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(Neuf heures trente-neuf minutes)
Affaires du jour Affaires prioritaires
Reprise du débat sur la proposition du
premier
ministre visant l'adoption d'une question
devant faire l'objet d'une consultation
populaire portant sur un nouveau partenariat de nature
constitutionnelle
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonne journée
à tous. Si vous voulez vous asseoir. L'Assemblée reprend le
débat sur la motion de M. le premier ministre visant l'adoption d'une
question devant faire l'objet d'une consultation populaire portant sur un
nouveau partenariat de nature constitutionnelle. Je vous informe qu'il y a 6
heures 35 minutes d'écoulées au débat. Il reste 27 heures
24 minutes: 17 heures 24 minutes au groupe parlementaire formant le
gouvernement; 9 heures 42 minutes à l'Opposition officielle et 1 heure
19 minutes aux députés indépendants. Sur ce, je reconnais
M. le ministre des Communications. M. le ministre, la parole est à vous.
(9 h 40)
M. Lawrence Cannon
M. Cannon: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, ce
matin, d'intervenir dans le débat sur la question
référendaire. Vous avez, M. le Président, devant vous une
question brève, précise et, surtout, sans ambiguïté.
Je peux facilement comprendre l'Opposition officielle qui se sent
désemparée devant une telle question. Ils ne sont pas
habitués à autant de concision. Il faut se rappeler la question
de 1980. Je vois le leader de l'Opposition officielle; lui, il s'en rappelle de
la question de 1980 où le cabinet de l'ancien premier ministre a
quasiment rupture à cause de la question. Mais, aujourd'hui, on a une
question qui est précise, une question qui est claire, sans
ambiguïté. Il faut dire aussi que c'est certainement la
défaite référendaire du précédent
gouvernement qui nous a amenés au rapatriement unilatéral de la
Constitution canadienne. Puisqu'il faut toujours placer ces
discussions-là, ces débats-là dans un contexte historique,
on se rappellera que la défaite référendaire avait
placé l'ancien gouvernement dans une position de faiblesse, une telle
position de faiblesse que le grand stratège du Parti
québécois, à l'époque, M. Claude Morin, celui qui
est aujourd'hui le Quisling québécois - on se rappellera que
Quisling, c'est le synonyme de traître à sa nation, à sa
patrie - le grand stratège, dis-je, qui avait,
délibérément ou peut-être pas, abaissé le
Québec en perdant le droit de veto. On avait complètement
isolé le Québec et on avait perdu le droit de veto.
C'était ça, l'histoire constitutionnelle du début des
années quatre-vingt.
En 1985, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons
fermement pris l'engagement que le gouvernement du Parti libéral ferait
tout en son pouvoir pour réintégrer la famille canadienne, que
l'injustice créée en 1982 serait réparée.
Aujourd'hui, j'entends les gens de l'Opposition nous dire qu'on vient de
consacrer le Québec comme une province à l'égalité
des autres, parce qu'on a consenti un Sénat égal. On a, oui,
consenti un Sénat égal, mais la vérité, c'est qu'en
contrepartie on a obtenu, pour les 18 sénateurs qu'on a laissés
de côté, un rôle plus important dans le processus de
décision, notamment à la Chambre des Communes. Et on a obtenu 25
% de la représentation des élus québécois, à
la Chambre des Communes à Ottawa. C'est un gain réel et c'est un
progrès notable par rapport à ce à quoi les
Québécois ont été habitués, sous le
règne du Parti québécois, au début des
années quatre-vingt.
On se rappellera qu'en offrant, sur un plateau d'argent, le droit de
veto politique, en 1982, le gouvernement du Parti québécois avait
déployé tous les efforts et tous les trucs nécessaires
afin de rabaisser le Québec et sa population à un niveau qu'il
n'avait jamais connu auparavant. Vous le savez, vous, les gens de l'Opposition,
que le premier ministre du Québec a réalisé des gains
considérables le 28 août dernier, non seulement pour le
gouvernement, mais pour l'ensemble des Québécois et des
Québécoises. Dans le domaine de la Constitution, M. le
Président, où est la crédibilité de l'Opposition?
L'Opposition n'a pas de crédibilité dans ce dossier-là.
Lorsque nous avons proposé l'accord du lac Meech, le Parti
québécois l'avait dénoncé formellement sur la place
publique, en soulignant que c'était moins que rien. Ici, en cette
Chambre, au mois d'octobre dernier, au mois de novembre, on commençait
à dire qu'on estimait cette entente suffisamment importante pour qu'elle
devienne le point de référence dans le débat actuel.
Et finalement, comme l'indiquait le premier ministre en cette Chambre
hier, le Parti québécois dénonce le fait qu'il est
difficile de se prononcer sur l'entente sans avoir en main les textes
juridiques et, malgré ce fait, on rejette l'entente. Malgré ce
fait, on rejette l'entente. C'est une question d'honnêteté, M. le
Président. On doit avouer qu'il s'agit là d'un progrès
réel pour l'ensemble des Québécois, à moins, bien
sûr, que l'Opposition, à la lecture des textes juridiques, ne
convienne que peut-être elle change d'avis. Mais je serais fort surpris
que l'Opposition change d'avis sur cette question-là. On se
demande où est la logique, M. le Président. Il s'agit
là sans doute d'une logique qui caractérise et qui a toujours
caractérisé les gens d'en face, les gens du Parti
québécois. C'est la même logique qui les a motivés
à voter contre la loi 150, vous vous en rappellerez, pour ensuite faire
des pieds et des mains pour qu'elle soit respectée. Comment peut-on
prendre au sérieux ces gens-là, M. le Président, qui
contribuent, sans doute inconsciemment, je l'espère, à rendre
l'exercice de la démocratie au Québec aussi agréable qu'un
traitement de canal?
Aujourd'hui, l'Opposition nous dit qu'il faut faire front commun contre
cette entente. Mais, ne vous en faites pas, un non à la question ne
signifie pas un oui à l'indépendance, à la destruction du
pays. Quel principe noble! Soyons sérieux, M. le Président, pour
une seconde. On veut nous faire croire que le Parti québécois va
mettre en veilleuse son option indépendantiste dans le débat
référendaire qui s'amorce? Je vois l'ancienne
députée de La Peltrie, députée de Taillon
aujourd'hui, qui, lorsqu'elle se proposait comme candidate à la
chefferie du Parti québécois, disait: La souveraineté du
Québec, l'indépendance, il faut en faire notre pain quotidien.
A-t-elle changé d'idée? Est-ce qu'elle suit son chef aujourd'hui
dans la mise en veilleuse de leur option fondamentale? Le chef de l'Opposition
hier, ici, en cette Chambre, disait, et je le cite: Et l'étape suivante,
ce sera quoi? Eh bien, ce sera les élections, M. le Président,
et, après, le débat autour de l'orientation du Québec se
poursuivra jusqu'à ce que l'élection se produise. Une
élection que nous avons, de notre côté, bien l'intention de
gagner parce que maintenant nous savons, depuis que la loi 150 a
été amendée, que c'est par le truchement de la prochaine
élection que nous pourrons réaliser la souveraineté du
Québec.
Bien, c'est clair! C'est clair. Ils n'ont pas changé. Les masques
vont tomber. C'est clair, leur intention. Ils n'ont pas mis de
côté, pas pour une seconde, l'option fondamentale du Parti
québécois qui est celle de rupturer et de briser le pays.
On veut faire accroire aussi, M. le Président, qu'en mettant de
côté cette option le Parti québécois va mettre fin
aux négociations avec le reste du Canada. Allons donc, M. le
Président, dire de telles choses! C'est comme si on devait expliquer aux
jeunes que le vrai Père Noël, c'est le chef de l'Opposition. M. le
Président, ils seront les premiers, et ils l'ont déjà
souligné à maintes reprises, à vouloir s'associer,
à négocier une entente économique par ci - on les entend,
ils nous le disent - une entente sur l'union douanière, une entente sur
la défense. Que sais-je encore? C'est comme si, M. le Président,
on arrivait et qu'on disait: Écoutez, on vient de vous donner une gifle
en pleine face mais, là, on va s'asseoir avec le Canada anglais et on va
dire au reste du Canada: On va maintenant négocier d'autres choses.
C'est ça l'intention réelle. Et, en négociant d'autres
choses, tendez donc l'autre joue pour qu'on puisse vous donner une autre baffe
de l'autre côté. Mais c'est irresponsable de penser ces
choses-là. C'est irresponsable, M. le Président.
Vous savez, ça me fait penser à une citation d'un
Québécois, et vous me permettrez de la sortir. J'ai eu
l'opportunité, M. le Président, d'en parler ici en cette Chambre.
C'est une citation du chef de l'Opposition qui, à l'occasion de son
intervention, au moment du débat, des audiences de la commission
Campeau-Bélanger, disait devant tout le monde: Bien, écoutez,
c'est sûr qu'il y a des secteurs où la juridiction est
partagée. C'est clair que, dans le secteur des communications ou des
télécommunications, c'est un partage de juridiction et il y aura
lieu de négocier des ententes. (9 h 50) j'ouvre la parenthèse, m.
le président, parce que c'est précisément ça que le
premier ministre du québec et le ministre des affaires
intergouvernementales canadiennes ont obtenu en allant négocier à
charlottetown: la possibilité de conclure des ententes administratives
avec le reste du canada pour que, dans le secteur des communications, nous
puissions assumer nos responsabilités. cette entente, m. le
président, contrairement à celle que propose le parti
québécois, sera constitutionnalisée. ça, m. le
président, c'est un progrès et un progrès réel.
M. le Président, je pense qu'il est peut-être important
tout au long de ce débat d'examiner les faits. Lorsqu'on nous pose la
question: Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée
sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?, personnellement, et de
ce côté-ci de la Chambre, la réponse est claire, sans
équivoque, c'est oui, M. le Président. Pourquoi disons-nous oui,
M. le Président? Nous disons oui parce que les gains sont
appréciables. Oui, M. le Président, ce sera oui à la
reconnaissance du Québec comme une société distincte et
unique au sein du Canada. Ce sera oui à l'intégration
économique, sociale et culturelle des immigrants au Québec
français. Ce sera oui, M. le Président, au désengagement
obligatoire du gouvernement fédéral dans six pouvoirs permettant
au Québec de consolider son autonomie dans le secteur des affaires
urbaines, dans le secteur du logement, dans le secteur des loisirs, de la
forêt, des mines et du tourisme. Ce sera oui, M. le Président, oui
à la culture comme compétence exclusive du Québec. Ce sera
oui, M. le Président, à la maîtrise d'oeuvre des ententes
de développement régional. Ce sera oui, M. le Président,
à la compétence exclusive du Québec en matière de
main-d'oeuvre. Ce sera oui, M. le Président, au renforcement de
l'influence du Québec à Ottawa. Ce sera oui, M. le
Président, à la récupération des droits de veto
perdus par l'ancien gouvernement qui, de toute façon, n'a aucunement
l'intention de participer à la famille canadienne. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre
des Communications, de votre intervention. Je rappelle aux membres de cette
Assemblée que nous poursuivons le débat sur la question
référendaire proposée par M. le premier ministre. Je
reconnais Mme la vice-première ministre et ministre de l'Énergie
et des Ressources. Mme la vice-première ministre.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Alors, M. le Président, dans 47 jours
exactement, les Québécois et les Québécoises auront
l'impérieux devoir de se prononcer sur leur avenir. Le 26 octobre
prochain, par voie référendaire, la population du Québec
répondra à une question claire et honnête: Acceptez-vous
que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente
conclue le 28 août 1992?
M. le Président, alors que le Québec célèbre
cet automne le Bicentenaire de ses institutions parlementaires, alors que se
tient dans la vieille capitale le Symposium international sur la
démocratie et que, de ce fait, nous accueillons des
délégués de l'Association Internationale des
parlementaires de langue française, de l'Association parlementaire du
Commonwealth ainsi que des représentants d'autres Parlements, alors que
le Québec s'enorgueillit de célébrer cet
événement d'envergure, les Québécois et les
Québécoises exerceront les pleins pouvoirs qui leur sont
dévolus en vertu de notre régime démocratique en se
prononçant par référendum sur le renouvellement du
fédéralisme canadien, et cela, à partir de ce qui a
été conclu le 28 août dernier.
