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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Tuesday, November 5, 1996 - Vol. 35 N° 48

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Table des matières

Présence de la ministre des Affaires sociales, de la Promotion féminine et de l'Enfance de la république de Guinée

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président: Alors, mesdames, messieurs, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Présence de la ministre des Affaires sociales, de la Promotion féminine et de l'Enfance de la république de Guinée

J'ai aujourd'hui, d'abord, le très grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes de la ministre des Affaires sociales, de la Promotion féminine et de l'Enfance de la république de Guinée, Mme Kaba Saran Daraba.

Présence du ministre de l'Éducation nationale,

de la Jeunesse et des Sports et de la secrétaire

d'État à l'Alphabétisation de la république d'Haïti

Également, j'ai le très grand plaisir de souligner la présence du ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports de la république d'Haïti, M. Jacques-Édouard Alexis.

Et j'ai également le très grand plaisir de souligner la présence de la secrétaire d'État à l'Alphabétisation de la république d'Haïti, Mme Adeline Chancy.


Affaires courantes

D'abord, aux affaires courantes, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 56

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune présente le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Ce projet de loi que je dépose aujourd'hui modifie la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables afin de permettre à l'inspecteur de la flore de disposer d'une chose saisie périssable ou susceptible de se déprécier rapidement. À cet effet, ce projet accorde au gouvernement le pouvoir de prescrire, par règlement, la manière dont un inspecteur de la flore pourra en disposer dans les circonstances. Il prévoit aussi qu'une indemnité doit être payée si un inspecteur de la flore a disposé d'une telle chose et qu'ultérieurement il apparaît qu'il n'y a pas lieu à confiscation et il accorde encore une fois au gouvernement le pouvoir de déterminer, par règlement, le montant de l'indemnité.

Ce projet prévoit aussi que la période de saisie est portée de 90 à 120 jours.

Enfin, ce projet prévoit qu'une déclaration de culpabilité pour une infraction à l'une des dispositions de cette loi ou de ses règlements opère confiscation d'un spécimen d'une espèce floristique menacée ou vulnérable ou de l'une de ses parties saisies par un inspecteur de la flore.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre de l'Éducation.


Rapport annuel du Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche

Mme Marois: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche.

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le ministre délégué au Revenu.


Rapport annuel du ministère du Revenu

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du ministère du Revenu.

Le Président: Alors, ce document est également déposé. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles.


Rapports annuels de la Commission de protection des droits de la jeunesse et du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles

M. Boisclair: Oui, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer deux rapports: d'abord, le rapport annuel 1995 de la Commission de protection des droits de la jeunesse, ainsi que le rapport annuel 1995-1996 du ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles, volet Immigration et Communautés culturelles.

Le Président: Alors, ces documents sont également déposés.


Rapport sur l'état des dépenses et des crédits autorisés au Vérificateur général du Québec

Je dépose de mon côté le rapport des vérificateurs qui ont procédé à la vérification des dépenses et des crédits autorisés au Vérificateur général du Québec pour l'exercice financier terminé le 31 mars 1996, conformément à l'article 70 de la Loi sur le Vérificateur général.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques.


Respecter l'engagement à réaliser de nouveaux logements sociaux

M. Boulerice: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à cette Assemblée nationale par 533 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du quartier Hochelaga-Maisonneuve.

«Les faits invoqués, M. le Président, sont les suivants:

«Considérant que le quartier Hochelaga-Maisonneuve est aux prises avec de graves problèmes de pauvreté et de chômage;

«Considérant qu'environ 30 % de la population du quartier "vit" d'aide sociale;

«Considérant qu'à Montréal un ménage locataire sur cinq consacre 50 % et plus de son revenu pour se loger et que cette proportion grimpe à un ménage locataire sur quatre dans Hochelaga-Maisonneuve;

«Considérant que le logement social est une bonne solution aux problèmes de logement et de pauvreté;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement pour qu'il respecte son engagement à réaliser 1 500 logements sociaux par année et d'intervenir auprès de la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité et responsable de la Condition féminine [...] pour qu'elle respecte son engagement à "promouvoir l'aménagement de 500 nouveaux logements sociaux" dans son comté au cours de son mandat.»

Je certifie, M. le Président...

Des voix: ...

(14 h 10)

M. Boulerice: À part ça, ça va?

Une voix: Oui, ça va bien, merci.

M. Boulerice: Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition signée bien avant le Sommet, c'est-à-dire le 15 octobre. Je vous remercie.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député de Robert-Baldwin, maintenant.


Tenir un débat public sur le programme d'assurance-médicaments

M. Marsan: Oui, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 226 pétitionnaires, membres du Parrainage civique de la banlieue Ouest de l'île de Montréal, dont je salue les représentants ici présents.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le ministre de la Santé et des Services sociaux a fait adopter le projet de loi n° 33 sur l'assurance-médicaments avec empressement et au milieu de la nuit;

«Attendu que le ministre de la Santé et des Services sociaux n'a pas tenu compte des revendications justifiées, malgré les représentations des aînés faites en commission parlementaire;

«Attendu que le ministre de la Santé et des Services sociaux impose en réalité aux contribuables québécois, par la mise en vigueur de l'assurance-médicaments, un impôt-médicaments;

«Attendu que le programme d'assurance-médicaments tel qu'adopté n'a pour objectif que de récupérer des sommes dans les poches des contribuables;

«Attendu que le gouvernement débute la perception de son impôt-médicaments pour les personnes âgées et les assistés sociaux à compter du 1er août 1996 et qu'ils vivent dans la plus grande incertitude et anxiété depuis;

«Attendu que les aînés et les assistés sociaux, bien que constituant la classe des gens la plus vulnérable de notre société, sont pris en otage par le gouvernement pour justifier l'imposition d'une taxe déguisée;

«Attendu que les aînés et les assistés sociaux n'ont ni les moyens économiques ni les recours utiles pour faire face à cette taxation spéciale dont ils sont les premières victimes, et ce, de façon tout à fait injustifiable;

«Attendu que le ministre de la Santé et des Services sociaux a changé à plusieurs reprises de scénarios quant à l'application de son programme d'assurance-médicaments, démontrant l'improvisation du gouvernement;

«Attendu que le ministre de la Santé et des Services sociaux répond plus facilement aux demandes du ministre des Finances et du président du Conseil du trésor qu'à celles de la population;

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux pour qu'il tienne un débat public sur le programme d'assurance-médicaments, pour qu'il comprenne la réalité et comprenne les inquiétudes et les recommandations de la population.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme à l'original de la pétition et j'aimerais joindre à cette pétition, avec le consentement, le nom de 365 autres signataires de cette même pétition. Malheureusement, cette partie n'est pas conforme à notre règlement. Alors, je demande le consentement, M. le Président.

Une voix: Consentement.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, M. le leader du gouvernement?

M. Bélanger: M. le Président, il y a consentement pour la première partie. Quant à la deuxième partie, ce n'est qu'une liste de noms où il n'y a aucun attendu. Donc, on ne sait jamais, c'est peut-être une pétition qui est tout simplement pour féliciter le prochain gouvernement... ou le présent gouvernement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Alors, vous comprenez, à ce moment-là, qu'on ne peut pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Le présent gouvernement. Le présent gouvernement, M. le Président, évidemment.

Alors, vous comprenez qu'une simple liste de noms sans attendus... On ne sait pas quel est l'objet...

Le Président: Alors, la pétition conforme est déposée. Je comprends qu'il n'y a pas consentement pour la demande additionnelle du député de Robert-Baldwin. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Peut-être que mon bon ami le leader du gouvernement était un peu distrait lorsque le député de Robert-Baldwin a mentionné que les gens étaient ici, dans les galeries. Ils sont à même de témoigner que c'est le document qu'ils ont signé, et, à ce moment-là, le député s'en porte garant. Et, suivant notre règlement, M. le Président, on se doit de prendre la parole d'un honorable député en cette Chambre.

M. Bélanger: M. le Président, vous comprenez que, normalement, nous sommes très larges au niveau de l'acceptation puis du consentement pour un dépôt d'une pétition parce que c'est le moyen de la population pour s'adresser à l'Assemblée nationale. Cependant, quand c'est une liste de noms avec aucun attendu, rien, comme ça, on ne peut pas accepter, à ce moment-là, en cette Assemblée nationale, un dépôt tout simplement d'une liste de noms.

Une voix: C'est ça.

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement.

Il n'y a pas, également, aujourd'hui d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Et je vous avise que, après la période des questions et des réponses orales, M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et ministre responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles répondra à une question posée les 23 et 24 octobre dernier par M. le député de Viau concernant les Productions L&L.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Disponibilité d'un fonds spécial pour appuyer une victoire du Oui au référendum de 1995

M. Johnson: Oui, M. le Président. Hier, à TVA, Jacques Parizeau a confirmé que derrière l'entente des trois chefs souverainistes, derrière les discours de partenariat et de baguette magique se cachait un détournement de 19 000 000 000 $ des épargnes des Québécois pour faire face aux effets négatifs d'un vote majoritaire pour la question de la souveraineté, pour jouer à la bourse au risque de tout perdre. Je n'ai pas dit 10 000 000 $, je n'ai pas dit 100 000 000 $ ni même 1 000 000 000 $: 19 000 000 000 $.

Le premier ministre, qui était à l'époque le négociateur en chef – on se souvient de cette équipe Parizeau-Bouchard-Dumont – peut-il nous expliquer comment on pouvait justifier à l'époque une telle utilisation des sommes qui sont destinées à assurer la retraite des Québécois et des Québécoises du secteur public comme du Régime de rentes du Québec, qui servent à produire de l'électricité ou qui servent au gouvernement pour rencontrer ses obligations courantes? Est-ce que le premier ministre peut nous indiquer, s'il n'y a pas d'incertitude, d'instabilité à donner suite à son option de séparation, pourquoi il fallait mettre sur pied une cagnotte de 19 000 000 000 $? Est-ce que le premier ministre était au courant de ce plan de M. Parizeau ou alors est-ce qu'il va essayer de nous dire qu'il n'était pas au courant de ça, lui, le négociateur en chef?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): C'est sage, M. le Président, de me donner la parole et c'est conforme au règlement. C'est aux membres du gouvernement à répondre aux questions touchant les affaires de gouvernement. Et j'étais membre du gouvernement, à cette époque, ce qui n'était pas le cas pour le premier ministre actuel. Alors, il est dans la nature des choses que je réponde à la question, et j'y réponds avec beaucoup d'aise.

Premièrement, il est faux que la prévoyance et la prudence de certaines autorités financières du Québec, dans des moments cruciaux, aient été au détriment de quiconque. Au contraire, la liquidité qui était pratiquée par beaucoup d'autres opérateurs financiers à ce moment était l'opération la plus sage qu'il fallait envisager. D'autant plus, et je le dis et le redis, que nous avons presque gagné ce référendum, que nous pensions que nous allions gagner, et c'était l'honnêteté la plus élémentaire que de se préparer à la victoire.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre, le premier ministre d'aujourd'hui, qui occupait un rôle central dans cette campagne, qui devait être le négociateur en chef de l'après-référendum avec le reste du Canada, est-ce que le premier ministre d'aujourd'hui savait qu'il aurait été important de prévoir de telles sommes à même les épargnes des Québécois pour rencontrer les coûts de l'instabilité créée par la victoire de son option?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

(14 h 20)

M. Bouchard: M. le Président, vous me permettrez d'abord de poser un geste de reconnaissance pour tous ceux qui ont participé aux travaux du Sommet et qui en ont fait un très grand succès. Je remercie donc l'ensemble des centaines et même des milliers de personnes qui ont contribué à ce grand succès.

Concernant la question qui a été posée, M. le Président, je rappellerai que, oui, j'ai joué un rôle à la mesure de mes moyens durant cette campagne référendaire et que je suis très fier d'y avoir participé et d'y avoir donné le meilleur de moi-même.

Deuxièmement, j'ai été nommé par M. Parizeau pour assumer la fonction de négociateur en chef après la victoire référendaire. Donc, je n'étais pas en fonction comme négociateur durant la campagne.

Troisièmement, n'étant pas au gouvernement, je n'ai, bien sûr, pas été associé aux dispositions qui ont été prises par le gouvernement – je l'ai appris par la suite – pour faire en sorte que le gouvernement puisse assumer ses responsabilités au lendemain de la victoire que nous escomptions.

Et j'ajouterais en dernier lieu qu'il me paraissait et qu'il me paraît tout à fait responsable que le gouvernement ait pris ces décisions pour s'assurer que la suite des choses serait conforme aux grands intérêts fondamentaux du Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Alors, je prends acte du fait que le premier ministre n'était pas au courant du fait que 19 000 000 000 $ de l'épargne des Québécois et des actifs des Québécois étaient pour être «flushés» dans la défense du dollar canadien. Est-ce que, comme le ministre des Finances vient de le dire, c'était honnête de se préparer ainsi? Est-ce que le premier ministre ne trouve pas que ça aurait été plus honnête d'en parler avant, aux Québécois, qu'il y avait 19 000 000 000 $ de nos épargnes qui étaient de côté pour défendre le dollar canadien, racheter nos obligations et jouer à la roulette avec l'avenir des Québécois?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Je vous réitère, M. le Président, que les autorités des grandes institutions financières du Québec qui ont agi ainsi ont pris l'intérêt même des épargnes des Québécois et de l'ensemble de la collectivité québécoise. Et, si vous voulez un préavis: la prochaine fois nous allons gagner et nous allons nous préparer mieux encore.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Je redemande au premier ministre si, maintenant, dans ce cas, il est parfaitement au courant des plans du ministre des Finances et de son prédécesseur, M. Jacques Parizeau, de conscrire l'épargne des Québécois compte tenu de l'incertitude et de l'instabilité qui suivraient la réalisation de l'option. Et est-ce que le premier ministre, aujourd'hui, va avoir l'honnêteté de dire aux Québécois que, lorsqu'il envisage un prochain référendum, il envisage également de conscrire notre épargne à coups de milliards pour défendre son option au lieu de s'occuper des intérêts des Québécois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, soyons sérieux, soyons responsables. Par une victoire référendaire, le Québec était en route pour assumer les responsabilités d'un État souverain. Or, il est de la responsabilité d'un État souverain de s'assurer que les marchés financiers respectent la devise. Le gouvernement fédéral actuel le fait constamment, c'est le rôle de la Banque du Canada; il y a des milliards qui sont très souvent dépensés pour faire en sorte que le taux de change soit défendu, que la monnaie canadienne soit défendue. Donc, le gouvernement du Québec, ce que tout le monde a compris au lendemain quand on a appris ces choses-là, se préparait à assumer des responsabilités fondamentales qui étaient siennes.

Une voix: Oui.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire qu'il trouve réaliste, qu'il trouve que ça a du sens de prendre les liquidités d'Hydro-Québec, du ministère des Finances et de la Caisse de dépôt...

Une voix: Le bas de laine.

M. Johnson: ...pour défendre la valeur du dollar canadien suivant, je dirais, la victoire de l'option séparatiste? Est-ce que le premier ministre trouve que ça a du bon sens? Et, selon lui, maintenant qu'il est à la tête du gouvernement – son ministre des Finances est encore en train de préparer ça à même l'argent de nos retraites et de nos épargnes – est-ce que le premier ministre peut nous dire combien de temps il s'imagine et sur quels marchés il est capable de défendre le dollar canadien, en combien de minutes il s'imagine qu'il va flusher 19 000 000 000 $ qui appartiennent aux Québécois? Voyons donc!

Le Président: M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je ferais remarquer une chose qui devrait être de notoriété publique: tout le monde de ce côté-ci de la Chambre est en train de préparer l'indépendance du Québec et la souveraineté nationale. Nous le faisons depuis des décennies et nous allons le faire avec plus d'ardeur encore dans les années qui viennent à cause du fait, et c'est ça qui a demandé les précautions, que nous avons presque gagné. Et, pour des gagnants, vous, vous avez triste mine à côté de perdants.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Sur le plan de la défense de la monnaie, les autorités monétaires québécoises n'auraient pas été les seules à se porter à la défense du dollar canadien; les autorités monétaires canadiennes se seraient...

Des voix: Oui!

M. Landry (Verchères): ...ruées au créneau pour défendre leur devise, qui est également la nôtre, je vous ferai remarquer.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Compte tenu que le premier ministre persiste à dire qu'il n'était pas au courant de toutes ces choses-là, de 19 000 000 000 $, qu'il n'était pas au courant de ça, lui, qu'il n'était pas au courant, est-ce que le premier ministre, dans ce cas-là, peut nous dire de quoi il parlait à Télémédia, à Radio-Média, trois jours avant le référendum, lorsqu'il a dit que les suites d'une victoire du oui seraient extrêmement difficiles pour les Québécois dans les années à venir? Sinon est-ce qu'il parlait du fait que nos épargnes étaient disparues ou est-ce qu'il parlait du fait que les emplois chuteraient? De quoi il parlait?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Pour le moment, nous sommes à gérer les suites du non, puis ce n'est pas drôle. Les suites du non, c'est l'obligation pour un gouvernement de restaurer les finances publiques qui ont été opérées par des gouvernements comme le vôtre, qui ont été irresponsables par rapport à des déficits historiques.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je n'ai pas fini. C'est une question transcendantale, il faut répondre avec profondeur, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Les suites du non, M. le Président, c'est aussi gérer une situation financière extrêmement dure, qui nous est faite par la dette et le déficit fédéraux. Et j'ajouterai, en réponse aux questions du chef de l'opposition, qu'au lendemain de la victoire du oui les premiers qui auraient été félicités des gestes de responsabilité financière que s'apprêtait à poser le gouvernement de M. Parizeau, ç'aurait été justement la Banque du Canada et les dirigeants du gouvernement canadien.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Et, si je comprends bien, les derniers auraient été les Québécois, évidemment.

Question très simple, je la réitère: Est-ce que le premier ministre maintient qu'il ignorait les dispositions qu'avait prises Jacques Parizeau?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Oui, M. le Président. C'est tout à fait compréhensible aussi: je n'étais pas au gouvernement. Ces décisions ont certainement été prises dans le secret du gouvernement, et je n'y ai été en aucune façon associé. J'ai été mis au courant comme tout le monde, je crois, par la suite, dans les journées ou les semaines qui ont suivi.

Le Président: En principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Réalisation du plan de compressions budgétaires prévu dans le réseau de la santé et des services sociaux

M. Marsan: Merci, M. le Président. Après avoir donné sa parole à la population, lors de la Commission Mongrain , qu'il n'y aurait pas d'autres coupures dans la santé, le ministre de la Santé – ou plutôt l'adjoint du ministre des Finances – essayait de refiler en douce une coupure additionnelle de 100 000 000 $ aux patients du réseau de la santé.

La Conférence des régies régionales a enfin joint sa voix à celles des patients, des infirmières, des médecins, des professionnels de la santé, mettant le ministre en garde en déclarant: On est déjà rendus à l'os, on ne peut faire de miracles.

M. le Président, j'aimerais demander à l'adjoint du ministre des Finances et député de Charlesbourg, celui qui a supposément planifié dans les moindres détails cette réforme de la santé: Où va-t-il couper les 100 000 000 $?

(14 h 30)

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, M. le Président, je voudrais d'abord préciser ce que j'ai dit et que je maintiens, c'est que, pour ce qu'on a appelé et ce qu'on appelle des coupures, quand on fait référence à des fermetures d'hôpitaux ou des transformations d'établissements pour développer plus de services de première ligne, de maintien à domicile, des services dont les gens ont besoin, il n'y a pas de surprise. Et parce qu'il y a un plan justement, toutes ces transformations sont déjà ou faites, ou en voie de l'être, ou déjà annoncées dans les plans de transformation de chacune des régies régionales. Donc, il n'y a pas de surprise à y avoir.

Le 100 000 000 $ dont on parle, ce n'est pas une coupure additionnelle, c'est comme à chaque année, et il n'y a personne qui a été surpris de ça. Dès le début d'octobre, j'ai rencontré et les présidents des régies régionales et les conseils d'administration des régies régionales pour leur expliquer que, comme à chaque année, à mi-terme dans l'année budgétaire, pour certains items budgétaires où on a dépensé plus et d'autres moins, on se rassure de rééquilibrer le budget, de faire le tour des fonds de tiroirs et de voir toutes les économies qui peuvent être appliquées en respectant les plans de transformation et en continuant à s'assurer que chacune des régions va garder son enveloppe, qui correspond à sa population, qui est calculée pour chacune des régions, et qu'on fait simplement le point du budget, où on en est. Et, quand on aura fait le point, on verra quelles décisions s'imposeront, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: Est-ce que le ministre peut reconnaître que son maître d'oeuvre, les régies, la Conférence des régies régionales a dit non aux coupures du ministre? Lui, où va-t-il couper, dans la santé, ces 100 000 000 $ là?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, j'ai rencontré les conseils d'administration, j'ai écrit aux présidents des régies régionales et je compte bien que la réponse va me venir par les présidents des régies régionales. Que certaines régions ou certains employés de régies régionales soient déjà informés que, dans leur région, ils ne pouvaient pas faire plus qu'un certain montant, ça va, j'aurai la réponse. Et, quand j'aurai l'ensemble des réponses, on va faire le point, et c'est à ce moment-là qu'on prendra les décisions qui s'imposent. Mais la population est rassurée qu'en ce qui concerne le réseau de la santé et des services sociaux il y a des plans de transformation qui ont été approuvés dans chacune des régions, ils vont être respectés et on va continuer à développer les services qu'on a annoncés qu'on était pour développer, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: Est-ce que le ministre comprend bien que, lorsqu'il demande un autre effort de 100 000 000 $ lorsqu'on est rendu à la fin du mois d'octobre, il ne reste que cinq mois pour terminer l'année financière, ça veut dire qu'il faut donc demander un effort de 200 000 000 $ à tout le réseau, aux patients du réseau de la santé? Un dernière fois, j'espère, M. le Président, si le ministre peut répondre à ma question: Où va-t-il couper 200 000 000 $?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Si on continue avec les complémentaires et les additionnelles, l'inflation va nous mener à 500 000 000 $ avant longtemps, j'ai l'impression. M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, rendus à mi-course dans l'année budgétaire, sur un objectif budgétaire d'un peu plus de 700 000 000 $, il reste 100 000 000 $ qui n'est pas complètement réglé; c'est ce que j'ai demandé aux régies. Et 100 000 000 $, ça a l'air d'un gros chiffre, et c'est un gros montant, mais, pour le réseau de la santé et des services sociaux, qui a un budget de 10 000 000 000 $, c'est 1 % de l'ensemble du budget. Alors, avec l'ensemble des gestionnaires, on va prendre le temps de regarder ça. L'année passée, on a eu une situation semblable au même moment de l'année, il y a des solutions qui se sont trouvées tout en continuant à appliquer les plans de transformation. Et c'est ça qui fait la différence, M. le Président.

Si on gérait au jour le jour, comme certains le suggèrent, on ne serait pas capable de faire face à une situation comme ça, mais, comme on a une vision d'où on s'en va, comme on sait ce qu'il faut protéger et qu'on sait comment on peut manipuler un budget de 10 000 000 000 $, plus les 3 000 000 000 $ de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on a une possibilité de marge de manoeuvre, et j'ai confiance en la compétence de l'ensemble des gestionnaires du réseau pour nous aider à solutionner cette situation.

Le Président: Mme la députée de Saint-François, en complémentaire.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé peut nous dire si les 100 000 000 $ qu'il recherche des régies régionales sont inclus ou exclus des 245 000 000 $ que recherche le ministre des Finances pour boucler son budget? Et, s'ils ne sont pas inclus, quelle est la commande qu'il a déjà reçue à l'intérieur de ce 245 000 000 $?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, ce qui était l'objectif du ministère de la Santé et des Services sociaux et de tout le réseau, je l'ai dit tout à l'heure, c'est un objectif qui était de 724 000 000 $ au total, et c'est à l'intérieur de ça que je travaille. Et, encore une fois, ce qui a été demandé aux régies régionales, ce n'est pas de trouver coûte que coûte 100 000 000 $, à n'importe quel prix, c'est de leur dire: Présentement, à mi-terme durant l'année, il reste 100 000 000 $ sur les 724 000 000 $. Pour trouver où on va faire ces allocations-là, comme à chaque année, dans le milieu de l'année, on rétablit les livres et les comptes, de dire où on pourrait faire l'économie en respectant les plans de transformation. On ne leur a pas dit: Coûte que coûte, coupez n'importe où. On dit: Grattez les fonds de tiroirs, faites toutes les économies possibles et dites-nous quels sont les comptes. On va faire les comptes dans quelques semaines et, à ce moment-là, dépendant de la situation, on prendra d'autres décisions et, comme l'an passé on a pu le faire, rencontrer l'objectif budgétaire et respecter les plans de transformation et continuer l'amélioration de nos services, et c'est ce qu'on va faire encore cette année.

Le Président: En principale, M. le chef de l'opposition officielle.


Création d'un fonds de la lutte à la pauvreté par la réinsertion sur le marché du travail

M. Johnson: Oui. On se souviendra que, il y a un peu plus d'un an, alors qu'il était toujours à la Chambre des communes, le premier ministre d'aujourd'hui, envisageant la campagne référendaire, promettait que les études communément appelées les études Le Hir à l'époque et depuis pourraient révéler les avantages considérables que représenteraient pour les Québécois l'accession du Québec à sa souveraineté et son statut d'État indépendant. C'était l'annonce faite à tout le monde par le chef de l'opposition à la Chambre des communes d'alors, député de Jonquière d'aujourd'hui, premier ministre du Québec. On se souvient du sort malheureux, évidemment, des études Le Hir. On se souvient surtout du fait qu'il ne s'est pas trouvé un seul économiste, pas un seul institut, pas une seule école, pas une seule faculté qui a été à même de démontrer que l'accession du Québec à la souveraineté créerait des emplois. Bien au contraire, tout le monde sait que la moyenne des prévisions de toutes ces études était plutôt à l'effet qu'il y aurait une perte de 90 000, 92 000 emplois. C'était la moyenne arithmétique de ces études-là.

Lors du Sommet, pour revenir à aujourd'hui, mais dans le contexte de la prédilection, compte tenu de l'intérêt manifeste que revêtaient pour le premier ministre des études d'économistes qui prouveraient sa thèse, dans le cadre du Sommet, le gouvernement a décidé d'augmenter le fardeau fiscal des Québécois de 250 000 000 $ d'impôts additionnels, dénoncé par le président du Conseil du trésor lorsque Gérald Larose en parlait, d'augmenter les impôts, dénoncé par le ministre des Finances qui disait: L'impôt tue l'impôt. On paie déjà assez. L'impôt tue l'impôt. Le premier ministre pourrait-il nous expliquer sur quelles études de quels économistes il se base pour nous apprendre que, d'augmenter les taxes de 250 000 000 $, ça va créer des emplois?

Le Président: M. le premier ministre.

(14 h 40)

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, le chef de l'opposition, pour être un peu plus précis, devrait ajouter qu'il s'agit de quelque 80 000 000 $ par année, ce qui fait 250 000 000 $ au bout de trois ans. Donc, ce n'est pas une charge fiscale d'un quart de milliard d'un coup chaque année. C'est 80 000 000 $ par année, à peu près, pendant trois ans. Deuxièmement, c'est un fonds qui est dédié. C'est un fonds qui est tout à fait spécial...

Une voix: À la pauvreté.

M. Bouchard: ...c'est un fonds qui est dédié à la pauvreté et qui est consacré à sortir les gens de l'aide sociale pour les amener au travail par des mesures tout à fait spéciales. C'est un fonds qui va être géré par une institution spéciale que je vais présider, mais à laquelle seront associés des gens du secteur privé et du secteur syndical...

Une voix: Eh oui!

M. Bouchard: ...donc c'est autre chose. Pour le reste, nous avons déposé 61 projets attachés, prêts à partir, qui, conjugués avec les projets d'Hydro-Québec et aux autres effets des politiques, comme par exemple le partage du travail, et ainsi de suite, vont créer un minimum de 72 000 emplois d'ici trois ans. Donc, il ne faut pas des études statistiques, puis des conjectures, puis des imaginations, puis des incantations, c'est de l'arithmétique pure et simple.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre peut nous dire où c'est marqué que d'augmenter les impôts de 80 000 000 $, ça crée des emplois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, les projections et les annonces que j'ai faites tout à l'heure en rappelant, par exemple, qu'on allait créer 72 000, 73 000 emplois avec les projets et annonces que nous avons faits ne tiennent même pas compte du résultat sur l'emploi du 250 000 000 $ en trois ans qu'on va investir pour amener des gens qui sont sur l'aide sociale pour aller au travail. Mais il est certain, par exemple, que chaque personne qui va quitter l'aide sociale pour aller travailler s'ajoutera dans les emplois que je viens de mentionner.

Une voix: Absolument.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Je comprends que le premier ministre aime voyager dans le temps et ajuster ses réponses selon les semaines. Est-ce que le premier ministre se souvient que son ministre des Finances a dit que trop d'impôts tue l'impôt, trop d'impôts tue l'emploi? Est-ce que le premier ministre est capable de nous expliquer... Ce que je lui demande, là, c'est une question fort simple pour tout le monde, une nouvelle théorie économique que je demande au premier ministre de soutenir ici, tout à fait nouvelle: En vertu de quel principe nouveau la hausse du fardeau fiscal des Québécois, sous quelque nom et sous quelque vocable que ce soient, vient créer de l'emploi? Est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer ça? Pas le ministre des Finances, je les connais, ses...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Non, non.

Une voix: Lui, il l'a déjà dit.

M. Johnson: Non, non, mais je les connais, ses théories, puis elles n'ont pas de bon sens.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Ses théories, non. Non, non.

Une voix: Trop d'impôts tue l'emploi.

M. Johnson: C'est le premier ministre qui a décrété que davantage d'impôts va créer de l'emploi. C'est le contraire de ce que le ministre des Finances a dit. Est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer d'où ça sort, cette théorie-là?

Une voix: Bon! Bon!

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): D'abord, je comprends que le chef de l'opposition soit obligé de faire de longs détours dans le temps pour camoufler une des situations les plus difficiles qui puissent s'imaginer pour un chef de l'opposition: il est obligé de critiquer ouvertement un consensus unanime à la table du Sommet – milieux populaires, patrons, syndicats, gouvernement – à l'effet qu'il faut lancer cette lutte à la pauvreté avec les fonds adéquats. Tout le monde était d'accord, le chef de l'opposition était dans la salle. S'il avait eu le courage de se lever face au Québec entier pour le dire, c'est à ce moment-là qu'il l'aurait dit.

Des voix: Oui! Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Ça n'a absolument rien à voir avec le sort des pauvres et des démunis, qui ont quitté la salle, d'ailleurs, qui ont quitté la salle, comme on le sait.

Une voix: Oui!

