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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Wednesday, October 23, 1996 - Vol. 35 N° 46

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Table des matières

Affaires du jour

Présence du Consul général de la République du Chili à Montréal, M. Alejandro Carvajal

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Affaires du jour

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 8 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 48


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 8, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 22 octobre dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 48, Loi modifiant la Loi sur la Société générale de financement du Québec. Je vais céder la parole à M. le député de Laporte. Alors, M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en sommes donc au débat sur l'adoption du principe de la loi qui modifie la Loi sur la Société générale de financement, communément appelée la SGF. Nous avons entendu hier le discours du ministre et également le discours du député de Westmount–Saint-Louis, de ce côté-ci de la Chambre, et, d'une façon générale, on a pu prendre connaissance des dispositions de ce projet de loi.

Ce qui m'étonne, quant à moi, M. le Président – je le dis un peu avec étonnement – c'est la hâte avec laquelle le gouvernement a décidé de présenter ce projet de loi à la Chambre. Ce projet de loi là a été déposé ici, en Chambre, pour la première fois jeudi dernier, c'est-à-dire le dernier jour ouvrable de la semaine dernière, et le gouvernement en a appelé l'étude hier, c'est-à-dire le premier jour ouvrable de cette semaine-ci. C'est donc dire que le gouvernement a exigé que les députés étudient ce projet de loi là le premier jour ouvrable, le premier jour de travail suivant la date du dépôt en Chambre du projet de loi.

Vous comprendrez, M. le Président, que ce n'est pas une démarche qui est très, très, très démocratique et certainement pas respectueuse des privilèges des membres de l'opposition officielle. On nous dépose un projet de loi en cette Chambre et on nous dit: Vous allez devoir, dès le lendemain, venir en Chambre et exprimer votre point de vue sur la question, donner vos opinions. Comment peut-on, M. le Président, en tout respect pour le parlementarisme, penser que des parlementaires peuvent, en l'espace de 24 heures ou de 48 heures, faire une étude approfondie d'un projet de loi et venir en discourir ici, à l'Assemblée nationale? Il m'apparaît que c'est un manque total de respect et pour l'opposition et aussi pour tous les parlementaires, et je ne peux que dénoncer cette façon de procéder du gouvernement qui, manifestement, n'a absolument rien à proposer aux députés comme étude de projets de loi et est donc réduit à arriver en Chambre avec cette hâte, je dirais même cette frénésie de faire étudier un projet de loi qui, de toute façon, M. le Président, n'est pas un projet de loi très important.

Alors, là, mon objection est plutôt une objection de principe, parce que, en pratique, ce que le gouvernement nous propose avec ce projet de loi, ce n'est absolument rien pour empêcher les Québécois de dormir en paix chez eux. M. le Président, ce projet de loi là, dans le fond, c'est un projet de loi qui permet au gouvernement de faire le nettoyage d'une loi qui en avait grandement besoin. On sait que nos lois, on les vote et, avec le temps, comme d'ailleurs les individus, elles vieillissent. Elles vieillissent et, parfois, elles deviennent un peu désuètes. Il y a souvent dans nos lois des articles, des expressions qui ne font plus de sens aujourd'hui et c'est tout à fait dans l'ordre que, périodiquement, le législateur se penche sur ces lois-là et les mette à la page, les mette à jour. Disons que ce grand nettoyage là, on ne le fait pas au printemps, on le fait à l'automne, dans le cas de la Société générale de financement.

M. le Président, je vais simplement me permettre de prendre le projet de loi et d'en regarder les articles pour faire certains commentaires. Quand on regarde le projet de loi, par exemple, on dit que le siège social de la Société, dorénavant... Dans la loi qui existait jusqu'à maintenant, on disait que le siège social était à Montréal. Bon, c'est normal, M. le Président, la Société générale de financement a toujours été à Montréal et c'est à Montréal que se transigent, comme on le sait, les plus grandes transactions sur le plan économique, industriel aussi. Dans le projet de loi, on nous dit qu'on change les mots «siège social» par le mot «siège». Bon. En fait, on enlève le mot «social». Voilà une grande décision. Dorénavant, la Société n'aura plus un siège social, elle va avoir un siège.

(10 h 10)

Moi, M. le Président, je n'ai pas de problème avec ça. J'ai ici un siège; on pourrait l'appeler un siège social. Je peux m'asseoir sur la même chaise, ça ne me dérange pas du tout. Ça m'apparaît être une question de sémantique. Probablement que dans les milieux bien-pensants on en est venu à penser que la terminologie de «siège social» est un peu dépassée – c'est probablement ainsi, je présume, qu'on procède en France – et on a décidé de se mettre à la page, au goût du jour. Je n'ai pas de problème avec ça, M. le Président. Cependant, je vous démontrerai un peu plus tard qu'on n'est pas toujours très logique. Ici, on enlève le mot «social» et, un peu plus tard, on ne l'enlève pas dans le projet de loi.

On dit également que la Société a pour objet... On recentre les objets de la Société; aucun problème avec ça non plus. Je pense que l'élément important de l'article 4, c'est que, dorénavant, la SGF ne pourra plus investir seule dans des projets. Ça m'apparaît aussi tout à fait correct de penser... Je ne suis pas de ceux qui pensent que l'État devrait être lui-même un entrepreneur. De venir en support à l'entreprise privée, surtout dans des domaines stratégiques comme ceux auxquels s'intéresse la Société générale de financement, des domaines qui, très souvent, se confinent aux ressources premières, aux matières premières, au développement, M. le Président, je n'ai pas de problème avec ça.

Sauf que je note que, dans le rapport annuel de la SGF de 1996, qui a été déposé au mois de mars 1996, la SGF avait déjà anticipé le changement dans la loi parce qu'elle dit que sa mission, de la SGF, est la promotion et la réalisation, en collaboration avec des partenaires, de projets de développement industriel. Or, dans la loi telle qu'elle existait à ce moment-là, au mois de mars, on disait qu'elle pouvait les favoriser seule ou, de préférence, avec des partenaires. Donc, la SGF avait déjà décidé que, seule, elle ne voulait plus investir, puisque dans son rapport annuel elle avait enlevé totalement la référence au fait qu'elle pouvait investir seule. Donc, la SGF n'a pas attendu que le législateur se prononce sur la question.

Un peu plus loin dans le projet de loi, M. le Président, le ministre nous annonce que le fonds social de la Société, qui était de 415 000 000 $, passe à 850 000 000 $. Alors, là, on emploie le mot «social». Tout à l'heure, quand il s'agissait du siège social, on a enlevé «social» et on a dit que c'est le siège de la Société. Là, on parle du fonds social de la Société. Bien, moi, je me doute bien de ce que c'est qu'un fonds social. J'en ai souvent entendu parler. Je me demande si on ne pourrait pas également regarder cette expression-là, M. le Président. On parle souvent de capital-actions quand on parle de société. Quant à moi, je n'aurais pas de difficultés à ce qu'on remplace les mots «fonds social» par un terme qui serait aussi un peu plus moderne. Et peut-être que le ministre pourra en prendre note lorsqu'on sera en commission parlementaire.

Je remarque que, dans le discours du ministre des Finances, le ministre des Finances a blâmé, M. le Président, son prédécesseur, a blâmé son prédécesseur, le député de Crémazie, ex-ministre des Finances, pour avoir fait une ponction dans les fonds de la SGF. Le ministre des Finances a dit ceci: «...ça a fait que la Société – il parlait de la SGF – a disposé d'un énorme capital qui a fait l'objet, et c'est normal, de la convoitise du ministre des Finances qui a dit: "Moi, j'ai investi [...] dans la SGF, bien, maintenant, je prends mon dividende."» Il faisait allusion, bien sûr, à la transaction par laquelle le gouvernement avait vendu ses intérêts dans l'aluminerie de Bécancour, on en parlera un peu plus tard, dans Pechiney.

Le gouvernement, bien sûr, avait fait un profit important. Le gouvernement du Québec, il y a plusieurs années, sous une autre administration, M. le Président, avait investi dans Pechiney, avait investi dans la SGF, et là, bien sûr, les dividendes... Le gouvernement a vendu ses intérêts dans ce placement-là. Il y a eu un profit et le ministre des Finances, l'an dernier, l'ancien ministre des Finances du gouvernement du Parti québécois, a mis la main sur cette somme d'argent là non pas pour réduire la dette du Québec, M. le Président, mais pour tenter d'équilibrer son budget de l'année courante. Et le ministre des Finances, aujourd'hui, juge un peu sévèrement cette action-là en disant que l'ancien ministre des Finances avait dit: «Moi, j'ai investi [...] dans la SGF, bien, maintenant, je prends mon dividende.»

«Mais en prenant son dividende, disait-il, il fruste la Société, la SGF, d'une marge de manoeuvre importante dont elle peut avoir besoin pour continuer sa mission.» Alors, la solution à ça, M. le Président, pour réparer les erreurs de son prédécesseur, le ministre des Finances a trouvé une solution extraordinaire: Nous allons porter le capital-actions ou le fonds social, comme il dit, à 850 000 000 $. Ce sont des chiffres importants qui sont susceptibles, peut-être, d'épater la galerie, mais ça ne veut strictement rien dire.

M. le Président, qu'on dise qu'une société a un capital-actions de 850 000 000 $ autorisé, capital-actions autorisé, ou de 1 000 000 000 $, ou de 5 000 000 000 $, ou de 500 000 000 000 $, ça ne signifie rien tant que le gouvernement n'a pas souscrit ces actions-là. Et, quand on dit que le capital autorisé est de tant, ça veut dire que le gouvernement pourra un jour, s'il le veut, souscrire des actions jusqu'à concurrence de ce montant-là. Là, on nous dit que le gouvernement pourra souscrire des actions de capital autorisé jusqu'à 850 000 000 $. Fort bien, M. le Président, mais de là à dire que le ministre des Finances va injecter 850 000 000 $, il y a une marge importante que le ministre, bien sûr, ne franchit pas, ne franchit pas, parce qu'il est dit un peu plus loin que, si la Société, la SGF, a besoin justement de ces sommes-là, elle doit en faire la demande au ministre des Finances avec un préavis de 30 jours, etc.

Donc, les 850 000 000 $, c'est une marge que se donne le ministre pour l'avenir. Il ne faudrait quand même pas que les Québécois s'imaginent que le gouvernement du Parti québécois vient d'injecter 850 000 000 $ dans la SGF. Ce n'est certainement pas le cas.

Toujours au chapitre du nettoyage, M. le Président, à l'article 7 du projet de loi, on nous dit que dorénavant les actions de la compagnie, les parts, les parts de la compagnie feront partie du domaine de l'État et seront attribuées au ministre des Finances. Dans l'ancienne loi, on disait que ces actions-là étaient réservées à Sa Majesté le chef du Québec. Là, je n'ai aucune objection à ce qu'on remplace «Sa Majesté» par «du domaine de l'État». Ça fait partie de l'évolution normale des choses. «Sa Majesté» a fait son temps et, maintenant, M. le Président, on dit plutôt «l'État», «l'État».

D'autre part, on dit, également, que les actions sont attribuées au ministre des Finances. Ça a toujours été le cas, de toute façon, ce n'est pas une nouveauté, c'était comme ça avant aussi. Mais là il y a une redondance, parce que, après avoir dit, à l'article 5, que les actions sont attribuées au ministre des Finances, à l'article 7, on répète encore la même chose. On dit, à l'article 7, que les actions de la compagnie et de la Société sont attribuées au ministre des Finances. Alors, il me semble, M. le Président, qu'il y a une redondance et qu'une fois c'est suffisant. Il faudrait regarder s'il n'y aurait pas lieu – et je pense que le ministre va regarder ça à tête reposée – quand on sera en commission parlementaire, peut-être de ne l'indiquer qu'une seule fois.

Je prends le projet de loi, M. le Président, et je jette un coup d'oeil là-dessus, pendant que je vous parle. Après ça, un autre changement, c'est que justement, jusqu'à maintenant, dans l'ancienne loi, ces actions-là de la SGF étaient sous le contrôle ou, si vous voulez, étaient enregistrées au nom du ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Alors ça, c'est un petit peu compliqué. Les actions étaient souscrites par le ministre des Finances et enregistrées au nom du ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, qui était le ministre responsable de la SGF. On sait que le gouvernement du Parti québécois, à toutes fins pratiques, a aboli le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Alors, M. le Président, on fait en sorte que les actions non seulement maintenant sont souscrites par le ministre des Finances, mais, en plus, sont enregistrées à son nom. Bon, moi, ce n'est pas un problème, mais, comme je le disais tantôt, il faudrait peut-être éviter de dire deux fois, une fois à l'article 7 et une fois à l'article 5, que les actions sont attribuées au ministre des Finances. On le dit littéralement deux fois de suite.

(10 h 20)

Après ça, M. le Président, si on continue à regarder le projet de loi tel qu'il nous est déposé, il y a certains articles qui parlent du mécanisme d'investissement du ministre des Finances, où il peut souscrire des actions. S'il veut retirer des fonds, on peut réduire le capital. Bon, c'est un mécanisme qui est connu, aucun problème avec ça non plus.

Et, finalement, il y a certains articles aussi qui sont abolis, qui sont abrogés plutôt, et qui portaient sur des actions que devait prendre le SGF au cours des dernières années. Donc, par exemple, des garanties de prêt à Marine industrie, ou à Donohue, ou des choses comme ça. Je comprends bien que le gouvernement fasse disparaître ça, puisque ça n'a plus d'objet du tout. Ce sont des anachronismes qui doivent disparaître et qui, probablement même, n'auraient peut-être jamais dû se retrouver dans une loi.

Finalement, M. le Président, on en arrive à certains articles qui portent sur la responsabilité des administrateurs de la SGF. On sait que souvent, de plus en plus d'ailleurs, les administrateurs des sociétés sont sujets à des poursuites personnelles pour des actions ou des gestes qui sont posés par les sociétés dont ils sont les administrateurs. Alors, si on ne prend pas des dispositions pour protéger adéquatement les administrateurs, on aura de plus en plus de difficultés à trouver des administrateurs de qualité qui ne voudront pas s'exposer à des poursuites personnelles pour des gestes qu'ils auraient posés de bonne foi, dans l'exercice de leurs tâches. Il est donc normal que les sociétés, les compagnies garantissent à leurs administrateurs l'indemnité, si vous voulez, de les rendre indemnes de toute poursuite dont ils pourraient faire l'objet.

Il faudra regarder un peu ça, M. le Président. En principe – je comprends très bien ce principe-là et je suis d'accord avec – on parle de poursuites au civil, on parle de poursuites au criminel. Encore là, il faudra s'assurer, là, qu'au criminel il n'y a pas la faute lourde des administrateurs, bien sûr, quoique ce soit indiqué aussi. On prévoit même un cas où c'est la Société qui poursuit ses propres administrateurs au criminel et qui va défrayer les frais des avocats des administrateurs qu'elle poursuit elle-même. On se penserait littéralement au gouvernement, M. le Président, où on voit assez souvent le gouvernement qui, d'une part, poursuit, paie ses avocats, puis paie également les avocats de ceux qu'il poursuit. On a vu ça à l'occasion. Alors, il faudra voir comment ça va fonctionner, tout ça, pour voir qu'il n'y ait pas d'abus.

On parle également, M. le Président, de la Société qui aura le droit d'indemniser ou de payer les frais légaux des administrateurs non seulement de sa société, de la SGF, mais des filiales de la SGF, et même de sociétés auxquelles elle aura prêté de l'argent. Bon, encore là, je ne jette pas de hauts cris. Je poserai des questions au ministre pour me faire expliquer un peu, puis il a peut-être de bonnes raisons pour faire ça aussi. Il y a toutes sortes de situations nouvelles qui se présentent aujourd'hui. Mais on comprend bien, là, que quelqu'un pourrait poursuivre un administrateur d'une filiale de la SGF, au criminel, par exemple, et que la SGF paierait les frais d'avocat. Même que la SGF pourrait payer les frais d'avocat des administrateurs poursuivis dans une société à laquelle elle a prêté de l'argent, d'une débitrice. Alors, la SGF a prêté de l'argent, une compagnie a emprunté d'elle, et les administrateurs de cette compagnie-là sont poursuivis au civil ou au criminel, et la SGF irait payer des frais d'avocat.

M. le Président, on regardera ça en commission parlementaire, on demandera au ministre de nous justifier ces clauses-là. Je ne porte pas de jugement pour l'instant, il y a peut-être des raisons qui sont valables, et je prends pour acquis que le ministre des Finances aura les bonnes réponses à ces questions-là.

J'ai eu l'occasion, M. le Président, de regarder les propos que se sont échangés hier le ministre des Finances et mon collègue, le député de Westmount– Saint-Louis, des propos d'ordre un peu plus général. On a parlé, entre autres, d'économie, on a parlé de développement économique, on a parlé de création d'emplois aussi et de chômage.

Je tiens à dire, M. le Président, que je suis tout à fait du même avis que le député de Westmount–Saint-Louis sur ces questions-là. Lorsque le député de Westmount–Saint-Louis a affirmé en cette Chambre que, si, au Québec, présentement, il y avait des problèmes aigus de croissance économique, une croissance économique anémique, comme tout le monde le sait, en grande partie, en bonne partie, ça dépend du fait qu'il y a, au Québec, un climat d'insécurité, d'instabilité politique, qui a trait à l'action même du gouvernement du Parti québécois.

M. le Président, quand on fait des référendums qui mettent en cause l'avenir de l'appartenance du Québec au sein du Canada, quand on menace d'en faire d'autres dans les années à venir, on doit comprendre que les gens d'affaires, ceux qui investissent, ont des raisons d'être prudents et parfois même de se poser des questions sur l'opportunité d'investir ou non ici même, au Québec. Et, quand on est dans le monde des affaires, on sait et on connaît des gens d'affaires qui, présentement, au Québec, retardent des investissements parce qu'il nous pend encore un autre référendum au bout du nez dans deux ans, dans trois ans ou dans quatre ans.

Et, quand on nous dit, M. le Président, qu'on veut un moratoire, que le gouvernement va faire un moratoire de trois ans, par exemple, sur le référendum, ce n'est pas une solution acceptable. On nous dit que l'incertitude va durer encore trois ans de plus. Ça veut dire que, pendant trois ans encore, les investisseurs, qu'ils soient Québécois, des petits Québécois de chez nous ou des étrangers, vont se poser des questions sur l'opportunité d'investir de l'argent, alors qu'on ne sait pas ce qui nous pend au bout du nez. Il n'y a pas de plus grand ennemi de la croissance économique et de la création d'emplois que cette incertitude, cette instabilité qui est causée, au Québec, par l'option séparatiste du Parti québécois et du gouvernement du Parti québécois.

M. le Président, ce n'est pas parce que le ministre des Finances n'aime pas ça qu'on ne le lui redira pas ici, en cette Chambre. Et les Québécois le savent et commencent à s'en rendre compte qu'au Québec présentement les consommateurs sont hésitants. D'ailleurs, le dernier budget du ministre des Finances indiquait dans un tableau que la confiance des consommateurs n'avait jamais été aussi basse que maintenant. Et ça se comprend, M. le Président, on ne sait pas ce que nous réserve l'avenir.

En plus de ça, les investisseurs... Qui ne connaît pas des Québécois, des sociétés québécoises qui, pouvant investir, décident d'investir en dehors du Québec, soit dans une autre province, soit aux États-Unis? On se dit, M. le Président, qu'on veut faire des investissements, mais, pour être plus sécurisés, on va les faire en dehors, ailleurs qu'au Québec, de sorte que, si jamais il y a des problèmes au Québec, on aura une porte de sortie, on aura une alternative.

Quand, M. le Président, dans les affaires, on n'est pas sûr de quelque chose, on prend des garanties. Alors, la garantie que plusieurs investisseurs québécois prennent présentement, c'est de se sécuriser, de sécuriser leur entreprise, leur avenir, en se donnant une alternative en dehors du Québec parce que le Québec n'est pas présentement une terre d'accueil qui est susceptible de donner aux investisseurs la sécurité en ce qui concerne leurs placements pour l'avenir, et c'est malheureux, M. le Président. Et je le dis, comme je l'ai dit à plusieurs reprises: Le plus tôt on réglera cette question-là, le mieux ce sera, et, quant à moi, j'exhorte le gouvernement du Parti québécois à renoncer à cette option qui est néfaste pour l'avenir du Québec, et les Québécois s'en rendent compte de plus en plus.

Le chômage augmente et le ministre des Finances hier tentait de justifier le chômage du Québec en nous comparant aux sociétés industrielles qui ont les plus hauts taux de chômage au monde. M. le Président, ce n'est pas en se comparant aux pires qu'on va améliorer les choses. On faisait la comparaison avec l'Ontario, etc. Et le ministre des Finances regardera dans ses statistiques, il verra qu'il y a un an, en septembre 1995, la différence entre le taux de chômage au Québec et de l'Ontario était de 2,2 %. Aujourd'hui, c'est rendu à 3,4 %, la différence. On a augmenté significativement la différence dans le taux de chômage, l'écart, si vous voulez, entre l'Ontario et le Québec depuis un an. L'Ontario a aussi augmenté son chômage mais jamais comme le Québec, M. le Président, de sorte que l'écart entre les deux s'agrandit. L'écart dans le taux de chômage s'agrandit. L'écart dans la fiscalité s'agrandit aussi en ce sens que l'Ontario réduit ses impôts, le Québec augmente les siens. Vers où on s'en va? Je ne le sais pas. Je ne le sais pas et je dois dire que j'ai beaucoup de craintes pour l'avenir.

M. le Président, je termine là-dessus, et tout ce que je peux dire c'est qu'en principe ce projet de loi là ne semble pas contenir des dispositions qui sont susceptibles d'alerter le Québec contre une catastrophe, et à moins que dans les prochains jours – parce qu'on n'a pas eu beaucoup de temps, comme vous le savez, pour l'étudier – on découvre dans ce projet de loi là des couleuvres qu'on n'a pas vues, je pense que l'opposition n'aura pas trop, trop, trop d'objection à adopter éventuellement ce projet de loi là. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Il n'y a plus d'autres intervenants?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 48, Loi modifiant la Loi sur la Société générale de financement du Québec, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

(10 h 30)


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 26 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 135


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 26, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 22 octobre dernier, sur l'adoption du projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale. Je vais céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, M. le Président, j'aimerais réitérer devant tous les collègues des deux côtés de cette Chambre notre opposition farouche à ce projet de loi. On a eu l'occasion de dénoncer ce projet de loi là à plusieurs reprises lors des différentes étapes conduisant à l'adoption de ce projet de loi là. Il s'agit ici du projet de loi n° 135, qui se lit comme suit: Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, mais, dans le jargon ou le vocabulaire municipal, je pense que les gens s'y retrouveraient mieux si on parlait du projet de loi qui fait une ponction de 50 000 000 $ dans la taxe sur les télécommunications, le gaz et l'électricité, une ponction dans une enveloppe, dis-je bien, d'environ 350 000 000 $, une enveloppe qui appartient aux municipalités et non pas au gouvernement du Québec.

M. le Président, je sais que mes collègues, même le ministre, ont eu l'occasion de faire l'historique de ce projet de loi, mais je me sens l'obligation de revenir sur certains éléments parce qu'il est très important que les citoyens et les citoyennes du Québec réalisent que l'effort d'assainissement des finances publiques, même si tout le monde est appelé à y contribuer, doit se faire aussi en collaboration avec les gens qui le font.

Le ministre des Affaires municipales, à plusieurs reprises, a laissé entendre que cette décision avait été prise en concertation, en partenariat avec le monde municipal: il n'y a rien de plus faux, M. le Président. Et j'aimerais vous ramener à l'origine du dépôt de ce projet de loi là. C'est le prédécesseur du ministre actuel des Affaires municipales, le député de Joliette, qui, l'an dernier, au lendemain du référendum ou dans les jours qui ont suivi, a déposé un projet de loi dans lequel se retrouvait cette volonté du gouvernement de faire subir aux municipalités cette hausse de taxes – parce qu'il faut en parler, j'aurai l'occasion d'expliquer pourquoi on qualifie cette ponction de hausse des taxes. Donc, je reviens à ce dépôt du projet de loi. Dès le départ, il y a eu un tollé général, il y a eu une objection qui est venue de l'ensemble des municipalités du Québec, par la voie évidemment des unions, qui ont trouvé absolument aberrant qu'à la mi-novembre on leur apprenne qu'il y aurait diminution de l'enveloppe qu'elles avaient l'habitude de recevoir et sur laquelle elles comptaient.

Cette enveloppe, M. le Président, est une enveloppe qui appartient aux municipalités. Je l'ai dit tout à l'heure, elle n'appartient pas au gouvernement du Québec, elle appartient aux municipalités. Les objections majeures que le monde municipal a évoquées, a fait savoir au ministre, ont été massives. C'est par centaines et centaines de résolutions que nous avons entendu les municipalités s'objecter à cette façon de faire du gouvernement. C'est par centaines et centaines de résolutions qui ont été envoyées au bureau du premier ministre, au bureau du chef de l'opposition, au bureau du ministre des Affaires municipales, à mon bureau, M. le Président, et au bureau des députés concernés évidemment par les objections des municipalités qui se retrouvent dans leur propre comté.

Mais de quoi parle-t-on exactement? Qu'est-ce que c'est, la taxe sur les télécommunications, le gaz et l'électricité? À la fin des années soixante-dix, le gouvernement avait, en partenariat, décidé de prélever, au nom des municipalités, une taxe chez les industries de télécommunications, de gaz et d'électricité, parce que c'était trop difficile, finalement, de faire l'évaluation de ces équipements-là. Cette taxe-là, depuis la fin des années soixante-dix, elle est perçue par le ministère du Revenu, redistribuée au ministère des Affaires municipales et, en vertu de critères qui ont été établis au fil des ans, redistribuée aux municipalités qui ont sur leur territoire ces équipements qui touchent les télécommunications, le gaz et l'électricité. La formule a toujours bien fonctionné. Je vous soulignerai en passant que le ministère du Revenu ainsi que le ministère des Affaires municipales, M. le Président, se paient bien à partir de cette enveloppe-là, puisque, pour l'administrer, le ministère des Affaires municipales perçoit 1,5 % de l'enveloppe et que, pour l'acheminer du ministère du Revenu vers le ministère des Affaires municipales, le ministère du Revenu se prend aussi 1,5 % de cette enveloppe-là.

Donc, grosso modo, juste pour cette année, il y a 10 000 000 $ de taxes qui sont perçues par le ministère du Revenu qui ne retournent pas dans les coffres de l'ensemble des municipalités du Québec. C'est un questionnement qu'on a fait lors de l'étude article par article en commission parlementaire. On a demandé au ministre pour quelle raison on n'avait pas tout simplement décidé d'abolir ce 1,5 %, autant au ministère du Revenu qu'au ministère des Affaires municipales. On nous a répondu que ça n'avait pas fait partie de la recherche au niveau de l'assainissement des finances publiques et que tout ce qu'ils avaient fait, finalement, c'était de prendre la décision de faire cette ponction-là dans cette enveloppe, qui revient aux municipalités, je le dis bien.

Donc, annuellement, si on parle de cette année, on parlait d'une enveloppe d'environ 350 000 000 $. L'enveloppe, si vous soustrayez le 10 000 000 $ auquel j'ai fait référence tout à l'heure, M. le Président, la balance s'en allait dans les municipalités, répartie selon les critères déjà déterminés par le ministère et les municipalités.

On a appris l'an dernier, au milieu de novembre, que cette façon de faire n'existerait plus, que le ministre des Affaires municipales, évidemment à la demande du premier ministre et du Conseil du trésor, souhaitait voir réduire les dépenses du gouvernement. La formule qu'a choisie le ministre des Affaires municipales, c'était d'aller chercher un manque à gagner dans cette enveloppe-là. Alors, à l'origine, le projet de loi faisait état de 47 000 000 $: 36 000 000 $ qui iraient à la péréquation – je reviendrai sur la péréquation – et 11 000 000 $ qui iraient pour aider les six villes-centres – qui en avaient grandement besoin, on en convient – qui paient souvent des services, des infrastructures que d'autres municipalités utilisent et qui ne contribuent pas nécessairement à l'amélioration de ces infrastructures, qu'elles soient culturelles ou qu'elles soient des infrastructures souterraines.

Mais ce qui est étonnant, M. le Président, c'est que ce gouvernement qui a longuement décrié et largement décrié un projet de loi de notre gouvernement lorsque nous étions au pouvoir – je fais référence ici au projet de loi 145 – a fait pire, finalement, que ce qu'on nous reprochait à l'époque. Alors que les municipalités finissaient les travaux d'élaboration et de préparation de leur budget, alors que les municipalités comptaient sur des montants d'argent pour pouvoir dispenser les services dans leur propre municipalité, le ministre des Affaires municipales de l'époque, vers la mi-novembre, leur annonce qu'ils auraient un manque à gagner.

(10 h 40)

J'ai entendu le ministre ici, des Affaires municipales, l'actuel ministre des Affaires municipales, à plusieurs reprises, nous dire que ça n'avait pas causé un préjudice énorme aux municipalités ni aux citoyens: il n'y a rien de plus faux, M. le Président. Quand les unions municipales ont réalisé qu'il y aurait ponction de 50 000 000 $, c'est-à-dire de 47 000 000 $ – parce qu'à l'origine, c'était 47 000 000 $ – il y a eu, vous comprendrez bien, des rencontres. Je fais référence à des rencontres à la Table Québec-municipalités, je fais référence à des négociations qui ont eu lieu finalement pour tenter de dissuader le ministre d'aller de l'avant avec ce projet de loi.

Tant et si bien qu'au mois de décembre l'an dernier, donc décembre 1995, le gouvernement a choisi de scinder le projet de loi dans lequel se retrouvait cette ponction, de le ramener à la session du printemps dernier et d'aller de l'avant avec le reste, évidemment, des articles qui étaient proposés dans le projet de loi d'origine.

Le ministre des Affaires municipales, l'actuel ministre des Affaires municipales, a souvent parlé en cette Chambre que ça s'était fait en partenariat avec le milieu, que l'entente qui a été signée cet été avec le milieu municipal en était une de partenariat, en était une où les municipalités étaient contentes de contribuer à l'assainissement des finances publiques. Mais, moi, je peux vous dire, M. le Président, que, si j'avais été maire d'une municipalité ou présidente d'une des deux unions municipales, avant même qu'on m'impose cette ponction-là, j'aurais beaucoup aimé qu'on m'assoie puis qu'on me dise: Je pense que vous devez faire un effort dans le cadre de l'assainissement des finances publiques; avez-vous des propositions? Avez-vous des suggestions?

Mais ce n'est pas ça qui s'est passé. C'est qu'on leur a dit: Vous êtes nos partenaires, on va vous prendre de l'argent dans une enveloppe qui vous revient. Et c'est uniquement parce que les municipalités ont décrié ce projet de loi que le ministre des Affaires municipales s'est senti l'obligation de donner quelques bonbons. Alors, du 47 000 000 $ d'origine, auquel je faisais référence tout à l'heure, on s'est retrouvé avec un projet, au printemps dernier, qui va chercher 50 000 000 $ dans la poche des contribuables, parce que, finalement, c'est les contribuables qui sont délestés de ces montants-là.

M. le Président, si on respecte tant que ça ces partenaires que sont les partenaires municipaux, pourquoi leur a-t-on imposé purement et simplement une décision à laquelle elles n'ont pas participé, un choix qu'elles n'auraient peut-être pas fait? Elles auraient peut-être, les municipalités, choisi de contribuer à l'assainissement des finances publiques d'une façon différente.

Et j'aimerais ici, M. le Président, rappeler à mes collègues que les municipalités contribuent depuis longtemps à l'assainissement des finances publiques; ça ne date pas d'aujourd'hui. Ça ne date pas d'aujourd'hui qu'il y a eu diminution des coûts tout en maintenant une qualité importante des services, qu'il y a eu diminution au niveau des fonctions publiques municipales. Et je pourrais vous en donner de nombreux exemples. Les municipalités doivent, année après année, refaire, évidemment, leur budget, comme le font l'ensemble des gouvernements au Québec, qu'ils soient municipaux ou provincial, mais doivent aussi s'assurer qu'elles ne font pas de déficit. Il y a des règles très sévères qui encadrent les municipalités.

