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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, November 28, 1996 - Vol. 35 N° 59

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Table des matières

Présence du consul général de la république de Colombie à Montréal, M. Eufracio Morales

Présence des récipiendaires de la médaille du civisme

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures sept minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du consul général de la république de Colombie à Montréal, M. Eufracio Morales

Alors, nous allons débuter d'abord par la présentation aujourd'hui dans les tribunes de Son Excellence le consul général de la république de Colombie à Montréal, M. Eufracio Morales.


Présence des récipiendaires de la médaille du civisme

Je voudrais également souligner la présence dans nos tribunes de nos compatriotes récipiendaires, aujourd'hui, du prix sur le civisme.


Affaires courantes

(14 h 10)

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles. M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Déclarations ministérielles


Hausse de la taxe sur les produits du tabac et abolition du remboursement partiel de la TVQ aux municipalités


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral et les gouvernements de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont convenu d'annoncer de concert une augmentation de la taxe sur les produits du tabac.

La hausse de la taxe sur les produits du tabac que j'annonce aujourd'hui reflète la volonté du gouvernement de rétablir la taxation du tabac à un niveau plus raisonnable tout en évitant la reprise du commerce illégal qui prévalait il y a deux ans.

Les taux de la taxe québécoise sur les produits du tabac seront donc modifiés de la façon suivante à compter de minuit, ce soir.

Le taux de la taxe spécifique de 0,0218 $ par cigarette sera porté à 0,0253 $ par cigarette. Cette hausse s'applique également aux cigares dont le prix de vente au détail ne dépasse pas 0,15 $ l'unité.

Le taux de la taxe spécifique de 0,0072 $ par gramme de tabac en vrac sera porté à 0,0099 $ par gramme.

Le taux de la taxe spécifique de 0,0033 $ par gramme de tabac en feuilles sera porté à 0,0045 $ par gramme.

Le taux de la taxe ad valorem de 52 % du prix de vente au détail des cigares dont le prix de vente au détail dépasse 0,15 $ l'unité sera porté à 55 % du prix de vente au détail.

Le taux de la taxe spécifique de 0,0165 $ par gramme de tout tabac autre que des cigarettes, du tabac en vrac, du tabac en feuilles et des cigares sera porté à 0,0227 $ par gramme.

Cette mesure représente une hausse de taxes de 0,70 $ par cartouche de 200 cigarettes, ce qui, avec l'augmentation annoncée par le gouvernement du Canada, établira l'augmentation des taxes sur le tabac applicables au Québec à 1,40 $ par cartouche, en tenant compte de l'effet induit de la taxe sur les produits et services, TPS, et de la taxe de vente du Québec, TVQ. Sur le prix de vente au détail, la hausse totale des taxes fédérale et québécoise sur les cigarettes sera de 1,60 $ par cartouche.

Toute personne qui vend des produits du tabac à l'égard desquels la taxe sur le tabac a été perçue d'avance devra faire un inventaire de tous ces produits qu'elle aura en stock à minuit ce soir et remettre la taxe applicable selon le nouveau taux, déduction faite de la partie déjà acquittée.

Cette augmentation de la taxe québécoise sur les produits du tabac, incluant l'effet induit de la TPS et de la TVQ, générera des revenus de l'ordre de 17 000 000 $ pour l'année financière se terminant le 31 mars 1997 et de 49 000 000 $ pour l'année suivante.

L'expérience des dernières années nous a montré qu'une taxation excessive ne peut à elle seule mener la lutte contre le tabagisme, elle doit être accompagnée d'une politique efficace en matière de santé publique. À cet égard, après une tournée de consultation menée au printemps dernier, mon collègue le député de Charlesbourg prépare un projet de loi visant à mettre à jour la politique québécoise en cette matière.

M. le Président, la hausse de taxe que j'annonce aujourd'hui témoigne de la volonté du gouvernement du Québec de poursuivre évidemment, d'une part, ses efforts pour réduire le tabagisme.

Par ailleurs, notre gouvernement s'est engagé dans une démarche de redressement des finances publiques, et nous sommes actuellement dans la phase la plus difficile de ce redressement. En toute équité, il nous apparaît que tous devraient y contribuer.

Actuellement, les municipalités ne paient pas la totalité de la TVQ sur les biens et les services qu'elles achètent, elles bénéficient d'un remboursement partiel dont le taux est de 43 %. Ce remboursement partiel, qui représente un montant de 76 000 000 $ par année, avait été introduit lors de la mise en oeuvre de la deuxième phase de la réforme des taxes à la consommation au Québec.

J'annonce donc aujourd'hui à cette Assemblée l'abolition de ce remboursement partiel de la TVQ. Ainsi, les municipalités n'auront plus droit à ce redressement à l'égard des achats qu'elles effectueront à compter de minuit ce soir.

Cette mesure a certes un impact immédiat pour les municipalités. Je dois cependant indiquer que notre gouvernement entend procéder au cours de l'année qui vient à une révision de la fiscalité et du financement des instances locales, en collaboration avec les représentants du milieu.

Dans cette perspective, tel que convenu lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, nous avons déjà commencé à rencontrer les représentants des municipalités et des commissions scolaires dans le cadre de nos consultations prébudgétaires. D'ailleurs, une première rencontre du groupe de travail constitué à cet effet se tenait ce matin même.

Je dois souligner que notre gouvernement aborde ces échanges avec une grande ouverture d'esprit. Aucun sujet de discussion ne sera écarté.

Notre objectif, dans le cadre de ces consultations prébudgétaires comme dans la poursuite ultérieure de la révision de la fiscalité locale, est d'assurer l'adéquation la plus parfaite possible entre les responsabilités de chacun et les sources de financement dont il dispose.

Le Président: Merci, M. le vice-premier ministre. Je cède maintenant la parole au député de Laporte pour ses commentaires.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, je disais il y a à peine deux jours que c'était une triste journée pour le Québec lorsque le gouvernement annonçait une nouvelle taxe. Je dois dire aujourd'hui que c'est une triste semaine alors que le gouvernement nous annonce, dans la même semaine, trois nouvelles taxes, dont le total s'additionne pour former une somme de 208 000 000 $ de nouvelles taxes par année à compter d'aujourd'hui. Heureusement que cette fois-ci on n'a pas entendu d'applaudissements du côté de l'opposition à la fin de l'allocution du ministre des Finances, enfin de notre opposition, qui est le côté gouvernemental. Les députés du gouvernement, finalement, aujourd'hui ont compris qu'une nouvelle taxe, c'est une mauvaise nouvelle pour les Québécois.

M. le Président, la taxe sur le tabac. Si la nouvelle taxe sur le tabac a pour objet et pour résultat d'enrayer le tabagisme, on doit reconnaître que tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour atteindre cet objectif-là. Et, en principe, si on atteint l'objectif, je dis: Tant mieux si on peut mettre fin à ce fléau. Cependant, le ministre nous laisse entendre que le gouvernement va tenir compte, va prévoir les problèmes qu'on a connus dans le passé relativement à la vente illégale du tabac.

J'ai fait partie d'un gouvernement, M. le Président, qui a dû lutter contre la contrebande, une contrebande excessive, maligne, nocive et qui a, en conséquence, ne pouvant pas la contrôler, réduit les taxes. Je dois dire qu'on l'a fait non pas de gaieté de coeur. Et aujourd'hui le gouvernement nous dit qu'il augmente les taxes. Le ministre est étrangement silencieux sur les mesures que le gouvernement va prendre pour enrayer la contrebande. Et n'oublions pas que la contrebande, elle est terriblement pernicieuse, surtout à l'endroit des jeunes. Quand les jeunes de 11 ou 12 ans peuvent se procurer des cigarettes dans la rue, M. le Président, c'est bien pire que dans un système où on essaie au moins de contrôler la vente de la cigarette à des jeunes.

Autre problème d'importance, on sait que l'industrie du tabac subventionne d'une façon importante des organismes culturels et sportifs. On parle d'une dizaine de millions de dollars qui sont dépensés chaque année. On ne peut pas laisser tomber du jour au lendemain les organismes culturels et les organismes sportifs. Qu'on pense au théâtre, aux concerts, j'espère que la ministre de la Culture va faire valoir tous ses arguments auprès du ministre des Finances pour protéger ces acquis.

D'autre part, M. le Président, il y a aussi des événements sportifs, tels que les Internationaux du Canada au tennis; le Grand Prix du Canada, au circuit Gilles-Villeneuve; les feux d'artifice, qui attirent une clientèle internationale à Montréal. Il n'y a qu'une solution à ça: si le gouvernement veut déposer une loi pour interdire la publicité, le ministre des Finances doit mettre les fonds qu'il va percevoir dans un fonds dédié, un fonds à part pour pouvoir faire en sorte de remplacer les sommes d'argent que l'industrie, enfin que le monde culturel et le monde sportif vont perdre à la suite de l'annonce du projet de loi par le ministre de la Santé.

L'autre taxe qu'on nous annonce a trait aux municipalités. Le gouvernement, d'un seul coup, abolit la ristourne qu'il faisait parvenir aux municipalités quant à la taxe de vente, une taxe nouvelle, disons-le, de 76 000 000 $ aux municipalités du Québec à compter d'aujourd'hui. Deux problèmes. Premier problème: Qu'est-ce qu'on va faire avec les budgets de l'année courante, les budgets qui se terminent à la fin de l'année, en décembre? Les municipalités n'ont pas provisionné de sommes d'argent. On parle d'à peu près 7 000 000 $. Où vont-elles prendre ces sommes d'argent là? Le gouvernement ne le dit pas. Et, pour l'an prochain, les budgets des municipalités sont déjà confectionnés; je le sais pour avoir été maire. Alors, les municipalités vont prendre où le 76 000 000 $ que le gouvernement leur transmet aujourd'hui?

M. le Président, c'est une chose que de transférer des sommes d'argent à un autre palier de gouvernement, et le gouvernement fédéral l'a fait, mais en annonçant d'avance et plusieurs années d'avance ses intentions et les montants d'argent et la façon de le faire. Ce gouvernement-là ne sait pas comment faire ces choses-là. Il y a la manière, et la manière n'y est pas. Ça sent l'improvisation totale...

Une voix: Comme dans le reste.

M. Bourbeau: ...et un manque de respect envers le monde municipal. On ne procède pas à des coupures unilatérales comme ça sans avant consulter ses partenaires et les aviser d'avance pour qu'ils puissent se préparer.

M. le Président, en conclusion, je dirais que le gouvernement, encore aujourd'hui, fait preuve d'improvisation. On annonce comme ça des taxes, sans consultation, et c'est, comme je le disais tout à l'heure, pratiquement une insulte pour le monde municipal, qu'on traite comme le dernier des va-nu-pieds.

M. le Président, le ministre des Finances nous a dit à plusieurs reprises que l'impôt tue l'emploi. Or, la meilleure façon de relancer l'emploi, ce n'est pas d'ajouter de nouvelles taxes continuellement. La meilleure façon, c'est de relancer la croissance économique, non pas par un alourdissement du fardeau fiscal, mais par une politique qui va faire en sorte de convaincre les investisseurs de revenir investir au Québec, ce que ne fait pas le gouvernement du Parti québécois.

Des voix: Bravo!

(14 h 20)

Le Président: M. le vice-premier ministre, pour votre droit de réplique.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry (Verchères): Je vais d'abord répondre à son trait final: les investisseurs étrangers ont investi, cette année, six fois plus au Québec qu'ils n'ont investi dans la dernière année du gouvernement libéral. Un facteur de un à six.

Mais, indépendamment du trait final, je vais commencer par le trait initial. Le député de Laporte a dit que les ministériels n'avaient pas applaudi aujourd'hui, faisant allusion au fait qu'ils avaient applaudi avant-hier: ça prouve qu'ils ont du discernement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Avant-hier, c'était un formidable effort de solidarité, nécessaire, puis aujourd'hui c'est un mal nécessaire. Ils ont très bien fait la différence. Vous les avez qualifiés erronément d'opposition. Ça aussi, ça dénote qu'ils ont du discernement. Ils sont de ce côté-ci, ils sont le gouvernement et ils sont fiers de l'être.

Mais revenons au fond des choses. Le fond des choses, c'est que le gouvernement du Canada – et d'autres gouvernements provinciaux, pour employer un mot désuet et obsolète – ont augmenté en même temps que nous, au même moment ou à peu près, heure pour heure, la fiscalité sur le tabac. Et c'est un débat, dans toutes les sociétés occidentales comme dans la nôtre, que tous les experts s'entendent pour dire que la hausse des prix par la fiscalité ou par les prix essentiellement diminue la consommation. Il y a des discussions sur l'amplitude, mais tout le monde est d'accord.

Cependant, tout le monde est d'accord aussi que, si on franchit un certain seuil, bien là c'est la contrebande qui prend le relais, et on se retrouve dans une situation pire qu'avant, ce qui est la situation que vous aviez provoquée et que vous avez corrigée. Vous l'aviez provoquée à hauteur de 47 $. Quand vous avez décidé d'agir, là, après que la contrebande se fut développée à un niveau sans précédent dans l'histoire du Québec, la cartouche était à 47 $. Là, on la porte à 26,46 $ dans l'espoir, donc, d'atteindre deux objectifs: freiner, dans la mesure où on peut, la consommation surtout chez les jeunes et ne pas relancer la contrebande au niveau où elle avait été portée à l'époque où vous étiez au pouvoir.

Quant aux municipalités, bien, là, le député de Laporte a fait preuve, je crois, d'une forme d'irresponsabilité. Il dit que j'aurais dû les prévenir d'avance. Est-ce que, quand il était ministre des Finances, il prévenait les gens d'avance des hausses de taxe de vente? Qu'est-ce que ça veut dire, si tu préviens d'avance? Ça veut dire que tu provoquais un déluge d'achats pour éluder la taxe et perturber les marchés d'une façon invraisemblable.

M. Bouchard: J'espère qu'il ne l'a pas fait!

M. Landry (Verchères): Alors... Oui. Le premier ministre me souffle qu'il espère que vous ne l'avez pas fait, de prévenir les gens d'avance des hausses de taxe de vente.

Mais, pour aller plus au fond des choses...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): ...il s'agit de 6 000 000 $ cette année pour, on le sait, un très grand nombre de municipalités. Il y en a beaucoup, hein, il y en a 1 500. Ça va être surtout supporté par les grandes, ces 6 000 000 $. Et, pour les impacts de l'an prochain, bien, je vous le dis, les conversations sont commencées, il y avait une réunion ce matin même, mon collègue des Affaires municipales est en discussion constante, va accélérer les discussions pour revoir enfin toute cette question de la fiscalité municipale dans une optique plus moderne. Nous avons fait une révolution de la fiscalité municipale, il y a un certain nombre d'années, qui nous a donné une paix royale pendant plusieurs années. Vous êtes venus par la suite, vous avez laissé les choses se détériorer; nous allons refaire cette révolution et remettre les choses en place.

Des voix: Bravo!


Dépôt de documents

Le Président: À la rubrique Dépôt de documents, Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française.


Rapport annuel de l'Office de la langue française

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 de l'Office de la langue française.

Le Président: Alors, le rapport est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Élection du président et du vice-président de la commission des institutions

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 28 novembre 1996 afin de procéder à l'élection du président et du vice-président de la commission.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 60

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 26 novembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 60, Loi modifiant la Loi sur les assurances. Les membres de la commission ont adopté ce projet de loi avec amendements.


Élection du président et du vice-président de la commission du budget et de l'administration

Et je dépose également le rapport de la commission qui a siégé ce matin, le 28 novembre, sous votre présidence afin de procéder à l'élection du président et du vice-président de la commission.

Le Président: Alors, les rapports sont déposés. M. le président de la commission des affaires sociales et député de Charlevoix.


Élection du président et du vice-président de la commission des affaires sociales

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, je dépose le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 28 novembre 1996 afin de procéder à l'élection du président et du vice-président de la commission.

Le Président: Alors, le rapport est déposé. J'invite maintenant M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Élection du président et du vice-président de la commission de l'économie et du travail

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 28 novembre 1996 afin de procéder à l'élection du président et du vice-président de la commission. Merci.

Le Président: Alors, le rapport est déposé. M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Richmond.


Élection du président et de la vice-présidente de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Vallières: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 28 novembre 1996 afin de procéder à l'élection du président et de la vice-présidente de la commission.

Le Président: Maintenant, Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.


Élection de la présidente et du vice-président de la commission de l'aménagement et des équipements

Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 28 novembre 1996 afin de procéder à l'élection de la présidente et du vice-président de la commission.


Dépôt de pétitions

Le Président: Au dépôt de pétitions, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.


Maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires, augmenter leur nombre et assurer la protection des HLM

M. Boulerice: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à cette Assemblée nationale par 1 163 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de Sainte-Marie–Saint-Jacques et partisans de leur député.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que certaines des mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà très affectés par d'autres compressions budgétaires;

«Considérant l'augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et les autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Considérant le retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux – notamment fédéraux;

«Considérant l'abolition du remboursement d'impôts fonciers, RIF, afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Considérant le transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; maintenir et augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers, RIF; et assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires de ces logements où qu'ils demeurent au Québec par le maintien des normes nationales strictes.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement. Je certifie qu'il est conforme à l'original de la pétition. Et je certifie que je les ai rassurés. Merci.

Le Président: Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas, aujourd'hui, d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le député de Westmount–Saint-Louis proposant:

«Que l'Assemblée nationale demande au premier ministre du Québec qu'il convoque, dans les plus brefs délais, la commission du budget et de l'administration afin d'entendre les syndicats concernés par la proposition du gouvernement quant à la réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique québécoise.»

Alors, nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Lefebvre: Avant que nous commencions notre période de questions et de réponses, j'imagine que le leader du gouvernement peut me renseigner. Où sont les ministres suivants: M. le ministre des Transports, Mme la ministre déléguée aux Mines, M. le ministre de l'Énergie, Mme la ministre de l'Emploi et M. le ministre de la Santé?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Pour répondre au leader adjoint de l'opposition, ces ministres sont au travail, M. le Président. Le ministre des Transports...

Des voix: ...

(14 h 30)

M. Bélanger: Oui. Le ministre des Transports, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Le ministre des Transports est à Montréal pour une rencontre avec les gens d'affaires de Laval et une rencontre au nom du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes avec différents investisseurs français. La ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts est à Saint-Antoine-de-Tilly; elle assiste au huis-clos concernant le plan de gestion du CRCD comme ministre responsable de la région Chaudière-Appalaches. Le ministre d'État des Ressources naturelles est présentement en train d'annoncer un investissement de plus de 20 000 000 $, de 23 000 000 $, pour Montréal, le lancement de Kruger inc. dans l'est de Montréal, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bélanger: Je pense qu'on devrait se réjouir, M. le Président. La ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité est à Montréal en train d'assister à un conseil d'administration de la SQDM. Et le ministre de la Santé et des Services sociaux est en tournée dans les Laurentides pour rencontrer les différents intervenants du milieu de la santé.


Questions et réponses orales

Le Président: Alors, nous en sommes maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Fardeau fiscal des contribuables

M. Johnson: Oui, M. le Président. Ça a été une très bonne semaine pour le météorologue des finances: c'est le beau fixe au ministère des Finances, pendant que s'abat une pluie de taxes sur les contribuables. On a vu cette semaine, pour les trois prochaines années, un 250 000 000 $ de taxes – qu'on connaît, qui a déjà été discuté. On a ajouté aujourd'hui 150 000 000 $ sur trois ans pour les cigarettes et le tabac et un autre 230 000 000 $ qui a été pelleté vers les municipalités, les contribuables municipaux donc, bien évidemment. Et je dirais, à ce sujet-là, que le ministre des Finances a confondu, dans ses responsabilités, ce qu'il doit annoncer nécessairement, je dirais, d'office et sans avis préalable, comme les taxes qui frappent les consommateurs, l'impôt sur le revenu des particuliers, les taxes de vente, mais que, lorsqu'il s'agit de la fiscalité municipale, ça se négocie, ces choses-là. Ce n'est pas vrai qu'on se lève ici puis qu'on annonce aux municipalités qu'on leur dompe des centaines de millions ou des dizaines de millions par la tête. Ce n'est pas comme ça qu'on l'a fait. Si le ministre...

Des voix: Ah! Ah!

M. Johnson: Non, ce n'est pas comme ça. Ça ne s'est jamais fait comme ça...

Une voix: Jamais.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Il est évident que le ministre des Finances et le premier ministre ne connaissent pas l'existence et le rôle de la Table Québec-municipalités. C'est là que ces choses-là se transigeaient avant qu'elles fassent l'objet de décisions gouvernementales.

Ceci étant dit, on doit contraster, à mon sens, 625 000 000 $ de nouvelles taxes sur trois ans, qui pèseront sur les contribuables québécois, avec l'engagement du gouvernement, à tout le moins sa réplique et celle du ministre des Finances, et du premier ministre, et du président du Conseil du trésor à l'endroit de M. Gérald Larose, qui pensait, lui, que c'était une bonne idée d'augmenter de centaines de millions les taxes sur le dos des contribuables. Il a reçu une fin de non-recevoir, avec raison d'ailleurs, du gouvernement, qui par ailleurs donne suite au voeu de Gérald Larose. C'est tout ce qu'on doit constater maintenant.

Est-ce que le premier ministre se souvient de cet engagement et de la réponse qu'il a déjà donnée, que ses collègues ont donnée à M. Larose et à d'autres membres de la centrale des syndicats nationaux? Est-ce que le premier ministre se souvient que, dans ses exercices financiers et budgétaires, les machines seules seraient touchées, que seuls les appareils, le gras et l'administration seraient touchés et non pas les contribuables? Et est-ce que, à travers tout ça et dans ce qui l'occupe actuellement, les négociations dans le secteur public, le premier ministre pourrait s'engager également à ne pas régler ce dossier des négociations sur le dos des contribuables comme il est en train de régler tout le reste?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je trouve que le chef de l'opposition prend des libertés avec son passé et le passé du gouvernement dont il a fait partie quand il fait des reproches au gouvernement en ce qui concerne le réaménagement des transferts aux municipalités. On sait que, dans l'espace d'une vacance des Fêtes, l'un de ses collègues ministres avait déjà pelleté 477 000 000 $ dans la cour des municipalités. Enfin, il faut quand même faire preuve d'un peu du sens des mesures, M. le Président.

Et, quant à savoir d'où vient la motivation d'imposer et de constituer des fonds nouveaux, notamment pour ce qui est du fonds de la pauvreté qui est annoncé cette semaine, qui fait partie de l'ensemble des montants qu'a mentionnés le chef de l'opposition, il devrait savoir que ce sont les représentants des milieux d'affaires, que ce sont les représentants des milieux syndicaux, bien sûr, mais également des milieux communautaires qui ont approuvé et ont même suggéré au gouvernement la création de ce fonds de 250 000 000 $.

Alors, il n'y a aucune espèce de lien à établir, M. le Président, entre les discussions que le gouvernement souhaite établir, souhaite entreprendre avec les représentants de ces salariés et les annonces qui sont faites aujourd'hui. Ce sont deux choses tout à fait différentes. D'ailleurs, on aura constaté que M. Larose a revendiqué l'imposition de 2 600 000 000 $ de taxes de plus. Il est entendu que le gouvernement n'entrera pas dans ces voies. Et, comme l'a dit le chef de l'opposition, il faut que l'effort se répartisse partout, et je crois voir un appui dans ses commentaires à l'effet de demander également aux salariés du secteur public de participer à cet effort.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Non seulement le premier ministre, quelquefois, ne parle-t-il pas d'une façon où on ne comprend pas ce qu'il dit, mais ça a l'air qu'il ne comprend pas ce qu'on dit, nous autres non plus! Ce n'est pas du tout de ça qu'il est question. Je demande au premier ministre s'il se souvient de la fin de non-recevoir qu'il a opposée à Gérald Larose, reprise en ça par l'homme le plus confiant de la planète, le député de Labelle et président du Conseil du trésor, reprise en ça par le météorologue en chef du ministère des Finances.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se souvient d'avoir opposé une fin de non-recevoir à l'augmentation du fardeau fiscal et est-ce qu'il est en train, essentiellement, de nous dire qu'il recule sur cet engagement-là, qu'il a de toute façon changé d'idée et, comme d'habitude, qu'on ne peut pas se fier à lui?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Une fois de plus, je constate que le chef de l'opposition n'est pas très capable de discuter des choses de l'État sans s'attaquer aux personnes, M. le Président.

Des voix: Oh!

M. Bouchard: Mais je lui répondrai là-dessus que le maître mot, c'est le mot «équité». Il faut que cet effort considérable que nous avons à faire au Québec soit réparti équitablement entre tous les secteurs de la société, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement n'acceptera pas que ce soit uniquement du côté des revenus, comme on les appelle, des revenus nouveaux que l'effort budgétaire s'accomplisse. Il faut qu'il y ait un effort principal fait du côté d'une réduction des dépenses. On sait que c'est comme ça que tous les États du monde ont réussi à redresser leur situation financière. Cependant, il est certain aussi que le gouvernement ne va pas négocier le budget avec quelque groupe que ce soit. C'est une responsabilité d'État, elle sera assumée par l'État, mais en tenant compte de l'équité, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre ne convient pas que le maître mot dans l'action du gouvernement et de tout gouvernement, c'est le mot «vérité» également et qu'on ne peut pas se fier aux décisions du gouvernement, on ne peut pas se fier aux propositions du gouvernement, on ne peut pas se fier aux déclarations du premier ministre ou des autres membres du gouvernement? Est-ce que le premier ministre se souvient d'avoir opposé une fin de non-recevoir à Gérald Larose, qui disait: Il faut taxer davantage? Et est-ce que le premier ministre se rend compte qu'il est en train d'augmenter les taxes de plus de 200 000 000 $ par année? Est-ce que ce n'est pas ça qui est en train d'arriver? Et quand est-ce qu'on peut se fier à la parole du gouvernement? C'est ça que je lui demande.

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, l'important pour un gouvernement, ce n'est pas la confiance que l'opposition peut avoir en lui, c'est la confiance de la population...

Des voix: Ah!

M. Bouchard: ...et c'est pour la population qu'on travaille. Et, deuxièmement...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: ...nous avons opposé une fin de non-recevoir à la proposition de M. Larose, qui était à l'effet d'aller chercher l'effort budgétaire exclusivement du côté des taxes, et il l'a même fixé à la hauteur de 2 600 000 000 $. Le gouvernement n'entre pas dans ces voies parce qu'il considère que ce ne serait pas équitable et que tout le monde doit supporter une partie de l'effort que nous devons consentir.

Une voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

(14 h 40)


Évaluation des surplus des fonds de régimes de retraite des employés des secteurs public et parapublic

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Dans les négociations du secteur public, le premier ministre dévoilait sa proposition gagnante, à prendre ou à laisser avant le 6 décembre. La proposition gagnante est devenue une proposition saute-mouton lorsqu'il a déplacé l'échéance du 6 pour le 9 décembre de façon, semble-t-il, à s'éviter tout télescopage avec l'élection partielle de Pointe-aux-Trembles, où il n'a pas été tellement bien reçu, paraît-il. On annonce aujourd'hui un nouveau délai pour après les Fêtes. Désormais, on pourra parler de la proposition kangourou du premier ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Dans cette proposition, le premier ministre annonce qu'il cherche à récupérer 1 400 000 000 $ de la masse salariale et des avantages sociaux des employés du secteur public et parapublic, dont environ, selon ses termes, ou presque – il n'était pas tellement sûr, semble-t-il, lors de la conférence de presse qu'il a donnée – 1 000 000 000 $ des surplus des régimes de retraite. Il dit même en conférence de presse que ce n'est pas tout à fait 1 000 000 000 $, mais que, s'il en manque, le gouvernement compensera. M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous dire la somme exacte que nous retrouvons aujourd'hui au surplus des fonds de pension?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je remercie le député de sa question parce que finalement ça va me donner l'occasion d'éclaircir les choses. Les fonds de pension sont garnis à l'heure actuelle, et il y a une provision actuarielle qui dépasse de 8 200 000 000 $, à l'évaluation du 31 décembre 1993, les engagements du gouvernement. Que cela soit clair, 8 200 000 000 $.

Il y a eu des avantages de conférés lors des négociations de 1995 aux employés du secteur public et parapublic qui ont coûté une certaine somme de 1 400 000 000 $ environ, de sorte que, sur l'ensemble des fonds actuellement, il reste toujours 8 000 000 000 $, parce que le 8 200 000 000 $ dont je parlais au début portait sur ce qu'on appelle le RREGOP, le fonds de pension auquel cotisent la plupart des employés du gouvernement et du secteur parapublic. Alors, ça, que ce soit clair, il reste toujours 8 000 000 000 $ aux fonds de pension en provisions actuarielles.

Ce dont nous parlons dans la proposition du gouvernement, c'est d'une provision additionnelle qui sera générée à partir du 1er janvier 1997 et qui sert à l'heure actuelle, qui est en train d'être discutée ou qui était discutée et qui l'est encore avec les centrales syndicales, les organisations syndicales, et qui pourrait servir pour compenser les effets d'une réduction de temps de travail avec une réduction de salaire équivalente. Alors, M. le Président, ce sont les chiffres dont nous parlons présentement.

Une voix: C'est bien.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: M. le Président, en conférence de presse, le premier ministre parlait de 1 000 000 000 $ par an. Est-ce qu'on peut savoir quelle est l'évaluation réelle? C'est combien, le montant évalué dans cette provision additionnelle?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, quand le député parle du 1 000 000 000 $, il s'agit de sommes ou, en tout cas, d'une proposition qui avait été faite de récupération sur la masse salariale de 20 000 000 000 $, du gouvernement, en d'autres termes une réduction des coûts de main-d'oeuvre de 1 000 000 000 $ sur une période allant jusqu'au 30 juin 1998 puis qui serait compensée par une provision actuarielle additionnelle qui serait générée du 1er janvier 1997.

M. le Président, les centrales ont les chiffres en main. Nous les invitons à venir négocier, et je comprends bien que les négociations se font autour d'une table de négociation, mais non pas à l'Assemblée nationale ni dans une commission parlementaire.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: M. le Président, tout simplement, pourquoi tant de confusion dans une proposition gagnante? Pourquoi ne savez-vous pas quelle est votre évaluation de...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, les choses sont claires. Je comprends que l'opposition...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Je comprends que l'opposition ne voudrait pas que ça fonctionne correctement. Je comprends que l'opposition ne voudrait pas que le gouvernement s'entende avec les salariés sur une proposition qui a beaucoup de bon sens, qui est raisonnable, qui est équitable, qui protège tout le monde, qui maintient le niveau du revenu net. Nous sommes présentement, au gouvernement, à analyser les commentaires qui ont été faits du côté syndical quant à ce qui est perçu comme, en particulier, une faiblesse de la proposition concernant le point de chute. Ce qu'on comprend des messages syndicaux, c'est que c'est beau de garantir le niveau de revenu intact avec les hausses de salaire prévues jusqu'au 30 juin 1998, fin des conventions, mais qu'est-ce qui arrive après? Alors, nous sommes en train de préparer une réponse à cette question qui nous paraît légitime.

Et j'ajouterai que, contrairement à ce que nous avons lu ce matin, il est absolument faux que le gouvernement ait modifié en quoi que ce soit l'échéancier des discussions qu'il souhaite, que c'est véritablement le 9 décembre, d'ici le 9 que nous souhaitons que nous puissions avoir une entente.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer pourquoi ce n'est pas confus que lui dise, le 19 novembre, que c'est 1 000 000 000 $ par année qu'il cherche jusqu'au 30 juin 1998 et que le président du Conseil du trésor vienne de dire que c'est 1 000 000 000 $ d'ici 18 mois? C'est ça qui vient de se passer, là. Voyons, c'est ça qu'il vient de dire.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Cette question vient d'un chef de l'opposition qui a été président du Conseil du trésor. Si quelqu'un sait parfaitement bien que tout ça, ce sont des chiffres sur une base annuelle, c'est bien lui. Donc, c'est une entourloupette qu'il veut nous faire, là. C'est 1 000 000 000 $ sur une base annuelle.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Alors, maintenant qu'on sait que c'est le premier ministre qui disait vrai et que le président du Conseil du trésor, oui, il a commis un lapsus – ce sont des choses qui arrivent, on ne s'énervera pas avec ça – maintenant qu'on a l'éclaircissement, est-ce que le premier ministre peut toujours nous éclairer davantage et nous dire ce qu'il signifiait lorsqu'il a dit que, si c'est moins que 1 000 000 000 $, et il semble y avoir moins que 1 000 000 000 $, selon les propres mots du premier ministre, dans ce surplus additionnel qui se dégagerait à partir de janvier, le gouvernement compenserait? On parle de fonds publics ici. Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer comment il entend compenser et de combien? Et de quoi parle-t-il lorsqu'il parle de compensation gouvernementale dans cette offre-là?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement, quand il fait une offre, veut qu'elle soit crédible, qu'elle soit claire, qu'elle soit nette. Et, lorsque nous avons préparé l'offre, nous avons conclu qu'il fallait absolument que l'effort, du côté de la masse salariale, soit de l'ordre de 1 000 000 000 $. Est-ce qu'il y a totale et parfaite équivalence arithmétique entre le surplus actuariel sur une base annuelle vis-à-vis 1 000 000 000 $? On pourrait avoir des discussions, parce que, selon les chiffres, vous savez, ça peut être peut-être 50 000 000 $, 100 000 000 $ de moins. Mais, pour être sûrs que nous pourrions garantir le maintien du niveau de revenu net, nous avons dit dans la proposition: Quoi qu'il arrive, quelles que soient les différences de chiffres autour de 1 000 000 000 $ par rapport au surplus actuariel, nous garantissons qu'il n'y aura aucune espèce de diminution du niveau du revenu net sur le chèque de paie des salariés. C'est pour ça que nous avons fait cette réserve et c'est pour ça que nous en avons fait une garantie gouvernementale.

Le Président: En principale ou en complémentaire? En complémentaire, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, puisque le premier ministre a dit à au moins quatre reprises que le montant requis est de 1 000 000 000 $ par année – ça fait 1 500 000 000 $ sur 18 mois, c'est simple à calculer – et puisque, dans la caisse, il y a moins de 1 000 000 000 $, comme l'a dit à trois reprises le premier ministre lors de la conférence de presse, moins que 1 000 000 000 $ de surplus, où le premier ministre va-t-il aller chercher la différence, qui est probablement de 600 000 000 $ à 700 000 000 $ par année?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, nous devons constater qu'on veut nous entraîner à une table de négociation, ici. Je n'ai pas l'intention de dire... Les provisions actuarielles dont il est question, elles ont été remises aux techniciens des organisations syndicales et, à ce jour, nous n'avons pas entendu dire qu'elles n'étaient pas crédibles. Au contraire, tout ce que les actuaires et de la CARRA et des évaluateurs indépendants, des actuaires indépendants qui ont vérifié les évaluations de la CARRA, et le Vérificateur général qui, lui aussi, s'est adressé à un actuaire indépendant, tout le monde a toujours dit que la CARRA... ces chiffres-là s'étaient avérés exacts et crédibles. Alors, je voudrais simplement vous dire que nous ne sommes pas ici à une table de négociation et que, en temps et lieu, nous ferons rapport à cette Assemblée sur les négociations avec les centrales syndicales.

Le Président: M. le chef de l'opposition, toujours en complémentaire.

