To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Assembly Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the National Assembly

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the National Assembly

Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, November 27, 1996 - Vol. 35 N° 58

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Alors, nous débutons les affaires du jour. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 12 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 74


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 12, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 74? M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, j'ai déposé récemment à cette Assemblée le projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail au Québec. Ce projet, dont je vous présenterai aujourd'hui les grandes lignes, porte essentiellement sur les modalités de financement du régime québécois de santé et de sécurité du travail. Il comprend en outre une modification à la Loi sur la santé et la sécurité du travail en ce qui concerne le financement des services d'inspection.

Il est pertinent de rappeler que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est l'organisme chargé par le législateur d'administrer le régime québécois de santé et de sécurité du travail. À ce titre, elle assure son financement au moyen de cotisations qu'elle perçoit essentiellement et annuellement auprès de 180 000 employeurs du Québec.

En 1989, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles a été modifiée afin de permettre la mise en place de nouveaux modes de cotisation par la CSST dès le début des années quatre-vingt-dix. Il s'agissait de la première phase de la réforme de la tarification de la CSST. Celle-ci avait pour objectif d'offrir aux employeurs québécois un régime plus équitable et, en plus, de les inciter à la prévention des lésions professionnelles. D'ailleurs, le projet de loi qui est devant nous insiste énormément sur la prévention. Le meilleur moyen de réduire les coûts de la CSST, c'est que les employeurs, les employés et tout le monde soient conscients que la prévention, c'est payant.

(10 h 10)

Depuis ce temps, la CSST applique des modalités qui tiennent compte, pour établir la cotisation d'un certain nombre d'employeurs, de ce qu'on a appelé leur expérience. Autrement dit, la CSST considère leur performance en matière de coûts des lésions professionnelles pour fixer leur taux de cotisation.

La prévention des lésions professionnelles est la pierre angulaire du régime québécois de santé et de sécurité du travail. Avec cette phase initiale de la réforme de la tarification, la CSST a confirmé l'importance d'une gestion active de la santé et de la sécurité du travail dans nos entreprises québécoises.

M. le Président, bien que satisfaits à l'époque des mesures adoptées, les employeurs du Québec demandent aujourd'hui des régimes de cotisation qui reflètent encore davantage leur effort consacré à la prévention des lésions professionnelles et à la réintégration de leurs travailleurs. Ça, c'est une donnée aussi qui est essentielle. La prévention, c'est important, c'est payant, mais ce qui est d'autant plus payant et plus respectueux des travailleurs, c'est leur réintégration au travail le plus vite possible.

M. le Président, à plusieurs égards, la loi actuelle accuse un certain manque de souplesse et s'alourdit de dispositions anachroniques dont j'aimerais bien qu'on soit départi le plus tôt possible. Je fais notamment référence aux modalités de paiement des cotisations qui ne correspondent pas toujours à la réalité budgétaire des entreprises, ou encore à la méthode d'établissement des intérêts imposés ou versés par la CSST qui n'est pas conforme aux pratiques en vigueur ailleurs au pays, ou bien aux modalités pour cotiser l'employeur qui omet de déclarer des masses de salaire à la CSST, la privant ainsi de contributions nécessaires au financement du régime.

M. le Président, je fais également allusion au fait qu'à la CSST le délai de prépublication des règlements est de 60 jours, alors que la Loi sur les règlements fixe un délai, elle, de 45 jours. Alors, on va essayer de s'arrimer, vous comprendrez bien. De plus, certains règlements annuels en matière de cotisations de nature très technique sont sujets à l'approbation du gouvernement, ce qui a pour conséquence d'alourdir encore davantage le processus. Alors, vous voyez un petit peu le sens de la réforme qu'on veut établir.

En effet, à cause des délais imposés par ces dispositions, la CSST se voit contrainte d'effectuer plusieurs communications écrites de nature financière afin de fournir aux employeurs toute l'information nécessaire pour planifier leurs dépenses de l'année à venir. Ce n'est pas rien. Je pense qu'il était temps qu'on mette un peu d'ordre là-dedans.

D'autre part, il faut se rappeler que la CSST a négocié, avec d'importants partenaires du secteur privé, une entente-cadre pour l'acquisition de services de commerce électronique. Avec cet accord, approuvé par son conseil d'administration et entériné par le Conseil des ministres, au mois de décembre 1995, la CSST a donné le coup d'envoi à la création d'un premier tronçon de l'autoroute électronique au Québec. La CSST, M. le Président, il faut le rappeler, est un organisme bien géré, qui a fait le virage de la modernité, qui tente par tous les moyens d'assouplir ses mécanismes de gestion pour qu'en bout de ligne le travailleur accidenté obtienne le meilleur service possible. Aux termes de toutes ces initiatives, on va offrir une technologie capable de répondre aux exigences d'un processus de cotisation plus souple. Pour profiter pleinement de ces avantages, il faudra éliminer la lourdeur administrative et la rigidité du processus actuel, par exemple en ce qui a trait à la déclaration des salaires et aux modalités de paiement des cotisations.

En fait, M. le Président, il devient de plus en plus nécessaire d'actualiser le financement du régime de santé et sécurité du travail en l'adaptant à l'évolution des besoins de nos employeurs qui, à maintes reprises, au cours des dernières années, ont demandé à ce que le gouvernement du Québec prenne ses responsabilités en la matière, et c'est ce que nous entendons faire dans ce projet de loi sur le financement de la CSST. Par ailleurs, sachant que les sommes requises pour l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et de ses règlements relativement à l'inspection sont prises à même les deniers accordés annuellement par la Législature, il y a lieu de préciser une fois pour toutes les modalités de cette disposition.

M. le Président, vous me permettrez, en quelques minutes, très rapidement, de rappeler les objectifs visés par ce projet de loi. Les changements contenus dans ce projet permettront la mise en place de la deuxième phase de la réforme de la tarification à la CSST. Les changements envisagés dans cette seconde phase font suite à plusieurs années de discussion et à une vaste consultation qui a notamment rejoint, à l'automne 1995 et au début de 1996, plus d'une centaine d'associations patronales et toutes sortes de catégories d'employeurs. Ces groupes patronaux ont accueilli très favorablement les propositions mises de l'avant, et il faut souligner qu'ils ont formulé le souhait de voir la phase II de la réforme de la tarification entrer en vigueur le plus rapidement possible. Pour leur part, les associations syndicales représentées au conseil d'administration de la CSST ont également été consultées. Ces dernières ont réservé, dans l'ensemble, un accueil favorable à cette seconde phase de la réforme. C'est important de savoir que la CSST est paritaire, composée d'un nombre égal de représentants patronaux et de représentants syndicaux.

M. le Président, ce projet de loi vise à permettre une prise en compte plus précise des coûts des accidents et des maladies reliés au travail, et cela, dans la détermination des cotisations à payer par les employeurs du Québec. Cela revêt une grande importance, une très grande importance, surtout dans le contexte actuel où les entreprises québécoises cherchent par tous les moyens possibles à optimiser leur productivité et à accroître leur rentabilité. D'ailleurs, vous vous souviendrez sans doute, M. le Président, que, lors du sommet économique, les entreprises québécoises sont venues dire haut et fort: S'il vous plaît, que le gouvernement fasse en sorte que, par sa réglementation, par tout ce qui peut alourdir les taxes sur la masse salariale, bien qu'on fasse en sorte de faire respirer les créateurs de richesse.

Bien, c'est à cela qu'on veut répondre, M. le Président, par la proposition qui est devant vous. Les modifications proposées ont également pour but de permettre une meilleure prise en considération des efforts de prévention des entreprises dans la détermination du taux de cotisation. Il y a des employeurs québécois qui agissent de façon responsable et qui croient profondément à la prévention. Avec ce projet de loi, on veut leur donner la chance de poursuivre sur cette lancée et que les entreprises qui ont tracé la voie soient suivies par d'autres.

En somme, nous sommes persuadés que tous ces changements inciteront davantage nos entreprises à investir massivement dans la prévention. Nous croyons également qu'ils rendront le régime plus équitable pour ceux qui ont à coeur de délimiter, à la source, tous les dangers pour la santé et la sécurité de leurs travailleurs, pour ceux qui se préoccupent de maintenir le lien d'emploi avec leurs travailleurs accidentés. C'est important, lorsqu'un travailleur est accidenté, d'espérer retourner au travail le plus rapidement possible, et ça, en deçà d'un délai de deux ans.

Ce projet de loi vise également à modifier les règles de classification des entreprises pour les adapter au contexte économique actuel, car il importe de créer pour elles un cadre plus propre au développement de leur capacité concurrentielle. Il convient de noter également, M. le Président, que ce projet de loi vise à mieux répondre aux besoins de l'ensemble des employeurs du Québec. Il contient, en effet, des dispositions s'adressant aux petites entreprises, qui sont cotisées à un taux de leur unité de classification, aux moyennes entreprises, qui ont une cotisation personnalisée, et aux grandes entreprises, qui sont assujetties à un régime rétrospectif.

(10 h 20)

Les petites entreprises, cotisées au taux de l'unité, pourront éventuellement se regrouper, en somme mutualiser leur risque. Ça, c'est intéressant. Et tous ces regroupements vont permettre la mise en commun de leur effort, de leur expertise, afin de mieux gérer la santé et la sécurité du travail. Par exemple, M. le Président, quelqu'un qui est propriétaire d'un dépanneur ou encore quelqu'un qui a une toute petite entreprise dans l'industrie de la construction, bien ces gens-là vont pouvoir se regrouper, une cinquantaine ensemble, pour pouvoir échanger sur leur expertise. Parce que, souvent, seul, l'employeur décide que la santé et sécurité du travail, ce n'est peut-être pas sa priorité. Mais, si on les regroupe et on essaie de créer entre eux une solidarité en vue de faire davantage de prévention, bien c'est tout le monde qui va en bénéficier, et ça va accélérer aussi le retour au travail du travailleur accidenté.

Ces entreprises profiteront alors d'une cotisation personnalisée sur la base de l'expérience collective du groupe. Ça, c'est une innovation extraordinaire, et j'espère qu'on va pouvoir rendre ces dispositions accessibles le plus rapidement possible aux entreprises. Il s'agit là d'un incitatif important qui aura pour effet de stimuler la prise en charge de la prévention par nos petites entreprises, ce qui n'est pas le cas, généralement, aujourd'hui.

D'autre part, le régime du taux personnalisé sera modifié de façon à le rendre accessible au plus grand nombre d'entreprises, soit environ trois fois plus qu'aujourd'hui. D'autres modifications conféreront d'ailleurs au régime une plus grande réactivité à l'expérience de chaque entreprise, en d'autres mots à sa performance en santé et en sécurité du travail. Enfin, les modalités du régime rétrospectif seront changées pour que la cotisation de l'employeur reflète, de façon beaucoup plus précise, les dépenses réelles qui lui sont imputées en santé et sécurité du travail. Ces changements auront, d'autre part, pour effet d'empêcher les transferts de coûts injustifiés entre les employeurs assujettis à ce régime.

Par ailleurs, vous savez que les grandes entreprises du Québec, M. le Président, sont très soucieuses de prévention. Alors, la prévention des accidents et des maladies reliés au travail tout comme la réintégration en emploi dans l'entreprise deviendront, plus que jamais, les leviers privilégiés pour contrôler les coûts d'indemnisation des lésions professionnelles. C'est sûr que tout ça aura des impacts, des impacts assez considérables, M. le Président. Ce projet de loi va permettre de faire coïncider davantage la cotisation de chaque entreprise avec ses coûts d'indemnisation réels et, de ce fait, l'employeur sera incité à investir encore plus en prévention, de même qu'à reprendre à son emploi le travailleur accidenté dès que sa condition lui permettra de le faire. En conséquence, ce projet de loi contribuera à diminuer le nombre de victimes de lésions professionnelles et les coûts d'indemnisation.

Sur le plan financier, ça va être merveilleux, merveilleux, parce qu'on veut évaluer la réduction des coûts à quelque 40 000 000 $ par année. Le projet de loi qui est devant nous va réduire les coûts de 40 000 000 $ par année; c'est ce que j'appelle une bonne nouvelle pour les employeurs québécois. Cela est d'autant plus appréciable que cette réduction n'affectera en rien les indemnités accordées aux travailleurs et aux travailleuses victimes de lésions professionnelles. Très grande nouvelle.

Enfin, ce projet de loi va éliminer une fois pour toutes un bon nombre d'irritants qui découlent des modalités du financement ainsi que des modalités qui n'ont pas suivi l'évolution du contexte des affaires des entreprises québécoises et canadiennes, M. le Président.

Et vous me permettrez, en conclusion, de souligner que le régime de tarification va répondre aux exigences légitimes des entreprises privées qui veulent obtenir un rendement de leur investissement en prévention et en réadaptation. Ce qu'on leur dit aujourd'hui, c'est que faire de la prévention, c'est payant, c'est respectueux pour les travailleurs et c'est respectueux aussi pour l'employeur. L'employeur qui se respecte, c'est un employeur qui respecte ses travailleurs.

En particulier, la phase II de la réforme de la tarification va permettre dorénavant d'offrir cette opportunité aux petites entreprises qui présentement ne peuvent pas, ne peuvent pas s'organiser pour faire de la prévention de façon valable. Alors, tous les employeurs québécois, avec ce projet de loi, que ce soient les petites, les moyennes ou les grandes entreprises, vont embarquer dans un scénario de prévention, et c'est toute la société québécoise et tous les travailleurs québécois qui vont en profiter.

On peut donc anticiper que ce projet de loi aura plusieurs impacts majeurs. D'abord, il va contribuer à la diminution du nombre de victimes des lésions professionnelles, il va diminuer les coûts d'indemnisation des accidents et des maladies reliées au travail. Il contribuera aussi à l'atteinte de l'objectif de notre gouvernement de réduire les cotisations applicables à la masse salariale des entreprises, et, à cet égard, on va répondre au consensus du sommet économique et des milieux d'affaires quant à la diminution des coûts et des taxes sur la masse salariale.

En simplifiant les échanges d'information entre les entreprises et la CSST, ce projet de loi rejoint ainsi la volonté du gouvernement du Québec d'alléger les contraintes administratives pour les employeurs et de favoriser une meilleure relation entre les entreprises du Québec. En plus, il fournira à la CSST des outils de gestion additionnels pour administrer le plus efficacement possible la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles de même que la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Cela s'ajoutera aux efforts déployés jusqu'à maintenant pour sauvegarder le régime québécois de la santé et de la sécurité du travail. Et on dit souvent que c'est un des meilleurs régimes. C'est vrai. Mais, avec le projet de loi qui est devant nous, il sera encore meilleur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail et député de Matane. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir ce matin d'intervenir sur le projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

En effet, M. le Président, tout le monde est conscient que cet organisme, cette loi qui protège les travailleurs dans leur milieu de travail contre tout accident, maladie ou lésion qui pourrait survenir dans l'exercice de leurs fonctions est certainement une des lois les plus progressives que nous connaissons dans le monde occidental, une des lois qui ont été faites pour le travail. Car, on se rappellera, M. le Président, les gens qui nous regardent ou parmi les collègues en cette Chambre, les périodes antérieures à cet organisme au Québec comme ailleurs dans le monde où il n'y a pas ces protections, le triste sort qui était réservé aux travailleurs lorsqu'ils étaient accidentés.

On se rappellera aussi les dangers qui étaient les leurs lorsqu'ils travaillent dans une usine, une manufacture, dans un chantier de construction, du fait de ce que les employeurs n'ayant pas ou peu de réglementation ou de responsabilités leur faisaient subir. Quel drame humain, quel déception, quelle souffrance, dans une famille, lorsque le chef de famille qui partait travailler le matin revenait, l'après-midi ou le soir, handicapé, accidenté, ou se retrouvait à l'hôpital. C'était là le noyau familial et la sécurité de la famille qui venait d'être compromis, premièrement, et, deuxièmement, c'était aussi la vie de cette personne, de ce travailleur, de cet ouvrier, qui était hypothéquée pour de nombreuses années.

Alors, il était important, M. le Président, d'apporter des mécanismes de protection et surtout d'indemnisation. Et, là-dessus, je pense que tout le monde est d'accord dans notre société pour dire que cela est nécessaire. Je ne vois pas de groupe politique ou de pression pour certainement décrier cela.

Par contre, M. le Président, certaines parties de notre société, certaines personnes verraient d'un très bon oeil que ces réglementations ou ces obligations soient moins fortes, ou plus fortes, dépendamment dans quel groupe elles se trouvent. En effet, lorsque l'on regarde le groupe des travailleurs et des organisations syndicales, les organisations de travailleurs non syndiqués ou non organisés, les gens sont toujours très sensibles et très à l'affût, à l'écoute de toutes modifications qui pourraient être amenées dans ce régime. Car, en effet, M. le Président, trop souvent, ces changements, dans ce vent de droite qui semble souffler sur le Canada actuellement et qui a rejoint le Québec depuis quelques mois avec l'arrivée du nouveau premier ministre, eh bien, on se rend compte que, de plus en plus, les lois ou les règlements qui sont adoptés ont pour but d'aller toucher dans la protection des travailleurs et des plus démunis de notre société, de les taxer, de les tarifer, ou de leur enlever des protections. Alors, il est du devoir de l'opposition d'être très sensible et très présente à cela.

(10 h 30)

D'un autre côté, il est vrai aussi qu'un excès de bureaucratie, un excès de réglementation peut avoir des effets pervers sur la création d'emplois et faire en sorte que le but recherché devienne contre-productif. Et là, M. le Président, il faut aussi être capable d'agir avec discernement et dans le meilleur intérêt de l'entreprise, c'est évident, mais en tenant compte que cela permettra certainement de créer des emplois ou de maintenir en compétition des entreprises qui sans cela pourraient certainement être gênées dans leur compétitivité internationale. Car on sait que, maintenant, nos entreprises, très souvent, doivent compter sur des marchés extérieurs et des compétiteurs qui viennent des États-Unis, ou du reste du Canada, ou même d'ailleurs dans le monde, et il est donc important qu'elles puissent être compétitives. Mais cela ne doit pas se faire, et je le disais précédemment, au détriment des travailleurs et des citoyens qui, bien sûr, ne doivent pas payer seuls la facture de cette déréglementation ou de ce vent de droite qui souffle sur l'Amérique actuellement.

Au contraire, je pense que nous devons encore plus maintenant, alors que l'État se désengage de plus en plus de toutes les sphères de ces responsabilités qui étaient les siennes en ce qui concerne la protection des citoyens, en ce qui concerne son rôle de chien de garde de la défense des plus démunis, et je le dis fortement, être encore plus vigilants dans tout ce qui touche les institutions qui ont été créées pour les défendre.

En ce qui concerne le projet de loi n° 74, M. le Président, un certain nombre d'arguments qui ont été amenés par le ministre sont tout à fait excellents. Et je rappellerai ici, pour les gens qui nous regardent et les collègues en cette Chambre, qu'il y a à peu près 2 500 000, 2 450 000 travailleurs qui sont couverts par la CSST actuellement. Chaque année, environ 200 000 réclamations sont produites par des travailleurs qui sont accidentés ou handicapés, devant cette Commission. Et on doit malheureusement déplorer aussi que, chaque année... pas chaque année, mais c'est un chiffre sensiblement semblable, l'année dernière, 148 travailleurs et travailleuses ont perdu la vie dans des entreprises ou sur des chantiers au Québec, suite à des accidents de travail. Alors, M. le Président, il faut bien sûr faire en sorte que cet organisme puisse fonctionner, puisse indemniser les gens, puisse être efficace, et pour cela le ministre amène le projet de loi n° 74.

On se rappellera aussi que le ministre a mentionné que c'était la phase II de la réforme au niveau de la tarification, au niveau du financement. Oui, c'est vrai. La phase I a été entreprise dans le début des années quatre-vingt-dix par le gouvernement précédent, dont nous étions, et, dans cette réforme, M. le Président, cette première phase, nous avions, bien sûr, un certain nombre de points qui avaient été amenés, dont la réduction du nombre d'unités de classification, qui passait de 800 à 300. Ça, c'était afin de rendre plus crédibles et plus faciles les évaluations actuarielles.

Il y avait aussi l'introduction d'un régime rétrospectif qui permettait aux grandes entreprises de pouvoir répartir leurs factures de cotisation selon leur expérience dans les années antérieures. Et je m'explique. Une entreprise qui, dans les années passées, a fait des efforts pour faire beaucoup de prévention, beaucoup d'éducation auprès de ses travailleurs, qui a fait des modifications à ses installations sécuritaires pour les rendre encore plus sécuritaires, à ses unités de production pour les rendre plus sécuritaires, donc voyant, à ce moment-là, d'une manière très importante le décès ou son taux d'accidentés, ou, même, simplement, n'ayant pas d'accidents du travail, pouvait tenir compte de ces facteurs pour pouvoir établir son taux de cotisation qui reflétait d'une manière plus réelle son besoin de cotisation en fonction du danger qu'elle représentait pour les travailleurs; contrairement à d'autres entreprises qui, elles, n'ayant pas fait ces ajustements ou ces changements technologiques ou sécuritaires ou n'ayant pas pris ces mesures d'éducation ou de prévention, avaient un taux d'accident plus élevé, et à ce moment-là il était normal qu'elles assument un coût supplémentaire.

M. le Président, c'étaient à ce moment-là des changements qui étaient fort importants et qui étaient demandés par les entrepreneurs, mais aussi acceptés par les travailleurs, car ils comprenaient que plus les entrepreneurs étaient enclins à appliquer des mesures de prévention et d'éducation, plus ils verraient leurs cotisations baisser, plus ils le feraient, moins il y aurait d'accidents chez les travailleurs. Car le but recherché – et je le rappellerai ici – n'est pas de pouvoir indemniser le plus de travailleurs accidentés possible, mais d'avoir le moins d'accidentés possible. Parce que ce n'est jamais intéressant, ce n'est jamais plaisant. C'est un drame pour un être humain et une famille, comme je le disais précédemment, d'être accidenté du travail. Alors, la prévention et l'éducation ont ce rôle-là, et je pense, M. le Président, qu'il faut reconnaître ça dans le taux de cotisation qui est demandé à ces entreprises.

Il y avait aussi dans cette première phase l'introduction d'un taux personnalisé qui permettait aux entreprises qui paient un maximum de 14 000 $ par année de cotisation d'avoir accès à un régime qui tient compte de leur expérience. Ainsi, ça permettait à des petites entreprises, à des moyennes entreprises de pouvoir elles aussi être reconnues pour les efforts qu'elles font au niveau de la prévention, au niveau de la formation. Parce que n'oubliez pas que la formation professionnelle a aussi une incidence sur le taux d'accidents. Un travailleur qui sait comment faire fonctionner sa machinerie, qui sait comment faire fonctionner et utiliser ses équipements, bien, c'est évident qu'il a beaucoup moins de chances d'être accidenté qu'un travailleur moins bien formé qui ne connaîtrait pas ou n'aurait pas toutes les connaissances d'application ou de fonctionnement de ses équipements.

Alors, je pense que c'étaient là certainement, à l'époque, des gestes très importants et très bons qui ont eu des effets importants sur le taux d'accidentés du travail au Québec et, bien sûr, sur les cotisations à la baisse qui ont pu par la suite être payées.

Alors, le projet de loi du ministre, M. le Président, bien sûr, va dans ce sens-là. C'est la réforme, c'est un projet de loi du gouvernement, je dirais, qui, me dit-on, était prêt depuis longtemps. Des groupes à qui j'ai pu parler hier me faisaient savoir que ce projet de loi était en gestation depuis un peu plus d'un an ou depuis une année au moins. D'ailleurs, on se demande pourquoi le gouvernement, à ce moment-là, si c'est exact, a attendu pour l'amener. Je pense que c'est un projet de loi qui n'aurait pas fait problème des deux côtés de la Chambre à ce niveau-là, au moins sur le principe, et nous reviendrons par la suite pour autre chose, la question est là.

M. le Président, il y a aussi dans ce projet de loi un certain nombre de points que le ministre a amenés. Il disait: Vous savez, il faut tenir compte des coûts. Le ministre a beaucoup parlé des coûts, mais il a peu parlé du facteur humain. Il a employé des mots, et j'ai pris quelques notes: «C'est payant, c'est intéressant, c'est beaucoup d'argent.» Je ne pense pas qu'on doit apporter ce règlement, cette loi de la CSST en fonction des coûts uniquement. L'argent, c'est vrai; la finance, c'est vrai; mais, M. le Président, un gouvernement doit avoir la préoccupation du coût social et non pas du coût monétaire uniquement, particulièrement un gouvernement qui a à coeur la représentation des employés.

Les groupes que nous avons rencontrés, à qui nous avons pu parler, nous ont fait valoir qu'ils demanderaient un certain nombre d'ajustements au projet de loi. Alors, actuellement, nous sommes sur le principe du projet, et donc je n'entrerai pas dans les détails, mais nous aurons l'occasion, lors de la commission parlementaire qui va se tenir, de faire valoir un certain nombre de points et de suggérer quelques amendements au projet afin de le rendre plus performant et de le rendre plus exact selon les aspirations de groupes particuliers, en particulier les citoyens représentés par le Conseil du patronat du Québec et par les employeurs.

(10 h 40)

Il y a aussi, M. le Président, bien sûr, un certain nombre de points très techniques dans ce projet de loi. Je m'en voudrais de ne pas souligner – le ministre ne l'a pas dit dans son discours, à moins que je ne l'aie point entendu – que ce projet de loi permet de signer une entente avec la Régie de l'assurance-maladie en ce qui concerne le remboursement de sommes qui seraient engagées par elle en fonction d'accidents du travail, et il y a un cadre de règlements qui va être fourni. Alors, cela, c'est un débat aussi. Je pense que ça va en effet dans le bon sens, car, en effet, il peut y avoir à ce moment-là duplication ou même simplement dédoublement ou problème de juridiction, dépendant de qui paie quoi, qui s'occupe de quoi. Arrivant un accident, est-ce que la Régie engage des frais? Est-ce que c'est la CSST? Alors, c'est des choses que nous aurons à débattre et que le ministre aura à nous expliquer probablement en commission parlementaire.

Il y a un point, c'est que le ministre se réserve encore, dans ce projet de loi là, le droit – ou à la CSST – de faire des règlements sans prépublication. Alors, on sait que normalement, lorsque le gouvernement fait des règlements, il les prépublie afin que les citoyens ou les groupes intéressés puissent y avoir accès et faire valoir des points ou des commentaires ou des recommandations, ou même s'y opposer, le cas échéant, si c'est nécessaire. Et là nous retrouvons ça. Et ça fait deux projets de loi que je vois présentés par le ministre du Travail depuis quelques mois qui ont cette clause de non-prépublication.

Alors, nous aurons à discuter, en commission parlementaire, comme nous l'avons fait hier pour le projet de loi n° 31, dans la loi qui modifie les normes minimales du travail, dans lequel le ministre nous annonce qu'il fera une tarification pour les employeurs qui auront à aller devant la Commission des normes. Je ne veux pas élaborer sur celui-là, nous avons déjà eu l'occasion d'en parler. Nous aurons encore l'occasion d'en parler, vu que c'est en commission parlementaire. Mais nous retrouvons par la suite, dans ce projet de loi n° 31, un article qui dit qu'il n'y aura pas prépublication, et certains groupes s'en sont émus, tels le Barreau du Québec, des représentants de travailleurs et des organisations syndicales.

Alors, nous retrouvons encore, dans le projet de loi n° 74, ce même principe. J'aimerais avoir l'occasion et savoir pourquoi, dès maintenant, nous retrouvons dans ces projets de loi là ces articles qui font en sorte qu'il n'y a pas prépublication. Peut-être que le ministre aura l'occasion de nous l'expliquer en commission parlementaire. Nous verrons si cela correspond au meilleur des intérêts des citoyens ou des travailleurs, des patrons, et nous verrons à ce moment-là ce que nous aurons comme comportement, comme opposition vis-à-vis de ces clauses-là.

Alors, M. le Président, ce projet de loi, c'est évident, ne touche pas le fond du fonctionnement de la CSST. On parle de financement, de cotisation, d'administration, de simplification. Nous aurons plus tard un autre projet de loi qui va venir, qui va être beaucoup plus sensible, qui va être le projet de loi n° 79, dans lequel nous aurons l'occasion de revenir sur tous ces mécanismes d'indemnisation des accidentés du travail, sur tous ces mécanismes de prévention, de réintégration, de réinsertion au travail.

Le ministre en parle un petit peu lorsqu'il dit qu'il permettra maintenant à un employeur qui engagerait un employé qui est déjà accidenté de pouvoir, advenant une rechute de ce travailleur-là, partager le risque avec l'ancienne entreprise ou l'ancienne unité dans laquelle ce travailleur était, pour éviter que ce travailleur-là soit victime d'un peu de discrimination, en disant: Bien, écoute, il a déjà été accidenté; si je l'engage chez nous et qu'il retombe mal dans le dos ou que sa jambe recommence à ne plus fonctionner, je vais être pris, moi, à ce moment-là, à devoir tout payer. Et ça faisait en sorte que des travailleurs étaient laissés sur le carreau parce que personne n'avait trop l'intention de prendre ce risque-là. On peut ne pas être d'accord, mais on peut le comprendre aussi. Alors, dans le projet de loi, nous retrouvons cette disposition, et je pense que c'est aller dans le bon sens. On aurait pu aussi la retrouver dans le projet de loi suivant, le n° 79. En tout cas, il est dans celui-là, et, ma foi, c'est quelque chose que nous regardons avec sympathie.

Par contre, le problème qui est amené, c'est du fait que ça permettra aux employeurs d'avoir connaissance des dossiers. Et là attention, prudence! Il ne faudrait pas que maintenant tout le monde puisse avoir accès au dossier médical ou de la CSST de n'importe quel travailleur. Il y a une confidentialité à laquelle tout individu a droit en ce qui concerne son état de santé, sa condition physique et son passé et qui doit être respectée. C'est un point de vue pour moi fondamental à tous les niveaux de la société et particulièrement dans celui de la santé ou de la condition physique d'un individu, surtout si cela peut avoir pour effet de l'écarter ou de faire en sorte qu'il ne puisse pas occuper un emploi qui lui permettrait de se réintégrer sur le marché du travail. Le ministre a parlé de réintégration. Il ne faudrait pas que cela devienne une entrave à la réintégration ou une barrière qui créerait un peu de discrimination.

Cet article, dans ce projet de loi là, doit au contraire permettre à ces travailleurs de retourner travailler. C'est ça qui doit être le but. Alors, peut-être aurons-nous là encore des questions à poser au ministre. Certains groupes nous ont fait valoir, nous ont prévenu que ça les inquiétait un peu et que nous aurions intérêt à aller, peut-être, travailler ça un peu plus profondément. Et nous le ferons.

