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Version finale

34th Legislature, 3rd Session
(March 17, 1994 au June 17, 1994)

Wednesday, June 1, 1994 - Vol. 33 N° 30

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions.

M. le député d'Arthabaska.


Voter une loi aux fins d'annuler le regroupement de l'ex-ville d'Arthabaska à Victoriaville

M. Baril: M. le Président, en vertu de l'article 64 du règlement, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 25 pétitionnaires, électrices et électeurs de l'ex-ville d'Arthabaska.

Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le regroupement municipal d'Arthabaska avec Victoriaville et Sainte-Victoire a été décrété en juin 1993 malgré une maigre acceptation de 1747 électrices et électeurs de la ville d'Arthabaska – soit seulement 30 % des votants possibles – lors d'un référendum tenu uniquement dans cette ville;

«Considérant que les populations ont été privées d'une information adéquate pour qu'elles puissent se prononcer en toute connaissance de cause;

«Considérant que, depuis le début du regroupement, le conseil tient peu compte des réalités sociales, historiques et économiques de l'ensemble;

«Considérant que, lors de la séance du 2 mai 1994, les élus de Victoriaville-Arthabaska n'ont pas respecté la volonté démocratique de plus de 2200 électrices et électeurs du territoire de l'ex-ville d'Arthabaska en rejetant unanimement la requête en "déregroupement" qu'elles et ils avaient signée;»

L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, électrices et électeurs de l'ex-ville d'Arthabaska, prions l'Assemblée nationale de voter une loi autorisant le ministre des Affaires municipales à engager immédiatement le processus de "déregroupement" de notre territoire de celui de la nouvelle ville de Victoriaville-Arthabaska et à préserver le nom de "ville d'Arthabaska".»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, votre pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Je vous avise qu'après la période des questions et réponses orales M. le ministre des Affaires municipales répondra à une question posée le 25 mai dernier par M. le député de Dubuc concernant la Régie de la sécurité dans les sports.

(10 h 10)

Je vous avise également qu'après la période des questions et réponses orales M. le ministre des Finances répondra à une question posée le 19 mai 1994 par M. le député de Westmount concernant les obligations des copropriétaires de condominium, en vertu du Code civil.


Questions et réponses orales

Nous allons donc procéder à la période des questions et réponses orales des députés. Et je reconnais, en première question principale, M. le chef de l'Opposition.


Rôle des compagnies de téléphone dans le projet d'autoroute électronique

M. Parizeau: M. le Président, en vertu de la loi d'accès à l'information, la Presse canadienne a obtenu, à Ottawa, un rapport du ministère de l'Industrie en vertu duquel – et là, je cite la dépêche de la Presse canadienne: «Le gouvernement fédéral envisage d'adopter des politiques publiques radicalement nouvelles qui permettraient aux compagnies de téléphone d'acheminer des émissions de télévision et des films dans les foyers, en concurrence directe avec les compagnies de câblodistribution.» Cela correspond, évidemment, à une demande qui est faite par Bell Canada et un certain nombre de compagnies de téléphone dans le projet Stentor, qui prévoit l'établissement d'une autoroute informatique, électronique, vers les foyers, en concurrence directe avec le projet de Vidéotron ici.

Il est entendu que la production nécessaire pour le fonctionnement du projet Vidéotron va se faire à Montréal. Bell Canada a indiqué clairement que la production de ce qui est nécessaire pour leur projet se fera à Toronto. Le gouvernement fédéral accepterait l'idée de permettre aux compagnies de téléphone d'entrer dans cette voie en concurrence directe.

Puisque le gouvernement du Québec n'a plus la moindre compétence législative pour intervenir dans une question comme celle-là, puis-je demander à celui qui préside le groupe chargé par le premier ministre de développer un projet d'autoroute de l'information au Québec, puisqu'il n'a aucun pouvoir juridique d'intervenir dans ce débat, si, au moins, il a une opinion à ce sujet? Est-ce que, de son point de vue, le gouvernement fédéral fait bien ou fait mal d'autoriser les compagnies de téléphone à entrer dans la télédiffusion?

Une voix: Bravo!

Le Président: Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je suis convaincu que M. le chef de l'Opposition, étant un habitué des travaux de l'Assemblée nationale, sait très bien qu'il ne peut pas requérir l'opinion d'un membre de l'Assemblée nationale.

Le Président: Alors, je vais inviter le chef de l'Opposition à reformuler sa question, s'il vous plaît.

M. Parizeau: Peut-être pas nécessairement la reformuler, M. le Président, mais, donc, je dois interpréter l'intervention du leader adjoint des ministériels, à l'effet que...

Le Président: Votre question, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Si je comprends bien, je demande au ministre de l'Industrie et du Commerce de nous confirmer cela: Est-ce qu'il peut nous confirmer qu'il n'a aucun pouvoir sur cette question et aucune opinion?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): C'est bien que l'Opposition reconnaisse l'importance de l'autoroute de l'information, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Ça n'a pas été les commentaires que nous avons entendus, entre autres, du député de Labelle, parce que, dans le récent budget du gouvernement, il y a des sommes, des investissements importants totalisant 50 000 000 $ pour, justement, permettre au Québec d'être encore plus proactif dans le secteur de l'autoroute de l'information. Nous sommes en discussion avec tous nos partenaires. Et je dois rappeler au chef de l'Opposition qui, justement, posait une question sur le même sujet la semaine dernière, qu'au niveau du gouvernement fédéral il y a des représentants du gouvernement du Québec qui représentent les intérêts du Québec, tant au niveau du comité général que des comités sectoriels, entre autres, le comité sur la culture, et le gouvernement du Québec ne ménagera aucun effort pour être d'avant-garde dans l'autoroute de l'information. Et c'est dans ce sens-là que nous avons l'intention de faire toutes les représentations nécessaires au niveau du gouvernement fédéral, de mobiliser les forces vives du Québec pour faire de l'autoroute de l'information le grand enjeu de la prochaine décennie pour le Québec.

Le Président: Alors, en question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce vient d'évoquer que le gouvernement du Québec a des représentants sur le comité fédéral. Est-ce que je pourrais demander au ministre: Qui sont-ils? En vertu de quel règlement ont-ils été nommés représentants du gouvernement du Québec? Est-ce qu'il est absolument certain qu'il y a des représentants du gouvernement du Québec sur le comité? Moi, je pensais qu'il n'y en avait aucun.

Le Président: M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Alors, nous avons annoncé, avec la compagnie Astral, il y a moins d'une semaine, des investissements importants pour favoriser, entre autres, l'autoroute de l'information. Vous savez que la compagnie Astral, son président, c'est M. André Bureau. Alors, j'ai posé spécifiquement la question à M. Bureau.

M. Bureau, fondamentalement, c'est un Québécois, un Québécois qui siège sur un comité fédéral, à la demande du gouvernement fédéral. Il y avait également M. Francis Fox, qui était présent, qui siège également à la demande du gouvernement fédéral. Mais, lorsqu'on pose les questions pertinentes, M. le Président – questions pertinentes – quels sont les membres présents sur le sous-comité de la culture, vous allez retrouver que 50 % des membres sont des représentants du Québec; ils ont choisi eux-mêmes d'être présents sur le comité de la culture. Alors, si le chef de l'Opposition veut faire une démonstration que les Québécois et les Québécoises qui nous représentent à Ottawa ne représentent par les intérêts du Québec, qu'il fasse cette démonstration et qu'il ne prête pas des intentions à des représentants du Québec qui ont été nommés, c'est vrai, par le gouvernement fédéral pour protéger les intérêts du Québec.

Le Président: Alors, en question principale, maintenant, M. le député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue.


Participation du Québec au Forum national sur la santé

M. Trudel: Oui, M. le Président. Hier, la vice-première ministre et la ministre de la Santé, en réponse à nos questions sur les exigences du Québec pour participer au Forum national sur la santé du gouvernement fédéral, nous affirmaient que les exigences du Québec n'étaient toujours pas satisfaites, et que, à cet égard, la position du gouvernement fédéral était toujours jugée inacceptable et aberrante dans le contexte de la convocation de ce Forum national sur la santé. Par ailleurs, hier, à Ottawa, la ministre fédérale de la Santé déclarait, à la Chambre des communes: C'est décevant, vous savez, lorsqu'on demande aux provinces de préparer un sous-comité, qu'elles le font, qu'elles préparent un document de discussion, qu'elles me l'envoient, que j'accepte leurs suggestions, que je les incorpore dans mon papier, et que, à la dernière minute, on refuse à nouveau la position.

M. le Président, ma question à la ministre de la Santé et des Services sociaux: Le Québec a-t-il approuvé la formation de ce sous-comité chargé de préparer les dispositions pour la convocation de ce Forum national sur la santé? A-t-il véhiculé les exigences du Québec? Ces exigences ont-elles été acceptées? En somme, qui dit vrai, Mme la ministre de la Santé du Québec?

Le Président: Alors, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: M. le Président, depuis le début, le Québec véhicule un message fort important au niveau du Forum national de la santé, à savoir que, si ce forum se tient, il doit se tenir avec le fédéral et les provinces sur un pied d'égalité, étant donné que la santé est de responsabilité provinciale. Nous l'avons fait savoir à la conférence fédérale-provinciale, nous l'avons fait savoir par écrit à la ministre Marleau. Et, M. le Président, hier, j'étais informée que la ministre Marleau a contacté M. Stewart, qui est le ministre de la Santé de Nouvelle-Écosse, qui est le président de la Conférence des ministres provinciaux de la Santé, pour avoir l'opinion, à nouveau, des ministres provinciaux de la Santé. Et donc, sous peu, l'ensemble des ministres de la Santé, nous aurons ensemble un dialogue pour faire une autre proposition au gouvernement fédéral.

Le Président: En question complémentaire.

M. Trudel: En ce qui concerne spécifiquement la position du Québec, le Québec a-t-il participé à ce sous-comité? A-t-il véhiculé ses positions par écrit? Et la ministre de la Santé est-elle prête à déposer à l'Assemblée nationale ce document fixant les exigences du Québec en matière de participation à ce Forum national sur la santé, chargé de déterminer les priorités en matière d'assurance-maladie pour notre régime au Québec de la part du fédéral?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Robillard: M. le Président, je dépose la lettre que j'ai adressée à Mme Diane Marleau, le 27 avril 1994.


Document déposé

Le Président: Il y a consentement au dépôt du document, j'en conclus? Alors, le document est déposé. Maintenant, question principale, M. le député de Duplessis.

(10 h 20)


Autorisation par Ottawa de l'agrandissement du cimetière des Mohawks, à Oka

M. Perron: Oui, M. le Président, depuis près de deux semaines, le ministre délégué aux Affaires autochtones et son gouvernement tergiversent dans le dossier des Mohawks de Kanesatake en tentant constamment de renvoyer la balle au fédéral au lieu de prendre leurs propres responsabilités. Or, on apprenait ce matin que l'agrandissement du cimetière mohawk avait déjà été autorisé par Ottawa, parce que, de l'aveu même du ministre Ron Irwin, et je le cite: «J'ai vu dans les médias que le maire était prêt à vendre et j'ai dit aux négociateurs d'aller de l'avant avec l'agrandissement du cimetière.» Bref, selon ce dernier, le dossier était réglé.

Ma question au ministre délégué aux Affaires autochtones: Est-ce que le ministre pourrait nous informer, à savoir s'il a participé à cette grande décision du gouvernement fédéral?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.

M. Sirros: M. le Président, je dois dire que cet article, aujourd'hui, m'a surpris un petit peu. J'ai l'impression que le ministre fédéral a mal situé l'emplacement du terrain auquel se référait le maire Ouellette et que, peut-être, son analyse de la situation est un peu réductrice à l'heure actuelle et simplifie un peu trop la situation. Il est évident que je n'avais pas participé à quelque décision, tel que l'indique le député. Et il sait fort bien que nous nous empressons, ici, du côté du gouvernement du Québec, à agir, comme on l'a déjà dit, avec discernement et avec fermeté. Mon collègue de la Sécurité publique et la Sûreté du Québec appliquent de façon systématique, comme il se doit, les gestes qui sont posés.

Le Président: En question complémentaire.

M. Perron: Oui, M. le Président. Est-ce que le gouvernement va attendre la fin des travaux effectués par les Mohawks avant de prendre une décision ferme en rapport avec ce dossier? Et, est-ce qu'il entend, dans de très courts délais, avoir des représentants dans ce dossier auprès du gouvernement fédéral?

Le Président: M. le ministre.

M. Sirros: M. le Président, je sais que le député essaie de faire du capital avec ça, mais j'ai l'impression...

Des voix: Non, non.

Des voix: Oui, oui.

M. Sirros: Je pense que c'est vrai, même... De toute façon... M. le Président, de façon concrète, nos responsabilités, nous les prenons. De façon concrète, les exigences que nous avons émises pour participer à la table de négociation n'ont pas changé. Oui, il faut qu'effectivement les travaux cessent avant qu'on puisse se retrouver autour d'une table de négociation pour avoir des discussions dans un climat serein et raisonnable. Non, nous ne nommerons pas de négociateur avant que ces conditions soient rétablies et, oui, nous agirons avec célérité une fois ces conditions rétablies.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Chicoutimi.


Financement du Bureau de placement en aviation du Québec

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Depuis quelques semaines déjà, l'Association des gens de l'air du Québec négocie avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre afin de renouveler le protocole d'entente sur le financement du Bureau de placement en aviation du Québec. L'organisme recevait 90 000 $ par année pour son fonctionnement jusqu'à l'année dernière. Cette année, la Société a décidé de réduire la subvention à 65 000 $, un montant qui permettra à peine à l'organisme de survivre, car l'Association estime à 125 000 $ ses besoins, si elle veut poursuivre son travail et aider les jeunes pilotes formés au Québec à se placer.

La question au ministre responsable de la Main-d'oeuvre. Comment le ministre explique-t-il cette réduction de la subvention accordée au Bureau de placement en aviation du Québec, alors que, selon les gens de l'air, des proches collaborateurs du premier ministre s'étaient engagés en mars dernier à verser à l'organisme une subvention de 90 000 $ pour le présent exercice financier?

Le Président: M. le ministre de l'Emploi.

M. Marcil: M. le Président, je vais prendre avis de la question et je serai en mesure d'y répondre au début de la semaine prochaine, à moins qu'on ait une période de questions demain.

Une voix: Non.

M. Marcil: Non? Ça va?

Le Président: Très bien.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président: Maintenant, pour une question principale, M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.


Avenir des groupes d'éducation populaire

M. Brassard: M. le Président, d'année en année et d'avis en avis, le Conseil supérieur de l'éducation affirme et confirme l'importance de l'éducation populaire autonome, assumée, on le sait, par des centaines de groupes et des milliers de bénévoles, au Québec. Le Conseil rappelle, entre autres, dans son dernier avis sur l'éducation des adultes, «que les personnes visées sont parfois incapables de participer à l'évolution sociale, de comprendre les enjeux de la vie démocratique, de s'occuper de leur qualité de vie, de faire valoir leurs droits et de se développer de façon autonome. Les besoins éducatifs sont nombreux, dit-il, au regard, par exemple, de la santé, de la qualité de vie, de la consommation, de la vie familiale, de l'intégration culturelle et linguistique et de la préparation à l'intégration au marché du travail».

Dans ces conditions, M. le Président, pourquoi le ministre de l'Éducation a-t-il décidé de démanteler le réseau d'éducation populaire autonome, vouant ainsi à la disparition, à court terme, des groupes qui s'occupent des besoins éducatifs des plus démunis de notre société?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Chagnon: M. le Président, je voudrais, et je sais que le député est au courant... Nous avons déjà, pendant les crédits et puis avant, discuté de cette question-là ensemble. Il y a plus d'un an, on a eu des pourparlers avec les groupes d'éducation populaire autonomes et les groupes d'éducation qui s'occupaient particulièrement de l'alphabétisation. Depuis plus d'un an, il a été étudié, il a été soumis à ces groupes que notre volonté était de faire en sorte de leur permettre de travailler, désormais, avec leur ministère d'attache – quand il s'agit de la santé, c'est la Santé; quand il s'agit de l'environnement, c'est l'Environnement – puisque 80 % de leurs fonds attribués leur viennent d'un autre ministère que celui de l'Éducation. Nous avons, et je l'ai annoncé à ces groupes... Nous conserverons tous les groupes d'alphabétisation parce que, au ministère de l'Éducation, nous concevons que l'alphabétisation, strictement, concerne notre réalité scolaire. En ce qui concerne les groupes qui ont trait au ministère de la Santé, nous allons, l'an prochain, au 1er avril, transférer au ministère de la Santé ou aux autres ministères les sommes allouées à l'éducation populaire pour ces secteurs.

Le Président: En question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, comment le ministre de l'Éducation peut-il prétendre ou laisser entendre que les autres ministères, qui n'ont aucune mission éducative, vont assurer la survie de ces groupes d'éducation populaire, alors que le seul ministère qui assume la mission de l'éducation au sein de l'État a décidé de s'en débarrasser?

Le Président: M. le ministre.

M. Chagnon: M. le Président, s'il fallait avoir cette conception-là de l'éducation! Quand, dans le secteur de la santé, par exemple, on fait de la prévention, la prévention, c'est une forme d'éducation. On n'a pas demandé au ministère de l'Éducation de prendre les effectifs du ministère de la Santé en matière de prévention pour s'en occuper désormais.

Je pense qu'il faut, au contraire, être suffisamment réaliste pour s'apercevoir que les groupes qui seront transférés dans les autres ministères, non seulement ils ne perdront rien, mais ils sont déjà financés par ces propres ministères. Le ministère de la Santé finance déjà les groupes qu'ils vont recevoir. Tout ce que nous faisons, nous faisons un transfert de l'enveloppe pour des fins d'éducation populaire à ces mêmes groupes, par le biais de leur ministère d'approche. Alors, ce n'est pas bien plus compliqué que ça, M. le Président.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Brassard: Le ministre de l'Éducation peut-il reconnaître que les groupes qui seront transférés à d'autres ministères n'ont aucune garantie que leur financement sera assuré au-delà d'un an? Est-ce qu'il peut confirmer ça? Et, est-ce qu'à ce moment-là ça n'aura pas pour effet de les faire disparaître à plus ou moins long terme?

Le Président: M. le ministre.

M. Chagnon: J'ai rencontré ces groupes, M. le Président, et je leur ai dit... Ils m'ont posé la question et je leur ai dit que, bien entendu, nous ne cherchons pas à faire en sorte de les ramener dans leur ministère, leur ministère d'appoint, le ministère qui leur sert de base de financement, pour faire en sorte qu'ils disparaissent ou que leur vocation d'éducation disparaisse. Nous allons nous entendre avec les ministères pour que le transfert de subvention soit récurrent, c'est bien entendu, d'autant plus que nous croyons à ce que fait l'éducation populaire. Et ce que fait l'éducation populaire en matière d'alphabétisation – et ça, je pourrais en parler pendant un grand bout de temps – je peux vous dire qu'il se fait des choses extraordinaires, et même qu'on pourrait parfois les mettre en compétition avec ce qui se fait dans les commissions scolaires et on trouverait que les façons et les approches des groupes d'action et d'éducation populaire en matière d'alphabétisation ont souvent un meilleur score puis une meilleure moyenne que ce qui se fait dans nos institutions.

Le Président: En question principale, M. le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.


Capacité d'accueil des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse

M. Trudel: M. le Président, le directeur général du Centre de protection de l'enfance et de la jeunesse de Montréal-Centre, centre de protection de l'enfance et de la jeunesse francophone, informait les directeurs des centres de protection de la jeunesse des Laurentides, de Lanaudière et de la Montérégie que la région de Montréal n'était plus en mesure d'offrir les places nécessaires pour assurer les mesures de protection aux enfants qui ont reçu des ordonnances du tribunal et qui demandent des mesures de protection. À cet égard, donc, les régions de la Montérégie, des Laurentides et de Lanaudière ne sont plus en mesure d'offrir les mesures de protection réclamées pour les jeunes de leurs régions. Par ailleurs, aussi, les demandes d'évaluation en protection de la jeunesse au Québec sont rendues à un taux extrêmement élevé; 1140 dossiers de jeunes sont en attente d'évaluation.

La ministre de la Santé et des Services sociaux peut-elle nous indiquer quelles mesures elle entend prendre pour faire en sorte que les enfants en attente d'évaluation pour des mesures de protection au Québec soient adéquatement traités et que les régions puissent avoir les ressources nécessaires pour prendre les mesures de protection qui sont imposées?

(10 h 30)

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: Oui, M. le Président. Nous sommes très au fait de la situation. Nous la suivons de très près avec les régies régionales et aussi avec les centres jeunesse. Habituellement – et c'est le cas présentement dans cette période-ci de l'année – il y a à peu près deux périodes de l'année où il y a, de façon assez régulière, je dirais, un débordement ou un engorgement au niveau des demandes dans les centres de réadaptation, qui font suite à des ordres du tribunal. Comme on le sait, M. le Président, c'est le cas au moment où on se parle. C'est toujours le cas entre avril et juin, où on a des demandes, je dirais, qui débordent la capacité des établissements.

Donc, les centres jeunesse nous ont saisis à nouveau, cette année, de ce problème. Nous avons 278 demandes présentement qui sont au-delà de la capacité des institutions. Alors, présentement, nous sommes à travailler un plan avec les établissements pour ajouter des places à très court terme, donc ces jours-ci, pour répondre à la demande, et regarder aussi le phénomène de l'engorgement, M. le Président. Il y a un phénomène d'engorgement qui se produit surtout au niveau de la région du Grand Montréal, à partir de Montréal, mais aussi Laval, Laurentides, Lanaudière et Montérégie. Donc, nous avons étudié de façon très particulière l'ensemble de ce problème d'engorgement. Nous avons des mesures à court terme, donc, pour débloquer les places et des mesures à moyen terme pour solutionner ce problème, M. le Président.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Trudel: En plus de regarder le problème dans son ensemble, la ministre peut-elle nous indiquer si les 182 jeunes pour qui on a demandé des mesures de protection, en Montérégie, dans la région de Lanaudière, des Laurentides, vont recevoir et vont avoir les ressources nécessaires pour appliquer ces mesures de protection d'ici une semaine, dans ces trois régions, puisque ces mesures ont été demandées par le tribunal?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Robillard: Oui, M. le Président, il y a des mesures à court terme. Il y a la permission d'ouvrir des places supplémentaires au niveau des centres de réadaptation et il y a aussi la permission que certains centres puissent accueillir plus de jeunes qu'il n'est déjà permis dans ces centres-là. Oui, nous allons répondre à la demande, mais il y a un phénomène plus vaste qu'il faut regarder à moyen terme. Nous le faisons avec les cinq centres jeunesse concernés. Et nous avons un plan avec 33 mesures, pour nous assurer que ce phénomène ne revienne pas d'année en année.

Le Président: Alors, en question principale, Mme la députée de Chicoutimi.


Accès aux services à l'hôpital de Chicoutimi

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Selon des informations fournies par l'hôpital de Chicoutimi, il y avait, en mars dernier, 1424 personnes en attente d'une chirurgie, et ça, sans compter celles qui sont en attente d'une chirurgie d'un jour. Le directeur des services médicaux estime que les choses ne se sont pas améliorées depuis et, pendant ce temps, en raison des compressions budgétaires qui atteindront 6 000 000 $ pour l'exercice financier 1996, l'hôpital se voit contraint de fermer 63 lits de chirurgie et 20 en psychiatrie. En plus des services à la population, c'est évidemment la vocation de l'hôpital régional qui est menacée.

Alors, ma question à la ministre de la Santé et des Services sociaux: Devant une telle situation, comment la ministre de la Santé et des Services sociaux peut-elle prétendre que des compressions budgétaires n'affecteront pas les services aux personnes? Et, est-ce que 1500 personnes en attente d'une chirurgie, c'est là son barème de qualité d'accessibilité aux services?

Le Président: Alors, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: M. le Président, il y a une problématique particulière, à l'hôpital de Chicoutimi, que nous suivons de près avec la régie régionale de la région, la Régie du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Il y a deux problèmes qui sont soulignés par la députée de Chicoutimi, M. le Président. D'un côté, une liste d'attente au niveau de la chirurgie. J'ai déjà eu à répondre en cette Chambre des éléments nécessaires dont on doit absolument s'assurer quand on parle d'une liste d'attente en chirurgie, de quoi est composée exactement cette liste d'attente. Il y a des mesures qui sont en cours présentement, il y a des phénomènes qui se produisent, M. le Président. On a de la difficulté à valider scientifiquement ces listes quand on retrouve des patients sur différentes listes d'attente, M. le Président. C'est toute une autre question que nous suivons de près.

Mais, quant à la fermeture des lits qu'on me mentionne ici, en psychiatrie, M. le Président, il ne s'agit pas de fermeture de lits à l'hôpital de Chicoutimi, il s'agit de redéploiement des ressources qui... Une minute! M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Bon, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! MM. les députés! Mme la ministre.

Mme Robillard: Écoutez, M. le Président, il ne faut pas tenir deux discours. Quand on veut avoir la décentralisation et la régionalisation des services, quand on veut que chacune des régions prenne ses décisions concernant l'organisation des services, on en assume les conséquences, M. le Président.

Dans le cas qui nous concerne présentement, on a évalué le besoin en lits psychiatriques et le besoin en lits de longue durée. Et, M. le Président, la régie régionale, suite aux différentes analyses, s'est aperçue qu'il y avait 20 lits de psychiatrie au Saguenay et 20 lits de longue durée aussi au Lac-Saint-Jean, et il s'agit de transférer ces lits-là d'un endroit à l'autre pour répondre aux besoins de la population, M. le Président. Si la députée de Chicoutimi n'est pas satisfaite, qu'elle s'adresse au président de sa régie régionale.

Le Président: Alors, en question complémentaire, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Oui, M. le Président. La ministre, constamment, nous dit: Je suis les dossiers. Est-ce qu'elle ne pourrait pas les régler de temps en temps? Et ma question... Ma question, M. le Président...

Le Président: Votre question... Bon. À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, vous avez posé une question. Je vais revenir à la ministre et vous reviendrez à nouveau en additionnelle. Alors, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: Oui, M. le Président, nous allons les régler, mais, nous, nous allons le faire en concertation avec nos partenaires régionaux.

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire.

Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que la ministre ne reconnaît pas que la fermeture des 65 lits en chirurgie, c'est en raison des compressions budgétaires et que ça n'a rien à voir avec la région? La région est en train d'essayer de régler les problèmes que la ministre lui a mis sur les bras.

Le Président: Alors, votre question est posée. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: M. le Président, je ne peux être en accord avec l'analyse de la députée de Chicoutimi. La semaine dernière, j'ai rencontré à mon bureau le président de cette régie régionale, de même que le directeur général de cette régie, et le tableau qui m'a été présenté est complètement différent, M. le Président.

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire.

Mme Blackburn: Je demande la permission de déposer un document qui à la fois présente le tableau des listes d'attente avec les différents cas et qui émane directement de l'hôpital de Chicoutimi.


Document déposé

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document, M. le leader? Alors, il y a consentement, donc le document est déposé.

Alors, question principale, maintenant, M. le député de Duplessis.


Approvisionnement d'essence en Moyenne et en Basse-Côte-Nord

M. Perron: Oui, M. le Président. Depuis le 17 mai dernier, six villages de la Moyenne-Côte-Nord, à l'est de Havre-Saint-Pierre, ainsi que le village montagnais de Natashquan sont pratiquement paralysés, car les réservoirs de la compagnie Ultramar sont à sec. La première date prévue pour la livraison de l'essence par bateau-citerne a été fixée au 27 mai dernier, mais une deuxième date a été avancée, soit celle d'aujourd'hui, mais nous n'avons aucune nouvelle à date.

(10 h 40)

Question au ministre des Ressources naturelles: Le ministre des Ressources naturelles peut-il nous dire ce qu'il entend faire pour faire en sorte que l'approvisionnement d'essence se fasse en Moyenne et en Basse-Côte-Nord? Et peut-il nous informer de ce qu'il a fait comme intervention à date dans ce dossier?

Le Président: Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Sirros: M. le Président, comme je pense que ça a été mentionné aux nouvelles aujourd'hui, Ultramar tente de faire une livraison avec un bateau pour le 9 ou le 10 juin. Entre-temps, le Relais Nordik du ministère des Transports livrera des barils d'essence à Natashquan jeudi, pour permettre que les communautés puissent faire le lien entre maintenant et la date de livraison d'Ultramar, M. le Président.

Le Président: Alors, question principale, maintenant, M. le député de Gouin.


Rapport sur la démocratisation des services au CLSC Rosemont

M. Boisclair: M. le Président, après avoir ordonné une vérification ministérielle au CLSC Rosemont, et après aussi avoir pris connaissance des recommandations accablantes de ce rapport, la ministre de la Santé et des Services sociaux décidait de procéder à la nomination d'un observateur au conseil d'administration de cette institution.

L'observateur, M. Léonard Vincent, qui est aussi directeur général d'un autre CLSC à Montréal, a récemment remis ses recommandations à la ministre de la Santé et des Services sociaux qui doit y donner suite. Alors que les citoyens et citoyennes de Rosemont s'apprêtent à manifester de nouveau devant l'institution pour revendiquer la démocratisation des services au CLSC Rosemont, la ministre peut-elle nous indiquer s'il est vrai que l'observateur blâme principalement le directeur général et l'identifie comme principale source des problèmes dans cet établissement? Et la ministre peut-elle s'engager à déposer ce rapport pour faire preuve de transparence, comme son prédécesseur l'a fait dans le passé?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Robillard: M. le Président, je viens de recevoir ce rapport de l'observateur au CLSC Rosemont. Ce que je peux dire, à ce stade-ci, c'est que je suis préoccupée par les problèmes de ce CLSC, qui perdurent, perdurent et perdurent. Et, de façon toute particulière, on va apporter une attention à ce dossier-là parce qu'il y a des limites, je pense, à avoir des problèmes au niveau d'une organisation d'un établissement, établissement qui est là d'abord et avant tout pour rendre des services à sa population. Et c'est un établissement qui présente des difficultés d'organisation depuis plusieurs mois déjà. M. le Président, je suis en train d'analyser ce rapport, et je ferai connaître sous peu les suites que j'entends y apporter.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Boisclair: Est-ce que la ministre, qui n'a toujours pas pris l'engagement de déposer, de rendre public ce rapport, peut, à tout le moins, nous dire si la tutelle fait partie du spectre des possibilités qu'elle étudie et qu'elle envisage pour solutionner le problème dans cet établissement?

Une voix: Une curatelle.

Le Président: Alors, Mme la ministre.

Mme Robillard: M. le Président, il est très difficile de me prononcer à ce stade-ci, et il faut être très prudent quand on parle de tutelle d'un établissement. Il faut qu'une situation très grave ait été observée, dénoncée, et corresponde aussi aux articles de loi qui permettent à la ministre de mettre un établissement sous tutelle. Il est vraiment trop tôt pour me demander de me prononcer sur ce dossier-là, au niveau du CLSC Rosemont. Mais, M. le Président, j'assure les membres de cette Chambre que je vais les informer des suites au rapport.

Le Président: En question principale, M. le député de Labelle.


Implantation d'un casino dans la région de l'Outaouais

M. Léonard: M. le Président, Loto-Québec désirerait implanter un troisième casino dans la région de l'Outaouais. Une telle décision recevrait l'appui du milieu des affaires, mais, selon nos informations, le projet serait présentement bloqué au bureau du premier ministre pour cause de chicane entre les députés libéraux. Le ministre des Finances peut-il nous informer des intentions du gouvernement et nous dire si une décision à ce sujet sera prise avant la prochaine élection générale?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de recevoir, ce matin, une question de la part du critique de l'Opposition officielle en matière de finances. Je suis étonné qu'il ne souligne pas le fait que la firme Moody's a annoncé hier que le gouvernement du Québec avait vu sa cote maintenue.

Des voix: Bravo!

M. Bourbeau: Bien sûr, M. le Président, quand on parle de cote de crédit et de saines finances publiques, on parle aussi de rentrées de fonds. Et, en ce sens là, le casino de Montréal a contribué à faire en sorte que le gouvernement du Québec peut compter sur des revenus d'à peu près 170 000 000 $ pour l'année qui vient, uniquement provenant du casino de Montréal.

Pour ce qui est du...

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Président: Oui. Bon, écoutez...

M. Lefebvre: M. le Président, l'article...

Le Président: Je rappelle les gens à l'ordre. Le ministre a la parole. Alors, je voudrais bien qu'on le laisse répondre à la question. Alors, M. le ministre. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, j'invite le ministre à répondre à la question, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: Pour l'instant, le gouvernement du Québec, M. le Président, a autorisé la construction de deux casinos: celui de Montréal, et celui de Charlevoix qui sera inauguré dans quelques jours. Pour ce qui est de tout autre casino, aucune décision n'a encore été prise pour le moment.

Le Président: En question principale, M. le député de Jonquière.


Maintien des services ferroviaires entre Jonquière et Montréal

M. Dufour: Oui. Le gouvernement fédéral s'apprête à couper le service ferroviaire de Via Rail entre Jonquière et Montréal, ce qui aura pour effet d'enlever 40 points de service, d'accélérer la disparition des services ferroviaires du Saguenay–Lac-Saint-Jean et d'accroître le trafic sur la route du parc des Laurentides. Pendant ce temps, le fédéral maintient plus de 20 000 km de lignes ferroviaires non rentables dans l'Ouest du Canada, que les contribuables québécois financent à 25 %. Est-ce qu'on pourrait savoir, de la part du ministre des Transports, si le maintien des services de Via Rail entre Jonquière et Montréal constitue une priorité pour le gouvernement du Québec, et entend-il demander au fédéral de maintenir ce service?

Le Président: Alors, M. le ministre des Transports.

M. Cherry: Merci, M. le Président. C'est déjà la deuxième fois que mon collègue me pose une question sur ce dossier. Je l'ai informé la dernière fois qu'une rencontre préparatoire était à l'ordre du jour, et je l'informe aujourd'hui que le sous-ministre aux Transports du Québec rencontrera son homologue fédéral le 8 juin prochain, donc la semaine prochaine, pour la préparation de la rencontre entre le ministre des Transports fédéral et celui qui vous parle. L'ensemble des projets concernant le territoire québécois, y compris celui auquel vous référez ce matin, sera à l'ordre des discussions, M. le Président.

Une voix: Bon.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Dufour: Connaissant la date de la rencontre, est-ce que le ministre des Transports va réclamer du fédéral que le Québec soit traité sur le même pied que l'Ouest du Canada dans le domaine ferroviaire?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Cherry: Je profite de l'occasion pour réitérer que l'ensemble des dossiers du transport concernant le territoire québécois sera à l'ordre du jour. La défense des intérêts du Québec fait partie des priorités de ce gouvernement, et j'entends bien maintenir cette tradition, M. le Président.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député d'Anjou.


État du dossier des «enfants de Duplessis»

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de la Sécurité publique. Le ministre peut-il nous confirmer si l'enquête policière dans le dossier communément appelé «les enfants de Duplessis» est terminée, et peut-il nous faire le point sur l'état du dossier?

Le Président: Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Middlemiss: M. le Président, je dois indiquer que l'enquête n'est pas terminée. Je vais prendre avis pour être capable de lui donner les détails.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Laviolette.