M. Johnson: En terminant, M. le Président, est-ce que le premier ministre nous a déjà signalé que, s'il manquait 50 000 000 $, ou 100 000 000 $, ou quoi que ce soit, ça ne pourra pas se faire autrement que par des nouvelles taxes – ça aussi, encore! – inévitablement, et que c'est de ça dont on parle lorsqu'on dit que ça se règle sur le dos des contribuables?

(14 h 50)

Dans le fond, est-ce que le premier ministre n'est pas en train de nous dire que le gouvernement va compenser à même les deniers de tous les contribuables un exercice qui consiste essentiellement à acheter la paix avec les employés du secteur public en diminuant leur temps de travail et en les achetant – en les achetant – avec leur propre argent, avec l'argent qu'ils ont mis de côté? C'est ça, l'affaire.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je ne sais pas quel discours croire de la part de l'opposition. J'ai l'impression qu'ils soutiennent deux positions en même temps. Mais... Moi, j'ai oublié la question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Acheter la paix.

M. Léonard: M. le Président, quand on dit «acheter la paix avec la proposition», nous avons indiqué que, nous, nous espérions avoir une réduction des coûts de main-d'oeuvre de 1 000 000 000 $. Nous avons proposé de réduire, par exemple, le temps de travail ou d'aménager le temps de travail d'une autre façon, etc., de partager le temps de travail de façon à préserver l'emploi, avec évidemment une réduction équivalente du salaire.

Ceci étant dit, c'est la proposition gouvernementale. Par ailleurs, nous avons indiqué que, à partir du 1er janvier 1997, il serait généré une provision actuarielle additionnelle qui pourrait servir à compenser ces réductions de sorte que le revenu net des salariés de l'État serait maintenu. Donc, c'est ça, l'essentiel de la proposition. Elle est claire et nette.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député des Îles-de-la-Madeleine.


Réouverture de l'usine de transformation de poisson de Newport, en Gaspésie

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Après la débâcle du dossier de la cimenterie de Port-Daniel, qui était une promesse coulée dans le béton... Et les gens de Port-Daniel, ce n'est pas une cimenterie qu'ils vont avoir, c'est sept menteries qu'ils ont eues.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je comprends que le député des Îles-de-la-Madeleine a les jeux de mots faciles, mais je pense quand même que l'expression «menteries» n'est pas acceptable en cette Chambre.

Le Président: M. le député des Îles-de-la-Madeleine, vous avez suffisamment d'expérience pour pouvoir formuler votre question dans les règles.

M. Farrah: Alors, après la débâcle du dossier de la cimenterie de Port-Daniel, qui était une promesse coulée dans le béton, on fait face à un nouvel épisode de la saga de la réouverture de l'usine de transformation de poisson Newport, qui risque encore une fois de finir en queue de poisson, M. le Président. Vendredi dernier, le ministre des Pêcheries annonçait un accord de principe intervenu entre son gouvernement et la compagnie américaine Newport Sea Products. Cette entente fait suite à de nombreuses promesses non tenues faites à la population de la Gaspésie. Cet accord prévoit la location de l'usine de Newport pour deux ans et la création de 150 emplois. Aussi, nous savons que le gouvernement est en discussion avec un autre groupe qui est très prêt, quant à lui, à acheter l'usine et à créer immédiatement 300 emplois. Ce groupe avait même conclu un protocole d'entente le 15 octobre dernier, signé par l'attaché politique du ministre, et nous apprenons par le milieu que la compagnie choisie par le gouvernement péquiste ne serait pas un exemple à citer dans le monde des affaires.

Les ministres des Pêcheries du Québec et du Nouveau-Brunswick ont été informés par M. Allard Benoit, président de la compagnie Atlantic Sea Harvest, qui a fait affaire avec la compagnie américaine. Et je vous citerai seulement un passage de la lettre qui a été envoyée au ministre des Pêcheries du Québec et qui dit ceci: «Nous réitérons notre position à l'effet que cette organisation américaine continue de démontrer une irresponsabilité totale, voire même un mépris de la plus élémentaire éthique des affaires.»

Alors, ma question: Suite aux informations fournies par M. Allard Benoit, qui écrivait au ministre le 25 novembre dernier, comment le ministre responsable des Pêcheries peut assurer la population de la Gaspésie qu'il a choisi la bonne offre? Et est-ce qu'il maintient son choix? Et, si oui, quand il annoncera pour une fois la vérité aux gens de Newport et quand l'usine va-t-elle rouvrir à Newport?

Une voix: Ah!

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: M. le Président, on va agir à peu près comme on a fait dans Norpro, aux Îles-de-la-Madeleine: on l'a réglé, le dossier. Dans ce dossier-là, il y avait deux offres. La semaine dernière, moi, j'ai émis un communiqué pour dire aux gens... Parce qu'il y avait tellement de rumeurs. Je n'ai jamais vu un dossier où il y a eu tellement de rumeurs qu'il fallait que je dise aux gens: On a un accord de principe avec un acheteur, et c'est avec cet acheteur-là actuellement qu'on négocie. Je sais qu'il reste une clause à négocier. Quand ce sera négocié, quand ce sera réglé, je vous le dirai. Mais, je suis d'accord avec vous, il faut que ça se règle, puis le plus vite possible.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Farrah: Oui, M. le Président. Comment le ministre peut justifier son choix à l'effet qu'il retient une offre d'une entreprise américaine qui, elle, lui garantit 150 emplois, alors qu'il a une offre sur la table d'une compagnie québécoise, Tataris, qui, elle, lui garantit de créer 300 emplois en Gaspésie, qui en a grandement besoin? Alors, le ministre fait un choix au détriment d'une entreprise québécoise et, en plus, qui créerait le double d'emplois en Gaspésie.

Le Président: M. le ministre.

M. Julien: Je pense, M. le Président, qu'il faut bien s'entendre sur une chose. C'est quoi l'objectif? C'est de rouvrir une usine, de permettre à des gens de travailler. Moi, comme ministre des pêches, responsable des pêches, ma préoccupation, c'est de m'assurer, un, que nos actifs sont protégés; deux, que l'offre qui va être faite va faire en sorte que l'usine va fonctionner, va permettre aux gens de travailler. C'est ça, ma préoccupation. Si on veut me reprocher ça, bien, je veux dire, dites-le publiquement. Moi, c'est ça mon...

Vous ne l'avez pas réglé, votre dossier. Vous l'aviez. On avait trois dossiers quand je suis arrivé, moi, au ministère. Il y avait le dossier de Norpro, il y avait la Tourelle puis il y avait Newport. Norpro, il est réglé. J'espère que vous êtes satisfaits. La Tourelle, il est réglé depuis trois semaines avec les gens du milieu, qu'on a aidés, on a collaboré avec eux autres. Il reste Newport, puis on va le régler.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Farrah: Oui, M. le Président. Si vous êtes si smatte que ça, pour quelle raison vous avez négocié pendant 10 heures de temps? Le 15 octobre dernier, vous avez négocié pendant 10 heures de temps. Et votre attaché politique était présent; il a signé le protocole d'entente. Et, maintenant, vous le reniez au détriment d'une compagnie américaine, et pour 150 emplois de moins.

Le Président: M. le ministre.

M. Julien: Il doit y avoir du vent aux Îles, parce que ma parole ne porte pas pantoute. C'est ce que je viens d'expliquer aux gens, là. On a engagé un mandataire spécialisé dans ces domaines-là, un spécialiste pour vraiment gérer les deux propositions. Les deux groupes ont été rencontrés; la recommandation a été faite. Moi, j'en ai retenu une qui nous garantissait le mieux possible pour relancer l'usine. Et il reste encore un point à négocier. Puis, quand il sera réglé, je vous le dirai.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

Une voix: Question de règlement.

Le Président: Question de règlement, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Ça fait trois reprises que je me lève pour poser une question principale. Si je ne me trompe pas, on est rendu à la sixième question principale de la séance. Alors, je voudrais savoir pour quelle raison je ne suis pas reconnu.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, nous sommes rendus à la quatrième question principale. Il y a eu trois questions principales et, bien sûr, comme on a pu le constater, plusieurs questions complémentaires sur ces trois questions principales, en particulier la deuxième.

À ce moment-ci, j'ai déjà rendu une décision, au mois de juin 1996, et mon prédécesseur avait, à plusieurs reprises, rendu une décision dans le même sens également, à l'effet que les députés indépendants avaient le droit de poser une question principale à toutes les trois séances. Et il y a eu, effectivement, hier un député indépendant, notre collègue le député de Montmorency, qui a posé une question principale. Et, à moins que, éventuellement, on change la pratique qui a été établie depuis un bon bout de temps, à ce moment-ci je vais continuer dans la règle que j'ai établie et qui avait été établie précédemment et je vais reconnaître le député de Chomedey.

M. Dumont: Question de règlement.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. En vertu de l'article 74, M. le Président, je comprends que vous dites que vous avez déjà énoncé ce que vous venez de répéter. Il n'en demeure pas moins qu'il n'a jamais été plaidé le fait que plus qu'une question pouvait être accordée aux députés qui ne forment pas un groupe parlementaire en cette Chambre. Il y a une décision de vos prédécesseurs...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît. M. le député, je comprends que vous posiez une question de règlement, mais j'écoute déjà une question de règlement. Alors, j'aimerais... Alors, M. le député de Rivière-du-Loup.

(15 heures)

M. Dumont: Un de vos prédécesseurs, M. Jean-Pierre Saintonge, alors qu'il occupait votre siège, M. le Président, le 12 décembre 1989, avait accordé, durant la même semaine, trois questions à des députés qui n'étaient pas d'un groupe parlementaire reconnu. À l'époque, le leader de l'opposition de l'époque avait fait une intervention du même ordre, et le président lui avait expliqué qu'en fonction d'un certain nombre de critères, dont la représentation des différents partis en Chambre, le président avait ce pouvoir-là. Et je ne comprendrais pas pourquoi, à ce moment-ci, la même règle ne soit pas appliquée. Pour revenir, seulement... J'ai peut-être fait une erreur dans le calcul, mais peut-être que c'est parce que des complémentaires ont un préambule tellement long qu'il devient très difficile...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en ce qui concerne les préambules des questions complémentaires, je pense que j'ai déjà tranché la question à plus d'une reprise et que je ne tolère pas de préambule aux questions complémentaires.

Par ailleurs, depuis le début de la Législature actuelle, il y a une règle qui a été édictée par la présidence, indépendamment des personnes qui occupent le fauteuil, et cette règle-là est celle que je vous ai énoncée précédemment. Effectivement, mon prédécesseur, le président Saintonge, avait rendu une décision qui pouvait être...

M. le député de Pontiac, si je pouvais avoir un peu de tranquillité, je pourrais rendre la décision et expliquer ce que j'ai à faire correctement.

Alors, dans ce contexte, M. le député de Rivière-du-Loup, pour le moment, la seule chose que je suis prêt à considérer aujourd'hui, c'est que je vais revoir l'ensemble de la question, à la fois à la lumière des décisions du président Saintonge, d'une part, et des décisions qui ont été prises depuis le début de cette Législature. Je pourrai rendre une décision plus explicite la semaine prochaine, si possible. Mais, entretemps, j'en reste à la décision qui a été prise depuis le début de la Législature et je reconnais le député de Chomedey.

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Lefebvre: M. le Président, vous avez expliqué et la jurisprudence et les règlements au député de Rivière-du-Loup. Ça a été pris sur notre temps. Je vous demanderais d'allonger la période de questions de huit minutes.

Des voix: Ah! Ah!

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle, vous savez très bien que le président, à moins qu'il y ait consentement, s'en tient aux règles qui sont édictées par le règlement. À ce moment-ci, on peut permettre au député de Chomedey de poser sa question.

Alors, dans la mesure où votre question de directive n'est pas une contestation de la décision que j'ai rendue, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: C'est une question de directive, pour être sûr de bien comprendre votre décision. Ce que je dois comprendre de votre décision, c'est que ça signifie qu'un peu plus de 250 000 Québécois et Québécoises, à la dernière élection, l'importance de leur vote...

Des voix: ...

Le Président: Je m'excuse, ce n'est pas une question de directive de la part du député. M. le député de Chomedey, en principale.


Divulgation d'informations sur l'identité d'une personne ayant commis un délit alors qu'elle était mineure

M. Mulcair: M. le Président, hier, le ministre de la Justice rendait publique une lettre par laquelle son sous-ministre, Me Michel Bouchard, à la demande du secrétaire général du premier ministre, M. Michel Carpentier, fait parvenir à ce dernier un avis concernant les récentes révélations des médias à propos de la nomination à un poste de sous-ministre d'une personne qui a avoué publiquement et après avoir atteint l'âge de la majorité être la même personne qui a placé une bombe qui a tué une femme et blessé six autres personnes, y compris une femme enceinte.

Ce genre d'avis, M. le Président, et son dépôt en Chambre sont extrêmement rares, et l'un des seuls précédents qui existent dans l'histoire du Québec est celui de l'affaire Le Hir, qui, elle aussi, faisait très mal au gouvernement. On se souviendra alors que le même...

Le Président: M. le député de Chomedey, je peux bien comprendre que notre collègue le député d'Iberville n'est pas ici, mais, puisqu'on parle d'un membre de l'Assemblée nationale, la règle que j'ai rappelée hier, elle doit s'appliquer même quand le membre n'est pas présent.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. On se souviendra alors que le même sous-ministre informait le même Michel Carpentier qu'à son avis il n'y avait pas lieu que la SQ intervienne dans l'affaire du député d'Iberville. On se souviendra néanmoins de la suite des événements: la Sûreté du Québec aujourd'hui enquête, et on attend toujours les résultats.

Cette fois, M. le Président, dans une menace à peine voilée, le sous-ministre de la Justice écrit, et je le cite: «Quiconque diffuse – et il met ça entre guillemets – ce genre d'information commet une infraction et est passible de poursuite.»

Question pour le ministre de la Justice, M. le Président: Est-ce qu'il ne reconnaît pas que cette commande est la démonstration que, tout comme l'affaire Iberville, la filière FLQ dérange beaucoup le gouvernement et que dans ce contexte ce dernier n'hésite pas à intimider ceux qui veulent diffuser la vérité?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je crois que... Il est manifeste qu'on attaque la conduite d'un député en lui prêtant des intentions. Je pensais que la leçon que lui avait faite la Cour d'appel en 1994 avait servi de leçon au député de Chomedey.

Des voix: Oh!

Le Président: Bien, à ce moment-ci, je vais demander au ministre de la Justice de répondre à la question.

M. Bégin: M. le Président, j'avais écrit que j'étais heureux de voir que le député de Chomedey avait quitté les ornières dans lesquelles il s'enlisait depuis 15 jours. Malheureusement, je dois changer le mot «heureux» parce que je suis malheureux de constater qu'il reste dans les mêmes ornières. Les commentaires qu'on a lus dans les journaux ce matin concernant le genre de questions dans lesquelles le député de Chomedey nous entraîne sont tout à fait déplorables et ne font pas honneur à lui-même et au parti qu'il représente.

M. le Président, il y a eu dévoilement de dossiers de jeunes mineurs qui ne doivent l'être d'aucune manière, puisqu'ils sont considérés comme n'ayant jamais existé. L'infraction comme telle... Et le dossier est détruit. Il y a des personnes qui se sont cachées ou abritées derrière d'autres personnes pour être capables de parler, de mentionner des choses qui ne devaient pas être mentionnées, et les personnes qui l'ont fait vont certainement, s'il y a lieu de porter des accusations, devoir répondre devant les tribunaux des accusations qu'ils ont faites et surtout de la mention qu'ils ont faites des dossiers qu'ils ne devaient pas mentionner.

J'ai pris la peine, hier ou avant-hier, de lire ici certaines dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants. Malgré cela, certaines personnes ont voulu salir des noms, salir des réputations. M. le Président, ils devront porter les conséquences de leurs gestes.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire s'il a l'intention de poursuivre Me Robert Lemieux et Me Anne-Marie Dussault qui, tous deux, ont participé avec moi à la diffusion de cette information à Télé-Québec hier? Et, puisque Télé-Québec appartient à l'État, est-ce qu'il peut nous dire s'il a aussi l'intention de poursuivre tous les membres de son gouvernement?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, certaines personnes, maintenant qu'elles ont lancé les choses dans le public, veulent s'abriter derrière le fait que d'autres personnes en parlent maintenant. Avant même que le programme auquel il fait référence ait eu lieu, le député de Chomedey, sur les ondes d'un poste de radio de Québec, avec M. Arthur que l'on connaît bien, discutait de cette question, alors qu'il aurait dû s'abstenir de le faire, alors qu'il aurait dû tenir compte de la Loi sur les jeunes contrevenants, alors qu'il aurait dû protéger la personne qui était là-dedans parce qu'il savait très bien que cette diffusion qui avait été faite avait été faite à l'encontre de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il est avocat, il utilise constamment la Charte et il la bafoue constamment en cette Chambre, M. le Président. Je pense que c'est tout à fait inadmissible.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: En principale, M. le Président. Dimanche dernier...

(15 h 10)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, M. le député de Chomedey, en principale.


Nomination d'anciens sympathisants du FLQ à de hautes fonctions

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Dimanche dernier, le premier ministre, afin de défendre sa position dans le dossier linguistique, invoquait à quel micro René Lévesque se logerait dans le débat. Pourtant, voici ce que disait publiquement ce même René Lévesque à propos des membres du FLQ: «Il s'agit d'un geste objectivement barbare», dit M. Lévesque...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. La citation de René Lévesque: «Il s'agit d'un geste objectivement barbare, disait M. Lévesque. De saboteurs qu'ils étaient, ils sont maintenant prêts, avec une lâcheté anonyme, à assumer le rôle de meurtriers.» Il a aussi dit, René Lévesque, que les meurtriers de M. Laporte étaient des êtres inhumains. Et finalement, M. le Président, René Lévesque est revenu là-dessus. Publiquement, il a dit: «Je n'excuse personne et surtout pas l'assassinat qui a été commis.»

M. le Président, on aimerait savoir si le premier ministre croit toujours qu'il loge au même micro que René Lévesque lorsque, lui, non seulement il défend, mais il nomme à de très hautes fonctions les mêmes personnes dont il est question ici?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le député de Chomedey n'est pas digne de citer René Lévesque.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais, à ce moment-ci, joindre ma voix à celle de M. Pierre Gravel, qui, dans son éditorial de ce matin dans le journal La Presse , demande instamment au chef de l'opposition de rappeler à l'ordre le député de Chomedey, qui ne fait pas honneur au Parti libéral.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. D'abord en indiquant au premier ministre que tout le monde, en toute circonstance, est parfaitement digne et habilité à citer des paroles sensées, raisonnables, qui démontrent le plus haut sens possible de la responsabilité politique, ce que je demande au premier ministre, c'est: Au-delà des considérations de réhabilitation qu'il a fait valoir, comme ses collègues, avec raison, et auxquelles tout le monde souscrit, au-delà...

Des voix: ...

Le Président: Je pense que c'est complètement inadmissible que le chef de l'opposition officielle ne puisse pas intervenir, en silence, à ce moment-ci. M. le chef de l'opposition officielle.

Des voix: ...

Le Président: De la même façon, le président s'est levé pour permettre au premier ministre d'être entendu, en silence. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Au-delà du fait auquel tout le monde souscrit dans notre société, que des gens qui ont commis des erreurs puissent être réhabilités, qu'en conséquence leurs proches, leurs amis et leurs collègues puissent également faire l'objet de la plus grande sollicitude et sensibilité de la part de tout le monde, est-ce qu'il n'en reste pas moins, et c'est ma question au premier ministre, que ce que nous avons soulevé, ce sont des faits qui s'attaquent littéralement à cette propension du gouvernement à ne pas voir le bon sens: que ce n'est pas parce qu'on doit être considéré comme réhabilité qu'il s'ensuit que le gouvernement du Québec doive nommer, dans les plus hautes fonctions de notre société civile, des gens qui ont les antécédents qu'on connaît, que ce n'est pas parce qu'on a été réhabilité, que ce n'est pas parce qu'on a droit à une autre chance qu'on est automatiquement un bon juge ou le genre de candidat qu'on veut solliciter comme sous-ministre, sous-ministre adjoint ou chef de cabinet? C'est ça qui est en cause.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il y a deux choses qui sont en cause dans cette histoire. La première, c'est celle que vient d'évoquer le chef de l'opposition: Dans quelle mesure doit-on conclure que quelqu'un qui est réhabilité de crimes qui ont été commis dans le passé peut accéder à des fonctions par la suite? C'est une question qui peut se débattre, qui peut s'examiner, qui est régie par des lois, qui est régie par des principes et un jugement qu'il faut porter, j'en conviens. J'y reviendrai.

Mais l'autre aspect de la discussion, c'est la façon inacceptable avec laquelle le député de Chomedey tente de ternir des réputations, de violer des lois et de salir des gens qui, depuis 31 ans en particulier, après avoir commis de graves erreurs, de graves fautes, après avoir commis ce qui serait autrement un crime, n'était-ce de l'âge où ça a été fait, pendant 31 ans ont mené une vie exceptionnelle, ont travaillé dans la fonction publique ou péripublique, qui ont eu, entre autres, une nomination, de celui qui est maintenant le chef de l'opposition, à l'époque, et puis...

Une voix: Oui.

M. Bouchard: Mais je ne le reproche pas au chef de l'opposition, c'était dans le contexte où il...

Le Président: Je pense que ce qui valait tantôt pour le chef de l'opposition officielle vaut également pour le premier ministre.

M. Bouchard: ...à une fonction que tout le monde connaît en cette Chambre, qui était importante et qui était à un degré de l'évolution de la carrière de cette personne. Mais je pense qu'il faut distinguer les choses. Cette Assemblée nationale n'est pas un endroit où on peut faire n'importe quoi, dire n'importe quoi avec les réputations et avec les lois qui existent. Ça, c'est pour le cas du député de Chomedey.

Pour ce qui est de la question soulevée par le chef de l'opposition, oui, ça se discute; oui, il y a un jugement à porter. En ce qui me concerne, j'ai fait part à l'Assemblée nationale l'autre jour qu'en effet il faut tenir compte du lien qu'entretient la nature des accusations anciennes avec la fonction qu'il faut remplir. Et, quand il s'agit d'un juge en particulier, ça devient extrêmement délicat parce qu'un juge est celui qui monte sur le banc, qui rend la justice, qui condamne et qui innocente des gens, et on peut penser qu'à ce moment-là il y a un lien à établir. En plus, dans le cas actuel, l'élément additionnel, c'est que, d'après la présidente de la commission de sélection, il semble – le Conseil de la magistrature et le Barreau en décideront – que cette personne ait omis l'existence des démêlés antérieurs dans ses déclarations qu'elle a faites à la demande de la commission.

Mais, d'une façon générale, je crois que, si on examine le cas des autres personnes – c'est dommage qu'on ait à le faire en public, parce que ça ne devrait pas se faire – mais, puisqu'on l'examine maintenant, il faut bien conclure que la nature des fonctions exercées par la personne en question, celle qui est dans la fonction publique, se prête tout à fait bien, n'entretient pas des liens avec ce qui s'est passé autrefois, il y a 31 ans, couvert par la loi de la délinquance.

Et j'ai comme l'impression que le chef de l'opposition lui-même serait obligé de peser les deux, s'il avait à prendre la décision. Je n'ai pas eu à le faire parce que j'ignorais les faits lorsque c'est arrivé. Aujourd'hui, je dois dire que le poids de la réhabilitation dans cette affaire doit peser très lourd, puisqu'il n'y a pas de lien de similarité, il n'y a pas de lien d'inconvenance, je dirais, il n'y a pas de lien d'incompatibilité entre ce qui s'est passé il y a 31 ans et la nomination récente.

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Lefebvre: M. le Président, je comprends que la période de questions et réponses est terminée, alors je voudrais maintenant vous adresser une question de directive. Est-ce que vous ne considérez pas que vous auriez dû soulever l'article 55.7° de la Loi sur l'Assemblée nationale, qui est un des articles les plus stricts, les plus importants et les plus fondamentaux pour nous permettre d'avoir des débats sains, corrects, en ce sens que nous considérons de notre côté que et la lettre du sous-ministre de la Justice, et les propos du ministre de la Justice, et, aujourd'hui et hier, les propos du premier ministre constituent une atteinte très, très grave?

(15 h 20)

Et je lis 55.7° – pour qu'on se comprenne bien, M. le Président – de la loi de l'Assemblée nationale: Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée. Nul ne peut «menacer un député dans l'exercice de ses fonctions parlementaires». Et, dans ce sens-là, ce que je vous dis, c'est que le député de Chomedey a fait son travail de parlementaire. Il a des responsabilités et il les prend.

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Vous avez eu au moins trois occasions, M. le Président, de soulever 55.7°. Compte tenu de l'importance de l'article, il m'apparaît que c'est la présidence qui doit le faire à la première occasion. Vous ne l'avez pas fait au moment où on a déposé la lettre du sous-ministre, et non plus face aux attaques du ministre de la Justice, et non plus face aux attaques du premier ministre à l'égard du député de Chomedey. Alors, je vous demande de nous expliquer pour quelle raison vous n'avez pas exercé vos responsabilités. L'article 55.7°, c'est incontournable, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, est-ce que le leader adjoint de l'opposition est en train de confesser son inaction? Parce que, si à son avis il y avait violation de la loi au moment où le premier ministre ou le ministre de la Justice a parlé, pourquoi à ce moment-là ne s'est-il pas levé à trois reprises? Pourquoi? Il vous reproche finalement ce qu'il n'a pas fait. Il ne s'est pas levé parce qu'il sait très bien qu'il n'y a pas eu d'infraction.

Des voix: Bravo!

M. Bélanger: M. le Président, est-ce que c'est...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, est-ce que c'est d'intimider un parlementaire que de lui rappeler la loi, que de lui rappeler qu'on se doit de respecter la loi? Je pense que le ministre de la Justice a même prévenu à l'avance le député de Chomedey, et malgré tout il a décidé lui-même de contrevenir aux dispositions citées par le ministre de la Justice.

Donc, je pense que dans les circonstances, au contraire, l'esprit et la lettre de notre règlement et de notre loi ont été respectés, et ce n'est pas au député de Chomedey d'essayer de jouer maintenant à la vierge offensée, M. le Président.

M. Bouchard: Il veut jouer à la victime...

Le Président: Alors, toujours sur la même question de règlement, M. le leader adjoint.

M. Lefebvre: M. le Président, je comprends, je réalise que le leader n'a rien compris à mon argumentation. J'ai, avec toute la déférence voulue, indiqué qu'il vous appartient en vertu de l'article 2.8° de nos règlements de l'Assemblée nationale, que c'est vous, au premier chef, qui avez la responsabilité et le pouvoir de le faire, et le leader sait très bien que, si je m'étais levé aujourd'hui, on aurait pris à peu près plus que la moitié du temps à débattre des questions de règlement.

Alors, c'est une question de directive que je vous pose, M. le Président. C'est un débat extrêmement délicat auquel on a été confronté, et je vous demande... En conclusion – puis je m'arrête là-dessus – 55.7°, il m'apparaît que vous auriez pu, en vertu de 2.8°, le soulever à au moins trois reprises: et pour le ministre de la Justice, et pour le premier ministre, et au moment du dépôt de la lettre du sous-ministre.

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je suis content que le député de Chomedey mentionne que c'est une question délicate. Il devrait peut-être le dire au député de Chomedey.

Une voix: Le député de Frontenac.

M. Bélanger: C'est le député de Frontenac, M. le Président, qui nous rappelle ça, et je crois qu'il ferait bien de le répéter au député de Chomedey.

Maintenant, en vertu de notre règlement, tout député en cette Chambre qui constate qu'il y aurait infraction ou qu'on contreviendrait à un règlement peut se lever et le signaler à la présidence. Le député de Frontenac a décidé de ne pas le faire. Maintenant, il vous reproche de ne pas l'avoir fait. Moi, je ne comprends plus rien, M. le Président.

Le Président: Effectivement, l'article 2.8° indique que le président «exerce les autres pouvoirs nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions et au maintien des droits et privilèges de l'Assemblée et de ses membres». Cependant, les articles 315 et suivants, qui concernent la conduite d'un membre du Parlement, je pense qu'on a là les indications sur, éventuellement, comment se comporter et comment agir si on considère que la conduite d'un membre de l'Assemblée n'a pas été correcte.

Et, en conséquence, quant à l'interprétation qui doit être faite de l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale, ça peut être une question d'interprétation, c'est-à-dire qu'à la limite un membre ou peut-être même la présidence... Et, à ce moment-ci, je ne suis pas certain si c'est d'abord la responsabilité de la présidence d'indiquer qu'il y a violation. Mais, si, effectivement, j'en avais conclu, à un moment donné au cours de la séance, qu'il y avait violation effective de l'article 55, paragraphe 7°, que citait le député de Frontenac, j'aurais peut-être pu, effectivement, intervenir à ce moment-là. Mais, dans la mesure où je n'étais pas a priori sensible au fait qu'il y a eu infraction à cet article-là, un autre membre de l'Assemblée qui pouvait l'être, lui, sensible, pouvait intervenir.

Et je pense qu'à cet égard-là le leader du gouvernement a raison d'indiquer que n'importe quel membre de l'Assemblée, de n'importe quel côté, à partir du moment où il y a violation d'un privilège, peut saisir l'Assemblée, saisir la présidence. La présidence, a priori – et je ne pense pas qu'on puisse le demander à qui que ce soit – non seulement n'est pas infaillible, mais ne peut pas voir tout et avoir une appréciation sur l'ensemble des règlements au cours d'une séance. Et c'est pour ça que les membres de l'Assemblée qui considéreraient qu'une intervention doit se faire peuvent toujours le faire en vertu des dispositions, par ailleurs, qui sont prévues au règlement. Et c'est pour ça que je signale à notre collègue le député de Frontenac les dispositions des articles 315 et suivants.

À ce moment-ci, vous aviez raison, par ailleurs, M. le député de Frontenac, d'indiquer que la période des questions et des réponses était terminée et que... Il n'y aura pas de question additionnelle, M. le député de Rivière-du-Loup. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, on est à discuter d'une réforme de nos débats parlementaires. Est-ce que je pourrais vous suggérer de réfléchir sur la possibilité suivante? Vous savez très bien que, si on avait engagé un débat sur la question de règlement en regard de 55.7°, à toutes fins pratiques on mangeait tout notre temps. Il faut bien se comprendre. Je laisse à votre réflexion la possibilité, à l'occasion de notre réforme, d'exclure du 45 minutes de notre période de questions ce qui est de la discussion pure sur des questions de règlement de l'Assemblée ou de la Loi sur l'Assemblée nationale. Alors, je vous demande d'avoir ça à l'esprit au moment où, avec les leaders respectifs des deux côtés de la Chambre, on procédera à notre réforme parlementaire, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Le député de Frontenac semble ignorer qu'il y a une commission de l'Assemblée nationale qui va faire l'étude du règlement de l'Assemblée nationale. Je l'invite peut-être, à ce moment-là, à y participer. Et, à ce moment-là, il pourra enrichir de ses propos le débat qui va se faire sur notre réforme parlementaire.

Le Président: Écoutez, deux choses. D'abord, effectivement, c'était dans l'intention de la présidence et dans les documents qui ont été remis à tous les membres de l'Assemblée. Le problème ou la question de la façon dont on traite les questions de privilège et des immunités d'un membre de l'Assemblée est une question importante qui, à mon avis, doit être revue, compte tenu de l'évolution de notre système parlementaire et des impératifs que nous avons à l'égard de nos besoins d'efficacité.

Par ailleurs, vous avez raison de dire qu'à chaque fois que, à l'Assemblée nationale, nous soulevons des questions de règlement ça mange du temps, soit pour les questions soit pour les réponses. Et c'est la raison pour laquelle, dans d'autres parlements d'inspiration britannique, à commencer par le Parlement fédéral, il n'y a pas de question de règlement possible à la période des questions et des réponses. Le débat se fait sur les questions de fond. Et, si j'avais un souhait à formuler comme président de l'Assemblée nationale, c'est que je n'aie pas à intervenir et qu'il n'y ait pas de possibilité de soulever des questions de règlement durant la période des questions et des réponses orales, pour permettre à l'échange de se faire le plus vigoureusement possible. Mais, comme ce n'est pas encore la règle, alors, pour le moment, on va vivre avec nos règles du jeu.

À ce moment-ci, nous en arrivons maintenant... Sur une question de règlement, M. le député de Rivière-du-Loup.

(15 h 30)

M. Dumont: Merci, M. le Président. C'est la question de directive que j'allais faire tout à l'heure. J'ai, pour les mêmes raisons, choisi de laisser le temps pour les questions de fond, mais je veux bien comprendre la portée de votre décision. Quand votre prédécesseur avait décidé qu'il y aurait, pour les députés qui ne font pas partie d'un groupe parlementaire, une question par trois séances, c'était dans un contexte où il y avait un seul représentant élu sous la bannière d'un parti, un seul député qui n'était pas membre d'un groupe parlementaire. Donc, elle a été prise dans un tout autre contexte que maintenant. Le nouveau contexte, c'est que des personnes, entre-temps, ont démissionné, ont quitté un caucus pour des raisons qui sont les leurs. Alors, la question que je vous pose, c'est: Si vous appliquez cette règle-là, est-ce qu'on doit...

Le Président: Écoutez, je pense que le député de Rivière-du-Loup a les mêmes droits que les autres parlementaires dans l'Assemblée d'être entendu correctement et respectueusement.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Est-ce qu'on doit comprendre qu'à la limite si, pour une raison ou pour une autre que vous ne contrôlez pas, ni moi, il survenait des dissensions, pour toutes sortes de raisons, dans l'un ou l'autre des caucus, ça signifierait que le vote exprimé par plus d'un quart de million de Québécois lors de la dernière élection générale perdrait de son importance, perdrait de sa valeur à chaque fois qu'il y aurait dissension. En d'autres termes, est-ce qu'à la limite, s'il y avait six, sept, huit, 10 personnes qui démissionnaient des caucus, on pourrait se retrouver dans une situation où la voix qui a été exprimée à la dernière élection représente non plus une question par semaine, mais une question par deux mois ou une question par session? Et c'est la question que je veux vous poser. C'est pour ça que je vous référais au précédent, à votre prédécesseur, M. Saintonge, qui avait donné trois questions principales dans la même semaine à un parti qui, lors de l'élection, avait obtenu dans l'ensemble du Québec un nombre inférieur de votes à ce que le parti que je représente... au nombre de citoyens que, moi, je représente ici, à l'Assemblée nationale. Dernier commentaire...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Dernier commentaire. En conclusion, M. le Président, je ne peux pas m'empêcher de considérer... Il y a une des règles qui doit être appliquée, l'article 76 du règlement, sur la brièveté des questions et des réponses. Et on est rendu qu'on a peine, à l'intérieur d'une période de questions, à se rendre à cinq ou six principales, alors que ça pourrait être beaucoup plus. Et quand on entend la cacophonie durant la période de questions, la quantité de temps qui est perdu simplement à rétablir l'ordre, c'est assez particulier qu'on veuille enlever un droit de parole à une partie de la population.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Sur l'intervention du député de Rivière-du-Loup. M. le Président, le député de Rivière-du-Loup, ici, à l'Assemblée nationale, n'est rien de plus puis de moins qu'un simple député, il n'est pas chef de parti. Alors, il n'a pas droit à plus de privilèges que n'importe quel autre député ici. Et, M. le Président, j'ai le goût de lui répondre ceci. Il a à sa disposition un budget de 67 500 $ qu'il a négocié le 12 juin 1995, en même temps que l'entente sur la souveraineté avec l'ex-premier ministre puis le premier ministre actuel, qu'il s'en serve donc pour comprendre ce qui se passe à l'Assemblée nationale. Et, deuxième chose, s'il était ici plus souvent, M. le Président, il saurait comment ça marche à l'Assemblée nationale.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Question de règlement, M. le Président. D'abord, on n'a pas le droit en cette Chambre d'insinuer l'absence d'un député qui est à la période de questions, à part la paternité... qui est à la période de questions et qui travaille dans les travaux parlementaires. Puis la paternité, ce n'est pas de vos affaires, mon cher ami, vous l'avez connue, vous aussi. Ça, c'est la première affaire. La deuxième chose...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Et je vous rappelle que la responsabilité de la présidence, c'est aussi de défendre les droits et privilèges des membres de l'Assemblée, en particulier ceux qui sont dans des situations plus fragiles et minoritaires. Alors, j'apprécierais qu'on permette au député de Rivière-du-Loup de faire ses interventions. Et je demanderais aux uns et aux autres de faire en sorte que le ton baisse. Il n'y a pas de raison pour laquelle actuellement... M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Sur la question de fond, M. le Président. À part que le député de Frontenac n'a toujours pas retiré ses paroles non parlementaires. Sur la question de fond, il a été reconnu par plus d'un de vos prédécesseurs que, concernant les partis pour lesquels une population s'était exprimée, effectivement, dans le règlement de l'Assemblée nationale, il n'existe pas de dispositions pour des demi-groupes parlementaires, mais que ces députés-là qui étaient représentants de parti devaient être traités d'une façon particulière par rapport à des députés démissionnaires. Et ce que je ne comprends pas, c'est que, pour l'opposition officielle d'aujourd'hui, ce qui était correct, parfaitement correct pour le Parti Égalité n'est plus correct pour l'Action démocratique. Peut-être question de parenté de pensée!