Alors, voilà, M. le Président. Je pense que, sur le principe de ce projet de loi là, l'opposition ne peut être contre. Je tiens à rassurer le gouvernement que, dans ce genre de projet, l'opposition, elle entend travailler d'une manière constructive et faire en sorte de défendre les intérêts tant des travailleurs que des employeurs de notre société. Lorsque les projets correspondront à ces critères que je viens d'énoncer, bien sûr, il nous fera plaisir de pouvoir fonctionner avec le gouvernement, d'une manière toujours critique et ouverte par exemple.

Dans ce cas-ci, j'avais fait savoir au ministre, lorsqu'il avait déposé les projets de loi en cette Chambre, que nous serions peut-être intéressés à tenir des consultations publiques sur un certain nombre de projets de loi. Alors, j'ai fait bien sûr des préconsultations avec différents groupes, et, en ce qui concerne le projet de loi n° 74, nous ne demanderons pas de consultations publiques, ayant eu déjà un certain nombre de réponses à nos questions par des rencontres personnelles ou des téléphones avec les groupes ou personnes qui sont intéressés, qui sont impliqués dans ce projet. Nous préférons, au contraire, garder ces audiences et ces commissions parlementaires publiques en ce qui concerne la CSST pour le projet de loi n° 79, qui, lui, bien sûr – on aura l'occasion d'en discuter en cette Chambre – le requerra, pour lequel nous le requerrons.

Alors, voilà, M. le Président. Donc, je le répète, pour le projet de loi n° 74, sur le principe, nous sommes en faveur mais nous réservons le droit de le faire amender, de proposer des amendements. Et, dépendant du débat qui se fera et des amendements qui seront amenés, nous réservons notre position pour les étapes subséquentes à l'adoption du principe. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Je cède maintenant la parole au député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de me lever ce matin pour m'adresser au sujet du projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Vous allez comprendre que cette loi qui a été mise en place il y a déjà plusieurs années avait pour but de s'assurer que les travailleurs pouvaient être protégés lors d'accidents survenant au travail. Elle a aussi favorisé la motivation des entrepreneurs à mettre en place des mesures de sécurité. Ce faisant, elle a aussi encouragé les employés à partager avec leurs entrepreneurs et avec les employeurs certaines mesures, à mettre en place des innovations, à mettre en place des suggestions et à appliquer les mesures que les entrepreneurs et propriétaires d'entreprise voulaient mettre en place pour assurer la sécurité des employés. Bien souvent, eux-mêmes contournaient par toutes sortes de mesures parce que ça allait plus vite, c'était plus simple, c'était moins compliqué. Mais la loi a fait en sorte qu'on les a encouragés.

Les mesures qui sont mises de l'avant aujourd'hui par le projet de loi n° 74, elles aussi vont dans le même sens. La mise en place de la phase I au début des années quatre-vingt-dix... Il faut comprendre que la phase II était déjà dans le collimateur. Il est regrettable qu'on ait attendu jusqu'à aujourd'hui pour mettre en place ou en tout cas pour nous présenter ce projet de loi qu'on aurait pu faire dès la fin de l'année 1994, après la prise du pouvoir par le Parti québécois. Mais ils étaient occupés à d'autres agendas, et, au lieu de nous présenter ce projet de loi il y a déjà deux ans, bien, on se retrouve deux ans plus tard.

(10 h 50)

Je dois dire, M. le Président, lorsqu'on parle de création d'emplois – et je vais y revenir plus loin – que les mesures qui sont mises de l'avant par le projet de loi n° 74, c'est une forme de création d'emplois; c'est une forme de création d'emplois à cause des économies qui vont être générées par les mesures mises de l'avant. Alors, il est évident que la prévention va favoriser, par une tarification adaptée aux entrepreneurs, aux employeurs, la mise en place de mesures de sécurité de plus en plus importantes afin de protéger les citoyens.

Évidemment, nous aurons des amendements à présenter au cours de la démarche à suivre, au cours de la commission parlementaire. Je m'adresserai très peu à ces amendements que nous suggérerons, mais il n'en reste pas moins que les employeurs vont mettre de plus en plus de l'avant des mesures de sécurité pour protéger leurs employés, parce qu'il y va de leur intérêt, et de leur intérêt parce qu'il y aura des économies. Ils vont retrouver des économies en favorisant la sécurité au travail, non seulement de l'économie dans les heures de travail pour leurs employés qui sont blessés souvent dans des mesures mal appliquées, mais aussi dans des économies de rentabilité et d'efficacité, parce que les travailleurs vont y prendre eux aussi leur compte.

La tarification va aussi être adaptée aux efforts qui vont être fournis par l'entrepreneur. Alors, il va sans dire qu'il va rechercher la collaboration de ses employés, de ses partenaires, pour être capable de mettre de l'avant de nouvelles mesures apportant une sécurité plus grande dans l'entreprise et dans les différents travaux qui sont mis de l'avant.

Le ministre a parlé tantôt de mutualisation pour, en partie, les petits secteurs, les secteurs faibles ou à petit nombre de travailleurs – je pense que ça aussi, c'est favorable – où on pourra répartir sur un plus grand nombre d'individus les accidents possibles à survenir chez un dépanneur, par exemple, ou autre secteur du travail.

L'impact, M. le Président, va être une diminution sur le coût des contributions des entrepreneurs. Évidemment, ça va les encourager à mettre de l'avant des mesures de sécurité, comme je l'ai mentionné, mais il y va aussi de leur bien parce qu'ils vont avoir une diminution de leurs cotisations.

Où le bât blesse un peu, c'est lorsque l'on parle d'appliquer sur les années rétroactives, antérieures, des cotisations qui... On aurait décidé aujourd'hui que ça s'applique pour les deux dernières années ou les deux années précédentes. Et ça, j'ai un peu de problèmes, et je vais m'adresser à ça un petit peu plus loin.

Mais il est évident qu'en encourageant les entrepreneurs à mettre de l'avant des mesures de sécurité ça va augmenter la productivité de l'entreprise par les économies qui vont être générées. Alors, l'argent qu'il va économiser par les diminutions de ses cotisations, l'entrepreneur va pouvoir le réinvestir dans son entreprise. Ça va augmenter son efficacité et, évidemment, ça va augmenter ses profits. Alors, les profits, où il les met? Dans son entreprise. Alors, oui, c'est une belle façon de créer de l'emploi. C'est une belle façon de créer de l'emploi, et je suis sûr que les entrepreneurs sont très heureux de voir les mesures qui sont mises de l'avant par le projet de loi n° 74.

On vise aussi la réintégration, réintégration qui va favoriser les employés qui ont eu le malheur d'avoir un accident et qui sont souvent mal jugés par de futurs employeurs. Sachant qu'ils ont eu un problème, ils disent: Ah! tu as mal au dos, bien, je n'ai plus de place ou l'emploi est comblé. Maintenant, bien, il va y avoir un genre de couverture pour assumer les coûts qui pourraient être générés advenant le même problème survenant chez cet employé.

Ça, M. le Président, ça me fait penser un peu à la mesure rétroactive que le ministre veut mettre en place. Si c'est bon pour un employé de dire: Bien, ton passé, on va l'oublier puis on va faire une autre mesure pour toi, pourquoi veut-il revenir en arrière lorsqu'il s'agit des cotisations des employeurs? Alors, on ne veut pas pénaliser l'employé pour un accident passé, mais on va pénaliser l'employeur pour des mésaventures qu'il a eues dans les deux, trois dernières années. Et c'est là que j'ai un peu de difficultés à rejoindre le ministre, où on va mettre en place cette rétroactivité.

Ça me fait penser un peu au système d'assurance pour les sinistres ou le feu. Lorsque vous avez un feu, bien, ils disent: Ta police d'assurance de cette année, on ne t'a pas chargé assez cher, on l'augmente. Non. On va l'augmenter l'année d'après, mais non pas l'année d'avant, ni les deux années antérieures. C'est un petit peu le même système, parce que la loi, c'est une forme de protection et aux employés et aux employeurs. Puis là, bien, on nous dit: Tu t'es protégé, mais, les deux, trois dernières années, tu n'as pas été trop bon, on retourne en arrière.

Alors, on a eu une assurance, qu'on la respecte, puis, l'année d'après, tu vas payer plus cher, mais pas l'année d'avant. Et on ne devrait pas avoir de rétroactivité dans ce secteur-là. Alors, je pense que la loi est très explicite là-dedans, et on le voit très bien aux articles 52 et 53, où on parle de «au cours de cette année et, le cas échéant, des deux autres années antérieures à celle qui précède l'année de cotisation et portées au compte de l'employeur pendant cette période». En somme, M. le Président, c'est avoir une assurance, puis, lorsqu'on a un accident d'automobile, bien, on dit: Pour les deux, trois dernières années, tu paies plus que ce que tu vas payer dans le futur. Et je pense qu'on envisage l'avenir, mais non pas qu'on retourne dans le passé. Je pense que c'est important d'envisager cette situation-là et cette position-là.

Alors, avec le projet de loi n° 74, qui favorise une plus grande sécurité au travail, évidemment le gouvernement va donner une motivation financière aux entreprises. Et j'aimerais juste rappeler, en terminant, M. le Président, que, si la motivation financière dans le projet de loi n° 74 est efficace pour favoriser la mise en place de mesures de sécurité pour favoriser la participation et l'implication des partenaires de l'employeur, c'est-à-dire ses employés dans l'entreprise, parce que il y va de leur bien et de leur intérêt, l'employeur aura des bénéfices additionnels qu'il pourra réinvestir, donc créer des emplois.

J'aimerais transmettre au gouvernement, M. le Président, le même message qui nous est transmis par la loi 74, où on dit: On a mis un incitatif financier qui va vous encourager à mettre de l'avant des mesures. Mais que le gouvernement arrête de nous donner des incitatifs négatifs en taxant et les employeurs et les employés, ce qu'il fait depuis déjà des mois et des mois – taxer la société et la population du Québec – avec tout ce qu'il nous a mis de l'avant, pour plus de 1 000 000 000 $. Alors, si c'est efficace, un incitatif financier, de dire aux gens: Il va t'en rester plus dans ta poche, si c'est bon, bien, qu'il pense donc que c'est aussi bon qu'on leur laisse dans leurs poches, les taxes qu'on vient chercher. Et, à ce moment-là, on verra des améliorations dans tout le système économique du Québec.

M. le Président, l'opposition est d'accord avec le projet de loi n° 74, parce qu'il a déjà été mis dans le collimateur; avant qu'on quitte le pouvoir, c'était déjà dedans. Alors, le ministre aujourd'hui va se pavaner et se vanter de tout mettre ce projet-là de l'avant, mais on l'avait déjà initié, c'était la phase II. Si on avait fait la phase I, on avait préparé la phase II, il va sans dire. Il a juste été lent à la mettre de l'avant et à nous la présenter, parce qu'il était occupé à d'autres choses. Je comprends, il y a tellement d'éléments qui sont survenus au cours des deux dernières années.

Alors, je peux l'assurer qu'on va supporter son projet de loi dans son ensemble et qu'on va lui demander d'avoir une oreille attentive aux revendications qu'on va lui proposer en commission, parce qu'on a certains amendements, qui ne sont pas majeurs. Mais je suis sûr qu'avec sa capacité d'écoute et de compréhension il va accéder à certaines des demandes, probablement pas toutes, parce que, évidemment, il ne peut pas tout donner – sans ça, il va se sentir du mauvais bord – mais qu'il va accéder à certaines de nos demandes, parce qu'elles sont importantes et pour les employeurs et pour les employés. Et, dans ce sens-là, nous pouvons l'assurer de notre collaboration entière pour la mise en place de ce projet le plus rapidement possible. Et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. Je donne maintenant la parole au député de Marguerite-D'Youville. M. le député.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, à mon tour, suite à l'intervention du ministre du Travail et de mes collègues de la commission de l'économie et du travail, d'intervenir sur le projet de loi n° 74 concernant le financement de la CSST. Ce projet de loi, très attendu des entreprises québécoises, résulte d'une vaste consultation menée auprès d'une centaine d'associations d'employeurs, qui ont accueilli très favorablement ses dispositions générales et qui souhaitent une implantation rapide de la réforme. Quant aux représentants syndicaux qui siègent au conseil d'administration de la CSST, ils considèrent, eux aussi, selon mes informations, qu'il s'agit d'une amélioration du mode de financement du régime de santé et de sécurité du travail.

(11 heures)

Représentant une circonscription où l'entrepreneuriat se porte bien, où nos parcs industriels, composés majoritairement de petites et moyennes entreprises, sont florissants, il m'apparaît utile de souligner les principales modifications que propose ce projet de loi ainsi que les avantages qu'il comporte. Le ministre du Travail, qui m'a précédé, dans son intervention, en a exposé les tenants et les aboutissants. J'aimerais cependant, à l'intention de mes concitoyens et de mes concitoyennes, en rappeler certains aspects.

En 1990, le gouvernement du Québec avait procédé à la phase I de la réforme de la tarification visant à offrir aux employeurs du Québec un régime d'assurance plus équitable tout en les incitant à prévenir les lésions professionnelles. Trois régimes étaient alors implantés, régimes que je ne décrirai pas en détail, puisque les employeurs concernés les connaissent très bien.

La phase II que nous proposons aujourd'hui en cette Chambre contribuera à réduire les charges financières des entreprises et à appuyer concrètement les efforts de la CSST pour promouvoir la prévention dans le milieu de travail. Comment? Eh bien, de la manière suivante. Premièrement, les employeurs au taux de l'unité, qui représentent 93 % des employeurs québécois, pourront se regrouper et mettre en commun leurs efforts en matière de prévention et de réadaptation, ce qui leur permettra de réduire leur cotisation, puisqu'elle sera basée sur l'expérience de groupe. Deuxièmement, le régime au taux personnalisé, qui s'adresse présentement à 11 000 employeurs, sera accessible à trois fois plus d'entreprises et sera plus ajusté à l'expérience de chacune d'entre elles. Et, troisièmement, le régime rétrospectif sera davantage individualisé pour refléter plus fidèlement les coûts des lésions professionnelles dans les grandes entreprises.

Contrairement à plusieurs autres projets de loi déposés en cette Chambre, celui-ci ne comporte, à mon avis, aucun inconvénient majeur pour qui que ce soit, au point où j'ai entendu, à ma connaissance, l'intention de mes collègues de l'opposition d'en appuyer tout du moins le principe. Pour ceux et celles qui ne sont pas particulièrement familiers avec les lois, règlements et mécanismes régissant les activités de la CSST, il m'apparaît souhaitable d'en expliciter les avantages que voici. En faisant coïncider davantage les cotisations de chaque entreprise avec les coûts réels qu'elle génère, le projet de loi incite l'employeur à investir encore plus en prévention et à reprendre à son emploi le travailleur accidenté dès que sa condition le lui permet. En conséquence, le nombre de victimes et les coûts d'indemnisation diminuent. Au plan financier, on évalue cette réduction à 40 000 000 $ par année sans réduire pour autant les bénéfices accordés aux travailleurs.

Ce projet de loi élimine également bon nombre d'irritants qui découlent de modalités de financement qui n'ont pas suivi l'évolution de l'environnement d'affaires des entreprises. Depuis son accession au pouvoir en septembre 1994, le gouvernement du Parti québécois s'est engagé à faciliter l'adaptation et l'ajustement de nos entreprises à un environnement d'affaires décloisonné où la compétitivité devient la règle incontournable de la survie et du succès. C'est dans cet esprit que nous nous sommes engagés à réduire la réglementation excessive, à l'actualiser aux défis présents, mais tout ça dans le respect des droits des travailleurs et le maintien d'un filet social adéquat. Si la compétitivité devient la règle du jeu de la survie des entreprises, il n'en demeure pas moins que, pour nous du Parti québécois, le respect de l'être humain doit en demeurer l'encadrement fondamental. À la question existentielle: Est-ce qu'on travaille pour vivre ou est-ce qu'on vit pour travailler?, nous répondons: Le travail est essentiel à une bonne qualité de vie, mais une bonne qualité de vie est indissociable d'un travail effectué dans des conditions respectables.

Félix Leclerc disait: «La meilleure façon de tuer un homme, c'est de le payer à ne rien faire.» Il faut donc travailler pour bien vivre, du moins pour la très grande majorité d'entre nous qui ne sommes pas héritiers de fortune de famille. L'atteinte de l'équilibre entre les exigences de la compétitivité des entreprises, d'une part, et l'amélioration de la qualité du milieu de travail, d'autre part, est le défi que nous nous sommes donné comme gouvernement. Il n'est pas facile à atteindre, cet équilibre, puisque bon nombre de facteurs qui en influencent le cours nous échappent. La globalisation des marchés et l'ouverture des frontières aux produits en provenance de pays où les normes sociales et environnementales sont de loin inférieures aux nôtres nous font souvent craindre un nivellement de nos normes de travail par le bas. Dans ce contexte de sauve-qui-peut, l'État a le devoir de maximiser les conditions de réussite de nos entreprises dans le respect des droits des travailleurs. L'assouplissement de la réglementation abusive et désuète en est un moyen; la réduction des charges sociales par un programme bien ciblé de normes incitatives à la prévention et à la modernisation des modes de financement du régime en est un autre. Le projet de loi n° 74 s'inscrit dans cette mouvance, et c'est pourquoi il me fera plaisir de l'appuyer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville. Il n'y a plus d'autres intervenants? M. le ministre, est-ce que vous voulez exercer votre droit de réplique sur le projet de loi n° 74?


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: M. le Président, juste quelques remarques pour bien préciser que les objectifs que nous poursuivons en ce qui a trait à l'indemnisation des travailleurs, en ce qui a trait à la santé et à la sécurité du travail, la prévention, etc., c'est de faire en sorte que les travailleurs soient respectés le mieux possible dans le système. Longtemps, la CSST a été un organisme fort contesté, difficilement justifiable parfois, ses décisions étaient parfois difficilement justifiables, les travailleurs se sentaient écrasés par la machine et ne pensaient pas obtenir justice, alors que ce qu'il est important de bien comprendre, c'est que ces mécanismes-là sont là pour aider les travailleurs; la loi a été faite pour ça, la loi n'a pas été faite pour les écraser, la loi a été faite pour les aider. La dimension humaine, on en tient compte. D'ailleurs, on va le voir dans le projet de loi n° 79 qui s'en vient, dans le projet de loi n° 78 également, le respect du travailleur est un des aspects fondamentaux.

Alors, j'aimerais souligner, M. le Président, qu'actuellement ça coûte 1,52 $ par 100 $ en coûts de réparation, au Québec; en Ontario, c'est 1,68 $; en Alberta, c'est 1,31 $. L'objectif que je poursuis avec les trois projets de loi qui touchent la CSST, c'est d'amener le Québec de 1,52 $ à moins de 1,31 $. Si ça pouvait se situer autour de 1,30 $, j'en serais ravi. C'est sûr qu'on a des choses, au Québec, que l'on paie que d'autres provinces ne paient pas: la maternité sans danger, ça coûte de l'argent; la prévention, ça coûte de l'argent; l'inspection, ça coûte de l'argent. Il y a des provinces canadiennes qui n'ont pas à payer ça, mais, nous, au Québec, on le paie. Malgré tout, au Québec, globalement, ça coûte 2,52 $ du 100 $, alors qu'on a 0,29 $ de plus que les autres provinces. En Ontario, c'est 3,01 $; en Colombie-Britannique, c'est 2,38 $; et en Alberta, 1,83 $. Nous avons donc constaté qu'on avait du progrès à faire. Et c'est ça, l'engagement du gouvernement, c'est de faire en sorte qu'on puisse donner aux travailleurs, les doter d'un régime efficace, qui n'est pas trop onéreux et qui, en plus, respecte les travailleurs dans ce qu'il y a de plus important, au fond, la réparation, pour qu'ils retournent travailler le plus rapidement possible.

Alors, voilà, M. le Président, un petit peu l'esprit qui se dégage de ce projet de loi. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail et député de Matane. Alors, puisque nous avons terminé le droit de réplique du ministre, le principe du projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

(11 h 10)

Mme Caron: M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 13 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 75


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 13 de notre feuilleton, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 75, Loi modifiant la Loi sur les décrets de convention collective. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 75? M. le ministre du Travail et député de Matane. M. le ministre.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, c'est avec un bien grand plaisir que je présente aujourd'hui ce projet de loi pour adoption de principe. Le projet de loi a comme but de moderniser tout le régime des décrets de convention collective. Il s'agit là d'un sujet qu'on discute depuis de nombreuses années au Québec. Plusieurs gouvernements se sont cassé les dents là-dessus et jamais, jamais, aucun ministre du Travail n'a osé modifier cette vieille loi qui remonte à 1934 et qui permet au gouvernement d'étendre la portée d'une convention collective négociée entre plusieurs employeurs à une ou plusieurs associations de salariés, et ce, dans un secteur complet d'activité.

Le régime des décrets de convention collective et des relations du travail a été conçu et implanté à une époque où les employeurs n'étaient pas réellement tenus de négocier de bonne foi avec les syndicats. Ça n'existait pas. Et c'est pour ça que la Loi sur les décrets est arrivée. On se rappellera que l'adoption de la Loi sur les décrets de convention collective a précédé de 10 ans l'adoption de la Loi des relations ouvrières et de 30 ans l'adoption du Code du travail, qui a eu lieu en 1964.

Même si le contexte législatif a beaucoup évolué depuis son adoption, puisqu'on a également assisté à l'adoption de la Loi sur les normes du travail en 1979, qui fixe, vous le savez, les conditions minimales de travail à tous les travailleurs non syndiqués, on constate aujourd'hui, M. le Président, que la Loi sur les décrets de convention collective, même si elle est contestée par plusieurs, répond encore à certains besoins.

En effet, malgré l'existence du Code du travail, certains salariés ont difficilement accès à la syndicalisation en raison des caractéristiques des entreprises et du champ d'activité où ils travaillent. Grâce au régime des décrets, plusieurs salariés non syndiqués ont droit à des conditions de travail et à des avantages sociaux comparables, à certains égards, aux conditions et aux avantages sociaux auxquels ont droit l'ensemble des travailleurs couverts par une convention collective.

En plus d'offrir une certaine protection aux travailleurs non syndiqués, le régime des décrets de convention offre aussi une protection aux entreprises syndiquées qui pourraient être vulnérables face à une concurrence s'appuyant uniquement sur la faiblesse des conditions de travail accordées aux travailleurs. Vous voyez ça dans certains secteurs industriels. S'il n'y avait pas de loi de décrets de convention collective, il y a des entreprises qui pourraient payer des travailleurs au salaire minimum, alors que dans le même secteur industriel il y en a qui sont appelés à les payer 14 $ ou 20 $ l'heure. Alors, cette loi des décrets de convention collective a donc des effets bénéfiques en vertu de l'extension horizontale des conditions de travail et de salaire. Ça, c'est important de le bien comprendre dès le départ parce que sinon on risque de se perdre dans le débat.

Malgré son utilité, ce régime de relations du travail a, avec le temps, soulevé de nombreuses critiques. De nombreuses critiques. L'Association des manufacturiers m'a rencontré, je les ai vus à quelques reprises. Beaucoup de secteurs, surtout dans le domaine industriel, voudraient voir des décrets complètement mis de côté, d'autres substantiellement modifiés et d'autres maintenus tel quel.

Alors, en l'absence de révision significative de l'encadrement de cette loi, alors que depuis son adoption le contexte socioéconomique, M. le Président, a singulièrement changé, et ce, spécialement au cours des dernières années, le moment est donc venu de se poser des questions et d'essayer de trouver des réponses. Voilà pourquoi il est devenu urgent de moderniser de façon importante ce régime afin d'éviter que son existence ne soit remise en question non pas à cause de sa valeur intrinsèque, mais à cause de facteurs externes qui n'ont pas jusqu'à maintenant été suffisamment pris en compte et par les travailleurs et par les employeurs.

C'est bien ce qui a failli se produire en 1986 suite au dépôt du rapport Scowen. Vous vous souvenez de ça? C'était à l'époque où les libéraux voulaient administrer le Québec comme une entreprise privée. Il y avait tous les spécialistes émanant de Provigo qui voulaient qu'on privatise à peu près tout, et puis qu'on enlève à peu près toutes les réglementations, et que ce soit le «free-for-all». Je pense que, même au sein du gouvernement libéral, la sagesse s'est installée, et on a maintenu le statu quo. Mais on n'a jamais voulu changer la loi, alors qu'on aurait dû le faire.

En effet, le rapport Scowen s'appuyait sur certaines faiblesses du régime des décrets, dans le contexte socioéconomique d'alors, pour conclure à une inadéquation absolument terrible et recommandait l'abrogation plutôt que de s'attaquer aux sources du problème. C'était facile, il disait: On va bannir la loi, on va l'abroger, on va l'annuler, on va la faire disparaître puis on va régler nos problèmes. Ce n'était pas vrai. Avec le temps, la situation s'est détériorée en raison de l'inaction du gouvernement. Les irritants se sont accumulés et, comme aucun remède valable n'était apporté, le sentiment d'insatisfaction de certaines catégories d'entreprises assujetties au régime des décrets s'est amplifié à tel point qu'elles ne pouvaient plus demander l'abrogation du régime parce qu'elles se seraient tiré dans les pieds.

En 1992, soit six ans après le dépôt du rapport Scowen, le ministre du Travail d'alors a finalement mis sur pied un comité interministériel ayant pour mandat d'évaluer la pertinence de maintenir, d'abroger ou de modifier la Loi sur les décrets de convention collective. Ce comité, M. le Président, était composé de représentants du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la formation professionnelle, à cette époque-là, vous vous en souviendrez. Il a réalisé plusieurs études afin de cerner l'impact des décrets de convention collective, puis il a fait ses recommandations. Il a également organisé une consultation auprès des intervenants concernés, les invitant à faire part de leurs commentaires, à exposer les difficultés auxquelles ils étaient confrontés et à formuler des recommandations au gouvernement. Très vaste consultation qui a été menée et qui a enfin permis d'identifier clairement le problème avec lequel les organisations concernées étaient prises, d'en analyser les causes et d'évaluer la pertinence du régime des décrets, à la lumière d'information beaucoup plus précise et beaucoup plus pertinente.

Le comité interministériel a déposé son rapport en février 1994, dans lequel il recommandait le maintien et la modernisation de la Loi sur les décrets et formulait 35 recommandations. Les libéraux avaient commencé le travail, mais jamais ils n'avaient bougé d'une patte pour modifier, moderniser et changer cette loi. Le rapport du comité n'a cependant été suivi d'aucun projet de loi visant à amender la Loi sur les décrets. En mai 1994, la commission parlementaire de l'économie et du travail procédait à une consultation générale et à la tenue d'auditions publiques sur le régime des décrets de convention collective. Comme vous voyez, M. le Président, il y avait beaucoup d'études, beaucoup de comités qui siégeaient. On tournait en rond autour de la question mais jamais d'actions gouvernementales. Finalement, il s'est avéré que les problèmes soulevés en commission parlementaire étaient les mêmes que ceux qui avaient été identifiés dans le cadre de la consultation du comité interministériel, soit essentiellement ceci, et je tiens à le préciser pour que tout le monde ait bien ça dans l'esprit lorsqu'on discutera de ce projet de loi en commission parlementaire.

Qu'est-ce qu'on disait essentiellement, M. le Président? D'abord, on parlait du caractère vague et imprécis des critères d'adoption d'un décret, spécialement en ce qui concerne l'impact d'un éventuel décret sur la rentabilité et la compétitivité des entreprises. Deuxièmement, l'absence de critères encadrant le processus menant à la détermination du champ d'application de chaque décret. Le chevauchement de deux ou de plusieurs décrets dans un même secteur d'activité et l'absence de mécanismes permettant de résoudre rapidement les difficultés qui en résultent. Pas moyen de régler les problèmes, et ça, ça avait été clairement identifié. Et, aussi, tout le phénomène de l'extension horizontale qui entraîne automatiquement l'assujettissement à un décret de tout travail de même nature ou du même genre que celui directement visé par le décret. J'espère qu'on se comprend.

(11 h 20)

Les délais de traitement des requêtes, bon, on disait que c'était beaucoup trop long. La représentativité limitée aux comités paritaires, il y en a qui disaient: S'il vous plaît, débarrassez-nous des comités paritaires, ces organismes à patronage, ces organismes non démocratiques. Alors, on trouvait aux comités paritaires à peu près tous les péchés. La désuétude également de certaines dispositions de la loi qui ne sont plus adaptées au contexte législatif et au contexte socioéconomique actuels. En gros, c'était à peu près ça que le comité interministériel avait identifié et que la commission parlementaire qui a suivi avait également bien pris en compte.

Les irritants qui résultent de ces lacunes sont nombreux et les difficultés qui en découlent évidemment sont réelles. On ne peut pas nier ça, là. C'est l'évidence. On ne s'étonnera pas, donc, M. le Président, que, dans un tel contexte, les entreprises se plaignent que certaines dispositions des décrets auxquels elles sont assujetties sont beaucoup trop rigides, et que ça leur impose un fardeau indu, et que tout cela, ça nuit à leur compétitivité. Cependant, la solution ne réside pas dans l'abolition du régime au complet. Ça, il faut faire la preuve non pas que cette loi-là doit être jetée aux poubelles, mais plutôt d'une révision du régime en vue d'en éliminer les irritants.

C'est pourquoi Mme Louise Harel, qui était alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a voulu, dès le début, lever l'incertitude qui planait quant à l'avenir du régime des décrets et indiquer clairement l'intention du gouvernement de déposer un projet de loi. Mais il fallait aboutir. Il fallait décider. Il fallait consulter aussi nos partenaires socioéconomiques. On a donc, dès décembre 1994, demandé au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre de se prononcer sur un projet précis de modernisation qui s'appuyait sur les 35 recommandations du comité interministériel dont je parlais tout à l'heure.

Pour réaliser ce mandat, M. le Président, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a constitué une commission élargie, et là on a vu arriver des éléments du patronat québécois qui ne siègent pas au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et on a élargi également du côté syndical. Or, cette commission était composée de l'Association de la construction du Québec, l'Association des industries de portes et fenêtres du Québec, l'Association des manufacturiers du Québec, la Centrale des syndicats démocratiques, la Chambre de commerce du Québec, la Confédération des syndicats nationaux, le Conseil du patronat, le Conseil des agences de sécurité et d'investigation du Québec, la Fédération de la métallurgie affiliée à la CSN, la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt, CSN, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, le Syndicat des métallos, l'Union des employé-e-s de service, secteur local, affiliée à la FTQ.

Par la suite, le ministère a entrepris la rédaction de l'avant-projet de loi, s'appuyant principalement sur les consensus auxquels en était venu le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Or, je suis heureux de vous informer, M. le Président, et d'informer les membres de la Chambre, que le Conseil consultatif appuie à l'unanimité l'essentiel du projet de loi qui est déposé devant vous aujourd'hui. Je suis d'autant plus heureux que c'est la première fois que se dégage un consensus patronal-syndical dans ce dossier; jusqu'à maintenant, ça avait fait l'objet de vives controverses, mais jamais d'accord entre les parties.