Privatisation de certains actifs de REXFOR

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Lors du récent discours sur le budget, le gouvernement annonçait son intention de privatiser plusieurs actifs de REXFOR pour, dit-il, récupérer plus de 54 000 000 $. Curieusement, pendant que le gouvernement tente de se débarrasser de certains équipements, REXFOR aurait fait des démarches auprès des autorités du ministère afin d'obtenir une marge financière d'environ 20 000 000 $ à 25 000 000 $ pour faire des placements et des interventions à sa guise dans différentes entreprises. Le ministre des Ressources naturelles peut-il confirmer ces demandes de la part de REXFOR et, par le fait même, concilier cette position avec l'intention gouvernementale annoncée lors du budget?

Le Président: Alors, M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: M. le Président, puisqu'on fait allusion au budget, ce que nous avons dit dans le budget, c'est que les sociétés d'État, lorsqu'elles font des placements et que ces placements-là sont rendus à maturité, lorsqu'on a atteint notre objectif, on ne voit pas pourquoi le gouvernement maintiendrait indéfiniment des placements. Le gouvernement ne veut pas être une société de portefeuilles qui accumule inutilement des placements dans l'entreprise privée, soit dans une entreprise commerciale ou industrielle. Alors, ce qu'on a dit, c'est qu'on liquiderait les placements qui sont non essentiels, et que le gouvernement mettrait à la disposition des sociétés d'État des sommes d'argent pour d'autres investissements qui pourraient aider à créer des emplois dans les régions. Alors, je ne vois rien d'anormal à ce que REXFOR puisse, éventuellement, faire d'autres placements, si ces placements-là vont dans le sens des intérêts des régions du Québec, du développement économique et de la création d'emplois.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Jolivet: Alors, le ministre des Ressources naturelles peut-il, à ce moment-là, nous indiquer s'il est exact, dans le cas de l'usine Bellerive Ka'N'Enda, de Mont-Laurier, filiale à 100 % de REXFOR, qu'on s'apprêterait à faire des projets d'investissements importants pour rehausser la valeur de l'usine avant de la vendre, ce qui serait d'autant plus douteux, compte tenu que l'actuel président du conseil d'administration est le désormais tristement célèbre Mario Simard?

(10 h 50)

Le Président: Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Sirros: M. le Président, si le député veut démontrer qu'il y a quelque chose auquel il s'en prend, qu'il le fasse. Des allusions de cette nature ne l'honorent absolument pas. Je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le Président: Pour une question complémentaire.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre est au courant d'une lettre des produits forestiers Bellerive Ka'N'Enda à M. Vanier Landreville de la ville de Mont-Laurier, indiquant justement, sous la signature du directeur général, Jean-Pierre Lafrénière, dans laquelle il dit: L'intérêt de notre organisation est motivé en raison d'un projet d'investissement actuellement à l'étude, à l'usine de déroulage, alors que, dans le budget, on prévoit la vente de Bellerive Ka'N'Enda.

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Sirros: Je n'ai pas constaté de question, M. le Président. Est-ce qu'il y en a une?

Le Président: Alors, si vous voulez...

M. Jolivet: Le ministre était-il au courant?

Le Président: Si vous voulez répéter... Vous voulez répéter votre question? Ça va? Très bien. Alors, question principale, M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.


Impact économique de la fermeture éventuelle de Sergaz

M. Gendron: Oui, M. le Président, rapidement. Tout le monde est au courant des difficultés que vit la pétrolière Sergaz. On sait que c'est une pétrolière qui est implantée à peu près dans la plupart des régions du Québec. Et, très simplement, je voudrais demander au ministre du Revenu quel est le problème pour ne pas vouloir regarder l'impact économique éventuel qu'aurait, négativement, sur l'ensemble du Québec, la fermeture de la pétrolière Sergaz? Pourquoi ne veut-il pas les rencontrer?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Vallerand: M. le Président, je dois dire que le ministre du Revenu ne se refuse pas à examiner les impondérables économiques rattachés à la possible faillite de Sergaz. Mais je pense, M. le Président, et je l'ai affirmé à plusieurs occasions dans cette Chambre, depuis ma responsabilité au ministère du Revenu, faire en sorte que l'équité fiscale s'applique partout et de façon égale au Québec. Et, dans le cas de Sergaz, M. le Président, la décision du ministère du Revenu et ma décision s'inspirent des principes fondamentaux qui régissent et qui sont à la base même de l'existence du ministère du Revenu, à savoir l'équité fiscale pour tous les contribuables et également, M. le Président, dans ce contexte-là, l'équité vis-à-vis les autres commerçants. Et surtout, M. le Président, en terminant, je pense qu'on ne doit pas donner l'exemple en créant un précédent, de telle façon qu'au Québec on puisse être assuré qu'on peut se financer à même les taxes des contribuables, à la rigueur, à même les impôts des contribuables. Merci.

Le Président: En question complémentaire.

M. Gendron: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre du Revenu serait prêt, tout en respectant l'équité fiscale, à regarder la possibilité de leur donner le délai suffisant pour, d'une part, que l'État y trouve son compte, mais que, d'autre part, on n'ait pas l'impact négatif sur l'ensemble des régions, si vous contribuez, comme gouvernement, à la fermeture de Sergaz?

Le Président: M. le ministre.

M. Vallerand: M. le Président, cette réflexion a eu cours au sein du ministère du Revenu; vous le savez, Sergaz a eu un délai de plus de six mois pour tenter de nous faire une proposition financière qui pouvait nous assurer des dettes qui nous étaient redevables. À ce jour, on doit avouer que la compagnie n'a pas bonifié la proposition en fonction des intérêts que nous avons à défendre. Nous ne voyons pas l'utilité de prolonger au-delà des six mois déjà accordés les délais que nous avons déjà concédés à Sergaz. Par ailleurs, vous connaissez – je pense qu'il est public – le vote que les créanciers ont pris il y a deux jours. Ce vote-là est secret, sera connu demain. Et je pense qu'en toute éthique on devrait attendre le résultat de ce vote avant de se prononcer de quelque façon que ce soit.

Le Président: Pour une question principale, M. le député de La Prairie.


Subventions accordées à des régies gouvernementales dans le cadre du programme PAIE

M. Lazure: Merci, M. le Président. Selon le dépliant du ministère de la Sécurité du revenu, le Programme d'aide à l'intégration en emploi, le programme PAIE, qui s'adresse aux personnes assistées sociales, s'adresse – selon le dépliant – aux municipalités, aux organismes sans but lucratif et aux entreprises à but lucratif. Trois catégories. Or, des régies gouvernementales, durant l'année 1991-1992, ont reçu des subventions dans le cadre de ce programme de création d'emplois temporaires d'une durée de six mois.

Alors, la question à la ministre de la Sécurité du revenu: Comment peut-elle expliquer que la Régie de l'assurance-maladie du Québec a reçu 42 000 $ de subventions à même le programme PAIE et que la Régie des rentes du Québec a reçu 29 000 $ du même programme?

Le Président: Mme la ministre de la Sécurité du revenu.

Mme Trépanier: M. le Président, je prendrai avis de cette question.

Le Président: Alors, ceci met fin à la période de questions.


Réponses différées

Maintenant, tel qu'annoncé précédemment, M. le ministre des Affaires municipales répondra maintenant à une question posée le 25 mai dernier par M. le député de Dubuc concernant la Régie de la sécurité dans les sports. Alors, M. le ministre des Affaires municipales.


Descente de rivière en canot pneumatique

M. Ryan: Le député de Dubuc s'inquiétait du rôle de la Régie des sports en relation avec une tragédie qui s'est produite sur la rivière Jacques-Cartier, alors que deux personnes ont perdu la vie pendant une descente de rivière en canot pneumatique, une excursion de «rafting», comme on dit couramment.

J'ai pris contact avec la Régie à ce sujet. Évidemment, la Régie est saisie du problème depuis longtemps. Il existe un règlement régissant les entreprises de «rafting», un règlement qui émane d'une fédération qui les réunit, mais qui a été approuvé par la Régie, excepté que ce règlement n'est pas obligatoire. Et je crois comprendre que l'entreprise qui exploitait l'excursion au cours de laquelle a eu lieu la tragédie n'est pas affiliée à cette Fédération.

Dans un cas comme celui-là, la Régie peut adopter un règlement pour imposer à l'organisme en question l'observance du règlement de sa Fédération. J'ai demandé à la Régie de le faire dans les plus brefs délais. Ça n'existait pas actuellement. Il y a toutes sortes de complications administratives, mais j'ai demandé au président par intérim de la Régie de me faire rapport là-dessus au cours des prochains jours, de manière que nous puissions assurer qu'une sécurité de base sera procurée dans ce sport extrêmement dangereux. Je crois qu'il faut réviser également les pouvoirs d'inspection de la Régie, ses pouvoirs d'émission de permis, ses pouvoirs de sanction dans des cas où des conditions minimales de sécurité ne seraient pas observées dans un sport comme celui-là.

Le député m'avait posé également une question au sujet des pouvoirs d'inspection de la Régie. Je pense que je viens de répondre. Ces pouvoirs ne sont pas satisfaisants comme ils sont présentement définis dans la loi. Je crois qu'il faudra les définir de manière qu'ils puissent s'appliquer beaucoup plus efficacement qu'actuellement.

Le Président: Ça va? Très bien. Maintenant, M. le ministre des Finances répondra à une question posée le 19 mai 1994 par M. le député de Westmount concernant les obligations des copropriétaires de condominium, en vertu du Code civil. M. le ministre des Finances.


Obligations des copropriétaires de condominium, en vertu du Code civil

M. Bourbeau: M. le Président, le député de Westmount avait fait écho à un article de journal qui laissait entendre que les personnes qui sont en copropriété divise pourraient être sujettes à des amendes de 2000 $, si elles ne s'enregistraient pas dans les jours qui viennent. On sait que le nouveau Code civil fait obligation aux copropriétés, qui sont considérées comme des personnes morales, d'être assujetties à l'immatriculation. Bon, un coût de 30 $ par année pour être assujetti à l'immatriculation.

Comme la mesure est entrée en vigueur au début de l'année, qu'elle devenait effective au début de mars, en théorie, bien sûr, si elles ne sont pas enregistrées, elles pourraient faire l'objet de poursuites. J'ai vérifié, comme je l'avais indiqué, avec l'Inspecteur général des institutions financières, qui me dit que, compte tenu de la situation, compte tenu des dossiers, compte tenu du volume des copropriétés en cause, il va tenir compte de l'ensemble de la situation et va faire preuve d'une certaine compréhension.

Bien sûr, la loi devra être respectée, mais je pense qu'il est absolument exagéré de prétendre que, demain matin, on va imposer des amendes de 2000 $ à un copropriétaire qui aurait oublié de s'enregistrer. Il faut donc s'enregistrer dans les meilleurs délais, M. le Président, et je pense qu'il s'agit là vraiment d'une tempête dans un verre d'eau.

Le Président: Alors, tel que le prévoit le règlement, je reconnais M. le député de Westmount pour une question complémentaire.

M. Holden: Est-ce que le ministre ne réalise pas que c'est plutôt une question de ressources financières et matérielles auprès de l'Inspecteur général, et est-ce qu'il est prêt à ajouter ou à aider l'Inspecteur général pour que le travail soit fait valablement pour éviter tous ces délais?

(11 heures)

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: M. le Président, j'ai aussi vérifié avec l'Inspecteur général cette question de la publicité qu'on a pu faire ou qu'on devrait faire pour informer les copropriétés, et, dans ce sens-là, la question du député et la réponse vont aider à faire cette publicité. Et l'Inspecteur général m'affirme, M. le Président, qu'il prend présentement les mesures pour s'assurer que les professionnels de ce domaine-là, avocats, notaires, comptables, etc., vont recevoir toute l'information requise pour que leur clientèle soit adéquatement informée dans les prochains jours et les prochaines semaines.

Le Président: Très bien.

Il n'y a pas de votes reportés.

Motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions. En requérant l'attention des collègues, je cède donc la parole au leader adjoint du gouvernement pour les avis touchant les travaux des commissions.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président...

Le Président: Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît! Alors, allez-y, M. le leader adjoint du gouvernement, vous avez la parole.

M. Lefebvre: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi 30, Loi modifiant la Loi sur les immeubles industriels municipaux; projet de loi 28, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme; projet de loi 29, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et d'autres dispositions législatives; projet de loi 26, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d'autres dispositions législatives; projet de loi 193, Loi concernant la cité de Côte-Saint-Luc et la ville de Montréal.

J'avise également, M. le Président, les membres de l'Assemblée qu'après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi 31, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, et que, de 11 heures à 13 heures et de 15 heures à 17 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail complétera ses auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le régime des décrets de convention collective ainsi que sur le rapport du Comité interministériel sur les décrets de convention collective de février 1994. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.

Maintenant, renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Il n'y en a pas. Donc, ceci met fin aux affaires courantes.


Affaires du jour

Nous allons maintenant procéder aux affaires du jour, et j'inviterais le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'article du feuilleton qui fera l'objet de nos débats. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je vous demanderais d'appeler l'article 10 du feuilleton, M. le Président.


Projet de loi 23


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: À L'article 10 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 31 mai dernier, sur l'adoption du principe du projet de loi 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec. M. le leader adjoint de l'Opposition.


Motion d'ajournement du débat

M. Gendron: Oui. Je voudrais avoir l'attention du leader adjoint. Est-ce qu'il serait possible, M. le Président, pour quelques minutes seulement, d'inverser l'ordre du feuilleton et de commencer avec le projet de loi 10 sur les services gouvernementaux, qui est une adoption du rapport. En tout cas, nous, nous serions prêts. Et, dans quelques minutes à peine, notre collègue orateur prévu sur le projet de loi 23 sera des nôtres. Alors, ou bien vous acceptez la suggestion ou bien on suspend quelques secondes.

M. Lefebvre: Pas d'objection, M. le Président.

Le Président: Oui. Un instant, M. le leader.

M. Lefebvre: Oui.

Le Président: Simplement...

M. Lefebvre: Oui, le ministre responsable...

Le Président: Oui. Un instant. Juste une minute.

M. Lefebvre: Oui.

M. Gendron: Alors, «call»-le!

Le Président: Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: On est d'accord, M. le Président. Alors, je vous...

Le Président: Nous allons donc, si je comprends bien, ajourner le débat sur le projet de loi 23. C'est bien ça, une demande d'ajournement du débat? Donc, le débat est... À ce moment-là, au nom du leader adjoint du gouvernement, le débat sur le projet de loi 23 sera ajourné.

M. Lefebvre: C'est ça.

Le Président: Très bien.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Je fais motion dans ce sens-là, M. le Président, et je comprends que la motion est adoptée.


Mise aux voix

Le Président: La motion est adoptée? Donc, adopté.

M. Lefebvre: Je vous demande maintenant d'appeler l'article 29 du feuilleton.


Projet de loi 10


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: Donc, l'article 29 du feuilleton. L'Assemblée va maintenant prendre en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 10, Loi sur les services gouvernementaux aux ministères et organismes publics et modifiant diverses dispositions législatives. Je vais reconnaître comme premier intervenant, à ce moment-ci, M. le ministre délégué aux Services gouvernementaux. M. le ministre.


M. Jean Leclerc

M. Leclerc: Merci, M. le Président. M. le Président, les membres de l'Assemblée nationale ont adopté, le 5 mai 1994, le principe du projet de loi 10, intitulé Loi sur les services gouvernementaux aux ministères et organismes publics et modifiant diverses dispositions législatives. Cette pièce législative que j'ai présentée en mars dernier me tient particulièrement à coeur. Ce projet de loi fort important permettra, en effet, de donner une assise législative, une fonction et un encadrement à une organisation appelée les Services gouvernementaux que le premier ministre, M. Johnson, a placé sous ma responsabilité en janvier dernier.

Le 10 mai 1994, la commission du budget et de l'administration a siégé afin de procéder à l'étude détaillée de ce projet de loi que je nommerai, par simplification, loi sur les services gouvernementaux. Cet exercice qui s'est effectué dans un esprit de collaboration aura permis d'apporter quelques bonifications au projet de loi. Je profite d'ailleurs de cette occasion pour remercier sincèrement les membres de la commission parlementaire et aussi les fonctionnaires associés à notre démarche.

Nous en sommes maintenant à l'étape de prise en considération du rapport de la commission du budget et de l'administration, puisque l'Assemblée a déjà adopté le principe du projet de loi.

M. le Président, je crois pertinent de rappeler, dans un premier temps, l'essentiel du mandat des Services gouvernementaux. Je résumerai, par la suite, les trois modifications apportées au projet de loi au cours de son étude article par article.

Les principaux pouvoirs du ministre ont été définis au chapitre I de la future loi sur les services gouvernementaux. Ils se présentent comme suit:

«1° obtenir des ministères et des organismes publics [...] l'inventaire des biens et des services dont ils disposent;

«2° s'assurer que les ministères et les organismes publics [...] obtiennent les biens et les services nécessaires à l'exercice de leurs activités;

«3° prendre les mesures nécessaires pour accroître l'efficacité et l'efficience des ministères et des organismes publics [...] et pour restreindre leurs dépenses relativement à l'acquisition et à la construction de biens ainsi qu'à la location et à la fourniture de biens et de services, notamment pour l'obtention du meilleur rapport qualité/coût;

«4° faciliter les relations entre l'État et les citoyens, notamment en favorisant la diffusion des renseignements sur les services offerts par le gouvernement, les ministères et les organismes publics désignés par le gouvernement;

«5° favoriser la diffusion de l'information et des documents d'intérêt public produits et détenus par les ministères et les organismes publics désignés par le gouvernement;

«6° gérer les droits d'auteur des documents détenus par le gouvernement, les ministères et les organismes publics [...] et veiller à l'application des normes élaborées conjointement avec le ministre de la Culture et des Communications, en matière d'acquisition, d'utilisation et de gestion de ces droits;

«7° proposer au gouvernement les emblèmes du Québec ainsi que les normes de signature gouvernementale et d'identification visuelle applicables aux ministères et aux organismes publics [...] et veiller à leur application.»

En bref, les services gouvernementaux dispensent aux ministères, aux organismes et à la population une très grande variété de services. Cette organisation se trouve donc au coeur de l'activité gouvernementale et elle joue un rôle de premier plan pour le bon fonctionnement de l'État québécois.

J'aimerais maintenant, M. le Président, faire brièvement état des amendements apportés au projet de loi 10 pendant son étude détaillée. J'invite par la même occasion les parlementaires intéressés à prendre connaissance du rapport de la commission du budget et de l'administration à ce sujet.

Le chapitre IV de la future loi sur les services gouvernementaux porte sur les fonctions, les activités et les responsabilités de l'Éditeur officiel du Québec. L'article 22 du projet de loi a été modifié pour préciser que la personne désignée pour agir à titre d'Éditeur officiel doit avoir le rang d'administrateur d'État, ce qui s'avère tout à fait conforme à l'importance de cette fonction.

Deux amendements similaires ont été apportés respectivement aux articles 41 et 43 du projet de loi. Ces articles font partie du chapitre V qui traite, notamment, des dispositions de concordance avec d'autres lois. Les modifications ont pour but de remplacer des références à la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services par des références à la présente loi, plus précisément au paragraphe 2° de l'article 2 où l'on traite des biens et des services nécessaires à l'exercice des activités des ministères et des organismes publics. On peut dire qu'il s'agit d'amendements légers.

Les travaux menés jusqu'à maintenant, M. le Président, témoignent d'une volonté de donner rapidement une assise juridique solide à l'entité Services gouvernementaux. Cette organisation, je le rappelle, occupe une place fort importante au gouvernement du Québec.

Je propose donc aux membres de l'Assemblée nationale d'adopter le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a procédé à l'étude détaillée du projet de loi 10, intitulé Loi sur les services gouvernementaux aux ministères et organismes publics et modifiant diverses dispositions législatives. Je vous remercie.

(11 h 10)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître un député de l'Opposition officielle, M. le député de Portneuf. Alors, M. le député.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, nous sommes effectivement à l'étape de la prise en considération du projet de loi 10, Loi sur les services gouvernementaux aux ministères et organismes publics, projet de loi qui modifie différentes dispositions législatives. On se rappellera que ce projet de loi a été adopté au niveau de son principe le 5 mai 1994 et que la commission du budget et de l'administration a déposé son rapport le 11 mai 1994.

M. le Président, j'aimerais intervenir sur ce projet de loi en y allant de considérations, dans un premier temps, assez larges pour, ensuite, commenter sur un point particulier du projet de loi, en trois points. Premièrement, revenir sur la question de la réorganisation gouvernementale et ses impacts sur l'efficacité, l'efficience de l'appareil d'État.

On se souviendra, M. le Président, que j'avais déjà mis en doute l'opportunité pour le gouvernement de procéder, à ce stade-ci, selon une décision prise par le premier ministre en janvier dernier, à une réorganisation importante de l'appareil gouvernemental par la fusion d'un certain nombre de ministères et par la dévolution d'un certain nombre de responsabilités à différents endroits de l'appareil d'État, que cette décision, en fin de mandat, m'apparaissait être contestable quant à sa pertinence, puisque nous sommes à la veille d'une échéance électorale, une nouvelle équipe arrivera en place, de quelque côté qu'elle soit – je n'en suis pas, M. le Président, à présumer du résultat de l'élection, loin de là – mais une nouvelle équipe arrivera en place, un nouveau gouvernement, quel qu'il soit, et, à ce moment-là, il aura à prendre un certain nombre de décisions quant à la réorganisation de ces façons de faire. Ça veut dire, éventuellement, devoir retoucher à certains ministères, à certaines sociétés et, encore là, devoir encourir un certain nombre de coûts inévitablement reliés à de telles décisions.

Alors, nous sommes devant l'exemple, par le projet de loi 10, de ce que ça veut dire, ces mouvements-là, en termes de coûts pour l'administration publique. On se rappellera que l'effet – et on le retrouve dans les renseignements sur les crédits par ministère contenus au dernier budget, aux derniers crédits – sera, en ce qui regarde, par exemple, le Conseil du trésor, d'ajouter l'ex-ministère des Approvisionnements et Services, sauf les provisions touchant la Société immobilière du Québec, et certaines activités relatives au Service des communications en provenance de l'ex-ministère des Communications. De la même façon, au niveau du nouveau ministère Culture et Communications, on voit la fusion de l'ex-ministère des Communications, à l'exception des activités transférées au Conseil du trésor et de la Commission d'accès à l'information laquelle est transférée au ministère de la Justice, activités touchant la francophonie en provenance de l'ex-ministère des Affaires internationales. Et ça ne constitue qu'un petit exemple de l'effet de la réorganisation gouvernementale.

Ça, ça veut dire que ce ministère-là comme d'autres, ce secteur d'intervention de l'État se retrouve avec un nouveau titulaire, avec de nouvelles responsabilités qui échoient à des personnes. Même si on essaie souvent de changer le moins possible d'attributions de façon à faire en sorte qu'on ne réduise pas l'efficacité de la machine gouvernementale, ça a quand même un impact, M. le Président.

On se rappellera que la seule création du ministère des Forêts il y a maintenant quelques années avait coûté 30 000 000 $ et que, dans la présente réorganisation gouvernementale, on ressoude ensemble ce qu'on avait séparé à ce moment-là. Donc, c'est certainement, au minimum, 30 000 000 $ de pertes nettes auxquelles s'ajoute le coût, effectivement, de la «refusion» de ce ministère-là. Quand, dans un article du 30 mai 1994, on nous parle des 3 000 000 $ qu'on fait épargner aux contribuables québécois comme suite, justement, de la réorganisation de l'appareil gouvernemental, M. le Président, rien que pour rattraper les pertes ou les coûts qu'a signifiés, il y a quelques années, la création du ministère des Forêts qu'on ressoude maintenant ensemble, ça va prendre au moins 10 ans pour rattraper les pertes d'argent qu'on a connues à l'occasion de cette organisation du ministère des Forêts et que, maintenant, on ressoude.

Si on prend cet exemple-là et qu'on l'applique à l'ensemble des ministères qu'on ajuste maintenant, qu'on fusionne, imaginez les coûts que ça peut représenter. C'est vraiment par dizaine et dizaine de millions de dollars, à ce moment-là, que se chiffre ce coût-là. Et ça prendra beaucoup plus que 3 000 000 $, sur combien d'années, juste pour rattraper ce qu'on aura perdu, en termes de coûts, par l'initiative du gouvernement. Je tiens, M. le Président, à juste profiter de mon intervention en ce qui regarde le projet de loi 10 pour dire, justement, que ce qui a été fait à ce moment-là, dans ce cas-là, va signifier, pour le gouvernement et pour l'ensemble de la collectivité québécoise, des coûts additionnels importants.

Je rappellerais également qu'on faisait état, le 15 janvier dernier, d'un document du ministère de l'Énergie et des Ressources, qui avait été préparé en vue de la création du ministère des Forêts, et on disait dans ce document-là, dans ce rapport-là qu'il faut des efforts et des énergies considérables sur une période de un an ou plus pour redonner une erre d'aller à une nouvelle organisation. Et on soulignait que tout le bouleversement structurel qu'avait impliqué cette transformation-là aurait pour effet d'insécuriser considérablement le personnel dont, notamment, le personnel cadre, et tout ceci ayant un effet négatif sur la productivité.

Je termine sur ce premier point, M. le Président. L'effet d'un tel brasse-camarade dans l'administration gouvernementale en fin de mandat fait en sorte qu'on aura à assumer, comme collectivité québécoise, des coûts importants de non-productivité, parce que, pendant qu'on se réorganise, on travaille toujours de façon moins efficace, et que tout ceci devra être réévalué probablement à brève échéance par un nouveau gouvernement, de quelque côté qu'il soit. Donc, M. le Président, je pense qu'on peut douter de la pertinence du geste qu'a posé le gouvernement par sa réorganisation.

Et j'en viens maintenant, comme second point, à la question, justement, de la création de cette unité intégrée à la structure du Conseil du trésor, au niveau des Services gouvernementaux, et dont le ministre délégué est responsable. M. le Président, un autre aspect sur lequel ce projet de loi m'apparaît être éminemment contestable, c'est ce constat qu'on fait de plus en plus actuellement, à l'effet que le Conseil du trésor et les organismes ou fonctions qui lui sont directement associées témoignent depuis quelques années d'un embonpoint remarquable. On se rappellera également, en utilisant l'exemple du livre des crédits, M. le Président, que le Conseil du trésor comporte deux programmes, finalement: le programme 1 qui concerne la gestion budgétaire et les politiques administratives, et le programme 2, Services gouvernementaux.

Au programme 1, de quoi est-il question? D'activités qui sont directement reliées, je dirais, à la fonction naturelle d'un organisme normatif et de contrôle, comme le Conseil du trésor. Et je lis la description du programme, c'est intéressant, M. le Président: «Ce programme vise à établir des politiques générales de gestion des ressources humaines, à déterminer l'allocation des ressources humaines, matérielles et financières conformément aux priorités du gouvernement et à veiller à ce que les ministères et les organismes qui en dépendent les utilisent efficacement dans l'exécution de leurs programmes.» On voit donc que c'est un rôle, je dirais, normatif, de contrôle, où le Conseil du trésor établit des paramètres, par exemple, par les programmations budgétaires, qui devront, par la suite, dans l'exécution des activités, être respectés par les ministères et les organismes et, en cas d'incapacité de les respecter, ces ministères devront revenir devant le Conseil du trésor pour venir en dérogation, donc avoir une autorisation du Conseil du trésor de procéder autrement que ce que prévoit, par exemple, une programmation budgétaire.

Nous voici maintenant au Conseil du trésor avec un programme 2, suite à la restructuration, programme 2 qui se lit comme suit, M. le Président, au niveau de sa définition: «Ce programme vise à informer les citoyens sur les programmes et services du gouvernement et à fournir divers services aux ministères et organismes; il vise également à assurer l'encadrement normatif et réglementaire concernant l'acquisition des biens et services.» On voit donc que, dans ce deuxième volet, finalement, du mandat du Conseil du trésor, il y a un aspect carrément de rendre des services à la population, en ce qui regarde les services de communication, et de rendre des services aux ministères et organismes, en ce qui regarde la fourniture ou l'acquisition de biens et de services.

(11 h 20)

Alors, on se retrouve avec un Conseil du trésor totalement hybride qui, bien sûr, possède un certain nombre de responsabilités dans le giron des responsabilités naturelles d'un organisme comme celui-là, mais qui, également, est un organisme qui sera, directement ou indirectement, appelé à rendre des services directs à la population ou aux autres ministères et organismes. Il y a là une duplication de rôles qui met le Conseil du trésor lui-même dans une position potentiellement de conflits de rôles, à toutes fins pratiques. L'organisme qui définit les règles est en même temps, pour certaines activités, l'organisme qui est l'exécutant direct ou indirect de ces activités-là. Alors, ça implique, à un moment donné, que le Conseil du trésor devient, à toutes fins pratiques, presque juge et partie dans ces décisions.

On a vu récemment le cas de la transaction sur les CL-215, M. le Président, où le ministre délégué aux Services gouvernementaux s'offusquait des questions qui étaient posées et se demandait si on ne remettait pas en cause, justement, l'intégrité ou la compétence, par exemple, des fonctionnaires du Conseil du trésor. Bien loin de nous l'idée de remettre en question l'intégrité, la compétence et l'honnêteté des gens qui font les analyses. Mais, quand à l'intérieur d'un même organisme on est à la fois celui qui, au fond, dispose de la demande et en même temps fait la demande au Conseil du trésor, il y a comme là un problème, M. le Président. Donc, cette réorganisation gouvernementale, eu égard au rôle normalement consenti à un organisme comme le Conseil du trésor, m'apparaît être pour le moins contestable. Et c'est un des points qui font en sorte, M. le Président, que nous sommes plutôt réservés et même contre l'adoption de ce projet de loi, tel qu'il est présenté.

Et je rappellerais également, M. le Président, un autre aspect qui m'apparaît important. Nous nous retrouvons aujourd'hui, quand je parle d'embonpoint d'un organisme comme le Conseil du trésor, à un moment où on prêche l'importance de la décentralisation, de la responsabilisation des ministères et des organismes et de leurs titulaires, avec un Conseil du trésor qui, au niveau uniquement de la gestion budgétaire et des politiques administratives, compte environ 355 personnes et, du côté des Services gouvernementaux, environ 565 personnes, ce qui fait tout près de 1000 employés qu'on retrouve au sein de cet organisme.

Je me souviens, M. le Président, d'une opinion qu'avait émise, de façon informelle, j'en conviens, un ex-secrétaire du Conseil du trésor, qui avait dit: Le jour où le Conseil du trésor passera à 175 personnes, il faudra se poser des questions. Je me demande si on n'aura pas, à ce moment-là, perdu un peu le contrôle, d'une certaine façon. Est-ce que le Conseil du trésor, à ce moment-là, jouera son véritable rôle? Bon. On se retrouve aujourd'hui avec un organisme qui, uniquement au niveau de la gestion budgétaire et des politiques administratives, compte 355 personnes. Alors, je pense qu'on fait fausse route, M. le Président, en ajoutant à un organisme déjà omniprésent quant à, je dirais, son rôle – bien sûr, c'est un peu normal – mais aussi quant au nombre de personnes qu'on y retrouve, en y ajoutant, en plus, tout le secteur des Services gouvernementaux, ce qui le met dans des positions éventuellement délicates quant à certaines décisions et, d'autre part, ce qui ne vient que rajouter à l'embonpoint déjà existant. Voilà pour le deuxième point, M. le Président.

J'aimerais enfin intervenir en relation avec un des aspects, un des articles ou certains articles du projet de loi sur lesquels j'ai eu l'occasion d'échanger avec le ministre à l'étape de l'examen article par article et qui nous laissent, je dirais, profondément insatisfaits malgré les efforts, je pense, honnêtes, dans les circonstances, que le ministre a consentis pour, d'une part, essayer de comprendre notre point de vue et, d'autre part, examiner les solutions possibles. C'est toute la question du statut de syndiqué des personnes qui auparavant se retrouvaient dans les Approvisionnements et Services ou dans les Communications et qui se retrouveront maintenant au sein des Services gouvernementaux. Juste un bref rappel, M. le Président.

Le Code du travail, au niveau de ses définitions, rappelle qu'un salarié est une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération, mais que, cependant, ce mot ne comprend pas un certain nombre de personnes dans des situations particulières. Par exemple, il ne comprend pas «un fonctionnaire du gouvernement dont l'emploi est d'un caractère confidentiel au jugement du Tribunal du travail ou aux termes d'une entente liant le gouvernement et les associations accréditées conformément au chapitre IV de la Loi sur la fonction publique qui sont parties à une convention collective qui autrement s'appliquerait à ce fonctionnaire». Bon. Un peu plus loin dans le même alinéa d'un article du Code du travail, ça ne comprend pas un fonctionnaire du Conseil du trésor. Bon. Ce que l'article 33 du projet de loi 10 vient faire, M. le Président, c'est d'essayer, d'une certaine façon, de trouver le moyen, malgré que les fonctionnaires qui appartiendront aux Services gouvernementaux font partie de l'ensemble du Conseil du trésor et donc, à cet égard, sont non syndicables, malgré cette disposition, qu'on puisse trouver le moyen quand même de leur garantir leur syndicalisation et de faire en sorte qu'ils ne perdent pas au niveau de leur statut, comme conséquence, si vous voulez, des changements qui sont faits au niveau de la réorganisation gouvernementale.

Alors, l'article 33 du projet de loi vient simplement enlever la référence au Conseil du trésor dans la nomenclature des personnes non comprises dans la définition de «salarié» et vient ajouter un article 3.2° qui se lit, si vous me permettez, M. le Président, que j'y réfère directement, de la façon suivante: «un fonctionnaire du Conseil du trésor sauf dans les cas que peut déterminer, par décret, le gouvernement». Donc, il y a là, je pense, une perte de sécurité, d'une certaine façon, pour les employés dans la mesure où, auparavant, le statut de syndiqué était garanti par des dispositions législatives, alors que, désormais, elles ne seront garanties que par, finalement, une décision du Conseil des ministres ou par décret. Bon. Ça m'apparaît être et ça nous apparaît, M. le Président, être une garantie, je veux dire, beaucoup moins forte éventuellement qu'une garantie par le biais d'un article inclus dans le Code du travail ou dans une loi, qui fait en sorte que, si on veut modifier ce statut-là, bien, ça donne lieu à un minimum de débat, alors que, par décret, ce débat-là risque pour le moins d'être écourté, M. le Président.

Pourtant, de notre point de vue, il y aurait probablement eu moyen de procéder autrement. Par exemple, le Code du travail prévoit qu'effectivement le mot «salarié» ne comprend pas, par exemple, «un fonctionnaire du gouvernement dont l'emploi est d'un caractère confidentiel au jugement du Tribunal du travail». Ça aurait pu être, plutôt que par l'avenue du décret, de soumettre simplement l'évaluation des emplois, éventuellement syndicables ou pas, au jugement du Tribunal du travail tel, d'ailleurs, que ça a été, comme solution, suggéré par le Syndicat, je crois, des fonctionnaires du gouvernement du Québec. Le ministre a manifestement, et le gouvernement, préféré emprunter la voie du décret qui donne, il est vrai, plus de latitude au gouvernement dans ses décisions, qui donne également, par ailleurs, moins de sécurité aux employés concernés par ce transfert.

Alors, M. le Président, même si, bien sûr, le rapport de la commission m'apparaît conforme, tout à fait conforme aux discussions que nous avons eues, il est certain qu'à ce stade-ci nous aurons l'obligation de voter contre le projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. M. le ministre, pour un temps de réplique.