M. le Président, le Québec tiendra son
référendum à la date convenue, soit le 26 octobre. Le
Québec tiendra son référendum sur l'une des options
officiellement et clairement reconnues dans le rapport de la commission
Bélanger-Campeau, soit sur des offres du fédéral, entre
autres: des offres qui marquent la spécificité du Québec
comme société distincte, des offres qui permettent au
Québec de retrouver un droit de veto sur les institutions perdues,
abandonné en 1981 par le gouvernement de l'époque, des offres sur
une entente sur l'immigration, des offres qui permettent la compétence
exclusive du Québec dans huit secteurs bien identifiés: la
main-d'oeuvre, la culture, les mines, les forêts, les loisirs, les
affaires urbaines, le tourisme et le logement, des offres qui garantissent au
Québec, et pour toujours, 25 % des sièges à la Chambre des
communes. Personne ne peut s'objecter à cela. Personne au Québec
ne s'objectera à être représenté par un aussi grand
nombre de députés. Des offres qui garantissent que le tiers des
juges à la Cour suprême seront des juges québécois;
un juge sur trois à la Cour suprême sera
québécois.
Mais, plus important encore, M. le Président, l'entente de
Charlottetown, c'est beaucoup plus que ce que je viens
d'énumérer; c'est beaucoup plus que ce que l'on retrouve noir sur
blanc. M. le Président, c'est d'abord, l'entente à laquelle on
est parvenu à Charlottetown, une entente qui permettra aux
Québécois de fermer pour un moment le dossier constitutionnel, de
le mettre de côté, de s'occuper d'autres dossiers prioritaires qui
permettront aux Québécois et aux Québécoises
d'assurer leur avenir et celui de leurs enfants.
Dire oui à l'entente, c'est choisir la voie de la
maturité, la voie du réalisme, la voie de la
responsabilité collective. Dire oui à l'entente, c'est dire oui
aux grands projets, c'est l'outil nécessaire de démarrage de nos
objectifs communs. Qui, M. le Président, souhaite revivre les 40 ans de
mésentente constitutionnelle, les 40 ans de déchirements
nationaux dont les grands perdants n'étaient autres que la population?
Qui, M. le Président, a intérêt a bloquer, à mettre
sur la glace les dossiers de chômage dans tous les groupes d'âge de
notre société, mais particulièrement chez les jeunes? Qui
a intérêt à décaler pour encore des années
des projets qui permettraient au Québec de partir à la
conquête de sa prospérité? Qui, M. le Président, si
ce n'est ceux qui s'opposent à l'entente, c'est-à-dire ceux qui
interchangent l'intérêt supérieur du Québec pour
l'intérêt partisan? S'enfermer dans un non chronique et absolu,
comme le fait l'Opposition, cache mal cette volonté, ce seul objectif du
triomphe d'une idéologie aux dépens du bien-être et de
l'avenir de plusieurs générations de Québécois.
M. le Président, ceux qui s'intéressent au commerce et aux
relations internationales savent très bien qu'il faut toujours
négocier entre pays. Les ententes de libre-échange entre le
Canada, les États-Unis et le Mexique l'ont bien démontré,
il faut savoir dialoguer entre continents, entre nations, entre villes et
villages, entre communautés. Les ententes qui interviennent le sont
toujours au prix de compromis, mais les ententes conclues n'en constituent pas
moins une base, une base sur laquelle s'appuiera la ronde subséquente de
négociations, et c'est en vertu de ces ententes que, d'une
négociation à l'autre, des progrès seront
réalisés, à la satisfaction de chacune des parties.
Quand un syndicat négocie le renouvellement d'une convention
collective, il ne s'attend pas à récolter le pactole en une seule
séance de négociations; il ne s'attend pas à obtenir tout
ce qu'il revendique lors de la signature de la convention collective. Le
syndicat sait, M. le Président, qu'il lui faut être
réaliste, qu'il lui faudra plusieurs autres négociations avec son
partenaire patronal avant d'atteindre les objectifs fixés. Le syndicat
s'entend avec la partie patronale et considère les gains obtenus comme
des acquis qui serviront de base pour la négociation
d'un prochain contrat de travail. Les chefs syndicaux, M. le
Président, disent à leurs membres, et avec raison, qu'ils ont
obtenu la meilleure entente possible et que le réalisme impose de
l'accepter.
M. le Président, les syndicalistes, les membres de centrales
syndicales comprendront ce que signifie un acquis, une base de
négociation. M. le Président, une base de discussion, une base de
négociation, c'est la première étape, mais la plus
importante, c'est celle sur laquelle repose tout l'édifice
constitutionnel, dans le cas qui nous intéresse. L'entente du 28
août, c'est ce qui nous permet d'asseoir ce que les
Québécois ont négocié et acquis d'interminables et
chaudes luttes qui durent depuis 40 ans.
Répondre oui au référendum, c'est entreprendre le
voyage du XXIe siècle avec les assurances tous risques. Répondre
oui au référendum, c'est être réaliste, c'est
refuser de jeter par-dessus bord tous les acquis de notre histoire.
Répondre oui au référendum, c'est faire le pas vers la
modernité, c'est faire le choix du dynamisme, c'est choisir le meilleur
véhicule pour que le Québec parvienne à destination Monde.
Répondre oui au référendum, M. le Président, c'est
choisir l'intérêt supérieur du Québec. (10
heures)
Le référendum du 26 octobre prochain portera
principalement sur un idéal qui se résume en deux mots, mais deux
mots que l'on ne retrouve que dans l'esprit de ceux et celles qui ont une
vision. Cet idéal, M. le Président, c'est de voir grand. M. le
Président, la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne empruntent la
voie canadienne et choisissent, elles aussi, de voir grand. Ces pays qui disent
oui à l'union politique, monétaire et économique, ces 12
pays qui souhaitent être sous le parapluie européen acceptent de
céder une part importante de leur souveraineté pour
accéder au fédéralisme européen.
M. le Président, la grande Europe des Douze, qui deviendra avant
la fin du siècle l'Europe des Seize, vraisemblablement des Dix-huit,
n'est pas une vue de l'esprit, c'est une réalité. La grande
Europe marque le début de la fin des États-nations au profit de
la supranationalité. Qu'est-ce que c'est la supranationalité, M.
le Président, si ce n'est pas une forme de fédéralisme
moderne?
Il aura fallu, oui, 40 ans pour construire l'Europe, et ce n'est pas
encore fini. Il aura fallu 40 ans de discussions, de négociations, de
compromis pour conclure que c'était définitivement cette route
qu'il fallait emprunter pour s'épanouir, pour prospérer,
protéger l'intérêt supérieur des populations
concernées.
M. le Président, le Mexique, le Canada, les États-Unis
n'ont pas emprunté d'autres voies que celle du regroupement pour
parvenir à un idéal national et collectif. Voir grand pour les
États-Unis, c'était de s'unir au Canada et au Mexique.
Les États-Unis ont dit oui, oui au réalisme. Le Mexique a
dit oui, oui à la modernité. Et le Canada a dit oui, oui au
dynamisme, aux grands projets. La France dira oui à l'Europe comme
l'Espagne, comme l'Allemagne, l'Italie ont spontanément dit oui, tout
simplement, oui au progrès et à la raison dans
l'intérêt supérieur de leur population.
M. le Président, le Québec ne naviguera pas à
contre-courant en disant non à un mouvement universel. Ce serait un
virulent message de repli sur soi, un message qui ne serait pas compris
à l'étranger. Le Québec basculerait dans le camp des
sociétés qui mènent des combats d'arrière-garde.
Dire oui à l'entente, c'est faire partie du club des grands, c'est
entrer dans le cercle des sociétés qui n'ont pas peur et qui ne
se sentent pas en péril. Voilà pourquoi il faut être fier
de dire oui le 26 octobre prochain.
L'entente du 28 août, M. le Président, couronne 40 ans de
mésentente constitutionnelle. L'entente du 28 août, c'est le pas
en avant qui permettra au gouvernement québécois de consacrer
toutes ses énergies aux autres problèmes, dont ceux de nature
économique. L'entente du 28 août marque donc une victoire pour le
Québec. Une de plus! Une de plus, car le Québec a toujours
marqué des points. Le Québec a toujours très bien su
récolter le maximum de son appartenance au fédéralisme
canadien. Au plan économique, au chapitre de son développement,
le Québec a su tirer avantageusement profit de son appartenance
canadienne. Au plan institutionnel, le Québec a exercé en tout
temps une influence remarquable au Canada.
Les exemples ne manquent pas dans l'histoire ancienne et l'histoire
contemporaine du Canada. Les deux chefs actuels des deux grands principaux
partis politiques canadiens sont des Québécois. Ce ne sont pas
les premiers, mais ce ne sont pas non plus les derniers. Mis à part un
court intermède de quelques mois, depuis plus de 25 ans, depuis
près d'un quart de siècle, M. le Président, le Canada n'a
été dirigé que par des premiers ministres d'origine
québécoise. Au sein même des partis politiques, la
représentation québécoise a toujours été
imposante. Il en est de même dans la fonction publique
fédérale. Des milliers de Québécois ont
occupé et occupent toujours de hauts postes décisionnels, jouent
des rôles clés dans le fonctionnement de l'appareil de
l'État. Aussi bien à la Chambre des communes qu'au Sénat
ou au sein du cabinet fédéral, les Québécois ont
exercé une influence qui a modifié le cours de l'histoire
canadienne, mais, d'abord et avant tout, bien servi les intérêts
des Québécois.
Avec l'entente constitutionnelle du 28 août, cette influence est
confirmée et même accrue. Le Québec acquiert un droit de
veto absolu sur tout changement aux institutions, c'est-à-dire à
la Chambre des communes, au Sénat et à la Cour suprême. Ce
droit de veto retrouvé, M. le
Président, ce droit historique que nos collègues d'en
face, alors au pouvoir, et dans une de leurs stratégies
d'opérette, ont perdu, abandonné, le premier ministre Bourassa
l'a reconquis. Ce que le Québec a perdu en 1981, à cause de
l'irresponsabilité et, disons-le, de l'inconscience du gouvernement du
Parti québécois - ce sont les ténors souverainistes qui
ont laissé tomber cet acquis que nous avions - il aura fallu sept
années, sept années de lutte acharnée du premier ministre
pour le récupérer. De 1981 à 1992, soit donc pendant 11
ans, le Québec n'a pu bénéficier de ce droit acquis par
nos ancêtres, M. le Président. Que d'énergie
déployée pour corriger cette erreur. Cela, nos amis d'en face
n'en parlent pas car ils savent tout ce qu'ils ont fait perdre au Québec
pendant toutes ces années et ils éprouvent une certaine
gêne, un certain embarras de ce qu'ils nous ont fait perdre.
Toujours en ce qui concerne l'influence accrue du Québec, avec
l'entente du 28 août, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25
% des députés à la Chambre des communes. Qu'est-ce que
c'est, M. le Président, si ce n'est pas de l'influence? Personne au
Québec ne s'objectera à être représenté par
un aussi grand nombre de députés. Il n'y a que ceux qui
s'opposent, encore une fois, à l'intérêt supérieur
du Québec qui s'opposeront à ce que le Québec ait plus de
pouvoirs à Ottawa.
Autre acquis, M. le Président, avec l'entente du 28 août,
le Québec ne pourra jamais avoir moins de 33 % des juges à la
Cour suprême. Avec l'entente du 28 août, le Québec obtient
la garantie que le nombre total de ses députés
fédéraux et sénateurs, ces gens ensemble, sera
proportionnel à sa population au sein du Canada. Avec l'entente du 28
août, les sénateurs francophones auront un droit de veto absolu au
Sénat égal contre toute mesure qui affecte les droits de la
langue et de la culture françaises.
M. le Président, voilà ce que le premier ministre est
allé chercher à Ottawa. Voilà, M. le Président, la
nouvelle présence, la nouvelle force, la nouvelle influence du
Québec à Ottawa. M. le Président, avec l'entente du 28
août, nous avons tout en main pour que, le 26 octobre au soir, le
Québec parte à la conquête de sa prospérité.
Tout est là pour passer à la vitesse supérieure et
rattraper le peloton de tête.
Je l'ai dit, je le répète, l'entente du 28 août,
c'est notre carte d'embarquement pour le XXIe siècle. Tout est en place
pour partir à la conquête de notre prospérité. Le
problème constitutionnel est réglé, la reprise
économique se fait lentement mais sûrement, les
Québécois sont aguerris à la conquête des
marchés internationaux et prêts à d'autres conquêtes.