On l'a réussi, ce tour de force, et on en est très fier. Bien sûr, certains sujets demeurent controversés. Ça ne veut pas dire, M. le Président, que c'est l'euphorie. Certains sujets demeurent controversés, mais ils ont davantage trait à l'existence et au contenu de certains décrets qu'au projet de loi lui-même, qu'à la loi elle-même.

Alors, le projet de loi qui est déposé devant vous permet enfin au gouvernement de remédier aux problèmes que pose actuellement le régime des décrets grâce, entre autres, à l'introduction dans la Loi sur les décrets de convention collective de dispositions ayant principalement pour effet, et notez-le bien, d'encadrer de façon plus précise, M. le Président, le processus d'adoption des décrets de convention collective et de rendre ainsi plus transparent le fonctionnement du régime. On va démocratiser le régime, on va le moderniser et on va faire en sorte que la Loi sur les décrets va être respectée non seulement dans son esprit, mais dans sa lettre. D'ajouter de nouveaux critères d'adoption des décrets qui permettent de mieux prendre en compte l'impact économique des dispositions faisant l'objet d'une extension horizontale. De s'assurer que l'impact de l'ensemble des dispositions de chaque décret fera l'objet d'un examen périodique. Ce n'est pas garanti pour l'éternité, ça va faire l'objet d'examens périodiques. D'énoncer des critères précis encadrant la définition du champ d'application des décrets qui met l'accent, entre autres, sur les caractéristiques économiques de chacun des secteurs d'activité. Il faut être juste et équitable pour tout le monde. D'éviter qu'en pratique le champ d'application des décrets soit étendu à d'autres secteurs d'activité ou à d'autres entreprises que ceux que le gouvernement visait à assujettir lors de l'adoption des décrets, phénomène qui est communément désigné comme l'extension horizontale des décrets.

On va établir également un mécanisme d'arbitrage qui va permettre de résoudre rapidement les difficultés résultant des chevauchements de deux ou de plusieurs décrets dans un même secteur d'activité. En somme, on met de l'ordre, on fait le ménage. De permettre une représentation équitable des tiers, salariés et entreprises, assujettis à un décret, sans avoir à participer à la négociation et à la conclusion de l'entente sur laquelle repose ledit décret. Et tout ça, M. le Président, une représentation équitable des tiers, au sein des comités paritaires chargés d'administrer un décret de convention collective, d'accroître l'imputabilité des comités paritaires, de donner au ministre du Travail le pouvoir nécessaire afin de remédier aux abus et, le cas échéant – le cas échéant – de le mettre en tutelle.

M. le Président, je voudrais, au cours des prochains mois et des prochaines années, faire en sorte que les comités paritaires soient conscients d'une chose: on va développer nos industries dans la mesure où les entrepreneurs et les travailleurs seront compétents. J'aimerais, dans le secteur des comités paritaires, dans le secteur de l'industrie, qu'on fasse le virage de la formation professionnelle. C'est un des grands objectifs de notre gouvernement, et je voudrais que ça se répercute là comme ailleurs.

Ce projet de loi contient également plusieurs dispositions visant à réduire les délais de traitement des demandes. De plus, il tient compte du potentiel de concertation sectorielle qu'offre le régime des décrets en permettant une réelle implication des comités paritaires dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre de même que dans le développement de stratégies industrielles.

On notera, M. le Président, que plusieurs des dispositions du projet de loi modifiant les décrets de convention collective auraient pour effet d'élargir le pouvoir d'intervention du ministre du Travail et du gouvernement du Québec. Il ne s'agit pas cependant de mesures susceptibles d'accroître le fardeau administratif et réglementaire des entreprises concernées. On en a déjà assez. Au contraire, elles visent à s'assurer que les conditions de travail qui seront imposées par voie réglementaire à tout un secteur d'activité ne constitueront pas un fardeau indu pour les entreprises qui y sont assujetties et que les organismes chargés d'appliquer ces règlements soient en l'occurrence les comités paritaires. On respectera ainsi le droit de tous les assujettis.

Ainsi, même si une intervention accrue de l'État dans le cadre du régime des décrets constitue une contrainte supplémentaire pour les entreprises et les syndicats requérant l'extension de certaines conditions de travail à tout un secteur d'activité, elle offre cependant, M. le Président, à l'ensemble des entreprises concernées une meilleure protection contre un usage immodéré du pouvoir réglementaire du gouvernement et contre tout abus administratif de la part des comités paritaires.

(11 h 30)

En bref, l'adoption du projet de loi qui est déposé devant vous améliorerait de façon importante le fonctionnement du régime des décrets et en éliminerait les principaux irritants. Une telle modernisation du régime des décrets va permettre d'éliminer aussi les frustrations qu'il engendre à l'heure actuelle, tout en maintenant les avantages que présente ce régime de relations du travail un peu spécial, je dois vous le dire.

Par ailleurs, vous noterez, M. le Président, que le projet de loi qui est déposé devant l'Assemblée contient une disposition prévoyant que le ministre du Travail devra, à l'intérieur d'un délai de trois ans suivant l'entrée en vigueur de la loi, évaluer l'impact du régime des décrets tel que modifié et déposer un rapport à ce sujet au gouvernement. Un rapport... Ce qui suit immédiatement après la passation de la loi... On va faire en sorte qu'un rapport soit acheminé par la suite et déposé à l'Assemblée nationale, qui fera l'évaluation du fonctionnement de l'ensemble du système.

En outre, ce rapport comprendra un volet portant spécifiquement sur l'impact du régime des décrets de convention collective sur le secteur manufacturier, de même que la pertinence ou pas d'inclure tout un secteur d'activité au champ d'application de la loi. De plus, le gouvernement s'est engagé, lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, à procéder dans les plus brefs délais à une révision de tous les décrets en vigueur dans le secteur manufacturier, en donnant priorité aux décrets en vigueur dans le secteur du bois ouvré, du verre plat et du vêtement. C'est un engagement ferme, et nous allons le respecter.

Dans l'ensemble, j'espère, M. le Président, que les collègues de l'Assemblée nationale conviendront comme moi que la modernisation de la Loi sur les décrets de convention collective, jointe à une révision rapide des décrets en vigueur dans le secteur manufacturier, contribuera à lever l'obstacle susceptible de nuire à la compétitivité de nos entreprises et constituera du fait même une mesure favorable à la création d'emplois.

Alors, comme vous le voyez, le gouvernement du Québec a pris ses responsabilités. Le ministre du Travail dépose aujourd'hui un projet de loi d'une très grande importance pour les industriels du Québec et pour la création d'emplois. C'est les objectifs visés par le gouvernement, et j'espère qu'on pourra rapidement faire en sorte que cette loi entre en vigueur dans les meilleurs délais. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail et député de Matane. Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le ministre du Travail nous demande aujourd'hui de nous pencher, d'étudier, d'accepter le principe du projet de loi n° 75 et d'en débattre, bien sûr. Le projet de loi n° 75, comme il l'a dit, c'est la Loi sur les décrets de convention collective. C'est avec un certain intérêt, un intérêt certain même, que je vais intervenir sur ce projet de loi, car, en effet, nous savons que ce projet de loi touche un secteur très important pour quelques dizaines ou plus d'une centaine de milliers de travailleurs qui sont régis par ces décrets.

M. le Président, ce régime, il faut le rappeler, est un régime... Un régime, c'est un peu comme un mariage, c'est un régime volontaire, car c'est une entente de raison entre les employeurs, les travailleurs et le gouvernement. Et je crois qu'il est important d'insister sur l'aspect volontaire de ce régime. C'est en partant de la volonté des travailleurs et des organisations ouvrières que ce régime a été créé et que le ministre l'a autorisé, bien sûr.

Alors, il faut se rappeler que ce régime de décrets de convention collective, qui date des débuts des années trente, est arrivé au Québec suite au voyage d'un homme d'église québécois qui, en voyage en France, avait remarqué qu'à cette époque un certain nombre d'activités industrielles étaient régies par des décrets, donc des ententes entre les patrons, les travailleurs et leurs représentants, et réglementées par le gouvernement. Donc, il avait décidé d'instituer ce système ici, chez nous, au Québec.

Il faut se rappeler, à l'époque, que le début des années trente, c'était le début de la grande crise économique: les salaires diminuaient, les entreprises connaissaient une compétition extrêmement féroce les unes envers les autres et on demandait toujours aux travailleurs d'en faire plus avec toujours un peu moins de revenus.

Alors, M. le Président, cette loi est venue fort à point et fut, à l'époque, certainement une des grandes réformes, un des grands bienfaits sociaux pour la condition des travailleurs au Québec qui furent amenés.

Maintenant, depuis ce temps, cette loi a connu, bien sûr, des hauts et des bas. M. le Président, on a déjà eu ici, au Québec, plus d'une centaine d'activités de secteurs manufacturiers ou d'activités commerciales qui ont été régies par des décrets. Nous sommes maintenant rendus à 29, M. le Président. D'ailleurs, c'est significatif de l'évolution de notre société. En effet, depuis ces décrets, le Code du travail a été institué, des lois sur les normes minimales du travail aussi ont été instituées, de même qu'une syndicalisation très forte de notre société québécoise qui a pris le relais, en signant des conventions collectives bien souvent favorables pour leurs employeurs, de ces réglementations. L'évolution des lois du travail au Québec a fait en sorte aussi, M. le Président, de faire perdre à la loi sur les décrets un peu de son intérêt pour un grand nombre de secteurs d'activité.

Bien sûr, il y a aussi, M. le Président, des facteurs d'ordre économique qui ont fait en sorte que, pour les parties elles-mêmes, les décrets sont apparus un peu comme désuets ou non pertinents à certains secteurs de notre activité. M. le Président, on pense, entre autres, à l'ouverture de notre économie sur le monde, à la mondialisation des échanges et à la concurrence qui en découle, à la révolution technologique, M. le Président, qui, encore aujourd'hui, tous les jours bouleverse notre façon de faire, de procéder, de produire et d'organiser le travail, ainsi, M. le Président, bien sûr, les nouvelles organisations en termes de relations de travail. Il ne faut pas oublier non plus l'implication toujours de plus en plus forte des travailleurs quant à l'élaboration de leurs conditions de travail et, bien sûr, à leur participation à la création de stratégies gagnantes pour les entreprises, à l'élaboration de productions et de stratégies.

Et, bien sûr, il y a les nouvelles normes, les nouvelles manières de rémunérer les travailleurs, comme la participation aux bénéfices, l'actionnariat dans l'entreprise ainsi que les formules de partage de profits, qui ont été instituées dans un certain nombre d'entreprises québécoises et qui font en sorte que les travailleurs ont trouvé ou trouvent, et les entrepreneurs aussi, les employeurs, intéressant de fonctionner en dehors de ces normes, de ces décrets de convention collective qui, je le répète, incluaient au début, dans les bonnes années, dans les grosses années, au-delà de 100 décrets et qui maintenant sont rendus à 29.

Bref, M. le Président, tous ces chambardements qu'ont connus notre industrie, notre économie ainsi que le monde du travail font en sorte que maintenant ils s'accommodent un peu plus difficilement de ce régime et ils se trouvent comme à l'intérieur d'un certain carcan. Par contre, M. le Président, il ne faudrait pas oublier que ces décrets ont permis d'établir, et permettent encore d'établir, pour des dizaines de milliers de Québécois et de Québécoises, de travailleurs et de travailleuses, des conditions de travail minimales, ont permis d'établir un équilibre entre les relations qu'ils avaient avec leur employeur... faisant en sorte d'établir une harmonie au sein de l'entreprise, qui permet de fonctionner.

Et, bien sûr, M. le Président, ça a permis de régulariser aussi la concurrence que se livraient, d'une manière effrénée, les entreprises. Je le mentionnais au début de mon intervention, on se rappellera, lorsque ça a été créé, dans les années trente, que c'était la loi de la jungle, à l'époque, c'était à qui produirait le moins cher possible et à qui emploierait la main-d'oeuvre la moins chère et la plus corvéable et la plus taillable possible.

Alors, M. le Président, il ne faut quand même pas oublier qu'encore aujourd'hui un certain nombre d'entreprises, un certain nombre de secteurs d'activité pourraient connaître cette façon de fonctionner, s'il n'y avait pas cette Loi sur les décrets de convention collective. Par contre, M. le Président, il y a un certain nombre d'entreprises, de secteurs, qui ne sont pas à l'aise avec les décrets, et là je ferai allusion à deux secteurs en particulier. Un secteur qui est celui de la fenestration, où les entrepreneurs et les gens qui oeuvrent dans ce secteur demandent, M. le Président, l'abrogation des décrets du verre plat et du bois ouvré, dans leur domaine, arguant que cela nuit considérablement à leur compétitivité sur les marchés extérieurs.

(11 h 40)

En effet, M. le Président, je m'explique, et le ministre en conviendra, ces entreprises ont à faire face de plus en plus à l'extension de leur marché hors frontières québécoises soit sur les territoires de l'Ontario soit chez notre voisin qui est, bien sûr, les États-Unis plus au sud. Et elles doivent donc compétitionner sur des marchés extrêmement difficiles, extrêmement sensibles à tout coût de production supplémentaire comparativement les unes avec les autres. Donc, ces entreprises demandent, pour pouvoir continuer à oeuvrer et employer en région – car on retrouve là un nombre important d'entreprises qui sont établies en région, on le sait, en particulier dans la Beauce, et d'autres régions aussi, bien sûr – à ne plus fonctionner sous l'emprise de la loi d'extension des décrets de convention collective.

J'ai eu l'occasion en cette Chambre de questionner le ministre à cet effet, et il n'a pas su répondre à cette question, se bornant à nous répondre qu'un comité étudierait ça. Lorsque l'interpellation a eu lieu, par la suite, du ministre des Finances et vice-premier ministre en cette Chambre, la question lui a été reposée, et il nous a dit en effet que c'était un domaine très important et il laissait entendre qu'il faudrait aller dans ce sens-là et qu'on en parlerait lors du Sommet.

Alors, M. le Président, malheureusement, le Sommet est passé, j'y étais, et nous ne retrouvons pas dans le projet de loi du ministre cette volonté de donner satisfaction à ce secteur d'activité particulier. Peut-être aura-t-il l'occasion, dans le courant de l'étude du projet de loi, de faire valoir ce qu'il entend faire pour ces gens-là, mais, pour l'instant, malheureusement nous ne le savons pas. On me dit que peut-être que ça pourrait se faire plus tard, mais je pense qu'il est temps, là, de ne pas remettre ça à plus tard, cette industrie a besoin d'agir rapidement, et je pense que l'occasion de l'étude de cette loi devrait nous permettre d'agir pour elle.

En ce qui concerne les autres décrets, M. le Président, étant donné les milliers de travailleurs qui pourraient se retrouver dans une position inconfortable ou difficile, là, je fais allusion particulièrement aux travailleurs qui sont dans le domaine de l'entretien ménager, dans la confection aussi de vêtements, M. le Président, des gens qui travaillent la nuit dans les édifices à bureaux pour nettoyer, pour balayer, pour astiquer, des gens qui sont à des salaires extrêmement bas, qui ont des conditions de travail parfois très pénibles, à des heures où les autres compatriotes, le commun des mortels se repose, les fins de semaine, la nuit, le soir... Je crois qu'en ce qui les concerne, nous devons, en effet, moderniser les décrets, les rendre faciles d'application, mais nous devons surtout faire en sorte que ces gens-là restent protégés, que ces gens-là conservent ce cadre législatif qui leur permet d'être respectés et qui leur permet de gagner décemment leur vie, M. le Président.

Alors, le ministre a dit – et c'est une bonne chose certainement – qu'il aimerait que l'avenir se fasse sur la formation professionnelle, en ce qui concerne les comités paritaires. M. le Président, on ne parlera jamais assez de la formation professionnelle au Québec. Nous avons un déficit en ce qui concerne la formation professionnelle et pas seulement de la technologie. Très souvent, on dit: Bon, vous savez, la technologie, il y a des emplois qui sont disponibles, et on manque de gens qui sont formés pour remplir ces postes-là. Ça, c'est un domaine particulier. Mais il n'en reste pas moins que, dans les domaines qui sont couverts par ces décrets, qui vont être modernisés, M. le Président, il faut faire un effort supplémentaire, car la compétitivité de l'entreprise ainsi que sa survie dans les marchés internationaux va dépendre bien sûr de ses relations de travail, des salaires qui sont payés, mais va dépendre aussi de sa compétitivité et là la formation professionnelle intervient.

En effet, lorsqu'une entreprise a des employés formés, des employés qui sont efficaces, qui sont productifs, eh bien, les coûts s'en trouvent, bien sûr, baissés, et c'est plus facile à ce moment-là d'aller compétitionner la concurrence, qui, je le rappelle, avec l'ouverture des marchés sur le monde et le marché global, et particulièrement l'ALENA, le traité sur le libre-échange... Eh bien, de plus en plus nos entreprises québécoises, si elles veulent survivre, si elles veulent continuer à travailler, à vendre, à exporter, et même à vendre sur notre propre terrain, notre propre territoire à nous, vont devoir s'ajuster à ces critères.

Alors, c'est sûr que, pour cela, bien, il faut certainement moderniser un certain nombre de décrets, et puis, dans d'autres cas, et même dans ces cas-là aussi, il ne faut pas avoir peur de mettre l'accent sur la formation professionnelle. Et je pense que c'est là une ouverture qui est quand même assez intéressante, M. le Président.

Maintenant, le ministre nous a entretenus des rapports qui ont été faits précédemment. En effet, il y a eu le rapport Gobeil, le rapport Scowen. Alors, peut-être le ministre a-t-il voulu tourner en dérision le travail qui a été fait par ces gens-là. Je rappellerai que, lorsque ces rapports ont été faits, c'est parce que nous nous étions rendu compte qu'un certain nombre d'entreprises étouffaient ou étaient en train de connaître des difficultés importantes suite à ce cadre particulier des décrets. Et à l'époque il y avait 45 décrets, rappelez-vous de ça, là. Nous en avons maintenant 29. En 1986, 45 décrets; 1996, 29 décrets. Alors, le rapport Scowen, qui s'était penché là-dessus, s'était rendu compte non pas qu'il fallait tout mettre par terre, faire l'État-Provigo, «free- for-all»... Ce n'était pas ça du tout, c'était simplement qu'il fallait déréglementer pour pouvoir donner de l'oxygène à nos entreprises.

Alors, je ne sais pas pourquoi, alors qu'on travaille de bonne foi, on travaille pour essayer de valoriser des projets de loi qui sont importants pour les entreprises, le ministre fait de la démagogie, essayant encore une fois de provoquer les gens. Je pense que le sérieux du projet de loi, pour les travailleurs qui sont là-dedans, ne demande pas ce genre de sortie là en cette Chambre. Je pense que, au contraire, on doit essayer de trouver un climat de collaboration avec les gens et non pas un climat de confrontation. C'est un dossier qui interroge et qui intéresse tout le monde.

Donc, M. le Président, comme député de l'opposition, je veux collaborer, je veux que nous travaillions à ce projet de loi là qui est important, je le disais, pour des centaines de milliers de travailleurs, mais je ne voudrais pas non plus que le ministre passe son temps à tourner en dérision les efforts et le travail qui est fait par les députés de ce côté-ci. À ce moment-là, M. le Président, nous aurions de la difficulté à collaborer avec lui, et malheureusement ça rejaillirait sur l'ensemble de la mission que nous avons, qui est de bonifier les projets de loi, qui est de bonifier la manière de fonctionner de notre cadre administratif, de notre cadre législatif, ici, au Québec.

Ceci étant dit, M. le Président, je souhaiterais que, dans le cas de ce projet de loi là... Car certaines questions subsistent: Pourquoi est-ce qu'on ne favorise pas la diminution de la paperasse? On voit là qu'on va encore donner plus de pouvoirs au ministre, qui lui permettront certainement... ou demanderont d'avoir des rapports, d'avoir des mémoires, d'avoir des convocations, des communications, M. le Président, d'avoir des rapports plus souvent. Pourquoi ne pas demander aux entreprises assujetties, M. le Président, à titre d'exemple, des rapports aux six mois, aux trois mois ou une fois par année? On ne le sait pas. Alors, pourquoi ne pas chercher à enlever de la paperasse là-dedans? C'est une des questions que je pose pour démontrer que, en dehors du concept général et global de modernisation qui est intéressant, il y a des questions qui se posent dans le projet de loi.

Alors, je souhaiterais peut-être que, même s'il y a eu déjà des consultations par le Conseil consultatif du travail, même s'il y a eu, M. le Président, des mémoires, nous demandions à certains groupes s'ils seraient intéressés à venir nous faire un exposé ou part de leur intérêt ou part de leur idée ou de leur proposition quant au projet de loi n° 75. Je ne parle pas de faire une commission qui va durer trois mois, ou 15 jours, ou trois semaines, mais demander à un certain nombre de gens s'ils sont intéressés à venir devant la commission. Je souhaiterais que le ministre le fasse et que l'opposition ne soit pas obligée, en commission parlementaire, de faire motion sur motion pour le demander. Je souhaiterais que ça se fasse pour que, au début de la commission, nous ne perdions pas de temps dans ce domaine très important pour la société, très important pour les travailleurs, que nous puissions le faire rapidement. Et, à cet effet-là, nous offrons notre collaboration, bien sûr, M. le Président, au ministre.

(11 h 50)

Alors, sur le principe, bien sûr, nous sommes d'accord. Nous verrons en commission de quelle manière ça va se dérouler. Nous verrons à faire valoir les points qui nous seront amenés par les différents groupes, par les différents intervenants qui sont touchés. Nous réitérons notre demande, celle de l'opposition officielle, celle de la Chambre de commerce du Québec, celle, M. le Président, de l'Association des industries de portes et fenêtres du Québec ainsi que celle de différentes autres organisations de manufacturiers, d'abroger ou de sortir du cadre des décrets le verre plat, la «fenestrie», le bois ouvré. C'est une demande de cette industrie. Ils disent que, pour eux, c'est primordial, que des emplois sont en jeu, que l'activité économique est en jeu. C'est en région, ce n'est pas seulement la région de Montréal. Et donc, M. le Président, nous avons pris cette position il y a déjà deux mois maintenant et nous la réitérons. Nous profitons de cette tribune pour la réitérer.

M. le Président, nous serons donc d'accord sur le principe de ce projet de loi, et je terminerai en rappelant les propos tenus au ministre, que nous sommes là pour travailler d'une manière positive. Nous ne sommes pas ici pour faire de la confrontation. Nous sommes là pour servir les électeurs, nous sommes là pour bonifier les choses lorsque c'est nécessaire, et, lorsque ce n'est pas nécessaire, lorsque ce n'est pas de l'avis de la population, nous sommes là aussi pour le dénoncer. Dans ce cas-ci, je souhaiterais que le ministre fasse preuve de retenue, contrairement à certaines habitudes qu'il a de confronter les gens dans cette Chambre, mais qu'au contraire il fasse preuve d'un esprit d'ouverture et de collaboration, ce que nous ferons de notre côté, M. le Président, dans ce cas-là.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de LaFontaine. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de L'Assomption.


M. Jean-Claude St-André

M. St-André: Merci, M. le Président. Je pense qu'enfin on a un gouvernement qui s'attaque à un problème qui dure depuis trop longtemps en ce qui concerne les décrets de convention collective. J'entendais tantôt le député de LaFontaine manifester son ouverture, il a offert sa collaboration dans le cadre de l'adoption du projet de loi. Il est d'accord en principe, et je traduis que l'opposition officielle est d'accord en principe avec le projet de loi qui est présenté et je m'en réjouis. Cependant, il y a un certain nombre de faits qu'on ne peut pas passer sous silence.

J'aimerais rappeler aux membres de l'opposition officielle que pendant dix ans ils ont occupé les banquettes de ce côté-ci de la Chambre et qu'ils n'ont absolument rien fait pour régler ce problème-là. Au contraire, pendant ces années-là, la situation a continué de se détériorer dans les secteurs qui sont régis par les décrets de convention collective.

En 1986, effectivement, il y a un rapport qui a été soumis au gouvernement, le rapport Scowen, qui recommandait ni plus ni moins que l'abrogation pure et simple des décrets de convention collective. Le gouvernement a décidé de ne pas suivre cette recommandation pour des raisons, à mon avis, qui s'expliquent très bien. Il en a découlé, pendant six ans, que les gens d'en face n'ont rien fait. Ils ont laissé la situation se détériorer, ce qui a amené, d'ailleurs, plusieurs intervenants à réclamer avec plus d'insistance l'abrogation de la Loi sur les décrets de convention collective. Ce qui, pour nous, de ce côté-ci de la Chambre, n'est pas la façon de régler le problème.

Le gouvernement actuel, dans son analyse, a considéré essentiellement trois solutions pour régler le problème: premièrement, le statu quo, ce que les libéraux ont choisi de faire pendant de nombreuses années, maintenir la loi telle qu'elle existait; la deuxième option, moderniser la loi, ce qui à mon sens est la solution à privilégier; ou, finalement, abroger purement et simplement la loi.

Les avantages de l'abrogation de la loi, il y en a seulement un, à mon avis. C'est d'éliminer les problèmes qui, selon plusieurs intervenants, originent de l'existence même du régime des décrets. Mais, par contre, ça entraînait plusieurs inconvénients. Premièrement, ça aurait créé de l'instabilité dans le domaine des relations de travail dans les secteurs présentement assujettis à un décret de convention collective. Ça aurait entraîné la fermeture de certaines entreprises syndiquées qui seraient particulièrement vulnérables face à une concurrence fondée exclusivement sur la faiblesse des salaires et des autres conditions de travail. Ça aurait entraîné une dégradation des conditions de travail de certaines catégories de salariés présentement assujettis à un décret. Ça aurait entraîné aussi la disparition de certains régimes d'avantages sociaux, donc des régimes de retraite aussi. Et je crois sincèrement que ça aurait aggravé le phénomène du travail au noir.

La modernisation de la loi, à mon avis, a plusieurs avantages. Ça va maintenir un régime qui favorise la négociation collective dans des secteurs d'activité où, en raison de la taille des entreprises, du roulement de la main-d'oeuvre ou d'autres particularités qui leur sont propres, ça aurait entraîné un faible taux de syndicalisation.

Ça permet aussi, à mon sens, le maintien de conditions de travail pour les salariés concernés par les décrets de convention collective. Puis ça favorise surtout la survie d'entreprises syndiquées solidement implantées dans leur secteur d'activité, qui, advenant l'abrogation pure et simple du régime, verraient leur existence menacée par une concurrence fondée exclusivement sur la faiblesse des salaires et des autres conditions de travail. Ça va permettre aussi de maintenir la stabilité des relations de travail dans les secteurs d'activité assujettis aux décrets de convention collective.

La modernisation qui nous est présentée par le ministre aujourd'hui, ça va nous permettre en plus de régler les problèmes du statu quo. Ces problèmes-là, quels sont-ils? D'abord, dans la loi qui a été adoptée en 1934, il y a des dispositions qui sont désuètes, qui ne sont plus adaptées au contexte législatif ou au contexte socioéconomique actuel. Il y a des dispositions, il y a des critères d'adoption des décrets qui sont vagues et imprécis. Il y a des délais de traitement des requêtes qui ne sont pas acceptables. Il y a des absences aussi de critères encadrant le processus menant à la détermination du champ d'application de chaque décret et au phénomène de l'extension horizontale que le ministre a largement expliqué tantôt. Et, surtout, actuellement, il y a une absence de mécanismes qui permettent de résoudre rapidement les difficultés qui résultent du chevauchement de deux ou plusieurs décrets dans un même secteur d'activité. Puis il y a également le fait qu'il y a une représentativité limitée des comités paritaires actuellement.

M. le Président, on va enfin moderniser une loi qui a été adoptée en 1934. Ça fait longtemps. Et, depuis ce temps-là, le domaine des relations de travail a largement évolué au Québec, et il y a eu deux législations importantes qui ont été adoptées: le Code du travail en 1964 et la Loi sur les normes du travail en 1979. Je pense que c'est important que la Loi sur les décrets de convention collective soit actualisée en fonction de ces importantes réformes là. C'est une réforme d'autant plus importante qu'il y a plus de 15 000 employeurs qui sont touchés par les décrets de convention collective et plus de 125 000 salariés qui sont répartis dans des secteurs d'activité économique qui sont importants. Dans le secteur manufacturier, il y a 50 000 travailleurs et travailleuses qui oeuvrent dans ces secteurs-là et il y en a plus de 21 000 qui oeuvrent dans le domaine du vêtement. Il y a 75 000 travailleurs qui oeuvrent dans le secteur des services, 44 000 dans l'automobile, 11 000 dans l'entretien des édifices publics, et 14 000 dans les agences de sécurité.

Il y a un point que le député de LaFontaine a abordé et qui me paraît important. Il y a dans certains secteurs d'activité, il faut le reconnaître, des problèmes plus urgents à régler. Et, lorsque la loi sera adoptée, la loi va donner au ministre du Travail, à la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce des outils pour régler ces problèmes-là rapidement. Je pense aux décrets dans l'industrie du vêtement, dans le verre plat et dans le bois ouvré. Et ça, je pense que c'est important de le dire. Il va y avoir des mécanismes qui vont permettre au ministre, au gouvernement d'agir rapidement et de régler ces situations-là à l'intérieur de six mois.

La modernisation de la législation permettra au gouvernement à la fois d'éliminer les principaux irritants contenus dans l'ensemble des décrets, qui, dans certains cas, nuisent à la compétitivité des entreprises de même qu'au maintien et à la création d'emplois, et également de les harmoniser avec les autres lois en vigueur.

(12 heures)

D'ailleurs, M. le Président, un autre point qui me paraît important: la FTQ, qui est l'organisme syndical le plus représentatif, s'est dite favorable à collaborer avec le ministère pour revoir l'ensemble des décrets. Et, dans une perspective, M. le Président, où il est de plus en plus important de maintenir et, en plus, de créer des emplois, la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce a déjà entrepris des démarches, a eu des représentations à l'effet qu'il serait possible de créer plus de 8 000 emplois et d'engendrer des retombées économiques de plus de 160 000 000 $ réparties sur quatre ans dans la mesure où des modifications substantielles vont être apportées au décret régissant l'industrie, ce que la Loi sur les décrets de convention collective va nous permettre de réaliser. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de L'Assomption. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Montmagny-L'Islet.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Toujours dans le cadre du projet de loi n° 75, la Loi modifiant la Loi sur les décrets de convention collective. Évidemment, on est tous d'accord pour admettre, M. le Président, qu'il était souhaitable depuis déjà plusieurs années que cette loi soit revue, amendée, modifiée, modernisée – employons toutes les expressions imaginables – mais je pense que ce que l'industrie souhaitait depuis plusieurs années, c'était de revoir la façon d'autoriser des décrets, les critères entourant – comme d'autres collègues l'ont mentionné – la préparation de ces décrets-là, d'une part. Et ça date de plusieurs années, les revendications de l'industrie, l'inquiétude des travailleurs syndiqués et l'inquiétude d'un certain nombre de groupes de travailleurs non syndiqués, dont ces gens-là étaient particulièrement protégés par certains décrets.