M. Jean Leclerc

M. Leclerc: M. le Président, très brièvement. Je voudrais répliquer en quelques minutes aux points qu'a soulignés le député de Portneuf. D'abord, quant à l'opportunité de faire des changements dans le type de ministère que nous avons au gouvernement en fin de mandat, je lui rappellerai, et il s'en rappelle sûrement même s'il n'était pas membre de l'Opposition à ce moment-là, que les changements que nous proposons sont beaucoup moins coûteux que ceux qu'avait proposés le Parti québécois en 1985 en fin de mandat. Vous vous rappellerez qu'ils avaient créé six ou sept nouveaux ministères. Ils avaient même nommé cinq ou six ministres non élus, Mme Lalonde, Mme Denis, Mme Beaudoin, etc.

Je pense qu'il n'y a pas de mauvais moment pour économiser l'argent des contribuables et je vous donnerai l'exemple qui est le mien où, de trois cabinets ministériels, deux à Québec et un à Montréal, nous avons réduit ça à un. Alors, il n'y a pas de mauvais moment. Il n'y a pas de période non correcte pour procéder à des changements qui font épargner de l'argent aux contribuables. Et le député s'en rappellera, on avait créé, en 1985, en fin de mandat, au Parti québécois, toutes sortes de ministères et de ministres. Il y avait même un ministre délégué à la Concertation. On se demande encore, 10 ans après, ce qu'il faisait, M. le Président.

(11 h 30)

Alors, je sais que le député n'était pas dans l'Opposition à ce moment-là, mais je lui rappelle le genre de changements qu'avait proposés sa formation politique en fin de mandat en 1985.

Il faisait aussi état, le député de Portneuf, dans ses remarques, en se demandant pourquoi les Services gouvernementaux étaient rattachés au Conseil du trésor. M. le Président, ce qu'il faut faire comprendre à la population, c'est que le Conseil du trésor produit des directives quant au personnel, cela va de soi. Et il va aussi de soi que les organismes du gouvernement qui fournissent au personnel les instruments nécessaires à la réalisation de leur mandat – toute l'infrastructure gouvernementale, que ce soit la téléphonie, la reprographie, la messagerie, et même jusqu'aux bâtiments, jusqu'aux locaux où ces gens-là travaillent – il va un peu de soi que les directives qui sont données quant au personnel se traduisent par des gestes cohérents dans l'infrastructure que nous fournirons à ce personnel-là. Alors, quand il y a des changements dans le personnel au gouvernement, quand il y a des changements dans les effectifs, si nous voulons avoir des économies pleines et entières des décisions que nous prenons, il faut que l'infrastructure et tout ce qui est fourni à l'appareil gouvernemental pour produire de bons résultats, il faut qu'il y ait une cohérence entre les décisions de personnel et les décisions d'infrastructure. Et ça tombe sous le sens de faire en sorte de regrouper ces deux activités sous un même chapeau. Cependant, il faut comprendre que, dans l'administration de tous les jours, les Services gouvernementaux relèvent d'un ministre et d'un sous-ministre associé, d'un secrétaire associé, qui ont toute la latitude pour faire en sorte de prendre les décisions qu'ils ont à prendre dans la gestion des activités des Services gouvernementaux.

Troisièmement, quant au statut des syndiqués, je dois dire que nous en avons discuté, le député de Portneuf et moi-même – il y avait le député de Verdun également – en commission parlementaire, et on a, en toute bonne foi, tout le monde, essayé de trouver une solution qui aurait pu faire l'affaire des deux formations politiques de cette Chambre. Cependant, ce que nous proposait le député de Portneuf, qui valait qu'on l'étudie, c'était de s'en remettre au Tribunal du travail pour déterminer quels postes aux Services gouvernementaux devraient être syndicables et quels postes ne devraient pas être syndicables. Évidemment, ça mettait celui qui vous parle dans une drôle de situation, puisque je m'étais engagé auprès des employés des Services gouvernementaux à ce que tous ceux et celles qui étaient syndiqués dans les anciens ministères où ils travaillaient, c'est-à-dire Approvisionnements et Services et Communications, je m'étais engagé auprès de ces gens-là, auprès de leurs organisations syndicales, à ce que 100 % de ces gens-là soient syndiqués dans l'organisation des Services gouvernementaux. Alors, vous comprenez que c'était un petit peu délicat pour celui qui vous parle d'accepter une proposition qui aurait permis au Tribunal du travail ou à qui que ce soit d'autre de statuer sur quels sont les postes qui devraient être ou ne devraient pas être syndiqués dans notre organisation, alors que je m'étais déjà engagé à ce qu'ils le soient tous.

Alors, M. le Président, je ne dis pas que la proposition du député de Portneuf n'était pas de bonne foi, mais elle ne rencontrait pas les engagements que j'avais pris personnellement suite à ma nomination. Parce que ça tombe un peu sous le sens que ceux et celles, par exemple, qui travaillaient à la reprographie gouvernementale lorsque nous relevions d'Approvisionnements et Services, tous ces gens-là aient les mêmes droits à la syndicalisation, alors que leur travail était strictement le même et que c'était seulement le nom du ministère ou le nom de l'organisation qui changeait.

Alors, M. le Président, je regrette de dire au député de Portneuf que ce qu'il proposait, qui n'était pas dépourvu de bon sens, ne permettait pas à celui qui vous parle de rencontrer complètement les engagements qu'il avait pris envers ses employés. D'autre part, j'avais également dit au député de Portneuf, à ce moment-là, que j'étais prêt, que l'Assemblée était sans doute prête à étudier d'autres amendements qu'il aurait pu proposer sur cette question, à cette étape-ci. Je dois dire que ce n'était pas simple de trouver un libellé qui aurait permis de permettre à celui qui vous parle de rencontrer complètement ses engagements et de permettre à la fois au député de Portneuf de faire valoir ses points.

Alors, je considère que la commission a pris la meilleure des décisions en statuant que, par décret, le gouvernement pourra faire en sorte que tous les employés des Services gouvernementaux aient droit à la syndicalisation.

M. le Président, ça fait le point sur certains commentaires que j'avais suite au discours du député de Portneuf.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Alors, ceci met fin au débat.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission du budget et de l'administration portant sur le projet de loi 10, Loi sur les services gouvernementaux aux ministères et organismes publics et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Doyon: Oui. Vous voudrez bien maintenant, M. le Président, appeler l'article 10 du feuilleton.


Projet de loi 23


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. À l'article 10, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 31 mai dernier, sur l'adoption du principe du projet de loi 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec. Alors, est-ce qu'il y a un intervenant? Non. Très bien.


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté sur division. Très bien. M. le leader.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Doyon: Maintenant, M. le Président, je voudrais faire motion pour que ledit projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Doyon: Oui. J'aimerais aussi, M. le Président, aviser cette Assemblée qu'aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi 23, Loi sur la Société du tourisme du Québec.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le leader. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Doyon: Suspension pour quelques instants, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, on peut suspendre. Alors, suspension pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 37)

(Reprise à 11 h 51)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, mesdames, messieurs, l'Assemblée reprend ses travaux. M. le leader adjoint.

M. Doyon: Je vous demanderais, M. le Président, de bien vouloir appeler l'article 8 de notre feuilleton.


Projet de loi 15


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi 15, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal. Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant, M. le ministre du Revenu. M. le ministre.


M. André Vallerand

M. Vallerand: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi 15 que je présente maintenant à l'étape de l'adoption du principe a pour objet principal d'harmoniser la législation fiscale du Québec avec celle du Canada. À cet effet, il donne suite aux mesures d'harmonisation prévues principalement dans les discours sur le budget du ministre des Finances du 2 mai 1991 et du 14 mai 1992. Le projet de loi vise aussi à donner suite aux mesures d'harmonisation prévues dans les déclarations ministérielles du ministre des Finances du 30 août 1990, du 19 décembre 1990 et du 24 novembre 1992, ainsi que dans les bulletins d'information 90-15, 91-1, 91-3, 91-6, 92-3, 92-8, 93-1 et 93-7, tous émis par le ministère des Finances, respectivement le 1er novembre 1990, le 27 mars 1991, le 12 juillet 1991, le 15 novembre 1991, le 28 février 1992, le 30 juin 1992, le 23 avril 1993 et le 16 décembre 1993, ainsi que dans le document technique publié par ce ministère le 13 février 1991.

Le projet de loi 15 est important. Il modifie 15 lois fiscales au nombre desquelles figurent notamment la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et la Loi sur le ministère du Revenu. Ce projet de loi contient 650 articles, ce qui en fait le projet de loi le plus volumineux qu'ait jamais présenté le ministre du Revenu devant les membres de cette Assemblée. Permettez-moi maintenant de vous donner un aperçu plus détaillé de son contenu.

Le projet de loi 15 modifie en premier lieu la Loi concernant les droits sur les transferts de terrain afin de reconnaître les conjoints de fait et de tenir compte des nouvelles dispositions du Code civil du Québec qui est entré en vigueur le 1er janvier 1994.

Il modifie en deuxième lieu la Loi sur la fiscalité municipale afin, notamment, d'y préciser le calcul de la réduction de la taxe foncière applicable à l'égard d'un réseau de distribution de gaz ou de télécommunications qui n'est pas confiné au Québec.

Il modifie en troisième lieu la Loi concernant l'impôt sur la vente en détail afin d'harmoniser la législation québécoise à la législation fédérale relativement à certaines exemptions de même qu'aux règles portant sur les bons de rabais.

Il modifie en quatrième lieu la Loi concernant l'impôt sur le tabac de façon que les cigares dont le prix de vente au détail ne dépasse pas 0,15 $ par cigare soient soumis au même traitement fiscal que les cigarettes. Ceci implique que la Loi concernant l'impôt sur le tabac sera modifiée afin que le taux d'imposition soit le même que celui des cigarettes.

Il modifie en cinquième lieu la Loi sur les impôts, principalement afin d'y apporter des modifications semblables à celles qui ont été apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada par le projet de loi fédéral C-92. Ces modifications concernent notamment 15 éléments principaux, soit: les adaptations requises pour tenir compte de l'entrée en vigueur du nouveau Code civil du Québec, notamment en ce qui a trait aux notions d'héritier et de résidence ainsi qu'au traitement fiscal réservé aux revenus d'un syndicat de copropriétaires; la reconnaissance des conjoints de fait; l'inclusion, dans le calcul du revenu d'une personne qui bénéficie d'un avantage imposable en raison de son emploi ou de son statut d'actionnaire, d'un montant correspondant à la taxe de vente du Québec qu'elle aurait eu à payer à l'égard de cet avantage n'eut été de son emploi ou de son statut d'actionnaire; l'introduction des règles relatives au compte de stabilisation du revenu net d'un agriculteur, institué en vertu de la Loi sur la protection du revenu agricole – Lois du Canada; les règles relatives à l'émission de titres de développement par une corporation privée et d'obligations d'une petite entreprise par un particulier ou une société; de l'introduction de règles relatives aux titres de créances indexés ainsi qu'au traitement fiscal applicable aux intérêts payables d'avance sur certaines créances à long terme; de la hausse du montant de la déduction qui peut être réclamée par un particulier à titre de frais de garde d'enfants; de la règle prévoyant l'aliénation réputée de biens d'une fiducie à tous les 21 ans; de la limitation de l'exemption de gains en capital de 100 000 $, à l'égard des gains en capital réalisés lors de l'aliénation de certains biens immeubles; de l'élargissement des frais médicaux pouvant donner droit à un crédit d'impôt, pour y prévoir les frais engagés à l'égard d'un programme de rééducation visant à pallier la perte de la parole ou de l'ouïe; de l'introduction de règles relatives à la création réputée d'une fiducie au profit d'un athlète amateur, lorsqu'un organisme national de sport reçoit un montant pour le bénéfice d'un tel athlète, en vertu d'un arrangement conclu en application des règles d'une fédération sportive internationale; de l'introduction du régime d'accession à la propriété, lequel permet à un particulier d'utiliser les fonds accumulés dans un régime enregistré d'épargne-retraite pour l'achat d'une habitation; de l'assouplissement des règles relatives au fonds enregistré de revenus de retraite pour permettre que ces fonds puissent être versés aux rentiers leur vie durant; de la possibilité, pour le ministre du Revenu, d'émettre un avis de nouvelles cotisations à l'égard d'une année d'imposition dans les cas où des ajustements doivent être faits en corrélation avec une cotisation établie par suite d'une opposition ou d'un appel pour une autre année d'imposition, ainsi que les diverses modifications à caractère technique, incluant notamment des modifications de concordance et de terminologie avec le projet de loi C-92.

Le projet de loi 15, M. le Président, modifie, en sixième lieu, la Loi sur le ministère du Revenu afin, notamment, de préciser dans quelle mesure un fonctionnaire du ministère peut être exempté de témoigner dans le cas de certaines procédures judiciaires relativement à un renseignement obtenu dans l'application d'une loi fiscale. Ce projet de loi vise aussi, en septième lieu, à modifier la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, afin d'écarter de son application la nouvelle définition de résidence introduite dans le nouveau Code civil du Québec. Il modifie, en huitième lieu, la Loi sur le remboursement d'impôts fonciers, afin de permettre l'uniformisation de la notion de conjoint de fait avec celle qui est introduite dans la Loi sur les impôts et de tenir compte de l'entrée en vigueur du nouveau Code civil du Québec. Il modifie, en neuvième lieu, la Loi sur la taxe de vente du Québec, principalement afin d'y apporter des modifications semblables à celles qui ont été apportées à la Loi sur la taxe d'accise, au chapitre 27 du projet de loi fédéral C-112, sanctionné le 10 juin 1993. Ces modifications concernent notamment les services de transport; les fournitures d'immeubles; les services financiers; les fournitures effectuées pour le compte d'un mandataire; les présomptions applicables à l'égard d'une activité commerciale; les périodes de déclaration; le transfert d'entreprises; des règles d'harmonisation diverses, particulièrement à l'égard des fournitures exonérées et détaxées; les remboursements de la taxe sur les intrants; des cas spéciaux, notamment les démarcheurs, les bons de rabais et les certificats-cadeaux, les jeux de hasard, les groupes d'acheteurs, les certificats d'apports et les contenants consignés; des règles diverses, techniques ou de concordance propres au régime de taxe de vente du Québec; la mise en oeuvre des modifications apportées à cette loi.

Le projet de loi 15 modifie également, en dixième lieu, la Loi concernant la taxe sur les carburants, afin de réduire le taux de taxation applicable à l'égard du mazout, depuis le 25 novembre 1992. Ce projet de loi modifie, en onzième lieu, la Loi concernant la taxe sur les télécommunications quant au facteur d'arrondissement applicable. Cette modification à l'article 5 prévoit que toute fraction de cinq doit être arrondie au multiple de 0,05 $ le plus proche. Il modifie enfin la Loi favorisant le développement industriel au moyens d'avantages fiscaux ainsi que diverses autres lois ayant modifié notamment la Loi sur les impôts, principalement afin d'y apporter des modifications de nature technique.

Voilà donc, M. le Président, le projet de loi que j'aurai le plaisir d'exposer plus précisément à l'occasion de l'étude du projet de loi article par article. Je vous remercie, M. le Président.

(12 heures)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître le critique de l'Opposition officielle en cette matière, M. le député de Montmorency. M. le député.


M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Nous allons étudier en cette Chambre, M. le Président, le projet de loi 15. Comme le soulignait le ministre tout à l'heure, il s'agit d'un projet de loi très volumineux qui, effectivement, je vous dirais, quand vous le regardez et que vous commencez à le feuilleter, vous vous rendez compte que ça devient un projet de loi très compliqué même avant de l'avoir regardé. On parle de 483 pages de textes, d'articles de loi, d'alinéas, de paragraphes compliqués, M. le Président, qui demandent des interrelations avec une foule, des milliers d'autres articles et qui deviennent d'une complexité inouïe. Mais là où j'attire l'attention, M. le Président, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi à saveur très technique, mais uniquement principalement d'harmonisation avec le gouvernement fédéral.

M. le Président, un autre élément, d'ailleurs visible, on se rend compte que notre Législature au Québec, nos dédoublements fiscaux nous compliquent la vie d'une façon incroyable, et on en a la démonstration aujourd'hui, M. le Président. Parce qu'on s'harmonise avec une législation fédérale, on se retrouve ici, au Québec, à légiférer des technicalités d'une façon magistrale, et un nombre effarant de technicalités, et, à toutes fins pratiques, on est à la remorque d'un système fédéral, où on vient, nous, changer notre législation trois ans après, des mesures qui remontent au budget du ministre des Finances du 2 mai 1991, des mesures qui remontent au discours du 14 mai 1992, M. le Président, des déclarations ministérielles qui remontent au 30 août 1990 et au 19 décembre 1990.

Vous rendez-vous compte, M. le Président, pour les praticiens de la fiscalité, pour nos mandataires non rémunérés, les gens à qui on demande d'être des percepteurs d'impôt, hein... maintenant, on leur demande d'être des percepteurs d'impôt. On a 400 000 mandataires qui perçoivent la TPS et la TVQ; on leur demande de faire ça, M. le Président, et nous-mêmes, comme législateurs, on prend trois ans à légiférer des technicalités d'harmonisation.

M. le Président, il y a une espèce d'écart entre le législateur et le sens commun qui atteint des proportions incroyables. Comment voulez-vous que les gens puissent appliquer nos lois de façon juste et équitable quand nous-mêmes, comme législateurs, on arrive avec des mesures techniques – techniques, on légifère là, on va voir le projet de loi, comment pensent les législateurs trois ans et quatre ans plus tard... M. le Président, notre système fiscal d'harmonisation qu'on va vivre, c'est la preuve patente que le système fédéral actuel doit être réformé en profondeur.

Et, M. le Président, je pense qu'on est en train d'atteindre un seuil de tolérance et d'acceptation des citoyens, et on le vit. Le marché au noir, c'est un autre exemple, ça. C'est un autre exemple. Les gens ne se retrouvent plus. Les gens ont l'impression d'être des vérificateurs d'impôt non rémunérés, avec des lois que, nous-mêmes, on prend quatre ans à ramener au Parlement pour les adopter. Ces gens-là, après ça, on les recotise avec des intérêts puis des pénalités parce qu'ils n'ont pas compris la loi. M. le Président, on va l'avoir adoptée, nous, quatre ans plus tard.

Ces gens-là, actuellement, appliquent des lois qui ne sont même pas écrites. On ne sait même pas... On connaît juste l'interprétation législative du fédéral. Nous, au Québec, on s'harmonise, mais on ne sait pas encore comment on va s'harmoniser. On le sait, là, comment on va s'harmoniser: dans un document aussi volumineux qui a 483 pages, M. le Président. C'est ahurissant. Je peux vous dire que les citoyens, actuellement, en ont ras le bol. Et, comme législateur, je peux vous dire, moi-même comme fiscaliste de carrière, quand je suis arrivé au Parlement, il y a maintenant bientôt trois ans, je me disais: On va essayer de changer ça, on va essayer d'orienter la législation pour que ce soit mieux perçu, plus cohérent, plus rapide, plus efficace, pour que tout le monde puisse avoir une information. M. le Président, j'ai l'impression que ce Parlement est simplement une espèce d'écho à un système qui dit: Nous, on a fonctionné de telle façon; toi, tu suivras plus tard; même si tu suis tout croche, ce n'est pas grave. Le système fédéral légifère; le Québec s'accroche, il dit: Nous, on va faire ce qu'on peut.

M. le Président, les citoyens, eux, ils n'en peuvent plus. Ils n'en peuvent plus parce que notre système est sclérosé, notre système n'est pas capable de se réorienter, de se réformer dans les structures actuelles. Notre système est coincé. Et ce projet de loi là, et je pense que c'est le plus important d'ailleurs, comme critique de l'Opposition officielle en matière de revenu, c'est vraiment le projet de loi le plus important que je vais avoir à étudier en commission parlementaire. Mais, en même temps, c'est un projet de loi qui m'inquiète. C'est uniquement des mesures d'harmonisation avec le fédéral. Vous rendez-vous compte? On est en train de suivre un système trois ans plus tard, à s'harmoniser avec des mesures que le fédéral a mises en place, et des mesures, M. le Président, loin d'être équitables.

J'écoutais le ministre, tout à l'heure, nous raconter un peu l'explication détaillée du projet de loi, et je vois, entre autres, M. le Président, au numéro 8... Regardez comment c'est subtil. Le législateur est subtil. Il dit: On va s'harmoniser aux règles fédérales concernant la règle prévoyant l'aliénation réputée des biens d'une fiducie à tous les 21 ans. Ça ne vous dit rien, hein? Et je suis sûr que, tous les parlementaires qui sont ici, ça ne leur dit rien, et ceux qui écoutent à la maison aussi, ça ne leur dit rien, M. le Président. Mais voulez-vous que je vous dise ce que ça veut dire, ça? Ça veut dire que c'est toutes les fiducies familiales, M. le Président, où on perd 1 000 000 000 $ de taxes dans les fiducies familiales au Canada, qu'on a reportées... La règle de 21 ans, là, on l'a abolie et on l'a reportée à 40 ans, M. le Président, dans une petite phrase anodine. À toutes fins pratiques, pas un parlementaire ne peut suivre ça, c'est trop technique. Mais, quand vous le regardez à sa face même, ça veut dire que les fiducies familiales au Canada, les grosses fortunes, on a reporté la taxation dans le temps. Et on nous présente ça dans un document de... Écoutez, comme si on voulait le cacher. On dit: On va le cacher dans le plus gros projet de loi qu'on aura eu à l'Assemblée nationale – 483 pages. On va aller le cacher à ce niveau-là et on va dire qu'on s'harmonise comme le Canada. On est d'accord que les grosses fortunes ne paient jamais d'impôt. À travers les fiducies familiales, on perd 1 000 000 000 $ de taxes par année? Ce n'est pas grave. On s'harmonise avec le fédéral, et on s'harmonise en disant «la règle prévoyant l'aliénation réputée des biens d'une fiducie à tous les 21 ans». Une modification de cette règle-là, c'est évident, M. le Président, que le parlementaire qui lit ça, ça ne lui dit rien, mais quand vous êtes un fiscaliste de carrière et que vous savez comment ça se passe, la planification des fiducies familiales, vous concluez qu'effectivement, ce projet de loi là, ce qu'on va étudier en Chambre, vient confirmer que les grosses fortunes, au Canada et au Québec, on reporte la taxation de 20 ans plus loin. M. le Président, comment voulez-vous qu'un citoyen qui, lui... Regardez ce qu'on fait pour M. Tout-le-monde. Regardez, M. le Président, comment on est inéquitable. Même dans ce projet de loi, on est inéquitable.

Une autre mesure où on va changer... On dit: «L'inclusion dans le calcul du revenu d'une personne qui bénéficie d'un avantage imposable en raison de son emploi...» Police d'assurance, M. le Président. Vous savez, l'assurance collective qu'on est allé chercher dans le fond de tiroir, l'année passée, on dit: Les assurances collectives, dorénavant, plus de 25 000 $, les primes relatives aux polices d'assurance collective seront dorénavant taxables. On enlève l'exonération. On va chercher la dernière goutte chez l'employé. On va chercher le maximum. On le dépouille. Écoutez, M. le Président, jusqu'où on va. On dit que ce montant-là, qui devient taxable, devra inclure la taxe de vente qui aurait été payable sur ce montant-là. C'est que l'avantage taxable, si ça coûtait 100 $ la prime d'assurance collective, le 100 $ était taxable, mais là, on vient vous dire: Aïe! Pas juste le 100 $. La taxe de vente aussi, qui aurait été normalement payée sur ça, tu dois l'inclure à ton revenu. M. le Président, ça fait 108 $, et quand vous faites la combinaison des deux, parce qu'on avait du 7 % puis du 8 %, ça fait 115,56 %. On vient chercher la petite goutte additionnelle. On va dire: Non seulement on te taxe sur la prime, mais on te taxe sur l'avantage que t'aurait occasionné la taxe que tu aurais payée. On ajoute la taxe qui aurait dû être payable pour l'avantage taxable.

M. le Président, les principes de la taxe sur la taxe et l'avantage de la taxe, les gens en ont ras le bol. Et quand vous présentez ce genre de mesure à côté d'une mesure où vous venez reporter 1 000 000 000 $ aux fortunes des grosses familles, M. le Président, les gens, là, ça les choque, ça les enrage. Ils n'en peuvent plus. Et c'est ça, M. le Président, le message de ce projet de loi. C'est qu'on est en train de nous présenter dans une grosse brique technique des mesures aussi disparates que d'aller taxer l'avantage de la taxe à l'employé et donner l'exemption aux fortunes familiales. 1 000 000 000 $ de taxes qu'on perd, à ce niveau-là. Encore un article récent, M. le Président. Vous l'avez vu passer dans les journaux? M. Brian Mulroney lui-même le confirmait, et nous, au Québec, on suit. On suit trois ans, quatre ans plus tard. M. le Président, on ne va nulle part. Ce n'est pas comme ça qu'on va réussir à redonner confiance dans notre système fiscal, même si le ministre, récemment, déposait un beau rapport pour améliorer les relations entre son ministère et les citoyens, M. le Président. Un beau rapport, excellent, superbement bien fait, je l'avoue, M. le Président, mais il n'a pas assez écouté ce qui avait été écrit dedans.

(12 h 10)

Il y a un paquet de mesures, M. le Président, auxquelles on a fait la sourde oreille. Pourtant, c'étaient des mesures où les gens voulaient se sentir considérés dans le système fiscal. Quand vous avez 400 000 mandataires qui travaillent, non rémunérés, pour percevoir la TPS et la TVQ au Québec puis que ça leur coûte une fortune pour gérer leur administration, bien, ils demandaient, M. le Président, d'être rémunérés pour le travail qu'ils faisaient, un pourcentage. D'ailleurs, on est la seule province au Canada qui n'a pas de retour, de remboursement à l'égard de la taxe de vente perçue. La seule province! Et d'ailleurs, on est la seule province à avoir appliqué ce système-là, complètement débile, de TPS et de TVQ. La seule province! Pourquoi le Québec a été le seul à se lancer dans cette fausse harmonisation?

D'ailleurs, M. le Président, on a toujours dit qu'on s'harmonisait, mais on ne s'était jamais harmonisé. Et d'ailleurs, la preuve, c'est qu'aujourd'hui on vous présente un projet de loi qui, au niveau de la taxe de vente, prévoit de l'harmonisation. Évidemment! On a une série de mesures, M. le Président. Regardez. On va s'harmoniser avec la TPS et la TVQ au niveau des transports, au niveau des fournitures d'immeubles, au niveau des services financiers, au niveau des fournitures effectuées pour le compte de mandataires, les présomptions applicables à l'égard d'une activité commerciale, les périodes de déclaration, les transferts d'entreprises. On s'harmonise, M. le Président, sur 12 points majeurs, et on a toujours dit, de l'autre côté, ce gouvernement libéral, depuis qu'on a instauré la TVQ avec la TPS, qu'il s'était harmonisé.

M. le Président, de la foutaise! De la foutaise! Et on demande à des mandataires d'appliquer une loi depuis tout ce temps-là, 1991-1992, sans avoir vraiment eu toute l'information dont ils avaient besoin. Et, là, on l'obtient aujourd'hui, dans un texte législatif comme celui-là. Mais, moi, je pense que le monde, là, il commence à comprendre beaucoup de choses. Il commence à comprendre ce qui se passe ici, à l'Assemblée nationale, puis il se rend bien compte, au fond, qu'on fait des textes de loi et on ne se pose même pas de questions, M. le Président. Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas fait ce débat-là, de la règle des 21 ans dans les fiducies familiales? Comment se fait-il que le gouvernement du Québec ait accepté cette mesure-là sans dire un mot, M. le Président, sans dire un mot, puis qu'on vienne continuer à agresser le contribuable en ajoutant à une valeur taxable à son revenu d'emploi la taxe qui aurait été applicable sur une prime d'assurance ou sur un avantage taxable quelconque?

M. le Président, c'est ça que les gens ne sont plus capables de voir apparaître dans nos législations, surtout qu'on arrive toujours, puis on leur passe ça en douce, hein. Je me souviens, moi, l'an dernier, du budget de M. Levesque. Ah, le budget de M. Levesque! Ce n'était pas si pire, jusqu'à ce que les gens se fassent couper leur salaire au mois de juillet, M. le Président, jusqu'à ce qu'ils fassent leur déclaration d'impôt un an plus tard pour se rendre compte qu'ils devaient payer 1 % au niveau du Fonds des services de santé. Ah! là, les gens ont compris jusqu'à quel point la législation et les budgets cachent les vraies conséquences fiscales.

Et, M. le Président, la preuve est là. On les cache. Regardez comment ça arrive. Ça arrive en volume aussi épais que ça, puis la loi de l'impôt est déjà ça d'épais. Je vous le dis, comme fiscaliste, M. le Président, quand vous alignez la loi de l'impôt avec les règlements, les bulletins d'interprétation... Et la jurisprudence est déjà ça d'épais. Et, là, vous rajoutez ça de plus. Là, vous dites: Bon, bien, ce n'est pas grave, on rajoute ça de plus au Québec. Puis vous avez la même chose au Canada, mais avec certaines différences. M. le Président, ce n'est plus possible de suivre tout ça. C'est humainement impossible. Et, M. le Président, on a développé une société où il reste à peu près seulement les fiscalistes qui peuvent suivre ça, et où les pénalités sont devenues tellement énormes, et les intérêts aussi... M. le Président, on se doit de changer l'orientation fiscale du Québec. Et je vous dirais, M. le Président, plus que ça, on se doit maintenant, comme législateurs au Québec, de commencer à considérer qu'on doit se dissocier de ce dédoublement-là.

Et je vous dirais, M. le Président, que nous allons bien sûr étudier le projet de loi en détail, parce que je ne veux pas non plus prendre un temps trop long, mais je voulais dénoncer, d'entrée de jeu, M. le Président... D'entrée de jeu, je voulais dénoncer actuellement ce qu'on s'apprête à faire, comme parlementaires, comme examen, M. le Président, de ce détail technique là qui cache, M. le Président, et je vous le dis, qui cache des disparités, des iniquités fiscales à sa face même. À sa face même, M. le Président, on voit les iniquités fiscales qu'on va devoir adopter comme législateurs.

Et, M. le Président, on va être en commission parlementaire et je vais faire des motions d'amendement, et le ministre va me répondre d'entrée de jeu, je suis sûr... Il ne voudra même pas les considérer, M. le Président. Je vous le dis. Puis je vous le dis que je vais en faire une sur les fiducies familiales, et vous allez voir, M. le Président, je vais revenir en cette Chambre et le ministre va m'avoir refusé ce changement-là. Pourquoi? Je ne le sais pas, M. le Président. Mais je vous le dis tout de suite, il ne voudra pas le changer parce qu'il ne voudra pas être équitable envers les contribuables, peut-être, ou peut-être qu'il va se sentir piégé par le système fédéral. Et probablement que ce sera la raison pour laquelle je reviendrai dire en cette Chambre, M. le Président: Le ministre du Revenu a refusé un changement législatif parce que, au fond, il est piégé par le système fédéral et qu'il est incapable, au fond, de prendre ses propres décisions dans sa propre loi, chez lui, au Québec. Et c'est probablement ça qu'il me répondra. Mais, M. le Président, c'est certain qu'il va y avoir un avis, une motion de modification, un amendement qui sera apporté à cette loi, parce que, M. le Président, il faut recommencer à légiférer de façon à ce que les gens sentent qu'il y a une certaine équité d'application.

M. le Président, depuis 1985, les riches ont été largement gâtés, M. le Président, largement gâtés. Il ne faut pas oublier que les taux d'imposition au Québec, combinés avec le fédéral, à la fin de 1979, les taux d'imposition maximum au Québec, savez-vous de combien ils étaient, les deux combinés? Taux d'imposition maximum de 68,9 % que les gens riches payaient sur leur revenu gagné, 68,9 %, fin des années 1979... 1979-1980, M. le Président. On a réduit, depuis 1985, ce taux-là, M. le Président. Il est descendu jusqu'à 50 %. Les gens fortunés, au niveau de l'impôt sur le revenu, le taux maximum marginal a tombé de 19 points, M. le Président – 19 points. Ça veut dire que, par 100 000 $, ils sauvaient 19 000 $ d'impôt. Ils ont eu ça comme réduction. En plus de ça, ils ont eu quoi? L'exemption pour gains en capital, 100 000 $. Qui réclame ça, vous pensez, des exemptions pour gains en capital, vous, M. le Président? C'est qui? C'est les gens fortunés, c'est les gens qui ont des biens, qui ont des actifs, qui ont des plus-values.

Et la dernière trouvaille qu'ils ont faite, M. le Président, c'est qu'ils sont venus dire: Maintenant, vous autres qui avez des millions de dollars dans des fiducies familiales, vous autres qui avez maintenant des millions de dollars, les fortunés, on va vous reporter votre taxation encore de 20 ans. Pas question d'avoir de dispositions présumées et de gains en capital présumés après 21 ans, ce n'est pas assez; on va vous donner 20 ans de plus pour gagner, dans le temps, le report de taxe, M. le Président.

Mais vous savez que, si vous reportez une taxe, M. le Président, sur, mettons 10 ans, elle n'est jamais payable, la taxe, parce qu'on sait qu'un revenu, ça double aux sept ans si on a un rendement de 10 %. Alors, si, moi, je ne paie pas ma taxe, je la garde, ma taxe, elle va doubler aux sept ans – je vais la faire profiter – ou aux 10 ans. Alors, si je la fais doubler par un rendement, le jour où je vais le payer, ce montant-là, dans 20 ans, c'est comme si je ne l'avais jamais payé. Je me sers de la taxe que j'aurais dû payer, puis je la fais multiplier par trois, puis je la paie après 20 ans: j'en ai sauvé les deux tiers, j'ai fait de l'argent avec; c'est ça, la mécanique.

Alors, si vous reportez dans 20 ans la taxation... Ce que j'aurais payé comme impôt immédiatement, là, le milliard que j'aurais payé, M. le Président, placez-le, vous, le milliard d'impôt. Je vous le laisse pendant 20 ans, placez-le pendant 20 ans. Vous allez voir ce que ça va donner. Vous allez le multiplier par trois peut-être. Alors, je vous laisse votre milliard d'impôt, vous le multipliez par trois, puis, dans 20 ans, je vous dis: Vous me donnerez votre milliard, ce n'est pas grave. Bien, le milliard que je vous ai laissé, s'il est rendu à 4 000 000 000 $, bien, il va vous en rester 3 000 000 000 $. Bon, vous allez me donner mon milliard dans 20 ans. Vous allez faire un bon «deal», hein? un excellent «deal». Alors, c'est ça qu'on fait. On se dit: Le milliard que vous auriez dû me donner, non, non, non, ne me le donne pas tout de suite, tu me le donneras dans 20 ans. M. le Président, ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens. Et je vous dis, les gens qui nous écoutent, ils comprennent ça, M. le Président. Ils le comprennent. Puis ils savent que, si vous n'allez pas chercher les impôts tout de suite, vous allez les chercher uniquement dans 20 ans, l'argent va faire de l'argent. Et vous allez tellement faire d'argent que vous n'allez m'en redonner qu'une partie dans 20 ans, de l'argent que vous allez avoir fait avec.

(12 h 20)

Alors, M. le Président, c'est ça, les grosses injustices dans notre société. C'est ça que les gens reprochent à la situation. On voit comment les gens en garderie, actuellement, ont de la difficulté, M. le Président: les petits taux, les petits taux, les petits taux horaire, 7 $, 8 $ pour les éducatrices qui s'occupent de nos enfants. Les disparités sont trop grandes. Notre fiscalité, M. le Président, doit se réajuster. On doit retrouver un équilibre, sentir une équité, M. le Président, et ce n'est pas comme ça qu'on va réussir. Si, au moins, c'étaient des actifs productifs pour la société, M. le Président, qu'il y a dans ces fiducies familiales, mais ce n'est même pas des actifs productifs, c'est des comptes de banque, M. le Président, des grosses fortunes liquides, souvent, qui sont là, et des immeubles à location qui ont des valeurs incroyables, M. le Président.