Des voix: Ah!

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, M. le député de Montmorency, je sais que vous voulez intervenir sur la même question, mais je peux vous dire qu'à ce moment-ci je pense que la réponse que je vais faire va à la fois faire en sorte que le débat puisse se terminer ici pour aujourd'hui.

Je vous rappelle le sens de ce que j'ai dit à la période des questions et en particulier la réponse que j'ai donnée au député de Rivière-du-Loup. J'ai rappelé d'abord la règle que la présidence avait établie depuis le début de cette Législature, d'une part. Deuxièmement, j'ai effectivement rappelé également la décision, que vous avez citée, du président Saintonge, le 12 décembre 1989. Ce que j'ai indiqué, c'est que je prendrais tout ça en considération et que je rendrais une décision, si possible, dès la semaine prochaine, mais qu'entre-temps, sans préavis, je n'avais pas l'intention de modifier les règles qui sont en vigueur et établies par la présidence depuis le début de cette Législature.

C'est la raison pour laquelle j'ai accordé la question principale au député de Chomedey et c'est la raison pour laquelle je vais m'en tenir à cette règle jusqu'à ce que j'aie étudié l'ensemble de cette question, les précédents, les décisions non seulement du président Saintonge, mon prédécesseur, mais des autres, si possible, et à ce moment-là, quand j'aurai fait le tour de la question dans les meilleurs délais, je rendrai une décision en tenant compte de la réalité actuelle de l'Assemblée nationale et de sa composition, c'est-à-dire qu'il y a trois députés indépendants, et les particularités que vous avez signalées, dans la mesure où la jurisprudence et nos règles nous permettent d'en tenir compte. À ce moment-ci, je pense que ça devrait clore le débat, et on devrait passer à une autre rubrique de nos travaux.

Alors, il n'y a pas de réponses différées.


Votes reportés


Motion proposant que l'Assemblée demande au premier ministre d'entendre en commission les syndicats concernés par la proposition de réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique

À l'égard des votes reportés, tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de M. le député de Westmount–Saint-Louis. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale demande au premier ministre du Québec qu'il convoque, dans les plus brefs délais, la commission du budget et de l'administration afin d'entendre les syndicats concernés par la proposition du gouvernement quant à la réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique québécoise.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Bourbeau (Laporte), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

(15 h 40)

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Filion (Montmorency).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:40

Contre:56

Abstentions:0


Motions sans préavis

Le Président: La motion est rejetée. Nous en arrivons maintenant aux motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Motion proposant que la commission de l'aménagement et des équipements procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 59

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'aménagement et des équipements procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, les 2 et 3 décembre 1996, et, à cette fin, entende les organismes suivants, selon l'horaire ci-joint: le Syndicat des agents de conservation de la faune; la Fédération des pourvoyeurs du Québec; la Fédération des gestionnaires de zecs; la Fédération québécoise pour le saumon atlantique; l'Alliance des propriétaires de club privé de chasse de l'Estrie; la Fédération québécoise de la faune; la Fédération des trappeurs du Québec; la SEPAQ; la Corporation sans but lucratif de développement à la gestion de la pêche sportive au lac Saint-Jean, le Regroupement des locataires de terres publiques, l'UMRCQ;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre de l'Environnement et de la Faune soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour déroger aux règles relatives aux étapes du processus législatif?

Une voix: Consentement.


Mise aux voix

Le Président: Alors, il y a consentement. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. Monsieur... Les deux motions sans préavis? Alors, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale blâme le gouvernement fédéral d'avoir imposé le bâillon pour adopter le projet de loi C-29 concernant l'additif MMT dans l'essence, en faisant fi de la position formulée par le Québec et les autres provinces canadiennes et avant même qu'une étude sur les impacts du MMT, financée par un organisme fédéral, le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie, soit complétée.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Lefebvre: ...consentement, M. le Président, je suggère à mon ami le leader du gouvernement de rappeler cette motion-là lundi. Pas de consentement. On a une importante motion de censure qui va être débattue tout à l'heure, et j'en profite pour dire au député de Rivière-du-Loup de rester avec nous, il va pouvoir s'inscrire dans ce débat-là. Motion de censure du député des Îles-de-la-Madeleine, M. le Président, débat qui va commencer dans quelques minutes jusqu'à 22 heures. Alors, c'est important.

Et la motion soulevée par M. le ministre de l'Environnement pourrait être débattue lundi qui vient. Pas aujourd'hui.

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration.

M. Boisclair: En comprenant que la remarque du député de Frontenac peut aussi peut-être s'appliquer à ses collègues, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée...

Des voix: Ha, ha, ha!


Souligner le courage de citoyens honorés à l'occasion de la remise des décorations, distinctions et récompenses du civisme

M. Boisclair: ...afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne le courage des 29 hommes et femmes qui ont accompli un acte de civisme et qui ont été honorés, aujourd'hui, à l'occasion de la 13e cérémonie de remise des décorations, distinctions et récompenses du civisme.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Il y aurait consentement, sans débat.


Mise aux voix

M. Lefebvre: On s'est entendu: sans débat, adopté.

Le Président: Alors, la motion est adoptée.


Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 68, Loi modifiant le Code civil du Québec et le Code de procédure civile relativement à la fixation des pensions alimentaires pour enfants, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 31, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May;

Que la commission des institutions poursuivra et terminera les consultations particulières sur le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 h 15, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 73, Loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite, aujourd'hui, de 20 heures à 22 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.

Le Président: Très bien. Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions? Alors, il y a consentement.


Avis de débats de fin de séance

Nous en arrivons maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. En ce qui me concerne, je vous rappelle qu'un débat de fin de séance sera tenu aujourd'hui, sur une question adressée hier par Mme la députée de Jean-Talon à M. le ministre des Affaires municipales concernant l'éventuelle mise en tutelle de la municipalité de Saint-Lin.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

D'autre part, je vous rappelle également que l'interpellation de demain, vendredi 29 novembre, portera sur le sujet suivant: les conséquences des compressions dans le domaine de l'éducation au Québec. M. le député de Marquette s'adressera alors à Mme la ministre de l'Éducation. Cette interpellation aura lieu, exceptionnellement, de 9 heures à 11 heures. Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 298 du règlement relativement à l'horaire habituel des interpellations? Il y a consentement.

Et, conformément à l'article 249 du règlement, je fais part aux membres de l'Assemblée qu'à la suite d'une réunion entre les leaders, plus tôt cet après-midi, ceux-ci ne sont pas parvenus à un accord sur le moment où le rapport de la commission des institutions à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, devrait être déposé à l'Assemblée.

Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, compte tenu de ce que vous venez de dire, je dépose la motion de clôture suivante, en vertu de l'article 251 de notre règlement:

«Que la commission des institutions, à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, mette fin à ses travaux quant à ce mandat dès l'adoption de la présente motion et fasse rapport au moment prévu de la période des affaires courantes de la séance qui suit celle au cours de laquelle aura été adoptée la présente motion.»

Le Président: Alors, cet avis est donné.


Affaires du jour


Affaires prioritaires

Ce qui nous amène maintenant, s'il n'y a pas d'autres renseignements sur les travaux de l'Assemblée, aux affaires du jour. Et nous allons passer d'abord aux affaires prioritaires. À l'article 1 du feuilleton, M. le député des Îles-de-la-Madeleine propose la motion de censure qui suit:


Motion de censure proposant que l'Assemblée blâme le gouvernement pour sa gestion de l'emploi et de l'économie, l'imposition de taxes et la dégradation des services publics

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste notamment pour sa gestion médiocre de l'emploi et de l'économie, lui qui affirmait que l'emploi était sa priorité; pour l'imposition de 2 000 000 000 $ en taxes, lui qui affirmait que les Québécois étaient trop taxés; pour la dégradation des services publics, en particulier l'éducation et la santé, lui qui affirmait que son gouvernement serait celui de l'éducation, et blâme le premier ministre pour son double langage à l'endroit des Québécois.»

Avant que le débat sur cette motion de censure ne s'engage, je vous informe que la répartition du temps de parole établie pour la discussion est la suivante. Au-delà de son temps de parole initial, une réplique de 20 minutes sera accordée à l'auteur de la motion. Cinq minutes seront allouées à chacun des députés indépendants. Le reste du temps sera partagé également entre les deux groupes parlementaires. Et, dans ce cadre, les interventions seront limitées à une durée de 20 minutes chacune, sauf pour l'auteur de la motion et pour le représentant du premier ministre qui pourront faire une intervention d'une heure chacun. Je suis maintenant prêt à entendre le député des Îles-de-la-Madeleine.

(15 h 50)


M. Georges Farrah

M. Farrah: Oui. Alors, merci, M. le Président, de me reconnaître. Il est bien évident qu'avec la situation qui prévaut au Québec il m'apparaît important, et à la lumière de ce qu'on entend dans l'ensemble des régions du Québec, que la population du Québec ne croit plus, n'a plus confiance en ce gouvernement qui, depuis son arrivée au pouvoir, soit depuis deux ans, tient un double discours, double langage qui fait en sorte qu'on ne peut plus croire ce gouvernement.

Fait assez étonnant, M. le Président, également au niveau de ce gouvernement, c'est un gouvernement qui est au pouvoir depuis un peu plus de deux ans, et on constate que ce gouvernement est usé comme si ça faisait 20 ans qu'il était au pouvoir. Jamais avons-nous vu, dans l'histoire du Québec, un gouvernement, simplement après deux ans de pouvoir, connaître autant d'usure. Et ça, c'est bien évident, parce qu'on a maintenu un double langage au cours des dernières années qui a fait en sorte qu'on ne peut plus avoir confiance en ce gouvernement. Et c'est l'État-spectacle, M. le Président. L'action de ce gouvernement est uniquement un discours. Par conséquent, c'est comme si nous étions au théâtre. Mais les spectateurs, en somme la population du Québec, trouvent que le billet commence à leur coûter passablement cher, premièrement par l'attitude du premier ministre qui, dépendamment à qui il s'adresse, dépendamment où il est, tient des langages différents. Et on voit que ce gouvernement n'a pas d'actions, simplement des discours. Et même, on peut constater que des membres du gouvernement ou des membres du caucus du Parti québécois commencent à se rendre compte que leur gouvernement est de plus en plus indéfendable sur la place publique, sur le terrain, et il y a des articles de journaux qui nous prouvent clairement que même à l'intérieur du caucus du Parti québécois le premier ministre peut être sous haute surveillance.

Je vais vous citer très brièvement un article de M. Michel David, du Soleil . Et, en faisant référence à l'actuel premier ministre, le titre de l'article, ça s'intitule «Le charmeur de serpents». Je vais vous citer quelques phrases de l'article qui dit... M. David dit, M. le Président: «Un député péquiste auquel je demandais dernièrement comment son nouveau chef se comportait au caucus a eu la réflexion suivante: "C'est un charmeur. On a tous l'air d'une gang de serpents dans nos cruches."» Alors, vous voyez, ce n'est pas moi qui le dis, là. Alors, c'est un membre de l'équipe ministérielle qui lui-même constate le discours mielleux, endormeur du premier ministre et qui constate également que l'action... il n'y a pas de gestes concrets dans l'action.

Peut-être une autre référence d'un collègue du premier ministre, également, qui constate comme bien d'autres et comme de plus en plus de Québécois et de Québécoises que le premier ministre tient un double discours, un double langage – c'est exclusivement du théâtre, comme je vous le disais tantôt – et ça, on peut lire ça dans le livre, la biographie du premier ministre, «Lucien Bouchard: En attendant la suite», qui est le titre du volume par M. Michel Vastel, où M. Guy Chevrette – et là je cite l'article, parce que je dois dire «le député de Joliette», je comprends, M. le Président – dit à propos du premier ministre actuel, et je cite, à la page 58: «Ah! ce Lucien, ce qu'il peut être théâtral, se souvient Guy Chevrette – député de Joliette. Il s'enflamme tellement qu'il est capable de se convaincre lui-même.» Alors, même des collègues intimes du premier ministre constatent que le premier ministre est très bon au niveau du théâtre. Il doit se convaincre lui-même de son inaction, M. le Président.

Et on l'a vu également lors du congrès du Parti québécois, la fin de semaine dernière, où de plus en plus de membres du Parti québécois commencent à en avoir soupé du double langage de ce premier ministre, compte tenu que, dépendamment à qui il parle, lorsqu'il leur parle, il tient un discours et, lorsqu'il est à l'extérieur des congrès ou des forums de son propre parti, il dit autre chose. Alors, par conséquent, le premier ministre, dans son propre parti, est sous haute surveillance, et ça, à peine neuf ou 10 mois après avoir accédé à la présidence du Parti québécois.

Même, on a vu les déclarations de certains collègues du premier ministre également, le député de Vachon qui, en fin de semaine passée, samedi soir, disait: Je ne suis pas fier d'être péquiste; le député de Joliette: «C'est un parti immature», qu'il disait; et surtout les commentaires du leader parlementaire du Bloc québécois à la Chambre des communes, M. Gilles Duceppe, ami intime du premier ministre, et qui disait: C'est un parti déconnecté de la réalité. Alors, on peut voir, par ces commentaires des proches du parti et du premier ministre, que la population a raison de l'usure hâtive de ce gouvernement et de l'inaction du gouvernement, et du double langage du premier ministre et de son gouvernement.

Même les syndicats, alliés naturels de ce gouvernement, commencent à douter de la parole de ce gouvernement, et on l'a vu notamment et on le voit présentement au niveau des conventions collectives où, avant le référendum, pour obtenir l'appui des membres des principales centrales syndicales au Québec, on a signé une convention collective: 900 000 000 $ sur trois ans, près de 1 000 000 000 $. Et, oh surprise! après le référendum, on doit rouvrir les conventions, on doit revoir la convention, compte tenu qu'on n'a pas les moyens de l'assumer, tout en sachant très bien que le gouvernement était au courant des difficultés budgétaires, de la situation financière du gouvernement lors de cette signature, en 1995. Le gouvernement était au pouvoir quand même depuis un an.

Alors, quand on regarde cette multitude d'exemples, M. le Président, on constate très bien que la population a raison de craindre et de ne plus croire ce gouvernement qui, à maintes reprises, nous prouve son inaction et son double langage, parce que le langage n'est pas reflété sur le terrain dans des gestes concrets.

Et, moi, je l'ai vu également en Gaspésie, ma région, aux Îles-de-la-Madeleine. En fin de semaine, j'étais en Gaspésie où j'ai rencontré les gens de Port-Daniel, un dossier de la cimenterie dont on a parlé ici, à l'Assemblée nationale, l'usine de Newport dont on a parlé également aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Alors que les ténors gouvernementaux montent la barre et maintiennent un espoir, les gens commencent à douter. Parce qu'on a maintenu un espoir au cours des deux dernières années, mais là on ne peut pas livrer la marchandise. On ne peut pas livrer la marchandise et, par conséquent, les gens ne sont pas dupes, ils se rendent compte qu'ils se sont faits trahir à cause des promesses non tenues depuis notamment les deux dernières années.

Alors, que le gouvernement ne se surprenne pas que les Québécois et les Québécoises soient en furie. Qu'il ne se surprenne pas, parce que ce gouvernement est le propre artisan de ses problèmes. Les ténors gouvernementaux sont les propres artisans des problèmes auxquels ils sont confrontés aujourd'hui, à cause de leur double discours, à cause de promesses non tenues.

(16 heures)

Oui, une motion de censure à l'égard du gouvernement parce qu'on a vu que ce gouvernement, au niveau de l'éducation notamment, est en train de détruire le système d'éducation qu'on a monté au Québec depuis la Révolution tranquille au prix de grands efforts et d'artisans qui ont contribué au fil des ans à avoir un système d'éducation, M. le Président, dont on pouvait être fier.

Et, quand on se rappelle les grands discours de ce gouvernement, notamment lors de l'assermentation du Conseil des ministres, en septembre 1994, où dans le discours on disait: L'éducation sera la priorité des priorités du gouvernement du Québec... Peut-être que, si le député de Lévis était demeuré ministre de l'Éducation, cette promesse aurait pu être tenue, M. le Président. Mais on nous a dit: L'éducation sera la priorité. Alors, on se rend compte qu'au niveau des coupures le ministère de l'Éducation est touché au même titre que les autres ministères. Et donc, cette année, on verra des coupures additionnelles; l'an prochain, de 700 000 000 $ qui s'ajouteront aux coupures que le gouvernement a faites au cours des dernières années.

On se rappelle le discours, également lors de l'assermentation, où on disait: Fini le mur-à-mur! Où il y aura des priorités, on maintiendra les fonds nécessaires. Fini le mur-à-mur! Alors, on se rend compte qu'au niveau de l'éducation, M. le Président, c'est le mur-à-mur. Ils sont coupés comme tous les autres ministères sont coupés. Et voilà pourquoi les gens commencent à perdre confiance dans ce gouvernement ou ont perdu confiance dans ce gouvernement, compte tenu du discours que ce gouvernement tenait et a tenu à l'égard de l'éducation.

Et nous sommes à même de le constater, nous, dans nos bureaux de comté, où, M. le Président, je rencontrais la semaine dernière un parent dont le fils, malheureusement, souffre d'hyperactivité. Et là l'élève en question ne peut bénéficier maintenant d'un encadrement en termes de services pour faire en sorte qu'il puisse cheminer adéquatement malgré son handicap d'hyperactivité. Et ça, le discours qu'on nous tenait à l'égard des coupures: Seules les structures seront touchées... Seules les structures seront touchées, M. le Président, mais pas le service à la clientèle, aux bénéficiaires, aux usagers. Et, là, voilà une preuve concrète à l'effet que, au niveau de l'éducation entre autres, les coupures affectent directement la clientèle scolaire, et ça, au détriment majoritairement de notre jeunesse.

Et aussi on se rend compte que le gouvernement a une attitude, M. le Président, je pourrais dire, un peu hypocrite, dans le sens où c'est un pelletage continuel à d'autres niveaux pour faire en sorte que ça soit ces niveaux-là qui effectuent des coupures à la place du gouvernement, alors que c'est à cause du gouvernement que ces coupures-là s'effectuent. Et alors, on a vu le pelletage au niveau des commissions scolaires de sommes considérables. Et c'est ça qui fait en sorte que le gouvernement se cache derrière les commissions scolaires en les obligeant à taxer davantage. Donc, par conséquent, M. le Président, qui écope encore? Bien, les enfants puis les parents. Ça fait que l'augmentation d'un compte de taxes est à l'encontre du discours que tient ce gouvernement.

M. le Président, d'autres exemples au niveau de la santé, où encore on disait: Seules les structures seront touchées. Et juste un exemple concret et très frais. Ça s'est passé il y a à peine un mois et demi, le 6 octobre dernier, où le ministre de la Santé et député de Charlesbourg, à l'émission la Commission Mongrain – c'est bien ça, la Commission Mongrain , M. le Président – alors qu'il y avait une émission spéciale sur la santé, disait à ce moment-là: Il n'y aura pas d'autres coupures dans la santé. Beau discours, beau discours.

Alors, le 28 octobre dernier, donc 22 jours plus tard, le ministre de la Santé imposait aux régies régionales dans l'ensemble du Québec des coupures additionnelles de 100 000 000 $. C'est ça, le discours de ce gouvernement, M. le Président. Le 6 octobre: Non, il n'y aura pas d'autres coupures dans le domaine de la santé. Et, 22 jours plus tard, qu'est-ce qui se passe? 100 000 000 $ additionnels de coupures aux régies régionales. Encore quel bel exemple de double langage!

Et ne soyons pas surpris de la réaction de la population à l'égard de ce gouvernement qui trompe la population. Et là, M. le Président, on a encore un autre exemple à l'appui, et c'est très frais. Alors, comment voulez-vous qu'une régie régionale, qui a assumé des coupures considérables en avril dernier et qui, en cours d'exercice, doit assumer encore une coupure additionnelle... Comment voulez-vous que les gestionnaires de ces régies puissent gérer de façon adéquate, faire en sorte d'avoir une planification efficace à court, moyen et long terme, alors qu'on ne sait pas, avec le discours de ce gouvernement, quelle brique ne va pas vous arriver sur la tête en cours d'exercice? Alors, c'est quoi, l'effet, de cette coupure de 100 000 000 $ en cours d'exercice, dans les régies?

Je prends, exemple, la régie régionale de la Gaspésie et des Îles, que je connais bien, c'est ma région. Alors, tous les programmes de développement en soins à domicile qu'on devait mettre en place pour compenser le soi-disant virage ambulatoire, on ne peut pas les mettre en place à cause de la coupure qui est arrivée en cours d'année. Par conséquent, c'est le patient qui écope encore parce que, compte tenu des coupures dans les établissements de santé, les patients retournent plus rapidement chez eux et, par conséquent, les patients n'ont pas les services requis à la maison, les soins à domicile. C'est ça, le beau discours de ce gouvernement et c'est surtout ça que le gouvernement... Qu'est-ce qu'il disait, le gouvernement? Seules les structures seront touchées. Ce n'est pas les structures qui sont touchées, c'est la population qui est touchée, et la population en a soupé également, M. le Président.

On se rappellera que le ministre de la Santé disait que tout était planifié, même dans les moindres détails. Jamais on n'a vu un projet gouvernemental aussi mal ficelé, aussi improvisé, dans un secteur très vulnérable, où la population... Lorsqu'on utilise les soins de santé... M. le Président, vous le savez, nous sommes très vulnérables, lorsque nous sommes rendus au niveau des soins de santé. Alors, une société dite évoluée qui ne peut pas offrir un minimum de services adéquats à sa population en termes de santé, ça veut dire qu'on est rendu bas, ça. Bien, si on est rendu à ce point-là, c'est à cause de l'inaction et du double discours de ce gouvernement.

Comment pouvez-vous comprendre, M. le Président, qu'au-delà de 8 000 personnes, entre autres, à Montréal vont être payées par le biais de la sécurité d'emploi? Et ils le méritent: ils ne travaillent pas. Ils sont payés chez eux. Et ce n'est pas qu'ils veulent être payés chez eux à ne rien faire, ils veulent retourner dans le système. Comment peut-on comprendre que les salles d'urgence sont débordées, que les infirmières, les infirmiers, tout le personnel hospitalier ne fournit pas et qu'il aurait besoin d'aide, et que ces gens-là, certains sont chez eux, payés à ne rien faire? C'est ça, la grande qualification du ministre de la Santé, le grand planificateur. C'est ça que les gens ne comprennent pas et c'est ça que les gens ont de la misère à accepter de ce gouvernement.

Fermetures d'hôpitaux, assurance-médicaments, et là, en plus, c'est le ministre qui va décider quel médicament est reconnu par la Régie ou pas. Alors, M. le Président, vous savez très bien qu'on ne choisit pas nos maladies, quand on est malade. Là, c'est rendu que, pour savoir si ton médicament est reconnu, il faudrait que tu aies cette maladie-là pour être sûr que tu ne seras pas dans la rue. Et l'exemple, c'est le Betaseron. Les gens qui sont victimes de cette maladie et qui ont besoin de ce médicament qui n'est pas reconnu par le ministre, ils ne l'ont pas choisie, cette maladie-là, ces gens-là. Bien, le ministre s'entête à ne pas reconnaître le médicament. Comment peut-on expliquer, dans une société dite civilisée, évoluée, qu'on ne peut pas aider des gens aussi démunis, M. le Président? C'est là toute la question.

Mais, par exemple, quand c'est pour des référendums, il y a de l'argent. Coûter jusqu'à 100 000 000 $, ce n'est pas grave, ça. Pour l'option, là, on ne ménage pas. Quand c'est pour acheter le vote avant un référendum, il y a de l'argent. Pas de problème, M. le Président, il y a de l'argent. Pour calmer son Parti, on va investir 4 000 000 $ peut-être dans la police de la langue. Quatre millions de dollars, M. le Président, pour une police de la langue au Québec. Oui, la langue française, c'est important. Mais là je pense que, quand c'est une question de priorités, quand on est rendu dans des éléments aussi fondamentaux que la santé puis l'éducation puis qu'on coupe dans des services directs à nos citoyens et à nos citoyennes, ils ont de la misère à comprendre l'attitude gouvernementale et les priorités de ces gens-là face aux choix que le gouvernement fait, M. le Président.

Alors, en terminant, quelques citations sur le domaine de la santé qui ont été tirées des discussions lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, où Henri Massé, syndicaliste, alors directeur général de la FTQ, dit: «On est en train de faire une job de bras au système de santé.» Lorraine Pagé: «L'attitude du gouvernement en matière sociale fera en sorte qu'il y aura une augmentation de la pauvreté au Québec.» Gérald Larose, de la CSN, disait: «Toute la business va exploser!» Mme Jacinthe Simard, présidente de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec disait: «Fermetures et compressions budgétaires ont des effets sur la situation économique du milieu qui créent la pauvreté et qui affectent l'état de santé de la population.» Alors, voilà des commentaires de gens qui représentent des groupes très importants de notre société et qui démontrent nettement que ce gouvernement est en train de tout détruire les acquis que nous avions réussi à construire au fil des ans et notamment depuis la Révolution tranquille.

(16 h 10)

Évidemment, au niveau économique, je pense que tout le monde constate... Et, malheureusement, quand on aime profondément le Québec, ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on voit la situation qui prévaut, notamment au niveau économique, au Québec, et c'est désolant de voir la situation économique au Québec. Ce gouvernement que nous avons en face de nous – et toujours pour faire encore référence et pour démontrer le double langage de ce gouvernement – qu'est-ce qu'il nous promettait en campagne électorale? Le plein-emploi. Le plein- emploi, M. le Président. Force est de constater qu'on n'a peut-être pas la même définition du plein-emploi, parce que, depuis que l'actuel premier ministre est arrivé dans cette Chambre, est à la barre de l'État, c'est quoi en termes d'emplois? C'est une perte nette de 54 000 emplois, 54 000 emplois perdus au Québec, alors qu'au Canada, pour la même période, 158 000 emplois ont été créés et 91 000 en Ontario. Alors, on peut voir... Là, les ténors gouvernementaux vont nous dire: C'est le système qui n'est pas bon, le système fédéral. C'est drôle, les autres provinces sont dans le même système, puis ça fonctionne. Mais les autres systèmes ont une politique de création d'emplois, ont une politique d'investissement, ont une vision économique. C'est ça, la réalité.

Et, M. le Président, moi, je fais les provinces maritimes, et on voit que beaucoup d'investissements sont dirigés vers les provinces maritimes, notamment vers le Nouveau-Brunswick. Depuis une couple d'années que le gouvernement est en place, c'est malheureux de voir que des investissements qui normalement devraient venir au Québec se dirigent davantage vers le Nouveau-Brunswick, vers l'Ontario, à tel point que, si ça continue comme ça, l'actuel premier ministre du Québec va devenir l'homme de l'année au Nouveau-Brunswick. C'est lui qui est en tête de liste pour avoir fait en sorte qu'il y ait le plus de création d'emplois au Nouveau-Brunswick. Et la Chambre de commerce de Fredericton va le nommer sûrement l'homme de l'année au Nouveau-Brunswick. Nous en sommes rendus à cette situation-là! Ça n'a pas de bon sens, M. le Président!

Et, si on pouvait espérer que dans les prochaines années ou dans l'année qui vient ça s'améliore. Bien, malheureusement, les indicateurs économiques nous démontrent... Et, malheureusement, parce que c'est nous tous qui souffrons, nos électeurs, nos électrices de chacun de nos comtés. Alors, un exemple, ce matin, une manchette qui nous est arrivée par la tête, c'est le cas de le dire, où l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération publiait un rapport qui dit: «Une économie fragile, une faible croissance salariale et des pertes de pouvoir d'achat devraient, tout comme en 1996, malheureusement être à l'ordre du jour au Québec l'année prochaine.» C'est ce qui ressort de la deuxième partie du douzième rapport sur les constatations de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération. Alors, le gel salarial, etc., tout ça fait en sorte que la consommation, l'an prochain, les indices au niveau de la consommation, qui sont un indice important pour la reprise économique, bien, veux veux pas, quand tu n'as pas d'argent, tu ne peux pas consommer; puis, quand tu ne consommes pas, il y a moins d'emplois qui se créent au Québec, puis c'est ça, la triste réalité. C'est ça, la triste réalité.

En plus, gouvernement, double discours, qui n'a pas de vision économique en termes de création d'emplois. Une manchette ou un rapport qui nous dit clairement que la situation ne s'améliorera pas en 1997. Par-dessus ça, M. le Président, une pluie de taxes qui nous tombent sur la tête par le ministre des Finances cette année et l'an prochain. Quelques exemples: taxes sur le tabac, 40 000 000 $; augmentation de 2,5 % des tarifs d'Hydro-Québec, 41 000 000 $; frais de services d'Hydro, par exemple pour se brancher, 17 000 000 $; diminution des transferts aux municipalités, 115 000 000 $; coupure des transferts aux commissions scolaires, 77 000 000 $; assurance-médicaments; immatriculation; permis de conduire; taxation des forfaits touristiques; taxe de 2 $ par nuitée; contribution de solidarité à l'emploi; taxe sur le tabac. En voulez-vous, M. le Président? Une pluie de taxes, alors que ce gouvernement nous disait à tour de bras: Il n'y en aura pas, d'augmentation de taxes et d'impôts au Québec.

Encore là, il ne faut pas se surprendre. Il ne faut pas se surprendre de l'inquiétude des gens, de l'insatisfaction des gens à l'égard de ce gouvernement qui ne leur donne pas l'heure juste et, encore là, qui parlote, qui parlote et qui parlote, qui fait du beau théâtre, mais malheureusement qui ne livre pas la marchandise, et ça, au détriment des Québécois et des Québécoises et de nos services essentiels: santé, éducation. On veut travailler. C'est ça, la réalité. C'est ça, la réalité qu'on vit au niveau de nos bureaux de comté.

Oui, M. le Président, l'assainissement des finances publiques. Oui, un gouvernement doit s'attaquer au déficit. Mais c'est quoi, le problème du gouvernement? C'est qu'on travaille seulement sur une colonne, soit les dépenses. Parce qu'un budget de gouvernement c'est comme un budget individuel, familial ou d'entreprise: on doit travailler en fonction des revenus et des dépenses. Mais, lorsque nous avons un gouvernement qui est antiéconomique... Ce gouvernement fait en sorte qu'il n'y ait pas d'augmentation de la richesse collective. Donc, par conséquent, moins d'entrée d'argent; par conséquent, moins de revenus qui rentrent. Alors, pour atteindre nos objectifs budgétaires qu'on s'est fixés, il faut couper davantage, et souvent les plus démunis, malheureusement.

Mais pourquoi il n'y a pas de revenus qui rentrent, M. le Président? C'est simple: gouvernement qui n'a pas de vision, gouvernement qui tient un double discours, gouvernement qui est antiéconomique et gouvernement qui véhicule une option qui fait en sorte de maintenir une instabilité politique au Québec, et ça, même lors du Sommet sur l'économie et l'emploi.

Dans le rapport Levitt, ça a été très clairement identifié par la majorité des hommes d'affaires à l'effet que l'option politique défendue par le Parti québécois et le gouvernement est très coûteuse à l'économie du Québec en termes d'investissement. L'autre élément: le débat linguistique fait en sorte – et ça, c'était très clair dans le document – d'amener de l'insécurité, de l'instabilité au niveau économique. Et ça, qu'est-ce qu'on a fait en fin de semaine? On a mis de l'huile sur le feu, M. le Président. Un parti qui pendant deux jours a parlé de la langue, de la langue, de la langue, alors que la priorité des gens dans l'ensemble du Québec, c'est travailler, travailler, travailler, pour la dignité chez ces gens-là.

Alors, moi, je peux comprendre Gilles Duceppe, leader parlementaire de l'opposition officielle à Ottawa, du Bloc québécois, ami intime du premier ministre, alors qu'il disait: Ce parti est déconnecté de la réalité.

Une voix: Oui. C'est vrai.

M. Farrah: C'est de la réalité, ça, M. le Président. Alors, tous ces éléments font en sorte que la population a perdu confiance dans ce gouvernement. Un ministre dit une chose; un autre ministre dit une autre chose. Exemple, la Cimenterie de Port-Daniel, où le sous-ministre des Finances disait: La situation du marché fait en sorte que ce n'est pas évident qu'on peut aller dans ce dossier-là. Le député de Matane, ministre du Travail, ministre de la région, lui, il se promène partout pour dire: Bien, on va avoir une bonne décision à Noël. On va avoir une bonne nouvelle à Noël, c'est réglé. On peut comprendre qu'il y avait 500 personnes qui étaient à Port-Daniel, dans l'église. Ces gens-là, M. le Président, n'ont plus confiance. L'un dit vert, l'autre dit rouge, l'autre dit blanc, l'autre dit bleu. Bien, concrètement, il n'y a rien qui se passe. Alors, oui, on ne peut pas se surprendre de voir des gens désabusés et, je vous le dirai, le mot est fort, mais écoeurés, écoeurés. Ça n'a plus de bon sens, plus de bon sens!

(16 h 20)

Alors, en terminant, M. le Président, j'aurai l'occasion de revenir lors de ma réplique à la fin du débat pour vous dire que la motion qui est présentée, la motion de censure, je pense, est tout à fait légitime et justifiée. Et sûrement que des députés qui vont dans leur comté vont se faire dire par des gens, objectivement, que la motion, compte tenu de l'inaction du gouvernement, est totalement et tout à fait acceptable. Et même je pense qu'il y en a qui devraient douter. Il y en a qui devraient commencer à penser à voter en faveur de cette motion. Dans les débats qui viennent, vous aurez peut-être l'occasion de réfléchir encore davantage. Mais définitivement que vos populations respectives ne doivent pas être satisfaites, pas de l'action mais de l'inaction gouvernementale.