Une voix: Gros consensus.

M. Johnson: Je demande au premier ministre... Je ne lui demande pas de demander au ministre des Finances de faire des bulles, je demande au premier ministre: En vertu...

Des voix: Ah!

M. Johnson: ...de quel principe, en vertu de quelle nouvelle mécanique économique, hausser les impôts de 80 000 000 $ va créer des emplois? Et je lui demande par ailleurs s'il souscrit à l'énoncé de son ministre des Finances à l'effet que cette taxe pourrait être comme l'équivalent d'une heure de travail: ceux qui font 14 $ l'heure vont payer 14 $ dans l'année, puis ceux qui gagnent 300 $ vont payer 300 $ de taxe nouvelle. Est-ce que le premier ministre souscrit au fait que, pour lui, quelqu'un qui gagne 14 $ l'heure, une heure, ça a la même valeur que pour quelqu'un qui gagne 300 $ de l'heure?

Une voix: Bon!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le président, le chef de l'opposition a assisté à toutes ces discussions et il sait très bien que ce dont nous parlions alors, c'était de pauvreté et de l'obligation que nous avons tous collectivement de nous montrer solidaires et de combattre la pauvreté et que la meilleure façon de le faire, c'était d'amener les gens qui sont à l'assistance sociale au travail.

Donc, c'est venu de partout. C'est venu du monde du patronat, du monde syndical, c'est venu du monde communautaire aussi. Les gens voulaient que le gouvernement prenne un engagement de ce point de vue là. Le gouvernement a commencé par prendre un engagement et il a dit: Appauvrissement zéro. Le gouvernement a pris l'engagement de ne poser aucun geste, de ne prendre aucune décision, de n'adopter aucune loi, aucune mesure qui puisse affecter en quoi que ce soit les plus pauvres du Québec, les personnes qui sont affectées de contraintes sévères à l'emploi, qui ne peuvent pas en fait retourner à l'emploi. Bon.

Et les autres, comme le gouvernement ne peut pas prendre d'engagement comme ça pour les autres, le gouvernement, à ce moment-là, et toutes les parties qui étaient là ont convenu qu'il fallait, dans un grand geste de solidarité sans précédent, sans précédent, M. le Président... Il n'est jamais arrivé dans l'histoire du Québec que tout le monde qui était représenté là ait dit: Il faut que le gouvernement crée ce fonds d'un quart de milliard pour trois ans. Et vous avez vu les gens qui étaient là qui ont tous approuvé, y compris Mme David qui a salué le geste, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Pas plus tard qu'hier soir le premier ministre, à la télévision de Radio-Canada, disait qu'il voulait réitérer sa volonté de réduire les coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique. S'il est sérieux, est-ce que le premier ministre a officiellement donné un échéancier de négociations au président du Conseil du trésor concernant la réouverture des conventions collectives signées avant le référendum?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, vous savez que nous avons un effort budgétaire considérable à faire sur les dépenses au cours de l'année qui vient, 1997-1998, et les ministères ont commencé à faire leur revue de programmes. Nous sommes en discussion quant aux orientations actuellement.

Mais, M. le Président, il est clair que, après avoir fait des efforts comme ceux que nous avons faits et que nous faisons en 1996-1997 quant aux dépenses du gouvernement, l'an prochain il y aura aussi des choses difficiles à faire sur ce plan et que nous devons considérer des coûts de main-d'oeuvre. C'est à ce titre que, effectivement, au début du mois d'octobre, nous avons rencontré des présidents de centrale syndicale et que, actuellement, il y a des échanges qui se tiennent. Mais, M. le Président, ce n'est pas du tout l'angle de la réouverture des conventions collectives que nous avons; c'est sous un autre angle que nous prenons les choses, et nous discutons avec elles correctement.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que le président du Conseil du trésor a eu d'autres séances de négociation depuis celle du début d'octobre avec les syndicats? Et quels sont les angles nouveaux de négociation qu'il annonce cet après-midi?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, nous n'avons pas de séances de négociation. C'est exactement ce que j'ai dit. Ce n'est pas du tout sous l'angle des négociations quant à l'ouverture des conventions collectives. Absolument pas. Nous avons échangé et nous échangeons toujours sur la question des finances publiques, en particulier la résorption du déficit que nos prédécesseurs nous ont laissé.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: Le président du Conseil du trésor ne se rend-il pas compte que ce dont il discute avec les centrales syndicales, c'est l'élimination ou à tout le moins la diminution des hausses de salaire qu'il a, lui-même et son gouvernement, données aux employés de l'État avant le référendum?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, dans cette question du rétablissement ou de l'assainissement des finances publiques, je pense que tous les Québécois vont être appelés à contribuer dans la mesure de leurs capacités. Nous avons demandé des efforts considérables aux employeurs du secteur privé par des programmes de création et de maintien d'emplois. Nous prenons des mesures pour contrer le travail au noir pour que l'État recueille tous les revenus auxquels il a droit. Nous faisons aussi porter l'essentiel de notre effort sur la réduction du niveau de dépenses parce qu'il y a des mesures très significatives à prendre, quels que soient les réseaux, par exemple dans les grands réseaux de santé et d'éducation. Mon collègue de la Santé, par exemple, est en train de faire une réforme majeure en santé, vous le savez vous-mêmes, qui porte des fruits, qui va dans le bons sens et qui va faire que nous aurons un système de santé moderne tout en réduisant les coûts. Voilà, M. le Président, les orientations que nous avons.

(14 h 50)

Le Président: En principale ou en complémentaire, M. le...

M. Gautrin: En principale.

Le Président: En principale, M. le député de Verdun.


Frais de scolarité aux niveaux collégial et universitaire

M. Gautrin: M. le Président, les cégépiens sont en grève. Douze cégeps aujourd'hui sont en grève. Dans une trentaine d'autres cégeps, soit un vote de grève a été pris, soit des assemblées ont été convoquées. Les étudiants sont en grève parce qu'on leur a menti. Les étudiants sont en grève parce qu'on leur a menti lorsqu'en 1994...

Des voix: ...

M. Gautrin: M. le Président, je répète. Les étudiants sont en grève parce qu'on leur a menti – et j'ai bien dit le «on» – lorsqu'en 1994 on leur a dit qu'il y aurait un gel des frais de scolarité. On leur a menti lorsqu'on leur a promis une loi-cadre sur les frais de scolarité. On leur a menti aussi lorsqu'on leur a promis de faciliter l'accès à l'université.

M. le Président, ma question à la ministre de l'Éducation: Quel geste concret elle entend poser pour respecter l'engagement du Parti québécois de maintenir le gel des frais de scolarité et en particulier quels gestes concrets elle entend poser pour faire en sorte que les étudiants retournent aux études dans les cégeps?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, j'imagine que le député de Verdun va joindre sa voix à la mienne, que son équipe va joindre sa voix à l'équipe gouvernementale pour souhaiter que les jeunes retournent effectivement étudier, puisque, de fait, il n'y a absolument et d'aucune espèce de façon d'annonce qui a été faite qu'il y aurait hausse de frais de scolarité. Je trouve que leur attitude est un peu prématurée et le jugement que pose le député aussi, puisque nous n'avons pas menti aux étudiants.

Ce que j'ai dit cependant, et je pense que c'est justement faire preuve d'un souci de transparence et d'honnêteté, c'est qu'actuellement, avec les efforts budgétaires que nous avions à faire à l'Éducation, différentes pistes étaient explorées. L'une de celles-là était du côté des frais universitaires ou des frais reliés aux coûts encourus pour étudier. Et j'ai dit aussi du même souffle que je souhaitais ne pas avoir à recourir à de telles hausses, parce que j'explore d'autres avenues. Cependant, M. le Président, à ce moment-ci et compte tenu de ce travail que j'accomplis, je ne crois pas qu'il est utile que les étudiants sortent pour manifester leur opposition, alors que, dans les faits, nous sommes toujours restés en contact avec leur Association, que je suis d'accord aussi pour travailler...

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre. Je ne voudrais pas être obligé de rappeler à l'ordre nommément certains collègues, mais je voudrais vous indiquer, les uns et les autres, et en particulier ceux qui actuellement manifestent d'une façon particulière à l'encontre du droit d'expression de la ministre, qu'il y a l'article 32 sur le décorum qui oblige chacun des membres de l'Assemblée à s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée. Et à part une personne, celle que le président reconnaît, les autres sont obligées de garder le silence. Alors, en conclusion, Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Certainement, M. le Président. D'ailleurs, je suis à travailler depuis un certain temps sur certaines améliorations à apporter au régime d'aide financière, dont la possibilité d'envisager une loi-cadre qui va essentiellement dans le sens d'engagements que nous avons pris.

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Qu'est-ce que la ministre a répondu aux étudiants qui sont sortis du Sommet économique parce qu'ils n'ont pas eu les réponses qu'ils voulaient avoir et qu'ils espéraient avoir quant aux engagements du gouvernement sur les frais de scolarité? Qu'est-ce que la ministre va répondre aux étudiants qui demain vont manifester devant son bureau pour lui demander de respecter les engagements électoraux qu'elle a pris et que son gouvernement a pris?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: J'imagine toujours, M. le Président, que le député de Verdun est d'accord pour souhaiter avec moi que les étudiants retournent dans leur cégep étudier, n'est-ce pas, qu'il n'appuie pas nécessairement ce débrayage qui n'a pas de fondement puisqu'il n'y a pas d'annonce de hausse ni de frais afférents ni de frais de scolarité, ni au cégep ni à l'université, et cela, malgré le fait qu'au Québec les frais de scolarité sont à 1 000 $ en dessous de ceux que l'on paie en Ontario, qu'il y a dans tous les collèges du Canada des frais pour ce qui équivaut chez nous à la deuxième année de cégep, malgré le fait qu'il y ait chez nous un régime de prêts et bourses qui comprend justement un régime de bourses, alors qu'ailleurs il s'agit uniquement d'un régime de prêts. Je comprends difficilement actuellement l'attitude des étudiants.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, au premier ministre: Est-ce que le premier ministre sait qu'il est le président d'un parti et premier ministre d'un gouvernement qui s'est fait élire en promettant notamment aux jeunes de ne pas augmenter les frais de scolarité? Et est-ce que le premier ministre est prêt à réitérer cet engagement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous avons été confrontés à cette question lorsque nous avons fait le budget, l'an dernier, et nous avons maintenu le gel des frais de scolarité. Nous aurons une décision à prendre à nouveau lorsque nous ferons le prochain budget et, à ce moment-là, le gouvernement usera de la latitude qui sera sienne en fonction de ses responsabilités. Je pense qu'il n'est pas souhaitable, dans le contexte où nous sommes, pour le gouvernement de fermer des portes une par une devant tous les groupes de la société. Il faut qu'il réserve la marge de l'État, et je ne sais pas exactement encore ce que nous pourrons faire. C'est à la dernière extrémité que nous ferons une chose comme celle-là, mais nous allons tout faire pour l'éviter, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre pense qu'une réponse comme celle-là va faire rentrer les étudiants?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Les étudiants du Québec sont des Québécois et des Québécoises à plein titre qui sont conscients des enjeux, qui ont leur avenir devant eux, qui ont le sens de l'équité, et je pense qu'on peut entretenir – ce que nous faisons présentement par la voix de la ministre – un dialogue constructif avec eux.

Par exemple, il faut quand même noter des choses. Les frais de scolarité que nous payons au Québec dans les universités sont de l'ordre de 1 600 $; la moyenne canadienne est de 2 800 $, M. le Président. Il y a une telle chose qu'une question d'équité, aussi. Les étudiants font partie également de la collectivité. Ils savent que ce gouvernement mène une lutte acharnée pour leur avenir, que l'assainissement des finances publiques, c'est leur combat, que nous l'assumons, que nous en prenons le risque politique, que c'est une responsabilité que nous voulons prendre pour leur avenir, ils savent que nous nous battons pour maintenir intact le Régime de rentes pour eux, ils savent donc que ce gouvernement est livré tout entier à son engagement de respecter leur avenir et de le protéger. Mais il y a aussi une question d'équité. Eux aussi font partie du Québec, eux aussi doivent aider à préparer leur avenir, et les frais de scolarité, il faudra les regarder dans le contexte de l'équité aussi.

Le Président: En principale, Mme la députée de...

Mme Houda-Pepin: La Pinière.

Le Président: ...La Pinière. Ha, ha, ha! Je m'excuse, Mme la députée.


Rôle de M. Lucien Bouchard à titre d'ambassadeur du Canada à Paris

Mme Houda-Pepin: M. le Président, lors de l'interpellation du 1er novembre dernier, le ministre des Relations internationales a affirmé que le gouvernement fédéral, la plupart du temps, cherche à paralyser l'action du Québec à l'étranger.

Ma question au premier ministre: Est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il a déjà travaillé à paralyser l'action du gouvernement du Québec quand il était ambassadeur du Canada à Paris?

Le Président: M. le premier ministre.

(15 heures)

M. Bouchard: M. le Président, j'éprouve beaucoup de fierté à avoir assumé ces fonctions à Paris et je crois les avoir assumées à un moment où nous avons construit pour le Québec un avenir remarquable du côté de la francophonie, du côté de la présence du Québec dans le monde international, et c'est grâce à ces sommets francophones que les chefs du gouvernement du Québec rencontrent d'égal à égal des chefs d'État et de gouvernement de l'ensemble du monde entier. Donc, il n'y a personne qui va me faire avoir honte de cela.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions et de réponses orales.


Réponses différées

À la rubrique des réponses différées, M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles répondra maintenant à une question posée les 23 et 24 octobre dernier par M. le député de Viau concernant les Productions L&L. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles.


Financement d'un programme de prévention de la délinquance pour les jeunes

M. Boisclair: M. le Président, je désire répondre à la question posée par mon collègue le député de Viau sur les Productions L&L. Les faits, donc, sont les suivants. La demande d'aide financière que j'ai étudiée consistait en le financement de la production d'un spectacle permettant à plus de 80 jeunes de se réaliser par l'intermédiaire des arts et de la scène et de sensibiliser leurs semblables à la prévention de la criminalité, de l'usage des drogues et de l'alcool.

Le 29 mai 1996, j'adressais une lettre à Mme Liette Lefebvre, directrice administrative, et à M. Gilles Lacombe, directeur artistique des Productions L&L, lettre par laquelle je confirmais qu'un montant de 20 000 $ serait accordé à l'organisme en vue de la production dudit spectacle. Le 14 juin dernier, le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration émettait un chèque de 20 000 $ libellé à l'ordre des Productions L&L, chèque que j'ai transmis au député de Berthier afin qu'il puisse le remettre lui-même, et ce, conformément aux usages visant à mettre à profit la connaissance des députés eu égard aux organismes de leur comté. Je signale au passage que cette pratique vaut également pour les députés de l'opposition et que le député de Viau s'y est lui-même prêté.

Pour en revenir à mon propos, M. le Président, le député de Berthier, vers la fin du mois de septembre, m'a avisé que, en dépit des nombreuses contributions accordées à l'organisme par les municipalités environnantes, les intervenants locaux et le gouvernement fédéral, le projet en considération duquel j'avais accordé une subvention ne se matérialisait pas. À plusieurs reprises, le député a demandé un rapport d'activité, et ce, tel qu'en fait foi une lettre adressée par celui-ci aux Productions L&L en date du 19 septembre. Or, compte tenu que les Productions L&L omettaient ou négligeaient de nous transmettre un rapport d'activité, le député de Berthier n'a pas délivré le chèque et nous l'a retourné. Ce chèque a été annulé.

Mon chef de cabinet – et je termine là-dessus, M. le Président – est récemment entré en contact avec les responsables de l'organisme. Il s'avère effectivement qu'aucun rapport n'a été dressé. Cependant, ces derniers nous ont signalé qu'un rapport d'activité et qu'un rapport financier vérifié seront produits le 30 novembre prochain au Conseil régional de développement de Lanaudière, qui était lui-même associé au montage financier du projet. Sur réception de ce rapport – et uniquement sur réception de ce rapport – nous verrons s'il y a lieu de reconsidérer la décision. J'indique également que l'appui des partenaires régionaux sera déterminant dans les décisions que j'aurai à prendre.

M. le Président, je souhaiterais déposer des documents, en deux copies, qui confirment mes propos, s'il y a consentement.


Documents déposés

Le Président: Alors, il y a consentement. Les documents sont déposés. Pour une question complémentaire, M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Je dois comprendre de la réponse du ministre que l'autre façon de gouverner, c'est, en premier lieu, de procéder à l'analyse, d'octroyer des soumissions et, six mois après, d'en faire une autre analyse. C'est ça que le ministre vient de dire, parce que, en date du 29 mai 1996, il dit, sa signature... M. le Président: Nous avons procédé à l'analyse du dossier et, en conséquence, on vous accorde 20 000 $. Le chèque est envoyé au député de Berthier. Je ne savais pas que nous, comme députés, on pouvait faire l'analyse des projets.

Ma question au ministre: Quels sont les rapports qu'il a reçus du député de Berthier sur le projet L&L?

Le Président: M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. Boisclair: M. le Président, je regarde les collègues du député de Viau, qui savent que, à chaque fois que des subventions – particulièrement dans le Fonds famille – ont été accordées dans des circonscriptions de l'opposition, les chèques ont tous été directement chez les députés, qui les ont remis.

Quant à la question...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, je regarde la députée de Mégantic-Compton, je ne suis pas très sûr qu'elle soit contente de la question de son collègue le député de Viau.

À la réponse précise, M. le Président, j'invite le député à prendre connaissance de la lettre que mon collègue le député de Berthier m'a envoyée, et le député de Viau comprendra que j'ai agi de façon responsable, dans le meilleur intérêt des contribuables parce que c'est l'argent des contribuables dont j'ai la responsabilité.

Le Président: Alors, il n'y a pas de votes reportés.


Motions sans préavis

Motions sans préavis. Mme la députée de Jean-Talon.


Féliciter les candidats et candidates élus lors des élections tenues le 3 novembre dernier dans plusieurs municipalités

Mme Delisle: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale félicite les candidats et candidates élus lors des élections tenues le 3 novembre dernier dans plusieurs municipalités du Québec et souligne le dévouement dont ils font preuve pour servir leurs concitoyens et concitoyennes au sein des gouvernements locaux dont le rôle est indispensable dans notre système démocratique.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, il y aurait consentement à un intervenant de part et d'autre.

Le Président: Alors, il y a consentement. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Alors, merci, M. le Président. J'aimerais, tel que le mentionne la motion, féliciter tous les hommes et toutes les femmes du Québec qui ont été élus dimanche soir dans les, je crois que c'est 155 ou 157 municipalités du Québec. Qu'ils soient élus aux postes de maire, mairesse, conseiller et conseillère municipale, ils méritent non seulement nos félicitations, mais, je pense, aussi notre admiration parce que les défis qui s'offrent à eux dans les semaines, les mois et les années qui viennent ne sont pas toujours faciles. On sait que gérer au niveau local, c'est gérer le quotidien des citoyens et des citoyennes, mais c'est aussi gérer, dans ces temps-ci, la décroissance, puis ce n'est pas toujours facile. Alors, j'aimerais les assurer de notre soutien, s'ils ont besoin évidemment d'avoir recours au soutien de l'opposition.

J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour saluer, rendre hommage à tous ceux et celles qui ont été défaits dimanche soir, parce que ça prend aussi du courage pour se présenter, ça prend du courage pour vouloir s'impliquer dans les affaires municipales, ça prend de la détermination. Puis, dans mon livre à moi, ils sont tous gagnants et gagnantes. Alors, c'était le message, M. le Président, que je voulais adresser aux élus et aux défaits.

Le Président: Merci, Mme la députée. M. le député de Rouyn-Noranda...

M. Pelletier: Abitibi-Est.

Le Président: Abitibi-Ouest.

M. Pelletier: Abitibi-Est, M. le Président.

Le Président: Est. J'ai quelques problèmes, aujourd'hui, de mémoire. M. le député d'Abitibi-Est.


M. André Pelletier

M. Pelletier: M. le Président, il me fait plaisir, au nom du gouvernement et au nom du ministre des Affaires municipales, M. Rémy Trudel, de féliciter tous les candidats et candidates élus lors de l'élection d'hier dans les différentes municipalités du Québec.

M. le Président, j'aimerais, en plus de féliciter les maires élus et réélus, féliciter aussi l'ensemble des candidats et des candidates, qui ont cru dans cette démocratie municipale et spécialement au niveau des candidats élus au niveau de l'échevinage – dans mon propre quartier, j'ai eu une madame qui a été élue avec 72 % du suffrage, Mme Yolette Lévy – qui représentent des centaines et des centaines de candidats et de candidates, au niveau municipal, dans toutes les municipalités du Québec.

(15 h 10)

J'aimerais rappeler que le gouvernement municipal est la première forme de gouvernement démocratique qui a existé. Avant qu'il y ait des gouvernements de pays, avant qu'il y ait des gouvernements de provinces, il y a eu d'abord des gouvernements de municipalités. Cette démocratie municipale s'est poursuivie dans le temps et, de nos jours, c'est encore, dans bien des milieux, dans la plupart des cas, le gouvernement le plus près, rue par rue, du citoyen et de la citoyenne. Dans ce sens, j'encourage les gens qui ont été élus hier à continuer leur bon travail et j'encourage les citoyennes et les citoyens du Québec à suivre la politique municipale et à se présenter à toutes les fois qu'ils en ont l'occasion. C'est la démocratie la plus pure qui est en action, et, à cet effet-là, il me fait plaisir de m'être joint à ma collègue de Jean-Talon. Merci.

Le Président: Alors, merci, M. le député d'Abitibi-Est. Il n'y a pas d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra les consultations générales sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 à 21 heures, ainsi que demain, le mercredi 6 novembre 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des affaires sociales poursuivra et complétera les consultations générales sur le document de consultation sur la réforme du Régime de rentes du Québec intitulé «Pour vous et vos enfants: garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec», aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, demain, le mercredi 6 novembre 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Alors, merci, M. le leader du gouvernement.

Pour ma part, je vous avise que la commission de l'éducation se réunira en séance de travail mercredi le 6 novembre, c'est-à-dire demain, de 10 heures à 13 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'étudier et d'adopter le projet de rapport ainsi que les conclusions et recommandations de la commission de l'éducation sur les conditions de la réussite scolaire au niveau secondaire.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, je vous informe que, à la demande du leader de l'opposition, la motion qui était inscrite à l'article 38 du feuilleton du 24 octobre 1996 au nom de Mme la députée de Jean-Talon a été retirée, ladite motion étant devenue caduque.

Je vous informe également que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, et cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du ministre d'État à la Métropole qu'il obtienne un consensus métropolitain avant de créer la Commission de développement de la Métropole et qu'il n'impose en aucun temps une structure qui irait à l'encontre de la volonté des intervenants de la grande région de Montréal.»


Décision du président concernant l'application de la règle du sub judice lors du dépôt de pétitions

Par ailleurs, il y a, à l'étape des renseignements sur les travaux de l'Assemblée, deux décisions ou deux directives que je voudrais rendre à ce moment-ci. D'abord, le 23 octobre dernier, à la fin de la période des affaires courantes, le leader du gouvernement m'a demandé de préciser dans une directive si la règle du sub judice s'appliquait aux pétitions. Le leader du gouvernement s'interrogeait alors sur la possibilité de déroger, du consentement unanime de l'Assemblée, à l'article 35.3° du règlement de l'Assemblée et de faire référence dans un extrait de pétition à des faits qui font l'objet de poursuites devant les tribunaux.

La règle du sub judice est une limite au privilège de la liberté de parole, limite que les parlementaires ont eux-mêmes accepté de s'imposer afin de respecter le champ de compétence des tribunaux. En contrepartie, les tribunaux se sont également engagés à respecter les privilèges parlementaires et les affaires internes de l'Assemblée, des Assemblées législatives, notamment l'organisation de ses travaux et sa procédure.

Selon la pratique suivie à l'Assemblée nationale du Québec et dans les autres Parlements de type britannique, la règle du sub judice doit être appliquée de manière absolue en matière criminelle et pénale. En cette matière, en effet, il existe une présomption selon laquelle les paroles prononcées à l'Assemblée nationale relativement à une affaire criminelle ou pénale peuvent porter préjudice et nuire aux droits des parties à un procès juste et équitable. Par contre, en matière civile, l'application de la règle du sub judice est moins absolue. Dans le cas de poursuites civiles, un député peut toujours se référer de manière générale à cette affaire. Il doit cependant éviter de faire des remarques qui pourraient porter préjudice à qui que ce soit.

Depuis 1991, à deux occasions, la présidence a refusé que des pétitions soient déposées parce qu'elles contenaient des allégations ou faisaient référence à des faits qui étaient l'objet de poursuites devant les tribunaux. Le 8 avril 1991, le président Saintonge a interdit le dépôt d'une pétition parce qu'elle contrevenait à la règle du sub judice, et ce, bien qu'elle fût par ailleurs conforme aux prescriptions du règlement. Selon le président Saintonge, même si la pétition en question respectait les règles de forme inscrites au règlement, elle violait la règle du sub judice, puisqu'elle faisait référence à des faits contenus dans un contrat faisant l'objet de recours devant divers tribunaux. En effet, la Commission d'accès à l'information devait se prononcer sur la confidentialité de ce contrat, alors que la Cour supérieure venait de rendre une ordonnance d'injonction interdisant à quiconque d'en divulguer la teneur. Si la pétition avait été déposée, il y aurait eu un préjudice au sens de l'article 35.3 du règlement. De plus, l'Assemblée nationale aurait contrevenu à l'ordonnance d'injonction.

Par ailleurs, le 18 mars 1993, le leader de l'opposition officielle a demandé à la présidence si le fait de faire référence à une demande de recours collectif dans une pétition adressée à l'Assemblée contrevenait à l'article 35.3° du règlement. Le président Saintonge a alors confirmé que, lors de dépôts de pétitions, il fallait appliquer la règle énoncée à l'article 35.3° du règlement, puisque certains motifs et allégations contenus dans la pétition faisaient référence au fond du litige et, de ce fait, pouvaient porter préjudice aux personnes en instance devant les tribunaux dans cette affaire. Le président Saintonge a alors décidé que la pétition devait être retenue et qu'elle ne pourrait être déposée que lorsque seraient terminées les procédures devant les tribunaux.

Après avoir étudié la question soulevée par le leader du gouvernement, j'en arrive donc à la conclusion qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de la ligne tracée par mon prédécesseur. Je confirme donc que la règle du sub judice s'applique non seulement à la période de questions et lors des débats aux affaires du jour, mais également lors des dépôts de pétitions.

Par ailleurs, à l'égard d'une demande... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement, M. le Président, une question de précision. Ça n'empêche pas, si je comprends bien votre décision, un député de quelque formation politique que ce soit de déposer une pétition, et vous avez dans chacun des cas apporté un jugement sur l'application de 35.3°. Si ça ne cause pas préjudice à quelque chose qui est devant les tribunaux, vous devez la déclarer à ce moment-là déposable à l'Assemblée nationale et, si ça en pose, vous maintenez la jurisprudence qui a été établie par M. Saintonge. Est-ce que c'est exact?

Le Président: Oui. La question, le problème pour la présidence, c'est dans certains cas de pouvoir avoir suffisamment de temps au préalable pour prendre connaissance du contenu de la pétition et pour savoir si, oui ou non, ce contenu-là heurte éventuellement une cause qui serait devant les tribunaux. D'autre part, il faut aussi savoir que nous ne sommes pas équipés à l'Assemblée nationale, autrement que par les médias d'information et par les grandes affaires qui se retrouvent devant les tribunaux et traitées par les médias, pour avoir à portée de main rapidement, éventuellement, l'ensemble des questions qui peuvent être soulevées et qui pourraient appeler à contrevenir ou à entrer en conflit avec l'arrêt du sub judice.

Mais, sujet à ces restrictions, à ces difficultés particulières, c'est évident que le président a apprécié... M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, ce que je comprends aussi, et c'est une question de directive pour préciser la portée de la décision que vous venez de rendre, c'est que, quand c'est une affaire pénale, si les faits qui sont mentionnés dans la pétition font référence à une affaire pénale, il y a une présomption à ce moment-là que ça va porter préjudice. À ce moment-là, je crois, si ma compréhension du règlement est bonne, qu'il y a interdiction absolue. Donc, à ce moment-là, si le leader du gouvernement ou le leader de l'opposition, lors du dépôt d'une telle pétition, vous mentionne qu'il y a des faits là-dedans qui font référence à une affaire devant le pénal, la présidence ne permettra pas le dépôt de la pétition. C'est ça?

Le Président: Exactement. Si effectivement le président est avisé à temps pour pouvoir exercer ou appliquer le règlement. Autrement, bien, il devra agir après que l'information lui aura été communiquée, c'est-à-dire qu'à un moment donné il pourra se retrouver, le président, dans la situation d'être obligé de stopper l'intervention, la lecture d'un texte s'il se rend compte qu'effectivement cela contrevient à la règle du sub judice que je viens d'énoncer. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, parce qu'on peut être pris pendant de nombreuses années avec la décision que vous venez de rendre. De façon qu'on la comprenne très bien là, on comprend que les règles en matière pénale et civile sont différentes. M. Saintonge les a exposées; vous les avez reprises dans la décision que vous venez de rendre. Mais, dans chacun des cas, il vous appartient quand même comme président de décider si ça porte préjudice. Vous avez mentionné les contraintes de temps, de vérification, et il faut que vous le preniez, le temps, et que vous effectuiez des vérifications. Mais, si vous en venez à la conclusion qu'une référence à une affaire pénale dans une pétition ne peut porter aucunement préjudice à qui que ce soit, vous vous devez à ce moment-là de l'autoriser et, si vous en venez à la conclusion que ça porte préjudice à qui que ce soit, vous êtes encore plus sévère que dans les éléments civils.

(15 h 20)

Le Président: Comprenons-nous bien. Il faut qu'on se rende compte que, dans le domaine des questions pénales, il y a une présomption que quelque mention que ce soit pourrait porter préjudice. Donc, a priori le président n'a même pas à apprécier si, oui ou non, il y aurait un problème. A priori, les précédents en matière pénale sont qu'on tranche en faveur de la présomption de préjudice. Donc, dans la mesure où je serais informé auparavant d'une pétition qui amènerait la Chambre à être saisie d'un texte, d'une pétition qui porterait sur une affaire devant les tribunaux criminels, la pratique voudrait que, à ce moment-là, la pétition ne puisse être déposée. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Paradis: M. le Président, qu'on s'entende bien, vous avez mentionné à juste titre qu'il existait une présomption qu'elle ne peut pas être déposée à ce moment-là, mais, si le député, de quelque formation qu'il soit, réussit à renverser cette présomption, à ce moment-là, je comprends qu'il aura réussi à vous convaincre qu'elle n'affecte pas les droits de quiconque et qu'elle peut être déposée. C'est ça que je veux savoir.