Je suis persuadée, je suis même convaincue, M. le Président, que ce n'est pas en novembre 1995 que la commande a été donnée au député de Joliette et ministre des Affaires municipales à l'époque, ça a été évidemment donné dans le courant de l'année où ils ont été élus, où ce gouvernement, qui avait promis de gérer de façon différente, a été élu. La façon différente de gouverner, ça a été finalement, M. le Président, d'attendre à la toute dernière minute, au lendemain d'un référendum, et d'annoncer aux municipalités qu'elles auraient à se priver d'un montant d'argent de l'ordre de 47 000 000 $, à l'époque.

Savez-vous, M. le Président, que de piger dans une enveloppe qui n'est pas la nôtre, il y a sans doute des mots que je ne peux pas utiliser ici, mais je peux certainement vous dire que de piger, de s'approprier des actifs qui ne nous appartiennent pas, il y a des verbes dans les dictionnaires qui expliquent très bien ce que ça veut dire. Et j'inviterais mes collègues qui sont en face à aller vérifier la définition de certains mots quand on parle de s'approprier des actifs qui ne nous appartiennent pas.

Mais je dois vous avouer que je ne suis pas surprise de voir que les collègues du côté ministériel ne disent strictement rien dans ce dossier-là. Pourtant, ils représentent, ils et elles, des municipalités qui sont touchées et, je peux vous le dire, là, grandement touchées par cette perte financière, M. le Président. Je ne les ai pas entendus parler. Je vous dirais bien que je comprends les députés de la région de Québec, puisqu'ils ont toujours été très conjoints et solidaires des décisions du gouvernement. Ils en avaient même fait une promesse électorale dans le programme régional. Alors, moi, ça ne me surprend pas du tout, là. On ne les entendra jamais décrier le manque à gagner, à Charlesbourg, de 500 000 $, le manque à gagner, à la ville de Québec, de 1 500 000 $. Ça, ce n'est pas important. Le gouvernement a décidé de s'approprier des fonds qui ne lui appartiennent pas, mais ce n'est pas grave, on avale ça, on ne dit pas un mot: on est conjoint et solidaire de la décision des ministres.

Mais je peux vous dire une chose, M. le Président: je serais très mal à l'aise, moi, si j'étais assise de l'autre côté, si je rencontrais 30 maires dans ma circonscription, ou 25 maires, ou 12 maires, ou 3 maires et mairesses puis que j'étais obligée de leur expliquer pourquoi on a pris 50 000 000 $ dans leur enveloppe, une enveloppe qui leur appartient. Mais c'est devenu une tendance lourde, M. le Président, de ce gouvernement de se retourner vers les contribuables, on le sait, que ce soient les aînés, que ce soient les jeunes – on sait qu'il y a beaucoup de pauvreté, beaucoup de chômage – c'est devenu une tendance lourde de ce gouvernement de se retourner vers les contribuables, vers les autres percepteurs d'impôt pour régler ses propres problèmes.

M. le Président, le ministre des Affaires municipales a dit souvent en cette Chambre que les municipalités, même s'il y avait eu ponction de 50 000 000 $ dans cette enveloppe-là, avaient très bien su gérer cette décision-là, qu'une compilation avait été faite au ministère, quant à l'augmentation, si vous voulez, de la taxe foncière dans les municipalités et qu'il se réjouissait de voir qu'il n'y avait eu que 0,5 % d'augmentation dans l'ensemble des municipalités du Québec.

J'aimerais peut-être rappeler au ministre des Affaires municipales quelques faits de la vie. Quand vous apprenez, vers le 15 ou le 20 novembre, que vous allez avoir une diminution des revenus de cette enveloppe-là, que votre budget est à toutes fins pratiques terminé, que vous êtes sur le point de le voter – parce que l'ensemble des municipalités, au Québec, votent leur budget le premier lundi de décembre même si elles ont jusqu'au 31 décembre, l'étude est faite – bien, moi, je peux vous dire, M. le Président, que je sais parfaitement bien que, oui, il n'y a pas eu plus que 0,5 % d'augmentation de la taxe foncière, mais il y a eu des coupures dans les dépenses prévues dans les municipalités. Il y a des travaux d'aqueduc qui n'ont pas été faits. Il y a des trottoirs dans les municipalités qui n'ont pas été faits ou restaurés. Et je pourrais vous donner plusieurs exemples.

Alors, peut-être que le ministre, s'il fouillait un petit peu plus son dossier, s'apercevrait qu'au lieu de se péter les bretelles – passez-moi l'expression – il devrait peut-être se demander quelles ont été les conséquences de cette décision sur les contribuables, dans l'ensemble des municipalités du Québec. Alors, ça, c'est la réalité. Il y a des dépenses prévues qui n'ont pas été faites et il y a des travaux prévus qui n'ont pas été effectués.

(10 h 50)

M. le Président, j'ai parlé des centaines et des centaines de résolutions qui nous sont parvenues à nos bureaux et auxquelles on a répondu. J'ai également parlé de l'objection soulevée, des nombreuses objections soulevées par l'Union des municipalités du Québec, par l'Union des municipalités régionales de comté. Il y a eu une rencontre spéciale de ce qu'on appelle la TQM, donc la Table Québec-municipalités, à la fin du mois de mai, les 23 et 24 mai plus précisément, au lac Saint-Pierre. Cette réunion avait pour objet de discuter de nombreux sujets qui touchent la fiscalité municipale et qui touchent, évidemment, les municipalités, et on n'y retrouvait pas, à l'ordre du jour de cette rencontre, le projet de loi n° 135.

Moi, je peux vous dire, M. le Président, que, n'eût été de l'intervention des deux unions, de l'exigence qu'ont faite les deux unions auprès du ministre pour inscrire à l'ordre du jour de cette rencontre une discussion sur le projet de loi n° 135, son lac-à-l'épaule, il n'aurait pas pu le tenir parce que les représentants du monde municipal n'y seraient pas allés. Ça, ça démontre, M. le Président, à tous nos collègues jusqu'à quel point les unions étaient exaspérées par le ministre, par la décision du gouvernement d'aller de l'avant avec ce projet de loi là sans jamais s'être assis et avoir discuté avec elles de cette possibilité de régler ou d'assainir les finances publiques sur le dos des municipalités, donc sur le dos des contribuables du Québec.

On est sorti du lac-à-l'épaule, M. le Président, avec une entente, mais il fallait lire les deux communiqués: celui émis par le ministre, qui se réjouissait d'avoir conclu une entente avec le monde municipal, et celui de l'Union des municipalités du Québec, qui avait évidemment encore ses doutes quant à cette entente. Mais c'est drôle, l'entente n'a pas été signée dans les jours qui ont suivi, elle a été signée seulement le 22 août parce qu'on ne s'entendait pas sur ce sur quoi on s'était entendus lors du lac-à-l'épaule. Le ministre prétendait qu'on s'était entendus sur des points a, b, c, et les unions prétendaient qu'on s'était entendus sur certains points et non pas sur d'autres. Et ça a pris de la fin du mois de mai jusqu'au 22 août, M. le Président, avant qu'on puisse avoir une entente signée par le ministre et par les deux unions municipales.

J'ai moi-même questionné le ministre, mais plus particulièrement le premier ministre, lors du lac-à-l'épaule, sur son interprétation de cette ponction-là, s'il croyait qu'il y aurait augmentation de taxes auprès des contribuables, et le premier ministre s'est levé en cette Chambre et nous a dit qu'il n'y aurait aucune augmentation de taxes prévue pour les citoyens du Québec, puisque ce seraient les machines qui seraient affectées et non pas les citoyens. On l'a entendue à plusieurs reprises, mais on a aussi eu l'occasion, depuis ce temps-là, de réaliser combien cette phrase-là cachait de taxes, de tarifications. Comment est-ce que c'est possible, comment peut-on dire ici, en cette Chambre, de telles aberrations, M. le Président, quand on sait que la réalité est tout autre?

Il y a un manque à gagner, M. le Président, de 50 000 000 $. Ce n'est pas n'importe quoi, 50 000 000 $. Évidemment, sur 47 000 000 000 $, c'est une goutte d'eau, mais 50 000 000 $, dans le budget des municipalités, c'est énorme.

Alors, que contenait cette fameuse entente du 22 août? D'abord, une entente qui concerne le paiement de la péréquation aux municipalités, un montant de 36 000 000 $; un montant de 11 000 000 $ qui serait versé en 1996, dis-je bien, aux six villes-centres du Québec choisies par le ministère. En 1997, il y aurait, pour les six villes-centres, l'accroissement de l'enveloppe totale de la TGE. Et l'UMRCQ a négocié, pour 1997, un 3 000 000 $ d'aide aux 20 MRC les plus pauvres du Québec. Ça, c'est ce qu'il y avait dans l'entente.

M. le Président, depuis de nombreuses années, des décennies, il existe au ministère des Affaires municipales des programmes qu'on appelle programmes de péréquation. Ce sont des programmes qui viennent en aide en grande partie aux municipalités pour les aider à dispenser l'essentiel des services. Ce n'est pas des programmes qui sont des programmes qui permettent aux municipalités de dispenser des services de luxe, ce sont des services qui sont dispensés et qui sont aussi élémentaires que l'eau potable, que l'entretien des routes et tout autre service qu'on peut qualifier d'essentiel.

Lorsque le ministre des Affaires municipales et député de Joliette a déposé son projet de loi en novembre 1995, il avait annoncé qu'il paierait la péréquation à même cette enveloppe-là. Donc, ce ne fut pas vraiment une surprise, au mois d'avril, lorsque nous avons fait l'étude des crédits, de retrouver, ou de ne pas retrouver, devrais-je dire, le montant de 36 000 000 $ dans les crédits du ministère des Affaires municipales. La grande inquiétude que le monde municipal a, M. le Président, que j'endosse et que mes collègues endossent également, c'est qu'une fois que ce programme-là est sorti du ministère des Affaires municipales, une fois que les crédits sont sortis des Affaires municipales, que c'est rendu dans une entente entre des unions et le ministère, qu'adviendra-t-il de ce programme?

Lors de l'étude des crédits, j'ai questionné le ministre sur ce qu'il adviendrait du programme, tout au moins pour 1996. Parce que j'aimerais vous rappeler que, bon an, mal an, il y a 600 municipalités au Québec qui reçoivent ce type d'aide. Bon an, mal an, dépendamment de la déficience foncière, de la richesse foncière de ces municipalités, il y en a une quarantaine qui se retrouvent encore sur la liste, ou une quarantaine qui vont quitter cette liste-là; 40 autres qui vont s'y retrouver. Il y a à peu près un jeu de 40 à 60 municipalités qui n'en reçoivent pas nécessairement tous les ans. Et ça, cette péréquation-là, M. le Président, elle est distribuée en fonction de critères dûment établis, convenus et que les municipalités connaissent.

Or, à une question que je posais au ministre des Affaires municipales sur ce qu'il ferait avec ces critères-là, comment allait-il faire sa distribution cette année, est-ce que le programme existerait encore, il m'a répondu quasi textuellement que le programme de péréquation pour 1996 serait exactement le même que 1995, qu'il avait été bêtement et aveuglement reconduit. Ça, ce sont les mots qu'il a utilisés. Ce qui veut dire qu'il y a des municipalités qui, cette année, vont en recevoir et qui normalement n'auraient pas dû en recevoir, mais ça veut également dire que les municipalités qui auraient dû en recevoir cette année n'en recevront pas.

Bien, moi, M. le Président, j'ai de la misère avec cette équité-là, parce qu'il n'y en a pas. À partir du moment où il y a des critères qui existent, on doit les appliquer pour tout le monde. Que ce soit un montant de 5 000 $, 10 000 $, 3 000 $, 40 000 $, peu importe, si on doit recevoir de la péréquation en 1996 et qu'on ne la reçoit pas parce que le ministre a décidé qu'il reconduisait le programme de l'an dernier puis que, l'an dernier, je n'étais pas dessus comme municipalité, bien, moi, je me retrouve avec un manque à gagner. Puis ça, ce n'est pas toute l'histoire, M. le Président, j'en ai d'autres à vous conter sur le manque à gagner des nombreuses municipalités au Québec.

Donc, le programme de péréquation, on n'est même pas sûr qu'il va continuer d'exister, parce qu'à partir du moment où il est sorti des crédits du ministère, qu'il est dans une entente dont on connaît... C'est-à-dire qu'on connaît le règlement qui va l'appliquer dans la mesure où on sait ce qu'il y a dans le projet de loi. Mais, vous le savez comme moi, M. le Président, un projet de loi, ça s'amende. On passe nos journées ici en commission parlementaire à amender nos projets de loi. On les bonifie, dépendamment si on est du côté ministériel ou pas, mais on passe notre temps quand même à proposer des amendements et à voter des amendements sur les projets de loi.

(11 heures)

Quelle garantie les municipalités du Québec qui reçoivent de la péréquation ont-elles, aujourd'hui, lorsqu'on va prendre ce vote-là, que, dans un an ou dans deux ans, le ministre des Affaires municipales ne décidera pas de changer les règles du jeu, de faire subir une autre ponction dans cette enveloppe-là aux municipalités du Québec et de décider, suite à une autre entente, que la péréquation n'existera plus puis que ça pourra s'appeler autrement? Il n'y en a pas, il n'y a aucune garantie. On a passé 15 heures en commission parlementaire pour cinq articles – en fait, c'est sur quatre parce que le cinquième, c'était l'entrée en vigueur du projet de loi – puis on n'a pas eu de réponse à nos questions, M. le Président. Je n'ai jamais été capable, comme porte-parole des Affaires municipales pour l'opposition, de faire admettre au ministre qu'il y avait une garantie dans ce projet de loi là que la péréquation ne disparaîtrait pas un jour, qu'elle se retrouverait peut-être dans une autre entente ou qu'elle ne s'y retrouverait pas.

Pour ce qui est du 11 000 000 $ qui a été négocié pour les villes-centres et du 3 000 000 $, bien, écoutez, ça a été évidemment, je pense, une condition qui a été acceptée par les deux unions municipales à la signature, finalement, de cette entente-là. Parce que, si vous leur aviez donné le choix, encore aujourd'hui, les unions municipales auraient préféré ne pas avoir à signer une telle entente. Elles auraient préféré s'asseoir avec le gouvernement, décider de quelle façon elles auraient pu contribuer à l'assainissement des finances publiques, mais pas s'en faire imposer une, décision.

Le ministre est souvent revenu sur l'entente qui a été signée par les unions municipales avec le gouvernement, et ça me faire rire, M. le Président, parce que le paragraphe ou l'attendu qu'il nous lisait souvent en commission parlementaire se lisait à peu près comme suit, se lisait comme suit: Attendu que les municipalités acceptent de contribuer concrètement au processus d'assainissement des finances publiques tel qu'elles s'y sont engagées lors de la conférence de Québec, les 18, 19 et 20 mars 1996... On peut mettre en doute la validité, finalement, de cette affirmation parce que, les 18, 19 et 20 mars 1996, l'entente avec le ministère n'avait même pas été discutée, le lac-à-l'épaule n'avait même pas été convoqué pour ces dates précises là et il n'y avait pas eu de signature d'entente.

Or, c'est clair que les unions, comme les syndicats, comme les patrons... Tout le monde a été unanime à dire, lors de la conférence de Québec: On va contribuer à l'assainissement des finances publiques. Il n'y a personne à cette table-là qui a accepté de se faire imposer une solution sans au moins s'être assis avec le gouvernement puis avoir déterminé quelle était la meilleure façon, pour son groupe, de contribuer à l'assainissement des finances publiques.

Alors, ça, M. le Président, quand le ministre se promène en province puis qu'il dit que les municipalités ont accepté de contribuer à l'assainissement des finances publiques, je veux bien. Tout le monde accepte, d'une certaine façon, de le faire parce qu'on sait qu'il y a quand même certaines exigences actuellement. Mais il ne faut pas faire croire aux gens que c'est du bonbon, ça là, puis que les municipalités ont accepté ça, puis qu'il faut passer par là, puis on recommence avec un autre projet de loi. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.

M. le Président, les six villes-centres qui recevront de l'aide sont les villes-centres qui ont été choisies par le ministère des Affaires municipales. Qu'il me suffise de les nommer: il y a Montréal, Hull, Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke. Ces municipalités-là vont recevoir, d'après l'entente, 11 000 000 $ en 1996 et la croissance de l'enveloppe en 1997, et elles reviendront, en 1998, à 11 000 000 $ par année.

M. le Président, le ministre des Affaires municipales a signé cette entente avec le monde municipal le 22 août 1996. Vous savez qu'il existe, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, en vertu des règlements actuels, en vertu de la loi actuelle, une entente pour la distribution de la taxe sur télécommunication, gaz et électricité. Alors, j'ai mentionné tout à l'heure que le ministère du Revenu percevait ce montant-là, transmettait le chèque au ministère des Affaires municipales et que le ministère des Affaires municipales, lui, le redistribuait selon évidemment les critères déterminés par le ministère.

Or, quand on regarde la Loi sur la fiscalité municipale, et plus précisément le Règlement sur la répartition des recettes de la taxe payée par les exploitants de certains réseaux, donc la TGE, à l'article 4 – c'est très important, M. le Président – on y lit ceci: «Le ministre du Revenu remet à celui des Affaires municipales, au plus tard le 15 juillet de chaque exercice financier, le montant brut à répartir pour l'exercice.»

Je répète: «Le ministre du Revenu remet à celui des Affaires municipales, au plus tard le 15 juillet de chaque exercice financier, le montant brut à répartir pour l'exercice.»

Rappelez-vous, M. le Président, que l'entente entre les deux unions municipales et le ministre des Affaires municipales a été signée le 22 août 1996. Le 27 septembre 1996, le ministre nous a annoncé, par voie de communiqué, que, contrairement aux années précédentes, il y aurait diminution dans les revenus de la TGE.

«Cette baisse de revenus – je cite le communiqué du ministère – s'explique essentiellement par une diminution de la remise de la taxe sur le revenu imposable de Bell Canada. Bell Canada explique cette situation par l'introduction de la concurrence dans le domaine des télécommunications dont le contrecoup se serait produit en 1995 par le programme de transformation de l'entreprise par une répartition de ses revenus entre Québec et Ontario. Bell prévoit, par ailleurs, que les résultats de l'entreprise s'amélioreront en 1996 et que le paiement de sa taxe reviendra au niveau des années précédentes.»

M. le Président, je veux qu'on se rappelle ici un des éléments importants de l'entente signée le 22 août 1996. Sur le 50 000 000 $, il y a 36 000 000 $ qui va à la péréquation, il y a 11 000 000 $, pour 1996, qui s'en va aux six villes-centres, et la croissance de l'enveloppe – donc du 350 000 000 $, si on prend cette enveloppe-là telle qu'on la connaît pour 1996 – en 1997, irait s'ajouter au 11 000 000 $ des municipalités, et, en 1998, les villes-centres du Québec ne recevraient que 11 000 000 $. On reviendrait au 11 000 000 $.

M. le Président, lorsque le député de Joliette et ministre des Affaires municipales, en novembre 1995, a annoncé qu'il ferait une ponction dans ce qu'on appelle la TGE, il avait avisé les municipalités des montants qu'elles recevraient pour que les municipalités puissent agir en conséquence dans la confection des budgets.

Or, M. le Président, les municipalités ont reçu un avis du ministère leur disant qu'en 1996, là, le montant qui avait été prévu ne serait pas le même, à cause évidemment des baisses de revenus de Bell Canada, ce à quoi j'ai fait référence il y a quelques minutes.

J'ai choisi 15 municipalités au Québec qui reçoivent... Il y en a plusieurs, il y en a plus que ça, là, mais j'en ai pris 15 parmi lesquelles se retrouvent certaines villes-centres. Lorsque le député de Joliette et ministre des Affaires municipales a annoncé ce projet de loi, en 1995, et qu'il a fait parvenir aux municipalités le montant qu'elles devaient recevoir, donc un montant moindre parce qu'il y aurait ponction, la ville de Montréal aurait dû recevoir 56 000 000 $. Cette année – je parle pour 1996 – la ville de Montréal, parce qu'il y a évidemment baisse de l'enveloppe, ne recevra que 53 000 000 $. Il y a donc un manque à gagner de tout près de 3 000 000 $, 2 900 000 $. Ville de Laval, la prévision était de 15 000 000 $. Ce que la ville de Laval recevra, c'est 14 000 000 $. Manque à gagner: 943 000 $. Québec. Ville de Québec, qui devait recevoir 9 900 000 $, en recevra 9 300 000 $; 603 000 de manque à gagner. La ville de Longueuil a un manque à gagner de 301 000 $. La ville de Gatineau, 308 000 $ de moins cette année de prévision. Sainte-Foy, 191 000 $. Sherbrooke, 153 000 $. Charlesbourg, 318 000 $.

(11 h 10)

Ça, ça s'ajoute, M. le Président, au manque à gagner de l'enveloppe qu'elles auraient dû recevoir au tout début. Les municipalités auxquelles je fais référence... Et il y en a d'autres: Chicoutimi, 167 000 $ de manque à gagner; Hull, 133 000 $; Drummondville, 101 000 $; Trois-Rivières, 114 000 $; Saint-Bruno-de-Montarville, 35 000 $; Châteauguay, 115 000 $; ville de Westmount, 28 000 $. Et je pourrais vous en nommer comme ça, M. le Président...

C'est totalement inadmissible que le ministre ait signé une entente avec deux unions municipales, le 22 août 1996, dans laquelle il s'engage à payer 11 000 000 $ aux villes-centres – l'accroissement de l'enveloppe l'an prochain aux villes-centres – alors qu'il savait, au 15 juillet 1996, en vertu de l'article 4 du Règlement sur la répartition des recettes de la taxe payée par les exploitants de certains réseaux, il ne pouvait pas ignorer, après le 15 juillet 1996, qu'il y aurait ce manque à gagner dans l'enveloppe de la TGE.

Il faut se questionner sur les raisons du mutisme du ministre des Affaires municipales, l'actuel ministre, lorsqu'il a signé cette entente avec les deux unions municipales. Parce que, moi, je sais que les unions n'auraient jamais signé cette entente-là si elles avaient su que le manque à gagner aurait comme conséquence directe de diminuer à nouveau l'enveloppe de la TGE. Et les montants auxquels j'ai fait référence n'incluent pas, pour les villes-centres, le 11 000 000 $.

Alors, j'aimerais qu'on se comprenne très bien ici. J'aimerais qu'on se comprenne très bien. Les municipalités du Québec, celles auxquelles j'ai fait référence et toutes les autres, ont reçu un avis de prévision de l'enveloppe de la TGE qu'elles recevraient. Ça, elles ont reçu ça de la main du ministre des Affaires municipales et député de Joliette en 1995, donc prévision pour les budgets municipaux 1996.

On a dû leur renvoyer un avis comme quoi ces prévisions-là n'étaient pas les bonnes, puisqu'il y avait un manque à gagner dû aux explications que je vous ai données tout à l'heure avec Bell Canada, la baisse des revenus de Bell Canada.

Mais le point sur lequel je veux insister, c'est que, quand le ministre a signé cette entente-là avec les deux unions municipales, il le savait, qu'il y aurait un manque à gagner, et il n'en a jamais parlé. Il a attendu au 27 septembre pour annoncer qu'il y aurait un manque à gagner.

Maintenant, ça pose toute la question de l'an prochain, M. le Président. Si, cette année, il y a un tel manque à gagner pour les six villes-centres et si les prévisions du ministère pour l'an prochain demeurent les mêmes, donc, qu'on reviendrait à l'enveloppe telle qu'on la connaît, il y a tout lieu de croire qu'il y aurait à peu près 30 000 000 $ à répartir entre six villes-centres. Moi, je n'aimerais pas être assise sur la chaise du ministre des Affaires municipales quand les autres villes-centres qui se calculent... c'est-à-dire les autres municipalités au Québec, il y en avait 31 qui se calculaient comme des villes-centres, vont aller frapper à la porte du ministre puis lui dire: On en veut, de cet argent-là, nous autres aussi.

Comment peut-on réellement et sérieusement se présenter en cette Chambre, parler d'une entente avec des partenaires en sachant qu'on a signé une entente et que les montants auxquels on faisait référence n'étaient pas véridiques? J'ai beaucoup de problèmes avec ça, puis je peux vous dire, M. le Président, que les unions en ont énormément sur le coeur.

D'ailleurs, les unions, lorsqu'elles sont venues en commission parlementaire, ne se sont pas gênées pour dire au ministre que cette entente-là, elles l'avaient signée évidemment avec l'épée au-dessus de la tête, que ce n'était pas de gaieté de coeur qu'elles l'avaient signée, mais, étant donné qu'elles n'avaient pas le choix, elles l'avaient signée, mais qu'elles comptaient bien sur le fait que le ministre des Affaires municipales ne reviendrait pas avec une nouvelle ponction et obliger les municipalités à investir encore ou à prélever des taxes en sus et lieu du gouvernement.

Il fallait entendre, M. le Président, à la commission parlementaire, la présidente de l'UMRCQ, Mme Jacinthe Simard, s'exprimer sur ce projet de loi là. Je vous invite à relire les galées, ça exprime vraiment ce que le monde municipal ressent.

Il fallait entendre Mme Boucher, mairesse de Sainte-Foy, vice-présidente de l'UMQ, devant la commission parlementaire s'exprimer sur ce projet de loi là. Mme Boucher n'a pas été tendre elle non plus à l'égard du ministre et du gouvernement.

Il n'y en a pas eu, de consultation. Il n'y en a pas, de partenariat. On a un gouvernement qui s'est promené à l'été 1994, qui a gagné ses élections en disant que jamais il ne ferait de telles choses, qu'il s'assoirait avec les gens, qu'il y aurait une autre façon de gouverner. Bien, moi, je peux vous dire, M. le Président, qu'on l'a en pleine face, la nouvelle façon de gouverner, puis pas à peu près. Quand j'ai relu tout ce qui a été dit par les députés qui siègent actuellement du côté du gouvernement lorsqu'ils étaient dans l'opposition, tout ce qu'ils ont dit sur le projet de loi 145, laissez-moi vous dire qu'ils devraient, plusieurs, se relire et peut-être être un petit peu gênés de se promener puis de voter pour un projet de loi comme celui-là. Ça n'a aucun sens, ce projet de loi là. Aucun sens.

Moi, je peux vous dire, M. le Président, que le lien de confiance, si le ministre pense qu'il l'a, avec les unions municipales, vient d'être brisé, puis rompu pour longtemps, sinon à tout jamais. Avec les chiffres qu'on vient de sortir, avec le tableau... Je vous ai lu tout à l'heure les chiffres, les manques à gagner. Pour l'ensemble des municipalités auxquelles j'ai fait référence, le total à répartir était de 336 500 000 $, les prévisions étaient de 300 000 000 $. Ça, c'étaient les prévisions du député de Joliette, ministre des Affaires municipales à l'automne 1995. L'actuel ministre n'a que 285 000 000 $ de cette enveloppe-là à leur répartir. Si on fait un calcul rapide, M. le Président, le manque à gagner: 15 300 000 $, 15 400 000 $, en fait.

Et ça, on appelle ça du partenariat. Quand on est partenaires, quand on a des partenaires, ça signifie qu'il y a du respect. Bien, c'est un manque flagrant de respect à l'égard de ses partenaires municipaux, les unions municipales, que d'avoir signé une entente alors qu'il savait sciemment qu'il lui manquait près de 15 000 000 $ à 16 000 000 $ pour respecter l'entente qu'il venait de signer. Bien, moi j'espère qu'il y en a qui dorment bien parce que, moi, j'aurais beaucoup de misère à dormir après avoir fait ça.

(11 h 20)

M. le Président, je vois que le temps court et qu'il ne me reste pas grand temps pour intervenir sur ce projet de loi là. Qu'il me suffise de vous dire qu'on a été contre depuis le début, les municipalités du Québec ont été contre, leurs unions se sont exprimées contre. Les unions sont encore contre, quoi qu'en dise le ministre des Affaires municipales. C'est inacceptable qu'un gouvernement s'approprie des fonds qui ne lui appartiennent pas. Et ça, c'est un précédent qui est extrêmement dangereux.

Si on veut amener nos partenaires à s'asseoir à une table et à discuter d'assainissement des finances publiques, on les amène, on les invite à s'asseoir autour de la table, on met tout sur la table puis on discute de ce qu'on est prêt à laisser aller. C'est comme ça que ça marche. On n'impose pas à nos partenaires des solutions qui ne leur conviennent pas.

Donc, M. le Président, vous ne serez pas étonné d'apprendre ici, ce matin, que nous allons voter contre ce projet de loi et que nous allons demander un vote nominal sur ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Y a-t-il d'autres intervenants? Mme la députée de La Pinière, vous voulez intervenir sur le projet? Alors, vous avez la parole.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Le 14 juin dernier, je suis intervenue en cette Assemblée à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, et j'ai exprimé de façon non équivoque mon opposition à ce projet de loi que je trouvais injuste et inéquitable. J'ai également déposé à cette occasion une résolution, adoptée le 13 mai 1996 par le conseil de ville de Brossard, qui demande – à l'instar des autres municipalités du Québec – que ce projet de loi soit bloqué. Aujourd'hui, à l'étape de l'adoption en troisième lecture, je réalise que le ministre n'a pas renoncé à piger dans l'enveloppe de la TGE qui appartient aux municipalités, ce qui me renforce dans mon opposition à ce projet de loi.

Rappelons, M. le Président, que ce projet de loi n° 135 vise à permettre au ministre des Affaires municipales d'effectuer une ponction de 50 000 000 $ dans les recettes de la taxe sur les revenus bruts des entreprises de télécommunications, de distribution de gaz et d'électricité, communément connue sous l'acronyme TGE.

Cette taxe appartient aux municipalités, qui, en vertu du pacte fiscal de 1980, leur permettait de bénéficier d'un mécanisme compensatoire touchant les entreprises de télécommunications, de gaz et d'électricité qui ne payaient pas d'impôts fonciers à cause de la difficulté que rencontraient les administrations municipales dans l'évaluation de la valeur de leurs équipements.

En vertu d'une autre entente entre le gouvernement du Québec et les municipalités, il a également été convenu que le ministère du Revenu se charge de la perception de la TGE et la transfère au ministère des Affaires municipales, qui la distribue, à son tour, aux municipalités selon des critères bien précis. En contrepartie de tels services, le gouvernement prélevait des frais d'administration de l'ordre de 10 000 000 $ par année: 5 000 000 $ pour le ministère du Revenu et 5 000 000 $ pour le ministère des Affaires municipales.

Or, le projet de loi n° 135 est venu rompre cette entente et mettre les municipalités devant un fait accompli, où le gouvernement s'approprie de façon unilatérale l'enveloppe de la TGE et force ainsi les administrations locales soit à couper dans les services à la population ou à augmenter les taxes.

Le tollé de protestations soulevé par ce projet de loi n° 135 sur la fiscalité municipale a eu des résonances à la grandeur du Québec, suscitant méfiance et scepticisme à l'égard d'un gouvernement qui a fait preuve d'un manque de considération pour ses partenaires. Malgré toutes les représentations et l'argumentation soulevée par les unions municipales, tout au plus le ministre des Affaires municipales a-t-il accepté de mettre sur la table une entente qui n'a aucune valeur juridique, puisqu'elle ne fait pas partie du texte du projet de loi n° 135 lui-même.

Le protocole d'entente signé entre le ministre et les présidents de l'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec ne change rien au fond du problème. Tout ce que cette entente propose, c'est de consulter les municipalités sur les montants que le gouvernement entend piger dans leur enveloppe TGE et ceux dont il fixe la distribution aux municipalités. Cette entente officialise en fin de compte la ponction qui a été décidée unilatéralement par le ministre des Affaires municipales dans l'enveloppe de la TGE, qui se situe maintenant à hauteur de 50 000 000 $, dont 36 000 000 $ ont été dédiés au programme de la péréquation, 11 000 000 $ à l'aide aux villes-centres et 3 000 000 $ à l'aide financière aux MRC les plus défavorisées.

Dans un communiqué de presse émis le 22 août dernier, la présidente de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, Mme Jacinthe Simard, et le président de l'Union des municipalités du Québec, M. Gilles Vaillancourt, ont exprimé ouvertement leur amertume à l'égard de ce projet de loi qui leur a été imposé par le ministre, et je cite: «Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous prenons ainsi acte de la décision du gouvernement de s'approprier les sommes appartenant aux municipalités. Le gouvernement sera bien avisé de se souvenir, au cours des prochains mois, que les municipalités viennent de consentir un montant de 50 000 000 $, lequel porte à 400 000 000 $ l'effort qu'ont déployé les municipalités québécoises, depuis 1991, au redressement des finances de l'État.» Fin de la citation.