M. le Président, notre société a besoin d'un réajustement majeur sur un paquet de plans. Et je peux vous dire, M. le Président, qu'en commission parlementaire nous allons étudier ce projet de loi, d'une façon, bien sûr, rigoureuse, comme on le fait d'habitude, mais en essayant une fois de plus de sensibiliser le législateur, M. le Président, à l'importance de revoir la façon de taxer et de commencer à montrer aux citoyens et aux citoyennes du Québec qu'on va réformer pour trouver un équilibre, pour sentir que ceux qui ont plus d'argent contribuent, selon leur capacité de paiement, aux services collectifs et à ce que ça coûte comme société. Et je ne pense pas que ces mesures-là, au niveau des fiducies familiales, contribuent de quelque façon que ce soit; au contraire, c'est simplement de laisser les gens plus riches devenir encore plus riches sans vraiment participer à juste titre, à juste titre, M. le Président, aux besoins des finances publiques québécoises.

Et, tant qu'on écoutera Ottawa comme on le fait là, M. le Président, on n'ira nulle part. Et c'est pour ça qu'au Québec, M. le Président, on a eu tellement de problèmes avec le tabac. Je vais vous donner un autre exemple, vous allez comprendre. Ça aussi, c'est un exemple qui démontre que le système fédéral est de trop, mais le tabac aussi, il était de trop, M. le Président. Au Québec, ici, on était tous d'accord, il n'y a pas si longtemps, qu'il fallait modifier notre législation fiscale au niveau du tabac. On a été obligé d'attendre après Ottawa, M. le Président, vous le savez. Il fallait qu'il contribue avec nous pour réduire les prix. Ils avaient, eux, 2,40 $ de taxes par paquet puis, nous, on en avait 2,20 $. Alors, il fallait réduire de 3 $, on ne pouvait pas réduire seul. Il fallait qu'il réduise avec nous, le fédéral. Bien, ça a pris exactement un an et demi à leur faire comprendre ça.

Mais, pensez-vous que ça nous a aidés, ça, comme société? Ça nous a détruits, M. le Président. On a laissé mettre en place pendant un an et demi un réseau de contrebande comme on n'en a jamais vu et un système économique parallèle comme on n'en a jamais vu. On a donné l'exemple à nos jeunes, M. le Président, qui consommaient de la contrebande: aller et retour dans les écoles, on leur livrait dans leurs poches le paquet de contrebande. C'est ça qu'on a laissé faire pendant un an et demi. Pourquoi, M. le Président? Un système fédéral qui ne répond plus aux besoins des régions au Canada. C'est très clair. Il ne répond plus, M. le Président. Et je parle uniquement de l'aspect fiscal, mais je suis sûr que j'ai des collègues ici, à l'Assemblée nationale, qui pourraient parler chacun de son secteur d'activité où, effectivement, le système... On n'a rien contre; le problème, c'est qu'il ne répond plus aux besoins. Puis, comme c'est des gens qui ne veulent pas entendre quoi que ce soit au niveau d'une réforme ou d'un changement pour nous aider à mieux fonctionner, M. le Président, c'est évident qu'on n'a pas le choix d'être souverains. On n'a pas le choix, ils ne veulent rien comprendre, au niveau de l'assouplissement des règles, pour un meilleur fonctionnement au niveau de la collectivité.

M. le Président, comme critique de l'Opposition officielle, je vais collaborer, comme on le fait à l'habitude, pour étudier d'une façon rigoureuse et très sérieuse ce projet de loi. Et, d'entrée de jeu, M. le Président, je peux vous dire que nous allons être contre ce projet de loi. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Pas de réplique? Alors, est-ce que le principe du projet de loi 15, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, est adopté? Adopté. Adopté, sur division, M. le député?

M. Filion: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Doyon: Oui, je voudrais maintenant, M. le Président, faire motion pour que ledit projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Doyon: Je voudrais maintenant, M. le Président, que vous appeliez l'article 32.


Projet de loi 152


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 32, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi 152, Loi modifiant la Loi concernant l'impôt sur le tabac. Y a-t-il des interventions sur ce rapport? M. le ministre du Revenu.


M. André Vallerand

M. Vallerand: Oui. M. le Président, nous voici donc rendus à l'étape de la prise en considération, comme vous le mentionniez, du rapport de la commission du budget et de l'administration, qui a procédé, le 27 avril dernier, à l'étude détaillée du projet de loi 152. Rappelons que ce projet de loi avait été présenté à cette Assemblée le 9 mars dernier et que le principe en avait été adopté le 27 avril 1994.

Ce projet de loi, qui comprend quatre articles, modifie la Loi concernant l'impôt sur le tabac, afin de donner suite, dans le cadre du plan d'action annoncé par le gouvernement du Québec en vue d'enrayer le commerce illégal des produits du tabac, au bulletin d'information 94-2 émis par le ministère des Finances, le 8 février 1994.

Le projet de loi prévoit la réduction de l'impôt exigible lors de la vente des produits du tabac. Ainsi, l'impôt de 0,0688 $ par cigarette est réduit à 0,0138 $. L'impôt de 0,0292 $ par gramme de tabac en vrac est réduit à 0,0058 $. Le taux correspondant à 95 % du prix de vente au détail des cigares est réduit à 50 %. L'impôt de 0,0146 $ par gramme de tabac en feuilles est réduit à 0,0029 $, alors que l'impôt de 0,0735 $ par gramme de tout autre produit du tabac est réduit à 0,0147 $.

Ces réductions prévues dans le présent projet de loi sont déjà appliquées, et ce, conformément à notre tradition parlementaire en matière de fiscalité. Par ailleurs, étant donné que ces réductions s'appliquent à toute vente au détail faite depuis le 8 février 1994, un droit de remboursement est accordé aux vendeurs à l'égard des produits du tabac visés pour la partie de l'impôt sur le tabac résultant de la diminution du taux de taxation. Nul doute que ces réductions de l'impôt exigible lors de la vente des produits du tabac constituent un élément très important dans le plan d'action annoncé par le gouvernement afin d'enrayer le commerce illégal de ces produits.

Cette lutte afin d'enrayer ce commerce illégal doit également s'appuyer sur le caractère dissuasif certain des pénalités et des amendes. Afin d'atteindre cet objectif, les deuxième et troisième articles du projet introduisent des modifications aux articles 13.2 et 14.2 de la Loi concernant l'impôt sur le tabac, afin de maintenir la sévérité de la pénalité et de l'amende qui y sont prévues et dont la détermination est basée sur le montant de l'impôt sur le tabac qui aurait été payable. D'une part, le deuxième alinéa de l'article 13.2 de la loi prévoit que la personne qui, contrairement au premier alinéa de cette disposition, vend, livre ou fait en sorte que soit livré hors du Québec du tabac dont le paquet est identifié conformément à l'article 13.1 doit payer au ministre du Revenu une pénalité égale au montant de l'impôt qui aurait été payable en vertu de l'article 8, si le tabac avait été vendu au détail au Québec. D'autre part, l'article 14.2 de la même loi énumère une série d'infractions et prévoit l'imposition d'une amende s'articulant autour d'un minimum qui correspond au plus élevé du montant de 2000 $ ou du triple de l'impôt qui aurait été payable à l'égard du tabac faisant l'objet de l'infraction commise, si ce tabac avait été vendu au détail au Québec. Cette amende ne peut toutefois excéder un maximum de 500 000 $.

Compte tenu de la réduction de l'impôt exigible lors de la vente des produits du tabac, il est nécessaire, M. le Président, d'apporter une modification au libellé de ces articles, plus particulièrement quant aux modalités permettant de fixer le montant dans le cas de l'article 13.2 et le montant minimum, dans le cas de l'article 14.2, alors payable. Ainsi, l'article 2 du projet introduit une modification à l'article 13.2 de la loi, de façon à ce que le montant de cette pénalité demeure inchangé, en indiquant que la pénalité en cause est égale au montant de l'impôt qui aurait été payable le 8 février 1994, si le tabac avait été vendu au détail au Québec, à cette date. De même, l'article 3 du projet introduit une modification à l'article 14.2 de la loi pour y prévoir que l'amende visée est d'au moins le plus élevé du montant de 2000 $ ou du triple de l'impôt qui aurait été payable le 8 février 1994 à l'égard du tabac faisant l'objet de l'infraction commise, si ce tabac avait été vendu au détail au Québec, à cette date.

(12 h 30)

M. le Président, j'aimerais rappeler enfin que la plupart des éditorialistes et des commentateurs avaient souligné et appuyé les mesures prises par le gouvernement en vue d'enrayer le commerce illégal des produits du tabac, mesures que le projet de loi 152 traduit en un texte juridique. En terminant, notons que la commission du budget et de l'administration a procédé à l'étude du projet de loi 152 et l'a adopté à la majorité des voix. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre du Revenu. Alors, nous en sommes à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi 152, Loi modifiant la Loi concernant l'impôt sur le tabac, et je cède la parole à M. le député de Montmorency.


M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. J'écoutais le ministre faire des commentaires, d'ailleurs, sur le résultat de l'examen détaillé de la commission parlementaire au sujet du projet de loi 152. M. le Président, vous allez, et les gens qui nous écoutent vont comprendre que c'est un projet de loi, mais vraiment très petit. Nous avions un article, deux articles de loi, trois articles de loi, M. le Président – le quatrième, c'était pour sanctionner le projet de loi – pour la question du tabac. Au fond, c'était simple, la correction. On pouvait arriver à corriger la politique fiscale de façon facile, très simple. Mais pourquoi avoir attendu trois ans pour déposer ces petits changements? Trois articles pour régler le problème de la contrebande, M. le Président. Seulement trois articles, quand on sait qu'on nous dépose des mesures d'harmonisation de 650 articles, de la technicalité pour tout simplement compliquer la vie des gens, M. le Président. Mais là, on demandait... Et je le sais, M. le Président, j'ai fait des conférences de presse, il y a deux ans, où je disais: Il faut réduire les taxes, jamais vous ne réussirez à sortir le réseau de la contrebande sans réduire les taxes. C'était inévitable. M. le Président, on s'est traîné les pieds.

Non, on ne s'est peut-être pas traîné les pieds. Il y a eu la police du tabac, et on a dit: On part à la chasse aux camions avec notre police et on va régler tout ça. Ils avaient décidé de régler le problème de la contrebande du tabac, même si je leur disais, à l'époque, M. le Président... Comme fiscaliste de carrière, j'avais regardé tout le dossier, j'avais examiné toutes les conséquences. Je voyais, effectivement, que c'était inévitable, il fallait réduire les prix pour que ce soit à nouveau concurrentiel, pour que les gens arrêtent de s'approvisionner sur le marché de la contrebande. Non, non, non, ce gouvernement libéral avait décidé que c'était la police du tabac qui allait régler le problème. La police du tabac a couru après quelques camions et elle s'est rendu compte qu'il n'y avait rien à faire. Alors, les agents... La police du tabac, je pense que, maintenant, ça a été démantelé, on s'est rendu compte que ce n'était pas la bonne formule et on a pensé à autre chose, M. le Président.

Après la police du tabac, écoutez bien celle-là, M. le Président. Ils étaient dans une grande réflexion. C'était trop simple, la solution que je leur apportais. Ils étaient dans une grande réflexion, et là, ils ont dit: Non, non. On va aller dans une autre stratégie tout aussi intéressante, M. le Président. Alors, là, ils ont amené le projet de loi 90, il n'y a pas si longtemps. Ils ont amené le projet de loi 90 il y a à peine... C'est en juin l'an dernier qu'on l'a adopté. Alors, ça fait un an. Dans le projet de loi 90, M. le Président, on était parti avec des pénalités, et là on disait: Attendez, la police, ça n'a pas marché, mais là on va commencer à pénaliser les citoyens. Là, les citoyens, ils vont être pénalisés. Celui qui va se faire prendre à fumer de la contrebande, il va avoir 1000 $ à 2000 $ de pénalité – 200 000 $ de pénalité pour une cigarette fumée en contrebande. Et je leur disais: Ne faites pas ça, vous n'allez nulle part; vous allez créer de l'agressivité chez le consommateur, et il va se racheter d'une autre façon. Ce n'est pas ça qu'il faut faire. Il faut réduire les taxes, M. le Président. Le marché était devenu non concurrentiel. Pourquoi il était devenu non concurrentiel, M. le Président? Savez-vous pourquoi? C'est à cause d'eux, M. le Président. Savez-vous ce qu'ils ont fait, de 1985 à 1991? Ils ont augmenté les taxes sur le tabac. Ils ont créé eux-mêmes le problème de la contrebande, M. le Président. C'est eux qui l'ont créé de toutes pièces, en augmentant les taxes de façon démesurée. Et je m'explique. Au niveau fédéral, en 1984, les taxes étaient à 0,56 $ par paquet de 25 cigarettes. Ils les ont augmentées, jusqu'en 1993, à 2,39 $ par paquet de 25 cigarettes. Vous rendez-vous compte de l'augmentation de taxes qu'ils ont faite? Ils ont fait une augmentation de taxes, M. le Président, ces gens-là... C'est très simple, 327 % d'augmentation de taxes fédérales. Mais le Québec, M. le Président, pas plus brillant. Quand il s'harmonise comme il le fait, là, sans se poser de questions, là... Voyez-vous, là? On s'harmonise dans un projet de loi qui est le projet de loi 15. Envoie! amenez-les, vos législations fédérales; nous autres, on ne les regarde pas, on les applique intégralement sans se poser de questions. Bien, c'est ce qu'ils ont fait avec le tabac, M. le Président. Ils ont augmenté les taxes sur le tabac. Savez-vous de combien de pourcentage, le Québec? Le gouvernement libéral, savez-vous de combien de pourcentage il a augmenté les taxes sur le tabac? Je vais vous le dire, M. le Président. C'est très simple. Il a augmenté les taxes sur le tabac de 0,62 $ qu'elles étaient en 1984, par paquet de 25 cigarettes, à 2,20 $. Une augmentation de taxes sur le tabac, M. le Président, de 355 %. Ce n'est pas peu dire! En l'espace de quoi? De 1984 à 1993, en l'espace de neuf ans. M. le Président, c'est ça qui a créé la contrebande. C'est ça qui a fait en sorte que le marché est devenu un marché où il n'y avait plus de possibilité de concurrence économique, M. le Président. Quand vous payiez, au Québec, 4,60 $ de taxes par paquet de 25 cigarettes, et que vous alliez dans l'État de New York où on payait 1 $ de taxes par paquet, c'était, bien sûr, bien trop élevé. Le marché concurrentiel avec les États-Unis est devenu un marché démesuré où la contrebande s'est installée, et ils ont fait en sorte, M. le Président, de vendre des cigarettes à 20 $ pour une cartouche, à 15 $ pour une cartouche. Et ça, M. le Président, ça a duré trois ans.

Et, pendant deux ans, j'ai dénoncé... Je leur expliquais que c'était impossible, c'était mathématique, la seule façon d'arriver à contrôler une contrebande, c'était de réduire les taxes, M. le Président. Il fallait réduire les taxes. Ils avaient augmenté de façon démesurée la taxation pendant neuf ans. Alors, ce n'était plus possible. Ils avaient créé eux-mêmes la concurrence économique déloyale, le gouvernement libéral. Ils vont vous dire: Non, non, ce n'est pas nous, c'est le fédéral. On les copie. Oui, mais on ne peut pas dire ça. C'est nous qui adoptons nos lois. Je comprends que vous les copiez, je comprends que vous allez me présenter un projet de loi de 483 pages sans vous poser de questions. Je comprends ça, mais il faut que ça arrête. Il faut que ça arrête, on n'est plus capable, comme société, de gérer une fiscalité intelligente et décente pour la population.

Et l'exemple du tabac, M. le Président, c'est un exemple qui s'ajoute au système fédéral qui ne fonctionne plus. Ah, oui, ils se pètent les bretelles, oui. Ils se pètent les bretelles trois ans plus tard, après qu'on a fait tout le dommage qu'on a fait dans le système économique. Il n'a pas à se péter les bretelles, il y a de quoi pleurer. Pendant tout ce temps-là, pendant trois ans, on a éduqué une jeunesse à défier nos lois. On a même provoqué, M. le Président, nos propres citoyens à défier nos lois pour se faire entendre, M. le Président. Et, si le mouvement MATRAC n'était pas venu à la rescousse de tous ceux qui disaient qu'il fallait réduire les taxes, je ne suis pas sûr que ça serait réduit encore aujourd'hui. On a forcé nos citoyens à défier nos propres lois, pour mettre fin à la contrebande. Pour mettre fin comment? En présentant un petit projet de loi 152, trois articles. Trois articles, et on avait réglé le problème de la contrebande.

M. le Président, il n'y a pas de quoi se glorifier. Vraiment, il n'y a pas de quoi se glorifier. Et, M. le Président, ce qui m'apparaît... Bien sûr qu'on est pour ce projet de loi là. Ça fait trois ans qu'on le réclame. Mais vous rendez-vous compte, M. le Président, de ce que ça a pu créer dans le trésor public québécois, cette situation-là? Je vais vous le dire. Au dernier budget, le dernier budget qu'on vient de déposer, le premier budget Johnson, et probablement le dernier, M. le Président...

Des voix: Non, non, non.

M. Filion: Oui, c'est le dernier, parce qu'on s'en va en élection, M. le Président. Ils ne pourront pas dépasser cinq ans...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): On va prendre une petite pause. Je vous demande votre collaboration. M. le député, vous pouvez poursuivre votre intervention.

(12 h 40)

M. Filion: Merci, M. le Président. Je voulais dire simplement, M. le Président, que, parce qu'ils ont attendu trois ans, qu'ils n'ont pas écouté l'Opposition quand on leur disait... Personnellement, j'ai fait une bataille dans ce dossier-là. Bien, M. le Président, on a perdu un champ de taxation. Et, dans le dernier budget du 12 mai, savez-vous c'est quoi, le résultat? Le résultat est très simple, M. le Président. Il y a un an, en 1992-1993, on prévoyait percevoir des taxes sur le tabac. Savez-vous combien? 628 000 000 $ qu'on prévoyait, il y a un an. Aujourd'hui, M. le Président, parce qu'on n'a pas réagi à temps, parce qu'on n'a pas fait ce qu'il y avait à faire quand c'était le temps, on a été obligés de réduire les taxes de façon magistrale. Peut-être qu'on aurait eu assez, il y a un an, un an et demi, de 1 $, 1,50 $ par paquet, M. le Président. Les gens auraient dit: Bon, 1,50 $ de moins... Mais on a tellement attendu qu'on a été obligés de réduire les taxes sur le tabac de 3 $ par paquet. Ce qui fait quoi? Ce qui fait qu'on a abandonné un champ de taxation. On a perdu le champ de taxation au complet et là, dans le dernier budget, on prévoit percevoir, pour l'an prochain, savez-vous combien? Seulement 164 000 000 $. M. le Président, ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire que parce qu'on a mal géré, parce qu'on n'a pas voulu aller directement au fond des choses, parce qu'on a voulu suivre aveuglément le système fédéral, on a perdu un champ de taxation, un champ de taxation où on percevait... Il y a à peine un an, on prévoyait percevoir 628 000 000 $; aujourd'hui, on prévoit percevoir 164 000 000 $, parce qu'on a réduit nos taxes pour mettre fin à un réseau de contrebande.

M. le Président, les gens ont besoin des millions de dollars actuellement pour équilibrer les finances publiques, et c'est catastrophique ce qu'on a fait comme gestion libérale à ce niveau-là. On va nous dire: Le fédéral ne voulait pas suivre. Je comprends qu'il ne voulait pas suivre, M. le Président, mais ils ont été tellement polis depuis trois ans, on leur demandait à peine... C'était l'Opposition qui demandait au fédéral de bouger. Le gouvernement en place, il ne se levait jamais pour mettre une pression publique quelconque sur le gouvernement fédéral. Jamais, on ne le faisait. Il a fallu le Bloc québécois à Ottawa, avec la campagne électorale qu'on avait faite, on l'avait dénoncé, et quand ils ont été élus dans l'Opposition à Ottawa, le Bloc québécois, ils ont joué un rôle magistral au niveau de la pression sur le gouvernement de M. Chrétien. Et là ils ont fini par comprendre que tant qu'ils ne l'auraient pas réglé on ne les lâcherait pas. Et ils ont fini par le régler avec le mouvement MATRAC.

Mais, M. le Président, on a perdu un champ de taxation. On a perdu exactement 464 000 000 $ par année de taxes sur le tabac. Pourquoi? Parce qu'on a mal géré au Québec. On a très mal géré la problématique et la crise du tabac. Bien, ça, c'est la faute de qui? C'est la faute du gouvernement libéral, qui n'a pas su crier assez fort, à mon point de vue à moi, pour faire comprendre au fédéral qu'il fallait qu'il bouge dans ce dossier-là.

M. le Président, c'est catastrophique parce que, comme société, on n'avait pas le moyen de perdre ce champ de taxation là. Et si on avait amené des politiques fiscales sensées, des politiques fiscales à l'écoute du milieu, pas des politiques fiscales parce que Ottawa a décidé que de même c'est bon... M. le Président, à Ottawa, ils ont perdu le contrôle de tout, des finances publiques et de leur fiscalité au complet. Et, à Ottawa, c'est malheureux à dire, mais le système qui a besoin d'une réforme, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? ils ne la font pas. Et nous, on subit constamment leurs politiques fiscales, on subit constamment leurs décisions en matière de finances publiques.

Et, M. le Président, moi, je pense que la question de la contrebande du tabac, oui, c'est vrai que c'est réglé, et j'ai été le premier, lorsqu'ils ont amené leur mesure, à dire: Bon, enfin, voici une mesure qui va mettre fin à la contrebande du tabac. J'étais dans l'Opposition et j'ai effectivement acquiescé à cette politique-là, qui était la seule valable de toute façon, et on le disait depuis de nombreuses années, trois ans. Sauf qu'aujourd'hui je dois dire en cette Chambre que ça a tellement pris de temps que c'est des conséquences qui sont terribles, terribles, et le Québec va encore souffrir énormément sur le plan économique de toute cette histoire-là qui a pris trop de temps à se régler. Et on sait que les réseaux de contrebande ont été alimentés par des milliards de dollars de taxes détournées, et ces gens-là ont monté une espèce d'empire financier incroyable. Même si, aujourd'hui, c'est réglé, on a réussi à armer des contrebandiers. On le sait, il y a eu un trafic d'armes avec les milliards de dollars de taxes qu'on a perdus. Il y a eu un trafic d'armes. On sait tout ça.

Aujourd'hui, à chaque fois qu'une question autochtone est soulevée, on se dit: Aïe! ils sont armés, c'est épouvantable. M. le Président, on les a laissés s'armer. On n'a pas bougé. On n'a rien fait avant. Ça aurait dû. Sur-le-champ. C'était un état d'urgence. Puis on le savait tous que c'était un état d'urgence. Sauf que le gouvernement en place, lui, disait: Non, non, la police du tabac va régler ça. M. le Président, c'est malheureux.

Je pense que, comme projet de loi, c'est le plus petit projet de loi que, comme fiscaliste en cette Chambre, j'aurai eu à adopter, mais je vous dirai que c'est le plus important, et de loin, comme projet de loi qu'on aurait dû adopter. Le plus important et de loin. Pourtant, l'exemple, on l'avait. En 1951, le fédéral était aux prises avec de la contrebande. En 1951. Puis, en 1951, tout le monde sait ça – je l'ai dénoncé tant que je pouvais – ils avaient aussi réduit les taxes à l'époque, pour mettre fin à la contrebande. Mais, eux, ils ne voulaient pas réduire les taxes. Ils disaient: Non, non, non, on va régler ça autrement. M. le Président, c'était impossible, selon les règles du milieu, selon les règles du marché, selon les règles économiques, de mettre fin à ce fléau-là autrement qu'en revenant avec une politique fiscale acceptable. Et la politique fiscale acceptable, M. le Président, il y a deux ans, ce n'était pas de réduire de 3 $. Ce n'est pas vrai. La politique fiscale, à l'époque, on parlait de 1,50 $ peut-être. On aurait pu réduire de moitié seulement la politique fiscale. Alors, ça aurait eu pour effet quoi? On n'aurait pas perdu 464 000 000 $ par année. Au moins, on aurait coupé la poire en deux. On aurait pu sauver 232 000 000 $ par année, M. le Président, et empêcher de mettre en place un réseau de contrebande qu'on dirait même armé, aujourd'hui, M. le Président. Du moins, on aurait enlevé quelques milliards à ces gens-là si on avait bougé plus vite. M. le Président, c'est ça, le résultat.

Oui, les gens sont contents et, moi aussi, je suis content. Il fallait que ça se fasse. Et je peux vous dire que, dans ce dossier-là, M. le Président, on a trop attendu, et ce qui est malheureux, c'est que les séquelles, parce qu'il va y en avoir d'autres, séquelles de tout ça... Ce mouvement économique qui est là, qui est présent en parallèle, maintenant, il incite à d'autres niveaux, M. le Président. Ces gens-là qui ont installé un réseau, ils passent quoi? Ils passent sûrement d'autres marchandises. On sait qu'il y a l'alcool, on parle de 400 000 000 $ actuellement. Le problème de contrebande d'alcool n'est pas encore réglé. Ah! Le dernier budget en a parlé. Ah oui! Ils vont régler quoi? La contrebande d'alcool, M. le Président, est au niveau des spiritueux. Au dernier budget, ils ont réduit la taxe sur les vins, M. le Président. Ça, là, ça va régler le problème d'alcool. Ah! bien oui, certain! M. le Président, la politique fiscale, là, des fois, on se demande... On ne les suit pas. Moi, je vous dis sincèrement: On ne les suit pas et on se demande vraiment s'ils regardent la problématique telle qu'elle existe sur le terrain. Et je peux vous dire que la contrebande d'alcool, à mon point de vue, le dernier budget n'a rien réglé. Les millions de dollars qu'on perd, on va continuer de les perdre.

Mais, pendant ce temps-là, M. le Président, savez-vous ce que ça donne comme résultat? Moi, quand je perds 464 000 000 $ par année sur une politique fiscale comme le tabac, savez-vous ce que ça donne comme résultat? Je m'en vais surtaxer les citoyens pour ça, parce que, moi, il me reste encore 42 000 000 000 $ de dépenses pour faire tourner le Québec dans les services. Il faut payer à chaque année 42 000 000 000 $. Si mes revenus ne rentrent plus parce que je perds des sources de taxation, il faut que j'aille les chercher quelque part. Où je vais aller les chercher? C'est ça, on va se prendre encore, M. le Président, sur des gens, des petits fonds de... On s'en prend sur les employés et là, on dit aux employés: On va vous taxer davantage, et on va augmenter la taxation. M. le Président, c'est grave! Oui, je suis content du projet de loi 152. Je vous le dis: Je suis heureux, je suis content. Enfin, vous avez compris! Sauf qu'il y a des conséquences de ce projet-là qui ne sont pas terminées et qui vont faire en sorte, M. le Président, qu'il va occasionner d'autres problèmes et beaucoup d'autres problèmes.

M. le Président, moi, ce que j'aimerais, en terminant, parce que je ne veux quand même pas non plus dépasser les minutes qui me sont allouées, mais ce que j'aimerais dire, M. le Président, c'est que la fiscalité, au Québec, est très mal en point. Elle est très mal en point, et je peux vous dire qu'on a un travail monstre à mettre en place. On a une réforme fiscale en profondeur à enclencher, et je ne comprends pas que ce gouvernement-là ne l'ait pas encore enclenchée. Ça, là, M. le Président, ça fait trois ans que les gens le crient: On veut une réforme de la fiscalité, et ces gens-là ne font rien. M. le Président, ce n'est pas comme ça qu'on va le régler.

(12 h 50)

Je sympathise avec le ministre du Revenu, au fond, lui qui veut mettre fin à la contrebande, au marché noir, à l'économie parallèle. M. le Président, là, les gens se font leur propre justice fiscale. Il y a trop d'exemples, actuellement. Ils ne sentent pas, M. le Président, la volonté du ministre assez à travers la législation et à travers des mesures où les gens diraient: Bon, enfin, on trouve que c'est juste, cette taxe-là.

Je parle souvent de mon 30 $ à l'île, M. le Président, mais, mon 30 $ à l'île, le monde, ils comprennent ça, par exemple. J'ai six paroisses sur une île qui n'ont pas de transport en commun, personne. C'est clair, ça? J'en ai trois qui paient le 30 $ et il y en a trois autres qui ne le paient pas dans les droits d'immatriculation. Pensez-vous que les gens ne comprennent pas qu'ils se font flouer par le système? Ils comprennent ça, mais ce n'est pas juste le 30 $. Ils le voient aussi, quand ils voient comment on légifère actuellement. M. le Président, ils comprennent tous ça et ils se disent: Parfait! S'ils veulent venir me voler un denier public que, moi, je pense qu'on me prend injustement face à mon voisin, ils se rachètent dans un système économique parallèle.

C'est clair. Il y a un paquet d'irritants comme ça auxquels il faut mettre fin. Le principe de la taxe sur la taxe, là, le mouvement perpétuel qu'ils ont instauré, la taxe sur la taxe, les gens n'acceptent pas ça, M. le Président. Les gens ont l'impression de tout donner ce qu'ils gagnent. Ils n'ont plus d'incitatifs à travailler. Ils disent: Bon, bien, si je travaille un peu plus, je vais donner tout à l'impôt. Ils ont raison, M. le Président. On a déplacé la taxation vers l'ensemble de la collectivité, et cette taxation-là doit être redressée dans une réforme où les gens vont comprendre le réalignement. Ils vont comprendre qu'on veut retrouver des mesures fiscales plus justes et plus équitables.

M. le Président, je terminerai ainsi en disant que le projet de loi 152 aurait dû venir en cette Chambre il y a au moins deux ans, M. le Président. Merci.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Montmorency. Alors, le rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi portant le numéro 152, Loi modifiant la Loi concernant l'impôt sur le tabac, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux de cette Assemblée jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise à 15 h 10)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Nous allons reprendre nos travaux. Alors, M. le leader adjoint.

M. Doyon: Oui, Merci, M. le Président. Je voudrais que vous appeliez l'article 31, s'il vous plaît.


Projet de loi 21


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. le leader adjoint. Alors, l'article 31. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité. Est-ce qu'il y a des intervenants? Alors, il n'y a pas d'intervenant. Très bien.


Mise aux voix du rapport

Alors, le rapport de la commission des institutions portant sur le projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Il est adopté? Adopté. Très bien. M. le leader adjoint.

M. Doyon: Je voudrais maintenant, M. le Président, que vous appeliez l'article 4 du feuilleton.


Projet de loi 6


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. le leader adjoint. Alors, Mme la ministre de la Culture et des Communications propose l'adoption du principe du projet de loi 6, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Culture et d'autres dispositions législatives. Alors, je suis prêt à reconnaître une première intervenante, Mme la ministre.

Des voix: Bravo! Bravo!


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. C'est trop. M. le Président, je veux féliciter tous les collègues et tous ceux qui sont ici, nombreux, à l'Assemblée nationale, pour nous écouter. Nous amorçons aujourd'hui le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 6, lequel prévoit des modifications à la Loi sur le ministère de la Culture ainsi qu'à d'autres dispositions législatives.

Comme vous le savez, le ministère de la Culture est devenu, le 11 janvier dernier, le ministère de la Culture et des Communications. Les modifications contenues dans le projet de loi 6 visent à actualiser la législation québécoise pour que celle-ci reflète les nouvelles responsabilités du ministère de la Culture en matière de communications. Ces responsabilités en matière de communications touchent principalement les médias, c'est-à-dire la télévision, la radio, la presse écrite et les industries qui leur sont connexes telles que la publicité et la télédistribution.

Tous reconnaissent aujourd'hui que les médias s'inscrivent naturellement dans l'univers de la culture, car, pour reprendre une expression du président de l'Union des artistes lors de la commission parlementaire sur la politique culturelle, «la culture et les communications forment un tout indissociable». De fait, les médias sont certes un outil privilégié de sensibilisation à la vie culturelle, mais ils sont aussi des producteurs, des employeurs et des partenaires intimement liés au système culturel québécois.

On constate, par exemple, que l'industrie du disque et celle de la radio sont inséparables, que le vidéoclip n'a sa raison d'être que par la télévision, que la critique artistique, pour exister, a besoin des médias, que la publicité et la télévision sont au coeur de la vie économique des membres de l'Union des artistes. On sait aussi que la production audiovisuelle partage son mode de financement, ses infrastructures, ses équipements, ses techniques et ses créateurs entre le cinéma, la télévision et, même, souvent même, la publicité. Un grand nombre d'écrivains travaillent en presse écrite, un secteur qui a aussi des points communs avec celui de l'édition de livres, et ainsi de suite.

Les liens sont nombreux, et de nouvelles ramifications surgiront à moyen et à long terme, ne serait-ce qu'en raison des pressions économiques mondiales et de l'innovation technologique. Il ne faut donc pas se surprendre que de nouvelles responsabilités en matière de communication impliquent également les technologies de l'information. En effet, la communication à distance, c'est-à-dire tout ce qui entoure le transport et la transformation de l'information à distance – que ce soit l'image, la voix ou les données – connaît de profondes mutations. On pense, bien sûr, à cette expression désormais consacrée d'«autoroute électronique» où, grâce à la conjonction de l'informatique et des télécommunications, toute une gamme de nouveaux services est en émergence avec son lot d'impacts sur la culture.

C'est en ce sens que, lors du dernier discours du budget, le gouvernement annonçait une somme de 50 000 000 $ pour soutenir la mise en oeuvre de la stratégie gouvernementale relative à l'autoroute de l'information. Cette démarche s'appuie sur une consultation auprès des représentants des médias, des télécommunications et des technologies de l'information.

Comme je l'indiquais ici même en cette Chambre, le 13 mai dernier, l'univers des communications évolue au rythme fulgurant des découvertes scientifiques et technologiques, du développement de nouvelles applications, de la transformation des marchés, de l'apparition de nouvelles concurrences et de nouvelles alliances.

Pour bien cerner l'importance du vaste domaine des communications, autant dans votre vie personnelle que collective, il faudrait en nommer toutes les ramifications, celles qu'on connaît aujourd'hui et celles qu'on imagine pour demain. En matière économique, sociale et culturelle, l'impact des communications est considérable. Qu'on soit entrepreneur, consommateur, usager ou créateur culturel, notre quotidien et notre potentiel de développement sont tributaires de l'environnement culturel et technologique que nous offre l'ensemble des moyens de communication. Devant de tels enjeux, l'État se doit d'intervenir d'une façon alerte, souple et opportune; l'État se doit d'intervenir avec les leviers dont il dispose – et ils sont nombreux – et de le faire à partir d'une lecture à jour de la réalité. Son action doit être actualisée à la fine pointe d'une réalité qui, elle, ne cesse d'évoluer.

En 1994, l'état des lieux n'est plus le même. Sur les plans économique et technologique, les principaux défis se posent en termes de convergence des technologies, de course à l'innovation, de concurrence internationale. À ce titre, la nécessité d'offrir à nos entreprises un accès à une technologie performante, pour leur permettre d'être concurrentielles et de contribuer à l'emploi, est toujours au coeur de nos préoccupations.