Nous avons une entente de libre-échange conclue, signée avec les
États-Unis et le Mexique. Tout est en place, M. le Président,
pour que le Québec roule à plein régime vers la
première place des sociétés prospères.
Seulement, voilà que, si on dit non à l'entente du 28
août, si les Québécois disent non au Canada,
qu'adviendra-t-il de l'entente conclue avec le Mexique et les
États-Unis? Ça, c'est une vraie question qu'il faut se poser et
à laquelle ne répondent pas les partisans du non. M. le
Président, la vérité, c'est qu'il faudra discuter pendant
des années et des années avec les États-Unis, avec le
Canada, avec le Mexique. Il y aura d'importants compromis à faire et,
tout cela, sans parler de l'économie des chômeurs qu'il faudra
encore mettre de côté. C'est cela, là vérité,
M. le Président. Avant de dire non, il faut connaître les
conséquences de ce non.
M. le Président, on se rend vite compte qu'on ne dit pas toujours
tout dans le camp du non, et c'est cela qui est grave. Il n'est pas permis de
mettre en péril l'avenir de notre société, l'avenir d'une
société. Il n'est pas permis non plus de camoufler, dans un
moment aussi important de l'histoire du Québec, les objectifs qui sont
recherchés.
L'Opposition ne cherche pas à obtenir le meilleur pour les
Québécois. Qu'on ne se trompe pas. Ce que cherche l'Opposition,
c'est de parvenir à un seul et unique objectif et, pour y arriver,
pourquoi ne pas déclarer l'indépendance du Québec dans la
nuit du 26 au 27 octobre prochain? M. le Président, ce qui est
inacceptable, c'est qu'on cherche par tous les moyens à fausser les
pistes. On ne cherche pas à dire la vérité. Le Parti
québécois flirte avec l'étapisme quand son chef
déclare, comme il l'a fait la semaine dernière, qu'un vote pour
le non ne signifie pas un vote pour la souveraineté. Il a tenté
de réajuster son tir hier en nuançant son propos de la semaine
dernière, mais c'est du pareil au même. Un vote pour le non, c'est
un vote pour l'indépendance. Que l'Opposition ait donc le courage de se
battre pour ses convictions profondes. Un vote pour le non, c'est un vote pour
l'indépendance. Un vote pour le non, c'est une chance manquée de
mettre fin à l'incertitude persistante au sujet de l'avenir du
Québec. Un vote pour le non, c'est l'insécurité avec
toutes ses implications politiques, sociales, économiques et
financières. Un vote pour le non, c'est une perte considérable de
la crédibilité du Québec à l'égard de nos
partenaires canadiens avec qui nous devons continuer de dialoguer, et nous
devrons le faire, le 27 octobre prochain. (10 h 10)
Un vote pour le non, c'est l'accroissement des tensions avec les peuples
autochtones qui verraient tous leurs efforts anéantis, M. le
Président. Un vote pour le non, c'est la persistance des
inquiétudes légitimes des Québécois anglophones et
des membres des communautés culturelles quant à l'avenir du
Canada. Voilà ce qu'un non du Québec voudrait dire, M. le
Président. L'entente du 28 août, c'est la décision claire
qui signifie l'autre étape: le Québec qui se remet au travail, le
Québec qui part à la con-
quête de sa prospérité. C'est le Québec uni
et solidaire.
M. le Président, la solidarité de tous les
Québécois est une condition fondamentale au développement
harmonieux et dynamique du Québec. L'entente du 28 août renforcera
cette solidarité nécessaire aux Québécois. Avec
l'entente du 28 août, le Québec continuera d'être
français. Les pouvoirs linguistiques de l'Assemblée nationale
sont sauvegardés. Avec l'entente du 28 août, le Québec
continuera de reconnaître l'apport unique des Québécois
anglophones, continuera également de développer les services de
cette communauté. Avec l'entente du 28 août, le Québec
accueillera encore les immigrants et, avec la constitutionnalisation de
l'entente sur l'immigration, le Québec pourra exercer de nouveaux
pouvoirs quant à la sélection des immigrants et leur
intégration sociale et linguistique.
L'immigration sera au service du développement économique
et humain du Québec, au service aussi du Québec français.
Le Québec a, sur son territoire, différents autochtones qui ont
des droits et qui doivent être associés au progrès du
Québec. Avec l'entente du 28 août, le droit à l'autonomie
gouvernementale des autochtones est reconnu. Ce sera par des ententes librement
négociées que seront définis les rapports entre les
autochtones et le Québec. Le pouvoir judiciaire surveillera le processus
de négociation, l'intégrité du territoire du Québec
est protégée et les lois canadiennes concernant la paix, l'ordre
et le bon gouvernement seront respectées.
M. le Président, dans 47 jours exactement les
Québécois et les Québécoises auront à se
prononcer sur leur avenir. Le 26 octobre prochain, la population du
Québec répondra à une question claire, honnête. Nous
aurons l'occasion, dans les prochaines semaines, d'expliquer en détail
le contenu de l'entente. Nous le ferons, M. le Président, avec rigueur,
honnêteté et transparence.
Les Québécois et les Québécoises ont soif
d'une information pertinente, complète, et nous allons donner l'heure
juste. Le Québec est à l'heure des choix, celui de la
prospérité ou celui de l'immobilisme. Au-delà du
rêve, de l'utopie - je conclus, M. le Président - au-delà
des dogmes, c'est à un règlement respectable qu'aspirent les
Québécois, et c'est ce qu'ils obtiennent. M. le Président,
c'est cela la réalité au-delà du rêve et de
l'utopie.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, mme la
vice-première ministre et ministre de l'énergie et des
ressources. je rappelle aux membres de cette assemblée que nous
poursuivons le débat sur la question référendaire
proposée par m. le premier ministre. je reconnais et cède la
parole à m. le député de d'arcy- McGee. M. le
député, vous avez la parole.
M. Robert Libman
M. Libman: Merci, M. le Président. M. le Président,
c'est un honneur pour moi de parler aujourd'hui sur la question
référendaire au nom de notre caucus et au nom de la
circonscription de D'Arcy-McGee, le comté qui a le privilège
d'avoir obtenu le plus haut pourcentage des votes pour le non à travers
le Québec, lors du référendum de 1980, et qui, je crois,
obtiendra le plus haut pourcentage de votes pour le oui au
référendum de 1992. M. le Président, ce n'est pas
seulement mon comté qui est massivement fédéraliste, mais
également l'électorat qui a voté pour notre formation
politique en 1989 et qui a élu quatre membres en cette Chambre. Notre
parti, notre formation politique, est fondamentalement dédié
à l'unité de ce pays et il est le seul parti en cette
Assemblée qui n'est pas gêné ou qui n'hésite pas
à parler ouvertement de son profond attachement au Canada et aux valeurs
sur lesquelles ce pays a été bâti.
M. le Président, une des raisons principales pour lesquelles je
me suis impliqué en politique, dans les dernières années
de 1980, en créant un parti politique, a été
précisément parce qu'au sein de cette Assemblée nationale
le discours, le ton et l'atmosphère prenaient un virage plus
nationaliste, s'éloignant d'une partie intégrale de
l'électorat fortement dédiée et toujours
dédiée à la Fédération canadienne.
We were created, as one of our fundamental principles, to fight for the
unity of Canada, and we will continue to fight to keep Québec in Canada,
to challenge those who want to break this country apart. But, M. le
Président, we also believe very deeply in certain fundamental principles
of individual rights, of protection for linguistic minority communities. And
this placed us in a difficult situation, between a rock and a hard place, as
some would say, since many consider that this deal compromises the rights of
Quebec's minority communities.
But we chose to support the Yes side, and therefore the focus of my
speech this morning will be on the criteria which led us to choose between what
appeared to be two conflicting values and therefore, by extension, why I
believe that all members of minority communities should make the same decision,
should vote in favour of this deal, and feel comfortable that their decision is
the right one, that they are not choosing one of these values to the detriment
of the other.
Firstly, it must be understood that being on the Yes side means voting
against an alternative, and that alternative represents an immediate and
definite weakening of our nation, of our confidence, of our ability to reorient
ourselves towards economic recovery.
If this deal is defeated, there is no doubt
that Quebeckers will be dragged through more constitutional, political,
economic and psychological uncertainty that will give great momentum, that will
give tremendous momentum in this province to those forces that want to break up
this country. And the potential of this eventuality would be the worst case
scenario for members of linguistic minority communities throughout this country
of Canada.
And this is one reason why we have decided to support the Yes side of
the referendum question. But supporting the Yes side also means supporting the
constitutional deal concluded in Charlottetown on August 28th, intended to
reconcile the diverse aspirations of our nation. And we have outlined, over the
past few weeks, some of the concerns we have about this agreement. And we
recognize that this agreement is far from perfect. We have our reservations
about the protection of minority rights. And, in fact, the legal balance
between the two elements in the Canada clause, on the one hand the distinct
society's impact on the Charter of Rights and Freedoms versus on the other the
Government's commitment to the vitality and development of linguistic
minorities.
We have concerns about the appointed Senate. The fact that the
Government of Québec gets to appoint six senators and these senators,
because of the double majority formula, will in effect have a veto over future
federal initiatives in the areas of language and culture, we feel this is a
reason for concern. There is also the potential of the diminished role of the
Federal Government in some sectors.
But, this being said, M. le Président, we all have to look at the
package as a global package. And, given the diversity of our nation, the
political realities and all the forces at work as well as the place we find
ourselves in, at this critical time, we feel that this deal is the best deal
that could have been reached, given all these circumstances. We will never have
perfection in constitutional writing and we have to understand that an
imperfect reality is often better than a perfect fantasy.
But there are still members of our party, M. le Président, who
are uncomfortable with this decision, who do not feel that we should support
this deal. The name of Keith Henderson, for example, who is the Chairman of our
party's constitutional committee, is one such person, as well as others who
believe that we still have to strive to maintain a purer constitutional vision,
even to the point of willing to take the risk of the break-up of this country
for the same constitutional perfection. And I believe that he has every right
to defend this position, as do others, which is a noble position. And it is
grossly unfortunate that individuals-federalists who have every democratic
right to dissent, to disagree with aspects of this package have been considered
enemies of Canada.
And, this Government itself must understand the reasoning for some of
this sentiment that there is a lack of confidence, a lack of trust by many
members of minority communities in the Québec Government's commitment
towards these same communities. And they may or may not be right in predicting
uncomfortable future scenarios, but the Government must understand why members
of minority communities are concerned about the future, evoke potential
consequences, because they have not seen that firm commitment towards these
communities by the Government of Québec for the past several years. (10
h 20)
But when concern is expressed that the distinct society clause itself
would eventually be responsible for the diminution of minority rights, they are
making only a hypothetical assumption, an assumption which I do not entirely
share. And I would like to explain this morning why the distinct society, as
formulated in this new constitutional deal, with the important recognition of
the vitality and development of minority communities, which is a great step
forward from the formulation in the Meech Lake Accord, why this clause should
not be a reason for minority communities in Québec to vote no.
Theorically, M. le Président, the distinct society recognition is
an added argument in court cases that may challenge language legislation.
Article 1 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms already allows
rights to be compromised, but within reasonable limits, in a free and
democratic society. The intention of the Government, in invoking a distinct
society clause as an interpretative clause would be to stretch these reasonable
limits by considering this criteria that Québec represents a distinct
society. Perhaps in helping to understand how, in fact, how exactly this works,
a very appropriate example which we can refer to is the 1988 decision by the
Supreme Court on the language of commercial signs. The Court ruled that the
obligatory use of French on signs is a reasonable limit in a free and
democratic society, but banning English from these sings goes too far, is not a
reasonable limit, and violates freedom of expression garantees in the Charter.
The Government, therefore, had to invoke the notwithstanding clause at that
time to be able to continue the ban on signs in Québec and to pass Bill
178.
Next year, M. le Président, the notwithstanding clause must be
renewed to pass Bill 178 again. The fundamental question is: Would the new
distinct society allow the Government of Québec to now justify passing
legislation such as Bill 178 again without having to use the notwithstanding
clause? Would this new clause in future allow the Government to go beyond what
are considered to be reasonable limits in a free and democratic society, and if
so, how far? This
would be the true test as to whether the Charter would, in fact, be
weakened by the distinct society clause and the fundamental question that
minority communities must be asking when evaluating these two values, when
deciding whether to vote yes or no.