Tantôt, j'ai retenu... M. le ministre du Travail nous disait, M. le député de Matane, ministre responsable de ce dossier: Ça a pris un tour de force de ce gouvernement, de ce ministre pour présenter ce projet de loi. Mais ce qu'il va falloir admettre, M. le Président, et par votre collaboration, rappeler au ministre, c'est que le terrain a été préparé depuis plusieurs années. Il y a eu, je pense, des groupes de travail qui ont été mis en place. On a entendu les revendications de la partie patronale pendant plusieurs années. Et, quand je vous dis que le terrain a été préparé, ça ne date pas des deux ou trois dernières années, ça date des huit, dix dernières années, pour ne pas en mentionner plus.

Je pense qu'on doit se rappeler qu'en 1989 le ministre du Travail du temps, M. Séguin, avait fait une table ronde, et ça me permet à ce moment-ci de répondre aux commentaires qu'a faits le député de L'Assomption quand il disait: Le gouvernement précédent n'a rien fait. Bien, c'est justement ces événements-là qui nous démontrent que le gouvernement précédent, comme le ministre du Travail actuel, je pense qu'il a été sensibilisé par les revendications et les problèmes que posait... et tout le travail qui avait été fait dans les années passées avec nos partenaires pour en arriver à bien analyser la problématique, justement, des décrets dans certaines circonstances.

On doit aussi se rappeler qu'en 1994 le ministre du Travail, M. Marcil, avait lui aussi préparé un avant-projet de loi et avait débattu des problèmes que posait justement la loi sur les décrets dans l'industrie du verre plat et du bois oeuvré. J'ai, dans ma propre région, la région immédiate de Montmagny, certains manufacturiers qui revendiquaient soit l'abolition de la loi. Au début des années soixante-dix et un peu plus tard, vous avez vu les mêmes industries, comme d'autres au Québec aussi, qui souhaitaient que la loi soit amendée et qu'elle pose des critères différents à l'adoption de décrets. Et là on voit le cheminement de l'industrie, des groupes de travailleurs et, je pense, les conditions de travail dans certains domaines de la construction.

Donc, moi, je trouve assez opportuniste, de la part du ministre, de dire: Ça a pris un tour de force de la part du ministre, du gouvernement actuel pour déposer ce projet de loi là. Il était en préparation et, comme je le mentionnais, le terrain avait été préparé, d'une part. Je pense que le député de L'Assomption devrait se rappeler – il en a sûrement manqué un petit bout – quand le gouvernement précédent consultait, entendait des groupes, présentait des opinions à l'occasion de commissions parlementaires ou autres, vous aviez des députés qui sont assis ici, en Chambre, aujourd'hui qui étaient dans l'opposition, qui avaient de grandes réserves à revoir la loi, à amender la loi ou à moderniser la loi.

Et quand je dis «de grandes réserves», j'emploie une expression, je pense, tout à fait appropriée à ce moment-ci. Mais, au moment de certains débats – je me rappelle au début des années quatre-vingt-dix, 1989-1990 – justement, l'opposition émettait plus que des réserves; je pense qu'elle relevait certains mandats, elle avait reçu certains mandats des groupes syndiqués pour mettre en garde le gouvernement du temps de mettre en place ou de mettre de l'avant certains amendements à la loi ou certaines modifications, et ils les précisaient de façon assez claire.

Donc, je reviens pour dire que le terrain avait été préparé, d'une part. C'était à la demande et à la concertation aussi d'un certain nombre de manufacturiers, et à la reconnaissance, d'une part, de devoir garder, dans plusieurs secteurs, des décrets pour éviter justement de créer une compétitivité entre certains manufacturiers, d'une part, où les travailleurs en auraient fait les frais.

Tantôt, on a mentionné ici, dans cette Chambre, justement, qu'il y avait un rapport. Le rapport Gobeil, à la fin des années quatre-vingt, avait justement recommandé au gouvernement libéral du temps, présidé par M. Robert Bourassa, premier ministre, l'abrogation de cette loi. C'est à la suite... Je pense que nous avions continué à écouter, à entendre des groupes, qui s'inquiétaient – que ce soient des groupes de travailleurs syndiqués ou non syndiqués, toujours dans différentes industries – et le gouvernement du temps a continué d'écouter pour en arriver, comme je le mentionnais, à ce que ces gens-là, davantage, précisent aux responsables, soit au ministre du Travail et au gouvernement, l'impact, précisent leur perception de l'impact que pourrait avoir l'abrogation de certains décrets, la mise de côté de certains décrets dans des secteurs donnés.

Donc, je reviens pour mentionner que – et mon collègue de LaFontaine l'a aussi mentionné – oui, les députés de l'opposition vont être fiers de collaborer à l'étude de ce projet de loi n° 75 en commission parlementaire, article par article. Mais on se rappelle que ce projet de loi – et on se rappelle, et le ministre l'a bien présenté tantôt – aussi prévoit que le ministre exige, par règlement, certains frais aux utilisateurs. On retrouve ça assez fréquemment dans des présentations de projets de loi ou dans de la réglementation présentée, soit à la Société de l'assurance automobile... et je pourrais nommer plusieurs services gouvernementaux, où on ajoute des frais. Ce n'est pas de l'impôt, c'est plutôt des frais de services. Ce n'est pas de l'impôt et ce n'est pas... On nous dit que ce n'est pas des taxes, c'est des frais de services, mais la population le perçoit comme des impôts et des taxes sous d'autres formes. Donc, ça aussi, il va falloir questionner.

Je pense que le ministre aura de bonnes explications, et on sera peut-être en mesure de le supporter, à savoir qu'il y a peut-être lieu – et, à ce moment-là, je pense qu'on appuiera le ministre si... à la lumière des explications qu'il nous donnera – d'appliquer certains frais aux utilisateurs pour ne pas qu'il y ait exagération et, je pense, avoir un meilleur contrôle de ceux et celles... Et c'est possible que ce soit, de la part de son ministère et du ministre, le but visé: pour ne pas qu'il y ait abus à ce niveau-là.

Donc, c'est un projet de loi que l'opposition va se faire un plaisir, en collaboration avec le critique officiel, soit le député de LaFontaine, d'étudier article par article et de s'assurer, si jamais ça répond aux souhaits de l'industrie et que ça protège, que ça continue de protéger certains groupes de travailleurs qui ont besoin de protection – et les décrets étaient là pour ça – de questionner pour mieux comprendre le projet de loi, son implication dans le secteur manufacturier, comme il le mentionnait, et continuer à assumer la protection des travailleurs impliqués.

(12 h 10)

On parle de 125 000 travailleurs dans plusieurs régions au Québec. Il y a des régions où c'est plus important. Il y a des blocs plus importants de travailleurs qui pourraient être touchés. C'est le cas de la grande région de Montmagny, d'une part.

Je pense que c'est un projet de loi qui pourrait être intéressant. Si l'opposition a la chance d'exprimer ses craintes au niveau de certains points, que le ministre est attentif et qu'on est en mesure de répondre à l'inquiétude que pourraient se poser, comme je le mentionnais, certains secteurs de l'industrie, d'une part, et des travailleurs, d'autre part, je pense que c'est un projet de loi qui est souhaité. Je le répète à nouveau, c'est un projet de loi qui, en fait, est souhaité depuis huit, 10 ans, qui a été un avant-projet de loi préparé par le gouvernement précédent – du moins, le débat a été fait à deux reprises avec le milieu et la population en général, ou ses représentants dans le cas de la table ronde – et c'est à souhaiter, comme je le mentionnais, qu'il soit adopté pour moderniser la loi, comme le souhaite le gouvernement actuel et le souhaitait le gouvernement précédent et probablement l'ensemble des parlementaires de cette Chambre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre du Travail pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: M. le Président, M. le député de Montmagny a raison lorsqu'il dit qu'il y avait des réserves, lorsque le Parti québécois était dans l'opposition, face à l'abrogation de la Loi sur les décrets de convention collective. Remarquez que j'en aurais eu aussi si j'avais été là à l'époque. Et j'en ai encore aujourd'hui. Ceux qui voudraient mettre la hache dans cette loi-là, moi, je m'y opposerais férocement, parce que c'est la protection des travailleurs qui est en cause. Le député de Montmagny disait justement qu'il y a 125 000 travailleurs qui sont impliqués et couverts par les décrets, mais il y a 15 000 employeurs aussi. Et ça, c'est important, il faut en tenir compte.

Je ne veux pas non plus minimiser le rôle des ministres du Travail depuis un certain nombre d'années. On sait, par exemple, que le leader de l'opposition actuel, le leader de l'opposition officielle, le député de... était contre la loi des décrets. Il l'a manifesté et les gens étaient au courant, les syndicats ou les employeurs étaient au courant. L'ancien ministre Séguin, pour avoir eu l'occasion d'en parler fréquemment avec lui, aurait voulu moderniser la loi. Et d'ailleurs il s'y est attaqué, il y avait une volonté chez lui de le faire. De même que le député de Saint-Laurent, lorsqu'il était ministre du Travail, il a voulu également travailler cette loi-là avec les partenaires syndicaux et patronaux. M. Marcil également l'a fait.

Mais, un jour ou l'autre, il faut aboutir, il faut qu'on en arrive à régler un problème et à légiférer. Alors, c'est pour ça... M. le député de Montmagny disait tout à l'heure qu'on se pétait les bretelles. Non, je ne vous dis pas ça. Ce n'est pas ça. C'est que, bien sûr, c'est un débat qui a lieu depuis des années, parce que la loi est vieille de 62 ans, et il est temps qu'on fasse quelque chose avec et il est temps aussi qu'on lance un message aux industries, aux services et à tous les travailleurs et employeurs qui sont couverts par cette loi-là qu'on va agir et qu'on essaie d'agir autant que possible en concertation avec les gens du milieu, les principaux intéressés.

C'est vrai également – et je le dis au député de Montmagny parce qu'il est préoccupé par ça – que le fonctionnement des comités paritaires m'a toujours un peu tapé sur les nerfs. Je ne vous le cacherai pas. Et, dans le projet de loi, il y a des dispositions qui permettent au ministre d'agir, d'avoir l'oeil ouvert et de corriger des situations qui ne sont pas normales, je dirais.

Le député de LaFontaine mentionnait que, lors du sommet, il y avait eu des engagements et que, par ailleurs, il trouve le projet de loi un peu timide ou pas très clair pour concrétiser les engagements du gouvernement lors du sommet. Je voudrais juste répéter, M. le Président, qu'il y a un engagement ferme de pris de ma part de revoir les 29 décrets d'ici juin 1997. Il faut prendre note de ça: d'ici juin 1997, les 29 décrets seront revus, corrigés ou abrogés. Ça, c'est la première étape.

Le deuxième élément d'analyse et de réflexion, qui doit certainement répondre aux attentes du député de Montmagny, c'est qu'on a décidé qu'en priorité on mettrait le secteur manufacturier dans nos recherches et nos études qui vont se faire avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère du Travail, etc. Le secteur manufacturier sera prioritaire et, à l'intérieur du secteur manufacturier, nous mettrons l'accent sur et les travaux vont commencer par le verre plat, le bois ouvré et aussi le vêtement. On ne perdra pas la chance de créer de l'emploi dans le domaine du vêtement en maintenant un décret désuet – si c'est là la preuve qu'on me fait. Vous comprendrez bien qu'on va agir le plus vite possible. Je dirais même qu'on va devoir agir rapidement et passer la loi rapidement parce que la tentation est forte chez moi d'en abroger un ou deux très rapidement; très rapidement. Donc, plus vite on aura adopté la loi, plus vite on sera en mesure de répondre non seulement au voeu de l'opposition, mais au voeu de l'industrie également. Alors, M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre du Travail.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 75, Loi modifiant la Loi sur les décrets de convention collective, est-il adopté? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Mme Caron: Adoptée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adoptée. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 17 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 79


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 17, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Merci, M. le Président. De toutes les pièces législatives entourant la CSST, son financement, son fonctionnement, sa démocratisation, la diminution des coûts, celle qui porte sur la déjudiciarisation est certainement la plus importante. Les raisons sont fort simples, c'est que, dans ce projet de loi, ce qui est important, c'est le travailleur.

J'ai toujours pensé, M. le Président, que, lorsqu'un travailleur arrive dans le régime de la CSST, c'est parce qu'il est accidenté du travail, donc blessé physiquement. Dans le régime actuel, dans le système tel qu'on le connaît présentement, ça prend tellement de temps pour obtenir justice que non seulement le travailleur en sort toujours blessé physiquement, mais également blessé au plan psychologique. Et, si vous saviez, M. le Président, tous les ravages que ça représente au sein des familles et les personnes qui sont concernées, d'être un accidenté du travail et que la lourdeur du système fasse en sorte qu'on n'en arrive pas à en sortir et qu'on n'en arrive pas à en sortir correctement.

(12 h 20)

Quand je suis arrivé au ministère, j'ai convoqué la CSST et je leur ai dit: Il faut mettre de l'ordre là-dedans. Trois ans pour obtenir justice, M. le Président, pour un accidenté du travail, ça m'apparaît non seulement être incorrect, mais nettement abusif. Il faut donc procéder à la déjudiciarisation de la CSST. Je sais qu'il y a des groupes, ça les énerve un peu, c'est normal; dans la vie on n'a pas beaucoup d'idées, on a beaucoup plus d'intérêts que d'idées. Alors, il y en a qui défendent leurs intérêts lorsqu'ils voient arriver un projet de loi qui vise à remodeler toute la structure d'appel à la CSST.

Je veux aujourd'hui déposer devant l'Assemblée ce projet de loi sur la santé et sécurité du travail, un projet de loi qui vise à déjudiciariser le système, en retenant, en disant que, compte tenu des remarques préliminaires que je viens de faire, les objectifs que nous visons, c'est d'humaniser le système, de le simplifier, de le rendre plus efficace et de faire en sorte qu'un travailleur ne passe pas des mois, pour ne pas dire des années, à se traîner devant le bureau d'évaluation médicale, devant le bureau de révision paritaire pour aboutir à la CALP après. Je pense qu'il y a de l'ordre à mettre là-dedans, et la députation de ce côté-ci l'attendait depuis longtemps, ce projet de loi.

M. le Président, je tiens d'abord à vous dire que la réforme que nous proposons s'inscrit dans l'effort mené par la CSST pour améliorer les services aux travailleurs et aux employeurs et elle va tout à fait dans le sens de la déréglementation que nous préconisons comme gouvernement. En outre, je précise qu'il n'est aucunement question, de quelque façon que ce soit, de venir entacher les droits des travailleurs et des employeurs. Au contraire, cette réforme vise essentiellement à humaniser, à simplifier, à accélérer tout le processus de révision et d'appel des décisions de la CSST.

Parmi les éléments avantageux que les concitoyens et concitoyennes vont retenir, ça vise tout d'abord la participation plus grande du médecin traitant du travailleur lors du processus d'évaluation médicale, la réduction aussi des étapes à franchir pour obtenir une décision finale et, en troisième lieu, la réduction des délais de trois ans à moins d'un an avant qu'un travailleur obtienne justice. C'est presque une révolution. Il va falloir brasser le système si nous voulons que les travailleurs obtiennent justice dans des délais raisonnables.

Je voudrais vous parler un petit peu du contexte général. Le projet de déjudiciarisation résulte d'une insatisfaction marquée de la part de la clientèle de la CSST. Les plaintes reçues à la CSST, M. le Président, sont considérables, et les gens qui entrent dans le système – ils appellent ça un client, eux autres – disent que la lenteur est excessive et que parfois il y a du harcèlement. Il faut donc corriger tout ça. Tous déplorent la lourdeur du processus de règlement des litiges qui a été mis en place et, nous devons l'avouer, ce processus génère des coûts sociaux et financiers considérables. Actuellement, on peut compter jusqu'à trois ans pour obtenir une décision, comme je le disais tout à l'heure, et le citoyen peut avoir à franchir une douzaine d'étapes avant d'y arriver. Tu sais... Pensons-y, c'est le musée des horreurs: une douzaine d'étapes avant que le travailleur puisse obtenir des réponses, être indemnisé ou être retourné sur le marché du travail.

La conséquence de ce délai peut être désastreuse pour les travailleurs accidentés, puisqu'il mène à la perte de leur droit de retour au travail, M. le Président. Quand je dis que ce projet de loi est axé sur le travailleur et sa dignité, c'est ça que ça veut dire. Parce que vous savez que, dans une entreprise de 20 employés et plus, après deux ans, vous perdez votre droit de retour au travail; et, lorsque vous avez une entreprise de 20 employés et moins, bien, après un an, vous avez perdu votre droit de retour au travail. Alors, pourquoi pensez-vous que le projet de loi vient tenter de régler ce problème-là? C'est parce que c'est une injustice flagrante pour le travailleur.

C'est un droit donc limité à un an ou deux ans, selon la taille de l'entreprise, pour les travailleurs, et il en résulte très souvent, de la perte de son emploi, le chômage, l'appauvrissement et tout ce que ça comporte. L'employeur, de son côté, perd un employé formé dont l'absence plus ou moins longue peut perturber la productivité de son entreprise, sans compter les effets négatifs sur le climat de travail.

C'est pour analyser cette situation qu'a été créé un groupe de travail formé de spécialistes de la CSST. Ils ont eu comme mandat de proposer des mesures permettant de déjudiciariser les règlements des litiges et d'améliorer la qualité des décisions initiales. Les travaux du comité ont débuté en octobre 1993 et ils se sont terminés en mai 1994. C'est bon de rappeler les dates, parce que l'opposition va nous dire tout à l'heure que ça dépend encore d'elle si on bouge. Mais attention! Entre étudier et bouger, il y a une très grande différence.

Après 26 rencontres et des consultations auprès des groupes patronaux et syndicaux, les experts ont déposé un rapport. Après discussion et après consultation, il en est résulté une proposition de réforme qui a été adoptée par le conseil d'administration de la CSST, composé, vous le savez, paritairement de représentants syndicaux et patronaux. M. le Président, je me permets d'insister là-dessus parce que le projet de déjudiciarisation que je vous présente aujourd'hui a permis de dégager un consensus élevé entre les instances patronales et syndicales, et la réforme est largement attendue par les employeurs et les syndiqués.

J'aimerais faire ressortir quelques points saillants qui vont nous permettre de comprendre l'essentiel et les enjeux de ce projet de loi. On propose, M. le Président, de revoir le processus d'évaluation médicale pour qu'il soit plus proche de la réalité médicale et plus respectueux de chacun, en renforçant le rôle du médecin traitant et en mettant en place une démarche basée sur la concertation plutôt que la confrontation. Ça, c'est un gain syndical énorme. Les syndicats ont toujours dit, M. le Président: Il faudrait bien que la priorité soit accordée au médecin traitant, celui qui a entre ses mains le travailleur accidenté. On a tenu compte de cette revendication, et je pense qu'elle est légitime.

Mais on va plus loin. Devant le Bureau d'évaluation médicale, le BEM, souvent les travailleurs se sont plaints, et le médecin traitant se plaignait, que l'employeur arrivait avec une batterie de spécialistes, avec un rapport épais comme ça, et le travailleur était désavantagé devant le BEM. Alors, aujourd'hui, on permet au médecin traitant d'aller chercher une expertise médicale au sein des groupes de médecins qui sont accrédités à la CSST. On lui dit: Choisis-en trois et on en choisira un parmi les trois que vous aurez choisis, M. le médecin généraliste. Généralement, c'est des médecins omnipraticiens. Alors, justice, donc, est rendue aux travailleurs de ce côté-là, et c'est une grande demande syndicale et c'est un gain énorme pour eux.

On va abolir également, M. le Président, le bureau de révision de la CSST de même que la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Pour remplacer le bureau de révision paritaire et pour remplacer la CALP, nous allons créer un seul organisme d'appel, qui sera la Commission des lésions professionnelles, tribunal administratif qui a un pouvoir décisionnel et qui sera paritaire. Ça s'inscrit dans toute la philosophie qui anime la CSST et tout le paritarisme qui a été mis au Québec depuis 25 ans, qui a été mis en place ici au Québec.

M. le Président, je tiens aujourd'hui à dire devant cette Chambre que la création de ce tribunal indépendant est extrêmement importante. La nouvelle Commission va relever de la responsabilité du ministère du Travail, qui est responsable du régime de santé et sécurité au travail. Elle serait constituée de commissaires et de membres, tous nommés par le gouvernement après un processus de sélection établi par règlement.

(12 h 30)

Un aspect intéressant que je dois souligner, c'est que le tribunal devrait rendre des décisions finales dans des délais rapides: en moins de 12 mois pour les cas réguliers, en dedans de 90 jours dans les cas prioritaires, notamment pour l'indemnisation et les questions médicales importantes. En outre, il continuera d'offrir un service de conciliation.

Pour préserver le paritarisme, évidemment, ça demande une sorte de virage culturel. Avant, la CALP relevait du ministère de la Justice. Aujourd'hui, la Commission des lésions professionnelles va relever du ministère du Travail. Ça s'inspire de la philosophie du paritarisme décisionnel qui a cours au sein de la CSST. On sait que le paritarisme est la pierre angulaire de notre régime de santé et de sécurité du travail. On le retrouve à tous les niveaux d'intervention du régime: au conseil d'administration de la CSST, formé d'un président et d'un nombre égal de représentants syndicaux et patronaux, en passant par le comité de santé et de sécurité dans les entreprises, de même que les associations sectorielles paritaires chargées de la formation et de l'information en prévention.

En santé et sécurité du travail, plus que partout ailleurs, le paritarisme a fait ses preuves. C'est plus qu'un concept, c'est une réalité avec laquelle les employeurs et les travailleurs du Québec sont habitués à vivre. Ils ont appris à vivre avec cette réalité-là, et c'est une réalité qui leur est profitable. Pourquoi la leur enlever, M. le Président? M. le Président, il est donc plus que légitime qu'on souhaite retrouver le paritarisme au niveau du tribunal d'appel, comme le recommande le conseil d'administration de la CSST.

Donc, pour préserver le paritarisme, la décision de la prévention et de l'indemnisation de la nouvelle Commission comptera sur des représentants de la collectivité issus des associations d'employeurs et de travailleurs. Il s'agira donc de gens du milieu reconnus pour leur expérience, et ils seront nommés à partir d'une liste établie par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et ça, ce sera remis au ministère du Travail, au ministre, qui, lui, fera ses recommandations au gouvernement du Québec.

Le désir d'étendre le paritarisme au tribunal administratif s'inscrit tout à fait dans la volonté de la CSST et du gouvernement du Québec d'offrir de meilleurs services aux travailleurs et aux employeurs du Québec et de meilleurs services basés sur les principes de l'équité sociale. M. le Président, je me suis étonné, ces dernières heures, d'entendre des représentants du milieu syndical et d'autres groupes d'intérêts dans la communauté s'objecter au paritarisme décisionnel. J'aimerais leur dire simplement que l'ensemble des provinces canadiennes, en matière de santé et de sécurité du travail, vivent le paritarisme décisionnel au niveau de l'appel, et on ne s'en porte pas plus mal ni en Angleterre ni dans les provinces canadiennes qui ont adopté ce régime. Je voudrais dire également que la Cour suprême du Canada, dans une décision qu'elle a prise, recommande et trouve intéressante l'idée du paritarisme décisionnel dans des matières comme celles dont on parle aujourd'hui.

En parlant des intérêts des travailleurs et des employeurs, je veux ajouter en conclusion que la proposition rapportera beaucoup plus qu'elle n'en coûtera. M. le Président, la proposition de réforme permettra des économies substantielles au profit des employeurs qui assument presque entièrement le coût du régime de santé et de sécurité du travail.

On prévoit, pour la CSST, une épargne environ de 35 000 000 $ par année, sans compter une économie de 13 000 000 $ pour les parties en raison de la réduction des frais de représentation, des frais d'avocat, etc. D'ailleurs, ceux qui pleurent publiquement présentement, ce sont ceux qui sont intéressés à offrir leurs services professionnels et qui, dorénavant, ne pourront plus aller faire des avocasseries ou aller faire des débats interminables devant le bureau de révision paritaire. Je les comprends, je respecte leur point de vue, mais on aura à débattre ça en commission parlementaire. Je dois vous dire qu'il est plus important encore que ne le sont les avantages pour les travailleurs accidentés...

Je vous rappelle que la structure proposée permettra d'harmoniser, de simplifier et d'accélérer tout le processus de révision et, comme je le disais, de préserver le droit strict de retour au travail du travailleur. C'est donc une mesure qui protège l'emploi des travailleurs accidentés. C'est très important de mettre l'accent là-dessus. M. le Président, voilà donc un projet de loi qui va dans le sens de la nouvelle approche client de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et de la volonté de notre gouvernement d'améliorer, d'humaniser les services aux citoyens et aux citoyennes du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre du Travail. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions le débat et je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 15 h 5)

Le Président: Alors, mesdames, messieurs, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons débuter les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. M. le ministre de la Justice.


Lettre concernant un article traitant de certains événements survenus en mai 1966

M. Bégin: M. le Président, je dépose copie d'une lettre adressée au secrétaire général concernant l'article du quotidien The Gazette paru le 25 novembre 1996 et traitant de certains événements survenus en mai 1966.

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le leader du gouvernement.


Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je dépose la réponse à la question 2 inscrite au feuilleton par le député de Châteauguay et la réponse à la question 3 inscrite au feuilleton par le député d'Orford.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés.


Rapport annuel du Protecteur du citoyen

Je dépose, de mon côté, d'abord le rapport annuel du Protecteur du citoyen pour l'année financière terminée le 31 mars 1996, conformément à l'article 29 de la Loi sur le Protecteur du citoyen.


Nomination d'un nouveau membre et de membres suppléants du Bureau de l'Assemblée nationale

Et j'avise les membres de cette Assemblée que j'ai reçu une lettre de M. le premier ministre, datée du 26 novembre, concernant les nominations suivantes: M. Jean Campeau, député de Crémazie, à titre de membre du Bureau de l'Assemblée nationale en remplacement de M. Daniel Paillé, député de Prévost; et Mme Monique Simard, députée de La Prairie, et M. Michel Morin, député de Nicolet-Yamaska, à titre de membres suppléants. Alors, je dépose ce document également.

M. le vice-président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je fais motion pour que soient adoptées ces modifications proposées par le premier ministre à la composition du Bureau de l'Assemblée nationale.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt d'une pétition non conforme? Alors, il y a consentement. M. le député de Gaspé.


Réviser le plan d'action sur la réorganisation d'Hydro-Québec

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 1 767 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de Gaspé.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que des rumeurs persistantes font entrevoir qu'Hydro-Québec envisage de couper une trentaine de postes basés à Gaspé;

«Considérant qu'il est prévu que le service d'accueil de la caisse sera fermé à compter du 1er décembre 1996 et que ces emplois sont fortement liés à l'économie de notre région;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons aux autorités en place de réviser leur plan d'action pour la survie de notre région.»

Une voix: Bravo!

Le Président: Alors, la pétition est déposée.

Il n'y a pas, aujourd'hui, d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, et je vous avise que, après la période des questions et des réponses orales, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune répondra à une question posée, le 26 novembre 1996, par M. le député d'Orford concernant la réception des fonctionnaires du ministère de l'Environnement et de la Faune tenue le 9 novembre dernier.


Questions et réponses orales

Alors, nous en arrivons maintenant à la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Proposition de réduction de la masse salariale dans la fonction publique

M. Johnson: Oui. Le premier ministre, qui a déjà eu le chapeau de négociateur en chef il n'y a pas si longtemps, est maintenant plongé corps et âme, j'en suis sûr, dans les négociations avec le secteur public, avec des centaines de milliers de travailleurs et de travailleuses québécois et québécoises, afin de trouver de l'argent, dit-il. Il est évident, comme on l'a vu en fin de semaine à l'occasion du congrès du Parti québécois, que ce qui manque tragiquement du côté du gouvernement, c'est une politique de création d'emplois qui permettrait notamment d'aller chercher ces argents, ces revenus autrement qu'en augmentant les impôts qui font cruellement défaut au gouvernement.

La situation devant laquelle le gouvernement se retrouve – et c'est vrai du premier ministre, mais surtout de ses collègues évidemment qui étaient là avant lui – c'est celle de regretter et d'éprouver un peu de malheur, je dirais, devant les engagements qui ont été formulés à l'endroit des travailleurs du secteur public avant le référendum. On a quand même dit à des centaines de milliers de personnes qu'on abolirait la loi 102 et qu'on donnerait des augmentations de salaire. C'est ça qui est la situation. Et aujourd'hui il est évident que le gouvernement se retrouve dans la position de celui qui n'est pas content du contrat et qui essaie d'en changer les termes.

Le premier ministre, afin d'en arriver là, M. le Président, a formulé ce qu'il appelait une offre gagnante. Une offre gagnante. Je ne sais pas trop ce qu'il a gagné, je ne sais pas s'il a été surpris de voir la réaction évidemment de l'autre partie, mais c'est le fardeau de celui qui n'est pas content d'un contrat qu'il a signé – où il a stipulé en faveur de l'autre partie – de trouver une façon de s'en sortir s'il n'est pas content.

(15 h 10)

Alors, d'abord, est-ce que le premier ministre est surpris du rejet catégorique de la partie syndicale à l'endroit de son offre? Deuxièmement, est-ce que le premier ministre peut nous indiquer s'il envisage, dans la réalité, de formuler une autre proposition, ce qui serait la logique même dans la situation actuelle? Dans la mesure où le gouvernement essaie de changer les termes du contrat, est-ce qu'il ne lui appartient pas de formuler une offre qui va être recevable de l'autre côté? Et, dans le fond, est-ce que le premier ministre n'est pas en train de s'apercevoir que ce qu'il est en train de faire, en réalité – ça ne va pas être surprenant de voir la réaction de l'autre côté – c'est de reculer sur son engagement et de tenter de renier sa signature?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je vous remercie. Les Québécoises et les Québécois sont dans la situation de déployer un grand effort de solidarité afin de redonner une marge de manoeuvre à l'État du Québec, qui est leur instrument collectif essentiel, pour assurer ses missions de santé, ses missions d'éducation, ses missions sociales. Dans cet objectif parfaitement louable, qui a été fixé d'ailleurs par des consensus réitérés au sommet de Québec et au sommet de Montréal, le gouvernement est en train de répartir les efforts, et il est certain que, en considérant dans les postes des dépenses budgétaires la masse salariale des employés de l'État, qui est de l'ordre de 58 % de l'ensemble des dépenses, alors que cette masse salariale a été à peu près épargnée l'an dernier à l'occasion de compressions de 2 500 000 000 $, cette année, au moment de faire un effort de l'ordre de 3 000 000 000 $, il faut répartir l'effort.