Alors, pour finir, M. le Président, c'est que nous avons devant nous un gouvernement qui n'a pas de vision, qui tient un double discours, donc c'est un gouvernement qui vit dans sa bulle. Mais la population est à la veille de sortir l'aiguille pour percer cette bulle. Et je vous remercie.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Je vais maintenant céder la parole à M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances. M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, dans cette résolution, la première chose que je voudrais dénoncer, c'est les attaques et les blâmes dont le premier ministre lui-même est l'objet et dans des termes assez peu élégants. On dit dans la résolution – que nous allons défaire évidemment avec enthousiasme – qu'on blâme le premier ministre pour son double langage à l'endroit des Québécois et des Québécoises. S'il y a un homme qui, présentement, a la confiance des Québécois et des Québécoises et qui est reconnu pour son franc-parler et son parler direct, en particulier dans les négociations que nous avons – ou que nous voudrions avoir, parce que ça ne négocie pas assez à notre goût – avec les travailleurs et les travailleuses du secteur public, c'est bien le premier ministre. Et je voudrais reprendre point par point les bases d'argile sur lesquelles l'opposition s'appuie pour faire ses insinuations.

Premièrement, sur les finances publiques, la cohérence entre le discours du premier ministre à Laval, il y a 12 mois, donc qui a précédé son élection comme chef de parti, fut reflétée en tous points dans son discours d'assermentation et dans son discours inaugural. Point par point, avant qu'il n'accède aux fonctions qu'il occupe présentement et dans deux discours solennels depuis qu'il occupe le poste qu'il occupe, assermentation et discours inaugural, cohérence absolue. Les crédits et le budget furent largement inspirés par ces deux documents, les deux derniers documents que je viens de citer, comme l'organisation de la conférence de Québec et du sommet de Montréal. Les préparatifs du prochain budget d'ailleurs procèdent de la même cohérence. Alors, s'il y a un mot qui s'applique au premier ministre du Québec d'aujourd'hui, ce n'est pas le mot «double langage», c'est le mot «langage» tout simplement clair, précis et courageux.

Sur la question de l'éducation, le premier ministre a clairement indiqué qu'il s'agissait d'une priorité pour son gouvernement et il appuie vigoureusement les efforts de la ministre de l'Éducation, qui engage dans ce domaine une réforme importante. La preuve d'ailleurs qu'il considérait que l'éducation était une priorité, c'est le choix de la personne qu'il a mise comme titulaire du poste de ministre de l'Éducation. On choisit, dans les rangs de notre parti, pour ce poste, une personne qui a été vice-présidente du Parti, comme j'ai eu l'honneur de l'être moi-même, qui est une militante exemplaire, mais surtout qui a développé dans toutes les fonctions qu'elle a occupées une réputation de compétence, de détermination et de capacité à agir. Et le premier ministre a dit: L'éducation est une priorité. Il a agi en conséquence et de façon cohérente en nommant la députée de Taillon à ce poste. Et elle répond aux attentes, et elle répond aux espoirs, et elle s'acquitte de ses lourdes responsabilités d'une manière exemplaire, comme on s'y attendait. Et ce qui est fait est bien et très bien, et le meilleur est à venir parce que les réformes sont encore sur la table. Un certain nombre de choses ont été faites, mais on en verra encore beaucoup plus dans l'avenir, confirmant encore le choix du premier ministre.

Sur la question de la langue maintenant, question extrêmement délicate au Québec, et notre société – et ça, c'est à son honneur – ne refuse pas d'en parler, ne refuse pas d'en discuter. Une question aussi brûlante est abordée d'une façon démocratique, des fois avec des discours vigoureux. Et les seules fois où j'ai vu le discours démocratique dépasser en matière de langue, ce n'est pas du côté du parti ministériel ni de l'opposition officielle d'ailleurs, je dois le dire, c'est chez des éléments marginaux, extrémistes, qui combattent toute politique linguistique au Québec, qui rêvent de l'ancien temps où, comme quand je suis arrivé à Montréal de ma lointaine campagne, en 1960, on était devant une ville coloniale de type rhodésien. Les nostalgiques de cette époque évidemment combattent les législations linguistiques et commettent des abus de langage qui, encore une fois, ne sont pas le propre de la démocratie québécoise exemplaire.

Mais, pour le reste, nous avons effectivement un débat linguistique. Que ce soit dans cette enceinte, chez les militants du Parti québécois – on l'a vu encore lors de notre rencontre de la fin de semaine dernière – ou devant les membres de la communauté anglophone, lors de cette fameuse rencontre du théâtre Centaur, le premier ministre tient rigoureusement le même langage, essentiellement en quatre temps.

Premièrement, il faut clairement faire appliquer la Charte de la langue française et faire du français, langue officielle et commune, une réalité. Les textes sont clairs, le français est la seule langue officielle; c'est ça que dit la loi, depuis que Robert Bourassa a fait accepter et a fait adopter dans cette Assemblée une législation à cet effet. Alors, les textes sont clairs. Une série de législations viennent confirmer ce pivot central de la politique linguistique du Québec: français seule langue officielle. Cependant, des problèmes d'application se posent, et c'est la raison pour laquelle la première affirmation du premier ministre en matière linguistique est qu'il faut faire appliquer la Charte de la langue française.

Le deuxième, c'est la minorisation des francophones à Montréal, qui est un phénomène inquiétant, mais pas parce qu'il est inquiétant que des gens de tous les pays du monde choisissent le Québec comme seconde patrie et terre d'accueil, c'est une chose extraordinaire en soi.

Je pense toujours de façon émue à mon ami Osvaldo Nunez et à sa conjointe Zaïda, qui sont arrivés ici d'un pays dont le contexte politique n'était plus vivable. C'étaient un militant et une militante qui furent chassés de leur pays lorsque la démocratie avait quitté cette terre qui, pourtant – et je parle du Chili, évidemment – est une terre qui avait une bonne tradition démocratique et qui essaie par des efforts vraiment méritoires d'y revenir. Quoi qu'il en soit, ils ont été chassés de leur pays, ils ont choisi le Québec comme patrie. Ils y ont élevé des enfants et ont maintenant des petits-enfants. Osvaldo Nunez est devenu même député du Bloc québécois, il est au Parlement d'Ottawa, et on a vu les attaques fanatiques dont il fut l'objet de la part de permanents du Parti libéral, voire d'un ministre fédéral qui, comme on le sait, lui a grossièrement reproché le fait qu'il soit militant du Parti québécois et immigrant. Un permanent du Parti libéral avait même parlé de déportation. Vous vous en souvenez, de ces tristes événements. Donc, ce n'est pas en soi que d'aucune façon l'immigration présente à Montréal doit nous faire craindre quoi que ce soit. Les immigrants comme Osvaldo Nunez et Zaïda et d'autres qui ne sont pas de notre idée politique, amenez-en. C'est bon à plusieurs égards. On a souvent remarqué que plus un milieu est homogène, plus il a tendance à s'appauvrir. Alors, c'est une espèce de ventilation de la société québécoise. Très bien.

(16 h 30)

Cela dit, et c'est ce que le premier ministre a souligné, il est inquiétant que le français puisse être mis en difficulté à Montréal, même par des gens qui sont de bonne foi, mais qui ne sont pas stimulés suffisamment à adopter le courant linguistique commun. S'il est perçu que Montréal est bilingue, comme la Constitution du Canada dit que le Canada est bilingue, comme la Constitution du Canada dit que le pays est multiculturel, est-ce qu'on pourrait reprocher à un immigrant ou une immigrante qui arrive de Rawalpindi, au Pakistan, de dire: Bien, si c'est bilingue, je vais choisir la langue que je parle déjà dans les deux, c'est-à-dire l'anglais. Si c'est multiculturel et si on m'encourage à ne pas m'intégrer sur le plan culturel, bien, je ne vais pas épouser la culture québécoise, je vais essayer de faire fleurir la culture pakistanaise à Montréal. On ne peut pas blâmer cette personne-là. C'est ça que dit la Constitution du Canada. C'est à ça qu'il est encouragé par tout un contexte législatif fédéral. Le contexte législatif québécois doit aller dans le sens contraire.

Donc, dans le respect absolu des droits fondamentaux inscrits à la Charte des droits, il faut reconnaître le sentiment d'insécurité dans lequel se trouvent et la majorité francophone et la minorité anglophone. C'était ça, essentiellement, le discours du Centaur. Finalement, seule la souveraineté donnera aux Québécois la véritable sécurité linguistique et culturelle. Ce que le premier ministre a dit à plusieurs reprises, la meilleure façon d'amender la législation linguistique du Québec, au sens figuré, c'est de faire la souveraineté. À ce moment-là, il n'y a plus personne arrivant dans un Québec souverain dont la seule langue officielle – comme l'a fait voter Robert Bourassa – est le français qui demandera des écoles anglaises ou réclamera le bilinguisme.

Quand un immigrant arrive à Copenhague, est-ce qu'il demande des écoles anglaises? Quand il arrive à Stockholm, est-ce qu'il demande des écoles anglaises? Ça ne lui vient même pas à l'esprit, parce que le signal est clair. Et le signal, c'est que ces pays sont des pays souverains, fiers de l'être, fiers de leur culture et fiers de leur langue, même s'il y a des langues minoritaires dans les pays nordiques, parce qu'il y a des minorités croisées d'un pays nordique à l'autre. Dans le plus grand respect, le Danemark est danois, la Suède est suédoise et la Finlande est finlandaise.

Alors, ça, je pense que ça démontre qu'une partie de la résolution – «blâme le premier ministre pour son double langage à l'endroit des Québécois» – est mal inspirée. On va battre l'ensemble de la résolution, mais, s'il y a une phrase en particulier qui était de mauvais aloi, c'est bien celle-là.

On dit également que les Québécois sont trop taxés, dans cette résolution, et cette résolution vient de l'opposition officielle qui est constituée par le Parti libéral du Québec. Vraiment, je l'ai déjà dit dans cette Chambre et je vais le répéter plus complètement et plus lentement pour que ce soit bien inscrit au Journal des débats et inscrit dans l'esprit des parlementaires de la majorité comme de la minorité: la liste des taxes imposées par le Parti libéral me rappelle les litanies des saints de mon enfance qu'on chantait à l'église et qu'on trouvait toujours trop longues – en tout respect pour la religion et tous les saints qui étaient mentionnés dans ces litanies – ça ne finissait plus. Bien, l'éventail de taxes que le Parti libéral a imposées quand il était au pouvoir est une liste impressionnante que je vais redonner une autre fois pour qu'à chaque fois que l'opposition nous reprochera d'imposer des prélèvements qui parfois sont nécessaires – je ne dis pas non – ils se rappellent, eux.

Un journaliste me demandait il y a quelques minutes: Est-ce que c'est vrai que, petits montants par petits montants, vous allez collecter des taxes plus élevées? J'ai dit: Peut-être. Mais les libéraux y allaient gros montants par gros montants, et je vais vous le démontrer.

La hausse des taxes spécifiques sur les carburants, les boissons alcooliques et le tabac, du temps où ceux qui sont en face étaient ici: 283 000 000 $ en 1991, 471 000 000 $ additionnels en 1992. Ça, il faut que ça soit noté pour qu'à chaque fois qu'ils nous parlent de taxes on se rappelle de ça. Il faut avoir de la mémoire. Prêts de garanties aux sociétés d'État, en 1991, 42 000 000 $; abolition de la déduction pour revenus d'emploi, en 1993, presque un demi-milliard, 411 000 000 $; surtaxe de 5 % sur l'impôt excédant 5 000 $, en 1993, plus d'un quart de milliard, 240 000 000 $; redressement du remboursement d'impôt foncier, en 1993 toujours, 123 000 000 $; nouvel impôt de 1 % visant le financement du Fonds des services de santé, 150 000 000 $. Ce n'était pas petits montants par petits montants, c'étaient des pans de mur entiers.

Appropriation, on s'en souvient, des surplus de la Société de l'assurance automobile du Québec, une société que nous avons mise sur pied. Nous avons mis sur pied un régime de protection contre les accidents de la route et leurs conséquences néfastes pour les individus qui est un des meilleurs régimes au monde. Enfin, il y en a quelques autres, mais d'aussi bons que celui-là, il n'y en a pas beaucoup. Et il avait été tellement bien géré et bien calculé... On se souvient que c'est notre collègue, Mme Payette, qui l'avait piloté très courageusement et très bravement. On se souvient d'un gestionnaire incroyable, Jean-Paul Vézina, un gestionnaire de premier calibre qui a présidé aux destinées de la Société de telle sorte que des surplus s'y sont accumulés. Ceux qui nous ont précédés les ont siphonnés, au sens strict du terme, à hauteur de 275 000 000 $ en 1992-1993, de 675 000 000 $ en 1993-1994 – ce n'est pas petits montants par petits montants – et de 325 000 000 $ en 1994-1995. On a pris, dans des caisses qui étaient destinées à une tout autre fin par l'action sage d'un gouvernement précédent, des montants énormes pour les transférer au fonds consolidé.

Mais il y a eu mieux que ça, si je puis dire – mieux étant une façon de parler – la fameuse ponction fiscale de 1993-1994, du budget 1993-1994. Elle va passer à l'histoire par son ampleur, premièrement, et écoutez bien les montants. Le député de Laporte, en particulier, parlait des 6 000 000 $ aux municipalités, cet après-midi. Hum! 6 000 000 $ aux municipalités, cet après-midi, pour la fin de l'exercice financier; 1 000 000 000 $ en 1993, 1 241 000 000 $ en 1994, 1 281 000 000 $ en 1995. Au lieu de couper, ils avaient le fol espoir, au lieu de faire les compressions... Puis c'est difficile de faire des compressions, on le sait. Et puis nous sommes tous, dans cette Chambre, députés, puis on rencontre nos électeurs, puis on est en contact avec la population puis on sait ce que ça peut être difficile de faire des compressions.

Eux, au lieu de faire les compressions nécessaires, ils montaient les impôts à hauteur de 1 000 000 000 $ par année, 1 241 000 000 $, 1 281 000 000 $ et, en plus, comme pour orner d'une garniture ultime une chose qui était déjà extrêmement ornée comme ça, ils l'ont fait de façon rétroactive. Et ça, je l'ai dit en cette Chambre, ça va passer aux annales de la science fiscale, une taxe rétroactive, ce que pratiquement aucun gouvernement n'a jamais osé faire, sauf si on remontait à l'Ancien Régime, où les rois, les potentats et les autocrates faisaient n'importe quoi. Alors, s'ils veulent reparler d'impôts et de taxes, je soumets cette liste. Elle sera au Journal des débats et chacun pourra en faire l'analyse.

(16 h 40)

Malgré tout ça, alors que toutes les provinces du Canada cheminaient vers le déficit zéro, cheminaient vers le surplus, alors que tout le monde au Canada, et plus généralement dans les pays occidentaux, faisait décroître la dépense publique par compression de la dépense – je le redis pour la énième fois – ce n'est pas drôle, mais c'est la principale façon d'arriver à un déficit zéro et à des finances publiques équilibrées. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des prélèvements à faire.

Quand Gérald Larose dit qu'il faut mettre 2 000 000 000 $ de taxes, il a évidemment tort. Mais quand la commission D'Amours sur la fiscalité nous dit qu'il faut regarder la fiscalité, il faut regarder du côté des abris fiscaux, il faut réfléchir du côté des revenus également, la commission D'Amours sur la fiscalité a raison. Mais, même si on peut regarder du côté des impôts et taxes, des revenus, parce que c'est ça que ça veut dire, il faut d'abord regarder du côté des dépenses, ce que n'ont pas fait ceux qui nous ont précédés.

Imaginez-vous que, quand nous sommes arrivés au pouvoir, à la suite du premier budget du député de Crémazie, les dépenses ont baissé au Québec pour la première fois en un quart de siècle. Alors que tout le monde, il y a cinq, six, sept, huit ans, s'était aperçu que les trente glorieuses étaient terminées et que le temps était venu de gérer l'État d'une façon beaucoup plus stricte, ceux qui nous ont précédés ont fait comme si rien n'était. Ils ont fait comme si on était en 1955 et ils ont fait en particulier comme si on était encore à l'aube de la Révolution tranquille, où le Québec n'avait aucune dette et qu'on pouvait y aller dans l'expansion des dépenses. Alors, ce n'est pas surprenant que, n'ayant pas fait le courageux travail aux dépenses, ils aient choisi le chemin de la facilité, de l'impôt et des taxes. Bien, nous avons abandonné ce chemin, nous avons abandonné ce sentier.

Et on ne la mérite pas, leur motion, dont je récite encore les extraits: «...blâme le gouvernement péquiste [...] pour sa gestion médiocre de l'emploi et de l'économie [...] pour l'imposition de 2 000 000 000 $ de taxes [...] pour la dégradation des services publics...» Ils ne se rendent pas compte qu'ils font le portrait intégral des conséquences logiques absolues de leur gestion. Ils ont essayé de se rattraper, la dernière année, en panique, mais d'une façon pas plus brave d'ailleurs que ce qu'ils avaient fait auparavant. Ils ont baissé les taxes de 500 000 000 $. Alors qu'on avait un déficit qui s'en allait vers 6 000 000 000 $ dans cet exercice et au-delà, au lieu d'avouer leur échec, pour essayer de berner les électeurs une ultime fois et dire: On va essayer d'acheter votre vote en baissant les impôts, ils ont baissé les impôts de façon démagogique de 500 000 000 $; 500 000 000 $ récurrents pour essayer de gagner une élection qu'ils ne pouvaient plus gagner, c'est évident. Regardez le nombre de députés qu'il y a de ce côté-ci. La population a parlé, dans toutes les circonscriptions du Québec, de façon massive.

Des voix: ...

M. Landry (Verchères): J'ai dit dans toutes les circonscriptions du Québec représentées ici, de façon massive de notre côté. Et c'est vrai, et nous respectons ça, que vous ayez un «block vote», comme on appelle dans la langue de ceux qui vous le donnent, pour l'essentiel. Et on est même envieux de ne pas avoir la pénétration que vous avez chez les communautés culturelles, nous le reconnaissons volontiers. Il n'y a rien que... J'ai essayé pendant 25 ans, avec un succès limité mais pas nul par ailleurs, parce qu'il y a quand même des gens qui, dans les communautés culturelles, supportent le Parti québécois, supportent son projet politique. J'ai donné le nom d'Osvaldo Nunez, je pourrais en donner beaucoup d'autres noms, des gens qui ont travaillé dans mon cabinet, qui ont été candidats, qui ont eu les deux caractéristiques et qui sont des citoyens québécois exemplaires, comme ceux qui votent contre nous d'ailleurs. Là n'est pas la question.

Mais, massivement, le Québec n'a pas marché dans la réduction d'impôts de 500 000 000 $ qui est venue la dernière année pour essayer de masquer une gabegie administrative et fiscale qui démontre un niveau d'incompétence rare. Alors, aujourd'hui, on est obligé de l'essuyer, et tout s'ensuit évidemment, et les conditions économiques sont forcément affectées par les conditions de gestion de l'État, de plusieurs manières. Si l'État continue à s'endetter, s'il fait des déficits énormes, il faut qu'il se finance. Pour se financer, il va siphonner l'épargne, il va assécher les bassins d'épargne. Ça a un effet à la hausse sur les taux d'intérêts. Et la seule façon de rétablir la confiance, de rétablir la prospérité chez les consommateurs comme chez les entrepreneurs, c'est de rétablir les finances publiques. C'est pourquoi nous avons un objectif clair qui va être consacré dans une loi qui est d'ailleurs débattue présentement en commission parlementaire de notre Assemblée, qui va nous conduire au déficit zéro.

Quand on est arrivé, je vous le rappelle, M. le Président, c'étaient 6 000 000 000 $. Le député de Crémazie a réussi, par des efforts inouïs et en particulier par des efforts aux dépenses de 250 000 000 $ dans les derniers mois, à ramener le déficit de son premier budget sous la barre des 4 000 000 000 $: 3 900 000 000 $. Il a atteint son objectif. Cette année, nous atteindrons notre objectif, qui est de 3 200 000 000 $; ensuite, ce sera 2 200 000 000 $, 1 200 000 000 $ et zéro, et à ce moment-là on commencera à reparler d'une certaine dignité de l'administration québécoise, d'une certaine dignité des finances publiques québécoises et d'une certaine équité envers les générations futures, parce que c'est un des aspects les plus graves aussi, je l'ai dit à plusieurs reprises.

Ce que les libéraux ont fait pendant les 10 ans qu'ils ont été au pouvoir, d'abord ça a été de faire passer à près de 40 % du produit intérieur brut le déficit du Québec, accumulé. C'est vraiment une situation inimaginable. Ça veut dire la moitié de tout ce qu'on produit, la moitié de ce qu'on produit en un an, près de 40 % en endettement. C'est insoutenable. Peut-être qu'au début des années soixante et soixante-dix on pouvait se permettre des doublements, mais on doublait de cinq à 10 ou on doublait... Oui, c'est vrai, M. le Président, je parle pour vous puis pour mes collègues qui partagent mes vues, parce qu'il n'y a pas un seul député de l'opposition. Ah oui! Il n'y avait plus, il y a quelques secondes, un seul député de l'opposition. Alors, ça ne pouvait pas les insulter que je le dise, ils n'étaient pas là pour l'entendre.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Le député de Rivière-du-Loup est là, évidemment, il est à son siège, il fait son travail consciencieusement. Je disais donc pour vous, M. le Président, qui êtes théoriquement neutre, et pour les gens de ma formation politique ce que d'autres en face auraient dû entendre, puisque c'est eux qui nous ont conduits aux situations où nous nous trouvons. Mais nous allons en sortir.

Et je vais terminer mon intervention par ces propos d'un espoir fondé. Je crois profondément que l'économie du Québec, depuis longtemps, performe en dessous de son potentiel. Une des explications, non pas la seule, mais une de ces explications qui pèsent lourd dans la balance, c'est les mauvais rapports économiques et politiques liés au mauvais fonctionnement du fédéralisme canadien, on l'a dit à plusieurs reprises, cette querelle interminable qui dure depuis au moins Maurice Le Noblet Duplessis, et même avant, où tous ceux qui ont siégé dans cette Chambre ont passé une partie très importante de leur temps à se quereller avec le gouvernement du Canada.

Un de ceux qui l'ont le plus illustré dans leur carrière politique, c'est feu Robert Bourassa, qui a siégé ici, à ce fauteuil, comme premier ministre pendant une très longue période, eu égard à la durée des mandats dans l'histoire contemporaine. Robert Bourassa, il a passé l'essentiel de son dernier mandat sinon la totalité, au fond, à part de combattre une maladie qui l'a affecté, aux questions constitutionnelles: Meech plus, Meech moins, Charlottetown, les rebuffades. Il est rentré ici complètement atterré, dans cette Chambre, un jour où il a laissé tomber la fameuse phrase: Le Québec, société distincte pour toujours, une société libre de ses choix. C'étaient des paroles admirables, et nous allons maintenant, nous, mettre en pratique la dernière partie, «libre de ses choix», et nous allons continuer le combat pour que les Québécois choisissent.

Mais, pendant tout ce temps-là, ça a coûté très cher. Il y a eu des problèmes de mauvais fonctionnement économique liés au fait que, même s'il était de bonne foi – en présumant qu'il l'était – le gouvernement du Québec épuisait des énergies invraisemblables à régler cette fameuse question du Québec, qui ne l'est pas encore.

(16 h 50)

Mais, si on met à part ça, parce qu'il faut mettre ça à part – on ne va pas s'en sortir encore pendant quelques années, de la fédération canadienne – il y a quand même des éléments qui nous permettent de fonder un espoir extraordinaire, et je vais en mentionner un qui n'est pas compliqué, comme certains prétendent: c'est celui des investissements étrangers, d'abord pour démystifier des choses qui sont colportées, que le Québec aurait 9 % des investissements étrangers au Canada. Mais, ça, ce n'est pas exact. Ce sont des chiffres d'Investissement Canada sur les investissements de portefeuille, c'est-à-dire les prises de contrôle. Alors, en ce qui me concerne, moi, ça me rassure de voir qu'il y a moins de prises de contrôle des industries du Québec par des étrangers qu'il y en a en Ontario.

Je me réexplique là-dessus, parce qu'il y en a plusieurs qui ont essayé de faire un bout de chemin en disant: Le Québec n'a que 9 % des investissements. Bien oui, mais, si le Québec avait 100 % de ces investissements, qu'est-ce que ça voudrait dire? Ça voudrait dire que le Québec serait une colonie. Ça voudrait dire que Bombardier ne serait plus contrôlé à Montréal, ou Quebecor. Bombardier ne serait plus contrôlé, décisions finales, à partir du boulevard René-Lévesque à Montréal. Ça veut dire que quelqu'un aurait acheté Bombardier, puis il y aurait quelqu'un en face pour se réjouir parce que ça fait monter le total des investissements étrangers au Québec. Ce n'est pas de ça qu'on parle.

L'Ontario, c'est une force extraordinaire qu'on admire des fois, qu'on peut envier même, dans le bon sens du terme, à certains moments. Mais c'est quoi, l'Ontario? C'est Ford, GM, Chrysler. C'est un immense investissement français de 1 000 000 000 $ qui a acheté Connaught Laboratories d'un seul coup, le groupe Mérieux, de France. Est-ce que c'est ça qu'on veut pour le Québec? Est-ce qu'on veut que 100 % ou presque du coeur économique de notre patrie soit possédé par des étrangers? Nous voulons avoir ici une économie équilibrée: des investissements étrangers, oui, des multinationales, des transnationales, mais surtout des investissements directs étrangers, ce que, dans le vocabulaire de l'OCDE, on appelle des IDE, investissements directs étrangers, pas des investissements de portefeuille qui sont des investissements indirects.

Je donne un exemple. On a eu, pendant qu'on était au pouvoir, du temps de M. René Lévesque, un investissement direct étranger, le plus important de l'histoire du Québec: Pechiney-Ugine-Kuhlmann, une aluminerie française qui investit dans le parc industriel de Bécancour, à partir de la rase campagne, 1 000 000 000 $ et fait naître une aluminerie extraordinaire qui fonctionne toujours, qui a pris de l'expansion depuis. Ça, c'est un investissement direct étranger. Bien, à ce chapitre, M. le Président, et c'est là-dessus que je fonde mon espoir principal de la transformation de l'économie du Québec qui est en cours, on est rendu, pour cette année – il reste à peu près 30 jours dans l'année – à 2 500 000 000 $, alors deux fois et demie mille millions qui sont venus de l'étranger, d'Allemagne, de France, d'Espagne, pour s'investir dans notre économie. C'est six fois plus que quand l'actuel chef de l'opposition était premier ministre pour la dernière année complète, c'est-à-dire 1994, où ils ont fait six fois moins.

Ce qui dénote deux choses, c'est qu'il y a certains de nos amis d'en face qui auraient intérêt à regarder l'économie du Québec pour ce qu'elle est. C'est vraiment très irritant et très préoccupant qu'un député du Parti libéral du Québec ait moins confiance en l'économie du Québec qu'un investisseur qui a pris sa décision à Düsseldorf, ou à Paris, ou à Londres, ou à San Francisco. Ouvrons-nous les yeux; regardons les choses en face. Quand certains libéraux se lèvent pour décrire Montréal comme un cauchemar économique, qu'ils nous expliquent pourquoi des Allemands vont mettre 150 000 000 $ à ville de Laval, ou des Français vont en faire autant dans l'ouest de Montréal ou dans l'est. La plupart des investissements qu'on a eus, dans les 2 500 000 000 $ que j'ai mentionnés, sont dans les secteurs de la haute technologie: pharmacie, aéronautique, domaines connexes, ce qui fait, et c'est une autre façon d'asseoir l'espoir... Le seul député libéral qu'il reste dans cette Chambre au moment où je parle est de la région de Montréal. Il ne le sait peut-être pas, mais je vais lui annoncer que, dans la région de Montréal, plus qu'à Boston, plus qu'à San Francisco, plus qu'à Los Angeles, les emplois de haute technologie par tête d'habitant sont la marque déterminante de la grande agglomération montréalaise.

Je vais le répéter, M. le Président, il y en a qui admirent Boston. Moi-même, j'admire Boston: cinq ou six grandes universités majeures et des dizaines de mineures, puis des centaines de collèges tous plus admirables les uns que les autres. Il y a moins d'emplois de haute technologie par 1 000 postes de travail occupés à Boston qu'à Montréal. Montréal dépasse New York. Montréal dépasse Los Angeles. Montréal dépasse Dallas, Texas. Est-ce qu'il y a un député libéral qui pourrait se lever à un moment donné pour dire ça tout simplement, arrêter les jérémiades, arrêter de présenter l'apocalypse pour ce qu'elle n'est pas, apocalypse non seulement «now», mais «here»?

Il y en a qui me disaient, l'an dernier, quelques jours avant Noël, que la rue Sainte-Catherine Ouest était devenue un désert et que les boutiques étaient désertes. Je ne le sais pas, je n'y suis pas allé. Mais je sais que j'ai dû me battre pour entrer aux galeries de Saint-Bruno, par exemple. Il faut faire attention, là, quand on parle du déclin de Montréal. Il y a une réorganisation profonde à faire dans l'île de Montréal, je n'en disconviens pas, mais il y a plusieurs de mes anciens électeurs et électrices de Laval qui avaient été élevés sur la rue Papineau puis sur la rue Parthenais, et puis il y a plusieurs de mes électeurs d'aujourd'hui dans Verchères qui ont vu le jour dans Hochelaga-Maisonneuve. Il faut prendre tout ça en compte.

Je n'essaie pas de vous dire, M. le Président, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais j'essaie de vous dire que la motion qui est devant nous et présentée par l'opposition officielle est une motion défaitiste, apocalyptique, basée sur de fausses réalités et que, si l'opposition officielle – je sais que leur rôle est ingrat – veut s'occuper vraiment de ses affaires, qu'elle critique vigoureusement le gouvernement, bien sûr, qu'elle nous sorte des chiffres implacables concernant notre gestion, bien sûr, mais qu'elle ne tire pas dans le dos de l'économie du Québec, par ailleurs, qu'elle ne crée pas un problème ou n'aggrave pas un problème qui est déjà existant en triturant la réalité pour la rendre pire qu'elle ne l'est.

Nous sommes dans une passe difficile sur le plan des finances publiques comme sur le plan économique. La nouvelle économie qui monte, celle dont je viens de parler – à Montréal, les emplois de haute technologie – n'a pas encore réussi à remplacer l'ancienne économie. Nous sommes dans une période transitoire, mais, avec le genre de gestion dont le Québec est aujourd'hui doté, avec la marche vers le déficit zéro et des finances publiques saines, avec une gestion difficile pour quelques années encore, mais nécessaire, de notre économie et de notre État, nous allons, avant qu'il ne soit longtemps, récolter les fruits de nos efforts, ce qui était absolument impossible dans la gestion et le style de ceux qui nous ont précédés, puisque, plutôt que de prendre conscience du problème et d'agir rigoureusement, ils laissaient aller les choses et les aggravaient. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le vice-premier ministre, ministre des Finances et député de Verchères. Je donne maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. C'est une démonstration claire que le vice-premier ministre et ministre des Finances ne veut rien savoir des faits. Juste pour répéter, là – parce qu'il ne veut pas discuter de ce qui se passe à Montréal – il y a eu perte de 250 jobs à Cyanamid; Burroughs Wellcome: 600 jobs; Hitachi: 300 jobs; Précision: 200 jobs; Volkswagen: 500 jobs; International Paints: 150 jobs. Je sais que le ministre ne veut rien savoir des faits, mais il doit nous écouter. Il doit nous écouter, pas comme il l'a fait la semaine passée, quand il a quitté la salle pendant le débat. J'espère qu'aujourd'hui il va rester pour nous écouter.

Quand je parle avec mes commettants et que je leur demande: Comment décrivez-vous ce gouvernement?, ils utilisent des mots comme «double langage», «deux poids deux mesures», «discours contradictoire», «la main gauche ignore ce que la main droite veut faire». Et ils savent que les gestes ne reflètent pas les propos. Je trouve ça déplorable que le ministre des Finances ait quitté la salle pendant ce débat.

M. le Président, j'ai entendu aussi les mots de mes commettants quand ils parlent de ce gouvernement: incompétence, le pire gouvernement possible. Et un bon exemple est qu'il blâme tout le monde, les autres. Actuellement, le ministre des Finances a blâmé la météo pour le taux de chômage. C'est assez drôle, sauf pour les personnes qui sont en chômage.

(17 heures)

Effectivement, M. le Président, depuis l'élection de ce gouvernement, nous avons eu une avalanche de taxes: nous avons eu une augmentation de coût du permis de conduire de 2 $; nous avons eu le transfert de taxes municipales; le transfert de taxes scolaires – et c'est le même contribuable qui paie; nous avons eu une augmentation du coût de l'immatriculation des véhicules; nous avons eu une augmentation de taxes sur les chambres d'hôtel; nous eu avons aussi le nouveau forfait touristique de 10 000 000 $. Mais ils n'ont pas eu assez de courage pour dire que c'était une nouvelle taxe, ils ont appelé ça «abolition des mesures de détaxation». Voyons donc, M. le Président! Ils doivent avoir le courage de dire que c'est encore une autre taxe. Il y a une taxe sur la solidarité, 250 000 000 $; une taxe de la masse salariale, 1 %; il y a une augmentation des tarifs d'Hydro-Québec. Et n'oubliez pas, M. le Président, qu'il y a les coûts d'assurance-médicaments. Encore là, ils ont utilisé les mots «prime», «franchise», «copaiement», tout le temps en coupant les services. Je suis heureux que la ministre de l'Éducation soit ici aujourd'hui. Peut-être qu'elle peut défendre le comportement de ce gouvernement avec toutes les coupures dans l'éducation. Il y aussi l'abolition des crédits d'impôt.

Avec ça, M. le Président, je peux continuer avec les autres choses, mais je voudrais juste dire au gouvernement – parce que le ministre des Finances n'est pas ici – qu'il doit arrêter d'augmenter les taxes. Il doit actuellement commencer à relancer l'économie québécoise. Mais la seule place où nous avons une création d'emplois, c'est au ministère du Revenu, avec l'embauche de 1 000 percepteurs et enquêteurs, parce qu'ils sont en train de dire que tous les Québécois et Québécoises sont des fraudeurs. Le ministre du Revenu a dit qu'il va cibler 12 secteurs: agriculture, automobile, construction, les crédits et déductions, les loisirs, les arts et les sports, placements, ressources naturelles, restauration, hébergement, les services d'installation, d'entretien et réparation, les services personnels, les services professionnels, les transports. Avec ça, il dit que tout le monde, ce sont des fraudeurs. Il dit que nous ne sommes pas honnêtes. Voyons donc, M. le Président! Je pense qu'il doit s'asseoir avec l'opposition et tous les interlocuteurs dans le secteur économique et qu'il doit commencer à recréer l'économie et la confiance.

La population a perdu la confiance dans ce gouvernement; pas en elle-même, en ce gouvernement. Il y a Alain Dubuc qui a écrit que, avant de faire cette lutte sans merci contre l'évasion fiscale, il doit faire beaucoup d'autres choses. Il doit augmenter le niveau de vie, il doit rééquilibrer le fardeau fiscal, il doit arrêter de décourager l'investissement, il doit déréglementer et il doit aussi dépenser l'argent public d'une façon plus juste et plus équitable.