And the question, this exact question was asked the other day by
Louis-Philippe de Grand-pré, former Supreme Court Justice, who appeared
before the National Assembly committee studying these offers. He unequivocally
said that, without a doubt, in the commercial signs decision, the distinct
society clause would not allow the Government to cross that fine line beyond
which freedom of expression is protected by our Charter.
This type of assurance, together with de constitutional commitment in
the Canada clause towards the vitality and development of linguistic minority
communities, makes it unlikely that the distinct society clause will force
judges to uphold more restrictive language legislation, than would presently
not pass the test of the reasonable limits clause in section 1 of the Charter.
The signs decision is one example.
So, as we can see, we are dealing with the abstract, we are dealing with
theory. It is very difficult to predict many of theses eventualities, because
they are based on an individual case by case basis, based on evolving
political, social and economic climates, as well as the raise and fall of the
nationalist fervour in Québec which has a tendency to influence decision
at times.
This, M. le Président, was at the root of our decision to come
out in favour of the Yes side. We were faced with a decision to balance, on the
one hand, this uncertain or hypothetical judicial interpretation of legislation
in the future, that would probably not compromise minority rights according to
constitutional experts, versus, on the other hand, the very tangible
consequences of the deal's failure and what this would mean to Canadian
unity.
Weighing these concerns against the possible impact on Canadian unity if
this deal is defeated, whe have chosen to support the Yes side and battle as
vigorously as possible against the forces who want to break up this country:
the separatist dominated No committee.
And another important but unfortunate reality must be considered by
members of minority communities who feel that the distinct society impact on
minority rights would be grave and is still a reason enough to vote no are
other considerations, because regardless of whether the clause strengthens or
weakens the ability of Quebec's language laws to stand up to future court
challenges, it is the presence of the notwithstanding clause that effectively
makes the whole legal aspect much less relevant.
With the notwithstanding clause, the Government of Québec, and
any other Government in Canada, can just swing this sledgeham- mer and crush
minority rights as it pleases. So as long as the notwithstanding clause is
still sitting as section 33 of our Charter, the Charter is of little value, the
distinct society's impact or lack of it, on the Charter is of little
consequence. This is what makes all the more ridiculous and lunatic some of the
assertions we have heard over the past couple of weeks by the Official
Opposition, by the Société Saint-Jean-Baptiste and Jean Dorion
that the language of work in Québec could be threatened, that the French
language is in danger if this deal goes ahead. Unfortunately, the
notwithstanding clause is still there to crush any court decision in favour of
minority rights. So for anyone on this side to say that the French language and
the culture are compromised by this deal is nothing but manipulation to try to
scare the population of Québec into believing something that is
completely false.
I think the words of Yves Fortier who appeared before the National
Assembly Committee the other day must be looked at very seriously and must be
used as a model by this Government and this referendum campaign. He said that
the vitality of development of minority communities does not constrain in any
way the full development and vitality of the majority community of
Québec. On the contrary, it reinforces the vitality, the development and
the richness of Québec society at large.
Ça, c'est une leçon qui est très importante et qui
doit être répétée pendant cette campagne
référendaire, que l'épanouissement et le
développement des communautés minoritaires au Québec ne
sont pas une contrainte à l'épanouissement de la
société majoritaire au Québec, mais, au contraire,
ça renforce la richesse, la vitalité et le développement
de la société québécoise et de la majorité
francophone au Québec. Et, ça, c'est une réalité
qui doit être comprise et respectée au Québec, si notre
société veut avancer dans le XXIe siècle.
If our society has made the choice to structure itself around a Charter
of Rights, it is completely unacceptable to allow the presence of a
notwithstanding clause to be able to diminish the rights of Quebeckers. And the
fact that the notwithstanding clause was not removed in the Charlottetown
accord is a gravely unfortunate decision, a decision that could have greatly
strengthened the Canadian fabric.
But because of the presence of this notwithstanding clause, the
principle battle for greater minority rights in Québec must be fought
politically here in this arena, in the National Assembly. And next year, in
1993, a very important debate will take place, debate that will have a major
impact on the English-speaking community of Québec.
The notwithstanding clause will have to be renewed late next year to
pass Bill 178 again. Bill 101 will be reopened to address bilingual
status of Rosemere and other dispositions as well as the first
recommendation of the Chambers Report which would enlarge access to
English-speaking immigrants into English schools.
So, what the English-speaking communities of Québec must realize
in evaluating the Yes or the No side in this deal is that if the No side wins,
this Government next year will be able to use the unresolved constitutional
question as a pretext, as an excuse not to act on any of these fronts.
Resolution of the constitutional question must be seen to potentially create an
atmosphere in Québec within which some of these changes will be
possible. We have to stop dragging ourselves through the constitutional mud,
which is what has been taking place for the last several years. If we can
resolve this, if we can put this behind us, if the Yes side can have a
significant victory in the referendum, the atmosphere to make changes to Bill
101, to modify some of this legislation, that the English-speaking community of
Québec can feel an important component of Québec... Those changes
would be much more possible if this constitutional bickering, misery and strait
jacket is left behind for a considerable amount of time. (10 h 30)
But one thing has to be recognized by the Government: minority
communities are willing to give their leap of faith to this deal. They are
wiling to line up solidly behind the Yes committee, despite certain concerns.
And the Government has to acknowledge the fact that riding such as D'Arcy-McGee
and Jacques-Cartier, NDG, Robert-Baldwin and Saint-Laurent could deliver
massive majorities in favour of the Yes side, that could numerically make up
for ten ridings each, elsewhere in the province. This has to be recognized,
understood and appreciated by the Government.
If the Yes committee wins, these minority communities deserve something
in return. The vitality and development clause looks nice on paper but it means
very little unless the Government is willing to promote the vitality and
development of minority communities, to give minority communities something in
return for their massive support for this deal. If we win, we want our booty
from the Government of Québec. We want to feel that we get something in
return for supporting this deal, for delivering a large percentage of Yes votes
to the Yes side of this campaign. The Government will have an obligation, in
1993, to give minority communities something in return for their support, to
show a commitment to the vitality and development of minority communities with
something concrete, with concrete political initiatives so that minority
communities in Québec could strive for the future.
We are ready to fight the referendum campaign with conviction, without
holding back, M. le Président, in our contempt for those who want to
tear up Canada, with those who do not want to share a platform with.
Déjà, M. le Président, alors que cette campagne
référendaire se matérialise, nous commençons
à voir se développer la stratégie, ainsi que la
déception que le Parti québécois et d'autres groupes
souverainistes tentent d'employer. Je dois admettre, M. le Président,
que le Parti québécois essaie encore une fois, comme il l'a fait
lors du référendum de 1980, de décevoir la population du
Québec.
L'Opposition officielle, pour des raisons purement de manipulation, dit
maintenant aux Québécois, tout d'un coup, que ce
référendum n'a rien à voir avec l'indépendance,
mais porte seulement sur les offres fédérales et, après,
on verra ce qui se passera. Ils ont réclamé à hauts cris
un référendum sur la souveraineté et déposé
près de 1 000 000 de signatures. Et, tout à coup, comme s'ils
avaient eu une vision au milieu de la nuit, une journée de la semaine
dernière, ils se sont réveillés et ont dit: Non, ce n'est
pas un référendum sur la souveraineté; la
souveraineté n'a rien à voir avec ça, mais c'est seulement
un référendum sur les offres fédérales. C'est tout.
C'est sur les offres fédérales, qui sont un recul, ils le disent;
c'est seulement un référendum sur les offres. La
souveraineté n'a rien, rien, rien à voir avec ça. Mais
cette tactique, qui est malhonnête, est strictement dans le but de
minimiser les inquiétudes que de nombreux Québécois ont de
la séparation politique et de toutes ses conséquences. Ça
ne va pas marcher, comme ça n'a pas marché en 1980.
M. le Président, vous pouvez être certain d'une chose: le
jour suivant le référendum, si le côté du non gagne,
ils qualifieront fièrement ce résultat de victoire pour la
souveraineté du Québec. Vous allez voir, M. le Président -
j'espère que ça n'arrivera pas - si le non l'emporte, ils vont
dire: Regardez, les Québécois veulent accéder à la
souveraineté. Si cette entente tombe, l'incertitude constitutionnelle,
politique et économique dans ce pays, au Québec, va se prolonger.
Au moins, le Parti québécois devrait avoir la décence
d'admettre qu'il y aura des conséquences difficiles et que cette
incertitude va être prolongée. Mais, ça, c'est une des
conséquences de choisir éventuellement la souveraineté. Il
faut être honnête avec les Québécois. Les
Québécois ne peuvent pas être bernés.
Le PQ essaie de conduire les Québécois à la
guillotine une fois de plus, mais en essayant de cacher ses véritables
intentions, en essayant, encore une fois, de berner les
Québécois, de leur faire croire que, si l'entente tombe il n'y a
aucune inquiétude. Ils essaient de conduire les Québécois
à la guillotine, mais avec les yeux bandés. Ils n'ont pas le
courage de porter le fardeau de la preuve. Ils réalisent que, si les
Québécois connaissent les conséquences de la
séparation, ils vont choisir l'entente. Ils savent
et ils s'inquiètent de voir que les Québécois sont
prêts à se pencher vers cette entente afin d'éviter le
démembrement du meilleur pays au monde.
If this deal fails, we will be prolonging constitutional uncertainty of
this country, the political and economic uncertainty. And the forces to break
up this country are sitting right there. The forces that want to break up this
country will gain great momentum in the months and years to come.
In fact, this deception should not even surprise us because the entire
constitutional vision of the sovereignty movement in Québec is
fraudulent and has been, for the past 15 years, based on a promise of security
that will never materialize. In the 1970's, the architects of the referendum
strategy for the PQ put the words «separation» and
«independence» on the shelf and began to rally around the term
«sovereignty-association». The term
«sovereignty-association» and, ultimately,
«sovereignty», have been manipulated by Quebec's separatists with
the intention of selling their plan for independence to Quebec-kers by implying
that the advantages of being part of the Canadian Federation would remain
intact, that Québec would not be separated, would continue to benefit
from economic union, customs union, free circulation of goods, services, people
and capital, and even to continue to elect MP's to Ottawa.
Sovereignty and association are two very distinct elements that
contradict each other because the day after Québec slams the door on the
rest of Canada, if they choose sovereignty one day in a referendum, the rest of
Canada will not want to sit down and give Québec all the advantages that
it benefited from as a member of the Canadian Federation. The word
«sovereignty», «sovereignty-association» is used
nothing as a decoy to make Quebeckers believe that independence is possible.
Once they realize afterwards, if they choose sovereignty, that the economic
association part of the deal was nothing but this decoy, they will feel that
they have been had, they will ask why they chose this option, that they would
not have chosen to become sovereign had they know that some of these guarantees
of economic association would not materialize.
Another thing the Official Opposition fails to tell Quebeckers is the
implications of separation, even on the Free Trade Agreement. The North
American Free Trade Agreement says that the countries involved must approve any
new country that wants to become party to this North American Free Trade
Agreement. If Québec provokes the dismemberment of Canada, creates the
acrimony that is sure to persist, you can be sure that this vision, this
promise that the PQ has been selling to Quebeckers, that they will become an
automatic part into the Free Trade Agreement, would also not materialize and
would also shine the light upon the PQ's promises, over the past 15 years, and
how they have led Quebeckers down the garden path all this time.
Quebeckers saw right through this smoke screen in 1980 and they will see
right through this one in 1992. We share the views of many Quebeckers who know
that any alternative to Canadian unity would be devastating to this province
and to this country.
But one thing that I must say about the question that is being asked on
the 26th is that it is unfair to allow the Official Opposition to get off
scot-free. It must be made clearer in the referendum question what the
potential consequences of the rejection of deal are. The referendum question
must make this clear. This deal must be offered as an alternative to the
potential separation of Québec and this should be specified directly on
the ballot, and I will table an amendment shortly specifying that.
Because, if we have this referendum strictly on offers without
specifying what the consequences or alternatives are, the burden of proof will
be on the federalists' side. The Official Opposition, the sovereignist cause
will be able to hack away, hack away, hack away at the offers without, for one
minute, having to defend the viability of their own option. And I therefore
think it should be clear on the ballot that one of the potential alternatives
of the failure of this deal is the eventual separation or sovereignty of
Québec.