C'est dire tout le mécontentement que ressentent les partenaires principaux du ministre des Affaires municipales, à qui on a forcé la main – sous prétexte de redressement des finances publiques – afin de leur faire accepter une décision purement comptable prise unilatéralement par un gouvernement qui, il n'y a pas très longtemps, leur chantait les vertus du partenariat. On est donc bien loin du discours sur la décentralisation et des promesses de transfert de compétence au niveau local avec les budgets s'y rattachant, que l'ancien ministre des Affaires municipales et actuel ministre responsable du Développement des régions a faits sur toutes les tribunes durant la période préréférendaire.

Le plus scandaleux, M. le Président, c'est que le premier ministre lui-même a promis que seuls les appareils et les machines seraient touchés, mais non les citoyens. Une fois de plus, nous avons la preuve que le premier ministre du Québec est un homme de discours et non un homme de parole, car, en pigeant dans l'enveloppe de la TGE, le gouvernement Bouchard se désengage des services à la collectivité. Il donne l'impression qu'il s'occupe de l'aide aux municipalités, mais, en fait, c'est avec l'argent des autres qu'il se donne de la visibilité.

(11 h 30)

Le gouvernement n'allouera plus, dans ses crédits budgétaires, les 36 000 000 $ qu'il consacrait au programme de la péréquation. Désormais, il les pigera à même l'enveloppe de la TGE, qui appartient, comme on le sait, aux municipalités. Les 9 000 000 $ alloués auparavant au financement des MRC ont été ramenés à 6 000 000 $ en 1996-1997, une coupure de transfert de 3 000 000 $ qui sera comblée à même l'enveloppe de la TGE.

En s'appropriant unilatéralement les recettes provenant de la TGE et en décidant de les réaffecter aux programmes d'aide financière destinés aux municipalités, le ministre des Affaires municipales a rompu le lien de confiance qui devrait exister entre son ministère et ses clientèles. De plus, en refusant d'intégrer le texte de l'entente du 22 août 1996 au préambule du projet de loi n° 135, le ministre laisse planer un doute sérieux sur la valeur réelle de ce document.

En effet, que vaut la signature du ministre actuel sur un document qui n'a pas force de loi? Le prochain ministre des Affaires municipales se sentira-t-il lié par sa signature? Autant de questions qui restent sans réponse et auxquelles s'ajoutent d'autres inquiétudes, notamment le transfert de 40 000 000 $ aux municipalités que s'apprête à faire le ministre de la Sécurité publique dans le domaine de la réorganisation policière.

M. le Président, en tant que députée de La Pinière, je ne vois aucun intérêt pour mes concitoyens dans ce projet de loi qui ne fait que déposséder les municipalités de leurs biens et augmenter leur fardeau fiscal, ce qui affectera douloureusement et inévitablement les contribuables québécois. Pour toutes ces raisons, M. le Président, je voterai contre le projet de loi n° 135. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Alors, M. le ministre, vous intervenez pour votre réplique. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel (réplique)

M. Trudel: Oui, merci, M. le Président, de me redonner la parole pour conclure ce débat autour de ce qui est encore, à cette étape-ci, le projet de loi n° 135, mais qui deviendra d'ici quelques minutes la loi n° 135 pour que nous puissions, je dirais, en classer un chapitre, en faire un bout et permettre de se dire que nous avons réalisé une partie de nos engagements à l'égard de l'assainissement des finances publiques et de la participation des municipalités à ce défi, tel que l'ont reconnu les municipalités à l'intérieur de l'entente que nous avons signée le 22 août 1996 et dans laquelle les municipalités disaient qu'elles acceptaient de contribuer concrètement.

Ce n'est pas du placotage, comme on dit, M. le Président, ce n'est pas des principes, des voeux. Les municipalités, oui, ont accepté, il faut le reconnaître et le redire haut et fort, de contribuer pour une somme de 50 000 000 $ au mouvement de l'assainissement des finances publiques. 50 000 000 $ pour les municipalités, ce n'est pas un petit mouvement. Oui, c'est un pas important, c'est un geste significatif, mais ça veut dire que le mouvement dans lequel nous sommes engagés, la direction donnée par le député de Crémazie et ministre des Finances à l'époque... Maintenant, on va faire des budgets, on va les respecter et on va demander à des partenaires de nous accompagner et de poser des gestes significatifs qui soient autre chose, comme on dit dans certains milieux, que des paroles verbales, que ce soient des gestes significatifs. Bien, c'est ce qu'ont fait les municipalités. C'est ce qu'on concrétise dans le projet de loi n° 135: prendre les objectifs Campeau de 1995-1996, qui se poursuivent en 1996-1997, et les passer à la réalité.

M. le Président, on va reprendre quelques éléments pour mettre les horloges aux bonnes heures, remettre les pendules à l'heure juste à l'égard d'un certain nombre d'affirmations qui ont été faites ici, de bonne foi, de par son rôle dans l'opposition, par la députée de Jean-Talon. Il y a un certain nombre de choses qu'il faut bien réaligner.

La loi n°135 est-elle pire que la loi 145? La réforme Ryan en a mis pour 280 000 000 $ sur le dos des municipalités. M. le Président, je ne pense pas que ce soit le lieu, le moment pour commencer à dire: Vous êtes pires que nous ne l'avons été, le geste que vous posez est plus dramatique. M. le Président, on a demandé à une certaine époque, sans consultation, un effort aux municipalités. On leur en a transféré pour 280 000 000 $ – je dis bien sans consultation, M. le Président – et à l'égard des forces policières et à l'égard de la voirie, de l'entretien des chemins.

De ce côté-ci, M. le Président, la façon dont nous avons fait les choses, c'est qu'on a annoncé d'avance, on a conclu une entente sur la façon de réaliser cela. Sur l'insistance des municipalités, oui, M. le Président. Oui, M. le Président. C'est ça, l'écoute active. C'est ça, être attentifs aux besoins de nos partenaires. Ce n'est pas déclarer qu'on a toujours raison, tout le temps, en toute occasion, sur toutes les façons de faire et ne pas écouter ceux qui partagent avec nous l'administration et la livraison des services publics. C'est ce qu'on a fait avec les unions municipales, et puis ça c'est traduit dans une entente.

La même chose au niveau des services policiers, M. le Président. Le ministre de la Sécurité publique a été en mesure d'annoncer, pas plus tard que vendredi dernier, que la réorganisation de la carte policière au Québec, par entente dans chacun des territoires des MRC, chacune des MRC du Québec pour les municipalités de 5 000 et moins, eh bien, M. le Président, ça va dorénavant comporter un mécanisme d'administration de l'organisation des forces policières pour les municipalités de 5 000 et moins dans chacun des territoires des MRC du Québec.

Ce n'est pas la transmission d'une facture, comme la loi 145: Payez, puis vous n'avez rien à dire. La direction, c'est: Si vous voulez contribuer au mouvement d'assainissement des finances publiques, nous allons prendre cette contribution, puis, en retour, une façon de travailler, ça va être que nous allons partager l'organisation, la façon de déployer des services publics pour abaisser le plus possible les factures des contribuables et se réveiller avec un niveau de déficit qui soit acceptable pour tous les partenaires, tel que nous l'avons tous reconnu les 18, 19 et 20 mars 1996, à l'occasion de la première phase du sommet sur le devenir social et économique du Québec.

Est-ce pire, la loi n° 135, que la loi 145? Je dirais, M. le Président, que la loi 145 en a transféré pour 288 000 000 $ sans consultation avec les municipalités, sans aucun geste significatif envers ces municipalités. Et il n'y avait pas tout du mauvais dans cette loi non plus, nous l'avons reconnu, je pense bien, à l'époque. Cependant, M. le Président, là où on a eu la grande déception, c'est que ça n'a rien donné au niveau des résultats financiers de l'ensemble du Québec, puisque le 4 000 000 000 $ qu'on nous avait promis comme déficit, pour lequel on s'était engagés pour l'année 1994-1995, a fini par être un déficit de 5 700 000 000 $. Alors, ce n'est pas surprenant que la population, que les milieux financiers aient perdu foi dans le gouvernement du Québec. Pendant 10 ans, on leur a dit que nous aurions tel résultat financier, et le ministre des Finances de l'époque, M. Campeau, le député de Crémazie, l'avait bien indiqué: à chaque année, l'erreur était en moyenne entre 800 000 000 $ et 1 000 000 000 $. Comment voulez-vous que la population prête foi aux engagements que nous prenons quand on ne contrôle pas ses finances et qu'on n'obtient pas de résultat?

Dire aux municipalités qu'on leur en transfère 280 000 000 $ et que ça va améliorer l'état des finances publiques, ça n'a pas donné ça comme résultat. Ça n'a pas donné le fruit escompté. Les municipalités, comme les citoyens, comme les groupes, comme les entreprises, comme tous les ministères, comme dans le domaine de la santé, comme dans le domaine de l'éducation, tout le monde dit: On veut faire notre part, une part équitable, mais on veut des résultats. On veut des résultats. On veut que les engagements pris, on puisse les retrouver en termes de résultats financiers. Et c'est ce qui se passe jusqu'à maintenant. C'est difficile. C'est sévère. C'est parfois compliqué. Ça demande de l'énergie. C'est ça, le défi qu'on s'est donné. C'est ça que la population nous a demandé. C'est ça qu'on va réaliser avec la contribution des municipalités. Puis, on le reconnaît, c'est un geste significatif.

(11 h 40)

La députée de l'opposition, la députée de Jean-Talon, indique: Bof! on aurait mentionné que ce n'est pas un geste si important pour les municipalités. Non. Ça a un impact significatif pour les municipalités, dit-elle. M. le Président, les chiffres doivent être dits, les gens vont juger. Quand on demande un effort de 50 000 000 $ aux municipalités sur leur budget total de 9 000 000 000 $, bien, le calcul est facile, c'est 0,5 %, un demi de 1 % des revenus de la municipalité qui sont touchés par la ponction dans les revenus sur les réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité pour être redistribués aux municipalités. On s'entend: pour être redistribués aux municipalités.

Bien, M. le Président, 0,5 %, oui, ça affecte l'économie des revenus des villes, des municipalités du Québec, sauf que les municipalités ont accepté de faire un effort. Et ce qu'elles ont dit – pas toujours de pleine gaieté de coeur, pas toujours dans l'enthousiasme – les municipalités, c'est: On va faire l'effort et on va gérer plus serré. Et elles l'ont fait, les municipalités, M. le Président. La preuve que nous avons maintenant, c'est que la résultante de ce 0,5 % de revenus de moins qu'elles avaient, les municipalités, eh bien, ça s'est transformé en une augmentation en moyenne de 0,1 % pour une résidence unifamiliale au niveau de la taxation. 0,1 %. Bon. Alors, M. le Président, est-ce que ça a eu de l'impact? Est-ce que c'est important pour les municipalités? C'est toujours important pour les municipalités. C'est un impact relatif. La population, les municipalités vont juger au niveau de l'effort que ça a demandé.

La députée de l'opposition nous dit, avec raison, que nous avons longuement discuté des frais de perception des tarifs chargés par le ministère du Revenu pour percevoir cette taxe et les frais chargés par le ministère des Affaires municipales au niveau du Fonds consolidé, par ailleurs, pour redistribuer cette taxe de 6 %, quelque chose comme 10 000 000 $. On en a largement discuté, M. le Président, et on a bien indiqué qu'on n'établissait pas une relation très directe entre les coûts, parce que c'est difficile de décomposer tous les mouvements qui sont nécessaires et pour percevoir et pour distribuer. Cependant, c'était, oui, un tarif qui était chargé aux municipalités. Et les 3 % de revenus de la taxe sur les réseaux de gaz, de télécommunications et d'électricité que nous prenons pour la redistribuer, tout comme le 3 % pour percevoir cette taxe, eh bien, c'est une mesure qui a d'abord été prise par un gouvernement libéral, par un gouvernement en face, qui, au niveau de la redistribution, est allé de ce 3 %.

Est-ce que ça correspond aux frais réels? Nous n'avons pu répondre en commission parlementaire, et j'ai indiqué que nous n'allions pas dépenser des milliers, et des milliers, et des milliers de dollars pour décomposer à chaque fois le montant et dire que cela correspond à la cenne près aux frais engagés au niveau de chacun des personnels, des professionnels, des employés qui interviennent dans ce processus-là. On serait appelé, nous dit-on, à réviser. Nous devrions être appelés à réviser cela au cours des prochaines années, M. le Président.

L'attitude générale envers ce secteur d'activité dans les municipalités, tout comme les autres, dans ce secteur comme dans les autres, on doit indiquer qu'on a toujours une écoute active. Quand les municipalités, soit à la Table Québec-municipalités ou par d'autres voies, nous soumettent des situations problématiques, bien, on les regarde. On les regarde, on les analyse ensemble, on essaie de développer des approches qui supportent le développement. Puis, oui, il y a un certain nombre de gestes pour lesquels nous ne sommes pas toujours complètement d'accord, mais on travaille toujours dans l'intérêt des citoyens et citoyennes au niveau municipal, que ce soit au niveau des réseaux d'utilité publique, ou au niveau de la péréquation, ou encore de la redistribution de ces revenus, ou de la contribution des municipalités à l'assainissement des finances publiques du Québec.

On a toujours l'oreille bien ouverte, l'attention bien particulière. On écoute et, si on est capable d'aller dans cette direction, on réalise, tout comme l'a fait dernièrement le ministre de la Sécurité publique lorsqu'il a proposé un projet de réorganisation des forces policières. Il a fait le tour du Québec, il a rencontré l'ensemble des MRC, préfets et tous les maires qui avaient été invités à ces rencontres et il a modifié un certain nombre d'éléments de son projet pour reconnaître la réalité terrain et faire qu'on s'ajuste de plus en plus aux besoins des petites municipalités, les 5 000 et moins, pour lesquelles nous allons avoir des ententes au niveau de l'organisation des services policiers.

Heureusement, M. le Président, la députée de Jean-Talon, porte-parole de son parti, reconnaît que nous avions, dans la redistribution à faire, à prendre soin des villes-centres. Elle reconnaît que, dans l'accord, c'est un bon mouvement. Oui, c'est un bon mouvement et j'en sais gré à la représentante de l'opposition de le mentionner. Parce que ce n'est pas un sujet facile. Vous savez, on est toujours le centre de quelque chose dans le monde ou on est toujours la périphérie d'autre chose. Alors, il y a bien d'autres villes, au Québec, qui, à l'égard d'un certain nombre d'avantages, cherchent, dans le fond, cette reconnaissance au niveau du statut de ville-centre. Tout ce que nous avons voulu indiquer avec une écoute active des petites et des grandes municipalités, c'est qu'au niveau des villes-centres comme Québec, Montréal, en particulier – Montréal, en particulier, je le répète et j'y reviendrai – Chicoutimi, Trois-Rivières, Hull et Sherbrooke, ces villes ont assumé des équipements collectifs, des infrastructures au niveau régional, et elles n'ont pas toujours les revenus nécessaires. C'est à travers la TGE que nous avons institué une redistribution de ces revenus pour 11 000 000 $, plus l'accroissement de cette taxe, l'an prochain, vers ces villes pour les aider à supporter. Et je pense qu'il y a comme une espèce d'entendement commun que nous devons continuer d'intervenir pour supporter ces municipalités-centres avec les instruments les plus adéquats possible, en ne négligeant pas, M. le Président, d'autres grandes municipalités qui sont aussi des municipalités-centres et qui ont, par exemple, de vieux quartiers, qui ont des besoins en rénovation domiciliaire plus élevés que d'autres municipalités, d'autres villes qui ont connu des développements plus récents.

Alors, c'est pour ça, M. le Président, que le statut de ville-centre a été aussi reconnu à 41 autres municipalités au Québec, au niveau de l'habitation. Au niveau du programme rénovation de vieux quartiers, on a pris 50 000 000 $. On a dit aux municipalités, suivant leur taille, suivant leur âge, suivant leurs besoins au niveau du développement: On vous offre entre 200 000 $ et 500 000 $. Si vous voulez doubler ce montant-là au niveau de la municipalité, à titre de ville-centre, pour redéployer un effort au niveau du logement, pour réhabiter la ville, pour faire en sorte qu'on dispose d'un parc de logements qui soient attrayants, qui soient abordables, qu'on puisse avoir un milieu de vie agréable, eh bien, on va vous aider.

Jusqu'à maintenant, M. le Président, il y a 34 villes-centres qui ont dit oui, en particulier la ville de Montréal, aussi au niveau de l'habitation. On en a mis pour 19 000 000 $. Le maire de Montréal a eu l'occasion, très récemment, de me faire d'autres représentations pour me dire: On en a encore besoin, on en a encore besoin, on en a encore besoin. Parce que c'est immense, la difficulté, à Montréal, et nous devons rehausser la qualité du logement. Eh bien, j'ai rencontré les membres du comité exécutif et la ville de Montréal pas plus tard que lundi dernier, lundi de cette semaine. Nous sommes à analyser la question et nous allons, dans toute la mesure du possible, dans les jours – je n'ai pas dit les mois ni les années – à venir, redéployer un effort pour la ville de Montréal, au niveau de l'habitation, parce que c'est important. Alors donc, la notion de ville-centre reconnue dans l'entente, M. le Président, pour 11 000 000 $, mais également d'autres villes, au niveau de l'habitation, reconnues comme villes-centres.

M. le Président, les municipalités ont-elles donné beaucoup dans la contribution à l'assainissement des finances publiques? Je dirais, M. le Président, peu importe le montant, c'est toujours significatif lorsqu'on demande aux municipalités d'assumer des responsabilités avec nous et que ça touche les revenus ou bien les dépenses que nous avons effectuées au niveau des services publics.

Oui, il y a une nouvelle façon de faire les choses, M. le Président, plus localement: choisir le développement local pour la réalisation d'un maximum de services directs au public, en collaboration avec les citoyens et les citoyennes, les contribuables de ces municipalités. Oui, on a fait le choix du développement local, M. le Président, on l'a indiqué très nettement. Et est-ce que le choix du développement local, ça veut dire qu'on va tout prendre ce que nous aurions comme instruments, au niveau central à Québec, et que nous allons donner tout cela aux municipalités, sans engagement? La réponse, c'est non, M. le Président. Il y a des engagements. Il faut répondre aux services. Il faut aussi une contribution des municipalités, et la contribution des municipalités, bien sûr, il faut en discuter le niveau, quant à la capacité d'intervention.

C'est un geste important. Les municipalités ont contribué, au cours des quatre dernières années. Les niveaux de déficit et d'équilibre financier ont été déterminés, maintenant, pour les trois prochaines années. On va y arriver parce que nous l'avons décidé collectivement, et tout le monde sera appelé à faire sa part, comme, actuellement, on le fait dans l'éducation, dans la santé, dans les affaires municipales, au niveau des forces policières, au niveau des différents ministères, y compris la lutte au travail au noir, ceux et celles qui ne font pas leur juste part au niveau des citoyens. C'est comme ça qu'on va rétablir une équité, une justice sentie par les citoyens et que tout le monde fera sa part, dans l'ensemble du Québec, en tenant compte de la situation de ces personnes.

(11 h 50)

M. le Président, je ne terminerai certainement pas cette réplique sans parler, effectivement, de l'entente du 22 août 1996, puisque la porte-parole de l'opposition et députée de Jean-Talon a dit: Comment ça se fait que vous n'avez pas, le 22 août, à la signature de l'entente, informé les municipalités sur le niveau de revenus à partager, pour l'année 1996, entre vous autres? Je veux bien indiquer, M. le Président, ceci. Nous avions, oui, effectivement, fait parvenir aux municipalités une évaluation, une prévision, comme on le fait à chaque année, mais on ne contrôle pas le volume d'affaires chez Bell Canada, chez Sprint, les autres compagnies de télécommunications en particulier, et comme le revenu de TGE est sur le profil net de ces entreprises, bien, c'est évident que c'est à la fin de l'année financière, au dépôt du bilan de ces entreprises qu'on peut réaliser notre prévision. Or, M. le Président, il s'est présenté qu'il y a une baisse de revenus sensible pour les entreprises de Bell Canada qui a donc produit moins de revenus pour le gouvernement, 15 400 000 $, et qui, donc, affecte cette taxe qui est directement aux municipalités.

M. le Président, le mécanisme qui est prévu à l'entente, il inclut ces situations. Si on devait changer la redistribution, on le fera sur accord avant de modifier le règlement. Nul ne peut prédire quelle sera la situation au niveau des revenus de taxation du rendement de l'impôt réel avant la réalisation de ces événements-là. Le dépôt du budget par le ministre des Finances, ça se fait à partir de prévisions les plus réalistes, les plus justes possible, avec des mécanismes pour ajuster en cours de route, si tant est qu'il doive y avoir une différence entre la prévision et la réalisation du revenu. Un gouvernement prévoyant va effectivement mettre en place des mécanismes correcteurs puis un gouvernement plus insouciant, bien, ne mettra pas en place des mécanismes correcteurs, puis ça va donner des résultats comme on en a eu entre 1985 et 1995, des différences de 800 000 000 $ à 1 000 000 000 $ parce qu'on n'avait pas de mécanismes correcteurs, parce qu'on ne se souciait pas de l'évolution de la situation entre les prévisions et les résultats obtenus.

L'entente que nous avons avec les municipalités permet, M. le Président, de réviser tout cela. On va donc, suite à l'adoption de la loi – et en concluant, M. le Président – faire parvenir, dans les 30 jours qui vont suivre l'adoption de la loi, 333 000 000 $ aux municipalités: 36 000 000 $ en péréquation pour les municipalités qui sont dans une plus mauvaise situation au plan de l'impôt foncier et 11 000 000 $ aux villes-centres; pour l'année 1997, 3 000 000 $ pour le soutien au développement économique par les MRC et 285 000 000 $ à l'ensemble des municipalités du Québec de par les critères de répartition de la TGE. C'est de l'argent des municipalités. À compter de l'adoption de la loi, dans quelques minutes, M. le Président, on pourra mettre la machine en marche et enfin envoyer 333 000 000 $ aux municipalités à l'aide des catégories que nous avons déterminées dans une entente. Et, lorsqu'il y aura des modifications à cette répartition, nous procéderons par accord avec les municipalités. Et, s'il y a lieu de réviser l'une ou l'autre des clauses compte tenu du rendement de la taxe, c'est comme ça qu'on va procéder parce que nous l'avons fixé ensemble. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: M. le Président, en vertu de 213, est-ce que le ministre accepterait de répondre à une question brève?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, veuillez poser votre question, Mme la députée.

Mme Delisle: Une question brève, M. le Président. Le ministre pourrait-il nous confirmer aujourd'hui devant l'ensemble de ses collègues que, lorsqu'il a signé l'entente le 22 août 1996, il savait que le montant à redistribuer n'était pas de 300 000 000 $ mais bien de 285 000 000 $?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, en vertu de 213, donc, brève réponse. M. le Président, ça évolue, ces chiffres-là, et on a une connaissance progressive des montants, c'est-à-dire on a d'abord... M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la députée...

M. Trudel: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...vous avez posé la question, alors...

M. Trudel: ...on a d'abord les entreprises qui nous transmettent une prévision pour l'année. En cours d'année, on vérifie si le rendement est en train de se réaliser, et, lorsqu'on arrive vers la fin de la période, on rapproche nos informations, nos demandes d'information sur le rendement. M. le Président, la conclusion, c'est que nous allions vers une diminution du rendement, mais nous ne pouvions en arriver à la conclusion, puisque c'est les méthodes comptables d'affectation des profits de Bell Canada par rapport à l'Ontario qui ont changé la situation.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, comme la réplique est maintenant terminée, nous en sommes... Est-ce que le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, est adopté? M. le whip adjoint de l'opposition.

M. Bissonnet: M. le Président, après consultation avec les députés de Jean-Talon, de La Pinière, de Verdun, de Notre-Dame-de-Grâce, de Viau et de LaFontaine, nous sollicitons à cette Assemblée un appel par vote nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: En vertu de l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote après les affaires courantes de la séance suivante, s'il vous plaît.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, conformément à l'article 223, le vote sera reporté à cet après-midi, lors des affaires courantes. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 37 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 215


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 37 de notre feuilleton. Projet de loi privé. M. le député d'Abitibi-Est propose l'adoption du principe du projet de loi n° 215, Loi concernant la Ville de Val-d'Or et le site historique classé du Village minier de Bourlamaque. Y a-t-il des interventions sur le principe? M. le député.


M. André Pelletier

M. Pelletier: M. le Président, merci. Il me fait plaisir d'intervenir à titre du parrain du projet de loi n° 215 et de proposer l'adoption du principe.

M. le Président, dans un premier temps, avant de donner le sens spécifique du projet de loi privé n° 215, j'aimerais, en quelques minutes, faire valoir ou donner un peu l'histoire de la naissance du site historique classé du Village minier de Bourlamaque de la ville de Val-d'Or.

Dans un premier temps, j'aimerais vous dire que ce Village minier, comme on l'appelle aujourd'hui, est né, a pris naissance en 1934-1935. C'était une forêt, et, à la suite d'une découverte très importante, qui est devenue la mine Lamaque, il s'est construit un village, un village en forêt, et avec quelque chose d'assez original, c'est qu'on a pris la forêt pour la construction, d'une manière on ne peut plus directe, d'un village qui contenait à ce moment-là près d'une centaine d'habitations en bois rond, près de la mine Lamaque. On a littéralement pris la forêt et on a construit des habitations en bois rond.

Et, aujourd'hui, en 1996, ces habitations-là – parce que les gens du milieu l'ont souhaité, l'ont désiré, y ont mis des efforts – qui forment un quartier dans la ville de Val-d'Or, sont toujours habitées à 100 %. Plus d'une centaine de maisonnettes de bois rond, originales, font d'un quartier qui est tout à fait typique, original, je dirais, un quartier unique au monde. Ce n'est pas une reconstitution.

J'aimerais vous souligner que le but, dans le temps, en 1934-1935, était que les citoyens, les travailleurs de la mine Lamaque puissent habiter près de leur travail. Et autant l'habitation était en bois rond, dans le sens que les gens se sont débrouillés pour se donner une habitation, autant, dans le temps, c'étaient parmi les habitations les plus confortables. Même si, d'aspect extérieur, ça ressemble à un camp de bois rond, à l'intérieur, on y avait, en 1934-1935, toutes les commodités modernes d'aujourd'hui, que ce soit l'électricité, le téléphone.

Il y avait aussi des choses assez typiques comme images: il y avait des chambres de bain avec des bains qui avaient été faits spécialement pour ces 110 maisons-là. J'ai revu ces mêmes bains en Europe, l'été dernier, et on en faisait quelque chose de très moderne.

(12 heures)

Ce village-là a reçu un classement, le 20 décembre 1978, du gouvernement du Québec. C'était la première fois, je pense, que dans l'histoire du Québec on classait un site historique qui n'avait, à ce moment-là, qu'une cinquantaine d'années. Le but, même si le site était jeune lorsqu'on parle de choses de l'histoire, c'est que c'était la seule manière de le préserver. Les citoyens d'alors, de la ville de Val-d'Or d'alors avait trouvé, avec le gouvernement du Québec, que cette manière de faire préserverait cet arrondissement. J'étais à ce moment-là échevin de la ville et, pendant les années suivantes, pendant quatre termes, j'ai été aussi maire, donc tout ce dossier-là m'est très familier.

Et je dois souligner le bon sens des citoyens de la ville de Val-d'Or et de son conseil municipal qui a fait en sorte qu'aujourd'hui c'est un équipement touristique tout à fait de grande valeur, unique au monde, le village minier de Bourlamaque. Ça a été classé par le ministère des Affaires culturelles le 20 décembre 1978, et, depuis ce temps, la réglementation fait en sorte que, de l'extérieur, on doit respecter un zonage bien spécifique pour garder l'aspect village minier historique de 1934. L'aspect extérieur – pour vous démontrer comment c'est demeuré tel quel – c'est que, même si dans toute la ville on a des rues comme ailleurs, en pavé ou en asphalte, ce secteur-là on conserve toujours les rues en gravier, à la demande même des citoyens du secteur. C'est un quartier qui prend beaucoup de valeur. Les petites maisons, à chaque année, ont une valeur marchande qui s'accroît.

Donc, tout ceci pour vous dire que c'est un équipement touristique qui est non seulement conservé, mais qui se développe.

Il s'est ajouté à ce secteur, à ce quartier de la ville de Val-d'Or, un équipement qu'on appelle la Cité de l'or qui fait en sorte qu'à travers le Québec ou à travers le reste du Canada et du monde on peut faire des visites d'une mine, chose qu'on ne peut pas faire... On ne peut pas aller n'importe où dans le monde visiter une mine. À Val-d'Or, vous pouvez le faire à tous les jours, en descente sous terre, à l'année longue.

Le but spécifique du projet de loi n° 215 est de corriger certaines irrégularités. La ville, au moment de l'adoption ou du classement de ce site historique, avait des règlements de zonage, des règlements de construction. Plus tard, elle a fait certains amendements, et, lors de l'amendement de ces règlements, il aurait fallu en tout temps demander au ministère de la Culture d'approuver les règlements, comme c'est prévu dans la loi.

À un certain moment, il y a eu un oubli de demande de classement de règlement, et le projet de loi n° 215 vise essentiellement à faire en sorte que le gouvernement du Québec, par ce projet de loi, valide les actes passés en application de ce règlement. L'essence même du règlement, c'est de corriger, valider l'ensemble des règlements qui ont été passés au cours des dernières années. Et ça va permettre aussi le développement. Il y a des travaux importants à faire, entre autres dans le projet de la Cité de l'or, un projet touristique d'importance, de plusieurs millions, où la communauté, l'ensemble des gouvernements ont contribué, et les règlements qui n'étaient pas à jour, si je peux dire, freinent le développement de ce dossier important.

Le projet de loi n° 215 va régulariser l'ensemble de la situation de règlements de ce secteur-là bien spécifique de la ville de Val-d'Or et va permettre la bonne continuité du développement de ce site touristique d'envergure et le développement aussi du projet de la Cité de l'or.

M. le Président, membres de l'Assemblée nationale, c'est avec beaucoup de plaisir que je soumets pour votre approbation le projet de loi n° 215. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Abitibi-Est. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe? M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, seulement quelques mots sur le projet de loi n° 215, une loi correctrice, comme l'a bien indiqué le député d'Abitibi-Est. Et celui qui a réalisé beaucoup, M. le Président, je veux le souligner, pour la mise en valeur de ce site du village minier de Bourlamaque, en région d'Abitibi-Témiscamingue... C'est devenu un attrait touristique important. Et le maire de l'époque, notre collègue maintenant à l'Assemblée nationale, n'a pas eu peur d'adopter des règlements particuliers pour protéger et mettre en valeur cette partie de notre patrimoine collectif, de notre patrimoine dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, puisque, évidemment, quand on évoque le mot «Abitibi-Témiscamingue», on pense mines, forêts, agriculture – il ne faut pas oublier l'agriculture, M. le Président, mais on parle de mines comme symbole – et ces symboles, au niveau de la société, on doit pouvoir les protéger et les mettre en valeur.

Alors, on avait eu quelques difficultés au plan réglementaire parce qu'on avait oublié quelques gestes. Ce n'était pas majeur. Non seulement l'intention, mais la volonté était dans la bonne direction. Alors, c'est ce que permet de réaliser le projet de loi n° 215 à l'égard de la dimension historique du village de Bourlamaque. Les gens de la région d'Abitibi-Est, les gens de la région de l'Abitibi-Témiscamingue et, en particulier, les gens de Val-d'Or pourront non seulement dormir sur leurs deux oreilles – parce qu'on sait qu'à Val-d'Or ils ne dorment pas longtemps, M. le Président, ils sont surtout très actifs, comme le député d'Abitibi-Est – mais ils vont se lancer dans d'autres projets de développement et, le député a eu l'occasion de le souligner et je veux le rappeler aussi, cette magnifique réalisation qui s'appelle la Cité de l'or.