Moi, dans mon comté, ils ne veulent pas attendre que le gouvernement ait caché 19 000 000 000 $ pour son option, ils ne veulent pas savoir que, d'abord et avant tout, c'est l'option sur la séparation qui est la chose la plus importante, particulièrement en même temps qu'il est en train de fermer nos hôpitaux et que, dans nos écoles, nous n'avons pas assez d'argent pour les livres.

Mais, M. le Président, il ne peut pas continuer de blâmer les autres. Il doit accepter, après plus de deux ans, sa propre responsabilité. C'est un gouvernement effectivement de double langage. Il n'y a aucune personne au Québec qui a confiance dans la parole de ce gouvernement, maintenant. Il y a trop d'exemples, il y a un exemple après l'autre qu'ils ont dit une chose, mais ils ont fait exactement l'autre chose.

Nous avons parlé de recherche et développement, d'encourager la haute technologie, mais, avec 10 000 contribuables qui ont utilisé les règles fournies par le gouvernement, il est en train de recotiser rétroactivement ces personnes. C'est inacceptable, M. le Président. Il y a des dossiers précis.

Nous avons, cette semaine, entendu que, effectivement, au ministère du Revenu, avec sa façon de redresser l'économie, ils ont envoyé 52 000 lettres aux restaurateurs et aux propriétaires d'hôtels, 52 000 lettres afin de chercher chaque serveur et serveuse, ce qu'ils ont réclamé en pourboires l'année passée, en 1995. Il menace aussi de faire un pourboire obligatoire de 12 %. Comment va-t-il recréer l'économie? Dans les restaurants, nous sommes déjà la capitale des faillites au Canada. Cinquante pour cent des faillites dans les restaurants sont ici, au Québec.

Avec ça, M. le Président, s'il vous plaît, et j'espère que les députés... Il n'y en a pas beaucoup qui sont restés, mais j'espère que les députés qui sont ici vont nous écouter et vont s'assurer que leur gouvernement fasse un virage et commence à faire des choses plus positives pour l'économie québécoise.

M. le Président, comme je l'ai mentionné déjà, les seules places où nous avons de la création d'emplois, c'est au ministère du Revenu, parce qu'ils ont commencé une lutte contre le marché noir sans merci. Ils ont ciblé presque tous les secteurs de notre société. Ils ont «bulldozé», ils ont bâillonné l'opposition au mois de juin passé avec le projet de loi n° 32 parce qu'ils veulent avoir le pouvoir de comparer toute l'information sur chaque citoyen.

Un bon exemple, selon moi, c'est que maintenant il est en train de chercher pour l'année passée tout le niveau de pourboire chez les serveurs et serveuses. Mais il ne sait pas ce qu'il va faire avec toute cette information. J'ai appris, par un document déposé par le ministre du Revenu, selon ma compréhension, que, si vous gagnez, si vous êtes assez chanceux de gagner à Loto-Québec, on va vérifier vos dossiers. Le fait que vous ayez gagné quelque chose, il veut avoir l'information sur tous les gagnants, les fichiers des gagnants, et il va faire la comparaison avec les autres fichiers. Merci beaucoup, M. le Président. J'espère que, quand les gagnants accepteront leur prix, ils vont être au courant qu'effectivement le fisc va vérifier dans tous les autres dossiers.

M. le Président, ce n'est pas une façon de relancer l'économie, ce n'est pas une façon d'encourager le monde à travailler. En éducation particulièrement, parce que la ministre de l'Éducation est ici, elle coupe dans le secteur public, et, dans mes écoles, chaque semaine j'ai eu des appels: On n'a pas assez d'argent. Elle coupe dans le secteur privé, elle menace de couper dans le privé. Nos universités, ça fait mal, et notre cégep, et c'est un sujet qui me tiens à coeur... Je suis heureux que la ministre de l'Éducation m'écoute, parce que j'ai reçu une convocation pour une conférence de presse lundi, et, quand elle annoncera le cégep français de l'ouest de l'île de Montréal, que nous avons déjà annoncé il y a plusieurs années passées, j'espère qu'elle va avoir de l'argent déjà approuvé en main, qu'elle va avoir le site choisi et qu'elle va avoir un échéancier précis. Sans ça, M. le Président, ça va être un autre exemple de double langage de ce gouvernement, parce que c'est déjà un projet tellement en retard, plus que deux ans en retard à cause de ce gouvernement.

Il y a une autre chose inquiétante aujourd'hui, et il y a un exemple après l'autre. Ils annoncent une agence de sang. Sans entrer dans un débat de fond sur ça, dans les recommandations cachées, il me semble qu'ils vont mettre fin à la gratuité pour les produits du sang. Ça peut faire mal aux personnes qui ont besoin de ces produits, parce qu'il y a plusieurs patients, des malades, et ça coûte... Si on continue les règles du nouveau programme d'assurance-médicaments de 20 % de participation, ça peut coûter 20 000 $ à ces personnes impliquées. C'est horrible comme geste, M. le Président, c'est horrible! On doit s'assurer que ce n'est pas effectivement ça que le gouvernement est en train de faire.

Mr. Speaker, this Government is becoming the laughing stock of the rest of the country because it doesn't do what is needed. In fact, in The Financial Post , there was even a joke written. Let me just quote it. It was Lewis Miller, a writer for the Canadian Taxpayers Federation. He talked about a new bond to get money for this Government, a new bond named after the person near and dear to the sovereignty movement. He talked about a Lucien Bouchard bond: no principal. He talked about the Mario Dumont bond: no maturity. He talked about the Parizeau bond, committed to minorities' rights bonds: no face value. He talked about the Montréal economic renewal bond: no interest. And finally the Supreme Court of Canada bond: occasional interest paid at the insurer's discretion.

Mr. Speaker, this is an example. The Minister may want to deny the facts, but it's clear – if he doesn't want to believe us, he should read journals like Les Affaires : «Québec est trop gourmand. Les Québecois paient plus de taxes que tous les autres Canadiens. L'écart avec l'Ontario se creuse. L'impôt sur le revenu des Québécois atteint parfois le double de celui des Américains des États voisins.»

M. le Président, c'est les chiffres. Ils sont clairs. Ce n'est pas juste l'opposition. Il est clair que nous sommes trop taxés. Nous avons un gouvernement incompétent qui, avec une main, dit une chose et, avec l'autre main, fait exactement le contraire. Il est en train de nous donner une avalanche de taxes, il est en train de couper tous les services essentiels pour nous en éducation et en santé. Et j'espère qu'il va y avoir au moins quelques députés d'arrière-ban, du côté ministériel, qui vont avoir le courage de se lever avec nous, de voter pour cette motion – et je vois un certain niveau d'intérêt chez les collègues dans ce coin-ci – de voter avec l'opposition et de censurer ce gouvernement sur son incapacité de relancer l'économie, son incapacité de créer l'emploi et son double langage devant la population québécoise. Merci beaucoup, M. le Président.

(17 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Je cède maintenant la parole à la ministre de l'Éducation et députée de Taillon. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. D'abord, je vais profiter du début de mon intervention pour remercier le vice-premier ministre et ministre des Finances et de l'Économie pour les propos qu'il a tenus à mon endroit, évidemment, soulignant en fait un certain nombre des exigences qui étaient liées au dossier que j'assume comme ministre de l'Éducation. Et je le remercie d'avoir pris la peine de mentionner ce fait que le premier ministre, effectivement, avait souhaité que le dossier de l'éducation soit considéré de façon prioritaire par l'ensemble de son gouvernement et que, dans les faits, il allait procéder pour que ce soit le cas.

Et, en ce sens-là, je trouve un peu étonnant, quand je lis la motion, M. le Président, qui est devant nous et où on mentionne que le premier ministre... On blâme le premier ministre pour son double langage parce qu'on dit qu'il affirmait que son gouvernement serait celui de l'éducation. Or, c'est absolument l'inverse qui se passe, si on regarde tous les gestes qui se sont posés à l'égard du dossier du domaine de l'éducation au Québec, non seulement depuis l'arrivée du premier ministre actuel, mais dans l'année et demie qui a précédé son arrivée.

Et j'en ai pour preuve, M. le Président, d'abord le travail gigantesque qui a été accompli par la Commission des états généraux nommée par le député de Lévis, à ce moment-là ministre de l'Éducation, qui a permis une réflexion absolument remarquable et, j'allais dire, exemplaire en ce qui concerne le monde de l'éducation au Québec, tant ses problèmes, ses projets que, éventuellement, les changements à proposer pour que nous corrigions le tir là où il y a matière à le faire. Et le premier ministre actuel a insisté pour que les travaux de cette Commission des états généraux aient le suivi le plus rapide possible, et je pense qu'on peut le constater tous et toutes ensemble, M. le Président.

Et c'est dans ce sens-là qu'il n'y a pas de double langage de la part du premier ministre. Immédiatement après son arrivée, nous avons resserré le mandat des états généraux pour qu'un certain nombre de constats nous soient présentés par cette Commission, pas des recommandations au sens strict où l'ont interprété certains ex-collègues, entre autres, de cette Assemblée, dont M. Ryan qui disait qu'on avait changé le mandat de la Commission à tort parce qu'on lui a demandé des recommandations. Ce n'était pas le sens des changements apportés au mandat. C'était que la Commission nous identifie des champs prioritaires d'action. Et je crois en cela qu'elle a su répondre, que les commissaires et cette Commission ont su répondre aux attentes exprimées par le mandat. Donc, immédiatement, nous avons resserré ce mandat pour qu'il y ait, je dirais, une trace très concrète du travail fait par la Commission, au-delà évidemment des échanges, des consensus qui s'étaient établis, mais aussi d'un outil de travail qui pourrait nous permettre par la suite d'intervenir d'une façon plus cohérente à l'égard des priorités en matière d'éducation. Alors, immédiatement, nous avons procédé à ce nouvel élément confié à la Commission et qui allait faire partie de son mandat.

Et, d'autre part, lorsque la Commission des états généraux a déposé son rapport – on se souviendra, c'était le 10 octobre – non seulement le gouvernement n'a pas traîné, mais 10 jours, 14 jours plus tard, le 24 octobre, je rendais public ce que nous retenions des propositions de la Commission ou, du moins des champs prioritaires d'action identifiés par la Commission. Je rendais public, donc, ce que nous retenions en mettant de côté, à ce moment-ci, un certain nombre de débats et de dossiers sur lesquels nous reviendrons éventuellement, mais qui ne me paraissaient pas toucher au coeur même de ce qu'est la mission éducative que nous avons à assumer au Québec. Qu'on pense aux structures confessionnelles ou qu'on pense à cette question du débat sur l'enseignement privé, je n'ai pas souhaité que l'on s'engage dans des débats sur ces questions-là. Nous les reprendrons éventuellement.

J'ai plutôt centré le projet de réforme sur la réussite, sur ce qu'on doit faire quand on est à l'école: apprendre, apprendre à être, apprendre à connaître, s'instruire, se développer, devenir une personne qui acquiert et les connaissances et les compétences lui permettant soit d'exercer une profession ou d'exercer un métier qui va lui permettre de se réaliser personnellement, mais de devenir un citoyen autonome dans une société exigeante et qui le sera de plus en plus, entre autres à l'égard des connaissances. J'ai donc centré tout le projet sur la question de la réussite, du rehaussement de nos taux de diplomation, comme d'ailleurs l'identifiait la Commission des états généraux. Et j'ai reçu, en cela, non seulement l'appui du premier ministre, mais je vous dirais même qu'il a souhaité que cette intervention soit la plus rapide possible pour qu'immédiatement la population québécoise sache où nous allions en éducation.

Et, quand on ramène sans arrêt la question de l'éducation aux questions essentiellement budgétaires, sans pour autant regarder comment un dossier aussi majeur peut être traité très prioritairement, tout en demandant à l'ensemble des intervenants, à l'ensemble des partenaires dans le monde de l'éducation, oui, un effort de rationalisation, comme on le demande au secteur de la santé, comme on le demande à l'ensemble des ministères que nous avons au gouvernement ou à l'ensemble des missions que nous assumons comme gouvernement... Et c'est normal, M. le Président, parce que nous nous sommes donné un objectif de réduction du déficit, non seulement de réduction, mais d'élimination du déficit selon une certaine période, et que, pour ce faire, tous et toutes doivent être mis à contribution.

Mais cela ne veut pas dire pour autant que nous accorderons moins d'importance à l'éducation. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne procéderons pas à des changements en profondeur en matière d'éducation, que nous ne procéderons pas à une réforme significative en matière d'éducation. C'est là qu'on doit reconnaître s'il y a ou non priorité de la part du gouvernement, et pas seulement en regardant si on demande des efforts budgétaires au budget de l'éducation. Ça va de soi qu'on va en demander au budget de l'éducation. On essaie de le faire le plus intelligemment possible, le plus pertinemment possible, justement en allant vers des rationalisations qui peuvent avoir un effet sur la réussite éducative.

Puis j'en donne un exemple – et je suis persuadée que le député de Verdun va être d'accord avec nous à cet égard: j'ai procédé, il y a quelques jours à peine, à une annonce publique en ce qui a trait à tout le dossier universitaire, autant du côté de l'aide financière aux étudiants et aux étudiantes, autant du côté des exigences nouvelles ou du nouveau contrat que nous voulions passer entre les universités et le gouvernement, et l'État, ses représentants, autant en ce qui a trait aussi aux exigences de réussite pour ceux et celles qui sont étudiants au niveau du cégep ou de l'université. Et nous avons évalué qu'effectivement si nous ne touchions pas aux frais de scolarité, ce qui a été fait, ça ne voulait pas dire que nous n'avions pas des exigences à l'égard des étudiants et des étudiantes et que, ces exigences, elles porteraient sur des aspects académiques, sur la réussite plutôt que sur l'effort financier. Et, en ce sens-là, ce qu'on leur demande, dans le fond, c'est de réussir leurs études selon un certain temps qui est imparti pour le faire et que, s'ils devaient multiplier les échecs, ils devraient, pour reprendre certains cours, avoir à débourser un coût, qui sera tenu en compte dans le régime de prêts et bourses d'ailleurs pour ne pas pénaliser justement ceux qui ont de faibles ressources.

(17 h 20)

Mais, comme vous pouvez le constater, M. le Président, tout en faisant des efforts budgétaires, ce que l'on a fait, on a orienté l'action ou l'incitatif du côté de la réussite. Et c'est ça, accorder la priorité à l'éducation. Et c'est ça. intervenir en rationalisant, oui, en demandant des efforts, oui, mais dans une perspective où nous n'entachons pas la mission fondamentale de l'éducation, qui est de former, de diplômer et de former à un niveau de qualité plus élevé que celui que nous avons maintenant. Nous devons y travailler collectivement.

Je vais revenir, M. le Président, à cet égard-là, sur les éléments majeurs de la réforme pour en aborder un en particulier. Mais avant cela il n'est peut-être pas inutile non plus de rappeler qu'au Québec, par rapport à ce qui se passe ailleurs autour de nous, que ce soit en Ontario, que ce soit aux États-Unis, la portion de notre richesse collective que nous consacrons à l'éducation est 1,5 % au-dessus de ce qui se fait en Ontario et de 1 % au-dessus de ce qui se fait aux États-Unis, c'est-à-dire que collectivement, finalement, nous consacrons une plus grande partie de notre richesse collective, je le répète, à l'éducation que ce que l'on ne fait ailleurs, dans une province semblable à la nôtre ou dans un État comme celui qui est au sud de chez nous que sont les États-Unis. Alors, dans ce sens-là, il y a sûrement matière à une certaine rationalisation. C'est ce que nous tentons de faire, mais, je le répète, en conservant au coeur de nos préoccupations l'essentiel de la mission éducative.

Alors, en quoi consiste-t-elle, cette fameuse réforme qui signifie justement, beaucoup plus que tout autre geste que nous pourrions poser, M. le Président, que nous accordons priorité à l'éducation? D'abord, sept champs prioritaires d'action. D'une part, une intervention éducative dès la petite enfance. Je pense qu'il ne faut pas avoir lu beaucoup de documents à cet égard, qu'il ne faut pas avoir consulté beaucoup de recherches sur ces questions pour savoir que, si nous pouvons intervenir rapidement au moment où l'enfant risque de prendre des retards, à trois ans, à quatre ans, à cinq ans, nous prenons la chance de corriger des situations de retard qui risquent de s'amplifier lorsque le jeune entre à l'école, que ce soit au primaire, que ce soit au secondaire, créant ou amenant chez l'enfant une série d'échecs à répétition, qu'il s'agisse des redoublements que l'on constate et qui nous coûtent des sommes absolument trop importantes, finalement, ou qu'il s'agisse du décrochage que l'on connaît à 13, 14, 15 ans, qui est un véritable fléau que nous ne devrions jamais accepter dans une société comme la nôtre.

Alors donc, une politique à la petite enfance qui va offrir des services éducatifs dès l'âge de quatre ans à demi-temps, bien sûr, et à cinq ans à plein temps. Offrir, je dis bien, puisque tout cela sera sur une base volontaire. C'est important parce que, actuellement, on semble comprendre que ces services seraient obligatoires. Ils ne le sont déjà pas, ils ne le seront pas plus demain matin. Mais nous croyons que leur intérêt, qui est déjà constaté pour ceux et celles qui fréquentent la maternelle demi-temps à cinq ans à 98 %, devrait se maintenir dans les années qui viennent. Donc, une politique à l'égard de la petite enfance.

Là encore, M. le Président, nous avons fait preuve d'imagination et de capacité de revoir les ressources que nous allouons à la famille pour concentrer une certaine partie de ces ressources auprès de la petite enfance, ce qui est probablement le geste le plus structurant que nous pouvions poser pour aider et soutenir la famille. D'autres parties, d'ailleurs, de la politique familiale que le premier ministre a annoncée au sommet concernent les congés parentaux, concernent l'allocation unifiée à l'enfant, peu importe que cet enfant vive dans une famille à faibles revenus ou qu'il vive dans une famille bénéficiaire d'aide sociale, par exemple, éliminant ainsi les discriminations qu'il pouvait y avoir dans le traitement des enfants.

Nous avons fait preuve d'imagination en proposant de transformer certaines allocations, certains crédits d'impôt, certaines déductions pour les orienter vers un service offert à l'ensemble de la population des jeunes enfants de zéro à cinq ans, peu importent d'ailleurs les ressources que l'on aura, peu importe qu'on soit une famille avec revenus moyens, ou une famille à très bas revenus, ou une famille à hauts revenus. Il y aura une équité parfaite à cet égard.

C'est une façon, M. le Président, de faire autrement avec des ressources que nous avons sans augmenter les coûts pour l'État – à court terme, du moins – puisque, effectivement, on a des objectifs de court terme qui sont très exigeants. À moyen et à long terme, oui, il est prévu que cette nouvelle intervention à l'égard de la petite enfance génère un certain coût, mais, dans le temps, qui est prévu plutôt d'ici quatre ou cinq ans, ce qui fait que nous pouvons implanter progressivement ces mesures à coûts nuls, mais à bénéfices très élevés pour les familles. C'est une mesure qui nous amène à mettre notre imagination au pouvoir, à rationaliser les ressources.

Le deuxième champ – parce que vous m'indiquez que mon temps file et file trop rapidement, M. le Président – d'orientation est la question de la priorité, évidemment, donnée à l'enseignement des matières essentielles, c'est-à-dire qu'il faut revenir, tant au primaire qu'au secondaire, aux matières de base: évidemment la connaissance et l'apprentissage de la langue et son écriture, des mathématiques, mais aussi des arts, de la science. Revenir à ce qui est fondamental et essentiel pour que nos enfants sortent de l'école en sachant lire, en sachant écrire, en sachant compter, en étant capables de résoudre des problèmes complexes, de vivre dans des situations difficiles et de trouver des solutions à celles-ci, M. le Président. Donc, un certain ménage à faire dans les matières enseignées. Je ne reviendrai pas sur la question de l'histoire; je pense qu'il y a non seulement consensus mais unanimité. Il faut apprendre notre histoire, mais il faut apprendre l'histoire universelle aussi, et c'est vrai autant au niveau primaire qu'au niveau secondaire. Il y aura un effort considérable de fait à cet égard.

Un troisième champ d'intervention et une troisième orientation prioritaire, c'est la notion d'un rôle plus grand à l'établissement, l'école, l'école primaire, l'école secondaire, le cégep, que ces institutions puissent avoir une autonomie plus grande pour que l'équipe-école, l'équipe qui forme les jeunes, l'équipe qui offre les services ait plus de responsabilités et puisse accomplir sa fonction, puisse assumer sa responsabilité de formation en ayant des outils mieux adaptés au contexte du XXIe siècle dans lequel nous nous engagerons bientôt.

Le quatrième champ d'intervention – et c'est à celui-là, M. le Président, que je voudrais consacrer un peu plus de temps – c'est la question de l'augmentation du nombre de jeunes en formation professionnelle et technique. Et là j'aimerais bien qu'on se rappelle où nous étions il y a quelques années, lorsque nos amis d'en face, qui sont maintenant l'opposition, formaient le gouvernement et qu'on est descendu en deçà de tout ce qui était décent à l'égard de la formation professionnelle au Québec, alors qu'on est passé à des taux de diplomation, en 1992-1993, en 1993-1994, en 1994-1995, de l'ordre de 4 000 jeunes en formation professionnelle. L'une des façons d'être efficace en matière économique et quant au lien entre la formation et l'emploi, c'est, entre autres, toute la question de la formation professionnelle et de la formation technique. On a laissé descendre en dessous de seuils complètement inacceptables le nombre de jeunes inscrits et qu'on diplôme au niveau de la formation professionnelle.

Des efforts vigoureux ont été faits, dès notre arrivée au pouvoir, à cet égard-là, M. le Président, entre autres par le ministre qui m'a précédé à cette fonction, le député de Lévis, et qui nous permettent maintenant de constater que nous atteignons des seuils de l'ordre de 20 000 jeunes dans les filières de formation professionnelle, autant au niveau des études de formation professionnelle que des attestations de spécialité professionnelle. Donc, nous avons nettement rehaussé le nombre de jeunes qui sont formés à ce niveau.

Non seulement nous avons fait cela, M. le Président, mais nous avons adopté une nouvelle stratégie, qui était sur une base exploratoire, mais qui sera confirmée maintenant par les grandes orientations en matière d'éducation et qui permettra à des jeunes d'utiliser des façons autres, différentes de se former et qui sont tout autant efficaces et même plus dans certains cas, compte tenu des caractéristiques de certains jeunes et des caractéristiques de certaines régions socioéconomiques.

(17 h 30)

Qu'on pense à l'alternance travail-études, qu'on pense aux stages en milieu de travail et qu'on pense à cette nouvelle stratégie que nous avons discutée, sur laquelle nous nous sommes entendus avec les partenaires tant du milieu des affaires que du milieu des travailleurs et des travailleuses, soit le régime d'apprentissage qui va permettre à un jeune d'aller, en apprenant son métier, acquérir des connaissances et des compétences que nous allons reconnaître et pour lesquelles il obtiendra un diplôme tout en ayant la formation de base utile en français, en sciences, en mathématiques, de telle sorte qu'il puisse, éventuellement, occuper immédiatement un métier lorsqu'il sortira de cette formation, donc occuper un emploi sur le marché du travail ou éventuellement continuer dans la voie technique, au niveau du cégep et, pourquoi pas, au niveau de l'université. Et ça, c'est un travail d'intégration qui sera pris en compte en ces matières sous le chapitre de la grande orientation confirmée en matière de formation professionnelle.

M. le Président, je n'aborde pas les autres champs d'intervention: une stratégie particulière pour l'école montréalaise, la consolidation et la rationalisation de l'enseignement supérieur, une véritable politique de formation continue, puisque vous me dites que le temps qui m'est imparti est malheureusement écoulé.

Mais ce que je viens de vous décrire, M. le Président, c'est ça, le sens d'une priorité à l'éducation. D'abord, tracer des grands objectifs, prendre les moyens pour les atteindre, associer ceux et celles qui sont les artisans dans nos différents milieux, que ce soit chez les enseignants, que ce soit chez les administrateurs scolaires, que ce soit chez les professeurs dans nos universités, que ce soit chez les gens d'affaires que l'on va mettre à contribution aussi pour toutes les filières de formation professionnelle et technique, c'est cela, M. le Président, accorder priorité à l'éducation, le faire de façon pertinente, le faire de façon, je dirais, intelligente, en étant bien sûr conscients que nous vivons dans un monde de contraintes et que c'est à l'intérieur de ces contraintes que nous sommes cependant capables d'atteindre des objectifs. D'ailleurs, c'est là qu'on mesure vraiment les résultats, je dirais, de gens qui sont capables de tenir compte de la réalité tout en gardant des idéaux, des objectifs à atteindre et surtout en réussissant. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Éducation et députée de Taillon. Je cède maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. C'est malheureux que le député moralisateur de Frontenac, grand surveillant de la présence de tous ses collègues en cette Chambre, ne soit pas présent parmi nous, malheureusement. Bien, M. le Président, je suis conscient qu'on ne peut pas...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Rivière-du-Loup, je tiens à vous faire remarquer que maintenant vous ne pouvez pas être considéré comme étant un jeune député, étant donné que vous avez été élu en même temps que moi – donc, tous les deux, nous avons vieilli ensemble dans cette Assemblée – et que je considère que vous connaissez autant que moi notre règlement. D'ailleurs, vous nous avez bien mentionné des points de règlement cet après-midi. Alors, vous savez très bien que vous n'avez point le droit de mentionner qu'un député est absent en cette Chambre.

Probablement que le député de Frontenac est actuellement en commission parlementaire. Alors, je vous demanderais de ne point stipuler qu'un ministre ou un député est absent en cette Chambre. Il a sûrement d'autres obligations qui le contraignent à travailler à l'extérieur de l'Assemblée nationale. Alors, M. le député de Rivière-du-Loup, s'il vous plaît.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Loin de moi l'idée de mentionner qu'un député est absent de cette Chambre, mais, à ce que je sache, par contre, notre règlement nous permet ou n'interdit pas au moins de dire qu'un parti est absent de la Chambre. Alors, on peut le dire, je pense, le Parti libéral, durant la plus longue partie des débats, tout à l'heure, durant l'intervention de la ministre de l'Éducation, était absent de la Chambre. Et je ne pense pas que le règlement stipule...

D'autant plus que ça devient un argument sur la motion, et j'entre dans mon argumentation sur la cohérence, l'intérêt réel d'un parti pour les questions économiques, la cohérence d'un parti. Je vais appuyer la motion, je vais voter en faveur parce que, moi, je la prends comme un cri du coeur de la part d'un député de l'opposition officielle, du Parti libéral, un cri du coeur qui supplie le gouvernement: Ne faites pas ce qu'on a fait! C'est comme ça que je reçois la motion. Je la lis: «...blâme le gouvernement pour la gestion médiocre de l'emploi et de l'économie...», l'imposition de nouvelles taxes. Dieu sait que je suis un de ceux qui sont contre l'imposition de nouvelles taxes, qui pensent qu'au contraire on devrait laisser un peu de lest, un peu d'oxygène à nos concitoyens pour qu'ils recommencent à dépenser, à faire marcher l'économie. Mais quand je lis une motion qui vient d'un député de l'opposition officielle, un député libéral, qui va dans ce sens-là, moi, j'entends un cri du coeur qui supplie à genoux le gouvernement: Arrêtez de faire... ne poursuivez pas le gâchis qu'on a mis en marche. Alors, c'est comme ça que, moi, je le prends.

Il faut regarder, par contre, de quelle façon l'opposition officielle réagirait si elle était encore aujourd'hui au gouvernement. Moi, je suis un de ceux qui croient que, pour la relance de l'économie, il va falloir miser sur le secteur privé, sur une véritable déréglementation. On dit: Oui, le secteur public ne pourra plus faire vivre l'économie, ce n'est pas dans le secteur public que vont se créer les emplois. Mais on ne peut pas en même temps couper, par la force des choses, à cause des restrictions budgétaires, dans le secteur public et étouffer dans les nouvelles réglementations, toutes sortes de comités et des commissions à n'en plus finir, puis, dans les paperasses, étouffer le secteur privé, parce qu'on étouffe la totalité de l'économie si on étouffe le secteur public et le secteur privé.

Pourtant, quand est venu le temps d'adopter des nouvelles réglementations, de créer la loi, là, la loi des 1 000 comités – dont l'objectif est noble – sur l'équité salariale, mais qui est une approche bureaucratique, la multiplication des comités dans toutes les entreprises, d'une commission provinciale qui va superviser tout ça, une affaire épouvantable de fixation par l'État des salaires, une espèce de loi socialisante, bien, chez l'opposition libérale, M. le Président – vous étiez en cette Chambre – on se tapait dans les mains. Ils s'applaudissaient d'appuyer le gouvernement dans ses efforts pour restreindre les possibilités de développement de l'emploi dans le secteur privé. Ils demandent au gouvernement: Arrêtez de continuer dans le sillon où, nous, on a calé le Québec. Je suis d'accord avec ça, il faut qu'on change de sillon. Il faut qu'on mise sur l'entreprise privée.

On a vu, ces derniers jours, des reportages qui nous montraient à quel point c'est plus facile de créer de l'emploi au Nouveau-Brunswick. Je suis député à Rivière-du-Loup; à 55 minutes de chez nous, une heure, Edmunston. Les gens trouvent que les taux de CSST sont plus avantageux, le contexte est plus intéressant pour développer des emplois. C'est des gens d'affaires qui nous le disent. Ce n'est pas normal. Ça prend quatre mois, là-bas, entre le dépôt d'un plan d'affaires puis la création des emplois; au Québec, ça prend un an. Il y a un travail considérable à faire. Il faut changer notre recette. Il faut arrêter la vieille recette qui est de grossir le gouvernement, d'inventer des structures, d'augmenter les taxes pour financer tout ça. Les augmentations de taxes sortent l'argent des poches du contribuable, et le contribuable ne peut plus dépenser. Le commerçant qui perd ses clients ou dont les clients n'ont plus les moyens de dépenser, il fait quoi? Il met du monde à pied.

On crée de la pauvreté, et c'est la priorité qu'il faut se donner, à l'économie, et que j'espère que le gouvernement, au cours des prochains mois, va se donner, et qu'il va répondre à cet appel de l'opposition officielle de ne plus gérer, de ne plus administrer l'économie d'une façon désastreuse comme les libéraux l'ont fait dans les dernières années de leur mandat, et particulièrement sous la gestion du présent chef de l'opposition officielle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Je donne maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec intérêt l'intervention de la ministre de l'Éducation, et, pour le bien-être du député de Rivière-du-Loup, je rappellerai que je suis toujours membre du Parti libéral.

J'ai écouté avec intérêt l'intervention de la ministre de l'Éducation, et son discours est à l'exemple même de ce qu'on essaie de dénoncer, et je vais vous expliquer pourquoi. Ce que nous dénonçons dans la motion qui est devant nous, c'est le double langage, c'est-à-dire à la fois un discours stimulant et une réalité financière qui ne suit pas le discours stimulant. La ministre de l'Éducation commence à nous parler de projets, de réussite éducative, à quel point on doit miser sur l'étudiant, à quel point il est important de s'assurer que les personnes qui traversent notre système d'éducation soient diplômées, réussissent mieux, que c'est la garantie de succès pour le XXIe siècle, et elle oublie, avec toute la déférence que je lui dois, que ça prend des professeurs pour faire cela, que ça prend un encadrement, que ça prend des budgets pour payer ces professeurs, que ça prend des chargés de cours, que ça prend des correcteurs, que ça prend du matériel, qu'actuellement tous ses budgets sont compressés d'une manière extrêmement dramatique et que tout le discours magnifique – ha, ha, ha! – de réussite scolaire est remis en cause par les choix budgétaires de ce gouvernement, et c'est ça que nous dénonçons.

M. le Président, il est important de rappeler que, lorsque nous étions au gouvernement, le gouvernement de l'actuel député de Vaudreuil a toujours, dans ses budgets, augmenté les budgets qui étaient consacrés à l'éducation parce que, pour lui, c'était une priorité, une priorité qui n'était pas seulement incarnée dans le discours, mais qui s'incarnait aussi dans la réalité budgétaire.

(17 h 40)

Alors, traversons ensemble, si vous me permettez, quelle est la situation. L'année dernière – et je vais prendre l'exemple des cégeps – le budget des cégeps a été comprimé de 70 000 000 $. Vous direz: Il n'y a rien là. Les annonces pour cette année: coupures supplémentaires de 100 000 000 $. Alors, il faut bien comprendre, ceux qui m'écoutent et qui connaissent la réalité des cégeps, c'est qu'il y a une partie du budget dans un cégep qui est incompressible – à moins que le gouvernement ne soit prêt aussi à rouvrir ses conventions collectives – qui est la part des salaires et des ratios professeur-étudiants. Alors, c'est sur le reste du budget qu'on doit faire les compressions. Le reste du budget, ça veut dire quoi? C'est ce qui touche les bâtiments. C'est ce qui touche l'encadrement. C'est ce qui touche le matériel scolaire à la disposition des étudiants. C'est ce qui fait qu'un enseignement va être un enseignement de qualité ou va être un enseignement où on suivra simplement le programme.

Alors, la réalité, c'est que cette compression appréhendée de 100 000 000 $ supplémentaires, ça représente pour l'ensemble de tous les cégeps 50 % du budget qui est consacré pour ce type de fonctions. C'est absolument dramatique, et je me permets de dire à la ministre qui m'écoute avec intérêt que le discours de la réussite scolaire, le discours de la diplomation ne peut pas aller de pair avec un discours de compressions sur tout ce qui fait le soutien académique ou la qualité académique de l'enseignement à l'intérieur de nos cégeps. Et on ne peut pas avoir ces deux discours-là. On ne peut pas faire croire au monde que c'est strictement toujours des fameuses dépenses d'administration puis qu'il y a toujours la possibilité de couper sur les pauvres administrateurs. Il n'y en a plus là-dedans, c'est déjà tout absorbé, etc. On a déjà tout absorbé là-dedans. On est rendu réellement à débattre de la qualité de l'éducation.

Si vous me permettez – je pense qu'elle doit le savoir, parce que les cris d'alarme que je reçois sont les cris d'alarme qu'elle reçoit – je veux lui dire qu'il y a des cégeps en région qui pensent réellement au danger même de leur survie. Je vais vous donner... Moi, j'en ai eu quatre qui... Il y a le cégep de Matane, le cégep de Baie-Comeau, Sept-Îles, le cégep à Thetford-Mines aussi qui sont, à cause de ces compressions budgétaires et de la réalité qu'ils sont en train de vivre, dans un danger de devoir mettre purement et simplement la clé sur la porte. Et je crois que les représentations qui sont faites auprès de moi sont les mêmes représentations qui sont faites auprès d'elle. Donc, le danger... C'est ça que nous dénonçons ici, de ce côté-ci, un double langage, c'est-à-dire une possibilité de dire: Oui, bon, on a un discours sur la réussite éducative. Mais en même temps on ne soutient pas ce qui est absolument fondamental, qui est le soutien au matériel nécessaire à assumer une qualité de l'enseignement.

