davantage, qu'à diminuer l'emploi au Québec et qu'à diminuer la sécurité publique à laquelle les Québécois et les Québécoises sont en droit de s'attendre. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Brome-Missisquoi. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, il n'y a plus d'autres intervenants.

Nous allons mettre aux voix l'adoption du principe du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives. Ce principe est-il adopté?

Une voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote par appel nominal. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Vote reporté

Mme Caron: Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes demain.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote est reporté à la période des affaires courantes de demain. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 14 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 78


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 14, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction. Alors, y a-t-il des intervenants?

Mme Caron: M. le Président, je vous demanderais de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de suspendre nos travaux quelques minutes, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes. Nous reviendrons bientôt.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Avant de quitter, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Strictement parce qu'on appelle un autre article du feuilleton – il s'agit d'un autre projet de loi – plusieurs députés sont retenus en commission parlementaire. Si on pouvait faire sonner les cloches lorsque le gouvernement sera prêt à procéder, à ce moment-là on s'assurera de la disponibilité et de la présence d'un maximum de députés.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, nous allons faire sonner les cloches pour appeler les députés pour entreprendre l'étude du prochain projet de loi. Nous allons suspendre entre-temps.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 19)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. Alors, nous allons entreprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre du Travail pour une intervention d'un maximum de 60 minutes. M. le ministre.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, c'est avec un bien grand plaisir, finalement, que j'interviens sur cette disposition législative que je propose aujourd'hui. Même si elle ne concerne au premier chef qu'un secteur spécifique de notre économie, c'est néanmoins intimement lié à toute notre structure industrielle et commerciale. Ça répond à des objectifs gouvernementaux fort importants et ça s'inscrit aussi en matière de développement économique dans ce qu'avait commencé à faire l'ancien ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie du gouvernement libéral, M. Tremblay. Deux mesures, donc, qui avaient été mises de l'avant par les libéraux à cette époque-là, et il devenait maintenant impérieux de terminer le travail.

(16 h 20)

Alors, deux grands objectifs, dois-je le rappeler, qui font l'objet d'un consensus unanime chez les partenaires du marché du travail. Je veux parler ici, d'une part, de l'allégement de la réglementation et de la réduction du fardeau administratif de même que législatif imposé aux entreprises et, d'autre part, de la consolidation de nos partenaires économiques, en l'occurrence nos partenaires naturels de l'Ontario.

Les dispositions du projet de loi n° 78, vous vous en rendrez compte, touchent plusieurs domaines du secteur de la construction, et cela, de différentes façons. Il s'agit, en effet, d'une série de modifications à des lois existantes, dont nous sommes convaincus que les effets cumulés introduiront une nouvelle flexibilité, une souplesse, dirais-je, favorisant l'activité de cette industrie, donc le maintien et l'augmentation des emplois. Ces modifications, M. le Président, sont fort variées, mais elles convergent toutes cependant vers un meilleur fonctionnement du marché du travail.

L'industrie de la construction occupe une place prépondérante dans l'économie du Québec, et ce que j'annonce aujourd'hui, au fond, c'est de développer un volume plus grand d'activité économique et un volume d'affaires plus considérable entre l'Ontario et le Québec, surtout dans un secteur aussi névralgique que la construction.

Elles concernent la qualification et la mobilité de la main-d'oeuvre, la reconnaissance des compétences et des expériences professionnelles, l'émission de licences et de permis relatifs à l'exécution de diverses catégories de travaux, le financement de la formation de la main-d'oeuvre, et des dispositions de nature technique concernant notamment l'adoption des règlements relatifs au régime d'avantages sociaux de cette industrie ainsi que les règles qui régissent l'émission aux salariés, par la Commission de la construction du Québec, des cartes de compétence ou des cartes reflétant leur choix d'une association représentative pour fins de négociation et de conclusion de conventions collectives.

Pour la compréhension des collègues et celle évidemment des membres de l'opposition, je présenterai donc les modifications, et en substance, qui portent sur trois grands objectifs. Je vais essayer de les résumer le plus simplement possible, de sorte qu'on puisse se comprendre.

L'entente Ontario–Québec sur la mobilité et la reconnaissance des compétences et des expériences de travail dans l'industrie de la construction: premièrement, mobilité et reconnaissance des compétences; deuxièmement, les assouplissements réglementaires quant aux permis d'exécution et au régime de qualification des entrepreneurs; et, troisièmement, les modalités d'application de certaines lois.

M. le Président, le Québec n'a jamais été une île, physiquement parlant, pas plus qu'il ne l'est aujourd'hui sur le plan de son développement économique, social, politique, scientifique, technologique et culturel. Québec vit dans un ensemble nord-américain avec lequel on doit composer. Nous vivons aujourd'hui sur un continent très dynamique où les accords commerciaux multilatéraux constituent la trame de fond de la croissance de l'économie. L'ALENA représente la plus évidente expression de cette intégration de l'économie continentale.

En tant que gouvernement responsable et garant des acquis sociaux et démocratiques, nous sommes aussi étroitement impliqués dans un accord parallèle, soit l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail. Le déploiement de l'activité économique du Québec dans cet axe nord-sud est tellement vital, c'est tellement vital pour son développement, bien, ça s'est effectué à un rythme que beaucoup de pays nous envient, d'ailleurs. Cependant, nous avons aussi tout près de nous un important partenaire naturel, l'Ontario, avec lequel nous partageons une longue histoire de collaboration sur le plan non seulement économique, mais également social et culturel.

Les modifications législatives que je soumets aujourd'hui, M. le Président, soutiennent et concrétisent la vision moderne du gouvernement en matière de partenariat économique. En fait, elles viennent en quelque sorte nous enlever une épine du pied. Je dis bien «une épine dans le pied», puisque, dans notre marche vers la conquête de nouveaux marchés extérieurs, la situation avec l'Ontario au regard de l'industrie de la construction était devenue tellement boiteuse que la province voisine envisageait des représailles contre nous. Et, s'il avait fallu qu'on tombe dans une guerre économique avec l'Ontario, je pense que personne ne se serait réjoui, au Québec et au Canada, d'une telle situation.

On a donc pris les bouchées doubles. On s'est assis sérieusement, puis on a négocié. On est parti de loin, mais je pense que l'effort en valait la peine. On est parvenu à une nouvelle entente sur la mobilité qui facilitera non seulement le flux de main-d'oeuvre dans cette industrie, mais ça va favoriser une économie beaucoup plus saine puis beaucoup plus compétitive. Cette entente met donc fin à des litiges de toutes sortes, et cela, pour le bénéfice des deux parties, des deux partenaires, le Québec et l'Ontario.

Je voudrais essayer de résumer succinctement les résultats des négociations avec le gouvernement ontarien. Je dois dire d'abord que j'ai été particulièrement heureux de constater l'ouverture de la ministre ontarienne du Travail, Mme Witmer, femme tout à fait agréable, de bonne compagnie et surtout ouverte aux changements, et qui voulait à tout prix éviter la guerre commerciale entre le Québec et l'Ontario. Le Québec a accepté de supprimer la double validation des compétences professionnelles imposées aux travailleurs domiciliés en Ontario. Dans la mesure où ils détiennent un certificat ontarien de qualification délivré par le ministère de l'Éducation et de la formation dans l'un des 22 métiers déjà appariés depuis 1994, bien, il n'y a plus de problème.

M. le Président, dans une industrie surréglementée, conventionnée comme l'industrie de la construction au Québec, il fallait faire preuve de grande souplesse et de compréhension pour en arriver à supprimer un tel irritant. Les travailleurs québécois de la construction ne sont pas soumis à cette double validation. Alors, pourquoi imposer la double validation aux travailleurs ontariens? On s'est posé la question, on l'a examinée et on l'a réglée.

Nous avons également consenti à exempter les entrepreneurs domiciliés en Ontario de l'obligation de subir les trois examens de vérification de connaissances exigés pour la délivrance d'une licence d'entrepreneur au Québec. Cependant, ce qu'il faut dire aussi, c'est que ces entrepreneurs sont exemptés dans la mesure où ils sont déjà inscrits depuis trois ans au programme ontarien de garanties de construction résidentielle neuve ou bien déjà enregistrés depuis cinq ans comme entrepreneurs en construction auprès du ministère ontarien de la Consommation et du Commerce. Très important.

Le Québec reconnaît en clair que les entrepreneurs ontariens qui sont déjà dans ce métier depuis trois ans et qui ont fait des travaux de qualité... On s'est dit que, s'ils sont bons en Ontario, ils devraient être bons au Québec. C'est ça, la simplicité évidemment dans le fonctionnement et la libre circulation des travailleurs et des entrepreneurs d'une province à l'autre.

Finalement, nous allons réduire le temps de traitement des dossiers soumis par les travailleurs et entrepreneurs, tant à la Commission de la construction du Québec qu'à la Régie du bâtiment. Quand les entrepreneurs et les travailleurs ontariens vont se présenter dans ces institutions, on va bouger. Ça ne prendra pas six mois comme avant, ça ne prendra pas trois mois, et ils ne traîneront pas dans des délais inconvenants. On va régler leur problème, et ça, dans 24 heures.

(16 h 30)

Pour honorer ces engagements, M. le Président, nous avons modifié trois lois de portée générale ainsi que certaines dispositions réglementaires prises en vertu de ces lois, soit la Loi sur le bâtiment, la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.

Comme vous voyez, il faut brasser les choses si on veut régler. Alors, c'est ce qu'on a fait. On a regardé tout ça et on a dit: Il faut s'entendre. Il ne faut pas croire ou laisser croire que cette nouvelle entente ne se traduise que par des inconvénients pour le Québec. Il y en a qui ont laissé courir dans les journaux qu'il y a seulement les Ontariens qui vont profiter de l'entente et que les Québécois n'en profiteront pas. M. le Président, il y a 4 500 travailleurs qui traversent la frontière ontarienne pour aller gagner leur vie; il y a seulement 600 Ontariens qui viennent ici. Ils ne nous envahissent pas et ils ne nous envahiront jamais avec les nouvelles règles du jeu qui sont devant nous. La réduction des délais des traitements des dossiers soumis tant à la CCQ qu'à la RBQ sera tout aussi bénéfique pour les travailleurs que pour les entrepreneurs du Québec. Comme vous pouvez le constater, cette entente réduit le fardeau administratif, et tout le monde va en profiter.

M. le Président, il y aura d'autres avantages aussi pour le Québec dans cette entente. On ne peut pas passer sous silence le fait que beaucoup plus de travailleurs et de travailleuses et d'entrepreneurs québécois vont également avoir le champ libre en Ontario. Alors, ça va être bénéfique pour les travailleurs, bénéfique pour les entrepreneurs québécois. Alors, cette entente réduit donc des fardeaux administratifs considérables et allège la machine.

Lorsqu'on analyse la situation d'un peu plus près – regardons ça d'un peu plus près – le Québec en retire des avantages évidents, notamment sur le plan de l'emploi. Dans la seule région d'Ottawa–Carleton, il y a 4 500 travailleurs québécois qui exercent en Ontario leur métier dans les secteurs syndiqués de la construction. Il faut prendre ça en compte, c'est important, ça: 4 500 travailleurs québécois qui exercent en Ontario leur métier dans les secteurs syndiqués de la construction.

Si l'on regarde de l'autre bout, maintenant, de la lorgnette, on ne compte au Québec qu'environ 650 à 700 syndiqués ontariens dans l'industrie de la construction, une différence quand même très appréciable. Les 4 500 ou 5 000 syndiqués québécois en Ontario contre 600 travailleurs ontariens au Québec, certains attribueront cette différence importante à une activité économique beaucoup plus forte chez nos voisins, puis ils n'auront pas tout à fait tort. Il y a du vrai là-dedans, il faut le reconnaître. Cependant, ils n'ont pas tout à fait raison non plus, car les exigences réglementaires imposées par le Québec aux travailleurs puis aux entrepreneurs ontariens sont actuellement disproportionnées par rapport à celles que vivent leurs homologues québécois qui vont travailler en Ontario. Ça aussi, c'est important.

Nous ne pouvions plus laisser un fardeau réglementaire empêcher cette industrie de se développer harmonieusement et parvenir à une concurrence loyale entre les deux provinces. Cela signifie d'autant plus que le fardeau était injustifié, voire inéquitable. Ça avait pour effet de décourager de bons entrepreneurs de l'industrie ontarienne de la construction de venir contracter au Québec – c'est ça que ça avait pour effet – et ça avait pour effet de diminuer le volume d'affaires entre le Québec et l'Ontario.

D'autre part, l'Ontario reconnaît la pleine qualification de nos travailleurs. L'Ontario reconnaît la pleine qualification de nos travailleurs depuis très longtemps, alors que, nous, nous ne le faisions pas. Et, d'autre part, il n'existe pas de régime général de qualification équivalent entre les entrepreneurs de l'Ontario, alors qu'ici il y en a un. Il était temps qu'on allège et qu'on fasse respirer cette machine-là. Ne perdons pas de vue non plus, M. le Président, que le marché québécois non syndiqué est plus restreint, donc plus difficile à pénétrer. La syndicalisation au Québec dans l'industrie est beaucoup plus avancée qu'en Ontario. Ici, c'est à peu près 80 % de l'industrie qui est syndiquée; de l'autre côté, c'est à peu près 50 %. Cela s'explique par un taux de syndicalisation qui est significativement plus élevé qu'en Ontario. Il est d'environ 50 % à 60 %, selon les régions, tandis qu'au Québec c'est 80 %.

Ainsi, au chapitre de l'emploi, il faut compter plusieurs autres milliers de travailleurs québécois au tableau. Je parle ici des travailleurs québécois qui oeuvrent dans le secteur non syndiqué de la région d'Ottawa–Carleton et également d'un grand nombre d'autres Québécois qui, tout au long de la frontière, travaillent en Ontario dans d'autres secteurs tels que la forêt, les mines et le transport. Ça, aussi, il fallait jeter un coup d'oeil là-dessus. Il faut se rappeler qu'en 1993 la construction avait fait l'objet d'une guerre commerciale appréhendée – vous vous souviendrez de ça; les députés libéraux ici vont s'en souvenir très certainement – de la part de l'Ontario et que les menaces de représailles allaient bien au-delà du seul secteur de la construction. Tout le monde connaît la théorie des dominos, et je pense qu'on n'a pas à faire de dessin là-dessus.

Vous l'aurez constaté, M. le Président, les enjeux en matière d'emploi dans ce dossier épineux entre l'Ontario et le Québec dépassent largement la seule industrie de la construction. L'Ontario est un marché très important pour le Québec. Il était donc impératif de se donner les règles du jeu adéquates pour soutenir le dynamisme de cette industrie et de ne pas mettre en danger ni l'accès de nos travailleurs et de nos entrepreneurs à ce marché ni les milliers d'emplois qui en découlent. Ça prenait donc des assouplissements réglementaires pour l'industrie québécoise de la construction. Il fallait donc s'attabler pour essayer de régler l'ensemble du contentieux.

M. le Président, notre souci de tirer de l'entente Québec–Ontario tous les avantages possibles pour nos travailleurs et nos entrepreneurs trouve aussi sa répartie dans le fonctionnement interne de l'industrie québécoise de la construction. Dans son plan de déréglementation, le gouvernement avait prévu de supprimer certaines obligations faites aux entrepreneurs pour des travaux de tuyauterie et d'électricité. Selon la législation actuelle, je réfère ici à la Loi sur les installations de tuyauterie et à la Loi sur les installations électriques, les entrepreneurs doivent non seulement obtenir un permis avant d'amorcer des travaux, mais ils doivent aussi, dans tous les cas de travaux d'une certaine envergure, en transmettre les plans et devis. C'était quand même assez lourd. Ces exigences retardaient indûment le début des travaux, ce qui est inadmissible dans une économie que l'on souhaite performante et compétitive. Il fallait enlever ça de la route.

Donc, les changements proposés sont les suivants: pour les installations de tuyauterie, le permis sera remplacé par une simple déclaration de travaux par l'entrepreneur. C'est important, ça. Ça, c'est ce qu'on appelle de la souplesse. Une fois cette déclaration effectuée, qu'est-ce qui arrive? L'entrepreneur pourrait immédiatement débuter ses travaux sans attendre l'émission de son permis. C'est intéressant. Il demeure cependant que, dans tous les cas de travaux d'une certaine envergure, l'entrepreneur devra avoir en main les plans et devis avant l'exécution des travaux de tuyauterie. Mais il n'aura à les transmettre à la RBQ que sur demande de celle-ci.

Pour les installations électriques, maintenant. Le permis préalable à l'exécution des travaux sera aussi remplacé par une simple déclaration de travaux qui, selon le cas, devra être transmise à la Régie du bâtiment ou au distributeur d'électricité. Quant aux plans et devis d'installations électriques, l'entrepreneur n'aura plus à envoyer de manière systématique ses plans et devis à la Régie. Dans le cas où les travaux ne nécessitent pas de raccordement à un réseau de distribution, l'entrepreneur transmettra à la Régie une déclaration mensuelle de tous les travaux entrepris s'il déclare tenir à jour un tel registre à tous les mois. Autrement, il aura à faire une déclaration de ses travaux à la pièce. Dans le cas où les travaux exigent un raccordement au réseau de distribution, l'entrepreneur n'aura qu'à fournir les renseignements nécessaires au distributeur d'électricité. C'est au distributeur, donc, que reviendra l'obligation de fournir à la Régie toutes les informations pertinentes sur toutes les installations nouvellement raccordées à son réseau.

(16 h 40)

M. le Président, ces allégements du fardeau administratif des entrepreneurs élimineront annuellement la production et la manipulation de 100 000 permis accordés pour des travaux d'installation électrique et près de 15 000 permis en installations de tuyauterie. Je crois que ces chiffres parlent d'eux-mêmes, mais je pense bien que ça va réjouir tout le monde des deux côtés, j'imagine. Et ça démontre indubitablement que tant l'administration gouvernementale que les entrepreneurs bénéficieront de ces allégements législatifs et réglementaires.

Je voudrais, M. le Président, maintenant attirer l'attention des collègues sur le régime de qualification. C'est en quelque sorte le coeur du projet. Nous avons prévu d'autres assouplissements réglementaires, et cela, pour l'ensemble des entrepreneurs de l'industrie de la construction. Ces assouplissements concernent le régime de qualification des entrepreneurs. C'est ce qui fait le plus plaisir, je crois, à l'industrie ontarienne. Compte tenu que nous avons accordé, dans le cadre de l'entente Québec–Ontario, une exemption particulière relative à la qualification des entrepreneurs ontariens, il nous est apparu normal et équitable que les entrepreneurs québécois ne soient pas pénalisés par des exigences supérieures à celles demandées aux entrepreneurs ontariens. Quand même! Actuellement, certains de nos entrepreneurs éprouvent des difficultés à obtenir une licence parce que leurs activités sont beaucoup plus restreintes que celles prévues par une sous-catégorie de licence et qu'ils se trouvent obligés de satisfaire des exigences plus grandes que ce qui est réellement nécessaire pour faire l'ouvrage.

D'autres entrepreneurs souhaitent aussi que la Régie du bâtiment reconnaisse leurs acquis professionnels plutôt que de leur imposer la réussite d'un examen ou l'inscription à un programme de formation. Ça, les entrepreneurs trouveraient ça très embêtant. Ils étaient soumis à un programme de formation, il fallait qu'ils passent des examens, et ça, c'était un irritant considérable. D'autres encore critiquent sévèrement la lourdeur des démarches à entreprendre pour l'obtention d'une licence, quand, trop souvent, l'échec à une partie d'un seul examen suffit à compromettre complètement leur projet et compromet évidemment l'obtention de leur licence.

M. le Président, pour l'ensemble des entrepreneurs, nous proposons d'assouplir nos pratiques de la façon suivante:

Premièrement, que la Régie du bâtiment puisse émettre une licence à un entrepreneur qui l'autorise à effectuer une partie des travaux de construction prévus dans une sous-catégorie de licence déjà établie par règlement par la Régie.

Deuxièmement, que la Régie puisse, au lieu des examens déjà prévus par règlement, utiliser tout autre moyen qu'elle juge approprié pour s'assurer que les personnes possèdent les connaissances ou l'expérience pertinentes dans la gestion d'une entreprise de construction et dans l'exécution de travaux de construction.

Troisièmement, qu'une personne physique puisse être admise à un examen de la Régie ou à tout autre mode d'évaluation approprié, même si elle ne demande pas en même temps une licence pour elle-même ou pour le compte d'une société ou d'une personne morale.

Quatrièmement, que l'évaluation de la compétence puisse s'effectuer par module plutôt que de manière globale.

Cinquièmement, que la quantité de renseignements actuellement requis des demandeurs de licence soit réduite, notamment par l'élimination de l'exigence relative à la présentation de photographies ou par l'élargissement de la reconnaissance accordée à la déclaration d'immatriculation. Je parle ici, M. le Président, de celle exigible en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales.

Sixièmement et finalement, que les clients de la Régie du bâtiment puissent dorénavant lui transmettre certains documents ou renseignements au moyen d'un support informatique ou par télécommunication et que la fourniture de cautionnement soit considérée comme une solution de rechange à l'exigence actuelle d'établissement de la solvabilité.

Voilà, M. le Président, des éléments qui réjouissent les entrepreneurs ontariens et aussi l'ensemble des travailleurs ontariens. Parce que les donneurs d'ouvrage, il faut leur simplifier la vie, il faut alléger les procédures et faire en sorte qu'ils créent de l'activité économique et de l'emploi.

M. le Président, l'industrie de la construction a été une pionnière en matière de financement de la formation de sa main-d'oeuvre en instituant, il y a quelques années, un fonds centralisé de formation professionnelle. D'ailleurs, l'industrie de la construction au Québec a été un modèle nord-américain en ce qui a trait à la formation et au perfectionnement de la main-d'oeuvre en Amérique du Nord. C'est un modèle. On a retrouvé, à la Commission de la construction, les meilleurs artisans de la formation professionnelle au Québec. C'est un joyau, ce qu'on a fait en termes de formation pour les travailleurs de l'industrie. Si chaque industrie avait imité le modèle de la construction, je vous jure, M. le Président, qu'on serait rendus pas mal plus loin sur le plan économique.

Les employeurs de cette industrie cotisent de façon structurée et systématique au moyen d'un prélèvement direct sur la masse salariale, soit de l'ordre de 0,20 $ par heure de travail déclarée à la CCQ. Ce fonds a déjà amassé une somme d'une quarantaine de millions en cotisation spéciale aux fins de formation de la main-d'oeuvre. On peut dire à cet égard que l'industrie de la construction a mobilisé des sommes importantes pour investir dans la formation de la main-d'oeuvre, et cela, bien avant l'entrée en vigueur de la Loi favorisant le développement de la main-d'oeuvre et de la formation, bien avant. Ça, c'est tout en notre honneur.

L'article 3 de la loi et son règlement d'application prévoient que, depuis le 1er janvier dernier, tout employeur dont la masse salariale annuelle excède 1 000 000 $ doit consacrer au chapitre des dépenses de formation un montant représentant au moins 1 % de la masse salariale. En principe, cette exigence légale ne devrait poser aucun problème aux employeurs de l'industrie de la construction, mais, en pratique, il en va tout autrement. Je voudrais donner quelques explications.

M. le Président, en novembre 1993, suite à des procédures judiciaires intentées par l'APCHQ, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, une ordonnance de sauvegarde a gelé le Fonds de formation professionnelle de cette industrie. Évidemment, ce n'est pas des bonnes nouvelles pour l'industrie, mais c'est une démarche devant les tribunaux, puis il faut vivre avec. En clair, depuis cette ordonnance, aucune somme n'a pu être dépensée à même ce Fonds pour des activités de formation. Si cet état de fait se maintient pour l'année en cours, de nombreuses entreprises devront ou bien dépenser elles-mêmes de nouvelles sommes pour la formation ou bien remettre au ministère du Revenu l'équivalent des sommes versées au Fonds de formation.

Effectivement, deux conditions imposées par la loi ne sont pas remplies, à savoir que la CCQ ait administré ce Fonds et qu'il y ait eu des déboursés pour des activités de formation engagés à même ce Fonds en 1996. Il en résulte donc une double cotisation, une situation injuste pour des employeurs qui se sont volontairement donné des mécanismes de cotisation pour l'ensemble de leur industrie et qui n'ont aucun contrôle sur le litige actuel qui oppose l'APCHQ, évidemment, et l'Association des entrepreneurs en construction du Québec.

(16 h 50)

M. le Président, ces gens-là sont venus me voir, surtout l'ACQ, et ils m'ont demandé ce qu'on pourrait faire pour que les choses soient plus équitables, sinon ils se voient subir la double cotisation, ce qui est assez difficile à justifier. La solution envisagée consiste à faire en sorte que, pour l'année 1996, les entreprises de la construction ayant une masse salariale de plus de 1 000 000 $ puissent prendre en compte leur contribution annuelle au Fonds de formation, et cela, même si on devait constater à la fin de l'année qu'il n'y a pas encore eu de dépenses encourues à ce titre pour des activités de formation.

Nous évaluons à 3 500 000 $ les sommes que ces employeurs devraient verser à nouveau pour la formation si nous n'intervenons pas. Je suis informé que, par un jugement rendu par la Cour supérieure le 19 novembre dernier, soit après la présentation du projet de loi n° 78 à l'Assemblée nationale, les contributions versées au Fonds de formation de l'industrie de la construction depuis le 16 décembre 1995 ont été libérées et pourraient, théoriquement du moins, servir à des déboursés pour des activités de formation avant la fin de la présente année. Pour certains, cette éventualité pourrait justifier un questionnement quant à l'opportunité de maintenir ça, tel que l'article 48 du projet de loi n° 78 le prévoit. Je suis, quant à moi, disposé à en discuter en commission parlementaire en tenant compte des informations factuelles qui nous seront alors disponibles. J'indique toutefois dès maintenant, aux fins de cette discussion, que le gouvernement entend, dans le contexte actuel, ne courir aucun risque de placer des entrepreneurs en construction dans la situation où ils pourraient avoir à contribuer en double au développement de la formation de la main-d'oeuvre pour 1996.

Un autre élément du présent projet de loi concerne le processus d'adoption des règlements relatifs au régime complémentaire d'avantages sociaux dans l'industrie de la construction, avantages qui sont du domaine des conditions de travail, puisqu'il s'agit, par ces règlements, de donner suite aux dispositions des conventions collectives. Il faut signaler qu'avant d'adopter tout règlement en cette matière la CCQ est tenue de se plier aux contraintes de la Loi sur les règlements, notamment celle relative à l'obligation de publier le projet de règlement dans la Gazette officielle au moins 45 jours avant son approbation et celle relative à l'entrée en vigueur du règlement le quinzième jour suivant sa publication dans la Gazette officielle , et ça fait référence à l'article 17. Ces contraintes alourdissent considérablement le processus de mise en application des modifications réglementaires en matière d'avantages sociaux, mais, M. le président, ces modifications sont fréquentes, et il se trouve qu'elles doivent être apportées dans des délais très courts, parce qu'elles sont, la plupart du temps, fondées sur des études actuarielles visant à assurer la viabilité financière du régime.

Par exemple, depuis 1989, depuis les 15 règlements de la CCQ que le gouvernement a approuvés, 13 d'entre eux ont dû faire l'objet d'une exception aux exigences de la Loi sur les règlements quant à la date de publication ou à la date d'entrée en vigueur. En somme, M. le Président, puisque l'exception est devenue la règle, il m'apparaît légitime et opportun que la règle soit changée pour l'adapter à la réalité des nouveaux besoins qui sont devant nous. La solution proposée consiste donc à modifier l'article 92 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction pour y prévoir que les règlements pris en vertu de cet article ne soient plus soumis aux exigences de la Loi sur les règlements.

Le dernier élément significatif du projet de loi n° 78 concerne des modifications aux règles qui régissent le choix par les salariés d'une association représentative pour fins de négociation et de conclusion de conventions collectives ainsi que l'émission par la CCQ des cartes d'enregistrement destinées à refléter ce choix. Les changements que je propose à cet égard ont deux objectifs principaux, M. le Président: assurer à tous les salariés, même ceux qui ne sont pas admissibles à participer aux scrutins qui suivent la période de maraudage dans l'industrie de la construction, qu'ils puissent modifier périodiquement, c'est-à-dire à tous les trois ans, le choix qu'ils ont déjà fait d'une association représentative. Dans le cas des salariés qui sont titulaires de certificats de compétence ou d'exemption délivrés par la CCQ, permettre formellement à cette dernière, plutôt que d'émettre des cartes reflétant leur choix d'une association représentative, de faire tout simplement les annotations correspondantes sur les certificats ou exemptions qu'elle leur délivre. Il s'agit d'une mesure d'assouplissement favorisant une diminution de la paperasse administrative.

Pour conclure, M. le Président, le projet de loi n° 78 réunit toutes les qualités d'une loi cohérente proactive au regard des orientations du gouvernement du Québec et des consensus des partenaires du marché du travail lors du Sommet sur l'économie et l'emploi.

Cette loi allégera la réglementation, réduira le fardeau administratif des entreprises, supprimera les contrôles inutiles, devenus évidemment beaucoup plus gênants qu'autre chose et entravant le développement de l'activité économique, et ça va consolider une fois pour toutes le partenariat économique tant souhaité entre l'Ontario et le Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail et député de Matane. Je donne maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. le Président, il est très intéressant pour moi, à titre de porte-parole officiel de l'opposition en matière de relations du travail, d'intervenir cet après-midi sur le projet de loi n° 78.

Je vais expliquer maintenant les raisons pour lesquelles je le trouve très intéressant, car ce projet de loi touche, ou va faire évoluer, ou va changer des dispositions qui sont dans la loi R-20, loi qui régit l'industrie de la construction. Une loi fondamentale, M. le Président, une loi qui est, au Québec, depuis de nombreuses années, par certains secteurs, décriée pour sa rigidité, pour sa réglementation, et, par d'autres, valorisée pour certains avantages qu'elle peut donner à certains secteurs, ou corporations, ou organisations de travailleurs dans cette industrie.

Ce n'est pas la première fois que ce gouvernement, qui est élu maintenant depuis deux ans, touche à cette loi. En effet, on se rappellera qu'en février 1995 l'ancien gouvernement – le ministre n'était pas le même à l'époque, on se rappellera qu'il est seulement en poste depuis le mois de janvier de cette année – mais l'ancienne titulaire de ce ministère avait décidé de convoquer d'urgence, au mois de février 1995, les députés de cette Assemblée pour légiférer d'une manière urgente et importante dans le dossier de la construction au Québec.

M. le Président, à l'époque, il y avait eu urgence, et je rappellerai à tous les députés en cette Chambre ainsi qu'aux citoyens, aux téléspectateurs qui nous écoutent, que nous avions à l'époque invoqué l'urgence. Je vous rappellerai que normalement, au mois de février, les députés ne siègent pas en session régulière de l'Assemblée nationale; ils siègent en commission parlementaire, mais ils ne siègent pas en session dans cette salle plénière. Donc, le gouvernement avait convoqué les députés. Il s'agissait, à l'époque, d'adopter le projet de loi 46, qui fut adopté dans la nuit, sous pression, sous l'urgence.

Pourquoi les députés avaient-ils été rappelés? Pourquoi était-il urgent pour le gouvernement de faire ce projet de loi? C'est parce que nous étions à l'époque du débat référendaire. Il faut remettre les choses dans le contexte. Rappelez-vous que, en février 1995, c'était le début des commissions itinérantes sur la souveraineté et il était important d'établir, pour le gouvernement, certains consensus avec leurs alliés syndicaux, leurs alliés conjoncturels de l'époque. On voit qu'aujourd'hui ce ne sont plus les mêmes tout à fait. Mais, quand même. Alors, on avait convoqué le Parlement et on se rappellera que le gouvernement, qui avait dit lorsqu'il était en opposition: On va scraper la loi 142, avait décidé de donner suite à ses engagements et de faire adopter la loi 46.

(17 heures)

M. le Président, c'était là certainement un des engagements préréférendaires, et non pas électoraux, mais préréférendaires.

M. le Président, nous avons, comme parti d'opposition, malgré notre scepticisme et nos réserves que nous pouvions faire valoir dans ce dossier, travaillé d'une manière positive à l'adoption de ce projet de loi là, car, lorsqu'on parle de la construction au Québec, M. le Président, il faut toujours se rappeler que nous parlons de dizaines et de dizaines de milliers de travailleurs québécois, des travailleurs qui sont bien souvent soumis à la conjoncture économique et cyclique que connaît cette industrie, des travailleurs qui certainement ont été, depuis des décennies, la colonne vertébrale de l'économie québécoise. Un vieil adage d'ailleurs dit très bien: Quand la construction va, tout va. Et force est de constater, M. le Président, que, depuis quelques années, malheureusement la construction ne va pas.

Alors, M. le Président, dans cette loi 46, certains éléments importants ont été ramenés par rapport à la loi 142. Or, il y a eu bien sûr le retour à la réglementation dans le secteur de la construction, et dans le secteur résidentiel en particulier. On se rappellera que le gouvernement du Parti libéral avait fait en sorte de déréglementer les secteurs de la construction résidentielle qui comportaient huit unités d'habitation et moins. M. le Président, on a reréglementé. Et il y a eu bien sûr l'aménagement, le réaménagement ou le changement de la loi 142 en ce qui concerne les négociations en quatre zones, quatre secteurs, différents secteurs: résidentiel, commercial, industriel, génie civil et grands travaux.

M. le Président, on constate aujourd'hui, depuis ce temps-là, que ça n'a pas forcément donné les meilleurs résultats. Certes, le ministre nous dira: Ça a négocié, ça s'entend. Mais faisons un peu juste le bilan rapidement. Force est de constater que dans aucun des secteurs il n'y a eu d'entente signée à ce jour, aucune convention collective. Certes, il y a eu des rencontres, des ententes à l'occasion tacites, mais aucune n'a été ratifiée par les travailleurs de la construction. De plus, dans le secteur de la construction résidentielle, celui qui touche particulièrement les Québécois et les Québécoises, ceux qui font construire leurs maisons, aucune entente n'a été signée, aucune négociation n'a eu lieu, M. le Président, depuis le 18 juin dernier. Je le répète, nous avons eu l'occasion de le dire en cette Chambre, les négociations sont rompues ou sont au point mort dans le secteur de la construction résidentielle. Aucune.

Qui plus est, M. le Président, dans les autres secteurs, personne n'entrevoit... Dans les dernières consultations, à titre de porte-parole de l'opposition, donc responsable de collaborer avec le ministre à la bonne marche, à la bonne gestion des affaires de l'État dans son domaine – et non pas de lui faire obstacle, au contraire – de l'aider, de l'encourager selon sa volonté de collaboration bien sûr, M. le Président, dans cette optique, j'ai eu l'occasion, dans la dernière semaine, de rencontrer différents intervenants des autres secteurs. Et, dans chacun des secteurs, force a été de constater malheureusement qu'aucune entente n'avait été faite ou ratifiée par les travailleurs de ces secteurs. Au contraire, même, les gens n'entrevoient pas d'entente signée, de convention signée. Je ne parle pas de proposition soumise par les négociateurs; d'entente signée par les travailleurs avant le mois de mars, avril ou mai et peut-être plus loin dans la saison.