Quant aux leviers dont l'État dispose pour créer des conditions favorables à l'emploi et à l'épanouissement culturel, ils ont pris des formes différentes. Sans exclure toute réglementation, le gouvernement dispose cependant d'autres moyens pour stimuler et accompagner le développement de nos entreprises. Une lecture à jour de la réalité suppose que l'on prenne en considération tous les moyens qui sont maintenant à notre portée pour composer avec la réalité d'aujourd'hui et de demain, car un véritable développement des communications ne pourrait être fondé sur le seul instrument réglementaire.

De plus, on ne peut plus séparer les véhicules de la culture, de la culture elle-même. Il était donc tout à fait naturel, je le répète, d'associer, au sein d'un même ministère, les communications et la culture. Cette association est d'ailleurs réclamée, au Québec, depuis plusieurs années. Ainsi, il y a un peu plus de trois ans, nous avons confié à un groupe-conseil, présidé par M. Roland Arpin et composé de représentants des milieux culturels, le mandat de soumettre des recommandations sur une future politique culturelle pour le Québec. L'une des recommandations faite par le groupe-conseil concernait justement le rattachement au ministère responsable de la Culture d'une partie du ministère des Communications. La recommandation s'appuyait sur, et je cite, «l'importance culturelle des médias, des nouvelles technologies et de la promotion» et visait, je cite encore, «une concertation permanente» entre le ministère des Affaires culturelles d'alors et le ministère des Communications.

Les recommandations du groupe-conseil ont, par la suite, été débattues lors d'une des plus importantes commissions parlementaires qu'ait jamais tenues le Québec. Plusieurs des intervenants venus témoigner lors de cette commission nous ont alors prédit et redit l'importance majeure des communications au sein de notre vie culturelle et la nécessité que l'appareil gouvernemental puisse s'adapter à cette réalité moderne. Ces consultations nous ont conduits à la politique culturelle que vous connaissez et que nous avons adoptée en juin 1992.

Sur les questions en rapport avec la discussion d'aujourd'hui, la politique culturelle du Québec mettait en lumière l'importance de resserrer les liens entre les deux ministères, Culture et Communications. Elle jetait les premiers ponts d'une collaboration plus étroite. La politique culturelle a d'abord insisté, et je pense que c'était un préalable indispensable, sur la nécessité de doter le Québec d'un ministère de la Culture fort et outillé pour mener à bien les orientations et les objectifs de la politique culturelle.

Le ministère des Affaires culturelles est ainsi devenu, l'an dernier, le ministère de la Culture. Nous avons adopté sa loi constituante, une loi qui établissait clairement les responsabilités du ministère par rapport à l'ensemble de l'action culturelle gouvernementale, par rapport à la politique culturelle et par rapport à ses champs de compétence. Nos énergies, dans un premier temps, ont donc été canalisées vers la refonte du ministère des Affaires culturelles. La création du Conseil des arts et des lettres du Québec, en fonction depuis le 1er avril, nous a permis de transférer au nouvel organisme la gestion des programmes d'aide destinés aux artistes et créateurs.

Conformément aux orientations de la politique culturelle, le ministère a donc subi une importante réorganisation. Les grands objectifs de cette opération ont été d'assurer un meilleur service à la clientèle, d'améliorer l'efficience des opérations et du fonctionnement, de réduire les coûts pour atteindre les objectifs du cadre financier et de permettre au ministère de mieux cibler ses actions sur l'essentiel de sa mission.

C'est dans la foulée de ces objectifs et des efforts d'allégement de la structure gouvernementale que nous avons pu, le 11 janvier dernier, fusionner une partie de l'ancien ministère des Communications au ministère de la Culture. Le projet de loi 6 s'inscrit donc en droite ligne avec toute une démarche visant à consolider le secteur de la culture mais aussi à accroître l'efficacité de l'appareil public. Ce projet de loi est le fruit d'une volonté manifeste du gouvernement de rapprocher les dossiers culturels et les dossiers en communications.

L'objectif principal du projet de loi 6 est d'abord d'effectuer les modifications législatives nécessaires, qui traduiront l'annexion du volet communications au volet culturel. L'essentiel des modifications dont il est question ici touchent la Loi sur le ministère de la Culture.

On trouvera donc, dans ce projet de loi, 36 articles. Le premier modifie le nom de la Loi sur le ministère de la Culture qui devient ainsi la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications. Les huit articles suivant intègrent à la loi sur le ministère les responsabilités du ministre en matière de communications. On y élargit le champ de compétence du ministre et du ministère de la Culture. Sont ainsi repris les articles de l'ancienne Loi sur le ministère des Communications, qui précisent les fonctions reliés à ces domaines de compétence. La Loi sur le ministère des Communications étant abrogée, un grand nombre d'articles apportent des modifications de concordance pour actualiser les lois qui, auparavant, faisaient référence au ministre ou au ministère des Communications.

(15 h 20)

Ainsi, les lois autrefois sous la responsabilité du ministère des Communications sont transférées au ministre de la Culture et des Communications, à l'exception de deux lois, toutefois, qui seront désormais sous la juridiction du ministre de la Justice: la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Dans une vingtaine d'autres lois, on remplacera les deux expressions «de la Culture» ou «des Communications» par une seule: «de la Culture et des Communications». Bref, ce projet de loi vient inscrire toutes les concordances législatives et modifications techniques nécessaires conséquemment à la création du ministère de la Culture et des Communications.

Je termine donc, M. le Président, sur ceci. Nous avons devant nous un projet de loi qui reflète une volonté qui fait déjà l'unanimité en cette Chambre: nous dotons le Québec d'un ministère responsable de la Culture et des Communications. Ce faisant, nous permettons à la culture québécoise de resserrer les liens avec un champ, celui des communications, dont l'influence est plus que déterminante pour notre avenir culturel.

La concertation permanente souhaitée de part et d'autre depuis plusieurs années est déjà une réalité depuis le mois de janvier dernier. Les nouvelles responsabilités qui m'ont alors été confiées, en ce qui a trait aux communications et à la francophonie, élargissent en effet nos perspectives d'intervention dans le domaine de la culture. L'efficacité de notre action en a été sensiblement renforcée.

De plus, la cohérence de l'action gouvernementale dans ces secteurs en est nécessairement accrue. Les clientèles ont dorénavant accès, à l'intérieur d'un même ministère, à un lieu de décision et d'expertise qui est maintenant en mesure de prendre en compte toutes les dimensions de la vie culturelle québécoise. Les citoyens du Québec savent que cette fusion est aussi l'occasion d'alléger la structure de l'appareil gouvernemental. Il s'agit là d'un objectif désormais incontournable, alors que les ressources publiques se font plus rares et nécessitent une gestion plus rigoureuse que jamais.

Le projet de loi 6, modifiant la Loi sur le ministère de la Culture et d'autres dispositions législatives, me paraît nécessaire et très opportun à ce moment-ci de l'évolution de notre vie culturelle. De ce fait, je suis convaincue que son principe même réjouira tous ceux et celles qui ont à coeur la cause de la culture et des communications au Québec: les milieux culturels, le monde des communications, l'ensemble des citoyens et les membres de cette Assemblée. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le critique de l'Opposition officielle, M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques. M. le député.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie. En tout premier lieu, M. le Président, j'annoncerai que l'Opposition officielle est d'accord avec le projet de loi qui nous est présenté. Certains esprits chagrins ont quelquefois reproché à la ministre de la Culture et à son vis-à-vis de l'Opposition d'être souvent d'accord. Laissons, M. le Président, ces esprits chagrins continuer et disons-nous que, lorsqu'il peut y avoir, en politique, des moments consensuels au lieu d'y avoir des moments conflictuels, eh bien, nous serions – pour employer l'expression courante – bien bêtes de ne pas saisir l'occasion.

Et je suis d'autant plus heureux de dire que l'Opposition officielle est d'accord avec le projet de loi, parce que le Parti québécois a inscrit à son programme, dès 1991, la création d'un ministère fusionné de la Culture et des Communications. Je ne vais donc pas blâmer la ministre de m'avoir écouté, de m'avoir donné raison et, finalement, de se rallier à l'Opposition. On peut dire de la ministre qu'elle est tout au moins visionnaire, M. le Président. J'aurais aimé qu'elle le fasse au même moment que nous, mais mieux vaut tard que jamais.

L'art, M. le Président, est essentiel à la culture. L'artiste, en puisant dans l'imaginaire, recrée la culture à chaque génération, en utilisant les nouveaux médias, en devançant souvent la sensibilité du public contemporain. Or, l'expression artistique, aujourd'hui, dispose d'un nouveau et puissant véhicule: ce sont les communications. Ce véhicule est si omniprésent, le marché, qui devient son maître, est si pressant que le médium devient le message. Les communications produisent à leur tour la culture instantanée, miroir d'une société vue à travers les règles du marketing.

Pourtant, grâce aux communications, jamais le patrimoine artistique n'a été aussi accessible à une si large partie de la population québécoise. Jamais les artistes n'ont disposé d'un public aussi immense. Aujourd'hui, de même qu'on ne peut concevoir la culture sans l'art, on ne peut séparer la culture des communications.

Au sein même du Québec moderne, le renouvellement de la culture est un continuum de situations et d'activités interpénétrées, partant des arts et allant jusqu'aux communications et aux industries de technologies de l'information, en passant par la diffusion culturelle.

Les industries de l'esprit, puisque c'est le terme qu'il faut employer ici, constituent la fine pointe d'une économie de l'information fondée sur l'innovation et la qualité de la matière grise, mais dévoreuse d'investissements. Profondément enracinées dans le terreau québécois, mais visant à l'universel – ce que nous prônons d'ailleurs comme formation politique – obligées au dépassement pour ne pas disparaître – c'est la réalité quotidienne de notre peuple – face à une compétition souvent disproportionnée, nos entreprises luttent souvent à armes inégales tout en travaillant à créer les instruments de l'avenir.

Ajoutons que la notion contemporaine d'industries culturelles est déjà le signe d'une transformation majeure dans les relations qui s'établissent entre les activités culturelles et artistiques et la société dont elles émanent. Les concepts d'oeuvres d'art, de beaux-arts et de culture savante ne doivent pas être exclus mais élargis, réinterprétés et joints au fait culturel contemporain.

Au coeur de cette intégration, M. le Président, la qualité et l'excellence passent par l'artiste, d'abord et avant tout, passent par son travail, sa création. Je vous en mentionne les conséquences et les manifestations: nouvelles relations entre les arts, les sciences et la technologie; mass-médiatisation croissante des produits culturels; internationalisation des marchés culturels; réinterprétation des traditions; importance de premier plan, pour la société, de la qualité – qualité des ressources, du cadre de vie, des rapports humains, de la créativité pour l'innovation, donc des pratiques artistiques et des activités culturelles – nouvelles formes et expressions artistiques correspondant à de nouvelles sensibilités et à de nouveaux moyens technologiques et, forcément, de nouvelles esthétiques. Aujourd'hui, la relation entre les êtres et les choses prend davantage les «téléchemins», si vous me permettez l'expression, les «téléchemins» électroniques et numériques de l'audio, du visuel et du texte médiatisé. Ils sont aussi importants puisqu'ils tendent à jouer le même rôle que la nature tenait antérieurement dans le développement culturel et artistique d'une société.

La culture, les arts, les institutions nationales, les industries culturelles et les communications forment un ensemble indissociable. Non seulement les arts, en soi, sont au coeur des contenus culturels, des médias et des industries d'avenir des communications et de l'information, mais ils constituent, M. le Président, une condition motrice de la qualité humaine et sociale de l'économie émergente. La télévision et la radio, le cinéma, les variétés, la chanson, la dramaturgie, le disque et les arts visuels sont des activités qui se soutiennent mutuellement sur les ondes ou sur la scène. L'audiovisuel est l'employeur majeur des artistes interprètes: 60 % des revenus globaux des membres de l'Union des artistes proviennent des secteurs technologiques des industries culturelles. L'audiovisuel et l'édition supportent l'essentiel de la diffusion culturelle et constituent des modes d'accès premiers de la population aux arts et à la culture et des instruments puissants de promotion des arts.

(15 h 30)

Les technologies numériques – et voilà un sujet fort passionnant – ordinateurs, informatique, pour ne citer que ces deux, et les télécommunications – j'en citerai deux également – téléphonie, satellites, aussi à la base technologique de la radiodiffusion et de la câblodistribution, sont aujourd'hui des moyens communs aux trois champs culturels, notamment à la source de l'essor actuel de nouveaux sons et de nouvelles images.

Dans le projet de loi, on parle de télécommunications. Vous comprendrez, M. le Président, que nous avons hâte, nous avons fort hâte d'entendre la ministre nous parler du comment, comment elle va exercer cette responsabilité, suite au récent jugement de la Cour suprême sur la téléphonie.

Nous devons tous nous rappeler, M. le Président, que la Cour suprême décidait récemment que la téléphonie, du moins cette petite partie très congrue que le Québec avait, eh bien, le Québec perdait cette partie. Cela devenait de compétence exclusive fédérale. On a vu, M. le Président, un jour, la ministre s'indigner et, le lendemain, se résigner et s'empresser même de dire qu'elle procéderait elle-même au déménagement, devenant, en quelque sorte, le Clan Panneton, le Clan Panneton du transfert d'un pouvoir québécois vers le pouvoir fédéral. Et la ministre, qu'un journaliste avait traitée de tigresse dégriffée, montrait en cette Chambre, au cours d'une interpellation que nous avions, qu'elle avait toujours les ongles rouges, certes, mais, malheureusement, les ongles avaient été fort mal taillés par le jugement de la Cour suprême.

Le rouge y reste, M. le Président. Est-ce par filiation politique ou par esthétisme? La question peut toujours se poser, mais nous en sommes quand même au point fondamental qui est celui que le Québec a perdu une compétence essentielle dans le développement moderne de toute société qui veut progresser. Donc, nous avons hâte, M. le Président, que la ministre nous parle du comment – je le répète – elle va exercer cette responsabilité quand on parle des télécommunications, suite au récent jugement de la Cour suprême quant à la téléphonie.

La ministre de la Culture et des Communications – et quelquefois je dis la ministre de la Culture et de l'absence de communications, puisque le jugement de la Cour suprême me force à faire ce jeu de mots – deviendra la ministre responsable de la Régie des télécommunications. Nous avons hâte également, et vous comprenez, M. le Président – d'ailleurs, je le lis en vous regardant – que nous avons hâte comme vous de voir la ministre nous dire ce qu'elle va faire avec cette Régie. Va-t-elle l'abolir? Nous sommes en droit de poser la question. Va-t-elle abolir la Régie des télécommunications? Va-t-elle changer sa vocation? Et, si oui, quelle vocation?

J'espère qu'elle aura des réponses à ces questions lors de l'étude article par article du projet de loi. Si la ministre n'a pas de réponses, eh bien, M. le Président, vous comprendrez que c'est elle qui portera l'odieux, mais nous ne nous priverons pas du plaisir de l'interroger sur ces questions, qui sont fondamentales: Va-t-elle, oui ou non, abolir la Régie des télécommunications? Sinon, eh bien, tant mieux, mais que va-t-elle en faire? La question se pose. D'ailleurs, elle soulève de nombreuses questions, également, à l'intérieur du caucus ministériel, de plusieurs députés. Notamment, le député de Vanier, qui a un intérêt certain dans ce dossier; le député de LaFontaine, à titre d'adjoint parlementaire à la ministre, montre un intérêt manifeste quant à l'avenir de la Régie des télécommunications. Je sais qu'il est plutôt dans le courant abolitionniste de son parti, mais, quant à la Régie des télécommunications, je sais – du moins, je crois savoir – qu'il manifeste un certain intérêt à ce que cela soit maintenu. Mais, comment cela sera-t-il maintenu? La question reste entière, M. le Président. Ce n'est pas l'adjoint parlementaire qui y répondra, c'est la ministre. J'ose espérer qu'il saura bien l'influencer.

Dans le dossier de l'autoroute électronique, je sais qu'il est fort à la mode d'en parler, mais les gens ne doivent pas se laisser distraire par cette phrase, qu'il est à la mode d'en parler. C'est un dossier de fond, c'est un dossier essentiel, c'est un dossier qui est reconnu essentiel par l'ensemble des pays industrialisés, qui y concentrent des efforts de réflexion immenses, en plus d'efforts de construction, c'est-à-dire de l'équipement, du support, de la technologie. Le dossier de l'autoroute électronique, M. le Président, nous préoccupe au plus haut point; à preuve, les questions que j'ai pu poser en cette Chambre et les nombreuses questions, également, qui ont été posées au premier ministre par le chef de l'Opposition et prochain premier ministre du Québec.

Donc, dans le dossier de l'autoroute électronique, il est surprenant de constater que, à la première occasion où la ministre aurait dû manifester un peu de leadership, malheureusement, nonobstant toute l'amitié, voire même l'affection que j'ai pu avoir pour la personne, la ministre s'est malheureusement écrasée, M. le Président, malheureusement écrasée. Dans le premier – et j'emploierai, à escient, le qualificatif «timide» – plan d'action sur l'autoroute électronique déposé par Québec, on remarque l'absence de la ministre de la Culture et des Communications comme intervenante dans ce dossier. Vous vous rappelez, M. le Président, c'était un document présenté au Conseil des ministres, et dont j'ai eu le plaisir de déposer une copie, ici, en cette Chambre.

Vous me permettrez, M. le Président, de vous lire un extrait de ce document, qui dit: «Un premier plan d'action. Six mesures semblent s'imposer dans les circonstances présentes – y lisait-on: désigner le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie comme le ministre responsable de mettre au point et de promulguer une politique au sujet de l'autoroute de l'information au Québec, en collaboration avec ses collègues des principaux ministères concernés; constituer, sous son autorité, un groupe chargé de le conseiller quant à une stratégie gouvernementale à moyen et long terme», alors qu'on a raté le court terme tout de suite au départ, M. le Président.

Mais, ceci dit, on ira plus loin dans le texte: «Confier au ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles – on ne voit pas ce que les deux font avec lui, mais enfin – la responsabilité de développer le volet France-Québec de la politique québécoise en matière d'autoroute de l'information et de conduire les consultations appropriées.»

Est-ce que nous devons en conclure, M. le Président, à la lecture des premiers énoncés que je viens de faire, que la ministre de la Culture et des Communications, qui est également ministre chargée des affaires francophones, n'est plus qu'une ministre d'apparat? La ministre n'est plus qu'une ministre d'apparat. Je ne vais pas nier qu'il est fort agréable de la montrer, mais avouez qu'il est quand même odieux, dans un dossier comme celui-ci, que la ministre de la Culture et des Communications, et ministre chargée du dossier des affaires francophones, soit complètement évacuée du plan d'action.

(15 h 40)

Je ne peux, M. le Président, accepter un plan d'action où la ministre, où le ministre, dépendant du hasard des nominations – dans le cas actuel, il s'agit d'une ministre – je ne puis accepter, M. le Président, que la ministre de la Culture et des Communications, responsable de la Francophonie, en soit littéralement exclue et que cela soit l'apanage quasi exclusif du ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie et du ministre des Affaires internationales, qui donne maintenant dans l'Immigration et les Communautés culturelles.

Avouez que, là, le bât blesse, alors que l'on sait fort bien que, dans l'autoroute électronique, si les supports sont importants, si les marchés représentent des défis très intéressants, là aussi, pour le développement économique du Québec, la grande préoccupation doit être au niveau des contenus. Comment pouvons-nous songer à des contenus si l'on relègue aux oubliettes le ministère de la Culture et des Communications, lorsqu'en plus on veut échanger, collaborer, participer avec l'un de nos principaux partenaires dans la francophonie, qui est la France, et qu'on évacue la ministre responsable de la Francophonie? Eh bien, c'est à y perdre son latin.

On y lisait également, M. le Président – je vais poursuivre, avec votre permission: «Amorcer la mise en réseau des systèmes d'information publics et parapublics et leur accès, de façon interactive, à des clientèles; orienter les politiques d'acquisition publiques de façon à soutenir dans leur développement les industries qui produisent, distribuent et consomment de l'information.»

L'information, ce sont les communications. Mais pourquoi, M. le Président, a-t-on voulu, en vertu de quel sombre dessein a-t-on voulu exclure la ministre de la Culture et des Communications une deuxième fois? On l'exclut quand il s'agit des contenus, on l'exclut quand il s'agit des relations avec la France, puisque c'est le ministère des Affaires internationales. Là, on l'exclut quand on parle d'information, alors qu'on a un ministère de la Culture et des Communications.

Enfin, là, il faut quand même que je le lise, M. le Président, parce que la vérité a quand même ses droits, et surtout dans ce Parlement: «Autoriser l'affectation à ce plan d'action d'une enveloppe d'environ 60 000 000 $, à même le volet II, Priorités gouvernementales.» M. le Président, qu'on y ait mis... le vrai chiffre est 50 000 000 $, je dirai: Tant mieux, tant mieux! On aurait pu le faire plus tôt. Mais, il faut quand même dire une chose, il ne faudrait surtout pas que les gens soient dupes. Ces 50 000 000 $ sont arrivés, mais par un miracle. C'est tout simplement 50 000 000 $ qui étaient dans une autre enveloppe, ailleurs, qui n'ont pas été dépensés. Contrairement à l'habitude consacrée qui est de remettre – donc ce qu'on appelle, dans le jargon parlementaire, «périmer des crédits» – eh bien, on les a déplacés et on les a remis dans une autre enveloppe, en disant: Bien, voilà! On écrit sur l'enveloppe: autoroute électronique. Je me réjouis qu'ils soient là, mais de là à dire que ça a été par générosité et grandeur d'âme, vous me permettrez d'être un tantinet sceptique, un tantinet sceptique.

Nous sommes, M. le Président, à nous demander, un peu comme la chanson: Mais, que reste-t-il des communications? Que reste-t-il après tout cela? Quelles actions le Québec peut-il accomplir en matière de communications, alors que, d'une part, nous perdons une très large partie de notre compétence par un jugement de la Cour suprême du Canada? Tout le monde se rappelle le vieil adage que la Cour suprême est comme la tour de Pise, qu'elle penche toujours du même côté, quoique la tour de Pise, on l'a redressée, mais la Cour suprême continue toujours à pencher et elle penche toujours du côté du gouvernement fédéral. Et on exclut, dans un volet aussi essentiel qu'est l'autoroute électronique, le ministère de la Culture et des Communications. Quelles actions peut-il accomplir – quand je dis «peut-il», je parle du Québec, du gouvernement actuel du Québec – en matière de communications? Et la question fondamentale: Mais que reste-t-il des communications après tout cela?

Par contre, M. le Président, nous sommes heureux de constater que, malgré tout, le gouvernement libéral est déjà en train de préparer quelques structures d'accueil des pouvoirs que nous exercerons lorsque nous serons souverains. Fait cocasse, la logique fédéraliste du parti ministériel et les incohérences qui sont inhérentes à cette logique fédéraliste les font aller dans un sens tout en contournant pour rattraper l'autre, et voilà qu'on s'aperçoit qu'on est en train, en quelque sorte, quand même, de préparer, comme je le disais tantôt, quelque structure d'accueil de pouvoirs que le Québec entend exercer et qu'il exercera de façon efficace, de façon cohérente, selon nos intérêts propres, selon nos aptitudes, lorsque nous serons souverains, quand il n'y aura, à toutes fins pratiques, qu'un vrai ministère de la Culture et des Communications, il n'y en aura qu'un seul. Mais ce sera lorsque le Québec aura tous les pouvoirs en matière de culture et de communications que «culture» et «communications» prendront un sens et auront une dimension, au Québec, qui sera d'abord et avant tout à l'avantage des créateurs québécois, du public québécois, donc de l'ensemble du Québec.

En attendant ce jour, M. le Président, en attendant ces mois, eh bien, pour les quelques jours qui restent dans ce Parlement et surtout dans cette Législature qui se termine, qui s'achève, puisque le premier ministre a été désigné, donc il n'a pas été élu, et que notre Constitution oblige fort heureusement à des élections – sinon nous nous demandons si nous n'aurions peut-être pas un coup d'État, puisqu'on ne semble pas pressé de déclencher le processus électoral – eh bien, durant les jours qui suivent à cette Assemblée nationale, en commission parlementaire, celle de la culture et des communications, nous regarderons très attentivement les articles du projet de loi de la ministre un par un en donnant quand même l'assurance, comme je l'ai fait au début de cette intervention, que, malgré les très graves lacunes, mais ces lacunes étant le fait du contexte constitutionnel canadien dans lequel le Québec est malheureusement encarcané, eh bien, nous donnerons notre accord à la ministre pour l'adoption de ce projet de loi. Et je conclus là-dessus, M. le Président, en vous remerciant de m'avoir permis d'intervenir sur ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Est-ce que, Mme la ministre, vous voulez avoir un temps de réplique? Très bien, Mme la ministre.


Mme Liza Frulla (réplique)

Mme Frulla: M. le Président, je vais seulement faire un certain point d'ordre. Premièrement, quand on dit: Que reste-t-il des communications? je trouve qu'on a une vision extrêmement négative et défaitiste de la situation actuelle. D'abord, effectivement, il y a eu un jugement de la Cour suprême, on le sait tous, et on doit se soumettre au jugement. Donc, il y a maintenant une action qui s'opère, une action qui est politique. Le côté légal, on le règle, on doit le régler. Ce n'est pas de gaieté de coeur, on n'a pas le choix, on doit le régler. Les compagnies de téléphone, maintenant, font une certaine transition avec l'aide de la Régie; on n'a pas le choix, on applique le règlement de la Cour suprême.

(15 h 50)

D'un autre côté, au niveau politique, tout est permis. Nous avons fait des interventions auprès de nos homologues fédéraux et, plus que ça, auprès des autres provinces. J'ai signé, d'ailleurs, une lettre répondant au vice-premier ministre de la Saskatchewan, M. le Président, qui nous dit qu'effectivement les provinces – et il parle même dans sa lettre de la Colombie-Britannique, entre autres – ne veulent pas être évacuées du champ important qui est tout le développement de l'autoroute électronique ou, enfin, tout le développement technologique. Pourquoi? Parce que c'est de l'économie nouvelle et parce que c'est l'économie du futur. Donc, ce n'est pas que la province de Québec, ce sont aussi les autres provinces qui se disent: On se doit d'avoir des champs de juridiction et des champs d'action dans un secteur qui est le secteur du futur, et probablement le secteur qui va créer le plus d'emplois dans le futur. Deux.

Troisièmement, quand on dit: La ministre de la Culture et des Communications est complètement évacuée, je vous dirais que c'est faux. Et ça me fait toujours un peu sourire, parce qu'il y avait des questions qui ont été posées en Chambre par le chef de l'Opposition au premier ministre, et aussi par le chef de l'Opposition à mon collègue de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Dans le fond, je me dis que l'Opposition n'est pas plus éclairée non plus. Qu'on me les pose, les questions, je vais vous les donner, les réponses.

Ça me fait toujours sourire, d'ailleurs, qu'on s'émeuve, que des gens, des représentants, des leaders de notre communauté en matière de haute technologie, par exemple, et de développement technologique soient demandés pour siéger sur des comités ou sur un comité fédéral, entre autres, à titre personnel. Pourquoi? Pour leurs connaissances, parce qu'ils sont des leaders. Et on s'émeut. J'espère que l'émotion va atteindre son paroxysme quand nous allons annoncer, suite à l'entente Johnson-Balladur, une stratégie commune, avec comité conjoint, avec la France. Et nous l'avons établie, d'ailleurs, cette stratégie, lors de ma visite, entre moi et mon bon ami, Jacques Toubon. J'espère qu'il y aura un délire quand nous allons annoncer la stratégie du Québec, avec l'application des 50 000 000 $ justement pour encourager et définir cette stratégie québécoise en fonction de l'autoroute électronique et, enfin, en arriver avec tout un plan de développement au niveau de cette stratégie. Et on sera en mesure de vous l'annoncer d'ici peut-être 15 jours, maximum 15 jours.

Alors, cela dit, c'est un travail conjoint entre la ministre de la Culture et des Communications et le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie. Pourquoi? Parce que nos deux visions, nos deux façons de faire et les deux façons de faire des deux ministères sont parfaitement complémentaires. Et c'est ça, M. le Président, le futur. Le futur, ce n'est pas des ministères qui travaillent en vase clos, de façon sectorielle, mais des ministères qui sont ouverts, et qui sont ouverts aux autres ministères pour, justement, être plus efficaces et pour, justement, avoir un appareil gouvernemental qui travaille ensemble d'abord, de façon efficace et orientée vers la clientèle.

Et, M. le Président, si on pense que l'autoroute électronique se fait en vase clos, détrompez-vous. Nos industries, nos leaders nous demandent, justement, de les aider, de les accompagner sur la scène nationale et sur la scène internationale, mais de les laisser faire, de ne pas se substituer à eux, d'utiliser le pouvoir gouvernemental, justement, comme levier de développement, mais de ne pas faire les choses à leur place. Et c'est exactement la philosophie dans laquelle on entreprend cette grande stratégie gouvernementale face à l'autoroute électronique. Nous allons être des accompagnateurs, mais nous ne prendrons pas leur place et nous ne ferons pas les choses à leur place. Pourquoi? Parce qu'ils savent beaucoup mieux que nous comment se développer, comment voir le futur, et ils savent beaucoup mieux que nous aussi comment avoir des applications pour, justement, aider la population à mieux, elle, se développer. C'est la technologie au service de l'homme, et non pas l'homme au service de la technologie, M. le Président.

Je voulais apporter ce point de correction, parce que non seulement nous sommes extrêmement impliqués, mais nous sommes aussi les moteurs de cette stratégie. Et ça me fait plaisir, et c'est un honneur pour moi de travailler avec mon collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, et aussi de travailler avec ces industries qui sont, justement, des pionniers et des leaders en matière de développement technologique, non seulement au Québec, mais au Canada, et je dirais même au monde. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, Mme la ministre. Ceci met fin au débat. Il n'y a pas d'autre intervenant.


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi 6, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Culture et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de la culture

M. Doyon: Oui, M. le Président, je fais maintenant motion pour que ledit projet de loi soit déféré à la commission de la culture pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Très bien. M. le leader.

M. Doyon: Oui, M. le Président, avant d'appeler l'article 6, que nous ferons dans quelques instants, je vous demanderais de suspendre nos travaux.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, les travaux sont suspendus temporairement.

(Suspension de la séance à 15 h 56)

(Reprise à 16 h 37)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, MM. les députés, si vous voulez prendre place.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Doyon: Oui, M. le Président, vous voudrez bien maintenant appeler l'article 6 de notre feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi 12


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 6, M. le ministre délégué aux Affaires autochtones propose l'adoption du principe du projet de loi 12, Loi modifiant la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec. M. le ministre délégué aux Affaires autochtones, la parole est à vous.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, après une négociation qui s'est étalée sur plusieurs années, le Conseil des ministres, le 3 novembre dernier, autorisait la signature, avec les Cris, les Inuit et les Naskapis du Québec, de conventions complémentaires à la Convention de la Baie James et du Nord québécois pour permettre la chasse commerciale, la garde en captivité et l'élevage de certaines espèces de la faune en territoire conventionné. À cet effet, le 31 mars dernier, je déposais devant cette Assemblée une proclamation approuvant, mettant en vigueur et déclarant valides ces deux conventions, et, par la même occasion, je déposais copie de ces dernières.

Il me fait donc plaisir aujourd'hui de proposer l'adoption du principe du projet de loi modifiant la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec, lequel, pour donner suite aux deux conventions complémentaires, autorisera les autochtones du Nord du Québec à pratiquer la chasse commerciale du caribou, du lagopède, du tétras des Savanes et du lièvre et à garder en captivité ou élever ces mêmes espèces et le boeuf musqué. Cette modification législative devient donc nécessaire pour assurer que ces activités se pratiquent en tenant compte du régime de chasse, de pêche et de piégeage en vigueur pour ce territoire et pour permettre au gouvernement du Québec d'assumer pleinement son mandat de gestionnaire de la faune.

Dans l'analyse de la problématique entourant ce dossier, M. le Président, nous ne pouvons ignorer que, dans le réseau de l'alimentation de même que dans les restaurants, il est possible actuellement d'obtenir de la viande de caribou en provenance des Territoires du Nord-Ouest ou du Labrador. Au Labrador, les Inuit sont autorisés par le gouvernement de Terre-Neuve à commercialiser la viande de caribou dont l'abattage s'effectue sur le troupeau de la rivière Georges, le même qui sera exploité par les Cris, les Inuit et les Naskapis du Québec.

Cette situation résulte de l'absence, dans la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, d'une disposition permettant la commercialisation d'espèces sauvages, si ce n'est celle du poisson et celle des espèces fauniques qu'il est permis de piéger. Modifier cette loi pour permettre la chasse commerciale des espèces déjà mentionnées aurait entraîné une incompatibilité avec la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec, laquelle loi ne permet pas ces activités à l'égard des espèces mentionnées.

(16 h 40)

Il s'est donc avéré nécessaire de conclure des conventions complémentaires avec les Cris, les Inuit et les Naskapis pour modifier le régime de chasse, de pêche et de piégeage établi en territoire conventionné et de modifier en conséquence la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec, qui reprend les termes du chapitre 24 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et du chapitre 15 de la Convention du Nord-Est québécois.

Depuis 1984, tous les inventaires réalisés par les biologistes confirment une croissance importante du troupeau et le risque d'une épidémie due à un manque de nourriture, ce qui pourrait provoquer un déclin important de ce troupeau. Il devient donc justifié de prendre des mesures pour accroître le nombre de bêtes abattues tout en maintenant le troupeau à un niveau qui puisse garantir le droit d'exploitation des autochtones sur la faune et permettre la chasse sportive.

Afin de mieux comprendre la décision du gouvernement du Québec, M. le Président, de souscrire à un projet ayant fait l'objet d'un aussi large consensus, permettez-moi de tracer un bref historique de l'évolution de ce dossier et de l'implication des autochtones de même que de plusieurs ministères et organismes.

Il faut remonter à 1985, alors que le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, répondant à une demande des Inuit, déposait, au comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage institué en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, un projet de règlement permettant à une entreprise inuit l'exploitation de la chasse commerciale du caribou. Ce dossier a connu par la suite un ralentissement, alors que les Cris, les Inuit et les Naskapis n'acceptaient pas que cette activité soit entièrement régie par la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, mais faisaient valoir qu'elle devrait plutôt s'inscrire dans le prolongement de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de la Convention du Nord-Est québécois.

En 1989, les Cris, les Inuit et les Naskapis déposaient au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche une proposition sur l'encadrement de la chasse commerciale du caribou qui tenait compte du cadre déjà établi par les conventions. Les négociations furent alors relancées, jusqu'au dépôt d'un projet d'entente soumis en 1991 à l'intention des ministères concernés. En août 1992, le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère des Forêts et le ministère de la Justice s'associent au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et s'engagent dans des négociations avec les représentants des autochtones afin de finaliser une entente qui sera ratifiée par le Conseil des ministres en novembre 1993.