M. le Président, la situation est au moins aussi dramatique dans les universités. Je dis bien: au moins aussi dramatique dans les universités. En 1996-1997, le budget des universités a dû subir une compression de 102 000 000 $. Ça va? On se prépare à leur assener une nouvelle compression de 140 000 000 $ supplémentaires. Et, parce que le financement est lié aux variations de clientèle étudiante et qu'il y a une baisse de clientèle étudiante, il y aura une compression supplémentaire de 5 % dans les budgets.

La réalité, M. le Président – et je vous invite à visiter nos universités du Québec, comme je suis sur les différentes fédérations étudiantes, et la Conférence des recteurs invite la ministre à visiter les universités – la situation, c'est qu'on ne peut plus maintenir l'ensemble de nos cours dans nos universités, on ne peut plus maintenir l'ensemble de nos programmes. Il y a actuellement une qualité de ce qu'on avait construit lentement, d'un réseau universitaire qui est en train de disparaître. On ne supprime pas de gaieté de coeur 150, 200 professeurs dans une institution universitaire, comme on l'a fait récemment à l'Université de Montréal, sans que, du jour au lendemain, la qualité d'un enseignement s'en ressente. Voyons donc, c'est évident, M. le Président.

Alors, ce n'est pas tout d'avoir un discours sur la réussite éducative. Ce n'est pas tout de dire: Il faut justement faire en sorte que nos jeunes soient mieux et plus diplômés et qu'en même temps, de l'autre côté, bien, on supprime les professeurs, on supprime les correcteurs, on supprime les chargés de cours, et on diminue et on dit: Bien, on va aller du mieux qu'on peut là-dedans. Il y a un double langage actuellement de la part de ce gouvernement.

Je voudrais, M. le Président, donner encore un autre exemple du double langage de la part du gouvernement. Il y avait une mesure, dans ce qu'on a appelé l'aide financière aux étudiants, qui incitait à la diplomation et qui disait: Si vous réussissez à terminer vos études dans les délais prescrits, une partie de vos prêts étudiants, de vos dettes, va être effacée. Autrement dit, c'était un stimulus, une incitation pour faire en sorte que les jeunes étudiants réussissent dans les délais prescrits, c'est-à-dire travaillent, réussissent leurs cours. C'était une stimulation à la réussite. Dans les mesures que la ministre a annoncées, elle n'en a pas parlé, justement d'ailleurs. C'est un peu étonnant, elle l'a supprimée. Elle l'a supprimée non pas parce qu'elle considérait que ce n'était pas une mesure qui était valable, mais parce que... Si vous me permettez, je peux répondre encore. Vous avez supprimé les mesures qui incitaient, qui permettaient aux étudiants de pouvoir avoir un remboursement, c'est-à-dire qu'on disait: Une partie de vos dettes va être effacée si vous finissez vos études dans les délais prescrits.

Je comprends les compressions qu'elle a de la part du Conseil du trésor, de devoir être ici et de devoir couper, mais qu'on ne nous dise pas qu'on est en faveur et qu'on est conscient de la réussite éducative. Qu'on ne nous dise pas que la réussite éducative est une priorité pour ce gouvernement et qu'en même temps, cette mesure incitative qui incitait les étudiants à finir leurs études dans les délais prescrits, on est en train de la supprimer. C'est ça, le double langage que nous dénonçons à l'heure actuelle à l'intérieur de la motion.

Vous me signalez, M. le Président, que mon temps... Non? Merci. J'ai encore un peu de temps, je vous en remercie. Il est important de bien comprendre qu'on ne peut pas, à l'intérieur d'une politique, à la fois vouloir mettre la priorité sur l'éducation, dans des questions supérieures, universitaires, cégépiennes, et en même temps faire ce que j'appellerais ces coupes sauvages qui, et je suis sûr que la ministre de l'Éducation en est consciente, vont hypothéquer la qualité de la formation de nos jeunes étudiants pour les années à venir. Et c'est ça que nous dénonçons: ne pas être en mesure de miser sur la matière grise, ne pas percevoir les dépenses en éducation comme un investissement sur le futur. C'est un investissement sur le futur, les dépenses en éducation. Et constamment, année après année, en arriver à les comprimer, les réduire, les ramener, c'est purement et simplement détruire ce qui va être la force de notre société dans les années subséquentes.

M. le Président, je ne toucherai pas les autres questions qui sont dans la motion. J'ai voulu me contenter réellement d'aborder ces questions qui touchent le financement du réseau postsecondaire, c'est-à-dire des réseaux des cégeps et des universités. La même pratique du double langage se trouve bien sûr dans la santé, dans les questions d'économie, au niveau de l'éducation primaire et secondaire. Ce que nous dénonçons ici, c'est à la fois un discours qui, à première vue, semblerait éminemment attrayant et l'absence de ressources, tant professorales que d'encadrement, pour soutenir ce discours.

(17 h 50)

Dans les mesures annoncées par la ministre, on essaie, à un moment, de penser qu'il y a des solutions miracles. Il n'y a pas de solution miracle. La qualité de l'enseignement ne peut pas se faire sans un minimum d'investissements dans le réseau, que ce soit le réseau des cégeps ou le réseau des universités. On ne peut pas prétendre qu'on maintient le même type d'enseignement universitaire lorsqu'on supprime plus de 15 % des professeurs d'une institution; ce n'est pas possible, et vous le comprenez tout à fait facilement.

On a, avec beaucoup d'efforts, comme société, été en mesure, en 30 ans, 35 ans, depuis le début des années soixante jusqu'à aujourd'hui, de se doter d'un réseau de collèges de qualité, d'interactions avec le milieu, on a été en mesure de se doter d'universités qui, dans certains cas, sont capables de rivaliser avec les meilleures universités au monde. Et, pour des raisons malheureuses, on est en train, purement et simplement, de les mettre en grande difficulté. Et je suis sûr, quand je regarde chacun des parlementaires ici, les ministériels, qui, j'espère qu'ils en sont conscients, qu'ils sont conscients actuellement du risque qu'ils font courir à l'investissement collectif qu'on a fait pendant plus de 35 ans.

Alors, M. le Président, la motion de censure que l'on vous a présentée ici a essentiellement pour but de dire à ce gouvernement: Nous ne pouvons pas, nous, comme opposition, ne pas vous rappeler que les choix budgétaires que vous faites ne correspondent pas à votre discours, que votre discours ne peut pas aller avec vos choix budgétaires. C'est ça qu'on essaie de dire, et cessons de cacher la réalité, cessons de cacher la vérité. Vous êtes en train de tuer et l'enseignement collégial et l'enseignement universitaire. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je pense qu'à ce moment-ci il y aurait consentement pour qu'on puisse procéder au débat de fin de séance. Je vous demanderais peut-être de suspendre quelques instants afin de permettre aux gens de pouvoir prendre place.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement actuellement pour suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, non. Écoutez, il faut suspendre le débat en cours d'abord. Est-ce qu'on suspend le débat en cours? Il y a consentement de part et d'autre?

M. Gautrin: Il y a consentement.


Débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors nous allons suspendre le débat en cours jusqu'à 20 heures ce soir, mais, entre-temps, nous allons procéder au débat de fin de séance. Parce que, à ce que je sache, tant que nous n'arrivons pas à l'heure fixée pour la suspension de nos travaux, nous sommes toujours sur la motion. Alors, merci, M. le député de Verdun, de nous donner ce consentement. Donc...

M. Trudel: Question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Question de directive? Oui, M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, on comprend qu'il y aurait donc la tenue de ce débat de fin de séance, mais je dois indiquer que, normalement, donc, on commence à 18 heures le débat de fin de séance, et, si la porte-parole de l'opposition...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je regrette, M. le ministre des Affaires municipales, habituellement on commence à 22 heures. Oui, parce que les débats de fin de séance se font à la fin de la séance, et la séance, le mardi et le jeudi, se termine à 22 heures. Donc, normalement votre débat de fin de séance devrait se tenir à 22 heures ce soir.

Alors, concernant le débat de fin de séance, les règles du jeu sont les suivantes – que vous connaissez très bien d'ailleurs – l'opposition a cinq minutes, la réplique ministérielle est de cinq minutes, et l'opposition conclura avec un deux minutes additionnel.


Rapport d'enquête sur la municipalité de Saint-Lin

Alors, à ce stade-ci, pour les députés et pour les citoyens et citoyennes qui nous écoutent, le débat de fin de séance est tenu par la députée de Jean-Talon et par le ministre des Affaires municipales, et le sujet, c'est l'éventuelle mise en tutelle de la municipalité de Saint-Lin. Alors, Mme la députée de Jean-Talon.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Lorsque j'ai questionné le ministre, hier, sur la demande qu'a faite le maire de Saint-Lin en ce qui a trait à la mise en tutelle de sa municipalité, le ministre a répondu en cette Chambre que de mettre en tutelle une municipalité, c'était effectivement une décision qui était fort sérieuse et qu'il fallait évidemment voir les tenants et aboutissants avant de prendre cette décision-là. J'en conviens. Je pense que c'est effectivement une décision très sérieuse et je souhaite évidemment que le ministre prenne tout le temps qu'il faut.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais rappeler à mes collègues dans cette Chambre que la Commission municipale a enquêté dans cette municipalité. Elle est retournée jusqu'en 1981. Le rapport a été déposé en août 1995, pas la semaine dernière, là, en août 1995. Le prédécesseur du ministre des Affaires municipales en a pris connaissance, et on se rappellera que c'était le député de Joliette. M. le ministre des Affaires municipales, qui est en poste depuis la fin janvier 1996, a pris connaissance de ce dossier, a eu amplement le temps de se faire une tête et de prendre les décisions, et la seule qui s'impose actuellement à Saint-Lin est celle de mettre cette municipalité-là en tutelle.

J'aimerais vous rappeler, M. le Président, que le maire a été élu il y a un an, qu'il n'avait rien à voir avec l'enquête qui s'est menée par la Commission municipale dans cette municipalité-là. Si la Commission municipale a tenu à retourner jusqu'en 1981, c'est parce qu'il y avait des choses pas correctes qui se passaient là. Le rapport n'a pas été rendu public pour des raisons d'ordre juridique, j'en conviens. Mais le rapport, il est au ministère des Affaires municipales, sur le bureau du ministre. Le ministre doit maintenant prendre une décision.

Il a pris une décision du même genre dans le cas de la municipalité de Sainte-Angèle-de-Mérici. Et j'aimerais citer ce qui est écrit dans le communiqué de presse pour justifier cette décision-là concernant Sainte-Angèle-de-Mérici, et je le cite au texte: «Il était dans l'intérêt de la population de Sainte-Angèle-de-Mérici qu'une action soit entreprise de façon à ce que le conseil municipal exerce ses fonctions normalement et que le climat de désordre et de confrontation qui prévalait cesse dans les meilleurs délais.»

Le ministre des Affaires municipales a reçu deux lettres du maire de Saint-Lin, une première datée du 18 septembre 1996 et une deuxième datée de cette semaine, du 26 novembre, l'enjoignant, le suppliant de, s'il vous plaît, répondre à sa demande, puisqu'il lui est impossible de poursuivre sa tâche de maire. Je fais appel au bon souvenir du ministre, qui a déjà été conseiller municipal. Je peux à l'occasion, moi aussi, M. le Président, remettre le chapeau que j'ai porté pendant 10 ans. Et je n'aurais jamais été capable de tolérer ce qui se passe actuellement à Saint-Lin. Moi, je ne prends pas parti, ce n'est pas mon rôle de le faire, mais je sais très bien que, lorsqu'on est un élu, qu'on est un élu municipal, on est élu pour gérer. Les mêmes raisons qui ont justifié la mise en tutelle de Sainte-Angèle-de-Mérici, je pense que tous les éléments sont là pour que le ministre puisse prendre sa décision. Il a eu assez de temps pour réfléchir.

(18 heures)

Je répète, le rapport de la Commission municipale a été déposé en août 1995, le député de Joliette l'a vu. Est-ce qu'il a décidé qu'il ne pouvait pas aller plus loin? J'ai rappelé à cette Chambre que l'ancien maire, qui a été défait, était un candidat péquiste et qu'il a dû quitter cette fonction de candidat, lors de la dernière campagne électorale, à la demande même de M. Parizeau, justement à cause des allégations et de ce qui se passait dans cette municipalité-là. Alors, il y a eu une nouvelle convention, et c'est quelqu'un d'autre qui a été choisi comme candidat et élu dans le comté de Rousseau. Je ne sais plus trop comment faire appel au ministre des Affaires municipales pour qu'il puisse considérer très rapidement cette décision-là. Et, lorsqu'il – je termine là-dessus – m'a répondu hier qu'il était normal que les citoyens, le mardi matin suivant une séance du conseil, appellent au ministère pour se plaindre, je me serais attendue à une réponse beaucoup plus sérieuse de la part du ministre parce qu'il sait très bien de quoi je parle, il sait très bien que c'est le maire lui-même qui a dû intervenir publiquement par le biais des journaux, par le biais du Journal de Québec avant-hier, qui a fait part de ses états d'âme, de la situation d'enfer qu'il vit dans sa ville.

Nous, on sait comment c'est difficile comme élus d'essayer d'avoir à coeur... On a à coeur, évidemment, l'intérêt des citoyens, mais c'est très difficile de prendre des décisions, et on est élu pour les représenter. Moi, quand je parle, j'espère que je défends les citoyens et les citoyennes. C'est vrai que je représente le Parti libéral, mais je représente d'abord les citoyens et je ne représente pas nécessairement un parti politique quand je me lève ici et que je parle au nom des citoyens. Je pense que le ministre devrait faire la même chose et oublier la partisanerie politique dans ce dossier-là.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. M. le ministre des Affaires municipales et député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Comme député, donc, de Rouyn-Noranda–Témiscamingue et ministre des Affaires municipales, je pense qu'il faut donner certaines informations précises à la députée de Jean-Talon parce qu'il lui manque, d'évidence, un fait élémentaire mais crucial dans ce dossier de Saint-Lin qui fait en sorte que toute la perspective qui est dessinée par la députée de Jean-Talon, c'est complètement en dehors des possibilités juridiques du ministre des Affaires municipales.

Alors, il faut rappeler, donc, les dates, M. le Président, c'est bien important, et je me tourne du même coup du côté de mon leader parlementaire en disant que je vais être très prudent, puisque cette cause est encore en appel devant la Cour supérieure, et, à cet égard-là, je vais prendre les mots les plus prudents – ce que vous allez me rappeler probablement, compte tenu que c'est une cause qui est devant les tribunaux – avant de donner les précisions suivantes.

Alors, effectivement, suite à une demande – et on va aller rapidement là-dessus – qui a été faite le 29 novembre 1993 au ministre des Affaires municipales de l'époque, le député d'Argenteuil, M. Ryan, le 8 décembre 1993, le gouvernement du Québec adoptait un décret pour faire une enquête sur l'administration municipale de Saint-Lin. Allons rapidement et indiquons que l'enquête a duré un an. Elle a débuté le 8 mars 1994, 39 jours d'audiences, et ça s'est terminé le 10 mars 1995.

Suivant le processus de travail de la Commission municipale du Québec, on a fait parvenir dans les jours qui suivaient un projet de rapport, on l'a expédié à toutes les personnes susceptibles de blâme. Un avis y était annexé qui informait les personnes visées de leur droit de se faire entendre avant la finalisation du rapport, ce qu'une des personnes a effectivement fait, elle s'en est prévalu et a demandé à la cour d'intervenir pour en arriver à arrêter en quelque sorte la publication de ce rapport, et qui contestait la juridiction de la Commission municipale dans le cas de l'enquête qui avait été faite sur l'administration de Saint-Lin.

M. le Président, le 22 août 1996, il y a un jugement qui a été rendu par la Cour supérieure, et les conclusions du tribunal... Entre autres, il y a deux conclusions qui sont les suivantes. La cour déclare irrecevable, nulle et sans effet la lettre du 29 juin 1995 qui avait été produite sous la cote RS-4 et le projet de rapport qui l'accompagnait et interdit aux intimés – on le sait bien, le gouvernement du Québec, le ministre des Affaires municipales et la Commission municipale du Québec – de la rendre publique et – plus que cela, M. le Président, et là ça va répondre totalement à la question de la députée de Jean-Talon – interdit aux intimés, à la Commission municipale du Québec ainsi qu'aux enquêteurs, MM. Gaétan Cousineau et Jacques Fortier, de tenir aucune séance publique ou privée relative au sujet mentionné dans le décret de 1993 et adopté par le gouvernement et, finalement, M. le Président, enjoint au Procureur général du Québec agissant au nom du ministre des Affaires municipales, l'honorable Guy Chevrette, de ne pas tenir compte de quelque façon que ce soit du rapport déposé sous forme de projet par les commissaires, MM. Gaétan Cousineau et Jacques Fortier.

Pour aller toujours rapidement, donc, il y a un ordre de la cour de ne pas tenir compte de ce rapport. C'est comme si on n'avait pas le droit de reconnaître l'existence de ce document ou de ce projet de document qui a bel et bien existé. Nous avons l'interdiction de la cour. On conteste cette décision, M. le Président. Le 16 septembre, nous avons inscrit: Le Procureur général du Québec, estimant que le juge de première instance avait erré en fait et en droit d'une façon déterminante, nous avons – le Procureur général du Québec – déposé une requête en Cour supérieure le 16 septembre 1996. En fait, nous avons fait deux inscriptions en appel. Et on demande à la Cour d'appel d'accueillir ces mêmes appels, d'infirmer les jugements de première instance et de rejeter les requêtes en évocation. Je conclus, M. le Président. Ça, c'était le 16 septembre.

Le 18 septembre, l'actuel maire de Saint-Lin m'a écrit et a demandé l'assistance du ministère. Le délégué régional de Montréal, M. Lynch, et des gens du ministère se sont rendus à Saint-Lin, et on a constaté qu'ils avaient besoin d'assistance technique. Nous n'avons pas constaté de faits qui nous auraient amenés à placer la municipalité en tutelle. Le maire de Saint-Lin, rapidement, a à nouveau communiqué avec le bureau du premier ministre par lettre le 7 octobre. La lettre m'est parvenue le 25 septembre. Et, encore là, le maire nous indique qu'il a de la difficulté à gouverner suivant ses critères à lui, suivant la bonne gouverne qu'il veut faire de la municipalité, la municipalité de Saint-Lin. Il m'a fait parvenir par fax une lettre datée du 26 novembre, que j'ai reçue le 27 novembre au matin, et qui m'indique, considérant – selon le maire, M. Rousseau – qu'il y a des difficultés au niveau de la réglementation déficiente, qu'il y aurait une iniquité au niveau de la taxation, des situations dramatiques au niveau de l'environnement et un conseil minoritaire, il me demande de placer sa municipalité sous tutelle.

M. le Président, compte tenu des faits que je viens d'évoquer, de l'interdiction que j'ai de regarder les faits et le rapport de la Commission qui a été produit sur l'enquête qui a été décrétée par des ordres du gouvernement du Québec, eh bien, ma conclusion est la suivante. On m'a envoyé une lettre, et, comme toutes les plaintes qui sont déposées au ministère des Affaires municipales, nous allons faire en sorte de vérifier s'il s'agit là de plaintes fondées qui pourraient nous amener à demander à nouveau à la Commission municipale de faire enquête et, suivant les conclusions, de donner suite au rapport.

M. le Président, empêché juridiquement, je fais le travail d'assistance au niveau de la municipalité de Saint-Lin, qui se retrouve dans des situations, selon le maire, pas toujours très drôles. Et, par ailleurs, je vais donner suite immédiatement, comme on le fait à chaque fois, à la demande de M. le maire d'examiner, d'observer, de faire en sorte qu'on regarde les faits. Et, s'il y a lieu, nous demanderons, avec le résultat, une enquête de la Commission municipale du Québec. S'il y avait lieu, M. le Président. On n'est donc pas en processus de tutelle; on est en matière d'observation, d'examen des faits qui ont été évoqués par le maire, M. Rousseau. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle (réplique)

Mme Delisle: M. le Président, je comprends qu'il y a un cadre juridique, là, qu'on ne peut pas dépasser. Je comprends aussi qu'on ne peut pas être aveugle et bête. Alors, ce que le maire demande, c'est qu'on envoie immédiatement... qu'il y ait des gens qui puissent aller à la municipalité de Saint-Lin constater ce qui se passe. Je comprends qu'il y a un embargo sur ce qui est dans le rapport. Je comprends aussi que ça peut prendre des années avant qu'on puisse rendre ce projet de rapport là public. Mais ce que je comprends, M. le Président, c'est qu'il va falloir intervenir rapidement. C'est la démocratie municipale qui en dépend; c'est l'application des règlements. Ils ont des problèmes avec les taux de taxe qui ne sont pas appliqués de la même manière pour tout le monde. Ça, le maire ne l'invente pas, et ça date d'aujourd'hui, ça ne date pas d'avant 1993. Alors, est-ce qu'on pourrait, s'il vous plaît, à partir du moment où le rapport a été déposé, faire l'enquête, aller là puis enquêter sur ce qui se passe depuis la date butoir, si je peux m'exprimer, du projet de rapport?

Moi, je ne peux pas accepter, après mon passé municipal – et je pense que vous serez d'accord avec moi – on ne peut pas accepter qu'on bafoue comme ça les règles, qu'on bafoue comme ça la démocratie municipale et qu'on empêche les élus municipaux de faire leur job. S'il y a de la dissension au sein du conseil puis que c'est une dissension qui est normale, ça va; mais, si c'est une dissension qui est malsaine et que ça empêche la municipalité de se développer correctement par rapport à ses voisines et par rapport à l'ensemble des municipalités du Québec, bien, moi, je pense que le ministre des Affaires municipales porte une grosse responsabilité et qu'il ne peut plus piétiner dans ce dossier-là.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Ceci met fin à nos travaux. Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 10)

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires prioritaires


Reprise du débat sur la motion de censure

Alors, nous allons poursuivre le débat sur la motion de censure. Je serais prêt à entendre le prochain intervenant. M. le député de Marquette, je vous cède la parole.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole sur la motion de censure présentée par mon collègue le député des Îles-de-la-Madeleine et qui dit: Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste pour la dégradation des services publics, en particulier en éducation, lui qui affirmait que le gouvernement serait celui de l'éducation, et blâme le premier ministre pour son double langage à l'endroit des Québécois et des Québécoises.

On se rappelle que l'ancien premier ministre et ancien député de L'Assomption, M. Parizeau, dans son discours inaugural, indiquait que l'éducation allait être la priorité de ce gouvernement. Le même discours a été répété par l'actuel premier ministre, député de Jonquière, qui, lui aussi, disait que l'éducation serait la priorité des priorités de son gouvernement. Or, dès l'entrée en fonction de l'actuel premier ministre, des compressions budgétaires de l'ordre de 600 000 000 $ s'abattaient sur le monde de l'éducation.

Dans le discours sur le budget prononcé par le vice-premier ministre, il indiquait et il donnait avis que, pour l'année 1997-1998, les compressions seraient de la même ampleur. Ce qui circule dans le réseau de l'éducation, c'est que les compressions seront de l'ordre de 700 000 000 $. Et que disait le premier ministre à ce moment-là? Le premier ministre disait que seuls l'administration et le palier administratif seraient touchés par les compressions et que les citoyens, les Québécois et les Québécoises ne seraient pas touchés par ces compressions.

Même discours de la part de la ministre de l'Éducation, députée de Taillon, qui disait lors du dépôt des crédits, le 27 mars dernier, et je la cite au texte: «Les services académiques et pédagogiques directs aux élèves ne seront pas remis en cause», a déclaré la ministre. En commission parlementaire le 22 avril dernier, je l'interrogeais sur les mêmes crédits en éducation, et voici ce qu'elle me disait: Il n'y aura aucun effet négatif sur les élèves, sur les étudiants, des efforts budgétaires qui seront demandés. Or, on s'est vite rendu compte que le gouvernement, le premier ministre et la ministre de l'Éducation ne disaient pas la vérité. Dans le Journal de Québec du 6 juin 1996, partenaire privilégiée du gouvernement, la CEQ disait, et je cite: «Bouchard soumis au détecteur de mensonge». Le premier ministre...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, je présume que vous lisez votre texte au moins une fois avant de le lire ici. Donc, vous avez tout le temps de prévenir. Alors, à l'avenir je vous inviterais à faire attention.

M. Ouimet: Alors, M. le Président, je vais paraphraser: Le premier ministre soumis au détecteur de mensonge. Ça venait de Mme Lorraine Pagé, actuelle présidente de la CEQ. Mme Pagé disait qu'elle déplorait que les plus touchés – et je la cite – «sont les services aux enfants en difficulté de même que l'éducation aux adultes, plus particulièrement l'alphabétisation». M. le Président – et vous m'indiquerez si utiliser le nom d'un parti politique est antiparlementaire – dans le Journal de Québec du 19 novembre dernier, on disait ceci: «Le PQ ment. Le gouvernement du premier ministre ment à la population en affirmant que les coupes dans l'éducation ne touchent pas...

M. Bélanger: M. le Président...

M. Ouimet: ...la qualité de l'enseignement.»

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, on a laissé passer le parti politique, mais, à partir du moment où on parle du gouvernement, on sait qu'à ce moment-là ça fait référence à un groupe ministériel, donc à des parlementaires. On ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, donc on ne peut pas, à ce moment-là, lire un article qui tient ces propos.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Marquette, si vous voulez poursuivre en évitant les propos...

M. Ouimet: M. le Président, je m'en excuse auprès du leader, mais ce n'est pas de ma faute si les titres des journaux indiquent les mensonges. Maintenant, je ne sais pas si le leader va m'arrêter, mais cette fois-ci ce n'est plus de gouvernement, c'est Québec.

M. Bélanger: M. le Président.

M. Ouimet: Québec a menti...

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, M. le député de Marquette est mal parti dans son intervention, je crois. Il est mal inspiré, peut-être. Ce n'est évidemment pas notre faute ou de sa faute, ce qui est écrit dans les journaux, mais c'est certainement de sa faute, lui, ce qu'il dit ou ce qu'il rapporte, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, sur cette question-là, je vous demanderais d'être prudent, mais je devrai considérer plus attentivement, là... Je sais qu'on ne peut pas utiliser un article pour désigner le nom des personnes. Mais, pour ce qui est du contenu d'un article, je devrai y réfléchir davantage et j'interviendrai plus tard sur ça. M. le député.

M. Ouimet: Alors, M. le Président, je pense que l'ensemble des découpures de presse indique clairement que le gouvernement, le premier ministre, le parti ministériel induit la population du Québec en erreur, pour ne pas employer le terme qui est considéré antiparlementaire.

On disait également que les directeurs généraux des commissions scolaires ont décidé de rompre le silence et de dire tout haut ce que tout le monde sait. Dans plusieurs commissions scolaires, à la Commission scolaire de Chicoutimi, lorsqu'on parlait des services aux élèves, une des directrices générales adjointes disait ceci – ça a été publié dans Le Quotidien du 15 mai 1996 – «La directrice générale adjointe est catégorique: c'est clair qu'on touche aux services directs aux élèves.» Même son de cloche, M. le Président, dans la région de l'Estrie, à Sherbrooke, journal La Tribune , les directeurs généraux des commissions scolaires disaient: «Ce sont des services directs aux élèves qui sont ainsi affectés, et ce, à une époque où les enfants ont plus besoin que jamais d'encadrement et de soutien.» Même son de cloche de la part du Conseil permanent de la jeunesse. Dans le journal Le Soleil du 1er juin dernier, on disait ceci: «"Les coupures en éducation décrétées par Québec et appliquées par les commissions scolaires se font sur le dos des élèves et frappent de plein fouet surtout les jeunes en difficulté", accuse le Conseil permanent de la jeunesse.»

(20 h 10)

M. le Président, il est clair que, lorsque les règles budgétaires ont été déposées par le gouvernement, il est clair que, lorsque la ministre de l'Éducation et le premier ministre disaient que les citoyens et les citoyennes ne seraient pas touchés, que ça ne serait que le palier administratif qui serait touché, le gouvernement trompait la population, le gouvernement...

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Ah! M. le Président, je pense que le député de Marquette est vraiment en difficulté ce soir, a beaucoup de difficulté à formuler ses phrases correctement, sans faire de mots antiparlementaires. Quand on dit «tromper», M. le Président, je pense que vous aurez convenu avec moi qu'on ne peut utiliser ce mot, il est antiparlementaire.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, oui, effectivement, le mot «tromper» a été à maintes reprises déclaré non parlementaire par... Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à réviser un peu tout ce glossaire, si vous voulez, de termes, pour éviter de les employer.

M. Ouimet: M. le Président, il me sera permis à tout le moins de dire la vérité, que le gouvernement, le premier ministre et la ministre de l'Éducation induisaient volontairement la population en erreur.

M. Bélanger: M. le Président. Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, c'est assez évident, je crois, volontairement... C'est justement ça qui fait qu'un mot... Un mot qui laisse entendre implicitement que c'est volontaire, c'est inadmissible. Alors, vous, vous le faites explicitement, c'est encore pire. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à ne pas employer ces expressions.

M. Ouimet: Alors, il me sera permis de dire, M. le Président... Est-ce que je peux employer le terme «induire la population en erreur»? Question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, là. Il y a tellement d'expressions, c'est que notre discours ne correspond pas à nos actes, des choses comme ça, on peut constater. Mais induire en erreur, ça peut impliquer le fait qu'il y a un élément de conscience, qu'on le fait consciemment, alors ce n'est pas admissible. Vous pouvez constater qu'un discours ne correspond pas à des actes et vous pouvez le déplorer, mais vous ne pouvez pas intenter, à travers ça, des intentions malveillantes aux autres parlementaires. Alors, c'est toujours à la limite. Il y a certaines situations où c'est un peu à la limite. Mais je vous inviterais, s'il vous plaît, à éviter cela.

M. Ouimet: M. le Président, nous avions des paroles, nous avions des engagements de la part du premier ministre, de la ministre de l'Éducation, du gouvernement, ça ne s'est pas traduit au niveau des actes.

Une voix: Voilà!

M. Ouimet: M. le Président, la ministre de l'Éducation, lors d'une présence devant le congrès de la CEQ, devant les enseignants et les enseignantes, disait ceci, et ça a été rapporté dans Le Devoir : «Elle a rappelé qu'elle a clairement expédié le message aux administrateurs de tous les niveaux que les coupes doivent éviter d'écorcher les services éducatifs aux élèves et qu'elle veillera à ce que cette décision ou cette direction soit suivie.»

Comment pouvait-elle faire une telle affirmation, alors que, dans les mêmes règles budgétaires pour l'année 1996-1997, elle invitait les commissions scolaires à couper les services directs aux élèves? Elle signe un document, les Règles budgétaires, où, à la page 23, on indique clairement qu'on invite les commissions scolaires à couper dans les services directs aux élèves, dans l'allocation de base standardisée. Et puis, quelques semaines plus tard, elle dit aux mêmes enseignants et aux mêmes enseignantes: Écoutez, j'ai invité les commissions scolaires à éviter d'écorcher les élèves. Que doit-on penser de la parole de la ministre de l'Éducation, qui disait une chose mais qui avait fait autre chose antérieurement?

En commission parlementaire également, lorsque je la questionnais, elle indiquait que les commissions scolaires avaient toute marge de manoeuvre pour pouvoir décider où s'appliqueraient les compressions budgétaires, et elle disait ceci le 22 avril dernier: On établit – le gouvernement établit – l'enveloppe globale poste par poste, mais, après ça, ça devient une enveloppe globale. Évidemment, la commission scolaire assume ses responsabilités. Elle disait, plus loin: Mais il fixe item par item, sauf que ça ne présume pas, cela, du fait que la commission scolaire va nécessairement s'en tenir à cette règle qui a été établie. Donc, M. le Président, la ministre de l'Éducation reconnaissait que, dans les règles qu'elle avait signées, les commissions scolaires avaient toute la latitude de déterminer où s'appliqueraient les compressions budgétaires. Pourtant, lorsqu'elle était devant des milliers d'enseignants et d'enseignantes dans le cadre du congrès de la CEQ, elle tenait un autre discours. Je ne sais pas si elle tentait de faire plaisir aux enseignants ou aux enseignantes ou de leur dire: Écoutez, ce n'est pas de ma faute, c'est la faute des commissions scolaires, mais la vérité, c'est que la ministre de l'Éducation était au courant, parce qu'elle avait elle-même signé les règles budgétaires, qu'elle invitait les commissions scolaires à couper dans les services directs aux élèves.

Pourquoi les services aux élèves ont-ils été affectés gravement par les compressions budgétaires qui ont été décrétées par le gouvernement? Eh bien, c'est le premier ministre lui-même qui reconnaissait que sa ministre de l'Éducation avait procédé à des coupures aveugles, à des coupures paramétriques. Il a dit ceci lorsque je l'ai questionné, le 19 juin dernier, à l'Assemblée nationale: il nous annonçait, lui aussi, tout comme le vice-premier ministre, que les compressions budgétaires dans le monde de l'éducation ne sont pas terminées, il disait: «Je répète que ce n'est pas fini mais que nous ferons attention, dans le domaine de l'éducation en particulier, et que surtout nous devrons imaginer – écoutez bien ça, M. le Président – des solutions plus originales que les solutions paramétriques, et que nous sommes à la recherche présentement de solutions pour entreprendre une démarche qui soit un peu plus imaginative et peut-être un peu plus intelligente.» Alors, il reconnaissait lui-même que l'oeuvre de sa ministre de l'Éducation a été désastreuse, a été aveugle, manquait d'imagination.

M. le Président, ça a été dit à combien de reprises par de nombreux éditorialistes que la ministre de l'Éducation avait procédé sans boussole, avait procédé sans direction, avait appliqué des compressions budgétaires tout à fait aveugles. Mme Bissonnette, dans Le Devoir du 22 avril dernier, disait: «Ne cherchez pas de principes logiques dans ces compressions, il n'y en a pas.» M. Jean-Jacques Samson disait, dans Le Devoir , dans son éditorial: «Cherchez le plan de la ministre de l'Éducation.»

Alors, M. le Président, tout ça s'est traduit comment? Tout ça s'est traduit par une hausse de taxes scolaires de 77 000 000 $, alors que le gouvernement disait: Nous ne hausserons pas les taxes. Ça s'est traduit par un derby de démolition. Voici le titre dans Le Soleil : «Derby de démolition dans les services aux élèves». Ça s'est traduit par une réduction de 3 % du budget des activités éducatives. Dans Le Soleil , on disait: «Ce sont les cours en alphabétisation qui écoperont, surtout à des personnes handicapées.» On s'attaquait aux analphabètes et on s'attaquait aux personnes handicapées. Dans d'autres cas, fermeture d'écoles: «Assomption, c'est fini. La commission scolaire mettra la clé dans la porte à la fin du mois de juin.» Il y a eu des dizaines et des dizaines de fermetures d'écoles. Ça s'est traduit par des tarifs: «Frais de 300 $ pour dîner à l'école». Ça a été la même chose au niveau du transport scolaire.