Alors, on verra que, malgré l'urgence d'adopter cette loi – c'était urgent à l'époque, il fallait convoquer le Parlement pour ce faire – nous sommes un an plus tard et rien n'a été réglé. Au contraire, nous avons connu, lors du printemps dernier, un certain nombre d'incidents, de manifestations de désordre public venant de travailleurs et d'entrepreneurs de la construction qui se trouvaient inconfortables dans ce cadre de négociation, particulièrement dans le domaine de l'industrie ou du secteur de la négociation des travailleurs de la construction résidentielle.

M. le Président, à ce stade-là... Et je ne mets pas la responsabilité sur le ministre actuel, parce que ce n'est pas lui qui était là. À l'époque, il était député d'arrière-ban et il faisait comme ses collègues aujourd'hui qui écoutent les décisions ou les discours des ministres. Député de l'opposition, il écoutait. Peut-être faisait-il des recommandations à son caucus, peut-être pas. Peut-être l'histoire, un jour, nous le dira, s'il écrit ses mémoires. On sait qu'il a été assez prolixe, à date, dans certains écrits qu'il a faits dans sa carrière d'une quarantaine d'années en relations de travail. Peut-être, dans les prochaines années, verrons-nous apparaître son action alors qu'il était député, assis en face de moi, sur les banquettes arrières, avant d'assister au Conseil des ministres et de pouvoir avoir cette responsabilité. A-t-il fait des recommandations? Mais, pour l'instant, force est de constater que son action semble ne pas avoir été, à l'époque, très concluante.

Alors, M. le Président, ça fait maintenant quelques années que nous attendons une entente. Et je crois que l'ensemble des Québécois et des Québécoises pensent qu'une partie importante de l'activité économique du Québec, de la paix sociale du Québec, passe par une paix sociale dans l'industrie de la construction, particulièrement dans cette période difficile où cette industrie est confrontée, suite à la crise économique, à une baisse de ses activités, tant au niveau des grands travaux, que du génie civil, que du résidentiel, que de la construction industrielle.

Encore faut-il que... Dans certains secteurs, dans certaines régions, il peut y avoir quelques augmentations ou quelques pointes d'activité. Mais il n'en reste pas moins que, généralement, nous avons malheureusement assisté à cette décroissance de cette industrie. Et je pense qu'il est important que le climat qui doit prévaloir en termes de relations de travail, c'est un climat sain afin de faciliter aux intervenants, aux travailleurs, aux entrepreneurs, aux investisseurs, aux acheteurs de maisons ou aux clients qui ont affaire avec cette industrie d'avoir une paix sociale et une tranquillité qui permettent de redonner la confiance et de ne pas compliquer encore plus son développement.

M. le Président, dans la construction juste domiciliaire, il y a 20 000 travailleurs qui actuellement sont sans convention collective.

J'avais l'occasion hier d'aller, en compagnie du maire de Montréal, M. Pierre Bourque – un maire qui fait beaucoup pour le développement de l'est de Montréal – inaugurer un développement dans le quartier Rivière-des-Prairies, que j'ai eu le plaisir et l'honneur de représenter à cette Assemblée nationale depuis maintenant 11 ans, un projet de 26 000 000 $ de développement résidentiel. Et j'y ai rencontré, M. le Président, non seulement M. le maire, bien sûr, qui, par son travail acharné pour développer l'est de Montréal, a su créer des programmes qui favorisent l'industrie de la construction, mais aussi des clients, des acheteurs potentiels, des jeunes familles, des jeunes couples du Québec ainsi que des entrepreneurs en construction qui participent à ce projet. Et que disaient-ils? Ils disaient: Nous avons besoin de plus d'oxygène, nous avons besoin de plus de facilité pour faire en sorte de développer notre industrie, pour faire en sorte de pouvoir construire des maisons, des résidences pour nos concitoyens. Nous sommes étouffés par cette réglementation qui a été amenée par la loi 46 et qui ne correspond pas à notre sphère d'activité.

Alors, M. le maire Bourque disait: Écoutez, j'essaie, moi, de vous amener, de mon côté, par mon administration municipale, des déductions de taxes, de faire en sorte d'amener des congés d'intérêt, en association avec les banques; nous essayons de faire en sorte de mettre notre coup de pouce pour aider cette industrie. Les entrepreneurs, eux, disaient: Bien, vous savez, nous, nous aimerions que le gouvernement fasse son petit côté aussi, son petit morceau, son petit bout, et déréglemente, fasse en sorte de nous ouvrir un peu la porte de l'industrie résidentielle.

Je pense, M. le Président, que c'est à côté de ça que le projet de loi 46 est passé. Il est passé à côté de l'opportunité de laisser les entrepreneurs québécois dans le secteur résidentiel... Et je dis bien, résidentiel, ne nous méprenons pas, je ne parle pas d'industriel, de commercial, de condominium, je parle de résidentiel, de maisons unifamiliales, de petites unités d'habitation, qui peuvent être l'occasion... plus qu'une, mais d'unités résidentielles; je ne parle pas de grands ensembles. Je pense que nous sommes passés malheureusement à côté de cette occasion de donner un coup de pouce à cette industrie.

(17 h 10)

De la même manière que le gouvernement du Québec, les différents gouvernements, avec les différents programmes que nous avons mis en application... On se rappellera, dans le temps, même l'ancien gouvernement, Corvée-habitation. Le gouvernement du Québec avait, à cette époque-là, permis à des Québécois et des Québécoises d'avoir accès à leur premier logement. Le gouvernement du Parti libéral qui a suivi a permis, lui aussi, par des programmes d'accès à l'habitation, de pouvoir aussi donner un coup de pouce à ces Québécois et ces Québécoises qui veulent acquérir particulièrement leur première habitation.

On sait qu'à Montréal et au Québec en particulier, mais prenons Montréal, parce que je pense que la région de Montréal est significative de ce qui peut se passer dans le Québec, c'est une région urbaine à haute densité de population, eh bien, Montréal était, il y a quelques années, l'endroit dans le Canada où le taux de locataire était le plus élevé de notre pays, qui est le Canada, par rapport aux propriétaires. Eh bien, on voit que ça s'est réduit, et nous sommes maintenant, dans la région de Montréal, à peu près vers 43 % ou 44 %. Je n'ai pas les derniers chiffres exactement. Peut-être qu'en cette Chambre quelque député ou le ministre aura l'occasion, s'il prend peut-être maintenant la peine de les chercher, de nous confirmer exactement.

Mais ces différents programmes ont permis de permettre à des dizaines et des dizaines, à des centaines de milliers de jeunes couples québécois, de jeunes familles d'acquérir et d'accéder à leur première propriété, ce qui est le début de la fondation, de l'établissement de la famille. Car, en effet, lorsqu'une famille, un homme et une femme acquièrent leur maison, leur résidence, c'est là le point d'ancrage de la cellule familiale. Et, comme gouvernement, nous ne pouvons qu'y concourir, nous ne pouvons que l'encourager.

M. le Président, je dois déplorer malheureusement le fait que la loi 46, en reréglementant toute cette activité, n'a pas fait en sorte d'aller dans le même sens. Ce qui est déplorable, c'est que, dans ce projet de loi là, le projet de loi n° 78, qui est apporté par le ministre, on rouvre la loi R-20, la loi qui régit la construction, mais que l'on ne l'aborde pas, et c'est ça qui est dommage.

Nous devrions profiter, nous, les députés en cette Chambre, avec le ministre, qui semble faire preuve, dans ce dossier en particulier – je ne parlerai pas pour les autres, mais pour celui-là – d'une certaine ouverture d'esprit et d'un certain intérêt... Alors, je crois que nous aurons l'occasion, lors de l'étude de ce projet de loi là, de faire valoir ces points en commission parlementaire, car pour nous il est important que l'on profite de ces forums, de ces ouvertures dans les lois, lorsqu'elles se font, lorsqu'elles se créent, pour essayer de faire valoir les demandes ou les aspirations d'une partie des gens qui sont soumis ou régis par ces lois, et là c'est le cas des entrepreneurs en construction du Québec, résidentielle, bien sûr – ne pas confondre avec les autres secteurs.

Nous avons aussi actuellement au Québec le manque de confiance dans l'économie, l'instabilité politique, les coupures, les fermetures d'hôpitaux, les augmentations de taxes, la perte d'emplois. On sait que, l'année dernière ou depuis le mois de janvier, la date d'accession du premier ministre au pouvoir, 54 000 emplois ont été perdus au Québec. Il s'en est créé au-delà de 177 000 au Canada, il s'en est créé 80 000 et quelques dans notre province voisine, l'Ontario; nous en avons perdu 54 000. C'est là certes un climat peu propice à la construction de maisons, parce que, lorsque les gens ne travaillent pas, lorsque, au contraire, ils perdent leur emploi, bien, non seulement ont-ils de la difficulté à payer leur loyer, mais encore moins la possibilité ou la facilité de devenir acquéreurs d'une maison pour s'y établir, élever leur famille et y ancrer, bien sûr, la cellule familiale.

M. le Président, je pense qu'il faudrait aussi faire en sorte qu'au Québec les politiques tendent à relever le taux de natalité, car, lorsqu'une population ne croît plus par sa natalité, eh bien, les gens sont moins enclins à acheter des propriétés, et c'est un peu notre drame actuellement que nous connaissons au Québec. Nous avons un des taux de natalité parmi les plus bas du monde occidental, de l'OCDE.

Et encore, si nous n'avions point l'immigration de l'extérieur dont une grande partie des gens ont un taux de natalité plus élevé que nous, les gens qui sommes au Québec depuis de nombreuses années, quelques siècles pour certains et d'autres quelques années, comme je peux l'être, eh bien, notre taux serait encore plus bas, et ça, c'est très peu propice bien sûr à l'activité économique, à la construction domiciliaire. Alors, c'est là aussi certainement des domaines auxquels le gouvernement devrait s'attarder et dans lesquels il devrait agir afin de compenser ces problèmes, ces situations qui malheureusement ne sont pas progressives ou positives pour l'avenir de notre société, tant au point de vue démographique, avec tout ce que ça comporte comme activité économique, mais aussi pour l'industrie de la construction.

Je pense que malheureusement... Et c'est là que c'est dommage, parce que je parle souvent avec des députés de ce bord-ci, de notre côté, du Parti libéral, mais aussi de l'autre côté, du Parti québécois, et nous sommes un certain nombre de gens à déplorer, à regretter que l'ensemble de l'effort de mobilisation du gouvernement soit mis en fonction du prochain référendum sur la souveraineté – et c'est là, le problème et le drame de notre société québécoise – et non pas sur le développement de la société québécoise comme telle, indépendamment dans quel secteur de gouvernement ou de système politique elle vit, qu'il soit fédéral ou qu'il soit indépendant. Et c'est là, le problème et le drame du Québec. Et, en particulier, bien sûr, ça se retrouve dans l'industrie de la construction.

Alors, il serait temps, je pense, que le gouvernement arrête cette obsession de vouloir amener les Québécois, à tout prix et sous toutes sortes de représentations, à dire un oui, un jour, à une quelconque souveraineté-partenariat ou je ne sais quoi, changeant à toutes les décennies, à tous les six ans ou selon les leaderships politiques. Je pense qu'il serait temps que le gouvernement fasse savoir que la société québécoise, qui s'est très bien développée dans le contexte canadien actuel, avec, certes, des imperfections, des difficultés... Mais qui n'en a pas?

Regardez l'Europe actuellement. Pensez-vous que les gens en Europe, les Français, les Allemands, les Italiens, les Grecs, les Espagnols, les Portugais, c'est toujours rose entre eux? Pensez-vous qu'ils s'entendent toujours très bien? Certes non, M. le Président. Mais ils comprennent qu'il y a un intérêt à vivre ensemble, à développer ensemble des institutions communes, à développer la stabilité politique, la paix sociale, à uniformiser les programmes et même à aller jusqu'à avoir une monnaie commune. Pourquoi? Parce que c'est maintenant, dans les prochaines décennies, l'avenir prévisible. Les grands groupes, les grands blocs qui vont s'affronter, l'Europe, l'Asie, l'Amérique... Et, nous, comme Québécois, nous avons la chance de faire partie de ce grand bloc qu'est le Canada. La chance puis des fois peut-être avons-nous eu un prix à payer, mais nous y avons aussi gagné beaucoup.

Alors, M. le Président, pourquoi continuer à faire perdurer tout ce débat qui traîne, qui perdure et qui démobilise les gens, qui fait en sorte que notre société manque de dynamisme et ne progresse plus ou progresse seulement à coups de crises, de psychodrames? Je pense que c'est le temps de regarder l'avenir en face. Et ce projet de loi sur la construction nous interpelle, parce que la construction, je le disais, c'est la colonne vertébrale de l'économie québécoise, d'une économie dans le monde, pas seulement au Québec. Lorsqu'on dit: Quand la construction va, tout va, M. le Président, c'est évident que c'est là un symbole que les Québécois et les Québécoises connaissent bien. Et là elle ne va pas, elle ne va pas du tout. Le baromètre nous indique que nous ne sommes pas dans la bonne voie, dans la bonne direction, pour les Québécois et pour les Québécoises et pour l'économie.

M. le Président, j'aimerais maintenant dire aussi qu'au niveau des lois sur la construction il n'y a pas, dans la construction, de loi antiscab. Alors, certains diront: Le député s'en plaint, mais peut-être que les entrepreneurs en sont contents. Mais nous savons que, si le législateur a cru bon, au Québec, de passer, dans les années soixante-dix – fin des années soixante-dix – une loi qui prévoyait qu'en problème de grève ou de lock-out il y avait certaines règles à suivre, la loi antibriseurs de grève, c'est parce qu'on voulait éviter la violence et on voulait faire en sorte de ne pas prolonger les conflits, faire en sorte qu'ils se règlent rapidement.

En effet, lorsque le rapport de force est égal entre les deux groupes, bien souvent tout le monde a intérêt, que ce soit l'entrepreneur en construction comme le travailleur représenté par son syndicat, à trouver une entente, un modus vivendi qui va permettre de retourner dans des conditions favorables et honorables pour les deux parties sur l'activité économique. Donc, là, en particulier, sur le chantier de construction, on ne trouve pas ça là-dedans. À présent, j'aurais aimé ça que nous puissions en discuter, j'aurais aimé ça que le ministre se penche sur cette question. Malheureusement, il ne le fait pas.

(17 h 20)

M. le Président, il y a un déséquilibre qui existe dans les quatre secteurs aussi qui ont été définis par la loi 46. Pourquoi? Parce que... Et je ne parle pas forcément comme député qui a lu les projets, qui les a étudiés, qui a regardé d'une manière technique. Je parle comme le citoyen, le citoyen-député, ou le député-citoyen, qui, dans l'exercice de ses fonctions de député précédemment et maintenant comme porte-parole de l'opposition en matière de travail, donc responsable des relations de travail dans la construction, s'est promené sur les chantiers de construction, qui a rencontré les travailleurs, les entrepreneurs.

M. le Président, il y a un déséquilibre entre les secteurs. Pourquoi? Est-ce que l'on peut mettre dans la même catégorie des travailleurs qui vont construire des maisons en bois – on sait que la construction résidentielle est faite avec du bois, les charpentes, les planchers, enfin tout ce qui touche l'infrastructure de cette maison – et ceux qui vont faire du béton ou une infrastructure en acier? Est-ce qu'on peut mettre ensemble, dans la même juridiction, la même qualification, la même réglementation, ceux qui vont faire des buildings avec des vitres, des murs en verre de haut en bas, comme on peut voir au centre-ville de Montréal, Québec, ou ailleurs en région, un jour, quand l'économie reprendra, et ceux qui vont installer des fenêtres et des châssis dans une maison résidentielle? Il me semble que ce que j'ai reçu comme recommandation de ces travailleurs et de ces entrepreneurs, c'est que non.

C'est que ces gens-là, M. le Président, préféreraient ne pas être assujettis aux mêmes règles, parce que ce n'est pas le même métier, ce n'est pas la même qualification. Et je pense qu'il faut faire attention, M. le Président, de ne pas se retrouver dans cette situation, qui est nuisible, car on va essayer de régler tout à l'heure des conventions collectives dans certains secteurs, industriel, commercial ou génie civil, et on va essayer de les appliquer au domaine de la construction domiciliaire, alors que les gens ne tiennent pas à y être impliqués ou ça va créer une pression très importante, chez ces activités de construction résidentielle, sur le prix des maisons et sur la capacité aussi des consommateurs de pouvoir les payer. Alors, là, c'est un autre problème qu'on n'aborde pas, M. le Président. Ça fait partie, bien sûr, de tout le dossier de la déréglementation que j'applique.

On sait que le gouvernement, le premier ministre du Québec a dit lors du sommet sur l'emploi à Montréal qu'il fallait déréglementer. Eh bien, aujourd'hui, comme porte-parole de l'opposition, au nom de l'opposition officielle, je profite de ce projet-là pour demander au gouvernement: Quand allez-vous commencer à regarder la déréglementation de certains secteurs de l'industrie de la construction, particulièrement la construction résidentielle? C'est là une demande formelle et officielle, M. le Président, et ça représente ce que j'ai entendu parmi les travailleurs et parmi les entrepreneurs de ce secteur, sans aucun clivage.

Alors, je souhaiterais que l'on profite de ce projet de loi là, la loi n° 78... qu'il serve à d'autres objectifs que de rouvrir la loi R-20 pour cela, mais qu'on profite de ce projet de loi là pour faire le débat. Que l'on fasse le débat, encore une fois, dans l'intérêt des gens qui doivent vivre de ces industries et de ceux qui doivent, bien sûr, en tirer des avantages ou des bénéfices, soit les acheteurs de maisons résidentielles.

Alors, voilà, M. le Président, des choses qu'on ne trouve malheureusement pas dans ce projet de loi là. Je dois le déplorer. Parce que, si on se fie à ce qui se passe actuellement dans les négociations, on voit que certains secteurs avancent, c'est vrai, de peine et misère, mais finissent par avancer au niveau des négociations, alors que l'autre secteur, résidentiel, lui, est totalement arrêté depuis le mois de juin, et nous sommes maintenant... Juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre et bientôt décembre, nous ne sommes pas tellement loin. Depuis bientôt six mois que les gens, les entrepreneurs, comme les autres ne prévoient pas d'entente à court terme.

Mais est-ce qu'on va attendre encore une fois qu'arrive le printemps, qu'arrive encore une fois une faible reprise de l'activité économique pour faire en sorte de connaître des situations difficiles et se pencher par des commissions... On sait que l'été dernier, le printemps dernier, le gouvernement avait dû nommer des médiateurs, des conciliateurs parce que les gens étaient dans la rue. Ils faisaient des pressions, ils bloquaient les rues, ils bloquaient le boulevard Métropolitain et allaient vider les chantiers de construction. Moi, je pense que non. Je ne pense pas. Nous sommes au mois de décembre. Nous avons là l'occasion de faire des choses positives, d'être proactifs, et je pense que le ministre devrait en profiter. Et, là-dessus, l'opposition donne son appui au ministre rapidement, concrètement.

M. le Président, j'ai reçu de la part de représentants de l'industrie de la construction au niveau syndical qui faisaient valoir les points de vue suivants en ce qui concerne la campagne de maraudage qui s'en vient dans l'industrie de la construction et qui désiraient se pencher sur le report du maraudage et de la période de vote...

Je pense que le ministre est sensibilisé à cette question, parce que j'ai suggéré à ces représentants d'organisations syndicales de communiquer avec son bureau et de faire valoir le point. Car je pense que dans ce domaine le mettre au début de juin ou fin du mois de juin, pour une question de quelques semaines, il serait peut-être plus profitable pour l'industrie et pour l'ensemble de l'activité économique de ce secteur d'activité de se pencher là-dessus, d'en discuter et de voir s'il n'y aurait pas moyen de changer ces règles qui sont là actuellement afin d'accommoder ce secteur-là. Je pense que le ministre prendra note de cela et qu'il nous arrivera avec des propositions lors de la commission parlementaire que nous tiendrons dans les prochaines semaines, et, nous, l'opposition, bien sûr, dans ce domaine-là particulier, il nous fera bien sûr, encore là, plaisir de collaborer si ça va d'un point de vue positif et d'un point de vue qui va faire en sorte de donner aux organisations patronales et syndicales... Et là je pense qu'il y a un certain consensus, un modus vivendi qui s'établit pour peut-être améliorer ce côté-là.

Alors, M. le Président, c'est quelques points que je tenais à aborder dans la première partie de mon intervention sur ce projet de loi là. J'en avais d'autres que nous aurions pu faire valoir, mais malheureusement notre temps est limité dans cette première réaction et nous avons d'autres points qui sont importants dans le projet que nous devons aborder. Alors, je souhaite que le ministre ait pris, bien sûr, note des quelques suggestions que je lui ai faites d'ordre général sur cette industrie, même si elles sont, pour certaines, assez pointues et que nous puissions en discuter ou que nous puissions le faire dans un forum qu'il jugera utile, que ce soit une commission parlementaire ou une commission plus élargie, à sa convenance. Et je réitère que, nous, de l'opposition officielle, lorsqu'il s'agit de bonifier ou d'améliorer les structures de fonctionnement de secteurs importants de l'activité économique tout en protégeant les travailleurs, les droits fondamentaux des travailleurs, qui, ne l'oublions pas, doivent rester notre préoccupation principale, eh bien, nous sommes disponibles et que nous entendons collaborer de bonne foi et avec enthousiasme avec lui.

L'autre partie du projet de loi, M. le Président, est le dossier de la mobilité Québec–Ontario. On sait que des milliers de travailleurs et de travailleuses de la construction qui sont dans les zones frontalières sont soumis à des régimes particuliers. C'est évident que les gens qui habitent Montréal ou que ceux qui habitent Trois-Rivières ou Chicoutimi, peut-être, sont moins familiers avec ces situations. Ils peuvent se dire: Qu'est-ce qui se passe, là? Eh bien, il faut rappeler aux gens que nous avons le long des frontières de nos voisins, qu'ils soient Américains, Ontariens, du Nouveau-Brunswick, autour de nous des agglomérations importantes de nos concitoyens québécois, et, bien sûr, nous devons pour ces gens-là qui, à cause d'un pont, habitent en Ontario ou au Québec, mais travaillant d'un côté comme de l'autre, résidant d'un côté et ayant une place d'affaires de l'autre, avoir des ententes avec nos voisins. Et c'est important que nous ayons, bien sûr, ces relations parce que bien souvent le Québec est grand gagnant et favorisé dans ces échanges.

(17 h 30)

À titre d'exemple, nous savons qu'il y a une trentaine de milliers de travailleurs du Québec dans la région de l'Outaouais qui, chaque jour, traversent les ponts ou traversent – pas les frontières, nous sommes dans un pays qui s'appelle le Canada – les délimitations provinciales ou les frontières, pour faire plaisir à nos amis d'en face, M. le Président, pour aller travailler de l'autre côté et, bien sûr, ça crée, à l'occasion, quelques difficultés, particulièrement si, dans cette région, il y a aussi des problèmes, des fois, d'emploi. Il y a des gens qui n'ont pas de travail puis qui disent: Bien, écoute, là, les Québécois, ils viennent travailler chez nous, puis, nous autres, on ne travaille pas. Puis il y a aussi des Ontariens qui viennent travailler au Québec. Là, il y a des Québécois qui vont dire: Bien, écoute, eux autres, ils viennent chez nous, puis, nous autres, on ne peut pas aller là-bas, ou ils nous en empêchent, ils nous créent des problèmes, des entraves, ils mettent des réglementations qui nous compliquent la vie pour nous éliminer. C'est ça, la situation. Et je crois que, pour le développement économique de nos régions frontalières, il est très important que nous ayons des relations excellentes et des relations de bon voisinage et de coopération avec nos voisins. Et je ne pense pas qu'en cette Chambre quelque député que ce soit pourrait s'objecter à ce principe-là. Je crois qu'au contraire tout le monde y souscrit et tout le monde sera d'accord avec ce principe.

M. le Président, le problème, c'est que nous voulions, lorsque nous avons passé la loi n° 142, des garanties que la loi que nous proposions à l'époque ne mette pas en péril les ententes qui existaient déjà ou les accords qui existaient déjà entre le Québec et l'Ontario. Et, tout au long du projet de loi, nous avons à maintes reprises fait en sorte que ça ne se passe pas. Sauf que, lorsqu'est arrivé le changement de la loi n° 142 pour la loi n° 46, nous avions certaines inquiétudes. Nous avons fait valoir certains points à la ministre de l'époque – la ministre de l'Emploi qui a maintenant cédé son poste au ministre du Travail, le député de Matane – parce que nous voulions à maintes reprises avoir l'assurance que la loi n° 46 ne mettrait pas en péril ces ententes qui favorisaient, qui simplifiaient et facilitaient cette transhumance ou ces transferts de citoyens, de travailleurs journellement entre l'Ontario et l'Outaouais québécois, bien sûr. C'est évident que la ministre de l'Emploi disait en cette Chambre, le 20 décembre 1994, donc il y a à peu près deux années, là, aujourd'hui, nous sommes le 4 décembre: «Je termine – elle parlait sur un projet de loi – en vous disant que, justement, notre objectif est le suivant: ne jamais associer désyndicalisation et mobilité de la main-d'oeuvre. Il faut que l'ensemble de la population ouvrière soit consciente que la mobilité de la main-d'oeuvre, ça vaut maintenant pour nos voisins ontariens et ça vaudra un jour pour toute l'Amérique.» Et, pour cette dernière phrase, c'est vrai que, si aujourd'hui nous discutons de mobilité de main-d'oeuvre Québec–Ontario, Outaouais québécois versus Outaouais ontarien, capitale nationale, eh bien, peut-être que nos successeurs dans cette Chambre, un jour, discuteront de la mobilité, et peut-être plus vite qu'on le pense, peut-être nous-mêmes, peut-être que le député de Matane, s'il fait encore un mandat ou deux, nous discuterons ensemble de la mobilité des travailleurs Québec–États-Unis. Et c'est peut-être là que nous allons nous diriger un jour. Et ça, c'est pour nous très important de voir dès maintenant à mettre des cadres administratifs, législatifs qui vont permettre de tracer la voie à des ententes.

Il n'y a pas seulement l'Ontario, il y a aussi le Nouveau-Brunswick. On sait que, grâce aux efforts du premier ministre du Nouveau-Brunswick, un nombre important d'emplois se sont créés dans cette province, contrairement à antérieurement. On se rappellera que, dans le temps, des travailleurs du Nouveau-Brunswick venaient au Québec pour trouver de l'emploi. C'était traditionnel. On disait: Voilà, ils viennent du Nouveau-Brunswick. Et ils viennent chez nous parce que, chez eux, la province est économiquement en situation difficile, il y a un haut taux de chômage. Donc, nous allons au Québec, qui est industrialisé, qui est prospère, trouver de l'emploi. Aujourd'hui, il y a un certain renversement qui s'est fait par rapport à certaines régions. Et là aussi je pense, M. le Président, qu'il va être important que nous nous penchions sur une réglementation ou des ententes, pas une réglementation – on ne peut pas réglementer nous-mêmes sans tenir compte des autres – mais sur des ententes et une législation qui vont permettre à tout le monde de pouvoir fonctionner en bonne harmonie avec nos voisins dans le meilleur intérêt des travailleurs.

M. le Président, un projet de loi a été déposé il n'y a pas longtemps au Parlement de l'Ontario par un député indépendant, le député Lalonde, qui visait à restreindre l'accès des chantiers de construction ontariens aux travailleurs québécois de la construction.

M. le Président, personne en cette Chambre, et je suis assuré que, même au Parlement provincial de l'Ontario, un grand nombre de députés n'acceptent pas de souscrire à ce projet de loi. Il n'en reste pas moins que ça a permis de révéler là un malaise, une difficulté qui existait. La pression a monté, les moyens politiques et publics, médiatiques, pris par un groupe ou par l'autre ont fait en sorte d'exacerber les passions, et les travailleurs québécois se sont retrouvés dans une situation un peu difficile.

Aussi, le 10 octobre dernier, le ministre du Travail, et je dois le dire, je dois reconnaître qu'il s'est penché sur ce dossier-là lorsque la pression a monté et qu'il n'a pas... Peut-être aurait-il dû le voir avant, mais il n'était pas responsable de cette loi qui a été présentée avant. Il ne faut pas tout lui mettre sur le dos, au ministre du Travail! C'est vrai qu'à l'occasion il ne s'occupe pas toujours des dossiers rapidement, peut-être qu'il en a beaucoup, mais il arrive que, dans certains dossiers, il agisse parce que peut-être sont-ils plus publics ou parce que ses collègues députés les lui font valoir ou l'opposition les lui fait valoir. Et là je dois dire que les députés de l'Outaouais, nos collègues les députés de l'Outaouais, députés libéraux, l'ont fait valoir rapidement. Dès qu'ils ont senti la marmite bouillir, dès qu'ils ont senti la pression sous le couvercle, ils sont intervenus publiquement, ils ont fait valoir leur point en conférence de presse et ils ont fait en sorte que le ministre du Travail réagisse, bouge – le gouvernement. Le ministre du Travail a donc annoncé qu'il avait signé un protocole d'entente avec nos voisins de l'Ontario.

Cette entente a été publiée sous forme de communiqué de presse. Nul en cette Chambre n'a pu avoir copie... M. le Président, je disais donc que nul en cette Chambre n'a pu avoir copie de cette entente officielle. Est-elle signée définitivement? Nul ne le sait. Peut-être que le ministre pourra nous le dire un peu plus tard. Est-ce que nous en avons eu en cette Chambre copie officielle? Je ne sais pas si les députés du caucus du ministre, du Parti québécois ont eu copie de cette entente. Nous ne l'avons point eue. Nous avons un projet de loi, et des informations qui ont filtré, venant de l'autre parti, nous laisseraient penser et croire qu'elle n'est pas signée, qu'il y a encore des points de litige, des points qui accrochent.

Alors là, le ministre nous dépose un projet de loi, et nous sommes tout prêts à collaborer, pour les principes que j'ai évoqués précédemment, celui de l'obligation d'une société comme la nôtre de s'entendre avec ses voisins et de favoriser les mouvements des travailleurs. C'est pour nous économiquement très important, c'est vital. Mais nous aimerions, avant de voter sur ce projet de loi là et de l'étudier en commission parlementaire, que le ministre dépose en cette Chambre – M. le Président, je parle actuellement directement au ministre – l'entente qui est signée entre le Québec et l'Ontario, parce que, si nous n'avions pas l'entente signée entre le Québec et l'Ontario, l'entente officielle, nous aurions de la difficulté à voter. Nous ne pouvons pas voter sur un projet de loi qui parle d'une entente Québec–Ontario qui a été déposée il y a maintenant un mois à peu près, alors que l'entente qui vient avec n'est pas publiée, n'est pas connue et n'a pas fait l'objet de signatures officielles entre les parties.

Aussi, ça m'amène à demander: Le gouvernement du Québec, qui a laissé un certain nombre d'avantages, qui a laissé les travailleurs ontariens profiter d'un certain nombre d'avantages pour venir travailler au Québec, pour permettre aux nôtres d'y aller, qu'est-ce qu'il a laissé aller? Ce que nous savons actuellement – peut-être que le ministre pourra nous l'indiquer – c'est qu'il a laissé aller, au niveau de la santé et sécurité, l'obligation pour un Québécois de suivre un cours de santé et sécurité d'un minimum de 30 heures. Pour le travailleur ontarien, le cours de santé et sécurité en Ontario n'est que de 15 heures. Déjà là, on voit une différence de traitement. Est-ce que le ministre va nous expliquer en commission parlementaire pourquoi un Québécois doit avoir un cours de sécurité de 30 heures et un Ontarien seulement de 15 heures? J'aimerais ça que nous puissions faire ce débat, je pense qu'il est important.

(17 h 40)

Le certificat de compétence pour les travailleurs. L'obligation pour un travailleur québécois de passer des examens et de payer à chaque année 100 $ pour le renouvellement de sa licence, c'est là certes quelque chose de courant chez nous, au Québec, pour les travailleurs de la construction. Pour le travailleur ontarien qui viendra travailler au Québec, il n'y a pas d'obligation de passer des examens ni de payer le 100 $ qui est payé par le Québécois. Certes, ce n'est pas là une somme importante. Mais surtout, pas d'obligation de passer des examens ni de payer un 100 $, et c'est remplacé par un enregistrement. Pourquoi le travailleur ontarien n'est pas traité de la même manière que le Québécois? Est-il plus qualifié que le travailleur québécois, vu qu'il n'a pas besoin de passer des examens quand il vient travailler chez nous? C'est des questions que, selon la connaissance que nous avons actuellement de l'entente... Elle reste à être publiée et à être donnée par le ministre. Peut-être a-t-elle changé, mais, pour l'instant, c'est ce que nous avons, disons que c'est ce sur quoi nous sommes obligés de parler.

Pour l'entrepreneur ontarien qui veut venir travailler au Québec. Là encore, on prend l'entrepreneur québécois. Dans votre circonscription, la circonscription de Matane, la circonscription de La Prairie, enfin, LaFontaine, la circonscription électorale québécoise normale, l'obligation, pour les entrepreneurs, est de passer des examens puis de payer les frais qui viennent avec. Mais là, c'est certes, ma foi, la réglementation habituelle, et personne n'y trouve à redire, dans notre contexte québécois. Maintenant, pour l'entrepreneur ontarien qui veut venir travailler au Québec, en fonction de l'entente dont nous avons pris connaissance selon le projet de loi, eh bien, l'entrepreneur ontarien n'est pas obligé de passer des examens. On maintient le paiement de la cotisation. Soit. Mais pourquoi un entrepreneur québécois doit passer des examens pour pouvoir fonctionner et puis pas un entrepreneur ontarien? Deux poids, deux mesures, semble-t-il. Peut-être que nous aurons l'occasion avec le ministre d'en discuter et de voir, si c'est là l'entente finale, quelles sont les raisons qui amènent ça. Il me semble, au prime abord, qu'il y a là deux poids, deux mesures.

La mobilité des travailleurs, et ça, ça touche... Je pense, les députés en cette Chambre, chacun d'entre nous, nous avons eu des gens qui sont venus nous voir parce qu'ils ne pouvaient pas travailler dans une région, qui habitent notre circonscription ou notre région et qui auraient voulu aller dans un chantier dans une autre région pour travailler, pour gagner leur salaire, leur paie, pour élever leur famille, gagner leur vie. Ils ne peuvent pas. Si vous êtes dans la région de Montréal, vous ne pouvez pas aller travailler dans la région de Trois-Rivières. Région de Trois-Rivières, vous ne pouvez pas aller travailler dans la région de l'Estrie. C'est ça, la réglementation, en gros. Puis je ne suis ni pour ni contre, pour l'instant, ça fait partie du débat que j'ai fait au début, sur les remarques principales, la réouverture de R-20, sur la construction. Mais c'est ça, pour le travailleur québécois.