Du côté de la masse salariale, le gouvernement, d'ailleurs avec des idées qui circulaient déjà dans le monde syndical, a échafaudé une proposition qui est déposée et qui n'a pas été attaquée en soi, M. le Président, qui est une bonne proposition, puisqu'elle garantit l'exécution des engagements du gouvernement à tous égards, y compris les hausses de salaire qui ont été prévues pour le 1er janvier de l'année prochaine et le 1er janvier de l'année qui suit, et garantit le maintien du revenu net des salariés jusqu'à la fin des conventions.

Cependant, là où j'écoute avec attention la question du premier ministre – du chef de l'opposition, ancien premier ministre, si vous me permettez – c'est quand il dit: Oui, mais la proposition comme telle ne semble pas être reçue très favorablement – et il le dit en termes plus brutaux, M. le Président. Mais, moi aussi, j'ai constaté – parce qu'on rencontre beaucoup de gens – qu'il y a des inquiétudes qui se manifestent, non pas durant la durée de la proposition, mais sur ce qui arrive après. Qu'est-ce qui arrive après? Qu'est-ce qui arrive après le 30 juin 1998? Est-ce que le salaire va être maintenu au même niveau ou s'il y aura une diminution du fait que maintenant les gens vont payer des cotisations, après cela, au fonds de retraite?

C'est une préoccupation que nous sommes présentement en train d'examiner, et nous croyons qu'en effet le gouvernement, s'il peut trouver quelqu'un pour s'asseoir à une table avec lui, devra en discuter de cette chose – qu'est-ce qui arrivera après? – de sorte que ce que je veux réitérer, c'est un appel pressant aux syndiqués de donner des mandats à leurs dirigeants à venir s'asseoir avec nous pour qu'on examine cette question, puisque le gouvernement est dans les meilleures dispositions et qu'il est disposé à examiner conjointement avec son partenaire syndical et ses salariés quelle sera la suite des choses à la fin des conventions, une fois la proposition expirée.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire qu'effectivement, là, contre toute attente et contre toute évidence, un peu partout, dans les rues ou autrement, son offre, elle était gagnante, mais qu'il faut donc qu'il dépose une deuxième offre gagnante pour la fin de la convention actuelle?

Est-ce que le premier ministre est vraiment surpris de la réaction de plus de 400 000 Québécois et Québécoises qui travaillent à servir leurs concitoyens? Et est-ce que le premier ministre, dans le fond, n'est pas simplement en train de nous réitérer qu'il ne bougera pas sur sa proposition comme telle, mais qu'il va préciser ce qui va arriver après? Après quoi?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: La proposition, parce qu'elle est bonne et parce qu'elle n'a pas été vraiment mise en cause, parce qu'elle est solide et elle se tient, reste sur la table, bien sûr. Mais elle vaut jusqu'à la fin des conventions signées.

Et, du côté syndical, j'ai cru comprendre qu'il y a une interrogation: Mais qu'est-ce qui va arriver quand les conventions seront expirées? Eh bien, nous sommes prêts à en discuter, M. le Président, d'autant plus que c'est constructif parce que ça pourrait mettre sur la table des propositions et des solutions à long terme qui vont faire en sorte qu'il y aura des moyens structurels de mis en place pour arriver au résultat du déficit zéro en l'an 2000.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire qu'il a décodé des employés du secteur public qu'ils sont heureux et acceptent de faire financer l'offre gouvernementale par leur propre régime de retraite? Est-ce que le gouvernement est en train de nous dire que les 460 000 Québécois et Québécoises qui sont visés par son offre gagnante et subtile, que ces gens-là trouvent normal de financer à même leurs propres deniers l'incurie gouvernementale qui leur a promis des sommes qu'il ne peut pas leur payer?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition a évolué pendant plusieurs années dans le secteur privé et il sait très bien que c'est une pratique commune et tout à fait courante, lorsque le régime de retraite est trop garni, comporte un surplus actuariel qui est en surplus, de donner des congés de cotisation. Il le sait, c'est une pratique courante. Il y a des employeurs qui le pratiquent régulièrement. Chaque année, ils examinent les régimes de retraite avec les syndicats et, quand il y a un surplus, la plupart du temps, ils conviennent d'un congé de cotisation.

Le gouvernement propose la même chose à ses salariés parce qu'il se trouve, en effet, qu'il y a un surplus. Au-delà de tout ce qu'on peut prévoir de ce qui peut arriver, il y a un surplus qui va s'accumuler dans le régime de retraite. Et, c'est tout à fait normal, en appliquant ce qui se fait dans le domaine du secteur privé, le gouvernement croit qu'il y a là une solution qui est parfaitement honorable, parfaitement raisonnable et parfaitement responsable par rapport à l'intégrité des régimes de retraite.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre connaît beaucoup de cas où, tout à fait par hasard et comme coïncidence, on donne un congé de déduction pour fins de constitution d'un régime de retraite, alors qu'on impose une diminution des revenus aux travailleurs, comme le gouvernement veut le faire en diminuant le nombre d'heures travaillées? Est-ce que le premier ministre, qui invoque des précédents, peut au moins en invoquer un seul où littéralement un employeur finance la baisse de revenus imposée aux travailleurs par un congé de cotisation au régime de retraite? Voyons donc!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la pratique des congés de cotisation, elle est régulière. Dans quel contexte elle se trouve? Elle se rencontre dans de nombreux contextes. Le nôtre est celui d'un gouvernement qui, dans une situation presque sans précédent, je dirais sans précédent, a l'obligation de redresser ses finances publiques, et qui a hérité d'un déficit record de 5 700 000 000 $ dû au chef de l'opposition, qui aujourd'hui nous reproche de prendre des mesures pour redresser la situation et corriger ses torts.

Alors, l'opposition est devant un gouvernement responsable, un gouvernement qui, avec l'appui de la population, qui le souhaite, veut remettre de l'ordre dans la maison du Québec pour ménager un avenir à nos jeunes.

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Négociations avec les syndicats du secteur public

M. Chagnon: M. le Président, je voudrais peut-être apprendre, peut-être annoncer au premier ministre que les régimes de pension que les employés de l'État ont ici, qui sont le RREGOP, le RRE et le RRF, lorsqu'ils ont des surplus actuariels, ils ont un comité paritaire composé autant de représentants du gouvernement, donc des patrons, que de représentants des syndicats. Et, eux, ils font en sorte d'améliorer et de bonifier les argents à être remis aux gens qui ont déjà leur pension ou qui sont en voie de la prendre, et non pas évidemment de donner des congés de cotisation.

Mais, dans le fond, M. le Président, est-ce que la vraie question qui se pose... Est-ce que le gouvernement, comme l'a dit en fin de semaine le président du Conseil du trésor, l'homme le plus confiant sur la planète, n'est pas, dans le fond, en train de nous dire que, quoi que les syndicats, et quoi que les syndiqués surtout, décideront dans les semaines à venir, après tous les votes de grève qui seront pris à la FTQ, à la CSN et à la CEQ actuellement... Est-ce que finalement le gouvernement québécois ne fera pas ce qu'il a déjà lui-même annoncé, c'est-à-dire aller de l'avant tout seul s'il ne parvient pas à s'entendre avec les employés de l'État?

Et, évidemment, à ce moment-là, M. le Président, le titre du Soleil deviendrait tout à fait approprié: «L'homme le plus confiant sur la planète... Dans la manche de Jacques Léonard, la loi matraque». Et c'est là évidemment la force de ce gouvernement. La force de ce gouvernement est égale à la force de la matraque qui s'en vient.

Le Président: M. le premier ministre.

(15 h 20)

M. Bouchard: M. le Président, le président du Conseil du trésor, qu'on lise l'article, n'a jamais tenu les propos que lui prête le titre, qui paraît être plus ronflant que le reste. Nous l'avons dit, nous le répétons: la méthode privilégiée, celle qui est la plus rentable, qui est éminemment la plus favorisée, celle à laquelle il faut consacrer les plus grandes énergies et les plus grands efforts, c'est d'arriver à une solution négociée. Et nous le faisons présentement, dans le cadre des conventions existantes, qui comportent des clauses de rediscussion, de renégociation, et nous voulons aller au bout de ces clauses, M. le Président. Et je pense qu'on est en droit de s'attendre, que le gouvernement, la population, les bénéficiaires des services publics et l'opposition aussi, je crois, sont en droit de s'attendre que, du côté syndical, on vienne s'asseoir avec le gouvernement pour épuiser toutes les possibilités de la négociation.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: Est-ce que le premier ministre est conscient que, depuis hier soir, 16 heures, sa proposition est morte? Entend-il la ressusciter aujourd'hui, ou demain, ou après-demain, mais avant le 9?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, cette proposition n'est pas morte. Elle est sur la table, elle est très sérieuse, j'attends une contestation sérieuse de la proposition, parce qu'elle répond à tous les objectifs. Elle est équitable, elle est raisonnable, elle respecte les engagements du gouvernement, elle garantit le niveau de revenu net des employés jusqu'à la fin des conventions, elle respecte l'intégrité des régimes de pensions, et je dis que les gens doivent venir la négocier. On n'a pas le droit de refuser de négocier une proposition comme celle-là, compte tenu du contexte où on se trouve.

S'il y a des inquiétudes additionnelles – j'en ai entendu quelques-unes, dont celle que je viens de mentionner – nous sommes prêts à en discuter. Nous sommes prêts à écouter tout ce que les gens ont à nous dire, à en tenir compte et à faire tout ce qu'il faut pour arriver à une solution négociée. Mais qu'on vienne négocier, M. le Président.

Une voix: On va envoyer Monique négocier.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Nomination de M. Gaëtan Desrosiers au poste de sous-ministre adjoint du ministre d'État à la Métropole

M. Mulcair: Est-ce que la ministre de l'Emploi peut nous dire si elle était présente à la réunion du Conseil des ministres du 21 février 1996, au cours de laquelle M. Gaëtan Desrosiers fut nommé, politiquement, une première fois? Est-ce qu'elle peut nous dire si elle connaissait son passé et si elle l'a mentionné? Et sinon pourquoi?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, il est très rare que je manque des réunions du Conseil des ministres, et, à ce que je sache, je n'en ai pas manqué à la date que mentionne le député de Chomedey. J'imagine qu'il s'agit là évidemment d'une sorte d'insinuation malveillante qui est dans la poursuite des questions d'hier.

J'aimerais peut-être simplement inviter le député de Chomedey à prendre connaissance de l'entrevue réalisée aujourd'hui dans le journal Le Soleil , avec M. Claude Ryan, qui suggère fortement de mettre fin à cette chasse aux sorcières.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.


Nomination d'anciens sympathisants du FLQ à de hautes fonctions

M. Mulcair: En question principale, M. le Président. À l'invitation de lecture de la ministre de l'Emploi, je retourne l'invitation qu'elle lise dans le journal La Presse d'aujourd'hui un article écrit par un avocat très proche de son gouvernement, Me Jacques Bellemare, qui, sur la notion du pardon, nous donne raison.

Ceci étant dit, le même journal nous apprenait ce matin que M. Serge Demers, qui, toujours selon les journaux, est le cofondateur du FLQ et le président du comité d'action qui, à l'intérieur de 11 mois, était responsable de la bombe déposée à la compagnie La Grenade et qui a tué Mlle Thérèse Morin; de la bombe déposée près de la Dominion Textile, à Montréal, et qui a tué Jean Corbo; de la bombe déposée près des fournaises à la Dominion Textile de Drummondville; de la bombe déposée au centre Paul-Sauvé; de la bombe déposée près du monument à Dollard des Ormeaux; d'un vol à main armée; d'un vol dans une maison privée; d'un vol d'armes au Mont Saint-Louis et des vols de dynamite dans des chantiers...

Est-ce que la ministre peut nous dire si ce même Serge Demers – qui est celui qui a donné la bombe mortelle à Gaëtan Desrosiers – qui était son chef de cabinet au moment de la nomination politique de M. Desrosiers, l'a informée de l'ensemble de ces faits?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, M. Serge Demers, qui est mentionné par le député de Chomedey, qui a été pendant 12 ans directeur général de l'Union des artistes, a été chef de cabinet au ministère du Travail et de l'Emploi où j'ai été moi-même ministre pendant huit mois, et il a quitté. Vraiment, je le regrette, d'ailleurs, parce qu'il a fait un excellent travail et il a été très compétent, et il occupe maintenant, dans le privé, une fonction de direction comme cadre d'une grande association canadienne.

M. le Président, je comprends que M. Demers a obtenu son pardon et j'ai, en fait, appris, j'imagine, comme le député de Chomedey – peut-être plus récemment dans son cas, dans le mien, ce le fut en prenant connaissance du même livre de M. Fournier dont on cite beaucoup finalement les informations aujourd'hui – aussi le rôle que M. Demers avait joué. Mais je rappelle que M. Demers a payé. C'est tragique, tout cela, bien évidemment, et je comprends qu'il y a eu tragédie humaine, mais c'est tragique aussi, les tentatives du député de Chomedey de détruire maintenant des gens. Moi, je ne peux rien pour les événements qui sont survenus il y a 30 ans, mais je peux maintenant, par exemple, plaider pour que des gens qui se sont réhabilités ne soient pas détruits.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, notre question était pourtant fort simple: Est-ce que M. Serge Demers, qui était le chef de cabinet de la ministre de l'Emploi à l'époque, l'a informée que c'est lui qui avait passé la bombe à M. Desrosiers et que c'est ce même M. Desrosiers qui se retrouvait dans les listes de nomination de la ministre, et qui, de ses propres dires, a probablement assisté à la réunion au cours de laquelle on a procédé à la nomination politique de M. Desrosiers comme sous-ministre dans le gouvernement du Parti québécois?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Soyons clairs, M. le Président, ni M. Desrosiers ni M. Demers – je le comprends légitimement aussi – ne vont par ci par là expliquer ce que je pense qu'ils regrettent eux-mêmes profondément. Par ailleurs, il m'avait informée avoir payé chèrement pour ça pendant plusieurs années de sa vie et puis avoir obtenu son pardon aussi.

Et je rappellerai au député de Chomedey, qui plaide souvent la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ici, à cette Assemblée, cette disposition de la Charte québécoise qui dit ceci: «Nul ne peut refuser d'embaucher une personne du seul fait qu'elle a été déclarée coupable d'une infraction criminelle, si cette infraction n'a aucun lien avec l'emploi ou si cette personne en a obtenu le pardon.»

Des voix: Bravo!

M. Mulcair: En question principale, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.


Règles de nomination pour les personnes réhabilitées

M. Mulcair: M. le Président, récemment, dans le cas du lieutenant-gouverneur Jean-Louis Roux, le premier ministre nous a appris qu'il fallait apprécier la gravité de la faute à l'égard de la fonction. Conclusion: «Out». On ne peut pas être lieutenant-gouverneur si on a mis une croix gammée sur son sarrau et participé à une manifestation.

Dans le cas de Richard Therrien, le premier ministre a appliqué sa formule mathématique encore. Complicité après le fait dans l'enlèvement et le meurtre de Pierre Laporte et nomination comme juge, ce qu'il fallait démontrer: «Out». Il a caché son passé.

Dans le cas de Gaëtan Desrosiers...

Une voix: Question!

M. Mulcair: ...on apprend qu'il y a une autre règle et une certaine flexibilité de la part du premier ministre, notamment, qui au fur et à mesure change les règles de son code de déontologie.

(15 h 30)

Est-ce que le premier ministre peut nous dire, si ce n'est pas le cas, que la vraie chose qui distingue le cas de Gaëtan Desrosiers des deux autres cas, c'est que, dans le premier cas, de Jean-Louis Roux, c'était une nomination du fédéral, dans le deuxième cas, c'était une nomination de son ministre de la Justice, mais que la seule et unique raison pour laquelle il fait preuve d'autant de flexibilité dans ses propres règles déontologiques, c'est parce que, dans le troisième cas, le cas de Gaëtan Desrosiers, c'est lui qui a fait la nomination, c'est lui qui en est responsable?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, je voudrais dire qu'il n'y a personne qui va me faire éprouver des remords du fait du départ de M. Jean-Louis Roux, parce que c'est lui qui a décidé de partir et que le gouvernement était en train de délibérer sur la question de savoir quelle position adopter quand deux députés libéraux de cette Chambre ont demandé la démission du lieutenant-gouverneur en conseil, lieutenant-gouverneur qui a lui-même démissionné ensuite...

Une voix: Eh oui!

M. Bouchard: ...de sorte que, du côté de M. Roux, je crois qu'il faudrait l'exclure de ce débat ici parce que ce sont les libéraux qui ont été les premiers en cette Chambre à demander qu'il s'en aille.

Une voix: Oui.

Une voix: C'est vrai! C'est vrai!

M. Bouchard: Absolument, M. le Président. Je rappellerai les faits. Quand j'ai été informé de la question, j'ai éprouvé le besoin qu'on en discute, qu'on réfléchisse, parce que ces choses-là sont importantes. Ce sont des choses aux enjeux extrêmement considérables, et j'attendais qu'il y ait un conseil des ministres pour que nous puissions en débattre entre collègues, pour statuer sur la position que le gouvernement adopterait. Mais, 24 heures avant que nous puissions le faire, M. Roux a lui-même offert sa démission après que deux députés libéraux de cette Chambre l'eurent demandée, n'est-ce pas?

Pour ce qui est des distinctions qu'on prétend établir, oui, il y a des distinctions, en effet. Quand on joue avec la réputation des gens, quand on joue avec des notions aussi importantes que des crimes antérieurs commis, mais qu'il y a la réhabilitation, le pardon, il y a matière à faire attention, il y a matière à distinguer les cas, et j'ai distingué hier les cas, je crois, d'une façon très claire. Il faut tenir compte des liens qu'il y a entre la fonction qui est en cause et le genre d'activité reprochée dans le passé aux personnes. Il faut distinguer entre le cas d'une personne qui était assujettie et qui bénéficiait de la protection de la loi sur les délinquants, du cas du pardon. Et même, on sait qu'il y a deux cas de pardon. On le sait, il y a le pardon administratif et le pardon du Code criminel. Donc, toutes ces choses sont complexes.

J'inviterais le député à se rendre compte que, si la loi a voulu qu'il y ait une telle complexité, c'était pour obtenir de faire les distinctions qui s'imposent entre les cas et protéger les réputations.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: Est-ce que le premier ministre est vraiment incapable de comprendre qu'il est en train d'essayer d'établir une distinction là où il n'y a pas de différence et qu'il est en train d'essayer de justifier la nomination à une des plus hautes instances du gouvernement par lui-même et le Conseil des ministres, dont il est responsable, d'une personne qui a avoué être la même personne qui a placé une bombe qui a tué Mme Morin et qui a blessé six autres personnes, y compris une femme enceinte? On a beau larmoyer...

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Finalement, M. le Président, est-ce que le premier ministre peut faire preuve d'autant de compassion pour les victimes et leur famille qu'il en démontre pour ceux qui ont perpétré les crimes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, oui, j'éprouve la plus totale compassion pour les victimes de ces gestes et, oui, je pense que ce qui est arrivé, on peut le deviner au plan humain, que tout cela pèse très lourd dans l'esprit, dans le souvenir et dans la conscience des gens qui ont vécu ces événements et qui ont été condamnés, qui ont dû traverser toutes ces épreuves, eux aussi, et je suis convaincu, en effet, avec le député, qu'il faut ne pas oublier qu'il y a eu mort d'homme, qu'il y a eu un crime et que ce n'est pas une chose qu'il faut sanctionner, au contraire, qu'il faut dénoncer.

Mais nous vivons aussi dans une société qui a des valeurs de compassion et qui privilégie la réhabilitation, qui reconnaît que quelqu'un peut refaire sa vie après beaucoup d'années, après avoir payé, peut obtenir un pardon, peut bénéficier d'une loi qui, dans le cas d'une personne qui était adolescente lorsqu'elle a commis les gestes, fait en sorte même, dit la loi, qu'elle est présumée ne pas avoir commis ces gestes. Alors, cette Assemblée, qui est celle qui fait les lois, devrait d'abord les respecter. Et je crois qu'on peut demander à ce député, M. le Président, d'honorer son parti, d'honorer la nature humaine autant que l'a fait M. Ryan, un homme de réflexion, un homme de profondeur, qui nous dit aujourd'hui: Cessez ces chasses aux sorcières.

Le Président: En principale, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président. Dans le cadre de la lutte contre le travail au noir, le ministère du Revenu vient de faire parvenir une lettre à 52 000 employeurs de la restauration...

Des voix: ...

Le Président: Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, il y a carrément des propos antiparlementaires et des accusations qui ont été portées par le député de Papineau à l'endroit, ici, d'un membre de l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le leader de l'opposition...

M. Bélanger: On a clairement entendu le mot «criminel» prononcé en cette Chambre.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, oui, dans les questions, souvent le mot a été mentionné parce que c'est ça qui a été rapporté, et ce mot-là n'est pas antiparlementaire, suivant tous nos précédents.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, le leader de l'opposition sait très bien que je ne fais pas référence à ce qui a été prononcé pendant que la question a été posée. Mais c'est après la question que les accusations ont été portées par le député de Papineau.

Le Président: M. le député de Montmorency, un instant. Ce qui est clair, c'est qu'à partir du moment où un député, même s'il n'a pas le droit de parole, qualifie un autre membre de l'Assemblée de propos qui sont non parlementaires, et certainement à partir du moment où on qualifierait un membre de l'Assemblée de criminel, je pense que c'est un geste qui est inacceptable. Je ne sais pas, parce que je n'ai qu'entendu le mot «criminel», si on a dit de quelqu'un du côté gouvernemental qu'il était un criminel ou si on faisait référence au fait que les gens qu'on avait identifiés étaient des criminels. Chose certaine, c'est que ce genre de propos qui sont ambigus créent un climat qui fait en sorte que le genre de discussion que nous venons d'avoir, qui est très importante, très délicate également... Je pense que de part et d'autre on convient que c'est une question fort délicate. Ce genre de propos n'aide en rien à faire en sorte que, d'un côté ou de l'autre, on avance dans la compréhension des choses.

Alors, je demanderais aux membres de l'Assemblée de s'en tenir, et en particulier sur des questions aussi délicates, au plus strict respect de nos règles parlementaires. Encore une fois, je ne peux pas sanctionner quelque chose qui m'apparaît à ce moment-ci ambigu. Mais c'est clair que j'ai moi aussi entendu le mot «criminel». Je ne peux pas, encore une fois, indiquer dans quel sens il a été prononcé, mais je pense que le simple fait de l'avoir entendu dans cette Assemblée, dans le contexte où nous venons de participer à un échange, dans le sens où on vient de l'entendre, c'était déjà inacceptable. Alors, M. le député de Montmorency.


Lutte au travail au noir dans le secteur de la restauration

M. Filion: Merci, M. le Président. Dans le cadre de la lutte contre le travail au noir, le ministère du Revenu vient de faire parvenir une lettre à 52 000 employeurs de la restauration qui embauchent des travailleurs à pourboire.

Ma question au ministre du Revenu, M. le Président: Est-ce que le ministre du Revenu, au-delà de la lettre, a déjà procédé à des envois d'avis de cotisation à ceux qui sont déjà en défaut?

Le Président: M. le ministre délégué au Revenu.

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Alors, comme vous le savez, le ministère du Revenu et le ministre délégué au Revenu ont la responsabilité de s'assurer que les lois fiscales sont respectées. Or, il arrive effectivement que nous ayons constaté qu'un certain nombre d'employeurs dans le domaine de la restauration ne transmettaient pas au ministère du Revenu les renseignements relatifs aux pourboires que les employés leur déclarent.

(15 h 40)

Alors, nous, comme il s'agissait d'un phénomène quand même assez répandu, il s'agit d'une majorité d'employeurs, on a cru nécessaire d'aviser l'ensemble du devoir qu'ils ont de transmettre ces informations-là pour en tirer effectivement trois bénéfices: premièrement, qu'éventuellement les revenus qui sont dus au gouvernement et à la collectivité soient effectivement payés; que, deuxièmement, les travailleurs en question puissent profiter des garanties normales d'un travailleur normal en ce qui regarde la participation au Régime de rentes du Québec et éventuellement à l'assurance-emploi également ou à la sécurité du travail; et faire en sorte également que les employeurs qui, eux, respectent les règles du jeu ne subissent une concurrence déloyale. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Filion: M. le Président, nous sommes tous d'accord pour le respect des lois. La question est précise, venant de commettants du comté. Les gens veulent savoir: Est-ce que le ministre va procéder sous peu de façon massive à l'envoi d'avis de cotisation aux employeurs et aux travailleurs à pourboire? Et est-ce que le ministre du Revenu a l'intention de reculer plusieurs années antérieures pour émettre ses avis de cotisation avec intérêts et pénalités? Quelle est l'intention du gouvernement à cet égard?

Le Président: M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, nous n'en sommes pas là encore. Tout ce qu'on cherche à connaître, c'est concilier les déclarations que les travailleurs nous produisent avec celles que les employeurs nous produisent. S'il y a des différences, on va faire dans ce cas-là ce qu'on fait à l'égard de l'ensemble des travailleurs et de l'ensemble des employeurs, c'est-à-dire qu'on a va ajuster les cotisations en conséquence.

Le Président: En principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Élaboration d'un pacte fiscal spécifique à la ville de Montréal

Mme Frulla: M. le Président, en 1994, donc il y a au-delà de deux ans et à huit reprises depuis, le gouvernement a promis un pacte fiscal pour Montréal afin de régler une fois pour toute l'iniquité qui existe dans la métropole par rapport aux villes environnantes. Non seulement la promesse n'a jamais été tenue dans son entièreté, mais, depuis qu'on a un ministre responsable de la Métropole, un ministère, 70 fonctionnaires, on n'a jamais été si mal servi. Ma question au ministre d'État à la Métropole: Au lieu de critiquer son collègue, le ministre d'État au Développement des régions – «Ménard écorche Chevrette: Moi, je fais des promesses que je peux tenir»...

Le Président: Madame...

Je voudrais profiter de l'occasion que vous me donnez pour rappeler une règle qui a fluctué dans l'application dans le temps: on ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. Alors, je sais qu'on a jusqu'à maintenant... Et moi-même, malheureusement, à quelques reprises, j'ai toléré le fait qu'en utilisant des articles de journaux on faisait indirectement ce qu'on ne pouvait pas faire directement. Alors, vous ne pouvez pas désigner un collègue député par son nom. Merci.

Mme Frulla: Alors, M. le Président, au lieu de critiquer son collègue de Joliette, qui semblait mieux comprendre et avoir plus de pouvoirs, puisque, au moins, il a livré en partie la promesse, qu'est-ce que le ministre d'État à la Métropole, dont la seule responsabilité est sa région, répond au communiqué de presse d'aujourd'hui de la chambre de commerce de Montréal qui dit, et je cite: «Le gouvernement n'a pas livré la marchandise. Il n'a même pas respecté les engagements pris à cet égard l'année dernière, puisqu'il a réduit sa contribution par rapport à celle de l'an dernier, qui était déjà insuffisante.»?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: En effet.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: C'est un des collègues que j'admire le plus, mais ce que je voulais dire, puis je l'ai... Disons qu'il vous est sûrement arrivé, vous, qu'on vous fasse dire dans les journaux un peu plus que ce que vous vouliez dire, n'est-ce pas? C'est que j'ai profité...

Le Président: Alors, compte tenu de l'humeur des uns et des autres, je pense que tout le monde attend la réponse du ministre, et j'aimerais bien pouvoir l'entendre.

M. Ménard: Alors, l'an dernier, effectivement, on avait écrit – d'ailleurs après le temps prévu pour le budget, n'est-ce pas? – 43 000 000 $, et puis j'ai encore de la difficulté à trouver le dernier 3 000 000 $ qu'il reste. Alors, cette année, avant le budget, n'est-ce pas, puisque j'avais l'assurance pour 33 000 000 $, c'est la seule assurance que je pouvais donner. Mais on peut dire – je suis d'accord avec le ministre des Affaires municipales – que nous allons faire tous les efforts pour satisfaire pleinement Montréal.

Maintenant, je voudrais vous rappeler que, d'abord, nous n'avons jamais fait de promesse précise chiffrée sur l'étendue du pacte fiscal. Et, depuis ce temps-là, nous avons donné 50 000 000 $, plus 40 000 000 $ l'an dernier, plus 33 000 000 $. Et nous avons trouvé deux taxes qui leur reviennent et qui augmentent d'année en année: le revenu de la taxe sur le gaz et l'électricité et la compensation pour les taxes sur le divertissement, qui a augmenté cette année et qui va encore augmenter l'an prochain. Donc, c'est récurrent. Mais je voudrais vous rappeler que, si un pacte fiscal à la métropole est nécessaire dans cet ordre-là, c'est parce que, dans le passé, lorsque vous étiez dans le Conseil des ministres, enfin, lorsque la députée, pardon, était dans le Conseil des ministres, l'un de ses collègues, M. Ryan, a pelleté 116 000 000 $ de factures à Montréal. Alors, nous sommes encore loin de ces compensations, et c'est ça qui rend la situation de Montréal si difficile.

Le Président: Mme la députée.

Mme Frulla: Sans vouloir lui rappeler la réforme Parizeau, question tout à fait shakespearienne, est-ce que le ministre d'État à la Métropole sait pourquoi il existe, à quoi il sert? Parce que, sans lui, Montréal recevait plus d'argent et, avant lui, Montréal avait moins de structures et plus d'emplois.

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: D'abord, ce n'est pas vrai que Montréal va recevoir moins d'argent. Vous verrez à la fin de l'année. Pour le moment, je peux m'engager à 33 000 000 $. On espère remplir jusqu'à 60 000 000 $. Je veux dire, ça va faire plus d'argent.

Quant à la réforme Parizeau à laquelle vous référez, vous référez sans doute à la réforme Parizeau qui a donné aux municipalités le champ foncier en exclusivité. Ce qu'il a fait, c'est qu'il l'a donné à une époque où le champ foncier était en expansion et augmentait. Et, alors, les municipalités en étaient très heureuses. Mais, maintenant que le champ foncier diminue, évidemment elles voudraient venir chercher de l'argent là où l'État québécois prend son argent, dans les autres taxes, mais qui, comme vous le savez, elles aussi, diminuent et que nous devons chercher à diminuer. Nous sommes tous dans des difficultés financières énormes, et je vous rappelle que la réforme Parizeau a fait que c'est quand même au Québec que les taxes foncières sont les moins élevées au Canada et moins que dans bien des États américains.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Richmond.

M. Vallières: En complémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre responsable du Développement des régions, faute de ne pouvoir réaliser sa promesse de créer un ministère des Régions, entend défendre une proposition contenue dans un document d'orientation produit par le Secrétariat au développement des régions en juin dernier à l'effet que le ministre des Régions soit dorénavant chargé de la responsabilité de toutes les régions, y incluant celle de Montréal?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles et responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, des documents de travail, il y en a à la tonne. Mais je dois vous dire que j'ai toujours respecté les décisions du Conseil des ministres. Il y a un ministre de la Métropole qui s'occupe de la métropole, et je m'occupe des autres régions du Québec.