In conclusion, M. le Président, for those that say that this is
still going to linger, that this debate, even if we vote yes, will continue and
that we should therefore go with what they say is conviction and vote no, I
have to say that this, yes, is an impecfect deal, but it is the best deal in
the circumstances; it will put a lot of the uncertainty and instability behind
us and it will put the constitutional debate behind us. (10 h 40)
The history has been a series of postponements, but if we look at the
XXIst century, M. le Président, maybe this postponement can be the most
permanent one. If there is one thing we have to recognize, it is that
nationalism and economics do not mix. The world is moving in a certain economic
direction, where large trade blocks are developing and, in 10 years from now,
we are going to see the need, in order to be competitive in North America, to
be a large coherent, cohesive block. And, at that time, the concept of
Québec secession, the concept of Québec spliting away and
isolating itself would definitely work against the best economic interest of
all Quebeckers. Québec cannot continue to buck the world trend because
one day we will realize the only way to be competitive is for us to work
together in larger competitive trade blocks.
This referendum is a popular vote. It is not like an election where the
most number of seats determines victory. We have to get the federalist
vote out on October 26. Minority communities can play a major role in
getting out the federalist vote and that, in itself, can make the numerical
difference that brings the results over the top. If the Yes side wins a strong
majority in this referendum, it will weaken greatly significance of the
Official Opposition, of the separatist cause in Québec, and that should
be an aspiration for all those, in Québec and in Canada, who want
political, economic stability and security and prosperity for the future.
We must eliminate the threat of secession for the future. We must show
the forces of separatism in Québec once and for all that the majority of
Quebeckers are not willing to buy what they are trying to sell. We must all
work together to keep this country united. If this deal fails, the consequences
would not be in Quebeckers' best interest. And everyone has to get out,
exercise their democratic right on October 26th to bring a victory to the Yes
side. Everyone must get out, get their brothers-in-law, their cousins, their
neighbours, their friends to vote in favour of Canadian unity so we can put
this debate to rest, so we can put this debate to rest once and for all. Merci,
M. le Président.
Motion d'amendement
Je veux, M. le Président, demander le consentement pour
déposer un amendement: Que la question référendaire soit
amendée en ajoutant, après «1992», les mots
«comme alternative à l'éventuelle souveraineté du
Québec».
La question se lirait alors ainsi: «Acceptez-vous que la
Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue
le 28 août 1992 comme alternative à l'éventuelle
souveraineté du Québec?» Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de D'Arcy-McGee, vous n'avez pas besoin d'un consentement
pour présenter une motion. D'une part, si vous voulez me faire parvenir
le texte de la motion... Cette motion d'amendement est maintenant
présentée. La présidence se prononcera sur sa
recevabilité avant sa mise aux voix.
Le débat se poursuit sur la motion principale et sur cette motion
d'amendement. Je suis prêt à reconnaître le prochain
intervenant. Nous en sommes à l'étape de la motion
proposée par le premier ministre sur la question
référendaire, et je cède la parole à M. le
député de Montmorency. M. le député, vous avez la
parole.
M. Jean Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Avant de débuter
mon allocution, j'aimerais juste apporter quelques petits commentaires sur le
député de D'Arcy-McGee, M. le Président. On constate qu'il
y a beaucoup d'émotivité dans l'air. Quand un débat est
devenu aussi majeur et pragmatique que celui que l'on discute, je pense que
l'émoti-vité, M. le Président, n'a pas sa place. Je pense
que les discours que la population veut entendre, ce sont des discours
où elle veut comprendre ce qui se passe, ce sont des discours où
elle veut comprendre ce qui va arriver avec l'économie du Québec,
M. le Président. En 1981, on nous taxait de personnes émotives.
J'ai l'impression, M. le Président, que plus ça avance et plus
les enjeux sont sérieux, c'est eux qui deviennent émotifs, la
communauté anglophone. Et le débat économique, quant
à moi, n'a pas d'émotivité; c'est un débat
rationnel et c'est un débat où la population a le droit de
comprendre. Et ça sera dans ce sens-là, M. le Président,
que je vais utiliser des minutes aussi importantes pour expliquer aux gens
où nous sommes rendus et quel est vraiment l'enjeu qui se dessine devant
nous.
M. le Président, on a une question qui va bientôt
apparaître au niveau d'un référendum et qui se lit à
peu près comme suit: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada
soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août
1992?» «Sur la base», M. le Président, ça me
fait penser au premier ministre Bourassa qui est allé négocier
l'entente du 28 août «sur la base» de l'entente du 7 juillet.
Et, quand on demande une question comme confirmez-vous qu'on discute sur une
base, c'est que la base, M. le Président, peut changer, la base peut
être modifiée. La base, ça peut être toutes sortes de
choses, M. le Président, ce n'est rien de concret, ce n'est rien de
précis, ce n'est rien de stagné dans le temps. Alors, même
le premier ministre le disait lui-même: Je vais aller à la table
constitutionnelle pour discuter sur la base du 7 juillet. Et il est revenu avec
le 7 juillet modifié, à peu de chose près, M. le
Président, et c'est ça qu'il nous a donné comme
résultat.
Alors, là, on nous demande d'accepter une base. Même pas
d'accepter l'entente ferme, précise, juridique, avec un texte juridique
précis où on peut dire: Oui, c'est ça, on se prononce: oui
ou non. Sur une base, M. le Président. Et ça, je pense que
ça mérite d'être cité et ça mérite
d'être discuté parce que, au fond, on va nous demander de voter
oui ou non sur une base; on ne sait pas encore ce que ça va être
et on n'a pas de texte juridique.
À ce moment-là, M. le Président, le gouvernement
libéral qu'on a en face se moque de la population. Actuellement, il y a
un traité en Europe. Il y a des gens, en France, qui, le 20 septembre,
vont se prononcer sur un référendum concernant le traité
de Maastricht. Les Français ont un texte juridique actuellement entre
les mains. Les Français discutent de leur avenir avec un document
officiel. On a permis à la population d'avoir l'information pour se
prononcer. Chez nous, les Québécois ne méritent pas
ça. Les Québécois n'ont pas le droit de savoir. Les
Québécois sont traités, je ne sais pas, comme des
moins que rien. Pourquoi, M. le Président, n'ont-ils pas le droit
d'avoir un texte juridique, les Québécois et les
Québécoises, pour se prononcer sur leur avenir? Pourquoi se
cachent-ils derrière on ne sait trop quoi? On leur demande de se
prononcer sur un oui ou un non et on ne sait même pas
véritablement c'est quoi les enjeux précis, clairs, M. le
Président. Et on vient nous dire que, notre avenir, on va en discuter,
mais vous n'avez pas affaire à savoir ce qui va se passer. C'est
vraiment honteux qu'un gouvernement libéral, après avoir
traité les jeunes libéraux comme il l'a fait, traite ainsi la
population du Québec.
M. le Président, dans cette entente du 28 août que, moi,
j'appellerais des offres, tout simplement, M. le Président - ce n'est
même pas une entente, ça ne mérite pas de porter le nom
d'entente; des offres fédérales, point - on n'a même pas
abordé, on n'a même pas osé mettre des paramètres
pour régler l'union économique. Est-ce que c'est parce qu'on est
dans une situation, chez nous, au Québec et au Canada, où il n'y
a pas de chômage? C'est pour ça qu'on n'en parle pas? M. le
Président, comment se fait-il que l'union économique, qui est la
base même du fonctionnement de notre société, ne fasse
nullement partie de ces offres-là? Non, M. le Président. On
ignore le chômage. Au Canada, au Québec, M. le Président,
imaginez-vous, même le gouvernement libéral d'en face
considère qu'au Québec il n'y a pas de chômage. Ce n'est
pas important. On n'en parlera pas. Il ne faut rien régler dans ce
sens-là, aucune mesure incitative.
M. le Président, on ne cesse d'augmenter le chômage au
Québec: 1989, 9,3 %; 1990, 10,1 %; 1991, 11,9 %; et là, en 1992,
on est rendus à 12,9 %. Ça augmente, le chômage, mais ce
n'est pas important. Pourquoi discuter de l'économie? Ce n'est pas
important. Pourquoi en parler dans les offres fédérales? Non,
mais est-ce qu'ils sont connectés, M. le Président, sur le
territoire ou s'ils ne sont pas là? J'ai l'impression que le
gouvernement libéral d'en face oublie vraiment les problèmes
majeurs que l'on vit chez nous. Il nous présente un texte, même
pas un texte juridique, et nous dit: L'union économique, oubliez
ça; ce n'est pas important qu'on en parle. Mais les gens trouvent que
c'est important, parce qu'il y a des gens qui veulent des emplois et il y a des
gens qui veulent savoir ce qui va se passer et il y a des gens qui veulent
comprendre pourquoi le gouvernement libéral d'en face ne veut pas s'en
préoccuper.
Et, M. le Président, on nous amène une question qui,
à toutes fins pratiques, ne porte sur rien, absolument rien, sur une
base qui, à toutes fins pratiques, peut changer, peut être
modifiée, peut nous revenir sous toutes sortes de formes.
Ça, c'est la situation au Québec, mais le Canada - ce
gouvernement libéral là admire le Canada - dans sa gestion, c'est
loin d'être des champions. Leur situation économique, le
chômage augmente également au Canada. On ne contrôle plus la
gestion économique du Canada: 8,1 % en 1990, le chômage. Il est
passé à 10,3 % en 1991 et là il atteint 11,6 %. Des
chômeurs de plus en plus, la gestion économique est
complètement à l'envers et on n'en parle pas dans les offres
fédérales. Ce n'est pas important, les chômeurs. Vous
n'avez pas d'ouvrage, ce n'est pas grave. Nous, on va discuter d'autres choses,
de banalités où on ne va nulle part, qui changent et qui vont
changer, qui vont être modifiées, où on ne se retrouve pas,
M. le Président. (10 h 50)
Au fédéral, M. le Président - ce gouvernement
libéral trouve le système fédéraliste
extraordinaire - on va se retrouver avec un déficit encore plus
élevé que prévu. On avait prévu un déficit
de 27 500 000 000 $. Il va augmenter, M. le Président, le déficit
fédéral. Et eux trouvent ça intéressant. Ils
perdent le contrôle, et ils le disent, à part ça. Il y a un
article de journal où on dit: Le gouvernement canadien perd le
contrôle de son déficit; il va être encore plus
élevé que prévu.
M. le Président, le gouvernement canadien, quant à moi,
ça fait longtemps qu'il a perdu le contrôle de sa gestion des
finances publiques. Le 20 février 1990, il annonçait un
déficit, pour 1992-1993, de 21 000 000 000 $. C'est ce qu'il
annonçait. Il fait une bonne gestion! Dans deux ans, on va avoir un
déficit de 21 000 000 000 $. M. le Président, le déficit
va être plus élevé que 27 500 000 000 $. On vient de le
dire récemment. Ils ont encore perdu le contrôle. Alors, ils se
sont trompés seulement de 6 500 000 000 $ et plus. Ce n'est rien! Ce
n'est pas grave! 6 500 000 000 $! Imaginez-vous combien de gens on pourrait
mettre à l'emploi si on pouvait faire une meilleure gestion, M. le
Président.
Et ces gens-là admirent le gouvernement canadien et ils aiment
ses offres, M. le Président. Ça n'a pas de bon sens! J'ai
l'impression qu'ils sont complètement déconnectés de ce
qui se passe sur le territoire. M. le Président, le déficit...
Hein! Là, on parle du déficit annuel, mais l'endettement national
sera bientôt à près de 500 000 000 000 $, M. le
Président. Et ces gens-là trouvent que le gouvernement canadien
fait une belle gestion, que le gouvernement canadien règle nos
problèmes, que le gouvernement canadien nous fait des belles offres.
Non, mais, M. le Président, ça n'a pas de bon sens! Ces
gens-là ne sont pas conscients. Ils peuvent bien avoir perdu leur
sous-ministre aux Finances. Il ne doit plus rien comprendre de ce qui passe
dans ce gouvernement-là, puis il a quitté. Ça doit
être la panique générale, au moment où on se parle.
Le ministère des Finances au Québec, ça doit être
terrible. Attendez de voir le prochain déficit, ça va être
de toute beauté. M. Séguin a bien pu quitter,
découragé de ce qui se passe à l'intérieur.
M. le Président, la situation économique, c'est important.
C'est même ce qui prime dans toute entente constitutionnelle. On n'en
parle pas et on doit en parler. On ne réglera rien si on n'en parle pas.