Selon l'entente, pour le travailleur ontarien, le travailleur de l'Ontario, il a le choix de la région où il veut travailler, il bénéficie de la mobilité totale à l'intérieur du Québec. Selon l'entente! Peut-être que le ministre, lorsque l'entente finale sera signée, aura-t-il des conditions différentes à nous faire valoir. Et j'ai hâte de les voir. J'aurais aimé les avoir avant de faire le discours, ce qui m'aurait permis peut-être, si c'est différent, d'en faire valoir le bien-fondé. Mais actuellement, selon cela, ce que ça veut dire en clair, c'est qu'un travailleur du Québec est obligé de travailler dans sa région à lui – s'il n'y a pas de travail, il ne travaille pas – alors qu'un travailleur de l'Ontario qui décide d'aller travailler dans n'importe quelle région où il y a du travail au Québec, il peut le faire. Deux poids, deux mesures pour le travailleur québécois. Ou alors la mesure est bonne pour le travailleur ontarien, qui peut aller partout, et elle n'est pas bonne pour le Québécois. Libéralisons les deux, ou alors il y a là iniquité envers le travailleur québécois.

M. le Président, c'est le genre de questionnement que nous nous faisons à la lecture de ce projet de loi qui nous est arrivé, loi n° 78, en ce qui concerne l'entente Québec–Ontario. Certains nous disent que l'entente est loin d'être signée, que ça accroche, qu'il y a des gens du côté ontarien qui ne sont plus d'accord avec certaines dispositions et que c'est à rediscuter. Je ne le sais pas, je ne me risquerai pas en cette Chambre à dire: Ça ne marche pas. Quand je dis que dans l'industrie de la construction domiciliaire au Québec il n'y a pas de négociation depuis le 18 juin, je le dis fermement de mon siège, que je sais que c'est pertinemment vrai, les négociations sont rompues. Dans le cas de l'entente Québec–Ontario, ce n'est que des informations que j'ai eues, que je ne peux confirmer, et je souhaiterais donc que le ministre, lorsque nous allons procéder article par article de ce projet de loi là, puisse nous déposer l'entente finale, signée entre l'Ontario et le Québec. Et je ne dis pas ça dans un but de l'embarrasser, je dis ça dans un but de faciliter l'adoption de ce projet de loi qui est attendue par tous les travailleurs de l'Outaouais, par mes collègues les députés de Gatineau et de Papineau, de Hull, des gens qui sont régulièrement et tous les jours interpellés par leurs commettants, par leurs travailleurs pour qu'ils fassent des représentations sur ce dossier-là.

Et ils ont été très, très, très prudents, M. le Président, ils ont été très patients, parce que, très souvent, je m'inquiétais, moi aussi, mais là mes collègues me disaient: Écoute, il ne faudrait pas que, par des questionnements inopportuns, publiquement, nous fassions en sorte de créer une réaction qui viendrait à faire en sorte que les négociations achoppent, ou de déranger la négociation, car c'est important pour nos électeurs, pour nos travailleurs, et nous voulons avoir une attitude responsable dans ce dossier-là.

Là, je pense qu'il est temps maintenant que le ministre tienne compte de l'attitude responsable des députés de l'opposition de l'Outaouais envers leurs concitoyens et qu'il dépose le projet d'entente signé formellement, pas un communiqué de presse, pas une note adressée au Conseil des ministres ou à qui que ce soit, mais l'entente qui sera signée par lui et sa ou son homologue au niveau de l'Ontario. Alors, voilà, M. le Président, des choses importantes que nous demandons en parlant du principe de ce projet de loi là.

Il y a bien sûr, M. le Président, dans ce projet de loi là, quelques dispositions qui touchent la formation professionnelle. Nous avions demandé en cette Chambre que l'industrie de la construction ne soit pas soumise à la retenue de 1 % en ce qui concerne la formation professionnelle, lorsque la loi a été passée par la prédécesseure du ministre du Travail. Pourquoi nous l'avons demandé? Parce que les représentants de cette industrie étaient venus rencontrer les membres de l'opposition ainsi que les membres du gouvernement – probablement – et avaient fait valoir qu'ils participaient déjà – et le ministre l'a éloquemment expliqué lors de son intervention – à un fonds de formation qui, même s'il était gelé parce que les parties ne s'entendaient pas, existait pareil, et qu'il y avait là double cotisation.

Il est bien de voir qu'on va essayer de régler ça par le projet de loi. Malheureusement, je dois dire que, malgré le jugement qui est intervenu la semaine dernière en ce qui concerne le gel du Fonds de formation, la construction, le litige n'est encore pas réglé et nous sommes encore avec des mesures qui sont un peu transitoires. Je pense qu'il serait temps que le ministre fasse peut-être preuve dans ce domaine-là de leadership et s'implique envers les parties afin de faire en sorte qu'on trouve non pas des jugements... Parce que, vous savez, tout le monde en cette Chambre va être d'accord avec moi, et les téléspectateurs, les citoyens du Québec, la meilleure entente en dehors de la cour vaut mieux que le meilleur des jugements. Moi, je crois que le ministre du Travail, qui devrait être un leader, un catalyseur dans le milieu, dans le monde du travail au Québec, et non pas un confrontateur ou un législateur seulement, a comme responsabilité, M. le Président, de faire en sorte d'asseoir les parties à la table et de régler à l'amiable, de faire une entente pour que toutes les parties qui sont impliquées dans cette contestation ne soient pas assujetties à un jugement ou à une confrontation mais qu'elles s'assoient ensemble et fassent en sorte de collaborer. Parce que la formation professionnelle, c'est important. Ça touche, c'est vrai, la qualité des travaux, la productivité, le produit fini qui est livré aux gens, aux consommateurs; ça touche aussi la santé et la sécurité au travail. On avait l'occasion de parler sur le projet de loi n° 79 avant-hier, M. le Président, et je disais qu'il m'apparaît logique que, lorsque les gens ont une bonne formation professionnelle, ils savent comment travailler, comment faire fonctionner leur machinerie, comment utiliser leurs équipements, ils sont moins soumis aussi à des accidents du travail. On sait qu'au-delà de 6 000 000 000 $ par année sont dépensés pour les accidents du travail.

(17 h 50)

Mais c'est là périphérique, M. le Président, ce n'était pas le point, l'argument central de mon propos.

Bon, il y a aussi encore des aspects discutables de la loi. J'ai eu l'occasion, sur le projet de loi n° 31... Ça a été repris par le Barreau du Québec, ça été repris dans la loi n° 74, soit sur le financement de la CSST, et c'est encore là dans ce projet de loi n° 78. Il y a, encore une fois, le pouvoir que se donne le gouvernement de réglementer sans prépublication. Encore une fois, on se rend compte que le gouvernement amène une mesure dans un projet de loi qui le dispense de prépublier. Et là je m'interroge, encore cette fois-ci, pourquoi est-ce qu'on va faire un projet de loi qui dit: Je pourrai faire ce que je veux, pas obligé de prépublier. Prépublier, ça veut dire qu'on le publie à l'avance. Ça permet aux groupes qui sont intéressés, aux groupes professionnels, sociaux, travailleurs ou au simple citoyen d'intervenir, d'écrire au ministre, d'appeler l'opposition, de faire valoir des commentaires ou des points sur ce qui va être adopté. Alors, est-ce que c'est là encore un des meilleurs facteurs, une meilleure manière de responsabiliser les gens dans l'industrie de la construction? Moi, je ne le pense pas. Je pense que le gouvernement, surtout de nos jours où les gens sont scolarisés, ont accès à de l'information avec l'électronique, avec la diffusion de nouvelles, on se doit de faire en sorte que les règlements soient connus de la population avant de les adopter. Et pourquoi? Parce que lorsqu'un règlement est connu par la population ou par les intéressés et qu'il peut faire des recommandations, cela permet au législateur, s'il ne correspond pas tout à fait à la réalité ou au meilleur intérêt des gens à qui il va devoir s'appliquer, eh bien, d'y faire des changements, d'y apporter des correctifs. C'est là, M. le Président, il me semble, quelque chose de fondamental dans notre manière de légiférer à l'Assemblée nationale.

Aussi, je trouve bizarre que, dans un troisième projet de loi venant du ministre du Travail, qui, on le sait, dans une vie professionnelle antérieure, et en tout honneur, là – il ne faut pas qu'il considère ça péjoratif – était dans des émissions d'affaires publiques, qui dénonçait ou vilipendait souvent les exactions ou les passe-passe ou les raccourcis que les gouvernements pouvaient prendre, les administrations municipales, publiques ou autres, vis-à-vis des gens... Et ça a fait sa notoriété, pour une bonne partie. Et j'en étais, à l'époque, de ceux qui l'écoutaient avec satisfaction, ou avec intérêt, en tout cas.

Eh bien, je ne comprends pas que lui aujourd'hui accepte de se soumettre à ce genre de dispositions dans un projet de loi. Je pense qu'au contraire il devrait être plus sensible à cette dimension-là en disant: Je me souviens, moi, quand j'étais dans les affaires publiques, au niveau des médias télévisés, entre autres, et de la radio, eh bien, j'avais une attention particulière pour tout ce qui semblait être caché ou étouffé rapidement par les gouvernements quand ça touchait les citoyens.

Je me souviens de l'avoir entendu, M. le Président, il y a de nombreuses années, dans les débats avec l'ancien ministre du Travail, M. Cournoyer – c'est bizarre comme la vie réunit les gens! – sur un débat sur la ceinture de sécurité, à l'époque où le gouvernement passait, en 1976 ou 1977, un projet de loi qui obligeait les automobilistes à mettre leur ceinture de sécurité. Il y avait ce débat dans une station de radio, que je ne nommerai pas pour ne pas faire de publicité, entre le ministre actuel et l'ancien ministre, mais qui n'étaient plus ministres ni l'un ni l'autre et qui argumentaient sur la liberté des citoyens de mettre ou de ne pas mettre une ceinture de sécurité. C'est le genre de débats humanistes et de liberté que le ministre actuel a défendus, a débattus. C'est tout à son honneur.

Et aujourd'hui, qu'est-ce qui lui est arrivé? Pourquoi a-t-il changé? Pourquoi est-il rendu à passer des projets de loi qui font en sorte que les citoyens ne soient pas... que la règle de prépublication qui est normalement reconnue ne soit pas appliquée? Alors, vous comprendrez, M. le Président, que, dans ce projet de loi, notre souhait à nous, étant donné les enjeux que nous y voyons, que nous pouvons y voir, l'intérêt pour les citoyens, pour les travailleurs, pour l'industrie de la construction, étant donné tout cet intérêt et vu que c'est une loi d'intérêt public, c'est que c'est une loi que nous souhaitons pouvoir discuter sérieusement avec le ministre en commission parlementaire, bonifier. Nous souhaitons avoir toute l'information sur l'entente Québec–Ontario, nous souhaitons, si des groupes le faisaient valoir...

Nous savons que quelques groupes ont approché l'opposition et ont émis l'opinion que peut-être – je dis bien «peut-être», je pèse mes mots pour que le ministre comprenne bien ce que je veux dire – ils auraient des recommandations à faire ou, peut-être, ils auraient des amendements à nous envoyer, à voir avec le ministre et le reste des intervenants quelle serait la formule la plus efficace pour bonifier le projet de loi.

Alors, c'est, en terminant, peut-être ce que j'adresse au ministre comme message. Il serait souhaitable peut-être que nous fassions, ou que le ministre fasse un tour, avec l'opposition, si nécessaire, ou les membres de la commission parlementaire de l'industrie et du commerce, pour voir si les groupes sont intéressés à être entendus, lesquels ils sont, dans quel cadre nous pourrions le faire rapidement dans les meilleurs intérêts du projet de loi, et aussi que nous puissions le bonifier, le rendre le plus conforme, le plus exact possible pour les Québécois et les Québécoises.

Et je rappellerai en terminant, M. le Président, que c'est une occasion unique d'ouvrir la loi R-20, la loi qui régit la construction, et que peut-être nous pourrions en profiter pour faire un débat beaucoup plus vaste en ce qui concerne la réglementation de toute cette industrie qui, je le rappelle, touche des dizaines et des dizaines de milliers de nos compatriotes et de nos concitoyens québécois et québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine.

Alors, comme il ne reste plus que trois minutes avant de suspendre les travaux et que nous avons des intervenants qui ont un droit de parole de 20 minutes, si vous le permettez de part et d'autre, je suspendrais les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 20 h 3)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Nous reprenons nos travaux, alors qu'à l'article 14 de notre feuilleton le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction.

Au niveau des interventions, le ministre du Travail a utilisé son temps de parole. Également, le critique officiel de l'opposition, le député de LaFontaine, a utilisé son temps de parole. À ce stade-ci, y a-t-il d'autres intervenants sur le projet de loi? Alors, M. le député de Papineau.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il y a des applaudissements, M. le Président, autant qu'André Lejeune, à la fête de Noël au Parlementaire. Et il y a le whip en chef du gouvernement qui vient de nous chanter une chanson extraordinaire. Félicitations, je ne pensais pas que vous aviez du talent comme ça. J'espère qu'ils ont compris, en haut ou en bas, je ne sais pas.

M. le Président, le projet de loi n° 78, la Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction. Le ministre du Travail, aujourd'hui, a parlé. Pour nous, les gens de l'Outaouais, mon discours va être sûrement complètement pour nous – les gens qui travaillent – la mobilité du travail. Dans la loi, on parle: Le projet de loi introduit aussi dans certaines lois des dispositions destinées à favoriser, par règlement, la mise en oeuvre d'ententes intergouvernementales en matière de la mobilité des personnes ou de reconnaissance des qualifications, compétences ou expériences de travail.»

M. le Président, en 1993, la loi 142, qui avait été mise sur la table par le Parti libéral, notre parti, le gouvernement du temps, on se rappelle que nous, les cinq députés de l'Outaouais, avions vraiment un problème chez nous à cause de la mobilité des travailleurs, des gens du Québec qui travaillaient en Ontario. Et, dans la loi, on parle de 4 000 à 5 000 travailleurs du côté du Québec qui travaillent du côté de l'Ontario; et, de l'autre côté, qui viennent travailler chez nous, on parle de seulement 400 à 500. Pour nous, M. le Président, nous avions, quand je suis arrivé ici, en 1989, avec le député de Pontiac et les députés du temps – maintenant, nous avons quelqu'un qui s'est joint à nous, la députée de Chapleau – fait, pas une bataille, nous avions fait un genre de plaidoyer pour ces gens-là.

Quand on parle de 4 000, 5 000 jobs pour une région, vous pouvez vous imaginer, dans votre région, M. le Président, si vous aviez des problèmes avec 4 000 ou 5 000 emplois, ou jobs, dans mon langage, que c'est un désastre quand on joue là-dedans.

En 1993, la loi 142 qu'on avait mise sur la table, c'était pour désyndicaliser le résidentiel pour aider les gens de notre région à pouvoir travailler de l'autre côté de la rivière. Quand on dit «l'autre côté de la rivière», c'est le côté de l'Ontario. Et autant nous, quand on défendait ça, de 1989 à 1994, c'était que le résidentiel du temps, la construction était... Il y avait un genre de boom, si vous voulez, du côté de l'Ontario dans les résidences, et il n'y avait pas de syndicat dans ce temps-là sur le côté de l'Ontario, et, chez nous, nous étions pris avec des lois, avec la CCQ, la Régie du bâtiment et un paquet d'autres choses. Alors, il était important pour nous, les députés de l'Outaouais, de notre région, d'aider ces jeunes et ces gens-là qui travaillaient en construction depuis nombre d'années sans avoir de carte de compétence.

Les cartes de compétence, pour nous, dans l'Outaouais, c'était vraiment un problème, M. le Président. Ça empêchait beaucoup de gens qui avaient travaillé du côté de l'Ontario pendant nombre d'années, pour le même contracteur et plusieurs contracteurs... Quand on a 4 000 ou 5 000 travaillants qui travaillent à côté et que les 4 000, 5 000 ne travaillent pas strictement du côté résidentiel... Mais, d'après moi, il y en avait 85 % à 90 % de ces gens-là qui travaillaient du côté de l'Ontario et qui n'étaient pas syndicalisés ou, s'ils l'étaient, c'était un syndicat de chantier, et pour nous c'était difficile.

Puis ce n'est pas un cri du coeur, mais pensez-y, quand il y a 4 000 personnes d'une région de 200 000 de population qui travaillent du côté de l'Ontario puis qui ont des problèmes, quand il y a – comment je dirais – des dossiers, pas des dossiers mais de la construction du côté de Québec puis qu'ils n'ont pas cette carte-là, pour ne pas dire – j'ai passé proche de dire autre chose – cette carte de compétence là, ce qui les empêche de travailler, ça ne devrait pas exister. Et ce n'est pas une question, là, de gouvernement, ce n'est pas une question d'être libéral, d'être du Parti québécois, c'est une question de manger, de beurre sur la table. Nous, les gens de notre côté, avions mis des pressions, on avait formé un comité de sept députés, du côté du Parti libéral, dont mon collègue de l'Outaouais, le député de Gatineau, et nous avions vendu à notre Conseil des ministres d'enlever ces contraintes-là que les gens avaient dans notre région. C'est important. Et je suis content que le ministre du Travail soit ici avec nous pour écouter cette partie-là. Quand on parle d'emploi et quand on parle qu'on veut que les gens travaillent, on veut augmenter nos revenus du côté du Québec; ces gens-là, même s'ils travaillent du côté de l'Ontario, ça ne les empêche pas de demeurer chez nous.

(20 h 10)

À un moment donné, M. le Président, il y a une madame qui m'a appelé chez nous, dans tout ce débat-là, en 1993, je pense que c'est 1993. Les gens nous appelaient chez nous pour nous dire que, si jamais on empêchait les Québécois ou Québécoises de travailler sur la construction du côté de l'Ontario, ils pensaient vraiment être obligés de vendre leur maison pour aller demeurer en Ontario. Puis ça, M. le ministre du Travail, c'est la réalité. Ce n'est pas une question de politique, de couleur, de Parti québécois, de Parti libéral. C'est des gens, 4 000 à 5 000 personnes d'une région qui travaillent de l'autre côté de la rivière. Chez nous, on ne peut pas se sauver de ça. C'est notre région. Nos voisins sont du côté de l'Ontario, jusqu'à Hawkesbury, jusqu'à Lachute, du comté d'Argenteuil, on suit ça tout le long. Mais on avait un problème. On empêchait ces gens-là de travailler de l'autre côté ou de travailler chez nous. Il y en a seulement 400 ou 500 qui travaillent en Ontario, comme M. le ministre l'a dit, puis c'est vrai, ça. Ce n'est pas gros, mais ces gens-là, quand même, travaillent.

Ici, tantôt, M. le ministre a dit qu'il y avait une entente qui avait été signée, ou qui va être signée; je ne l'ai pas vue, l'entente. Dans Le Droit d'hier: Conflit Québec–Ontario dans la construction. Les ouvriers d'Ontario expriment leur rancoeur. Je dois vous dire que ça a été commencé par un député nouvellement élu, M. Lalonde – il n'est pas ici, alors je dois sûrement être capable de mentionner son nom – qui, lui, a eu des plaintes des gens de l'Ontario: ils ne pouvaient pas travailler en Ontario parce qu'il y avait trop de Québécois qui travaillaient sur le côté de l'Ontario. C'est la réalité: 4 000 à 5 000 personnes qui travaillent du côté de l'Ontario, une grosse partie qui travaille dans le résidentiel.

Les gens de l'Ontario, eux, ne pouvaient pas venir travailler au Québec à cause de toutes les lois qu'on a. C'est difficile pour ces gens-là. C'est très difficile de les empêcher de travailler. Le problème depuis un an, ou depuis deux ans, c'est parce qu'il n'y a pas de job. Il n'y a pas de construction du côté du Québec ou du côté de l'Ontario. Et je dois vous dire que tous les emplois qui ont été créés sur le côté de l'Ontario depuis un an... Le dernier contrat qui a été donné, là, ce n'est pas commencé, c'est l'ambassade des États-Unis, par un contracteur du Québec à Ottawa, et, en tout cas, les soumissions sont sorties, et ces gens-là, malheureusement, ont des problèmes. Mais on ne peut pas travailler du côté du Québec et on ne peut pas faire d'échanges. Alors, les gens de l'Ontario, on ne peut pas les blâmer de mettre un tas de sable sur le pont pour empêcher les gens de traverser à 6 heures, le matin. Sûrement, M. le ministre, que vous avez vu ça dans les revues de presse. C'est les gens... Au moment où on se parle, les gens ne travaillent pas, et, chez nous, 4 000 jobs, je ne connais pas les statistiques, là, mais c'est comme 40 000, d'après moi, à Montréal, dans l'Outaouais. Et on va empêcher ces gens-là à cause de tous ces règlements-là, ces cartes de compétences là...

Je parle toujours côté résidentiel. Je ne parle pas de commercial et d'industriel. Je parle strictement côté résidentiel, où vraiment les gens du côté du Québec, en majorité... Je n'ai pas le pourcentage, mais ces gens-là travaillent surtout du côté résidentiel. Ils travaillent, mais, bientôt, si on ne signe pas cette entente-là... Et j'ai hâte de la voir, M. le ministre, l'entente, et j'espère que vous allez l'envoyer au porte-parole sur notre côté pour voir vraiment si cette entente-là... et si les gens en Ontario sont satisfaits. On me dit que les gens en Ontario attendent après la loi que vous présentez ici ce soir, et qui va aller en commission bientôt, et qui va être décidée.

Nous, on n'a pas dit, les gens de l'Outaouais, qu'on est contre le projet de loi. On ne l'a jamais dit, et on a eu une rencontre avec le porte-parole du ministre du Travail du côté de notre gouvernement, et on veut juste une entente pour nos 4 000 à 5 000 personnes qui travaillent chez nous, dans l'Outaouais. C'est ça qu'on veut. On veut juste ça. On veut que ces gens-là aient la paix. Syndicat, pas syndicat, je m'en balance. D'abord que ces gens-là peuvent travailler, puis emmener de l'argent chez eux, puis continuer à travailler, c'est ça qui est important. Et, chez nous, on vit... C'est différent. On est distinct, peut-être, du reste du Québec. Je me rappelle, quand le délégué régional du temps... Déjà, je l'appelais bla-bla-bla, mais là, aujourd'hui, je l'appellerais peut-être, comment je dirais ça...

Une voix: ...

M. MacMillan: Non, pas ça, mais quelqu'un qui a travaillé fort chez nous. Au moins, on pouvait lui parler... pour ne pas entrer dans les détails. Au moins, il y avait des dossiers qui se réglaient.

Le Vice-Président (M. Pinard): Le député de Masson.

M. MacMillan: Le député de Masson. Merci, M. le Président. Aujourd'hui, je n'entrerai pas dans les détails... pour le contraire. Mais c'est de ça qu'on a besoin chez nous. On a besoin de l'aide... de sauvegarder ces jobs-là: 4 000 personnes qui travaillent encore. C'est ça qu'on me dit. Je ne sais pas si tous ces gens-là travaillent actuellement, je n'ai pas les statistiques pour le prouver, mais les gens, chez nous, de 4 000 à 5 000 personnes qui travaillent sur le côté de l'Ontario, on ne peut pas se passer de ça chez nous, nous autres. On ne peut absolument pas accepter que ces gens-là ne travaillent pas. Puis ce n'est pas les syndicats qui vont dire à ces gens-là... qui vont les empêcher d'aller travailler du côté de l'Ontario, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas comme ça qu'on devrait laisser... C'est la mobilité des travailleurs. On veut que nos gens aient le libre-échange.

Le libre-échange, c'est ça. Tout le monde est d'accord avec ça. Le gouvernement du Québec du temps a été une des premières provinces... Puis le parti, aujourd'hui, qui était de l'opposition du temps a accepté ça immédiatement, le libre-échange. Pourquoi on ne ferait pas ça en construction? Pourquoi on ne laisserait pas ces gens-là libres de travailler du côté de l'Ontario? Et la même chose des gens de l'Ontario qui viendraient chez nous, sans les obliger à prendre une carte d'un des syndicats. C'est ça qui est le problème. C'est ça qui est le problème, M. le Président, et j'espère que le ministre du Travail, un homme que je pense très raisonnable... J'espère. On va voir dans l'entente qui est ici. On n'en a pas de copie, alors on ne peut pas faire de commentaires. J'ai hâte de voir les galées, pas les galées mais la loi ou l'entente qui est signée, interprovinciale, entre l'Ontario et le Québec pour voir vraiment.

Si l'entente est, comme on dit, nous autres, les gens de l'Outaouais, vraiment ce qu'on veut avoir, pas de problème. Le porte-parole du ministre du Travail va passer ça comme ça, on va s'en aller chez nous à Noël, tout le monde, puis nous autres, chez nous, il va y avoir 4 000 à 5 000 personnes qui vont continuer à travailler sans avoir de problème. Je ne pense pas qu'il n'y a personne ici, là, des régions, que ce soit de la Mauricie, que je salue en passant, étant le parrain de la Mauricie...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. MacMillan: ...du comté de Masson, de Valleyfield, d'Anjou, qui voudrait... S'ils étaient dans la situation où on est, chez nous, dans l'Outaouais, je pense que les gens penseraient la même chose. Quatre mille jobs, là, on ne peut pas mettre ça de côté. Vous êtes d'accord avec ça, M. le ministre? Il n'y a pas de couleur là-dedans, là. Il n'y a ni des rouges, ni des bleus, ni d'ADQ, ni d'indépendantistes, ni de souverainistes puis ni de fédéralistes. Il n'y en a pas. On veut sauver nos jobs, on veut que les gens aient, pas la chance, le droit de travailler de l'autre côté de la rivière, puis, les gens de l'autre côté de la rivière, la même chose, de venir chez nous. Mais laissez le choix aux gens, s'ils veulent être syndiqués, oui ou non. Lâchez-moi avec ça! Lâchez nos gens, chez nous! On est vraiment distincts, chez nous. On l'est! On a une barrière, si vous voulez, interprovinciale. On vit bien avec ça.

J'avais un discours d'écrit, là je me suis emporté, je ne le dirai pas, mais il y a des – comment je dirais ça – sondages qui ont été faits en 1993 et qui parlaient du taux d'assurance-chômage dans Hull et dans l'Outaouais et avec Ottawa: c'était à 8 %. Il n'y a pas grand régions... Je parle de l'urbain, je ne parle pas du rural. Je parle du côté urbain, qui avait 8 % de chômage. Sûrement qu'il y a beaucoup de gens de leurs régions qui aimeraient ça pouvoir dire que, dans l'urbain, dans une région, il y a 8 % de chômage, ou des gens de Montréal qui pourraient dire que, dans l'urbain, il y a 8 %. Et aujourd'hui je pense qu'on est à 9 %, ou 10 %, ou même 11 %, mais c'est encore en bas du taux de chômage qu'il y a ailleurs. Dans le rural, c'est une autre histoire. Le rural, on suit pas mal le taux de tout le monde.

Alors, M. le ministre du Travail, c'est un cri du coeur – je ne sais pas comment on peut dire cela, je m'excuse – de laisser nos travailleurs dans l'Outaouais aller travailler de l'autre côté. On est encore au Canada pour le moment, et ça va rester comme ça, j'espère, pour moi. Je ne veux pas en faire un débat politique, mais, d'ici à ce temps-là, ces gens-là ont vraiment besoin de continuer à travailler et d'avoir la paix. Puis je pense que vous, M. le ministre du Travail, vous comprenez ça. Et nous, les gens de l'Outaouais, et mes collègues vont sûrement vous en parler tantôt, on a besoin de votre appui. On veut absolument que ces gens-là continuent à travailler sans avoir de problème. Puis ce n'est pas une question de politique, c'est une question de pain et de beurre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Papineau. Je pense que vous avez vraiment livré un discours qui venait du plus profond de votre coeur. Alors, nous allons poursuivre maintenant avec une autre députée de la même région. Alors, Mme la députée de Chapleau. Mme la députée.

(20 h 20)


Mme Claire Vaive

Mme Vaive: Merci, M. le Président. J'interviens en cette Chambre parce que le projet de loi n° 78 touche directement les gens de mon comté. C'est quoi, le comté de Chapleau? Souvent on est porté à faire une confusion avec le comté de Gatineau. Gatineau, c'est la haute Gatineau, ce qui veut dire que c'est tout ce qui longe la rivière Gatineau jusqu'au parc La Vérendrye, le lac Baskatong. Le comté de Chapleau, c'est la ville de Gatineau. J'ai 90 % de la population de Gatineau qui est de mon comté, et je tiens ici à souligner que la ville de Gatineau est la quatrième plus populeuse municipalité au Québec, et j'ai le deuxième plus populeux comté de la province, après M. le vice-président, de Limoilou, je pense.

C'était tout simplement une petite remarque. Parce que les gens me posent souvent la question: C'est quoi, Chapleau? Chapleau, c'est qui? D'où vient le nom de Chapleau? Chapleau, c'est un ancien premier ministre qui a été célèbre. Et, de toute façon, je tiens à le signaler parce que les gens sont vraiment un peu mêlés, Gatineau est voisin de Hull, en face d'Ottawa. Et ce qui nous sépare de Hull, c'est la rivière Gatineau, qui se jette dans l'Outaouais. Et ce qui me sépare d'Ottawa, c'est la rivière Outaouais. Ça fait que vous pouvez comprendre mon inquiétude face à la mobilité des travailleurs de la construction de chez nous. Étant donné que j'ai le plus populeux comté de l'Outaouais, j'ai possiblement le plus de travailleurs de la construction qui demeurent chez moi.

Ma plus grande préoccupation à cette étape de l'étude du projet de loi n° 78 porte sur le maintien des emplois que plusieurs citoyens et citoyennes – parce qu'il y a des femmes qui travaillent dans la construction, des femmes de mon comté, qui occupent, dans l'industrie de la construction sur le territoire de la province de l'Ontario... Chez nous, M. le Président, le dossier de la mobilité des travailleurs et des entreprises de la construction soulève des passions. Nous sommes, dans l'Outaouais, très sensibles aux relations commerciales que nous entretenons depuis des dizaines d'années... J'aurai bientôt 57 ans et je me souviens, lorsque j'étais jeune, nous n'avions rien à part des quelques commerces que nous, chez nous, nous occupions et que nous possédions. Mais nous avions à nous déplacer continuellement pour aller magasiner à Ottawa. Et, à ce moment-là, ce n'était pas bilingue, il fallait parler anglais. Aujourd'hui, on peut se déplacer à Ottawa et parler les deux langues.

Nous sommes, dans l'Outaouais, très sensibles aux relations commerciales que nous entretenons depuis des dizaines d'années avec nos voisins les plus proches, qui sont les Ontariens. Nous sommes, dans l'Outaouais, les premiers à subir directement les conséquences d'un conflit politique entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'Ontario. Et je tiens à souligner ici que, lorsque nous avons discuté de la mobilité des travailleurs de la construction, j'étais membre du conseil d'administration de la Communauté urbaine de l'Outaouais – en fait, j'ai fait un stage de huit ans là-bas – et j'étais présidente de la Commission de planification et d'aménagement, et le dossier transport était un de mes dossiers. Et je peux vous dire que j'ai piloté ce dossier-là avec ferveur parce que je savais que je risquais en acceptant que des gens de l'Ontario viennent travailler chez nous, mais je voulais aussi garantir le travail des 4000 à 5000 des gens de chez nous de l'autre côté de la rivière. Or, M. le Président, nous avons subi au cours du printemps dernier et durant l'été des moyens de pression énormes de la part de nos concitoyens de l'Ontario. Nous avons eu les ponts bloqués. Nous avons même eu un voyage de fumier déversé sur un traversier qui assure une ligne directe avec l'Ontario. Ces moyens de pression ont fait les manchettes à plusieurs reprises dans les journaux de la région et d'ailleurs. Ces moyens de pression nuisent à la réputation du Québec. Ces moyens de pression nuisent à la réputation des Québécoises et des Québécois. Ces moyens de pression nuisent aux emplois de ma région, nuisent au développement économique de ma région, nuisent aux investissements dans le comté de Chapleau, dans l'Outaouais et dans les comtés voisins de la frontière du Québec et de l'Ontario.

M. le Président, les échanges entre l'Ontario et le Québec représentent plusieurs dizaines de milliards de dollars. Une guerre commerciale serait mauvaise pour le Québec et mauvaise pour l'Ontario. Selon les chiffres de 1993, le commerce entre les deux provinces atteint les 33 000 000 000 $. Même si l'Ontario affiche un excédent commercial de 3 000 000 000 $, les deux provinces perdraient beaucoup d'emplois dans une escalade de représailles. C'est pour cette raison qu'il est essentiel que ce gouvernement arrive à mettre fin aux moyens de pression et aux chicanes entre les deux provinces, et le plus rapidement possible.

Les gens du comté de Chapleau n'ont pas le temps ni les moyens de se payer un conflit avec notre principal partenaire économique. La région de l'Outaouais, mon collègue, tantôt, en a soufflé mot... Avec Ottawa–Carleton, quand je parle de la région de l'Outaouais, nous avons l'Outaouais québécois et l'Outaouais ontarien. On ne peut pas travailler, on ne peut pas opérer sans s'entraider. Et cette région représente plus de 1 000 000 d'habitants. C'est beaucoup et c'est la raison pour laquelle nous sommes la troisième région la plus populeuse au Québec. Et le chiffre que je vous apporte, en fait, rejoint aussi la Communauté urbaine de l'Outaouais, la MROC d'Ottawa ainsi que les différentes MRC de l'Outaouais.

Le ministre du Travail annonçait, le 10 octobre dernier, lors d'une conférence de presse, qu'une entente de principe avec son homologue de l'Ontario avait été conclue dans la nuit précédente. Or, le projet de loi n° 78, en principe, doit donner suite à cette entente, mais le problème, c'est que les parlementaires en cette Chambre ignorent totalement ce que le gouvernement a l'intention de faire pour régler les barrières qui existent encore aujourd'hui entre les deux provinces. Lorsque j'ai préparé le discours, je n'avais pas entendu le discours de M. le ministre du Travail. Il nous a éclairés sur certains points, et je l'en remercie, et j'espère qu'en commission – et je serai là; j'ai demandé d'être présente – nous aurons l'occasion d'échanger beaucoup sur certains points qui portent encore à confusion.

Dans le communiqué de presse du ministre, l'entente en question devait encore être concrétisée par la rédaction et la signature d'un accord bilatéral. Selon les informations que nous avons, les négociations ne sont pas terminées, les discussions ne sont pas terminées, et on nous demande aujourd'hui de débattre du principe d'une entente bilatérale qui n'est pas rédigée ni paraphée.