Le Président: Je pense qu'il faut être très conscient que, à partir du moment où, à l'Assemblée, on amènerait la présidence à prendre connaissance de faits et à soulever la question, dès le moment où une affaire criminelle, en fait qui relève de la juridiction des tribunaux pénaux, est portée à l'attention de l'Assemblée, à ce moment-là, notre tradition, les décisions qui ont été prises et celle que j'ai rendue aujourd'hui veulent qu'on s'en tienne au fait qu'il y a présomption de préjudice, et, à ce moment-là, on ne peut pas soulever la question. C'est ça, et les décisions qui ont été prises par le président Saintonge vont dans ce sens-là.

M. Paradis: M. le Président, vous m'excuserez de revenir à la charge, mais il y a une différence dans le vocabulaire et dans l'application qu'on peut en faire entre «interdiction» et «présomption». S'il s'agit d'une présomption irréfragable, juris et de jure, et que personne ne peut argumenter ou même la présenter, à ce moment-là, qu'on le dise comme tel, on va se comprendre. Mais, s'il s'agit d'une présomption qui peut être renversée par quelque député que ce soit en convainquant la présidence, bien, qu'on le dise également. Moi, je suis indifférent. On est devant un cas théorique. C'est le temps de trancher le débat.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je pense que c'est évidemment très important qu'on tranche le débat parce que la question pourrait se reproduire ici, en cette Assemblée, mais j'ai toujours compris, de par la compréhension que j'ai eue de cette présomption, qui m'a déjà été expliquée, d'ailleurs, quand j'étais vice-président, que c'était une présomption irréfragable, qu'on ne pouvait renverser, c'est-à-dire que, à partir du moment que les faits qui étaient mentionnés étaient des faits qui faisaient référence à une affaire pénale ou criminelle, à ce moment-là, la présomption était irréfragable, et, à ce moment-là, le président se devait de ne point permettre qu'il soit fait mention de cette affaire et, avec votre jugement, donc même pas par le biais d'une pétition.

Le Président: Je pense que l'interprétation que vous donnez est exacte, mais, en même temps, il faut bien se rendre compte d'une chose, c'est que le président est soumis par le règlement, c'est-à-dire que moi, à titre de président, ou mes collègues vice-présidents qui agiraient en lieu et place de la présidence sommes tenus d'appliquer l'esprit de la règle que je viens d'énoncer. Mais c'est clair que, si des membres de l'Assemblée considéraient que la question devait être débattue à l'Assemblée, de consentement, vous pourriez, éventuellement, forcer le président à faire en sorte que la question soit débattue, d'après ce que je comprends de l'interprétation, sauf que ma compréhension du dossier est telle que, dès que la question est soulevée, dès qu'elle concerne une affaire criminelle, dès qu'elle concerne une affaire pénale, à ce moment-là il y a une présomption qu'il va y avoir un tort, et, dès que cette question-là apparaît sur la table, la présidence doit trancher en fonction de la protection des individus et donc de faire en sorte que nous respections le principe qui fasse que, à l'Assemblée, nous ne puissions pas mettre en cause la présomption d'innocence qui est la base fondamentale de notre système judiciaire et de notre système de lois.

Mais, encore là, si les choses ne sont pas claires, on pourra toujours...

Une voix: ...

Le Président: Moi, ce que je vous suggère à ce moment-ci, c'est que, pour être certain qu'on se comprenne bien et pour ne pas empiéter inutilement sur le temps de l'Assemblée, lors d'une prochaine rencontre entre les deux leaders avec le secrétaire général, nous puissions clarifier d'une façon encore plus exhaustive la décision que je viens de rendre, de telle sorte qu'on éviterait d'utiliser du temps de l'Assemblée pour un débat où il y aurait peut-être lieu d'avoir certaines nuances. Ça vous convient?


Décision du président concernant le rôle des commissions eu égard à l'application de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

Alors, maintenant je vais rendre une directive qui a été demandée par le député de Verdun concernant l'application de la loi 198. Le député de Verdun, lors d'une séance, à l'étape des renseignements sur les travaux de l'Assemblée, avait effectivement demandé à la présidence de lui indiquer quelle est, en vertu de notre règlement, la voix appropriée pour s'assurer que soit appliquée la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, mieux connue sous le nom de loi 198.

Une question de directive semblable avait été adressée à la présidence par le député de Verdun en mars dernier, donc à la même présidence. Cette question portait en outre sur le rôle du président de l'Assemblée eu égard à l'application de cette loi. Compte tenu de la similitude des deux demandes, la présente directive sera en partie inspirée de celle que j'ai déjà donnée le 27 mars dernier.

Alors, la loi 198 crée des obligations pour les commissions parlementaires. Le deuxième alinéa de l'article 8 de cette loi prévoit ce qui suit, et je cite le texte de la loi: «La commission compétente de l'Assemblée nationale doit entendre au moins une fois par année le ministre, si celui-ci le juge opportun, et, selon le cas, le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme afin de discuter de leur gestion administrative et, le cas échéant, de toute autre matière de nature administrative relevant de ce ministère ou organisme et signalée dans un rapport du Vérificateur général ou du Protecteur du citoyen.»

Ainsi, dans le cadre de leurs compétences établies à l'article 118 du règlement, l'article 8 de la loi 198 confère explicitement aux huit commissions permanentes le mandat d'entendre au moins une fois par année chaque sous-ministre ou dirigeant d'organisme et chaque ministre, si celui-ci le juge opportun. Comme il s'agit de mandats qui émanent d'une loi, l'Assemblée ne peut, en principe, y déroger.

Nous le savons tous, l'Assemblée peut déroger de consentement unanime aux règles qu'elle se donne elle-même et qui sont consignées dans son règlement et à ses règles de fonctionnement. Elle ne peut toutefois déroger à celles de ses règles de procédure qui sont codifiées dans une loi, puisqu'une loi est un acte du Parlement dans son ensemble. Par conséquent, une modification législative serait nécessaire pour soustraire quiconque aux obligations prévues à la loi 198.

Sans restreindre la portée de ce qui précède, il faut bien admettre que, lorsque l'application de la loi 198 est considérée sous l'angle plus pratique, les obligations découlant de cette loi peuvent être nuancées, en fait, doivent être nuancées.

En fait, si les commissions ont l'obligation légale de réaliser les mandats que leur confie cette loi, elles conservent toute latitude pour organiser la mise en oeuvre de ces mandats. Et c'est pourquoi les mandats découlant de la loi 198 peuvent être qualifiés de mandats de quasi-initiative. En effet, la loi 198 ne prévoit aucune règle particulière en ce qui a trait à l'organisation des mandats qu'elle confie aux commissions. Il faut donc s'en remettre aux règles pertinentes prévues au règlement ainsi qu'à la pratique qui s'est développée au fil du temps.

C'est ainsi que l'organisation des mandats d'une commission se fait généralement en séance de travail. C'est dans ce cadre que les commissions décident de l'ordre dans lequel elles vont entendre les sous-ministres ou dirigeants d'organismes et, le cas échéant, les ministres. De la même manière, les commissions déterminent le moment où elles vont les entendre.

Dès lors, en cette matière, le président de la commission est appelé à jouer un rôle déterminant. D'abord, en ce qui a trait à la convocation de la commission, l'article 148 du règlement prévoit que, et je cite: «Chaque commission se réunit sur avis transmis à ses membres par son secrétaire à la demande de son président, sauf s'il s'agit d'un mandat confié par l'Assemblée. L'avis indique l'objet, la date, l'heure et l'endroit de la réunion. Copie de cet avis est adressée au président de l'Assemblée, aux leaders et aux whips des groupes parlementaires.» Fin de la citation.

De plus, le président de la commission a un rôle à jouer en ce qui a trait à l'organisation et à l'animation des travaux de sa commission. À cet égard, l'article 138 du règlement prévoit ce qui suit: «Le président organise et anime les travaux de sa commission, prend part à ses délibérations et a droit de vote.»

Il appartient donc au président de convoquer, d'organiser, d'animer au besoin une ou plusieurs séances de travail afin que la commission se prononce sur l'organisation des mandats dont elle est saisie en vertu de la loi 198.

En résumé, ce sont les présidents et les membres de chacune des commissions qui ont la responsabilité de voir à l'application de la loi 198. Pour sa part, le président doit voir à convoquer et à organiser une ou plusieurs séances de travail à cette fin. On parle ici des présidents de commissions. De leur côté, les membres doivent, si nécessaire, veiller à ce que leur président convoque la commission en lui adressant une demande à cet effet. Ils peuvent également, lors d'une séance de travail, présenter une motion visant l'organisation des mandats découlant de la loi 198. Il s'agit là des moyens dont disposent les députés pour s'assurer que soit appliquée la loi 198.

Pour ce qui me concerne, je rappelle ce que j'ai déjà indiqué en mars dernier: le président de l'Assemblée nationale ne dispose, en vertu du règlement, d'aucun pouvoir d'intervention ou de coercition en ce qui a trait à l'organisation des travaux des commissions permanentes.

(15 h 30)

Je tiens néanmoins à sensibiliser les présidents et les membres des commissions au rôle d'initiative qui leur incombe en regard de l'application de la loi 198. Cette loi offre une opportunité pour les députés de valoriser leurs fonctions parlementaires en exerçant un contrôle accru sur les ministères et organismes publics. Indépendamment même de toute obligation légale, le succès de l'application de la loi 198 dépend de la volonté et du leadership dont sauront faire preuve le président et les membres des commissions.

En terminant, permettez-moi de mettre en garde tous ceux qui seraient tentés de porter un jugement rapide sur le degré d'application de la loi 198. Au-delà des objectifs louables que comporte cette loi, il n'en demeure pas moins difficile de l'appliquer pleinement, puisque de très nombreux ministères et organismes sont visés par son application, et les commissions ont l'obligation d'entendre leurs dirigeants au moins une fois par année. On constate toutefois, au cours des derniers mois, une recrudescence dans la réalisation des mandats découlant de la loi 198. Tout en encourageant les commissions à poursuivre dans cette voie, il serait peut-être opportun de mettre la question de l'application de cette loi à l'ordre du jour d'une prochaine réunion de la commission de l'Assemblée nationale, qui, en vertu du paragraphe 2° de l'article 116 du règlement, a le mandat de coordonner les travaux des autres commissions permanentes.

Alors, voilà pour cette directive. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, seulement pour comprendre votre décision. J'avais très bien compris la décision initiale que vous aviez rendue, et vous aviez, dans votre décision initiale comme dans celle que vous venez de rendre, bien spécifié à quel point les commissions parlementaires ne peuvent pas échapper à l'application de la loi. C'est ce que vous avez dit. Ma question reste toujours le cas. Si jamais un parlementaire qui n'est pas membre d'une commission parlementaire remarque, ou apprend, ou vérifie qu'une commission parlementaire n'applique pas la loi, ma question était à l'époque: Quel mécanisme je puis avoir comme parlementaire de Verdun, alors que la loi n'est pas appliquée dans une commission parlementaire où je ne siège pas, pour pouvoir m'assurer qu'elle soit appliquée?

Et je vous signalerai, M. le Président, si vous me permettez, pour bien m'expliquer, qu'il est, pour mon travail de député, important que je puisse avoir tous les ans les rapports des différentes commissions parlementaires qui sont déposés en cette Chambre suite aux auditions qui sont prévues à la loi 198, puisqu'on l'appelle par ce nom-là. Alors, je voudrais savoir comment je peux faire.

Le Président: Le problème, c'est que malheureusement, actuellement, le règlement ne prévoit pas spécifiquement de façons particulières qui permettraient à un député non membre d'une commission permanente de pouvoir, d'une certaine façon, obliger ses collègues d'une autre commission à exécuter les mandats qui leur sont impartis en vertu de la loi 198. Peut-être – et il faudrait vérifier – pourrait-il utiliser la période des motions sans préavis pour éventuellement saisir l'ensemble de l'Assemblée du fait qu'une partie de l'Assemblée composée des membres d'une commission permanente n'exécute pas ses responsabilités. Et, à cet égard-là, il y aurait une espèce de sanction morale qui pourrait être faite à partir du moment où les collègues sont saisis...

Mais, en même temps, il faut se rendre compte – et ça, je viens de l'indiquer dans la directive – qu'il y a – et ça, je ne le sais pas parce que je n'étais pas là quand le débat s'est fait sur la loi 198 – une problématique de pratique, c'est-à-dire que le nombre d'organismes et de ministères qui sont couverts par, éventuellement, la loi 198 fait en sorte qu'on peut éventuellement considérer qu'il pourrait être très difficile, si on voulait être très rigoureux, de faire en sorte qu'annuellement, à chaque année, l'ensemble de ceux qui doivent comparaître devant les commissions permanentes de l'Assemblée le fassent et, donc, que les commissions exécutent ces mandats, outre les autres qui sont confiés par l'ensemble de l'Assemblée sur ordre de l'Assemblée et sans compter les mandats d'initiative différents qui pourraient être voulus par les membres d'une commission permanente.

Ceci étant dit, il faudra peut-être prévoir dans nos discussions à l'égard de la réforme parlementaire comment on pourra aller plus loin dans l'utilisation ou dans l'application de l'esprit autant que de la lettre de la loi 198. Parce que, à ce moment-ci, je ne vois pas vraiment où on pourrait aller plus loin, compte tenu des silences que nous avons dans notre règlement et dans la loi 198. Parce que la loi aurait pu prévoir des mécanismes, mais la loi ne les a pas prévus. Donc, elle ne fait pas obligation d'une façon très spécifique comment on exécute les mandats qu'elle prévoit devoir être exécutés.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que vous me permettrez de relire la décision que vous avez déposée par écrit et peut-être de vous demander une directive supplémentaire demain?

Le Président: Alors, ce qu'on fera à ce moment-là, M. le député, je pense, pour éviter qu'on multiplie les demandes de directives publiques dans le sens suivant, s'il y a des questions additionnelles, je vous propose qu'on se rencontre. Et, encore là, s'il y a éventuellement des difficultés particulières et des limites qui sont imposées par les silences de la loi ou du règlement tels qu'ils sont conçus actuellement, comme je vous l'indique, en ce qui concerne le règlement de l'Assemblée, on pourra toujours, à ce moment-là, référer aux travaux que nous allons amorcer bientôt. Alors, on en arrive maintenant... M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Je veux bien aller dans ce sens-là, mais il m'apparaît que la présidence n'a pas à interpréter les lois ni à donner des conseils juridiques sur l'application de ces lois-là, y compris la loi 198. Et il m'apparaît qu'on pourrait difficilement aller plus loin dans ce débat-là sans qu'on en vienne à cela et qu'il appartient à chaque commission de voir comment elle remplit ses obligations légales. Et, à cet égard-là, donc, je vous demanderais de m'indiquer si on ne risque pas à ce moment-ci de tomber dans une interprétation de la loi 198 en allant au-delà de ce qu'on vient de faire maintenant.

Le Président: Écoutez, je pense que, dans les réponses additionnelles que j'ai données au député de Verdun, il ne s'agissait pas pour moi d'aller plus loin que ce que j'ai dit dans la directive. Et ce que j'ai indiqué dans la directive, c'est que la loi prévoit que les commissions permanentes ont des responsabilités et que la pratique veut que ce soient les commissions elles-mêmes qui organisent leurs travaux. Et c'est pour ça que j'ai parlé de mandat de quasi-initiative.

Mais, dans ce contexte-là, la question du député de Verdun était la suivante, c'est-à-dire: Comment un député qui n'est pas membre d'une certaine commission pourrait s'assurer que ses collègues de cette commission-là en question exécutent un mandat qui devrait être exécuté et qui l'intéresse, lui, pour toutes sortes de raisons? Et, dans la mesure où ce mandat n'est pas exécuté, il se dit: Mais comment je peux forcer mes collègues, d'une certaine façon, à faire ce qu'ils doivent faire, parce que je considère que ce travail-là est important?

Et ce que j'ai donné comme réponse, je pense, était assez clair, avec les limites et les silences qui sont ceux à la fois du règlement de l'Assemblée et de la loi 198 elle-même, qui ne va pas baliser dans le détail la façon dont les commissions permanentes de l'Assemblée doivent se comporter.

M. Paquin: M. le Président, il m'apparaît qu'effectivement un moyen important, c'est de s'adresser à la présidence de la commission elle-même, puisque c'est la responsabilité de chacune des commissions de le faire.

Et, deuxièmement, c'est qu'au moment de revoir notre règlement il nous faudra prévoir des dispositions qui permettront aux commissions de valider leurs travaux eu égard aux responsabilités qui leur incombent en fonction de la loi 198. Il m'apparaît qu'il faudra que ce soit dans la prochaine réforme, mais que ce n'est pas nécessairement à cet instant-ci de décider des conduites à tenir.

Le Président: C'est-à-dire que je n'ai pas dit que c'était à l'Assemblée nationale. La seule chose, c'est que l'instance suprême pour modifier le règlement de l'Assemblée, c'est l'Assemblée. Il pourra y avoir des comités de travail. On a parlé d'ailleurs, à la dernière réunion de la commission de l'Assemblée, qui s'est penchée sur la question, de mettre sur pied un comité de travail qui éventuellement devra répondre à la sous-commission de la réforme, qui elle-même répondra à la commission de l'Assemblée nationale, qui elle-même, finalement, fera rapport à l'Assemblée dans son ensemble. Donc, c'est bien sûr, c'est l'Assemblée elle-même qui a juridiction en dernier recours pour modifier le règlement et éventuellement donner des balises et des directives particulières à ces commissions permanentes.

Au-delà de ça, il se pourrait très bien que, éventuellement, les membres de l'Assemblée décident qu'au point de vue législatif il y a lieu de préciser ou de modifier éventuellement cette législation-là pour faire en sorte que les mandats qui sont confiés et les énoncés très vertueux qu'on retrouve dans la loi puissent trouver leur application pratique.

Alors, à ce moment-ci, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. le Président, une courte intervention, juste avant que vous ne repartiez avec autre chose. Parce que vous avez parlé du mandat de quasi-initiative. En tout cas, pour un, et j'ai eu l'occasion de travailler sur quelques mandats d'initiative en commission, je trouve qu'il y aurait un danger d'assujettir la loi 198, finalement, à ce vocabulaire de quasi-initiative, dans le fait que finalement on assujettit le contenu de cette loi à la majorité de députés, quels qu'ils soient, qui se retrouvent en commission. Et je pense que les commissions ont ce besoin par elles-mêmes, sans être assujetties par le biais d'une loi comme 198. Il est possible, je pense, à l'expérience qu'on peut constater du travail des différentes commissions, d'arriver avec l'essence même de 198, l'obligation... S'il y a trop d'organismes ou autres, il y a peut-être des agencements de travaux qui peuvent être faits, ou même la réforme, peut-être, nous indiquera que certaines commissions devraient entendre d'autres organismes que ceux qui sont actuellement dévolus à ces commissions-là. Mais je vois un quasi-danger à ce mandat de quasi-initiative. Il est rare que des commissions se donnent vraiment des mandats d'initiative, alors je verrais mal que la loi 198 soit identifiée à un mandat de quasi-initiative.

(15 h 40)

Le Président: Écoutez, c'était une expression que je voulais plus pédagogique, dans le sens suivant: c'est que, normalement, les commissions ont soit des ordres de l'Assemblée pour exécuter un certain nombre de mandats ou ils ont la possibilité, par leur propre capacité d'initiative, d'entreprendre un certain nombre de travaux. Dans ce cas-là, la loi, et non pas l'Assemblée, oblige les commissions permanentes à exécuter certaines choses, mais par ailleurs la loi ne balise pas la façon dont ces choses-là doivent être exécutées, dont ces mandats-là doivent être remplis, et c'est pour ça que j'ai utilisé cette expression de quasi-initiative, c'est-à-dire qu'il y a une initiative de la part du président et de ses collègues pour l'organisation, le moment où les choses doivent être faites, la période où ça doit être fait, l'ampleur que ça peut prendre, et ça, c'est l'initiative de la commission.

L'obligation qui est faite non pas par un ordre de la Chambre mais par une législation, c'est que les commissions, en principe et selon la loi, ont l'obligation à chaque année d'entendre un certain nombre d'individus qui ont des responsabilités importantes dans l'appareil étatique, si on se comprend, à cet égard-là, et je pense qu'on convient tous, avec ces interventions, qu'il y aura lieu, peut-être avec les discussions et les travaux sur la réforme parlementaire, d'aller plus loin dans la précision de la manière dont les choses pourraient être faites.


Affaires du jour

Alors, à ce moment-ci, nous en arrivons aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 11 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 52


Adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 11 du feuilleton, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Alors, je vais d'abord reconnaître M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


M. Guy Julien

M. Julien: M. le Président, j'ai le plaisir aujourd'hui de vous présenter le projet de loi n° 52 modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments ainsi que la Loi sur la qualité de l'environnement. Ce projet consiste à transférer le secteur des eaux et de la glace commerciales de la Loi sur la qualité de l'environnement à la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments, et cela, en respectant l'intention du gouvernement. Par décret, le gouvernement a attribué en 1994 au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation la responsabilité de l'application des dispositions légales et réglementaires de la Loi sur la qualité de l'environnement relatives aux eaux, à la glace commerciale et à la glace mise gratuitement à la disposition du public, de même qu'à l'eau des fontaines d'eau embouteillée et à l'eau servant à la préparation des aliments destinés à des fins de consommation humaine.

M. le Président, le commerce de l'eau et de la glace au Québec est une activité fort ancienne. La production et le mode de distribution par l'embouteillage ont débuté au Québec dès le tout début du Régime français. Depuis lors, les techniques ainsi que les contenants utilisés lors de l'embouteillage de l'eau n'ont cessé de se perfectionner pour convenir à un mode de distribution qui répond à des besoins nouveaux des consommateurs et consommatrices. D'ailleurs, depuis une dizaine d'années, l'industrie des eaux embouteillées du Québec est un secteur de notre économie qui est en plein essor et qui possède une réputation fort enviable sur l'ensemble des marchés.

M. le Président, le Québec est en quelque sorte le chef de file en Amérique du Nord, et les usines qui produisent ces eaux embouteillées et qui développent des méthodes de captage utilisées pour l'extraire du sous-sol sont parmi les plus modernes au monde. Actuellement, il y a 59 usines d'embouteillage d'eau actives au Québec, dont la moitié se retrouvent dans la région métropolitaine, le reste étant réparti sur l'ensemble du territoire.

Il existe un autre mode de distribution qui est en fait tout nouveau, puisqu'il a débuté vers 1985, il s'agit de la distribution sur les marchés d'eau vendue au volume. En effet, vous avez probablement remarqué, principalement dans des établissements à vocation alimentaire, la présence de distributrices d'eau en volume. Ce nouveau mode de distribution représente environ 10 % du volume des ventes de l'eau embouteillée. Il permet aux consommateurs et consommatrices de s'approvisionner selon le type d'eau qu'ils préfèrent – eau de source, eau minérale, eau minéralisée – à un coût moindre, pour la même quantité, qu'une eau provenant d'une usine d'eau embouteillée. Il existe entre 600 et 800 distributrices d'eau au volume qui se trouvent, à près de 90 %, dans des établissements visés par la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments.

En ce qui concerne la glace, force est d'admettre que celle-ci a toujours été intimement liée au secteur alimentaire. Le commerce de la glace répond à des besoins de consommation, de refroidissement, de conservation ou elle est directement utilisée à titre d'ingrédient dans la préparation d'un aliment ou d'une boisson. À titre d'exemple, prenez le cas des boissons gelées, communément appelées «slush». Ce produit est tout simplement de la glace fondante à laquelle on a ajouté des extraits naturels ou artificiels de fruits ou d'autres saveurs. Cette glace de consommation pour des besoins industriels est produite par une trentaine d'usines sur le territoire, concentrées principalement près des grands centres urbains.

Toutefois, le domaine de la glace inclut un autre secteur non négligeable, soit celui de la glace fabriquée et distribuée à l'aide d'une machine, que l'on trouve principalement dans le réseau hôtelier. Ces machines distributrices de glace, qui sont au nombre d'environ 1 200, ne font pas généralement l'objet d'un commerce. Autrement dit, cette glace est mise gratuitement à la disposition du public.

Cela est également le cas des fontaines d'eau embouteillée que l'on trouve dans plusieurs endroits publics. Ces fontaines sont pourvues d'un dispositif de distribution en gobelets, conçues pour être alimentées par de l'eau embouteillée provenant d'une usine d'embouteillage d'eau. Bien que l'eau d'une fontaine d'eau embouteillée soit mise gratuitement à la disposition du public, il n'en reste pas moins que cette fontaine est alimentée par de l'eau embouteillée commercialement.

Finalement, M. le Président, la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments doit posséder le pouvoir de régir la qualité de l'eau qui est utilisée lors de la préparation d'un aliment. Cela s'inscrit, bien entendu, dans ma préoccupation de ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de veiller non seulement à la sécurité des denrées alimentaires mises à la disposition des Québécois et des Québécoises, mais également à la salubrité des produits alimentaires destinés à des marchés extérieurs. Il s'agit, en effet, de maintenir la réputation de notre secteur bioalimentaire sur les marchés extérieurs. À ce titre, ce projet de loi n° 52 prévoit transférer au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation les pouvoirs de réglementation nécessaires à l'accomplissement de sa future mission dans le domaine des eaux commerciales et de la glace.

Par conséquent, le projet de loi n° 52 vise à reproduire dans la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments un pouvoir que le ministre de l'Environnement et de la Faune exerce actuellement. Ce pouvoir consiste à permettre au ministre du MAPAQ ou à une personne désignée de requérir d'une personne régie par les présentes lois ou les règlements édictés en vertu de celles-ci les documents ou renseignements requis pour lui permettre de s'assurer de la conformité du produit avec les dispositions de la loi ou du règlement. Il s'appliquera à l'ensemble des produits alimentaires régis par la loi, puisque l'eau et la glace seront dorénavant inclus dans la définition d'un aliment. Cette nouvelle disposition nous permettra d'être encore plus efficaces dans notre objectif de veiller à la sécurité des aliments offerts à la population, car nous pourrons dorénavant réagir à distance. En effet, nous pourrons, sans être nécessairement sur les lieux, nous assurer de l'état de conformité d'une situation.

(15 h 50)

Par exemple, il arrive qu'une entreprise décide de procéder au rappel volontaire d'un produit qui est susceptible de causer des problèmes aux consommateurs. Ainsi, plutôt que d'obliger nos inspecteurs et inspectrices à vérifier l'efficacité du rappel de la compagnie par des visites dans chaque lieu où ce produit pouvait être exposé ou entreposé en vertu de la vente, la personne autorisée pourra demander à la compagnie de lui fournir la liste des clients, les quantités de produits distribuées et les quantités rappelées.

En second lieu, ce projet de loi n° 52 reproduit également dans la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments un pouvoir réglementaire déjà utilisé dans le règlement sur les eaux embouteillées adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement. Ce pouvoir permettra au gouvernement de prévoir les cas et les conditions auxquels une personne doit transmettre au ministre, avant ou pendant la commercialisation d'une eau, les renseignements, documents et échantillons ou toute autre pièce nécessaire pour vérifier l'exactitude des déclarations qui figurent sur l'étiquette, l'affiche, le contenant ou l'emballage.

Vous savez, M. le Président, les eaux commerciales sont susceptibles de faire l'objet de toutes sortes d'informations portées à l'attention des consommateurs, notamment quant à la désignation de l'eau. Or, souvent ces informations ne peuvent être vérifiées simplement en regardant le contenu ou même en goûtant le produit. Toutefois, à partir de renseignements, d'analyses et d'autres informations obtenus de celui qui désire commercialiser cette eau au Québec, nous serons en mesure de vérifier l'exactitude des informations qui apparaîtront par la suite sur l'étiquette.

En ce qui concerne l'obligation de soumettre les eaux commerciales et la glace à un régime de permis, la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments dispose déjà de ce pouvoir réglementaire universellement applicable à tous les aliments. Étant donné que l'eau et la glace visées par ce projet de loi n° 52 seront considérées comme des aliments, il n'existe pas de motif pour exempter ce secteur du monde alimentaire du régime de permis.

Comme je vous le mentionnais précédemment, M. le Président, ce projet consiste essentiellement à transférer le secteur des eaux et de la glace commerciales de la Loi sur la qualité de l'environnement à la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments, et cela, en respectant l'intention du gouvernement. En effet, par décret, le gouvernement a attribué en 1994 au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation la responsabilité de l'application des dispositions légales et réglementaires de la Loi sur la qualité de l'environnement relatives aux eaux, à la glace commerciale et à la glace mise gratuitement à la disposition du public, de même qu'à l'eau des fontaines d'eau embouteillée et à l'eau servant à la préparation des aliments destinés à des fins de consommation humaine. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Alors, j'inviterais maintenant Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata à prendre la parole, s'il vous plaît. Mme la députée.


Mme France Dionne

Mme Dionne: Oui. Merci, M. le Président. Je prends la parole cet après-midi sur le projet de loi n° 52, qui est la loi qui modifie la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et modifiant, par le fait même, la Loi sur la qualité de l'environnement.

D'entrée de jeu, on peut dire, et le ministre l'a peut-être souligné, que le Conseil des ministres de l'ancien gouvernement, le 27 avril 1994, décrétait effectivement que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation exercerait dorénavant la gestion sur les eaux embouteillées, de l'eau au volume distribuée commercialement à des fins de consommation humaine, de la glace produite ou distribuée commercialement à des fins de consommation humaine, de la glace mise à la disposition du public et de la glace utilisée pour la préparation des aliments à des fins de consommation humaine dans les endroits publics. Alors, le ministre de l'Agriculture, à partir de cette décision du Conseil des ministres d'avril 1994, était dès lors responsable de l'application de plusieurs articles, dont l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement, du Règlement sur les eaux embouteillées, de l'article 19 du Règlement sur l'eau potable, de l'article 2 du Règlement sur la salubrité dans les endroits publics et des articles 25, 26, 119 à 121 de la Loi sur la qualité de l'environnement, et avait les pouvoirs du ministre de l'Environnement dans ce domaine.

Alors, aujourd'hui, le projet de loi qu'on a devant nous, M. le Président, nous arrive deux ans et demi plus tard et concrétise ce transfert de la responsabilité législative. Et bien sûr que, dorénavant, l'eau et la glace commerciales seront soumises à la Loi sur les produits agricoles, comme je l'ai mentionné plus tôt. Et la glace mise gratuitement à la disposition du public et l'eau embouteillée dans des fontaines publiques seront aussi assujetties à cette loi. C'est important de le préciser parce que, pour les gens qui nous écoutent, ça implique beaucoup de choses dont on ne peut nécessairement reconnaître la portée jusqu'à maintenant.