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: Est-ce que le ministre, alors, du Développement régional accepte ce que son collègue disait le 29 mai 1996, en parlant du ministère des Régions, enfin: «Bon ou pire. Ce n'est pas pire, mais, si le raisonnement [...] – bon – il y aurait deux ministres qui s'occuperaient des régions: un qui s'occuperait de 47 % de la population puis un autre qui s'occuperait de 53 % de la population.»

Une voix: Il est d'accord.

Mme Frulla: D'accord?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président. Je ne crois pas qu'on doive diviser la population par des pourcentages exclusivement. Il y a une région métropolitaine qui est une locomotive dans un pays comme le nôtre, une locomotive sur le plan du développement économique. On doit s'en occuper de façon adéquate. Il y a aussi des régions du Québec qui sont des régions ressources dont il faut s'occuper. À mon point de vue, le Québec de demain, c'est le Québec des régions fortes.

(15 h 50)

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon.


Rapport d'enquête sur la municipalité de Saint-Lin

Mme Delisle: M. le Président, le ministre des Affaires municipales ainsi que le premier ministre ont été sensibilisés depuis plusieurs mois déjà à la situation inquiétante qui prévaut dans la municipalité de Saint-Lin. Cette municipalité a fait l'objet d'une longue enquête de la Commission municipale, qui a rédigé un rapport, mais le rapport n'a pas été rendu public. Le 18 septembre dernier, le maire a envoyé au ministre des Affaires municipales une demande de mise en tutelle.

Devant l'inaction du ministre, le maire a dû rendre public, ce matin, dans Le Journal de Montréal , l'enfer qu'il vit depuis son élection, il y a un an, à la mairie, et je cite le maire: selon le nouveau maire, «la municipalité est un véritable capharnaüm, la réglementation est déficiente, voire illégale, les normes environnementales ne sont pas respectées, certains permis sont contestables et le système de taxation n'est pas le même... pour tous».

Qu'attend le ministre pour acquiescer à la demande du maire de Saint-Lin de mettre en tutelle cette municipalité afin d'y rétablir le bon ordre?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Effectivement, M. le Président, il y a eu une tutelle de la Commission municipale dans cette municipalité. Le rapport a été produit. Nous devons analyser très sérieusement les conclusions de la Commission municipale, parce que, écoutez, lorsqu'il s'agit de mettre sous administration provisoire une municipalité, il s'agit d'éléments fort importants. On l'a vu récemment, la semaine dernière par exemple, après des événements qui ont duré des semaines à Sainte-Angèle-de-Mérici, dans le Bas-Saint-Laurent, nous avons donné toutes les chances à l'administration de d'abord assumer ses responsabilités, et c'est à la toute dernière limite que nous utilisons ce moyen de mise en tutelle.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, le ministre des Affaires municipales sait-il que cette situation-là prévaut depuis très longtemps, depuis plus longtemps qu'à Sainte-Angèle-de-Mérici? Et est-ce que la valse-hésitation qu'il a actuellement dans ce dossier-là a un lien avec le fait que l'ancien maire de Saint-Lin, défait par l'actuel maire, avait été choisi comme candidat péquiste...

Une voix: Ah!

Des voix: Oh!

Mme Delisle: ...dans le comté de Rousseau et à qui on avait demandé de quitter ce poste parce qu'il y avait justement une enquête à ce sujet?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: Évidemment, M. le Président, on essaie de tisser un fil qui est bien mince entre des individus qui auraient comme parenté politique le fait que, dans une convention, ils aient été choisis. La situation est bien simple: la Commission municipale a fait enquête dans cette municipalité, nous avons les conclusions et il faut examiner ça de façon très sérieuse, parce que, si on en arrivait à mettre cette municipalité sous l'administration provisoire d'un tuteur, c'est extrêmement sérieux pour les droits des citoyens, pour la démocratie, et, quand on parle de ça, on parle de l'autonomie municipale et il faut y aller avec beaucoup de précautions. Et voilà pourquoi nous étudions le rapport avec la plus grande des attentions avant de prendre une décision dans ce dossier.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, le ministre est-il conscient – et je répète ma question – est-il conscient que cette situation-là prévaut depuis beaucoup plus longtemps qu'à Sainte-Angèle-de-Mérici, que le ministre s'est empressé, pour les bonnes raisons, de mettre Sainte-Angèle-de-Mérici en tutelle et qu'il refuse même de répondre au maire en ce qui regarde la mise en tutelle de Saint-Lin? Alors, qu'attend le ministre pour répondre à cette demande urgente du maire de Saint-Lin?

Une voix: Conflit d'intérêts.

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, il est fréquent que, le mardi matin suivant une réunion d'un conseil municipal, il y a un certain nombre de plaintes qui soient déposées au ministère des Affaires municipales. Souvent, des divergences d'opinions nous sont rapportées comme étant des plaintes à l'égard du comportement du conseil municipal. J'indique à la députée de Jean-Talon que nous regardons avec la plus grande attention ce dossier. Nous avons les conclusions de la Commission et, lorsque nous aurons un éclairage suffisant sur les faits, que nous serons suffisamment alimentés pour faire une recommandation, si tel est le cas, au Conseil des ministres, nous procéderons.

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales.


Réponses différées


Coût d'une réception organisée par le ministère de l'Environnement et de la Faune

Nous en arrivons maintenant à l'étape des réponses différées. À ce moment-ci, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune répondra maintenant à une question posée hier par M. le député d'Orford concernant la réception des fonctionnaires du ministère de l'Environnement et de la Faune tenue le 9 novembre dernier. Alors, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Oui, M. le Président. J'ai aujourd'hui les informations que je m'étais engagé à donner à cette Assemblée. Effectivement, il y avait une pratique que j'ignorais, à l'intérieur du ministère de l'Environnement et de la Faune, de rendre hommage par ces soirées aux gens qui prennent leur retraite; et cette pratique existait depuis la création du ministère de l'Environnement et de la Faune, depuis 1993, et c'est sous ce gouvernement que cette pratique avait été mise en place dans le ministère à l'époque.

Ceci étant dit, lorsque la nouvelle sous-ministre a été nommée au ministère de l'Environnement et de la Faune, je lui ai demandé de faire la plus grande rigueur pour s'assurer que les dépenses qui puissent être jugées excessives soient éliminées. On m'informe qu'effectivement, lors de cette dernière soirée du 8 novembre, la sous-ministre s'est présentée et a informé l'assemblée, qui fêtait le départ de 92 retraités avec les conjoints, que ceci était la dernière soirée d'hommage aux retraités, même si nous devons donner, vouer le plus grand respect à ceux et à celles qui ont donné leur vie professionnelle à la fonction publique.

Ceci étant dit, M. le Président, c'est une pratique qui est maintenant du passé et, même s'il est bon de rendre hommage à ceux et à celles qui ont donné leur vie professionnelle à la fonction publique, nous convenons que, dans les circonstances actuelles, de telles dépenses peuvent paraître exagérées.

Le Président: M. le député d'Orford, en complémentaire.

M. Benoit: Oui, M. le Président. Le ministre réalise-t-il que, le 9 mai, il me répondait que, pour l'ÉcoSommet, il y avait 56 personnes du ministère présentes? Les chiffres officiels que je viens de recevoir, il y a quelques minutes, démontrent qu'il y avait 133 personnes, pour un montant de 54 000 $.

La question que je lui demande, c'est: Combien ça a coûté, ce party-là, avec la chanteuse, le vin puis tout le bazar?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Il y avait 92 retraités et leurs conjoints; le coût global est de 35 000 $, M. le Président. Et, en ce qui concerne la participation des fonctionnaires du ministère et des autres à cet ÉcoSommet, il est normal que, dans leur exercice professionnel, les gens participent à de telles réunions. Et c'est à cette réunion qu'a germé l'idée des projets qui ont été acceptés dans le cadre du sommet économique, des projets porteurs comme la collecte sélective, M. le Président, qui va créer 1 600 emplois, et les autres...

Le Président: Alors, M. le ministre, en conclusion.

M. Cliche: En conclusion, la pratique de ces soirées d'hommage aux fonctionnaires qui prennent leur retraite est révolue. La sous-ministre en avait pris la décision sans même que je sois informé de telles pratiques, dans la saine gestion. Quant à la participation des fonctionnaires à des réunions importantes comme le développement durable au Québec, je pense que c'est dans la pratique normale. Il ne faut pas exagérer avec cette chasse aux sorcières.

Le Président: Alors, il n'y a pas de votes reportés aujourd'hui.


Motions sans préavis

Nous en arrivons maintenant à la rubrique des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Motion proposant que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 50

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie, les 3, 4 et 5 décembre 1996, selon l'horaire ci-joint, et, à cette fin, entende les organismes suivants: la Chambre de commerce du Québec; l'Association des producteurs privés d'électricité; l'Union des producteurs agricoles; l'Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN) avec Greenpeace Québec; le Centre Hélios avec le Mouvement Au Courant; le Grand Conseil des Cris; la Centrale des syndicats nationaux (CSN) avec la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ); le Groupe des consommateurs résidentiels, soit l'ACEF Montréal conjointement avec la Fédération des ACEF, la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec et l'Association pour la protection des automobilistes; l'Association des manufacturiers du Québec (AMQ) avec l'Association des industries forestières du Québec (AIFQ); l'Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG) avec l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité; le groupe des organisations du secteur énergétique, soit l'Association québécoise pour la maîtrise de l'énergie (AQME), le Groupe de recherche en économie de l'énergie et des ressources naturelles et GREIGE; l'Association de l'huile à chauffage avec la Corporation de chauffage urbain de Montréal; Hydro-Québec; Gaz Métropolitain avec Gazifère; l'Association des distributeurs indépendants de produits pétroliers; la compagnie pétrolière Impériale ltée; Les Pétroles Irving; les produits Pétro-Canada; les produits Shell ltée; Ultramar;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre le ministre des Ressources naturelles et le porte-parole de l'opposition officielle;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition officielle;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et que la période de questions avec chaque groupe d'intérêt regroupé soit d'une durée maximale de 30 minutes partagées également entre les deux groupes parlementaires;

(16 heures)

«Que le ministre des Ressources naturelles soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, d'abord?


Mise aux voix

Est-ce que cette motion est adoptée? Alors, la motion est adoptée.

Aux motions sans préavis, M. le député de Robert-Baldwin.


Féliciter les nouveaux membres des conseils d'administration des établissements de santé et de services sociaux

M. Marsan: Oui, M. le Président:

«Que l'Assemblée nationale félicite les nouveaux membres des conseils d'administration des établissements de santé et de services sociaux pour leur élection, lundi soir dernier, et souligne leur engagement bénévole et leur contribution à la gestion des établissements du réseau de la santé et des services sociaux.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Bélanger: Il y aurait consentement, M. le Président, sans débat.

Le Président: Sans débat? Alors, il y a consentement, sans débat.


Mise aux voix

Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous en arrivons aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, aujourd'hui après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 31, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, demain, le jeudi 28 novembre 1996, de 10 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, demain, le jeudi 28 novembre 1996, de 10 heures à 12 h 45, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission du budget et de...

Le Président: Je m'excuse. Je demanderais aux collègues qui doivent quitter l'Assemblée pour vaquer à d'autres occupations à l'extérieur de l'enceinte de le faire rapidement et en silence, pour que ceux qui doivent continuer à s'occuper ici, à l'Assemblée, puissent le faire correctement. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Et, finalement, que la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 73, Loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite, demain, le jeudi 28 novembre 1996, de 10 h 30 à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions? Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions? Alors, il y a consentement? Très bien.

Pour ma part, je vous avise que la commission des institutions se réunira aujourd'hui, mercredi le 27 novembre 1996, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'entendre la curatrice publique en vertu de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Je vous avise également que la commission de l'Assemblée nationale se réunira aujourd'hui après les affaires courantes, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de voir à la formation des commissions parlementaires, en application des articles 121 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale. Je vous signale que, conformément à un accord intervenu, le rapport de ladite commission sera déposé avant l'ajournement de la présente séance et qu'à ce moment un avis de convocation sera communiqué aux membres de cette Assemblée afin que les commissions permanentes puissent procéder à l'élection de leurs présidents respectifs dès demain. Alors, ça complète les renseignements.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, maintenant.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Conformément à l'article 249 de notre règlement, je vous demande de convoquer une réunion des leaders afin que l'on s'entende sur le moment où la commission des institutions terminera ses travaux sur le projet de loi n° 130.

Le Président: En vertu de cette disposition, je sais qu'avec les leaders nous aurons de toute façon à nous voir pour la commission de l'Assemblée nationale. Alors, je vous invite à ce qu'on se rencontre un peu avant la réunion de la commission de l'Assemblée nationale.

M. Bélanger: Ou après.

Le Président: Écoutez, à votre convenance. Peu importe avant ou après, ça... M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Peut-être faire une suggestion, à ce moment-là. La réunion pourrait se faire tout de suite après la réunion de la commission de l'Assemblée nationale.

M. Paradis: La motion vient d'être présentée, M. le Président. Quand on plaide ce genre de motion, il faut avoir la préparation nécessaire. On va reconstituer le dossier et, si nous sommes prêts, à ce moment-là nous procéderons. Sinon, nous vous demanderons de procéder en nous laissant le temps de reconstituer le dossier. On n'arrive pas dans une réunion convoquée en vertu de cet article sans que le dossier soit complet, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, en vertu de 249, je crois que c'est une requête, à ce moment-là, que le leader du gouvernement peut faire, en vertu de cet article-là, celle que j'ai faite. Je crois qu'il est à votre discrétion, évidemment, de convoquer cette rencontre des leaders. Quant au moment où cette rencontre doit se faire, je vous soumets respectueusement qu'on peut la faire le plus rapidement possible, et vous avez la collaboration du gouvernement quant à cette réunion.

M. Paradis: Et celle de l'opposition, M. le Président.

Le Président: Bien, écoutez, si nous nous entendons pour faire cela avant l'événement que nous avons organisé ensemble ce soir, avant 18 heures, je pense que ça pourrait... On a encore deux heures. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, vous comprendrez que, lorsque le leader du gouvernement présente une telle motion, lui a monté son dossier, lui connaît le moment où il va présenter sa motion et lui est prêt. De ce côté-ci, on vient de l'apprendre, cette motion-là. Ce qu'on vous demande tout simplement, c'est un délai raisonnable pour être capable de vous faire part des représentations. Ça touche un dossier qui est volumineux et qui est important. On ne veut pas arriver là dans cinq minutes puis vous dire: C'est à peu près ça, M. le Président. On voudrait avoir le temps nécessaire pour présenter une plaidoirie étoffée et étayée de façon à pouvoir vous éclairer au maximum quant à ce dossier.

Le Président: Bien, écoutez, je sais que la commission de l'Assemblée nationale que nous venons de convoquer doit se réunir normalement vers 16 h 30. Alors, si ça convenait à tout le monde, après la réunion de la commission de l'Assemblée nationale, avant 18 heures, on pourrait effectuer cette réunion des leaders et... Nous avons deux heures avant 18 heures. En tout cas, on peut tenter de faire ça. D'accord? M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: À la période des renseignements, j'aimerais inviter le leader du gouvernement à porter attention avec le ministre de la Sécurité publique à la question 15 qui est inscrite au feuilleton, considérant le fait qu'elle concerne les inondations, qu'elle est faite dans le but d'éviter la reprise des sinistres éventuels, des inondations pour janvier prochain, et qu'on est maintenant à l'époque des gels déjà. J'aimerais simplement demander au leader de faire diligence auprès du ministre de la Sécurité publique pour qu'on obtienne la réponse à cette question le plus tôt possible parce que la population est vraiment inquiète.

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. La demande a été faite au ministre de la Sécurité publique, et je peux assurer le député de Châteauguay que diligence est faite et a été faite et qu'on va continuer à faire diligence pour que la réponse soit accordée, donnée le plus rapidement possible.

Le Président: Très bien. Alors, nous en arrivons maintenant aux affaires du jour, et... Oui, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, j'ai posé une question au ministre d'État de l'Économie et des Finances, qui s'est engagé à déposer l'entente qu'il a signée avec la Banque Nationale concernant les représentants du Québec à l'étranger. Et la réponse, elle a été donnée le 10 juin – ça fait six mois, pratiquement – et on n'a pas encore reçu le dépôt du document.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, encore la même réponse que j'ai donnée précédemment: le plus rapidement possible, nous apporterons la réponse à la question qui a été posée.


Affaires du jour


Affaires inscrites par les députés de l'opposition


Motion proposant que l'Assemblée demande au premier ministre d'entendre en commission les syndicats concernés par la proposition de réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique

Le Président: Alors, aux affaires du jour, maintenant. Aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, l'article 62 du feuilleton: En vertu de l'article 97 du règlement, M. le député de Westmount–Saint-Louis présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale demande au premier ministre du Québec qu'il convoque, dans les plus brefs délais, la commission du budget et de l'administration afin d'entendre les syndicats concernés par la proposition du gouvernement quant à la réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique québécoise.»

Alors, je fais part que la répartition du temps de parole pour le déroulement de ce débat est la suivante: au-delà de son temps de parole initial, l'auteur de la motion disposera d'un droit de réplique de 10 minutes; cinq minutes sont allouées à chacun des députés indépendants; 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant le gouvernement; et 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant l'opposition officielle.

Je suis maintenant prêt à reconnaître M. le député de Westmount–Saint-Louis.

Mme Caron: M. le Président, je m'excuse.

Le Président: Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, avant de commencer le débat, j'aurais une question de directive à vous soumettre.

Le Président: Oui, allez-y.

Mme Caron: Alors, M. le Président, la question est à l'effet: Est-ce que la motion du député de Westmount–Saint-Louis que nous devons débattre aujourd'hui peut se faire dans l'objet d'un débat dans le cadre de l'article 97 de notre règlement? Et je m'explique.

On sait que de tout temps les motions du mercredi sont inscrites sous le thème «Motion inscrite par le député... en vertu de l'article 97 du règlement», et, contrairement à cette pratique, la motion du député de Westmount–Saint-Louis est apparue à l'article cc du feuilleton du mercredi 20 novembre 1996 sous le thème «Motion inscrite par le député de Westmount–Saint-Louis». Nous n'avons pas indiqué à ce moment-là, M. le Président, «en vertu de l'article 97». Et je vous dépose des extraits de sept feuilletons qui vont vous permettre de constater qu'effectivement on n'a pas écrit «en vertu de l'article 97», pour le 20 novembre et que la coutume est à l'effet qu'on écrive toujours «motion inscrite en vertu de l'article 97 du règlement». Alors, je dépose ces documents.

(16 h 10)

La question peut paraître technique, M. le Président, mais elle a son importance. Donc, si elle est apparue le lendemain, le 21 novembre, sous la rubrique «Affaires inscrites par les députés de l'opposition», elle est passée d'inscrite sans préciser le règlement 97 et elle apparaît le lendemain sous les affaires inscrites par les députés de l'opposition.

Donc, M. le Président, il y a deux choses qui ont pu arriver: ou bien l'opposition a signifié par lettre qu'elle souhaitait faire de cette motion ordinaire une motion du mercredi – si c'est le cas, M. le Président, j'aimerais prendre connaissance de la lettre qui a été déposée par l'opposition – ou bien c'est la présidence elle-même qui a choisi, sans indication de l'opposition, d'inscrire cette motion du député de Westmount–Saint-Louis en motion du mercredi.

Et c'est là que ma question de directive intervient, M. le Président. Vous savez très bien que, dans notre règlement, à l'article 97, il est précisé que c'est pour les affaires inscrites par les députés de l'opposition. Mais le droit de nos parlementaires, M. le Président, est à l'effet que chacun peut inscrire une motion au feuilleton et que ce n'est pas limité dans nos débats du mercredi. Donc, c'est important de le préciser lorsqu'on veut que ce soit une motion qui soit en vertu de l'article 97.

Alors, M. le Président, vous savez très bien qu'en vertu du deuxième paragraphe de l'article 97 le président doit décider de l'ordre d'inscription au feuilleton, doit donc décider si c'est un député de l'opposition ou un député indépendant et s'assurer d'une certaine alternance. Donc, si un député du côté ministériel avait déposé une motion, est-ce que cette motion, vous l'auriez inscrite du côté des motions du gouvernement? Non, c'est impossible, M. le Président, ce serait inexact puisqu'il y a une séparation des pouvoirs. Est-ce que vous l'auriez inscrite sous la rubrique «Affaires inscrites par les députés de l'opposition»? Effectivement, non, M. le Président, puisque ce serait une motion présentée par les députés du côté ministériel.

Alors, M. le Président, je vous demande comment cette motion, qui n'était pas inscrite le 20 novembre en vertu de l'article 97 de notre règlement, s'est trouvée, le 21 novembre, sous la rubrique «Affaires inscrites par les députés de l'opposition». Est-ce que c'est parce que l'opposition vous a fait une demande par écrit à cet effet – et, si c'est cela, nous voulons voir la correspondance – ou est-ce que la présidence a décidé d'elle-même, sans avoir aucune autre justification, de la classer sous les affaires de l'opposition? Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement, je viens de parler avec des officiers de la table et je pense que je vais prendre quelques instants pour faire le point de la situation. On m'indique que ça ne devrait pas être tellement long. Je vais revenir dans quelques instants pour vous donner, à vous et à l'ensemble des membres de l'Assemblée qui participent au débat, les explications qui vous permettront de voir où on s'en va.

Alors, je vais suspendre quelques minutes, le temps de clarifier la situation, et on revient immédiatement après. Alors, les travaux sont suspendus quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 15)

(Reprise à 16 h 23)

Le Président: Très bien. Si vous voulez vous asseoir.

Alors, après avoir regardé la question qui a été soulevée par Mme la leader adjointe du gouvernement, je voudrais simplement dire que finalement, même si au feuilleton il n'était pas spécifié que c'est en vertu de l'article 97, ce qui doit être clair, c'est que, en vertu de la sous-section 5, les affaires inscrites par les députés de l'opposition, à partir du moment où c'est une motion d'un député de l'opposition, c'est à cette rubrique-là et pas ailleurs que ça peut se discuter et que ça peut s'inscrire au feuilleton. Donc, en fait, il n'était pas nécessaire d'écrire et il n'est pas nécessaire d'écrire dans le texte même du feuilleton que c'est en vertu de l'article 97, parce que ça va de soi. Alors, vous comprendrez à ce moment-ci que, même si... En fait, vous me demandiez une directive. La directive, c'est qu'il n'est pas nécessaire de l'inscrire.

Si jamais le texte de la motion avait été libellé de telle sorte que, par exemple, ça aurait été une motion de censure ou autre, alors c'est ailleurs que ça aurait dû s'inscrire au feuilleton. Mais, dans la mesure où il n'y a qu'une rubrique qui est prévue, Affaires inscrites par les députés de l'opposition, à ce moment-ci le parti de l'opposition officielle avait indiqué que c'est cette motion qu'il souhaitait voir appeler aujourd'hui parce que finalement il avait la possibilité et la responsabilité d'initier le débat pour ce mercredi. Ça va, Mme la leader adjointe?

Mme Caron: M. le Président, j'aurais une autre question de directive, à savoir s'il y a, dans la motion telle qu'inscrite par le député de Westmount–Saint-Louis...

Le Président: Mme la leader, juste un instant. Est-ce que vous me permettez, puisque le président avait d'autres engagements à l'extérieur de l'enceinte, de céder le fauteuil à un de mes collègues vice-présidents – qui de toute façon devait et doit préciser le débat qui s'ensuivra – qui pourra recevoir votre seconde question de directive et statuer, ce qui me permettra d'honorer mes engagements à l'extérieur de l'enceinte?

Mme Caron: Bien sûr, M. le Président.

Le Président: Très bien, madame. Alors...

Le Vice-Président (M. Pinard): Veuillez vous asseoir.

Mme la leader adjointe du gouvernement, vous aviez la parole.

Mme Caron: M. le Président, j'avais une autre question de directive, à savoir si la motion du député de Westmount–Saint-Louis...

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Question d'ordre?

M. Charbonneau (Bourassa): Vérification du quorum, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): Appelez les députés, s'il vous plaît. Nous allons suspendre quelques instants.

(16 h 26 – 16 h 27)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, pour vous donner l'ordre de vous asseoir, il faudrait que vous soyez debout.

Merci. Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Mme la leader adjointe du gouvernement.


Débat sur la recevabilité de la motion


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, j'avais une autre question de directive, à savoir, tel que libellée, la motion du député de Westmount–Saint-Louis indique... Et je me demande s'il n'y a pas un vice de forme, M. le Président, parce que la motion se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale demande au premier ministre du Québec qu'il convoque, dans les plus brefs délais, la commission du budget et de l'administration...»

Alors, M. le Président, en vertu de notre règlement, pour les convocations de commissions, il y a les articles 147 et 148 qui s'appliquent. Alors, je vous le lis: «Convocation sur avis du leader du gouvernement. La commission qui a reçu un mandat de l'Assemblée est convoquée par son président, sur avis du leader du gouvernement.» Donc, une commission ne peut pas être convoquée par le premier ministre du Québec, elle doit être convoquée par le président de la commission, sur avis du leader du gouvernement. Alors, je m'interroge à savoir s'il n'y a pas un vice de forme même sur la motion qui est présentée et si, à ce moment-là, elle n'est pas tout simplement irrecevable.

Le président qui vous a précédé a clairement expliqué, et je comprends très bien sa directive à l'effet que, lorsqu'une motion vient du côté de l'opposition, automatiquement elle se retrouve dans les affaires inscrites par l'opposition en vertu de l'article 97, mais le président ne m'a pas mentionné, lorsqu'il y a une motion – et j'avais ça dans ma question de directive – qui est présentée par un député ministériel... Où se retrouve-t-elle classée, cette motion-là? Elle ne peut pas se retrouver, il me semble, du côté des affaires inscrites par les députés de l'opposition. Elle ne peut pas se retrouver non plus, et je l'avais dit dans mon plaidoyer, du côté des motions du gouvernement, puisqu'il faut qu'il y ait séparation des pouvoirs. Donc, où doit-elle se classer, à ce moment-là, M. le Président? Donc, j'ai deux questions.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la leader adjointe. Alors, M. le député de Westmount– Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, sur la question procédurale qui est soulevée par la députée de...

Des voix: La leader adjointe du gouvernement.

M. Chagnon: ...la leader adjointe du gouvernement, je vous incite tout simplement à relire l'article 193 de notre code qui fait en sorte de considérer que le président... D'abord, il doit refuser tout préavis sur toute motion qui est contraire au règlement. Là, je comprends que la motion, elle est fondée sur le règlement. Puis on dit aussi que le président peut – et doit, en fait – en corriger la forme ou n'importe quel vice de forme pour la rendre recevable. Alors, M. le Président, je pense qu'il n'y a pas matière à discuter longtemps sur cette question-là.

(16 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci M. le député de Westmount–Saint-Louis. Une dernière intervention, Mme la leader adjointe du gouvernement.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: M. le Président, oui, c'est bien vrai, l'article 193, mais cette motion n'a pas été corrigée au niveau de la forme. Donc, je vous pose une question de directive. Cette motion-là, elle n'est pas conforme à ce qu'on doit retrouver et elle est contraire aux articles 147 et 148 de notre règlement. Je conviens que le président pourrait corriger la forme, mais ce n'est pas fait encore, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons suspendre quelques instants pour analyser vos plaidoiries de part et d'autre et nous allons vous revenir.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 46)


Décision du président sur la recevabilité

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Concernant les demandes qui nous sont formulées, Mme la leader adjointe du gouvernement, je vous mentionne que la motion demande au premier ministre de convoquer une commission, alors que l'article 147 du règlement prévoit, entre autres, qu'une commission qui a reçu un mandat de l'Assemblée est convoquée par son président sur avis du leader du gouvernement ou, si l'Assemblée tient séance, par le leader du gouvernement au moment prévu de la période des affaires courantes. La motion demande de convoquer une commission alors qu'elle n'a pas encore reçu de mandat de l'Assemblée.

Il ne faut pas donner un sens procédural aux mots contenus dans la motion. La motion exprime en fait le souhait que la commission du budget et de l'administration entende les syndicats concernés par la proposition du gouvernement quant à la réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique québécoise. Si la motion était adoptée et que le gouvernement voulait bien y donner suite, bien sûr un mandat devrait préalablement être donné à la commission du budget et de l'administration avant que cette dernière ne soit convoquée. En somme, au-delà des termes utilisés, la motion exprime tout simplement un souhait qui n'est pas incompatible avec la procédure prévue au règlement eu égard à la saisine et à la convocation des commissions.

Concernant le deuxième point que vous nous avez soulevé, je tiens à vous rappeler que la présidence ne répond pas à une question hypothétique sur la procédure. Lorsque la présidence recevra une motion d'un député ministériel, soyez persuadée qu'à ce moment-là on tranchera.

En conséquence, la motion est recevable, et nous pouvons d'ores et déjà engager le débat. M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Débat sur la motion


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Sans de loin vouloir laisser croire ou laisser entendre que ma collège la leader de l'opposition aurait fait des mesures dilatoires sur le sujet, il faut convenir qu'on a quand même perdu une demi-heure où on aurait pu traiter du fond du sujet.

Je voudrais répéter, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, ce que veut dire la motion et en quoi elle s'inscrit parfaitement dans la trame de l'actualité que nous connaissons:

«Que l'Assemblée nationale demande au premier ministre du Québec – et, comme vous l'avez si bien signalé, on aurait pu dire "que l'Assemblée nationale"... – qu'il convoque, dans les plus brefs délais, la commission du budget et de l'administration afin d'entendre les syndicats concernés par la proposition du gouvernement quant à la réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique québécoise.»

(16 h 50)

M. le Président, ce n'est pas très sorcier, cette proposition-là a été mise de l'avant suite à une motion du gouvernement qui référait à l'Assemblée nationale la proposition que le gouvernement avait lui-même déposée auprès des centrales syndicales. Le 20 novembre 1996, le ministre délégué à l'Administration publique déposait une motion qui n'a pas encore été et qui n'aura pas à être étudiée par l'Assemblée nationale – j'aurai l'occasion de le dire plus tard – parce qu'elle est décédée subitement, je dirais, hier, lorsque les chefs des cinq centrales syndicales ont annoncé sa mort sans sursis.