Pendant ce temps, dans l'Outaouais, les pressions continuent. Et je peux vous dire, M. le Président, que j'ai des amis parlementaires ontariens, de l'opposition du gouvernement ontarien, qui font des pressions aussi pour que ça continue, ces pressions-là. Et j'ai même rencontré ces gens-là au mois de juin avec mon collègue député de Marguerite-D'Youville, qui est membre de l'Association parlementaire Ontario–Québec, et nous avons une rencontre demain encore en préparation pour une rencontre des deux provinces pour février prochain. Et laissez-moi vous dire qu'à ce moment-là nous avons parlé de ce dossier. Et je n'aime pas l'attitude qu'on prend dans le moment pour inciter les travailleurs à mousser cette petite révolte là, mais, malheureusement, ça se fait. Et je pense qu'il serait intéressant qu'on se rencontre le plus possible. Je pense que M. le ministre du Travail est tout à fait la personne désignée pour mettre fin à ces petites chicanes entre provinces.

(20 h 30)

M. le Président, dans l'Outaouais, les pressions continuent puis les citoyens de mon comté risquent encore de perdre l'emploi qu'ils occupent en Ontario. Le quotidien Le Droit titrait, pas plus tard que le 3 décembre dernier: «Conflit Québec–Ontario dans la construction: les ouvriers ontariens expriment leur rancoeur.» Je voudrais citer ce que disait M. Yves Tessier, président du syndicat local des peintres de l'Ontario. M. Tessier disait ceci: «Il est temps que les travailleurs de l'Ontario viennent chercher ce qui leur revient. Nous voulons avoir accès aux chantiers québécois aussi facilement que les Québécois ont accès aux nôtres.» Selon M. Tessier, «L'entente que s'apprêtent à signer les gouvernements du Québec et de l'Ontario sur la mobilité des travailleurs de la construction est insatisfaisante car elle oblige les travailleurs à faire partie d'un des cinq syndicats québécois [...] et ne reconnaît pas les travailleurs ontariens comme des professionnels.»

Lors du débat que nous avons eu ici, en cette Chambre, en janvier et février 1995 sur la loi n° 46, qui ramenait la réglementation dans la construction domiciliaire, la ministre de l'Emploi de l'époque nous avait garanti que cette loi n'aurait pas d'impact sur l'entente sur la reconnaissance mutuelle des compétences dans l'industrie de la construction signée en mai 1994 avec le gouvernement de l'Ontario. La ministre affirmait en cette Chambre qu'il était tout à fait possible de conjuguer syndicalisation obligatoire au Québec et mobilité de la main-d'oeuvre. Nous étions heureux de l'entendre, M. le Président, parce que dans la région de l'Outaouais, ce qui est le plus important, ce sont les emplois, le travail de ces milliers de personnes concernées. Il ne faut pas que les chicanes entre les gouvernements mettent en péril ces emplois si importants pour les familles du comté de Chapleau et de l'Outaouais.

Malheureusement, M. le Président, il existe une grande différence entre le discours et les faits lorsque ce gouvernement parle. Nous en avons eu plusieurs manifestations dans ma région l'été dernier. On menace encore aujourd'hui les emplois que des Québécois de ma région réussissent à décrocher sur les chantiers de construction du côté de l'Ontario. J'écoutais le discours du ministre du Travail cet après-midi, et je suis d'accord avec ce qu'il a dit, que nos travailleurs de la construction, ce sont des gens compétents. C'est probablement pour cette raison que les gens de l'Ontario acceptent nos Québécois pour aller travailler chez eux.

Dans l'article, toujours, du journal Le Droit que je citais tantôt, M. Bernard Lamoureux, président de l'Association des travailleurs de la construction de l'Ontario, mentionne, et je cite: «Les règles sont moins sévères en Ontario, et on se retrouve à un niveau plus bas quand on veut travailler au Québec. Nous voulons donc que le gouvernement de l'Ontario durcisse ses lois pour les mettre au même niveau que celles du Québec.» On voit, M. le Président, que le dossier n'est pas encore réglé. Il existe un mouvement en Ontario pour que le gouvernement de l'Ontario durcisse ses lois pour empêcher les Québécois d'avoir accès aux chantiers de la construction de l'Ontario. Le problème ne semble pas être réglé. On dit même qu'une rencontre entre notre premier ministre et le premier ministre de l'Ontario a été remise à une date ultérieure. Chez nous, il est important que ce gouvernement trouve le juste équilibre afin de mettre fin le plus rapidement possible à ce problème.

Les lois de l'Ontario sont différentes des lois du Québec, c'est un fait historique. Notre histoire dans l'industrie de la construction est fertile en rebondissements. L'industrie, les employeurs et les travailleurs se sont donné des règles à suivre, à respecter pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses de la construction du Québec de gagner leur vie décemment. L'industrie québécoise est encadrée par un dispositif que les partenaires de l'industrie ont voulu.

Les entreprises du Québec ne sont pas libres d'embaucher n'importe qui sur un chantier de construction. Les travailleurs de la construction du Québec n'ont pas un accès libre aux chantiers de la construction. L'industrie mise sur la compétence, sur la qualification, sur la formation professionnelle des travailleurs et aussi des entreprises. La productivité, la qualité des travaux et la protection des consommateurs se trouvent améliorées par les règles que nous avons ici, au Québec. Mais, en même temps, le système est très lourd, très bureaucratique, très réglementé. Le projet de loi n° 78 propose quelques assouplissements pour les entrepreneurs et les travailleurs de l'Ontario.

Le principe dont nous devons débattre, M. le Président, est double. Premier principe: la mobilité de la main-d'oeuvre. Est-ce que nous sommes pour ou contre un projet de loi qui favorise, en principe, la libre circulation des biens et des personnes entre le Québec et l'Ontario dans l'industrie de la construction? Sur cette question, nous sommes tous en faveur du principe du libre-échange, du principe de la libre circulation des personnes, de la libre circulation des biens, de la libre circulation des services. Nous sommes en faveur du principe de la communauté économique entre les provinces et du partage équitable de la richesse entre tous les citoyens de ce pays.

Un des problèmes que nous avons avec le projet n° 78 porte davantage sur le contenu d'une entente de principe qui n'est pas encore signée par le Québec et l'Ontario. Le projet de loi n° 78 sera probablement amendé pour donner suite aux discussions qui sont encore en cours. Il est donc extrêmement difficile pour la parlementaire que je suis de porter un jugement de fond sur le projet de loi n° 78 sans connaître les conclusions et le contenu d'une entente bilatérale qui n'est pas encore finalisée et qui suscite déjà de la controverse dans ma région. La seule chose que je peux faire actuellement, c'est de témoigner de ce que j'entends dans le comté de Chapleau et des représentations qui me sont faites en tant que députée. Dans l'Outaouais, on veut protéger les emplois en priorité.

Le deuxième principe soulève la question suivante: Est-il acceptable que les lois du Québec et leur application soient différentes en fonction du lieu de résidence d'une personne ou d'une entreprise? On remarque que le projet de loi n° 78 propose le principe qu'au Québec on n'applique pas les mêmes lois pour tout le monde. On introduit des dispositifs pour assouplir la bureaucratie pour les personnes résidentes en Ontario et on ne propose pas les mêmes assouplissements pour les Québécois qui résident au Québec.

Par exemple, l'entreprise de l'Ontario, du seul fait de son lieu de résidence, n'aura pas à passer les examens que toutes les entreprises du Québec doivent réussir pour pouvoir faire affaire au Québec. Ma question est simple, M. le Président: Si c'est bon pour les entreprises de l'Ontario, pourquoi ce n'est pas bon pour les entreprises du Québec? On ne connaît pas les critères d'évaluation. On ne sait pas comment ça va fonctionner. On ne sait pas non plus quels sont les impacts sur les entreprises québécoises à moyen et long terme. Est-ce que le ministre a des études sur l'impact de son projet de loi sur l'exode des entreprises et des travailleurs de l'Outaouais? Est-ce que son projet de loi va favoriser le pouvoir d'attraction du Québec dans le domaine de la construction? Est-ce que le projet de loi va favoriser l'implantation de nouvelles entreprises ici, au Québec? Est-ce que le ministre est certain que sa proposition n'aura pas d'impact négatif chez les travailleurs québécois et les entreprises du Québec? C'est quand même des questions importantes qu'il ne faut pas négliger.

J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour discuter et soumettre quelques commentaires que formulait, le 16 octobre dernier, l'Association pour le droit au travail. M. Jocelyn Dumais, bien connu dans le comté et dans l'Outaouais, m'écrivait récemment concernant ce dossier. M. Dumais m'a demandé de poser quelques questions au ministre du Travail concernant les barrières interprovinciales. L'Association pour le droit au travail aimerait savoir du ministre s'il est possible de travailler à mettre en place ce qu'il appelle une zone limitrophe, territoire où on exclut l'application des règlements de la Commission de la construction du Québec. Et aussi, cette zone limitrophe sans décret, un peu comme les aéroports, où l'on peut acheter sans taxes, permettrait à l'Outaouais de vivre en harmonie avec son voisin.

(20 h 40)

Voici, M. le Président, j'aurais eu encore un peu à dire, mais je tiens quand même à demander au ministre du Travail... Nous voulons nous assurer que le désir tout à fait légitime du ministre du Travail de protéger les emplois des Québécois se transforme dans la réalité, dans la vraie vie. Merci, M. le ministre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Chapleau. Je cède maintenant la parole au député de Gatineau. M. le député.


M. Réjean Lafrenière

M. Lafrenière: M. le Président, j'interviens aujourd'hui sur le débat de principe du projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction. Vous comprendrez que l'objectif de ce projet de loi vise d'abord et avant tout à donner suite à des négociations entre le Québec et l'Ontario pour assurer la mobilité de la main-d'oeuvre, des travailleurs et des travailleuses et des entreprises du Québec vers les marchés de notre principal partenaire économique. Chez nous, dans le comté de Gatineau, les gens sont habitués de faire des affaires avec nos voisins. À tous les jours, des milliers de personnes traversent du côté de l'Ontario pour gagner leur vie, travailler, échanger et vendre des produits de chez nous. On parle de 4 000 à 5 000 travailleurs québécois de la construction qui travaillent du côté de l'Ontario, mais, lorsqu'on regarde tous les secteurs d'activité, c'est probablement 30 000 travailleurs qui traversent et qui travaillent dans d'autres sphères et qui exercent leurs activités du côté de l'Ontario.

C'est pour ça, M. le Président, qu'il faut toujours être sensible aux préoccupations des citoyens et des citoyennes de la région que je représente ici, à l'Assemblée nationale. Il ne faut pas que des décisions prises à Québec nuisent à l'économie de ma région. Les citoyens de mon comté, les travailleurs, les entreprises veulent pouvoir continuer à faire des affaires en Ontario. Les gens du comté de Gatineau sont très sensibles aux décisions qui sont prises ici lorsque ces décisions produisent des effets sur les relations commerciales entre les deux provinces.

Je rappellerai le débat que nous avons eu ici, à l'Assemblée nationale, lors de l'adoption du projet de loi n° 46, en février 1995. On se souvient que le projet de loi n° 46 avait comme principal objectif de ramener la réglementation de l'industrie de la construction domiciliaire. Nous avions tenté au cours du débat sur ce projet de loi d'obtenir des garanties que l'entente entre le Québec et l'Ontario ne serait pas remise en question par ce projet de loi. On voulait s'assurer que les emplois, chez nous, ne seraient pas menacés par cette décision gouvernementale. On ne voulait pas que nos gens, chez nous, subissent les réactions négatives de nos voisins de l'Ontario.

Avant le projet de loi n° 46, M. le Président, nous avions chez nous des relations très correctes avec nos voisins de l'Ontario. Le gouvernement libéral avait négocié et signé une entente sur la reconnaissance mutuelle des compétences de l'industrie de la construction en mai 1994. Pour nous, cette entente mettait un terme aux tensions qui existaient et aux menaces qui pesaient sur les milliers de travailleurs du Québec actifs en Ontario. On pensait, chez nous, avoir la paix pour développer notre économie, renforcer nos échanges, développer l'emploi et permettre à nos gens de bénéficier du marché fantastique qui existe tout près de chez nous. Mais, depuis l'adoption du projet de loi n° 46, en février 1995, la situation s'est détériorée.

Au cours du printemps et de l'été 1996, un député du Parlement de l'Ontario, M. Lalonde, déposait un projet de loi. Le projet de loi 60 visait à interdire l'accès des travailleurs et travailleuses du Québec sur le territoire de l'Ontario et aurait forcé tout le monde qui traverse les ponts de la rivière Outaouais à obtenir une espèce de permis de travail pour pouvoir travailler en Ontario. Ça, c'était une menace réelle qui pesait sur les emplois de ma région. De plus, des manifestations se sont multipliées, des ponts ont été bloqués, des travailleurs québécois se voyaient menacés par leurs collègues de l'Ontario. Bref, la chicane était prise chez nos voisins, qui menaçaient encore une fois de bloquer les frontières aux entreprises et aux travailleurs du Québec. Encore une fois, la réputation du Québec en prenait un coup. C'était le blocus québécois et un triste retour en arrière à cause d'une loi du gouvernement du Parti québécois, la loi 46.

Ceci étant dit, le ministre du Travail nous annonçait, le 10 octobre dernier, une entente de principe concernant la mobilité de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction avec le gouvernement de l'Ontario. Cette entente, qui n'a pas encore été signée, est censée régler les problèmes que nous avons connus dans ma région au cours des derniers mois. Cette entente est supposée rétablir la paix entre ce gouvernement et le gouvernement de l'Ontario quant à la mobilité des entreprises et des travailleurs de la construction du Québec et de l'Ontario. Cette entente, les gens de mon comté ont hâte de la voir signée et paraphée.

Aujourd'hui, on discute du principe du projet de loi n° 78 qui donne suite à cette entente annoncée par le ministre du Travail le 10 octobre. Si je comprends bien, M. le Président, le ministre du Travail, en règlement du conflit et pour éviter la poursuite des moyens de pression sur le dos des Québécois et des Québécoises, propose certaines modifications aux lois de la construction pour faciliter l'entrée au Québec des entreprises et des travailleurs de l'Ontario. Pour nous, c'est très important de mettre un terme aux chicanes de frontières et de se concentrer sur le développement économique. J'espère que ce projet de loi devant nous – proposition du ministre du Travail – qui sera étudié ici, à l'Assemblée nationale, permettra aux gens de mon comté de pouvoir continuer de traverser les ponts et de gagner leur vie là où ils sont en mesure de travailler, parce que le plus grave problème dans l'industrie de la construction, c'est le manque d'ouvrage. S'il y avait plus d'investissements, plus d'emplois, il y aurait plus de jeunes ménages en situation de fonder une famille, bâtir une maison; ça irait mieux.

Ce n'est pas pour rien qu'il y a plus de Québécois qui traversent de l'autre côté que ceux de l'Ontario qui viennent sur notre côté. D'abord, les lois et les règlements sont moins nombreux en Ontario, et, ensuite, il y a plus d'ouvrage. C'est là-dessus que le ministre du Travail devrait se concentrer avec son gouvernement: du travail pour le monde qui cherche du travail, des chantiers réels pour les entreprises et les travailleurs de la construction. C'est ça, le gros problème. Actuellement, M. le Président, dans certains métiers de la construction, le taux de chômage peut atteindre et même dépasser 50 %. C'est dramatique pour tout le monde, c'est dramatique pour les jeunes en particulier. Pour les jeunes de mon comté qui ont de la difficulté à s'intégrer dans l'industrie, à faire une carrière dans le contexte économique, politique, législatif et réglementaire de l'industrie de la construction, c'est pratiquement impossible. C'est pour ça que des milliers de travailleurs québécois de la construction trouvent du travail en Ontario. C'est moins compliqué qu'ici de travailler.

(20 h 50)

Le gouvernement n'empêche pas le monde de travailler, en Ontario. Les jeunes peuvent travailler, prendre de l'expérience, gagner leur vie sur des petits chantiers sans risquer de payer des amendes, d'être poursuivis devant les tribunaux pour la simple raison qu'ils travaillent. Ici, M. le Président, au Québec, il est dangereux de travailler. Le jeune sur un chantier de construction, même un petit chantier, doit avoir dans ses poches tous les papiers, toutes les autorisations, les cartes, les certificats, les carnets, les garanties d'emploi que le gouvernement exige. À toutes les semaines dans nos bureaux de comté – et je suis sûr que je ne suis pas le seul dans cette Assemblée – des cas problématiques comme ceux-là, on en retrouve. Bientôt, M. le Président, ce n'est plus un coffre à outils que ça va prendre pour travailler sur un chantier de construction, mais une valise d'avocat.

Alors, ce que je voulais dire au ministre du Travail du Québec, c'est de s'occuper du travail des Québécois et des Québécoises. Je comprends que le ministre du Travail du Québec facilite l'accès, simplifie les règles à suivre, diminue les frais à payer pour les personnes résidant en Ontario qui veulent travailler au Québec. Mais ce que je lui demande, c'est de ne pas oublier les Québécois et les Québécoises qui tentent désespérément de travailler ici, au Québec.

Les Québécois aussi aimeraient avoir accès plus facilement à l'industrie. Les Québécois aussi aimeraient ne pas payer les frais d'examen, les frais d'émission de carte, les frais de licence, etc. Parce que, au fond, si la situation actuelle continue, le ministre risque de voir des gens, des gens de mon comté et des autres comtés frontaliers déménager en Ontario pour avoir accès aux avantages que le ministre lui-même accorde aux résidents de l'Ontario.

Voilà les remarques que je voulais faire. Bien sûr, nous sommes généreux dans l'Outaouais. Si les avantages qu'on donne à nos voisins permettent la libre circulation des personnes et des biens, on va être contents. Les gens de l'Outaouais sont des personnes intelligentes. Chez nous, même si c'est un peu loin de Québec, et encore plus de Matane, les citoyens savent compter. Le ministre doit être conscient des impacts de sa proposition. Si des avantages sont consentis à cause du lieu de résidence en Ontario, ça peut favoriser le départ d'entreprises et de travailleurs de ma région vers l'Ontario. À mon avis, le ministre devrait faire attention aux effets parfois inattendus que peut produire une loi ou un règlement. C'est pourquoi je crois que le ministre devrait s'attarder à la réglementation qui s'applique aux Québécois, dans la construction, pour que les Québécois, du seul fait qu'ils soient résidents du Québec, ne soient pas désavantagés dans leur propre province.

Chez nous, M. le Président, on veut attirer des investisseurs, on veut attirer des entreprises, on veut bâtir, on veut construire des usines, on veut développer notre économie, on veut attirer des travailleurs, on veut pouvoir vivre en paix avec nos voisins et on veut du travail pour notre monde. On n'a pas de chance à prendre ni de temps à perdre. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Gatineau. Je cède maintenant la parole au député de Hull. M. le député.


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir ce soir sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, et plus précisément pour la région de l'Outaouais québécois.

M. le Président, en premier lieu, j'aurais le goût de vous demander pourquoi on a un projet de loi. J'aurais le goût de demander au ministre du Travail: Qu'est-ce que la loi 142 avait qui n'était pas correct? J'aurais le goût de demander au ministre du Travail: N'eut été des syndicats qui faisaient pression pour modifier la loi 142, est-ce que le gouvernement du Parti québécois l'aurait modifiée? La réponse, M. le Président, tout le monde la sait. On ne l'aurait jamais modifiée si le syndicat ne l'avait pas demandé.

Et pourquoi le syndicat a demandé de modifier la loi 142? C'est simple, les travailleurs de la construction domiciliaire n'avaient plus l'obligation d'adhérer au syndicat. On a même laissé aller des personnes qui travaillaient pour le syndicat parce qu'il y avait moins de syndiqués. Alors, le nouveau parti politique qui venait de prendre le pouvoir, le PSQ, c'est-à-dire le parti syndicaliste du Québec, a décidé d'accepter et de donner suite aux revendications des syndicats. C'est aussi simple que ça, M. le Président, et ça se résume tout simplement à ça.

Mais revenons à l'objet du projet de loi que nous avons devant nous, un projet de loi qui touche la troisième plus grande région urbaine du Québec. M. le Président, dans la région de l'Outaouais québécois, là où on retrouvait, il y a quelques années passées, le plus haut taux de construction domiciliaire au Canada, là où l'on retrouvait le plus bas taux de chômage au Canada, là où il y avait le moins d'assistés sociaux au Canada, là où les salaires étaient les plus élevés au Québec, qu'est-ce qu'on a maintenant que le Parti québécois est au pouvoir? Le taux de chômage a monté, le nombre d'assistés sociaux a monté, les salaires ont commencé à diminuer, les gens s'en vont à l'extérieur de l'Outaouais, vers l'Ontario, comme il était mentionné tantôt. Il est rendu plus facile pour un travailleur du Québec de travailler dans la construction au Québec, de déménager en Ontario puis revenir travailler au Québec. Et c'est ce que le projet de loi est en train de confirmer, M. le Président.

Je regarde le ministre du Travail; il ne semble pas être d'accord avec ce que j'avance. Qu'il relise son projet de loi et qu'il demande aux gens de l'Outaouais québécois. Il devrait peut-être venir se promener, le ministre du Travail, dans l'Outaouais québécois et rencontrer les travailleurs de la construction, comme les députés de l'Outaouais le font régulièrement. Il se rendrait compte, M. le Président, qu'il existe un grave problème. Moi, je me rappelle, en 1993, il y avait un problème, à ce moment-là, et les travailleurs de la construction de l'Ontario ne pouvaient pas venir travailler au Québec aussi librement que les travailleurs du Québec pouvaient aller en Ontario. Puis il me semble que c'est élémentaire. Quand je vous parle de la plus grande région urbaine du Québec, je vais essayer de vous transporter le problème vers Montréal, et peut-être qu'on va plus saisir. Parce que c'est vrai que l'Outaouais québécois, c'est loin de Québec. D'ailleurs, les gens de l'Outaouais québécois le sentent tous les jours.

Supposons, M. le Président, que, pour une raison ou pour une autre, on devait adopter une loi, ici, qui ferait en sorte qu'on n'aurait pas la même réglementation entre Longueuil, qui serait Hull, et Montréal, qui serait Ottawa. Si on disait aux gens de Montréal: Vous n'aurez plus le droit d'aller travailler à Longueuil, je ne sais pas si ça durerait longtemps, cette situation-là, pour les gens de Longueuil et de Montréal. Pourtant, c'est ce qu'on nous impose dans l'Outaouais québécois. Et, lorsque vous commencez à construire des murs avec une législation, des murs sans béton, juste psychologiques, c'est probablement pire qu'un mur de béton, parce qu'un mur psychologique, dans la construction, tel qu'il nous a été proposé, a des effets d'entraînement. Et on l'a vécu en 1993. Moi, je m'étais rendu à Toronto à ce moment-là pour rencontrer des législateurs ontariens et le ministre du Travail ontarien. Et, par la suite, il y a eu une entente qui a été conclue, une entente qui a été signée, une entente qui a fait l'objet d'étude du projet de loi que le Québec avait et de celui de l'Ontario. On n'est pas arrivé ici, à l'Assemblée nationale, avec un projet de loi en disant: Voici le projet de loi et voici l'entente. Parce qu'il n'y en a pas, d'entente, dans le projet de loi qu'on nous soumet. C'est juste un projet de loi avec des articles qui modifient une autre loi. Mais il n'y a pas d'entente; elle n'est pas déposée.

(21 heures)

Je n'ai pas non plus entendu le ministre me dire qu'il l'avait négociée, son entente, puis qu'il l'avait signée, puis qu'elle avait été acceptée par l'Ontario. Il me semble, M. le Président, que les Québécois et les Québécoises ont droit à quelque chose de plus sérieux que ça, et surtout les gens de l'Outaouais québécois. Il me semble également qu'adopter une loi c'est sérieux. Dans la tête de tout le monde, un projet de loi, lorsqu'il est adopté, c'est qu'il a été étudié à fond et qu'il correspond à des demandes et à des besoins. Mais ce n'est pas ça qu'on a devant nous, M. le Président, en tout cas, pas que je sache parce que je ne l'ai pas, l'entente. On ne l'a pas déposée. J'aurais aimé ça, l'avoir, moi. J'aurais aimé ça que le ministre nous dise: J'ai négocié cette entente, l'Ontario est d'accord, ils vont la signer, puis ils vont adopter un projet de loi pour la confirmer, comme on nous propose de le faire ce soir. Je ne l'ai pas.

Je vous disais tantôt qu'il y avait des problèmes en 1993 et qu'on les a réglés avec la loi 142. Et, n'eût été de cette loi, le gouvernement de l'Ontario s'apprêtait, à ce moment-là, à faire en sorte qu'aucun fournisseur du Québec n'aurait pu aller livrer de la marchandise en Ontario. On s'apprêtait également à dire à la fonction publique ontarienne, au ministère de la Santé ontarien, par l'entremise de son réseau des hôpitaux, aux municipalités, aux grandes compagnies, aux sociétés d'État: Vous n'emploierez plus des gens du Québec. C'est ça qu'est le gros problème. Ça commence toujours avec un petit problème et ça dégénère avec un grand problème.

Tantôt, certains de mes collègues vous l'ont mentionné, dans l'Outaouais québécois, il y a une trentaine de mille personnes qui travaillent dans l'entreprise privée, ou publique, ou parapublique de l'Ontario. Je ne parle pas des fonctionnaires fédéraux. Il y en a un autre 25 000 de ceux-là. Mais ce n'est pas de ceux-là que je parle. C'est 30 000 qui vont de l'autre côté travailler ailleurs que pour le gouvernement fédéral. M. le Président, il y a 110 000 personnes dans l'Outaouais québécois qui ont une job, qui travaillent quelque part. Je vous ai dit tantôt qu'il y en avait peut-être 25 000 pour le gouvernement fédéral puis qu'il y en a 30 000, à peu près, pour le public puis le privé en Ontario. Environ 50 000.

Lorsqu'on sait qu'un emploi direct crée au moins un autre emploi indirect, on «peut-u» penser que, s'il y en a 30 000 qui ne peuvent plus traverser de l'autre côté, il y en a 60 000 qui ne travailleront plus? C'est la moitié de la population active sur le marché du travail de l'Outaouais québécois. Il me semble que c'est sérieux. Si on ne peut pas s'arrêter et penser que c'est sérieux pour la troisième plus grande région la plus importante du Québec, bien, je commence à penser qu'il y a d'autres régions qui vont avoir à se poser des questions tantôt en ce qui concerne ce gouvernement.

C'est M. Napoléon Bonaparte qui disait qu'un bon gouvernement tient toujours compte de sa géographie avant d'adopter des lois. Ce n'est pas moi qui ai dit ça; c'est lui. S'il nous entend, il devrait être déçu, parce que, à chaque fois qu'on a un projet de loi qui touche l'Outaouais, on dirait que c'est pour aller plus mal. Puis on dirait que ce gouvernement s'acharne à faire en sorte que les choses n'aillent pas bien. Parce que, si ça va trop bien, on n'a pas besoin de tenir de référendum. Ça ne passera pas. En tout cas, ça ne passe pas dans l'Outaouais, puis on voit pourquoi: parce que les lois qui sont adoptées ici, à l'Assemblée, ne correspondent pas aux besoins des gens de l'Outaouais.

Alors, tout ce que je demande au ministre, c'est qu'il passe donc faire un petit tour dans l'Outaouais québécois, qu'il aille donc rencontrer les gens de la construction, qu'il ne fasse pas de l'à-plat-ventrisme devant l'Ontario. Il n'est pas obligé de faire ça. Il n'est pas obligé de donner des pouvoirs plus grands aux travailleurs de la construction de l'Ontario qu'à ceux du Québec. Il n'est pas obligé de faire ça du tout, d'autant plus que, s'il le fait, il va nous priver de deniers au Québec parce que les gens vont déménager du Québec vers l'Ontario pour pouvoir s'accrocher des jobs au Québec.

On a des gens qui travaillent depuis un grand nombre d'années en Ontario. Ils n'ont plus leur carte de compétence au Québec. Ils ont travaillé cinq, six, sept, huit ans en Ontario, 10 ans, peut-être plus longtemps. Là, ils ne peuvent plus travailler de l'autre côté pour quelque raison que ce soit. Il n'y a peut-être pas assez d'ouvrage ou il y a peut-être d'autres problèmes, mais ils ne peuvent plus y aller. Ils aimeraient ça revenir travailler chez eux, à Hull, à Gatineau, à Aylmer, à Buckingham. Ils ne peuvent plus. Ils n'ont plus leur carte de compétence. Le bassin est plein. Ils sont restreints.

On me fait signe. Bien oui, le bassin, il est plein. Sauf que le travailleur de l'Ontario, lui, il peut venir travailler ici même si le bassin n'est pas plein.

Une voix: Vous n'êtes pas canadien, vous?

M. LeSage: Certainement que je le suis. Je suis canadien et je vais le demeurer, mon cher ami. Ce que je veux, c'est qu'on soit égal pour tout le monde. Ce qui est bon pour le travailleur de l'Ontario devrait être bon pour le travailleur du Québec. On est dans un même pays, heureusement. J'espère que ça ne changera pas. Ce serait bien le restant.

Alors, M. le Président, est-ce que le ministre pourrait, avant de procéder à l'étude de ce projet de loi article par article, est-ce que le ministre pourrait, avant l'adoption de ce projet de loi, nous déposer l'entente entre le Québec...

Parce qu'il faut que je vous rappelle ça. Puis ça m'inquiète de ce gouvernement-là. Je me rappelle que, durant la campagne référendaire, j'étais en cette Chambre, ici, et je demandais au ministre responsable de la Restructuration: Avez-vous une entente avec l'Ontario qui va faire en sorte qu'on va pouvoir maintenir la libre circulation des biens, des services et des personnes entre les deux provinces? Le ministre responsable de la Restructuration m'a répondu: Le bon sens prévaudra. Là, j'ai dit: Ça ne se peut pas, il n'a pas compris ma question. Je lui ai posée une deuxième fois: Avez-vous une entente avec l'Ontario, oui ou non? Le bon sens prévaudra.

M. le Président, lorsqu'on parle de légalité et de projet de loi, on ne parle pas juste du bon sens. On pourrait en parler, du bon sens, si on revenait, par exemple, à la loi 142. Quand on l'a adoptée, la loi 142, il n'y en avait plus de problèmes. Pourquoi est-ce qu'on en a, des problèmes maintenant? C'est ce que je vous disais au début, M. le Président, et c'est ce que je souhaiterais que le ministre vérifie dans l'Outaouais québécois. Qu'il cesse, plutôt, de donner suite aux revendications syndicales pour faire en sorte qu'il y ait plus de membres puis plus de cotisations. Qu'il s'assoie, dans l'Outaouais, qu'il aille jaser avec les gars de la construction, puis ils vont lui dire ce qu'ils en pensent, de son projet de loi, puis ce qu'ils pensent de la libre circulation dans l'Outaouais québécois et ce qu'ils pensent de l'importance de la libre circulation dans l'Outaouais québécois.

M. le Président, c'est les remarques que je voulais faire; j'espère que le ministre en tiendra compte. Et j'ose espérer qu'il ne nous fera pas le coup du ministre de la Restructuration, durant le référendum, pour nous dire: On verra après l'adoption du projet de loi puis on va s'arranger pour que l'Ontario l'accepte. Je m'excuse. L'Ontario, c'est un gouvernement responsable, c'est un gouvernement qui n'acceptera pas de se faire mettre au défi. Il vaut mieux négocier avec ce gouvernement, ou avec n'importe lequel des gouvernements, plutôt que d'essayer de le mettre au pied du mur. M. le Président, il est important que cette entente soit déposée avant l'adoption du projet de loi, et c'est ce que je souhaite. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Hull. Je cède maintenant la parole au député de Viger. M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. On se trouve en vue, aujourd'hui, de discuter du projet de loi n° 78. M. le Président, il faut se poser la question: Pourquoi on est rendus au projet de loi n° 78? M. le Président, il faut retourner en arrière. Vous vous rappelez sûrement, parce que vous avez été élu justement en 1994, qu'en pleine campagne électorale, sur nos grands panneaux, les panneaux publicitaires qu'on avait pendant la compagne électorale, il y a des gens, on ne sait pas qui parce qu'on ne les a pas vus... Sur nos panneaux, sur notre face, il y avait: La loi 142, scrapez la loi 142. Ça a été l'engagement du Parti québécois, à ce moment-là, de dire aux travailleurs de la construction: Nous, si on entre au pouvoir, on va scraper la loi 142. Et, moi, personnellement, sur mes panneaux, dans mon comté, j'en avais des dizaines de «142» sur mon visage. Pourtant, la loi 142, c'était la loi qui nous avait permis d'avoir une entente, avec le ministre Tremblay, avec l'Ontario. La paix était arrivée dans le domaine de la construction, spécialement dans le domaine de la construction résidentielle.

M. le Président, au moment où ce gouvernement a été élu... Et on sait très bien que ce gouvernement est à genoux devant les centrales syndicales. Parce que les centrales syndicales, elles ne voulaient rien savoir de la loi 142. Ils sont arrivés au gouvernement et ils ont fait quoi? En 1995, ils ont scrapé, comme ils l'avaient promis en campagne électorale, la loi 142 et ils sont arrivés avec la loi 46. Et voilà la raison pour laquelle on se trouve dans des problèmes aujourd'hui, parce que, là, ils se rendent compte que la loi 46 non seulement elle n'a pas réglé le problème, mais elle a causé des problèmes à l'industrie de la construction.

(21 h 10)

Et, aujourd'hui, on arrive avec la loi n° 78 pour essayer de réparer tout ça. Et pourtant ce projet de loi n° 78, il ne répare absolument pas ce gâchis qui a été causé par le Parti québécois avec la loi 46. Et pourtant il faut se rappeler que tout le monde est fier de l'Outaouais québécois. M. le Président, il y a entre 4 000 et 6 000 employés de la construction qui se rendent chaque jour de l'autre côté de la rivière pour aller travailler en Ontario. Mais il y en a seulement 600 de l'Ontario qui viennent vers le Québec. Il y a 800 %, pour ne pas dire 1 000 % des travailleurs québécois qui se rendent en Ontario pour travailler et seulement 0,1 % qui viendraient au Québec. On est en train de mettre en péril, avec cette loi 46 qui a été adoptée par le gouvernement québécois, justement cette possibilité d'épanouissement pour des dizaines et des centaines et des milliers de familles québécoises qui vivent avec cette ressource, des gens qui se rendent de l'autre côté pour travailler.