De nouveaux permis seront également prévus, M. le Président, pour l'embouteillage de l'eau, la fabrication et l'emballage de la glace. De nouvelles normes pourront être édictées pour tout produit quant à la qualité et à la composition des eaux et de la glace. Le gouvernement pourra établir des classes, catégories, dénominations, qualificatifs ou désignations et statuer sur leur forme, la qualité et la constance. C'est selon l'article 9.

À noter que le ministre de l'Environnement et de la Faune conserve la responsabilité de l'application du Règlement sur le captage des eaux souterraines et voit toujours à la protection des sources d'approvisionnement, M. le Président. Et, si on se rappelle un autre débat qu'on a ces temps-ci en cette Chambre et sur la place publique, il devra être très vigilant effectivement sur les sources d'eau potable parce que la population le demande et que les agriculteurs attendent effectivement une réglementation applicable et acceptable pour la population dans ce sens. On attend toujours, après plusieurs mois d'attente.

Alors, ce projet de loi, M. le Président, prévoit de nouvelles infractions et amendes. Des modifications de concordance, bien sûr, dues notamment au nouveau Code civil du Québec, y sont prévues ainsi que des dispositions transitoires. Alors, en tant que commentaire, on peut vraiment dire que ce projet de loi complète le transfert de responsabilités au ministre de l'Agriculture et précise son implication quant aux eaux embouteillées et à la glace. Et, pour nous de l'opposition, il nous semble logique que le ministre responsable de la conformité des aliments aux normes de salubrité s'occupe par ailleurs de l'eau embouteillée et de la glace que l'on consomme.

Alors, dans ce sens-là, M. le Président, il est certain que nous appuyons le principe de ce projet de loi, et je pense qu'en commission parlementaire on va travailler dans le sens de le bonifier si possible pour qu'il puisse être applicable réellement dans le champ ou partout à travers le Québec. Il est certain qu'on aura sûrement des questions à poser au ministre, et une question à laquelle j'aimerais avoir une réponse, c'est quand on regarde la glace qui est utilisée en vrac, par exemple, par l'industrie des pêches au Québec. On sait que, pour la conservation du poisson, on utilise beaucoup de glace. Est-ce qu'à ce moment-là le ministre a prévu... Est-ce que ça devient partie intégrante de sa responsabilité ou si ça demeure responsabilité du ministre de l'Environnement? Si ça devient sa responsabilité, est-ce qu'on a prévu... Parce que c'est quand même des amas de glace assez importants qui sont utilisés par toute l'industrie des pêches au Québec, et on sait comment c'est important pour le transport du poisson en tant que tel.

Alors, c'est certain que, là-dessus, on aimerait que le ministre donne des clarifications. C'est important, bien sûr, pour la Gaspésie, et je vois ici le député de Gaspé qui doit écouter attentivement. C'est important, pour les entreprises de la Gaspésie, de la Côte-Nord et des Îles-de-la-Madeleine, d'avoir une réponse en ce sens. Est-ce qu'elles auront à suivre une nouvelle réglementation? Est-ce qu'elles auront à obtenir de nouveaux permis? Il est certain qu'on devra leur répondre ainsi qu'à toutes les autres personnes qui sont impliquées dans ce dossier.

(16 heures)

Alors, maintenant, il est certain qu'on a délivrance de nouveaux permis. Alors, on pense, c'est bien sûr, qu'il y a un revenu supplémentaire pour l'État. Il y aura un coût administratif nécessaire; il y aura des gens qui devront suivre ce dossier-là de près. Et, dans ce sens, on apprécierait, si ce n'est pas dans la réplique du ministre, à tout le moins en commission parlementaire, avoir des informations là-dessus. Quels sont les impacts concrets de ce transfert pour les citoyens, pour les détaillants, pour les distributeurs? Est-ce qu'on maintient ce qui est là maintenant ou est-ce qu'on va charger de nouveaux permis? Alors, on ignore le coût et on aimerait avoir des informations additionnelles là-dessus, parce que, si une loi est pour être passée, elle doit être efficace, être applicable. Alors, on aimerait avoir des informations là-dessus.

Pendant le Sommet de la semaine dernière, M. le Président, le premier ministre a pris des engagements tout à fait personnels quant à la déréglementation. Il a même dit, si ma mémoire est fidèle, qu'il aurait les gens de la déréglementation assis au «bunker» avec lui et qu'il s'assurerait lui-même qu'un exercice de déréglementation soit mis en vigueur et qu'on fasse le ménage dans les règlements tels que connus dans le moment et vécus au Québec par les entreprises de tous secteurs d'activité, incluant bien sûr l'agroalimentaire. Alors, dans ce sens, on parle de nouveaux règlements, dans le projet de loi qu'on a devant nous, sur des catégories, des dénominations, des qualificatifs, des désignations de produits alimentaires, ce qui veut dire qu'on vient ajouter des règlements supplémentaires à ceux déjà existants.

Quel est cet impact? Est-ce que le ministre de l'Agriculture va se faire cogner sur l'épaule par son premier ministre disant: C'est des règlements supplémentaires, et j'ai donné ma parole au Sommet de Montréal que ça ne serait pas ça du tout et que ça serait modifié et amélioré, tout ce système-là de réglementation? Est-ce que le ministre a vérifié avec ses fonctionnaires s'il répondait aux commandes du premier ministre dans ce sens et aux commandes, bien sûr, je pense, de toute l'industrie agroalimentaire et de l'industrie qui était présente au sommet économique de Montréal?

Alors, dans ce sens-là, il est certain qu'on va en poser, des questions, M. le Président, parce que autant c'est important pour le premier ministre, autant c'est important pour nous, puisqu'il y a des rapports qui ont été faits dans le passé qui devaient nous amener justement à du ménage réglementaire, et l'arrivée de l'autre gouvernement, du gouvernement du Parti québécois, devait nous apporter d'autres façons de faire les choses. Alors, le ménage qui a été commencé...

Et j'ai entendu une question du député de Shefford il y a quelques semaines. Il nous disait que vraiment ça s'empile depuis l'arrivée du nouveau gouvernement. Ça fait plus de deux ans qu'il est là. Alors, dans le secteur agroalimentaire, c'est certain que ma question va être fort pertinente, parce que, d'une part, c'est vrai qu'on doit s'occuper de salubrité, mais on doit aussi être efficace. Et être efficace, c'est quoi exactement? Alors, dans la réglementation, est-ce qu'on a des coûts additionnels? Est-ce qu'on a des permis additionnels? Est-ce qu'on a du personnel additionnel? Comment ça va fonctionner? On en profite pour faire un peu de ménage et rendre le système plus efficace ou on ne fait qu'ajouter. Dans ce sens-là, M. le Président, j'espère qu'on aura des réponses du ministre le plus précises possible. Si on peut voir les règlements en commission parlementaire, je pense que ce serait de bon aloi. Et, comme la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation travaille en excellente collaboration justement dans le respect de l'agroalimentaire partout à travers le Québec, je suis persuadée qu'on fera un travail productif dans le sens de la meilleure efficacité possible.

M. le Président, je termine là-dessus en disant: Nous sommes d'accord avec le principe de ce projet de loi, nous allons l'étudier avec beaucoup de sérieux en commission parlementaire. Si le ministre a les réponses rapidement, ça ne sera pas long, ça pourrait être en vigueur assez rapidement. Nous allons attendre ses réponses là-dessus. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député, je vous cède la parole.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. Quelques mots. C'est effectivement un projet de loi qui recoupe le ministère de l'Agriculture et le ministère de l'Environnement. C'est toujours heureux de voir ces deux ministres-là assis l'un à côté de l'autre et sembler se parler. En tout cas, comme je l'ai déjà dit, ça fait un beau petit couple quand on les voit là ensemble.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: Ça fait un beau petit couple, parce que, dans la vraie vie, ce n'est pas ça qui se passe, M. le Président, c'est la chicane depuis des mois. Il faut lire La Terre de chez nous quotidiennement, pour ne pas dire à toutes les semaines, pour s'apercevoir comment ces gens-là n'ont pas été capables, depuis deux ans tout au moins, de se comprendre, de se parler. C'est à couteaux tirés, c'est la chicane. Quand ce n'est pas une gang qui essaie de faire monter 10 000 agriculteurs ici avec leur camion de purin, c'est l'autre gang. Alors, c'est la chicane constamment, et vous comprendrez que, quand je les vois tous les deux avec leur grand sourire, de l'autre bord de la Chambre, assis ensemble, ça me réjouit. Je me dis: Mon Dieu! serions-nous près de la vérité? J'en doute fort, M. le Président, j'en doute très fort. Pour avoir assisté à deux colloques d'environnement dans les deux dernières semaines dans mon coin de pays, je vous garantis que c'est loin de faire l'unanimité. À cet égard, je parlerai du bill 52, bien sûr, tantôt.

Peut-être le dernier communiqué qu'on vient d'avoir, qui regroupe ces deux ministères-là... On a reçu ça sur nos fax il y a quelques heures: L'UPA bousille la concertation. Bien sûr que c'est écrit par les environnementalistes. D'abord, je vous dirai qu'on se gargarisait sur le Sommet tantôt, le premier ministre et compagnie. Alors, eux, les gens de l'UQCN... Ça, M. le Président, l'UQCN, c'est le regroupement de tout ce qu'il y a de groupes d'environnement au Québec qui gardent un oeil sur le ministre. Au début, ils avaient confiance en le ministre, puis là ils ont de moins en moins confiance. Et, de plus en plus, ils sont en conférence de presse et, de plus en plus, ils ont des membres. Ils ont 126 membres associés plus des individus. Et là ça va de conférence de presse en conférence de presse, et là tu sens que, le ministre, ils n'ont plus confiance. Ils n'ont pas confiance en le ministre, qui n'a pas été capable de convaincre le Conseil des ministres, puis, de moins en moins, ils ont confiance au premier ministre, qui est un ancien ministre de l'Environnement, pour les défendre, M. le Président.

Alors, je vous lis un petit bout de ce passage-là. On y dit: «Les groupes environnementaux présents en marge du Sommet, mais exclus des délibérations.» J'avais demandé au ministre. J'avais été voir le ministre quelques jours avant le Sommet et je lui avais dit: Assurez-vous que, alentour de cette table où tout le monde sera assis, les groupes d'environnement pourront être assis. Bien, ils les ont assis dans le poulailler en arrière, et puis on les a vus se promener dans les corridors, puis, si on était chanceux, on pouvait manger avec eux dans le restaurant en bas. Mais ces environnementalistes, ces gens qui ont écrit un programme en environnement il y a deux ans, qui promettaient à peu près n'importe quoi, bien, ces gens-là n'ont pas eu la décence, la dignité, l'honnêteté, la gentillesse, la délicatesse de les asseoir alentour de la table. Non, on n'a pas voulu les mettre là, et c'est une honte pour ce gouvernement d'avoir refusé aux groupes d'environnement d'être assis là. Et ça, c'était la première phrase, ces groupes d'environnement qui déplorent l'action du gouvernement et qu'on les ait exclus du sommet socioéconomique.

Mais, un peu plus loin, on y verra que Mme Villeneuve, présidente du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec, elle aussi... Et là c'est un organisme que le ministre vient de décider de financer. Pas de problème avec ça. Les CRE, nous autres, M. le Président, on pense que, sur le terrain, ils font leur job. Comme je le dis souvent, les conseillers au ministre, il y en a de plus en plus, hein? Il y en a de plus en plus. Je ne sais pas s'il va avoir du temps pour travailler après avoir écouté tout ce monde-là. Mais là c'est la nouvelle présidente, parce qu'on sait que l'ex-président des CRE, qui était un bon bonhomme, qui a travaillé fort, un gars de conviction... C'est lui qui avait amené le débat, d'ailleurs, sur l'importation des déchets venant des États-Unis. Alors, on l'avait nommé président provincial des CRE. Le ministre va nous dire: Non, non, ce n'est pas moi qui l'ai nommé. Mais, dans la vraie vie, si jamais le ministre veut s'asseoir avec moi, je lui expliquerai comment ça s'est passé, cette nomination-là dans notre coin et à travers les CRE: ça a été une nomination politique. Bon. On va dire les choses comme elles sont.

Et puis là, quand est arrivée la saga du Saguenay, où j'étais en fin de semaine – je suis allé voir ça – eh bien, le président provincial n'était pas d'accord. Le président provincial des CRE, M. Pierre Morency, n'était pas d'accord avec ce que le ministre essayait de faire là-bas, et je dois dire qu'il y a des choses, là-bas, avec lesquelles on n'a pas à être d'accord. On n'a pas à être d'accord avec tout ce qui se passe au Saguenay en ce moment. Pour y avoir passé les journées de samedi et de dimanche, pour avoir visité la région dans son ensemble, j'ai vu pas mal de choses sur lesquelles je pense qu'on devrait se questionner avant de refaire.

Alors, le président provincial des CRE avait démissionné, et, dans le communiqué de presse, on s'aperçoit que la nouvelle présidente, Mme Claudette Villeneuve, qui est une dame du Bas-du-Fleuve qui a ses lettres de noblesse en environnement, elle aussi, elle dit au ministre que c'est malheureux, finalement, de ne pas avoir eu une place alentour de cette table-là au moment du Sommet. Alors qu'on dit qu'on va créer 1 600 jobs en environnement – et, sur ça, on pourra poser les questions au ministre éventuellement – ces gens-là n'étaient pas assis alentour de la table.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre, vous avez une question?

M. Julien: C'est une question de pertinence. Je m'aperçois que ça lui prend grand de glace pour patiner. J'aimerais ça qu'il revienne un petit peu au projet de loi: eau et glace, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député d'Orford, vous connaissez le projet de loi et le sujet du projet de loi. Je vous inviterais à l'aborder le plus rapidement possible. Merci.

(16 h 10)

M. Benoit: Oui. Alors, pour revenir au projet de loi, ce que ces gens-là disent ici, c'est: «Tout comme le milieu municipal et de la santé, les groupes environnementaux expriment aujourd'hui leur indignation devant l'abdication du gouvernement – l'AQCN qui dit ça du gouvernement – devant ses responsabilités en matière de contrôle de la pollution d'origine agricole», M. le Président. Ici, on parle de nappe phréatique dans ce projet de loi là. Alors, je pense que ces gens-là... Et ce que je disais au préalable, il y a un lien direct entre ce que l'UQCN, ce grand organisme d'environnement, dit et ce constat qu'ils font très sévère à l'égard du gouvernement.

M. le Président, dans ce projet de loi, je me demande si on n'est pas après rire du monde. On nous parle des bornes-fontaines à Montréal ou des fontaines où les gens peuvent aller s'abreuver. On nous parle de la glace, alors que j'ai des dossiers ça d'épais, ici, de nappes phréatiques au Québec qui sont polluées et que le gouvernement ne fait absolument rien. On est là qu'on nous parle des fontaines sur les coins de rue où on peut boire dans les parcs l'été. Qu'on règle le problème de la nappe phréatique que Laidlaw a causé, dont le ministre trouvait que la pénalité n'était pas assez grande et puis qu'on nous parle de ça, pas des projets de loi comme ça, M. le Président. Ça fait deux ans que ce gouvernement est en place. Tout ce qu'on a fait en environnement, ça a été des projets de loi d'un article, d'un article et demi, deux articles, il n'y a pas eu un projet de loi en profondeur.

Là, on est après nous parler des fontaines où le monde va boire, alors que les nappes phréatiques sont polluées. Voulez-vous que je les nomme? En Gaspésie, Laidlaw, et puis l'île d'Orléans, et puis on en a une série. C'est là-dessus qu'il faut légiférer. Des 200, des 300, des 400 maisons, en Gaspésie, je suis allé voir ça, moi. C'est épouvantable, ce qui se passe là-bas: 300 maisons qui n'ont plus d'eau potable. On n'est pas dans le tiers-monde, on est à Gaspé, dans la ville de Gaspé, juste à l'extérieur. Qu'est-ce que le ministre va faire avec ça? Il nous arrive avec un projet de loi pour réglementer la glace et les fontaines dans la ville de Montréal. Voyons donc, ça n'a pas d'allure, M. le Président!

En plus, c'est le double discours continuellement. En fin de semaine, ils nous ont parlé de déréglementation. Bien là au même moment où son chef nous disait qu'il déréglementait, le ministre de l'Environnement disait: Je mets ma tête sur le billot... On en a déjà entendu un autre dire ça au Québec, qu'il mettait sa tête sur le billot: on sait tous ce que ça a donné après. Il mettait sa tête sur le billot que la déréglementation, ça va se faire très bien. Bien, on l'attend dans la courbe, et les groupes d'environnement aussi l'attendent dans la courbe. Les permis...

Des voix: ...

M. Benoit: M. le Président, si ces gens-là veulent écouter le double discours, au même moment où le ministre de l'Environnement nous dit que, lui, il n'est pas trop sûr qu'il veut déréglementer, son premier ministre nous dit qu'il veut réglementer, bien là, c'est un projet de loi où on réglemente. Et puis ça, c'est la social-démocratie à son meilleur. Tu dis deux affaires et tu fais la troisième: un qui dit qu'il va déréglementer, l'autre qui dit qu'il aimerait ça réglementer et le troisième qui est après réglementer. C'est ça qui se passe avec ce projet de loi là.

Des nouveaux permis. Le ministre nous a dit: Je n'ai plus d'argent, les inspecteurs, je vais enlever ça de là; les permis, je vais vous enlever ça de là aussi. Bien là, dans le projet de loi n° 52 – on va poser des questions au ministre, bien sûr – il y aurait des nouveaux permis. On «est-u» après déréglementer ou on «est-u» après réglementer, M. le Président? Imaginez-vous, nous autres qui connaissons ça un peu, on est mélangés là-dedans. Imaginez-vous le citoyen qui nous écoute, qui vient d'arriver de sa job, cet après-midi, qui a travaillé toute la journée et qui a écouté ces deux ministres-là qui se tiennent par la main soudainement, qui se chicanent constamment depuis des mois et des mois et des années, qui se chicanent particulièrement sur la production porcine, à la grandeur du Québec...

En passant, les deux frères qui se chicanaient, dans le bout de Grand-Mère – je veux le dire au ministre – celui qui a gagné à l'élection municipale, c'est celui qui est contre la production porcine. Et le député Jolivet, il serait mieux de regarder ça. À chaque fois que je suis intervenu ici, j'ai dit au député: Attention, il y a un problème là-bas. Bien là, le problème, c'est que c'est celui qui est contre la production porcine qui a gagné l'élection, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député d'Orford.

M. Bélanger: M. le Président, si vous voulez me permettre d'intervenir – ça pourrait peut-être permettre au député de prendre une bouffée d'air frais un peu – je voudrais simplement lui rappeler que, quand on désigne un parlementaire, on doit le désigner par son comté ou par son titre et non pas par son nom.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous vous êtes échappé, M. le député d'Orford. Je vous inviterais à être prudent.

M. Benoit: Je reviens au projet de loi n° 52, M. le Président. Le ministre, à un moment donné, on l'a interpellé, on lui a dit: Vous êtes après mettre la chicane entre les agriculteurs, entre les maires, entre les préfets – je lui ai donné plein d'exemples, je lui ai dit – entre les familles. Alors, quelque part sur le long de la Mauricie, la chicane était prise dans une même famille. Deux frères ont décidé d'aller en élection, l'un contre l'autre, comme maire. Je veux annoncer au ministre aujourd'hui, s'il pense qu'il n'y en a pas de problème avec la production porcine, s'il pense qu'il peut nous convoquer le 10 octobre, nous convoquer en juillet et nous reconvoquer en octobre et nous dire que ça va être en novembre, alors qu'il dit aux groupes: C'est au mois de mars que je vais vous régler ça, les gars, bien, je tiens à lui dire que, les deux maires, là-bas, c'est celui qui est contre la production porcine qui a gagné. Et, s'il pense qu'il n'y a pas de problème, bien, il serait mieux d'aller y faire un tour. J'y vais dans deux semaines, dans ce coin-là.

Moi, le ministre doit être heureux, je lui annonce toujours mes voyages deux semaines à l'avance. Je suis allé au Saguenay voir ce qui se passait. Là, je vais aller à Grand-Mère dans deux semaines puis je vais aller rencontrer ces gens-là. C'est ces mêmes gens qui ont fait des vigiles pendant sept jours et sept nuits pour essayer de faire comprendre au ministre d'arrêter la folie sur la production porcine. Pas tout le monde, les pollueurs. Il nous a parlé d'une table de concertation, il nous a parlé d'une table ronde: on est rendu avec une table à café, M. le Président. Il n'y a plus personne qui se parle. Quand je les vois, tous les deux assis ensemble, qui rient en ce moment, ils seraient pas mal mieux de se parler que de rire.

Il y a un sérieux problème au Québec, sérieux problème en production porcine, puis ils ne veulent pas le reconnaître. Ils ne veulent pas le reconnaître. D'autre part, attention! il y a de l'argent dans la production porcine. Il y a 3 000 000 000 $ par année, il y a des jobs. Il y a 2 700 jobs là-dedans, et, nous, on va la défendre, la production porcine, mais pas à n'importe quel coût.

Il y a toutes sortes de façons aussi de régler la production porcine: Gaz Métropolitain, le lisier solide. Il y en a plein, de façons. Mais, si c'est l'inaction, on ne réglera rien, M. le Président. Si c'est des projets de loi... On est après essayer de réglementer l'eau dans les bornes-fontaines de Montréal alors qu'il y a des problèmes immenses dans les nappes phréatiques. Je ne le sais pas, mais je ne pense pas que ce soit sérieux. On dit d'un côté qu'on va déréglementer, alors que l'autre est après réglementer: on ne comprend plus rien, M. le Président.

Les groupes d'environnement qui avaient confiance dans ce gouvernement-là, qui avaient confiance à cause d'un programme électoral, s'aperçoivent jour après jour que c'était de la foutaise, ce programme électoral là. C'était de la foutaise, M. le Président. Jour après jour, les pages tombent l'une après l'autre pour s'apercevoir que ce qu'on avait promis au moment de l'élection, on ne le tient pas. Ce qu'on va tenir, par exemple, c'est des règlements, c'est des permis, c'est de la «structurite» comme les partis sociaux-démocrates à travers le monde le font si bien, constamment.

M. le Président, on va être en commission parlementaire, on va poser des questions, mais je vous dis tout de suite qu'on devient de moins en moins patient avec des gens qui se disent, d'un côté, environnementalistes et qui, de l'autre côté, font exactement le contraire. Et, plus je côtoie les groupes d'environnement, les deux... les trois groupes, finalement, en deux semaines auxquelles j'ai eu l'occasion... les gens de bords de lac, les gens de bassins versants, les gens du Saguenay en fin de semaine, ça commence à déchanter allégrement sur le terrain, M. le Président. Parce que ces gens-là ont fait des grands discours. Ils ont fait des grands programmes, ils ont écrit sur bien du papier, mais, dans la vraie vie, ce n'est pas ça qui se passe en ce moment. Ils se sentent complètement «flushés» en ce moment par ce gouvernement, ce gouvernement qui se chicane au sujet de l'environnement, ce gouvernement qui se chicane au sujet de l'agriculture.

M. le Président, on sera en commission parlementaire et on aura une multitude de questions à poser sur le projet de loi n° 52.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Y a-t-il d'autres interventions? Alors, M. le ministre, est-ce que vous exercez votre droit de réplique? M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Guy Julien (réplique)

M. Julien: Quelques commentaires, M. le Président. J'écoutais mon collègue le député d'Orford. Je me demandais si on parlait de la loi n° 52 ou bien donc de la loi n° 23, parce qu'il avait l'air de mêler les deux.

D'abord, j'aimerais quand même apporter quelques corrections à mon collègue. En passant, c'est 2 800 000 000 $, c'est 33 000 jobs – hein, ce n'est pas 2 000 jobs – puis c'est 350 000 000 $ à l'exportation. Non, mais je pense que c'est important parce que, quand vous dites qu'on ne s'entend pas, au contraire, je pense que, les deux collègues ici, ce qu'on cherche, c'est d'arriver à un développement durable qui va permettre un développement d'une économie qui va créer des emplois, mais qui va faire aussi en sorte que l'environnement soit protégé. C'est dans ce sens-là qu'on travaille actuellement.

L'autre élément que j'aimerais rapporter, c'est concernant la réglementation. Je pense qu'il faut retenir que l'eau, par la loi, va devenir un aliment, va être assimilée à un aliment, donc la réglementation déjà existante va s'appliquer dans le cas de la gestion de l'eau. Les permis, ce n'est pas des nouveaux, ils sont déjà là, ils existent déjà. On ne crée pas de nouveaux types d'institutions ou de nouveaux permis. Ça m'apparaît important.

Puis peut-être un autre élément à mon collègue d'Orford aussi. C'est qu'un projet de loi, maintenant, lorsqu'il est discuté au Conseil des ministres, il faut qu'il ait passé par le biais du comité de la déréglementation pour éviter justement qu'il y ait une exagération. Cependant, il faudra tenir compte que, lorsqu'on parle de l'alimentation, comme ma collègue de Kamouraska d'ailleurs l'a bien dit, on parle de salubrité, on parle d'hygiène, d'innocuité. C'est important qu'au Québec on protège comme il faut les citoyens, et ça, je pense que c'est notre devoir, comme gouvernement, de le faire, et là-dessus on répond très bien à notre mandat.

Je veux aussi remercier beaucoup l'opposition, c'est-à-dire ma collègue de Kamouraska, pour l'appui qu'elle va apporter à ce projet-là. Je pense que le fait qu'on va concentrer maintenant toute la question de l'eau à travers le ministère de l'Agriculture va réduire les délais, va faciliter la transformation, va faciliter une économie, parce que l'eau, il ne faut pas juste la voir comme une unité de consommation, il faut la voir aussi comme un impact économique, et j'y reviendrai en comité parlementaire pour expliquer un peu plus l'impact de ce que ça veut dire.

Pour l'instant, M. le Président, je vous dirais que c'est un peu mes remarques préliminaires. Il va y avoir la commission parlementaire demain, on va répondre aux différentes questions que ma collègue de Kamouraska m'a posées et faire en sorte que le projet de loi soit adopté le plus rapidement possible, parce que je pense que l'opposition a compris que, même si dans le temps elle avait fait ça par décret, aujourd'hui elle doit avoir hâte qu'on fasse le projet de loi, qu'on règle la loi pour être facilitant auprès des gens à travers le Québec. Je vous remercie, M. le Président.

(16 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


Mise aux voix

Je vais mettre aux voix l'adoption du principe du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Le principe de ce projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, demain, le mercredi 6 novembre 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Article 12 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 53


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 12, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 53, Loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Guy Julien

M. Julien: Merci, M. le Président. Le projet de loi sur les appellations réservées que je présente aujourd'hui porte essentiellement sur la reconnaissance des appellations qui sont attribuées à des produits agricoles et alimentaires à titre d'attestation de leur mode de production, de leur région d'origine et de leur spécificité. Il prévoit notamment la certification de ces produits d'appellation, l'accréditation des organismes de certification de ces produits et la réservation de l'utilisation de ces appellations aux membres de ces organismes. Il s'inscrit tout à fait dans les courants modernes de responsabilisation du secteur privé, de l'allégement de l'intervention de l'État et du rôle d'accompagnateur qu'on attend de celui-ci.

De façon régulière, M. le Président, les intervenants du monde agricole sentent le besoin de se réunir pour analyser le chemin parcouru et définir des objectifs et des orientations pour les années subséquentes. Les orientations retenues lors du Sommet sur l'agriculture québécoise tenu à Trois-Rivières en juin 1992 ont donné à ce jour des résultats très intéressants en termes de concertation, notamment la création de tables filières, en particulier celle de l'agriculture biologique. Ces tables filières sont des forums où chacun des représentants des différents maillons de la chaîne alimentaire peut faire valoir sa position et où on tend vers un consensus sur les moyens à prendre pour favoriser le développement de son secteur et sur les recommandations à faire aux pouvoirs publics quant à leur rôle d'accompagnateur. La table filière biologique a, depuis sa création, proposé un plan d'orientation stratégique. Un des volets de ce plan porte sur la structuration de la certification et la création d'un lien entre le secteur de l'agriculture biologique et le gouvernement afin de protéger l'appellation «biologique».

Parallèlement aux efforts québécois de concertation, les initiatives d'harmonisation des normes et de réduction des barrières entre les provinces, le traité de libre-échange, les nouvelles orientations de l'Organisation mondiale du commerce en ce qui regarde la circulation des biens de traitement national nous obligent à élargir notre vision et notre champ d'action. Bien que nous visions d'abord la crédibilité de nos produits sur notre marché, nous devons penser en termes de conquête des marchés tout en nous assurant que nous ne soumettons pas nos producteurs et consommateurs à la concurrence indue de produits importés bas de gamme.

Les dispositions de l'OMC obligent les pays signataires de l'accord à protéger la propriété intellectuelle. Au sens de la loi que je propose, on peut considérer les appellations comme une propriété des organismes qui les utilisent, et elles peuvent à cette fin bénéficier d'une protection. Nous n'avons pas, comme nos cousins Français, mis en place depuis des décennies des outils de protection des appellations. Notre environnement faisait en sorte que nous n'en voyions pas la nécessité. Force est de reconnaître que la protection des appellations de même que de toutes les particularités notables à des aliments fait aujourd'hui la fierté des communautés qui les soutiennent.

Le projet de loi que je propose maintenant s'inscrit dans une approche nouvelle en agroalimentaire, approche axée sur la qualité. Il convie le secteur privé à assumer l'ensemble des responsabilités, dont certaines ont été, jusqu'à maintenant, considérées comme une prérogative de l'État. Il s'inscrit dans ces approches qualité qui permettent aux opérateurs qui s'en donnent les moyens de faire ressortir leurs produits parmi des produits de même catégorie. Il s'inscrit aussi, par les critères de réservation qu'il prévoit, dans le sillon des dispositions de l'OMC et des ententes commerciales en utilisant des outils reconnus internationalement. Il s'inscrit enfin dans les politiques de responsabilisation des intervenants mises de l'avant par le gouvernement.

Pour un certain nombre de personnes et même pour la plupart des gens qui n'ont pas côtoyé les systèmes de certification, la notion d'appellation est floue. Une appellation est l'identification d'un produit qui, par ses caractéristiques particulières ou son mode de production, se distingue des autres produits de même catégorie. Bien que l'application de ces concepts soit nouvelle chez nous, elle est bien établie dans d'autres pays.