(20 h 20)

Qu'a fait le gouvernement? Il a tenu un double discours à l'endroit de la population québécoise. Il lui a dit: Nous n'augmenterons pas les taxes et nous ne toucherons pas aux services aux élèves. Or, force nous est de constater, et la preuve est éloquente, M. le Président, que les taxes scolaires ont augmenté de plus de 77 000 000 $ et que les services aux élèves ont été durement frappés. Vous comprenez pourquoi nous déposons cette motion ce soir pour blâmer sévèrement le gouvernement quant à son double discours. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Rimouski. Mme la députée.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. Le député des Îles-de-la-Madeleine, d'après la motion qu'il présente aujourd'hui, soit qu'il est dans une ignorance totale de ce qui se passe réellement dans les centres de services sociaux et de la santé ou bien il n'a absolument pas compris les différents processus qui sont en cours, soit celui de la transformation du réseau et celui de l'assainissement des finances publiques. Et, compte tenu de l'ignorance ou de la méconnaissance du député des Îles-de-la-Madeleine, je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler ici que, suite à la commission Rochon, de larges consensus se sont dégagés au Québec afin de rentabiliser davantage les ressources investies dans le secteur, de donner au réseau des objectifs orientés sur la santé et le bien-être – ce qui a été fait d'ailleurs – et de moderniser le régime qui, après 20 ans de fonctionnement, mérite qu'on se penche dessus pour mieux l'évaluer et revoir son fonctionnement.

Nous avons également adopté un cadre législatif qui a permis de faire franchir au système une étape importante dans la gestion régionale des ressources grâce à la mise sur pied des régies régionales. D'ailleurs, celles-ci ont le mandat de mettre en oeuvre les priorités régionales, de voir à l'organisation des services et à la répartition des budgets des établissements et des organismes communautaires.

L'adoption d'une politique de la santé et du bien-être est venue fournir au régime la distinction entre l'obligation d'offrir certains services et la finalité même du système qui est la santé et le bien-être de toutes les Québécoises et de tous les Québécois quel que soit leur lieu de résidence au Québec. Une vingtaine d'objectifs de santé ont été également adoptés afin de réduire l'importance des problèmes qui affectent la santé et le bien-être de la population.

À la suite de ces changements et de l'adoption de ces objectifs de santé, une entreprise de transformation du réseau est en cours depuis 1994. Cette transformation, il est vrai, il faut le mentionner, s'effectue dans un contexte budgétaire difficile et dans la foulée de la volonté gouvernementale de réduire à zéro en quatre ans, c'est-à-dire d'ici l'an 2000, les déficits annuels accumulés au cours des années – et il est à remarquer que les déficits ont presque doublé durant la période où l'opposition officielle a occupé le siège gouvernemental – et, dans le cadre de la transformation du réseau, nous revoyons les manières de faire et d'intervenir. Ce que ça veut dire, c'est que nous questionnons la pertinence et l'efficience de l'utilisation actuelle des ressources allouées à la santé. Il faut se rappeler que c'est 13 000 000 000 $ de dépenses publiques, soit 31 % du budget québécois, qui est consacré à la santé et aux services sociaux, soit près du tiers du budget total du Québec. C'est également 10 % du produit intérieur brut, près de 10 % de la main-d'oeuvre totale du Québec et près de 60 % de la main-d'oeuvre professionnelle qui oeuvre au sein de ce réseau.

Pourquoi la transformation? Bien, je pense que c'est pour mieux protéger nos acquis sociaux, c'est pour mieux répondre aux besoins changeants de la population. Ça veut dire quoi, les besoins changeants de la population? Bien, le Québec connaît une évolution très rapide de sa population de personnes âgées. Vous savez, les 65 ans et plus ont doublé en nombre depuis 25 ans, et ceux de 85 ans et plus ont vu leur nombre tripler durant la même période. Non seulement notre population vieillit, mais nos personnes âgées vivent plus longtemps. Nous assistons présentement au renversement de la pyramide des âges. De 6 % en 1966, et si rien ne change, les personnes âgées représenteront, en 2031, 25 % de la population du Québec. Or, on le sait très bien, une personne âgée, au Québec, occasionne presque quatre fois plus de dépenses en soins et services de santé que la moyenne de la population. Donc, il faut tenir compte de l'évolution démographique et surtout revoir nos façons de faire, nos programmes et nos services pour répondre adéquatement et au meilleur coût possible aux nouveaux besoins de la population.

La transformation du réseau, c'est pour mieux répondre à l'émergence de nouveaux problèmes sociaux et de santé. Que l'on pense à l'itinérance, à la violence conjugale, au sida, à la toxicomanie, à la délinquance, et j'en passe. C'est aussi profiter de l'émergence de nouvelles technologies qui nous permettent de faire autrement, de le faire aussi à meilleur coût dans bien des cas. Par exemple, les nouvelles technologies médicales permettent, entre autres, la chirurgie d'un jour, donc des séjours à l'hôpital beaucoup moins longs. Des séjours moins longs, ça veut également dire un besoin en lits de courte durée moins important, et ce sont les coûts en séjour hospitalier qui en sont diminués d'autant. Les technologies nouvelles de l'information, quant à elles, nous permettent d'obtenir, à titre d'exemple, des diagnostics à distance. La carte à puce, expérimentée à Rimouski et à Saint-Fabien, dans mon comté, M. le Président, permet, entre autres, un meilleur suivi du dossier médical du patient. Que l'on pense à la télémédecine et à toutes ces nouvelles technologies de l'information qui nous permettent de faire la médecine de façon différente. Il y a également les nouvelles technologies médicamenteuses qui, quant à elles, conduisent à de plus en plus de traitements par médicaments.

La transformation, c'est mettre l'accent sur la prévention et la promotion de la santé. Vous savez, dans le domaine de la santé, le curatif joue un rôle, mais le préventif aussi. Ces deux aspects sont très importants et doivent être privilégiés et surveillés de très près dans le cheminement de nos pratiques.

M. le Président, la réorganisation du système s'impose pour le rendre plus adapté et faire en sorte que la population reçoive des services de meilleure qualité. Les changements apportés au réseau des services visent une plus grande efficience administrative. On va l'obtenir par la réduction du nombre d'établissements, la diminution des dépenses de soutien, et ce, au profit des services directs à la population. Dans le cadre des responsabilités et des pouvoirs qui sont dévolus aux régies régionales, celles-ci se sont dotées de plans de transformation adaptés à la situation de chaque région. Donc, plus de mur-à-mur. Ces plans permettent d'améliorer la complémentarité des ressources et la continuité des services à la clientèle.

Un des aspects fondamentaux de la transformation en cours dans notre réseau de services sociosanitaires est le remplacement de services en milieux institutionnels lourds et coûteux par des modalités beaucoup plus légères et près du milieu de vie. Ainsi, dans le domaine hospitalier, on raccourcit ou substitue l'hospitalisation par des services ambulatoires complémentaires donnés en consultation externe, soit en CLSC, soit dans le cabinet d'un médecin ou à domicile. Dans les faits, le virage ambulatoire implique le transfert des ressources humaines et financières vers la communauté, le développement de pratiques de groupes appuyées par des ressources de maintien accrues, le décloisonnement des pratiques professionnelles, l'accent sur le soutien psychosocial, la mise à profit, également, des nouvelles technologies. Les différentes transitions qu'implique le virage ambulatoire bouleversent les façons de donner les services, c'est vrai, les approches cliniques et les relations entre les patients et les professionnels de la santé.

Des enjeux de gestion sont également en cause dans le virage ambulatoire, et la pertinence des hospitalisations, les durées de séjour, les procédures d'examens et de traitements sont réexaminées, tout comme la surutilisation de certains soins et l'absence de certains autres. Dans le fond, tout est questionné, tout est remis en question.

Traditionnellement dans le réseau hospitalier, la norme était de quatre à cinq lits de courte durée par 1 000 habitants, et cette norme n'a cessé de diminuer à la faveur des progrès combinés de la médecine, de la technologie et de la pharmacologie. Des interventions chirurgicales nécessitant autrefois des séjours à l'hôpital de six à 10 jours peuvent maintenant se pratiquer sans passer une seule nuit ou une seule journée à l'hôpital. Ces séjours écourtés ou réduits à zéro représentent des centaines de milliers de journées d'hospitalisation qui justifient la diminution du nombre de lits hospitaliers, de loin la composante la plus coûteuse du système. Les sommes d'argent ainsi économisées sont réallouées dans les services de support et de maintien, donc réallouées aux CLSC, aux organismes communautaires qui offrent ou offriront ces services. À noter que la réduction des lits de courte durée n'a eu aucun impact négatif sur la situation dans les salles d'urgence ni sur les listes d'attente en chirurgie.

Selon l'Institut Simon Fraser de Vancouver, c'est encore au Québec qu'on attend le moins au Canada pour une chirurgie ou un traitement spécialisé. La consolidation des services de première ligne s'est traduite par un allongement des heures d'ouverture en CLSC. Maintenant, les CLSC ont en moyenne 60 heures d'ouverture par semaine dans leurs services. Et également, ça s'est traduit par l'ajout d'une ligne Info Santé qui offre des services 24 heures sur 24, sept jours par semaine, à travers tout le Québec pour la population qui a besoin de connaître et d'avoir des directives pour savoir où recevoir et comment recevoir les services adaptés à sa situation.

(20 h 30)

L'orientation privilégiée par les plans de transformation à l'égard des personnes âgées se traduit par l'accroissement significatif des ressources en soins et services à domicile. C'est 53 000 000 $ additionnels qui ont été injectés dans les CLSC au chapitre du maintien à domicile pour l'année 1996-1997, et ce, pour toutes les clientèles.

Spécifiquement, si on parle des personnes âgées, c'est un investissement total additionnel de 86 000 000 $ pour le maintien à domicile, dans le réseau des CLSC et les organismes communautaires, pour les années 1995-1996 à 1997-1998, qui a été également effectué. Parce que jugés prioritaires, les services en CLSC et ceux offerts par les organismes communautaires ont fait l'objet d'augmentations budgétaires sensibles malgré la baisse des crédits du secteur de la santé depuis 1994. C'est la même chose pour les services dévolus aux services de longue durée et à la réadaptation. Pour les organismes communautaires, l'enveloppe de leurs crédits a connu une augmentation de 26 400 000 $ entre 1995-1996 et 1996-1997.

De plus, les régies régionales sont à organiser le réseau pour offrir des services dans leur milieu de vie aux jeunes en difficulté d'adaptation, aux personnes handicapées, aux personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de maladie mentale. Les régies régionales ciblent la prévention des problèmes sociaux et de santé comme priorité d'action. De nouvelle ressources pour l'hébergement des personnes âgées en perte d'autonomie ont été aménagées. La phase I de l'opération 2 000 places, vous savez, qui a été lancée en avril 1995, est terminée. En juin 1996, c'est 791 lits qui ont été rehaussés; ça veut dire financièrement ajustés pour donner des services plus importants, permettant ainsi d'accueillir des personnes âgées habituellement en liste d'attente.

Les changements que je viens de décrire, M. le Président, ont eu des répercussions très importantes pour le personnel du réseau. La main-d'oeuvre et la rémunération des professionnels de la santé représentent 80 % du coût de fonctionnement des établissements. Malgré l'attrition naturelle, c'est 4 000 salariés équivalents temps complet et 1 000 cadres équivalents temps complet qui pourraient être en surplus dans le réseau en 1998.

Pour favoriser le départ d'un certain nombre d'employés et permettre le remplacement de personnes bénéficiant de la sécurité d'emploi, un programme de mesures incitatives au départ est en place depuis janvier 1996. Pour garantir l'adaptation et le recyclage de la main-d'oeuvre aux nouvelles affectations, des efforts considérables sont déployés à travers tout le réseau. Le succès de cette entreprise sur le plan des ressources humaines dépend de la volonté des personnes en cause de continuer à rechercher les meilleures façons de faire et d'accepter les changements inévitables dans les modes de pratique et dans l'organisation du travail que cette transformation requiert.

Il est encore trop tôt, M. le Président, pour faire le bilan complet de cette vaste opération. Cependant, permettez-moi de vous souligner qu'il est intéressant et réconfortant de voir que, grâce au suivi effectué, les changements prévus ont bel et bien été réalisés, que ces changements se passent fort bien et souvent mieux que ce que l'on avait espéré. Ainsi, l'attente en chirurgie est stable et la situation dans les salles d'urgence s'est améliorée de beaucoup.

Des initiatives ont été prises par certains établissements du réseau, telles la mise en place de procédures de préadmission, de planification des départs, la mise en place d'unités de médecine d'un jour, la gestion de la procédure d'entente entre les hôpitaux et les CLSC pour assurer des suivis adéquats des clientèles.

Vous savez, les problèmes inhérents à ce genre d'opération rencontrés en cours sont relativement peu nombreux, compte tenu de la complexité du réseau et de l'ampleur de la transformation: le transfert ou la réallocation des ressources financières vers les CLSC et les organismes communautaires s'effectue normalement, les mouvements de personnel ont été ou sont en voie de réalisation, l'intégration des ressources sur une base territoriale se poursuit.

C'est vrai, la mise en route de la transformation du système s'est accomplie dans un contexte nouveau. Le pari du gouvernement a été de jouer à fond la carte de la décentralisation en donnant la plus grande place aux décideurs régionaux rassemblés autour des régies régionales. Sans minimiser les difficultés vécues ni le choc que certaines décisions peuvent provoquer, la transformation du réseau de la santé et des services sociaux s'effectue bien, M. le Président.

En conclusion, le gouvernement actuel maintient un système public de santé et de services sociaux basé sur la solidarité et assure à tous les citoyens et les citoyennes un accès adéquat aux services médicalement et socialement requis par leur état de santé et de bien-être. Tout est fait pour éviter un système à deux vitesses; vous savez, un système pour les riches et un système pour les pauvres. Jamais! Le système de santé et de services sociaux doit offrir les services essentiels. Oui, c'est vrai, cependant, les services médicalement ou socialement non requis devront être remis en question. Pour assurer le maintien de l'accès aux services et pour maintenir la qualité des soins à l'intérieur d'une enveloppe budgétaire globale substantiellement réduite, nous devrons poursuivre l'effort de transformation du système. Pour ce faire, nous devrons dans l'avenir concevoir de nouvelles formules de partenariat novatrices entres les secteurs public, privé et communautaire. Nous devrons renouveler certains éléments de politique de la main-d'oeuvre et poursuivre la décentralisation.

Le système de santé et de services sociaux s'est résolument engagé dans un mouvement de transformation sans précédent qui questionne non seulement les structures, les ressources, mais aussi toute l'organisation des services et les pratiques qui soutiennent cette organisation. Cette transformation est la seule avenue possible pour conserver les principaux acquis de notre système, améliorer la qualité et l'efficience des services dispensés à la population et répondre plus adéquatement aux problèmes importants auxquels il sera et est confronté, tel, entre autres, le vieillissement de la population. Alors, je pense, M. le Président, vous avoir fait la démonstration que la transformation du réseau de la santé s'opère de façon normale et que malgré la complexité et la lourdeur de la tâche nous sommes en mesure de pouvoir dire que nous allons atteindre nos objectifs dans le cadre des enveloppes budgétaires fermées que nous avons. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'ai écouté attentivement le discours de la députée de Rimouski, cette disciple du grand technocrate qu'est le ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Charlesbourg, et je dois vous dire que le discours de la députée de Rimouski reflète très bien le maître à penser, ce grand technocrate. Parce que, malheureusement, comme le fait souvent le ministre de la Santé, la députée de Rimouski a parlé de transformation de système, a parlé de la décentralisation, a parlé des instances régionales, a parlé des équivalents temps complet, elle a parlé de tout sauf des patients, sauf des personnes. Et c'est d'ailleurs, quant à moi, une des grandes faiblesses de ce grand technocrate qui est notre ministre de la Santé. Il est très capable de parler longuement avec une certaine conviction et même une certaine force de notre système de santé, mais il n'est pas du tout capable de parler des effets des compressions, des coupures importantes sur les patients.

Mme la députée de Rimouski et M. le ministre de la Santé doivent être à peu près les deux seules personnes au Québec qui pensent que notre système de santé va bien actuellement. À peu près les deux seules. Je pense qu'ils demeurent sur une autre planète, parce que, s'ils venaient sur terre puis s'ils parlaient avec le monde, je pense qu'on serait capable de faire une constatation tout à fait différente. Vous-même, M. le Président, avez tenté de faire comprendre au ministre de la Santé l'importance de l'hôpital Chauveau. Moi, je défie le ministre de la Santé et la députée de Rimouski d'aller parler avec vos concitoyens, vos commettants. Ils vont peut-être entendre une autre chanson de la part des Québécois et Québécoises.

(20 h 40)

Le ministre de l'Environnement et de la Faune, lui qui demeure dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce, il sait fort bien que les chambardements faits par la fermeture de l'hôpital Reine Elizabeth sont importants. Même s'il ne veut pas l'admettre, il sait fort bien que les services de santé et services sociaux se sont dégradés depuis les coupures massives dans le système de santé. Peut-être qu'il est moins préoccupé par ça, lui qui dirige le ministère qui a fait un «party» de départ pour 91 fonctionnaires au coût total de 35 000 $ pour les contribuables. Ça le préoccupe peut-être moins, il n'a peut-être pas le même souci que le vrai monde, mais il devrait l'avoir, M. le Président.

M. le Président, je sais que le gouvernement n'aime pas entendre des vérités. Mais il y en a, des vérités. Et nul autre que le Protecteur du citoyen, dans son rapport annuel, a soulevé des craintes importantes quant aux effets des coupures massives et brutales dans nos systèmes de santé et éducatif. «Il ne faut pas, dit le Protecteur du citoyen, que le vent néolibéral arrache tout sur son passage. Les coupures budgétaires ne doivent pas avoir pour effets pervers, continue le Protecteur du citoyen, d'accroître indûment la pauvreté de ceux qui vivent déjà sous le seuil d'un faible revenu, de les priver des droits essentiels et de marginaliser davantage certains groupes de la société.» Ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président, ce n'est pas un politicien libéral qui le dit, c'est le Protecteur du citoyen du Québec qui le constate. Et c'est un jugement très sévère contre les politiques du gouvernement actuel.

Et en parlant comme le fait la motion du député des Îles-de-la-Madeleine, du double langage du premier ministre... Lui qui disait qu'il sera, lui, le mur contre lequel le vent néolibéral va s'abattre, mais qu'il ne passera pas au Québec. C'est ça qu'il a dit, le premier ministre du Québec. Il l'a répété tant et tant. Il a dit: «Le vent néolibéral qui balaie le reste du Canada ne passera pas au Québec.» Lui, il était pour ériger un mur contre ce vent. Bien là, le mur a tombé, M. le Président, le mur de Berlin a tombé et le même vent néolibéral contre lequel le premier ministre s'insurge constamment est en train de faire son passage ici, au Québec, et est en train d'arracher tout sur son passage. C'est ça, le double langage. C'est pour ça, entre autres, que le député des Îles-de-la-Madeleine a proposé cette motion de censure.

Il y a d'autres exemples, M. le Président. Quand le premier ministre tente de nous dire que toutes ces compressions et coupures qu'il fait, lui, ne touchent pas les citoyens, ne touchent que des machines administratives, l'appareil de l'État, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, et on le sait, et tout le monde en cette Chambre le sait. Et le premier ministre devrait avoir le courage aujourd'hui d'admettre que l'effet des compressions qu'il fait présentement se fait sentir dans tous les foyers du Québec, presque, M. le Président, et de façon honteuse. M. le premier ministre devrait avoir le courage de l'admettre, que ces coupures massives vont beaucoup plus loin que de toucher des machines administratives. Même ces coupures n'ont pas touché le ministère de l'Environnement et de la Faune: 35 000 $ pour des «partys» d'adieu. Mais on peut fermer des hôpitaux, M. le Président, on peut enlever l'indexation des personnes qui bénéficient du soutien financier, les gens qui éprouvent des contraintes sévères à l'emploi. On peut leur enlever l'indexation, M. le Président, qui aurait dû commencer le 1er janvier 1997. Ça, on peut le faire. Fermer les hôpitaux, enlever l'indexation, obliger les plus démunis de la société à payer pour leurs médicaments, 200 $ par personne, M. le Président, peu importe le niveau de revenu: 200 $ de franchise et coassurance pour les assistés sociaux; 200 $ en franchise et coassurance pour les gens qui bénéficient du soutien financier, entre autres les personnes handicapées, qui éprouvent des contraintes sévères à l'emploi. Ça, on peut le faire.

On peut même aujourd'hui annoncer une taxe, une nouvelle taxe sur les municipalités qui va être pelletée directement aux contribuables québécois: 7 000 000 $ cette année, au-delà de 80 000 000 $ l'année prochaine. Le pacte fiscal du ministre délégué à la Métropole, du ministre responsable de la Métropole, annoncé en grande pompe, de 33 000 000 $ vient d'être coupé d'un tiers à peu près, parce que la ville de Montréal va perdre 10 000 000 $ l'année prochaine à cause de cette nouvelle taxe. J'espère que le ministre responsable de la Métropole, son mini-ministère va trouver les 10 000 000 $ nécessaires, parce que son pacte fiscal de 33 000 000 $ est passé d'un seul coup, cet après-midi, à 23 000 000 $. Il est déjà déficitaire de 10 000 000 $.

M. le Président, les Québécois et Québécoises, tout partout, sont capables de constater la dégradation des services dans la société québécoise: les services éducatifs, les services de santé et les services sociaux, les services aux personnes handicapées. Tout le monde, objectivement, est capable de cerner cette dégradation, sauf le gouvernement actuel.

Mr. Speaker, this Government has its head in the sand, not to say anywhere else. They have their head firmly planted in the sand, and that's the most delicate suggestion that I could make as to where their heads are. I could think of other places where they might be. They are completely immune to what is really happening in homes across this province, where people are facing increasing hardships because of their actions, increased taxation because of their actions, fewer services because of their actions. In two years, this Government has managed to plunge this province into an economic spiral that is having a deep effect on each and every Quebecker, and they are too – in the words of the MNA for Rimouski – either ignorant or lack the understanding necessary to appreciate the real impact of their actions.

M. le Président, la vraie ignorance ou méconnaissance dont parlait la députée de Rimouski se trouve en face de nous: ignorance ou méconnaissance du mal que ce gouvernement est en train de faire aux Québécois et aux Québécoises, méconnaissance ou ignorance des ministres, du premier ministre lui-même qui, malgré toute évidence contraire, continue à prétendre des choses quand on sait fort bien que c'est l'opposé qui arrive. C'est ça qu'on appelle du double langage. C'est ça qui est pratiqué par ce gouvernement régulièrement, constamment, et je suis convaincu que dans un avenir très proche les Québécois et les Québécoises vont vouloir donner des comptes aux gens qui sont en face, parce que les gens ne sont pas dupes. Il n'y a pas un Québécois ni une Québécoise qui n'a pas souffert à cause des actions de ce gouvernement, qui est dupe. Oui, il faut faire un effort pour équilibrer les finances, mais il faut que cet effort soit lui-même équilibré et équitable. Il ne faut pas aller trop vite, il ne faut pas, dans les mots du Protecteur du citoyen, «que le vent néolibéral arrache tout sur son passage», malgré les beaux discours du premier ministre, au contraire. Ce vent de compressions sauvages, ce vent de pluie de taxes tombe et pèse sur les Québécois et Québécoises, et il est grand temps que le gouvernement le réalise et ait le courage de l'admettre et d'accepter les conséquences, parce qu'il va y avoir des conséquences.

(20 h 50)

C'est pour ça, M. le Président, que mon collège le député des Îles-de-la-Madeleine a présenté sa motion. Dégradation des services publics, manque flagrant de mesures de création d'emplois, manque flagrant de mesures pour alléger les fardeaux fiscaux des Québécois. Même le contraire: pluie de taxes qui tombe, une pluie de taxes qui tombe de ce grand nuage qu'est le Parti québécois. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Cliche: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de l'Environnement et de la Faune, question de règlement.

M. Cliche: J'invoque l'article 213, qui permet à un député de demander la permission de poser une question à un député qui vient de terminer une intervention.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, acceptez-vous une question?

M. Copeman: Demain.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très bien. Alors, il n'y aura pas de question ce soir. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre délégué au Revenu. M. le ministre.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir, effectivement, de prendre la parole à l'occasion de cette motion qu'a présentée l'opposition officielle et dont les préoccupations, si je comprends bien, portent sur trois sujets: l'emploi et l'économie, le niveau de la taxation ainsi que l'impact des gestes du gouvernement sur les services publics, notamment en ce qui regarde l'éducation et la santé.

Le présent gouvernement a, en ce qui regarde des sujets aussi importants que ceux-là – l'économie, l'emploi, le niveau de taxation ainsi que les services publics – une approche éminemment responsable, et je vais vous expliquer de quelle façon. Pour ce faire, je vais inviter cette Assemblée, notamment l'opposition officielle, à prendre un peu de recul par rapport à sa façon de voir les choses. On a une opposition officielle qui a tellement le nez collé sur l'arbre qu'elle est dans une incapacité chronique de voir ce qui se passe, dans une vue un peu plus large, quand on regarde l'ensemble de la forêt et même au-delà de la forêt.

M. le Président, nous avons entrepris comme gouvernement, il y a maintenant deux ans, le plus vaste chantier auquel les Québécois et les Québécoises ont été invités à contribuer et à participer depuis les 25 à 30 dernières années, et je m'explique. On sait qu'au Québec on a connu beaucoup de ces grands chantiers à partir de la Révolution tranquille, où, compte tenu d'un certain nombre de retards que nous avions enregistrés dans différents volets de notre vie collective, nous avons dû mettre les bouchées doubles, par exemple sur le plan économique. Nous avons dû mettre en place ces outils qui aujourd'hui sont déterminants pour faire en sorte qu'on puisse, au niveau économique, prendre notre place, au Québec, dans le monde, en Amérique du Nord et partout. Ça a été le cas, par exemple, de la Société générale de financement et d'autres outils du genre. C'est un exemple de chantier.

Nous avons dû, dans le domaine de la santé, intervenir pour mettre en place un certain nombre de programmes, un certain nombre de services pour éviter que certains de nos concitoyens soient dans des situations dramatiques sur le plan de leur santé ou sur le plan financier, comme conséquence de certaines périodes difficiles à passer à ce niveau-là. Donc l'établissement du régime d'assurance-maladie du Québec, d'assurance-hospitalisation, etc. On a dû faire ceci, ces grands chantiers, un peu dans différentes sphères d'activité. Et on se rappellera bien sûr, parmi ces grands chantiers, les initiatives autour des années soixante-dix où, par exemple, on a mis en place, au niveau des infrastructures hydroélectriques, des actifs qui aujourd'hui nous servent toujours et aident au développement économique et à l'emploi.

M. le Président, ce faisant, toutefois, au cours de ces quelque 25 années, 25 ou 30 années, on n'a pas cessé, année après année, de dépenser, et je le présente de façon très simple, plus que ce que nous recevions, ce que nous avions comme revenus, ce qui a créé la situation suivante, en date, mon Dieu, du 31 mars 1996, où les dernières données étaient disponibles: un déficit accumulé sous forme, donc, de dette globale, qui pèse aujourd'hui lourdement sur les épaules des Québécoises et des Québécois, représentant plus de 75 000 000 000 $.

M. le Président, ça a l'air d'être des chiffres presque difficiles à saisir dans leur ampleur, mais 75 000 000 000 $, c'est un montant faramineux dont la moitié a été engagée pour payer, finalement, pour des dépenses courantes, c'est-à-dire non pas pour constituer des actifs dont on peut profiter aujourd'hui, mais pour de la consommation de services qui aujourd'hui ne sont plus disponibles. Bon. Donc, on a emprunté, comme le dit l'expression, pour payer l'épicerie.

Et, pour ajouter par-dessus ça, M. le Président, au cours des 10 dernières années, enfin, les deux mandats du gouvernement libéral qui nous a précédés, l'endettement est passé d'environ 30 000 000 000 $ à 75 000 000 000 $, avec pour résultat qu'aujourd'hui, dans nos budgets, 0,20 $ de chaque dollar que nous dépensons ne sert que pour le service de dette. Ça veut dire quoi, le service de dette? Ça veut dire rembourser les intérêts sur les emprunts que nous avons faits dans les années précédentes, O.K., de même qu'une partie du capital. Et la partie du capital est bien mince, malheureusement, dans ce que nous remboursons. Ça représente... Bon. Cette année, on dépensera grosso modo 6 000 000 000 $ au titre du service de dette, hein, dont 5 000 000 000 $ grosso modo pour le remboursement des intérêts, et on ne rembourse que 1 000 000 000 $ à peu près au niveau du capital.

Quand on en est rendu, M. le Président, à dépenser... 20 % de notre dépense passe uniquement pour payer ce qu'on a aujourd'hui comme dette, je pense qu'on commence à avoir un problème. Quand un gouvernement comme celui qui nous a précédés nous laisse avec un déficit de 5 700 000 000 $ qui vient s'ajouter par-dessus le problème qu'on a déjà, on a un problème sérieux, à un point tel que, si on ne corrige pas le tir, on va se retrouver dans quelques années avec 30 % de notre dépense qui ira au service de dette. Un peu plus tard, 40 %. Mais ça va s'arrêter où, avec l'incapacité qu'aura à ce moment-là le Québec de pouvoir même emprunter sur les marchés étrangers à des taux qui ont du bon sens, avec cette incapacité qu'aura le Québec de travailler à la relance de l'économie, au soutien de nos programmes sociaux? Parce qu'on n'en aura plus, de marge de manoeuvre. On n'en a déjà pratiquement plus, M. le Président.

Alors, quand on parle d'emplois et d'économie, quand on parle de niveaux de taxation trop élevés, quand on parle de protéger l'intégrité de nos services, notamment dans le domaine de la santé et dans le domaine des services sociaux, on parle tout d'abord de mettre de l'ordre dans la maison, ce qu'ils n'ont pas réussi à faire pendant 10 ans, M. le Président. C'est de ça qu'il est question. Alors, en gouvernement responsable, on fait quoi? Bien, on commence par, d'une part, appliquer un bien meilleur contrôle au niveau des dépenses publiques, ce qui ne signifie pas du tout, contrairement aux prétentions de l'opposition officielle qui voit manifestement les arbres de trop près, ce qui ne signifie absolument pas d'entacher la qualité et la quantité des services qui sont aujourd'hui disponibles pour l'ensemble de la population. Ce dont il est question, M. le Président, c'est d'essayer de faire aussi bien sinon mieux avec grosso modo la même quantité d'argent, et si possible un peu moins, pour des raisons que je vais vous expliquer un peu plus tard.

(21 heures)

Alors, c'est ainsi que, faisant suite à de longues réflexions, par exemple, dans le domaine de la santé et des services sociaux, réflexions qui ont commencé il y a 10 ans, où une commission d'enquête a déposé un rapport, la commission Rochon, visant justement à changer la dynamique de ce système-là dans lequel nous investissions, à toutes fins pratiques – nous étions au second rang dans l'ensemble des pays industrialisés et des pays développés quant à la partie de notre richesse collective qu'on investissait dans le secteur – alors il a été indiqué à ce moment-là qu'il y aurait lieu de chercher à engager ces dépenses-là, ces ressources-là dans des formes de services davantage adaptées à l'évolution sociodémographique de notre population et également destinées à faire en sorte qu'on puisse, au fond, faire comme on fait dans bien des secteurs d'activité aujourd'hui, c'est-à-dire dispenser davantage de services, mieux adaptés pour moins cher en fonction d'objectifs de résultat qu'on recherche, et non pas la dépense pour la dépense, les services pour les services.

C'est quelque chose qui a commencé, à toutes fins pratiques, en termes de réflexion, il y a 10 ans, qui a été consacré dans un rapport d'une commission que le gouvernement précédent, pour l'essentiel, a repris, il a fait adopter une loi, en 1992, qui est venue consacrer tout ça, et ça a donné lieu, par la suite, à une implantation graduelle que nous avons bonifiée et que nous sommes à même de compléter. Donc, après une mûre réflexion, révision de la façon de rendre des services de façon à faire en sorte que, dans un domaine où on dépense, où on est à la tête des pays développés en ce qui regarde ce qu'on investit dans le système de santé, on puisse arriver à faire autant sinon mieux de façon adaptée aux besoins de la population d'aujourd'hui pour éventuellement moins cher.

Et je pourrais vous citer le domaine de l'éducation: états généraux, recommandations, ma collègue ministre de l'Éducation en plein processus d'application d'un certain nombre de recommandations dont l'objectif sera essentiellement le même: dans le domaine de l'éducation, avec les ressources qui sont aujourd'hui disponibles, compte tenu bien sûr de notre capacité de payer mais aussi du bilan auquel on doit faire face aujourd'hui comme suite, notamment, à l'incurie du gouvernement précédent au cours de ses 10 dernières années de pouvoir, c'est d'arriver, avec l'argent qu'on a dans le moment, à réaliser, donc, une augmentation, une amélioration des services dans le domaine de l'éducation et s'assurer qu'on ait des diplômés d'excellente qualité, mon Dieu, en procédant avec ce que sont aujourd'hui les règles de l'art dans le domaine de l'éducation.

Et on pourrait passer de cette façon l'ensemble des secteurs de dépenses du gouvernement. Qu'on parle de la politique familiale, il en a été question au dernier Sommet. Au fond, la question est la même: Comment réussir à générer plus d'impacts en termes de soutien aux familles en réorganisant, grosso modo, les programmes actuels, en utilisant différemment les argents qui sont déjà disponibles, mais certainement pas plus ou pas beaucoup plus, compte tenu des contraintes financières serrées auxquelles nous avons à faire face?

En ce qui regarde cette préoccupation fort légitime que manifeste l'opposition officielle concernant la qualité et la disponibilité des services, je pense, M. le Président, qu'on est à même de pouvoir démontrer que ce qu'on cherche à faire de façon responsable, c'est les améliorer, ces services-là, autrement qu'en rajoutant simplement, par-dessus les services qui existaient déjà, une autre couche de services qu'on va finalement financer uniquement sur le service de dette. C'est ça qu'on essaie de faire, et je pense que c'est ça qu'on réussit à faire.

D'un autre côté, on parle de taxation, de niveau des impôts. On y travaille également. On ne travaille pas uniquement du côté de la dépense, on s'intéresse aux revenus. Comment on s'y intéresse? On s'y intéresse en prenant des mesures qui vont nous permettre d'aller récupérer une bonne partie de ces revenus qu'on a laissés filer jusqu'à présent et dans les dernières années notamment du gouvernement précédent. On y perd 2 000 000 000 $ par année en évasion fiscale et au niveau du travail au noir.

Pour quelle raison les taxes sont élevées? Bien, c'est notamment parce qu'on laisse s'échapper ces revenus-là, ce qui fait que, comme il y a moins de personnes qui paient leurs taxes et leurs impôts, ceux qui en paient en ont plus à payer. Le calcul n'est pas difficile. Si on réussit à réduire de façon substantielle, sensible l'évasion fiscale et le travail au noir, on sera capable de trois choses, l'une ou les trois en même temps – il n'y a rien qui nous empêche d'être ambitieux, hein: soit financer davantage le service, soit réduire la dette, soit réduire les impôts. C'est ça qui est devant nous comme enjeu, et c'est pour ça qu'on travaille si ardemment au niveau de la récupération de ces revenus-là par des moyens, je pense, avec lesquels tout le monde est d'accord: une vaste campagne de sensibilisation justement pour inviter la population en général à l'observance fiscale qui est en soi un message de solidarité. Quelqu'un qui paie ses taxes et ses impôts, c'est quelqu'un qui dit à son voisin, oui, si tu es dans le trouble, je vais t'aider. C'est ça que ça veut dire, payer ses taxes et ses impôts. Alors, c'est l'invitation qui est faite par cette campagne de sensibilisation.