C'est un gouvernement, ce gouvernement du Parti québécois, qui, à cause de son option, celle de démontrer que c'est seulement avec la séparation qu'on va avoir vraiment une économie forte, ici, au Québec, se permet de faire n'importe quoi au détriment justement des familles québécoises et spécialement des familles qui habitent sur la frontière entre le Québec et l'Ontario, M. le Président. Et ces gens-là, ils ne se rendent pas compte aujourd'hui qu'ils sont en train de tuer encore cette ressource nécessaire et vitale pour l'économie du Québec. Comme je disais tout à l'heure, ce gouvernement, il n'a pas le courage de nous dire s'il y a une entente qui a été signée entre le Québec et l'Ontario. Comme je disais, nous, avec la loi 142, on l'avait réglé, ce problème-là en 1993. Là, on se retrouve encore dans le même problème.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Viger. M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui, M. le Président, devant les propos tout à fait intéressants de notre confrère ici, devant la qualité des arguments qu'il apporte qui peuvent aider, je pense, le gouvernement à comprendre la problématique de la construction au Québec, j'aimerais qu'un plus grand nombre, tout au moins le minimum... que le quorum soit demandé, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, voulez-vous, s'il vous plaît, appeler les députés. Je tiens à mentionner pour les gens qui sont présents dans la galerie que, en même temps que se tiennent les travaux ici, il y a quatre commissions parlementaires qui se déroulent. Normalement, nous avons habituellement presque toujours le quorum à cette Assemblée.

Alors, maintenant que nous avons le quorum, j'inviterais le député de Viger à bien vouloir continuer, s'il vous plaît. M. le député.

M. Maciocia: M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, ce gouvernement a tué l'entente qu'il y avait eu entre le gouvernement du Québec et l'Ontario avec la loi 46 à cause justement de l'engagement électoral que ce gouvernement avait pris avec les centrales syndicales.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Viger. S'il vous plaît, MM. les députés, voulez-vous prendre vos places. M. le député de LaFontaine. Merci, M. le député de Maskinongé. Alors, si vous voulez jouer sur le règlement, on va jouer sur le règlement intégralement, et ce, toute la soirée. S'il vous plaît! Est-ce que vous exigez que les députés reprennent leur siège respectif?

Alors, merci beaucoup. M. le député de Viger, si vous voulez continuer votre allocution, s'il vous plaît. M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: ...je suivais les travaux, les délibérations à la télévision et je vous entendais, au moment où on a appelé le quorum, indiquer à ceux et celles qui nous écoutent que, de façon générale...

Une voix: C'est vrai.

M. Lefebvre: ...il y a quorum.

Une voix: C'est vrai.

M. Lefebvre: M. le Président, avec tout le respect que j'ai pour la présidence, il ne vous appartient pas, je le dis en toute déférence, de faire des commentaires sur le quorum, de façon générale et habituelle. Vous avez à constater purement et simplement, au moment où on l'appelle, s'il y a quorum ou pas. Et, au moment où mon collègue de Viger a appelé le quorum, vous l'avez indiqué, il n'y avait pas quorum. Vous l'avez constaté et vous avez demandé aux députés de rejoindre l'Assemblée nationale, et je vous soumets que, quant à nous, votre décision doit s'arrêter là.

M. Jolivet: M. le Président, une question de règlement...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le whip du gouvernement.

M. Jolivet: ...sur la même question. Simplement pour que les gens qui sont dans l'assistance sachent ce qui s'est passé, c'est que les députés du Parti libéral se sont retirés à l'extérieur pour justement demander le quorum.

M. Lefebvre: Question de règlement. Question de règlement, M. le Président.

M. Jolivet: Donc, c'est eux qui ont fait exactement le jeu niaiseux.

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement.

Une voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, je sais que vous avez compris le dernier mot utilisé par le député de Laviolette. Si vous ne l'avez pas repris, si vous ne lui avez pas indiqué qu'il devait retirer ce propos-là, vous avez peut-être compris qu'il voulait parler de lui-même.

Des voix: Ah!

M. Lefebvre: Ceci étant dit...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous écoute, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: ...le quorum, c'est très simple: lorsqu'il n'y a pas de commission qui siège, il est de 21.

Une voix: C'est exact.

M. Lefebvre: S'il y a des commissions qui siègent, il est de 13. Une, deux, trois ou quatre commissions, ça ne change rien, c'est 13 ou 21, et c'est – la coutume le veut – les ministériels qui ont le poids du quorum. La stratégie du côté du Parti libéral, le whip ou le leader du gouvernement n'ont pas à la commenter, vous le savez très bien, et je vous demanderais de l'expliquer à un député qui est ici depuis 20 ans, mais qui se comporte souvent comme s'il était arrivé la semaine dernière.

Une voix: Wo, wo, wo!

Une voix: C'est ça.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je pense que le député de Frontenac s'est un peu emporté dans sa dernière phrase. Il a peut-être, à ce moment-là... Tel que je le connais, en gentleman qu'il est, il doit regretter sa dernière phrase. Mais je voudrais quand même le remercier pour ce rappel au règlement. Pour les gens qui nous écoutent, ça permet peut-être, à ce moment-là, un peu mieux de comprendre ce à quoi correspond le quorum quand ils voient ça sur leur écran. Et maintenant, donc, je pense qu'on peut continuer nos débats comme ils étaient engagés. Je pense qu'ils étaient engagés d'une façon fort convenable et je suis certain que, avec la collaboration qui, je sais m'est acquise par le député de Frontenac, ces débats pourront continuer.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. M. le député de Viger, je vous rappelle que votre intervention est d'un maximum de 20 minutes et que, au moment où on se parle, il y a déjà 10 min 45 s d'écoulées. Alors, M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, je vais continuer mon intervention, mais je ne peux pas accepter les mots qui ont été prononcés par le whip en chef du gouvernement. Vous l'avez très bien compris, j'imagine – je l'espère – mais, moi, je l'ai très bien entendu quand il a dit, à un certain moment: C'est un jeu niaiseux.

M. Jolivet: Exact.

M. Maciocia: Si c'est niaiseux, je pense que ça s'applique uniquement au whip en chef du gouvernement...

M. Bélanger: M. le Président, M. le Président...

M. Maciocia: ...parce que ce n'est pas de ce côté-ci qu'on est niaiseux.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, on peut se lancer dans une belle tirade au niveau procédural. Je pense qu'il faut faire une différence entre traiter un député de niaiseux et un «jeu niaiseux». Alors, c'est ce qui a fait en sorte que je suis resté assis confortablement sur mon siège, parce que j'ai considéré qu'on ne traitait pas les parlementaires de niaiseux, mais bel et bien que c'était un jeu niaiseux. Alors, c'est une épithète qu'on peut retenir ou qu'on peut passer, mais, en l'occurrence, je n'ai pas assimilé l'épithète à quelque parlementaire que ce soit. Et soyez sûr, M. le député de Viger, que, si ça avait été le cas contraire, je me serais levé, parce que je considère qu'ici il faut maintenir un décorum et que l'image qu'on transmet à notre population est fort importante.

(21 h 20)

Alors, maintenant, je vous écoutais avec beaucoup d'attention et j'apprécierais, M. le député de Viger, que vous continuiez votre allocution concernant l'adoption du principe.

M. Maciocia: M. le Président, avec beaucoup de plaisir, mais seulement je voudrais faire une petite mise au point, parce que la phrase qui a été prononcée par le whip en chef du gouvernement de «jeu niaiseux», ça a été après avoir dit que des députés libéraux ont quitté l'Assemblée nationale.

M. Bélanger: M. le Président... Question de règlement, M. le Président.

M. Maciocia: Alors, ça s'adressait directement à des députés libéraux, M. le Président, puis, moi, je peux dire qu'aujourd'hui ce n'est pas des députés libéraux, mais c'est le whip en chef du gouvernement qui est ça.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense qu'on est en train de contester votre décision. Je le regrette amèrement. Je pense que c'est... En tout cas, ce n'est pas la coutume du député de Viger d'agir ainsi. Je ne sais pas s'il est dans le même état d'esprit, là, mais je pense qu'on peut continuer nos débats qui étaient engagés d'une façon fort convenable.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. M. le Président, dans le même esprit, ce serait beaucoup plus simple si, par la présidence, de façon à maintenir l'ordre – et je pense qu'elle a bien compris les propos du whip en chef du gouvernement, qui les a répétés dans le micro et en dehors du micro – il était invité, ce qui ferait preuve, je pense, d'expérience parlementaire, simplement à retirer les propos qu'il a prononcés à l'endroit de la députation libérale. De cette façon, nous pourrions continuer dans le calme. Si vous acceptez comme président que ces propos-là sont admissibles en Chambre, nous devrons, à ce moment-là, nous conformer à votre décision.

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez, à ce stade-ci, ce que j'ai compris des propos, c'était qu'on n'a pas qualifié la députation, mais qu'on a qualifié le jeu de «niaiseux». Alors, je fais véritablement une distinction qui m'apparaît fort importante à ce moment-ci.

Alors, nous étions dans un débat tout à fait serein, un débat qui allait merveilleusement bien, et vous savez tous que nous avons déjà passé plusieurs heures depuis lundi en cette enceinte et que nous nous préparons également, je crois, à quand même profiter de débats très sereins en cette soirée. Alors, j'apprécierais, de part et d'autre, qu'on diminue notre tension et qu'on poursuive nos débats d'une façon tout à fait charmante. Alors, M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, je vous remercie. Et vous savez que ce n'est pas ma coutume de soulever des questions de règlement ou des questions de directive. C'est uniquement que ça fait 15 ans que je reste ici, puis jamais je ne me suis fait reprendre par la présidence parce que mon comportement a toujours été exemplaire à l'intérieur de l'Assemblée nationale.

Une voix: C'est vrai, ça. C'est vrai.

M. Maciocia: M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, c'est en campagne électorale que ces gens-là ont pris la décision de scraper la loi 142. Sur tous les panneaux publicitaires du Parti libéral, il y avait des «142» sur la face de chaque député, et c'est l'engagement que ce gouvernement-là, ce parti avait pris en 1994. Après qu'ils ont pris le pouvoir, ils sont arrivés avec leur loi 46, et c'est là qu'on se trouve dans le merdier où on se trouve actuellement. C'est à cause de cette loi 46 qui a été adoptée par ce gouvernement, parce qu'ils se sont mis à genoux devant les centrales syndicales, devant la CSN, devant la FTQ. C'est ça, la raison pour laquelle on se trouve dans cette situation.

M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, pourquoi le ministre, il ne dépose pas l'entente qui a été signée entre le Québec et l'Ontario? S'il ne la dépose pas, c'est parce qu'il n'y en a pas d'entente qui a été signée entre le Québec et l'Ontario. Nous demandons explicitement de déposer cette entente. Il y a des jobs qui sont en cause. Il y a entre 4 000 et 6 000 employés de l'Outaouais québécois qui traversent l'autre frontière pour aller en Ontario pour travailler, pour gagner du pain pour leur famille, pour gagner du pain pour leurs enfants, qui sont mis en cause. Et il y en a seulement 600 de l'autre côté de l'Ontario qui viennent dans l'Outaouais québécois, M. le Président. C'est 10 pour un.

Puis on ne peut pas se permettre de perdre des emplois comme ça. Il y a eu 54 000 emplois qui se sont perdus, cette année, à cause de ce gouvernement-là. C'est une situation critique, difficile, je dirais quasiment impossible à vivre pour des familles. De ce côté-là, ils ont des représentations comme chez nous. Moi, j'en ai, dans mon comté, des gens qui viennent chez nous pour nous demander des jobs. On est devenu quasiment un bureau d'emploi, chez nous. M. le Président, je pense que c'est n'est pas seulement chez nous; c'est aussi dans les comtés de ces députés du Parti québécois que des gens se rendent là-bas pour demander de l'emploi. Comment on peut se permettre de mettre en danger des jobs pour des travailleurs québécois?

Et, comme le disait, par exemple, le maire de Hull, Yves Ducharme, il disait craindre que la guerre de la construction entraîne le départ vers l'Ontario de plusieurs entreprises et travailleurs de l'Outaouais. Le maire de Hull a lancé, hier matin, un cri d'alarme envers le gouvernement du Québec et les députés libéraux de la région. Il s'inquiète de la montée du mouvement qui prône l'exclusion des travailleurs québécois pour protester contre la loi empêchant les travailleurs ontariens d'exercer leur métier sur des chantiers québécois. M. le Président, c'est ça qu'il disait, le maire de Hull, et il disait encore: Le dossier était réglé en 1993 et on avait retrouvé la paix dans ce domaine-là, mais maintenant ça repart de plus belle. Le maire de Hull, M. Ducharme, il dit que c'était réglé en 1993. C'était justement à cause de nous qu'on l'avait réglé, ce problème-là, avec la loi 142, puis aujourd'hui on est rendu encore pire qu'avant 1993.

On ne peut pas se permettre ça, et c'est ça qu'on dit à ce gouvernement-là, c'est ça qu'on dit au ministre du Travail: Déposez l'entente. Il est là et je ne sais pas qu'est-ce qu'il fait actuellement. Mais c'est le ministre le plus contesté actuellement à l'intérieur de ce gouvernement. Et, s'il agit encore avec des projets de loi comme celui-là, le n° 78, je pense qu'il ne va pas aller loin et ce gouvernement-là, il va se faire mettre à sa place tout à l'heure, parce que, à un certain moment, les travailleurs et la population du Québec, ils en ont assez, puis, quand ils en ont assez, vous le savez ce qui va arriver. Je vous remercie.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Viger. Je cède maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, j'ai voulu discuter et essayer de convaincre ce gouvernement sur les erreurs qu'on peut trouver dans le projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction or, in English, Bill 78, an Act to amend various legislative provisions relating to the construction industry.

M. le Président, actuellement, je pense que, avant de commencer le débat sur ça, on doit changer le titre de ce projet de loi. Le vrai titre de ce projet de loi, c'est: la loi corrigeant les erreurs causées par le gouvernement péquiste.

Une voix: C'est ça!

M. Williams: C'est clair et simple. S'ils n'avaient pas touché à la loi 142, ce projet de loi n° 78 n'était pas nécessaire. Ils ont causé ces problèmes que nous sommes en train d'essayer de corriger ce soir. N'oubliez pas, M. le Président, que, pendant les élections, en 1994, ils ont dit qu'ils allaient scraper la loi 142, la loi qui a donné la paix dans le secteur de la construction. Et mon collègue a justement cité quelques maires qui ont dit que nous avons eu la paix dans cette industrie à cause de la loi 142. Mais le gouvernement péquiste n'aime pas la paix. Il aime les chicanes, il aime les polémiques, il aime diviser les Québécois et les Québécoises. C'est sa façon de travailler. C'est un parti politique qui aime diviser les Québécois et Québécoises. Mais, une fois qu'ils ont eu fait le projet de loi 46 parce qu'ils sont à la remorque des syndicats, ils ont compris qu'effectivement ils ont fait une erreur. Et, maintenant, ils sont en train de risquer beaucoup de travail: mes collègues ont parlé de entre 4 000 et 5 000 en Outaouais. Et il y en a plusieurs autres.

(21 h 30)

Avec ça, M. le Président, le premier point que je voudrais souligner ici en cette Chambre, ce soir, c'est que nous avons un projet de loi n° 78 qui essaie de corriger les erreurs causées par ce gouvernement. S'il n'avait pas touché la loi libérale que nous avons passée, nous n'aurions pas besoin de ce projet de loi.

Deuxième chose. C'est un autre exemple, M. le Président, de l'improvisation de ce gouvernement. Nous avons, dans tous nos bureaux de comté, parlé avec le monde qui cherche du travail, qui cherche une job. J'ai été inspiré, quand j'ai écouté mon collègue le député de Papineau, quand il a parlé de protéger les jobs. Je pense qu'il connaît le monde de la construction, il connaît ce qui se passe et il sait que ça fait mal. Mais ce gouvernement ne comprend pas cette question. Ce gouvernement a un bilan... Depuis l'entrée du premier ministre, nous avons 54 000 personnes de moins qui travaillent, 200 par jour qui perdent leur job. Avec ça, ce soir, on parle entre 4 000 et 5 000 emplois, c'est quelque chose.

Le député de Papineau a parlé que ça fait mal, 4 000 ou 5 000 emplois dans l'Outaouais. Ça fait mal dans tous les comtés, 4 000 ou 5 000 emplois, s'ils sont en péril. Avec ça, on doit être prudent, on doit s'assurer que ce projet de loi fait ce que le gouvernement dit que ça fait. Et laissez-moi, M. le Président, dire que je n'ai pas confiance en ce gouvernement. Le niveau de confiance en ce gouvernement et la confiance entre la population et ce gouvernement baisse chaque jour parce que c'est un gouvernement de double langage. Il dit une chose et fait exactement le contraire. Avec ça, ils disent: Croyez-nous, M. et Mme Tout-le-Monde, ce projet va être bon pour vous; ce projet de loi va vous aider à traverser les ponts à Hawkesbury, à Hull, pour travailler en Ontario. Croyez-nous! «Trust us!» C'est ça qu'il essaie de faire passer.

Ce même gouvernement qui essaie de convaincre le monde que ce projet de loi va aider la population à traverser ces ponts veut mettre, dans le centre de ces ponts, un bureau de douanes, «customs office». Il veut créer des barrières parce que le seul et unique sujet important de ce gouvernement, c'est la séparation du Québec. Avec ça, comment... oubliez le débat partisan. Juste sur un fait logique. Il veut séparer Québec de l'Ontario. Il veut mettre une barrière. Il veut mettre des murs. Il veut mettre un bureau de douanes. Il veut avoir des passeports. Il veut avoir toutes des barrières comme ça. Mais, ce soir, il essaie de nous convaincre que, non, il veut travailler en partenariat, il veut faire le partenaire avec l'Ontario. Il est en train de pousser une politique qui va essayer de briser notre pays, mais il va essayer de convaincre que, non, dans ce projet de loi, il veut travailler ensemble, comme dans un vrai partenariat, comme de vrais partenaires.

Comment M. et Mme Tout-le-Monde, particulièrement les 54 000 personnes qui ont perdu leur travail depuis l'arrivée du premier ministre, peuvent avoir confiance en ce ministre et particulièrement en ce gouvernement? M. le Président, c'est sérieux, ce qu'on discute ce soir parce que, si le gouvernement est en train encore une fois de créer d'autres erreurs, nous allons mettre plus de jobs en péril. Avec ça, M. le Président, c'est un clair exemple d'improvisation encore une fois de ce gouvernement péquiste, et je peux revenir un peu plus tard sur ça.

M. le Président, troisième point. Le gouvernement péquiste, encore une fois, qui n'a aucune crédibilité devant la population québécoise, veut qu'on signe un chèque en blanc. Et il dit: Voilà un projet de loi n° 78 qui est basé sur une entente, une entente supposée ratifiée entre l'Ontario et le Québec. La logique de ce projet de loi est supposée être dans l'entente, mais il ne veut pas nous la donner, il ne veut pas nous donner cette entente pour faire le débat. Je ne comprends pas ça. S'ils sont fiers de cette entente, qu'ils déposent ça ce soir ici, en Chambre, et on peut avoir une bonne discussion sur ça. Peut-être qu'ensemble on peut l'améliorer.

Mais il me semble qu'il y a quelque chose qui est évident. Un, ce n'est pas signé, il n'y a aucune garantie. Ou ce gouvernement, et particulièrement plusieurs membres d'arrière-ban, n'est pas content de cette entente ou pas fier de cette entente. Sans avoir les mots noir sur blanc, on ne peut avoir aucune confiance en ce gouvernement. Et n'oubliez pas, ce gouvernement péquiste a utilisé cette stratégie pendant le dernier référendum, avec cette supposée... cette entente sur le partenariat, et il n'a pas eu assez de courage de rendre ça public quand ils ont tous signé. C'est la même logique. Ils disent: Ah! nous avons quelque chose de bon pour vous, mais on ne peut pas vous donner ça pour l'étudier. Je trouve ça, M. le Président, complètement inacceptable. S'il y a une entente, s'il y a vraiment une façon qu'on peut travailler, tous les députés de ce côté vont travailler avec ce gouvernement pour s'assurer qu'on avance le projet de loi. Mais on doit être assuré, on doit avoir l'entente, on doit avoir le temps de discuter de cette entente. Sans ça, le gouvernement péquiste, le gouvernement de double langage nous demande de signer un chèque en blanc. C'est tellement...

Une voix: Gouvernement hypocrite.

M. Williams: ...comme j'ai entendu ici, c'est un gouvernement hypocrite. Comment on peut signer quelque chose avec ce manque de responsabilité? Et, comme on a vu – j'ai déjà dit le nombre des emplois qui avaient disparus – la négligence de ce gouvernement dans le secteur de l'emploi, c'est un gouvernement négligent, et on doit s'assurer... On doute que ce projet de loi ne mette pas encore le travail dans la construction comme le projet de loi 46 a fait.

Mais, M. le Président, il y a une autre chose qui est potentiellement aussi grave que ça dans ce projet de loi n° 78, et je ne vais jamais dire qu'il y a des choses plus importantes que de donner une chance à chaque citoyen de travailler. Et c'est ça qu'on doit s'assurer, particulièrement dans le secteur de la construction. Malgré... À cause de l'obsession sur la séparation, pas beaucoup de choses ne bougent économiquement au Québec. Mais on doit, d'une façon ou d'une autre, encourager le monde à travailler, on doit s'assurer qu'il y a un salaire, que les Québécois puissent louer un appartement, acheter une maison, payer l'épicerie, on doit s'assurer que le monde travaille. Avec ça, je ne mets pas ça en doute comme une des priorités.

Mais il y a une autre chose qui m'inquiète beaucoup, particulièrement parce que c'est le quatrième projet de loi dans lequel on trouve ça, le quatrième projet de loi qui vient du ministre du Travail, c'est le manque de respect envers cette institution québécoise, cette institution démocratique, cette institution où les élus font les débats sur le bien-être de la population québécoise. On trouve dans ce projet de loi – et je vais citer le préambule, le quatrième paragraphe: «Le projet de loi introduit aussi dans certaines lois des dispositions destinées à favoriser, par règlement, la mise en oeuvre d'ententes intergouvernementales en matière de mobilité des personnes ou de reconnaissance des qualifications, compétences ou expériences de travail.» Avec ça, il y a le règlement. Si vous lisez plus loin dans le projet de loi, il y a les clauses qui disent que ces règlements n'ont pas besoin d'être publiés dans les règles normales... «Un tel règlement n'est pas soumis à l'obligation de publication et au délai d'entrée en vigueur», tel qu'expliqué dans quelques articles de la loi.

M. le Président, c'est grave, ce qu'on peut trouver dans ce projet de loi. Il veut «by-passer» – j'ai utilisé un mot... – cette Assemblée nationale, il veut avoir le pouvoir de prendre les décisions en cachette, en privé. Il ne veut pas nécessairement utiliser les règles normales de publication. Et ce n'est pas la première fois que nous voyons ça, M. le Président: le projet de loi n° 31, le projet de loi n° 74, le projet de loi n° 79 et, ce soir, le projet de loi n° 78, M. le Président. C'est quelque chose d'assez important, il faut s'assurer qu'on respecte cette institution québécoise.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député, c'est parce que, lorsque, en arrière du trône, on essaie de m'enterrer, je me sens mal à l'aise un peu. Si vous voulez continuer.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, de vous assurer qu'il n'y ait pas trop de bruit de l'autre côté de la Chambre.

(21 h 40)

M. le Président, j'essaie de discuter de quelque chose de sérieux ce soir, que le gouvernement ne veut pas utiliser les règlements normaux de publication pour s'assurer qu'il y ait transparence dans la façon dont il veut adopter les règlements. Et il me semble, M. le Président, que c'est essentiel, qu'on puisse protéger la transparence de nos décisions.

Mais qu'est-ce qui se passe? Il veut passer un projet de loi supposément basé sur une entente avec l'Ontario, Ontario–Québec. Il ne veut pas donner ça. Il y a des articles dans le projet de loi, il dit: Non, une fois que c'est ratifié, nous n'avons pas besoin de publier les règlements. Je trouve qu'il y a plusieurs députés qui trouvent ça assez sérieux aussi. Et il me semble qu'on doit corriger ces articles de loi. Merci beaucoup pour votre appui, MM. les députés.

Il me semble qu'on doit corriger ces lacunes dans ce projet de loi parce que, sans ça, on peut avoir des graves problèmes dans la construction. Maintenant le gouvernement dit: Nous n'avons pas besoin de publier nos règlements. Hier, il disait: On ne donne pas le pouvoir aux municipalités de choisir leur corps de police. De plus en plus, ce gouvernement dit: Nous n'avons pas besoin de démocratie, on peut prendre toutes les décisions nous-mêmes. Nous allons décider c'est quoi, l'intérêt de la population québécoise. Non, M. le Président, ce n'est pas une bonne façon de travailler. On croit en la démocratie et la transparence. On doit corriger ces lacunes dans ce projet de loi.

Et, comme le député de Papineau l'a dit quand il a parlé ce soir, si on ne peut pas s'assurer que les Québécois qui veulent travailler en Ontario puissent travailler en Ontario, si nous n'avons pas ça comme garantie noir sur blanc, ils vont déménager. Ils vont déménager parce que la première responsabilité pour vous, si vous êtes le salaire de votre famille, c'est de vous assurer que vous avez un travail. Si, par les règles et par l'incompétence de ce gouvernement, les Québécois et les Québécoises ne peuvent pas travailler, ils vont déménager. Et c'est grave, M. le Président.

Avec ça, ce n'est pas surprenant que Le Droit dise qu'on commence à voir des conflits dans la construction. On n'a pas de paix. Quand nous avons, quand le Parti libéral du Québec a passé la loi, ils ont dit: Nous avons la paix dans la construction. Quand le PQ passe les lois, il disent: Il y a des conflits. C'est la marque de commerce du Parti québécois: conflit, division, séparation. Il ne comprend pas le mot «partnership», le partenariat. Il ne comprend pas comment on peut travailler ensemble.

M. le Président, comme je l'ai dit avant, nous n'avons pas vu l'entente. Comment on peut, en toute sincérité, être responsable d'accepter un projet de loi basé sur une entente non connue, une entente dont le ministre n'est pas assez fier du contenu pour déposer ça ici, en Chambre? Il me semble que la simple et la première règle, ça doit être: avant de passer ce projet de loi, le ministre doit déposer cette entente. Et, M. le Président, pas juste déposer à la toute dernière minute, peut-être tard ce soir, mais aussi donner une chance d'avoir une commission parlementaire sur ça, étudier ça comme il faut, s'assurer qu'on comprend l'entente et s'assurer d'abord et avant tout que c'est bon pour les travailleurs et les travailleuses du Québec. Est-ce que c'est respectueux de nos partenaires de l'Ontario? Est-ce qu'on peut mettre le monde au travail? C'est ça qu'on veut avoir. M. le Président, c'est essentiel.

Mr. Speaker, this is another example of the incompetence, negligence and improvisation of this Government. This Government, since the Premier has been in office, has 54 000 less people working than in January. This «projet de loi» is about correcting mistakes that this péquiste Government caused themselves because they follow all the instructions given to them by the union leaders.

Mr. Speaker, we have to get back to the peace, to the respect, and the job creation that we had in Bill 142. This is a very serious subject, Mr. Speaker, because we have jobs on the line, we have people that are trying to make sure that they can earn a livelihood. And, if the people in the Outaouais region can't cross the bridge and work in Ontario and earn a livelihood, they will move there.

It's not surprising, Mr. Speaker, that people do not believe this Government when they say: We're trying to break down barriers so that you can cross the bridge in Hawkesbury and Hull to work, we're trying to make it easier for you, when this very Government, it's own raison d'être is to create barriers, to create divisions and put customs offices on those bridges. How could anybody believe that this Government is telling the truth? They're not. They're not telling the truth.

Mr. Speaker, we have to be very vigilant in this debate. This is a «projet de loi», a bill that could affect 4 000 or 5 000 employees just in Outaouais alone. Because of the negligence of this Government, it is not surprising that the Outaouais region massively votes for our party, massively rejects separation and massively rejects this party. But there, particularly since I come from a west-end riding also, we're seeing more and more that this Government governs just for its members, just for the Parti québécois, not for all Quebeckers.

So, I have some very serious reserves, Mr. Speaker, tonight as we talk about this law. I have some very serious reserves because just like during the referendum debate, this Government would say: We have ententes, we'll make partnerships. But they don't say how. They don't give ironclad guarantees. This Government has already messed up the construction industry, already messed up the work that the Liberal Party did when it was in power to make sure that there was peace in the construction industry. They, because of electoral maneuvering, threw that all out of tilt. And now, tonight, we're trying to correct them.

Mr. Speaker, I can't congratulate them for that, I think they should be ashamed of what they did. I think they should be ashamed that they have put something that was delicately balanced completely out of balance. I think they should be ashamed that they put jobs at risk. I think they should be ashamed that they don't have the courage to put in front of us today the entente that this bill is all about. I challenge them tonight, before we finish this debate, to show up with a copy of this entente, deposit it, table it here in the National Assembly and immediately commit this Government to a «commission parlementaire» so we can make sure, for the workers of Québec, that this is in their interest, and, if we support this bill, it will be because we believe that this bill will in fact improve jobs.

At this point, as we speak tonight, I have so many questions about this, there is no way anybody can say with any confidence that this bill, Bill 78, is in the best interest of Québec. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Je cède maintenant la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, merci, M. le Président. C'est avec grand plaisir que je vais prendre la parole ce soir pour vous entretenir un peu sur le projet de loi n° 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives à l'industrie de la construction, entente Québec– Ontario.

Vous savez, M. le Président, la province de l'Ontario depuis quelques mois est très proactive dans la création d'emplois. Pendant qu'eux créaient – écoutez-moi bien, M. le Président – 90 000 emplois en Ontario, que le Canada créait 150 000 emplois, M. le Président, nous, au Québec, pendant ces mêmes neuf mois, pensez-vous qu'on a créé des jobs? Bien non, M. le Président. Nous, au Québec, nous avons perdu... Pendant que l'Ontario en créait 90 000 avec Mike Harris, nous, au Québec, on trouvait le moyen de perdre 50 000 jobs, M. le Président. Alors, il faut comprendre comment l'Ontario a été proactif, comment il a décidé que l'industrie de l'automobile, l'industrie de la construction seraient des moteurs et comment ils étaient pour déréglementer, comment ils étaient pour enlever tout ce qui fait que les entrepreneurs vont aller où c'est plus facile, où c'est plus rentable, où il y a moins de règlements.

(21 h 50)

Et ce n'est pas la terre promise, le Québec, M. le Président, il y a des contraintes partout. Mais l'Ontario essaie de les enlever, ces contraintes-là. Alors, le Parti libéral du Québec, en 1993, avec le ministre de l'époque, le ministre du Travail, de l'Industrie et du Commerce, avait vu ça venir, M. le Président, comment l'Ontario était pour devenir une province très proactive. Il avait à ce moment-là fait une entente avec l'Ontario, et ça s'est appelé la loi 142. En résumé, c'est à peu près ça. On a été chahuté. Certains de nos confrères députés ont été massacrés dans leur bureau. Un de nos confrères députés, le feu a été mis dans son bureau. Mais on croyait que c'était le bien du Québec. Et le Parti libéral a porté un poids incroyable pendant des mois. Des ministres ont été menacés, et ça s'est passé dans cette enceinte, M. le Président, dans ce parlement. Mais le Parti libéral était convaincu que la loi 142, elle avait quelque chose de valable, elle nous permettait de faire des affaires, elle nous permettait, avec nos voisins autant de la gauche que de la droite, soit le Nouveau-Brunswick et l'Ontario, de s'entendre et de vivre très heureux et de créer en bout de ligne des emplois.

Bien sûr, ce qu'on a essayé de faire à l'époque, et on l'avait réussi, c'était de déréglementer le secteur résidentiel. Et je vous dirai, comme député, que plein de gens dans mon comté, dans la région de Saint-Élie, dans la région de Rock Forest, dans la région de Barnston, ont créé de petites entreprises. D'ailleurs, quand on défera la loi 142 quelques années après, j'aurai une invasion, dans nos bureaux, de petits contracteurs qui, souvent avec leurs enfants, avec leur épouse qui tenait la comptabilité, qui prenait les appels à la maison... On avait remis de l'avant nos gens, M. le Président, et soudainement, au nom d'un dogme que je ne comprends toujours pas, on a scrapé, pour des instincts purement politiques, M. le Président, cette loi qui avait une grande valeur, je pense.

Or, nous, ce qu'on essayait de faire, c'était de remettre les jeunes au travail, ce n'était pas de faire plaisir à une petite gang de la société, M. le Président, en leur disant dans une assemblée publique, dans un moment d'euphorie: On va scraper ça. Et je me souviens encore, quand j'ai entendu pendant cette campagne électorale cette phrase-là, je me suis dit: Une autre erreur du PQ.

Et la deuxième, bien sûr – et on est après la vivre en ce moment dans notre coin de pays, comme l'Outaouais d'ailleurs – c'est d'avoir rouvert tout le débat linguistique. Y «a-tu» un débat qui est plus diviseur, M. le Président, à travers le monde? Les trois sujets les plus diviseurs dans l'histoire de l'humanité ont toujours été les mêmes: la religion, le territoire et la langue. Ce sont les trois sujets qui divisent les peuples depuis toujours, M. le Président. Un leader a une responsabilité d'essayer d'unir les gens vers des buts communs. Eh bien, non! Notre bon premier ministre, qu'est-ce qu'il a fait le lendemain des élections? Alors que le pendule était revenu, au niveau linguistique, exactement où il devait être, plus personne nous parlait du débat linguistique, M. le Président, plus personne parlait du débat linguistique, le premier ministre a rouvert ce dossier diviseur au Québec. Il faut voir comment, dans l'Estrie, de nouveau – de nouveau – comme ailleurs au Québec, les excentriques sont dans les médias, M. le Président.

Vous me demandez de continuer avec le projet n° 78. Bien sûr, quand on veut parler de langue au Québec, on n'aime pas ça, et je comprends ça, M. le Président. On l'avait, la paix linguistique, et maintenant on ne l'a plus, cette paix linguistique là, et on est embourbé dans un débat duquel on ne sortira pas, pas plus que si on ouvrait le débat du territoire ou celui de la religion au Québec. C'est des débats qu'il faut le moins possible toucher, M. le Président, et Dieu sait que le gouvernement du PQ a fait toute une erreur en ouvrant ça, comme la 142, M. le Président.

Or, M. le Président, en février 1995, après l'élection du PQ, le gouvernement a effectivement passé la loi 46 pour essayer, en Ontario, de bloquer ce que le Québec avait fait. Parce que l'Ontario, il faut bien comprendre, ils sont aussi des gens d'affaires, ils sont aussi là pour se protéger, et ce qui est bon pour nous est aussi bon pour l'Ontario, et, si on est prêt à s'entendre sur des grandes directions, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick vont nous suivre. Mais, M. le Président, nous ne pouvons pas mettre des barricades tout le tour et empêcher – et empêcher – les gens d'aller chez eux et, nous, ils ne pourront pas venir chez nous. Voyons, M. le Président! Des gens d'affaires veulent avoir le plus de liberté possible.