M. le Président, on a assisté, à la commission
Bélanger-Campeau, à des dépôts de mémoires
extraordinaires qui sont venus dire pourquoi on devrait tendre vers la
souveraineté du Québec. Les chambres de commerce du Québec
sont venues déposer un mémoire qui, quant à moi, est un
document de travail auquel on devrait, tout le monde, se référer,
en discuter largement, où on a identifié les problèmes,
où on a dit à quelle place on devait corriger les situations. On
a même cité le gros problème des chevauchements. La
situation économique catastrophique du Canada est attribuable aux
chevauchements. Est-ce que c'est clair? Il me semble qu'on le crie, qu'on en
parle, qu'on en discute depuis deux ou trois ans. Les chevauchements, vous
savez ce que ça veut dire? Deux ministères, un à Ottawa et
un à Québec, dans le même domaine. C'est ça que
ça veut dire.
Les chambres de commerce du Québec ont décrié
ça à outrance dans un mémoire. Elles ont dit: Oui, c'est
vrai, deux ministères, c'est trop. On ne peut pas avoir deux
ministères de l'Éducation, un à Ottawa et un à
Québec. Ça coûte trop cher. On ne peut pas en avoir deux
dans la culture. On ne peut pas en avoir deux dans la science, dans la
technologie, dans la justice, dans l'immigration, dans le travail, dans la
main-d'oeuvre, dans le revenu. 23 ministères, pas 1, 23! M. le
Président, 23 ministères où on dit: Le problème, le
noeud économique, il est là. Il faut arrêter de payer en
double; les gens sont tannés d'être surtaxés. Ça a
été dit et redit. Les gens ont même fait une révolte
fiscale, entre guillemets, M. le Président. Et on nous amène des
offres fédérales sans régler le problème
économique. Ce n'est pas sérieux, M. le Président! C'est
désastreux, c'est honteux de faire partie d'un gouvernement qui va
présenter une question à la population sans avoir donné le
texte juridique et sans vraiment régler les problèmes dans
lesquels on est plongés depuis maintenant au moins trois ans, dans une
récession qui est en train de tourner en dépression.
M. le Président, l'aspect économique, c'est
super-important. Ces gens-là devraient comprendre que les chambres de
commerce du Québec doivent sûrement comprendre quelque chose dans
le système. Elles l'ont décrié. Elles ont dit: II y a deux
façons de régler ça, c'est soit un changement en
profondeur du système fédéraliste ou la
souveraineté du Québec. Il n'y a pas trois alternatives, il y en
a deux: un changement en profondeur du système fédéraliste
ou on fait la souveraineté du Québec.
Actuellement, M. le Président, on nous présente des offres
où il n'y a rien qui s'est passé. On est au même point
qu'il y a 30 ans avec M. Lesage quand il disait: «Maîtres chez
nous». On va se retrouver dans la même situation, M. le
Président. On n'a rien, rien gagné, et puis on est encore pris
avec nos dédoublements administratifs incroyables qui font en sorte que
la gestion économique est rendue impossible, où Ottawa fait des
déficits à outrance, incontrôlés et où tout
le monde ne se comprend plus, M. le Président.
Même les jeunes libéraux, M. le Président, leur
avaient dit, à ce gouvernement libéral là, c'était
quoi le problème. Ils souhaitaient avoir une saine gestion. C'est de
leur avenir qu'on discute, M. le Président, à ces
jeunes-là, de l'avenir des jeunes qui demandent une saine gestion. Et
ceux qui n'ont plus d'avenir devant eux ont décidé que ce
n'était pas important, une saine gestion, M. le Président. C'est
ça, ce gouvernement libéral là, des gens qui n'ont plus
d'avenir, qui décident de l'avenir des jeunes et puis qui disent: Une
saine gestion, on n'en veut pas. M. le Président, c'est ça que
ça vient dire.
Les chiffres, l'économie est claire, les résultats sont
flagrants, tout est là, M. le Président, comme 2 et 2 font 4.
Non, ce n'est pas important, l'économie. On n'en parlera pas, de
l'économie. Ce n'est pas grave. C'est là qu'on va faire mal aux
Québécois avec l'économie, puis c'est là qu'on va
leur tordre la vis encore plus. C'est là qu'on va les surtaxer
davantage, M. le Président. C'est ça que ça va donner
comme résultat.
Les chambres de commerce du Québec, quand elles ont
présenté leur mémoire à la commission
Bélanger-Campeau, M. le Président, c'a été le
mémoire qui a fait la une partout. Même le rapport Allaire du
gouvernement libéral s'en est inspiré pour faire le programme du
Parti libéral. Tout le monde, on était tous d'accord pour dire
qu'il fallait passer à une saine gestion administrative, qu'il fallait
arrêter les enchevêtrements et les dédoublements, M. le
Président.
Mais non, on nous revient, M. le Président, à la
dernière minute, un gouvernement qui a mal géré son temps,
un gouvernement qui est pris de panique, qui nous dit: Non, non, non, la
souveraineté ce n'est pas ça qu'on va faire; on va y aller sur
des offres fédérales qui n'en sont pas, des offres. On ne nous
offre rien, M. le Président, et on ne parle même pas de
l'économie. Puis, après ça, on va venir nous dire ici, que
de ce côté de la Chambre on n'est pas des pragmatiques, puis des
gens qui voient clair, puis des gens qui regardent ce qui se passe.
M. le Président, c'est ahurissant de voir ce
gouvernement-là. C'est ahurissant de voir ça, c'est
décourageant. Et je me mets à la place des jeunes au
Québec, ils doivent se dire: Ça n'a pas de bon sens! Qu'est-ce
qu'ils attendent pour débarquer, ces gens-là. Ils n'ont plus de
courage, M. le Président. Ils n'ont même plus le courage de
l'orientation qu'avait leur parti. Des gens qui s'écrasent, des gens qui
n'ont pas envie de
foncer, des gens qui n'ont pas d'espoir, M. le Président.
Il y en a qui veulent avoir de l'espoir au Québec. Et ces
gens-là, M. le Président, n'en ont aucun espoir. Ils ne veulent
absolument pas orienter la société québécoise pour
qu'enfin on puisse penser un jour que ça fonctionne mieux chez nous. On
s'écrase! Un gouvernement libéral qui s'écrase, M. le
Président.
M. le Président, je vous le dis, c'est renversant. On vous dit,
M. le Président, que ce qui va régler le problème des
chevauchements, des dédoublements, c'est d'éliminer ces
problèmes-là pour qu'on arrive à une saine gestion des
finances publiques. Ces gens-là disent: II n'est pas question qu'on
touche à ça parce que, au fond, ce n'est pas ça qui est
notre problème. Ils n'écoutent pas la population. Ils
n'écoutent pas les mémoires. Ils n'écoutent pas les
chambres de commerce du Québec. Et là, ils nous reviennent avec
des offres, M. le Président, où la solution miracle, c'est de
faire en sorte que les dédoublements, on les multiplie.
Imaginez-vous, M. le Président, qu'est-ce qu'on est en train de
faire aux Québécois et aux Québécoises. On est en
train de leur dire qu'au fond là on livre tout à Ottawa, le
pouvoir décisionnel, et puis on va leur donner nos impôts pour
qu'ils nous étouffent davantage dans les règles administratives.
Pour qu'ils nous étouffent davantage. Et je ne parle pas à
travers mon chapeau. Puis les gens qui nous écoutent, M. le
Président, vont comprendre que la TVQ et la TPS, c'est l'exemple parfait
où actuellement on est tous dans un fouillis administratif
extraordinaire, où actuellement on se retrouve dans une application
d'entente administrative où les gens sont complètement perdus. Et
la solution de ce gouvernement libéral là, M. le
Président, c'est de multiplier ça à outrance. Non, mais ce
n'est pas sérieux! Puis ils pensent qu'ils vont régler le
problème des finances publiques, puis des déficits, puis de
l'endettement à faire des dédoublements additionnels, M. le
Président. On leur a dit qu'il fallait que ça arrête; ils
continuent. Puis, non seulement ils continuent, mais ils se cachent, ils n'en
parlent même pas dans les offres, du règlement de
l'économie, des ententes économiques. On n'en parle pas, ce n'est
pas important. M. le Président, c'est majeur! Majeur! Et ces
gens-là, il faut qu'ils comprennent que la situation économique a
assez duré, qu'il faut qu'elle soit rétablie et qu'on retrouve
une saine gestion. (11 heures)
M. le Président, au niveau de la TPS et de la TVQ, je suis
sûr que les gens qui nous écoutent comprennent qu'en principe un
produit, c'est taxable ou c'est non taxable. Pour vous montrer
l'absurdité des ententes administratives, où ça peut
devenir tellement complexe. Alors, tout le monde s'entend pour dire: Ça,
c'est taxable ou, ça, c'est non taxable. Mais ces lois- là, M. le
Président, c'est magnifique. Vous avez des produits taxables, des
produits non taxables et, là, on fait des petites nuances:
exonérés, détaxés. Alors, M. le Président,
pour les gens, exonérés, détaxés ou non taxables,
c'est compliqué. Non seulement ça, mais ce n'est pas les
mêmes mécaniques. Au fédéral, ils ont seulement des
taxables, des exonérés et des détaxés. Au
Québec, ils ont ajouté, eux autres, des taxables, des non
taxables, des exonérés et des détaxés. Ils ont dit:
Ce n'est pas assez compliqué; vu qu'on a fait trois catégories de
non taxables, on va faire des catégories de taux d'imposition. Les
taxables, on va mettre du 4 %, on va mettre du 7 % et on va mettre du 8 %,
histoire de mêler le monde un peu plus, puis ajoutons à ça
la taxe sur la taxe pour donner du 4,28 % ou du 15,56 %. M. le
Président, c'est ce qu'on nous offre comme avenir! Ces gens-là,
ils rient des gens. Ils ne se sont pas souciés de l'économie. Ils
jouent à l'autruche. Ça n'a aucun bon sens. Ça s'est
traduit, ces chevauchements qu'ils ne veulent pas corriger, par la surtaxation.
On a une série de surtaxation parce qu'on paie des chevauchements que
les gens sont tannés de payer et que vous ne voulez pas régler.
Vous avez eu la TPS, vous avez eu la TVQ, vous avez eu la réforme
municipale où vous avez pelleté dans la cour du voisin, sur la
taxation. Vous avez eu également les billets de spectacles, bien
sûr, dans l'harmonisation. Vous êtes les champions de
l'augmentation de la taxe sur l'essence au Canada, le gouvernement
libéral d'en face. C'est les champions. Les tarifs
d'Hydro-Québec, il faut s'en souvenir. Les gens ont eu des augmentations
de 2 à 3 points au-dessus du taux d'inflation. C'est des taxes
déguisées. Vous leur proposez une question pour augmenter ces
taxes déguisées. C'est honteux, M. le Président! Le
gouvernement libéral, c'est honteux, la stratégie qu'il utilise
actuellement pour surtaxer la population.
J'écoutais le député de D'Arcy-McGee, tantôt,
dans son émotion, dire: Écoutez, vous ne pouvez pas voter oui ou
non... C'est un débat rationnel, c'est un débat
économique, et c'est ça que les gens vont comprendre. Ils vont
comprendre qu'on ne peut pas accepter des offres qui ne règlent rien sur
l'aspect économique. On est dans des problèmes majeurs. Je pense
que tout ce débat-là actuellement, à toutes fins
pratiques, nous présente une question pour s'embourber dans les
règles administratives, pour augmenter les chevauchements, pour
augmenter les déficits, pour augmenter les impôts... Je dois vous
dire que tout ce qu'ils nous demandent par cette question, c'est de dire oui,
pour envoyer plus d'argent à Ottawa, pour qu'ils viennent nous
compliquer la vie davantage. M. le Président, je pense que la personne
qui, quant à moi, a résumé tout ce beau débat
après le 7 juillet, c'est l'éditorialiste Lise Bissonnette qui a
dit: Non, non, M. le Président, aux ententes et aux offres
fédérales. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. Nous poursuivons le débat sur la question
référendaire proposée par M. le premier ministre. Je
reconnais M. l'adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des
Services sociaux et député de Nelligan. M. le
député, la parole est à vous.
M. Russell Williams
M. Williams: Merci, M. le Président. Je me lève
aujourd'hui, profondément touché par l'importance du débat
que nous sommes en train de faire, le débat sur l'entente de
Charlottetown. Nous allons avoir la chance de discuter ça pendant 50
jours certainement, et j'espère qu'on pourra mettre les faits sur la
table. C'est certainement le débat le plus important de ma
carrière politique, et je pense que je ne suis pas le seul comme
ça. Mais, avant de discuter du contenu de cette entente, M. le
Président, je voudrais vous mettre un peu dans le contexte réel.