Les secteurs qu'on a identifiés cette année, 12 domaines qui représentent 80 % de ce qu'on perd en taxes et en impôts, on les aborde de façon systématique, avec courage. Parce que ça prend un certain courage effectivement, dire au monde qu'on va aller chercher ces revenus-là, expliquer à nos concitoyens que c'est dans une perspective de justice, d'équité, de protection des emplois et de protection des entreprises qu'on le fait, pour que les entreprises n'aient pas une concurrence déloyale à subir de la part de ceux et celles qui ne paient pas leurs impôts, pour que les travailleurs aient droit à des emplois de qualité, des emplois normaux où ils peuvent bénéficier du minimum de protection sur le plan social en cas de coup dur, par exemple, santé et sécurité au travail, régime de retraite, participation sous certaines conditions à l'assurance-emploi.

Alors, nous, on fait tout ça, ce travail-là, pour aider l'économie et l'emploi, c'est évident, puisqu'on veut protéger nos entrepreneurs d'une concurrence déloyale que leur font ceux qui travaillent au noir ou ceux qui sont plutôt larges dans l'observance fiscale, je veux dire, qui ne s'en préoccupent pas trop. C'est autant de façons incorrectes finalement de ne pas soutenir et de ne pas encourager les entreprises qui, elles, respectent les règles du jeu.

M. le Président, on voit donc que l'action du présent gouvernement, dont l'objectif est de réussir ce sur quoi d'autres ont échoué manifestement, c'est d'en arriver à un meilleur contrôle de son budget, de ses finances, de mettre de l'ordre dans la maison pour qu'on arrête de s'endetter, pour que nous puissions reprendre confiance dans l'avenir au Québec, retrouver notre marge de manoeuvre, recommencer à investir dans le développement économique, dans l'emploi, investir également dans l'amélioration, le développement des services. C'est notre choix. Oui, ça a été une décision responsable, M. le Président. Et on l'a fait, on l'a ouvert, ce chantier-là, parce qu'il nous apparaît être, à ce moment-ci, le chantier le plus important qu'il nous apparaissait nécessaire non seulement d'ouvrir, mais de mener à terme.

On connaît très bien quels sont les objectifs. On s'est engagé quelques années à l'avance. On se souviendra, au niveau du déficit, on est parti de 5 700 000 000 $, 3 900 000 000 $, 3 200 000 000 $, 2 200 000 000 $, 1 200 000 000 $ et zéro. À partir de ce moment-là, on pourra vraiment commencer à penser à l'avenir dans une perspective un peu plus intéressante que celle dans laquelle on nous a laissés, sous le gouvernement précédent. On pourra commencer vraiment à pouvoir également parler d'égal à égal avec ceux qui, dans d'autres économies, nous font mal et nous concurrencent actuellement. Pour quelle raison? Parce que notre fardeau fiscal est trop élevé, et pour d'autres raisons également. Comment pouvons-nous être crédibles, si on continue comme ça constamment à augmenter finalement notre dette, à augmenter notre passif au détriment non seulement des générations actuelles, mais de celles qui nous suivront?

Alors, M. le Président, j'en reviens à la motion de censure inscrite par l'opposition officielle. Quand on parle d'emploi et d'économie, c'est notre conviction la plus profonde que le meilleur service à rendre à ce niveau-là, c'est encore de faire le ménage dans notre maison, de cesser cette gestion irresponsable qu'on a connue pendant trop d'années, où finalement la richesse qu'on distribuait était celle qu'on empruntait – de quelle richesse parle-t-on, à ce moment-là? – au niveau également de la taxation, arriver à faire en sorte que, de la façon dont je l'expliquais si simplement tout à l'heure, en récupérant nos taxes et nos impôts, on fasse en sorte qu'effectivement on puisse arriver à réduire le fardeau fiscal pour avoir une fiscalité davantage compétitrice ou compétitive par rapport à nos concurrents, que ce soit l'Ontario ou d'autres concurrents sur le plan international, arriver à faire en sorte de réduire notre niveau d'endettement parce que justement on aura un meilleur contrôle de nos dépenses, ou bien faire en sorte qu'on puisse procéder à l'amélioration des services, à leur adaptation en fonction de l'évolution des besoins de la société québécoise, le faire avec ce minimum de marge de manoeuvre qu'une gestion responsable des deniers publics nous aura permis de récupérer. Je vous remercie, M. le Président.

(21 h 10)

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué au Revenu. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, il y a un petit ouvrage qui a été écrit par deux politologues français, il y a une année ou une année et demie de ça, et qui s'intitule «Éloge de la traîtrise», Jolivet et Bonin, et je pense que ce serait peut-être un ouvrage qu'il faudrait recommander à tout le monde, parce que c'est presque un manuel d'instruction sur ce que le gouvernement fait, est en train de faire. Lorsqu'on lit cet ouvrage, on a l'impression que ça a été écrit pour illustrer ce que fait actuellement le gouvernement du Parti québécois. On fait des promesses, on ne les tient pas et on essaie par la suite de démontrer qu'on ne les a pas faites ou que ce qu'on a promis n'était pas exactement ce qu'on a dit qu'on avait promis ou que finalement, malgré les preuves du contraire voulant que les promesses ne se soient pas réalisées, on essaie de faire la preuve qu'en fait les promesses, oui, se sont réalisées.

Dans le cas du gouvernement, évidemment, la façon la plus facile, la plus aisée d'illustrer ce genre de modèle de comportement, c'est ce qu'on a fait en matière d'emploi. On a promis qu'on créerait de l'emploi, on nous a promis un plan d'emploi, et, à la place, ce qu'on nous a livré, c'est une perte d'emplois qui s'établit, nous dit-on, autour de 50 000, 55 000. Évidemment, ces pertes d'emplois ont des conséquences énormes sur l'économie du Québec. L'une de ces conséquences-là, dans une économie où la demande interne est déjà affaiblie, où la demande interne éprouve déjà des difficultés à se remonter, c'est de l'affaiblir encore davantage. Une fois que la demande interne est affaiblie, qu'est-ce qu'on fait? Eh bien, puisqu'on peut difficilement compenser pour le manque à gagner par des revenus fiscaux, par des revenus de taxes, on coupe dans les services.

Moi, j'ai commencé ma carrière en politique par une expérience personnelle assez choquante sur les conséquences que peuvent avoir, pour les gens les plus démunis de la population du Québec, nommément les gens âgés et les assistés sociaux, ces coupures que l'on fait dans les services sociaux et de santé. À l'époque, lorsque j'ai fait cette expérience personnelle dans le bureau du ministre de la citoyenneté et de l'Immigration avec des gens auxquels je me suis joint sur un mouvement de contestation de la décision du ministre Rochon touchant les médicaments, ce que j'ai pu constater, c'est l'état de détresse dans lequel cette politique place ces personnes, personnes qui sont placées dans la situation de devoir faire des choix qui sont des choix parfois impossibles à faire.

Je reviens à ce que je disais plus tôt au sujet de ce petit ouvrage fort instructif qui s'appelle l'«Éloge de la traîtrise». Dans le cas du gouvernement, cette pratique qu'on décrit dans cet ouvrage se fait aussi avec énormément de candeur. Je lisais dernièrement une entrevue du ministre des Finances et du développement économique au journal Les Affaires dans laquelle le ministre nous disait, mais avec une candeur qui est tellement bien décrite dans l'ouvrage que j'ai mentionné plus tôt: Le Québec subit actuellement tous les désavantages de la souveraineté sans en avoir les bénéfices.

Une voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est vrai. C'est vrai.

M. Laporte: Pour dire ces choses, n'est-ce pas, publiquement et continuer à s'entêter à vouloir travailler dans ce sens-là en sachant fort bien que la population, de toute manière, s'est prononcée contre le projet qu'épousent les personnes qui parlent ainsi, il faut vraiment avoir une grande candeur, il faut vraiment, comme le disait mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce tantôt, avoir la tête dans le sable et faire le jeu de l'autruche. Or, c'est exactement ce qu'on retrouve un peu partout dans la pratique du gouvernement dont je parle.

Par ailleurs, évidemment l'ouvrage se conclut par une analyse de l'intelligence des électorats. Les électorats ne sont pas bêtes; les électorats savent faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui est faux, et ce qui est promis et ce qui est prétendu qu'on a réalisé comme promesse. Donc, je conclus, M. le Président, dans un moment en disant qu'autant de candeur et autant d'habileté dans la pratique des instructions que nous donnent les auteurs que j'ai mentionnés tantôt nous désolent. Mais je répète que l'électorat est intelligent, que l'électorat sait percevoir ce qu'on a appelé tantôt ce double langage de ce gouvernement et que, tôt ou tard, évidemment le gouvernement devra ou bien réaliser ses promesses ou bien passer à la caisse. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Je vais céder la parole à M. le député de Laviolette.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il reste neuf minutes à votre formation pour le moment.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, il faut être le député d'Outremont pour avoir la candeur de ce qu'il vient de nous dire, dans la mesure où je vais le mettre au courant de ce qui s'est passé pendant que le gouvernement libéral était au pouvoir. J'aimerais qu'il assiste à cette démonstration qui est, hors de tout doute, pleine de vérité.

À La Tuque, dans mon propre comté, il y avait une bâtisse qui était à moitié vide. Ça s'appelait le centre hospitalier Saint-Joseph-de-La-Tuque, dont une partie était vide – c'était la partie des soeurs – et on pouvait la réaménager et intégrer dedans l'ensemble des services de santé avec le CLSC. Qu'est-ce qui est arrivé? Le gouvernement libéral étant au pouvoir, ils ont décidé autre chose. Ils ont décidé de faire un contrat avec Tommy A. D'Errico, Devesco inc., pour 20 ans, et une chance qu'ils ont mis une clause dans laquelle il y avait une possibilité de renégociation après cinq ans, puisque c'est de celle-là que nous nous servons à ce moment-ci. Et, au lieu d'utiliser les bâtisses gouvernementales, ils ont décidé de payer à leurs copains les redevances des campagnes de financement.

Et aujourd'hui, au moment où on vous parle, le ministre de la Santé, grâce au travail des gens de la Haute-Mauricie, de mes travaux, de mes représentations mais aussi d'un homme qui a réussi à mettre ensemble à la fois le CLSC, le centre d'hébergement de soins de longue durée et le centre hospitalier dans un centre, aujourd'hui nous avons une fusion qui est en train de se faire au bénéfice de tous les citoyens de la ville de La Tuque et des environs, M. le Président, en vous disant que, même à ce moment-là, on a accusé le directeur de la bâtisse de tous les maux. Il a été obligé de s'expatrier à Rouyn-Noranda, et le ministre, à cette époque-là, lui a dit, rendu là-bas, à Rouyn-Noranda: Mon cher monsieur, c'est le meilleur financier que je connaisse au niveau des finances hospitalières, et ce monsieur-là est revenu dans ma région, il vient de prendre sa retraite. Il était, à Sainte-Thérèse-de-Shawinigan, une personne qui a été, par le ministre de la Santé de l'époque, M. Marc-Yvan Côté, mise sur le banc des accusés.

Et on vient me dire aujourd'hui qu'on ne fait pas des choses raisonnables pour les besoins de la santé des gens de la Haute-Maurice, M. le Président? J'en suis estomaqué. Le député d'Outremont, il vit peut-être dans la ville de Montréal ou dans la ville d'Outremont, mais, dans nos coins à nous autres, on sait ce que ça veut dire, le Parti libéral qui a dilapidé nos fonds.

Une voix: C'est vrai.

Des voix: Oui.

M. Jolivet: Nous avons réussi, grâce à cette décision que le gouvernement a prise, appuyé par un ministre compétent au niveau de la santé, de fusionner le CLSC Des Chenault et le CLSC de Normandie, qui sont devenus, dans les jours qui ont suivi, le CLSC de la région de Batiscan. Donc, nous avons des gens qui ont décidé de mettre en commun des choses plutôt que de se séparer ou de vivre l'un à côté de l'autre en dépensant les deniers publics. Et ça, c'est grâce au fait que, le député de Champlain, mon collègue, et moi-même, nous nous sommes mis d'accord avec le ministre et les gens du milieu pour ce faire.

(21 h 20)

Revenons maintenant dans la dernière partie de mon comté, qui est Grand-Mère. Nous avons réussi, au niveau de la santé, à faire ce que, depuis 1972, les gens du Parti libéral voulaient faire dans le temps, fermer l'hôpital Laflèche. Aujourd'hui, nous avons, grâce à mon collègue le député de Saint-Maurice, le vice-président de l'Assemblée nationale, réussi en disant la même chose à tout le monde, qu'il fallait trouver moyen de faire de la complémentarité. L'hôpital Sainte-Thérèse est jumelé maintenant au Centre hospitalier régional de la Mauricie, et les centres de soins de longue durée avec l'hôpital Laflèche, tout en conservant un service au niveau de la population pour l'urgence à l'hôpital Laflèche.

Donc, nous avons fait des choses qui coûtent moins cher à la société. On a arrêté de gaspiller de l'argent. On a fait des choses extraordinaires. Est-ce que, dans les journaux, à Québec, à Montréal ou ailleurs, vous avez entendu parler de ce qui s'est passé à La Tuque, dans Normandie, avec Mékinac-des Chenaux, dans Grand-Mère? Non. Parce que les gens ont cru que ce que le ministre était en train de faire, c'était raisonnable, acceptable et pour les besoins de santé de toute la population de notre coin.

Quant à l'emploi, ils semblent oublier des choses. Ils doivent venir dans nos comtés, voir ce qui se passe dans nos comtés. Il y avait une bâtisse à Grand-Mère qui s'appelait... le complexe d'une compagnie de textile, Wabasso coton. Ils ont décidé de fermer. La ville de Grand-Mère a décidé d'acheter pour les taxes. Dans une usine où il y avait 300 employés, aujourd'hui on retrouve une quarantaine d'entreprises puis à peu près 400 employés. Une dernière qui vient de faire quelque chose d'extraordinaire, elle est passée d'environ 40 employés à 400 employés. Vous ne parlez pas de ça. Vous ne le vivez pas, vous autres, ces choses-là, mais, nous autres, on le vit, chez nous.

À La Tuque, quand la compagnie Cartons Saint-Laurent a décidé de mettre 400 personnes à pied, après une deuxième vague de 250 personnes à pied... Parce que tout le monde le sait que, dans le secteur des pâtes et papiers, il y avait une rationalisation à faire. Aujourd'hui, grâce au programme Paillé, grâce au Fonds d'aide aux entreprises, grâce à des programmes de SOLIDE, nous avons actuellement des petites entreprises qui ont négocié avec la grande entreprise pour faire à l'extérieur, dans leur propre entreprise, le travail qu'elles faisaient à l'intérieur dans des conditions qui sont les leurs aujourd'hui. Ils ont décidé de diversifier l'économie à La Tuque, et on ne sera plus jamais soumis à une seule entreprise. Vous ne parlez pas de ça. Et vous pensez qu'il ne se fait rien, vous autres? Bien, venez voir dans nos régions, venez voir notre monde.

Moi, j'ai l'occasion d'avoir trois assemblées publiques générales à tous les ans, puis j'en remercie les organisateurs à toutes les fois. C'est la Classique de canots entre La Tuque et Shawinigan. J'ai le temps de jaser avec le monde sur le bord de la rivière Saint-Maurice puis, eux autres, ils nous disent qu'il y a des choses extraordinaires qui se font. Le deuxième, c'est le Festival western. Pendant 10 jours, on va voir le monde dans la rue puis on jase avec eux autres et on apprend, par ces gens-là, qu'il se passe des choses merveilleuses. Puis les deux autres activités qui sont organisées dans le temps des festivals de chasse... Imaginez-vous le monde qu'on peut voir, quand on va les voir; pas à rester chez nous, mais en étant avec eux, sur le terrain, dans le milieu.

Bien, ces gens-là nous disent que, oui, le Québec est en difficulté, oui, ils savent très bien qui l'a mis en difficulté. D'ailleurs, ils s'en sont débarrassés, de ce monde-là, en 1994. Ils ont mis le Parti québécois au pouvoir pour leur permettre de se sortir de ce marasme dans lequel vous nous aviez plongés. Et, dans ce contexte-là, ils savent qu'il y a de l'espoir au bout du tunnel parce qu'ils savent que ce qu'on est en train de faire, ce n'est pas pour nos beaux yeux. Puis je vous le dis comme je le vois puis comme je le pense. Sur la 6e avenue à Grand-Mère, un bon dimanche après-midi, me promenant avec mon épouse au beau soleil d'automne, il y a une personne qui m'arrête, une personne que je sais d'allégeance différente de la mienne, mais qui a compris ce qui se passait et qui me dit: M. Jolivet, ça n'a pas de bon sens, vous êtes toujours pris pour défaire les mauvais coups des libéraux, vous êtes toujours là pour essayer de remettre l'économie en marche. Puis vous avez des gens, en face de nous, qui nous disaient, dans le temps où ils étaient au pouvoir: Oh! Oh! Oh! messieurs dames, nous sommes les meilleurs au point de vue économique. Bien moi, à 6 000 000 000 $ de déficit dans une même année, je vous dis que vous n'êtes pas des bons, vous êtes des pas bons. C'est ce que les gens disent, chez nous. Les gens le disent, parce qu'ils disent: Vous avez malheureusement le devoir de faire ces choses, on sait que ce n'est pas facile, on sait que c'est difficile, mais on vous encourage à continuer parce que vous êtes dans la bonne voie, vous êtes en train de faire ce que nous voulons en sachant qu'il faut répartir de façon équitable ces choses, mais en sachant qu'en même temps vous faites des choses extraordinaires.

On en a donné, tout à l'heure. Je vais vous en donner un pour terminer: la politique familiale. Vous n'avez jamais eu le courage de faire ces choses-là, on est en train de les faire. L'équité salariale: vous n'avez jamais eu le courage de la faire, on est en train de la faire. Vous n'avez pas voulu faire les pensions alimentaires de façon automatique, on est en train de le faire. Nous sommes donc un gouvernement qui, malgré les temps difficiles, a réussi à faire des choses extraordinaires, M. le Président, et nous allons continuer. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Laviolette. Je vais maintenant céder la parole à M. le député des Îles-de-la-Madeleine pour son droit de réplique de 20 minutes. M. le député.


M. Georges Farrah (réplique)

M. Farrah: Merci, M. le Président. Je viens d'écouter avec intérêt le discours du député de Laviolette. Sur quelle planète vit-il? Sur quelle planète vit-il, ce cher collègue, charmant député de Laviolette, alors qu'aujourd'hui même l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération rendait public un document qui dit ceci: «Une économie fragile, une faible croissance salariale et des pertes de pouvoir d'achat devraient, tout comme en 1996, être à l'ordre du jour au Québec l'année prochaine.» C'est ça, la réalité, et j'invite le député de Laviolette à aller sur le terrain et voir dans l'ensemble des régions du Québec ce qui se passe. Les gens, au Québec, en ont ras le bol du double langage de ce gouvernement où, dans les discours, on dit une chose et, dans la réalité, il n'y a rien qui se passe. C'est ça, la réalité au Québec présentement: les gens sont tannés d'un gouvernement qui ne leur donne pas l'heure juste.

J'écoutais la ministre de l'Éducation. Qu'est-ce qu'elle nous disait, la ministre de l'Éducation? Il faut être courageux. Les finances publiques sont difficiles, il faut prendre des décisions difficiles. Où il était, ce courage avant le référendum, lorsqu'on a négocié une convention collective avec les travailleurs de l'État où on a donné 1 000 000 000 $, pratiquement, d'augmentation sur trois ans? Où était-il, ce courage, M. le Président? Où était-il, ce courage à ce moment-là? Où était-il? Parce qu'on voulait duper ces gens-là pour le vote référendaire. Et là, quand c'est pour la question de l'option, il y a de l'argent en masse. On ne se gêne pas de ce côté. Par ailleurs, lorsqu'on arrive au niveau des services essentiels à la population, notamment au niveau de l'éducation, au niveau de la santé, au niveau des plus démunis de notre société, là, le courage, il est là. Les plus démunis, vous allez passer à la caisse. Vous passez au «cash». C'est ça, le ras-le-bol de la population du Québec à l'égard d'un gouvernement et d'un premier ministre qui dit une chose et qui fait exactement le contraire.

Et un exemple, M. le Président, que je peux vous dire immédiatement. Dans le discours d'assermentation du premier ministre, le 29 janvier dernier, que nous disait ce beau et bon premier ministre du Québec, député de Jonquière? «Et, de toutes nos forces, nous tenterons de faire sans augmenter les impôts des contribuables et sans augmenter la taxe de vente du Québec, car notre objectif n'est pas de ralentir l'économie, de nuire aux affaires et à l'emploi, d'aggraver le sort des démunis, d'alourdir le fardeau des consommateurs, mais au contraire de leur donner une bouffée d'oxygène.»

(21 h 30)

C'est quoi, les faits? Ça, c'est le discours, M. le Président. Le député de Laviolette, là, je ne suis pas certain qu'il est fier de son discours qu'il vient de faire. C'est quoi, la réalité à l'égard du discours lors de l'assermentation du premier ministre? Augmentation de taxes: 40 000 000 $ sur le tabac; augmentation des tarifs d'Hydro-Québec: 41 000 000 $; frais de services d'Hydro: 17 000 000 $; diminution des transferts aux municipalités: 115 000 000 $ de plus; coupures de transferts aux commissions scolaires: 77 000 000 $; assurance-médicaments: 196 000 000 $; immatriculation: 13 000 000 $ additionnels; permis de conduire: 4 300 000 $; taxation des forfaits touristiques: 10 000 000 $; taxe de 2 $ la nuitée: 25 000 000 $; contribution de solidarité à l'emploi: 240 000 000 $, etc. C'est ça que les gens n'acceptent plus, le double discours de ce gouvernement. Le courage, vous l'avez quand ce n'est pas le temps de l'avoir. Mais, par contre, quand c'est pour l'option, pas de problème. Pas de problème. On coupe dans la santé, on coupe dans l'éducation pour satisfaire les partisans péquistes du Parti québécois.

On va investir 4 000 000 $ dans une police de la langue. Oui, la langue, c'est important, mais un récent rapport du Conseil de la langue française nous indique clairement qu'il y a une évolution au niveau de la protection du français au Québec. On va investir 4 000 000 $ dans la police de la langue, imaginez-vous, pour des fins partisanes, et à ce moment-là on coupe dans les hôpitaux, on coupe dans les salles d'urgence, on coupe au niveau de l'éducation, on coupe au niveau des familles monoparentales, des femmes qui n'ont les moyens d'absorber aucune coupure. Ça, ce n'est pas grave. Quelle belle compassion! Quelle belle compassion! Police de la langue, référendum puis acheter des votes avant le référendum, pas de problème, M. le Président.

M. MacMillan: Arrête, Georges, ils vont traverser de ce bord-ci!

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Farrah: C'est ça, le ras-le-bol total de la population à l'égard d'un gouvernement qui n'a pas le courage de donner l'heure juste à la population. Et je l'ai vécu, M. le Président. En fin de semaine dernière, j'étais en Gaspésie, où on a vu, au niveau de la cimenterie de Newport... Ce n'est pas pour rien que les gens se disent: C'est normal qu'on n'ait pas de cimenterie, on est rendu à sept menteries.

Des voix: Oh!

M. Farrah: Ce n'est pas normal que le ministre des Finances nous indique que le projet spécifique à Port-Daniel, en Gaspésie, il y a très peu de chances qu'il se réalise. Durant ce temps-là, le député de Matane, ministre régional, lui, il se promène, puis: Ça va se réaliser, puis on va avoir des bonnes nouvelles en décembre...

M. MacMillan: En limousine!

M. Farrah: ...alors que le ministre des Finances vient de nous dire exactement le contraire en cette Chambre. Comment voulez-vous que les gens aient confiance dans ce gouvernement?

La ministre de l'Éducation: Pour nous, la formation, c'est important; il faut former nos jeunes. Savez-vous, M. le Président, ce qui se passe au niveau des jeunes au Québec? Cette année, 16 000 jeunes de moins sur le marché du travail. On a bien beau les former, il n'y a pas d'ouvrage pour eux. Il n'y a pas de débouchés pour ces gens-là, malheureusement. Ça bouche l'avenir, et c'est notre jeunesse qui en souffre. Pourquoi? Parce que ce gouvernement-là est un frein au développement économique du Québec.

M. MacMillan: L'option.

M. Farrah: Le gouvernement même est un élément antiéconomique, pour une simple et bonne raison – et vous le savez très bien, je vous connais bien, M. le Président – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Farrah: ...ce gouvernement, à cause de son option, est un frein au développement économique et notamment au niveau des investissements. D'ailleurs, lors du Sommet sur l'économie et l'emploi à Montréal, ça a été clairement démontré dans un document d'hommes d'affaires crédibles au Québec, qui a fait en sorte très clairement que la majorité des hommes d'affaires dise: Il y a un problème au niveau des investissements à cause de l'instabilité politique qui existe au Québec, notamment également à cause du débat sur la langue. Les investisseurs ne sont pas intéressés à venir investir au Québec à cause de l'instabilité économique. Puis, quand on connaît le contexte économique actuel, avec le libre marché, la globalisation des marchés, le libre-échange, l'ALENA, on sait très bien que, lorsqu'il y a une situation d'instabilité politique qui existe à un certain endroit, bien, on investit ailleurs puis on peut vendre au Québec quand même.

C'est ça, la réalité économique actuelle, et cette attitude-là fait en sorte que, quoi, depuis que le comédien premier ministre, acteur théâtral absolument merveilleux, est arrivé au pouvoir, bien, on a 54 000 emplois de moins de créés au Québec que l'an passé.

Une voix: Et ça va bien. Ça va bien.

M. Farrah: Ça n'a pas de bon sens!

M. MacMillan: 20 % en 1983, 5 % cette année.

M. Farrah: Alors, comment voulez-vous, dans la conjoncture actuelle, ne pas comprendre la population, qui en a soupé de ce gouvernement?

Au niveau de la santé, improvisation complète, totale. Et un exemple concret: en avril dernier, le ministre de la Santé a imposé des coupures drastiques aux régies régionales. Bon. On a composé avec les sommes qui étaient consenties. En cours d'exercice, alors que, le 6 octobre, à l'émission la Commission Mongrain , le ministre de la Santé a dit, à cette émission de télévision avec Jean-Luc Mongrain: Il n'y aura plus de coupures dans la santé, le 26 octobre suivant, donc 20 jours plus tard, le ministre imposait aux régies régionales de la santé, dans l'ensemble du Québec, des coupures additionnelles de 100 000 000 $. Voilà le double discours de ce gouvernement.

Alors, comment voulez-vous, M. le Président, que des gestionnaires de fonds publics, comme des régies régionales, qui reçoivent un budget en avril, au début de l'année financière, et veulent planifier à court et à moyen terme, alors qu'en cours d'exercice on leur impose un 100 000 000 $ additionnel sans aucun avis... C'est illogique. Et, dans ma région, moi, Gaspésie–Les Îles, cette coupure-là fait en sorte que les sommes qui étaient affectées aux soins à domicile ont été diminuées, alors que, dans le virage ambulatoire du ministre, qui a supposément tout planifié, les soins à domicile devraient être accrus parce que les gens sont moins longtemps à l'hôpital. Alors, comment voulez-vous faire confiance à ces gens-là, M. le Président, avec autant d'incohérence dans le discours et autant d'improvisation?

La situation qui prévaut à Montréal. C'est quoi, la situation qui prévaut à Montréal? Les salles d'urgence débordent, les employés qui travaillent dans les centres hospitaliers sont débordés, et on va avoir 8 000 personnes qui vont être payées chez elles à ne rien faire. Et je ne vise pas ces personnes-là parce que ce n'est pas leur faute. Ils veulent travailler, ces gens-là. Alors qu'on a besoin d'employés pour donner un service accru à la population, les employés sont chez eux, ils sont payés, ils ne peuvent pas contribuer aux services publics. C'est ça, le discours de ce gouvernement, M. le Président. Et ce beau gouvernement et ce premier ministre disaient: Seules les structures vont être affectées. Seules les structures vont être affectées, M. le Président. Bien, je vous dis une chose, et vous le savez très bien: c'est les citoyens et les citoyennes du Québec qui passent au cash, ce n'est pas les structures.

Ce n'est pas surprenant que, lors du congrès de la fin de semaine, il y ait un sentiment qui se soit développé à même les partisans du premier ministre, donc les membres du Parti québécois, de haute méfiance. Le premier ministre est sous haute surveillance, même chez les propres membres de son parti. C'est tout dire, M. le Président, parce que ces gens-là commencent, même des partisans, à douter de la parole du premier ministre. Ça fait qu'imaginez-vous ceux-là qui ne sont pas partisans, hein? C'est ça, la réalité.

Quand j'entendais le député de Vachon samedi soir, au congrès du Parti québécois, ici, à Québec, qui nous disait: J'ai honte d'être péquiste.

Une voix: Qui a dit ça?

M. Farrah: J'ai honte d'être péquiste. M. le Président, j'entendais le député de Joliette, ministre des Ressources naturelles, qui nous disait: C'est un parti qui est immature. Immature. Et surtout, lorsque j'ai entendu le leader de l'opposition officielle à Ottawa, le leader du Bloc québécois, M. Gilles Duceppe, ami intime du premier ministre du Québec, qui nous disait: Ce parti est déconnecté de la réalité...

Une voix: Ah non! Il n'a pas dit ça.

M. Farrah: Donc, M. le Président, ça confirme que ces gens-là vivent dans une bulle...

Une voix: Il n'a pas dit ça.

M. Farrah: ...et ne sont pas conscients de la réalité sur le terrain.

(21 h 40)

J'entendais le ministre du Revenu. Le ministre du Revenu, lui, il nous disait que c'est important d'aller chercher des revenus dans les poches des contribuables, des revenus additionnels, le travail au noir, il faut en convenir, alors que nous, M. le Président, notre politique comme Parti libéral du Québec, ce n'est pas de sécher les contribuables actuels du Québec, de vider leurs poches, c'est de faire en sorte de générer de l'activité économique pour qu'il y ait le plus de contribuables possible qui contribuent à la richesse collective et faire en sorte qu'il y ait davantage de revenus qui rentrent dans les coffres du gouvernement. C'est ça, la différence fondamentale, parce que, comme je vous mentionnais auparavant, vous savez très bien que, pour atteindre les objectifs budgétaires, ce gouvernement ne travaille exclusivement que sur les dépenses parce qu'il n'y a pas de revenus qui rentrent à cause de l'entêtement de l'option et, entre autres, de la situation linguistique au Québec. Alors, pour répondre aux objectifs financiers que le gouvernement nous a imposés – bien, là il n'y a pas de revenus qui rentrent – on coupe davantage, et là ce n'est pas les structures qui sont touchées, comme je vous le disais, ce sont les gens.

Alors, un budget de gouvernement, c'est comme un budget personnel, un budget familial, un budget d'entreprise, on doit y travailler sur les deux colonnes: les revenus et les dépenses. Alors, quand on a un gouvernement qui n'a aucune vision économique, un gouvernement qui est antiéconomique – une perte de 54 000 emplois cette année – comment voulez-vous que ces gens-là travaillent sur cette colonne de revenus? Il y en a moins que prévu. Alors, par conséquent, pour atteindre les objectifs, on coupe les plus démunis. Et là on se demande pour quelle raison les gens sont mécontents. Parce qu'on a promis mer et monde en campagne électorale. Dans l'ensemble des régions du Québec, avant le référendum, on disait oui à toutes les demandes, et là on ne peut plus livrer la marchandise. Alors, quand on fait le constat de la situation, il ne faut pas être surpris que le population n'ait plus confiance dans ce gouvernement compte tenu du double langage que ces gens-là nous tiennent depuis les deux dernières années.

Un exemple, M. le Président: l'actuel premier ministre du Québec, le député de Jonquière, alors qu'il était chef de l'opposition à Ottawa, il est allé rencontrer et faire un discours devant les syndiqués ou les membres du Syndicat canadien de la fonction publique. Qu'est-ce qu'il disait à ces gens-là lors de son allocution qui était en juin 1995? «Aujourd'hui – et je cite l'actuel premier ministre qui était chef de l'opposition – de parler d'acquis social, de parler de programmes sociaux, d'avoir l'air de les défendre et de ne pas vouloir mettre les ciseaux dedans, c'est politiquement incorrect, et la correction politique, aujourd'hui, c'est de sabrer là-dedans, c'est de simplifier tous les problèmes – disait-il, le premier ministre actuel – puis avec ça on se fait élire. On se fait élire probablement comme premier ministre de l'Ontario, premier ministre de l'Alberta. On peut même être à Ottawa puis gouverner à droite comme le font les libéraux avec une sorte de résignation plus ou moins passive dans l'ensemble du pays.» C'est ça qu'il disait, l'actuel premier ministre, alors qu'il disait que ça n'avait pas de bon sens d'agir comme les gens de l'Ontario puis les gens de l'Ouest, gouverner à droite de cette façon-là. Et aujourd'hui il nous arrive... Comme premier ministre du Québec, il est plus à droite que ces gens-là.

Alors, voilà le discours et la réalité actuelle que l'on vit. Ne vous surprenez pas que même ses membres au Parti québécois doutent de ce premier ministre. Où en sont les beaux discours de la social-démocratie? Où sont-ils, ces beaux discours? Ils sont ici. Mais, dans les gestes concrets, c'est tout à fait le contraire qui se passe.

Dans le livre de M. Vastel, qui s'intitule – et je cite le livre, M. le Président, le titre – «Lucien Bouchard: En attendant la suite», que disait de l'actuel premier ministre le député de Joliette, à l'égard du premier ministre actuel? Il disait, et je cite le livre, à la page 58: «Ah! ce Lucien, ce qu'il peut être théâtral! se souvient Guy Chevrette. Il s'enflamme tellement qu'il est capable de se convaincre lui-même.» Voilà ce que disait le député de Joliette.

Alors, en terminant, M. le Président, j'invite mes collègues et les collègues de la formation gouvernementale que... S'ils veulent être crédibles auprès de leur électorat et défendre leur électorat, ils doivent convenir avec nous que cette motion, qui blâme sévèrement le gouvernement à l'égard de son double langage notamment, doit être adoptée de façon expresse pour faire en sorte qu'on respecte le voeu de la population et que ce gouvernement nous donne l'heure juste. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Alors, nous allons mettre aux voix la motion.

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement péquiste notamment pour sa gestion médiocre de l'emploi et de l'économie, lui qui affirmait que l'emploi était sa priorité; pour l'imposition de 2 000 000 000 $ en taxes, lui qui affirmait que les Québécois étaient trop taxés; pour la dégradation des services publics, en particulier l'éducation et la santé, lui qui affirmait que son gouvernement serait celui de l'éducation, et blâme le premier ministre pour son double langage à l'endroit des Québécois.»

Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Bélanger: Je demanderais le vote nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote nominal, oui, puis...

M. Bélanger: Conformément à l'article 223 de notre règlement, je fais motion pour reporter le vote à la période des affaires courantes, le lundi 2 décembre 1996.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons reporter le vote au lundi 2 décembre, à 14 heures. Et nous allons ajourner nos travaux jusqu'à cette heure et cette date. Excusez, M. le leader du gouvernement, il y a un autre point?

M. Bélanger: Premièrement, ce n'est pas à 14 heures, mais après les affaires courantes, M. le Président, que j'ai demandé que le vote soit reporté. Et, deuxièmement, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au lundi 2 décembre 1996, à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

(Fin de la séance à 21 h 47)


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