Les appellations se répartissent en trois types. Premier type: celles qui sont tirées des régions de production. Ce sont des appellations d'origine et des indications géographiques protégées. Les produits agricoles et les aliments qui portent une appellation d'origine proviennent de ce lieu ou de cette région où ils ont leurs racines, et leur qualité ou leur caractère sont dus essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant des facteurs naturels et humains. La production, l'élaboration et la transformation de ces produits ont lieu dans l'aire géographique déterminée. Citons comme exemple le camembert de Normandie. Le camembert est un type de fromage que l'on peut fabriquer partout. Par contre, le camembert de Normandie doit être fabriqué en Normandie, selon des méthodes de transformation propres à la Normandie, à partir de lait provenant de vaches de race laitière élevées en Normandie et alimentées à la façon normande de grain et de fourrage produits en Normandie. L'ensemble de ces facteurs naturels et humains donne un produit dont les saveurs sont caractéristiques du savoir-faire de la Normandie. La certification de l'ensemble de ces facteurs par un organisme de certification accrédité permet au public consommateur de se fier à l'étiquette qui identifie ce camembert.

Deuxième type: celles qui sont tirées de la spécificité. Ce sont les attestations de spécificité, d'usage plus récent. La spécificité, c'est l'élément ou l'ensemble d'éléments par lesquels un produit agricole ou un aliment se distingue nettement d'autres produits ou denrées similaires appartenant à la même catégorie. La spécificité d'un produit ne peut se limiter à la présentation de ce produit, à une composition qualitative ou quantitative, à un procédé ou à un mode de production défini par règlement, par exemple pasteurisation ou autre. Cette spécificité n'est pas nécessairement propre à une région non plus. Citons comme exemple l'agneau de présalé qui pourrait caractériser une viande à saveur particulière des ovins qui auraient brouté sur les battures qui, à marée haute, sont submergées par l'eau salée.

Troisième type: celles qui sont tirées du mode de production. C'est l'agriculture biologique telle que nous la connaissons. Elle est axée sur la protection et la conservation des ressources, sur l'utilisation de méthodes de production douces pour l'environnement et sur l'exclusion d'engrais et de pesticides de synthèse. J'aimerais que mon collègue d'Orford entende ça. C'est de valeur qu'il ait quitté. Je m'excuse, on ne doit pas dire ca, mais... Je m'excuse, ma collègue. Les producteurs doivent avant tout intéresser les consommateurs à leur production afin que ceux-ci reconnaissent la valeur particulière des produits d'appellation.

(16 h 30)

Les produits visés. Le projet de loi sur les appellations réservées touche d'abord les produits de l'activité agricole et alimentaire. Ce sont d'abord les produits de la ferme, qu'ils soient des aliments ou des produits d'utilisation comme les fibres textiles biologiques. Ce sont aussi les aliments ou autres produits de la ferme qui portent une valeur ajoutée soit par l'élaboration ou la transformation. Ce projet permettra aux opérateurs qui mettent sur le marché ces produits spécifiques, différents par leurs caractéristiques des produits de même catégorie, de bénéficier d'une protection de l'appellation qu'ils donnent à ces produits.

M. le Président, j'ai fait référence plus tôt à la responsabilisation des intervenants. La responsabilisation est la pierre d'assise de l'outil que je propose. Je réserverai l'exclusivité de l'utilisation de l'appellation aux groupes qui auront démontré leur capacité de s'autoréglementer et, bien sûr, d'autofinancer leurs opérations. Si un groupe d'opérateurs supporte une appellation, il lui revient de la définir selon des principes et des critères reconnus internationalement.

Les critères de fonctionnement du système de certification des appellations et d'accréditation des organismes de certification ont été précisés par l'Organisation internationale de normalisation, que l'on connaît souvent sous le terme ISO. Quant aux critères servant à déterminer les appellations touchant l'origine et les spécificités comme telles, ils sont définis, comme ils en sont originaires, dans les normes communautaires de la Communauté économique européenne.

En ce qui regarde le mode de production biologique, les normes internationales seront complétées incessamment. Ces normes seront élaborées par des organisations internationales formées de représentants d'organisations privées et publiques de nombreux pays intéressés par les systèmes de qualité. Les guides et les normes qu'elles produisent sont d'application volontaire mais peuvent aussi être invoqués par des pays en cas de litige. Ces principes mêmes et critères peuvent s'appliquer à n'importe quel domaine et même à la gestion.

M. le Président, la certification, c'est l'aboutissement d'un processus qui comprend cinq étapes. La première étape consiste à identifier le produit dont la réputation est telle qu'il mérite de porter une appellation. La deuxième étape consiste à examiner et à analyser les façons de faire et à noter chacune des étapes de la fabrication en y incluant tous les détails qui peuvent avoir une incidence sur les caractéristiques du produit. La troisième étape consiste à consigner ces informations dans un document et à valider chacune d'elles. La quatrième étape consiste à produire l'aliment ou le produit agricole selon les indications fournies dans le document. Enfin, la cinquième étape consiste à faire confirmer par un agent indépendant que ce qui est fait est bien conforme à ce qui a été décrit dans le document.

Cette façon de faire nous amène aussi à rendre obligatoire le suivi du cheminement du produit. Cela signifie qu'il est possible à tout moment de retracer le produit de son lieu d'origine jusqu'à ce qu'on l'offre au consommateur. Pour vous donner une idée de l'importance de la «traçabilité» du produit, dans la crise, par exemple, de la vache folle en Europe, en France plus particulièrement, les seules viandes bovines dont la demande et les prix n'ont pas baissé sont les viandes certifiées biologiques, précisément à cause de la «traçabilité». On pouvait ainsi établir facilement l'origine et le cheminement des animaux vivants et abattus et garantir au consommateur la qualité des produits. Le projet de loi vise à établir un lien entre le gouvernement et la certification des appellations. Cela permettra aux opérateurs d'assurer leur crédibilité et de défendre leurs acquis contre ceux qui voudraient en profiter indûment.

M. le Président, je n'ai pas l'intention, comme ministre, d'engager des ressources importantes dans le suivi de ce mode d'opération. Bien que le ministre réserve les appellations au profit des producteurs, je demanderai à ces mêmes intervenants, auxquels se seront joints des représentants des clients et des utilisateurs, de former un conseil d'accréditation qui s'assurera que tous les organismes de certification désirant utiliser une appellation réservée respectent les critères que j'aurai fixés. C'est à ce conseil que je donnerai l'autorité d'accréditer les organismes de certification compétents et de permettre à leurs membres d'utiliser les appellations. Le ministre n'aura aucun rôle décisionnel dans l'accréditation et la certification. Il y aura cependant un observateur du ministre au conseil d'accréditation. Cet observateur pourra, si le fonctionnement de l'organisation, la crédibilité d'une appellation ou quelque autre aspect étaient en péril, recommander au ministre d'annuler la reconnaissance d'une appellation ou même de retirer l'autorité du conseil. Le lien qui cimente la relation entre le ministre et le conseil d'accréditation est un lien de confiance, comme celui qui devra s'établir entre le producteur et le consommateur.

M. le Président, durant les dernières décennies, les campagnes se sont vidées au profit des villes. De moins en moins de citadins chercheront à retrouver les saveurs du terroir puisqu'ils n'auront pas vécu d'expérience de la ferme ni connu les produits et les saveurs particulières aux régions. Il y aura de plus en plus de gens qui n'auront, avec l'agroalimentaire, que l'expérience des saveurs des produits offerts dans les magasins à grande surface, provenant en grande partie des usines alimentaires qui fournissent souvent des productions de masse au plus bas prix possible. Il ne s'agit pas de remettre en question évidemment les productions de masse ni la pertinence des magasins de grande surface, il s'agit plutôt de récupérer une tradition dont la mémoire s'efface rapidement, soit celle des saveurs régionales ou locales, ces saveurs qui appartenaient au milieu agricole. Elles étaient intimement liées au terroir, et on ne les retrouvait que dans certains coins de pays, principalement à cause des conditions environnementales et du savoir-faire des artisans qui pouvaient allier toutes les conditions donnant une saveur particulière.

Cette récupération est possible si les gens du milieu s'en donnent la peine. Vous aurez compris que mon projet ne vise pas à obliger tout le monde à passer par un canal particulier. Il sera cependant une bonne garantie de pérennité pour les régions qui voudront et qui pourront s'en prévaloir. Ce sera un outil de plus pour le développement régional, un attrait supplémentaire pour le tourisme, un mode de préservation de notre patrimoine culinaire et une base pour l'éveil aux saveurs et pour l'éducation des générations à venir.

Ce lien de confiance devra être garanti par une responsabilisation entière des gens engagés dans la production des produits agricoles et des aliments ainsi que dans la mise en oeuvre des systèmes de contrôle qui assureront le respect des cahiers de charges. C'est pour cette raison que je transfère l'entière responsabilité du système aux opérateurs de ce système. L'expérience nous prouve que, lorsque les gens doivent respecter une législation gouvernementale, ils ne font souvent que s'y conformer, jouant ainsi un rôle passif et laissant au gouvernement la charge de faire la preuve du non-respect de la loi. Le projet de loi que je dépose donne aux gens un rôle proactif les obligeant à faire la preuve de leur capacité à se conformer et à respecter un système avant de pouvoir en bénéficier. Ils devront aussi garder des registres pouvant assurer la «traçabilité» de leurs produits.

M. le Président, l'établissement d'un lien de confiance n'entraîne pas qu'un transfert de devoirs au conseil d'accréditation, il signifie aussi un transfert de pouvoirs. Ce conseil deviendra le gardien des appellations. Il aura le pouvoir de faire en sorte que les opérateurs non certifiés par un organisme de certification accrédité ne puissent utiliser indûment les appellations réservées. À cette fin, le projet de loi prévoit des amendes qui peuvent varier de 2 000 $ à 20 000 $ pour une première offense et de 4 000 $ à 60 000 $ pour une récidive. Le tribunal pourra ainsi tenir compte des préjudices en cause et des avantages tirés de l'infraction pour établir le montant de l'amende.

Le conseil pourra lui-même déposer une poursuite pénale dans le cas des infractions qu'il aura constatées et, lorsqu'il aura déposé lui-même la poursuite, l'amende imposée pour sanctionner l'infraction lui appartiendra après soustraction des frais habituellement requis par le ministère de la Justice pour ce genre de poursuite. Cette disposition n'aura pas comme résultat de faire du conseil une machine à poursuites, mais plutôt de responsabiliser entièrement ce secteur et de faire savoir aux opérateurs qui voudraient frauder que le ministre fait clairement confiance au conseil en ce qui a trait au respect des appellations réservées.

(16 h 40)

M. le Président, la demande initiale de ce lien législatif entre le gouvernement et les utilisateurs des appellations provient du milieu de l'agriculture biologique. Ce mode de production vise la protection des ressources, l'atteinte d'un équilibre entre l'agriculture et le maintien des écosystèmes, ainsi qu'une saine alimentation par les produits qui en sont issus. Bon nombre des producteurs biologiques font déjà partie de l'organisme de certification qui assure le respect d'un minimum de discipline parmi leurs membres. Bon nombre de producteurs et d'intermédiaires de marché sont aussi alléchés par la valeur ajoutée de l'appellation mais négligent de respecter les contraintes imposées par ce mode de production. Il s'ensuit que la crédibilité du mot «biologique» est affectée et que les consommateurs ont certaines difficultés à reconnaître les vrais produits biologiques des produits faussement désignés comme tels.

Le projet que je dépose vise donc à donner aux milieux concernés les pouvoirs de faire respecter ces acquis et aux consommateurs qui veulent se procurer des produits issus de ce mode de production d'avoir une plus grande confiance aux informations que véhiculent les emballages et la publicité entourant ce produit.

Qui pourrait bénéficier de la loi à son entrée en vigueur? Comme je l'ai mentionné plus tôt, le projet vise à donner une crédibilité aux produits portant des appellations réservées et nous permettra d'avoir des produits d'appellation qui s'ajouteront à ceux de l'agriculture biologique. Certains pays d'Europe ont conservé des liens qui lient leur origine au terroir et au savoir-faire local. Ces mêmes pays tentent maintenant de ranimer la production d'aliments ou de biens qui font ressortir ces caractéristiques.

Nous sommes conviés, si nous voulons maintenir les activités agricoles dans certaines régions et même leur redonner de la vigueur, à faire le même exercice. Mais encore faut-il procéder avec prudence. Chacun des outils contenus dans un coffre d'ouvrier a son usage propre. Il en va de même pour les outils de commercialisation. Une appellation appartient à une collectivité et doit être accessible à tous ceux et celles qui peuvent respecter les critères de l'appellation, et chacun des critères énoncés doit se retrouver dans chacun des produits. Si une entreprise produit un aliment particulier, la reconnaissance de ce produit se fait par l'identification de l'entreprise ou par une marque de commerce particulière.

Plusieurs entreprises croient détenir actuellement un produit d'appellation. Je n'ai l'intention de cautionner que les efforts collectifs qui ont valu aux opérateurs une réputation enviable sur les marchés. Ces opérateurs ont besoin de protection pour empêcher l'avilissement de leurs produits par la contrefaçon ou l'utilisation abusive de l'appellation qui caractérisent ces produits.

Même si la demande initiale provient du milieu de l'agriculture biologique, il n'est pas le seul intéressé. Un colloque international Québec-France a eu lieu dans la belle région de Charlevoix au printemps 1996. Il portait sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire régional, et plus particulièrement sur la protection d'origines et les garanties de qualité. Ces questionnements sur les relations étroites qui existent entre l'activité agricole, le tourisme et le développement régional amènent les régions à développer des outils de concertation telles les tables de concertation agroalimentaire et touristique. C'est le point de départ d'un long cheminement qui peut être très valorisant.

Nous avons consulté des régions qui étaient structurées au moment du développement du projet de loi. Toutes les réponses reçues ont été favorables au développement du projet de loi tel que présenté. Bien sûr, certains intervenants auraient préféré que je m'engage à leur place. Mon mandat se limitera à reconnaître et à réserver les appellations; le reste devra venir du milieu. Ceux qui sauront utiliser la crédibilité que je donnerai aux appellations qui identifieront leurs produits pourront sûrement soutenir une activité économique respectable dans leur région.

Le projet de loi modifie aussi la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. Cette modification était nécessaire aux fins de concordance des lois. Au moment de l'adoption de cette loi, la Régie n'avait pas envisagé qu'un jour nous aurions proposé d'encadrer les appellations. L'utilisation de ce terme, pour la chambre de coordination, ne rendait pas exactement compte du concept qui soutenait la loi. Nous avons dû faire une modification qui permettra d'éviter les conflits entre les deux lois mais qui n'enlève rien au pouvoir des chambres de coordination.

M. le Président, pour répondre aux demandes légitimes des milieux concernés, je demande l'adoption par cette Assemblée du principe du projet de loi sur les appellations réservées. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et également député de Trois-Rivières. Je cède maintenant la parole à la députée de Kamouraska-Témiscouata. Mme la députée.


Mme France Dionne

Mme Dionne: Merci, M. le Président. On passe, cet après-midi, deux projets de loi importants pour le développement de l'agriculture et de l'agroalimentaire au Québec. Tout à l'heure, on était sur le projet de loi n° 52, et là, maintenant, c'est le n° 53, qui s'intitule Loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. Ce qu'on en comprend – et je répéterai peut-être un peu les propos du ministre là-dessus – c'est que ce projet de loi a pour but de permettre au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de reconnaître et de réserver des appellations qui seront attribuées à des produits agroalimentaires afin de tester leur mode de production, la région où ils sont produits et leur spécificité. Par exemple, cela permettra au ministre de réserver l'appellation «production biologique» afin d'assurer au public la conformité d'un produit portant cette appellation. Alors, pour arriver à cette fin, il met en place de nouvelles structures, soit des conseils d'accréditation et des organismes de certification. Le ministre pourra aussi faire des règlements sur les normes pour la reconnaissance d'une appellation, la formation d'un conseil d'accréditation, les normes pour le référentiel, soit les conditions d'accréditation.

Alors, M. le Président, un conseil d'accréditation, tel que vu dans la loi, il y en aura un par appellation réservée, si on comprend bien. Il se doit, bien sûr, d'être représentatif du milieu visé et sera formé de trois comités chargés respectivement des normes, de la certification et de la surveillance. Alors, un conseil d'accréditation, pour bien comprendre le projet de loi, aura pour mission de faire des recommandations au ministre pour la reconnaissance d'une appellation réservée, de préparer le référentiel dont j'ai parlé tout à l'heure, d'étudier les demandes et d'accréditer les organismes de certification qui pourront utiliser une appellation réservée, d'en surveiller l'utilisation, d'exercer tout retour à l'encontre des personnes, de retirer une accréditation et de décider s'il doit imposer une contribution aux organismes. Alors, il y a beaucoup de travail au niveau de ce conseil d'accréditation.

L'organisme de certification, M. le Président, il sera formé de producteurs, de transformateurs, de distributeurs et de détaillants. Il aura pour mission de mener un programme de certification, de certifier les produits, de s'assurer que les membres respectent les normes, de voir au maintien de la représentativité de tous les intérêts et de fournir à ses membres un support technique et professionnel. Ce qu'on comprend également, c'est que les membres paieront une contribution afin de couvrir les frais d'exploitation de l'organisme de certification.

M. le Président, le principe des appellations réservées est bon en soi. Que l'on pense simplement à ce que ça représente pour le vin dans le moment et ce qu'on en connaît ici, au Québec. Ces appellations réservées seront sûrement un bon outil de développement pour la promotion de l'industrie agroalimentaire. Ces appellations pourront devenir un gage de qualité et une assurance supplémentaire pour le consommateur québécois et le consommateur, aussi, qui est à l'étranger, puisqu'on fait de plus en plus d'exportation.

Quant aux pouvoirs du ministre, M. le Président, j'aimerais dire qu'on a des doutes à l'effet que ce soit le ministre – et il faudra qu'il nous explique ça – qui ait le pouvoir de réserver les appellations et de faire les règlements plutôt que le gouvernement. Ce n'est pas souvent que c'est comme ça. Alors, il faudra que le ministre nous explique pourquoi c'est comme ça dans ce projet de loi, parce que, dans un sens, il nous semble que le ministre est le seul maître afin de déterminer les régions de production. Il faudra aller à fond là-dedans parce que, sur cet aspect-là, ce n'est pas tellement clair.

Bien que, comme je l'ai dit, on soit d'accord, qu'on trouve que c'est un bon principe, les appellations réservées, qu'il faut aller dans ce sens-là, on se rend compte que le ministre crée de nouvelles structures, et est-ce que c'est essentiel pour rendre le but et le principe qu'on souhaite? On n'en est pas certain. Tout à l'heure, le ministre a fait référence à la Régie des marchés, et on sait fort bien que, à la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, il y a à l'article 5 de sa loi, un article qui se lit comme suit: «Favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des produits agricoles et alimentaires, le développement des relations harmonieuses entre les différents intervenants, le règlement de litiges qui surviennent dans le cadre de la production et de la mise en marché de ces produits en tenant compte des intérêts des consommateurs et de la protection de l'intérêt public.» Alors, M. le Président, quand on lit ça et qu'on regarde le projet de loi en tant que tel, le ministre l'a souligné tout à l'heure, bon, il dit: Il n'y aura pas de duplication, là, on va s'entendre, entre ces nouveaux organismes-là et la Régie de marchés. Entre effectivement s'entendre en principe sur un projet de loi et s'entendre dans le champ, il y a peut-être matière à examiner tout ça, et on devra le faire en commission parlementaire. Parce qu'il faudra s'assurer, si on a des nouveaux outils, des nouveaux organismes, des nouvelles structures de coordination de produits en tant que tels, est-ce que c'est clair et précis que la Régie des marchés utilisera ces nouveaux organismes-là ou utilisera la loi telle qu'elle est présentement, ou on ne fera pas référence à des cas qui ont été suivis par la Régie des marchés de façon particulière.

(16 h 50)

Alors, dans ce sens-là, M. le Président, je pense que, si on est pour adopter, au niveau des produits alimentaires et dans tout l'agroalimentaire au Québec, une nouvelle façon de travailler qui est conforme à des normes internationales et qui donne la crédibilité quant à la qualité de ces produits, il faudra s'assurer que tous les organismes gouvernementaux qui touchent de près ou de loin ces mêmes objectifs vont pouvoir travailler de façon coordonnée. Et, s'il y a duplication quelque part, il faudra faire un ménage. Et, si on ne fait pas le ménage, ça ne sert à rien d'arriver avec des nouvelles structures. Il y a des gens quelque part... Et on sait fort bien que ça se rend toujours au niveau des avocats à un certain moment donné. Il y a possiblement des débats juridiques qu'on ne souhaite pas avoir, je pense, dans l'esprit du ministre à tout le moins, quand il établit son nouveau projet de loi.

Alors, quand on parle aussi de structures, il y a le réseau des 25 tables filières mises en place suite au sommet de Trois-Rivières de 1992. Alors, vous vous souviendrez que ce sommet avait quand même enclenché un nouveau processus, une nouvelle coordination, une nouvelle façon de travailler en partenariat. Et ces tables filières ont pour but d'augmenter la capacité concurrentielle de chacun des secteurs. Alors, c'est certain qu'à ce niveau-là est-ce que... Le ministre n'en a pas parlé dans son discours. Est-ce que les gens qui sont aux tables filières... On a parlé de façon particulière de la table biologique. Mais, de façon générale, est-ce qu'on n'arrive pas avec un nouveau système qui fait que les tables filières devraient toutes accepter ce nouveau système là? Si c'est le cas et que les tables l'ont déjà fait, qu'on nous le dise, parce qu'au Québec, dans le moment, de plus en plus nos produits doivent être... on doit y retrouver l'originalité, et je pense que la façon de le faire par les appellations, c'est quand même une façon assez intéressante et c'est connu du consommateur, partout où il se trouve.

Alors, quand on a lu le projet de loi et qu'on a essayé de regarder de façon particulière chacun des articles, on s'est même dit à un moment donné: Les légistes qui vont accompagner le ministre en commission parlementaire vont sûrement pouvoir répondre à la question, parce que ça semble quand même assez compliqué. Alors, on se disait: Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? C'est un peu l'impression qu'on a eue en tant que telle. Alors, il faudra sûrement qu'on démêle ce qui se fera dans l'avenir pour les produits et ce qui se fait présentement. Les règlements qui sont déjà en opération et déjà sous la gérance du ministre et du ministère de l'Agriculture, qu'est-ce qu'on va faire avec ça? Est-ce qu'on va jumeler des choses? Est-ce qu'on va les regarder? Et je suis convaincue que, dans ce sens-là, le premier ministre du Québec, qui a dit au Sommet de Montréal – et je me répète cet après-midi, mais c'est fort important – qu'au bunker, assise à côté de son bureau, il y aura une équipe de déréglementation... Alors, si on prend une nouvelle réglementation en agroalimentaire au Québec et si on va dans une direction bien précise, est-ce qu'on a fait en même temps une étude pour justement s'assurer qu'on n'a pas une double réglementation et qu'il y a coordination, sinon élimination de certaines réglementations, que le conseil de certification... Les normes qu'on va retrouver, est-ce qu'elles vont être suffisantes, ces normes-là, pour protéger le public et en même temps faire de la publicité sur les différents produits qui vont être accrédités?

Il est certain qu'à ce niveau-là on va être en commission parlementaire, et on va écouter attentivement le ministre faire le point sur ce dossier, parce qu'on a une nouvelle façon de faire les choses qui paraît intéressante à prime abord et qui paraît être plus, je dirais, dans les années 2000 que ce qu'on avait avant. Mais il faudra assurément vérifier notre réglementation existante pour que ce soit facile pour toutes les parties impliquées, qu'on soit producteur, distributeur, détaillant, que ce soit clair et précis et que l'agroalimentaire devienne justement – parce qu'il y a quand même beaucoup de gens qui y travaillent – efficace et rapide et qu'on se comprenne sur les différentes exigences du conseil.

Si on regarde au niveau économique et au niveau, par exemple, des régions, M. le Président, je dois dire que de pouvoir – et c'est de plus en plus recherché – faire la promotion des différents produits de chacune des régions, c'est fort intéressant, parce que de plus en plus on en retrouve – et ce qui se fait en Abitibi-Témiscamingue n'est pas la même chose que ce qui se fait en Gaspésie et ce qui se fait dans le Saguenay–Lac-Saint-Jean – et de pouvoir reconnaître ce qui se fait dans chacune des régions, ça va permettre effectivement de connaître les régions.

Quand on sait que, au niveau de l'alimentation, la majorité du marché de la population se situe dans les grands centres, il est certain que de trouver, par exemple, que Le Pacômois vient du Bas-Saint-Laurent, de Saint-Pacôme de Kamouraska, et que ce soit bien clair et précis, pour les gens qui retrouveront Le Pacômois à la Régie des alcools ou à la Société des alcools du Québec, bien, ça sera clair qu'on vient de faire l'apprentissage aussi du Québec et des produits spécifiques à chacune des régions; on pense aux liqueurs venant du bleuet, qui viennent du Saguenay–Lac-Saint-Jean, c'est la même chose. Alors, je pense qu'on fait aussi un travail pédagogique sur l'apprentissage et qu'on peut apprécier les produits régionaux pour leur qualité, et ça va sûrement amener, au niveau du tourisme, des gens qui vont acheter de plus en plus de produits qui viennent des régions. Ça va également faire fonctionner certaines boutiques qui travaillent au niveau touristique dans toutes les régions.

M. le Président, on n'a pas eu d'information à savoir si le gouvernement va subventionner les conseils et les organismes. Est-ce qu'il va faire sa part financière ou c'est les gens à l'intérieur qui vont eux-mêmes financer les organismes? On a parlé qu'il y aurait effectivement des contributions venant des membres pour des frais d'exploitation. Est-ce que le ministère va investir dans ce sens-là? Si on utilise pour ces produits une appellation contrôlée, on utilise des conseils, on utilise des organismes de certification, est-ce que ça veut dire – il y a des gens qui s'occupaient de le faire d'une autre façon – qu'au niveau du ministère il y a des gens qui sont là présentement, qui travaillent là-dessus et qui vont offrir leur collaboration à ces organismes-là au début ou est-ce qu'on va maintenir le même personnel au ministère? C'est des questions qui sont posées pour s'assurer du bon démarrage, à tout le moins, de ces organismes.

On sait qu'au niveau, par exemple... Je prends l'exemple dans le porc, on sait qu'il y a des fonctionnaires du ministère qui sont allés travailler dans des organismes qui deviennent de plus en plus privés au fil des années. Est-ce que c'est le même mécanisme qui va être utilisé? Comment ça va fonctionner? Alors, là-dessus, je pense que le ministre pourra nous donner en commission parlementaire plus d'informations que ce qu'il a pu nous donner dans son discours sur l'adoption du principe du projet de loi n° 53.

Alors, oui, le principe est intéressant. Au niveau de l'opposition, on y souscrit. Je pense qu'au niveau de l'UPA en tant que telle on souscrit au principe. Il y a aussi différents partenaires dans le domaine qui y souscrivent. Quant aux structures en tant que telles et la façon dont ça va fonctionner, on aura sûrement des questions, parce qu'on est au moment où, dans tous les secteurs d'activité, on demande la simplification. Les gens, de plus en plus, veulent travailler dans leur domaine et non pour le gouvernement. Alors, si on peut, dans les deux projets de loi qu'on a vus jusqu'à maintenant, le n° 52 et le n° 53, travailler justement à faciliter les choses pour les citoyens et les utilisateurs, on aura fait un vrai gain en tant que tel, en tant que parlementaires. Alors, dans ce sens-là, on va le regarder de près en commission parlementaire, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe. M. le député.

(17 heures)


M. Léandre Dion

M. Dion: M. le Président, c'est avec beaucoup de satisfaction que je prends la parole aujourd'hui sur ce projet de loi, le projet de loi n° 53 sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

C'est avec satisfaction, parce que je pense que ce projet de loi, M. le Président, nous arrive comme ça, mais que c'est l'aboutissement d'un processus relativement long. Et c'est la réponse à des demandes répétées qui sont venues du milieu de la production agricole depuis plusieurs années.

Dans son discours, M. le ministre disait tout à l'heure que la demande initiale de ce lien législatif entre le gouvernement et les utilisateurs des appellations provient du milieu de l'agriculture biologique. Et cela, M. le Président, a fait surgir en moi des souvenirs tout à fait particuliers que je suis probablement le seul à connaître, mais que je livrerai à M. le ministre de l'Agriculture. C'était, si ma mémoire ne me fait pas défaut, au mois de mars 1975, et un petit groupe de producteurs, une trentaine de producteurs biologiques, s'était réuni dans le sous-sol de la cathédrale de Saint-Hyacinthe. Et j'avais la chance, comme c'étaient des amis, d'être avec eux, et on discutait justement de la fondation d'une association pour pouvoir se rendre service et faire la promotion des produits biologiques.

Alors, vous voyez, M. le Président, ce n'est pas d'hier. Et tout l'après-midi on avait discuté de ça. Il y avait, comme c'est normal dans ces circonstances-là, deux factions: une qui avait une orientation plus commerciale, l'autre, une orientation plus de nature technique, et ça discutait fort. Et, moi, selon ma nature de médiateur, j'ai passé l'après-midi à essayer d'arranger ça pour que ça fonctionne et que les intérêts supérieurs des producteurs biologiques soient servis, c'est-à-dire qu'au lieu de se chicaner on arrive à des conclusions positives.

Alors, il arriva ce qui devait arriver. À mon corps défendant, quand est venu le temps de structurer l'organisme, alors des gens des deux côtés sont venus me voir et m'ont dit: Mais il faudrait, Léandre, que tu acceptes d'être le président parce que c'est toi qui nous permets de travailler ensemble. Et c'est comme ça, M. le Président, que j'ai été nommé et élu à l'unanimité premier président non pas de l'association, mais du comité chargé d'organiser la fondation de la fédération, de préparer la charte, de préparer le congrès de fondation, et tout cela. Et l'année suivante avait lieu la fondation, et je me suis retiré parce qu'à ce moment-là je m'intéressais plus au miel qu'à l'agriculture biologique en général, ce qui fait que le premier président officiel en a été M. Clément Boulanger, qui n'est plus parmi nous, malheureusement.

Alors, vous voyez, M. le Président, ça me fait vraiment plaisir quand je vois que cette demande vient du milieu de l'agriculture biologique. Vous savez, il n'y a pas si longtemps, il y a 20 ans, c'était un groupuscule, probablement le dernier des groupuscules de producteurs agricoles. Et aujourd'hui cette association va doter le Québec d'un des instruments qui seront, je n'en doute pas, parmi les plus précieux pour assurer l'essor de l'économie québécoise, ses qualités caractéristiques et sa promotion au niveau non seulement national, mais au niveau international. Alors, c'est intéressant de voir qu'il y a eu tellement de chemin de parcouru depuis une quinzaine d'années.