M. le Président, l'histoire est quand même un peu pathétique. Nous en sommes rendus à regarder une proposition du gouvernement qui, il y a 13 mois, 14 mois, signait une entente avec ses partenaires d'il y a trois semaines à un sommet. Le gouvernement signait, il y a 14 mois, juste avant le référendum, une entente de conventions collectives sur trois ans dans lesquelles le gouvernement verserait 935 000 000 $ échelonnés sur les trois prochaines années, et, il y a à peine trois semaines, on a fait un sommet, un dernier sommet sur l'emploi où on s'est entendu avec les syndicats et où on a peut-être évité de dire aux syndicats quelle mauvaise nouvelle s'en venait. Peut-être le savaient-ils – comme le laissait entendre le premier ministre durant la période de questions, tout à l'heure – peut-être ne le savaient-ils pas, mais une chose est certaine, le gouvernement se trouve aujourd'hui dans la situation où il demande la réouverture du contrat négocié il y a 15 mois. Le gouvernement est en demande, veut récupérer 1 400 000 000 $, cherche à récupérer 1 400 000 000 $ dans les salaires et les avantages sociaux de ses employés. Après leur avoir donné, il cherche à le reprendre.

Comme tout contrat et comme le prévoit le Code civil, si les parties s'entendent pour rouvrir le contrat et le modifier à leur guise, franchement, personne ne pourrait en redire, mais une chose est certaine, c'est que, dans la situation qui nous occupe, la proposition du gouvernement, nous, nous faisait poser des questions. Nous trouvions bizarre et nous trouvons encore étonnant que le gouvernement demande à ses employés d'autofinancer leurs augmentations de salaire pour les 18 prochains mois. Mais, bref, si c'était là la volonté des employés et si c'était là la volonté de leurs syndicats, leurs establishments syndicaux, eh bien, on n'aurait rien à redire, dans le fond. Mais une chose est certaine, c'est qu'on ne peut pas faire autrement – comme l'Assemblée nationale l'a voté la semaine dernière – que d'exiger du gouvernement péquiste qu'il respecte sa signature.

Au moment où on se parle, rien n'a été changé. Une offre a été déposée, l'offre a été considérée comme mort-née. Hier après-midi, à 16 heures, les syndicats ont tout simplement annoncé sa mort. Le premier ministre prétendait que c'était une mort prématurée – une mort non annoncée, comme dirait l'auteur – mais je pense qu'on est pris entre deux personnes qui ont des liens et des intérêts différents, à croire les chefs syndicaux, en conférence de presse hier, qui ont annoncé la mort de cette proposition. Le premier ministre nous dit: Elle n'est pas morte. Qui croire?

Peut-être que les chefs syndicaux ont eu d'autres pourparlers avec le premier ministre et le président du Conseil du trésor depuis leur conférence d'hier, peut-être que le premier ministre et le président du Conseil du trésor cherchent à mettre sous la tente à oxygène leur proposition de la semaine dernière, mais une chose est certaine pour le commun des mortels qui suit ce dossier, pour les syndiqués qui votent depuis des semaines à travers les réseaux – particulièrement de l'éducation, dans le cas de la FTQ – et qui votent pour des mandats de grève à ces chefs syndicaux... Et on peut présumer que le même type de mandat sera donné dans les syndicats affiliés à la CEQ ou dans les syndicats affiliés à la CSN, parce que les membres ont un peu de misère à voir leurs représentants syndicaux faire des démarches et ne pas être assurés, semble-t-il, d'avoir l'entier appui de leur membership sur ces questions. Mais il semble que les membres, quant à eux, refusent la proposition gouvernementale, et les chefs syndicaux l'ont exprimé clairement hier.

Mais la saga, M. le Président, commence le 12 novembre, où le Syndicat des professionnels annonce qu'il s'opposera à la réouverture des conventions collectives et à toute baisse de salaire et à des mises à pied massives dans la fonction publique. Le président du Conseil du trésor prétend qu'en baissant les salaires, en réduisant le nombre d'heures travaillées par les employés, en prenant, en compensant les cotisations à la Caisse de dépôt et placement ou au RREGOP, au régime de pension des employés, il pourrait éviter des coupes sombres dans le nombre d'employés du gouvernement et de ses réseaux.

C'est un peu difficile à comprendre comment on peut opérer, par exemple, comme le stipule la proposition gouvernementale, comment on peut réduire de trois heures par semaine le nombre d'heures travaillées par une infirmière, par une auxiliaire dans un hôpital, par une enseignante, un enseignant dans une école primaire, secondaire. C'est des questions que l'on se pose.

C'est pourquoi on a demandé, on a dit: Il serait plus qu'important que la commission du budget et de l'administration se réunisse, regarde la proposition gouvernementale, mais, surtout, sans chercher à négocier à la place du président du Conseil du trésor et du premier ministre négociateur en chef, sans chercher à se substituer à ces gens, fasse en sorte d'avoir la lumière, de savoir pourquoi les syndicats, qui devraient être invités... de savoir quelles sont leurs positions sur l'offre. Pour l'instant, on débat à travers les médias. C'est une forme un peu bizarre d'essayer de s'organiser sur le plan de la négociation, d'avoir une négociation fortement médiatisée. Mais il serait important, sur le fond, de connaître les positions et les raisons qui motivent les chefs syndicaux et les organisations syndicales à s'opposer au projet de règlement.

Je présume que, si le gouvernement n'a pas peur d'entendre la réaction des chefs syndicaux publiquement, par le biais d'une commission parlementaire, il s'inscrira avec nous et il votera sur la proposition et sur la motion, il votera favorablement. Je pense qu'il serait sage que nous regardions cette question de la façon la plus posée, la plus ouverte possible et de façon aussi à s'assurer que, dans les secteurs de la santé, dans les secteurs de l'éducation, les enfants du Québec, les malades du Québec ne souffriront pas de grèves tournantes, qui sont appelées au moment où on se parle. Des enfants risquent de perdre des journées de classe, des malades risquent de perdre les soins de santé pour lesquels ils sont... ce n'est pas leur choix, ils sont traités à l'hôpital. Je demande et j'offre au gouvernement finalement que, par le biais de la commission du budget et de l'administration, nous puissions entendre les parties à ce dossier. Et, quand je dis les parties, je pense plus particulièrement aux parties syndicales, étant donné que la majorité, sur la commission du budget et de l'administration, M. le Président, comme vous le savez, est composée de membres du parti ministériel.

Mais peut-être que le gouvernement n'est pas intéressé tellement à convoquer la commission du budget et de l'administration pour entendre les chefs syndicaux sur cette question. Je sais que dans certains cas il y a peut-être eu... Le gouvernement prétend qu'il y a eu des abus de langage quand le Conseil central du Montréal métropolitain, un organisme, un syndicat qui représente 58 000 employés de la CSN appelait à la mobilisation ses 480 syndicats des secteurs public et privé contre les propositions qualifiées... les propositions malhonnêtes du gouvernement du Québec. Est-ce là un langage superflu, est-ce là une inflation verbale ou est-ce là une démonstration de ce que ces syndicats pourraient faire sur la proposition gouvernementale? Il n'y a qu'une commission parlementaire qui pourrait nous permettre de faire la lumière sur ces questions-là.

Maintenant, pas plus tard que le 19 novembre, le premier ministre Lucien Bouchard laissait planer la menace d'imposer aux syndicats des ponctions aux surplus éventuels sur leur caisse de retraite. Il y a des grincements de dents, il y a des grognements dans l'appareil syndical mais surtout chez les syndiqués, à cet effet-là, qui ont peur de perdre les avantages pour lesquels ils sont les seuls à investir actuellement dans leur fond de retraite, qui ont peur d'en perdre les avantages qu'ultérieurement, une fois qu'ils seraient à la retraite, ils pourraient retirer.

(17 heures)

Mais, par contre, M. le Président, ce qu'il y a de plus éclairant peut-être, et c'est ce qui pourrait contrevenir à l'idée... ou c'est ce qui pourrait permettre au gouvernement de voter contre la motion que je propose et que ma formation politique défend, ce serait le communiqué de presse qui nous a été remis à 18 h 36, le 19 novembre dernier – nous sommes le 27, donc il y a un peu plus d'une semaine: «Le gouvernement québécois ira de l'avant tout seul s'il ne parvient pas à s'entendre avec les employés de l'État au sujet de l'utilisation des surplus de leur régime pour compenser la réduction du temps de travail dans les secteurs public et parapublic.» Ça vient évidemment briser le rythme d'une soi-disant négociation si, en même temps, on dit, comme on le prétend ici: «Le premier ministre se serait dit confiant de voir le gouvernement et les représentants des employés s'entendre avant la date limite, date butoir, du 9 décembre.» Mais, par contre, si on ne s'entend pas, ce n'est pas grave parce que, de toute façon, le gouvernement ira tout seul. Le gouvernement québécois ira de l'avant seul, tout seul, s'il ne parvient pas à s'entendre avec les employés de l'État.

Alors, évidemment, si c'est ça, l'arrière-pensée du gouvernement, il n'y a pas vraiment d'intérêt à réunir une commission parlementaire puis à écouter les gens. Il n'y a pas vraiment d'intérêt à le faire, ça, je pourrais le comprendre. Et, si nos collègues et si les députés ministériels votent contre, bien on comprendra un peu c'est quoi, le cheminement qui nous amène dans ce dossier-là.

Outre les manifestations syndicales qui ont eu lieu autour du congrès de la fin de semaine dernière du parti ministériel, les manifestations qui ont réuni une dizaine de milliers de personnes autour de ce qu'elles appelaient «la proposition Bouchard» – c'était marqué sur 8 000 pancartes sur le boulevard René-Lévesque, ici, à Québec «La proposition Bouchard, c'est non!» – bien, M. le Président, hier les organisations syndicales, représentant 400 000 employés, ont tout simplement annoncé aussi qu'elles s'opposaient à l'intention du gouvernement québécois de rouvrir les conventions.

Et, manifestement, M. le Président, il y a un blocage, il y a une situation difficile, il y a une situation tendue entre les représentants des employés du gouvernement, le premier ministre, et le président du Conseil du trésor, et le gouvernement en fait. Les employés ne veulent pas voir leurs conventions collectives rouvertes, ne veulent pas les voir rouvrir par le gouvernement, à moins que le gouvernement leur fasse une autre proposition. Il m'apparaissait clair cet après-midi, en période de questions, qu'il n'était pas dans l'intention du gouvernement, au moins à court terme, de refaire une nouvelle proposition. Le premier ministre a été clair à cet effet.

À tout le moins, on pourrait au moins, pour chercher à débloquer ce dossier, demander à la commission du budget et de l'administration d'entendre les parties, de voir où sont les résistances et de faire en sorte de s'assurer qu'on puisse avoir un déblocage, qu'on puisse trouver un règlement.

M. le Président, en fin de semaine, dans une entrevue donnée au Soleil , le président du Conseil du trésor était qualifié d'homme le plus confiant sur la planète parce qu'il avait dans sa manche une loi matraque. On ne dirige pas l'État... Puis je ne veux pas prétendre que le gouvernement cherche à matraquer le monde tout de suite; je ne pense pas que ce soit là sa volonté. Mais, pour éclairer le débat, pour éviter de passer pour des gens qui veulent et qui sont en train d'aiguiser leurs dents pour éventuellement bâtir une loi matraque, eh bien, ils auraient grand avantage à accepter la position et la motion que l'opposition officielle dépose aujourd'hui: tout simplement de permettre, par le biais de la commission du budget et de l'administration, de prendre quelques heures et d'entendre les réactions de chacun des chefs syndicaux, de chacun des groupes syndicaux, qui ont déjà dit non à la proposition gouvernementale, mais qui pourraient nous permettre de mieux comprendre pourquoi ils sont opposés à la proposition gouvernementale. Et, dans ce cadre-là, M. le Président, le sujet serait plus éclairé. Les gens comprendraient davantage, et on saurait aussi pourquoi les syndicats et les employés ont dit non à ce que le gouvernement Bouchard appelle «une superbe proposition», «une proposition gagnante».

Mais, pour l'instant, on fait face à une proposition perdante. Mais les seuls et les vrais perdants, ce n'est pas simplement le gouvernement; les seuls vrais perdants dans ce dossier-là, ce seront les enfants qui n'auront pas d'école, les malades qui seront dans les hôpitaux puis qui vivront sous la tutelle, sous l'emprise, je devrais dire, de grèves tournantes. Et cela, M. le Président, l'opposition ne veut pas voir cela, d'autant plus que le gouvernement vient de signer une convention collective, il y a 15 mois, avec ses employés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Alors, je cède maintenant la parole au président du Conseil du trésor et député de Labelle. M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, la demande du député de Westmount–Saint-Louis à l'effet de convoquer les syndicats du secteur public à la commission du budget et de l'administration ne peut être acceptée par le gouvernement. En effet, les négociations entre les parties doivent se faire à la table de négociation et non pas en commission parlementaire ou par l'intermédiaire des médias. Il n'y a qu'à entendre, il y a quelques instants encore, le député de Westmount–Saint-Louis rapporter à sa façon le contenu du communiqué du 19 novembre ou le contenu d'articles de journaux pour comprendre que, si on était avec l'opposition à une table de négociation, il n'y a rien qui marcherait parce que tout serait dénaturé. Les propos seraient dénaturés, on le voit très nettement ici. Alors, merci.

Et puis je pense que c'est aussi une tradition fondée sur le bon sens que les négociations se fassent autour d'une table de négociation. Si l'Assemblée nationale n'est pas le forum pertinent à la tenue de négociations avec les syndicats du secteur public, elle est un excellent endroit pour présenter et débattre les propositions gouvernementales, et je remercie donc le député de Westmount–Saint-Louis de l'occasion qu'il donne au gouvernement de présenter et d'expliquer à nouveau la proposition qu'il a faite à ses employés il y a maintenant deux semaines.

Avant d'aborder en tant que telle la proposition du gouvernement, qui est, selon moi, une proposition intéressante et à l'avantage de toutes les parties, y compris des contribuables québécois, j'aimerais faire un bref retour sur le contexte budgétaire actuel. C'est ce contexte qui rend impératif le plan de réduction des dépenses que le gouvernement a présenté et dont la proposition faite aux syndicats est une composante majeure.

Le livre des crédits et le budget de 1996-1997 présentaient un plan rigoureux de rétablissement de la santé financière du Québec. Ce plan d'élimination du déficit d'ici l'an 2000, fondé sur le consensus dégagé lors de la conférence de Québec de mars 1996, qui est demeuré depuis et qui a été maintenu par le Sommet sur l'économie et l'emploi de novembre dernier, est toujours là dans son ensemble. Même si un consensus ne signifie pas non plus l'unanimité, il reste qu'il tient pour la plupart des participants. Le Québec ne peut plus différer sa démarche d'assainissement des finances publiques et d'élimination du déficit. Déjà six provinces ont réalisé un surplus budgétaire en 1995-1996, et seuls le Québec et l'Ontario seront encore en situation de déficit en 1996-1997. De plus, les Québécois sont désormais les contribuables les plus endettés du Canada: 10 400 $ par habitant. Certaines provinces ont commencé à rembourser leur dette. À ce sujet, j'invite le député de Westmount–Saint-Louis à lire la chronique de Claude Picher parue dans La Presse d'hier relativement à la démarche de l'élimination du déficit suivie par le gouvernement de la Saskatchewan, un gouvernement néo-démocrate en passant.

Je m'en voudrais de ne pas rappeler au député – puisque le gouvernement dont il faisait partie en 1994 détient le record du déficit le plus important de l'histoire du Québec, 5 700 000 000 $ – que la dette totale du Québec atteint 75 000 000 000 $ et que le service de dette nous coûte près de 6 000 000 000 $ par année – en d'autres termes, notre carte de crédit est pleine – 6 000 000 000 $ que nous ne pouvons pas utiliser pour améliorer notre système d'éducation et notre réseau de garderies, pour soutenir les jeunes entrepreneurs, pour acheter des équipements médicaux à la fine pointe de la technologie, pour soutenir nos chercheurs et nos artistes. Nous avons la responsabilité de mettre fin à cette spirale d'endettement. C'est à nous de le faire étant donné que le gouvernement du Parti libéral a baissé les bras et a regardé le train passer alors que la dette du Québec devenait chaque jour un fardeau un peu plus lourd pour nos jeunes.

(17 h 10)

Par ailleurs, le cap de l'équilibre financier doit être maintenu pour préserver la crédibilité financière du Québec sur les marchés internationaux. En effet, les agences de cotation suivent très attentivement les efforts de notre gouvernement pour donner au Québec sa pleine santé financière. Et, si nous renonçons à notre plan, la décote est inévitable, ce qui nous expose à une hausse du service de la dette de plus de 500 000 000 $ sur cinq ans.

Un autre élément de contexte que je m'en voudrais de ne pas rappeler au député de Westmount–Saint-Louis, c'est les coupures du gouvernement fédéral dans ses transferts aux provinces. Ceux-ci étaient de 8 100 000 000 $ en 1995-1996, mais ne seront plus que de 5 800 000 000 $ l'an prochain: une diminution majeure de 2 300 000 000 $ sur deux ans.

Évidemment, l'effort qui sera demandé à tous les Québécois en 1997-1998 est très important, le gouvernement ne s'en cache pas. Le fardeau fiscal des contribuables québécois ayant atteint un point de saturation, il faut que l'essentiel de l'effort budgétaire se situe du côté des dépenses. La démarche gouvernementale prévoit donc une diminution des dépenses de 2 600 000 000 $ en 1997-1998.

Comment faire pour réaliser cet effort indispensable à l'amélioration de la santé financière du Québec sans toucher aux coûts de main-d'oeuvre, qui représentent 58 % des dépenses de programmes du gouvernement, 81 % dans l'éducation, 77 % dans la santé et les services sociaux? Comment une organisation, peu importe sa nature, pourrait-elle prétendre équilibrer son budget sans toucher son poste de dépenses le plus considérable? Je veux bien me faire comprendre, M. le Président, lorsqu'on parle des coûts de main-d'oeuvre dans le budget du Québec, on parle de plus de 20 000 000 000 $ sur un budget de dépenses d'environ 35 000 000 000 $.

Pour redonner au Québec une santé financière qui lui permettra d'atteindre le troisième millénaire sans être aux prises avec un déficit hors de contrôle qui empêcherait l'État québécois de remplir ses grandes missions à sa pleine mesure et mettrait en péril le filet de sécurité sociale que nous nous sommes donné au fil des ans, tous les citoyens du Québec doivent participer à l'effort d'assainissement des finances publiques; il s'agit d'une question de solidarité et d'équité. En effet, comment le gouvernement pourrait-il faire porter uniquement sur les autres dépenses ou sur une hausse de revenus tout le poids de la démarche d'élimination du déficit? Toute la population et toutes les organisations du Québec doivent contribuer à cet effort unique dans l'histoire du Québec.

Évidemment, les citoyens les plus pauvres ne seront pas mis à contribution, et d'autres actions sont aussi en cours pour que les employés de l'État ne soient pas les seuls à mettre l'épaule à la roue, par exemple par la lutte au travail au noir, par l'amélioration des résultats des sociétés d'État dans la foulée de la Commission sur la fiscalité, par la révision des dépenses fiscales et des mesures de tarification, par le resserrement des programmes comme l'aide aux entreprises, par l'introduction de réformes comme l'assurance-médicaments ou l'assistance juridique, etc.

L'importance de la part des coûts de main-d'oeuvre dans le budget de l'État et la nécessaire solidarité que doivent démontrer les employés du secteur public dans le contexte que je viens de décrire nous ont conduits à la présentation d'une proposition qui permettrait au gouvernement de diminuer ses dépenses annuelles de près de 1 000 000 000 $ tout en préservant l'emploi et le pouvoir d'achat de ses employés; bref, une proposition très intéressante et avantageuse autant pour le gouvernement que pour les employés. Prenons le temps de bien examiner cette proposition.

Il s'agit d'une réduction du temps de travail avec une baisse équivalente du salaire. Cependant, cette baisse est compensée par une réduction de la cotisation que les employés versent à leur régime de retraite. Ainsi, le gouvernement s'engage à maintenir le revenu net des employés jusqu'à la fin des conventions collectives, le 30 juin 1998, et de plus le gouvernement s'engage à verser les augmentations de 1 % et à retirer la ponction de 1 % dans la masse salariale prévue par la loi 102. La proposition prévoit aussi que la totalité des bénéfices des régimes de retraite seront préservés.

Je le dis clairement: notre proposition n'affectera en rien ce que les syndicats appellent le «bas de laine des employés». La provision actuarielle de 8 200 000 000 $ ne sera pas affectée par la diminution temporaire du taux de cotisation. Cette provision, je le répète, de 8 200 000 000 $ ne sera pas affectée par la diminution temporaire du taux de cotisation. Ainsi, l'évaluation actuarielle de 1995 posait comme hypothèse une augmentation salariale de 2,5 % en 1997 et de 2,75 % en 1998; les augmentations seront plutôt de 1 %. Aussi, le taux d'inflation qui avait été prévu est beaucoup moins élevé, et le rendement des cotisations placées et qui sont gérées par la Caisse de dépôt et placement du Québec a été meilleur que prévu. Il s'avère donc que le taux de cotisation fixé sur la base de ces hypothèses non réalisées est plus élevé que nécessaire. Ce taux peut être réduit sans affecter la capacité du régime à verser tous les bénéfices prévus. Le gouvernement souhaite convenir immédiatement avec ses partenaires d'une réduction immédiate des cotisations au lieu d'attendre en janvier 1999, après le dépôt de l'évaluation actuarielle de juin 1998.

Je le répète, en aucun moment il n'a été question de piger dans le bas de laine ou de s'emparer des surplus de la caisse de retraite. Il s'agit d'une mesure transitoire qui permet au gouvernement de respecter son plan d'élimination du déficit d'ici l'an 2000 et d'amorcer des discussions avec ses partenaires syndicaux pour convenir de solutions à long terme avant le 30 juin 1998, la date de la fin des conventions collectives. Cette proposition est aussi intéressante pour les employés, car elle leur permet de conserver le même salaire net tout en bénéficiant d'une période de temps libre supplémentaire. Il s'agit d'une contribution majeure à la lutte au déficit qui n'affectera pas le pouvoir d'achat des personnes et contribuera à préserver des milliers d'emplois. Ainsi, l'économie québécoise n'en sera pas affectée négativement.

Aussi, la proposition du gouvernement n'affectera d'aucune façon le montant de la rente ni la date de la prise de la retraite. Ainsi, le nombre d'années de service créditées et le salaire admissible aux fins du calcul de la rente ne seront pas touchés. Autrement dit, la rente sera calculée à partir du salaire que l'employé aurait reçu, si son temps de travail n'avait pas été réduit. Par ailleurs, tous les employés de l'État seront mis à contribution; par contre, il faut adapter la solution retenue selon la réalité de chacun des secteurs visés: l'éducation, la santé, la fonction publique, etc.

Aussi, il est important qu'une décision soit prise d'ici le 1er janvier 1997 pour deux raisons: faciliter d'abord l'administration des régimes de retraite par la CARRA et par l'ensemble des employeurs des secteurs public et parapublic. En effet, il est toujours plus facile de valider les cotisations versées par les employés quand le taux de cotisation est uniforme au cours d'une année de calendrier complète.

Deuxièmement, si aucune entente ne survient avec les syndicats, le gouvernement devra se tourner vers d'autres avenues d'ici la fin de l'année financière, le 31 mars 1997. Même si le gouvernement est convaincu que la proposition qu'il a faite à ses partenaires syndicaux est vraiment une base de discussion très intéressante, il demeure ouvert à toutes les propositions de réduction des coûts de main-d'oeuvre qui respectent son plan de réduction des dépenses.

Le gouvernement est convaincu qu'une solution négociée viendra conclure la démarche en cours. L'expérience passée a démontré que la voie de l'entente constitue la meilleure voie. Mais, pour qu'une entente soit conclue, il faut que les parties échangent à la même table. Je réitère donc l'invitation que le premier ministre a encore faite cet après-midi aux leaders syndicaux d'amorcer rapidement les négociations, et les discussions, et les négociations. Nous y gagnerons tous. Merci, M. le Président.

(17 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le président du Conseil du trésor et député de Labelle. Je cède maintenant la parole au député de Bourassa. M. le député.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord, à mon tour, situer cette proposition qui est devant nous dans son contexte. La semaine dernière, le premier ministre et le ministre responsable du Conseil du trésor et de la Fonction publique – celui qui vient de s'exprimer juste avant moi – ont déposé une motion à l'Assemblée nationale invitant l'Assemblée nationale à endosser la proposition faite par le gouvernement à ses employés du secteur public.

C'est une proposition initiale. Le gouvernement dit aux syndicats: Allons négocier à une table à l'extérieur de cette enceinte qu'est l'Assemblée nationale, c'est là le lieu normal pour faire une négociation. Et, du moment que le gouvernement dépose une proposition initiale, quand on est en négociation, il doit y avoir, j'imagine, une différence entre la proposition initiale et la proposition finale, et le règlement, il doit y avoir une possibilité d'évolution, sinon on n'est pas dans une dynamique de négociation, on est dans un corridor qui mène tout droit à l'affrontement, au décret et aux lois spéciales. Ou bien on est dans un corridor qui comporte une évolution des positions des parties, ou bien on est face à une position initiale du gouvernement qui est en même temps la position finale.

Puisque le gouvernement dit aux représentants des syndicats du secteur public: Venez négocier, venez discuter, venez nous rencontrer, c'est donc qu'il pourrait y avoir, j'imagine, en toute raison et en toute expérience, qu'il devrait y avoir une marge de manoeuvre, qu'il devrait y avoir une possibilité que la proposition initiale du gouvernement évolue.

Alors quelle est l'utilité et quelle est la logique que poursuit le gouvernement? Quelle est la logique du gouvernement de demander à l'opposition d'endosser sa proposition de départ, alors qu'en même temps il dit: La négociation ne doit pas se faire en public, ça doit se faire ailleurs, ça doit se faire avec les syndicats? C'est d'une incohérence totale, M. le Président. Je n'ai jamais vu ça en près de 30 ans d'expérience des affaires publiques et des relations de travail dans le secteur public. Je n'ai jamais vu un départ, le départ d'une négociation aussi catastrophique et aussi raté.

Et pourtant le premier ministre actuel et son équipe devraient avoir quelques souvenirs douloureux en mémoire. Il y a 14 ans, le gouvernement péquiste de l'époque a suivi une trajectoire tout à fait semblable et tout à fait comparable à ce qui se passe actuellement. Avant le référendum de 1980, il y a eu la conclusion d'une convention collective, dans le secteur public, dans le secteur de l'enseignement, négociée par celui qui est aujourd'hui le premier ministre, qui négociait pour le compte du gouvernement Lévesque, Parizeau, Bérubé, etc. Avant le référendum, on donne des augmentations qui, sans être exagérées ou injustifiées, étaient de l'ordre de la saine négociation. Après le référendum – un référendum perdu, comme on le sait, comme celui l'année dernière ici – même manoeuvre que maintenant de la part du gouvernement il y a 14 ans, du gouvernement péquiste de l'époque, Lévesque, Parizeau, Bérubé, et les autres: tenter de venir chercher 500 000 000 $ et, cette fois-là, à l'aide d'une coupure de 20 % dans le secteur public.

Tout le monde s'en souvient. Les députés ministériels s'en souviennent. Plusieurs en ont souffert, plusieurs savent fort bien ce qui en est. Et ils savent aussi ce qui est arrivé à leur parti par la suite, quelles difficultés ils ont eu à rebâtir un peu de cohérence – si on peut parler de cohérence dans cette équipe – dans les années qui ont suivi. Ça a pris des années, pour eux, à remonter la côte, M. le Président. Parce que ces gens-là se sont illusionnés comme il le font maintenant. Ils se sont entêtés contre toute réalité, contre toute démarche réaliste. Ces gens-là, à l'époque, c'était M. Bérubé, le ministre président du Conseil du trésor, qui s'exprimait avec la même allure que l'actuel président du Conseil du trésor: une allure de technocrate, des chiffres, appel à la solidarité, etc., mais sans aucun égard quant aux réalités qui sont derrière ces chiffres-là.

Ce gouvernement aujourd'hui est aux abois, comme celui d'il y a 14 ans, à essayer de régler les problèmes de budget de l'ensemble du Québec sur le dos des employés du secteur public. Les employés du secteur public font les mêmes efforts que les autres en tant que citoyens, en tant que consommateurs, en tant que payeurs de taxes. Ils sont mis à contribution, la même chose que tout le monde au point de départ. Quand un enseignant, quand une infirmière, quand un professionnel du gouvernement fait sa déclaration d'impôts, M. le Président, quand il paie ses taxes sur les jouets qu'il achète pour ses enfants dans le temps des fêtes, quand il s'achète un auto, il paie ses taxes, il paie ses taxes partout. Si on a une maison, on paie nos taxes aussi: nos taxes scolaires, nos taxes municipales. On fait face aux mêmes situations, qu'on soit travailleur du secteur public ou du secteur privé.

Mais, en plus, le gouvernement dit: Maintenant, il va y avoir une deuxième contribution pour vous autres. Il se trouve que vous êtes salariés du gouvernement, alors vous allez passer à la caisse pour une deuxième fois. Cette fois-ci, ce n'est pas une coupure de 20 %, c'est un autre truc qu'ils ont trouvé. Mais, malgré les explications que s'acharne de manière entêtée à répéter le président du Conseil du trésor comme le faisait celui de 1982, malgré tout ça, les gens ont compris que le président du Conseil du trésor ménage ses énergies pour d'autres étapes de la négociation, pour refaire des calculs, pour refaire ses propositions. Qu'il ménage ses énergies, il peut en avoir besoin, mais qu'il ne passe pas son temps à essayer de répéter et de dire: Ma proposition est très, très bonne. Elle est très, très intéressante. Elle est acceptable. C'est la meilleure qu'on puisse imaginer et c'est une proposition gagnante.

Et le premier ministre, encore cet après-midi, à la période de questions, nous dit: C'est très, très bon. Ces gens-là se rendent-ils compte à quel point ils sont ridicules actuellement de répéter cela, alors que les journaux sont remplis de titres qui nous annoncent que l'ensemble des grands syndicats du secteur public ont rejeté cette proposition après l'avoir étudiée? Pas 12 heures ou 24 heures après, deux semaines, bientôt trois semaines après l'avoir eue en main, l'avoir étudiée, après avoir provoqué des rencontres entre actuaires de part et d'autre, après avoir regardé les différentes dimensions, avoir pris le temps de questionner.

Parce qu'on sait qu'il y a eu des discussions préparatoires au dernier sommet, qui ont été très intenses entre les syndicats, le gouvernement, etc. Donc, ça a amené un certain nombre de relations très étroites entre certains dirigeants syndicaux et certains ministres. Donc, les dirigeants syndicaux, bien loin de claquer la porte dès la réception de l'offre, ils l'ont regardée, M. le Président. Ils ont tenu des réunions larges – des centaines de délégués dans l'ensemble des grands syndicats, finalement des milliers de délégués – et les six grands syndicats du secteur public viennent de dire: Non, M. le premier ministre. Non, M. le président du Conseil du trésor, cette offre que vous nous faites, elle est morte. Elle n'existe plus. Si vous en avez une autre à mettre sur la table, on peut discuter, on peut regarder ça. On va faire comme avec la première, on va la regarder, mais celle-là, oubliez-la.