Or, M. le Président, il faut profiter de ces occasions pour dire à tous nos collègues de l'Assemblée nationale et aux gens qui nous écoutent: Si vous voulez aller dans une vraie mine, si vous voulez descendre vraiment dans le sous-sol et connaître les conditions de travail des personnes qui ont chaque jour à travailler, à intervenir au niveau de la production minérale du Québec, bien, c'est dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, en particulier à Val-d'Or, et on pourra aller constater du même coup toute la belle mise en valeur qui a été faite du village minier de Bourlamaque. Et la contribution de l'Assemblée nationale, M. le Président, ce sera d'adopter cette loi n° 215 pour permettre de continuer le beau travail d'intervention au plan de l'aménagement, de l'urbanisme et du développement du village minier de Bourlamaque.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Affaires municipales et député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Je cède maintenant la parole à la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais joindre ma voix aussi à celle du ministre, et surtout à celle du député d'Abitibi-Est, en lui signalant que l'opposition est en parfait accord avec ce projet de loi là. Je ne reprendrai pas... Les minutes se suivent et ne se ressemblent pas, n'est-ce pas, M. le Président?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Ceci étant dit, je pense que le député d'Abitibi-Est nous a très éloquemment fait part, dis-je bien, de cet attrait touristique. Le projet de loi sur lequel on parle aujourd'hui va permettre de légaliser, si vous voulez, certains éléments ou certains règlements qui auraient dû être approuvés par la ministre de la Culture. On sait que ça s'est fait de bonne foi. Ce n'était pas malveillant de la part de qui que ce soit. C'est un oubli. Lorsqu'on est confronté à une décision comme celle-là et qu'on connaît l'importance des attraits touristiques dans toutes nos régions du Québec, je pense qu'on ne doit pas les empêcher d'aller de l'avant. Je dirais même au député d'Abitibi-Est que, si jamais j'ai l'occasion d'aller dans ce coin-là, ça me fera plaisir d'aller visiter le site historique du village minier de Bourlamaque. Le député me fait signe, M. le Président, et je pense qu'il va m'amener dans une mine lui-même. Alors, ça me fera grand plaisir. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, Mme la députée de Jean-Talon.


Mise aux voix

À ce stade-ci, le principe du projet de loi n° 215, Loi concernant la Ville de Val-d'Or et le site historique classé du Village minier de Bourlamaque, est-il adopté?


Adoption

Alors, nous poursuivons l'article 37, alors que M. le député d'Abitibi-Est propose l'adoption du projet de loi n° 215, Loi concernant la Ville de Val-d'Or et le site historique classé du Village minier de Bourlamaque.

(12 h 10)

Est-ce qu'il y a maintenant des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 215? M. le député d'Abitibi-Est. Il n'y a pas d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 215?


Mise aux voix

Comme il n'y a pas d'intervenants, le projet de loi n° 215, Loi concernant la Ville de Val-d'Or et le site historique classé du Village minier de Bourlamaque, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 36 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 203


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 36. L'article 36 est un projet de loi privé. Mme la députée de Mille-Îles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 203, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval. Mme la députée, avez-vous des interventions?


Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Je vous remercie, M. le Président. Alors, à titre de députée du comté de Mille-Îles, de secrétaire régionale de Laval et de marraine du projet de loi n° 203, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui, en Chambre, à l'occasion de l'adoption du principe et de l'adoption finale, par l'Assemblée nationale, de ce dit projet de loi. Ce projet de loi a pour objectif principal d'octroyer les pouvoirs nécessaires à la ville de Laval afin que celle-ci puisse mettre en place le processus de remembrement des terres situées en zone agricole, à Laval.

M. le Président, avant de vous présenter la problématique du morcellement des terres à Laval et les dispositions du projet de loi, j'aimerais dire quelques mots sur l'importance de l'agriculture dans la région de Laval. Celle-ci constitue une partie importante du patrimoine de Laval et du comté de Mille-Îles. En effet, elle est perçue par les Lavalloises et les Lavallois et les gens de mon comté comme étant non seulement un élément qui fait de notre région un endroit où il fait bon vivre, en contact avec la nature ou à proximité de celle-ci, mais aussi comme une activité qui assure une partie du développement économique de notre ville.

En janvier 1995, le nombre d'exploitations agricoles se situait autour de 275, dont 85 % se retrouvent dans le secteur de l'horticulture environnementale, ornementale, fruitière et maraîchère. La valeur totale de la production à la ferme dépasserait les 30 000 000 $. Laval, M. le Président, est aussi considérée comme la capitale québécoise de l'horticulture. C'est là que l'on retrouve la plus grande concentration d'exploitations agricoles spécialisées en serriculture ornementale et maraîchère. D'autre part, quelque 150 exploitations se consacrent à la culture fruitière et maraîchère en champs, soit maïs sucré, brocoli, chou, piment, cantaloup, fraise, et autres, ce qui occupe une surface d'environ 2 000 ha en culture.

Laval se spécialise aussi par la présence de plusieurs pépinières et jardineries spécialisées en plantes ligneuses et en production de plantes vivaces. D'ailleurs, je tiens aussi à souligner le succès du centre de formation horticole de Laval de la commission scolaire Les Écores, qui offre un programme d'études secondaires spécialisé en horticulture ornementale, aménagement paysager et fleuristerie et dont les diplômés sont très recherchés. Enfin, pour bien des familles lavalloises, l'accès à des produits maraîchers, fruitiers, environnementaux, ornementaux locaux constitue une dimension importante de la qualité de vie à Laval.

Maintenant, M. le Président, permettez-moi de vous exposer la problématique du morcellement des terres situées en zone agricole afin que nous puissions comprendre pleinement le contexte et l'esprit dans lequel le projet de loi a été élaboré. Le territoire de la zone agricole de Laval couvre quelque 7 000 ha. Si l'on convertit ce chiffre en d'autres unités de mesure, cela nous donne 17 200 acres ou 750 000 000 pi². Bref, la zone agricole de Laval – et c'est peu connu – occupe près de 28 % du territoire de l'île Jésus et une grande partie dans la circonscription du comté de Mille-Îles.

Comme je l'ai dit plus tôt, il y a un problème de morcellement des terres situées en zone agricole. La superficie totale morcelée est d'environ 810 ha, dont 89 % est de propriété privée, répartis entre plus de 4 600 propriétaires, soit l'équivalent de 15 000 pi² par propriétaire. Au total, cette superficie morcelée représente l'équivalent de 12 % de la superficie totale de la zone agricole de Laval. C'est énorme, M. le Président.

Par ailleurs, c'est dans le secteur est du territoire de l'île Jésus, Auteuil, Saint-Vincent-de-Paul, Saint-François, soit le comté de Mille-Îles, que j'ai l'honneur de représenter en cette Chambre, que l'on retrouve près de 83 % de la zone agricole de Laval. Et c'est là que se pose principalement le problème des terres morcelées et des terres inexploitées qui possèdent pourtant un potentiel agricole élevé.

Les terres morcelées sont utilisées à différentes fins. Il y en a qui sont exploitées à des fins agricoles par des producteurs reconnus, soit avec des contrats de location et autres, alors qu'une autre partie est occupée par les propriétaires mêmes qui y ont établi leur potager avec des installations plus ou moins permanentes. À cette superficie morcelée, on doit ajouter les grandes terres inexploitées, en friche, arbustives ou herbacées.

Par ailleurs, une grande proportion de ces terres morcelées ou inexploitées présentent de bons potentiels agricoles de classe 2 ou 3. Donc, tous les intervenants dans ce dossier sont convaincus que, sans une protection à long terme de la zone agricole de Laval, l'agriculture serait vouée à un déclin progressif et à des problèmes croissants de cohabitation avec d'autres vocations urbaines, soit l'utilisation des terres pour des fins résidentielles, commerciales, industrielles ou institutionnelles.

C'est donc dans ce contexte de morcellement des terres et de sous-utilisation du territoire agricole que les intervenants du dossier préparent depuis 1988 un plan de remembrement des terres situées en zone agricole à Laval. Il n'existe que peu de précédents ou d'expériences comparables au Québec en matière de remembrement des terres, comme c'est le cas pour Laval. Seules la ville de Saint-Hubert et la municipalité de Saint-Basile-le-Grand sont allées de l'avant pour solutionner leurs problèmes de morcellement et de sous-exploitation. Toutefois, nous, Lavallois et Lavalloises, sommes confiants que l'opération de remembrement se déroulera bien et de façon ordonnée, le tout conformément au plan d'action adopté par la ville et par son mandataire chargé de mener cette opération à terme, l'AGRIL.

Je souligne aussi qu'il y a eu des discussions entre les partenaires concernés par le remembrement depuis 1988 et que le plan d'action a été adopté dans un esprit de concertation.

Maintenant, M. le Président, permettez-moi de dire quelques mots au sujet des dispositions du projet de loi n° 203. Ce projet de loi octroie, entre autres, divers pouvoirs à la ville de Laval afin que celle-ci puisse mettre en place un processus de remembrement des terres afin de susciter une forme de développement de l'agriculture, un développement véritable et soutenu sur son territoire. À cette fin, la ville a mis sur pied un organisme sans but lucratif que je mentionnais précédemment, l'AGRIL. Il servira d'intermédiaire entre la ville de Laval et les propriétaires visés par l'opération de remembrement.

Sous réserve des exceptions prévues au projet de loi, les dispositions concernant le remembrement des terrains s'appliqueront aux terrains vagues, desservis ou non, et qui sont situés en zone agricole. Conformément au voeu des autorités municipales, le projet de loi n° 203 prévoit l'application d'une surtaxe sur les terrains non exploités au niveau agricole ainsi que la création d'un fonds spécial dont les sommes devront être utilisées pour favoriser le remembrement et pour la remise en exploitation de ces terrains.

Les sommes pourront notamment être utilisées aux fins de l'acquisition, de gré à gré ou par expropriation, de l'échange ou de l'aliénation des terrains.

Le projet de loi prévoit la revente des terrains ainsi acquis selon leur valeur réelle, la valeur marchande, afin que ceux-ci soient exploités à des fins agricoles. L'opération de remembrement, M. le Président, devrait débuter dès janvier 1997, après que la ville aura adopté, en vertu du pouvoir que lui confère ce projet de loi, les règlements précisant les modalités d'application.

M. le Président, je suis confiante que toute cette opération se déroulera pour le bien de l'agriculture à Laval. C'est pour ces raisons et en vertu de la confiance que les citoyennes et les citoyens ont déposé en leurs élus que nous prenons toutes les mesures nécessaires pour assurer l'utilisation maximale des sols compris dans la zone agricole lavalloise et dans le comté de Mille-Îles.

L'adoption du projet de loi en deuxième lecture a eu lieu lors d'une séance de la commission de l'aménagement et des équipements, le 16 octobre dernier, à laquelle étaient présents le ministre des Affaires municipales, le maire de Laval, moi-même comme députée, le député de Chomedey, M. Mulcair, et la porte-parole de l'opposition.

(12 h 20)

Je voudrais souligner également mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Guy Julien, pour sa participation à ce dossier. Toutes ces personnes ont collaboré de près ou de loin à ce processus qui prend aujourd'hui la forme d'une loi, et je les en remercie à nouveau. Grâce à elles, le remembrement des terres agricoles à Laval deviendra bientôt une réalité concrète. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Mille-Îles. Je cède maintenant la parole au ministre des Affaires municipales. M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, la loi que nous avons donc à étudier, la prise en considération du rapport qui est devant nous, c'est à l'égard d'un projet de modification de la charte de la ville de Laval pour le remembrement des terres agricoles, du territoire agricole de la ville de Laval.

Mme la députée de Mille-Îles a très bien expliqué, a fait le tour de la situation. Elle, qui a présenté, qui a parrainé cette loi à l'Assemblée nationale, a très bien fait le tour de la situation, et je veux renforcer quelques dimensions de l'élaboration qu'elle a faite de la situation et des projets d'avenir qui vont se réaliser grâce à ce geste.

D'abord, M. le Président, Mme la députée de Mille-Îles a bien indiqué que ce processus est en marche depuis 1988. C'est grâce à la députée de Mille-Îles, je veux le souligner, que ce projet aboutit aujourd'hui, parce qu'elle a bien insisté tant auprès des autorités municipales de ville de Laval que de l'ensemble des intervenants qui doivent contribuer à l'adoption de telles modifications à la charte d'une ville, non seulement du côté des autorités municipales, mais aussi de tous les partis qui oeuvrent sur la scène municipale, et la même chose au niveau de l'Assemblée nationale, puisqu'on doit convenir, en quelque sorte, des opérations à réaliser lorsqu'on modifie fondamentalement la charte d'une ville.

Ce qu'il faut souligner aussi, M. le Président, c'est l'effort assez remarquable des autorités municipales de Laval pour collaborer à cette opération de remembrement au niveau du territoire agricole. Ville de Laval et l'île Jésus ont été l'objet, M. le Président, pour le moins que l'on puisse dire, d'un certain nombre de spéculations au cours des années. Ce territoire périphérique à l'île, à la ville de Montréal, eh bien, évidemment, c'est un phénomène nord-américain, c'est un phénomène occidental que les terrains, les territoires aient été convoités par de nombreuses entreprises et personnes.

On ne reviendra pas sur tous les soubresauts que cela a pu provoquer, mais simplement indiquer qu'on s'est retrouvé avec une espèce de damier où, en plein territoire agricole, on présuppose que des individus ont acheté des terrains et ne les utilisent pas à ces fins, d'évidence. Et peut-être ont-ils, ces individus, pensé qu'un jour ou l'autre il y aurait des modifications qui permettraient d'utiliser ou de revendre ces terrains pour d'autres fins, ce qui a fait en sorte qu'on se retrouve avec une espèce de jeu de dames qui fait que les entreprises agricoles de l'île Jésus ne peuvent pas, à toutes fins utiles, procéder à un remembrement qui favorise le développement agricole.

M. le Président, c'est une belle occasion pour rappeler aussi, comme l'a fait la députée de Mille-Îles, l'activité économique importante dans le domaine de l'agroalimentaire à ville de Laval, sur l'île Jésus. On est souvent amené à penser qu'il s'agit d'un milieu exclusivement urbanisé et industrialisé au sens classique du terme, mais 34 % de la production horticole du Québec réalisée à ville de Laval, c'est important.

Que les autorités municipales, la députation, la députée de Mille-Îles, les gens de l'Assemblée nationale, soient appelés à reconnaître cela et à poser des gestes pour en accélérer le développement, il faut louer ce travail, il faut louer ce geste, il faut reconnaître, donc, le souci du support au développement des activités agricoles à ville de Laval et dire que, pour la grande région de Montréal, il s'agit là d'un geste important, d'un geste significatif, et que le développement, ça peut prendre différentes directions pourvu qu'on ait la volonté de l'infléchir dans le sens de la mise en valeur et non pas de la croissance à n'importe quel prix.

Il y a des directions au développement qui doivent être données. Il y a des orientations qui doivent être adoptées. Eh bien, le projet de loi privé qui va modifier pour ville de Laval certaines dispositions, qui va permettre le remembrement du territoire agricole, eh bien, c'est ce type de geste qui sera posé dans quelques minutes pour permettre le développement de ces entreprises du secteur agricole sur l'île Jésus, à ville de Laval, et ça, c'est important de le souligner.

En tout dernier lieu, M. le Président, je veux rappeler aussi un élément important: le rôle de la députée de Mille-Îles dans ce processus. M. le Président, les projets de loi privés sont présentés ici, en vertu de notre règlement, par les députés de la région ou de la circonscription concernée. Et ce n'est pas un geste mécanique, c'est de reconnaître aussi le facteur important de représentativité et le rôle actif que doivent jouer les députés à l'Assemblée nationale – de tous les partis, M. le Président – à l'égard de la représentation de leurs commettants, des hommes et des femmes de leur comté et la possibilité d'intervenir au niveau législatif pour et en leur nom, avec des gestes significatifs.

Et la plus belle illustration que nous avons aujourd'hui, soit de la part du député d'Abitibi-Est ou de la députée de Mille-Îles, c'est que, lorsqu'on a à coeur, lorsqu'on est bien déterminé, lorsqu'on a la volonté d'infléchir le sens, la direction des choses pour favoriser tel type de développement, pour répondre, comme la députée de Mille-Îles l'a bien indiqué, à la volonté des personnes habitant ce territoire, eh bien, on pose des gestes comme aujourd'hui et on en arrive à des résultats très concrets.

Ça va faire en sorte, M. le Président, qu'on va maintenant avoir à notre disposition des mécanismes qui vont nous permettre d'imposer des taux de taxation sur des terrains qui, actuellement, ne sont pas utilisés à des fins agricoles, et ça va nous permettre, pense-t-on, d'une façon incitative, de remembrer ce territoire qui a été mis en damier au plan du développement agricole au cours des dernières années. Et c'est comme ça qu'on va y réussir.

La députée de Mille-Îles a insisté pour qu'on mette le taux, la possibilité de taux de taxation assez élevé pour que l'incitatif soit vraiment significatif. On pense que le résultat va être là. On en a profité aussi, M. le Président, pour moderniser certains autres aspects de la charte de la ville de Laval.

On va donc souhaiter que cette opération qui va se dérouler à ville de Laval au cours des prochaines années soit un succès et que l'on note tous ensemble le parti pris que nous avons eu pour le développement de l'agriculture et de l'agroalimentaire non seulement dans l'ensemble du Québec, mais en particulier dans la région de Laval, sur l'Île Jésus, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Affaires municipales. Je céderai maintenant la parole à la critique officielle de l'opposition et députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens à mon tour dans le cadre du projet de loi n° 203, qui est la loi qui modifie la charte de la ville de Laval.

Nous avons eu l'occasion, M. le Président, tel que l'a mentionné notre collègue du comté de Mille-Îles, de débattre de ce projet de loi là, d'entendre évidemment tous les éléments qui ont été mis sur la table à la fois par la députée, par le ministre, par les représentants de la ville de Laval, dont le maire et Me Michaud. Je dois vous dire que notre consentement, on le donne, à ce projet de loi là.

J'aimerais profiter de la tribune qui m'a été offerte pour reconnaître et féliciter la ville de Laval pour sa détermination dans le cadre du remembrement des lots agricoles. À une époque où l'agriculture, on le sait, est un moteur de développement économique pour l'ensemble de nos régions agricoles, je pense qu'il faut saluer la ville de Laval qui, soit dit en passant... Je pense que c'est le secret le mieux gardé en ville. Moi, quand j'ai vu la carte qu'on nous a distribuée pour une meilleure compréhension du dossier, que j'ai réalisé que la moitié ou un peu plus de la moitié de la ville de Laval, du comté finalement, on l'associe toujours à l'urbain plutôt qu'au rural ou au régional, j'ai été très surprise de réaliser toute l'agriculture, toute l'économie, en fait, qui découlait des activités maraîchères, agricoles et horticoles.

Alors, je pense que de vouloir s'assurer que les propriétaires de lots, les 800 quelques propriétaires de lots qui aujourd'hui ne paient pas de taxes ou très, très peu, donc n'ont aucun incitatif, finalement, soit à vendre ou à développer en territoires agricoles leurs terrains... Je pense que c'est une initiative qu'il faut reconnaître et féliciter.

Pour ce qui est du reste du projet de loi, je n'ai aucunement l'intention de le reprendre article par article, ça a été fait lors de la commission parlementaire, M. le Président. Qu'il me suffise de dire que, évidemment, le gros du projet de loi concernait ce remembrement-là de ces lots-là mais aussi de la concordance avec la Loi sur les cités et villes, des articles de loi qui avaient été corrigés lors de projets de loi précédents et qui n'avaient pas été corrigés dans la charte de la ville de Laval.

Alors, nous donnons notre accord à ce projet de loi et nous donnerons aussi notre accord lors de l'adoption finale du projet de loi.

(12 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Y a-t-il d'autres intervenants?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 203, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval, est-il adopté?

Des voix: Adopté.


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, Mme la députée de Mille-Îles propose l'adoption du projet de loi n° 203, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 203?


Mise aux voix

Alors, comme il n'y a pas d'intervenants, le projet de loi n° 203, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 28 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez mentionné l'article 28?

Mme Caron: Oui.


Projet de loi n° 193


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, à l'article 28, Mme la députée de Vanier propose l'adoption du principe du projet de loi n° 193, Loi concernant le Régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec. C'est un projet de loi public. Alors, est-ce qu'il y a des interventions sur l'adoption du principe? Mme la députée.


Mme Diane Barbeau

Mme Barbeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de présenter et de proposer l'adoption du principe du projet de loi n° 193 concernant le Régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec.

Ce régime de retraite est un régime complémentaire de retraite qui existait avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 1973, du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, communément appelé le RREGOP. Conformément à la loi, les employés qui participaient à ce régime complémentaire à cette date ont choisi de maintenir leur participation à ce régime plutôt que d'opter pour le RREGOP.

Depuis 1979 et en vertu de l'article 125 du RREGOP, toutes les modifications apportées à ce régime doivent faire l'objet d'une autorisation préalable de la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, la CARRA, et doivent faire l'objet d'un projet de loi lorsque les coûts additionnels ne sont pas entièrement assumés par les participants au régime.

Par ce projet de loi, on veut favoriser une retraite plus avantageuse pour les employés non enseignants de la CECQ, et ce, sans entraîner d'augmentation des cotisations salariales, les coûts résultant de ces modifications étant payés à même le surplus actuariel du régime.

En effet, M. le Président, puisque ce régime de retraite présente un important surplus actuariel, le présent projet de loi autorise le financement à même ce surplus des modifications qui entraînent des coûts additionnels pour le régime. Sans cette autorisation, le coût des modifications devrait être à la charge des employés. C'est donc un projet de loi qui avantage les employés concernés. Ainsi, le projet de loi permettra la pleine indexation des rentes selon le taux d'augmentation de l'indice des prix à la consommation à l'égard de la partie de la rente attribuable à du service antérieur à l'année 1990, au lieu de 1984 comme c'est le cas actuellement. À cet égard, le montant des rentes en cours de versement pourra être ajusté à la hausse pour tenir compte de cette nouvelle modalité d'indexation.

Une autre modification intéressante pour ces employés, c'est que ce projet de loi permettra également, jusqu'au 30 juin 1999, à tout participant actif âgé d'au moins 60 ans ou comptant au moins 30 années de service de prendre sa retraite sans réduction actuarielle. Auparavant, ce bénéfice n'était accordé qu'à ceux et celles qui étaient âgés d'au moins 62 ans et qui comptaient au moins 32 ans de service.

Ce projet de loi permettra aussi de diminuer la réduction actuarielle applicable en cas de retraite anticipée. La réduction actuarielle sera de 4 % par année d'anticipation au lieu de 6 % comme c'est le cas actuellement. Il donnera également de nouvelles possibilités de rachat. Il sera dorénavant possible de racheter du service antérieur à la date d'adhésion au régime de même que toute période de congé sans traitement consécutif à un congé de maternité.

Finalement, M. le Président, le projet de loi donnera la possibilité aux comités de retraite du régime d'utiliser, à certaines conditions, les surplus actuariels futurs afin de bonifier certaines mesures que le présent projet de loi autorise, soit celle concernant l'indexation des rentes et celle concernant la possibilité, pour le participant actif âgé d'au moins 60 ans ou comptant au moins 30 années de service, de prendre sa retraite sans réduction actuarielle.

En terminant, c'est, bien sûr, un projet de loi un peu technique, surtout quand on n'est pas très familier avec le langage des régimes de retraite. Mais c'est un projet de loi qui, dans les faits, donnera aux employés concernés des conditions de retraite plus avantageuses. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Vanier. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 193?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 193, Loi concernant le Régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que je peux avoir le consentement? Consentement? Alors, nos travaux sont maintenant suspendus jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

(Reprise à 15 h 6)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du Consul général de la République du Chili à Montréal, M. Alejandro Carvajal

Alors, pour débuter aujourd'hui, j'ai le grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes du Consul général de la République du Chili à Montréal, M. Alejandro Carvajal.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article a de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 53

Le Président: Alors, à l'article a du feuilleton, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation présente le projet de loi n° 53, Loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


M. Guy Julien

M. Julien: Alors, M. le Président, ce projet de loi a pour objet la reconnaissance des appellations qui sont attribuées à des produits agricoles et alimentaires à titre d'attestation de leur mode de production, de leur région de production ou de leur spécificité. À cette fin, elle confère au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation le pouvoir de reconnaître des appellations lorsqu'il est établi que ces appellations satisfont aux critères et exigences prévus par règlement et d'en réserver l'utilisation aux membres des organismes de certification accrédités.

Ce projet de loi a également pour objet l'accréditation par un conseil d'accréditation des organismes de certification chargés, pour une appellation visée, de la certification des produits portant une appellation réservée ainsi que de la surveillance de l'utilisation de ces appellations.

Enfin, ce projet de loi apporte des modifications de concordance à la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Alors, adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Rapport de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, qui s'intitule «Ensemble pour un Québec responsable».

Le Président: Alors, ce document est déposé. J'invite maintenant M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


Rapport du Comité spécial d'examen de la situation du marché de l'essence au Québec

M. Chevrette: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport du Comité spécial d'examen de la situation du marché de l'essence au Québec.

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.


Rapports annuels de la Société du Palais des congrès de Montréal et de la Société Innovatech du Grand Montréal

M. Ménard: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 de la Société du Palais des congrès de Montréal ainsi que celui de la Société Innovatech du Grand Montréal pour la même année.

Le Président: Alors, maintenant, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapports annuels des régies régionales de la santé et des services sociaux de Chaudière-Appalaches et du Nunavik

M. Rochon: M. le Président, je voudrais déposer les rapports annuels 1995-1996 des régies régionales de la santé et des services sociaux de Chaudière-Appalaches et du Nunavik.

Le Président: M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.


Rapport annuel de l'Office des ressources humaines

M. Léonard: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le dernier rapport annuel 1995-1996 de l'Office des ressources humaines.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre de la Justice.

(15 h 10)


Rapport annuel de la Commission des affaires sociales

M. Bégin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'activité 1995-1996 de la Commission des affaires sociales.

Le Président: Alors, ce document est déposé.

Alors, au dépôt... Oui, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: J'aimerais demander le consentement de l'Assemblée nationale pour déposer une lettre de Mme Diane Hébert, au nom d'un patient ayant besoin d'une transplantation coeur-poumons. Le patient aimerait savoir si l'intervention...

M. Bélanger: M. le Président...

M. Marsan: ...se fera à Québec ou à Montréal. Le ministre de la Santé n'a pas daigné répondre à...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que je suis un peu étonné...

Des voix: ...

M. Bélanger: M. le Président, à plusieurs reprises nous avons fait la question de règlement à savoir que le dépôt de documents était pour les membres du gouvernement qui voulaient déposer des documents. Et, si le député de l'opposition veut déposer un document, il peut le faire, à ce moment-là, tout simplement après avoir posé une question où il fait référence à ce document. Mais ce n'est pas la période pour déposer ces documents.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, et c'est pourquoi, M. le Président, et vous aviez bien saisi, le député a demandé le consentement pour déposer à ce moment-ci cette lettre. S'il y a refus de consentement, qu'on nous l'indique tout bêtement. Et, s'il y a consentement, le ministre pourra prendre connaissance de la lettre et possiblement y répondre.

Le Président: À l'ordre! Très bien. Alors, puisqu'il n'y a pas de consentement, de toute façon, on en reste à la règle d'usage qui est celle que la rubrique est prévue uniquement pour le dépôt de documents gouvernementaux. Ça va? Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Question de règlement. C'est que, si on permet la lecture, à chaque fois, d'une lettre pour demander le consentement, à ce moment-là, on obtient exactement d'une façon indirecte le résultat qu'on veut. Je vous soumets respectueusement, M. le Président, qu'un député de l'opposition ne peut pas se lever à ce moment-ci pour demander le consentement pour déposer un document. C'est ce qui a été statué par vous, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: M. le leader.

M. Paradis: Oui, M. le Président, je m'inscris en faux contre cette argumentation. Le résultat désiré n'est pas obtenu, le ministre n'est pas sensibilisé, puis la dame n'a pas sa réponse.

Le Président: J'ai déjà eu l'occasion de dire dans cette Chambre qu'on ne peut pas faire indirectement ce que le règlement ne permet pas de faire directement.


Dépôt de rapports de commissions

Alors, dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Vérification des engagements financiers du ministère des Ressources naturelles, secteur mines

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 17 octobre 1996 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère des Ressources naturelles, secteur mines, contenus dans les listes de janvier 1991 à août 1996.

Le Président: Alors, le rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 457 pétitionnaires...

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis, on me signale qu'il faudrait d'abord, puisque votre pétition ne semble pas correspondre au règlement, demander le consentement pour un dépôt d'une pétition qui n'est pas conforme au règlement.

M. Chagnon: M. le Président, je demande le consentement de l'Assemblée pour le dépôt d'une première pétition.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, M. le leader du gouvernement? Alors, il y a consentement.

M. Chagnon: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 457...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais savoir pour quel motif la présidence a déclaré qu'elle n'était pas conforme. Je voudrais juste savoir c'est quoi, la non-conformité. Quelle est la raison de la non-conformité de la pétition?

Le Président: Je n'ai pas l'information, M. le leader du gouvernement. J'ai l'information que la pétition n'était pas conforme et qu'il fallait qu'on demande consentement, mais... On me signale que la pétition ne demande pas, à proprement parler, l'intervention de l'Assemblée. Voilà la raison pour laquelle elle n'est pas conforme à notre règlement.

De toute façon, il y a consentement, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Enquêter sur les irrégularités commises au référendum de 1995 et modifier la Loi électorale et ses règlements

M. Chagnon: Alors, M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 457 pétitionnaires, électeurs québécois.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous exigeons que le gouvernement du Québec s'engage à mener une enquête judiciaire approfondie, indépendante et sans restriction sur les irrégularités commises lors du référendum de 1995, enquête dont les résultats seront connus du public, et nous demandons des changements à la Loi électorale ainsi qu'à ses règlements qui permettront un référendum équitable et un processus électoral qui, hors de tout doute, assurera à tous les électeurs le droit de s'enregistrer, de voter et d'être sûrs que leurs bulletins de vote seront compilés.»

Le Président: La pétition est déposée. Est-ce qu'il y a d'autres demandes de pétitions?

M. Chagnon: M. le Président, j'ai une autre pétition qui déroge aussi à notre règlement dans le sens que...

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour un dépôt de document qui déroge? Il y a consentement. Alors, M. le député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: Alors, extrait de pétition, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 16 881 pétitionnaires, électeurs québécois.

Une voix: Oh!

M. Chagnon: «Considérant que la confiance du public a été minée par une série de rejets frauduleux de bulletins de vote et d'autres irrégularités avant et durant la campagne électorale et le vote référendaire du 30 octobre 1995;

«Considérant qu'il y a des preuves que les droits de tous les électeurs de participer pleinement et équitablement au processus démocratique n'ont pas été respectés;

«Considérant que le Directeur général des élections a émis un rapport qui manifestement dénature et minimise les problèmes ci-dessus mentionnés;

«Considérant qu'une commission de l'Assemblée nationale examine des propositions soumises par le Directeur général des élections, qui, si elles sont adoptées, limiteront ce droit lors d'un prochain référendum;

«Considérant que, comme conséquence, la réputation du Québec en tant que modèle de démocratie a été publiquement mise en doute par des déclarations et des éditoriaux à l'intérieur du Québec ainsi que dans d'autres régions du Canada et même à travers le monde;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous exigeons que le gouvernement du Québec s'engage à mener une enquête judiciaire approfondie indépendante et sans restriction sur les irrégularités commises lors du référendum de 1995, enquête dont les résultats devraient être connus du public, et nous demandons des changements à la Loi électorale ainsi qu'à ses règlements qui permettront un référendum équitable et un processus électoral qui, hors de tout doute, assurera à tous les électeurs le droit de s'enregistrer, de voter et d'être sûrs que leur bulletin de vote sera compilé.»

Et je dépose la pétition, M. le Président.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise que, après la période des questions et des réponses orales, sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le ministre des Affaires municipales proposant que le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, soit adopté.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Discussions entourant la tenue du Sommet sur l'économie et l'emploi

M. Johnson: Oui, M. le Président. Dans toute la préparation qui mène au Sommet de la semaine prochaine, le premier ministre a, la plupart du temps, je dirais tout le temps depuis huit mois, fait état du très haut degré de transparence qui doit régner dans la préparation et le déroulement de ce Sommet. Déjà, on doit saluer, incidemment, le travail de douzaines et de douzaines de Québécois et Québécoises qui ont mis la main à la pâte depuis des mois et qui, à l'évidence, ont fait la job que le gouvernement ne pouvait pas faire depuis huit mois.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Mais, dans le déroulement et compte tenu du travail de ces gens, déjà on voit certaines cachotteries, là, certaines hésitations, une certaine discrétion et un silence du premier ministre et de ses collègues sur certains des grands dossiers autour du Sommet. J'en évoque trois: les réticences du premier ministre à faire état de ses interventions auprès de M. Béland dans le dossier du transfert d'un portefeuille de 2 000 000 000 $, vers Toronto, du Mouvement Desjardins; la discrétion, l'ambiguïté du premier ministre autour de son souhait de vouloir rouvrir ou, à tout le moins, regarder lors du prochain budget les conventions collectives du secteur public, dont il a parlé en catimini à certains chefs syndicaux, pas tous.