Cette entente, M. le Président, comporte deux objectifs qui justifient pleinement la décision gouvernementale dans ce dossier. Le premier objectif est d'ordre faunique. En effet, il devient nécessaire, pour éviter une baisse dramatique du troupeau de caribous, d'envisager des mesures pour en contrôler la croissance. Il faut se rappeler que le Québec abrite le plus grand troupeau de caribous au monde. À lui seul, le troupeau de caribous de la rivière George compterait 750 000 bêtes, selon les plus récents inventaires réalisés en 1993. En une seule année, ces grands migrateurs piétinent une superficie de 650 000 km² entre les baies de James, d'Hudson et d'Ungava, d'une part, et la mer du Labrador, d'autre part. La partie la plus septentrionale du Québec sert également de lieu de pâturage à un second grand troupeau de caribous migrateurs, désigné sous le nom de troupeau de la rivière aux Feuilles. Celui-ci migre de la baie d'Ungava à la baie d'Hudson et au détroit d'Hudson, dans son périple annuel. Ce troupeau semble encore, quant à lui, en croissance rapide, et le dernier inventaire estimait ses effectifs à près de 260 000 bêtes.

La majorité des biologistes s'entendent pour affirmer que les fortes densités des troupeaux pendant la dernière décennie ont détérioré l'habitat et causent des problèmes d'alimentation pour ces bêtes. La stature des caribous, le nombre de jeunes qui survivent et même le poids des nouveau-nés ont diminué récemment, ce qui démontre que le nombre de caribous du troupeau de la rivière George est trop élevé. Depuis 1993, le gouvernement du Québec étudie divers scénarios, scénarios d'augmentation de la récolte de caribous. Le cas du caribou est plutôt inusité, en gestion faunique, puisque l'on recherche une augmentation de la récolte plutôt qu'une diminution. Le gouvernement du Québec doit, comme gestionnaire de cette ressource renouvelable, prendre des actions pour diminuer le nombre de caribous afin d'éviter dans la mesure du possible un déclin dramatique des troupeaux qui serait dû à des facteurs naturels.

Les biologistes, M. le Président, estiment que les deux troupeaux pourraient supporter actuellement une récolte annuelle de plus de 70 000 caribous. Or, la récolte totale, incluant celle faite dans la province de Terre-Neuve, où le troupeau de la rivière George séjourne une partie de l'année, ne dépasse pas 38 000 têtes. Il est donc non seulement possible, mais surtout utile, comme outil de gestion, d'augmenter de façon significative la récolte des deux troupeaux de caribous du Québec. La commercialisation de la viande de caribou représente une option réaliste et efficace pour atteindre ce but.

Le second objectif de l'entente, d'ordres économique et social, concorde en tous points avec les principes de la politique du gouvernement du Québec en matière autochtone adoptés par le Conseil des ministres en janvier 1987 et qui manifestent, entre autres, la volonté de confier aux autochtones le soin de développer leurs économies à partir des ressources dont ils disposent. Ainsi, puisque les ressources fauniques concernées sont en nombre suffisant sur l'ensemble du territoire conventionné, rien ne s'oppose à ce que le savoir-faire traditionnel des autochtones soit utilisé pour mener à bien les activités de chasse commerciale. Une récente étude produite par la Société Makivik démontre qu'un abattage de 5000 caribous représentant 160 000 kg de viande générera des revenus directs de 2 430 000 $, auxquels s'ajoutera la vente des peaux et des bois, pour un total de près de 3 000 000 $.

Nous ne pouvons passer sous silence l'aspect social relié à cette entente, alors que la chasse commerciale permettra aux Cris, aux Inuit et aux Naskapis de développer des emplois principalement au niveau de la récolte et de la transformation.

L'étude citée précédemment nous indique que, pour le même nombre de caribous, les travailleurs bénéficieront d'une masse salariale estimée à 1 300 000 $. M. le Président, sans entrer dans les détails du projet de loi, que j'aurai l'occasion de discuter en commission parlementaire, j'attire tout de même votre attention sur les éléments essentiels. Tout d'abord, la chasse commerciale, la garde en captivité et l'élevage des espèces mentionnées sont consenties de façon exclusive aux Cris, aux Inuit et aux Naskapis pour une période de 30 ans. Cette décision constitue l'élément essentiel du projet de loi et démontre que, même au-delà de nos divergences, la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois peuvent s'adapter à de nouvelles réalités. Les relations particulières qu'ont toujours entretenues les autochtones avec la faune sur ce territoire justifient cette décision.

Avant de convenir de cette exclusivité, nous avons pris en considération plusieurs des droits et privilèges que la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec accorde présentement aux Cris, aux Inuit et au Naskapis. Je n'en citerai que quelques-unes qui leur confèrent une priorité d'exploitation sur la ressource faunique. Premièrement, ils peuvent, suite à un consensus, imposer un quota d'abattage pour le caribou et l'orignal que le gouvernement du Québec serait tenu de confirmer par un règlement, sauf si une telle décision mettait en péril la conservation des espèces; deuxièmement, ils possèdent le droit exclusif de piéger sur le territoire conventionné; troisièmement, ils possèdent l'exclusivité de la chasse et de la pêche en terres de catégories I et II, sur lesquelles se pratiquera la chasse commerciale pour plusieurs communautés; quatrièmement, ils peuvent exploiter de façon exclusive certaines espèces de gibier et de poisson partout sur le territoire conventionné; cinquièmement, ils peuvent commercialiser certaines espèces fauniques tels le poisson et les peaux provenant de leurs activités de piégeage.

(16 h 50)

Outre ces cinq éléments majeurs, nous avons également appuyé notre décision sur d'autres considérations, telles la proximité du troupeau de caribous dans certaines communautés, sa concentration au Nord du Québec et également le fait que, tant en Europe qu'au Labrador et dans les Territoires du Nord-Ouest, la chasse commerciale n'est habituellement autorisée qu'aux autochtones.

Tout en accordant la priorité aux autochtones, une disposition du projet de loi prévoit tout de même que ce droit pourra être partagé avec des non-autochtones. Il y a lieu de croire qu'une bonne partie des opérations nécessaires à la mise en marché du produit et à sa distribution dans les réseaux d'alimentation devront mettre à contribution des non-autochtones.

Comme vous le voyez, M. le Président, le projet de loi comporte plusieurs aspects socio-économiques et il concerne plusieurs espèces fauniques. Mais c'est le caribou qui est concerné au premier chef, car sa population et son caractère exotique permettraient un rendement économique intéressant et sa viande pourrait être écoulée tant au Québec qu'à l'extérieur. Quant au petit gibier, nous entrevoyons un marché limité qui se développera particulièrement au niveau local.

Je voudrais insister sur un point important, M. le Président, à savoir que l'exclusivité accordée aux autochtones par le présent projet de loi n'abolit aucunement le droit du gouvernement du Québec ou de ses partenaires de poursuivre le développement sur le territoire. Il a été convenu que la chasse commerciale, la garde en captivité ou l'élevage pouvaient se pratiquer de concert avec des projets d'exploitation forestière, de développement hydroélectrique et de tout autre projet d'exploitation des ressources naturelles.

D'autre part, tout comme il est prévu dans le régime actuel de chasse, de pêche et de piégeage en vigueur sur le territoire conventionné, les activités de chasse commerciale, de garde en captivité ou d'élevage sont également assujetties au régime environnemental. À cet effet, les projets seront présentés pour fins d'analyse à la Commission environnementale Kativik et à la Commission environnementale de la Baie James, qui recommanderont au ministre de l'Environnement et de la Faune l'opportunité ou non d'exiger des études d'impact.

En ce qui concerne le contrôle de cette activité, ni le gouvernement du Québec ni les autochtones ne pouvaient envisager la possibilité qu'il n'y en ait pas. Nous aurions ainsi risqué de mettre en péril les espèces et de contrevenir aux règles internationales fondamentales de la protection et de la conservation de la faune. Il fut donc convenu que toute chasse commerciale, garde en captivité ou élevage des espèces fauniques déjà mentionnées seraient sujets à l'obtention d'un permis du ministre de l'Environnement et de la Faune, qui ne pourra être émis sans l'avis favorable écrit de l'organisme autochtone concerné.

De plus, le ministre transmettra au comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage, qui regroupe des représentants des parties signataires des conventions, copie de la demande de permis en indiquant, s'il y a lieu, les conditions qu'il se propose de déterminer, telles que le quota d'abattage, les mesures de contrôle, les espèces concernées, les périodes de chasse, le territoire sur lequel se pratiquera la chasse, etc. Le comité conjoint devra alors faire part au ministre de ses recommandations.

Également, l'ensemble des lois québécoises régissant la protection de la santé publique s'appliqueront sous la responsabilité du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

En terminant, M. le Président, je veux qu'il soit bien clair que ce projet de loi n'affectera aucun des droits et privilèges des non-autochtones, qui sont garantis selon le régime de chasse, de pêche et de piégeage actuellement en vigueur sur le territoire conventionné. Ainsi, seront maintenus l'accès à l'ensemble du territoire et la priorité du prélèvement qui prévoit que, dans l'hypothèse d'une diminution importante de la ressource faunique, le gouvernement du Québec suspendra d'abord la chasse commerciale; par la suite, la chasse sportive et, si nécessaire, la chasse de subsistance.

La chasse commerciale ne devra donc pas porter atteinte ou restreindre le développement des pourvoiries, dont les activités génèrent des retombées économiques de plus de 15 000 000 $. Au contraire, les pourvoyeurs qui accueillent près de 6000 chasseurs par année auront la possibilité d'afficher à leur menu et de servir à leur clientèle de la viande sauvage de caribou et des espèces concernées provenant du Nord du Québec.

De même, la population du Québec bénéficiera des effets de ce projet de loi, puisqu'il lui sera maintenant possible de se procurer cette viande sauvage en provenance du Québec. Je crois donc, M. le Président, que ce projet de loi est nécessaire sur le plan de la gestion faunique et qu'il sera un apport important pour le développement économique du Nord québécois.

Et, avec ça, M. le Président, je serai heureux d'entendre le député de Duplessis nous informer que son parti appuiera le projet de loi pour que ce projet de loi puisse être adopté de façon unanime, selon les règles, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre délégué aux Affaires autochtones. Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 12, Loi modifiant la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec, et je cède la parole à M. le député de Duplessis. M. le député.


M. Denis Perron

M. Perron: Merci, M. le Président. M. le Président, je crois que, à l'intérieur de ce projet de loi 12 et compte tenu de son libellé, le ministre n'a aucune inquiétude à l'effet que l'Opposition soit contre ce projet de loi, et, au cours de mon allocution, je vais démontrer le pourquoi du fait que nous sommes en faveur du projet de loi. C'est non seulement des raisons sociales, ce sont surtout et aussi des raisons économiques, par rapport aux Cris, par rapport aux Naskapis ainsi qu'aux Inuit du Nord québécois.

Ce projet de loi vient essentiellement reprendre les principaux éléments contenus dans le décret 45-94, adopté par le gouvernement le 10 janvier dernier et publié dans la Gazette officielle du Québec du 2 février. Comme l'indique son titre et les notes explicatives, son seul objet est de modifier la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec afin de donner suite à la Convention complémentaire no 12 à la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Convention complémentaire no 1 de la Convention du Nord-Est québécois, c'est-à-dire pour les Naskapis.

En fait, il permet aux autochtones et Inuit, de façon exclusive, et ce, pour une période de 30 ans, de chasser à des fins commerciales, de garder en captivité ou d'élever certaines espèces de la faune. Notons que l'exercice de ces activités pourra, avec l'autorisation des autorités autochtones responsables, être partagé avec des non-autochtones dans le cas des terres de catégorie III.

Soulignons aussi que l'ensemble des six espèces pouvant être chassées commercialement va du caribou au tétras des Savanes, tandis que, au sein de celles pouvant être gardées en captivité ou élevées, on doit y inclure en plus le boeuf musqué.

Quelques aspects intéressants du projet de loi. Ce projet de loi viendra répondre, en premier lieu, à des demandes répétées en ce sens, depuis plusieurs années déjà, de la part des principaux intéressés, c'est-à-dire les Cris, les Inuit, les Naskapis et des différentes organisations qui les chapeautent, soit l'Administration régionale crie, l'Administration régionale Kativik, la Société Makivik et la corporation foncière naskapie, en plus de tous les Blancs qui sont intéressés à acheter le produit.

En second lieu, et le facteur le plus important, il correspond à un besoin réel des Inuit et des autochtones, qui doivent absolument trouver de nouvelles possibilités économiques pour assurer le développement de leurs communautés respectives. Dans le contexte de négociations avec d'éventuels gouvernements autochtones autonomes, il s'agit d'un pas nécessaire dans la bonne direction.

Un autre facteur non négligeable à considérer est qu'il existe des débouchés potentiellement appréciables sur les marchés québécois comme les marchés de l'extérieur pour la consommation de certaines viandes sauvages, dont, notamment, le caribou. Rappelons qu'en ce moment les restaurateurs québécois doivent obtenir le caribou en provenance de Terre-Neuve, comme l'a mentionné le ministre.

En octroyant ce droit de chasse et en favorisant la professionnalisation du processus de commercialisation, on devrait aussi obtenir l'appui de tous les intéressés, autochtones ou non-autochtones.

(17 heures)

Je voudrais ici, M. le Président, vous rappeler que, lors de l'étude des crédits du Secrétariat aux affaires autochtones, j'avais abordé ce sujet particulier avec le ministre et un de ses hauts fonctionnaires, M. Georges Beauchemin. Le ministre se rappellera certainement que les discussions avaient notamment porté sur la capacité qu'avait le troupeau de caribous québécois d'absorber un objectif minimal de commercialisation de viande sauvage. En effet, il est évalué qu'un objectif de récolte de 5000 bêtes pour la première année, sur un troupeau évalué à plus de 700 000 bêtes, selon les estimations gouvernementales, et possiblement jusqu'à 750 000, selon certaines personnes du milieu, n'aurait aucun impact négatif sur le nombre de caribous, qui, par ailleurs, augmente à chaque année de façon constante, actuellement. En réalité, il devenait quasiment nécessaire qu'une certaine forme de chasse commerciale soit mise en place afin d'empêcher que la croissance du troupeau devienne hors du contrôle. Nous ne voulons surtout pas nous retrouver avec les impacts considérables que provoquerait une situation de surpopulation. Rappelons-nous la situation du loup-marin et de ses conséquences dramatiques sur la pêche au poisson de fond. Il vaut aussi la peine d'indiquer que, en Laponie, on abat commercialement à peu près 50 000 bêtes sur un troupeau de 200 000 têtes, ce qui représente un taux de récolte annuel de près de 25 %. À ce qu'on sache, la population et les gouvernements finlandais, suédois ou norvégien ne semblent pas avoir de problème avec cet état de fait. Cependant, je comprends que, aujourd'hui, si on arrive avec une projection de 5000 bêtes par année, il est clair que nous serons en mesure de protéger le cheptel, d'une part. Et, d'autre part, s'il y a augmentation, avec les évaluations qui sont faites en cours de route, au cours des prochaines années et en particulier dès le début des opérations, on pourra être assuré, possiblement, de pouvoir en ajouter quelques milliers tout en protégeant quand même le cheptel.

Au Québec, selon nos informations, la récolte globale annuelle se situerait actuellement, en moyenne, entre 20 000 et 22 000 bêtes. Alors, raison de plus pour comprendre que ce n'est pas un prélèvement additionnel de 5000 têtes qui menacera d'une façon la survie du troupeau. Et, compte tenu du fait qu'il y a abattage annuel du caribou dans le Nord du Québec, il ne faut pas oublier que, même si le gouvernement émet des permis pour la chasse sportive au caribou, c'est qu'il n'y a jamais assez de chasseurs qui se rendent sur place pour faire les abattages nécessaires pour le maintien de la bonne santé du troupeau lui-même. En fait, d'après certains spécialistes, il serait même envisageable de permettre une capacité de récolte qui atteindrait les 10 % du troupeau actuel. Donc, tant et aussi longtemps que le principe de la conservation des espèces animales contenu dans la Convention de la Baie-James demeure prioritaire, il n'y a pas de problème pour nous de l'adopter suite à la commission parlementaire.

Quant aux infrastructures disponibles et les normes de qualité, je voudrais aborder maintenant ces deux seuls aspects, qui sont susceptibles de causer problème au moment de l'application sur le terrain des principales activités prévues à ce projet de loi. Notons qu'il est clairement indiqué que lesdites activités seront assujetties à l'obtention d'un permis ou d'une autorisation du ministre de l'Environnement et de la Faune pour une période maximale de 12 mois et d'un avis favorable de la communauté autochtone intéressée. Espérons, par ailleurs, que ces contrôles seront suffisants pour s'assurer que le tout sera entrepris de façon professionnelle, dans un cadre qui correspond au standard de qualité auquel la population québécoise, blanche ou autochtone, est en droit de s'attendre.

Par contre, j'aurais quelques questions à poser au ministre, qui pourrait peut-être clarifier certains aspects du projet de loi. La première, c'est: Quelle garantie avons-nous, à l'heure actuelle, que les infrastructures existantes dans le Nord du Québec possèdent toutes les capacités nécessaires pour traiter une demande initiale de 5000 têtes de caribou? Dans la même veine, il faudrait que le ministre nous précise s'il y a des projets autres que celui de M. Johnny Peters, de Kuujjuaq, qui, pour le moment, laisse entrevoir des perspectives extrêmement intéressantes.

Le secrétaire adjoint, M. Georges Beauchemin, nous a indiqué, lors de la récente étude des crédits, qu'il est question d'implanter à certains endroits stratégiques des parcs de confinement pour pouvoir abattre le caribou dans les meilleures conditions possibles. De même, il nous a assurés que toute la viande serait inspectée et soumise aux prescriptions générales prévues par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec en la matière. Si tout va comme prévu, on peut donc imaginer la présence d'abattoirs mobiles pour faciliter le travail dans le Grand-Nord. Je suis donc curieux de voir comment, en pratique, on arrivera à faire respecter des normes aussi rigoureuses que celles existantes au niveau de la viande domestique lorsqu'on arrivera aux étapes de l'abattage, du contrôle de la qualité de la viande, de l'empaquetage, des abats, comme, par exemple, le coeur, le foie ou encore la langue. M. le Président, il faut se rappeler qu'il y a eu interdiction à un certain moment donné, ou un avis qui a déjà été donné en rapport avec le foie de caribou, qui était contaminé par un virus. J'espère que, cette question-là, on va la regarder de près avant de mettre de l'avant la vente des abats à travers le processus suite à l'abattage.

En conclusion, M. le Président, je tiens à mentionner que notre formation politique, comme je le disais au début, donne son appui entier au principe de ce projet de loi. Par ailleurs, nous demeurons très confiants de voir les problèmes potentiels auxquels nous venons de faire référence être réglés à la satisfaction de tous et de chacun, en particulier face aux consommateurs et consommatrices du Québec.

En dernier lieu, je tiens à souligner que ces modifications à la Convention de la Baie James et à celle du Nord-Est québécois indiquent clairement que ces dernières sont toujours appliquées de façon évolutive et dans le respect profond des droits et aspirations des peuples autochtones, tout en espérant que l'avenir permettra de contribuer à une meilleure économie dans le milieu, chez les autochtones, et tout en permettant, d'autre part, aux milieux autochtones du Québec de se prendre en main avec une vraie responsabilisation dans les dossiers qui les concernent. Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Duplessis, de votre intervention sur ce projet de loi. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je vous demanderais maintenant de...


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant, un instant! Le principe du projet de loi 12, Loi modifiant la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'aimerais maintenant faire motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.


Renvoi à la commission des institutions

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion de M. le leader adjoint du gouvernement et député de Louis-Hébert est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Doyon: Oui, avant que nous abordions l'article 11, qui est prévu pour 20 heures, je vous demanderais que, jusqu'à cette heure-là, nous puissions suspendre nos travaux.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À votre demande, je n'hésiterai pas et je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 8)

(Reprise à 20 h 8)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, Mmes, MM. les députés, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît, et vous asseoir, nous allons reprendre nos travaux. Alors, M. le leader adjoint.

M. Lefebvre: M. le Président, je vous demande d'appeler l'article 9 du feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi 19


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. le leader. Article 9: M. le ministre de l'Emploi propose l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et la Loi sur la fête nationale. Alors, je suis prêt à entendre un premier intervenant. M. le ministre.

M. Marcil: M. le Président, est-ce que vous pourriez demander aux députés, s'il vous plaît, de prendre leur place?

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît! Mme, MM. les députés, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît, pour écouter M. le ministre, son propos. S'il vous plaît. À l'ordre, Mme la députée, s'il vous plaît! Très bien, M. le ministre. M. le ministre.

M. Marcil: Dix minutes.

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le ministre, vous pouvez y aller. Très bien.


M. Serge Marcil

M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. La Loi sur les normes du travail vise à garantir formellement une protection de base à toute personne salariée afin d'éviter l'exploitation et la marginalisation d'une partie de la main-d'oeuvre dotée d'un trop faible pouvoir de négociation sur ses conditions de travail. Un gouvernement responsable doit s'occuper particulièrement de cette catégorie de travailleurs, et le gouvernement n'a pas manqué à ses obligations à cet égard. Je pense particulièrement à l'augmentation du taux du salaire minimum pendant huit années consécutives afin d'améliorer le pouvoir d'achat des personnes travaillant au salaire minimum.

(20 h 10)

Sans entrer dans les détails, la révision en profondeur de la loi, en 1990, illustre également la capacité du gouvernement d'innover pour mieux tenir compte de l'évolution des milieux du travail et de la société québécoise. M. le Président, c'est encore cette préoccupation d'adaptation qui nous amène à proposer des modifications afin de préciser la portée de certaines dispositions concernant les travailleurs à temps partiel. De plus, il est nécessaire de corriger une situation préjudiciable à certains salariés travaillant habituellement le dimanche mais qui ne bénéficient pas, actuellement, des avantages prévus par la loi au titre de congé de Pâques. Enfin, il peut arriver qu'un salarié de la construction travaille pour un même employeur, tantôt dans un secteur assujetti au décret de la construction, tantôt dans un secteur qui ne l'est pas. Le projet de loi introduit donc un mode de calcul de l'indemnité à verser lors d'un jour férié pour le salarié dans cette situation. La modification à la Loi sur la fête nationale est au même effet.

Ce projet de loi, M. le Président, n'apporte donc aucune modification substantielle aux conditions de travail des salariés. Les précisions et les correctifs que je propose n'en sont pas moins nécessaires, pour les raisons que j'expliquerai tout à l'heure.

En présentant ce projet de loi, nous visons deux objectifs. Le premier est d'abord de nous assurer que les règles du jeu fassent l'objet d'une compréhension commune de la part de tous les intervenants auxquels elles s'appliquent. Des interprétations divergentes peuvent nuire et même empêcher de bonnes relations de travail dans une entreprise ou dans un secteur d'activité économique. Il est alors nécessaire que le gouvernement prenne les devants et intervienne afin de prévenir ces situations malencontreuses. C'est le premier volet des modifications proposées.

L'Opposition officielle se rappellera deux changements majeurs que nous avons apportés aux normes du travail applicables aux personnes qui travaillent à temps partiel. Depuis le 1er janvier 1982, il est désormais interdit de rémunérer une personne salariée à un taux inférieur à celui offert à une personne effectuant le même travail dans le même établissement pour la seule raison qu'elle travaille habituellement moins d'heures par semaine, donc du travail à temps partiel.

La même interdiction prévaut à l'égard de la durée des vacances annuelles et de l'indemnité afférente à ces vacances. En ces matières, on ne peut accorder des avantages différents aux personnes salariées pour la simple raison qu'elles occupent des emplois à temps partiel. M. le Président, l'application de ces dispositions avait toutefois été temporairement suspendue à l'égard des salariés qui travaillent dans le commerce de produits alimentaires. Nous voulions alors vérifier les conséquences financières de l'instauration de ces mesures dans un secteur d'activité où les pratiques de rémunération étaient souvent contraires à ces nouvelles dispositions, particulièrement dans les supermarchés. Cela s'avérait d'autant plus nécessaire que le secteur était en pleine restructuration, soumis à une très vive concurrence et à de faibles marges bénéficiaires.

Nous voulions aussi procurer un délai aux principaux acteurs de l'industrie afin qu'ils identifient eux-mêmes les conditions propices à l'instauration de l'équité salariale entre les travailleurs à temps plein et les travailleurs à temps partiel. Par souci d'équité envers les employeurs du Québec et les salariés du secteur de l'alimentation, il était aussi très clair que cette suspension était une mesure d'exception, dont la durée devait être la plus brève possible.

Cette décision, M. le Président, était la bonne. Ainsi, tant les employeurs que les syndicats ont insisté pour que le processus de la négociation collective soit respecté. Les parties veulent déterminer elles-mêmes les modalités d'ajustement leur permettant d'atteindre les objectifs de la loi.

Pour le commerce de gros et l'entreposage de produits alimentaires, la suspension pouvait être levée assez rapidement, ce qui a été fait le 3 août 1993. Pour le commerce de détail, la suspension sera levée le 31 décembre 1994. Nous sommes heureux que la bonne volonté manifestée par les parties ait permis d'en arriver à cette solution dans des délais raisonnables.

Si nous intervenons maintenant, M. le Président, c'est que nous voulons que ce compromis soit bien achevé pour près de 80 000 personnes qui oeuvrent dans le commerce de détail, dont les trois quarts sont payés à l'heure. Pour cela, il ne doit y avoir aucune ambiguïté quant à la portée de la règle d'équité salariale que le Québec est encore le seul au Canada à avoir introduite dans sa législation. Cette règle n'a pas et n'a jamais eu pour effet de signifier la parité absolue des salaires. Elle n'interdit pas de fixer la rémunération ou le salaire selon des critères tels l'expérience, l'ancienneté, la durée de service, l'évaluation au mérite ou la productivité des employés. Ces critères sont utilisés par les employeurs et demeurent pertinents. Ils sont souvent au coeur des conventions collectives; ils ne sont pas remis en cause. De même, un taux de salaire basé sur le nombre d'heures travaillées est permis si le même critère s'applique à tous les autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement.

M. le Président, ce que la loi interdit, c'est la différenciation du salaire fondée uniquement sur le statut de travailleur à temps partiel. Il ne doit y avoir aucune équivoque là-dessus. Et c'est pourquoi nous avons décidé de le clarifier...

Le Vice-Président (M. Tremblay): Un moment, M. le ministre.

M. Marcil: ...en y apportant des précisions.

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le ministre, un moment, s'il vous plaît. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger: M. le Président, vu l'importance du débat, je crois qu'il serait indispensable qu'il y ait le quorum dans cette Assemblée.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, M. le député, je vais vérifier pour vous le quorum.

Alors, comme je constate qu'il n'y a pas quorum, alors, qu'on appelle les députés.

(20 h 16 – 20 h 17)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît. Nous allons poursuivre nos travaux. Alors, M. le ministre, si vous voulez continuer votre propos, s'il vous plaît.

M. Marcil: Merci, M. le Président. Je comprends que c'est un projet de loi très important. Il est tout à fait normal que l'ensemble de la députation puisse être attentif à l'énoncé de cette loi.

Je disais, M. le Président, que le deuxième objectif a pour but de corriger des iniquités à l'égard de certains salariés dans des situations particulières. Nous proposons des modifications techniques pour corriger deux situations incongrues dans l'application des normes sur les jours fériés. La première situation concerne le congé de Pâques. La Loi sur les normes du travail prévoit que le Vendredi saint ou le lundi de Pâques, au choix de l'employeur, sont des jours fériés et chômés. Le dimanche de Pâques, actuellement, n'est pas un jour férié et chômé au sens de la loi.

Lorsque le gouvernement a modifié la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, en décembre 1990, il remplaçait le lundi de Pâques comme jour au cours duquel le public ne peut être admis dans un établissement commercial par le dimanche de Pâques. Ainsi, les salariés qui travaillent habituellement le dimanche perdent nécessairement une journée de salaire lorsqu'il s'agit d'établissements commerciaux qui, en raison des dispositions de la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, doivent fermer le dimanche de Pâques.

M. le Président, la volonté du législateur a toujours été qu'aucun salarié ne puisse perdre du salaire lors d'un jour férié et chômé, dans la mesure où ce jour est une journée ouvrable pour le salarié. Conséquemment, un amendement doit être apporté pour faire en sorte que, pour les salariés travaillant dans des commerces fermés le dimanche de Pâques, cette journée soit un jour férié et chômé afin de leur permettre de bénéficier d'une indemnité ou d'un congé compensatoire. Cela couvre la presque totalité des commerces de vente au détail autres que les pharmacies et les dépanneurs.

Cependant, une telle modification ne serait pas souhaitable dans les établissements qui n'opèrent habituellement pas le dimanche parce qu'il ne peut jamais s'agir d'une journée ouvrable pour le salarié. Par conséquent, le fait de remplacer le Vendredi saint ou le lundi de Pâques par le dimanche de Pâques ferait perdre des droits à ces salariés. Pour ceux et celles dont c'est le cas, la situation est inchangée.

(20 h 20)

M. le Président, la deuxième situation à l'égard de laquelle nous devons intervenir est la suivante. Le 14 décembre 1993, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi 142, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et modifiant d'autres dispositions législatives. Cette loi exclut de son champ d'application les travaux de construction de bâtiments réservés exclusivement à l'habitation lorsque ces bâtiments comprennent, au total, huit logements ou moins. Selon les estimés de la Commission de la construction du Québec, 14 000 salariés travailleraient dans les deux secteurs, assujettis et non assujettis au décret de la construction. Également, 8400 entreprises auraient construit des habitations au moins une fois dans le secteur non assujetti au décret de la construction. Conséquemment, les employeurs dont les salariés travaillent dans les deux secteurs pourraient être tenus de leur verser deux indemnités, soit celle du décret, celle prévue au décret, et celle prévue à la Loi sur les normes du travail.

De plus, M. le Président, les modes de calcul sont totalement différents. Selon le décret, tout travail exécuté un jour férié chômé est considéré comme du temps supplémentaire. Dans la plupart des cas, cela veut dire que le salarié est payé à temps double. Pour le calcul de l'indemnité pour les jours fériés comme tels, l'employeur doit créditer une somme égale à 5 % du salaire gagné, y compris le salaire gagné en temps supplémentaire. La somme s'accroît donc en fonction du salaire gagné à chaque semaine. Par la suite, deux fois par année, la commission versera au salarié des montants ainsi accumulés.

Ainsi, le salarié reçoit toujours une indemnité pour les jours fériés, peu importe s'il a travaillé ces jours-là ou non. En vertu de la Loi sur les normes du travail, l'indemnité se calcule de toute autre manière. Elle équivaut à la moyenne du salaire journalier des jours travaillés pendant la période complète de paie précédant un jour férié. Mais il faut aussi que ce soit une journée ouvrable pour le salarié. Si ça ne l'est pas, aucune indemnité n'est versée. Le mode de compensation des jours fériés prévu au décret élimine ce risque.

Conséquemment, M. le Président, pour les salariés qui reçoivent déjà une indemnité en vertu du décret, l'indemnité prévue à la Loi sur les normes du travail doit tenir compte de la garantie ainsi accordée. C'est pourquoi un amendement devrait être apporté afin de prévoir que l'indemnité pour un jour férié en vertu de la Loi sur les normes du travail soit calculée en proportion des jours travaillés en vertu de cette loi par rapport à l'ensemble de ceux travaillés pour un même employeur au cours d'une période donnée. Je suis convaincu que l'ensemble des députés de cette Assemblée comprennent exactement le calcul de ces jours. Il y aura également lieu d'effectuer la modification de concordance avec l'article 4 de la Loi sur la fête nationale.

Voilà, M. le Président, les principaux éléments du projet de loi modifiant la Loi sur les normes du travail et la Loi sur la fête nationale. Les modifications qu'il contient permettront de l'appliquer avec plus d'équité et de tenir compte de certaines situations particulières. C'est pourquoi je demande aux membres de cette Assemblée d'adopter le principe du projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et la Loi sur la fête nationale. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Laval-des-Rapides, sur le même sujet. M. le député de Laval-des-Rapides.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Au cas, M. le Président, où vous ne seriez pas le seul à nous écouter, je suis certain que les autres qui nous écoutent vont s'apercevoir que c'est un projet de loi assez technique. Le ministre a eu l'amabilité, dans un échange de bons procédés, de me donner une copie de son discours avant de le prononcer, et j'avoue qu'il y a certains paragraphes que j'ai dû lire à plusieurs reprises avant de les comprendre, mais je ne suis pas sûr que je les comprends tous. Mais, pour aider ceux qui seraient dans la même ignorance que moi et les faire avancer sur la voie de l'éclairage dont j'ai pu bénéficier, avec l'étude d'un projet de loi qui, ma sainte foi, au tout début, était assez obscur... D'ailleurs, on m'avait remis un assez volumineux dossier, dans lequel il y avait un échange de correspondance entre des gens, ma sainte foi, qui ont un langage très hermétique. Je pensais que, quand on a étudié la Constitution, ou la loi de faillite ou la loi de l'impôt, on a tout vu dans ce qui est obscur, mais je m'aperçois, comme jeune député, que l'obscurité restera toujours plus grande que la lumière.

Mais on aura compris que c'est un projet de loi qui modifie la Loi sur les normes du travail, accessoirement la Loi sur la fête nationale, mais, ça, c'est juste une question d'ajustement. Ce qu'il est important qu'on comprenne aussi, c'est que le but de ce projet de loi est d'apporter certaines modifications à l'avantage des travailleurs à temps partiel. On peut dire que, en principe, il est difficile d'être contre le but d'un projet de loi comme celui-là, et c'est pourquoi, à ce stade, nous avons l'intention de voter pour le principe de la loi. L'étude article par article du projet de loi nous permettra, ainsi qu'aux insomniaques qui resteront, d'avancer dans notre compréhension des différentes dispositions, de les éclairer un peu plus et de viser, si possible, à l'améliorer. Mais il y a quand même quelques remarques pertinentes qui peuvent être faites à ce stade.

D'abord, on peut se demander réellement si c'est un projet de loi qui vise à ajuster vraiment les dispositions sur les normes du travail concernant la parité salariale pour les salariés à temps partiel. Est-ce que ces modifications apportées s'appliquent à l'essentiel des questions de discrimination que soulève l'article 41.1 de la Loi sur les normes du travail, qu'on verra un peu plus tard? Signalons que ces questions avaient déjà été soulevées lors de l'étude de la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, en 1990, sans que les corrections y soient apportées par le gouvernement libéral. Et c'est vraiment étrange qu'un gouvernement qui est en fin de, en fait, qui est au-delà du mandat habituel, qui est le plus long mandat depuis la dernière Guerre mondiale, s'attaque soudainement, ha, ha, ha! en fin de régime, à apporter des corrections qui auraient dû être apportées bien plus tôt. Ce n'est d'ailleurs pas parce qu'elles sont difficiles à comprendre qu'elles ne sont pas importantes pour les travailleurs qui sont visés par elles. Mais je pense que c'est une bonne idée de prendre conscience de l'importance des travailleurs salariés auxquels elles s'appliquent.

Il s'agit des travailleurs salariés à temps partiel. Dans son introduction au projet de loi, le législateur écrit: «Ce projet de loi modifie la Loi sur les normes du travail afin de prévoir expressément les critères d'application de la règle de la parité salariale pour les salariés à temps partiel», c'est-à-dire, pour que les salariés à temps partiel reçoivent le même montant à l'heure que les salariés à temps plein. Il ne faudrait pas que ceux qui, comme moi, ont été étudiants, ceux qui le sont aujourd'hui se réjouissent trop tôt, parce qu'il reste quand même que les employés à temps plein peuvent être payés sans qu'il y ait de discrimination, selon leur expérience et selon d'autres critères qui feront qu'ils seront peut-être payés plus cher de l'heure. Mais on cherche à appliquer le principe: à travail égal, salaire égal.