Juste de l'autre côté du chemin, ici, nous avons un symposium
mondial sur la démocratie. Il y a des représentants de plusieurs
pays de partout dans le monde. C'est le 200e anniversaire de la
démocratie au Québec. On discute des choses dans le respect
mutuel: un débat bien civilisé et dans les règles
démocratiques. Ce n'est pas le cas de tous les pays du monde. Je pense
qu'on doit prendre note de ça parce qu'au Canada on respecte la
démocratie et, au Québec, on respecte la démocratie. On
peut avoir ce type de débat ici, bien civilisé. M. le
Président, je pense qu'on prend ça un peu trop pour acquis, trop
souvent.
Je le ferai aussi à un niveau personnel. Je suis
privilégié d'être un des 125 députés qui
peuvent essayer de trouver une solution pour le Québec et le Canada, une
solution fédéraliste. Je représente un comté qui a
voté dans une forte majorité pour le renouvellement de notre pays
- c'est le comté de Nelligan - et je suis très heureux qu'on
donne la même chance à tous les Québécois de
s'exprimer sur cette question très importante. Je pense aussi à
ma famille. Je pense a mon grand-père qui a vécu deux guerres
mondiales. Je pense à mes enfants quand on prend des décisions
aussi importantes, puisque les décisions que nous allons prendre vont
toucher tout le peuple, vont toucher l'avenir de mes enfants, de vos enfants et
de leurs enfants. Cette entente de Charlottetown donne une chance, donne un
espoir, un avenir stable, pas comme l'autre choix où ça va
être complètement l'inconnu.
Finalement, M. le Président, je voudrais réfléchir
un peu sur la question elle-même et les mécanismes dont nous
sommes en train de discuter. C'est un bon compromis canadien. Il y a une
question pancanadienne, il y a un référendum pancanadien, mais
nous avons des règles québécoises. Il n'y a pas beaucoup
de pays qui peuvent avoir ce compromis, et n'oubliez pas, s'il vous
plaît, que le reste du pays a respecté les dates limites que nous
avons imposées; il a respecté l'échéancier de la
loi 150 et de la commission Bélanger-Campeau. Il a fait ça aussi
à l'unanimité. Ce n'est pas non significatif qu'on puisse trouver
des compromis politiques comme ça. C'est la façon, M. le
Président, dont nous avons bâti notre beau pays.
M. le Président, je peux cibler mes remarques sur la
démagogie de l'autre côté de la Chambre, sur le manque de
vision, sur le manque de vrais plans - où sont leurs plans? - et sur le
manque de crédibilité du PQ dans ce dossier. Ils sont des
dinosaures. Je pense que plusieurs d'entre eux utilisent le même discours
qu'en 1980. Je me demande où est la viande? Franchement, j'espère
qu'on peut avoir plus de faits dans les débats. Mais je ne veux pas
gaspiller mon temps dans un débat de sourds; je préfère
discuter de l'entente. Je ne pourrai pas être contre cette entente.
Ça répond aux besoins du Québec et du Canada. Ça
offre la stabilité, le partenariat et la protection de notre langue et
de notre culture. Ça respecte avec fidélité la commission
Bélanger-Campeau.
C'est vrai, M. le Président, qu'il y a deux visions. On propose
notre vision qui est stable, qui est claire. De l'autre côté de la
Chambre, vu que nous avons les yeux bandés, on saute dans l'inconnu. Je
suis fier de notre premier ministre qui a gagné pour le Québec
des points importants pour notre avenir, pour protéger les droits
historiques du Québec. M. le Président, je ne suis pas avocat, je
ne suis pas constitution-naliste, mais j'ai écouté les gens de
mon comté, j'ai écouté quand j'étais membre de la
commission Bélanger-Campeau et, durant ma courte période
d'adjoint parlementaire au ministre des Affaires intergouvernementales
canadiennes, j'en ai écouté plusieurs autres sur cette question;
et j'ai entendu plusieurs choses que je retrouve dans l'entente de
Charlottetown.
J'ai entendu que les Québécois ont cherché le
respect - c'est ça que l'on donne - avec unanimité. Il y a le
respect pour notre société distincte; il y a la reconnaissance de
qui nous sommes. J'ai entendu qu'ils recherchent la stabilité, et c'est
ça qu'on retrouve dans l'entente aussi: les 25 % des
députés de la Chambre des communes, l'union sociale et
économique, le moins de duplication et la protection de la double
majorité. Aussi, ils ont demandé la protection, des droits et on
retrouve ça dans les veto, dans l'accord sur la société
distincte et aussi par la nomination de trois juges qui protège le
Québec dans des instances très importantes. Il y a certainement
une solidarité québécoise qu'on retrouve dans cette
entente, il y a aussi le «partnership», le partenariat avec le
reste du Canada. Je sais que l'autre côté de la Chambre ne veut
rien savoir de ça, mais le reste de la population
québécoise veut avoir des ententes et
un partenariat avec le reste du Canada. (11 h 10)
II y a aussi une ouverture d'esprit. On parle de minorités. Nous
sommes fiers de tous les Québécois ici. La communauté
d'expression anglaise, on la retrouve dans l'entente. On retrouve les
communautés culturelles et, oui, M. le Président, on retrouve les
besoins des autochtones. Aussi, M. le Président, j'ai entendu, quand
j'ai écouté la population de mon comté, qu'elle veut avoir
plus de pouvoirs qui touchent la vie quotidienne du peuple
québécois. Vous retrouvez, dans cette entente, ces pouvoirs; il y
a certainement des ajouts dont on discute, les mines, les forêts, les
affaires municipales, la culture et les communications, dont on peut continuer
à discuter. N'oubliez pas que nous avons déjà la
santé et l'éducation qui touchent la vie quotidienne du peuple
québécois. Mais on trouve plus dans l'entente. Avec les nouvelles
règles, on peut avoir les changements, dans l'avenir, évolutifs
avec la règle du 7-50. Nous n'avons pas besoin de cette crise
constitutionnelle comme nous avons maintenant. On peut trouver les solutions
à nos besoins dans l'avenir.
Je suis très excité. Je veux répondre aux choses
que j'ai entendues au Québec, je veux répondre à plusieurs
personnes qui, peut-être, veulent plus que je veux, mais je veux
répondre aussi dans les paramètres canadiens. Je pense qu'on peut
être très fiers de l'entente que nous avons, et, comme je l'ai
mentionné avant, je suis beaucoup plus à l'aise devant quelque
chose de stable, de concret comme ça, que d'avoir des promesses en l'air
sans aucun détail sur l'indépendance de Québec. Pourquoi
ne pas embrasser cette entente? Je pense, avec mon interprétation, que
nous avons trouvé les réponses aux besoins des
Québécois et Québécoises. Mais pourquoi ne pas
embrasser cette entente? Il y a juste une seule raison: parce qu'ils veulent
avoir la séparation du Québec à tout prix. Il n'y a pas
d'autre raison pour ça. Ils veulent sauter dans l'inconnu. Au moins, il
y a une vision bien claire dans cette entente: c'est notre vision. Ça
respecte les minorités, ça respecte la diversité du
Québec. Je vais certainement encourager toute la population à
voter pour cette question. La question est claire et simple.
Peut-être que le Parti québécois va essayer de
«confuser»: un non, ce n'est pas un non, mais le non, ça va
peut-être être vu comme appuyer le statu quo, là - je serais
surpris - peut-être être vu comme commencer à voir les
autres négociations avec le Canada - bon, peut-être qu'ils ont
lâché le principe un de leur parti, tant mieux, mais je pense que
ce n'est pas le cas, ou il veut avoir l'indépendance du Québec.
Je pense qu'il doit avoir le courage de dire ça devant la population. Il
y a une entente qui est claire, qui est stable, les personnes peuvent savoir ce
qu'il y a dedans, ou il peut y avoir des promesses en l'air.
M. le Président, maintenant, nous avons une vision claire. Nous
avons une question claire. Je sais, le PQ n'aime pas les questions claires, il
aime jouer avec les mots. Mais je pense que le peuple québécois
mérite mieux que ça. Pendant les prochaines journées, les
prochaines semaines, nous allons mettre tous les faits sur la table.
J'espère que le peuple québécois va choisir, j'ai
confiance qu'il va choisir l'avenir et qu'il va choisir le oui.
Clearly, there are issues in this entente that respond to all people, to
all communities. It is important that we make sure that the facts are put on
the table. There are balances for the issues of the French-speaking community
of Québec, there are issues for the English-speaking minority, the
cultural communities are included and the Native community issues are
included.
I know, the other side, the Parti québécois always tries
to say: You have to loose for the other side to win. I do not believe in that,
I have never believed in that. I think you can, and you have seen this in the
entente, that you can protect the vitality of the culture of the French
language at the same time of protecting the English-speaking minority of
Québec. It is there in the entente. But I also believe, and that is why
I ran for this office and that is why I am here in the Assemblée
nationale, that you work through these issues in the Province of Québec.
You do not find the solutions in Ottawa. You do not look for the solutions in
our courts. We work them through the political will here. And with that, I
think you have a chance in this entente and I think we can be excited about
it.
I heard the Member from D'Arcy-McGee talk, and he says that he is going
to support the deal. I certainly hope he makes copies of his speech and he
gives this to his party because I read it, I read the press clippings, and they
are not at all necessarily following him. I certainly am glad that the Deputy
from NDG has convinced him to vote yes. I think it is important that we have
the total federalist vote out. I see there is a quote of Peter Blaikie in the
paper today: «Sovereignty is a dead-end street for Québec, it is
certainly a dead-end street for the English-speaking community. It would better
be clear. We would better make sure that we tell people that, and it is clear
that a No vote is a vote for the independence of Québec, and let us make
sure that we can get the population out in total unison to make sure that we
can balance out the other side of this vote.
I believe in this entente, Mr. President. I think it responds to the
real issues of Québec in terms of division of power; reduces
duplication; it has the proper protection of Québec in the Chambre des
communes and full respect for the cultural and linguistic reality of this
province. I am going to actively go out and sell this in my county. I am going
to make sure that the people of Québec know the facts about this. I
sincerely
hope that all will embrace this entente because it is the vision of the
future that is clear, that is stable and is based on hope and clear
understanding that the people of Québec are not fighting the battles of
the 1950s or the 1960s or the 1970s. There is a new vision that our communities
cannot be divided. I know that the PQ and the Equality people like to divide
linguistic communities. There is a vision, a joint vision that we share. I
think all Quebeckers can be proud of this.
I think we also have a responsibility, Mr. President, to go out and tell
the rest of Canada that this is a deal the Quebeckers are prepared to accept.
We will pass it on October 26th. Hopefully, very quickly after that, all
Legislative Assemblies will pass it. We renew our country in a way that we can
be very proud. We build for the future and we can then start debating other
issues that affect the days and the lives of the people of Québec.
Merci, M. le Président. Je suis très fier de cette
entente. Je donne mon engagement complet pour le parti du oui à cette
entente et j'espère qu'une forte majorité du peuple
québécois va appuyer la question pour le oui. Merci beaucoup, M.
le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Nelligan. Je vous rappelle que nous sommes à
débattre de la motion de M. le premier ministre visant l'adoption d'une
question devant faire l'objet d'une consultation populaire portant sur un
nouveau partenariat de nature constitutionnelle. Je reconnais maintenant, pour
une période maximale de 20 minutes, M. le député de
Rousseau.
M. Robert Thérien
M. Thérien: Merci beaucoup, M. le Président, ainsi
que tous mes collègues. Comme tous mes collègues, je suis
très fier de prendre la parole sur ce projet de loi tout à fait
exceptionnel. Mais mes premiers mots iront pour féliciter mon
collègue de Nelligan qui démontre très bien jusqu'à
quel point l'intégration d'une communauté minoritaire au
Québec peut se faire. Je pense que notre collègue de Nelligan est
un très bon témoignage. Ça fait que je le
félicite.
Une voix: Excellent! C'est vrai, ça.