Apparemment, les employés de l'État, les 60 000 fonctionnaires, eux, ne sont pas assez importants pour le premier ministre pour qu'ils entendent parler de ça autrement que par les journaux ou l'Assemblée nationale et à l'égard desquels on ne sait pas du tout quelle est la décision du premier ministre avant le Sommet. Troisièmement, la discrétion du premier ministre, de qui on s'attend qu'il s'engage à déposer lors du Sommet tous les documents et toutes les études qu'il a commandés et qui ont été acheminés vers son bureau.

Est-ce que le premier ministre, qui nous répète à satiété que tout doit être sur la table, n'est pas en train de nous montrer qu'il s'en passe beaucoup en dessous de la table autour du Sommet?

Le Président: M. le premier ministre.

Une voix: En dessous de la table, jamais.

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement et moi-même entendons favorablement cet appel à la transparence, et, dans ce souci d'être transparent, je voudrais en particulier annoncer à la Chambre et au chef de l'opposition qu'aujourd'hui Noranda a annoncé qu'elle investissait 212 000 000 $.

Une voix: Oui, oui.

M. Bouchard: Oui, c'est une bonne nouvelle.

(15 h 20)

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Et, pour être totalement transparent, j'ajouterai qu'il y a 124 000 000 $ qui s'en vont dans l'est de Montréal, à l'affinerie CCR.

Une voix: Ah!

M. Bouchard: Il y en a 18 000 000 $ qui vont à la fonderie Mines Gaspé, à Murdochville; 18 000 000 $ à Murdochville, c'est une très, très bonne nouvelle aussi. Il y a également 32 000 000 $ qui vont être investis à la Métallurgie Noranda, à Valleyfield, il y en a 29 000 000 $ au Centre de technologie Noranda et puis 9 000 000 $ à Mines Gallen, à Rouyn-Noranda. Et j'ajouterai que...

Une voix: Ah!

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: ...le gouvernement et Hydro-Québec ont été extrêmement actifs par rapport à cette décision. Ils ont travaillé étroitement avec Noranda, et il faut mentionner un nom qui doit recevoir un crédit d'un beau travail qu'il a fait, c'est le chef du chantier de l'emploi de Montréal, M. André Bérard, qui a travaillé très fort pour que l'annonce se fasse le plus vite possible.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: M. André Bérard, le président de la Banque Nationale, qui est l'un de ceux qui s'est mérité, avec raison, les compliments du chef de l'opposition pour le travail remarquable qu'il déploie en vue de relancer l'économie du Québec et de Montréal.

Pour ce qui est de M. Béland, il est présentement à Budapest. Je suis en train de communiquer avec lui; son adjoint doit me mettre en communication très bientôt. Je me suis ouvert auprès de l'adjoint de M. Béland de la nécessité, que je perçois et que le gouvernement perçoit, de remédier à la situation à la suite de l'annonce qui a été faite d'un transfert à Toronto. Je dois en parler avec M. Béland dans les prochaines heures, dès qu'on pourra communiquer.

Sur les coûts de main-d'oeuvre, je me suis expliqué hier avec beaucoup de transparence, M. le Président. Et quant aux études qui ont été faites, elles seront toutes déposées. Je ne vois pas d'études qui ne seront pas déposées, les documents sont publiés. Et j'aurai l'occasion, lors de la première séance de travail du Sommet, le premier matin, de faire un exposé quant à la mise à jour complète des données et des paramètres économiques et financiers du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: En remerciant le responsable des relations publiques de Noranda de sa déclaration, est-ce que le premier ministre, d'abord, dans le cas de M. Béland, n'aurait pas pu le rencontrer, comme son vice-premier ministre et moi-même, lundi à Montréal, au lieu d'attendre qu'il soit en Roumanie pour s'occuper du dossier?

Deuxièmement, à l'égard de la question de fond que j'ai posée au premier ministre, avec ses partenaires syndicaux auxquels il annonce, dans des circonstances un peu nébuleuses, qu'il songe à rouvrir les conventions collectives, à congédier des fonctionnaires ou à diminuer leur salaire de 7 %, ou de 5 %, ou de quelque chiffre que le premier ministre voudra bien indiquer, est-ce que le premier ministre pourrait être plus transparent sur sa volonté de rouvrir les conventions collectives à l'occasion des décisions qui seraient prises au Sommet ou dans la suite du Sommet? Et pourquoi ne dit-il pas aujourd'hui à ses partenaires syndicaux que, lui, le premier ministre, il entend effectivement rouvrir les conventions collectives? C'est ça qu'il leur dit en privé.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je n'ai jamais employé ce mot dans mes conversations avec les parties syndicales. C'est un mot qui est banni du vocabulaire, puisque nous parlons...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: C'est dans le vocabulaire libéral, peut-être, mais pas dans le nôtre, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Nous parlons d'une mise en commun des responsabilités pour l'ensemble des Québécois. Nous parlons d'introduire comme critère principal de répartition de l'effort celui de l'équité. Donc, au Québec, il y a aussi des gens des secteurs public et parapublic, il y a des citoyens, il y a des gens d'affaires, il y a des gens des mouvements communautaire et social qui ne se laissent pas oublier non plus. Il faudra donc que nous travaillions en équité. C'est le message que j'ai transmis à nos partenaires syndicaux à l'occasion d'une rencontre qui a porté beaucoup sur la préparation du Sommet.

Le Président: En principale? En principale, M. le député de Saint-Laurent.


Amélioration du taux de rendement d'Hydro-Québec

M. Cherry: Oui, en principale, M. le Président. Dans un document interne d'Hydro-Québec intitulé «Modifications à la structure de la direction supérieure», document daté du 16 octobre dernier, on peut lire, en page 1, et je cite: «Changer maintenant. Les justifications de la direction d'Hydro-Québec. Pourquoi faire des changements maintenant? Les principales raisons qui nous incitent à amorcer le changement dès maintenant sont – et je ne citerai que la première – l'exigence du gouvernement du Québec en tant qu'actionnaire concernant l'atteinte d'ici l'an 2000 d'un taux de rendement acceptable pour une entreprise commerciale afin de mieux contribuer à l'économie du Québec.» Entre parenthèses, ça veut dire...

Des voix: Bravo!

M. Cherry: Ça, ça veut dire: Combien d'argent Hydro-Québec va verser de plus dans les coffres de l'État? Cette année, 585 000 000 $ sont prévus. Alors, comme il est question d'établir les paramètres d'un rendement acceptable d'une entreprise commerciale d'ici l'an 2000, est-ce que le ministre – il faut l'appeler comme ça – responsable d'Hydro-Québec, face à l'exigence du gouvernement, concernant l'atteinte d'ici l'an 2000 d'un rendement acceptable pour une entreprise commerciale... À combien peuvent s'attendre les Québécois et les Québécoises de payer de plus en électricité? Combien devront-ils sortir de leurs poches? Est-ce que le ministre peut nous répondre à ça maintenant?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, vous me permettrez tout d'abord, sans doute, de demander au député de Saint-Laurent de se réjouir avec moi du fait qu'Hydro-Québec a annoncé qu'elle rencontrerait les paramètres financiers fixés pour l'année 1996. Lui et son chef ont participé à cette fameuse commission parlementaire qui a dénoncé la culture de gestion d'Hydro. Et je crois que, depuis lors, vous l'aurez compris, on a fait des efforts pour replacer ce navire amiral sur les rails. Et nous avons procédé à d'excellentes nominations à cet effet d'ailleurs, je suis convaincu de cela.

Et je vous dirai, M. le Président, que, quand le député de Saint-Laurent relie, cependant, les rendements d'Hydro-Québec en termes de bénéfices nets par rapport à l'augmentation des tarifs, il fait vraiment fausse route. C'est précisément en rectifiant la culture de gestion, en changeant la culture de gestion, en économisant, en cessant l'opulence dans la gestion, qu'on dégage des profits nets additionnels sans qu'il en coûte un sou aux Québécois en termes de tarifs.

Donc, je conclurai en disant, M. le Président, qu'Hydro-Québec, suite à une rencontre, vendredi dernier, avec mon collègue des Finances et moi-même... Nous avons reçu l'assurance que, conformément aux perspectives financières qu'on lui demande, aux cibles qu'on lui demande, Hydro-Québec va se rendre à ces demandes-là par un rectificatif de gestion, par une rigueur de gestion, et, automatiquement, les Québécois s'en porteront mieux parce qu'ils auront une Hydro-Québec, une société d'État en santé, concurrente, dynamique et qui sera sans doute la plaque tournante en Amérique du Nord bientôt.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Cherry: Alors, M. le Président, est-ce que les membres de cette Assemblée et les gens qui suivent nos débats viennent de comprendre de la réponse du ministre que, de maintenant à l'an 2000, les exigences du gouvernement par rapport à la contribution d'Hydro-Québec seront atteintes uniquement par une amélioration de la gestion? Est-ce que le ministre vient de nous dire que, d'ici à l'an 2000, les Québécois et les Québécoises ne verront pas l'augmentation de leur facture d'électricité? C'est ça, ma question.

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, j'espère qu'on ne versera jamais dans l'attitude libérale de promettre des choses et de ne rien faire par la suite. Il y a quatre ans, dans une commission parlementaire, on demandait la création d'une régie de l'énergie. Mme Bacon, à l'époque ministre de l'Énergie, avait dit: C'est une excellente idée, et je vais essayer. Elle n'a jamais été capable de la vendre à son gouvernement.

M. le Président, nous avons pris l'engagement de créer une régie qui va pouvoir contre-expertiser de façon correcte avec des experts les demandes d'Hydro-Québec, et, à ce moment-là, Hydro-Québec sera placée sur un même pied d'égalité que toutes les autres sources d'énergie. Et, à ce moment-là, la justice des prix ou toute la transparence dans les prix sera connue. Le consommateur pourra se faire entendre. N'importe qui pourra se faire entendre devant cette Régie, et Hydro-Québec obtiendra justice comme toutes les autres sources d'énergie, et non pas soumise à la partisanerie en commission parlementaire.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Cherry: Ma question au ministre, M. le Président, est simple: Est-ce que le ministre nous annonce que, à compter de maintenant, pour atteindre ce qui va être calculé comme un rendement acceptable pour une entreprise commerciale, le ministre vient de nous dire: Les Québécois, à compter de maintenant, ce ne sera plus de ma faute, ça va être la faute de la Régie, mais, d'ici à l'an 2000, vous allez voir vos factures d'électricité augmenter? Est-ce que c'est ça qu'il vient de nous dire aujourd'hui?

Le Président: M. le ministre.

(15 h 30)

M. Chevrette: M. le Président, le député de Saint-Laurent, qui a participé à la dernière commission parlementaire, s'en est pris avec véhémence aux dirigeants d'Hydro. Il leur a dit: Il faut absolument arrêter vos folies. Eh bien, devant une régie indépendante, Hydro-Québec devra faire valoir ses demandes. Et les groupes de consommateurs pourront se faire entendre également, mais ce sera véritablement, M. le Président, des experts qui jugeront de la valeur des demandes, et non pas un groupe de parlementaires pendant 13 heures, qui n'ont absolument pas les ressources pour contre-expertiser de façon valable cette société d'État. Alors, automatiquement, M. le Président, cette société d'État là sera sur un pied d'égalité avec Gaz Métro ou avec tout groupe qui produit de l'énergie. Et c'est ce qu'on appelle, M. le Président, obtenir justice pour Hydro-Québec, car enfin ils seront traités sur un même pied et non pas... Et, pour les consommateurs, ce sera véritablement une occasion, parce qu'en commission parlementaire ils ne viennent pas expliquer aux politiciens puis à Hydro ce qu'ils sont prêts à payer ou encore poser des questions précises.

Je pense que le député de Saint-Laurent, s'il était cohérent et logique avec ce qu'il a dit en commission parlementaire, se réjouirait avec nous de la création de cette Régie et applaudira quand viendra le temps d'étudier en deuxième lecture le principe même de la création de cette Régie.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, au premier ministre: Est-ce qu'on doit comprendre de la réponse de son ministre que le navire amiral du développement économique du Québec, comme tout le monde l'appelle ici, va être traité comme les autres?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je pense que le chef de l'opposition aura constaté que le gouvernement s'est comporté avec beaucoup de rigueur et de sens des responsabilités par rapport à Hydro, par exemple en nommant deux personnalités éminentes du monde des affaires, deux champions de la gestion et des affaires. Ça s'est fait en dehors de toute partisanerie, on n'a même pas vérifié de quelle couleur ils étaient, s'ils ont une couleur. Nous nous sommes assurés qu'Hydro serait gérée par de véritables gestionnaires et répondrait aux impératifs auxquels sont soumis les organismes de ce genre. Et, en particulier, pour ajouter encore une garantie pour les consommateurs et en même temps pour la rentabilité d'Hydro, nous avons voulu qu'il y ait une régie qui puisse soumettre à des exigences impartiales la fixation des tarifs pour l'avenir. Donc, Hydro, chaque fois qu'elle voudra le faire, devra montrer patte blanche, devra expliquer en toute transparence quelle est la situation. Il y aura des experts pour tout vérifier cela, et il y aura des gens indépendants du gouvernement et du parti de l'opposition pour prendre les décisions qui vont protéger les consommateurs.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que ça ne signifie pas – je le demande au premier ministre – que le traitement dont Hydro-Québec va être l'objet désormais, comme d'autres producteurs et distributeurs d'autres formes d'énergie, va faire en sorte qu'elle ne pourra plus répondre comme elle le fait depuis plus de 50 ans à des désirs et des souhaits légitimes de l'Assemblée nationale, ou du gouvernement, ou des Québécois de servir d'outil de développement économique de façon privilégiée? Est-ce que le gouvernement ne vient pas, justement, d'empêcher toute capacité à Hydro-Québec d'agir dans le sens des intérêts des Québécois plutôt que du seul actionnaire qu'est le ministre des Finances?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition a raison, c'est qu'il ne faut pas oublier qu'Hydro-Québec, c'est également un instrument de développement économique, que c'est d'abord et avant tout un instrument de développement économique, et que cette mission sera garantie par la latitude qui sera maintenue à Hydro de présenter, de concevoir elle-même son plan de développement. Il y aura également des dispositions qui vont permettre, en certains cas exceptionnels, de faire en sorte que l'impératif du développement économique d'Hydro soit respecté.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: En complémentaire, M. le Président, au ministre de l'Énergie et des Ressources: Est-ce qu'il n'est pas exact, M. le ministre, que lors de la consultation du groupe qui a participé à l'élaboration de la politique énergétique qui donne lieu à la recommandation de la création de la Régie de l'énergie, c'est la recommandation unanime, d'abord, du groupe et celle qui a reçu le plus d'approbations de l'ensemble des intervenants de toutes les régions du Québec?

Le Président: M. le ministre d'État aux Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, il est tout à fait juste... Et d'ailleurs c'est M. le député d'Abitibi-Ouest, qui était alors mon prédécesseur, qui avait mis sur pied cette table d'énergie qui regroupait des gens de tous les horizons: environnementalistes, écologistes, syndicalistes, pétrole, gaz naturel, Hydro-Québec, autochtones, et tout ce beau monde est arrivé à un consensus unanime à l'effet de créer une régie de l'énergie, et j'en suis fort heureux. Je me réjouis aujourd'hui d'officialiser ce consensus québécois.

Une voix: Bravo!

Le Président: En principale, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Réforme de l'aide sociale

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Jeudi dernier, le chef de l'opposition officielle et moi-même avons demandé au premier ministre du Québec de prendre l'engagement de ne plus appliquer aucune coupure, aucune compression sur le dos des plus démunis. À trois reprises, notre demande est restée sans réponse. Aujourd'hui, je joins ma voix à celle de la Coalition nationale des femmes contre la pauvreté et à celle des représentants des groupes sociocommunautaires et je demande à nouveau au premier ministre du Québec de s'engager formellement à ne plus adopter aucune politique, à ne plus prendre aucune mesure, à n'effectuer aucune coupe qui réduise davantage le niveau de vie des plus vulnérables du Québec.

M. le premier ministre, allez-vous nous donner votre parole, oui ou non?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Ce gouvernement a engagé sa crédibilité et celle de ses ministres et de son premier ministre à la lutte contre la pauvreté, à la création d'emplois. La création d'emplois est le plus redoutable, le plus dangereux facteur d'appauvrissement qu'il y ait... Le manque d'emplois, c'est ce qui fait en sorte que les gens sont pauvres, et tout est conçu au gouvernement présentement pour amener des décisions qui vont permettre de créer de l'emploi.

En même temps, M. le Président, nous avons une politique sociale qui, pour une part, est composée de mesures sans précédent depuis très longtemps dans le domaine de la création des programmes sociaux. Tout ça s'est fait en dedans de deux ans: un nouveau régime de pensions alimentaires, un nouveau régime d'assurance-médicaments qui ouvre des portes très larges du côté du progrès social, une réforme de l'aide juridique qui étend l'accès à l'aide juridique à plus de 600 000 personnes de plus qu'autrefois. Et nous travaillons présentement à la mise en place d'une politique familiale dont nous pourrons annoncer les grands paramètres au Sommet et qui va comporter des progrès extraordinaires pour le Québec dans la bonne direction pour la réinsertion à l'emploi.

Quant à ce mouvement dont vous parlez, madame, j'aurai le plaisir de rencontrer vendredi Mme David et quelques-uns de ses collaborateurs à Montréal.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: Le premier ministre est en train de nous confirmer les 250 000 000 $ de compressions à l'aide sociale, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée, vous le savez.

Mme Loiselle: Le premier ministre va-t-il au moins, M. le Président, tel que demandé par tous les groupes qui défendent les plus démunis et qui doivent participer au Sommet, retirer la réforme de l'aide sociale de l'ordre du jour du Sommet et s'engager à faire une véritable consultation, un vrai débat public sur la réforme de l'aide sociale afin de permettre aux plus démunis de participer, de s'exprimer et de faire entendre leur voix?

M. Bouchard: M. le Président, la réforme de l'aide sociale est une réforme extrêmement importante qui s'est fait longtemps attendre, qui a connu un certain déboire du fait que les personnes qui étaient chargées de concevoir l'ensemble des réformes, MM. Fortin et Bouchard, n'ont pu s'entendre sur les conclusions unanimes, ce qui a retardé de quelques mois. Le gouvernement met la dernière main aux éléments fondamentaux de la réforme qu'il proposera. Il y a dans cette réforme des aspects qui sont extrêmement importants en ce qui concerne l'incitation au retour au travail, l'incitation au travail, l'équité entre les gens de différents revenus, l'équité entre les gens qui ont des enfants et ceux qui n'en ont pas, l'équité entre les gens qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, en tenant compte des niveaux de revenus différents. Donc, comme il y a un aspect qui est très important pour la création d'emplois, M. le Président, ces aspects seront exposés au Sommet.

Je pense que personne ne fera grief au gouvernement d'annoncer au Sommet, un sommet qui porte sur l'emploi, des mesures qui seront déterminantes pour libérer de la dépendance de l'aide sociale des gens qui ont besoin d'être encouragés puis d'être incités à retourner au travail, qui ont besoin de se trouver dans des conditions où il ne sera pas moins avantageux pour eux de travailler que de demeurer sur l'aide sociale. Donc, ces aspects, oui, seront rendus publics au Sommet.

Ceci étant dit, l'ensemble de la réforme de l'aide sociale va être soumis à un très large débat dans le cadre d'une consultation parlementaire qui va suivre le Sommet, de sorte que tous les groupes intéressés pourront prendre connaissance de l'ensemble de l'économie générale de la réforme de l'aide sociale, soumettre les recommandations et faire en sorte qu'une meilleure décision se prenne à la fin.

(15 h 40)

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: Au président du Conseil du trésor, qui a dit que la réforme de l'aide sociale va se faire soit avec des économies ou de façon nulle: Allez-vous exiger, tel que dans les rumeurs qui circulent, des compressions de 250 000 000 $ à la Sécurité du revenu pour l'année 1997-1998?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, le premier ministre vient d'expliquer que nous sommes en train d'élaborer une réforme. Nous allons en discuter. Et la question que me pose la députée porte sur les crédits 1997-1998 qui vont être déposés le 31 mars 1997.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: En additionnel, M. le Président. Est-ce que le président du Conseil du trésor est d'accord avec lui-même, puisque ce matin il est cité dans un article de La Presse à l'effet que, selon lui, la réforme de l'aide sociale devrait se faire soit à coût neutre soit en faisant des économies?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, il y avait aussi beaucoup d'autres choses dans cet article, par exemple que nous avons négocié. J'ai rencontré les présidents de centrales syndicales, la présidente de la CEQ, le président de la FTQ, le président de la CSN, le président du Syndicat des professionnels du Québec et le président des fonctionnaires du Québec, et nous nous sommes entendus sur la réforme de la CARRA. Alors, M. le Président, je pense que ça aussi, c'est un élément qui était dans cet article.

Par ailleurs, quant à la question, je lui fais la même réponse que j'ai faite à la députée tout à l'heure. Au fond, nous sommes en train d'élaborer une réforme sur laquelle nous allons consulter et dont les décisions vont prendre effet à compter d'une date qui est vraisemblablement le 1er avril 1997. Alors, attendons aux crédits du 31 mars 1997.

Le Président: En principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Compressions budgétaires dans les régies régionales de la santé et des services sociaux

M. Marsan: M. le Président, le premier ministre a mentionné haut et fort que, dans les coupures de son gouvernement, il s'attaquera aux structures et non à la population. Ça, M. le Président, c'est le discours.

Les faits, maintenant. Suite à une commande du gouvernement, la régie régionale de Montréal doit couper un montant supplémentaire de 4 400 000 $, dont 4 000 000 $ dans les centres hospitaliers universitaires et 400 000 $ – et je cite une correspondance entre la Régie et le ministère – chez les tout-petits, chez les jeunes, la violence et le cancer du sein.

M. le Président, comment le premier ministre peut-il concilier son double langage, alors qu'il sait que cette décision est régressive, antisociale et qu'elle touche les plus vulnérables de notre société?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je ne sais pas à quelle correspondance exactement le député de Robert-Baldwin fait référence, il n'a pas donné de détail là-dessus. Mais je peux vous assurer d'une chose, M. le Président, c'est que présentement il se fait, comme à chaque année, un travail de révision de l'état des budgets de tout le réseau de la santé et des services sociaux en regard des objectifs budgétaires. Il y a des communications et des collaborations entre le ministère et des régies régionales et des établissements pour voir comment on peut réaliser les objectifs budgétaires qui ont été fixés à tout le réseau et au secteur de la santé et des services sociaux.

Il y a une chose qui a été placée très claire pour tout le réseau, c'est que l'objectif budgétaire doit être rencontré en respectant les plans de transformation qui ont été acceptés par les régies et en s'assurant que les objectifs qui ont été fixés pour faire cette transformation pour améliorer l'accessibilité des services au titre de la prévention, de la promotion et de la première ligne seront respectés. C'est des balises de base qui sont là pour rester, M. le Président.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: M. le Président, avec votre permission, je pourrais déposer l'échange de correspondance entre le ministère et la régie de Montréal.

En additionnelle, j'aimerais demander au ministre: Est-ce que le ministre est en train de décliner ses responsabilités en faveur des régies régionales? Et comment se fait-il qu'une régie peut s'attaquer aux tout-petits, aux jeunes, à la violence, au cancer du sein avec l'assentiment du ministre et du premier ministre, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je pense qu'on s'est donné une même cassette – les tout-petits, les plus démunis – faisant croire au monde qu'on s'attaque aux plus démunis. On veut... Quand j'aurai vu la correspondance...

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je ne peux pas commenter le détail d'une correspondance que je n'ai pas vue. On a déjà vu le député de Robert-Baldwin et d'autres questions venant de l'opposition qui étaient des extraits tirés hors contexte et qu'on interprétait de toute façon. Il y a une chose que je puis dire et que je réaffirme: Les objectifs de la transformation du réseau de la santé sont des objectifs que l'on continue à poursuivre. Ceux qui ont le plus besoin de services, c'est ces gens-là qui vont être privilégiés et qui vont être protégés. L'exercice qui se fait actuellement est un exercice tout à fait normal de rencontrer nos objectifs budgétaires, de resserrer l'efficacité du réseau. Et il n'y a absolument pas d'opération qui se fait, au contraire, pour aller défaire les objectifs pour lesquels on travaille si difficilement. C'est de faire de la petite politique. Qu'on laisse les gestionnaires et les professionnels faire leur travail sur le terrain, et ils vont réussir comme ils ont réussi l'année passée, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Viau.


Financement d'un programme de prévention de la délinquance pour les jeunes

M. Cusano: M. le Président, durant la campagne référendaire, les ténors souverainistes ont promis mer et monde à tous ceux qui voulaient les écouter. Encouragées par ces belles promesses de supports moral et financier, les Productions L&L ont réussi à mettre sur pied pour les jeunes un programme de prévention de la délinquance et de l'usage de l'alcool et de drogues. Ce projet était évalué à 396 000 $. Cet organisme a reçu l'appui financier de parents, de plusieurs entreprises privées, de six municipalités et du Conseil régional de développement de Lanaudière. Ce programme est maintenant en péril, car le gouvernement est le seul partenaire qui n'a pas respecté ses engagements financiers.

Une voix: Ah!

M. Cusano: Ma question s'adresse au ministre délégué aux Relations avec les citoyens: Avez-vous, M. le ministre, octroyé aux Productions L&L un montant de 20 000 $? Si oui, à quelle date ce chèque a-t-il été émis? Et, s'il a été encaissé, le nom de l'endosseur de ce chèque.

Des voix: Oh!

Le Président: M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et ministre responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles.

M. Boisclair: M. le Président, il est vrai, effectivement, que, dans le cadre du Plan d'action jeunesse annoncé par le premier ministre Parizeau, nous avions, au gouvernement du Québec, consacré des sommes importantes réservées à l'appui aux projets soumis par les groupes de jeunes. Dans ce cadre, nous avons financé de nombreux projets. Je n'ai pas reçu, à ma connaissance, de représentations spécifiques quant à ce projet. J'ai l'habitude de répondre à toute la correspondance qui m'est envoyée de la part de mes collègues parlementaires. Ce dont je peux vous assurer, M. le Président, et assurer mes collègues de l'Assemblée nationale, c'est que jamais je n'ai reçu des représentations de mon collègue député de Viau, et je m'interroge sur ses motifs, alors qu'il me ferait grand plaisir de répondre à toutes ses questions dans un contexte qui me permettrait de bien le servir.

Le Président: M. le député.

M. Cusano: En complémentaire, M. le Président, cette fois-ci au ministre responsable du Développement des régions: Je veux seulement savoir si lui aurait accordé une subvention de 15 000 $ à cet organisme, et les mêmes questions que j'ai posées à l'autre député s'appliquent à lui aussi.

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, je prends avis de la question. Des subventions à partir du CRD ou de tous les CRD du Québec en ce qui regarde soit le Fonds d'investissement local, le Fonds d'aide aux entreprises, le Fonds conjoncturel, c'est des centaines et des centaines par semaine, donc il me fera plaisir de vous dire si j'ai versé un chèque de 15 000 $. Ça me fera énormément plaisir. Ça ne me surprendrait pas, parce qu'on est très bons.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député.

M. Cusano: En complémentaire, M. le Président, cette fois-ci, ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales, responsable du programme Support à l'action bénévole: Est-ce que le ministre peut vérifier si, pour l'année en cours, des subventions ont été accordées aux Productions L&L? Si oui, quelle est la date de ces chèques? Qui les a endossés?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

(15 h 50)

M. Trudel: M. le Président, les normes de ce programme sont appliquées pour tous les députés de l'Assemblée nationale, de quelque parti qu'ils soient. Nous recevons les recommandations des députés et, suivant ces recommandations, à l'intérieur des normes, nous émettons les chèques nécessaires. Et ça me fera plaisir de vérifier les questions que pose le député. Soyez assuré que tout se produit dans le cadre des normes du programme Support à l'action bénévole administré par tous les députés de l'Assemblée nationale.

Le Président: En principale, M. le député de Marquette.


Non-admissibilité de certains diplômés du secondaire au cégep

M. Ouimet: Merci, M. le Président. En février dernier, la ministre de l'Éducation a haussé les exigences pour entrer au cégep mais a suspendu l'entrée en vigueur du régime du secondaire qui haussait logiquement les exigences pour obtenir un Diplôme d'études secondaires. Pourquoi? Parce que, si elle haussait les exigences au secondaire, des études internes du ministère de l'Éducation démontraient que le taux de diplomation aurait baissé de façon significative et que le taux d'échec aurait augmenté, ce qui était gênant politiquement. J'ai dénoncé publiquement cette décision, et le rapport final des états généraux déplore aussi cet illogisme.

Ma question à la ministre de l'Éducation: La ministre a-t-elle pris conscience qu'à la fin de la présente année scolaire – des chiffres que j'ai de ce matin – environ 20 % de tous les élèves du secondaire du Québec qui obtiendront leur Diplôme d'études secondaires ne seront pas admissibles au cégep, que ce pourcentage grimpe à 30 % chez les allophones et à 40 % dans les milieux défavorisés?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ce sont justement des situations comme celle que décrit le député de Marquette, M. le Président, qui ont amené notre gouvernement... Parce que cette situation-là, elle existait précédemment, et je dois dire aussi que d'autres ministres de l'Éducation avant moi avaient posé des gestes comparables à l'égard de l'ajustement des exigences d'un niveau à l'autre d'enseignement. C'est justement parce qu'une situation comme celle-là existait, existe encore dans l'ensemble du réseau, M. le Président, que nous avons, comme gouvernement, mis en place une commission des états généraux qui a permis de procéder à un large débat, de nous présenter un certain nombre de recommandations, M. le Président, sur lesquelles je m'appuierai pour intervenir d'une façon structurante, significative, de telle sorte que nous nous attaquions à des problèmes comme ceux qui sont soulignés par le député de Marquette, et à juste titre, parce que je pense que c'est complètement inacceptable dans la société dans laquelle nous vivons maintenant que des jeunes sortent du secondaire sans leur diplôme et sans être capables d'avoir accès à un niveau supérieur, qu'il s'agisse du cégep, de l'université ou d'avoir accès à un emploi, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, jamais le problème ne s'est posé antérieurement. Ma question à la ministre de l'Éducation, elle ne l'a peut-être pas bien comprise: La ministre est-elle consciente qu'environ 15 000 élèves du secondaire au Québec qui vont obtenir leur Diplôme d'études secondaires cette année devront suivre jusqu'à trois cours secondaires additionnels, ce qui pourrait coûter à l'État près de 25 000 000 $ en plus de retarder la scolarité de ces 15 000 jeunes et leur intégration éventuelle sur le marché du travail? C'est ça, la situation occasionnée par sa décision prise en février dernier.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Le député prête bien des effets à la mesure que j'ai décrétée et décidée comme ministre, M. le Président. Cependant, bien sûr, il va de soi que, si certains jeunes n'ont pas acquis les connaissances de base leur permettant d'accéder à un autre niveau de formation, il est important qu'on procède à une mise à niveau. Ce que la Commission des états généraux nous dit, c'est qu'il y en a trop. C'est tout à fait juste et pertinent de dire que trois cours à reprendre, c'est trop, M. le Président. C'est à ça qu'on va s'attaquer, et ce sont des correctifs que l'on va proposer pour nous permettre, justement, de faire en sorte qu'une telle chose ne puisse se produire et qu'on limite strictement à des cas particuliers la mise à niveau pour passer du niveau secondaire vers le niveau collégial, du niveau professionnel vers le niveau technique ou, de la même façon, du collégial vers l'universitaire, M. le Président.

Le Président: En complémentaire.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se souvient qu'il présidait la réunion du Conseil des ministres, qu'il a permis à sa ministre de faire une chose semblable?

M. Bouchard: M. le Président...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: ...la ministre de l'Éducation a toute la confiance du premier ministre, et je suis très fier de l'avoir au sein de l'équipe.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, est-ce que la ministre est consciente... Et le premier ministre est-il conscient que, suite à une décision de la ministre de l'Éducation, il y a 15 000 jeunes, cette année, qui vont se retrouver avec un Diplôme d'études secondaires qui ne seront pas admissibles au niveau collégial parce que la ministre n'a pas haussé les exigences au secondaire? Le problème se pose au niveau de l'école montréalaise de façon catastrophique, aujourd'hui.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: J'ai un peu de difficultés à suivre le député de Marquette qui semble se contredire. Il dit d'un côté: On empêchera 15 000 jeunes d'avoir accès au niveau collégial suite à l'obtention de leur diplôme secondaire. Et, d'autre part, il dit: On va devoir s'adresser à eux pour leur offrir une formation supplémentaire leur permettant d'aller vers le niveau collégial. Alors, je...