Alors, l'Ontario a passé, en 1995, la loi 46, et là, comme à chaque fois que le PQ a pris le pouvoir, bien, on s'est chicané avec nos voisins. Souvenez-vous le premier mandat: ça a été la chicane avec Terre-Neuve. D'ailleurs, la chicane est repoignée avec Terre-Neuve, M. le Président. La chicane est poignée avec l'Ontario. C'est typique de ce gouvernement-là, M. le Président: partout où il passe, le feu prend. Alors, que ce soit en environnement, en ce moment, ou en agriculture, la chicane est poignée bien comme il faut. Les municipalités, la chicane est poignée bien comme il faut. Le système de santé, M. le Président, la chicane est poignée bien comme il faut. Le système scolaire, ils ont trouvé le moyen de mettre la chicane entre le privé puis le public, M. le Président. Voulez-vous que je continue? Partout où ce gouvernement passe, en ce moment, la chicane prend, M. le Président.

Alors, dans la construction, on a trouvé le moyen, bien sûr, de bloquer le pont sur la rivière Outaouais. Les Ontariens sont dans le milieu du pont puis ils disent: Vous avez voulu défaire la 145, «tough luck, young man», vous n'allez pas mettre les pieds chez nous. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire quoi «tough luck, young man», tu ne vas pas mettre les pieds chez nous? Ça veut dire qu'à tous les jours, M. le Président, il y a 4 000 Québécois pères de famille, jeunes ouvriers pères de famille et jeunes dames qui traversent le pont québécois pour aller travailler en Ontario gagner leur sel et leur pitance et ça veut dire qu'il y a seulement 600 Ontariens qui traversent ce même pont pour venir travailler au Québec à tous les jours: c'est du cinq pour un, M. le Président. Je vous garantis que, quand vous êtes en affaires, ce discours-là, vous le comprenez: il y a des taxes, il y a des salaires, il y a des revenus. Mais, non, nous, on a préféré bloquer les ponts, ne pas nous entendre avec nos voisins, alors que Gérald Tremblay, le très bon ministre de l'Industrie et du Commerce, en 1993, lui, il avait compris ça et, lui, il avait ouvert des niveaux de relations avec le Nouveau-Brunswick et l'Ontario.

Alors, M. le Président, comme dans le débat linguistique, ça leur prendra trois ans: la loi a été passée en 1993, ils la déferont à l'élection, et là, en 1996, ils sont après la remettre. Comme dans le débat linguistique. Deux hurluberlus, à Montréal, dans un congrès des membres du PQ, disaient au premier ministre: Ça n'a pas d'allure. Le premier ministre soulève tout le débat linguistique et ça prendra un an pour qu'il revienne à dire: Bien, la 86, finalement, ce n'était pas si pire. Franchement, c'était bon, ça, la 86. Parce que, oui, la politique, c'est l'art du compromis. La loi 86 dans le débat linguistique, oui, c'était le compromis. La 142 dans le débat de la construction, c'était aussi le compromis.

Alors, M. le Président, faire partie d'une fédération – et c'est ça que nos amis d'en face ont de la misère à comprendre – c'est de ne pas s'isoler, c'est de fédérer, c'est de collaborer, c'est d'échanger. Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Permettez-moi de vous donner certains exemples en ce qui a trait à la main-d'oeuvre dans les fédérations.

Vous êtes Américain, vous demeurez en Californie. Vous avez le droit, comme Américain, parce que vous faites partie d'une fédération, de partir de la Californie et de venir travailler dans le Vermont sans pour autant répondre à aucune forme de contrôle, de barrière, de monnaie, de règlement de quelque nature qu'il soit; 3 000 milles plus loin, vous avez une job. Vous pouvez partir du Colorado et descendre en Floride travailler. Il y a un exode, en ce moment, de citoyens américains vers la Floride et ils n'ont à répondre à aucune forme de chantage, de règlement, de barrière. Ils vont travailler où il y a du travail. Ça, les gens comprennent ça. C'est ça, une fédération, M. le Président.

En Europe, ils sont allés bien plus loin. Des pays qui, dans les années quarante, se sont haïs véhémentement, qui se sont chicanés les uns contre les autres, qui ont fait des coalitions contre un des pays, des pays qui se sont détruits les uns contre les autres, qui, à un moment donné, ont fait ce que le Canada a toujours fait, a dit: Pourquoi pas la paix? Et ils sont après créer la fédération européenne. Il y a en ce moment 15 pays – écoutez-moi bien – où vous pouvez traverser sans arrêter devant des barrières, sans arrêter aux douanes, et aller travailler dans l'autre pays; où, si vous avez étudié dans une université en France, on va reconnaître votre compétence en Grèce; où, si vous avez étudié, je ne sais pas, moi, en Belgique, on va reconnaître en Angleterre vos compétences, on va reconnaître vos cartes de compétence, etc. Alors, ce qui se passe en ce moment, il y a des pays qui, pour toutes sortes de considérations, considérations de température, de population, de mode, d'énergie ou autres, alors, il y a des parties de l'Europe qui sont plus dynamiques que d'autres et les populations voyagent.

Vous savez, quand on a un débat ici, est-ce qu'on peut voter à notre chalet plutôt qu'à notre maison? il faudrait regarder ce qui se passe en Europe. Après trois mois dans un autre pays, vous pouvez y voter, vous pouvez y voter à tous les niveaux, on vous reconnaît comme citoyen à part entière.

C'est ça. C'est ça, M. le Président, en ce moment, la dynamique économique à travers le monde. Regardez ce qui se passe en Russie. Les pays qui se sont détachés de la fédération, en ce moment, ils sont en difficulté sérieuse et les pays qui sont restés à l'intérieur de la fédération, l'ex-Russie finalement, vont relativement mieux. Pourquoi? Parce qu'on a appris à échanger là-bas. On a appris à défaire les barrières tarifaires, à défaire les barrières de contraintes, pour les individus qui veulent aller d'un pays à l'autre, de pouvoir produire des biens et de les revendre ailleurs.

(22 heures)

Réalisez-vous qu'en Europe en ce moment on prendra l'énergie dans le nord de la Russie et qu'on la descendra jusque quelque part en Grèce? Ça, c'est une fédération! Réalisez-vous que les citoyens, après trois mois, peuvent aller travailler dans l'autre province? Ça, c'est une fédération! C'est de ça que le Parti libéral du Québec parlait dans la loi 142. Alors, qu'est-ce que le PQ a fait? Cette maudite politique de s'isoler. Et aujourd'hui, pour en sortir, on est après repasser la loi 142 qu'on a passée en 1993. C'est ça qu'on est après faire, ce que le Parti libéral avait fait en 1993.

Alors, les ouvriers, les travailleurs du Québec, qu'est-ce qu'ils ont en commun? Cette volonté de travailler. Et, s'il y a du travail en Ontario, bien, il y en a 4 000 qui sont prêts à y aller à tous les jours. Il y en a 4 000 qui sont prêts à traverser le pont parce que, eux, ils ont le courage d'aller travailler, puis il y a des emplois à côté de chez eux. C'est ça, la réalité économique, M. le Président.

Vous savez, ce n'est pas la première fois dans l'histoire du Québec que des gens ont quitté le Québec pour aller travailler ailleurs. Je vous rappellerai qu'à une époque, dans l'histoire de notre peuple, il y a eu tout près de 1 000 000 de francophones qui sont allés aux États-Unis travailler parce qu'ils ne trouvaient pas d'ouvrage ici. Un bon nombre, maintenant, sont revenus. Quand vous vous promenez dans les terres adjacentes aux Cantons-de-l'Est, vous allez trouver beaucoup de Ducharme, de Benoit, de Tremblay, de Lafrance, de Laframboise, vous allez tout trouver ça, ces noms-là, là-bas. On dit qu'il y en a plus de 1 000 000 qui ont quitté le Québec. Pourquoi? Parce qu'il n'y avait pas de travail ici, M. le Président, et ces gens-là, au-delà de leur religion, au-delà de leur langue, ce qu'ils ont d'abord voulu, c'est d'avoir une job. Ils ont fait le sacrifice d'aller s'expatrier aux États-Unis.

M. le Président, plutôt que de demander à nos gens d'aller s'expatrier en Ontario, pourquoi ne pas favoriser ces échanges? On va travailler et on revient. On ne pouvait pas le faire avec les États-Unis, à l'époque. On dit même que ce million de tisserands qui ont quitté le Québec pour aller aux États-Unis, si, aujourd'hui, on les avait, la population du Québec serait de l'ordre de 12 000 000 de population. Alors, c'est important de favoriser un climat de travail pour garder nos gens ou, temporairement, leur permettre de travailler plus loin. Mais il faut les garder chez nous, c'est bien sûr, M. le Président!

J'ai, dans ma circonscription électorale, une entreprise qui m'appelle il y a quelques mois, une très grosse entreprise, elle est dans le secteur du dynamitage, une des plus importantes en Amérique. 25 % de son chiffre d'affaires était en Ontario. Et soudainement, M. le Président, ils ne pouvaient plus travailler en Ontario. Ce n'est pas le patron qui a eu un choc ce matin-là. C'est bien sûr que, lui, il avait des profits là-dedans; lui, il était un peu découragé. Mais c'étaient tous ces ouvriers de mon comté qui, soudainement, n'avaient plus leur gagne-pain: 25 % des ouvriers, M. le Président. C'était ça, le projet de loi 142, que M. Parizeau a dit: On va scraper. Et là, trois ans après, des milliers de jobs de moins, M. le Président. Là, on est après se dire: Bien, peut-être qu'il faudrait revenir puis faire... Je dois avouer que le ministre, là-dessus, fait humilité. Il faut faire humilité et dire: Bon, on s'est trompé puis on va recommencer. Si ce n'est que, pendant ce temps-là, on a créé négativement une perte de 200 jobs par jour, M. le Président, depuis neuf mois. C'est absolument extraordinaire.

Écoutez ce que le maire Ducharme, de Hull, disait le 11 septembre 1996. Il vient juste de dire ça. Je pense que ça a invité le ministre du Travail à aller de l'avant quand il a lu ça. Le maire de Hull, je ne le connais pas, mais ça me semblait, dans l'article, un gars tout à fait sensé, un gars qui a à coeur les gens de sa ville, qui veut que ces gens-là travaillent. Lui, il réalise qu'il y en a 4 000 qui partent de Hull le matin pour aller gagner leur pitance, leur salaire, développer leur intelligence aussi en Ontario. Alors, il disait: «Le dossier était réglé». C'est le maire de Hull qui parle, M. le Président. Il dit: «Le dossier a été réglé, en 1993, par les libéraux, et on avait retrouvé la paix dans ce domaine. Là, maintenant, ça repart de plus belle. Ça va déjà assez mal dans le domaine de la construction qu'on n'a pas besoin d'une crise comme celle-là qui peut nous faire perdre des entreprises et des travailleurs.» Ça, c'est le maire de Hull qui dit ça: Ça va assez mal dans le secteur de la construction.

Avez-vous vu des gros chantiers, vous, M. le Président, au Québec, récemment? Des gros chantiers, avec beaucoup de grues? Je vous invite à aller faire un petit tour à Toronto et un petit tour à Vancouver en ce moment et vous allez voir comment la construction fonctionne ailleurs. Je vous invite à lire l'étude qui vient de sortir sur l'exode des sièges sociaux du Québec: 400 sièges sociaux qui ont quitté le Québec depuis une vingtaine d'années, M. le Président. Ça, c'est de la construction. Ça, c'est des gens qui ont le pouvoir de prendre des décisions. Pendant ce temps-là, le PQ parle de langue, le PQ fait des grands sparages, fait des consultations.

On voit ce que ça donne, là. On a plus de manifestations à Québec en ce moment. On a plus de manifestants à Québec aujourd'hui, dans la ville de Québec, depuis une semaine, qu'on a de touristes. Il faut le faire, là! Dans la ville de Québec, là, il y a plus de manifestants qu'on n'y trouve de touristes, M. le Président. Et faites un court sondage dans les hôtels. Qui s'inscrit dans les hôtels en ce moment à Québec? Ce sont des gens qui viennent manifester à Québec contre le gouvernement. Ce ne sont plus les touristes. C'est du jamais vu dans l'histoire de la ville de Québec. Les citoyens du Québec en ont plein, M. le Président.

Vous savez, le meilleur baromètre de l'économie à peu près n'importe où à travers le monde, c'est la construction. Quand l'économie va, quand le monde travaille, les gens ont le courage, ont l'enthousiasme. Il y a deux ou trois enthousiasmes qui se développent. Quand tu as un emploi, et puis là tu dis: Bien, la première chose, on va améliorer notre résidence, normalement, et puis ensuite on va peut-être augmenter notre famille un petit peu. C'est à peu près la logique, ça. Mais là, en ce moment, on peut voir avec cette déprime, au Québec, qui règne partout, il n'y en a pas, de construction. Il n'y en a pas. Parlez aux contracteurs. C'est un désastre qui se passe, monsieur. Les gens font un peu d'amélioration ici et là. Il n'y a pas de construction.

Et je parlais avec cette jeune comptable qui était dans une réception, que j'ai rencontrée en fin de semaine, dans un club social de mon comté, et elle, sa compagnie l'a envoyée – je vais finir avec ça. M. le Président – sa compagnie l'a envoyée travailler à Vancouver, à Toronto, et là elle est revenue à Montréal. Elle me disait – je ne la connaissais pas, moi, je ne l'avais pas vue avant – elle me disait: Vous savez, M. Benoit, à Vancouver, vous devriez voir la construction là-bas. C'est extraordinaire. Les gens ont confiance. Les Intrawest de ce monde, je vous garantis qu'ils investissent dans la région de Vancouver, et puis il n'y en a pas, de débat linguistique, là-bas et il n'y en a pas, de niaisage de règlements, etc. Après ça, sa compagnie l'a envoyée – c'est une jeune comptable – à Toronto. Et là elle n'en revenait pas. Elle dit: En débarquant à l'aéroport, on a l'impression qu'il y a une volonté... Je comprends, ils ont créé 90 000 jobs pendant qu'on en perdait 50 000, M. le Président. Et puis là elle est arrivée à Montréal et puis elle était dans cette réception d'un club social de mon comté, le samedi soir, et elle me disait: Quand je suis arrivée à Montréal, c'était lugubre de voir comment il n'y a rien qui bougeait.

Alors, je finis ici, M. le Président, en rappelant aussi à nos citoyens qui nous écoutent que ce gouvernement, entre 1976 et 1985, les 10 années où il fut au pouvoir, ils ont écrit 12 000 pages de règlements. Comment voulez-vous qu'on intéresse des gens d'affaires, des gens dans la construction, des jeunes à se lancer en affaires, M. le Président: 12 000 pages de règlements, de structures, toutes sortes de structures à gauche et à droite. Mais ils n'ont pas encore compris. Dans leur programme électoral, on avait dénombré plus de 275 structures, patentes, organisations de tout acabit. S'ils croient créer des jobs avec ça, ils ne sont pas encore dans la bonne direction, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. À ce stade-ci, j'aimerais vous faire part d'échanges que nous avons eus, d'échanges informels entre le leader de l'opposition et moi-même. En écoutant les interventions des députés de l'Outaouais et du porte-parole de l'opposition en matière de relations de travail, nous constatons donc que les députés de l'opposition semblent être, en tout cas, favorables quant au principe de la formation professionnelle, mais semblent avoir des interrogations relativement à l'entente Québec–Ontario. Et je comprends donc que les députés de l'opposition voudraient avoir plus de renseignements relativement à cette entente afin de pouvoir donner ou non leur consentement au projet de loi qui est présenté par le ministre du Travail.

Le ministre du Travail m'a fait part qu'il veut, quant à lui aussi, que les parlementaires en cette Chambre aient le meilleur consentement, le meilleur éclairage possible, les meilleures informations possible quant à donner éventuellement ou non leur consentement sur ce projet de loi. Donc, le leader de l'opposition pourra, après moi, intervenir pour dire si c'est vraiment bien l'entente que nous avons. Suite à mon intervention, M. le Président, je vais faire motion pour que nous ajournions le débat afin, à ce moment-là, que le ministre du Travail puisse vérifier avec son homologue, le ministre du Travail de l'Ontario, à savoir jusqu'à quel point il peut diffuser le contenu de l'entente Québec–Ontario afin, à ce moment-là, que les députés de l'opposition puissent avoir une connaissance la meilleure possible des termes de cette entente. À ce moment-là, nous pourrons rappeler le débat en cette Chambre et, à ce moment-là, on pourra, je crois, de part et d'autre, pouvoir donner un meilleur consentement relativement à ce débat.

(22 h 10)

Cependant, à ce que je viens de dire, je voudrais quand même faire les précisions suivantes – et ça, je l'ai mentionné au leader de l'opposition – nous ne pouvons pas, à ce stade-ci, garantir que nous pourrons divulguer cette entente. Nous comprenons que ce sont des relations Ontario–Québec. À ce moment-là, il faut avant tout que le ministre du Travail du Québec parle avec son homologue à savoir si elle a des objections ou pas à dévoiler le contenu de cette entente. Mais nous allons faire l'effort, M. le Président, afin de faire en sorte que ce débat soit le plus éclairé possible, que les parlementaires aient la meilleure compréhension possible de ce projet de loi et puissent, à ce moment-là, faire un débat vraiment éclairé.

Peut-être que M. le leader de l'opposition voudrait...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, sur la même question de motion du leader du gouvernement, M. le Président. Nous avons effectivement, autant le porte-parole de l'opposition officielle que les députés de l'Outaouais et les autres députés qui se sont prononcés en faveur de la partie de la loi, sur le plan du principe, qui touche la formation professionnelle... Quant aux modalités, on verra à l'étude article par article et au niveau de l'adoption du projet de loi.

Quant à l'autre élément qui est contenu dans le projet de loi comme tel et qui touche une supposée entente – et je l'appelle comme telle, M. le Président – avec la province de l'Ontario, il est certain que les parlementaires ne se sentent pas confortables de voter pour ou contre une entente qu'ils ne connaissent pas, qu'ils n'ont pas vue, dont ils ne connaissent pas le contenu. Dans les circonstances, on a compris du gouvernement, par la bouche du leader et des propos échangés avec le ministre du Travail, que des efforts seraient faits, que des vérifications seraient faites afin d'informer l'ensemble des parlementaires, non seulement l'opposition officielle mais également les parlementaires ministériels, du contenu de l'entente officielle signée par le Québec et l'Ontario. Suite aux démarches qui seront faites, le leader du gouvernement fera rapport en cette Chambre. Il est également convenu qu'aucun des parlementaires, que ce soit ministériel ou de l'opposition officielle, ne renonce à son droit de parole et que, d'aucune façon, nous ne renonçons, non plus, aux autres motions qui pourraient être présentées dans le cas où l'entente ne serait pas rendue publique ou connue avant que le vote ne soit appelé. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Dans l'ensemble, je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit le leader de l'opposition, sauf cette nuance-ci. Je voudrais juste rappeler que je ne peux promettre que je vais être en mesure de déposer l'entente et non plus qu'elle sera déposée en cette Chambre ou que nous en communiquerons finalement la teneur à l'opposition officielle. Encore là, je ne peux apporter plus de précisions que cela. Je ne sais pas, à ce moment-ci, si je pourrai le faire.

Évidemment, je ne m'engage pas comme tel à faire un rapport à cette Chambre. Ce que je m'engage à faire, c'est toutes les démarches nécessaires et possibles afin... C'est le ministre du Travail qui va faire aussi ces démarches-là, évidemment. Je ne serai finalement que le porte-parole du ministre en cette Chambre. C'est, à ce moment-là, de faire en sorte de donner le plus d'information possible et, si possible, même le contenu de l'entente pour le donner, à ce moment-là, aux gens de l'opposition et, oui, évidemment, aussi aux députés parlementaires ministériels si eux autres aussi veulent en avoir connaissance. C'est l'obligation que je me donne et que je confirme en cette Chambre.

Donc, à ce moment-là, je ferais une motion pour ajourner le débat, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Pour que les choses soient le plus clair possible pour qu'il n'y ait pas de surprise dans le déroulement futur du processus quant à l'étude de ce projet de loi, le député de LaFontaine, qui est le porte-parole dans ce projet, de même que les députés ministériels indiquent déjà, là, et je comprends que le leader du gouvernement ne s'est pas engagé à une obligation de résultat, si je peux utiliser cette expression... Mais on vous indique déjà que, si l'entente n'est pas connue des parlementaires, vous placez les parlementaires, du moins ceux de ce côté-ci de la Chambre, dans l'impossibilité de porter un jugement de valeur sur une entente dont ils ne connaissent pas le contenu. Le porte-parole et les députés de l'Outaouais particulièrement ont des populations à représenter, ils ont des intérêts des travailleurs à défendre comme tels et, à ce moment-là, le gouvernement portera le fardeau de demander à l'Assemblée nationale de se prononcer sur une entente qui demeurera soit théorique, soit secrète comme telle.

Maintenant, j'ai compris, là, que le leader du gouvernement s'est engagé à une obligation de moyens, il va prendre les moyens nécessaires en collaboration avec le ministre du Travail pour obtenir ces résultats. S'il ne les obtient pas, le débat va continuer, bien, peut-être sur le même ton qu'il s'est enclenché ce soir.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion d'ajournement présentée par le leader du gouvernement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 61 de notre feuilleton.


Motions du gouvernement


Motion de clôture des travaux de la commission chargée de l'étude détaillée du projet de loi n° 130

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 61 du feuilleton, l'Assemblée entreprend le débat sur la motion proposée par M. le leader du gouvernement conformément aux dispositions de l'article 251 du règlement. Cette motion se lit comme suit:

«Que la commission des institutions, à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, mette fin à ses travaux quant à ce mandat dès l'adoption de la présente motion et fasse rapport au moment prévu de la période des affaires courantes de la séance qui suit celle au cours de laquelle aura été adoptée la présente motion.»

Je vous rappelle que cette motion ne peut être amendée. De plus, puisqu'il s'agit d'une motion de forme, les temps de parole sont donc les suivants. L'auteur de la motion, le premier ministre et les autres chefs des groupes parlementaires ou leur représentant ont un temps de parole de 30 minutes. Les autres députés ont 10 minutes. Et enfin, conformément aux dispositions de l'article 251, au terme de ce débat, le leader du gouvernement a un droit de réplique de 10 minutes.

Alors, je suis prêt à céder la parole au premier intervenant. M. le ministre de la Justice, je vous cède la parole pour un temps, une durée maximale de 30 minutes.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Il est d'usage de dire à ce stade-ci qu'on est très fier de présenter une motion qui fait aboutir un projet de loi qu'on a présenté et qu'on a débattu antérieurement. C'est une formule d'usage, mais je pense que, dans le cas présent, elle a tout son sens, parce que ce projet de loi n'est pas simplement le fruit de l'effort de deux ans d'ouvrage, comme j'en parlerai un peu plus tard, mais le fruit de plus de 25 ans de volonté de la part des ministres de la Justice qui ont occupé le fauteuil avant moi, de tous les intervenants en matière de justice administrative de s'assurer que cette justice administrative soit mieux structurée, soit mieux organisée, fonctionne mieux, et ce, pour le bénéfice des citoyens.

Je dis 25 ans et plus, parce que je me rappelle, alors que j'étais étudiant à la Faculté de droit, dans les années soixante-cinq à soixante-huit, où, dès lors, on faisait des études à la demande du professeur Garant, et j'en parlerai un peu plus loin, pour étudier chacun des organismes administratifs chargés de rendre des ordonnances, d'émettre des permis, de se prononcer sur une indemnité ou une allocation quelconque à l'égard des citoyens... À cette époque, il nous demandait de décrire l'organisme, les fonctions, les possibilités d'appel, le mode de nomination.

J'étais loin, à l'époque, de penser que, 30 ans plus tard, j'arriverais à ce discours de ce soir où je peux dire que l'effort entrepris par ce professeur, mais par bien d'autres à l'époque, arriverait à une fin. Au-delà de cet effort que je voyais comme étudiant et comme professeur, de la part de M. Garant, il y a eu différentes étapes extrêmement importantes qui ont été franchies, et je pense qu'il est important, pour comprendre l'importance de ce projet de loi, de référer à ces expériences.

Déjà, en 1971, il y avait le rapport Dussault, qui portait sur l'organisation, le statut des membres et la procédure devant les organismes administratifs. Vous verrez que ces mots vont revenir fréquemment. En 1975, il y avait un livre blanc portant sur l'organisation et la procédure des organismes administratifs. En 1983, il y avait le rapport Atkinson-Lévesque portant sur l'organisation et la procédure devant les organismes administratifs. Plus tard, en 1987, il y avait le rapport Ouellette, qui portait sur l'organisation, le statut des membres, la procédure et l'encadrement déontologique des membres des organismes administratifs et, finalement, en octobre 1994, le professeur Garant, celui qui a été mon professeur à l'époque, en matière de droit administratif, produisait un rapport portant pour la première fois sur la déjudiciarisation et l'organisation des organismes administratifs.

M. le Président, on vient de voir qu'il y a là 25 ans de tentatives de la part de tous les gouvernements de trouver une manière de réformer la justice administrative au Québec. Tout le monde a essayé, mais, pour des raisons diverses qu'il n'est pas important de connaître aujourd'hui, ça a été un échec. On n'a pu y arriver. Même plus récemment – et je ne voudrais pas l'oublier – en 1993, il y avait un projet de loi portant le numéro 105 qui avait été déposé devant cette Chambre, qui portait sur le statut des membres, la procédure et l'encadrement déontologique des membres des tribunaux administratifs. Et, encore une fois, ceci avait complètement avorté. M. le Président, tout le monde faisait le même constat: il est nécessaire, requis, essentiel de réformer la justice administrative, mais on n'a pas réussi à le faire.

(22 h 20)

Le rapport Garant, déposé en octobre 1994 – soit à peine un mois après notre élection et ma nomination comme membre du Conseil exécutif et comme ministre de la Justice – arrivait sur la table, et je le rendais public parce que je considérais, à l'époque, qu'il était d'intérêt public de le publier. Mais je n'étais pas à l'époque conscient que, peut-être, c'était là l'amorce d'une tentative, d'une dernière tentative pour faire justement cette réforme tant attendue de la justice administrative. Et, effectivement, par la suite, nous avons entrepris des consultations, des consultations qui ont été extrêmement longues, mais en même temps extrêmement importantes et influentes sur le projet de loi.

M. le Président, pour bien montrer l'importance de ces consultations, je voudrais référer au fait que, après avoir rencontré, pendant trois quarts d'heure chacun, 40 organismes au ministère afin de permettre aux dirigeants des organismes d'exprimer clairement, mais peut-être pas en public, ce qu'ils pensaient d'une future réforme de la justice administrative, et ce, compte tenu du dépôt du rapport Garant, donc, après avoir rencontré ces 40 organismes, permettez-moi de vous dire qu'il y a eu des consultations qui ont porté sur une période du 15 mars 1995 au 4 mai 1995, il y a eu sept séances qui ont porté sur 25 heures et où 28 organismes se sont fait entendre pour faire des représentations. Par la suite, il y a eu, du 6 février au 15 février 1996, des consultations, il y a eu six séances qui ont duré 33 heures et où 36 organismes se sont exprimés. Par la suite, du 17 au 25 septembre 1996, à l'automne, donc, il y a eu une consultation sur l'avant-projet de loi de l'application de la justice administrative, où il y a eu quatre séances qui ont duré 15 heures et où 18 organismes se sont fait entendre. Et, du 30 mai au 3 décembre 1996, il y a eu l'étude détaillée du projet de loi n° 130 lui-même où il y a eu 14 séances, 45 heures de travail et où quatre organismes se sont fait entendre. Il y a eu 31 séances portant sur la justice administrative, qui ont duré 121 heures, et où 86 organismes se sont fait entendre. M. le Président, on a là une indication à la fois de l'importance du projet par le nombre d'organismes qui ont voulu et qui se sont fait entendre et, en même temps, le temps qu'on a pris pour étudier ce projet de loi.

Une bonne partie du travail de l'étude article par article après les auditions, soit particulières, soit générales, ont permis d'adopter un nombre important d'articles. Dans une seule séance, au mois de septembre, nous avons adopté, en commission parlementaire, les articles 52 à 188 – je peux me tromper sur la numérotation, mais c'est l'ordre de grandeur, M. le Président – donc en une séance nous avons adopté 130 articles. Malheureusement, par la suite, les choses se sont détériorées en termes d'avancement des travaux, en termes d'étude que je qualifierais de sérieuse des dispositions en question.

Malheureusement, nous avons dû constater, particulièrement dans les derniers jours, qu'il n'était plus possible d'avancer dans l'étude de ce projet de loi. À titre d'exemple, et je veux y référer, nous avons passé sur l'article 17 du projet de loi un temps important, un temps tellement important qu'il a permis à l'opposition de présenter 18 amendements, M. le Président, pour cet article. Essentiellement, cet article vise à donner la juridiction au Tribunal administratif du Québec et on a tenté, l'opposition a tenté, pendant un temps de plusieurs heures, mais qui se sont reflétées par 18 amendements qui visaient à supprimer successivement chacune des dispositions prévues à cet article-là... Malheureusement, M. le Président, on voit qu'on ne pouvait plus avancer. Des heures et des heures et des heures étaient passées à faire des pirouettes autour d'une disposition alors qu'on aurait pu adopter sereinement des modifications qui auraient été importantes, mais qui auraient fait avancer le projet de loi.

Mais quel est le sens de ce projet de loi? M. le Président, il y a, dans notre système de droit, deux façons de procéder pour régler les litiges devant des tribunaux ou des organismes chargés de rendre justice. Il y a le système que l'on connaît bien, le système des tribunaux judiciaires. Vous avez, ce sont des expressions connues, les tribunaux comme la Cour du Québec, la Cour supérieure du Québec, la Cour d'appel du Québec et la Cour suprême. Ce sont des tribunaux judiciaires. Ce sont des tribunaux où on exerce généralement nos recours lorsque l'on ne s'entend pas entre citoyens. Mais il y a aussi, et c'est peut-être plus particulier au Québec, un autre type de justice que l'on appelle la justice administrative. C'est une justice qui existe lorsqu'un citoyen, dans ses relations non pas avec son voisin mais avec l'administration, l'État...

M. Williams: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le ministre de la Justice. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui. Maintenant, M. le Président, le gouvernement est en train de nous bâillonner. Je voudrais savoir: Est-ce qu'il y a quorum dans cette salle?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous n'avons pas quorum présentement. Alors... Alors, nous avons quorum. M. le ministre de la Justice, vous pouvez reprendre la parole.

M. Bégin: Merci, M. le Président. J'expliquais donc qu'il y avait dans notre système deux types de justice: les tribunaux judiciaires et les tribunaux administratifs. Les tribunaux administratifs, ce sont des tribunaux chargés de rendre des décisions lorsqu'un individu, dans ses relations avec l'État, n'est pas satisfait de ce qu'il a obtenu ou tente d'obtenir de l'État quelque chose, soit un permis, une allocation, une indemnité, par exemple obtenir l'aide sociale ou obtenir un permis pour exploiter un bar, ou n'importe quoi. Alors, à ce moment-là, il est en relation avec l'État. Il se présente non pas devant les tribunaux judiciaires, mais il se présente devant les organismes administratifs chargés de rendre justice en cette matière. Mais le système de justice administrative a été constitué dans le but de rendre les relations plus rapides, de rendre les décisions de manière plus efficace, de manière plus transparente et surtout de manière plus rapide par rapport aux tribunaux judiciaires. Ce sont des tribunaux qui ont été créés pour effectivement rencontrer des besoins importants, volumineux de décisions et qui nécessitent que des personnes qui rendent ces décisions aient une expertise, une connaissance particulière d'un segment de l'administration, un segment des relations entre le citoyen et l'État.

Donc, la justice administrative existe au Québec depuis 30 ans, minimum, et beaucoup plus en fait, mais avec des organismes qui ont procédé de manière disparate, séparée, différente les uns des autres au cours des années. Lorsque l'on parle d'une réforme de la justice administrative, on dit: Pendant 30 ans, l'État a prévu de solutionner les problèmes entre les individus et l'État d'une manière simple, directe, mais en créant différents organismes spécialisés. Après 30 ans, et même bien avant, on s'est rendu compte que, si les objectifs que l'on visait pouvaient être bien remplis pendant un certain nombre d'années, il pouvait arriver que, pour le citoyen qui avait à faire trancher un litige avec l'État, il n'était pas toujours évident de savoir à quel endroit il devait se présenter, devant quel organisme il devait faire sa demande, dans quel délai il devait le faire, selon quelles règles de procédure il pouvait le faire. Chacun des organismes avait des modes, des façons différentes, souvent appropriées pour les besoins lorsque ça avait été créé, mais qui, au cours des années, ont fait en sorte qu'on se retrouvait devant des organismes multiples où l'individu qui avait à se présenter ne savait pas trop où se présenter ni comment le faire.

Donc, on a senti très tôt, et je référais tantôt à l'expérience d'étudiant que j'avais eue, le besoin de vouloir réorganiser ça. Deuxièmement, on s'est posé la question de savoir: Oui, mais les personnes qui rendent une décision, de quelle manière sont-elles nommées, de quelle manière sont-elles renouvelées dans leur mandat par opposition, encore une fois, aux personnes appelées à trancher dans le système judiciaire de nos tribunaux judiciaires?

(22 h 30)

Je le dis, les juges de la Cour du Québec, les juges de la Cour supérieure, de la Cour d'appel et de la Cour suprême, donc dans les tribunaux judiciaires, ont un mode de nomination qui a cette caractéristique en particulier d'être durant bonne conduite, c'est-à-dire, à toutes fins pratiques, jusqu'à la fin ou au décès d'une personne ou au moment où elle atteint l'âge de la retraite, alors que, dans les tribunaux administratifs, la règle qui s'est établie très tôt, c'est que les personnes appelées à trancher les litiges étaient nommées là pour une période de temps limitée, généralement cinq ans, avec possibilité de renouvellement, successive pendant deux, trois, quatre ou cinq termes, dans certains cas jusqu'à la retraite, mais, dans d'autres cas, pour un terme seulement, dans d'autres cas, deux termes. Donc, on voit une différence, une première différence avec les tribunaux judiciaires.

Deuxièmement, alors qu'au Québec, par exemple, pour la nomination des juges de la Cour du Québec, nous avons élaboré une procédure, un règlement qui détermine de quelle façon les choses vont se faire. Par exemple: avis de concours pour un poste de juge; deuxièmement, création évidemment d'un comité de sélection pour rencontrer les candidats et les candidates à ce poste; troisièmement, sélection, parmi ces personnes qui se sont présentées, de celles qui sont aptes à être nommées juges; finalement, recommandation et décision par le Conseil des ministres de la personne qui sera nommée au poste de juge. Ça, c'est pour le système judiciaire, alors que, pour le système de nomination des personnes aux tribunaux administratifs ou aux organismes administratifs, on assistait, depuis toujours, à la nomination des personnes à la discrétion de l'Exécutif, c'est-à-dire que, lorsqu'un poste était vacant, le Conseil des ministres disait: Telle personne est nommée à ce poste de président, vice-président ou membre d'un organisme.