Vous savez, la certification des produits, l'appellation réservée, c'est un des éléments qui va permettre d'assurer une valeur ajoutée, d'ajouter de la valeur aux produits de consommation de base. Vous savez, dans la mise en marché des produits agricoles, il y a deux grands courants qui s'appliquent, deux grands courants qui répondent à deux types d'industries et, dans une certaine mesure aussi, à deux modes de consommation.

Le premier mode, qui est très connu, correspond à la production de masse et à la consommation de masse. Alors, on produit sur la plus grande échelle possible afin de diminuer les coûts de production et d'assurer que M. et Mme le consommateur aura un produit convenable au moindre coût possible. C'est la consommation de masse et la production de masse qui y répondent.

Mais il y a aussi un autre mode de mise en marché, qui est celui de la production et de la mise en place de produits spécialisés pour répondre à des besoins spécialisés, c'est-à-dire à des besoins d'un produit aux qualités supérieures, et il y a un marché pour ces produits-là, M. le Président. Chaque année, le Québec importe de grandes quantités de produits alimentaires de France ou d'autres pays, qui sont des produits de haute qualité et qui sont vendus ici.

Qu'est-ce qui empêche que d'ici 20 ans ce soit le Québec qui exporte partout dans le monde entier des produits de haute qualité, d'appellation contrôlée et de certification absolument certaine et vérifiée? Alors, ce serait intéressant, à ce moment-là, de voir sur les tablettes des boutiques à New York, à Hong-kong, à Tokyo, à Paris même, les produits les plus fins parce qu'ils viendront du Québec et qu'ils répondront à une image de marque et à un mode de production des plus éprouvés.

Alors, M. le Président, vous voyez, au Québec, on a une situation particulière. On n'a pas les grandes plaines de l'Ouest, on n'a pas les grandes superficies qu'on trouve aux États-Unis, on n'a pas les grandes haciendas de l'Argentine; on a un autre type d'organisation du territoire. Si on excepte la région de Montréal, c'est-à-dire la région de la Montérégie, il n'y a pas beaucoup de très grandes superficies de terre plane au Québec. En général, sauf dans la partie dont je vous ai parlé, les terres sont plus ou moins affectées par des contraintes de collines ou de rivières qui font que les superficies sont plutôt restreintes.

À part cela, il y a aussi une autre caractéristique de notre agriculture: c'est la tenure foncière qui est particulière au Québec. On n'a pas ces immenses territoires propriétés d'une seule personne. Ici, au Québec, généralement, on a des territoires relativement restreints qui appartiennent tous à des personnes différentes, à des producteurs différents. On a une organisation de la tenure foncière de la propriété agricole sur la base de la ferme familiale, et tout cela crée une situation où, s'il nous est difficile parfois de produire à des coûts compétitifs certains produits qu'on produit sur de très larges superficies de façon extensive dans l'Ouest ou aux États-Unis, quand il s'agit de produire certains produits d'alimentation de haute qualité, là on a des avantages compétitifs supérieurs parce qu'on a une vieille tradition de production alimentaire et agricole, au Québec, où les gens, traditionnellement, se sont habitués à produire des produits de haute qualité parce qu'ils vendaient traditionnellement à des gens qui les connaissaient. Et, quand on vend à quelqu'un qui nous connaît, bien, on fait attention à sa réputation, on fait attention à son honneur, on fait attention aussi à son marché, ce qui fait qu'on a créé au Québec, on a développé à travers le temps une habitude, une tradition de qualité.

Aujourd'hui, même cette tradition de qualité se retrouve dans nos productions de masse. Prenez, par exemple, le porc: on produit un des meilleurs porcs qui se produisent dans le monde et on le retrouve partout, au Japon et dans tous les pays du monde – bien, tous les pays, c'est exagéré, M. le Président, mais dans un très grand nombre de pays au monde – parce qu'on produit un porc de très haute qualité. Alors, ce qui se passe dans ce domaine-là peut se reproduire et il se reproduit dans plusieurs domaines. C'est ce qui fait, M. le Président, qu'un processus d'appellation contrôlée est un processus qui va maximiser les retombées économiques d'une situation que nous connaissons déjà, qui va donc permettre d'ajouter à l'essor économique de l'agriculture et faire en sorte qu'on puisse retirer de meilleurs bénéfices des efforts énormes qui se font dans la production agricole au Québec. Le projet de loi qu'on a là est donc un projet de loi particulièrement intéressant, particulièrement adapté à notre situation, et c'est un projet de loi...

(17 h 10)

La coutume d'appellation contrôlée nous vient d'Europe, sans doute, elle ne nous vient pas des grandes haciendas du Sud, elle ne nous vient pas des prairies de l'Ouest, elle nous vient de pays où on a développé, année après année, siècle après siècle, des traditions, des façons de faire, un souci de la qualité, un souci de la saveur dans les produits, ce qui fait qu'il s'agit là d'un processus particulièrement adapté à notre géographie, particulièrement adapté à notre mode de tenure foncière, à notre mode de propriété agricole et particulièrement adapté à notre tradition.

Mais, pour que cela fonctionne, il faut que cela soit protégé. Il ne suffit pas de développer un produit de qualité, de lui donner un nom et de le mettre en marché comme ça, sans plus. Parce que, le marché qu'on va développer, s'il n'est pas protégé, n'importe qui pourra arriver et prétendre, avec une contrefaçon, prendre la place du marché, et le consommateur ne saura pas à quoi s'en tenir. Alors qu'on sait que, pour produire un produit de haute qualité, généralement il faut mettre plus d'efforts, ce qui fait que ça exige des coûts de production supérieurs, eh bien, il faut être capable de protéger ces coûts-là. Autrement, évidemment, quelqu'un arrive avec une contrefaçon, avec une appellation semblable et prend le marché avec des prix inférieurs prétendant offrir la même qualité, alors que ce n'est pas le cas. Prenez, par exemple...

Si vous me permettez, je ferais une petite parenthèse pour vous parler du miel. J'ai parlé du miel tout à l'heure, je vais vous en parler encore, M. le Président. On trouve souvent sur les tablettes des expressions «miel de trèfle», «miel de sarrasin», «miel de bleuet», «miel de pommier», «miel de salicaire», «miel d'aster», «miel de pissenlit». Mais qu'en est-il, au juste? Peut-être que c'est exact, peut-être pas. Il n'y a absolument rien qui nous permette de le vérifier, sauf si on fait une analyse du miel. Mais, encore là, on ne pourrait pas le protéger. Pourquoi? Parce qu'il n'y a aucune norme. Il n'y a aucune norme qui nous dit qu'il faut avoir tant de pourcentage de trace de pollen de trèfle pour dire que c'est du miel de trèfle. Il n'y a absolument aucune règle. Alors, n'importe qui peut faire n'importe quoi. Quelqu'un arrive avec un véritable miel de salicaire ou un véritable miel de trèfle et un autre arrive avec une autre sorte de miel de couleur à peu près semblable, il va dire: C'est du miel de trèfle, si évidemment c'est le miel qui se vend le mieux.

Alors, un de mes bons amis, à un moment donné – bien, c'est un ami, c'est une connaissance – me disait: Moi, j'ai toujours la marque de miel que le client veut avoir; s'il me demande un miel de bleuet, j'ai toujours ça en dessous de mon comptoir. Alors, lui, évidemment il mettait différentes marques, différentes appellations sur ses pots de miel parce qu'il savait qu'un tel pouvait demander telle chose ou telle chose. Et le client, de toute façon, avait un bon produit, mais ce n'était pas le produit qu'il avait demandé.

Alors, voyez-vous, l'appellation contrôlée, c'est important. L'appellation contrôlée, il faut que ça soit contrôlé. Alors contrôler l'appellation est nécessaire pour avoir une appellation contrôlée, M. le Président. Évidemment, ce n'est pas seulement un jeu de mots, c'est parce que c'est important pour protéger la qualité du produit et protéger aussi le consommateur là-dedans. Alors, vous voyez, M. le Président, la mécanique, le système que M. le ministre met en place présentement est excessivement important pour s'assurer que le consommateur aura ce qu'il cherche.

Vous savez, les gens, souvent, nous disent: Moi, j'aime ça, moi, j'achète des pommes de Colombie parce que ce sont des bonnes pommes. Évidemment, la Colombie a développé une image de marque. Ses pommes sont meilleures que les nôtres? Pas du tout. Mais elles ont un goût particulier et elles sont toujours bonnes. Alors, on peut très bien avoir au Québec une image de marque aussi, mais il faut la contrôler, il faut avoir des normes, il faut développer des normes pour que les gens sachent que, quand ils vont acheter des pommes du Québec, ça soit vraiment les meilleures qui soient. Alors, voyez-vous, M. le Président, c'est important de développer ce système-là.

Et, même si l'objectif immédiat du système, c'est de permettre de contrôler l'appellation «biologique», «produit biologique», son amplitude est beaucoup plus grande parce que ça va permettre de mettre en place toutes sortes d'appellations contrôlées à partir du moment cependant où les producteurs, les associations de producteurs décideront qu'ils veulent protéger une image de marque et décideront de se donner un code d'éthique, une image de marque et des contrôles pour s'assurer que le client aura toujours de la qualité quand il achètera cette image de marque.

Alors, c'est un projet de loi qui répond particulièrement à notre dynamique, à nos besoins mais aussi qui a un caractère, je dirais, exceptionnel.

On a parlé tout à l'heure des réglementations, qu'il ne fallait pas trop faire de réglementations, et tout ça. Bien, moi, je vous le dis, M. le Président, la réglementation, ce n'est pas une religion, et la déréglementation, ce n'est pas une religion non plus. L'important, c'est de savoir à quoi ça sert. Quand une réglementation nuit plus qu'elle aide, il faut l'enlever; quand une réglementation ne sert qu'à faire fonctionner une bureaucratie, il faut l'abolir. Mais, quand une réglementation permet vraiment de protéger le producteur et de protéger le consommateur, eh bien là, c'est autre chose.

Et, M. le Président, il me fait plaisir d'insister sur le fait suivant: les producteurs de toutes les productions agricoles qui soient savent qu'on a au Québec, actuellement, tous les moyens pour s'assurer qu'on aura des produits de qualité et des produits qu'on pourra contrôler. J'ai la chance, en tant que député de Saint-Hyacinthe, d'être dans la technopole agroalimentaire du Québec, là où on trouve un ensemble de services absolument exceptionnels. Peu de villes au monde ont autant de services exceptionnels pour permettre de développer des produits, pour permettre de certifier les produits, d'assurer leur conservation et d'assurer leur intégrité.

On a à Saint-Hyacinthe, M. le Président, des possibilités de former des techniciens avec l'ITA, l'Institut de technologie agro-alimentaire de Saint-Hyacinthe, avec les services qu'offre la médecine vétérinaire, les services d'inspection qu'on a, le CINTECH AA, qui est le Centre d'innovation technologique agro-alimentaire, qui est un centre extraordinaire de mise au point de produits. Alors, les gens de partout au Québec qui voudront, par exemple, mettre au point certaines pâtisseries spéciales, certaines charcuteries fines, certains autres produits peuvent toujours se référer à CINTECH AA, à Saint-Hyacinthe, pour avoir le dernier service, le service le plus de qualité possible.

Il en est de même pour le Centre de recherche agro-alimentaire de Saint-Hyacinthe qui fait qu'on a près de 200 chercheurs, des gens qui sont au service des producteurs agricoles et qui vont permettre aux producteurs de mettre au point leurs produits et de s'assurer qu'ils soient de première qualité.

Je vois que vous me faites signe de terminer, M. le Président. Je n'abuserai pas, mais je veux terminer en disant ceci: ce système-là permettra de certifier une valeur ajoutée aux produits québécois, permettra d'éviter sa contrefaçon, permettra de protéger le producteur et le consommateur, donnera un essor considérable à l'exportation de nos produits. C'est un projet de loi qui était nécessaire, et je remercie M. le ministre de l'Agriculture de le présenter présentement. Ça va me faire plaisir de l'appuyer et d'en discuter en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Y a-t-il d'autres intervenants sur le principe du projet de loi? M. le ministre, est-ce que vous voulez exercer votre droit de réplique? M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Trois-Rivières.


M. Guy Julien (réplique)

M. Julien: Merci, M. le Président. Je remercie mon collègue de Saint-Hyacinthe. Vous savez, quand on travaille sur des projets de loi de cette importance-là, de pouvoir bénéficier d'une expertise, d'une expérience et d'une compétence, c'est extraordinaire, alors je l'en remercie.

Il y a cependant quelques éléments que je voulais ramener aussi aujourd'hui; je pense qu'il est important de les resouligner. On parlait tout à l'heure qu'il y a 25 filiales qui existent au Québec. Et ce que je trouve extraordinaire, c'est que, dans le fond, c'est peut-être le seul secteur économique où on retrouve ce genre d'organisation là, et chacune de ces organisations se dote de plans stratégiques. Alors, moi, là-dessus, je veux féliciter les producteurs, la filiale des produits biologiques, d'avoir travaillé à arriver à ce titre à faire en sorte qu'on puisse déposer un projet de loi comme celui-là.

Je veux ramener aussi, et c'est important, le fait que ce projet de loi, ce qu'il vise, c'est de responsabiliser les gens du milieu, de leur donner des outils pour qu'ils puissent se prendre en main, de protéger leurs produits et de protéger aussi le développement économique régional. Ça, ça m'apparaît fondamental, puis en même temps c'est que ça va renforcer nos industries de transformation et évidemment ça va maximiser la création d'emplois.

L'autre élément important aussi, c'est que ça va permettre de développer encore beaucoup plus l'achat des produits québécois chez nous, des produits de qualité, qui existent ou qui sont nouveaux, qui vont viser de nouvelles niches dans les marchés de développement sur le plan international.

(17 h 20)

Je pense aussi que c'est un excellent projet de loi, parce qu'on revient souvent à la question de réglementation, et c'est un projet de loi où le ministre intervient le moins... Évidemment, l'État reste l'État, on fournit tous les grands principes, les grandes balises, mais ce sont les gens du milieu qui vont se donner la réglementation qu'il faut pour protéger leurs produits, pour protéger leur propre expansion, et ça, ça m'apparaît fondamental, et je veux m'assurer comme ministre qu'on ne mettra pas plus de réglementation qu'il faut.

Il faut s'assurer évidemment – je pense que ma collègue la députée de Kamouraska l'a soulevé – de faire en sorte que l'hygiène, la salubrité, l'innocuité soient protégés, mais ce sont les gens du milieu qui vont les protéger, et on est sûr qu'ils vont le faire parce que, s'ils ne protègent pas leurs produits, c'est une économie régionale qui va tomber. Alors, il va de soi que les gens vont se donner les mécanismes pour le faire. Et l'autre élément important, c'est qu'ils vont l'autofinancer. Donc, les gens vont vraiment se responsabiliser. C'est un peu comme on voit dans les entreprises, à partir de cahiers et de règles, pour répondre à des besoins de qualité sur le plan international.

Alors, demain ou, en tout cas, lorsqu'on va avoir l'étude du projet de loi article par article – je veux remercier ma collègue de son appui sur le principe – il y a des questions qui seront posées. Nous allons y répondre, mais je suis convaincu que l'opposition, comme le parti gouvernemental, veut faire en sorte qu'on ait une économie régionale qui se développe, et c'est un outil extraordinaire pour pouvoir le faire. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, le principe du projet de loi n° 53, Loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 53, Loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, demain, le mercredi 6 novembre 1996, après l'étude détaillée du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, dans la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 1 de notre feuilleton.


Débats sur les rapports de commissions


Prise en considération du rapport de la commission qui a tenu des audiences publiques dans le cadre d'un mandat d'initiative concernant la commercialisation des produits de la pêche sportive en eau douce

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 1 du feuilleton. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a tenu des audiences publiques le 11 septembre 1996 et siégé en séance de travail les 20 août et 17 octobre 1996 dans le cadre du mandat d'initiative concernant la commercialisation des produits de la pêche sportive en eau douce, principalement dans la région du lac Saint-Pierre. Ce rapport, déposé le 24 octobre 1996, contient des recommandations. Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 du règlement, cette prise en considération donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures et qu'aucun amendement n'est recevable.

Je vous informe de la répartition du temps de parole établi: cinq minutes sont allouées à chacun des députés indépendants; les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes ou par les députés indépendants pourra être redistribué et les interventions ne seront soumises à aucune limite.

Alors, je reconnais M. le député de Richmond. M. le député.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Je vous remercie, M. le Président. En fait, on constate aujourd'hui que c'est la deuxième fois en l'espace d'un peu moins d'un mois que nous sommes invités à prendre en considération un rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. En effet, après celui sur les mandats d'imputabilité, la commission a déposé, le 24 octobre dernier, un rapport sur la commercialisation des produits de la pêche sportive en eau douce. Les deux rapports sont interreliés, puisque c'est à la suite de l'audition du sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en mars dernier, dans le cadre d'un mandat d'imputabilité, que notre commission s'est donné un mandat d'initiative visant à étudier les activités commerciales de certains pêcheurs sportifs, plus particulièrement ceux de la région du lac Saint-Pierre.

Les députés avaient interrogé, lors des auditions, le sous-ministre sur le fait que la vente des produits de la pêche sportive, en particulier de la perchaude, n'était pas soumise à l'inspection des aliments du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, alors que les pêcheurs détenant des permis d'exploitation commerciale ont, eux, l'obligation de soumettre leurs produits aux normes d'inspection. Cette situation, en plus d'hypothéquer la qualité des produits mis en marché, était décrite comme une source de conflits entre les pêcheurs sportifs et les pêcheurs commerciaux, puisqu'elle est considérée par ces derniers comme une concurrence inégale.

Pour en savoir davantage sur toute la problématique et être à même de faire des recommandations appropriées à l'Assemblée, la commission a convoqué, le 11 septembre, les responsables de la gestion des stocks au ministère de l'Environnement et de la Faune et ceux responsables de l'émission des permis et de l'inspection des aliments du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. De plus, deux associations, l'une représentant les intérêts de pêcheurs commerciaux du lac Saint-Pierre et l'autre ceux des pêcheurs sportifs de cette même région, ont été entendues afin de donner à la commission un portrait de la situation à partir des groupes de citoyens qui exploitent la perchaude soit comme gagne-pain, soit comme activité récréative ou sportive. Je vous résumerai, M. le Président, brièvement la problématique qui s'est dégagée de l'ensemble des consultations et des divers documents qui ont été consultés.

L'espèce visée, la perchaude, est la principale source de revenus pour une quarantaine de familles de pêcheurs qui détiennent des permis de pêche commerciale. Elle est également un loisir pour de nombreux pêcheurs sportifs qui, de surcroît, peuvent tirer profit de ce loisir en vendant actuellement leur capture.

L'augmentation considérable du prix de cette denrée sur les marchés au cours des dernières années a fait en sorte de susciter l'intérêt de plus en plus de pêcheurs dits sportifs qui ont fait de cette activité un revenu d'appoint devenu important. Cette recrudescence de la pêche a créé une pression notable sur la ressource, qui fait dire aux biologistes qui ont étudié la situation que le niveau d'exploitation de la perchaude a atteint son maximum et que certains indices, telle la diminution de la taille des captures, peuvent être considérés comme inquiétants et menacer même la pérennité de l'espèce.

Ici, sans vouloir être alarmiste, on ne peut s'empêcher de faire une analogie avec la situation que vivent actuellement les pêcheurs de morue du golfe. Pendant près de 450 ans, on a pêché de la morue en la considérant comme une espèce inépuisable, pour se rendre compte brutalement que, même avec un niveau de reproduction aussi élevé que la morue, les stocks pouvaient s'épuiser à un point tel que sa survie pouvait être menacée. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé au bar rayé, qui a complètement disparu dans les années cinquante et soixante des eaux du Saint-Laurent. Donc, sans être arrivé à des situations aussi critiques, il faut reconnaître que la perchaude ne peut subir de pressions additionnelles sans risquer à moyen terme des problèmes de renouvellement des stocks.

Après ce constat de situation, la commission a formulé en séance de travail huit recommandations qui visent essentiellement à réduire la pression sur les stocks et à assainir les relations entres les pêcheurs commerciaux et les pêcheurs sportifs en précisant davantage les droits et les obligations de chacun. Je vous signale que toutes ces recommandations, M. le Président, ont été adoptées à l'unanimité des membres de la commission. Ça n'est pas une mince chose: l'unanimité en cette Chambre est un élément rare. Vous me permettrez de féliciter les membres de la commission des deux côtés de la Chambre qui ont permis de dégager des mesures concrètes et unanimes. Parmi ces mesures recommandées, il y a celle visant à réserver la vente des produits de la pêche aux seuls détenteurs de permis de pêche commerciale. Cette mesure a d'ailleurs fait consensus entre tous les partenaires, tant gouvernementaux que régionaux.

Le principal facteur militant en faveur de la recommandation est la nécessité de garantir la qualité des produits mis en marché tout en diminuant la pression sur la ressource. La meilleure façon de protéger ce marché est de s'assurer que les produits mis en marché sont d'une qualité indiscutable, d'une qualité absolument certaine.

Également, la commission recommande une taille minimum, soit 165 mm ou 6,5 po pour l'exploitation de la perchaude et une limite quotidienne de prises pour la pêche sportive. Actuellement, c'est hors limite, il n'y a pas de limite. Alors, cette limite est fixée maintenant à 50 perchaudes de façon quotidienne. Ces deux éléments sont susceptibles d'accroître la capacité de reproduction de l'espèce, un autre objectif que tous partagent, à l'intérieur des auditions que nous avons tenues.

La commission suggère par ailleurs d'améliorer l'étiquetage des produits mis en marché pour un meilleur contrôle de la qualité et une garantie de la provenance du produit. Cette mesure, à notre avis, va de soi, elle est tout à fait normale à l'intérieur des balises que nous voulons nous donner pour améliorer la situation actuelle. Il va sans dire que toute mesure doit, pour être efficace, être assujettie à des contrôles adéquats. C'est dans cette optique que la commission demande au ministère de l'Environnement et de la Faune de déposer un plan stratégique sur les moyens de contrôle pour faire respecter les règlements en vigueur ou à venir concernant notamment la perchaude.

La commission a d'autre part constaté que les données statistiques, particulièrement en provenance du secteur sportif, étaient déficientes, manquaient de rigueur, contenaient beaucoup d'imprécisions. Les membres de la commission exigent à cet égard que le ministère de l'Environnement et de la Faune mette en place des méthodes de suivi qui soient rigoureuses pour évaluer correctement l'état des stocks et ainsi pouvoir corriger le tir si ça s'avérait nécessaire.

La conclusion du rapport de la commission souligne deux choses. D'une part, il est impérieux que le gouvernement, par ses deux ministères impliqués, soit le MAPAQ et le ministère de l'Environnement et de la Faune, agisse avec célérité pour que soient appliquées rapidement les mesures afin que la prochaine saison de pêche commerciale débutant le 1er avril puisse être régie par ces nouveaux règlements. D'autre part, les membres de la commission ont tenu à exprimer dans la conclusion du rapport leur questionnement de l'ordre d'allocation des ressources établi par l'article 63 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. On sait que cette disposition législative fait en sorte que la pêche sportive soit priorisée au détriment de la pêche commerciale. Cette disposition devrait être, à notre avis, à nouveau analysée pour voir s'il est toujours nécessaire d'agir dans l'ordre que propose l'actuelle loi. Le maintien et le développement de la pêche commerciale en eau douce dépendent en grande partie de cet ordre d'allocation des ressources. Et le gouvernement devrait s'interroger si cet ordre de priorité est encore valable et équitable pour le développement de la pêche commerciale en eau douce.

En terminant, je voudrais souligner le climat exceptionnel de collaboration dénuée de toute partisanerie qui a prévalu tout au long des travaux de la commission sur ce mandat d'initiative. D'ailleurs, le fait que le rapport ait été adopté à l'unanimité témoigne, je crois, assez bien de l'esprit qui a régné tout au long des travaux de la commission. Comme je le mentionnais lors de la prise en considération du rapport sur l'imputabilité, en octobre, il me semble important qu'un suivi soit accordé aux recommandations issues d'un mandat de commission parlementaire.

Dans cette optique, le ministre ou, comme c'est le cas ici, les ministres visés par le rapport d'une commission parlementaire devraient avoir l'obligation de réagir de façon officielle en cette Chambre aux conclusions et recommandations des parlementaires qui, de surcroît, ont été adoptées à l'unanimité. Je veux vous rappeler, M. le Président, à cet égard, à cet effet, qu'au Parlement fédéral de même qu'à Toronto, au Parlement de l'Ontario, c'est une obligation qui est inscrite dans le règlement. Ainsi, et c'est là une réflexion intéressante dans le cadre d'une éventuelle réforme parlementaire, le travail et le rôle des députés seraient revalorisés et en définitive contribueraient davantage à améliorer nos façons de faire en cette Chambre pour un plus haut niveau d'efficacité à servir les intérêts des électeurs que nous représentons.

M. le Président, cette mesure, dont je profite de l'occasion qui m'est donnée pour vous faire part, n'est pas une mesure qui vise seulement l'actuel gouvernement. Même dans les gouvernements qui ont précédé, je pense qu'on aurait dû se soucier de cette volonté de prise en considération, comme tel, des recommandations, surtout les recommandations qui sont faites de façon unanime par l'ensemble des membres d'une commission parlementaire.

Alors, j'ose souhaiter que les travaux de la réforme parlementaire nous conduiront à regarder d'un oeil positif et objectif la possibilité de donner suite à cette recommandation qui serait, je pense, dans l'ordre et qui permettrait d'améliorer l'efficacité de nos travaux en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Richmond et président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Alors, je cède maintenant la parole au député de Nicolet-Yamaska. M. le député.


M. Michel Morin

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Écoutez, comme l'a rappelé mon collègue de Richmond, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation s'est donné un mandat, un mandat d'initiative pour étudier la problématique de la pêche commerciale en eau douce, surtout dans ma région, dans la région de Nicolet-Yamaska, dans le beau comté de Nicolet-Yamaska et dans la région du lac Saint-Pierre.

Vous savez que cette problématique au niveau de la perchaude, entre autres, est un problème qui existait au moins depuis une vingtaine d'années. J'ai eu, au moins depuis deux ans, depuis mon élection, une dizaine de représentations à mon bureau de comté de pêcheurs commerciaux qui avaient certaines récriminations à faire à propos, je dirais, d'une compétition qui existait entre la pêche sportive et la pêche commerciale. Dans mon comté, c'est évident qu'il y a des pêcheurs sportifs, mais il y a aussi des retombées économiques au niveau de la pêche commerciale qui sont extrêmement importantes; entre autres, il y a des retombées d'au moins 2 000 000 $ dans mon comté, et le nombre de permis qui est accordé par le MAPAQ est de 42, donc il y a 42 pêcheurs commerciaux qui exercent leur profession sur le lac Saint-Pierre, dans mon comté, et qui vivent à Pierreville, à Notre-Dame-de-Pierreville et dans la région de Saint-François-du-Lac, et un peu aussi dans le comté de mon collègue du comté de Maskinongé.

Comme je le disais tantôt, cette problématique-là existait au moins depuis 20 ans et elle était majeure, parce qu'il y a une compétition un peu, je ne dirai pas illégale, qui se faisait, mais tout au moins questionnable, parce que les pêcheurs commerciaux, depuis au moins cinq générations, vivent des produits de la pêche, surtout ces temps-ci, parce que ça dépend des marchés, ça dépend de la conjoncture économique aussi, et, depuis quelques années, la conjoncture économique fait en sorte que la perchaude est beaucoup plus en demande qu'il y a quelques années. Je ne vous dis pas que dans 10 ans il n'y aura pas une autre sorte de poisson qui sera en demande, mais là, actuellement, la pression se fait surtout sur la perchaude.

Il y a eu un rapport du ministère de l'Environnement et de la Faune, en septembre 1994, qui nous conseillait ou qui conseillait aux pêcheurs commerciaux de faire attention à la ressource. On ne parlait pas de surexploitation. D'ailleurs, dans le rapport, on dit que la ressource est exploitée à son maximum, mais elle n'est pas surexploitée. Donc, il fallait absolument, comme législateurs, regarder ça et surtout aussi au niveau de la salubrité du produit, parce que les pêcheurs sportifs – et je ne leur en veux pas – mais un pêcheur sportif, ça part avec sa chaloupe, ça va à la pêche puis, normalement, ça fait plaisir. Mais le problème qui arrivait, c'est que ces mêmes pêcheurs sportifs là faisaient certaines exagérations. Le nombre de poissons qu'ils pouvaient prendre ou le nombre de perchaudes qu'ils pouvaient prendre dans une journée pouvait aller à une centaine ou à 200 ou à 300, et ensuite ils les vendaient à des restaurants de la région, sans inspection, et ça venait en compétition avec nos pêcheurs commerciaux.

Une voix: Oh!

(17 h 40)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Donc, on a décidé de regarder ça dans notre mandat d'initiative, et je pense qu'on a bien réussi. On a eu un bon leadership de la part de notre président de la commission et on est arrivé à un consensus, je pense, qui va faire l'affaire des deux côtés, et des pêcheurs sportifs et des pêcheurs commerciaux. Parce que, un pêcheur sportif, c'est quelqu'un, comme je vous le disais tantôt, qui, normalement, va à la pêche et s'amuse. Mais, s'il prend – je ne sais pas, moi – 1000 perchaudes par jour, à ce moment-là, ce n'est plus de la pêche sportive, on appelle ça, entre guillemets, du braconnage. Et, surtout, s'il vend son produit à des restaurants, à ce moment-là, la santé publique, je pense, pourrait être mise en danger. Donc, il fallait, comme législateurs, regarder ça attentivement, et également pour protéger la ressource.

Parce qu'il faut bien distinguer deux choses. Les permis sont émis par le ministère de l'Agriculture, et la ressource est défendue, si vous voulez, par le ministère de l'Environnement. Donc, il fallait aussi la collaboration des deux ministères. Et je remercie le ministre de l'Agriculture d'avoir fait tout ce qu'il pouvait dans ce dossier-là pour nous donner un coup de main et pour nous aider aussi à élaborer une politique équitable pour les deux côtés. Je fais la même remarque aussi au ministre de la Faune, qui nous a donné aussi une bonne collaboration et une belle ouverture d'esprit. Parce qu'il fallait aussi faire en sorte d'agencer au moins, je dirais, les deux entités. Parce que ce n'était pas facile. On sentait, lors de la commission, lors de la comparution des deux groupes, qu'il y avait, je ne vous dirai pas une certaine agressivité, mais une certaine tension de la part des deux.

On est arrivé à la conclusion qu'il fallait en même temps protéger les pêcheurs commerciaux et en même temps aussi donner l'occasion aux pêcheurs sportifs de s'amuser. Nos conclusions sont, comme les a énumérées tantôt le député de Richmond, au niveau de la taille des perchaudes, que la taille minimale d'exploitation de la perchaude commerciale ou sportive soit limitée à 6,5 po, ce qui veut dire 165 mm. Ça, ça protège la ressource, parce que, ce poisson-là, si on le pêche plus petit, il n'a pas le temps – je ne suis pas un biologiste – de se reproduire; à cette taille-là, il a le temps au moins de se reproduire une fois.