Déjà, lors de l'adoption du projet de loi 97, la Loi qui modifiait la Loi sur les normes du travail, le gouvernement s'était fait mentionner à maintes reprises que les aménagements qu'il proposait, bien qu'ils aient représenté une amélioration en regard de la situation précédente, n'éliminaient pas entièrement la discrimination dont peuvent être victimes les travailleurs et les travailleuses à temps partiel. Il est important de rappeler ici, en cette Chambre, qui sont ces travailleurs et travailleuses à temps partiel: près de 30 % des jeunes de moins de 30 ans ayant un emploi occupent un emploi à temps partiel. Ces jeunes qui occupent des emplois à temps partiel représentent 50 % de l'ensemble des travailleurs et travailleuses à temps partiel du Québec. C'est donc dire que toute politique gouvernementale qui touche les salariés à temps partiel concerne d'abord directement les jeunes Québécoises et Québécois de moins de 30 ans.

Permettez-moi de souligner, en passant, que les jeunes de moins de 30 ans ont été les plus durement touchés par la récession des dernières années et par les différentes politiques du gouvernement, notamment la hausse de 300 % des frais de scolarité à l'université. Plus concrètement, en ce qui touche directement l'emploi, les jeunes âgés de 15 à 29 ans ont subi une perte de 156 000 emplois, ces quatre dernières années. C'est la première fois depuis 1980 que, durant quatre années consécutives, les jeunes de moins de 30 ans enregistrent des pertes aussi importantes d'emplois.

Le travail à temps partiel touche aussi très durement les femmes. En 1992, 24 % des femmes en emploi étaient salariées à temps partiel. En fait, depuis 1970, les femmes représentent environ 70 % des personnes occupant un emploi à temps partiel. La loi que nous nous apprêtons à débattre en commission parlementaire ne règle, dans les faits, pas grand-chose à la situation présente des travailleurs et travailleuses à temps partiel.

(20 h 30)

Parlons d'abord de l'article 41.1°. Cet article précise les balises qui permettent à un employeur d'établir les salaires des employés à temps partiel. La modification qui est apportée par le projet de loi permettra à tout employeur de déterminer, en fonction des établissements dans l'entreprise, les salaires des employés à temps partiel. Cette précision est importante, puisqu'elle respecte les principes de l'entreprise privée, qui évalue les salaires à raison de critères courants et légitimes tels l'ancienneté, l'expérience, le service continu, etc. Ce qui justifie un peu ce que je vous disais tout à l'heure. Ne vous réjouissez pas trop vite! Ça ne veut pas dire, parce que, quand vous entrerez dans une entreprise à temps partiel pour faire – je ne sais pas – quelque chose comme j'ai déjà fait, moi – par exemple, vendre des vêtements pour enfants – bien, votre voisin qui vend des vêtements pour enfants ne sera pas payé un peu plus cher que vous. Parce qu'il pourrait être payé sans qu'il y ait discrimination, en vertu de son ancienneté, de son expérience et d'autres critères, comme le service continu. Mais, enfin, on cherche à établir le principe de la parité salariale; tous ceux qui sont à temps partiel et ceux qui sont à temps plein. Parité horaire. Parité du salaire horaire.

Mais la modification apportée par le projet de loi ne vient en rien corriger le fait qu'un employeur peut rémunérer un employé spécialisé, salarié à temps partiel, de façon moindre qu'un autre travaillant à temps plein, en autant que le salaire de l'employé à temps partiel est supérieur à deux fois le taux du salaire minimum. Par exemple, Hydro-Québec engage un électricien à temps partiel, soit 15 heures par semaine. À Hydro-Québec, les électriciens à temps plein sont payés largement plus que deux fois le salaire minimum; disons, 20 $ l'heure, pour les fins de la démonstration. Mais l'électricien que l'entreprise engage à temps partiel, elle peut le payer 12 $ l'heure, et le tout sera conforme à la Loi sur les normes du travail.

Dans un cas comme celui-là, il y aura un cas flagrant de discrimination à l'endroit du travailleur à temps partiel, et la Loi sur les normes du travail le permet actuellement. Le gouvernement vient corriger la loi, mais ne s'attarde pas à ce genre de situation. De plus, l'article 41.1°, de l'avis de la Commission des droits de la personne, ne concorde pas avec la Charte des droits et libertés du Québec. L'article 19 de cette charte consacre le droit à un salaire égal. Il se lit ainsi: «Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.» Mais il ajoute, son deuxième paragraphe: «Il n'y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l'expérience, l'ancienneté, la durée du service, l'évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.»

L'amendement proposé dans le projet de loi rencontre les critères du second paragraphe de l'article 19 de la Charte québécoise des droits et libertés, mais ne rencontre pas ceux du premier paragraphe.

La Commission des droits de la personne interprétait ainsi le deuxième alinéa de l'article 41.1, dans son mémoire du 13 décembre 1990. L'exclusion des salariés qui gagnent un taux de plus de deux fois le salaire minimum, pour la Commission des droits de la personne, elle disait: «Cette formulation a pour effet de provoquer une aggravation de la précarisation du travail.» C'est la Commission qui parle, ce n'est pas moi. Ça veut dire que le travail est plus précaire, hein? «En effet, cette exception nie totalement le principe du droit à un taux de salaire égal, en permettant aux employeurs d'accorder un taux de salaire inférieur aux employés à temps partiel "qui gagnent un taux de plus de deux fois le salaire minimum".» Vous voyez que, en termes élégants, ces choses-là sont dites, mais, aussi obscur que ce soit, ce sont quand même des choses obscures qui frappent les gens dans leur porte-monnaie, dans leur chèque de paie.

Alors, la Commission continue en disant: «La conséquence est manifeste. L'on encourage le recours à des employés à temps partiel qui, en plus de souffrir de l'insécurité d'emploi inhérente à leur statut, se verront octroyer un salaire à un taux inférieur à celui des employés à temps plein.»

Devant un tel exposé des faits, pourquoi le gouvernement, puisqu'il intervient pour modifier l'article 41.1 de la Loi sur les normes du travail, pourquoi ne modifie-t-il pas cet article de façon à éliminer ses effets discriminatoires et ainsi le rendre conforme à la Charte québécoise des droits et libertés?

J'ajouterai aussi: Pourquoi ce gouvernement a-t-il pris tant de temps avant d'apporter les modifications qui s'imposent, il me semble, après une décision de la Commission des droits de la personne? Même si elle est, encore une fois, dans les termes techniques, elle correspond à un problème réel, à un problème de discrimination à l'égard des travailleurs à temps partiel, mais, justement, à un problème de... Cette discrimination s'applique à une certaine catégorie de gens. Ce sont principalement les jeunes, comme on l'a vu, de 15 à 29 ans; 50 % des travailleurs à temps partiel sont des jeunes. Ce sont principalement les femmes, comme on l'a vu. Je pense que c'est... Parmi les gens qui occupent un emploi à temps partiel, il y en a 70 % qui sont des femmes.

Alors, nous allons voter pour, parce que, comme je dirais, mieux vaut tard que jamais, mais nous chercherons aussi à l'améliorer. Parce que, même si on s'y prend très tard, nous croyons qu'on pourrait faire mieux, et c'est ce que nous tâcherons de faire lors de l'étude article par article. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Alors, il n'y a pas d'autres personnes qui vont intervenir. Alors, est-ce que le principe du projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et la Loi sur la fête nationale, est adopté?

M. Lefebvre: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi 19 soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Lefebvre: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté. Alors, M. le leader.

M. Lefebvre: L'article 11 du feuilleton, M. le Président.


Projet de loi 24


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, M. le ministre, l'article 11. Alors, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 24, Loi modifiant le Code de procédure civile. Alors, je suis prêt à entendre un premier intervenant. M. le ministre.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, à l'occasion du Sommet de la justice, les intervenants ont avancé diverses propositions pour améliorer le fonctionnement du processus judiciaire, réduire les délais d'audition et, de façon générale, alléger la procédure judiciaire. Depuis ce Sommet de la justice, d'importantes modifications ont été apportées à la procédure civile, tant en première instance qu'en appel, dans le but d'accroître l'efficacité du processus judiciaire et pour en diminuer les coûts.

Je voudrais rappeler, M. le Président, l'adoption de la Loi sur l'application de la réforme du Code civil, de la Loi modifiant le Code de procédure civile concernant la médiation familiale, de la Loi modifiant le Code de procédure civile et la Charte des droits et libertés de la personne, qui modifie certaines règles en matière d'appel, et enfin, de la Loi modifiant le Code de procédure civile et diverses dispositions législatives, qui introduit, entre autres, la possibilité d'utiliser le télécopieur en matière de procédure civile et de sanctionner les procédures abusives.

Le présent projet de loi 24 s'inscrit dans cette volonté du gouvernement libéral d'augmenter l'efficacité du système judiciaire et de réduire les coûts du système. Actuellement, en vertu du mécanisme procédural de communication de la preuve, une partie peut, avant l'audience, prendre connaissance des pièces invoquées par l'autre partie au soutien de ses prétentions, et cela, par l'intermédiaire du greffe où les parties produisent leurs pièces. Ce processus de production de pièces, souvent volumineuses, comporte, surtout dans les grands centres, des effets négatifs. Le traitement de cette masse documentaire, souvent longtemps avant l'audition, entraîne des coûts administratifs inutiles et augmente évidemment le risque de perte de documents. De plus, M. le Président, le processus, tel qu'il existe présentement, engendre une gestion documentaire lourde, alors que les documents se retrouvent souvent en multiples exemplaires dans les dossiers, occasionnant souvent des pertes de temps considérables au moment de l'audition.

(20 h 40)

La Cour supérieure du Québec a tenté de régler une partie du problème en modifiant ses règles de pratique pour exiger que, lorsque le dossier est remis au juge, les pièces soient classées par catégorie et mises dans des enveloppes séparées. L'application de ces nouvelles règles a été suspendue par la Cour supérieure, à quelques exceptions près, après discussion avec le ministère de la Justice, parce qu'elles auraient eu pour effet d'alourdir de façon appréciable la tâche du personnel des greffes et auraient nécessité l'ajout de plusieurs nouveaux postes.

Par ailleurs, outre ces problèmes pratiques et ces coûts inutiles reliés à l'étape préliminaire à l'audience, la conservation des pièces après jugement préoccupe depuis déjà un certain temps le ministère de la Justice, compte tenu des doutes sérieux qui peuvent être soulevés sur la nécessité de conserver ces pièces après un certain délai et des coûts qu'une telle conservation comporte.

M. le Président, afin d'accroître l'efficacité de l'administration de la justice et d'en réduire les coûts, et compte tenu des besoins exprimés par les usagers du système judiciaire, et particulièrement de la magistrature, il nous a semblé nécessaire de revoir le mécanisme de communication des pièces et de leur production, et aussi d'introduire un mécanisme de retrait et de destruction des pièces une fois l'instance terminée.

Actuellement, les parties peuvent prendre connaissance et obtenir copie des pièces une fois qu'elles sont produites au dossier, au fur et à mesure de l'échange des actes de procédure. Outre cette obligation de produire les pièces avant contestation, le Code de procédure civile prévoit la possibilité, pour une partie, d'en forcer une autre à produire les pièces alléguées au soutien de ses prétentions soit par requête préliminaire, soit au moment d'un interrogatoire au préalable, ou encore lors de l'audience à la suite d'une ordonnance à cette fin.

Le présent projet de loi établit d'abord le principe général selon lequel toute partie qui entend invoquer, lors de l'audience devant le tribunal ou le greffier, une pièce de quelque nature qu'elle soit, y compris un élément matériel de preuve, un extrait de témoignage ou un rapport d'expertise, a l'obligation de la communiquer aux autres parties dans les délais et de la manière prévus. Si l'obligation est la même pour toutes les demandes, la manière de communiquer et le délai pour le faire varient en fonction de la nature de la demande et, dans certains cas, de la volonté des parties ou encore d'éléments qui nécessitent des modes de communication particuliers. Pour les demandes introduites par bref et déclaration, la signification d'un avis de dénonciation des pièces invoquées constituera une communication suffisante si l'autre partie ne demande pas la transmission ou la remise d'une copie de l'une ou l'autre des pièces. Dans ce cas, une copie des pièces demandées devra être remise soit de main à main, soit par courrier ordinaire, ou encore par télécopieur ou par tout autre moyen de transmission.

Il faut noter, M. le Président, qu'une demande de communication de pièces suspendrait les délais de l'autre partie pour contester jusqu'à ce qu'elle soit satisfaite. Dans ces matières, l'auteur d'un acte de procédure pourrait cependant, et ce, dans tous les cas, sans avoir recours à l'avis de dénonciation et, donc, sans attendre une demande de communication, transmettre une copie de ces pièces en même temps que la signification de son acte de procédure.

S'il s'agit d'une demande introduite par requête ou d'une demande incidente, le requérant ou le demandeur devra communiquer une copie des pièces dont il entend se servir à l'audience en même temps que la procédure. Le défendeur, l'intimé ou l'intervenant devra le faire, pour sa part, le plus tôt possible avant l'audience. En ces matières, il ne serait en effet pas efficace de procéder par la voie d'avis de dénonciation, compte tenu des délais applicables, qui sont généralement beaucoup plus courts.

Pour assurer le respect de ces règles de communication des pièces, le présent projet de loi maintient la sanction générale du défaut de produire les pièces en la manière et dans les délais fixés en l'adaptant à la communication. Ainsi, le défaut de communication en temps utile entraînerait l'irrecevabilité de la pièce lors de l'audience, sauf sur autorisation du tribunal. De la même façon, M. le Président, comme cette sanction peut ne pas être suffisante, puisque l'absence d'une pièce n'entraîne pas forcément la radiation d'un allégué ou le rejet d'une prétention, une partie pourra encore demander une ordonnance pour forcer la communication, sous peine de radiation d'allégué ou de rejet de la prétention concernée.

De plus, et sans entrer dans les détails de ces règles, les moyens procéduraux actuellement prévus pour forcer la production de pièces non communiquées par la partie adverse continueraient de s'appliquer, en les adaptant aux besoins, c'est-à-dire en substituant, selon le cas, la communication à la production de pièces. Ce serait le cas de l'interrogatoire au préalable et de l'ordonnance de témoigner et de produire le subpoena duces tecum.

Afin de profiter de tous les avantages du mécanisme proposé de communication de la preuve entre les parties, il est nécessaire de retarder le plus possible le moment de la production des pièces et, donc, de prévoir qu'elles soient, dans la plupart des cas, produites au tribunal plutôt qu'au greffe. Ce déplacement du moment et du lieu de la production des pièces – et c'est le second élément majeur de ce projet de loi, M. le Président – viserait, sans distinction, tant les demandes introduites par bref ou par déclaration que les demandes introduites par requête devant le tribunal, le juge ou le greffier. Dans les demandes devant être introduites devant le juge ou le tribunal, il y a lieu, pour remédier aux problèmes mentionnés plus tôt, de reporter la production des pièces au dossier au moment de l'audience.

Par ailleurs, en ce qui a trait aux demandes inscrites pour jugement par le greffier ou le greffier spécial, ou devant être entendues par le greffier, les pièces continueraient d'être produites au greffe, mais la production n'interviendrait que lors de l'inscription de la cause ou, selon le cas, de la présentation de la demande. Cette exception au principe de la production à l'audience couvre les cas où il n'y a pas de véritable audience, c'est-à-dire les demandes relatives aux matières non contentieuses et les cas où le défendeur est en défaut de comparaître ou de plaider.

Le présent projet de loi comporte cependant certains tempéraments à cette règle du report de la production des pièces à l'audience. Ainsi, celui qui est chargé de l'audition de la cause ou de la conférence préparatoire, le cas échéant, pourrait exiger qu'on lui remette copie des pièces avant que ne débute l'audience ou la conférence. Cette exception aurait pour but de lui permettre de prendre connaissance de la preuve plus tôt, lorsqu'il l'estimerait utile. Également, les parties doivent, lors d'une conférence préparatoire, rendre disponible l'original des pièces qu'elles ont communiquées et qu'elles entendent invoquer lors de l'audience.

Je voudrais, M. le Président, vous entretenir maintenant du retrait et de la destruction des pièces. Sauf pour les jugements contre lesquels une partie se pourvoit, soit en appel, soit autrement, l'utilité de la conservation des pièces s'estompe dès l'expiration du délai d'appel ou d'un délai relativement court, pour tenir compte de la plupart des cas de demandes de rétractation de jugement. De plus, la conservation au greffe de cette masse documentaire longtemps après le jugement entraîne actuellement des coûts extrêmement élevés et inutiles pour l'ensemble des citoyens.

Le projet de loi 24 insère donc au Code de procédure civile une disposition imposant aux parties l'obligation de reprendre possession de leurs pièces une fois l'instance terminée. À défaut de le faire, le greffier procédera, à moins que le juge en chef n'en décide autrement, à leur destruction, un an après la date du jugement ou de l'acte mettant fin à l'instance, comme l'entente hors cour, le désistement et la péremption d'instance. Ce délai d'un an nous a semblé suffisant pour permettre aux parties de reprendre possession de leurs pièces.

(20 h 50)

Lorsqu'il y a appel ou lorsqu'une partie se pourvoit autrement contre le jugement de première instance, le même mécanisme s'applique un an après la date du jugement définitif ou de l'acte mettant fin autrement à l'appel ou à la demande de rétractation de jugement ou à d'autres pourvois.

Enfin, M. le Président, outre les trois éléments principaux, c'est-à-dire la communication des pièces, leur production et leur retrait ou destruction, le projet de loi comporte deux dispositions transitoires et une série de modifications de concordance découlant principalement du déplacement de la production des pièces le plus tard possible dans l'instance.

La première disposition transitoire écarte l'application immédiate des nouvelles règles relatives à la communication et à la production des pièces dans les instances commencées. Compte tenu qu'il s'agit de règles de procédure, elles auraient autrement reçu application dès l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. La règle transitoire vise à éviter la confusion que pourrait engendrer l'application de deux régimes distincts dans une même instance.

La seconde disposition transitoire concerne le dernier élément du projet: le retrait et la destruction des pièces. La justification de la règle pour l'avenir a semblé tout aussi valable, sinon davantage pour le passé, et l'économie reliée à l'épuration des dossiers terminés est relativement considérable. Les mêmes règles s'appliqueraient donc aux instances terminées, sauf que le délai d'un an commencerait à courir à la date d'entrée en vigueur de la loi.

Enfin, l'introduction des nouvelles règles substituant la communication des pièces entre les parties en cours d'instance à la production hâtive des pièces au greffe longtemps avant l'audience exigeait un ajustement de toutes les dispositions qui traitent, d'une façon ou d'une autre, du moment de la production des pièces, qu'il s'agisse de documents, de rapports ou d'éléments matériels de preuve.

Ainsi, le projet de loi 24 contient des adaptations tant pour la voie procédurale ordinaire, les demandes introduites par bref ou déclaration que pour les requêtes. Dans ce dernier cas, il faut rappeler l'existence d'une grande variété de règles particulières, selon qu'il s'agit des matières familiales, d'injonctions, de recours extraordinaires, de matières non contentieuses, etc.

M. le Président, en guise de conclusion, il me semble utile de rappeler que ce projet de loi devrait apporter une solution adéquate aux problèmes administratifs évoqués plus haut. Il devrait également atteindre l'objectif premier d'accroître l'efficacité de l'administration de la justice et d'en réduire les coûts pour les citoyens. Aussi, il est nécessaire de mentionner que les mesures proposées auront pour effet de contribuer à responsabiliser davantage les parties en leur confiant le soin de s'échanger les informations reliées à leurs preuves respectives et celui de retirer leurs pièces une fois l'affaire terminée.

M. le Président, je vous remercie de votre attention, et je suis convaincu, compte tenu des arguments que je viens de soumettre aux membres de cette Assemblée et particulièrement à M. le député d'Anjou, je suis convaincu à l'avance de la bonne collaboration de l'Opposition officielle. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député d'Anjou, critique de l'Opposition officielle. M. le député d'Anjou.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi 24, Loi modifiant le Code de procédure civile. Il est vrai que ce projet de loi n'est pas en soi très volumineux, mais je crois qu'il s'attaque à un problème qui, depuis longtemps, dans le milieu judiciaire, donne des fois de sérieux maux de tête aux procureurs dans les dossiers, c'est-à-dire la gestion des pièces et des procédures.

En particulier, je pense que l'aspect principal de ce projet de loi est de faciliter la communication et la connaissance par les différentes parties à une instance judiciaire des objets et des pièces produites au soutien d'une requête ou d'une déclaration.

Il faut comprendre, M. le Président, que, avant l'adoption de ce projet de loi, on avait cru bon d'adopter une règle de pratique, en particulier pour la Cour supérieure, qu'on appelait communément la règle 15, qui obligeait, à ce moment-là, les procureurs qui étaient impliqués dans une instance devant la Cour supérieure, donc de compétence de la Cour supérieure, à la production des pièces. Toutes les pièces, tous les écrits qui pouvaient être utilisés, non pas uniquement invoqués dans une procédure, mais qui pouvaient être utilisés au cours d'une instance, lors d'un procès, on devait les produire et les alléguer sur une liste afin qu'il n'y ait pas de surprise.

Et ceci est important, car, auparavant, on avait constaté que, souvent, des procureurs, finalement, se servaient de la procédure judiciaire un peu par stratégie pour cacher une partie de leur preuve, pour prendre par surprise l'adversaire en omettant l'existence d'une pièce et en arrivant au procès avec l'effet de surprise: Et voici la pièce, le contrat ou le document dont personne n'avait entendu parler, voici le document qui renverse, à ce moment-là, complètement le fardeau de preuve dans le procès.

Le consensus exprimé par l'ensemble des intervenants dans le domaine judiciaire était à l'effet que la procédure civile ne doit pas servir à cela. La procédure n'est pas un stratagème pour, finalement, faire de la procédurite, mais, au contraire, doit servir à mettre en lumière, à faire apparaître le droit dans un dossier. Et ce principe fondamental est repris à l'article 2 du Code de procédure civile, et je vous lis un extrait de cet article. L'article 2 du Code de procédure civile se lit ainsi: «Les règles de procédure édictées par ce code sont destinées à faire apparaître le droit et en assurer la sanction; et, à moins d'une disposition contraire, l'inobservation de celles qui ne sont pas d'ordre public ne pourra affecter le sort d'une demande que s'il n'y a pas été remédié alors qu'il était possible de le faire.»

Alors, je pense que c'est tout l'esprit du Code de procédure civile qui est contenu dans cet article 2. On doit faciliter la preuve. On doit aider les parties, à ce moment-là, à démontrer, à faire l'exemple du droit que l'on veut faire apparaître dans le dossier.

Donc, on avait constaté que certains de mes collègues, certains avocats, malheureusement, avaient, comme on pourrait dire, la procédurite, utilisaient des procédures à outrance ou encore usaient de stratagèmes qui étaient légaux, qui étaient permis par le Code de procédure civile pour jouer un peu ce genre de jeu de cache-cache avec la partie adverse et, des fois aussi, forcer une négociation, en laissant sous-entendre dans les négociations, qui se faisaient des fois même par téléphone: Écoutez, ah! vous ne savez pas ce que j'ai, mais j'ai beaucoup de preuves que vous allez voir au procès. Elles vous seront dévoilées. C'est ce genre de jeu qui, à ce moment-là, n'est absolument pas acceptable dans notre système.

Au contraire, on a constaté, M. le Président, qu'en mettant une règle de pratique, la règle 15, on a forcé beaucoup de règlements hors cour, parce que, justement, en étant forcé d'exposer nos pièces, eh bien, à ce moment-là, on était un peu plus à jeu ouvert. On dit: Voyez, ce sont mes arguments, ce sont mes objets, mes preuves qui vont servir de preuve dans le dossier. Maintenant, quelles sont les vôtres? À ce moment-là, on inspecte la preuve de part et d'autre et on peut établir, on peut prévoir d'une façon plus, disons, certaine l'issue probable du dossier ou le jugement qui sera rendu contre l'une des parties. Et je pense que ça va complètement dans l'esprit et dans le sens du Code civil.

Alors, c'est évident que cette règle 15, telle qu'elle était imposée par la Cour supérieure, elle était lourde, elle est lourde, parce que, évidemment, toutes ces pièces doivent être... On peut imaginer que, dans des procès très compliqués, les pièces, parfois, peuvent être contenues dans une boîte complète, voire même plusieurs boîtes de documents. Alors, quand on voit matériellement de quelle façon ça se fait, quand on arrive au greffe du tribunal avec ses documents à produire, on peut s'imaginer le travail que ça nécessite, la gestion de ces documents-là. Et, quand on considère les centaines de dossiers en cour, en particulier dans des districts imposants comme ceux de Montréal ou de Québec, on peut imaginer uniquement l'amoncellement de papiers ou de documents que ça peut représenter.

(21 heures)

Donc, je pense que ces nouvelles dispositions, qui sont contenues dans ce projet de loi 24, vont harmoniser, on peut dire, les règles de preuve, autant au niveau de la Cour du Québec que de la Cour supérieure, et seront, je l'espère, plus souples. Mais on devra faire attention – et je pense que ce sera l'exercice que l'on fera en commission parlementaire – de faire en sorte que, tout en étant plus souples, ces règles aient certaines dents et qu'elles ne servent pas à des procureurs pour encore faire ce petit jeu de cachette, qu'on pourrait dire, avec les pièces. Quand une partie veut vraiment prendre communication d'une preuve, qu'elle en ait rapidement la communication. Il y a la qualité aussi de la copie, parce que ce n'est pas tout de communiquer une pièce à la partie adverse, il faut aussi voir quelle est la qualité de la copie ou de la communication qui sera faite. Alors, je vois que, dans ces articles, on a certaines dispositions qui vont venir baliser de quelle façon pourra se faire cette communication de la preuve. Je pense que c'est important, M. le Président.

Le deuxième volet de ce projet de loi vise l'endroit et de quelle façon se fera la production. On a parlé de communication de la preuve. Maintenant, c'est la production, on pourrait dire, matérielle de cette preuve. Auparavant, quand, physiquement, on voulait faire cette production de la preuve, il suffisait d'aller au greffe du tribunal et de déposer dans la boîte du greffe les pièces ou copie des pièces. À ce moment-là, cette production était faite et un greffier ou un préposé du palais de justice prenait ces pièces, les faisait suivre dans le dossier. On devait les reproduire lors de l'audition; c'est ce qu'il faut bien comprendre, que cette production était nécessaire. On devait les déposer au greffe, mais il fallait les reproduire après, lors de l'audition du procès, pour les mettre en preuve réellement.

Donc, je pense qu'ici – c'est ce que je comprends du but visé par ce projet de loi là – on va simplifier, finalement, de quelle façon ça va se faire. On va dire tout simplement que, sauf en cas contraire, la production se fera au tribunal, lors de l'audience. C'est ma compréhension de ce projet de loi là, en prenant pour acquis, évidemment, qu'il y aura eu communication de la preuve qui va être, à ce moment-là, produite lors de l'audience. Je pense que ça va venir simplifier. Ça va venir éviter toute la gestion de cette paperasse qui, je crois, est considérable, comme je l'ai mentionné.

On n'a qu'à penser aussi à certains procès qui ont fait les manchettes, comme le fameux procès de la MIUF, qui s'est prolongé sur plusieurs mois, voire même, je pense, presque une année. On m'a dit, M. le Président, qu'uniquement les notes prises par le juge étaient contenues dans plusieurs recueils, les notes manuscrites du juge. Alors, les pièces qui ont été produites dans cet imposant dossier, on peut imaginer matériellement l'espace que ça occupe. Donc, on va simplifier ces règles et il faudra, d'une façon attentive, voir à ce que ces règles, vraiment, soient efficaces. Mais, quant à leur esprit, je pense que l'Opposition, quant à elle, est favorable au principe qui est mentionné dans ce projet de loi.

Autre volet, celui de la destruction des pièces, encore là, pour les raisons que je vous ai mentionnées tantôt, vu l'espace physique exigé uniquement pour l'entreposage des pièces. Il faut comprendre qu'auparavant, avant le dépôt de ce projet de loi, il n'y avait rien de particulier qui prévoyait quand nous pouvions détruire les pièces qui avaient été produites dans un dossier. Il faut bien comprendre, M. le Président, que, dans la majorité des cas, dans des procès, une fois le procès terminé, les parties laissaient carrément les pièces au greffe ad vitam aeternam et ne venaient plus du tout voir dans le dossier, ni récupérer les pièces. Alors, encore là, on se retrouvait avec des archives, M. le Président, absolument incroyables, qui étaient inutiles, qui ne servaient plus à rien, puisque tous les recours étaient épuisés. Donc, à ce moment-là, les pièces n'avaient plus aucune utilité. Alors, pourquoi les conserver? Je pense que ce projet de loi vient répondre en partie à ce problème.

Cependant, encore là, il va falloir être vigilants, M. le Président, et voir à ce que ce projet de loi ne vienne pas, finalement, priver une partie d'un recours potentiel qu'elle pourrait avoir. Si, plusieurs mois après le jugement final rendu dans un dossier, une partie découvre une pièce qui est fondamentale, qu'elle croyait complètement perdue et qui pourrait complètement changer le sort du procès qui a été terminé, il ne faudrait pas, M. le Président, que, parce que les pièces ont été détruites, à ce moment-là, cette partie-là se voit privée d'un recours qu'elle aurait pu avoir. Je fais, en particulier, ici, référence à la procédure de rétractation de jugement. Alors, le ministre nous a fait part que, au ministère de la Justice, un délai d'un an était tout à fait suffisant et protégeait, à ce moment-là, les justiciables, relativement au recours potentiel qu'ils pouvaient avoir. Je pense qu'il va falloir être vigilants et faire l'examen attentif de ceci.

C'est vrai, M. le Président, que, depuis le Sommet de la Justice, il y a eu plusieurs projets de loi qui ont modifié notre Code de procédure civile. Et ce qu'on peut, peut-être, M. le Président, constater, c'est que ce Code de procédure civile n'a pas évolué aussi vite que notre société a évolué. Ce n'est que l'an dernier que nous avons adopté des dispositions qui permettaient la production de documents ou la signification de documents par télécopieur, alors que ça fait longtemps, M. le Président, que, dans la pratique d'avocat, dans la pratique du droit, le photocopieur, le bélinographe pour les gens qui sont peut-être un peu plus puristes, était utilisé d'une façon absolument abondante dans notre pratique, entre collègues. Alors, ça a pris tout ce temps-là avant, finalement, que cette pratique couramment utilisée se retrouve dans un projet de loi.

Et ce qui me vient à l'esprit, M. le Président, c'est qu'on peut se demander si, à force de modifier volet par volet notre Code de procédure civile, il n'y aurait pas lieu, à un moment donné, de faire l'examen attentif, mais global aussi de ce Code de procédure civile pour faire en sorte qu'il n'y ait pas, finalement, de trous, on pourrait dire, laissés béants dans ce Code de procédure civile. Parce que c'est toujours un peu le danger – comment pourrait-on dire? – de rapiécer une loi ou un code segment par segment: malgré que chaque amélioration est en soi souhaitable, est en soi bénéfique pour l'ensemble du système, on peut, par cette façon de procéder, à un moment donné, faire en sorte de laisser certaines dispositions, des fois, qui sont difficilement compatibles les unes avec les autres ou qui ne sont pas réellement efficaces si on les regarde les unes avec les autres. Et c'est pour ça, M. le Président, que je me demande si, à un moment donné – je ne sais pas de quelle façon ça pourrait se faire – il n'y aurait pas lieu de réviser en profondeur notre Code de procédure civile pour revoir l'ensemble de ses dispositions et, on pourrait dire, l'ensemble de son fonctionnement. Et je pense que c'est tout à fait important.

Il faut regarder, aussi, de quelle façon on simplifie ou, des fois, on veut améliorer l'efficacité de notre système judiciaire. Ça me vient à l'esprit, M. le Président, à cause du débat qu'il y a eu récemment sur la condition des juges. Je ne parle pas ici de la condition salariale, qui est un tout autre débat dont je ne veux absolument pas me mêler, mais ce sont les conditions de travail et l'efficacité de nos magistrats. En effet, M. le Président, un des projets de loi qui sont venus, finalement... Soit dit en passant, on disait qu'il devait améliorer d'une façon considérable les délais de jugement. C'est-à-dire qu'on impose maintenant, de par ce projet de loi, un délai maximum de six mois à un juge pour rendre jugement dans une cause. Eh bien, tout le monde était d'accord, M. le Président, pour dire que c'est vrai que, dans certains cas – il faut dire certains cas, quand même, assez isolés – il y avait des délais tout à fait inacceptables pour les jugements rendus. C'est-à-dire que, des fois, on attendait plus d'une année, voire même, dans certains cas, jusqu'à deux ans avant que le jugement soit rendu.

(21 h 10)

Mais ce n'est pas tout de dire: On donne six mois, maintenant, aux juges pour rendre jugement. Il faut aussi les équiper d'une façon convenable afin qu'ils puissent, justement, être efficaces. Et quelle surprise, quel étonnement de constater, M. le Président, que, encore aujourd'hui, ce n'est même pas – ou à peine – la majorité des juges qui sont équipés de traitement de texte dans leur bureau et que ces traitements de texte, quand ils sont là, souvent, ce sont les juges, à même l'enveloppe spéciale qu'ils ont, qui doivent contribuer financièrement eux-mêmes pour pouvoir se doter de cet équipement-là, M. le Président. Ça, c'est assez étonnant. On constate aussi que ce ne sont pas tous les juges qui ont des télécopieurs, M. le Président. Des fois, on a un télécopieur pour plusieurs juges. Même chose au niveau des machines à écrire des secrétaires de juges.

Ce ne sont pas des détails, M. le Président, parce que je pense que, si on veut demander à nos juges d'être plus efficaces, si on veut demander à l'ensemble de notre système judiciaire d'être plus efficace, il faut aussi donner les moyens nécessaires, justement, à nos magistrats pour exécuter ce qu'on leur demande, l'imposition qu'on leur fait. Parce qu'un projet de loi, c'est contraignant; ils sont obligés. Et le projet de loi qu'on a adopté, justement, pour les contraindre à rendre jugement dans les six mois, il est très dur. C'est le juge en chef, à ce moment-là, qui peut dessaisir le juge et donner ça à un autre juge. La conséquence peut être quand même assez considérable, assez grave. Donc, ce n'est pas tout de faire des projets de loi qui viennent, pense-t-on, améliorer la situation; il faut voir si matériellement on a, dans nos greffes, dans nos palais de justice, toutes les conditions nécessaires afin que justice plus rapide, plus accessible, plus efficace soit rendue dans nos cours.

Ça m'amène, à ce moment-là, M. le Président, aussi à parler d'une autre chose qui est importante, d'après moi, qui est – comment je pourrais dire? – les immeubles, les bâtisses, nos palais de justice. On le sait, en particulier dans le district de Saint-Jérôme, M. le Président, depuis longtemps, on réclame un agrandissement du palais de justice. Depuis longtemps, M. le Président, on le réclame. Pourquoi? Ce n'est pas qu'on manque nécessairement de juges; tout simplement parce qu'on manque de place pour faire siéger les juges, on manque de place pour faire siéger les témoins, on manque de place pour les procureurs. Et, on l'a vu, on n'a même pas d'accessibilité, M. le Président, pour les gens en chaise roulante dans nos palais de justice, dans certains endroits, en particulier à Saint-Jérôme.