Prenez, par exemple, la Commission des affaires sociales. Si un poste est vacant, jusqu'à ce jour, l'Exécutif peut dire: Monsieur ou madame X est nommé à ce poste de commissaire ou de vice-président à la Commission des affaires sociales. Il n'y a pas d'avis de concours, pas de concours, pas de comité de sélection, pas de listes dressées parmi lesquelles l'Exécutif pourrait être appelé à trancher. Donc, on voit qu'il y a beaucoup de discrétion de la part de l'Exécutif. Beaucoup de gens ont dit: Nous devrions reformuler ou repenser notre mode de nomination. Nous devrions nous rapprocher, en les nommant, de la manière dont on le fait pour les juges des tribunaux judiciaires. Or, le projet de loi justement vise à régler ce problème des reproches qui avaient été faits quant au mode de nomination.

Finalement, il y a aussi un autre volet qui est extrêmement important: Quel est l'encadrement disciplinaire et déontologique des personnes qui sont membres de ces organismes administratifs? Jusqu'à présent, aucune règle formelle n'a été établie pour indiquer quelles sont les manières de faire, quelles sont celles qui ne sont pas permises, quelles sont les conséquences pour une personne qui se comporte de manière incorrecte et, surtout, quelle sanction doit-on appliquer à cette personne, et, finalement, s'il y a une sanction, qui peut l'imposer. Autrement dit, actuellement, c'est laissé, généralement, libre à l'Exécutif de trancher dans certaines circonstances, mais il n'y a pas d'encadrement. Or, un projet de loi sur la justice administrative vise justement à faire en sorte qu'à l'avenir il n'y ait plus ce laisser-aller, si vous me permettez cette expression, dans ces matières.

Il y aura donc un conseil de la justice administrative formé d'un certain nombre de personnes qui sont des gens qui sont dans l'administration, des gens qui occupent des postes de décideurs, ou de juges, ou de présidents d'organisme qui pourront siéger, mais également des représentants du public pour décider, par exemple, que la conduite de telle personne qui a fait l'objet d'une plainte pourra être examinée par un comité; deuxièmement, où on pourra entendre les personnes concernées; et, troisièmement, où il pourra y avoir une décision, une sanction qui sera applicable et qui sera sanctionnable à l'égard de la personne qui aura pu commettre une faute de discipline ou de déontologie. Alors, il y aura donc, dans le projet de loi, ce qu'on appelle un conseil de la justice administrative.

M. le Président, on voit donc que les problèmes qui étaient présents avant de procéder à l'adoption de ce projet de loi là étaient nombreux. Il y avait aussi, au-delà de tout ça – je l'ai mentionné un petit peu tout à l'heure – la présence d'un ensemble d'organismes qui tranchaient séparément une série de litiges. Le citoyen, lui, ne savait plus, en tout cas ne savait pas toujours devant qui il devait se présenter, à quel organisme il devait se plaindre s'il avait une demande à formuler. Le projet de loi vise à régler une bonne partie de ce problème en créant ce que l'on appelle le Tribunal administratif du Québec, le TAQ, qui est un guichet unique où se retrouveront les personnes qui auront des recours à exercer. Elles sauront, en se présentant à ce guichet, qu'elles sont à la bonne porte sans devoir chercher, comme on dit, selon l'expression populaire, midi à quatorze heures. Elles pourront donc s'adresser au TAQ pour faire réviser les décisions qui auront pu être rendues dans un premier niveau, pour faire trancher à nouveau ces décisions-là.

Ce Tribunal administratif, le TAQ, recouvrira différentes sections qui sont autant d'organismes, en fait, qui sont existants actuellement. Je vais vous donner un exemple. Il y aura cinq sections. Entre autres, une section qui recouvrira la section immobilière. Qu'est-ce qu'on retrouvera là? Sans être exhaustif, on retrouvera ce qui était appelé autrefois, jusqu'à ce jour, en fait, le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Actuellement, une personne qui n'est pas contente de son évaluation ou de l'évaluation que l'évaluateur a donnée pour sa propriété s'adresse au BREF. Bien, dorénavant, elle s'adressera au TAQ, mais à la division immobilière qui comprendra toutes les personnes nommées pour rendre des décisions en cette matière.

Même chose: une personne reçoit actuellement un avis d'expropriation; elle se dirige vers le Tribunal de l'expropriation. Dorénavant, elle s'adressera au TAQ, à la section immobilière, comme pour le Bureau de révision de l'évaluation foncière, et elle sera entendue par les personnes qui siégeront à cette section. Pour compléter l'exemple, quelqu'un, en matière de protection du territoire agricole, qui n'est pas satisfait de la décision qui sera rendue pourra en appeler au TAQ devant la division immobilière pour faire valoir ses droits. Mais, dans les trois cas que je viens de mentionner, M. le Président, la personne aura un seul organisme à retenir, le Tribunal administratif, et, sur place, on la dirigera exactement à la section pertinente pour se faire entendre.

Alors, comme on peut le voir, M. le Président, ce projet de loi vise à faire des choses extrêmement importantes, mais il a une caractéristique additionnelle importante et je pense que c'est ce qui a fait la différence entre l'aboutissement du projet de loi n° 130 par opposition aux autres tentatives antérieures. Et là je réfère à un concept qui était connu, qui n'est pas une invention en soi, qui a été exploité de manière efficace par les auteurs du rapport qu'on appelle le rapport Garant, et c'est ce concept de la déjudiciarisation.

Autrement dit, qu'est-ce que ça veut dire, le concept de la déjudiciarisation? La déjudiciarisation, c'est faire en sorte que, lorsqu'on se présente devant une administration pour faire valoir ses droits, on peut avoir deux attitudes: une qui est celle que l'on connaît bien, qui est très fonctionnelle, qui est utile, qui est celle des tribunaux judiciaires où se présentent deux parties l'une contre l'autre, chacune représentée par un avocat, où on suit des règles précises, on le sait, dans ce qu'on appelle le Code de procédure civile et où successivement les parties font valoir, par le biais de leur avocat qui interroge des témoins et qui dépose des documents, leur point de vue. C'est ce qu'on appelle un débat contradictoire judiciaire où les parties agissent généralement par le biais d'un avocat.

La déjudiciarisation vise justement à changer cette façon de faire pour faire en sorte qu'on n'ait pas besoin d'agir de manière aussi formelle, aussi stricte. Mais les parties ont quand même l'occasion de faire valoir leur point de vue de manière aussi efficace et aussi complète que si elles étaient dans un processus judiciaire, mais de manière beaucoup plus souple, de manière beaucoup plus simple, beaucoup plus familière et, pense-t-on, de manière beaucoup plus efficace, compte tenu des trois premiers critères. Autrement dit, on veut rendre la tâche plus facile aux citoyens pour faire valoir leurs droits devant l'organisme qui aura à trancher le litige opposant un individu et l'État.

(22 h 40)

Donc, la déjudiciarisation vise à simplifier les choses et vise aussi d'autres éléments, entre autres à faire en sorte que ça soit plus rapide et aussi moins coûteux, et on pense que la partie aura l'occasion de se faire mieux entendre, donc avec la possibilité d'avoir une décision qui sera plus probablement acceptée par les parties, même si la partie perdante, généralement, est portée à se dire: Je n'ai pas eu satisfaction. Mais on pense que plus il aura l'occasion de se faire entendre de la manière simple, directe, complète que je viens de décrire, plus les chances seront qu'il acceptera la décision, même défavorable.

Alors, M. le Président, ce concept de la déjudiciarisation est ce concept qui n'existait pas dans les autres projets de réforme et qui a peut-être fait qu'ils n'ont pas pu aboutir, parce qu'elles étaient théoriquement, purement et simplement, des réformes de structure, alors que, là, on vise à changer le fonctionnement même du système. M. le Président, nous pensons qu'il est possible de fonctionner de manière plus simple que de la manière judiciaire. Et c'est ça qu'a apporté le rapport Garant, ce concept de la déjudiciarisation: faire en sorte que, pour la première décision, celle où le citoyen est directement impliqué, où il est en contact direct avec l'administration, il ait ce rapport plus simple, plus complet et surtout plus satisfaisant.

Alors, M. le Président, quand on regarde la situation par rapport à ce qui existait antérieurement, le projet de loi vise à répondre – et, je pense, le fait – vise à régler plusieurs problèmes. Je viens de parler de la déjudiciarisation. J'ai parlé aussi du mode de nomination et de renouvellement des personnes. J'ai dit tantôt, quand j'ai fait mon exemple par rapport aux tribunaux judiciaires, que le mode de nomination et de renouvellement des membres, actuellement, était tout à fait discrétionnaire.

Dorénavant, avec le projet de loi n° 130, avant de combler un poste, l'administration devra publier un avis de concours à l'effet que tel poste est disponible, que toutes les personnes qui ont l'expertise requise pourront présenter leur candidature, qu'un comité de sélection va être formé de personnes représentant l'exécutif, représentant l'organisme où la personne sera appelée à siéger et, finalement, d'une tierce personne, où ils pourront donc faire valoir les motifs d'une sélection favorable. Le comité de sélection entendra chacun des candidats et des candidates, et fera une recommandation à l'effet que tant de personnes sont aptes à être nommées au poste convoité. Par la suite, parmi ces gens, le ministre responsable de la loi où devra agir cette personne fera une recommandation au Conseil des ministres, et il y aura nomination de cette personne.

Comme on peut le voir, il y a une distance considérable et surtout une différence considérable entre le mode actuel et celui qui sera dorénavant adopté. L'Exécutif ne choisira pas parmi toutes les personnes qu'il voudra; il choisira parmi les personnes qui auront été jugées aptes à occuper le poste par un comité de sélection indépendant, neutre, et il devra choisir parmi ces personnes. M. le Président, c'est vrai pour la nomination, ce que je viens de dire, mais ce sera vrai également à l'occasion du renouvellement des personnes occupant un poste et dont le terme du mandat sera arrivé. Alors, M. le Président, nous avons donc une différence importante.

Troisièmement, j'ai mentionné qu'actuellement on ne savait pas toujours à quel endroit on devait se présenter pour faire une demande. Dorénavant, il y aura un guichet unique où les personnes pourront se présenter. Ce sera le TAQ, le Tribunal administratif du Québec.

Finalement, il y aura aussi la possibilité d'encadrer la discipline des membres de ces organismes, de faire en sorte, si on constate qu'une de ces personnes ne se conduit pas de la manière dont elle devrait le faire, qu'on puisse porter une plainte devant un organisme qui est responsable et qui est capable de faire comparaître cette personne, le plaignant, mais surtout la personne contre qui on a porté une plainte, pour entendre les représentations de tout le monde et, éventuellement, rendre une décision qui sera applicable à l'égard de tout le monde.

M. le Président, j'aurais apprécié pouvoir faire adopter ce projet de loi de consentement. Malheureusement, je dois constater qu'après toutes les tentatives de procéder à des amendements qui auraient pu faire en sorte que nous nous entendions sur chacune des dispositions de la loi il a été impossible d'obtenir cette collaboration. Faire 17 amendements, M. le Président, sur un même article dans le but de dépouiller l'organisme dont on veut la création m'apparaît tout à fait aberrant. On ne peut pas dire en même temps: Je suis pour le Tribunal administratif du Québec et faire amender 17 fois la même procédure pour le dépouiller, cet organisme-là, de ses pouvoirs. Voilà pourquoi nous devons adopter ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey. À titre de représentant de votre groupe parlementaire, M. le député de Chomedey...

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...vous disposez d'un temps de parole d'une durée maximale de 30 minutes. Je vous cède la parole.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. En espérant que je puisse bénéficier de la même flexibilité de la part de la présidence que vient d'avoir le ministre de la Justice, parce que c'est un sujet important. M. le Président, tous ceux ici, dans cette Chambre, qui connaissent le projet de loi n° 130 et qui connaissent la vérité en ce qui concerne le déroulement de la commission comprennent à quel point le ministre de la Justice, qui est censé être celui qui représente cet intérêt important dans la société, représente plutôt tout ce qu'il y a de problématique avec l'actuel gouvernement, car il vient de démontrer qu'il ne comprend même pas le sens du mot, qu'il ne comprend même pas ce qui vient de se passer en commission parlementaire, qu'il ne comprend même pas le sens, la portée et le but réel de son projet de loi ou, du moins, il n'est pas prêt à l'admettre publiquement.

Le ministre de la Justice a dit, tout à l'heure, qu'il avait entendu un certain nombre de groupes et que, pour cette raison-là, il fallait qu'on adopte maintenant, en utilisant le bâillon, la guillotine, son projet de loi. Je vais me permettre de citer brièvement une lettre envoyée, aujourd'hui même, par le bâtonnier du Québec, celui qui préside l'ordre professionnel représentant l'intérêt du public et regroupant les 17 000 avocats du Québec.

Dans sa lettre, encore une fois datée d'aujourd'hui, Me Claude Masse, bâtonnier du Québec, écrit – et je cite juste des parties parce qu'il y a beaucoup d'éléments qu'il faut couvrir: «M. le premier ministre, c'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130 portant sur la justice administrative.» De poursuivre le bâtonnier du Québec: «Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions. En l'absence de consensus des milieux intéressés sur des éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme.»

M. le Président, c'est ça qu'on a devant nous, un ministre de la Justice qui réussit à se convaincre que, parce qu'il a fait un simulacre de consultation, parce qu'il a fait semblant d'entendre – parce que c'est une chose d'entendre, c'est une autre chose d'écouter – il peut maintenant se donner bonne conscience en réduisant les droits des justiciables, des Québécoises et des Québécois face à l'administration. Il se trompe, M. le Président.

D'une certaine manière, comme porte-parole, critique de l'opposition officielle en matière de justice, quand je vois ce que les journaux appellent l'affreux gâchis du ministre de la Justice, si j'étais très cynique, je pourrais presque m'en réjouir. Parce que qu'est-ce qu'on pourrait demander de plus que d'avoir un ministre comme celui-là, que ce soit dans le dossier de l'aide juridique où il y a une grève générale à travers la province de Québec et où il y a des gens qui sont en prison qui ne peuvent même pas se procurer les services d'un avocat? C'est lui qui a fait ça et c'était aussi en imposant le bâillon au mois de juin l'année dernière.

Il fait la même chose aujourd'hui avec une loi qu'il tente de masquer avec des propos nobles: guichet unique par ci, meilleur service à la population par là, des bons souvenirs de son passage à l'Université Laval et le professeur Garant. Voyons donc! Vous savez ce qui est vraiment en cause ici?

(22 h 50)

C'est mon collègue le député de Frontenac et ancien ministre de la Justice, un bon et un vrai ministre de la Justice, qui l'a très bien démasqué en commission parlementaire. Ce qui est vraiment en cause ici, M. le Président, c'est une tentative, encore une fois, de la part du gouvernement, de sabrer dans les services à la population, de couper les droits des citoyens pour sauver de l'argent. C'est juste de ça qu'il s'agit, M. le Président. Sinon, comment expliquer le fait même que le Barreau du Québec, aujourd'hui, le Barreau qui représente les intérêts des citoyens dans un dossier comme celui-là, qui l'analyse à l'aune de l'intérêt du public, nous dise: À quoi vous jouez, là? Ça n'a pas de bon sens. Il parle de manque de consensus dans les milieux intéressés.

M. le Président, dans Le Journal du Barreau de cette semaine, il y a un compte rendu d'un important forum, un colloque qui s'est tenu avec tous les experts de la province de Québec en matière de droit administratif voilà quelques semaines. Le leader du gouvernement dispose de 10 minutes après notre intervention, M. le Président, en vertu de l'article 251 de notre règlement. J'espère qu'il va les utiliser pour en parler. Parce qu'il était là; il était en train d'auditionner pour la job du ministre de la Justice. Il se promenait dans les corridors une fois que le ministre était parti, il serrait les mains de tout le monde. C'était fort étonnant de le voir arriver.

Mais tout le monde connaissait le «track record» du ministre de la Justice avec ses projets de loi. Les journaux ont raison quand ils parlent d'un affreux gâchis, M. le Président. C'est pour ça que tout le monde sait que même ce gouvernement-là ne devrait pas tolérer longtemps la présence d'un tel ministre, même si, comme critique, je devrais avoir envie, pour des raisons et des motifs purement égoïstes, de le garder là. C'est facile de critiquer quelqu'un qui présente des affaires comme ça. Mais, pour l'intérêt du public, M. le Président, on est tous rendus là. Tout le monde se rend compte que ça ne peut plus continuer comme ça.

Lors de ce forum à l'Université de Montréal, M. le Président, l'ensemble des experts sont venus dire la même chose: que la réforme était hâtive, que le travail de fond n'avait pas encore été fait, que ça représentait d'énormes problèmes et que ça n'allait jamais pouvoir marcher comme le ministre vient à nouveau de tenter de le dire et comme il essaie d'en convaincre les gens depuis un bon bout de temps dans ce dossier-là.

Le ministre a raison, par contre, de dire que la quasi-totalité des articles opérationnels qui entouraient le projet de loi a fait l'objet d'un travail correct en commission parlementaire. On a adopté bon nombre d'amendements ensemble. Ce fut un travail très correct, très constructif. Mais, là où le ministre déraille complètement dans son analyse, c'est lorsqu'il tente de nous convaincre que, parce qu'on a passé un nombre x d'heures en commission parlementaire, ça l'autorise, comme ministre de la Justice, malgré et à l'encontre de l'avis du Barreau et de tous les gens intéressés dans la chose, à imposer le bâillon sur les travaux des parlementaires, ici, à l'Assemblée nationale. Son raisonnement ne tient pas debout, M. le Président, et on n'a pas besoin de faire une démonstration très compliquée de ça. Encore une fois, le Barreau l'a fait très bien dans une lettre récente signée par le bâtonnier du Québec, Me Claude Masse, à l'intérieur du Journal du Barreau .

Dans cette lettre, M. le Président, Me Masse dit que, pour le Barreau, il y avait trois problèmes majeurs dans le projet de loi. Premièrement, il y avait un problème en ce qui concerne l'autonomie et l'indépendance des décideurs. C'est des grands mots; peut-être que les gens ont du mal à comprendre, mais avec des exemples ils vont comprendre vite pourquoi ça brime leurs droits, ça enlève des recours, ça va les affecter négativement. Deuxièmement, un manque de droit d'appel. On va en parler aussi un petit peu plus en détail.

Sa troisième préoccupation n'était pas partagée par l'opposition. C'était la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. On a réussi à nous convaincre, et il y avait d'autres intervenants, notamment le Conseil du patronat et certaines grandes centrales syndicales, qui disaient: Il y a un aspect de notre système qui devrait être préservé. Et on s'est rangé à leurs arguments, bien qu'ils soient en train de vivre le contrecoup de ça parce que, dans un autre projet de loi, le ministre du Travail est en train d'évacuer certains autres recours et droits.

Mais, sur les deux premiers points, M. le Président, c'est juste ça que ça prend pour comprendre pourquoi et l'opposition officielle et le Barreau du Québec et l'ensemble des intervenants sont très inquiets pour la survie, pour la viabilité du projet de loi n° 130 dans sa forme actuelle.

Sur les critères de renouvellement des mandats, le ministre est passé très vite là-dessus tout à l'heure. Il a tenté de convaincre les gens qui nous écoutaient qu'il avait prévu un très bon système; c'était presque aussi bon que le système qui est en place pour choisir les juges à la Cour du Québec. Quand on regarde la nomination récente du juge Therrien, avec son passé, avec son dossier criminel, on se rend compte que ce n'est peut-être pas le meilleur modèle, et il ne devrait peut-être pas se taper les bretelles en le citant en exemple.

Mais il y a plus, M. le Président. Il y a, notamment, le fait que le règlement – et c'est juste dans un règlement, ce n'est même pas dans la loi – qui prévoit les règles pour la sélection des juges prévoit la discrétion absolue pour le gouvernement de remplacer les juges. Dans les termes du Barreau, le renouvellement du mandat est laissé à l'entière discrétion du gouvernement. C'est exactement notre lecture aussi, M. le Président.

Ça veut dire quoi concrètement pour le citoyen? Ça veut dire ceci: que, lorsque le citoyen, qui est détenteur d'un permis, par exemple, que ce soit pour exploiter un bar ou opérer une entreprise, lorsque le citoyen détient des droits vis-à-vis du gouvernement, ce qu'on appelle l'administration dans ce projet de loi là, lorsque le gouvernement vous donne un permis et l'enlève, vous avez des droits, vous avez le droit d'être entendu. En vertu de nos règles, il faut que la personne qui vous entend soit autonome, soit indépendante, soit impartiale, soit un arbitre juste, quelqu'un qui n'est pas affecté d'un bord ou de l'autre. C'est ça l'essence même, M. le Président, de la justice.

À l'heure actuelle, au moment où on se parle, il y a plus de 50 personnes au Québec qui prennent des décisions concernant les citoyens tous les jours de la semaine: Est-ce que vous avez droit à votre indemnité pour ci? Est-ce que vous avez le droit de garder votre permis pour ça? Il y a une cinquantaine de ces décideurs-là, M. le Président, qui sont dans une situation précaire, c'est-à-dire que leur mandat est terminé. Leur capacité, donc, de gagner leur vie, leur salaire, leurs conditions d'emploi risque d'être coupée à tout moment. Par qui, M. le Président? Par le gouvernement. Et qui est en cause contre le citoyen dans ces causes-là? C'est le même gouvernement! Il y a un conflit d'intérêts évident si ces personnes sont dans un statut précaire. Et le ministre s'entête à rester avec son idée.

Le ministre nous a déjà dit, en essayant de nous convaincre de voir sa manière de faire et de l'accepter, et je le cite: «Écoutez, Thomas, il faut que je puisse nommer mes gars, il faut que je nomme mes gars là-dedans.»

Une voix: Non.

Une voix: Oui.

M. Mulcair: C'est ça qu'il nous a dit. Il ne le dirait pas en Chambre, mais il le dit bien lorsqu'il essaie de faire du «bargain» à l'extérieur: «Il faut que je nomme mes gars.»

Une voix: Ce n'est pas sérieux.

M. Mulcair: Après ça, il arrive ici, en Chambre, et il fait des beaux discours sur comment le projet de loi, c'est mieux pour la population. Ça va aider, ça va faire du bien. C'est ça son terme de tout à l'heure: les citoyens vont être plus satisfaits.

Une voix: Scandaleux!

M. Mulcair: Il va les entourer avec de la ouate, il va leur dire: Ça va être pour votre bien. Et, de la manière dont on va vous dire non dorénavant quand vous avez une question à poser concernant vos droits d'être indemnisé, d'avoir votre permis, bien, ça va être beaucoup plus satisfaisant. C'est rien que ça qu'il est capable de nous dire, M. le Président, parce que les gens vont pouvoir arriver devant un décideur qui n'aurait pas toute l'autonomie et l'indépendance requise.

Un jugement récent de la Cour suprême, M. le Président, vient confirmer ce qu'on est en train de dire là. Dans une décision rendue il y a à peine quelques jours, la Cour suprême du Canada, dans une affaire concernant la Régie des alcools, des courses et des jeux, a octroyé ce qu'on appelle une évocation. C'est un recours extraordinaire; ça veut dire qu'elle a cassé une décision de cette Régie parce qu'il y avait défaut de respecter les règles d'autonomie et d'indépendance.

Croyez-le ou non, M. le Président, malgré le fait que l'évocation a été donnée, malgré le fait que le gouvernement a perdu donc cet aspect de sa cause, le ministre de la Justice arrive en commission parlementaire et nous dit: Do you give up yet? Est-ce que vous abandonnez? Nous, on vient de gagner en Cour suprême, on prend le jugement, on prend le temps qu'il faut, on va le lire. On lit des choses comme suit, M. le Président: «Les principes développés par notre Cour en matière d'indépendance judiciaire doivent trouver application en vertu de l'article 23 de la Charte qui garantit le droit d'être entendu par quelqu'un d'autonome, d'impartial, d'indépendant.»

(23 heures)

Là, ce n'est pas dire, bien entendu, que les tribunaux administratifs auxquels ces dispositions s'appliquent doivent se comparer en tout point avec les cours de justice. Ça, c'est vrai, M. le Président. Un tribunal administratif, comme une régie, une commission, un office, n'a pas besoin d'avoir exactement les mêmes garanties.

Le jugement continue. «Comme en matière d'impartialité, une certaine dose de flexibilité est de mise à l'endroit des organismes administratifs.» Tout le monde s'entend là-dessus. «Les motifs du juge Le Dain dans l'arrêt Valente – c'est une cause très importante à la Cour suprême, qui détermine le degré d'autonomie et d'indépendance que doivent avoir les décideurs – laissent d'ailleurs place à la souplesse d'une façon qui tienne compte de la nature du tribunal et de l'ensemble des circonstances.»

Il continue, dans le jugement, M. le Président, en donnant d'autres instructions à qui veut bien les entendre et les comprendre, notamment en disant au ministre de la Justice que «les conditions d'emploi des régisseurs se conforment d'une manière générale aux exigences minimales de l'indépendance – pour ce qui est de cette régie-là – celles-ci ne requièrent pas que tous les juges administratifs occupent, à l'instar des juges des tribunaux judiciaires, leur fonction à titre inamovible».

M. le Président, cette phrase veut bien dire que, selon les circonstances, pour reprendre les termes de la Cour suprême, selon les fonctions, selon toutes les circonstances, on peut, même en matière administrative, arriver à un niveau où on attire l'application des règles de la Cour suprême en Valente. Ce qui veut dire quoi?

«Inamovibilité» est un mot «fancy» pour dire qu'on n'a pas le droit de les congédier. Et, si on peut arriver là avec des tribunaux administratifs, M. le Président, ça, c'est le plus haut niveau de garantie d'indépendance, il est évident, et seul le ministre ne le comprend pas, tous les autres experts l'ont compris, qu'en créant le Tribunal administratif du Québec, en émulant la notion, la forme, la structure d'ensemble des tribunaux de droit commun, les cours de justice ordinaires, on est en train de créer une masse critique, une certaine gravité qui va nécessairement appeler, attirer l'application de ces règles strictes d'autonomie et d'indépendance à ces décideurs de ce nouveau Tribunal administratif du Québec.

C'est pour ça, M. le Président, que le Barreau du Québec est en train de dire au premier ministre... Parce qu'ils envoient maintenant copie au ministre de la Justice. Le Barreau du Québec ne prend même plus la peine d'écrire au ministre de la Justice du Québec, M. le Président. Ça ne s'est jamais vu, dans l'histoire du Québec, que le Barreau passe maintenant directement au «bunker» pour passer ses messages et ses critiques. Parce qu'ils ont compris ce que tout le monde a compris: ça ne sert à rien de traiter avec ce ministre de la Justice là. Il est capable de se lever, comme il a fait ce soir, et de dire: Bien, vous savez, on a entendu beaucoup de groupes, et ça va provoquer beaucoup plus de satisfaction pour le public, et c'est pour le bien de tout le monde. Malheureusement, en face, ils ne sont pas assez «bright» pour comprendre que c'est dans l'intérêt de tout le monde. Donc, on est obligé de leur passer sur le corps avec notre rouleau compresseur, notre guillotine, notre bâillon. C'est ça qu'on va faire pour protéger le public.

Voyons donc, M. le Président! Il n'y a personne qui est dupe là-dedans. Tout le monde a compris que c'est exactement le même syndrome qu'on a vu avec l'assurance-médicaments. Le ministre de la Santé et des Services sociaux se lève et dit: Oh! Ne regardez pas le fait qu'on enlève 250 000 000 $ dans le système. Oh! Ne regardez pas ça. Ce qu'on fait, c'est mieux pour la population, ça va les aider. Ne regardez pas qu'on enlève les services à la population, regardez ce qu'on fait de bien pour vous autres.

Même chose que le ministre de la Justice a fait dans le domaine de l'aide juridique au mois de juin de l'année dernière. Il s'est levé ici, en Chambre, il a dit: J'ai trouvé la solution. Je vais couper 18 000 000 $ dans l'aide juridique, mais c'est pour le meilleur bien de la population. Je vais étendre la couverture d'aide juridique par la voie d'un volet contributif. Les gens du Barreau, après leurs analyses, se sont rangés à cet argument-là. Ils ont accepté. Nous, on n'a jamais accepté, et c'est pour ça que le ministre a aussi imposé le bâillon là-dedans.

Vous savez ce qu'il a fait en imposant le bâillon au mois de juin, M. le Président? Le ministre de la Justice est venu jouer, entre autres, avec la disposition d'entrée en vigueur de sa loi. Plutôt que de dire que la loi entrait en vigueur sur proclamation, il a dit que les dispositions pouvaient entrer en vigueur. Vous savez quel était le résultat concret pour le Barreau, pour les avocats et pour les citoyens qui avaient besoin de ces services-là ? Tout le monde s'est réveillé à la fin de l'été avec la proclamation de l'entrée en vigueur des coupures édictées par le ministre de la Justice, mais il n'a jamais, jusqu'à ce jour, proclamé l'entrée en vigueur du volet contributif. Donc, l'argument et l'astuce qu'il avait utilisés pour embarquer le Barreau – qui, de bonne foi, a dit: Somme toute, peut-être qu'effectivement ce volet va aider – il ne les a jamais mis en vigueur.

Et il a fait plus avec le Barreau, et c'est pour ça qu'il y a une grève illimitée et généralisée de l'ensemble des avocats de l'aide juridique de la province qui a commencé aujourd'hui, M. le Président – c'est grâce à ce même ministre de la Justice, avec la même procédure de bâillon, au mois de juin, l'année dernière – au cours de l'été, il était censé y avoir trois comités pour négocier le tarif d'aide juridique. Vous savez ce qu'il a fait? Il a fait adopter par le Conseil des ministres, en catimini, au cours de l'été, un règlement: il a coupé les trois comités en question. Il n'y a jamais eu de négociation. C'est comme ça qu'il traite avec ses interlocuteurs. C'est comme ça qu'il a traité l'ensemble des intervenants dans le projet de loi n° 130.

L'année dernière, M. le Président, le ministre a présenté son projet de loi, et tous les intervenants sont venu parler, dans un premier temps, du projet de loi n° 130. Et tout le monde, y compris le Barreau, est venu au mois de février pour dire: Écoutez, c'est intéressant, on peut faire un certain nombre de commentaires, mais il faut quand même que l'on puisse voir le projet de loi d'application du projet de loi n° 130; il faut qu'on voit comment ça va être appliqué, qu'est-ce que ça va vouloir dire concrètement.

Le ministre, en commission parlementaire – c'est inscrit en toutes lettres dans les procédures et les notes de cette Assemblée nationale et de ces commissions – il a dit: Ne vous inquiétez pas, je m'engage formellement à vous le soumettre des mois à l'avance. Vous savez ce qu'il a fait en réalité, M. le Président? Il a présenté un projet de loi d'application avec des centaines, et des centaines, et des centaines d'articles et il a dit: Bon, bien, maintenant, vous l'avez vu, là, on recommence en commission parlementaire. Il a tenté de reconvoquer les gens instamment pour rediscuter les deux ensemble.

Le Barreau est venu en commission parlementaire. Ça fait partie des consultations, soi-disant, dont le ministre tente de se vanter ici ce soir. Le Barreau est effectivement venu au mois de juin sur le projet de loi n° 130, M. le Président, pour donner un très court message au ministre de la Justice: No way! Vous n'allez pas commencer à faire croire que vous avez consulté sur le projet de loi et/ou sur le projet de loi d'application, alors que, dans les faits, ce que vous êtes en train de faire, c'est d'essayer de nous bulldozer votre affaire. Ça ne marche pas. On ne joue pas à ce jeu-là, pas après les engagements que vous avez pris à notre endroit, pas après les promesses que vous avez faites et que vous n'avez pas été capable de respecter et de tenir. C'est comme ça, M. le Président, que le ministre de la Justice a vraiment «dealé» son projet de loi n° 130. C'est ça, la vérité de ce qui s'est passé dans ce projet de loi.

Le ministre de la Justice refuse d'entendre raison. Le ministre de la Justice refuse d'écouter les préoccupations du Barreau, des experts, des milieux intéressés. Le ministre de la Justice se complaît à se lever ici, ce soir, et à dire: Bien, vous savez, hein, on a essayé; on a offert à l'opposition de les laisser partager la gloire de l'adoption de ce projet de loi avec nous. Malheureusement, ils ne veulent pas entendre raison. On va imposer un bâillon.

M. le Président, le ministre s'est déjà fait dire récemment, en rapport avec ses projets de loi, par les journalistes éminents qui regardent ce domaine, que c'est un affreux gâchis. Et je vous dis très sincèrement que l'opposition officielle ne veut rien savoir de partager le fruit pourri de ce travail mal fait.

M. le Président, regardons le gouffre qui sépare les théories du ministre de la Justice et la réalité, la vraie façon de faire de son gouvernement. On l'a entendu, tous, tout à l'heure, le ministre de la Justice était en train de dire: Ah! Mais c'est mieux pour le citoyen, puis ça va être bon, puis ça va être des gens indépendants et autonomes.

Je vous ai dit tout à l'heure, M. le Président, les gens ont tous compris que le ministre veut utiliser ce projet de loi comme outil pour donner du travail à des amis proches du pouvoir. Mais, pour ce qui est de l'autonomie et de l'indépendance, quoi de plus clair que la déclaration suivante du ministre responsable du Développement des régions? Ça se trouve dans le journal La Terre de chez nous , dans la semaine du 12 au 18 septembre 1996, et je cite le journal, M. le Président: «Le ministre responsable du Développement des régions a voulu dissiper toute ambiguïté quant à l'ingérence du politique dans la décision de la Régie.» Ça commence bien! Un peu comme les belles paroles du ministre. «Je n'ai pas dit un mot à partir du moment où le dossier a été transmis à la Cour supérieure ou à la Régie, a dit M. Chevrette, je suis très respectueux des procédures devant les tribunaux.» Encore une fois, M. le Président, ça va bien!

(23 h 10)

«Je ne connais pas les registraires et on ne téléphone pas à un tribunal administratif.» Trois sur trois. Jusque-là, très bien.

Et regardez comment ça tourne lorsqu'on se met à dire vraiment le fond de sa pensée dans ces choses-là, et je cite encore: «Si la Régie avait rendu un autre jugement, aurait-on parlé d'ingérence politique? a demandé le ministre, applaudi par les participants.» Et le clou de l'histoire, M. le Président – et je cite encore: «Si la Régie a un comportement politique, dites-le-nous, et on va changer les régisseurs, a-t-il affirmé.» Ce n'est pas nous qui disons qu'ils vont jouer à de la politique avec ces organismes-là. C'est cité ici en toutes lettres, M. le Président.

Tout le monde peut entendre exactement ce qui a été dit. Tout le monde peut voir le vrai jeu de ce gouvernement, ses réelles intentions. Tout le monde peut comprendre pourquoi le ministre de la Justice est obligé de se lever, avec ce ton un peu professoral, et de dire: Vous voyez, on n'a pas réussi à leur faire entendre raison, on est obligé d'utiliser ce pouvoir extraordinaire d'une manière tout à fait abusive pour bâillonner cette Assemblée nationale... pour nous empêcher de continuer notre travail correctement, d'essayer de convaincre le gouvernement d'entendre raison, d'écouter le Barreau, d'écouter les experts qui ont regardé ce dossier-là et qui sont tous arrivés à la même conclusion: C'est voué à l'échec et ça réduit les droits des citoyens.