Et les pêcheurs commerciaux, pour eux autres, c'est la période, parce qu'on négociait aussi sur une période... On avait demandé que le 1er avril... Actuellement, c'est la période du début de la pêche, on avait demandé de retarder ça de 20 jours. Et on s'est entendu que ce 20 jours là ne serait pas accepté parce que la période entre le 1er avril et le 20 avril, supposons, c'est la période de fraie puis, en même temps, c'est la période aussi où les pêcheurs commerciaux font leurs affaires. Puis c'est important de protéger au moins leur commerce.

On s'est entendu aussi, dans notre mandat d'initiative, que la limite quotidienne pour les pêcheurs sportifs soit limitée à 50 perchaudes. Pourquoi 50? On s'est dit que quelqu'un qui prend 50 perchaudes dans une journée, il vient à bout de recevoir sa famille le soir. Ils prennent un bon repas, ça fait du bien à leur ligne. D'autant plus que la perchaude, c'est un très bon produit, puis, avec des patates pilées, c'est parfait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Il fallait aussi regarder une autre problématique, c'est le nombre d'aides-pêcheurs. Les aides-pêcheurs, ça veut dire que c'est quelqu'un qui va aider les pêcheurs commerciaux à faire leur commerce. Et, si le nombre d'aides-pêcheurs est multiplié, ça veut dire que le nombre de prises dans une journée va être aussi multiplié. On s'est limité à deux, puis je pense que la négociation a bien été. Parce que, si les pêcheurs commerciaux ont quatre aides-pêcheurs, bien, ça veut dire qu'ils vont réussir à pêcher deux fois plus. Et, à ce moment-là, on fait de la pression sur la ressource un peu trop. Et je pense que les conclusions de l'étude du mois de septembre 1994 nous disaient de ne pas aller plus loin au niveau de la ressource et de l'exploitation de la ressource.

L'autre chose aussi sur laquelle on s'est entendu, c'est au niveau de l'étiquetage des produits. Il est extrêmement important, d'après moi, que les produits soient étiquetés. On évite, à ce moment-là, des problèmes de santé qui pourraient nous arriver. Et, à ce moment-là, ça veut dire que les restaurants s'approvisionnent chez les pêcheurs commerciaux et que, n'importe quand, un inspecteur en santé animale et un inspecteur en viande pourraient aller vérifier chez les pêcheurs commerciaux et que, n'importe quand, on aura au moins la garantie que le produit qu'on mange dans nos restaurants est salubre.

Il fallait aussi regarder une chose qui occasionnait beaucoup de problèmes puis beaucoup d'interrogations de la part des pêcheurs commerciaux, parce qu'il y a des critères de priorité. Dans l'article 63, on priorisait la pêche sportive avant la pêche commerciale. Et notre conclusion, au niveau du mandat d'initiative, c'est qu'on est arrivé à la question suivante: Pourquoi il y aurait une priorité? On a recommandé de regarder ça et on a recommandé à nos deux ministres de vérifier comme il faut et de regarder s'il y avait lieu d'avoir une priorité entre le troisième, qui était la pêche sportive, et le quatrième, la pêche commerciale.

Ce qu'on recommandait, bien, ce que moi, comme député de Nicolet-Yamaska, j'ai défendu et auquel, en même temps, je me suis rallié, c'était qu'il n'y en ait pas, de priorité, qu'on n'ait pas le numéro 3 et le numéro 4, qu'on ait le numéro 3, que ce soit marqué «La pêche». Pourquoi la pêche sportive avant la pêche commerciale? Et pourquoi pas l'inverse? On nous a dit en commission, de la part des pêcheurs sportifs – puis je ne veux pas les attaquer, pas du tout – qu'il y avait une certaine jalousie qui existait, parce que, quand les pêcheurs sportifs voient passer des pêcheurs commerciaux la chaloupe remplie de perchaudes, à ce moment-là ils disent: Regardez, c'est eux autres qui exploitent trop la ressource. C'est vrai, mais c'est contrôlé par le MAPAQ au niveau des permis, donc on protège la ressource. Et, si les pêcheurs commerciaux... à ce moment-là, le nombre des permis est limité, on ne pourra pas surexploiter la ressource. Et, en limitant le nombre de perchaudes à 50 par jour par personne pour les pêcheurs sportifs, à ce moment-là, je pense qu'on limite les dégâts.

Moi, je voudrais remercier et féliciter les membres de la commission parce qu'on s'est très bien entendu. On est arrivé, je pense, à un compromis équitable et pour les pêcheurs sportifs et pour les pêcheurs commerciaux, parce que c'est un problème qui perdurait depuis, comme je le disais au début, au moins 20 ans. Et je pense qu'avec les données que le ministre de l'Agriculture et que le ministre de l'Environnement vont recevoir ils vont être éclairés pour prendre la meilleure décision possible. Et, comme on le disait tantôt, ce mandat d'initiative là, on est arrivé à une belle unanimité, donc je pense que... Je ne vous dis pas qu'ils sont liés par la décision et le mandat d'initiative, mais on les encourage fortement à respecter ce qui a été entendu et en même temps à réfléchir très sérieusement sur l'article 63, parce que, moi, j'ai ça à coeur au niveau de mes pêcheurs commerciaux, qui représentent chez nous des économies, ou une économie importante. Ça fait vivre au moins une quarantaine de familles, ce qui a des retombées indirectes de plusieurs millions. Et il y a au moins des centaines de personnes qui vivent de ce produit-là, d'autant plus que les restaurateurs et le tourisme dans ma région, c'est très important, parce qu'on a une belle région, la région du lac Saint-Pierre, puis, quand les oies arrivent, au printemps et à l'automne, bien, écoutez, les touristes viennent chez nous, ils vont tuer de l'oie puis ils mangent de la perchaude. On les invite à venir manger de la perchaude chez nous. Puis je pense que, avec les données que nous avons au niveau de l'entente qu'on a eue dans notre commission parlementaire, dans notre mandat d'initiative, je pense qu'on va avoir un bon compromis, équitable pour tout le monde, puis les deux groupes vont être satisfaits. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nicolet-Yamaska. Je cède maintenant la parole à la députée de Kamouraska-Témiscouata. Mme la députée.


Mme France Dionne

Mme Dionne: Oui. Merci, M. le Président. Rapidement, quelques mots parce que je sais qu'on est plusieurs à vouloir parler sur ce sujet, et je pense que beaucoup a été dit, tant par le président de la commission parlementaire que par le député de Nicolet-Yamaska. C'est dans sa région que ça se passe, et il était préoccupé de façon particulière. J'espère que la commission parlementaire a rendu justice à son problème et qu'on a trouvé toutes les solutions qui pourront permettre de régler un problème qui durait depuis 20 ans.

(17 h 50)

Ce que je voudrais noter à ce moment-ci, M. le Président, c'est que, d'une part, il y a une des recommandations qui est quand même particulière: celle sur la réglementation de la vente. La recommandation que la commission faisait, c'était que, effectivement, la réglementation, notamment le Règlement sur l'aquaculture et la vente des poissons, qui relève maintenant du ministère de l'Environnement et de la Faune, devrait relever du ministère de l'Agriculture. Alors, comme on le sait, si on a parlé tout à l'heure, dans deux projets de loi, de la qualité des aliments, de la salubrité, dans ce sens-là, je pense que le ministre de l'Agriculture et le ministre de l'Environnement et de la Faune devraient regarder de façon particulière à ce que ce Règlement sur l'aquaculture et la vente des poissons relève effectivement du ministère de l'Agriculture. Je pense que ça serait peut-être donner un bon coup de main pour avoir une réglementation précise dans ce sens-là.

D'autre part, quand on parle de l'étiquetage – et je reviens à ce que le député de Nicolet-Yamaska disait – l'étiquetage des perchaudes, c'est important que ça soit bien fait. Je reviens, encore là, aux appellations contrôlées. Il est peut-être possible que, dans le domaine des poissons, justement, on en arrive avec des appellations contrôlées précises, et ça va mettre en relief la région du lac Saint-Pierre et toute cette grande région où se fait de façon particulière la pêche à la perchaude, qu'on ne retrouve pas ailleurs. Dans le Bas-Saint-Laurent, c'est l'anguille, mais, dans la région du lac Saint-Pierre, c'est effectivement la perchaude qui est dans le moment le principal poisson. Alors, dans ce sens-là, moi, je suis heureuse qu'on ait pu travailler sur ce dossier et qu'après...

Et puis, il faut le dire, M. le Président, on l'a senti, qu'il y avait peut-être des différences entre les deux associations de pêcheurs. Mais, entre les gens du ministère de l'Agriculture et les gens du ministère de l'Environnement et de la Faune, il y a les gens qui ne s'étaient pas parlé sur différents points depuis longtemps, ce qui veut dire que, encore là... Et là j'invite les deux ministres concernés à utiliser la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. C'est là qu'on résout les problèmes entre les deux ministères. Ce n'est pas le premier exemple, on en a eu d'autres puis on va en avoir d'autres. Alors, dans ce sens-là, M. le Président, on a commencé à travailler avec la loi 198. Vous voyez, on a des mandats d'initiative, et je pense que c'est très efficace. Puis on est au service des citoyens, et, dans ce sens-là, je pense qu'on fait un excellent travail, et on l'a fait de façon non partisane sur ce dossier, et ça va sûrement réjouir toute la population de la région concernée.

Alors, M. le Président, c'étaient les commentaires que je voulais faire pour appuyer ceux qui ont déjà été faits par les membres de la commission, par le président, et c'est certain qu'on est capable de prendre d'autres mandats d'initiative. On attend toujours les trois ministres concernés par la réglementation environnementale d'ici la fin du mois de novembre avec les consultations, tel que ça a été promis à tout le monde. Alors, c'est à la commission parlementaire qu'on va étudier ça de façon particulière et qu'on peut sûrement trouver des solutions environnementales applicables. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Je cède maintenant la parole au député de Gaspé. M. le député.


M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Effectivement, les audiences qu'a tenues la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation nous ont permis de rencontrer les principaux intervenants dans le dossier de la pêche de la perchaude concernant le lac Saint-Pierre. Or, vous savez que, le lac Saint-Pierre, c'est un territoire de pêche qui a une superficie de 360 kilomètres carrés. C'est un territoire qui est très vaste. Il y a 42 pêcheurs commerciaux qui y gagnent leur vie, mais il y a une multitude de pêcheurs sportifs, également, qui amènent des revenus dans les coffres de l'État pour un montant très appréciable.

Le dilemme que l'on retrouve au lac Saint-Pierre est le suivant: les pêcheurs commerciaux pêchent du 1er avril au 30 novembre, les pêcheurs sportifs pêchent à longueur d'année, et on assiste également à une diminution de la ressource. La problématique: chacun disait que l'autre était responsable de la diminution des stocks. Alors, dans la démarche qui a été entreprise par le ministère de l'Environnement et de la Faune au début des années quatre-vingt, les pêcheurs sportifs prenaient le quart de la récolte annuelle, soit 75 tonnes de perchaude sur ce lac, M. le Président, et les pêcheurs commerciaux, qui étaient plus restreints en nombre, comme on l'a vu tout à l'heure, 225 tonnes. Le principal grief que l'on présentait était à l'effet que les pêcheurs commerciaux bloquaient l'accès au territoire de pêche et, d'autre part, faisaient en sorte que les captures nuisaient à la régénérescence de la ressource.

Alors, M. le Président, devant le dilemme, devant le problème que le ministère de l'Environnement avait, il fallait déterminer qui avait raison. Un groupe d'experts a été mandaté, un groupe d'experts composé de chercheurs du ministère de l'Environnement et de la Faune, de la direction régionale de Mauricie–Bois-Francs, également de l'Université du Québec à Montréal, du Département des sciences biologiques. L'institut Maurice-Lamontagne a également été mis à contribution, et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Ils ont produit un rapport qui a fait en sorte qu'on a connu effectivement c'est quoi, l'état de la ressource dans le lac Saint-Pierre, quelles sont les conditions pour faire en sorte que la perchaude ne se retrouve pas dans une situation où il y a un risque de fermer la pêche ou de réduire considérablement la pêche.

Vous savez que, les pêcheurs commerciaux, la perchaude représente 51 % de leurs revenus annuellement. C'est énorme. Les pêcheurs sportifs nous disent: Nous, on apporte des millions dans les coffres de l'État. Effectivement, c'est vrai. Pour plus de pêcheurs, pour moins de ressources, le niveau de rentabilité de la pêche à la perchaude s'avère plus élevé. Par ailleurs, il faut tenir compte des données historiques. La pêche à la perchaude par des pêcheurs commerciaux se fait depuis au moins cinq générations sur le lac Saint-Pierre, et les gens veulent continuer à gagner leur vie avec ce mode d'exploitation. Alors, M. le Président, pour trouver une solution, effectivement, la commission a retenu des recommandations.

La limitation de la taille. Vous savez qu'à chaque fois qu'il y a 100 perchaudes qui sont pêchées dans le lac Saint-Pierre il y en a 77 qui meurent. Donc, l'effort de pêche est considérable. Les effets sur la ressource sont importants. Donc, l'imposition d'une taille minimale fait en sorte qu'on va contrôler davantage l'espèce puis on va lui permettre de grossir. Aujourd'hui, on constate que, sur le lac Saint-Pierre, la plus grosse perchaude qu'un pêcheur peut s'attendre à attraper mesure environ 9 po, 10 po, alors que ça a déjà été des poissons qui mesuraient davantage.

D'autre part, la réglementation concernant la mise en vente. Il y a des problèmes de santé publique; donc, la recommandation de faire en sorte que la vente des poissons pris sportivement soit interdite fait en sorte que nous allons garantir une qualité du produit. Les pêcheurs commerciaux vont pouvoir acheminer leurs produits à des acheteurs qui, eux, vont s'assurer, au niveau régional puis au niveau local, que les commerçants et les restaurateurs puissent être approvisionnés quand même.

Alors, on nous disait que la pêche prise sportivement, effectivement, il n'y a aucune réglementation à ce sujet-là, M. le Président, et elle fait partie de certaines espèces qui ne sont pas réglementées. Donc, il faut faire en sorte que les champs soient respectés, que les pêcheurs sportifs et les pourvoyeurs puissent continuer à gagner leur vie. Bien, chacun va avoir son territoire, chacun va avoir ses obligations, chacun va avoir également ses procédés. Une façon d'y arriver est également l'étiquetage. Lorsqu'on va étiqueter les produits mis en marché pour garantir la provenance du produit, bien, on va savoir c'est quel producteur, c'est quel pêcheur qui a approvisionné tel restaurateur. Donc, il y a une garantie au niveau de la qualité du produit.

Maintenant, pour y arriver, il faut également se donner un plan stratégique, et un plan stratégique respecte des conditions, M. le Président. On a vu que, après les consultations qui ont été faites, il y a un consensus, quand même, qui s'est dégagé dans la région. Les associations de pêcheurs sportifs et commerciaux ont convenu et ont suggéré l'imposition d'une taille minimale d'exploitation, d'introduire une limite quotidienne, parce que, actuellement, chacun peut pêcher la quantité qu'il veut. On peut se retrouver cinq pêcheurs dans la même chaloupe, puis on va prendre des quantités importantes de perchaudes et, ensuite, on va les commercialiser même si elles sont prises sportivement.

(18 heures)

D'autre part, il y a une recommandation qui est à l'effet de limiter le nombre d'aides-pêcheurs à deux pêcheurs par embarcation, et ça, M. le Président, c'est pour faire en sorte que la capacité et l'efficacité de la pêche commerciale soient maintenues à un niveau juste et loyal, dans le sens que, étant donné que les pêcheurs qui détiennent un permis ont la capacité et la possibilité de changer d'aide-pêcheur, la pêche se fait de façon plus intensive, avec des engins de plus en plus performants.

Donc, également, un consensus se serait dégagé concernant la vente des perchaudes capturées à la pêche sportive dans l'ensemble du Québec. Alors, on voit, M. le Président, que déjà il y a une cohésion, une volonté au lac Saint-Pierre de faire en sorte que l'harmonie règne et que chacun puisse cohabiter. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Gaspé. Puisqu'il n'y a plus d'autre intervenant et considérant l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Alors, je demanderais aux députés de bien vouloir demeurer à leur place.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 6)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: ...prendre en considération l'article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 45


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 7, Mme la ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires. Mme la ministre, je vous cède la parole.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. En effet, le 16 octobre dernier – et je puis vous dire que j'aurais souhaité le faire plus tôt même, puisque, dès la fin juin, dès la fin de nos travaux parlementaires, j'avais un projet qui était prêt, mais, évidemment, on ne pouvait respecter, à ce moment-là, les délais. J'ai donc dû attendre à ce moment-ci – je déposais donc en cette Chambre le projet de loi n° 45 créant des fondations universitaires mandataires du gouvernement. J'ai donc aujourd'hui le plaisir de présenter le principe de ce projet de loi et d'en débattre. J'en profiterai pour mettre en évidence deux objectifs généraux et trois objectifs particuliers que poursuit notre gouvernement par la présentation de ce projet de loi. Cette approche, qui procède du général au particulier, permettra de passer en revue tous les éléments du contexte qui militent en faveur de l'adoption de ce projet de loi ainsi que la substance des 22 articles qui se trouvent regroupés dans les quatre chapitres du projet de loi, et, avant de conclure, j'indiquerai comment notre gouvernement utilise la fiscalité pour soutenir et promouvoir les initiatives de nos concitoyens.

D'abord, le principe du projet de loi. Essentiellement, le projet de loi attribue à des fondations universitaires un statut de mandataires du gouvernement. Par ce statut, les dons importants faits par les particuliers et les corporations sont réputés être des dons faits au gouvernement. Ainsi, le montant servant de base au calcul des crédits d'impôt non remboursables pour les particuliers et au calcul de la déduction du revenu imposable, cela pour les corporations, est porté à 100 % du revenu net du donateur pour l'année du don comparativement à 20 % pour les dons faits par des résidents du Québec à des organismes de bienfaisance. C'est donc dire que la totalité du montant du don, compte tenu des possibilités de report sur les années futures ou antérieures, pourrait bénéficier du traitement fiscal prévu pour les dons faits à des gouvernements. Et c'est pour cette raison que l'article 3 du projet de loi dit que les biens de la fondation mandataire font partie du domaine public même si les dons proviendront largement et quasi essentiellement de source privée.

D'entrée de jeu, donc, trois éléments de contexte peuvent être rappelés pour étayer le principe de ce projet de loi. D'abord, la majorité des provinces canadiennes ont adopté, et ce, au début des années quatre-vingt-dix, une législation visant à instituer des fondations mandataires de la couronne ou du gouvernement. Ainsi, une législation équivalente existe en Colombie-Britannique depuis 1987, en Alberta depuis 1991, en Ontario depuis 1992, en Nouvelle-Écosse depuis 1991, au Nouveau-Brunswick depuis 1992 et au Manitoba depuis 1993.

(20 h 10)

Ensuite, les fondations qui existent présentement dans les universités québécoises et qui reçoivent des dons jusqu'à concurrence de 20 % du revenu net du donateur continueront d'exister et de planifier, bien sûr, les campagnes de souscription. Dans le cadre des stratégies de sollicitation, les dons importants seront alors référés vers la fondation mandataire du gouvernement aux fins de recevoir le traitement fiscal approprié. Je reviendrai d'ailleurs sur cette cohabitation, puisqu'il y a cohabitation, des fondations existantes et des fondations mandataires, ceci lors de la présentation et de l'explication des objectifs particuliers poursuivis par le gouvernement, puisqu'elle assure la complémentarité des deux outils de traitement fiscal des dons faits par les particuliers et les corporations.

Si le statut de fondation mandataire est institué par législation, c'est par décret que le gouvernement peut en actualiser l'exercice. Comme le prévoit en effet l'article 1 du projet de loi, le gouvernement peut instituer pour l'un ou l'autre des établissements d'enseignement de niveau universitaire visés à l'article 1 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire une fondation mandataire désignée sous le nom, par exemple, de Fondation universitaire de l'Université Laval ou de Fondation universitaire de l'Université McGill.

Quels sont donc les deux objectifs généraux poursuivis par le gouvernement en regard de cette loi? Les deux objectifs poursuivis par le gouvernement – des objectifs généraux, puisque je viendrai aux objectifs particuliers plus tard – sont d'établir un régime fiscal concurrentiel avec celui, bien sûr, des autres provinces canadiennes, et particulièrement celles qui nous entourent, et de diversifier autant que faire se peut les sources de financement des universités. On sait qu'elles le souhaitent depuis un long moment, et je suis donc particulièrement heureuse de pouvoir débattre de ce projet de loi, le présenter d'abord à cette Assemblée et en débattre ici devant vous, M. le Président.

Quel est ce régime concurrentiel par rapport à celui que l'on connaît dans les autres provinces? Le projet de loi n° 45 répond à une demande formulée en octobre 1993 par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, plus communément appelée la CREPUQ. Et, de mars 1995 à avril 1996, la demande de projet de loi a été analysée, je vous dirais, sous tous ses aspects grâce à une large consultation qui a été conduite par le ministère de l'Éducation et, bien sûr, auprès de plusieurs autres ministères, qu'il s'agisse du ministère des Finances, du ministère du Revenu, du ministère des Affaires municipales ou du Conseil du trésor et, bien sûr, auprès de la CREPUQ elle-même.

Le principal constat est le suivant. Actuellement, en raison d'une absence de législation équivalant à celle des autres provinces, des dons importants – et ils sont importants, M. le Président – vont vers d'autres provinces canadiennes. Cette position est donc fondée, bien sûr, en droit. En effet, un résident du Québec peut actuellement, s'il le désire, faire un don à la fondation universitaire de l'Université de Toronto, fondation instituée en vertu de la Loi concernant les fondations universitaires, selon la loi ontarienne du 5 novembre 1992, au chapitre 22. Ainsi, ce Québécois pourrait bénéficier des crédits d'impôt reliés à ce type de don jusqu'à concurrence de 100 % de son revenu net, crédits d'impôt qui sont non seulement reconnus par Revenu Canada mais aussi par le ministère du Revenu du Québec. Alors, c'est assez particulier, quand on songe à cela. Et il en va de même, bien sûr, pour les dons faits par les corporations.

Donc, cette perception, cette réalité, je vous dirais, est comprise par tous les intervenants, dont la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, et partagée aussi – cette analyse de situation – par le ministère de l'Éducation et le ministère des Finances.

Dans le cadre de rencontres fédérales-provinciales, des représentants du ministère des Finances ont d'ailleurs constaté que le Québec était désavantagé par rapport aux autres provinces par l'absence d'une loi sur les fondations universitaires. Cet objectif d'un régime fiscal concurrentiel avec celui d'autres provinces milite donc en faveur de l'adoption du projet de loi.

Rappelons que cette législation n'a pas pour but de rendre les dispositions fiscales du Québec relatives aux dons de bienfaisance identiques aux dispositions fiscales fédérales. Ce n'est pas l'objectif. Comme on le sait, en effet, au niveau fédéral, depuis le budget fédéral du 6 mars 1996, le plafond des dons de bienfaisance admissible au calcul des crédits d'impôt est passé de 20 % à 50 % du revenu net du donateur, pour un don fait de son vivant, et 20 % du revenu net du donateur, pour un don fait suite à son décès. Les corporations peuvent demander une déduction dans le calcul de leurs revenus imposables. Lors du discours sur le budget, le 9 mai 1996, le gouvernement du Québec a pour sa part choisi de maintenir à 20 % du revenu net du donateur le plafond du don de bienfaisance admissible au calcul du crédit d'impôt ou de la déduction du revenu imposable.

Selon une étude faite par la CREPUQ en octobre 1990, et ce, pour les années financières 1988-1989, on peut affirmer que le capital accumulé avec restriction dans les fonds de dotation, les fonds de souscription et les fondations existantes était alors relativement très peu élevé, soit 359 000 000 $. Cette tendance s'est maintenue jusqu'aux années récentes. Et, au 31 mai 1995, le capital accumulé dans les mêmes fonds était de 515 400 000 $ pour l'ensemble des établissements, c'est-à-dire que, de 1988-1989 à 1994-1995, la croissance annuelle moyenne composée du capital fut très lente.

Pour comparer la situation québécoise à la situation américaine, la CREPUQ a exprimé le capital des fonds en fonction du nombre d'étudiants équivalents temps complet. Ainsi, en dollars canadiens et en 1988-1989, le capital accumulé par étudiant équivalent temps complet était le suivant: 1 488 $ pour l'université du Maine, qui est une université publique; 2 318 $ pour l'ensemble des universités québécoises; 5 670 $ pour l'université de Washington, une université publique; 11 458 $ pour l'université du Michigan, une université publique très réputée en recherche; 53 466 $ pour l'université Cornell, une université privée; 97 637 $ pour l'université Columbia, une autre université privée; et enfin 361 071 $ pour l'université Harvard.

Dans l'ensemble, il est absolument clair que le capital accumulé dans les fonds de dotation, de souscription et les fondations existantes des universités québécoises est à l'évidence très peu élevé comparativement à ce que l'on peut constater dans les universités américaines. Ainsi donc, le deuxième objectif général de cette loi, outre l'instauration d'un régime fiscal concurrentiel avec celui des autres provinces canadiennes, consiste à doter les universités québécoises d'un outil facilitant la diversification de leurs sources de financement, et ce, par l'accumulation du capital dans les fonds de dotation et de souscription, car c'est souvent le capital accumulé qui permet de saisir toutes les possibilités de développement qui ne manquent pas de se créer dans les universités, et ce, de par le monde.

Comme l'indique le premier paragraphe des notes explicatives du projet de loi, les fondations mandataires ont – et j'ouvre les guillemets – «pour mission de promouvoir et de soutenir financièrement les activités d'enseignement et de recherche de l'établissement d'enseignement concerné».

En troisième lieu, j'aimerais que l'on s'attarde aux trois objectifs particuliers poursuivis par la loi. En effet, le Québec entend favoriser un changement de mentalité, particulièrement chez les francophones, en rendant légitimes et souhaitables les dons importants aux universités, ce qui devrait, croyons nous, avoir un effet d'entraînement sur les dons moindres aussi. On peut être une grande corporation avec des capitaux importants, donc être capable de contribuer par des dons significatifs, on peut être un contribuable ayant des ressources plus limitées, mais être tout aussi intéressé à contribuer au financement de nos universités. Deuxième élément, deuxième objectif particulier, instaurer une synergie encore plus féconde, bien sûr, entre le monde des affaires et celui de l'éducation. Et, enfin, troisième objectif particulier, confirmer les pratiques d'une gestion transparente des fonds et des biens qui font partie du domaine public.

Reprenons maintenant chacun de ceux-ci, soit le premier objectif particulier, favoriser le changement des mentalités. En fait, depuis le début des années soixante, les Québécoises et les Québécois se sont appuyés sur le rôle moteur de l'État dans l'économie, attendant de l'État plus de services, de subventions, de bienfaits. Cette pratique de l'intervention massive de l'État dans l'économie est parfois, pour ne pas dire souvent actuellement, remise en question. Et cela est vrai non seulement ici, mais par tous les pays et dans tous les pays industrialisés. Partout, les gouvernements souhaitent ou favorisent les changements afin que les dynamismes de la croissance, de la prospérité reposent sur des bases élargies d'initiatives et de partenariats, ce qui n'enlève pas le rôle et la responsabilité de l'État, bien sûr, mais on le circonscrit autrement.

(20 h 20)

Donc, dans ce contexte général, le projet de loi sur les fondations universitaires adresse un message clair à l'ensemble de la population québécoise en reconnaissant l'importance de donner à des organismes qui peuvent utiliser avec efficacité les fonds qui leur sont confiés. Car le changement de mentalité relatif aux dons faits par la population demeure avant tout une question de confiance, confiance que les dons répondent à des besoins démontrés, confiance que les dons seront utiles, confiance que la part des dons sera aussi efficace que toute autre source de revenu. Et à cet égard, je tiens à souligner la maturité dont font preuve les universités québécoises lorsqu'elles s'adressent, dans le cadre des campagnes de souscription, à leurs étudiants et étudiantes, à leurs employés, à leurs diplômés, anciens et anciennes, et à la population en général dans laquelle elles oeuvrent et au service de laquelle elles sont.

Les objectifs des campagnes de souscription sont établis et subdivisés selon plusieurs besoins. En outre, on établit à l'avance la quantité de ressources financières qui sera allouée pour satisfaire tel ou tel besoin: amélioration des collections en bibliothèque, acquisition d'appareils de recherche à la fine pointe des développements technologiques, programmes de bourses institutionnels aux étudiants de deuxième et troisième cycles, création de chaires de recherche, rénovation de pavillons, etc.

On dit que les universités québécoises ont emprunté aux universités américaines plusieurs modes d'organisation des campagnes de souscription. Aux États-Unis, les campagnes de souscription sont fréquentes en milieu universitaire. On affirme qu'elles renforcent le sentiment d'appartenance à l'alma mater, et les gestionnaires avertis des campagnes de souscription prennent soin de ne générer aucun effet de saturation au sein de la population. Évidemment, nous n'en sommes pas là au Québec, et, je vous dirais, au contraire, nous sommes à amorcer ce changement de mentalité. Plus la confiance dans ce type de financement par campagne de souscription sera instaurée, plus les gens de chez nous pourront faire des oeuvres utiles à tous.

Je souhaite donc que les universités québécoises utilisent à bon escient cette loi et s'en servent comme un outil promotionnel, laissant entrevoir clairement la nécessité – et elle est impérative – de partenariat fécond et rentable entre le secteur privé et le secteur public. Évidemment, pour les particuliers, c'est surtout dans un contexte de planification successoral qu'ils pourront le plus souvent faire des dons lorsqu'ils seront importants – et ce sera le cas – à des universités québécoises.

Le deuxième objectif particulier: celui d'instaurer une synergie féconde entre le monde des affaires et celui de l'éducation. Par cette loi, le gouvernement, en effet, ajoute des moyens pour renforcer les liens qui existent entre le monde des affaires et celui des universités pour augmenter le financement de source privée à l'enseignement universitaire et pour dynamiser le monde de la recherche. Je suis confiante que les entreprises sauront utiliser avec efficacité ce moyen d'action et de rayonnement que leur propose le gouvernement.