Donc, M. le Président, je peux vous dire que, ça aussi, je pense que c'est essentiel. Si on veut rendre notre justice plus accessible, plus efficace, si on veut rendre nos juges plus efficaces, il faut aussi leur donner des conditions nécessaires afin qu'ils soient plus efficaces; donc, leur donner des conditions matérielles quant à leur façon de travailler par, comme j'ai dit, des traitements de texte, des photocopieurs, mais aussi, de toute urgence, M. le Président, répondre à la demande qui est présentement faite pour nos palais de justice. Il y a eu un rapport accablant qui a été rendu au ministre de la Justice relativement à l'état de désuétude de plusieurs de nos palais de justice, et c'est dramatique, M. le Président. Je pense, à ce moment-là, M. le Président, que c'est important de faire en sorte que ce projet de loi, finalement, ne soit pas uniquement un voeu pieu et qu'il soit accompagné de mesures concrètes dans nos palais de justice pour faire en sorte qu'il ait, finalement, une certaine portée.

Alors, M. le Président, relativement au projet de loi 24, l'Opposition va collaborer, évidemment, totalement avec le ministre de la Justice quant à son étude article par article. Je pense que les questions qui devront être posées le seront. Nous sommes d'accord avec son principe, mais nous ferons aussi en sorte de voir à ce que, physiquement, dans les palais de justice, dans les greffes, on ait aussi les moyens matériels nécessaires pour pouvoir répondre à la demande et à la pression qui est faite sur notre système judiciaire afin que celui-ci soit plus efficace. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le député. Alors, est-ce que, M. le ministre – vous avez un temps de réplique – vous prenez votre temps de réplique?


M. Roger Lefebvre (réplique)

M. Lefebvre: M. le Président, essentiellement, le député d'Anjou appuie les principes qu'on retrouve dans le projet de loi et, moi, ça me satisfait. Évidemment, le député d'Anjou en a profité pour faire référence à certaines situations qu'on vit à l'intérieur de notre système judiciaire. Il a parlé de certains palais de justice où il y aurait lieu de faire des rénovations, des améliorations, de nouvelles constructions, j'en suis bien conscient. J'aurais apprécié, évidemment, qu'il en profite également pour souligner les bonnes interventions, au cours des deux ou trois dernières années et, particulièrement, de la dernière, lorsque j'ai annoncé – et il s'en souviendra, M. le député d'Anjou – un montant de 39 000 000 $ qui sera affecté à des rénovations majeures de la chambre de la jeunesse à Montréal. J'aurais apprécié que le député d'Anjou en profite pour me féliciter et féliciter le gouvernement et le ministère de la Justice. Il aura probablement l'occasion de le faire au moment où il interviendra à nouveau sur la prochaine étape du projet de loi 24, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Donc, il n'y a pas d'autres intervenants. Alors, est-ce que le principe du projet de loi 24, Loi modifiant le Code de procédure civile, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission plénière

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Alors, je fais motion pour que le projet de loi 24 soit déféré à la commission plénière pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Lefebvre: L'article 12 du feuilleton, M. le Président.


Projet de loi 25


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Tremblay): Oui, l'article 12: M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi 25, Loi modifiant la Loi sur le curateur public. Alors, je suis prêt à entendre un premier intervenant. M. le ministre de la Justice.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Le projet de loi 25 propose des modifications à la Loi sur le curateur public. J'aimerais, dans un premier temps, rappeler qu'une nouvelle Loi sur le curateur public a été adoptée par l'Assemblée nationale au cours de la session du printemps 1989 et est en vigueur depuis le 15 avril 1990. Cette nouvelle Loi sur le curateur public avait, entre autres, pour objet de préciser les règles relatives à l'administration du Curateur public et de favoriser son autonomie financière. Les dispositions pertinentes de la loi permettaient ainsi au Curateur d'assumer adéquatement les responsabilités qui lui étaient confiées dans trois principaux champs d'intervention: la représentation des personnes inaptes, ainsi que l'administration et la protection de leurs biens, la surveillance des tutelles et curatelles privées et l'administration de certains biens, notamment les biens de l'absent, ceux de propriétaires inconnus ou introuvables, les biens d'une succession vacante, les biens sans maître ou confisqués.

Les modifications que comporte le présent projet de loi s'inscrivent en continuité dans le respect des principes que la Loi sur le curateur public sous-tend et que cette Chambre a reconnus lors de son adoption en 1989. À cet égard, M. le Président, afin de faciliter la compréhension des modifications proposées et du contexte dans lequel elles se situent, permettez-moi d'exposer brièvement les modalités qui régissent le financement des activités du Curateur public.

D'abord, précisons que le Curateur public perçoit, dans la mesure déterminée par règlement, les honoraires pour la représentation des personnes, pour la surveillance des tutelles et curatelles privées, ainsi que pour l'administration des biens qui lui sont confiés. Le Curateur recouvre également les dépenses qu'il effectue à ses frais. Il prélève aussi, sur les revenus que produit le portefeuille collectif, des honoraires pour la gestion de ce portefeuille.

Le Curateur public bénéficie également d'un fonds de réserve qui est constitué principalement des revenus nets tirés de son fonds général et des revenus produits par les biens dont il continue l'administration après la date à laquelle ils deviennent la propriété de l'État. Ce fonds a aussi été alimenté, lors de sa constitution le 15 avril 1990, des revenus cumulés à cette date provenant de certains biens qu'il administrait.

Quant aux dépenses afférentes aux activités exercées par le Curateur public, elles sont d'abord assumées par son fonds général. En cas de manquement ou d'insuffisance de ce fonds, le fonds de réserve du Curateur y supplée dans la mesure que détermine le gouvernement. Le gouvernement détermine également le montant à être prélevé sur le fonds de réserve du Curateur pour être versé au fonds consolidé du revenu.

Ces quelques précisions sur le fonctionnement du Curateur public indiquent bien la corrélation que la loi a voulu établir entre les responsabilités confiées au Curateur public et le financement des activités qu'elles impliquent. Les quatre années d'application de la nouvelle Loi sur le curateur public permettent, toutefois, de confirmer l'importance des divers services rendus aux personnes qui n'ont pas les ressources financières suffisantes pour en assumer le coût. À cet égard, le recouvrement des honoraires et dépenses engagés dans l'exercice de ces activités ne suffit pas au Curateur pour atteindre l'objectif de l'autofinancement qui lui a été fixé en 1989. Il s'agit, en l'occurrence, des services rendus aux personnes que le Curateur représente et qui sont démunies ou dans l'indigence.

(21 h 20)

Il y a lieu, également, de reconnaître, M. le Président, certaines autres tâches que le Curateur assume et qu'il ne peut compenser, bien qu'elles engendrent des coûts significatifs. L'une d'elles consiste en la tenue des registres publics. La protection des personnes inaptes est une responsabilité que doit assumer notre société. C'est la raison d'être de l'institution du Curateur public. Puisqu'il s'agit d'une responsabilité collective, il nous apparaît plus opportun de transférer le coût des missions publiques à l'État plutôt que de le faire assumer par les autres clients au moyen d'une hausse de tarifs.

C'est pourquoi, M. le Président, le présent projet de loi propose certains aménagements afin de soutenir financièrement et plus adéquatement les activités du Curateur public pour lesquelles il ne peut recouvrer ses honoraires et dépenses, ainsi que celles qui ne peuvent faire l'objet d'un tarif d'honoraires. Afin de faciliter une application rigoureuse et responsable de cette mesure, le projet de loi propose d'introduire dans la Loi sur le curateur public le pouvoir du gouvernement de déterminer par règlement les critères suivant lesquels le Curateur public ne peut recouvrer ses honoraires et ses dépenses, ainsi que le pouvoir d'identifier les activités à l'égard desquelles des honoraires ne peuvent être établis.

Quant à la contribution financière consentie à cette fin, le projet de loi 25 prévoit qu'elle sera fournie par le prélèvement annuel sur les biens appartenant à l'État et avant leur remise au ministre des Finances suivant les dispositions de la loi des sommes correspondant au coût estimé pour l'exercice des activités non compensées dont j'ai fait état il y a un moment.

M. le Président, un apport supplémentaire est aussi proposé par la bonification des versements faits au fonds de réserve du Curateur, à partir des revenus produits par tous les biens qui, étant sous l'administration du Curateur, deviennent la propriété de l'État. À titre accessoire et concernant la gestion des biens par le Curateur public pour le compte de l'État, le projet de loi suggère également, M. le Président, d'apporter à la loi quelques précisions relatives à l'étendue des pouvoirs du Curateur dans l'exercice de cette gestion.

M. le Président, il n'est pas sans intérêt de souligner ici que différents types de biens sont confiés au Curateur public, tant meubles qu'immeubles. Le Curateur n'exerce à l'égard de tous ces biens, et sans distinction, qu'une simple administration. Par ailleurs, suivant les prescriptions de diverses dispositions législatives, ces biens sont susceptibles de devenir la propriété de l'État. Les biens appartenant ainsi à l'État doivent, tel que mentionné précédemment, faire l'objet d'une remise au ministre des Finances dans le délai déterminé. Il est possible, toutefois, d'anticiper le fait qu'à la date prévue pour leur remise certains biens n'aient pu être liquidés, de sorte que le transfert puisse difficilement s'effectuer, ou encore qu'il ne soit pas souhaité. En effet, compte tenu des ressources dont le Curateur dispose et de son expertise, le ministre des Finances pourrait privilégier la continuité de l'administration de ces biens par le Curateur, et ce, jusqu'à l'échéance du placement dont ils font l'objet ou, le cas échéant, jusqu'à leur liquidation.

Dans cette perspective, M. le Président, il serait souhaitable d'attribuer au Curateur public la pleine administration des biens dont il assume la gestion pour le compte de l'État. Le présent projet de loi propose donc une disposition à cet effet. Il complète, en outre, cette mesure en octroyant au Curateur public le pouvoir de conclure avec le ministre des Finances des ententes relatives à la gestion des biens qu'il assume pour le compte de l'État. Cette approche permettra, entre autres, au Curateur de disposer de la latitude et de la souplesse voulues, selon la nature des biens qui lui sont confiés.

M. le Président, j'aimerais mentionner un dernier élément qui vise, encore là, à faciliter l'exercice de certaines autres responsabilités du Curateur public. Il s'agit, vous l'aurez deviné, M. le Président, de la gestion du portefeuille collectif. La loi actuelle permet au Curateur public de constituer un seul portefeuille collectif. Ce portefeuille recueille les sommes d'argent disponibles parmi les biens que le Curateur administre pour autrui. Bien que la concentration de ces sommes simplifie, à première vue, la gestion qui en est faite par le Curateur public et lui permet de maximiser leur rendement par les intérêts qu'elles produisent, cette limitation présente actuellement certains inconvénients, notamment au niveau des besoins spécifiques de certaines clientèles distinctes.

En effet, la diversité des types d'investissement actuellement disponibles sur le marché pourrait être plus facilement mise à contribution suivant les besoins respectifs des clientèles. Par ailleurs, le nouveau Code civil accorde, selon le cas, la simple ou la pleine administration des biens d'autrui. Ainsi, compte tenu du type d'administration qu'il assume, les moyens dont dispose le Curateur sont différents. À cet égard, il lui est impossible d'assumer la dualité de sa charge dans le cadre de la gestion d'un portefeuille collectif unique. C'est pourquoi, M. le Président, le gouvernement a prévu, dans le présent projet de loi, de supprimer la restriction voulant que le Curateur ne puisse constituer qu'un portefeuille collectif unique et d'autoriser ainsi le Curateur public à constituer plusieurs portefeuilles, selon qu'il le juge à propos.

M. le Président, le présent projet de loi apporte des modifications de concordance aux mesures qu'il préconise et à certaines autres dispositions concernées de la Loi sur le curateur public. Ce sont là, M. le Président, les principaux objectifs que comporte le projet de loi que je soumets à l'Assemblée nationale du Québec pour que cette Assemblée en adopte le principe. M. le Président, je vous remercie de votre attention.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Terrebonne, critique officielle en cette matière. Mme la députée.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, le projet de loi 25 en soi ne pose pas de problème, mais je m'opposerai à l'adoption de principe parce que le projet de loi 25 ne vient absolument pas répondre aux problèmes réels qui sont vécus actuellement sous la curatelle publique. Je n'ai pas eu beaucoup d'occasions pour les dénoncer, M. le Président, mais j'ai utilisé différentes tribunes pour le faire.

Oui, il y a eu une nouvelle loi qui a été sanctionnée le 22 juin 1989, le projet de loi 145, mais, depuis, au niveau de l'application, M. le Président, nous nous sommes aperçus qu'il y a des lacunes, et des lacunes majeures. Et c'est extrêmement grave, c'est très sérieux. Ce sujet-là, M. le Président, me tient beaucoup à coeur parce qu'on touche des personnes qui sont tout à fait vulnérables. Le ministre de la Justice, lors de l'étude des crédits, nous a dit: Oui, mais si les personnes sont insatisfaites, si elles ont des plaintes à faire, elles n'ont qu'à déposer des plaintes; elles n'ont qu'à se prendre un avocat et à déposer des plaintes.

Sous la curatelle, nous parlons de personnes qui ne sont pas sous curatelle pour rien, M. le Président. C'est qu'il y a un jugement qui a été rendu. Ces personnes-là ont soit un handicap intellectuel, ce sont des personnes qui peuvent être atteintes de maladies mentales, ce sont des personnes qui souffrent de maladies dégénératives, des personnes qui souffrent de divers syndromes organiques ou de traumatismes crâniens, donc des personnes qui sont vraiment dans l'incapacité de se défendre.

(21 h 30)

Et c'est pourquoi le rôle de l'État est aussi important pour assurer la défense de ces personnes-là. L'État a un rôle moral dans ça. Et, pour parler en termes clairs, pour que tout le monde nous comprenne bien, lorsqu'une personne est sous curatelle, la curatrice a la responsabilité d'administrer les biens de cette personne-là, mais elle a aussi la responsabilité de s'assurer que la personne reçoit des soins adéquats. Elle a aussi la responsabilité de s'assurer, en fin de vie de la personne, qu'elle reçoit tous les traitements adéquats. Même, après le décès, elle a aussi la responsabilité de s'assurer qu'on va bien disposer du corps de la personne, qu'on va faire tous les efforts pour retrouver la famille de la personne, si les personnes ne se manifestent pas tout de suite, et on doit aussi, évidemment, régler la succession comme telle.

M. le Président, les lacunes sont à tous ces niveaux-là. Bien sûr, la curatrice a aussi la responsabilité de tous les curateurs privés et de s'assurer que, là aussi, on respecte et les personnes et les biens.

On ne parle pas seulement de quelques personnes au Québec. Le rapport annuel de 1992 – parce qu'on n'a toujours pas les données du rapport annuel de 1993 – donc, au 31 décembre 1992, au Québec, on comptait 32 802 personnes qui étaient sous régime de protection. On avait, parmi ce nombre, 13 337 personnes majeures qui étaient sous le régime public, 5981 personnes majeures sous régime privé – donc, il y avait des curateurs privés – et 13 484 personnes mineures qui étaient sous tutelle privée. Il faut dire que la curatrice administrait des biens pour des valeurs extrêmement importantes. Le fonds pour l'administration collective, on parlait de 230 917 030 $, M. le Président. C'est assez important. Pour le fonds d'administration nominative, au nom des personnes, 39 373 519 $. Donc, ce n'est pas seulement un nombre de personnes important, c'est aussi des biens en quantité importante.

J'ai déjà dénoncé le fait qu'on ne faisait pas tous les efforts pour retrouver les familles lorsque les personnes décédaient sous curatelle. Il y a eu un cas extrêmement public, le cas de Mme Yvette Plessis-Bélair, qui avait été dénoncé, où, évidemment, toute la famille se retrouvait au même hôpital, au même salon mortuaire, au même cimetière, etc., et on n'a vraiment pas fait les efforts pour retrouver la personne. On n'a même pas fait les efforts pour lui assurer un service décent. La personne s'est retrouvée dans une fosse commune. On n'a même pas voulu ajouter une plaque. C'était vraiment catastrophique. Et on n'a toujours pas modifié les dispositions pour s'assurer qu'on ne se retrouve plus devant ce phénomène-là. La curatrice nous avait dit, à ce moment-là... Loin de nous rassurer, elle ne nous avait pas dit: Écoutez, c'est exceptionnel, il y a eu une erreur dans ce dossier-là. Non, on nous a dit: Bien, écoutez, c'est une pratique courante. Quand on ne retrouve pas les corps, c'est comme ça qu'on en dispose. La responsabilité, elle est morale. La responsabilité, elle doit être tout au long de cette tutelle que la curatelle a.

On a aussi, M. le Président, dénoncé le fait que la curatrice, lorsqu'elle administre les biens, il n'y a pas une vérification spécifique qui est faite pour chaque personne sous la responsabilité de la curatelle. Pourtant, la curatrice exige de chacun des curateurs privés de présenter, chaque année, comme la loi l'exige, un bilan financier en bonne et due forme. Ce bilan doit être vérifié, et c'est normal. Lorsque la personne a des biens de plus de 100 000 $, ce bilan-là doit être vérifié par une firme d'experts comptables.

Mais, lorsque la curatrice a des personnes sous sa responsabilité à elle, on devrait au moins s'attendre à avoir les mêmes exigences, c'est-à-dire un bilan bien fait pour chacune des personnes. Lorsque les biens dépassent les 100 000 $, on devrait au moins s'assurer qu'il y a une vérification par une firme d'experts comptables externe pour chacun de ces dossiers-là. Ça a été confirmé, à chaque fois que j'ai questionné la curatrice, on nous a confirmé que non, effectivement, on ne vérifie pas les bilans pour chacune de ces personnes. On prend un échantillonnage, on prend quelques dossiers et on se prononce sur les méthodes comptables. On ne se prononce pas sur la façon dont c'est administré.

Le ministre nous a dit, en commission: Oui, mais le Vérificateur général s'occupe évidemment de regarder ça. Mais, dans les faits, M. le Président, ce qui se passe, c'est que, évidemment, il y a une firme comptable qui fait un échantillonnage – donc, ils vérifient quelques dossiers – qui parle des méthodes qui sont utilisées, mais qui ne vérifie pas ce qui se passe dans chacun des dossiers. Le Vérificateur général regarde ces états, il se prononce, lui aussi, sur la façon dont ça s'est fait, mais il ne vérifie pas chaque administration. Il le disait lui-même à un citoyen qui déposait une plainte à son bureau. Le Vérificateur nous disait: Mon rôle n'est pas d'assumer la surveillance et la saine administration financière des organismes publics. Le Vérificateur général ne peut jamais s'immiscer dans la gestion courante de ces organismes. Alors, le ministre nous disait: Mais, c'est beau, le Vérificateur général vérifie. Oui, mais il ne peut pas s'immiscer. Il ne fait pas la vérification pour chacun des dossiers, pas plus que la firme d'experts-comptables. Là-dessus, il y a des lacunes, et il faut modifier.

Le dossier est tellement gros, M. le Président, et les lacunes tellement grandes que j'ai demandé à la commission des institutions de donner aux membres un mandat de surveillance pour qu'on puisse examiner ce qui se passe à la curatelle publique. Moi, avant d'ajouter des outils à la curatelle, je souhaite entendre la curatrice sur toutes les questions qu'on a à poser. Elles sont nombreuses. Suite à certaines déclarations, j'ai reçu, à mes bureaux, de nombreuses plaintes de citoyens sur la façon dont ça se passe, M. le Président, aussi sur la façon dont on ne vérifie pas, finalement, les soins qui sont donnés aux personnes.

On vous disait tantôt, M. le Président, que le régime couvre un nombre de personnes important. Alors, vous comprenez bien qu'il est extrêmement important – on parle de 32 800 personnes, en 1992 – que toutes ces personnes-là reçoivent des soins adéquats. Il ne faut jamais perdre de vue que ces personnes-là sont vulnérables. Donc, si elles manquent de soins, elles ne peuvent pas en réclamer. Elles ne sont pas en état de dénoncer. C'est là le rôle majeur de l'État, de s'assurer qu'au niveau de la curatelle on vérifie aussi l'administration des soins. J'ai pris connaissance de certains dossiers et je vous avoue que j'ai de sérieuses inquiétudes à ce niveau-là.

Ce n'est pas évident que la curatelle a présentement tous les moyens pour s'assurer que les 32 000 personnes qui sont sous sa tutelle peuvent avoir les soins qui sont adéquats, que les bonnes décisions sont prises, puisqu'on s'est aperçu que, dans des dossiers aussi simples que d'essayer de retrouver les familles et, au moins, de bien disposer des corps, on ne le faisait pas. Les dossiers où on a réussi à obtenir justice, ce sont les dossiers qu'on a retrouvés sur la place publique.

Je me suis inquiétée aussi, M. le Président, du manque de collaboration, parfois, au niveau de la curatelle, avec la famille, les familles qui ont demandé de l'information, les familles qui ont demandé des bilans financiers, de savoir ce qui se passait dans les dossiers. On a eu dans les journaux, dernièrement, un dossier qui est sorti aussi sur la place publique. C'est le cas d'une dame qui avait des biens d'une valeur de plus de 3 000 000 $ au moment où elle s'est retrouvée sous la curatelle. On s'est aperçu qu'après peu de temps il y a avait pratiquement 1 000 000 $ qui ne s'y trouvaient plus. La famille n'arrivait pas à obtenir les justifications. Quand on regardait les montants qui avaient été accordés pour assurer la pension de la dame en question, c'était un montant extrêmement faible pour l'année, mais on s'apercevait que les dépenses de la curatrice étaient trois fois plus élevées – pour son administration, dans ce dossier-là – que ce qu'on avait dépensé pour assurer des soins à la personne. Alors, il y a lieu de questionner. Lorsque la famille a demandé accès au dossier, elle a dû passer, M. le Président, par la Commission. Elle a été obligée de passer par la Commission parce que la curatelle ne voulait pas les donner. Ça s'est retrouvé devant la cour, et la curatrice a engagé – vous ne le croirez peut-être pas – pour contrer une demande à la Commission d'accès à l'information, une firme d'avocats réputée...

(21 h 40)

Le Vice-Président (M. Tremblay): Mme la députée, un moment, s'il vous plaît. Je vous demanderais, s'il vous plaît, Mmes, MM. les députés, de respecter le temps de parole de Mme la députée qui s'exprime. Pour votre information, il y a des salons pour discuter. Alors, organisez-vous pour aller dans les salons et laissez madame s'exprimer d'une façon libre. Merci. Alors, Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, est-ce qu'il est normal que la famille doive passer par la Commission d'accès à l'information pour avoir de l'information sur les dossiers? Je ne pense pas que ce soit normal, M. le Président. Je pense que la loi voulait qu'on s'assure d'une participation des familles, et ce n'est pas tout à fait ce que l'on retrouve de la part de la curatrice, actuellement.

Nous avions également questionné, M. le Président, suite au rapport annuel du Protecteur du citoyen. Dans le 22e rapport annuel du Protecteur du citoyen, on avait fait mention de plusieurs cas qui posaient problème. Dans le 23e rapport annuel – j'en ai fait copie aussi – il est extrêmement sévère, le jugement du Protecteur du citoyen. Je vais me permettre de le citer.

Alors, le Protecteur du citoyen nous donnait quelques exemples. Je peux peut-être aussi ajouter que le nombre de plaintes, en 1992-1993, c'était 123 plaintes, M. le Président. Le rapport, pour 1993-1994, n'est pas sorti, mais j'ai vérifié au bureau du Protecteur du citoyen et ce qu'on avait en main, c'était 105 plaintes. Donc, le nombre de plaintes, il est important. Le Protecteur nous disait, dans son 23e rapport annuel, que «ce sont donc là des exemples qui illustrent que la surveillance exercée par le Curateur public montre des signes alarmants de pure négligence». C'est des mots extrêmement forts, M. le Président, «des signes alarmants de pure négligence». Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Protecteur du citoyen. «Nous comptons que l'organisme donne sous peu les preuves d'un redressement convaincant dans sa façon de contrôler les personnes qui se portent légalement responsables d'individus totalement démunis. Nous prévoyons, quant à nous, demeurer très vigilants à cet égard.»

On avait évidemment fait rapport, M. le Président, parce que j'avais demandé au Curateur de vérifier à ce niveau-là. Le Protecteur nous disait qu'il étudiait aussi la disposition des cadavres par le Curateur public, parce qu'il y avait des problèmes à ce niveau-là. Donc, il y a aussi des négligences, de l'inertie, de la tolérance injustifiable pour certains curateurs privés qui n'offrent pas tous les soins adéquats aux personnes dont ils sont responsables et qui n'administrent pas nécessairement comme il faut les biens.

Alors, M. le Président, le rôle de la curatrice, il est important. Je ne comprends même pas que nous n'ayons pas encore obtenu ce mandat de surveillance pour faire la vérification qui s'impose et s'assurer que, pour des personnes aussi vulnérables, l'État joue son rôle extrêmement important. Je le rappelle, le rôle, il se situe au niveau des personnes, des soins qui sont donnés aux personnes durant leur vie, des soins qui sont donnés aux personnes à la fin de leur vie, parce qu'on nous dit aussi que, parfois, il y a à choisir si on poursuit des traitements ou non, aussi la façon dont on dispose des personnes après, M. le Président.

Il y a aussi de s'assurer du rôle que la curatelle doit jouer auprès des curateurs privés, pour s'assurer qu'eux aussi jouent leur rôle non seulement au niveau financier, M. le Président, mais qu'ils jouent bien leur rôle auprès des personnes dont ils ont la responsabilité. Ça, c'est encore plus important qu'auprès des biens.

Enfin, la curatelle doit se donner des outils aussi sévères que ceux qu'elle doit exiger des curateurs privés, c'est-à-dire que l'État doit absolument exiger que les biens soient vérifiés, pour chacun des dossiers, par une firme d'experts-comptables, pas pour vérifier les méthodes comptables, mais vérifier que chacun des dossiers est bien traité.

M. le Président, il faut aussi s'assurer qu'il y ait une collaboration importante et de l'information donnée aux familles. On peut aussi se questionner – je pense que, jamais, jusqu'à maintenant, on ne l'a questionné – sur le réseau de personnes qu'on retrouve autour de la curatelle. Combien d'agents d'immeubles se retrouvent avec la vente de ces maisons-là? Est-ce que ce sont toujours les mêmes, M. le Président? Combien on retrouve de professionnels? Ce serait intéressant de le fouiller, le dossier, M. le Président, parce que, des quelques cas que j'ai pu voir, on s'aperçoit qu'il y a peut-être des drôles de transactions qui se font. Dans un dossier que je vous citais tantôt, la curatelle a décidé de vendre trois maisons qui appartenaient à une dame, trois maisons dont la valeur d'une était de 470 000 $ et la maison a été vendue 235 000 $. Et, lorsque la famille a voulu vérifier, on a répondu qu'on avait dû vendre les trois maisons pour pouvoir assurer la survivance de la personne.

Mais la vente de trois maisons à ces prix-là, M. le Président, quand j'ai vu les coûts que la pauvre dame coûtait à l'État chaque année, je vous avoue que je trouve ça un petit peu curieux qu'on ait décidé de vendre autant de biens appartenant à une personne, alors qu'elle était toujours vivante et que les montants d'argent dont on avait besoin pour assurer sa survivance étaient pourtant très, très, très limités. C'étaient surtout les coûts de la curatelle, de l'administration qui étaient élevés, M. le Président.

Alors, il y a lieu de se questionner. Le projet de loi 25 ne vient aucunement répondre à ces inquiétudes, ne vient aucunement apporter de solutions à ces problèmes, et, personnellement, je souhaite... et j'ai déjà mentionné, lorsqu'on m'a questionnée là-dessus, que, si je ne réussis pas à obtenir ce mandat de surveillance au cours de la présente session, M. le Président, soyez assuré que ce sera la première demande que je ferai au prochain gouvernement. Je peux vous assurer qu'à ce moment-là on aura un mandat de surveillance auprès de la curatelle publique, parce que c'est beaucoup trop important, et, notre rôle là-dessus, je pense qu'en conscience on ne peut pas se permettre de ne pas questionner et de ne pas vérifier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, Mme la députée. Alors, je vais maintenant reconnaître M. le ministre pour un temps de réplique. M. le ministre.


M. Roger Lefebvre (réplique)

M. Lefebvre: M. le Président, je prends pour acquis que Mme la députée de Terrebonne va appuyer le principe du projet de loi 25. Mais, même si elle votait pour, je ne saurai pas pourquoi, parce qu'elle n'a pas fait le moindre commentaire sur le projet de loi que j'ai soumis à l'attention des membres de cette Chambre. Mme la députée de Terrebonne, et je ne considère pas que ça ne respectait pas la règle de la pertinence, mais elle a parlé de toute autre chose, de toutes sortes de choses autres que le projet de loi lui-même et Mme la députée de Terrebonne, M. le Président, a répété les mêmes questions que celles qu'elle a posées à Mme la curatrice, Mme Fontaine, et à moi-même lors, et elle l'a mentionné tout à l'heure, de l'étude des crédits il y a quelques semaines.

Et, vous savez, M. le Président, je dois admettre que la députée de Terrebonne n'a pas le choix lorsqu'elle cite des cas sans qu'on sache exactement de qui elle parle, parce qu'il n'y a pas de nom, et, je me répète, je comprends qu'elle n'ait pas le choix, sauf qu'en même temps c'est un peu discutable comme approche que de dire: M. Untel, Mme Unetelle. On ne sait pas trop de qui Mme la députée de Terrebonne veut parler, que son dossier a été traité de telle ou telle façon par la curatrice. C'est discutable comme approche et c'est même, jusqu'à un certain point, un peu dangereux. Je peux vous dire, M. le Président, qu'à chacune des questions posées par la députée de Terrebonne, reprises ce soir au salon bleu, sans cependant donner les noms, Mme la députée de Terrebonne a eu des réponses, des réponses satisfaisantes, et je vais même ajouter, M. le Président, que c'était et c'est encore ce soir une répétition de ce qui s'est passé lors de l'étude des crédits avec mon prédécesseur en 1993.

(21 h 50)

Mme la députée de Terrebonne a même fait référence tout à l'heure à des cas qui sont couverts par la règle du sub judice, des cas qui sont pendants devant la Commission ou qui ont été traités par la Commission d'accès à l'information, M. le Président, selon les règles établies à la Commission d'accès à l'information, et il s'agit de bien saisir et comprendre que le Curateur public est soumis, comme n'importe quel autre citoyen, aux règles qu'on retrouve à l'intérieur de la loi d'accès et aux règles également imposées par la Commission d'accès à l'information.

M. le Président, je veux aussi mentionner, et ça, c'est très important, et je l'ai expliqué à Mme la députée de Terrebonne, ça a été également expliqué par Mme la curatrice, qu'on parle de plus ou moins 122 plaintes. Il y a une différence entre une plainte et le résultat de l'analyse de la plainte. Le Curateur traite plus ou moins 1500 cas au cours de l'année, et même plus. Donc, 122 plaintes. Et la députée de Terrebonne, je lui ai fait cette mise en garde, et je ne doute pas de sa bonne foi, c'est probablement encore ce soir un oubli: Quel est le résultat des plaintes soumises par le Protecteur du citoyen, ou qu'on a soumises, c'est-à-dire, au Protecteur du citoyen? Ce que la députée de Terrebonne ne mentionne pas, c'est, après traitement par le Protecteur du citoyen des plaintes qu'il a reçues, quel est le résultat en bout de course, M. le Président. C'est ça qu'il est important de savoir.

Dans certains cas, effectivement, dans des cas très limités, ça se résume, je pense, à trois ou quatre cas, le Protecteur du citoyen – si je me trompe, Mme la députée de Terrebonne pourra me corriger, je le dis en toute bonne foi – a fait des suggestions, des recommandations à la curatrice, mais il a également indiqué à la curatrice, suite à une demande de cette dernière, qu'à l'avenir, avant de discuter de ces plaintes dans son rapport annuel, d'abord il vérifierait le bien-fondé des plaintes avec le Curateur public, admettant par là que, dans certains cas, et, j'en suis convaincu, dans la majorité des cas, les plaintes qui sont soumises par des citoyens en toute bonne foi vont s'avérer être plus ou moins bien fondées. C'est important que ce soit mentionné, ça.

Moi, M. le Président, je continue à dire ce que j'ai mentionné lors de l'étude des crédits et également à d'autres occasions, la curatelle publique est bien administrée. Je ne suis pas d'accord avec la suggestion de Mme la députée de Terrebonne et, à moins qu'on ne m'amène des éléments nouveaux, je ne crois pas que je vais changer d'idée. Je ne suis pas d'accord pour qu'on l'évalue sous une autre forme, dans un autre forum que celui qui m'apparaît être très approprié, à savoir les crédits. Je ne juge pas nécessaire qu'on soumette la curatelle à un autre exercice. Les réponses qu'a données la curatelle, la curatrice, m'ont satisfait.

Il y a, et je voudrais terminer là-dessus, à la curatelle publique comme à l'intérieur de n'importe quel organisme du genre, de la place pour de l'amélioration, pour des ajustements, pour des corrections, et je suis convaincu que c'est ce qu'on fait présentement à la curatelle publique, M. le Président. Alors, je m'arrête là-dessus.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, on verra. Vous allez appeler le vote sur le principe du projet de loi 25. J'ose espérer que Mme la députée de Terrebonne, qui a fait des commentaires qui, pour certains, peuvent s'avérer être vrais, mais, de façon générale, M. le Président, j'espère que Mme la députée de Terrebonne va finir par comprendre qu'à la curatelle publique on fait des efforts, on a fait des efforts au cours des dernières années, puis que la performance, globalement, elle est bonne et que peut-être même que d'autres organismes auraient intérêt à procéder de la même façon dans certains cas. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Mme la députée, malheureusement, vous n'avez pas de temps de réplique. Pardon?

Mme Caron: ...

Le Vice-Président (M. Tremblay): Ah! pour répondre à une question. Alors, est-ce qu'il y a consentement? Pardon?

Une voix: Allez-y.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Il y a consentement, très bien. Alors, posez une question.

Mme Caron: Alors, M. le Président, il m'a dit que je pouvais le corriger s'il y avait une faute sur le nombre. Sur les 123 plaintes, M. le Président, il y a eu 61 demandes d'intervention directe et il y avait toujours 21 dossiers en traitement en plus. Alors, ce n'est pas quelques nombres, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le ministre.

M. Lefebvre: Mme la députée, une intervention directe, ça ne veut pas nécessairement dire que la plainte, telle que formulée par celui qui s'est adressé au Protecteur du citoyen, est une plainte bien fondée. Ça peut être une demande de vérification, ça peut être une demande, comme vous l'avez indiqué, Mme la députée de Terrebonne, d'intervention. Mais ça ne veut pas dire que la plainte telle que formulée est bien fondée dans tous ses aspects. Ça, c'est très, très, très important que ce soit bien compris, M. le Président. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Bien, M. le ministre. Alors, il n'y a pas d'autres intervenants?


Mise aux voix

Alors, est-ce que le principe du projet de loi 25, Loi modifiant la Loi sur le curateur public, est adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Adopté sur division. Très bien.

M. Lefebvre: Je fais motion... Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Tremblay): M. le leader.


Renvoi à la commission des institutions

M. Lefebvre: Alors, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi 25 soit déféré à la commission des institutions pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Lefebvre: Adopté.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, cette dernière intervention met fin à nos travaux pour cette semaine, et je fais donc motion pour ajourner les travaux de l'Assemblée au lundi 6 juin, à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Tremblay): Très bien, M. le leader. Alors, les travaux sont ajournés au 6 juin, à 14 heures.

(Fin de la séance à 21 h 56)


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