M. le Président, en matière de double langage et de langue fourchue, je pense que la meilleure illustration que l'on peut faire dans le présent dossier, c'est de citer. Car, tout comme le ministre de la Justice a déjà dit clairement dans cette Chambre que, malgré le fait qu'il est ministre de la Justice et Procureur général, il ne lit pas les lois sur lesquelles il vote – il l'a déjà dit, c'est très public, tout le monde connaît cette citation-là – de toute évidence, M. le Président, il ne lit pas non plus le programme de son propre parti politique.

Car, pour l'élection de 1994, dans une brochure intitulée «Des idées pour mon pays», le Parti québécois a dit ceci, sous le titre «La justice et la sécurité des personnes», dans un grand titre «Moderniser nos structures judiciaires en favorisant leur intégration et leur autonomie» – intéressant: «1.4 En matière administrative, une loi-cadre couvrant l'ensemble des organismes ou personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires sera adoptée pour assurer aux administrés des décisions rendues par une personne ou un organisme impartial et indépendant.» Oups! Petit oubli. Dans un premier temps, le ministre a évacué une partie importante. Dans un deuxième temps, on vient de faire la démonstration, et tout le monde s'entend là-dessus, qu'il n'est pas du tout question ici de personnes impartiales et indépendantes. Ça, c'est le premier point du Barreau avec lequel on est d'accord.

Mais le deuxième point: le droit à un appel. Qu'est-ce qu'a dit le programme du Parti québécois en 1994? Et je cite, M. le Président: «Cette loi – c'est censé être ça qu'on a devant nous – prévoira des règles de procédure permettant un appel des décisions rendues par ces organismes ou personnes devant la chambre administrative de la Cour du Québec et de la Cour supérieure.» Oups! Autre grand problème. Le ministre a oublié cette partie du programme électoral de son parti, parce que c'est ça, l'autre grand problème que présente le projet de loi n° 130, c'est que les administrés, les justiciables n'auront plus de droit d'appel. Alors, le ministre a beau nous dire que ça va être plus satisfaisant pour les citoyens, je ne pense pas que ça va être beaucoup plus satisfaisant pour le citoyen de se faire dire non par une personne qui n'a pas les garanties d'autonomie et d'indépendance et surtout lorsqu'il n'y a pas d'appel, M. le Président.

Le ministre avait le choix. Il pouvait effectivement maintenir, utiliser la marge de manoeuvre, la flexibilité à laquelle la Cour suprême réfère dans la décision que j'ai citée tantôt, en d'autres mots avoir des juges avec des nominations à des mandats successifs possibles, mais avec la possibilité de les évacuer, parce que le ministre se garde le pouvoir de les évacuer pour des motifs si peu sérieux que l'opportunité de pourvoir à leur remplacement, ce n'est pas vraiment un critère, M. le Président. Alors, il aurait pu faire ça s'il avait maintenu la promesse de son parti politique et maintenu un droit d'appel vers un juge qui représente ces garanties d'indépendance. Ou encore il garantissait à ces décideurs-là qu'ils avaient l'autonomie et l'indépendance requises. Il ne pouvait pas faire les deux. Il ne pouvait pas et éliminer l'appel et avoir des décideurs qui ne sont pas autonomes et indépendants. C'est la raison pour laquelle on a tenté, à l'article 17 et à d'autres articles, de limiter les dégâts du ministre, oui, avec plus d'une douzaine de modifications, parce que c'était la seule manière de tenter de préserver les droits des citoyens. Les citoyens perdent des droits avec le projet de loi n° 130.

C'est pour ça que l'opposition officielle s'inscrit en faux à l'égard du projet de loi n° 130. C'est pour ça que le Barreau du Québec a écrit aujourd'hui au premier ministre, lui disant: S'il vous plaît, faites entendre raison à votre ministre de la Justice. Ça n'a pas de bon sens d'imposer le bâillon sur ce projet de loi là, qui va venir créer une nouvelle institution qui va être construite sur des bases tellement peu solides que le tout risque de s'effondrer. Ce n'est pas au nom de l'économie de quelques dollars qu'un ministre de la Justice a le droit de compromettre, de mettre en péril les droits et les intérêts de l'ensemble des citoyens dans notre société, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Jean. M. le député.


M. Roger Paquin

M. Paquin: M. le Président, l'heure est venue de rappeler le projet de loi n° 130 de la commission des institutions et de l'amener devant nous, ici, dans cette Chambre.

J'ai entendu le député de Chomedey, critique de l'opposition en ces questions, nous dire que c'était, du point de vue du Barreau, prématuré à ce moment-ci de procéder à nos décisions quant à ce sujet fort important de la justice administrative. Je rappellerai aux membres de cette Assemblée que, depuis 25 ans, on cherche au Québec une voie pour aboutir à un tribunal de la justice administrative qui soit adéquat pour les citoyens. Rappelons les travaux de Me Dussault, en 1971; le livre blanc sur la justice administrative, en 1975; les travaux Atkinson-Lévesque sur toutes les questions des procédures, en 1983; les travaux sur l'organisation, la procédure, la déontologie qui ont eu lieu, par Me Ouellet, en 1987; le rapport Garant, de 1994. Alors, depuis 25 ans, donc, on cherche, sur une base théorique ou d'une façon la plus adéquate possible, en conservant l'ensemble, toutes les prérogatives des citoyens, à faire en sorte que la justice administrative soit plus rapide, plus simple, moins coûteuse, que l'on puisse être bien entendu, être satisfait des... et que... accepter les décisions de la façon la plus adéquate et qu'il y ait un appel suffisant.

Il faut se rappeler que, lorsqu'on arrive au Tribunal administratif, M. le Président, on a déjà eu une ou des décisions avec lesquelles on est en désaccord, et le Tribunal joue un rôle d'appel. Il n'est pas nécessaire de tout judiciariser. Il n'est pas nécessaire de faire en sorte de complexifier davantage. Et il faut se rappeler qu'on est dans des juridictions souvent très pointues, où les experts sont à ce niveau.

On disait que c'était un simulacre de consultations auquel on avait assisté. Du 15 mars au 4 mai 1995, on a eu sept séances pendant 25 h 54 min où on a entendu 28 organismes sur une consultation particulière sur la justice administrative. Par la suite, en février 1996, on a fait une consultation sur le projet de loi n° 130 lui-même sur la justice administrative pendant six séances, près de 34 heures; on a rencontré 36 organismes, M. le Président. Du 17 au 25 septembre 1996, on a fait une consultation générale sur l'avant-projet de loi sur la loi d'application de la justice administrative: quatre séances, 15 heures et quart, 18 organismes. Et du 30 mai à ce jour, M. le Président, nous avons fait une étude détaillée du projet de loi n° 130 en commission pendant 14 séances, pendant 45 heures, et nous avons rencontré de nouveau quatre organismes, pour un total de 31 séances, 121 h 6 min d'auditions par l'ensemble des membres de cette commission à laquelle je participe, et je pense que nous l'avons fait avec beaucoup d'attention, beaucoup de vigilance et beaucoup de professionnalisme, et nous avons entendu 86 organismes. J'ajouterai qu'il y avait eu, d'ailleurs, 40 organismes d'entendus au moment où on avait reçu le rapport Garant, en février 1995. Je ne crois pas, M. le Président, que quiconque puisse dire qu'il s'agit là d'un simulacre de consultations.

(23 h 20)

Je me souviens, au début des travaux que nous avons faits en commission sur l'ensemble du projet de loi, que nous avions plusieurs irritants que nous avons voulu scruter, éliminer et examiner à fond avant de décider du sort qu'on leur réservait. Il y avait toute la question du juridictionnel par rapport au quasi-judiciaire. C'est plein de conséquences au niveau du droit.

Il y a aussi la question de l'application. Les députés de l'opposition nous demandaient de déposer, avant d'avoir adopté la loi, un peu de quoi aurait l'air la loi d'application de la loi de la justice administrative. Éventuellement, nous avons pu prendre connaissance d'un avant-projet de loi et l'examiner à fond. Bref, tour à tour, nous avons pu disposer des différents irritants et, finalement, il n'en est resté que deux: celui de la question de l'appel et celui de l'inamovibilité, ou encore celui de la nomination et du renouvellement des juges. Ce sont les deux versants de la même réalité, M. le Président: c'est la question de l'indépendance des juges ou de la possibilité pour les justiciables d'aller en appel dans le cas où il y aurait un problème de partialité ou même l'apparence de partialité.

Et, à cet égard, je pense qu'il est très important de relever ce qui a été mentionné à plusieurs occasions en commission et tantôt, par le député de Chomedey, à l'effet que le député de Joliette a mentionné que «si la Régie a un comportement politique, dites-le-nous, on va intervenir». Bien, effectivement, s'il fallait que mon gouvernement, M. le Président, n'intervienne pas si une régie se comportait avec des décisions politiques plutôt que des décisions fondées sur les faits, sur l'aspect juridique, sur les obligations juridictionnelles, sur l'ensemble de la responsabilité légale de cette commission-là, si mon gouvernement n'intervenait pas, M. le Président, je serais le premier à me lever et à demander qu'il le fasse.

M. le Président, le temps est venu de ramener cette loi ici et que nous en disposions. Je voudrais éviter d'utiliser une expression qui joue avec la limite de l'article 35 et qu'a employée tantôt le critique de l'opposition dans une de ses descriptions en parlant de double langage et de langue fourchue de la part des députés de ce côté de la Chambre. Mais, d'autre part, je voudrais aussi, même, éviter d'utiliser une expression comme «tenir un double discours» ou «parler des deux côtés de la bouche». Je dirai plutôt que récemment – et c'est devenu patent dans les dernières séances – l'opposition, et c'est son choix – elle en répond, elle en porte le bénéfice ou le poids politique – a choisi de recourir à une stratégie antinomique, c'est-à-dire de défendre une chose et son contraire, de dire qu'on est favorable au principe de la loi, qu'on souhaite un tel tribunal et que, d'autre part, on est défavorable aux dispositions.

M. le Président, on a cherché systématiquement à vider les articles de leur sens. Nous avons examiné successivement 17 amendements portant sur l'article 17, et je vous le lis: «La section des affaires sociales est chargée de statuer sur les recours énumérés à l'annexe I, portant sur des matières de sécurité du revenu, d'aide et d'allocations sociales, de protection des personnes atteintes de maladie mentale, de services de santé et de services sociaux, de régime de rentes, d'indemnisation et d'immigration.» On a voulu d'abord enlever l'immigration, le régime de rentes, l'indemnisation, etc. On a voulu évacuer l'ensemble des dispositions une à une de cette juridiction. Et pourquoi? Parce qu'on prétendrait – on prétendrait – qu'il n'y a pas suffisamment de garanties pour les citoyens sur le plan de leurs droits dans le projet de loi. Sur quelle base, M. le Président? Eh bien, sur la base qu'on n'aurait pas d'appel à ce tribunal d'appel et que la nomination et le renouvellement des juges seraient faits selon un modèle inadéquat.

On a attendu et on s'est fait évoquer moult fois, M. le Président, que la Cour suprême allait rendre un jugement. On nous a dit qu'on devait attendre le jugement d'une cause qui est appelée le bistro-bar La Petite Maison et voir ce que la Cour suprême dit de la question de la nomination des juges pour des périodes qui ne sont pas indéfinies, en l'occurrence cinq ans, des mandats de cinq ans renouvelables et dans des cas en particulier où les décisions sont sans appel.

La Cour suprême a rendu un jugement: huit juges de la cour d'un côté, un juge dissident, si on veut, de l'autre côté. Deux rapports, mais la même décision. Et il ressort très clairement que le dernier irritant qui restait dans le projet de loi, la dernière décision qu'il nous fallait trancher pour savoir la valeur de l'ensemble de l'oeuvre, eh bien, il est tout à fait correct, tout à fait acceptable et tout à fait conforme à l'article 96 de la Constitution et à toutes les mesures que la Cour suprême a à évaluer de procéder ainsi.

Qui plus est, ça a l'avantage de faire en sorte, selon le modèle de nomination qui est prévu, de garder l'étude du dossier, un dossier complet, une étude rigoureuse, méticuleuse des candidatures, de la décision du ministre, et de faire en sorte que c'est ès qualités qu'il puisse prendre la décision à cet égard là. Donc, M. le Président, en conclusion, le temps est venu pour nous – la preuve est faite, l'édifice est solide – de donner au Québec son Tribunal administratif qu'il attend depuis plus de 25 ans et que nous allons lui donner incessamment.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Jean. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, c'est avec une profonde tristesse que je prends la parole ce soir sur la motion de clôture par laquelle le ministre de la Justice impose le bâillon et force l'adoption unilatérale du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative.

C'est un jour sombre dans l'histoire du parlementarisme québécois que de voir le ministre de la Justice, qui est supposé être le gardien de nos institutions démocratiques, se lever dans cette Assemblée pour réduire au silence les parlementaires de l'opposition qui, contrairement aux députés ministériels, ont des choses à dire sur ce projet de loi important qui touche à l'un des droits les plus fondamentaux, celui de l'accessibilité des citoyens à la justice.

On se rappellera, M. le Président, que ce projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, a été déposé le 15 décembre 1995 dans le cadre du testament politique de l'ex-premier ministre Jacques Parizeau. J'ai eu le privilège, ce jour-là, de répliquer au nom de l'opposition officielle à la déclaration ministérielle du premier ministre d'alors. Et, avant même que le projet de loi ne soit déposé par le ministre de la Justice, j'ai déclaré en cette Assemblée, et je cite le Journal des débats du 15 décembre 1995: «On ne peut que se réjouir par ailleurs de l'annonce faite par le premier ministre aujourd'hui quant à la réforme des tribunaux administratifs qui est attendue depuis de nombreuses années. Nous pouvons assurer le gouvernement de notre collaboration à cet effet.»

Voilà, M. le Président, qui témoigne de la volonté de l'opposition officielle de travailler avec le gouvernement à doter le Québec d'un tribunal administratif qui rendrait la justice avec célérité, accessibilité et efficacité.

J'ai eu l'occasion d'ailleurs de participer à la consultation générale et à l'étude du projet de loi n° 130 en commission parlementaire et je ne comprends pas aujourd'hui pourquoi le ministre de la Justice a décidé soudainement d'interrompre l'étude de ce projet de loi en commission alors que 146 articles sur 188 ont été adoptés, soit 78 % du projet de loi.

(23 h 30)

L'opposition officielle a apporté une contribution significative, aux travaux de la commission lors de l'étude du projet de loi en présentant des amendements pour le bonifier. Malheureusement, le ministre de la Justice a bloqué sur l'article 17 touchant les compétences du Tribunal administratif en matière d'affaires sociales.

Le plus grave, M. le Président, c'est que le ministre de la Justice n'en est pas à son premier bâillon. C'est la deuxième fois qu'il a recours à ce procédé, ce qui démontre son incapacité à défendre son projet de loi sur la base d'une argumentation solide et structurée. Le ministre fait donc preuve de son incapacité à mener à terme une réforme majeure tant attendue par le milieu de la justice et par les citoyens.

L'opposition officielle n'est pas la seule à critiquer la façon de faire du ministre. Le Barreau du Québec, qui s'est opposé à plusieurs dispositions du projet de loi, vient tout juste d'envoyer, aujourd'hui même, une lettre au premier ministre dans laquelle il dénonce la suspension des travaux de la commission des institutions qui procédait à l'étude du projet de loi n° 130. Je cite des extraits de cette lettre signée par Me Claude Masse, bâtonnier du Québec, en date du 4 décembre 1996.

«Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions. En l'absence de consensus des milieux intéressés sur des éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme. Où est l'urgence à adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130?

«En outre, compte tenu des interactions très étroites entre le projet de loi n° 130 et l'avant-projet de loi d'application, il conviendrait d'attendre d'avoir une idée plus précise de la loi d'application avant d'adopter la loi-cadre. En effet, plusieurs dispositions de la loi d'application affecteront et préciseront la portée de nombreuses dispositions du projet de loi n° 130, notamment en ce qui a trait à la juridiction du Tribunal administratif du Québec.

«En conséquence, nous prions instamment le gouvernement de ne pas donner suite à la motion de clôture et de permettre à la commission des institutions de continuer ses travaux sur le projet de loi n° 130.»

Je fais miens, M. le Président, les commentaires du bâtonnier du Québec. En effet, le projet de loi n° 130 est d'une extrême importance, dans la mesure où il vise à fusionner au sein d'une même superstructure, le Tribunal administratif du Québec, une quarantaine de tribunaux administratifs spécialisés. Un tel chambardement aura des conséquences graves sur l'administration de la justice et surtout sur l'accessibilité des services de justice aux citoyens. D'ailleurs, les experts comme le professeur Macdonald et Yves Ouellette ont constaté, tout comme l'opposition officielle, que ce projet de loi n° 130 répondait davantage à des impératifs bureaucratiques de structurite aiguë qu'aux véritables besoins des citoyens.

Lors des consultations et de l'étude en commission parlementaire, nous avons souligné que ce projet de loi n° 130 laissait entier le problème de l'indépendance et de l'impartialité des juges administratifs. D'ailleurs, l'article 25 du règlement relatif au processus de renouvellement des juges stipule clairement que les mandats de cinq ans pourraient ne pas être renouvelés si, de l'avis du gouvernement, on juge opportun de favoriser la nomination de nouveaux membres, ce qui reviendrait, dans les faits, à placer les juges à la merci du pouvoir politique. Quand on sait que ce gouvernement n'a pas hésité à effectuer des nominations partisanes parfois douteuses, il y a lieu de s'inquiéter sérieusement de l'impartialité et de l'indépendance des juges qui se trouveront dans une position vulnérable face au pouvoir politique, ce qui va à l'encontre de nos règles fondamentales de démocratie, notamment celle qui détermine de façon non équivoque la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

C'est pour pallier à cette lacune grave que l'opposition officielle ainsi que le Barreau du Québec et plusieurs experts ont insisté sur la possibilité d'avoir un droit d'appel devant des juges indépendants de la Cour du Québec, notamment. Sur ce point précis, l'opposition au projet de loi et au ministre de la Justice ne vient pas que des gens du milieu et des experts. Elle vient aussi de son propre parti, le Parti québécois, et de ses militants qui, dans leur propre programme de 1994, «Des idées pour mon pays», réclament, et je cite: «En matière administrative, une loi-cadre couvrant l'ensemble des organismes ou personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires sera adoptée pour assurer aux administrés des décisions rendues par une personne ou un organisme impartial et indépendant. Cette loi prévoira des règles de procédure permettant un appel des décisions rendues par ces organismes ou personnes devant la chambre administrative de la Cour du Québec et de la Cour supérieure.»

Donc, M. le Président, le ministre de la Justice, par sa motion de clôture, ne fait pas que bâillonner l'opposition officielle. Il bâillonne aussi tous ceux et celles qui ne sont pas du même avis que lui, et ils sont nombreux et non les moindres, notamment le Barreau du Québec, les experts en droit administratif et même les militants du Parti québécois. Vous comprendrez donc, M. le Président, que je sois triste aujourd'hui face à un ministre de la Justice qui avoue sa faiblesse en refusant de confronter ses arguments à ceux de l'opposition officielle et qui choisit la solution la moins noble, la moins digne d'un ministre de la Justice, celle d'imposer le bâillon pour en finir, du moins dans cette enceinte, avec un débat qui ne fait que commencer et qui se poursuivra en dehors de la sphère législative, là où le ministre ne pourra pas imposer son bâillon. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, M. le député de Marquette, une intervention de 10 minutes. Je vous cède la parole.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. M. le Président, le Barreau du Québec, par le biais de son bâtonnier, Claude Masse, demande au premier ministre, il dit ceci: «Nous prions instamment le gouvernement de ne pas donner suite à la motion de clôture.» Le chat est sorti du sac ce soir. Pourquoi l'insistance du gouvernement et en particulier du ministre de la Justice de faire passer à toute vapeur une loi qui est, comme l'indiquait le député de Chomedey, un affreux gâchis?

M. le Président, la question fondamentale qui est en jeu dans le cadre de ce projet de loi là, c'est la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire, et on voit bien ici la tentative de l'exécutif, nommément les membres du gouvernement et particulièrement le ministre de la Justice, d'exercer un contrôle sur le judiciaire, en l'occurrence le Tribunal administratif du Québec.

M. le Président, le bâtonnier disait dans un article publié dans Le Journal du Barreau , il disait ceci: «Or, le projet de loi n° 130 ne garantit d'aucune façon que le renouvellement des mandats de cinq ans des membres du Tribunal administratif du Québec qui satisferont aux exigences sera assuré. Le renouvellement du mandat est laissé à l'entière discrétion du gouvernement», et c'est ça qui est extrêmement grave.

(23 h 40)

Même son de cloche de la part de M. Mario Cloutier, au Devoir , qui a fait l'étude du projet de loi et qui disait ceci: «Le gouvernement, jusqu'à maintenant, est celui des marges de manoeuvre: marge de manoeuvre dans le domaine des finances publiques, des coûts de main-d'oeuvre des employés de l'État, des frais de scolarité et maintenant de la justice. Mais, dans le domaine de la justice administrative, cela veut bien souvent dire "nomination partisane". Ce que le ministre – et je cite toujours le journaliste – de la Justice semble vouloir faire présentement, lui qui refuse depuis deux mois de rencontrer des représentants de l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles, est de se garder une porte ouverte pour utiliser la fameuse prérogative ministérielle, du moins dans le cas du renouvellement des mandats des juges administratifs.» En français, cela s'appelle du favoritisme. Et, d'après ce que j'ai compris, le ministre de la Justice ne s'en est même pas caché devant le critique officiel, mon collègue le député de Chomedey, lorsque, dans une réunion, semble-t-il, à huis clos, il faisait l'aveu suivant: «Il faut que je mette mes gars en place.» C'est ce que disait le ministre de la Justice au critique de la Justice, le député de Chomedey, devant témoins, M. le Président. Je me demande si les ministériels, de l'autre côté, sont au courant de cela. Je me demande si le ministre de la Métropole est au courant de cela, lui qui a été un excellent juriste. Comment se sentirait-il s'il savait qu'il allait adopter une loi dont le but principal visé par son collègue ministre de la Justice est de placer des amis et de placer des gens qui ont des liens de parenté avec des membres du gouvernement dans une position de juge administratif?

C'est ça qui est en jeu ici, ce soir, et pour tout juriste et pour tous les citoyens, c'est un principe extrêmement important, et c'est extrêmement grave que de voir le ministre de la Justice vouloir bâillonner l'opposition, vouloir passer à toute vapeur cette loi-là, alors que le principe de l'impartialité et l'indépendance des juges administratifs est en cause. Ça a été remarqué, entre autres, par le Barreau du Québec, par le biais du bâtonnier. Et ce n'est pas pour rien, le cri d'alarme exprimé par M. Claude Masse, ce soir, dans la lettre qu'il écrivait aujourd'hui même, qu'il adresse au premier ministre de la province de Québec. Il lui dit: «C'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt, à l'Assemblée nationale, d'une motion de clôture concernant le projet de loi n° 130. Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative. Où est l'urgence à adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130?» Comment le ministre de la Justice peut-il expliquer l'article 25 du règlement, qui prévoit que le processus de renouvellement des juges administratifs... Il dit ceci: Le mandat de cinq ans pourra ne pas être renouvelé si – et voici la révélation – de l'avis du gouvernement, il est important de favoriser... Le gouvernement a quand même bien choisi le terme: «favoriser», «favoritisme», «patronage»; c'est exactement ça que nous lisons dans le règlement: Il est opportun de favoriser la nomination de nouveaux membres.

M. le Président, ça m'apparaît être extrêmement grave. Le principe de l'impartialité, le principe de l'indépendance des juges est en cause ici. Le ministre de la Justice ne s'en est même pas caché, lorsqu'il a eu une réunion, devant témoins, à huis clos, avec le député de Chomedey, et qu'il lui a dit, en toutes lettres: «Il faut que je mette mes gars en place.» Comment se sent le député de Saint-Jean, lui qui intervenait ce soir sur des principes nobles? Ça fait 25 ans peut-être que le Québec attend la venue d'un tribunal administratif, mais, lorsqu'il constate de telles choses, n'est-il pas inquiet, le député de Saint-Jean? J'ai eu la chance de l'écouter à plusieurs reprises en commission parlementaire qui étudiait le projet de loi n° 130, il est bien intentionné. Mais je pense que, ce soir, lorsqu'il constate les révélations que nous faisons, lorsqu'il constate également les inquiétudes exprimées par le Barreau du Québec par le biais du bâtonnier, alors que ce même bâtonnier disait à un autre moment comment il était grave de voir que le renouvellement du mandat était laissé à l'entière discrétion du gouvernement...

Le but de la réforme, c'était précisément de pouvoir assurer l'impartialité et l'indépendance des juges. Le gouvernement saisit l'occasion pour pouvoir placer les amis du ministre de la Justice. C'est extrêmement grave. C'est un cri important de la part du Barreau du Québec. Il l'adresse non pas au ministre de la Justice – ils ont plaidé à plusieurs reprises devant le ministre de la Justice, mais celui-là a une autre obsession – il décide d'écrire au premier ministre lui-même pour lui indiquer que c'est une mauvaise loi, c'est une loi précipitée et, tant et aussi longtemps que l'impartialité et l'indépendance des juges ne seront pas sauvegardées, c'est tous les intérêts des citoyens qui sont en cause. Ce qui est en cause, c'est la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le judiciaire, où le gouvernement se garde la marge de manoeuvre pour placer les amis du gouvernement dans des postes extrêmement importants, des postes de juges administratifs. Et ça, M. le Président, des aveux de la part du ministre de la Justice.

Je remarque l'étonnement sur le visage des députés ministériels qui s'interrogent. J'espère que vous allez tous et toutes questionner le ministre de la Justice et lui dire: c'est inacceptable dans notre société québécoise, c'est inacceptable dans une démocratie, une telle partisanerie et un tel patronage. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Le prochain intervenant, c'est le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Quel embarras ce soir! Quelle incompétence de ce gouvernement! L'embarras vient de la motion proposée par le leader du gouvernement. Je voudrais dire qu'avec sa campagne afin de prendre le poste de ministre de la Justice, qui n'est pas vraiment cachée, ce n'est pas une bonne façon de commencer... Parce que, ici, au Québec, on doit s'assurer que nous avons quelqu'un au poste de ministre de la Justice qui, un, comprend la justice et, deux, qui respecte la démocratie.

Ce soir, n'oubliez pas – et j'espère que les téléspectateurs qui nous écoutent ce soir comprennent qu'est-ce qui se passe – ils mettent fin à ces travaux – c'est ça que la motion dit – les travaux du comité. Nous sommes... c'est quoi la date? le 4 décembre, M. le Président. Le 4 décembre, il reste encore deux semaines et demie. Il nous reste deux semaines et demie pour faire cette étude de projet de loi. C'est quoi l'urgence? La commission parlementaire qui a étudié ce projet de loi, M. le Président, a travaillé moins de 40 heures sur ce projet de loi. Moins de 40 heures.

M. le Président, pour une grande majorité de la population québécoise, 40 heures, c'est une bonne semaine de travail. Si vous êtes chanceux, peut-être une semaine et demie, pas plus que ça; 40 heures pour étudier une loi n° 130 qui touche profondément à notre système judiciaire, qui touche des centaines, des milliers de Québécois et de Québécoises. C'est scandaleux qu'est-ce qui se passe ce soir, M. le Président. Il est en train de nous bâillonner. C'est un gouvernement de bâillon, de guillotine et il a fait ça dans plusieurs dossiers, sur les médicaments, et il a fait ça aussi dans le projet de loi n° 32, qui donne le pouvoir de fusionner toute l'information sur la population québécoise. Nous l'avons vu aujourd'hui, le Vérificateur général est carrément contre ça. Ce soir, un autre bâillon qui veut regrouper une quarantaine de tribunaux administratifs.

(23 h 50)

Et, M. le Président, c'est clair, ce qui se passe dans ce dossier, il n'écoute pas tous les interlocuteurs. C'est aussi clair pour le Barreau, avec une lettre signée par le bâtonnier. Il n'écrit pas au ministre. Il ne veut rien savoir de l'opinion du ministre, parce que le ministre ne comprend pas ce qu'il se passe dans le ministère de la Justice. Il dit: «Où est l'urgence à adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130?» Il écrit au premier ministre. Il dit: «C'est avec stupéfaction que nous avons appris le dépôt à l'Assemblée nationale d'une motion de clôture.» Il a parlé que c'est prématuré et inapproprié. C'est des propos sérieux, M. le Président.

J'essaie de comprendre moi-même l'urgence, le 4 décembre, il reste encore deux semaines et demie en session intensive. Si le ministre veut travailler 48 heures, le député de Chomedey est prêt à travailler. Ce n'est pas notre faute si le ministre de la Justice est paresseux. Ce n'est pas notre faute. Nous sommes prêts à travailler. Il a déjà admis qu'il ne lit pas les lois. Ce n'est pas notre faute. Nous sommes prêts à travailler parce que la population québécoise mérite un meilleur ministre de la Justice.

J'ai essayé de comprendre ce qu'il est en train de faire. J'ai compris deux choses, M. le Président. Un, il va couper des services pour sauver quelques sous. Comme j'ai dit quelques fois dans cette Chambre, M. le Président, il joue plus le rôle d'adjoint parlementaire au ministre des Finances que celui du vrai ministre de la Justice. C'est inacceptable. C'est inacceptable. J'ai un exemple dans ma région: pour quelques dollars, il est en train de fermer notre Tribunal de la jeunesse et la Cour des petites créances, encore une fois, parce qu'il cherche de l'argent. La justice, ce n'est pas important pour le ministre de la Justice. Ce n'est pas important, la qualité des services. Ça ne lui fait rien. Il va couper partout. Il va fusionner partout. Ça ne lui fait rien. Ça ne lui fait rien que le Barreau et tous les interlocuteurs soient contre ce projet de loi. Il doit accepter que c'est un mauvais projet de loi. Il doit travailler avec nous pour améliorer ce projet de loi. Avec ça, M. le Président, la première raison, c'est qu'il cherche de l'argent. Ça ne lui fait rien, la qualité des services. Justice, accessibilité, ce n'est pas important.

Deuxième chose – et c'est grave, la deuxième chose – il veut contrôler toutes les nominations. Il veut nommer ses amis. Il veut nommer ses gars. Il a dit au député de Chomedey: «Il faut que je mette mes gars en place». Mes gars? C'est juste les membres du Parti québécois qu'il veut nommer comme juge? C'est ça? Est-ce qu'il veut nommer des ex-felquistes comme ils ont déjà fait? Sa façon de nommer, ça ne m'impressionne pas, M. le Président. Je voudrais que nous ayons un système d'indépendance et d'impartialité dans notre système judiciaire. C'est inacceptable, ce que le ministre est en train de faire. Nous avons vu que le pouvoir discrétionnaire de nomination des ministres suscite toujours la grogne. M. le Président, il veut contrôler toutes les nominations, mais, comme le député de Chomedey a clairement mentionné, l'impartialité est quelque chose de tellement important.

Ainsi, une fois que le projet de loi est ratifié, parce qu'il est en train de «bulldozer» ça ici, c'est clair que, s'il n'aime pas un juge ou un autre, il peut changer cette personne. Il peut mettre fin à sa carrière. Qui paie pour ça? Qui paie pour ce pouvoir accru que le ministre de la Justice cherche? C'est deux niveaux de personnes. Un, les personnes qui essaient d'être de bons juges, qui essaient de rendre des décisions impartiales, mais, si les décisions ne sont pas bonnes, elles peuvent être «flushées» par ce gouvernement péquiste. Deuxièmement, qui paie pour ça? C'est les citoyens. Nous allons avoir une baisse de qualité des services à cause de ce projet de loi. Nous allons avoir une baisse de qualité des services parce que nos juges peuvent être toujours sous presque la tutelle du ministre de la Justice, et c'est inacceptable, M. le Président. C'est inacceptable, ce qu'il se passe dans notre système judiciaire avec le manque de compétence que nous avons vu avec le ministre de la Justice. Le Barreau a parlé aussi d'un manque de droit d'appel. Le droit d'appel, c'est quelque chose d'essentiel dans notre système de justice. On doit protéger ça.

Mr. Speaker, it's clear what is happening tonight. The Minister of Justice is trying to bulldoze a law that is going to help him save money at the expense of services and give him all the power to name his friends. And if the Deputy for Saint-Jean wants to know what we talk about when we say «double langage», I'd say that he's lying. But I can't say that here in this House, so I won't. But, if he wants to know what I'm clearly saying, that's what it would be.

Mr. Speaker, it is unacceptable that under a law, Bill 130, the Minister of Justice is trying to sneak the power that he can control all nominations. He told it directly to the Deputy for Chomedey, the Member for Chomedey. He told that he wanted to place his people. Place his people, that is fundamentally wrong when we're talking about the system of justice, Mr. Speaker.

It is the most blatant patronage that I've seen since the election of this government. Blatant patronage in our justice system. And of all places we have to insure impartiality and complete independence is in our justice system. We have to make sure that the judges can function completely independently. But also just importantly is that the justice system has to be seen to be working independently. And clearly, with the lines that the Minister wants to have with all the judges, that he can pull the strings, check the membership cards whether they're still PQ Members or not, check whatever he wants with these various nominations, that is an unacceptable way to proceed in a nomination of our administrative judges.

Mr. Speaker, it is obvious that the Barreau will be against this. It is obvious that the Liberal Party of Québec would be against it. Many Members of the Parti québécois who know better are against this too. And that's very interesting that very few Members would stand up and speak for this law. I think they're embarrassed by this law. I think they're listening to us clearly tonight and they're probably going to miss the vote at the end of the day because they don't want to vote for such a corrupted law.

So, Mr. Speaker, I sincerely hope that the Minister of Justice will listen to the Opposition, will listen to the Opposition and change this bill.

And before I finish tonight, je voudrais déposer la lettre du Barreau, signée par le bâtonnier du Québec, qui était adressée au premier ministre, parce que je pense que ça va être la seule façon que le ministre de la Justice puisse avoir une copie, parce que le Barreau ne veut rien savoir de lui. Je voudrais déposer cette lettre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, la lettre peut être déposée.


Document déposé

M. Williams: Merci. Je dépose ça. Et finalement, M. le Président, en terminant, le ministre de la Justice doit tenir compte de sa première responsabilité, et c'est la justice et la qualité des services. Il ne fait pas ça avec le projet de loi n° 130 et il ne fait pas ça quand il est en train de bâillonner l'opposition. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Nelligan. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au jeudi 5 décembre 1996, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nos travaux sont ajournés à jeudi, 10 heures.

(Fin de la séance à minuit)


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