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, j'essaie de comprendre, M. le Président. Dans le fond, l'intérêt du député de Marquette, le mien et le nôtre à tous, c'est que l'ensemble des jeunes qui suivent des cours au Québec puissent avoir accès à une formation qualifiante, soit pour l'emploi ou leur permettant de suivre des cours à un niveau autre, soit du cégep ou de l'université. Ce qu'on nous dit, c'est qu'il y aura un travail de mise à niveau pour nous assurer que ces 15 000 jeunes, justement, y aient accès, à la formation collégiale. Ça ne veut pas dire qu'il n'y auront pas accès et qu'on les laissera sur le carreau. Voyons!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Maintenant que la ministre semble avoir compris – je dis bien semble avoir compris – ce vers quoi se dirigent 15 000 jeunes lorsqu'ils termineront, soi-disant, leur secondaire mais qu'ils ne pourront pas aller au collégial, sauf s'ils ont des cours additionnels – donc, ils n'auront pas vraiment fini leur secondaire, là; tout le monde comprend – est-ce que le premier ministre savait ça, lui, au mois de février, quand il a permis à sa ministre de faire une chose semblable, de ne pas assurer la transition pour ces jeunes-là? Ou, alors, alternativement, est-ce qu'il savait que ça coûterait 20 000 000 $ de plus?

Mme Marois: Alors...

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Effectivement, c'est une décision qui a été prise au moment où j'arrivais dans mes fonctions, où le premier ministre arrivait dans ses fonctions aussi. Ce sont, cependant, des explications que j'ai données, bien sûr, au Conseil des ministres. Cela étant, je pense qu'on nous a dit hier qu'il y avait peut-être un peu trop de règlements, ce avec quoi on est d'accord, et qu'il fallait en réviser un certain nombre. Donc, s'il faut en réviser un certain nombre et qu'il y en a beaucoup, parfois il peut arriver que certains règlements, on en ait oublié la teneur très exacte. Mais ce qui est sûr, c'est que, effectivement, tant le premier ministre que moi-même...

(16 heures)

Le Président: Je m'excuse, Mme la ministre.

À l'ordre, s'il vous plaît! Ce n'est pas parce que les interventions ne sont pas enregistrées qu'elles sont faites de façon à respecter le principe du décorum dans l'Assemblée. Il y a aussi des gens, des citoyens et des citoyennes qui sont dans les tribunes et qui exigent autant de respect que ceux qui sont à la télévision et qui ne nous entendent pas parce que le Président est debout. Alors, Mme la ministre de l'Éducation, en terminant.

Des voix: ...

Le Président: Elle n'avait pas terminé, et je me suis levé au moment où elle complétait sa conclusion. Mme la ministre.

Mme Marois: Ce que je signifiais, M. le Président, aux membres de cette Assemblée, c'est qu'il va de soi que les règlements qui sont présentés, on en explique la teneur aux membres du Conseil pour en évaluer l'impact réel. Alors, ce sont des explications qui ont été données.

Mais ce que j'expliquais aussi aux membres de cette Assemblée, c'est que, compte tenu du nombre important de règlements – on nous a dit même qu'il y en avait trop, et on est prêt à admettre qu'il y en a trop et qu'on doit en réviser un certain nombre – il est possible qu'effectivement on n'ait plus mémoire ou que le premier ministre n'ait plus mémoire à ce moment-ci de ce règlement spécifique. Mais, cela étant, il a été fort bien expliqué à l'ensemble des membres du Conseil.

Le Président: En principale?

M. Gautrin: En principale, M. le Président.

Le Président: M. le député de Verdun.


Part des frais de scolarité dans le financement privé des universités

M. Gautrin: Merci. Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement a diminué sensiblement les subventions aux universités, au point qu'on peut se poser des questions quant à la qualité de la formation qui est offerte dans le réseau universitaire. Ce matin, vous aviez une déclaration du président de l'Université du Québec qui signalait que, malgré une diminution de salaire de 2 % chez les professeurs, une diminution de 5 % de salaire chez les cadres, l'université allait être obligée de faire un déficit de plus de 10 000 000 $, situation qui est préoccupante.

Le rapport final des états généraux reconnaît les besoins financiers des universités. Il recommande un réaménagement du financement, voire un appel au financement privé. La source principale de financement privé pour les universités, c'est clairement les frais de scolarité, auxquels, cependant, il faut avoir accès en dernier recours.

Alors, ma question à la ministre est la suivante: Est-elle consciente qu'une réduction supplémentaire de 140 000 000 $, comme c'est le chiffre qui est véhiculé actuellement dans le réseau, va entraîner implicitement une situation de dernier recours pour les universités et veut dire, de fait, une augmentation des frais de scolarité pour les étudiants québécois dans nos universités?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, ce que dit la Commission des états généraux sur la question du financement des universités est un peu différent de ce qui est soulevé par le député de Verdun, puisqu'on dit que la part du PIB, du produit intérieur, donc de notre richesse collective consacrée à l'enseignement universitaire au Québec est à 1,93 % et est supérieure à celle de l'Ontario, de 1,27 %. Donc, dire que les ressources ou les efforts demandés aux universités sont démesurés, je crois que c'est passer à côté de la réalité à laquelle on est confronté à l'égard des universités, M. le Président.

La question précise qui est soulevée par le député de Verdun, c'est: Est-ce que, dans la part du financement privé, vous songez à regarder du côté de la contribution des étudiants? Il y a une première chose que j'ai faite, M. le Président, d'ailleurs dès la semaine dernière. J'ai déposé ici un projet de loi qui permet aux universités de constituer des fondations universitaires leur permettant d'aller chercher du financement dans le milieu privé de telle sorte qu'on supporte des activités à l'université. C'est une formule de financement privé, M. le Président, mais qui est différente du fait que l'on charge des frais universitaires.

J'ai dit aussi, M. le Président, que nous explorions toutes les possibilités pour nous permettre de continuer à soutenir l'activité de recherche et d'enseignement absolument essentielle, ces activités que font et qu'assument les universités. Et, dans ce contexte-là, j'explore aussi du côté des frais universitaires, mais sûrement pas à la hauteur de ce qu'a fait le gouvernement d'en face... le gouvernement lorsqu'il occupait cette fonction, M. le Président, en face.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées.


Votes reportés


Adoption du projet de loi n° 135

Aux votes reportés. Tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de M. le ministre des Affaires municipales proposant que le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, soit adopté.

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Lelièvre (Gaspé), M. Létourneau (Ungava), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Alors, que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:64

Contre:41

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée. Donc, le projet de loi n° 135 est adopté.

(16 h 10)

Nous en arrivons maintenant aux motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra les consultations générales sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif, ainsi que demain, le jeudi 24 octobre 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations générales sur le document de consultation sur la réforme du Régime de rentes du Québec intitulé «Pour vous et vos enfants: garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec» demain, le jeudi 24 octobre 1996, de 10 heures à midi, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions, puisqu'une des commissions doit siéger jusqu'à 13 heures demain? Alors, il y a consentement.

Pour ma part, je vous avise que la commission de la culture se réunira aujourd'hui, le mercredi 23 octobre, de 16 h 30 à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, et demain, le jeudi 24 octobre, de 10 heures à 12 h 30, à la salle 138 de l'édifice Pamphile-Le May afin de poursuivre la consultation générale sur le document de consultation intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise».

Je vous avise également que la commission de l'Assemblée nationale se réunira demain, le jeudi 24 octobre 1996, à compter de 10 heures, aux salles RC.161 et RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de statuer sur diverses affaires courantes dont la désignation des membres de la sous-commission de la réforme parlementaire. Alors, je voudrais remercier, entre autres, les leaders du gouvernement pour leur collaboration.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, ce serait peut-être plus une question de directive que je voudrais faire à cette étape-ci.

Il y a eu une pétition qui a été déposée, pour laquelle nous avons donné consentement pour le dépôt de la pétition, celle qui a été déposée par le député de Westmount–Saint-Louis. Évidemment, une pétition, c'est le moyen qui est choisi par la population pour s'adresser à l'Assemblée nationale, et, donc, c'est pourquoi nous avons donné notre consentement pour le dépôt d'une telle pétition. Cependant, à la lecture de cette pétition, je suis certain que vous avez constaté qu'il y a certains faits qui sont, évidemment, des faits qui font partie présentement d'une poursuite pénale, où il y a des poursuites pénales relativement, comme on le sait, au processus référendaire.

Alors, ce que je vous demanderais, M. le Président... Je vous demande: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, peut-être, qu'il y ait une directive à l'effet que... Parce qu'il y a une décision de l'Assemblée nationale, de la présidence, qui avait refusé, à ce moment-là, même la présentation d'une pétition pour le seul motif qu'il y avait des faits qui étaient invoqués dans une poursuite au criminel. Est-ce que vous ne pensez pas, M. le Président, et je vous le soumets, qu'il devrait y avoir une directive qui pourrait éviter, si, dans le futur, il y a des pétitions, à ce moment-là, qu'on puisse baliser quelles sont ces pétitions qui pourraient être recevables à leur face même, ce qui permettrait à la présidence, à ce moment-là, de les refuser? Parce que nous, de notre côté, et je suis certain, du côté de l'opposition officielle, ce que les parlementaires ne veulent pas, c'est empêcher la population et les citoyens de s'adresser à l'Assemblée nationale. Mais, d'un autre côté, il faut aussi protéger le droit des citoyens qui sont impliqués dans des poursuites pénales et qui ont le droit à une présomption d'innocence. Et, à ce moment-là, si, par le dépôt d'une pétition, il pouvait y avoir interférence ou encore que ça pouvait nuire à un procès juste et équitable au niveau pénal, je pense, à ce moment-là, que la présidence se doit de protéger ces droits.

Alors, c'est dans ce sens, M. le Président, que je vous soumets respectueusement s'il n'est pas approprié qu'il y ait une directive qui soit peut-être établie par le président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Pourrions-nous vous suggérer à ce moment-ci, strictement si vous décidez de rendre une directive, si vous jugez opportun d'appliquer les dispositions de 35.3° et de la jurisprudence qui a toujours été suivie?

Le Président: Écoutez, outre le texte du règlement et la jurisprudence, je crois que, malgré tout, je vais prendre la question en délibéré. La question qui est posée par le leader du gouvernement est suffisamment sérieuse pour que je ne rende pas une décision à ce moment-ci sans avoir fait le tour de la question et, notamment, regardé les textes et les précédents. Et je crois que les principes qui sont présentés par le leader du gouvernement, a priori, se tiennent et sont valables.


Affaires du jour


Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Alors, ceci étant dit, nous en arrivons maintenant aux affaires du jour, et particulièrement aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Et je vous avise immédiatement que, comme il n'y a pas eu de réunion des leaders avant d'entreprendre le débat, il y aurait rapidement une réunion des leaders sur le partage du temps, à moins qu'on m'indique que, finalement, les deux leaders, vous vous entendez sur le même partage qui a été fait la semaine dernière. Et je ne veux pas faire la discussion ici maintenant, ni l'arbitrage, mais, si, a priori, on s'entendait sur ça, ça nous éviterait... mais il y aurait, à ce moment-là... Ça va? Alors, je comprends que les deux leaders sont d'accord pour le partage du temps tel qu'il avait été établi la semaine dernière.


Motion proposant que l'Assemblée demande au gouvernement de garantir l'accès gratuit et à temps plein aux services de garde ou de maternelle pour les enfants des milieux défavorisés

Alors, à l'article 40 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, M. le député de Marquette présente la motion suivante:

«Qu'afin de favoriser la réussite scolaire et l'égalité des chances du plus grand nombre de jeunes, l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec qu'il garantisse dès maintenant et de façon non équivoque, pour septembre 1997:

«L'accès gratuit et à temps plein aux services de garde ou de maternelle pour tous les enfants de 4 ans de milieux économiquement défavorisés;

«L'accès à la maternelle temps plein à tous les enfants de 5 ans de milieux économiquement défavorisés;

«Le financement de ces mesures à même les crédits du ministère de l'Éducation, tout en tenant compte que 58 % des écoles publiques montréalaises sont considérées comme des écoles défavorisées.»

Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Voici une motion, et vous avez compris qu'elle cible davantage les enfants issus de milieux économiquement défavorisés. Dans le rapport final des états généraux sur l'éducation, les états généraux ont décidé de consacrer un chapitre tout entier aux services à la petite enfance. Ils ont fait au moins deux recommandations très précises en ce qui concerne les enfants de cinq ans et les enfants de quatre ans en proposant d'ouvrir les maternelles cinq ans à l'ensemble des élèves du Québec, d'une part; et, pour les enfants de quatre ans, ils ont proposé une mesure nouvelle qui serait les maternelles ou les services de garderie à demi-temps pour les enfants de quatre ans, mais à plein temps pour les enfants issus de milieux défavorisés.

C'est une mesure, M. le Président, qui est extrêmement coûteuse, et, comme membres de l'opposition, de façon responsable, nous avons décidé de suivre une autre recommandation dans le rapport des états généraux sur l'éducation qui dit de prioriser les enfants issus de milieux économiquement défavorisés, et vous retrouvez cette recommandation-là à la page 15 du rapport final des états généraux. Je me permets de la lire. Ça dit ceci: «Considérant que les effets positifs de tels programmes d'intervention précoce sont plus marqués chez les enfants et les parents de milieux défavorisés, il faudra, advenant une mise en place progressive de services universels, que ces groupes soient traités en priorité.»

M. le Président, l'ensemble des études qui portent sur les services à la petite enfance sont unanimes pour indiquer qu'il faut s'attaquer aux enfants issus des milieux économiquement faibles. On le sait, au Québec, la pauvreté augmente de plus en plus, les familles monoparentales, leur nombre est en croissance, et l'ensemble des études confirment l'opportunité et les avantages d'une intervention précoce afin de prévenir les retards scolaires, d'une part, et afin de prévenir aussi les échecs scolaires. Le plus tôt qu'on peut remédier à la situation, aux problèmes des élèves en difficulté, la meilleure sera leur chance de pouvoir réussir socialement, mais de réussir sur le plan scolaire.

Le Conseil supérieur de l'éducation, dans un avis récent, au mois de juin 1996, mettait l'accent sur l'action et sur l'éducation précoces... qu'il faut soutenir les élèves à risque. On indique les principaux facteurs d'abandon scolaire. À la page 29 du rapport, on indique ceci: «Les principaux facteurs de non-appartenance et d'abandon liés à la famille se retrouvent dans le manque de maîtrise de la langue par l'entourage immédiat du jeune, le peu d'intérêt que la famille porte aux études et la faible situation socioéconomique de la famille.»

(16 h 20)

Une autre étude publiée par le Conseil supérieur de l'éducation, cette fois-ci en février dernier, intitulée «Pour un développement intégré des services éducatifs à la petite enfance», brosse un tableau inquiétant de la situation des enfants qui sont issus de milieux pauvres. On sait que, au niveau des expériences de lecture, dans les milieux économiquement faibles, il y en a très peu, parce que, au Québec, nous avons également 900 000 personnes qui sont analphabètes. La possibilité pour l'enfant de pouvoir observer et de pouvoir imiter son père ou sa mère dans une situation d'écriture est minime. L'environnement, pour le jeune, est souvent peu stimulant et peu aidant. On n'a qu'à penser aux problèmes que vivent ces enfants-là. Ils sont souvent dans une situation où c'est une famille monoparentale. Ils vivent aussi des situations difficiles lorsque leurs parents sont en instance de divorce ou lorsque leurs parents sont séparés. Ils vivent également des situations de violence à la maison. Ces facteurs-là sont souvent occasionnés, aussi, par la récession économique qui frappe le Québec depuis les dernières années. On sait qu'il y a une augmentation des familles monoparentales. On sait que de plus en plus de personnes perdent des emplois. Ceci a comme conséquence de plonger dans la pauvreté un nombre grandissant de familles où vivent les tout-petits.

Je vais vous donner quelques chiffres, M. le Président, tirés de la récente étude du Conseil supérieur de l'éducation, qui démontrent la proportion d'enfants de cinq ans et moins qui vivent dans des familles pauvres. En 1978, le pourcentage était de l'ordre de 7,5 %; en 1994, ce pourcentage, il est de l'ordre de 14,1 %. Je me permets de lire un autre extrait du même rapport sur les services éducatifs à la petite enfance, pages 25 et 26, où on dit ceci: «La pauvreté est reconnue comme un facteur de risque pour l'enfant, et c'est la raison pour laquelle nous devons concentrer nos efforts à ce niveau-là.» Le Conseil supérieur de l'éducation dit ceci: «Il demeure que la pauvreté affecte le vécu quotidien des familles. Compte tenu du manque de ressources financières, celles-ci sont confrontées à choisir entre des besoins primaires, c'est-à-dire manger, se chauffer ou se vêtir. Elles vivent une expérience tissée d'inquiétudes, de tensions et de stress. Les enfants en sont témoins quotidiennement. Ceux qui sont âgés de quatre ans ou cinq ans, compte tenu de leur développement socio-affectif caractérisé par une sensibilité grandissante envers autrui, de la proximité qu'ils vivent avec leurs parents, ressentent de manière particulièrement intense l'expérience de pauvreté dont la famille est affligée. Malnutrition, problèmes de santé, familles marquées par l'expérience de la violence, l'instabilité conjugale – c'est tous ces facteurs que vivent un nombre trop important de nos enfants – affectent leur développement.»

Qu'est-ce que ça a comme conséquences sur le plan scolaire? Ces élèves arrivent en première année et ils manquent d'assurance dans leurs moyens. Ils se sentent dévalorisés sur le plan personnel. La pauvreté, ils la vivent comme une blessure sociale qu'ils doivent subir à tous les jours. Ils éprouvent des difficultés de langage. Ils ont de la misère à résoudre des problèmes. Il semble que, devant ce tableau-là de la situation au Québec, M. le Président, il faille répondre à la responsabilité sociale que nous avons comme législateurs de leur venir en aide pour leur permettre de réussir sur le plan éducatif et, également, de leur donner des chances égales de réussite, parce qu'on sait que l'égalité des chances passe par l'égalité des ressources financières.

On dit ceci, M. le Président, à la page 27 de l'avis du Conseil supérieur de l'éducation: «Les responsabilités sociales envers les jeunes enfants issus de familles pauvres commandent ainsi la mise à la disposition de ces enfants des services éducatifs de qualité susceptibles de pallier les lacunes présentes dans leur environnement familial, et cela, durant toute la période de la petite enfance.»

De façon responsable, le Conseil supérieur de l'éducation a recommandé d'implanter ces services graduellement sur une période de sept ans. Les états généraux nous invitent à prioriser davantage les enfants qui sont en milieu défavorisé. Et c'est pour ça qu'au niveau de la motion que nous avons présentée en Chambre nous avons jugé opportun... Parce que la ministre de l'Éducation aurait très bien pu se lever et nous dire que nous étions irresponsables, sur le plan financier. Parce que le président de la Commission des états généraux, qui a été nommé par le gouvernement, nos amis d'en face, lui-même, n'avait pas chiffré les coûts de la mesure. Et on sait que les coûts de ces mesures-là pourraient tourner autour du milliard de dollars.

Donc, M. le Président, si nous n'agissons pas aujourd'hui, comme le gouvernement libéral l'avait fait en 1991 en instaurant des maternelles quatre ans et cinq ans pour la première fois pour les milieux défavorisés, on va se retrouver avec une situation catastrophique dans les années à venir, et c'est l'ensemble de la société qui va payer ce prix-là.

Certaines études ont démontré que l'investissement que nous ferions à ce moment-ci serait rentable pour la société plus tard. Il y a une étude qui a été préparée par Mme Ruth Rose, qui a même été retenue par le gouvernement dans le rapport que déposait le vice-premier ministre avant la période de questions. Mme Ruth Rose a préparé un rapport important sur les coûts, mais également les bénéfices d'un programme éducatif préscolaire universel, facultatif et gratuit. Les études ont été faites, et cela démontre qu'investir à ce moment-ci serait rentable et plus économique pour l'État. Parce qu'on sait que le gouvernement d'en face ne regarde que les éléments financiers actuellement dans le monde de l'éducation.

Et ma préoccupation, M. le Président, lorsque je vois le rapport des états généraux sur l'éducation se diriger vers le sommet socioéconomique, ma crainte, c'est que la ministre de l'Éducation, demain, annonce certaines mesures, comme une politique intégrée des services à la petite enfance, où elle s'engage publiquement peut-être à mettre sur pied des maternelles quatre ans temps plein pour les milieux socioéconomiquement faibles, mais que, par la suite, le sommet socioéconomique indique au gouvernement qu'il ne devrait pas financer de telles mesures à cause des impératifs financiers du gouvernement et qu'on se retrouve au mois de décembre et au mois de janvier où la ministre dirait: Tout le monde a assisté au sommet socioéconomique, et le Québec n'a pas les moyens de financer de telles mesures.

Alors, c'est pour ça que nous sollicitons un engagement clair de la part du gouvernement aujourd'hui même, que, dès l'année scolaire 1997-1998, les enfants de quatre ans et de cinq ans qui viennent de milieux économiquement défavorisés pourront avoir une chance égale de réussir à l'école et de réussir leur insertion sociale et mettre un terme au cercle vicieux qu'entraîne le fait d'être sur la sécurité du revenu. Il faut leur donner cette chance-là. Il faut agir. Et, M. le Président, j'espère que le gouvernement va voter avec l'opposition sur cette motion pour pouvoir venir en aide à nos enfants.

(16 h 30)

La maternelle cinq ans temps plein existe déjà pour les milieux défavorisés, sauf qu'elle ne répond pas à tous les besoins, au niveau de l'ensemble de la province, et elle ne répond pas non plus aux besoins de Montréal parce que – et j'étais en discussion avec certaines personnes, aujourd'hui même, qui vivent le problème – le gouvernement ne verse pas assez d'argent pour pouvoir répondre à l'ensemble de ces besoins. Il y a des listes d'attente dans chacune des commissions scolaires pour pouvoir avoir accès à des maternelles cinq ans et des maternelles quatre ans.

Alors, comme nous l'indiquons, c'est une mesure progressive sur une période de sept ans, mais nous croyons nécessaire et important de pouvoir agir dès le mois de septembre prochain pour les plus démunis de notre société. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Marquette. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.

Mme Frulla: Il n'y a pas d'alternance? Ah!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, et j'attendais justement qu'on se lève de part ou d'autre. Alors, il y a alternance. Mme la ministre, si vous êtes prête immédiatement, je vous cède la parole. Mme la ministre de l'Éducation.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Bon. Alors, je vous remercie, M. le Président. Je vous dirai d'entrée de jeu, d'abord, que la motion du député de Marquette est à la fois pertinente, bien sûr, je n'en disconviens pas, mais elle est cependant, à mon point de vue, aussi partielle et prématurée. Et je vais expliquer pourquoi je crois qu'elle est partielle et prématurée.

Mais, avant cela, M. le Président, je trouve que ça prend une certaine audace, finalement, pour présenter une motion comme celle qui est devant nous, alors que la formation politique à laquelle appartient le député de Marquette, lorsque la ministre responsable des services de garde et de la politique familiale occupait les responsabilités que j'occupe actuellement à l'égard de la petite enfance, n'avait trouvé rien de mieux, M. le Président, que de se désengager des services de garde à la petite enfance pour s'en aller vers des services de garde privés à but lucratif, utilisant ainsi les crédits déductibles pour frais de garde ou remboursables pour frais de garde, M. le Président. Et, loin d'appuyer une approche comme celle que soutient le député de Marquette, qui vise à couvrir de façon gratuite, M. le Président – je vais y revenir – l'ensemble des services qui s'adresseraient à la petite enfance pour les quatre ou cinq ans, c'était exactement l'inverse que faisait le gouvernement qui nous a précédés, M. le Président.

Ça demande quand même un certain culot, si vous me permettez l'expression et si vous me la pardonnez, M. le Président, pour que tout d'un coup on présente ici, devant l'Assemblée nationale, alors qu'on sait fort bien qu'on est dans une situation financière difficile, que de toutes parts on fait des efforts importants pour essayer de contrôler les problèmes de déficit, de réduire nos niveaux de dépenses... pour que tout d'un coup le député de Marquette nous arrive avec une proposition comme celle qui est devant nous. Bon.

Maintenant, venons sur le fond de la nécessité de l'implantation d'une politique à la petite enfance. Les états généraux nous l'ont dit, le Conseil supérieur de l'éducation nous l'a dit, et il ne faut pas être grand clerc, M. le Président, pour comprendre, constater – et je suis d'accord avec le député de Marquette à cet égard – qu'effectivement, si on n'intervient pas dès la petite enfance – à trois ans, à quatre ans, à cinq ans – pour dépister des problèmes, pour soutenir le jeune enfant dans son progrès, dans son développement, le retard qu'il prendra là... Parce que, lorsqu'il entrera à la maternelle, lorsqu'il entrera à l'école primaire, il connaîtra à ce point un retard significatif que jamais il ne pourra le reprendre et que d'échec en échec, finalement, il quittera un jour l'école sans avoir de diplôme et sans avoir la possibilité soit d'aller vers le marché de l'emploi ou soit d'aller vers une formation de niveau supérieur, M. le Président. Alors, ça va, bien sûr, de soi qu'à mon point de vue il faut rapidement s'entendre sur l'implantation d'une politique, sur l'adoption d'abord, et éventuellement sur l'implantation d'une politique à la petite enfance, M. le Président.

Alors, je disais donc que la motion du député de Marquette est à la fois pertinente, mais elle est aussi partielle et prématurée. Bon. D'abord, elle est pertinente parce qu'elle fait appel, je le disais, à une préoccupation que je partage, soit celle d'apporter une attention toute particulière à la petite enfance, et particulièrement – je suis d'accord avec le député – aux élèves, bien sûr, de milieux défavorisés, mais je dirais aux élèves dont on constate par l'intermédiaire de l'école que le taux de réussite est plus bas, que le taux de décrochage est plus élevé, parce que c'est comme ça qu'on constatera qu'effectivement...

Parce que, dans le fond, qu'on soit pauvre, riche, qu'on ait quelque condition que ce soit, soit-elle modeste ou qu'elle permette un peu plus de luxe, tous les milieux peuvent permettre un apprentissage, une formation et un développement harmonieux de l'enfant. Cependant, ce qu'on constate, c'est que, dans certains milieux, il y a effectivement des niveaux de réussite qui sont plus bas que la moyenne et qui sont dramatiquement plus bas que la moyenne. Et là il faut pouvoir intervenir d'une façon structurée, bien sûr.

Donc, c'est pertinent, cette motion qui est déposée devant nous, M. le Président. Cependant, on va reconnaître ensemble qu'elle est partielle parce que, de fait, elle fait appel à un seul élément des services à la petite enfance, soit celui des maternelles pour les enfants de quatre et cinq ans, et ce, en milieu défavorisé. C'est bien sûr, je le répète, que cet élément n'est pas négligeable, et, au contraire, il fait partie de mes préoccupations profondes, mais ça doit être situé dans une perspective de développement de l'ensemble des services à la petite enfance. Et faire autrement, à mon point de vue, signifierait entreprendre des réformes à la pièce, avec une absence de vision globale et avec le risque d'une incohérence dans les actions à mettre en place.

D'ailleurs, j'écoutais le député de Marquette, qui nous disait qu'il avait consulté le rapport du Conseil supérieur de l'éducation qui justement propose une politique d'ensemble et non pas une intervention à la pièce. Et je pense que c'est important que l'on puisse signifier à l'ensemble de la population québécoise que nous croyons à la nécessité d'élaborer, comme la Commission des états généraux sur l'éducation l'a dit aussi, une politique intégrée relative aux services à la petite enfance. Parce que, si, comme ministre de l'Éducation, je dois être préoccupée, bien sûr, des résultats scolaires, de la réussite scolaire des jeunes, beaucoup d'autres éléments doivent être pris en compte lorsqu'on parle d'une politique à la petite enfance: des questions de santé, entre autres, des liens donc en ce sens avec le CLSC; l'importance d'impliquer les parents, parce qu'avec les enfants les parents pourront aussi grandir et apprendre, de telle sorte qu'ils seront plus à l'aise pour s'occuper de leurs enfants. C'est ça, une politique à la petite enfance.

Alors, la motion, telle qu'elle nous est présentée, M. le Président, elle est partielle, elle ne situe pas cette intervention dans un tout qu'il nous apparaît absolument nécessaire de définir, de telle sorte qu'on sache pourquoi on intervient là en priorité, pourquoi, dans un plan, on interviendrait plus tard à un autre niveau et pour d'autres raisons avec d'autres partenaires du milieu. Donc, elle est, en ce sens, bien sûr, prématurée parce qu'elle fait appel à une partie, à mon point de vue, de services, qui sont essentiels, qui sont fondamentaux, mais d'un tout à construire. Et il serait irresponsable pour le gouvernement de s'engager immédiatement sur ce terrain sans une vision d'ensemble de la contribution de tous les services à la petite enfance. Je pense ici qu'il s'agit autant de maternelles que de services de garde ou que de services à offrir à tous les jeunes enfants, qu'il s'agisse de mesures complémentaires qu'il faille mettre en place pour soutenir les élèves dans les milieux où les niveaux de réussite sont plus bas.

D'ailleurs, je pourrais vous dire, et le député y a fait référence, que cette motion propose pour une bonne part la mise en place de services qui existent déjà. En effet, le ministère de l'Éducation a reconnu la nécessité de mesures compensatoires pour les jeunes élèves de milieux défavorisés, de milieux en difficulté et, donc, subventionne dans ces milieux les maternelles à demi-temps pour les enfants de quatre ans et les maternelles à plein temps pour les enfants de cinq ans.

(16 h 40)

Je vois la députée de Marguerite-Bourgeoys qui, je crois, a l'intention d'intervenir sur cette motion, et ce sera sûrement intéressant de l'entendre. Cela étant – et je sais qu'elle est préoccupée des questions montréalaises – il faut savoir que ces maternelles et ces prématernelles sont surtout et presque toutes concentrées dans la région montréalaise, et sur l'île de Montréal en particulier. D'ailleurs, on se souviendra qu'au printemps dernier, malgré les efforts budgétaires énormes qu'on a dû assumer comme ministère, j'ai dégagé des sommes supplémentaires et je les ai rendues disponibles au Conseil scolaire de l'île de Montréal pour augmenter le budget qui était versé à des mesures concernant les milieux en difficulté, les milieux de pauvreté, les milieux qui vivaient des taux d'échec assez élevés ou dont le niveau de réussite n'était pas suffisamment élevé.

Maintenant, comment associer la famille? Parce que je crois que, lorsqu'il est question de réussite scolaire, et la Commission des états généraux le dit aussi, le Conseil supérieur de l'éducation, toutes les études convergent sur un point: les premières années de l'enfance sont déterminantes pour l'avenir scolaire des jeunes. C'est dans la famille que se construit la personnalité de l'enfant, d'une part par l'apprentissage de savoir-faire bien quotidiens, par l'adoption de valeurs, par l'adoption aussi de comportements qui sont transmis par les parents. La famille contribue donc également à l'initiation aux apprentissages intellectuels, prépare le terrain pour des apprentissages scolaires. C'est dans la famille que l'enfant va apprendre à s'exprimer, va apprendre souvent à lire, à compter ou va être incité à le faire. Même s'il ne comprend pas tous les mots exactement, il faut voir comment apprennent nos enfants, comment ils vont commencer par regarder les images, par entendre les sons et progressivement par s'initier à la lecture.

Donc, c'est bien sûr que les services éducatifs aux jeunes enfants ne doivent pas se substituer aux rôles que jouent les parents, mais ils doivent plutôt les compléter. Les parents, d'ailleurs, sont venus devant les commissaires des états généraux et l'ont rappelé à plusieurs reprises. Ce qu'on a dit, c'est: Si ces services devaient être accrus, on devrait laisser le choix aux parents d'inscrire l'enfant, de l'y amener, de l'y conduire. Et je pense que, dans certains quartiers de Montréal, par exemple, où se fait beaucoup d'animation, où les CLSC sont largement présents, on pourrait avoir conjointement avec les centres locaux de services communautaires des actions concertées pour même inviter le parent à s'associer à la démarche qui s'adresserait à l'enfant, de telle sorte qu'il puisse justement se sentir interpellé et qu'on aide le parent à lui-même développer, je dirais, des habiletés à aider son enfant. C'est, je dirais, un immense service qu'on se rendrait collectivement, parce que, en même temps, on aiderait des gens qui ainsi se sentiraient plus responsables à l'égard de leurs enfants mais surtout habiles, capables d'aider leurs enfants à tous égards.