À l'article 5, le projet de loi prévoit la formation d'un conseil d'administration composé d'au moins trois et d'au plus sept personnes toutes nommées par le gouvernement. Ces personnes ne seront pas rémunérées mais auront droit au remboursement, bien sûr, de leurs dépenses, comme le prévoit l'article 8. Enfin, l'article 11 stipule que les membres du personnel de la fondation sont nommés et rémunérés selon le plan d'effectifs établi par règlement de la fondation. À ce sujet, je rappelle que le personnel des fondations mandataires sera et demeurera réduit au strict minimum parce que les fondations existantes dans les universités continueront d'exister et de planifier les campagnes de souscription. C'est pourquoi l'article 12 prévoit que, dans la poursuite de sa mission, la fondation mandataire peut recevoir des libéralités et agir comme fiduciaire.

Parmi les autres pouvoirs de la fondation mandataire, il s'en trouve deux interreliés. D'abord, selon l'article 14, la fondation remet à l'établissement les biens reçus et, selon l'article 15, la fondation peut gérer les biens reçus à la demande de l'établissement d'enseignement. Selon l'article 13 du projet de loi, une telle gestion obéit aux règles de placements présumés sûrs au sens du Code civil du Québec. Il ne s'agit donc pas de fondations qui auraient pour but de gérer des fonds de manière spéculative ou encore de concevoir des montages financiers complexes. Bien au contraire, on parle d'une gestion conservatrice du capital et des biens.

Je mentionne à cet égard le caractère prévisible des pratiques de gestion des fondations, qui ne seront l'objet d'aucune improvisation. En effet, comme le prévoit l'article 16, les fondations pourront adopter des règlements concernant leur régie interne et l'administration des biens qu'elles reçoivent. De tels règlements seront soumis à l'approbation du gouvernement. Le gouvernement exercera alors ses fonctions de manière à ce que l'intérêt public soit en tout temps respecté et honoré. Et c'est en ce sens donc qu'il n'y aura pas d'improvisation.

Troisième objectif particulier, soit celui de favoriser la gestion transparente des fonds qui font partie du domaine public. La fin de l'exercice financier d'une fondation mandataire coïncide volontairement avec la fin de l'exercice financier des universités, soit le 31 mai. Comme on le sait par les rapports qui sont déposés à l'Assemblée nationale en application de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire, les universités transmettent annuellement au ministère des rapports financiers annuels qui présentent un état détaillé de l'utilisation des subventions gouvernementales. La gestion de la fondation mandataire sera l'objet d'une reddition de comptes tout aussi rigoureuse. D'une part, des vérificateurs externes feront la vérification des comptes comme le prévoit l'article 19. Et d'autre part, selon l'article 20, chaque fondation transmettra à la ministre de l'Éducation et à l'établissement d'enseignement le rapport de vérification accompagné d'un état détaillé des biens reçus et de leur utilisation.

À chaque fois qu'un établissement acceptera des biens remis par la fondation, il y aura inscription correspondante des biens sous forme d'actifs ou de revenus dans le rapport financier annuel de l'établissement. Ainsi donc, les transactions faites en vertu de la loi seront reflétées dans deux documents administratifs: d'une part, le rapport de vérification des comptes de la fondation et, d'autre part, le rapport financier annuel de l'établissement d'enseignement. Avec l'instauration de telles pratiques de gestion, le projet de loi présente l'assurance d'une gestion transparente des fonds qui font partie du domaine public.

Quels sont les coûts de cette législation? En effet, je ne saurais passer sous silence le fait que le gouvernement du Québec accomplit par cette loi une fonction de soutien à l'égard des initiatives et de la volonté des contribuables. En effet, le don fait à une fondation universitaire, en étant entièrement admissible au calcul des crédits d'impôt remboursables ou au calcul de la déduction du revenu imposable, prive bien sûr le gouvernement de certains revenus fiscaux.

Il est évidemment impossible en ce moment d'établir avec précision les coûts fiscaux de cette législation, puisque l'on ignore quel sera le volume des dons importants. Mais, malgré ce qui précède, on peut esquisser par analogie une estimation plausible des ordres de grandeur. Lorsque, en mars 1996, le gouvernement du Canada a haussé le plafond des dons admissibles à 50 % ou 100 % du revenu net du donateur – selon que le don est fait de son vivant, 50 %, ou au décès, 100 % – il a estimé que le volume des dons admissibles augmenterait, en rythme de croisière, de 40 000 000 $ à l'échelle canadienne pour des coûts fiscaux de 10 000 000 $. Comme les particuliers et les corporations donneront rarement 100 % de leurs revenus de leur vivant à une université québécoise, on peut estimer que, pour chaque dollar de don fait en vertu de la Loi sur les fondations universitaires, le coût fiscal additionnel sera de 0,25 $ pour le gouvernement du Québec, les autres 0,25 $ étant à la charge du gouvernement du Canada.

En conclusion, donc, M. le Président, cette Loi sur les fondations universitaires adresse un message clair à l'ensemble de la population québécoise en proposant un changement de mentalité qui mette en évidence l'importance de donner et de faire confiance aux organismes qui gèrent les dons. Ce changement de mentalité accompagne notre révision du rôle de l'État dans l'économie. De l'État-providence, nous nous orientons de plus en plus vers l'État partenaire, et l'État partenaire, c'est aussi un État à l'écoute, capable de faire confiance à ses interlocuteurs et habile à promouvoir leurs initiatives.

En versant des dons aux universités, des plus petits aux plus importants, les particuliers et les corporations contribueront à diversifier les sources de financement de nos universités québécoises. En confirmant aux Québécois et Québécoises leur capacité de donner au Québec selon des avantages fiscaux comparables à ceux qui existent dans d'autres provinces, le gouvernement souhaite que les chefs d'entreprise et les particuliers se sentent appuyés dans le développement du sentiment d'appartenance avec ces institutions qui contribuent à la formation de notre principale richesse collective, une main-d'oeuvre hautement qualifiée, une main-d'oeuvre capable de relever les défis, d'assurer le développement économique ainsi qu'une prospérité partagée par l'ensemble de la population.

(20 h 30)

Au Canada, ce type de législation fut introduit en visant d'abord le milieu universitaire. La loi dont je présente aujourd'hui le principe découle d'une analyse complète des besoins en milieu universitaire québécois. Elle se veut une réponse concrète, je le souhaite et je l'espère, productive, à la demande formulée par les universités en 1993. J'ose espérer, M. le Président, que cette expérience nous permettra de réaliser de grands progrès en matière universitaire. Je vous remercie de votre attention.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de l'Éducation. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, d'emblée, ce projet de loi correspond à une demande qui avait été faite par l'ensemble des universités, comme l'a rappelé d'ailleurs la ministre. En 1993, lorsque nous étions encore au gouvernement et lorsque le député de Westmount–Saint-Louis était le ministre de l'Éducation, nous avions d'ailleurs dressé les principaux éléments de cette loi, et seul le résultat malheureux de l'élection nous a amenés à ne pas pouvoir la présenter.

Donc, d'emblée nous sommes d'accord avec le projet de loi. Alors, M. le Président, dans mon intervention je vais signaler pourquoi nous sommes d'accord avec le principe du projet de loi; deuxièmement, signaler les inquiétudes qu'une utilisation abusive de ce projet de loi pourrait faire et les inquiétudes légitimes que nous pouvons avoir; et, troisièmement, j'en arriverai à préciser les points où on pourrait bonifier actuellement le projet de loi.

Alors, premièrement, pourquoi un tel projet de loi? Je pense qu'on l'a rappelé dans l'intervention ministérielle. Il y a actuellement dans les universités des fondations qui sont considérées comme des organismes de charité, c'est-à-dire qui donnent droit, lorsque vous faites un don à la fondation, au maximum de 20 % de votre revenu annuel, ce qui n'est pas le cas pour les fondations qui sont mandataires du gouvernement. C'est une technicalité sur le plan fiscal, mais il y a une différence entre les deux.

Les universités canadiennes non québécoises actuellement ont des fondations couvertes par une loi qui en font des mandataires du gouvernement, ce qui permet aux donateurs à de telles fondations – et très souvent il s'agit de successions importantes – de déduire, d'avoir une déduction fiscale égale à 100 % de la donation. Alors, vous comprenez la différence qu'il y a, M. le Président, entre une déduction fiscale de l'ordre de 20 % et la déduction fiscale qu'il y a avec ce nouveau type de fondations, qui sont des mandataires du gouvernement et non pas couvertes par les lois sur les organismes de charité.

C'est essentiellement la différence qui est devant nous, c'est-à-dire de donner un nouveau véhicule fiscal pour permettre aux grandes fondations, aux grandes successions importantes sur le plan financier de bénéficier de déductions fiscales, lorsqu'elles vont faire un don aux universités québécoises, analogues aux déductions fiscales qu'elles auraient si elles faisaient des dons à des universités non québécoises. Donc, en principe, M. le Président, il y avait là un problème pour nos universités au Québec, qui n'avaient pas le même véhicule pour ramasser les fonds privés que leurs compétiteurs – si vous me permettez ce terme – du secteur des autres provinces canadiennes. Donc, l'objectif, M. le Président, oui, nous y sommes favorables.

Une fois qu'on est favorable à l'objectif, on peut néanmoins soulever des craintes, et je ne peux pas ne pas vous présenter aujourd'hui les énormes craintes qu'il y a dans le milieu universitaire, où on est en train de subir des compressions budgétaires importantes. La ministre nous en annonce de nouvelles, compressions, pour bientôt, des compressions budgétaires importantes, et on dit: Bien, voici, on vous donne une possibilité de fondation. Allez, subventionnez les universités par des dons qui viendraient du privé. Certes, les dons du privé peuvent être un plus pour la recherche, un plus pour l'amélioration de l'enseignement, mais ça ne remplacera jamais – et vous le savez, M. le Président, vous êtes un professeur d'université, vous le savez parfaitement – la contribution nécessaire qui doit venir des organismes gouvernementaux pour soutenir le milieu universitaire.

La crainte que j'ai, la crainte que certaines personnes du milieu universitaire ont, c'est que, en même temps qu'on leur donne ce véhicule pour pouvoir améliorer, certes, les donations dans les universités, on va, du même souffle, du même élan, justifier des compressions importantes dans les budgets universitaires, M. le Président. Et ça, ça serait totalement inacceptable. Ça serait totalement inacceptable. Ça serait scier la branche sur laquelle l'ensemble des jeunes sont assis. Ça serait, encore une fois, hypothéquer le devenir collectif de notre société. Alors, oui, bien sûr, on ne peut pas être contre le fait qu'il y ait un tel projet de loi. On ne peut pas être contre le fait qu'il y ait actuellement un nouveau véhicule qui va être offert aux universités québécoises pour ramasser des fonds, mais attention que cela ne soit pas la raison pour augmenter les compressions dans le réseau universitaire. Et vous savez parfaitement bien, M. le Président, à quel point ces compressions sont dramatiques.

Je vais vous donner un exemple. On a pris l'exemple de l'Ontario. Les universités ontariennes ont des fondations qui sont des fondations de ce type-là, et le gouvernement de l'Ontario – et je ne voudrais pas débattre ici de la validité des politiques du gouvernement de l'Ontario avec lesquelles, la majeure partie du temps, je diverge – a tellement restreint tout ce qui était l'aide financière aux étudiants qu'une bonne partie des sommes ramassées dans le cadre des fondations sont venues suppléer au régime de prêts et bourses qui était considérablement diminué et de plus en plus étriqué. Il ne faudrait pas que la création de ces fondations soit un prétexte pour le gouvernement pour diminuer l'aide financière aux étudiants, que ce ne soit pas un prétexte pour couper l'aide gouvernementale au réseau universitaire. Nous avons d'énormes craintes, et soyez assuré que, dans le débat, en commission parlementaire, article par article, nous allons essayer d'avoir des garanties de la part des ministériels.

(20 h 40)

Je ne préjuge pas actuellement des raisons qui sont derrière ce projet de loi. Je dis: On peut avoir certaines craintes, et bravo si ces craintes ne sont pas fondées. Mais le rôle des parlementaires de l'opposition, c'est de s'assurer que ces craintes ne seraient pas fondées et que les sommes ramassées par ces fondations universitaires viennent en quelque sorte en surplus sur les fonds des universités pour aider à la recherche et ne viennent pas remplacer un désengagement du gouvernement soit dans l'aide financière aux étudiants soit dans le soutien au budget de fonctionnement des universités.

Donc, M. le Président, en résumé, oui, nous applaudissons actuellement ce véhicule financier qui va mettre nos universités sur un plan égal avec les autres universités canadiennes, mais nous nous faisons ici l'interprète de certaines craintes qui existent dans le milieu à l'effet que la présentation de ce projet de loi soit la justification à des compressions plus importantes dans le financement des universités et des compressions plus importantes dans les régimes d'aide aux étudiants.

Pour entrer maintenant dans le détail du projet de loi, si nous sommes d'accord, ici, dans l'opposition, avec le principe du projet de loi, bien que nous ayons certaines inquiétudes, il y a dans la rédaction du projet de loi des points qui peuvent nous inquiéter, et je vais faire avec vous, dans les quelques minutes qui me sont imparties, M. le Président, un peu le tour des questions qui nous inquiètent. La ministre, dans sa présentation – et je vais commencer par la fin, je vais remonter le projet de loi – a plaidé sur l'importance que ces fondations soient ouvertes, qu'elles soient transparentes, et elle plaide à cet effet en disant, à l'article 19, que les états financiers de cette fondation seront vérifiés par un vérificateur et, à l'article 20, que les fondations font rapport à la ministre. C'est très gentil. Ça, ça veut dire que ces fondations vont être transparentes, mais transparentes à la ministre.

Je voudrais, M. le Président, dans ce cadre-là, et je le présenterai dans la mesure où on aura à débattre avec en commission... Il me semble qu'il serait préférable que le Vérificateur général ait dans son mandat la responsabilité aussi de surveiller les fonds de ces fondations. Ce sont des fonds publics. N'oublions pas que les fondations vont être maintenant mandataires du gouvernement. Les fonds qui sont dans ces fondations seront des fonds publics, et, à cet effet-là, d'après moi, ces fondations devraient pouvoir être vérifiées par le Vérificateur général du Québec, qui remet ici, à l'Assemblée nationale, son rapport tous les six mois, parce qu'on a des morceaux de rapport qui arrivent tous les six mois.

Dans le même ordre d'idées, M. le Président – et les liens entre les fondations et le pouvoir exécutif sont très clairs dans le projet de loi – si la ministre est justifiée de recevoir les rapports des fondations, il me semble qu'il serait sain qu'il y ait dans le projet de loi obligation à la ministre de rendre publics les rapports qu'elle aurait reçus et de plus de les déposer à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire que la transparence ne soit pas uniquement orientée vers le pouvoir exécutif, mais qu'aussi les parlementaires que nous sommes et le parlementaire que vous êtes soyons en mesure de connaître ce qui se passe et ce que nous ressentons dans les fondations. Dans ce sens-là, M. le Président, nous, les parlementaires de l'opposition, allons, dans l'étude article par article, essayer de modifier le projet de loi en soumettant les états financiers, en obligeant les fondations à soumettre leurs états financiers à la vérification du Vérificateur général du Québec, premièrement, et, deuxièmement, en faisant en sorte que les rapports qui sont transmis à la ministre suite à l'article 20 du projet de loi soient aussi déposés en Chambre.

Si je remonte sur les pouvoirs, M. le Président, et là, les pouvoirs, il s'agit du chapitre 2, des articles 12 à 16, où essentiellement les fondations sont amenées à ramasser des fonds pour les objectifs universitaires, j'ai un questionnement sur l'article 14.

L'article 14 fait obligation aux fondations de transmettre les fonds qu'elles reçoivent dans les 160 jours aux établissements. Vous savez qu'il peut exister des donateurs qui lient leurs dons à certains exercices, en disant: Je fais un don pour que mon argent soit utilisé pour tel projet, la faculté de médecine, par exemple, ou la faculté de musique, ou pour telle et telle chose. Rien n'est prévu, à l'article 14, pour que la fondation, lorsqu'elle transmet ces fonds, soit amenée à pouvoir les lier, c'est-à-dire faire en sorte que les institutions les utilisent pour des fins bien particulières qui pourraient être des fins spécifiées par le donateur. Et il me semble – et je m'adresse tout à fait spécifiquement, ici, à la ministre – qu'il faudrait, dans l'article 14, préciser que la fondation qui a l'obligation de transmettre les fonds peut transmettre l'ensemble des fonds qu'elle a reçus aux institutions, mais peut aussi transmettre les liens qu'elle a eus de la part des donateurs quant à l'utilisation de ces fonds. Ce n'est pas prévu actuellement à l'article 14 du projet de loi, et je pense, M. le Président, qu'il y aurait lieu de le préciser.

Si vous me permettez, dans les articles précédents, donc dans le chapitre 1, on parle beaucoup de la manière dont sont nommés les administrateurs de ces fondations. Je comprends que, parce que ces fondations sont des mandataires du gouvernement, le gouvernement se réserve le choix de nommer les administrateurs. Il y a une logique derrière cela. Il me semble qu'il y aurait quand même avantage à prévoir dans ce projet de loi la responsabilité, la protection des administrateurs quant à leur activité comme administrateur, à dire qu'ils ne peuvent pas être poursuivis pour les activités qu'ils font comme administrateurs dans les fondations. Ce n'est pas prévu actuellement dans le projet de loi. On prévoit comment on nomme les administrateurs. On prévoit, dans le projet de loi, comment les administrateurs ne sont pas rémunérés, comment ils fonctionnent, mais nulle part on ne spécifie qu'ils sont non responsables, c'est-à-dire qu'ils sont protégés pour les décisions qu'ils prennent de bonne foi comme gestionnaires de cette fondation.

Voici, M. le Président, essentiellement les quelques remarques que je voulais faire. Et je les résume en trois grands points. Premièrement, nous sommes d'accord avec l'objectif du projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires.

Deuxièmement, nous nous faisons l'interprète des inquiétudes qu'il peut y avoir dans le milieu sur une utilisation abusive de ce projet de loi pour justifier, de la part du gouvernement, des compressions indues, sur le plan budgétaire, tant dans les budgets de fonctionnement des universités que dans l'aide financière aux étudiants, comme ça a existé malheureusement dans certaines provinces canadiennes.

(20 h 50)

En dernier lieu, M. le Président, il y a un certain nombre de points, tant en ce qui touche l'imputabilité ou la transparence du fonctionnement des fondations que la responsabilité des gestionnaires de cette fondation ou encore quant à la possibilité de transférer des fonds, de lier le transfert de certains fonds, qu'il y aurait lieu d'inscrire dans le projet de loi pour le bonifier. Alors, nous allons, dans ce sens-là, en commission parlementaire, présenter un certain nombre d'amendements aux articles 14, 19 et 20: 19 et 20, ce sont les articles qui touchent la vérification, l'imputabilité; 14, c'est celui qui touche les transferts de fonds. Mais ces amendements-là seront soumis réellement à un débat, et j'espère avoir de la part de la ministre une oreille attentive sur ces modifications qui viendraient bonifier considérablement le projet de loi.

M. le Président, en terminant, l'opposition offre sa collaboration à la ministre et aux ministériels pour l'étude de ce projet de loi, mais étude de ce projet de loi que nous allons faire avec sérieux, article par article, avec deux objectifs: dissiper, si on peut le faire, l'inquiétude qu'il pourrait y avoir dans le milieu quant à l'utilisation de ce projet de loi pour justifier les compressions indues et inacceptables tant à l'aide financière aux étudiants qu'au financement des universités et, deuxièmement, améliorer la transparence et l'imputabilité des gestionnaires du fonds envers les parlementaires. Tel est l'objectif de l'opposition, mais nous allons voter pour en deuxième lecture. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres interventions? Mme la députée de Chicoutimi, je vous cède la parole.


Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le gouvernement propose aujourd'hui l'adoption du principe du projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires, projet de loi, faut-il le dire, que j'approuve sans réserve.

Tout à l'heure, le porte-parole de l'opposition et député de Verdun nous offrait sa collaboration en même temps qu'il nous annonçait qu'il appuie le projet de loi, le principe du projet de loi, moyennant certaines réserves. Je ne parlerai pas au nom de la ministre de l'Éducation, mais, à titre de présidente de la commission permanente de l'éducation, je reçois avec plaisir l'offre de collaboration de l'opposition.

Vous allez me permettre de rappeler brièvement l'objectif du projet de loi. C'est en fait un projet de loi qui habilite le gouvernement à instituer par décret, pour l'un ou l'autre des établissements universitaires, en vertu de la loi sur les établissements universitaires, une fondation ayant pour mission de promouvoir et de soutenir financièrement les activités d'enseignement et de recherche de l'établissement universitaire.

Les gens qui nous écoutent savent qu'il existe déjà des fondations. Il y a des fondations dans les grandes universités: à McGill, à Montréal, à Laval, à Concordia, à l'UQAM. Il y en a une également à l'Université du Québec à Chicoutimi qui, avec des moyens et un bassin, j'allais dire, de recrutement de fonds, de levée de fonds beaucoup plus restreint, a fait littéralement des miracles, et je voudrais profiter du moment qui m'est donné ce soir pour féliciter cette Fondation.

Alors, vous allez me dire: Pourquoi cette loi? Cette loi, à la différence des fondations existantes, permettra, parce que ce sont des fondations mandataires du gouvernement, d'aller chercher des subventions non pas sur la base du 20 % du revenu net après impôts mais bien sans plafond. On pourra, par le biais de ces fondations mandataires du gouvernement, aller chercher, par exemple, des dons ou des legs faits à la suite d'un décès ou par des familles un peu plus fortunées, et sans égard évidemment à ce plafond de 20 %.

En fait, l'objectif de ce projet de loi, le premier, c'est d'établir un régime fiscal concurrentiel avec celui qui existe dans les autres provinces canadiennes et, évidemment, de diversifier les sources de financement de nos universités. Établir un régime concurrentiel avec celui qui existe dans les autres provinces canadiennes, il faut savoir qu'actuellement les provinces canadiennes de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse, et il y en a d'autres, celles de l'Ontario, du Manitoba, ont déjà une telle loi qui forme des fondations qu'on appelle mandataires du gouvernement, ce qui permet à ces fondations, dans les autres provinces canadiennes, de recevoir des legs ou des dons de Québécois, et elles se voient accorder des crédits d'impôt qui sont à la fois admissibles sur la fiscalité canadienne et québécoise. Alors, ce qui arrive, c'est que le Québec, ainsi, se trouve à payer, par le biais d'une déduction fiscale, des impôts qui servent au développement des universités hors Québec. Alors, le Québec devait rapidement corriger cette situation qui nous pénalise lourdement, qui pénalise également nos universités.

Je voudrais juste rappeler pour mémoire que la demande avait été faite, dans une lettre qui est datée du 28 octobre 1993, par le président de Power Corporation, M. Paul Desmarais, qui écrivait alors au premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, pour lui demander de créer une telle fondation. Je me permets de rappeler ce qu'écrivait à l'époque M. Desmarais. Il disait: «L'avantage qui découle d'un don à une fondation universitaire favorise les donateurs de sommes importantes, en particulier lorsqu'il s'agit de donations testamentaires. Ce sont ces donateurs privés qui contribuent de façon significative à la réussite des campagnes de souscription de nos universités, autant par leurs dons individuels que par l'effet d'entraînement qu'ils suscitent. Les statistiques nous démontrent qu'au chapitre des dons privés aux universités le Québec accuse un retard sérieux. Le Québec ne peut donc laisser cette situation s'aggraver en privant ses universités d'un moyen de bénéficier d'une source de financement dont plusieurs autres grandes universités canadiennes se sont assurées. Et aussi, nous disait-il, à défaut d'agir, nos universités québécoises seront privées de dons importants.»

Alors, cette carence, qui était à la fois signalée par M. Desmarais mais qui a également fait l'objet de requêtes de la part de la Conférence des recteurs et des principaux des universités depuis 1993, en fait, nous, par le projet de loi déposé aujourd'hui, dont on discute l'adoption du principe, nous allons corriger cette carence, et les fondations ainsi créées pourront être gérées par l'université au même titre que les fondations existantes, parce que, des fondations, je le disais tout à l'heure, il y en a dans toutes les grandes universités. Il y a des universités, même, qui ont des fondations très bien dotées. Je pense en particulier à l'Université McGill, qui a plusieurs fondations et avec plusieurs dizaines de millions de dollars dans chacune de ses fondations. Alors, c'est important. C'est une façon pour plusieurs personnes, les fondations, de reconnaître la contribution de l'université dans leur promotion personnelle et sociale. C'est une façon de reconnaître, en quelque sorte, leur alma mater et de redonner un peu à l'université ce que l'université a donné aux diplômés.

Revenons donc sur l'objectif. C'est rendre les universités concurrentielles au plan fiscal, leur permettre d'aller chercher des dons plus importants qu'elles ne le font actuellement. Cela répond, je le dis encore, à une demande répétée de la CREPUQ. Et d'ailleurs la CREPUQ avait trouvé un appui chez le président de Power Corporation, M. Paul Desmarais.

(21 heures)

À présent, diversifier les sources de financement des universités. J'écoutais avec beaucoup d'intérêt l'intervention du député de Verdun, qui manifestait un peu d'inquiétude en disant: Il ne faudrait pas compter exclusivement sur ces fondations pour financer les universités. Moi, je suis obligée de dire que je partage tout de suite son avis, là, et sa réserve parce que les moyens donnés à une région comme la mienne, par exemple, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, pour créer et doter une fondation qui lui permettrait de se passer des budgets de l'État, des sous de l'État, c'est impensable. C'est vrai pour l'Université du Québec à Chicoutimi, mais c'est sans doute vrai pour toutes les universités du Québec, même celles qui ont une clientèle plus favorisée.

On aura toujours besoin, je pense, des deniers publics, comme dans tous les pays du monde, sauf dans les cas où vous avez des universités privées. Mais, à ce moment-là, lorsqu'on parle d'universités privées, vous avez des droits de scolarité aux États-Unis qui dépassent les 30 000 $ par année par étudiant. Alors, ce n'est pas ce que le Québec vise. À ce moment-là, je ne pense pas que les inquiétudes que je reçois bien, en l'occurrence, chez nous puissent se justifier, mais je les reçois bien, ce qui n'empêche pas pour autant que nous examinions de façon plus sérieuse la possibilité de diversifier nos sources de financement. Et nous avons, par le biais de ce projet de loi et la création de fondations mandataires du gouvernement, la possibilité de recevoir, je le dis, des dons et des legs.

Et, moi, je ne suis pas fortunée, mais je me disais en voyant la possibilité qu'offrent ces fondations: Pourquoi est-ce que, chacun d'entre nous, pour une part relativement peut-être peu élevée, selon ses moyens, on ne pourrait pas faire comme beaucoup font, d'ailleurs – je pense que je rends hommage aux milieux anglophones – à l'endroit de leur alma mater? Ils couchent leur université sur leur testament. Ça fait qu'il y a une partie de leurs biens qui revient à l'université sans que, pour autant, ils ne privent leurs familles de leur droit à la succession. Mais ça se fait. Ça se fait de façon beaucoup plus régulière et de façon beaucoup plus importante dans les milieux anglophones. Ça n'est pas beaucoup la tradition chez les francophones du Québec. Je pense qu'il faut le dire lorsqu'il y a des bons côtés. On pourrait emprunter à cette tradition. Et pourquoi pas, pourquoi pas, une fois que le projet de loi deviendra loi et qu'il sera adopté, pourquoi n'y aurait-il pas une campagne de sensibilisation faite auprès de la population et du grand public en général?

Un homme d'affaires de Chicoutimi me disait, il y a quelques années déjà, que, lui, il avait l'intention de procéder à un legs, à un don à la Fondation de l'Université du Québec à Chicoutimi et qu'un des empêchements pour le faire dans la mesure où il aurait souhaité le faire, c'était l'absence d'une telle loi.

Moi, je suis heureuse aujourd'hui qu'on dépose... qu'on discute de l'adoption du principe de ce projet de loi. Je suis heureuse d'ailleurs que ce soit bien reçu par l'opposition. Et ne doutez pas que je serai en commission parlementaire au moment où ce projet de loi sera discuté article par article, ce qui devrait se faire assez prochainement. Et j'aurai plaisir à ce moment-là, avec les membres de la commission, à entendre les propositions d'amendement ou les réserves ou des études un peu plus approfondies manifestées par le député de Verdun.

Alors, c'est donc avec plaisir, M. le Président, que j'appuie le principe du projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Chicoutimi. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre de l'Éducation pour son droit de réplique. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois (réplique)

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ce sera très bref. Je veux remercier mes collègues qui sont intervenus sur ce projet de loi qui, je le comprends, fait l'unanimité et reçoit l'appui des membres de cette Chambre, des deux côtés de la Chambre.

J'aimerais rassurer le député de Verdun, qui a soulevé quelques questions sur des inquiétudes qu'il avait, à savoir le fait que l'on puisse songer à se servir d'un tel véhicule pour demander des efforts supplémentaires aux universités. Je ne crois pas qu'il ait pu lire ni directement ni entre les lignes, dans le texte que j'ai présenté, dans les arguments que j'ai défendus ici, M. le Président, quelque orientation allant en ce sens, parce que je crois qu'au contraire c'est un outil supplémentaire dont nous souhaitons doter nos grandes universités, nos universités de plus petites de taille, mais aussi grandes en qualité. Parce que je crois qu'elles ont besoin justement d'avoir accès à des ressources diversifiées qui leur permettent encore plus de liberté quant aux choix académiques, aux choix de recherches auxquels elles veulent procéder, tout en impliquant, bien sûr, les gens de leur collectivité, ce qui est, je pense, souhaitable. Parce que sans doute que cela nous a nui, jusqu'à un certain point, comme collectivité, de ne pas s'être impliqué plus qu'il ne le fallait, parfois, dans l'administration, dans ce qui se passait dans nos universités. C'est en train de changer, et je souhaite que cela change encore davantage.

Je crois que le deuxième aspect qui était soulevé par le député de Verdun, c'était cette question que les fondations universitaires puissent rendre des comptes et que cette transparence ne soit pas seulement, je dirais, assumée ou assurée vis-à-vis du gouvernement. Mais il faut bien constater que ce sont des fonds publics justement, ce sont des biens publics du patrimoine et qu'en ce sens on pourrait fort bien imaginer et souhaiter que les rapports puissent être déposés devant les membres de cette Assemblée. Je crois qu'il n'y aurait aucune espèce de problème à cela. Il s'agira de voir à s'assurer que ce soit introduit, s'il y a lieu, sans doute aux règlements prévus en ce sens, suite à l'adoption du projet de loi. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'éducation

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Compte tenu que demain matin quatre commissions siégeront, tel qu'il a été annoncé, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 6 novembre 1996, à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, c'est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous ajournons nos travaux à demain, mercredi, 6 novembre, à 10 heures...

Une voix: À 15 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...à 15 heures. Excusez, oui, 15 heures. C'est très bien. Alors, bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 21 h 8)


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