Le président du Conseil du trésor dit: Elle est très, très bonne, elle est très, très intéressante, et on ne peut pas ne pas prendre ça, etc. Ces gens-là parlent tout seuls. Est-ce que c'est ça, la négociation? Est-ce que c'est invitant, une attitude comme celle-là? Est-ce qu'elle est invitante envers les syndicats pour entreprendre une négociation? Ces gens-là se parlent tout seuls, se regardent dans un miroir, et se trouvent admirables, et se trouvent fantastiques. Narcisse ne ferait pas mieux.

D'ailleurs, c'est une comparaison qui sort, qui est dans le journal aujourd'hui: «Narcisse devant son miroir s'admire.» Le premier ministre, son président du Conseil du trésor se trouvent beaux, mais ils sont seuls. Voilà le drame de la situation. Ils ne sont pas capables d'attirer les syndicats, sur la base de cette proposition-là, à entrer en discussion, en négociations. Et ils ont le culot, ces gens-là d'en face, de venir chercher, essayer d'obtenir l'appui du parti de l'opposition à leur proposition initiale, à leur première proposition qui est battue avant de partir, alors que ces mêmes gens n'ont même pas réussi à obtenir l'appui de leur congrès en fin de semaine dernière sur leur proposition. Ils n'ont pas réussi à l'obtenir en plénière; ils ont dit qu'ils n'avaient pas de temps. Puis en atelier ça a passé par une feuille de papier. Trois, quatre votes, M. le Président, en atelier, et ils ne l'ont pas ramenée en plénière.

(17 h 30)

Et c'est le problème le plus important que ce gouvernement-là a à affronter dans les prochains mois, dans les prochaines semaines; c'est le problème le plus gigantesque qu'ils ont entre les mains. Ils n'ont pas trouvé le temps de le traiter en plénière. Ils n'ont pas trouvé le temps d'aller chercher l'appui de leurs 1 800 délégués derrière eux puis ils viennent quêter, quémander l'appui de l'opposition.

Comment vous trouvez ça, vous? Vous étiez là, au congrès, vous, M. le Président? Trouvez-vous ça normal, trouvez-vous ça logique? Trouvez-vous ça compréhensible que ce parti, que ce gouvernement vienne chercher l'appui de l'opposition, alors qu'il n'est pas capable d'aller chercher l'appui de ses délégués? Parce que ça aurait trop brassé, parce qu'il y aurait eu des divisions, parce qu'il y aurait eu du monde qui aurait parlé pour, qui aurait parlé contre. Il y aurait eu peut-être même des députés qui auraient grondé un peu le gouvernement. Alors, pour éviter de paraître divisés sur cette question, pour éviter d'avoir un vote arraché peut-être avec une mince majorité, peut-être même pas un vote majoritaire, ces gens-là n'ont pas mis la question. Voyons! Ils n'avaient pas le temps de s'occuper de la question la plus importante de l'heure. Imaginez-vous comme ils sont responsables, comme ils sont attirants, ces gens-là!

M. le Président, dans un contexte comme celui-là, c'est clair qu'il y aurait tout intérêt, chez ce gouvernement, à remettre les pieds à terre, sortir de leur bulle, sortir de leur bulle imaginaire, s'enlever de devant leur miroir puis se mettre face aux délégués syndicaux, face aux représentants syndicaux en commission parlementaire. Ils disent: Les négociations, ça se fait en privé. On en a vu des situations, depuis 25 ou 30 ans, dans le secteur public, et puis des fois une discussion commence aussi en public pour aller se terminer dans les circuits de la négociation. Elle commence à une commission parlementaire. Il peut y avoir des échanges qui sont faits; il peut y avoir des questions que les syndicats vont poser, et ils vont obtenir une réponse qu'ils n'ont pas eue jusqu'à maintenant. Et, inversement, ils peuvent peut-être obtenir des changements à la proposition gouvernementale qu'ils n'ont pas eus actuellement, ce que laissait entendre d'ailleurs le ministre des Finances en disant: Bien, on n'a pas fini; il va peut-être y avoir des changements à notre position. Alors, M. le Président, je pense que ce serait grande sagesse de la part du gouvernement d'accepter la proposition que fait l'opposition d'écouter les syndicats dans les circonstances. Merci.


Avis de débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Bourassa. Permettez-moi, M. le député d'Abitibi-Ouest, avant de vous céder la parole, je tiens à vous mentionner que nous avons reçu, à 16 h 5 cet après-midi, une demande pour un débat de fin de séance, qui aura lieu jeudi, demain soir, entre la députée de Jean-Talon et le ministre des Affaires municipales sur une question concernant l'éventuelle mise en tutelle de la municipalité de Saint-Lin.

Alors, M. le député d'Abitibi-Ouest, je vous cède la parole, et vous avez un temps de... il reste au parti ministériel 14 minutes. Alors, M. le député.


Reprise du débat sur la motion


M. François Gendron

M. Gendron: Alors, très simplement, je tenais à parler sur cette motion, et je pense que le député de Bourassa vient de prouver, par les propos qu'il a tenus, pourquoi je pense que, très sincèrement, il faut rejeter cette motion où le parti de l'opposition essayait de faire accroire qu'il y aurait énormément d'intérêt à aller débattre d'une telle proposition dans un lieu inopportun, inapproprié, où on n'a pas l'expertise pour apprécier, je pense, l'évolution d'une telle proposition.

Et il a été très correct. Je pense qu'il a fait 14, 15 minutes sur le fond des négos et l'historique et pas un mot sur ce qui est présenté aujourd'hui. C'est une motion du mercredi qui dit, demande qu'on convoque dans les plus brefs délais la commission du budget – imaginez! – et de l'administration afin d'entendre les syndicats sur la proposition. Et tous ces gens-là nous disent: Écoutez, on l'a, la réponse: c'est non. Ils ne veulent rien savoir, puis ils voudraient les entendre. Ils voudraient entendre quoi? Les explications qu'ils nous ont fournies depuis l'heure qu'on en débat?

Moi, tout simplement, M. le Président, ce que je veux dire aujourd'hui sur cette proposition-là, c'est très clair que, s'il y a quelque chose, des fois, où on n'a aucune hésitation puis on est convaincu que ce qu'on doit faire, ce n'est sûrement pas de donner suite à cette demande d'aller négocier ailleurs que là où, normalement, on négocie... Je n'ai peut-être pas l'expérience de l'ex-président de la CEQ comme négociateur, mais j'en ai conduit un peu, j'ai participé à des négociations, et j'aimerais mieux que ça se fasse entre les parties.

Cependant, si on va au-delà de la motion, M. le Président, moi, je voudrais tout simplement non pas dire: C'est la proposition la plus alléchante que j'aie jamais vue, c'est la meilleure proposition, puis c'est la seule, puis c'est l'unique. Parce que j'ai entendu le président du Conseil du trésor, j'ai entendu le premier ministre, le gouvernement, je pense, est en mesure d'expliquer pourquoi c'est celle-là qu'il a déposée. Et là je trouve qu'il y a de gros trous de mémoire, l'autre côté, de très grands trous de mémoire, de l'autre côté. Et, en ce qui me concerne, M. le Président, je vais essayer de la présenter le plus honnêtement possible et très simplement.

La proposition qui est sur la table, ce n'est pas très compliqué, c'est qu'il s'est dégagé dans les dernières années des surplus plus élevés que ceux qui seraient requis pour couvrir les exigences que nous avons contractées envers ces mêmes personnes. Je reprends parce que c'est très fondamental, mais, en même temps, ce n'est pas compliqué. Dans les régimes de retraite, l'employeur contracte des obligations.

Et j'aime les choses simples, prenons un exemple. Si, envers M. Untel, on a contracté une obligation de lui livrer une pension de 35 000 $ au moment de sa retraite, moi, pour aucune considération, je ne voudrais jouer là-dedans. C'est clair? Je suis membre de l'équipe, je connais ce gouvernement-là, et d'aucune façon ça ne me tenterait même d'en débattre, d'envisager d'aller piger dans des obligations que j'ai contractées. Mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit, M. le Président. Très sincèrement, puis contrairement à ce qu'on a entendu, selon eux – les journaux sont pleins – que c'est une proposition qui n'a pas d'allure. Bien, il y en a d'autres qui ont vu d'autres choses. M. Jean-Robert Sansfaçon, du Devoir , il touche des questions à caractère économique puis il touche des questions liées à cette urgence que nous avons puis qui a été constatée par tous, y compris ceux qui nous disent non à la proposition qu'on met sur la table. Parce que, entre-temps, il y a eu un sommet puis, entre-temps, on a convenu qu'il y avait lieu d'arrêter de se comporter comme si on était riche, comme si un déficit de 5 000 000 000 $, ça n'a pas des conséquences graves justement chez celles et ceux qui aujourd'hui nous disent: Regardez donc autre chose.

Je voudrais bien regarder autre chose, mais mon problème, ce n'est pas un mal de dents que je vais régler en allant au garage, chez le garagiste. Le problème que j'ai, il est lié, pour 58 % de mon budget, aux choses liées à la rémunération. Puis c'est simple, ça. À toutes les questions liées à la rémunération, 58 % du drame de l'État québécois dans lequel ces gens-là sont concernés, il est lié à ce qu'on discute. Alors, je peux bien regarder à côté puis dire: Je «peux-tu» trouver quelque chose à côté? je ne réglerais pas mon problème. Alors, il faut regarder là où est le problème.

Très rapidement, je répète ce que j'ai mentionné tantôt. On dit ceci dans l'article de M. Sansfaçon – mais c'est juste parce que je la trouvais simple, parce que je suis bien d'accord avec le point de vue de M. Sansfaçon là-dessus, mais je n'ai pas nécessairement besoin de l'opinion de M. Sansfaçon pour expliquer de quoi il s'agit – Une solution originale rendue tout à fait possible par le surplus actuariel du régime, un phénomène qui s'explique facilement... Et c'est là que j'aurais aimé entendre une phrase, au moins, des gens d'en face, s'ils voulaient faire autre chose que de la basse démagogie puis de la petite politique sur une question douloureuse. Je le reconnais, c'est une question douloureuse. Je ne la trouve pas drôle, moi, je ne la trouve pas drôle, de débattre de ça. Mais, si on voulait traiter ça sérieusement, qu'est-ce qui est écrit? C'est marqué: Un phénomène qui s'explique, puisque les salaires – c'est ce dont on parle – et l'inflation grimpent moins vite qu'on l'avait prévu antérieurement. Et donc, on aura besoin de moins d'argent dans le fonds pour couvrir les obligations contractuelles que j'ai contractées. Parce que ça, c'est sacré. Pas question de ne pas livrer l'obligation contractuelle que j'ai contractée. Je l'ai fait en connaissance de cause. Je le savais quand je l'ai fait. Il n'est pas question de jouer à ça.

Et c'est justement la malhonnêteté de l'autre bord. Pas un mot, non plus, pour dire: Pourquoi je voudrais regarder cette proposition-là? C'est pour donner suite à ce que j'ai signé. Oui, je le sais qu'on a signé. Moi, je le sais qu'on a signé 1 % d'augmentation. Et moi, personnellement, je ne suis pas gêné d'avoir signé ça, sincèrement. Puis, en ce qui me concerne, il n'était pas question de référendum. Il était question, en ce qui me concerne... Ça faisait quelques années qu'on leur demandait des sacrifices comme ce n'est pas possible, puis on a dit: Bien, écoute, à un moment donné, il faut donner une indication qu'on sait que ces gens-là font des efforts. Puis, oui, j'écoutais mon collègue qui disait: Les travailleurs, les autres travailleurs du secteur public contribuent aux efforts d'assainissement des finances comme contribuables. Il a 100 % raison. Mais les surplus actuariels, est-ce qu'ils sont dans les gens qui perdent leur emploi, est-ce qu'ils sont dans les gens qui sont coupés au niveau de santé et services sociaux puis de l'éducation? Les surplus actuariels, ils sont dans les régimes de retraite des travailleurs, des travailleuses de la fonction publique, puis on leur demande: Accepteriez-vous qu'on regarde la possibilité, temporairement, tout en vous garantissant à 100 % pas de perte de droits acquis quant aux obligations qu'on a contractées, qu'on puisse verser l'augmentation prévue de 1 % le 1er janvier afin que vous ayez une petite possibilité d'agir sur l'économie par le pouvoir d'achat, même chose l'an prochain, et de sauver les emplois – puisque ces gens-là étaient venus participer avec nous autres? Il y a lieu de tout faire pour que nous puissions augmenter la situation des emplois au Québec et en même temps protéger le pouvoir d'achat de ces gens-là qui ont fait des sacrifices depuis plusieurs années.

(17 h 40)

Alors, contrairement à ce que j'entends, est-ce que je ne suis pas conscient que ces gens-là ont fait l'effort? Réponse: Oui. Est-ce que ça fait plusieurs années que ces gens-là font des sacrifices? Réponse: Oui, M. le Président. Est-ce que ces gens-là, j'ai quelques reproches à leur faire sur le plan professionnel? Réponse: Non, rien, ça n'a rien à voir. Mais je regarde pareil ce qui se passe. Même si ces gens-là me disent: Écoute, François, on est gelé puis on est coupé depuis plusieurs années, il n'en demeure pas moins que, même gelé et coupé, le rythme de croissance sur 10 ans des salaires de la fonction publique et parapublique a toujours suivi l'inflation. Il a été plus léger des années, mais, sur une période de 10 ans, il se colle à l'inflation.

Deuxième élément qu'il faut regarder, très simplement: Est-ce que la masse salariale, pour l'État québécois, des employés des secteurs public et parapublic a augmenté? Réponse: Oui. Puis tant mieux, parce que, entre-temps, il y a eu ce qu'on appelle «de l'équité salariale». Dans certains cas, il y a eu du reclassement de catégories d'emplois. Regardez les infirmières; à un moment donné, il y a eu une facture pour payer le dossier des infirmières, puis je suis d'accord là-dessus, je n'ai pas de trouble. J'indique qu'il y a eu une croissance, et, pour l'État, le problème, en 1995 puis 1996, de la dette, qui n'a pas de sens, doit être réglé, parce qu'il y a des avantages dans une société, y compris pour les travailleurs, les travailleuses des secteurs public et parapublic, d'arrêter d'être obligé de frapper sur des collègues de travail. Moi, pour un, là, est-ce que je crois que l'an prochain, sur le plan budgétaire, je pourrais aller aussi loin dans des coupes du secteur de la santé et des services sociaux qu'on est déjà allé? Moi, ma réponse, c'est non. Moi, ma réponse, c'est: Je ne pense pas qu'on puisse aller aussi loin. Est-ce qu'on pourra encore aller chercher quelque chose? Possiblement, oui, mais on est pas mal à la marge, et je ne veux plus continuer à frapper toujours sur les services de celles et ceux qui en ont besoin, entre autres au primaire et secondaire.

Moi, dans le secteur primaire-secondaire, les coupures, je pense qu'on a atteint le maximum, parce que, là, ce n'est pas facile, en 1996, d'être dans une classe de 30, 31, 32 puis de continuer à donner de l'enseignement de qualité, individualisé, avec l'éclatement des familles, puis les crises des valeurs, puis les problèmes sociaux, puis tu t'occupes de tout. Toutes les éducations, ils sont obligés de les faire dans une classe. Moi, je suis au courant de ça, je sais ce qui se passe. Alors, ça ne me tente pas vraiment de dire: Ce n'est pas grave, on va continuer ce qu'on appelle les «coupes paramétriques» sans tenir compte de la réalité.

Ou bien ces gens-là disent à peu près n'importe quoi et que ce n'est pas grave de rester avec un déficit de 5 000 000 000 $, 6 000 000 000 $, ou bien il faut regarder à des endroits où les conséquences sur l'emploi, sur les avantages qu'on a consentis correctement... C'était le moment de leur donner un peu de bénéfices lors de la dernière négociation compte tenu des sacrifices qu'ils avaient faits, mais entre-temps il y a un sommet puis entre-temps tout le monde convient qu'on ne pourra pas passer à travers avec l'héritage absolument phénoménal que ces gens-là nous ont laissé, un déficit de 6 000 000 000 $. On est obligé de faire des efforts dès notre première année pour qu'il soit plutôt à 5 700 000 000 $, 5 400 000 000 $, mais c'est quand même une situation dramatique qu'il nous reste, M. le Président.

Or, la proposition, pourquoi, moi, je suis contre la proposition qui est faite aujourd'hui, je répète, ces gens-là voudraient venir faire de la petite politique partisane. D'ailleurs, on l'a vu, ils ont eu à peine une heure et demie, puis ça revolait. Ils aimaient ça nous rappeler la difficulté de 1982, et les difficultés qu'on a eues suite à la récession, et peut-être une gestion pas tout à fait adéquate de la situation. Mais on a été sanctionnés pour ça, on a été sanctionnés. Moi, ça ne me tente pas de vivre dans le passé. Moi, ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui j'ai une difficulté majeure sur le plan des équilibres. Puis, justement, ça ne me tente pas de pelleter ça encore par en avant et dire: Bien, c'est mes enfants qui s'en occuperont puis c'est les générations qui nous suivent qui s'en occuperont.

Alors, honnêtement, qu'est-ce que le gouvernement a fait? Il a dit: Regardez-les comme il faut, au mérite mais eu égard à vos propres exigences. Et là ce n'était pas compliqué à prendre, cette feuille-là; il n'y avait pas beaucoup de choses difficiles. C'était marqué, M. le Président: On veut sauvegarder 25 000 emplois; on veut maintenir, oui, la qualité des services; on veut verser les augmentations prévues; on veut garantir un congé de cotisation au régime de retraite; on veut protéger les obligations qu'on a contractées avec vous; on veut maintenir votre revenu et votre pouvoir d'achat, les employés, jusqu'à la fin des conventions collectives et on veut utiliser ces sommes économisées pour contribuer à éliminer le déficit d'ici l'an 2000, tel que prévu. Et, pour ça, venez en parler.

Et si effectivement ce n'est pas la trouvaille du siècle, est-ce qu'on peut changer puis mettre quelque chose sur la table qui tiendrait compte, d'une part, de ce qui l'est déjà? Mais il peut y avoir des accommodations; il peut y avoir d'autres suggestions concrètes, là. Mais ça, à ma connaissance, ce n'est sûrement pas à la commission du budget et de l'administration, connaissant très bien ces forums depuis 20 ans, qui sont teintés normalement de partisanerie...

C'est ça, le régime parlementaire dans lequel on vit. Ça va donner quoi? On ne va pas avancer d'un poil, M. le Président. Ça va donner zéro; on va perdre le temps de la Chambre, le temps des commissions. Ce n'est pas là, la table de négociation; ce n'est pas entre les parlementaires du Parti libéral et ceux du Parti québécois qu'il faut débattre ces questions-là. C'est entre les concernés qui ont reçu la proposition et qui viennent rencontrer le gouvernement qui aujourd'hui a quelque chose à gérer de difficile, pour lequel il faut essayer de trouver une solution négociée. Parce que c'est évident, dans n'importe quel contexte, qu'il n'y a rien de plus valable pour avancer dans une société. Quand on progresse avec les mêmes gens qu'on a assis ensemble pour se concerter, pour dégager un consensus emploi-déficit zéro, bien, il faut garder la même façon de travailler, consensuelle, pour s'assurer que le résultat de cette discussion puisse convenir aux parties concernées. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le député de Westmount– Saint-Louis, vous avez un droit de réplique de 10 minutes. M. le député.


M. Jacques Chagnon (réplique)

M. Chagnon: M. le Président, moi, je n'ai pas de félicitations à faire à ceux qui applaudissent, entre autres le député d'Abitibi-Ouest qui vient de leur dire qu'ici ce n'est pas le bon forum pour écouter, regarder, analyser, entendre une question aussi importante que la question soulevée par la proposition Bouchard. Moi, je n'ai pas de félicitations à faire à ceux qui ont applaudi pour dire qu'on n'est pas assez compétent...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, monsieur. Alors, sur une question de règlement, Mme la leader adjointe du gouvernement, je vous vois venir de très loin, malgré votre hauteur, et je sais pertinemment que le député...

Mme Caron: Article 35.1.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...de Westmount–Saint-Louis va reconnaître qu'on n'a droit ici de nommer les membres du Parlement que par le nom de leur comté. Alors, «le gouvernement Bouchard», il faudrait à ce moment-là convenir...

M. Chagnon: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous savez très bien que...

M. Chagnon: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous cède la parole.

M. Chagnon: La proposition du premier ministre. Ce n'est pas bien drôle d'entendre ses collègues applaudir après s'être fait traiter de pas être assez compétent, pas être assez bon pour être capable d'entendre des chefs syndicaux dans une commission parlementaire. Il ne faut pas être très, très cohérent non plus pour penser qu'en même temps, lorsqu'on dit à ses collègues: Vous n'êtes pas assez bons, vous n'êtes pas assez compétents pour écouter en commission parlementaire les chefs syndicaux qui pourraient venir nous dire ce qu'ils pensent de la proposition du premier ministre, on puisse voir le même gouvernement proposer à l'opposition: Vous ne pourriez pas voter avec nous sur la motion qu'on leur propose, à nos chefs syndicaux puis à nos employés? Vous ne pourriez pas... Là on serait assez compétent, tout le monde, pour être capable de réfléchir puis de voter là-dessus.

Non, mais où est tombée la cohérence, M. le Président, la cohérence aussi dans le discours qu'il faut avoir sur le réalisme des finances publiques? On veut bien, on vous l'a dit il y a un an et demi: Si vous donnez des augmentations de salaire qui sont, on n'en doute pas une seconde, intéressantes, d'une part, à donner, qui sont méritées mais qu'on n'a pas les moyens de donner... Vous les avez données pareil, puis on s'est retrouvé avec 1 000 000 000 $ en dessous, en déficit. Puis aujourd'hui, bien, vous demandez aux gens: Pour vous payer vos augmentations de salaire, on va vous demander de les autofinancer à même un congé de cotisation sur votre régime de pension. Mais ça ne fait pas de sens, M. le Président! C'est une incohérence totale! C'est une incohérence tellement que ça sent l'opportunisme et l'improvisation, pour reprendre des auteurs neutres, comme dirait le député d'Abitibi-Ouest.

(17 h 50)

Alain Dubuc, pas plus tard que le 20 novembre, il a dit ceci: «Ce refus brise l'illusion des consensus – parlant du refus syndical à la proposition du premier ministre. Il annonce une crise sociale d'autant plus déchirante que le premier ministre Lucien Bouchard [...] a imprudemment choisi de mener lui-même l'offensive[...]. La première de ces erreurs, c'est la trahison de l'esprit et de la lettre du Sommet de Montréal[...]. La solution proposée par le premier ministre reflète ce climat d'improvisation. L'idée, on le sait, consiste à réduire la semaine de travail et donc le salaire des employés...»

M. le Président, Dubuc concluait en disant ceci: «Cela signifie aussi que le gouvernement péquiste, encore au stade des cataplasmes, n'a toujours pas de solution concrète et durable pour limiter les dépenses publiques et pour réduire son déficit de façon permanente.» Il disait aussi que l'autre erreur du gouvernement, «c'est son impardonnable improvisation. Depuis mars dernier, lorsqu'il s'est donné la cible du déficit zéro en quatre ans, l'équipe [...] savait fort bien» comment devait commencer cette année. Et: «Que l'on prenne le fric dans les surplus des caisses de retraite ou dans la poche des employés, c'est du pareil au même», comme dit Dubuc, et il a tout à fait raison, sauf que les derniers à s'en apercevoir, semble-t-il, sont les députés ministériels, les députés ministériels qui, pour la plupart d'entre eux, étaient ici assis en 1982, plusieurs d'entre eux, ministres dans certains cas, ministres encore aujourd'hui.

On vit dans une situation tout à fait parallèle à celle qu'on a vécue en 1982, un drame social où, après avoir été donner la bourse, on a demandé de la récupérer; le gouvernement est allé la récupérer. Il y a des gens qui en ont souffert, il y a des gens, et la politique... et le Parlement lui-même a été ébranlé par cette crise. Mais ne voit-on pas aujourd'hui qu'on est en train de s'inscrire dans la même trame, qu'on est en train de jouer la même pièce, avec les mêmes acteurs, d'ailleurs?

M. le Président, entre l'opportunisme et l'improvisation, entre l'absurdité d'une solution qui ne peut pas être acceptée, qui a été déclarée morte hier, qu'attend le gouvernement pour faire une nouvelle proposition, qu'attend le gouvernement pour demander à la commission du budget et de l'administration d'entendre les chefs syndicaux? Pourquoi aujourd'hui serions-nous moins compétents, moins bons, moins capables, trop partisans pour faire la démarche d'audition, d'entendre, d'écouter ce que les gens ont à dire sur la proposition du premier ministre?

Le député d'Abitibi-Ouest plaide bien. Mais, le député d'Abitibi-Ouest, s'il est aussi convaincu de la justesse de sa proposition, s'il croit aussi fermement qu'il a raison, pourquoi ne s'essaie-t-il de convaincre en commission parlementaire, dans un forum qu'il connaît depuis 20 ans, les gens, les représentants des employés de l'État? Pourquoi ne cherche-t-il pas à les convaincre, les représentants des employés de l'État? Il devrait en être capable s'il en est lui-même convaincu à ce point. Il apprendrait peut-être à ce moment-là pourquoi les représentants des employés de l'État lui disent non.

Et au lieu d'attendre, comme le premier ministre, comme le président du Conseil du trésor le font, qu'une proposition émane du secteur syndical pour mieux dire au gouvernement comment couper 5 % dans la masse salariale, l'ensemble des employés du gouvernement, le gouvernement serait plus approprié, serait mieux placé, serait plus en situation d'intelligence de, lui-même, faire une nouvelle proposition aux syndicats. Parce qu'après tout ce n'est pas les syndicats qui sont en demande de réouverture du contrat, c'est le gouvernement. Puis, quand tu veux faire rouvrir ton contrat, tu fais une proposition que l'autre partie peut accepter. Si l'autre partie dit non à la proposition que tu as faite, bien, tu en fais une autre, puis tu en fais une troisième. Ce n'est pas les syndicats, encore une fois, qui sont en demande de réouverture, c'est le gouvernement, pour s'être mis les pieds dans les plats sur le plan d'avoir mal calculé le niveau de ses dépenses publiques il y a un an, un an et demi.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Il rit. Il n'était pas là quand on a signé les conventions collectives, il y a deux ans, lui? Et personne ici, en plus, ne sait ce qui va se passer dans 18 mois, au moment où l'entente en question, si elle était acceptée par les syndicats... Qu'est-ce qui se passerait au bout de 18 mois? Personne ne le sait, les syndicats ne le savent pas, il semble que le gouvernement ne le sait pas plus, on va le négocier plus tard. Mais c'est un régime à gogo! C'est un régime, encore une fois, fondé sur l'improvisation, M. le Président. Et une des clés, une des façons les plus responsables, au moment où on se parle, c'est de prendre le temps de s'asseoir. Pas commencer des séances de négociation en commission parlementaire; moi non plus, je ne crois pas à ça. Le député a assez d'expérience pour savoir que ça ne se fait pas de même. Moi aussi, j'ai assez d'expérience pour savoir que ça ne se fait pas de même, mais je sais aussi que j'ai vu débloquer ici des situations cul-de-sac comme celle-là où, parce qu'on prenait le temps d'écouter les gens qui avaient des choses à dire sur des propositions gouvernementales, peu importe qui était au gouvernement, on avait aussi la possibilité de pouvoir débloquer des situations. Mais ça va rire pas mal moins quand, d'ici une semaine et demie, deux semaines, on va vous déposer votre loi spéciale. Vous le premier, M. le député de Maskinongé...

Mme Caron: Question de règlement.

M. Chagnon: M. le Président, le député de Maskinongé...

Mme Caron: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement, sur une question de règlement.

Mme Caron: Oui, le député de Westmount– Saint-Louis sait très bien qu'il ne peut pas, en vertu de l'article 35.4°, s'adresser directement à un député ni nommer un député. Il doit s'adresser à la présidence.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le...

M. Chagnon: ...est un enseignant. Il aura beaucoup de plaisir, en retournant dans son milieu, à essayer d'expliquer à ses collègues – ses ex-collègues et ses futurs collègues, parce qu'il va y retourner ça ne sera pas bien long – comment il aura fait en sorte de leur marcher sur la tête pour une deuxième fois en dedans de 14 ans. S'il ne se rend pas compte, si les députés ministériels ne se rendent pas compte du caractère extrêmement tendu de la problématique sociale, de la fracture sociale que ce gouvernement-là est en train de semer, eh bien, on ne sait plus à quel saint il faut se vouer ici, M. le Président.

Encore une fois, ce gouvernement, ce Parlement a tout intérêt à convoquer la commission parlementaire du budget et de l'administration pour faire en sorte que nous puissions demander aux chefs syndicaux d'être entendus à cette commission. C'est là une approche raisonnable, sérieuse que l'opposition propose à l'Assemblée nationale. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Est-ce que cette motion est adoptée?

Mme Caron: Écoutez...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors...

Mme Caron: ...affaires courantes de demain, le jeudi 28 novembre 1996.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le vote sera reporté demain. MM. et Mmes les députés, je vous prierais de demeurer à votre place.

Le Président: ...conformément à ce qui avait été convenu précédemment, en vertu de nos règlements, d'abord demander s'il y a consentement pour déroger aux articles 53 et 54 de notre règlement afin de déposer immédiatement le rapport de la commission de l'Assemblée nationale qui a siégé cet après-midi pour procéder à la formation des commissions parlementaires, en application de l'article 121 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale. Est-ce qu'il y a, d'abord, consentement?

Des voix: Consentement.


Dépôt de rapports de commissions


Décisions sur diverses affaires courantes dont la composition des commissions parlementaires

Le Président: Alors, mesdames, messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'Assemblée nationale qui a siégé le 27 novembre 1996 afin de voir à la formation des commissions parlementaires, en application des articles 121 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale. M. le vice-président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le Président, je fais motion pour que le rapport de la commission de l'Assemblée nationale soit adopté.


Mise aux voix du rapport

Le Président: Alors, ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Le rapport est adopté. Est-ce qu'il y a consentement, en conséquence, pour déroger aux articles 53 et 54 de notre règlement afin de convoquer les commissions permanentes pour qu'elles puissent procéder à l'élection de leur président?

Des voix: Consentement.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Alors, je vous avise donc que demain, jeudi le 28 novembre, à compter de 10 heures, les commissions permanentes vont se réunir afin d'élire leur président, et ce, dans l'ordre suivant: à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions se réunira à 10 heures; et à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, en succession, d'abord la commission du budget et de l'administration puis la commission de la culture, suivie de la commission des affaires sociales, celle de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, la commission de l'aménagement et des équipements suivra, puis la commission de l'éducation, et finalement la commission de l'économie et du travail.

Alors, sur ce, les travaux de l'Assemblée sont ajournés à demain, 14 heures.

(Fin de la séance à 18 heures)


Document(s) related to the sitting