Il faut donc reconnaître, bien sûr, et ça, je pense qu'on en convient tous ensemble, que certaines conditions sociales que vivent les gens, qui les vivent d'ailleurs très durement, sont un handicap pour plusieurs parents. Ces parents qui ont à composer avec des situations difficiles, je pense qu'ici il ne s'agit pas de les blâmer mais, au contraire, de constater la difficulté devant laquelle ils se trouvent, qu'il s'agisse de problèmes de chômage, de problèmes d'accès à des services, de compréhension même de certaines politiques. On pense à tous les nouveaux Québécois sur le Québec, concentrés davantage à Montréal mais aussi présents sur l'ensemble du territoire québécois, qui ont à s'adapter, à s'intégrer à une nouvelle culture, à comprendre la langue, à l'apprendre et en même temps à soutenir des enfants qui sont eux-mêmes en situation d'apprentissage. Je pense que cela mérite une attention tout à fait particulière, et c'est par la famille qu'on va, à ce moment-là, atteindre l'enfant.

Donc, la proposition du député de Marquette, tout en étant intéressante, n'ouvre pas vers une perspective globale qui permette de tenir compte de l'ensemble de ces réalités, de spécifier qu'il y a des besoins plus criants dans certains milieux. Montréal en est un exemple, M. le Président. Donc, une politique intégrée. Je crois que c'est plutôt là qu'il faudra aller. On aura l'occasion, d'ailleurs, dans la foulée du suivi apporté aux états généraux, d'en discuter très largement: Que voulons-nous? Comment voulons-nous cette politique? À qui devra-t-elle s'adresser? Où devrons-nous accorder les priorités?

Et je ne suis pas loin de croire, avec le député de Marquette sans doute, que cette politique étant identifiée comme nécessaire, étant, je dirais, écrite, adoptée, recevant l'adhésion de l'ensemble des partis de cette Assemblée, on pourrait fort bien imaginer que des priorités apparaissent une fois qu'on sait où on veut aller globalement et que ce soient certains milieux à qui on accorde davantage de l'importance et, donc, de ressources et de moyens dans un premier temps, vers les maternelles cinq ans, vers les prématernelles ou les services éducatifs quatre ans dans des milieux précis. Je suis assez d'accord que c'est comme ça, sans doute, que l'on dégagera l'ordre des priorités, mais je crois, cependant, qu'il faut préalablement être capable d'avoir une vision d'ensemble, M. le Président.

J'aimerais revenir sur ce phénomène que vivent ces jeunes enfants qui n'ont pas tous les outils nécessaires à leur développement. Vous savez, j'ai l'habitude de dire: C'est rare qu'on bâtit le succès sur l'échec à répétition. Et, quand un jeune enfant arrive à l'école et qu'il a des difficultés à s'inscrire dans son groupe, à suivre le même apprentissage ou à apprendre au même rythme que ses petits copains, ses petites copines autour, on met cet enfant dans des situations intenables au plan du stress psychosocial. C'est dur pour un enfant. C'est dur pour un adulte, mais imaginons ce que ça signifie pour un enfant. Et je crois qu'on n'a pas le choix, à mon point de vue, comme société, que de leur donner tous les moyens de rattraper ces retards. Et une politique à la petite enfance doit prévoir des outils dans ce sens-là.

Je pense à ces situations où des jeunes vont redoubler de classe. D'abord, ils vont perdre leurs amis, ils vont perdre les copains avec lesquels ils ont grandi et, en même temps, évidemment, se retrouver devant, souvent, un sentiment qu'ils ne peuvent pas bien dire, bien sûr – c'est normal, quand on est petit, on a parfois de la difficulté à exprimer tout ce qu'on ressent, tout ce qu'on a comme sentiment – mais qu'ils vont vivre profondément cela comme un échec. Alors, développer des pratiques qui vont éviter les redoublements, qui vont permettre un meilleur encadrement, de telle sorte qu'il n'y ait pas de retard dès le début de la petite enfance et qu'on puisse rapidement, je dirais, s'inscrire dans le processus habituel d'apprentissage. Je ne dirai pas «normal» parce qu'il y a tellement de façons de faire, il y a tellement de chemins possibles à emprunter que je crois qu'il faut se permettre de laisser tout cela bien ouvert.

Maintenant, il y a un autre volet que je voudrais faire valoir et qu'on devrait retrouver éventuellement dans une politique plus globale. Je pense qu'il faut tenir compte, aussi, de la réalité des familles, qui évolue très rapidement, de la présence massive, entre autres, des mères sur le marché du travail. Le premier ministre faisait état, à la période de questions qui a précédé cet échange que nous avons à ce moment-ci, du fait que, dans une politique familiale que nous souhaitons pouvoir adopter le plus rapidement possible, présenter, discuter, débattre... Il disait comment on voulait tenir compte de l'insertion en emploi, de l'intégration au marché du travail de l'ensemble, je dirais, des hommes et des femmes, bien sûr, mais particulièrement des mères qui sont confrontées à des besoins particuliers et qui exigent souvent que, justement, les services soient offerts de façon complémentaire, à, je dirais, certaines formes de recyclage, par exemple, que ces personnes peuvent avoir à vivre.

Et, donc, dans ce sens-là, on doit avoir une politique à l'égard de la petite enfance qui va tenir compte de la réalité nouvelle des familles, d'horaires brisés, de situations où le parent ne peut pas, en plein milieu de journée, aller chercher le petit bonhomme, la petite bonne femme à la maternelle ou à la prématernelle et l'amener à la garderie. Il faut réfléchir à ces situations-là, de telle sorte qu'en même temps qu'on va s'adresser à l'enfant – on va lui offrir des services de développement, des services éducatifs – on va penser aux parents qui ont, eux aussi, des contraintes mais qui sont d'abord préoccupés par l'intérêt, la qualité de la vie de leur enfant, et ça aussi, ça exige qu'on ait une perspective et une vision intégrées.

(16 h 50)

Dans ce sens-là, on parle à ce moment-ci de services éducatifs ou de services de prématernelle ou de maternelle, mais on sait qu'il y a des véhicules différents pour accueillir les enfants, pour les accompagner, pour les aider. De par la loi adoptée au printemps dernier, on a assuré la mise en place et l'encadrement de jardins d'enfants, de haltes-garderies, d'autres formules que la garde stricte, et ça aussi, ça doit s'inscrire dans le plan global. Je pense à la garde qui se fait en milieu familial. Est-ce qu'on ne doit pas aider, outiller davantage les gens qui assument et assurent cette garde-là, de telle sorte qu'ils aient les moyens de suivre de jeunes enfants et de faire, là aussi, des rattrapages utiles, nécessaires? Moi, je pense que c'est ça, une saine concertation entre les milieux qui servent les jeunes enfants.

Donc, je crois nécessaire que nous ayons une perspective d'ensemble. Elle est nettement préférable à un engagement à la pièce, M. le Président. C'est la raison pour laquelle je qualifie de partielle et de prématurée la motion du député de Marquette. Pour parvenir à cette vision et à cette perspective d'ensemble, il va de soi qu'une coordination des efforts de tous les intervenants est nécessaire. Cela prend un minimum de temps si on veut faire ça de façon ordonnée, de façon systématique et en minimisant les risques d'erreurs. Parce que je pense que, comme adultes qui avons la responsabilité de jeunes enfants, d'enfants en bas âge, on doit prendre toutes les mesures possibles pour se tromper le moins possible, parce que c'est toute une vie, à ce moment-là, qui est engagée et qui risque de partir un peu de travers, comme on dit entre nous.

Je puis donc cependant assurer le député de Marquette que je vais faire diligence, de telle sorte que je ferai connaître rapidement les actions que j'entends prendre à l'égard des services éducatifs à la petite enfance, les mesures particulières qui devraient être mises en place pour soutenir les élèves où les niveaux de réussite sont plus bas que ceux généralement connus ou admis pour leur procurer, bien sûr, des chances égales de réussite, M. le Président.


Motion d'amendement

Je voudrais donc, pour redonner un peu de corps à cette motion, proposer un certain nombre d'amendements. Je crois que je peux le faire à ce moment-ci. À cette heure, si vous me permettez, je vais donc vous lire les amendements que je proposerais à la motion qui est devant nous. Une fois que j'aurai présenté chacun des amendements et des remplacements de mots, je lirai la motion telle qu'elle se comprendrait par la suite.

Donc, je proposerais que la motion en discussion soit amendée par:

1° le remplacement, dans la deuxième ligne, des mots «demande au» par les mots «est d'avis que le»;

2° le remplacement, dans la troisième et quatrième ligne, des mots «qu'il garantisse dès maintenant et de façon non équivoque, pour septembre 1997» par les mots «devrait assurer, en tenant compte de sa capacité financière et selon un échéancier réaliste» – fermez les guillemets;

3° le remplacement, dans le premier alinéa, des mots «garde ou de maternelle» par les mots «maternelle ou aux services de garde, moyennant une faible contribution,»;

4° l'ajout, dans le deuxième alinéa, après le mot «ans», des mots «en accordant la priorité à ceux»;

5° le remplacement, dans le troisième alinéa, des mots «ministère de l'Éducation» par les mots «gouvernement du Québec».

Alors, la motion se lirait maintenant comme suit, parce que je pense que c'est un jargon qu'il sera difficile pour les gens de suivre si on ne la relit pas dans son ensemble:

«Qu'afin de favoriser la réussite scolaire et l'égalité des chances du plus grand nombre de jeunes l'Assemblée nationale est d'avis que le gouvernement du Québec devrait assurer, en tenant compte de sa capacité financière et selon un échéancier réaliste:

«L'accès gratuit et à temps plein aux services de maternelle ou aux services de garde, moyennant une faible contribution, pour tous les enfants de quatre ans en milieux économiquement défavorisés;

«L'accès à la maternelle temps plein à tous les enfants de cinq ans en accordant la priorité à ceux de milieux économiquement défavorisés;

«Le financement de ces mesures à même les crédits du gouvernement du Québec tout en tenant compte que 58 % des écoles publiques montréalaises sont considérées comme des écoles défavorisées.»

Ce qui correspond, M. le Président, à l'intervention que je mentionnais.

Je n'ai pas voulu, si vous me permettez, introduire cette notion de globalité dans la motion parce que je crois qu'à ce moment-là ça en changeait jusqu'à un certain point le sens. Je m'en suis donc tenue à la motion qui est là. Mais on comprendra qu'elle ne me satisfait pas complètement parce que je l'aurais voulue un peu plus globale. Mais les amendements que j'y apporte permettent de mettre les nuances utiles et nécessaires lorsqu'on a par la suite à mettre en place des politiques et à ne pas décevoir les gens lorsqu'on les met en place. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre. Nous avons reçu votre texte, qui a été remis. Ça serait bon que vous en ayez une copie, l'opposition. On prend les dispositions pour que vous puissiez en avoir une immédiatement. Dans de telles circonstances, le débat peut se poursuivre sur la motion et à la fois sur les amendements, sous réserve de sa recevabilité. Je vous rendrai ma décision sur sa recevabilité un peu plus tard au cours du débat. Alors, le débat peut se poursuivre à la fois donc sur la motion et sur les amendements. Oui, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, comme vous avez fait part de votre intention de rendre votre décision sur la recevabilité, je voudrais savoir à quel moment vous allez entendre les arguments sur la recevabilité.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, si vous voulez vous faire entendre, ce serait le temps immédiatement, quelques instants de brèves explications. Et j'essaierai le plus rapidement possible, par la suite, de rendre ma décision. Alors, Mme la leader adjointe.

Mme Caron: Parfait, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, s'il vous plaît. Question de règlement.

M. Ouimet: Est-ce qu'on pourrait au moins prendre connaissance des amendements? Il y en a...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien écoutez. Vous pouvez brièvement, là... D'abord, il y a une première chose, c'est de vous faire entendre sur la recevabilité. On peut régler ça tout de suite parce que, si j'ai à prendre une décision sur la recevabilité, il est temps d'entendre vos propos si vous avez l'intention d'en faire. Et, après ça, nous verrons s'il y a lieu de continuer le débat ou d'arrêter pour vous permettre d'en prendre connaissance. Alors, nous allons procéder en deux temps. Mais, pour le moment, sur la recevabilité, j'entendrais Mme... Oui, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Avant de pouvoir argumenter sur la recevabilité de la motion, il faut à tout le moins pouvoir en prendre connaissance. Et, entre temps, l'opposition n'a pas eu le même temps que la députée de Terrebonne pour lire et analyser la recevabilité de la motion déposée par la ministre de l'Éducation. Alors, on pourrait poursuivre les débats, prendre connaissance de la motion d'amendement et, par la suite, vous jugerez opportun à quel moment il y a lieu de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Si vous sentez le besoin – je comprends qu'il y a quelques amendements – d'en prendre connaissance avant de faire entendre votre point de vue sur la recevabilité, c'est tout à fait fondé, comme demande.

Alors, nous allons poursuivre le débat en entendant Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys ou M. le député de Jacques-Cartier pour quelques minutes, si vous voulez en prendre connaissance, et vous reviendrez dès que vous serez prêt à vous faire entendre sur la recevabilité.

(17 heures)

Alors, M. le député de Jacques-Cartier, sur la motion.

M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de me lever dans cette Chambre pour appuyer la motion de mon collègue le député de Marquette, mais, avant de le faire, je veux brièvement répliquer à quelques-uns des points qui étaient soulevés dans le discours étonnant de la ministre quant à l'engagement du gouvernement précédent envers les familles québécoises. Je vais juste rappeler deux faits très rapidement dans cette Chambre.

Dans les neuf budgets qui ont été présentés par le gouvernement libéral entre 1985 et 1994, à chaque année nous avons mis des mesures dans le budget même – le moment privilégié de l'année – de soutien à la famille québécoise. Alors, à chaque année, soit sous M. Bourassa, soit sous M. Johnson, le budget du Québec a compris des éléments de soutien à la famille québécoise.

En contraste avec ça, si on regarde le budget qui a été présenté par l'ancien ministre des Finances et actuel député de Crémazie, il n'y avait pas un paragraphe qui traitait de la question de la situation financière des familles québécoises. Si on regarde le deuxième budget que le Parti québécois a présenté par l'actuel ministre des Finances et député de Verchères, encore une fois, pas une mesure de soutien à la famille québécoise. Alors, si on réfère au niveau global de l'engagement de notre gouvernement envers les familles québécoises en comparaison avec ce que ce gouvernement a fait depuis 1994, je pense que la preuve est éloquente que c'est nous autres qui avons pris l'engagement de venir au soutien de nos familles.

En plus, dans les dossiers qui touchent la ministre, je parle de la création des places, des nouvelles places, et de l'engagement financier envers les services de garde, je pense que le dossier du gouvernement précédent est encore plus éloquent. Nous avons réussi, malgré une récession et un temps difficile, à doubler l'argent consacré aux services de garde au Québec, nous avons réussi à tripler le nombre de places, tout ça en six ans. C'est un dossier formidable, un engagement que nous avons fait pour venir à l'aide des jeunes familles québécoises afin de les aider à faire garder leurs enfants, parce que les études démontrent l'importance des services de garde pour faire sortir les familles de la pauvreté.

Alors, moi, quand je regarde ce que la ministre a fait depuis deux ans, c'est tout à fait le contraire. Sa première grande réussite, M. le Président, était un moratoire. Elle était toute fière de dire: Je ne vais rien faire pendant un an. Alors, quelle belle réussite! J'ai réussi à ne rien faire pendant un an. La prochaine année, sa réforme de toute beauté qu'elle a faite dans les services de garde était d'amputer 36 000 000 $ des services de garde. Elle a pris ça où? Elle a pris ça dans les familles les plus défavorisées de notre société. Alors, quelle grande réussite dans l'an deux de ce gouvernement! On a maintenant une certaine nostalgie, de ce côté de la Chambre, de la belle époque où la ministre se contentait de ne rien faire. Maintenant, pour nous autres, ça, c'était la belle époque. Mais maintenant, on est dans une position où elle a coupé 36 000 000 $ pour les familles les plus démunies de notre société. C'était un outil essentiel pour aider ces enfants et ces familles à sortir du cercle vicieux de la pauvreté.

Et il y a des cris d'alarme un petit peu partout, M. le Président. Alors, la raison pour laquelle l'opposition est venue porter à l'attention de l'Assemblée cette motion cet après-midi, on a juste à regarder l'avis qui est sorti la semaine passée du Conseil de la famille du Québec: «L'appauvrissement des familles dans un contexte d'insécurité». Et le premier paragraphe, je pense, a tout dit: «Notre observation de l'actuel gouvernement et des réformes administratives montre que c'est uniquement la lutte au déficit, objectif louable par ailleurs, qui mène les décisions et qui donne le ton en l'absence d'une vision globale sur les conséquences qui sont engendrées, notamment sur les familles. Cette orientation gouvernementale s'accorde mal avec la profession de foi du premier ministre envers les familles. Elle risque de compromettre les principes et les acquis de la politique familiale et de briser le pacte social qui motive depuis quelques années l'aide du gouvernement aux familles.» Alors, ça, c'est un cri d'alarme émis par le Conseil de la famille qui est mandaté pour donner des avis au gouvernement. Alors, après deux ans, les grandes réussites de ce gouvernement et de cette ministre: un cri d'alarme du Conseil de la famille.

On a juste à regarder, encore une fois au niveau d'une preuve, la lettre émise la semaine passée par la Conférence des évêques catholiques du Canada quant à l'impact des mesures, des compressions pancanadiennes des gouvernements sur les familles. Et je le cite: «Des impératifs économiques de plus en plus nombreux obligent le père aussi bien que la mère à travailler toujours davantage pour subvenir aux tout premiers besoins de la famille. Ils sont écartelés entre leurs tâches de conjoint, de parent, d'éducateur, et les pressions exercées par les milieux de travail de plus en plus exigeants quant à la rentabilité, l'efficacité et la performance à fournir. Les parents trouvent difficile de concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles. Notons que, dans le contexte économique de ces dernières années, surtout avec les coupures exercées récemment dans les programmes sociaux, apparaît plus contraignant pour l'ensemble de la population féminine...» Alors, ça, c'est un autre cri d'alarme, un cri du coeur des personnes qui observent la réalité, et qu'est-ce qu'on est en train de... C'est le désengagement de ce gouvernement envers les familles québécoises.

Ce que nous avons décidé comme opposition, c'est de cibler, peut-être, les mesures les plus opportunes, quelque chose qu'on peut faire dans un meilleur délai. Alors, quand j'entends l'amendement de la ministre, je comprends qu'elle veut biffer, peut-être, les mots les plus essentiels: «d'ici septembre 1997». Ce que mon collègue le député de Marquette veut faire, c'est de mettre en place quelque chose qu'on peut faire à court terme, parce que je suis très conscient que, mettre en place un système universel, pour tous les enfants du Québec, on n'a pas les moyens, M. le Président. C'est regrettable, mais, d'ici un an, on n'a pas les moyens de mettre en place des programmes de soutien pour tous les choix que les parents veulent faire.

Alors, qu'est-ce qu'on fait? On s'aligne beaucoup sur le sentiment qui est exprimé dans le rapport des états généraux, qu'il faut avant tout, considérant que les effets positifs des programmes d'intervention précoce sont plus marqués chez les enfants et les parents de milieux défavorisés, advenant une mise en place progressive des services universels, que ces groupes soient traités en priorité. Alors, on dit: On ne peut pas combler tous les besoins, on ne peut pas répondre à tous les besoins, mais où est-ce qu'on peut mettre l'argent? Où est-ce qu'on peut mettre nos efforts pour mieux répondre aux besoins de notre société? Et qu'est-ce que le rapport des états généraux a indiqué? Qu'est-ce que maintes études qui sont faites aux États-Unis, au Canada, au Québec ont indiqué? C'est surtout dans cette période de la petite enfance qu'il faut investir davantage, qu'il faut avoir les services disponibles parce que, surtout entre trois ans et cinq ans, c'est le moment clé pour le commencement du développement des capacités intellectuelles et de la socialisation, la capacité de se faire des amis, la capacité de fonctionner dans un milieu plus ou moins structuré. Ça, c'est les années clés.

Je cite, entre autres... Il y a une étude qui a été faite aux États-Unis, une étude fort intéressante, et j'ai eu l'occasion d'entendre un des professeurs de l'université, au Michigan, qui a étudié les enfants à Hpsilanti Michigan, et c'est l'étude «High Scope Perry Preschool Study». Et ça, c'est une étude fort intéressante parce qu'ils ont suivi les enfants pendant 27 ans. Alors, c'est une expérience qui a commencé dans les années soixante. Ils ont pris 125 enfants des milieux défavorisés, ils ont suivi leur développement parce qu'ils ont eu accès aux services éducatifs aux niveaux prématernelle et maternelle. Ils ont eu le genre de «head start programs» qui sont reconnus aux États-Unis. Ils sont souvent, les enfants, issus soit de la pauvreté, soit des minorités, en tout cas des personnes qui avaient peut-être deux prises contre eux autres au moment de leur naissance. Et qu'est-ce que cette étude a montré 27 ans après? Que, en comparaison avec les autres couches aux États-Unis, ces enfants ont eu des taux de décrochage scolaire beaucoup moins importants, M. le Président. Alors, il y a réussite au niveau du fait que nous avons injecté de l'argent pour les trois à cinq ans, ce qui a sauvé de l'argent à l'État plus tard. Alors, au lieu d'attendre un décrochage... Un enfant qui a des difficultés importantes, même, des fois, il a des troubles avec la loi et il tombe dans la délinquance.

(17 h 10)

Qu'est-ce que l'étude de Hpsilanti Michigan, a démontré? C'est que, effectivement, si on va injecter l'argent dans la petite enfance, ça va avoir des retombées importantes pour la société dans l'avenir. C'est la même chose. Ils ont fait ça parce que, maintenant, ces jeunes sont maintenant sur le marché du travail, et, au niveau de leur performance sur le marché du travail, leur rendement était meilleur que les autres qui venaient du même milieu. Bref, au niveau du décrochage scolaire, au niveau de leur performance sur le marché du travail, même le taux de divorce était nettement moins élevé parmi ce groupe de personnes en comparaison avec d'autres sociétés. Alors, l'argent injecté à ce moment avait des retombées très importantes. Et je pense qu'il y a dans ça et dans l'expérience de tous les «Head Start Programs», aux États-Unis, une leçon pour nous autres, que c'est la clientèle qu'il faut cibler. Il faut voir dans notre société.

Souvent, c'est des personnes issues de familles monoparentales, des minorités qui sont ici, des immigrants qui trouvent des difficultés à s'adapter à la société québécoise. Alors, dans ce bassin, qu'est-ce qu'on dit dans notre motion? Il faut mettre en place un accès pour les quatre ans. Et je pense que la ministre, dans son intervention, a parlé de rendre ça obligatoire. On a parlé ici d'un accès, et je suis très conscient qu'il y a d'autres options aussi. Alors, ce n'est pas de dire que tous ces enfants doivent obligatoirement aller à la maternelle de quatre ans à temps plein. Si un modèle de jardin d'enfants, si le modèle d'une garderie, si un autre modèle répond mieux aux exigences de la famille et de l'enfance, on laisse de la place pour ça. Mais, comme minimum, comme base, comme «basic», qu'est-ce qu'on peut faire pour ces enfants? C'est de dire: L'État comprend qu'il faut agir rapidement. Il ne faut pas laisser échapper un autre groupe d'enfants de trois ans à cinq ans pour un autre cinq ans, 10 ans, il faut agir rapidement.

La ministre et également son collègue le ministre responsable de la politique familiale ont parlé de réaménagement des 2 000 000 000 $ qui sont consacrés à la famille. Alors, qu'est-ce qu'on veut faire avec notre intervention d'aujourd'hui? C'est de dire: Ça, c'est quelque chose qui est faisable, ça, c'est quelque chose qu'on peut étudier à court terme. Mais, pour le faire, la ministre doit être obligée de faire quelque chose qui est souvent difficile pour une ministre, c'est corriger le tir des décisions qu'elle a prises au printemps passé. Parce que... qu'est-ce que la ministre a fait dans sa réforme, que nous avons étudiée très brièvement devant cette Chambre à cause du bâillon imposé par ce gouvernement? La ministre, au lieu de garder son pouvoir de cibler certaines clientèles, a coupé d'une façon dramatique dans deux des programmes les plus performants.

Premièrement, elle a coupé dans le programme d'exonération aux parents, un programme qui était basé sur le revenu familial des familles qui travaillent, pour leur donner un coup de main. Alors, qu'est-ce que nous avons dit? Qu'on va favoriser un appui à ce monde, à cette clientèle en lui faisant un programme d'exonération. La ministre a coupé de 2 $ par jour l'argent accordé à ces familles pauvres pour le donner en subventions indiscriminées à travers le réseau des garderies. Alors, une garderie à Outremont ou à Sillery a accès au même niveau de subvention qu'une garderie dans le quartier Saint-Roch ou dans la Petite Bourgogne de Montréal. Alors, la ministre a perdu sa capacité de cibler certaines clientèles. Parce que, qu'est-ce qu'elle a fait? Elle a fait des subventions «across the board» aux garderies au lieu d'utiliser le programme d'exonération pour cibler les parents qui ont le plus grand besoin et les enfants qui ont le plus grand besoin. Alors, ça, c'est la première erreur qu'elle a faite.

Dans son affirmation, elle a parlé aussi de l'arrimage entre l'école et le travail. Et, comme père de famille, je suis très conscient que ce n'est jamais facile. Mais un des outils très importants était les services de garde en milieu scolaire. Alors, si on regarde à construire ou à bonifier les programmes de maternelle existants, je pense qu'un des modèles, pas le seul, mais un des modèles performants, c'est effectivement les services de garde en milieu scolaire. Alors, le problème soulevé par la ministre, qu'on est obligé de venir à la maternelle et d'amener l'enfant à la garderie après en plein milieu de la journée de travail, si le service de garde est donné dans le même édifice, on évite ce problème. Mais la ministre, encore une fois, a coupé de moitié l'argent disponible pour ces services de garde en milieu scolaire au lieu de bonifier ça davantage.

Alors, je pense que, dans les positions que la ministre a prises à l'époque, elle a vraiment freiné sa capacité de donner suite aux recommandations et aux besoins de ces clientèles, parce que, comme j'ai dit, l'option que la ministre a prise privilégie les garderies à but non lucratif «at large, across the board», c'est-à-dire que ce n'est pas uniquement ces garderies en milieux défavorisés qui ont accès aux subventions, mais c'est tout le monde, comme j'ai dit, dans les banlieues plus confortables, également dans les centres-villes ou les autres endroits où il y a des poches de pauvreté très importantes.

Alors, je pense que ce que nous avons proposé, ce n'est pas obligatoire, mais c'est quelque chose que le gouvernement peut mettre en place assez rapidement pour qu'au moins on puisse dire aux enfants qui demeurent dans des conditions défavorables: Le gouvernement est là pour vous préparer pour l'école, parce que toutes les études ont démontré qu'il y a un lien direct entre les milieux défavorisés et ces enfants qui arrivent en première année avec un rattrapage à faire qui est regrettable.

Alors, la proposition de mon collègue le député de Marquette va contourner ça. C'est effectivement un moyen faisable à court terme, d'ici septembre 1997, de mettre en place les services de prématernelle pour les enfants de quatre ans et de maternelle pour les enfants de cinq ans des milieux défavorisés pour leur donner un coup de main, pour les aider, parce que, si l'État n'est pas prêt à mettre l'argent là tout de suite, il sera obligé de le mettre plus tard, parce que, ça, c'est les enfants. Toutes les études ont démontré que, ça, c'est des enfants qui auront de la misère à l'école primaire, qui auront de la misère à l'école secondaire, des problèmes de décrochage, des problèmes souvent de délinquance aussi. Ce n'est pas un lien direct, mais le lien de cause à effet est là, et je pense que le ministère et la ministre ont tout intérêt à agir rapidement, à mettre en place notre proposition pour l'année scolaire prochaine afin de donner un coup de main aux familles québécoises qui ont les besoins les plus importants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. J'aurais aimé, parce que le temps passe, entendre les partis, s'ils ont quelques arguments à faire valoir pour la recevabilité. M. le député de Marquette n'est pas arrivé. Écoutez, on peut prendre peut-être un autre intervenant, mais, dès que M. le député de Marquette entrera, je devrai interrompre pour qu'on puisse régler cette partie-là, parce que j'aimerais bien que vous sachiez à quoi vous en tenir quelques minutes avant la fin du débat. Alors, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Je peux vous dire, sur la question de la recevabilité ou non, avec l'autorisation de mon collègue le député de Marquette, que nous laissons le tout à votre jugement. Nous n'avons aucun argument à faire valoir contre la recevabilité de cet amendement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Maintenant, est-ce que, Mme la leader adjointe, vous auriez quelques mots à dire sur ça?

Mme Caron: Oui...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous entends et, après ça, je prendrai en délibération pour rendre ma décision le plus rapidement possible. Mme la leader adjointe.


Débat sur la recevabilité de l'amendement


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, au niveau de la recevabilité, je pense que la jurisprudence était très prolifique à ce sujet concernant les motions. Je vous réfère à certaines décisions rendues par vos prédécesseurs, à la décision rendue le 16 mai 1979 en vertu de l'article 197: «Cette motion d'amendement est recevable, même si elle apporte un changement important. Un amendement est une modification significative à une motion de fond qui n'écarte pas cette motion.» Donc, effectivement, nous n'écartons pas la motion, qui, en fait, veut finalement favoriser la réussite scolaire et l'égalité des chances du plus grand nombre de jeunes en offrant des moyens, et les moyens, nous les acceptons aussi, ces moyens étant l'accès au niveau des services de garde, au niveau de la maternelle, et nous élargissons davantage, M. le Président, puisque nous ne limitons pas les crédits au niveau du ministère de l'Éducation, mais bien à l'ensemble du gouvernement du Québec, pour pouvoir se donner beaucoup plus de latitude afin de réaliser les engagements, parce que je pense que le but de la motion, c'est qu'on puisse les réaliser. Donc, si on se limite aux crédits du ministère de l'Éducation, c'est beaucoup plus difficile.

Nous élargissons aussi en disant que nous voulons accorder la priorité à ceux de milieux économiquement défavorisés pour la maternelle temps plein cinq ans. Donc, nous ne la limitons pas comme la motion principale le faisait. Donc, nous offrons davantage de services.

(17 h 20)

Je vous citerai également, M. le Président, la décision du 4 avril 1990, 197/15, qui est assez complète et qui dit: «Pour être jugée recevable, une motion d'amendement doit respecter les critères énoncés à l'article 197 du règlement, c'est-à-dire qu'elle doit porter sur le même sujet que la motion de fond et qu'elle ne peut aller à l'encontre de son principe [...]. "Il est reconnu de façon constante qu'une motion d'amendement doit se rapporter au sujet de la motion de fond et qu'elle ne doit l'écarter ni la nier. Elle peut avoir pour objet d'apporter des changements même importants qui permettent un débat plus large ou encore qui permettent à un plus grand nombre d'y adhérer" [...]. Est donc recevable un amendement qui a pour effet de diluer ou d'atténuer la portée d'une motion principale [...]. De plus, par un amendement, on cherche à rendre une proposition acceptable par un plus grand nombre possible, en somme, par la majorité.»

Alors, enfin, M. le Président, je vais tout simplement vous citer les dates de décisions qui vont toutes dans ce sens-là: les 9 novembre 1977, 26 avril 1978, 2 mars 1982, 12 mai 1982, 25 mai 1988, 7 novembre 1990, 1er mai 1991, 18 mars 1992, et, enfin, 4 mai 1994, M. le Président.


Décision du président sur la recevabilité de l'amendement

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, alors, très bien, écoutez, après vous avoir entendue, après avoir lu attentivement le texte et les amendements et m'appuyant sur la jurisprudence qui, effectivement, jusqu'à date, a interprété assez largement le sens des amendements pourvu que le sujet fondamental soit respecté et que ça n'aille pas à l'encontre du principe de base qui était de favoriser l'accès, si vous voulez, à l'école et à la maternelle des jeunes de quatre ans et cinq ans, alors, je décide que les amendements sont recevables, dans ce contexte-là.

Alors, nous allons pouvoir poursuivre immédiatement le débat. Et j'inviterais Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys à prendre la parole, s'il vous plaît. Mme la députée.


Reprise du débat sur la motion principale et l'amendement


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. M. le Président, mon intervention sera brève, mais elle me permet de faire le pont entre la Commission des états généraux sur l'éducation et un dossier qui me tient particulièrement à coeur, soit le dossier de la métropole. Et je pense que c'est l'occasion aussi de mentionner à la ministre de l'Éducation l'importance qu'elle doit accorder dans l'élaboration de sa réforme à la réalité toute particulière de la métropole.

M. le Président, lorsque le Parti québécois est arrivé au pouvoir, autant à l'époque de M. Parizeau qu'au niveau du premier ministre actuel, on a, enfin, on a dit, le discours disait qu'on était pour mettre en évidence les besoins particuliers de la métropole. Alors, bon, force est de reconnaître qu'on a, évidemment, institué un ministère de la Métropole, un ministre de la Métropole. Et, jusqu'à maintenant, l'expérience, comme on l'a vu dans plusieurs dossiers tels les greffes pulmonaires, etc., autant les dossiers d'économie, de santé, n'a pas été concluante, en ce sens qu'un ministre qui a la responsabilité horizontale a de la difficulté à saisir certains dossiers sectoriels, puisque le vrai patron est le ministre sectoriel. C'est pour ça qu'on interpelle la ministre de l'Éducation dans ce cas-ci précis, pour qu'elle prenne sur elle, si on veut, le fait que la métropole, comme elle le disait d'ailleurs très bien, est dans un contexte particulier au niveau de l'éducation, autant en termes d'intégration des immigrants qu'en termes, aussi, de la clientèle qui fréquente nos écoles, c'est-à-dire une clientèle qui est malheureusement défavorisée.

On voudrait aussi qu'en matière d'éducation la ministre sache réajuster le tir pour nous démontrer que son gouvernement accorde effectivement une attention aux véritables besoins de la population montréalaise. Et, M. le Président, on le dit parce que la ministre disait tantôt que cette motion apportée par mon collègue le député de Marquette au niveau de la petite enfance, il fallait considérer cette motion dans un contexte global, c'est-à-dire un contexte global de la réforme qui sera présentée bientôt, et ce qui nous permet aussi de dire: Parfait! Si on veut globaliser, bon, alors, regardons ce qui a été présenté au niveau des états généraux et mettons la ministre en garde aussi par rapport à certaines omissions que les états généraux, le rapport des états généraux nous présente.

On veut souligner ici qu'en abandonnant, par exemple, l'orientation retenue dans l'exposé de la situation faisant de l'île de Montréal une zone d'éducation particulière, la Commission des états généraux sur l'éducation effectue, à notre avis et selon celui de plusieurs intervenants, un recul quant à l'urgence d'agir pour assurer la réussite scolaire des élèves montréalais. Et c'est pour ça qu'on veut rappeler à la ministre de l'Éducation qu'il est mentionné dans le rapport de synthèse des conférences régionales, et je cite, que «Montréal doit relever des défis particuliers, notamment du fait de la présence sur son territoire d'un nombre élevé d'élèves – comme je le disais tantôt – qui sont défavorisés sur le plan socioéconomique et scolaire, et aussi de l'intégration, ce qui est un fait tout à fait particulier à Montréal, c'est-à-dire l'intégration des élèves des communautés culturelles».

C'est pourquoi on considère qu'il est dommage que l'on fasse peu mention de la métropole dans le rapport final des états généraux. Et, bien sûr, vous nous direz que plusieurs recommandations vont la toucher, évidemment, directement, on convient de ceci, mais peut-être aurait-il été plus significatif et proactif de reconnaître la zone d'éducation particulière, et c'est ce qu'on aimerait retrouver, M. le Président, dans la réforme future présentée par la ministre de l'Éducation. Et c'est pour ça qu'on a trouvé quand même un peu désolante, sur ce sujet, la réponse du coprésident de la Commission, M. Bisaillon, alors qu'une journaliste de La Presse lui demandait: Pourquoi ne pas avoir ajouté ou, enfin, retenu la recommandation de zone d'éducation particulière? Et celui-ci a tout simplement répondu à la journaliste: Je ne sais pas. Donc, on voudrait que la ministre, elle, le sache, que Montréal est effectivement une zone particulière.

Elle le disait d'ailleurs tantôt, et je vais revenir à la petite enfance, qui découle, justement, d'une mesure qu'on voudrait concrète et immédiate. C'est que, à Montréal, une personne sur cinq vit en dessous du seuil de la pauvreté, dont une sur trois, aussi, vit spécifiquement sous le seuil de la pauvreté, non pas dans la grande région de Montréal, mais dans l'île de Montréal. Le décrochage scolaire est de 46 % à la CECM; le chômage est de 12,4 % et de 13,7 % au premier trimestre de 1996 dans la seule ville de Montréal; 18 % des adultes n'ont pas atteint une neuvième année, comparativement à 14 % pour l'ensemble canadien; 58 % des écoles publiques montréalaises sont considérées comme des écoles défavorisées – c'est d'ailleurs pour ça qu'on le note dans notre motion – et 20 % des familles sont monoparentales. Donc, il faut que la ministre réagisse dans ce qu'elle appelle le contexte global pour, effectivement, déclarer dans sa réforme que Montréal est une zone particulière d'éducation et qu'il y aura des mesures tout à fait particulières pour répondre aux besoins de Montréal, de la région de Montréal, et plus spécifiquement de la métropole.

Ce qui m'amène à la motion qu'on présente, c'est-à-dire celle de la petite enfance. C'est sûr que, quand on voit les chiffres tels que je vous les ai mentionnés et qu'on s'aperçoit qu'il y a 625 000 pauvres qui résident dans la métropole, que, quand on fait appel et que l'on demande une aide toute particulière à la petite enfance, spécialement dans les milieux défavorisés, bien, effectivement, on demande et on prie pour une aide toute particulière pour la région de Montréal. Pourquoi c'est important? Parce que accorder une attention toute particulière à la petite enfance pourrait favoriser le développement de l'enfant sur le plan affectif – et je pense que, là-dessus, tout le monde s'entend, la ministre le disait tantôt – sur les plans social, cognitif, sur les plans du langage et de la psychomotricité, et lui permettre aussi une chance égale. Si on donnait accès plus spécifiquement à des enfants de milieux défavorisés à un milieu stimulant et actif à partir de l'âge de quatre ans, on donnerait une chance égale à ces enfants-là d'acquérir des connaissances que d'autres, dans des milieux plus favorisés, ont presque automatiquement à cause du milieu dans lequel ils vivent.

(17 h 30)

Et la ministre nous disait: Bien, c'est vrai que c'est important pour Montréal. Mais il faut aussi spécifier que, oui, il y a des écoles à Montréal qui seraient prêtes à les accueillir, quand on parle du préscolaire, par exemple, au niveau du réseau public, excepté que les écoles ont des listes d'attente énormes. Il n'y a pas une commission scolaire qui n'a pas de liste d'attente énorme, M. le Président, puisqu'il y a tellement de demandes.

La ministre disait qu'elle avait réajusté le budget et donné le budget au Conseil de l'île justement pour parer à cette déficience, si on veut. On lui donne effectivement non seulement le bénéfice du doute – on lui fait confiance là-dessus – mais ce qu'il faut, c'est avoir des mesures encore plus spécifiques pour parer, encore une fois, à ce problème énorme et aider les enfants de quatre ans et plus, de milieux défavorisés spécifiquement, à entrer dans le réseau scolaire, lors de la première année, avec un bagage de connaissances qui est égal à celui d'enfants d'autres milieux.

Donc, M. le Président, c'est pour ça, cette motion. Et cette motion, quand on disait «1997», bien, pour nous, on est arrivés à des amendements en disant «dans un avenir rapproché». C'est toujours mieux, M. le Président, de se mettre des échéanciers, des échéanciers fixes, parce que ça sous-tend aussi le sentiment d'urgence par rapport à cette mesure, une mesure qui pour nous est prioritaire et qui se doit aussi d'être priorisée dans la grande politique d'éducation qui sera déposée, enfin, d'ici, je dirais, quelques jours sinon quelques semaines.

Donc, nous demandons à la ministre d'appuyer cette motion fortement. Je demande aussi à mon collègue le ministre de la Métropole, il va de soi, de le faire aussi, de telle sorte que Montréal et les enfants défavorisés de Montréal vont pouvoir bénéficier d'un système d'accompagnement, si on veut, dans le réseau scolaire qui, encore une fois, va permettre à Montréal d'être considérée comme zone d'éducation spéciale à cause des problèmes spécifiques de la métropole. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. D'après mes calculs, il resterait un temps de 16 min 30 s pour le parti ministériel, et nous réservons un 10 minutes pour la réplique... Dix minutes. Il ne reste plus de temps, sauf le 10 minutes pour la réplique du député de Marquette. Ou, si vous voulez le céder à un autre, ce sera votre choix.

M. Ouimet: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Enfin...

M. Ouimet: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, ça prendrait peut-être le consentement, là, parce que... Oui? Ça va? Très bien. Alors, il y a un intervenant du parti ministériel. M. le député de Bellechasse, je vous cède la parole. Vous ne devez pas dépasser 16 minutes.


M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Eh bien, moi, au risque de surprendre certains de mes collègues, je vais féliciter le député de Marquette d'avoir amené ce sujet important, ce qu'on appelle la motion traditionnelle de l'opposition, le mercredi après-midi.

J'ai peut-être quelques réserves en ce qui concerne le libellé de sa motion, et ça a été corrigé par les amendements qui ont été apportés par la ministre de l'Éducation. Mais c'est quand même, il faut le reconnaître, un sujet extrêmement important. Je puis l'attester parce que, dans une vie antérieure, j'étais directeur d'école au primaire, et c'est un sujet qui nous préoccupe certainement, tout le monde.

Cependant, je voudrais... avant d'élaborer plus amplement, être surpris un peu de la façon dont ça a été amené, en ce qui concerne les aspects financiers, qui sont, je pense, sous-estimés dans une mesure telle que celle qui est amenée par le député de Marquette. Dans une situation financière où ce qu'on perçoit dans une année, au niveau de la TVQ, la taxe de vente au Québec, ne parvient même pas à payer ce que ça coûte d'intérêts, les intérêts annuels, vous le savez, qui coûtent 6 000 000 000 $, je pense qu'il faut quand même, dans cette perspective, faire preuve de réalisme.

M. le Président, tout le monde le reconnaît, et je l'ai observé à plusieurs occasions, les toutes premières années de vie d'un enfant ont un poids considérable sur son développement ultérieur. Ce qui est acquis au cours de la petite enfance constitue une base indispensable pour les apprentissages scolaires et pour tous les autres apprentissages de la vie d'un jeune. Ces apprentissages reçus dans la famille, à l'école et en garderie, ça contribue à améliorer autant les chances scolaires que les chances dans la vie.

Je puis attester... et ça, c'est malheureux, mais je puis l'attester pour l'avoir observé à plusieurs occasions: dès l'âge de quatre ou cinq ans, lorsque je voyais arriver des jeunes en prématernelle ou en maternelle cinq ans, on pouvait détecter la possibilité ou pas de pouvoir faire des études primaires ou secondaires avec plus ou moins de facilité, d'où l'importance d'intervenir le plus tôt possible dans le développement de l'enfant. Malheureusement, les faits l'ont abondamment révélé, les enfants qui vivent en milieu défavorisé trouvent difficilement dans leur famille des conditions de vie favorables à leur plein développement. Et, pour ces enfants, l'accroissement du temps consacré à des activités éducatives structurées améliore leurs chances de commencer les études primaires avec une préparation suffisante, et surtout de réussir leurs études ultérieures.

C'est pourquoi, depuis de nombreuses années et, en fait, depuis plus de 20 ans, des services éducatifs particuliers sont offerts aux enfants de quatre ans de milieux défavorisés. Dès 1980, le gouvernement a officiellement reconnu, dans sa politique «l'École s'adapte à son milieu», la nécessité d'intervention éducative compensatoire pour ces enfants. Il a établi, en quelque sorte, un principe de discrimination positive à leur égard, principe dont nous pouvons constater les effets, les retombées positives aujourd'hui.

D'entrée de jeu, il est important de préciser le nombre d'enfants de milieux défavorisés. Au Québec, selon une enquête qui a été réalisée en 1992-1993, on estime que 23 % des enfants de quatre et cinq ans vivent dans des familles pauvres. On trouve ces enfants dans toutes les régions du Québec, mais avec une concentration plus grande qu'ailleurs, malheureusement, dans la région de Montréal. Ces enfants sont les bénéficiaires des services éducatifs particuliers. Parmi les quelque 22 000 enfants de quatre ans qui vivent en milieu défavorisé, 84 % reçoivent des services éducatifs, la moitié dans une maternelle, l'autre moitié par le service d'animation qu'on appelle Passe-Partout.

C'est quoi, ça, Passe-Partout? J'ai eu l'occasion aussi de voir souvent comment on procédait. C'est une intervention de soutien aux parents et des activités éducatives sporadiques aux enfants. Je dis bien «sporadiques» et non pas sur une base régulière de scolarisation, tel que ça existe au niveau de la maternelle cinq ans. Il faut signaler que, même en maternelle, l'intervention auprès des parents est un volet très important du travail de l'éducatrice. D'ailleurs, des programmes d'intervention auprès des parents ont été préparés par bien des milieux scolaires, dont ceux de l'île de Montréal.

M. le Président, pratiquement tous les enfants de cinq ans qui fréquentent une classe de maternelle à demi-temps, c'est quelque chose maintenant d'acquis, de régulier. Et, depuis peu d'années, en fait, depuis 1991-1992, un service de maternelle à temps plein est implanté progressivement. L'an dernier, 6 300 enfants de cinq ans, soit 35 % des enfants de cinq ans de milieux défavorisés, fréquentaient une maternelle à temps plein. De plus, 2 000 enfants de familles pauvres complétaient leurs journées scolaires en fréquentant un service de garde en milieu scolaire. Ces enfants bénéficiaient de l'exonération des frais de garde accordée aux parents à faibles revenus qui sont actifs, soit au travail ou aux études.

La situation des services d'éducation préscolaire en milieu défavorisé sur l'île de Montréal, comme vous savez, est particulière. C'est à Montréal que les services d'éducation préscolaire à quatre ans ont débuté au cours des années soixante-dix. Ils ont progressivement été étendus à toutes les écoles désignées, c'est-à-dire aux écoles qui, selon la classification du Conseil scolaire de l'île de Montréal, ont une majorité d'élèves venant de milieux défavorisés. Actuellement, toutes les écoles désignées offrent la maternelle à tous les enfants de quatre ans de leur territoire et la maternelle à temps plein à tous les élèves de cinq ans.

(17 h 40)

M. le Président, ce bref survol des services éducatifs offerts aux petits enfants de milieux défavorisés montre que la préoccupation d'assurer aux plus démunis des chances de réussite scolaire et de réussite dans la vie a donné des résultats concrets. L'expérience, on peut le dire, elle est concluante.

Il faut reconnaître qu'il y a encore beaucoup à faire, cependant, notamment pour rejoindre davantage d'enfants de cinq ans de milieu défavorisé. Mais on peut considérer que des progrès importants ont été réalisés et qu'ils sont garants de l'avenir.

M. le Président, je suis pleinement confiant que l'actuelle ministre de l'Éducation et députée de Taillon va s'attaquer à essayer d'améliorer la situation en tenant compte des recommandations qui sont faites par la Commission des états généraux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bellechasse. Il reste quelques minutes. Il reste à peu près huit minutes. Allez, Mme la leader adjointe du gouvernement.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, j'interviendrai maintenant sur le fond de cette motion. Je pense que, oui, c'est intéressant que le sujet ait été apporté cet après-midi, puisque finalement c'est un premier début de suite du rapport des états généraux qui a été déposé la semaine dernière.

Ce qu'il est important de se dire, c'est que tout le monde ici, en cette Chambre, souhaite, et les deux motions le disaient bien – la motion et les amendements – que nous donnions aux jeunes Québécois et Québécoises le maximum de chances pour réussir. Il faut que tous nos efforts se retrouvent pour la réussite – la motion dit «la réussite scolaire», personnellement, j'aurais préféré qu'on parle de réussite éducative – et pour donner l'égalité des chances au plus grand nombre de jeunes Québécois et Québécoises.

M. le Président, nous avons fait au cours de la dernière année un effort considérable pour aller chercher des consensus partout dans la population. Les états généraux l'ont fait, et je dois dire que les parlementaires l'ont fait aussi, puisque, à la commission de l'éducation, les membres de la commission de l'éducation se sont donné un mandat d'initiative pour travailler sur la réussite scolaire, essayer de dégager le maximum de consensus, entendre le plus d'intervenants qui sont venus nous parler de la réussite scolaire et de la réussite éducative, et essayer de présenter un rapport qui ferait des recommandations.

Ces recommandations-là, M. le Président, on ne les a pas encore déposées, mais c'est évident que tout ce qu'on a entendu va vraiment dans le sens de ce qui est présenté dans cette motion et de ce qui a été présenté aussi dans le rapport des états généraux. C'est-à-dire que tout le monde s'entend pour dire qu'il faut faire le maximum d'efforts au niveau des jeunes.

Moi aussi, j'ai une expérience, comme le député de Bellechasse, pas à la direction d'une école, mais comme enseignante au niveau élémentaire. J'ai enseigné à des enfants de première, deuxième année, sixième année, et je peux assurer, moi aussi, qu'il faut prendre les enfants au tout début. Plus on va réussir à réduire l'écart au début des apprentissages des enfants, plus on a des chances de succès. Lorsqu'on dit qu'à l'arrivée de deux enfants, à cinq ans, en maternelle l'écart peut être jusqu'à trois ans, au niveau des apprentissages, M. le Président... Donc, vous pouvez vous retrouver avec un enfant qui a des apprentissages pour un enfant de cinq ans et avec des enfants qui ont des apprentissages de quatre ans, trois ans, deux ans. L'écart est énorme et il ne fait que s'agrandir avec les années. Donc, il faut y remédier le plus tôt possible.

Moi aussi, j'aurais préféré une motion qui serait beaucoup plus englobante, qui toucherait à une politique de la petite enfance, parce qu'il faut aussi agir avant la prématernelle quatre ans, je pense, il faut agir au tout début. Dès qu'on peut dépister, connaître les familles, les enfants qui sont plus à risque, il faut pouvoir agir, et ça, on va pouvoir le faire si on a une politique de la petite enfance et qu'on a tout de suite des moyens qui sont donnés aux parents à partir, aussi, de nos services dans les CLSC; de faire le lien santé-éducation, ça aussi, c'est important.

De se donner la possibilité, par les amendements, d'avoir accès au budget du gouvernement du Québec, je pense que c'était un amendement important, majeur, parce que, si nous nous limitions aux crédits du budget de l'Éducation, compte tenu des compressions qui s'en viennent pour l'an prochain, c'est évident qu'on ne pourrait pas remplir ce que souhaite autant l'opposition que nous-mêmes, ce mandat d'offrir un accès beaucoup plus grand aux jeunes, principalement des milieux défavorisés.

Il faut aussi se donner, je pense – et ça, la députée de Marguerite-Bourgeoys l'a abordé – un échéancier. C'est ça qui est capital. Ce n'est pas de se donner une date qu'on sait qu'on ne pourra pas réaliser, mais bien de dire: Il faut que l'Assemblée nationale demande au gouvernement – et c'est ça que la motion dit – de se donner un échéancier réaliste. Donc, la ministre de l'Éducation va s'engager dans les semaines qui suivent... et elle va nous présenter avant la fin de cette session un échéancier précis qui va nous permettre de voir tous les éléments qui vont être ajoutés à notre politique pour permettre la réussite scolaire de nos jeunes et, bien sûr, l'égalité des chances.

M. le Président, cet accès gratuit... et c'est important de donner la priorité aux milieux économiquement défavorisés, parce qu'on sait, et j'ai fait faire une petite évaluation dans ma propre commission scolaire, pour pouvoir offrir une maternelle plein temps à tous les jeunes du Québec, dans ma commission scolaire précisément, tous les jeunes de la commission scolaire des Manoirs, par exemple, maternelle cinq ans temps plein, chez nous, ça signifie un ajout de 48 locaux, donc à peu près la valeur de trois écoles, trois nouvelles écoles primaires chez nous, si on garde notre norme actuelle. Parce que, actuellement, nous avons 48 locaux de maternelle qui sont occupés le matin par des groupes et l'après-midi par d'autres groupes. Donc, chez nous, à la commission scolaire des Manoirs, nous avons 96 groupes de maternelle actuellement. Donc, les locaux sont occupés à temps plein, et le matin et l'après-midi, donc, par 96 groupes. Alors, évidemment, si on décide de faire du temps plein, on doit occuper les 48 locaux actuels toute la journée avec nos 48 groupes, mais nos 48 autres groupes se retrouvent sans aucun local, évidemment. Donc, c'est sûr que c'est une situation d'exception. Ce n'est pas toutes les commissions scolaires, M. le Président, qui ont 96 groupes de maternelle, j'en conviens, mais c'est la situation dans les régions où on se trouve en croissance de clientèle.

Donc, M. le Président, c'est évident que cette motion-là, avec les amendements, pourra être votée des deux côtés de la Chambre avec enthousiasme parce que ça va nous permettre, évidemment, de commencer, de débuter le suivi des états généraux. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Terrebonne. Il reste 10 minutes au parti de l'opposition officielle à partager, du consentement de cette Assemblée, entre M. le député de Bourassa et M. le député de Marquette à titre d'auteur de la motion. M. le député de Bourassa.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. Je voudrais remercier mon collègue de Marquette de m'avoir permis de partager les propos de conclusion à ce débat, ce débat que nous avons voulu faire porter sur l'importance d'obtenir de la part du gouvernement un engagement ferme et précis à garantir certains services en matière de maternelle à plein temps pour les jeunes de quatre ans et cinq ans, avec priorité aux milieux économiquement défavorisés.

M. le Président, la ministre et plusieurs députés du pouvoir ont qualifié cette motion, d'une part, de pertinente; d'autre part, ils ont dit: Elle est partielle et elle est prématurée. Moi, je vais leur suggérer deux autres qualificatifs à cette motion: c'est une motion qui aurait pu fort bien originer du programme péquiste et être qualifiée de prioritaire. Tant qu'à être dans des qualificatifs qui commencent par «p», on va mettre «péquiste» et «prioritaire». Et pour ça, pour prouver ce que je dis, tout simplement sortir le programme du Parti québécois adopté en 1994, «Des idées pour mon pays». M. le Président, il y a deux passages qui vont exactement dans le sens de la motion que nous déposons aujourd'hui, page 134: «Avant toute chose – c'est pour ça que je dis «prioritaire» – un gouvernement du Parti québécois devra [...] élargir les services d'éducation préscolaire en commençant par les milieux défavorisés, de manière à diminuer les échecs et les abandons, selon une politique intégrée de la petite enfance.» Ils nous disent aujourd'hui: Bien, comme on n'a pas encore une politique intégrée de la petite enfance, on ne peut pas avancer.

(17 h 50)

Deux ans plus tard, page 182 du même programme: «Ainsi, un gouvernement du Parti québécois – c'est au chapitre de la politique de la famille et des services de garde à l'enfance – s'engage à permettre, à la demande des parents, l'accessibilité pleine et entière aux services de garde à tous les enfants de la naissance jusqu'à l'âge scolaire – ça couvre le sujet d'aujourd'hui, les quatre ans et les cinq ans – cibler l'implantation des nouvelles garderies dans les régions et les quartiers les plus défavorisés, où la demande est la plus forte.»

M. le Président, quand je vous dis qu'il faut ajouter 2 «p», «péquiste» et «prioritaire», je pense que c'est prouvé en regardant le programme du Parti québécois, édition 1994.

Ces gens-là, en 1996, nous disent maintenant: On n'a pas encore eu le temps, ça s'en vient, c'est pour plus tard. Ça augure très mal. On nous disait: C'est beau, ce débat, c'est gentil, c'est le premier débat qu'on fait dans le sillage des conclusions de la Commission des états généraux, mais ça augure très mal, M. le Président, quand on voit le patinage un peu pénible auquel s'est livré la ministre, auquel se sont livrés certains de ses collègues pour nous expliquer qu'on n'avait peut-être pas les moyens de se payer ça.

Au fond, quand on regarde la portée de leur amendement, c'est qu'ils n'en veulent pas, d'engagement, ils ne veulent pas en prendre, d'engagement, puis ils ne veulent surtout pas que l'Assemblée nationale leur demande rien, ils veulent que l'Assemblée nationale soit à peu près considérée comme un comité consultatif. Voyez-vous, ils disent que «l'Assemblée nationale est d'avis que...». On est ici pour exprimer des avis, on est consultatif auprès du gouvernement, à écouter l'amendement proposé par la ministre.

Cet amendement dilue d'une manière énorme notre intention d'obtenir un engagement ferme: «Est d'avis que... dans des délais à discuter, un agenda réaliste»... M. le Président, si on était arrivé ici en disant: «Il nous faut une politique intégrée demain matin. Il nous faut dix mesures, un plan d'ensemble», ils nous auraient dit: Mais vous êtes tombés sur la tête, les gens de l'opposition. Vous savez qu'il y a des problèmes budgétaires. Nous y allons avec une proposition minimale. Minimale, M. le Président. Le bon sens et les besoins de la population nous dicteraient d'aller plus loin que ça en termes de demandes à ce moment-ci. Mais de manière minimale, et ils nous disent maintenant: Écoutez, agenda réaliste, ça va prendre encore des années. On n'est pas pressé. On n'est pas prêt. Qu'est-ce que c'est que ces manoeuvres-là? C'est pour éviter de répondre aux besoins de la population et subordonner la satisfaction des besoins de la population à des considérations de réduction de déficit et autres considérations.

M. le Président, c'est du patinage pénible que nous voyons devant nous. C'est des gens qui partagent, sur le fond, nos idées mais qui sont pris dans une espèce de ligne de parti, une espèce de schéma gouvernemental qu'ils n'ont pas sollicité lors des dernières élections. Ils sont venus se présenter devant l'électorat sur la base de ces engagements. Ils n'ont pas pris l'engagement de repousser à dans sept ans ou à dans 10 ans la réponse aux besoins en matière de maternelle et de prématernelle, ils ont pris l'engagement de les réaliser. Aujourd'hui, ils disent: À plus tard. Alors, j'invite l'Assemblée, vraiment, à faire un effort d'exiger du gouvernement des engagements fermes en termes d'action. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Bourassa. Je cède la parole pour les cinq dernières minutes à M. le député de Marquette.


M. François Ouimet (réplique)

M. Ouimet: Merci, M. le Président. La chose la plus scandaleuse de l'amendement déposé par le parti au pouvoir... Écoutez bien ça, je suis scandalisé, on va demander aux pauvres de contribuer à payer pour avoir une maternelle quatre ans. Est-ce qu'ils ont vu l'amendement qui est contenu... le document qui a été déposé par la ministre de l'Éducation? Alors que les plus pauvres de notre société doivent choisir entre manger, se loger et se chauffer, eux sont en train de dire: On va leur faire payer pour obtenir une maternelle quatre ans. Je le lis textuellement: «L'accès gratuit – nous avions dit «gratuit», ce n'est pas pour rien; ce sont des pauvres, ils n'ont pas les moyens de payer ça – et à temps plein aux services de maternelle ou aux services de garde, moyennant une faible contribution...» Moyennant une faible contribution! On veut faire payer les enfants issus de milieux économiquement défavorisés pour une maternelle quatre ans, alors que tout le discours que j'ai entendu ne correspond pas du tout, du tout à ces priorités. Et on comprend la ministre de l'Éducation qui a cherché tous les prétextes imaginables pour éviter de voter sur un engagement, comme le disait mon collègue député de Bourassa, minimal. C'est le minimum, M. le Président. C'est reconnu dans toutes les études qui traitent du sujet des services à la petite enfance. Alors que le premier ministre était questionné en cette Chambre aujourd'hui même par la députée de Saint-Henri, qui lui demandait de prendre un engagement d'arrêter de réaliser des économies sur le dos des pauvres, la ministre de l'Éducation en remet: un amendement, quelques heures plus tard, qui dit: On va faire payer les pauvres pour leur donner un service de maternelle quatre ans. Ça n'a aucun sens. J'aurais honte, si j'étais de ce côté-là de la Chambre, M. le Président.

Les études sont là, les besoins sont là. La ministre disait: On va consulter nos partenaires, il faut prendre le temps de... avant de prendre des décisions. Puis, par la suite, elle tentait de nous démontrer qu'elle était sensible à la cause des enfants provenant de milieux économiquement défavorisés. Et, à la première occasion, elle dit ceci: Il va falloir tenir compte de notre capacité financière. On n'a pas demandé des maternelles cinq ans temps plein pour tous les enfants du Québec. On a juste demandé, et ça existe déjà, des maternelles temps plein pour tous les enfants de milieux économiquement défavorisés. Sauf qu'il n'y a pas assez d'argent. Il y a des listes d'attente dans les écoles de Montréal pour pouvoir répondre à ces besoins-là.

Le député de Bellechasse, ancien directeur d'école, je suis convaincu qu'il est d'accord avec moi. Lui, de la région de Québec, il en a vu, des enfants pauvres qui arrivent à l'école, des fois, qui n'ont pas de bottes, qui n'ont pas de gants, qui n'ont pas de manteau. Et sa ministre de l'Éducation dit: On va faire payer leurs parents – qui n'ont pas un sous dans leur poche – pour obtenir un service de garde ou un service de maternelle quatre ans.

Une voix: C'est écoeurant!

M. Ouimet: Oui, c'est écoeurant, c'est vraiment le mot qu'il faut employer, M. le Président. Et tout ça après que le premier ministre ait démontré une certaine sensibilité aux pauvres de notre société. C'est sur leur dos qu'on est en train de faire des compressions budgétaires, M. le Président.

Un échéancier réaliste. C'est dans toutes les études, ce sont des moyens que nous avons déjà au Québec, et j'ai la fierté de dire que ce sont des moyens qui ont été donnés par le Parti libéral du Québec en 1991 pour répondre à ces besoins-là. Même dans l'opposition, nous voulons en faire un peu plus pour ces gens-là, les plus démunis de notre société, pour leur donner une chance égale de réussir dans la vie. Qu'est-ce qu'on dit de l'autre côté? On va les faire payer, on va les faire souffrir. C'est une façon de dire, M. le Président, qu'on ne veut pas leur donner ces services-là. De dire qu'on est favorable à leur donner un accès à des maternelles quatre ans puis, par la suite, leur dire: On va leur demander de payer, ça n'a aucun bon sens. Nous voterons contre les amendements de la ministre de l'Éducation. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette.

M. le député de Marquette, oui? Alors, je vous signalerais, par exemple, qu'il reste à peine une minute. À 18 heures, on arrête. Alors, faites ça vite.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Est-ce que le député de Marquette pourrait bien reconnaître que, tel que stipulé dans la motion, l'accès demeure gratuit, l'accès gratuit et à temps plein au service de maternelle, donc gratuit à temps plein pour les services de maternelle pour les économiquement faibles, défavorisés de quatre ans, et que, pour la contribution, la faible contribution, c'est uniquement pour les services de garde, M. le Président? Donc de reconnaître que le texte n'est pas pour dire que l'accès ne sera pas gratuit au niveau des maternelles quatre ans, mais que la contribution va être exigée uniquement, une faible contribution, au niveau des services de garde, M. le Président, c'est très différent.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, formulé sous forme de question... Il reste cinq ou six secondes.

(18 heures)

M. Ouimet: M. le Président, je constate que la députée de Terrebonne tente de sauver la face pour le gouvernement. Quand on dit «gratuit», on ne fait pas payer les gens. Vous êtes en train de dire «moyennant une contribution», c'est faire payer les gens, M. le Président, c'est inacceptable.

Des voix: C'est ça!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le débat est terminé. Je vais mettre aux voix tout d'abord les amendements et, après ça, il y aura la motion. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Appel nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...par appel nominal.

Mme Caron: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: En vertu de l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes de demain, M. le Président.


Votes reportés

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons reporter le vote à demain après-midi, jeudi, à 14 heures.

Nous ajournons nos travaux, par le fait même, à demain après-midi, 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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