M. Thérien: M. le Président, je voudrais surtout
m'adresser à cette Chambre, mais particulièrement à mes
citoyens du comté de Rousseau, mes collègues - et,
malheureusement, je sais que l'Opposition, peu importent les discours qu'ils
écouteront durant le débat, leur idée est faite. Ils sont
contre. Ils sont contre tout progrès. M. le Président, ils
étaient contre la loi 150, ils étaient contre le lac Meech, pour
ensuite être pour la loi 150, pour le lac Meech et, présentement,
ils sont contre les propositions de l'entente. Donc, je préfère
m'adresser à mes citoyens, à mes collègues, pour leur dire
jusqu'à quel point cette entente qui a été
négociée le 28 août est historique et démontre des
progrès tout à fait concrets et perceptibles, contrairement
à des solutions qui nous plongeraient dans l'incertitude.
En fait, ce que les citoyens veulent savoir et, en particulier, mes
citoyens, qu'ils soient agriculteurs ou qu'ils soient hommes d'affaires ou dans
le monde du tourisme, ces gens-là veulent savoir qu'est-ce qui va se
passer demain matin si on dit oui et qu'est-ce qui va se passer si on dit non.
C'est ça que j'aimerais entendre de l'autre côté lorsque
les gens disent: On est pour le non. Ça va donner quoi aux
Québécois? C'est ça qu'on n'entend pas. On entend de la
politicail-lerie. Nous, on dit: On va dire oui pour les raisons suivantes: pour
l'entente qui a été définie, expliquée. Et c'est
ça qui est important, M. le Président.
La question qu'il faut se poser, de toute façon, qu'on dise oui,
qu'on dise non, il faut négocier avec les partenaires canadiens. Donc,
le choix qu'on propose, M. le Président, c'est de négocier ou de
continuer nos négociations avec nos partenaires canadiens à
l'intérieur de la Fédération. Ce que les gens d'en face
nous proposent, c'est de négocier à l'extérieur de la
Fédération. Ce que j'aimerais savoir, ce qu'ils sont incapables
de définir, qu'est-ce que ça va donner de plus de négocier
à l'extérieur de la Fédération? Est-ce qu'ils vont
obtenir plus à l'extérieur qu'à l'intérieur? C'est
ça, la question que les citoyens du comté de Rousseau et que les
citoyens du Québec se posent. (11 h 20)
Et nous, on dit qu'on a tout avantage à négocier, à
l'intérieur de la Fédération, à titre de
partenaires, comme une compagnie qui a plusieurs filiales. Eux décident,
au lieu d'améliorer la compagnie, que la filiale se détache et
vole de ses propres ailes, avec l'incertitude de l'incapacité
financière. J'écoutais le député de Montmorency,
tantôt, qui nous parlait de la fiscalité, mais il ne nous a pas
dit comment pourrait être améliorée la fiscalité,
absolument pas. On a eu des témoignages lors d'auditions au niveau de la
commission sur la souveraineté, qui nous disaient qu'il va y avoir des
coûts à ça, et c'est ça qu'on dit aux Canadiens.
Mais ce qui est exceptionnel dans l'entente, M. le Président,
c'est que cette entente vise et a la certitude d'avoir des mesures de
sécurité et de développement pour protéger l'avenir
des Québécois. C'est ça qu'on leur dit. Moi, je vais dire
à mes citoyens: On est protégés. Quand on parle de
société distincte, de plus en plus, jour après jour, on
s'aperçoit qu'il y a des gens qui nous disent que la
société distincte, la langue fran-
çaise est de plus en plus protégée, la culture du
Québec est de plus en plus protégée, et c'est
indéniable. On a des spécialistes qui passent. Le juge
Deschênes, ce matin, dans La Presse nous donne jusqu'à quel
point la société distincte est protégée. On peut
trouver toutes sortes d'autres raisons, mais la réalité est
là. Ces mesures de sécurité et de développement
sont nécessaires au Canada pour se développer parce que, en tout
temps et en toute situation, nous allons avoir des partenaires avec qui il va
falloir négocier. Est-ce qu'on va négocier en tant que
partenaires ou si on va négocier en tant qu'adversaires? C'est ça
qu'il faut se poser comme question. Nos citoyens sont inquiets et ils ont
raison d'être inquiets, parce que ça va être une
décision importante, le 26 octobre. Je suis d'accord avec certains
députés pour dire qu'il faut arrêter d'être
émotifs, mais il faut être explicatifs. Il ne faut pas être
«politicailleux» non plus, et surtout pas démagogues. Et
ça, je pense que c'est fort important.
Quand on parle de la nomination de trois juges à la Cour
suprême, on sait quelle importance a la Cour suprême du Canada. On
sait jusqu'à quel point c'est important: 33 % de la
représentation. Et ça, M. le Président, c'est
indéniable, qu'on démarque l'importance du Québec à
l'intérieur du Canada. C'est inscrit comme un pouvoir garanti, M. le
Président.
Les gens d'en face me font penser à une espèce de gens qui
travaillent dans une compagnie, qui sont bien, qui veulent améliorer
leur situation de travail, mais dont le chef syndical décide de partir
avec la compagnie. C'est un peu ça, la situation; la situation est
simple. Les citoyens et citoyennes du Québec veulent améliorer
leur bien-être, mais ils veulent avoir aussi une garantie sur leur
avenir. Et ça, c'est fort important.
Au niveau du Sénat, M. le Président, oui, il y a une
modification importante. Les gens d'en face, combien de fois, ont
ridiculisé le Sénat. Aujourd'hui, on y attache une importance
presque démesurée. La seule égalité qu'il y a, M.
le Président, quand on parlait du triple «e», c'est
l'égalité numérique. Pour le reste, on a gagné la
sécurité d'avoir 25 %, et même plus maintenant, mais
à vie, pour l'avenir. Parce que pour la politique d'une province, d'un
pays, ce n'est pas une question de 5 ans, de 10 ans, de 20 ans, c'est une
question de génération en génération. On sait aussi
que le Sénat va avoir un pouvoir de veto suspensif; donc, l'importance
va être sur les parlementaires canadiens, avec une augmentation de la
représentation au Québec. Et ça, c'est important, c'est
une entente connue. Ce n'est pas de l'inconnu, ça, M. le
Président, et ça n'affecte en rien les pouvoirs de
l'Assemblée nationale. Au contraire, il y a un pouvoir accru de
l'Assemblée nationale à l'effet que c'est l'Assemblée
nationale qui va nommer les sénateurs.
Donc, M. le Président, lorsqu'on veut parler d'entente...
Même le chef de l'Opposition disait hier, sur le bout des lèvres,
qu'il y avait des progrès avec un qualificatif que je ne
considère pas à propos. Mais je pense que les citoyens du
Québec, et en particulier ceux du comté de Rousseau, vont
être en mesure de constater que l'entente est connue. On va l'expliquer.
Elle est réelle. Elle est pratique, contrairement à l'incertitude
d'un non. Voter non, M. le Président, c'est: demain matin, on recommence
à négocier; on recommence à penser peut-être
à un autre référendum et peut-être encore à
diviser les Québécois. C'est pour ça - M. le
Président, vous m'indiquez qu'il me reste peu de temps - que je pense
que les citoyens du Québec, et en particulier, comme je vous le disais,
les citoyens du comté de Rousseau, vont voter pour une entente qu'ils
connaissent. Ça, je les invite fortement à le faire, parce qu'on
a du connu, on a de la réalité et, ça, je pense que c'est
fort important.
Donc, c'est avec grand plaisir que je vais appuyer la campagne du oui,
que je vais adhérer au parapluie du oui pour défendre la position
du Québec a l'intérieur du Canada.
Des voix: Bravo! Très bien.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Rousseau. Je tiens à vous indiquer, M. le
député, que vous pouviez, tel que je l'ai mentionné tout
à l'heure, intervenir pour une période de 20 minutes, sauf qu'on
m'a indiqué que vous vouliez vous limiter à 10 minutes. C'est
pour ça que je vous ai indiqué à 9 minutes qu'il vous
restait 1 minute. Alors, M. le député d'Ungava, vous avez droit,
tel que je viens de le mentionner, à une période maximale de 20
minutes.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. Avec ce qu'il a dit,
M. le Président, je comprends que le député de Rousseau
n'en avait pas plus que pour 10 minutes. D'ailleurs, c'est avec
intérêt que j'ai écouté les discours depuis hier
soir, puis il y a une constante dans ces discours-là: on dénonce
le Parti québécois, on nous accuse d'être souverainistes,
ce que tout le monde sait au Québec depuis la fondation du parti, il y a
24 ans maintenant. Donc, on n'a rien dit quand on a dit ça, du
côté du gouvernement, et on nous parle d'incohérence.
M. le Président, on a une question. On discute ici d'une question
référendaire qui porte sur des offres ou sur des propositions
d'offres qui sont faites par le gouvernement fédéral et
l'ensemble des gouvernements des provinces canadiennes au Québec. Je ne
vois pas pourquoi le gouvernement qui devrait défendre ces offres
s'acharne à vouloir discréditer l'Opposition. D'ailleurs, je
ferai remarquer, quand on parle de cohérence et de suivi, que le
député de Rous-
seau, en 1980, était dans le camp du oui, pour la
souveraineté du Québec. Il était candidat...
Une voix: Non, pour la négociation.
M. Claveau: II était candidat à la convention du
Parti québécois dans Rousseau en 1981 et, en 1985, comme le vent
avait tourné et qu'il trouvait plus opportuniste de se présenter
au Parti libéral, il est allé au Parti libéral du
Québec. Alors, qu'on ne vienne pas nous faire la morale sur la
cohérence, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît!
M. Claveau: Ceci étant dit... Je crois que je suis encore
dans mon droit de parole. Oui, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, allez-y,
allez-y!
M. Claveau: Bon!
Une voix: Vas-y, Christian!
M. Claveau: Ceci étant dit, M. le Président, je
voudrais parler plus spécifiquement de quelques articles dans la
proposition d'entente qu'on a sur la table, soit les articles 36 sur le
développement régional, 30 et 31 sur la forêt, les mines,
etc. Je pense que c'est important d'en parler, de ces dossiers-là. C'est
des dossiers qui touchent les régions du Québec. On sait comment
ça va mal actuellement dans les domaines forestier et minier, pour
l'essentiel des dossiers de ressources au Québec, pour les
régions ressources. Ce que l'on retrouve, M. le Président,
très succinctement, dans cette entente-là, c'est que le
gouvernement nous dit... Et on utilise comme référence l'article
30 de la proposition qui va s'appliquer après dans les autres domaines,
aux niveaux forêt, mines, tourisme, logement, loisir, etc. Le
gouvernement nous dit donc, à l'article 30 de la proposition qu'on a sur
la table, qu'il va constitutionnaliser les interventions du
fédéral dans des domaines qui sont déjà de
compétence provinciale. Depuis 1867, il a toujours été
reconnu que les ressources sont de compétence exclusive des provinces.
(11 h 30)
Le gouvernement fédéral, au fil des ans, s'est
ingéré là-dedans. D'ailleurs, il a toujours voulu se
mêler un peu de ces affaires-là et, finalement, depuis le
début des années soixante-dix, disons qu'il a réussi
à s'en mêler beaucoup plus qu'auparavant. Il a fini par
s'infiltrer partout de façon à imposer ses vues dans la gestion
des ressources des provinces. Maintenant que ça va mal partout,
maintenant qu'il est mal pris, maintenant qu'il ne sait plus quoi faire avec
les engagements qu'il a pris là-dedans, là, il dit:
Je vais me retirer, je vais éventuellement en donner la
compétence exclusive aux provinces, je vais leur faire accroire que je
leur donne, parce qu'elles l'ont déjà, mais je vais
institutionnaliser le fait que je peux rester présent là-dedans,
M. le Président. C'est ça que l'on a dans ce texte-là
concernant les forêts, les mines, le tourisme, le logement, les loisirs,
les affaires municipales et le développement régional, soit dit
en passant, qui s'ajoute à ça.
On institutionnalise, on constitutionnalise le fait que le gouvernement
fédéral a le droit, dorénavant, d'intervenir dans ces
domaines, à moins qu'il y ait une entente administrative de
signée entre ledit gouvernement fédéral et les provinces
intéressées pour qu'il y ait un retrait, enfin que l'on
négocie, sur la base d'une entente administrative, le retrait du
fédéral de ces secteurs-là, ce qui permettrait aux
provinces d'en prendre la compétence exclusive. C'est ça que le
texte dit, M. le Président.
Et ça va plus loin que ça. Le texte dit aussi: La question
du service à fournir au public dans les deux langues officielles devrait
aussi être considérée comme un élément
possible de ces ententes. M. le Président, on a beau nous dire que la
clause «nonobstant» reste dans la Constitution, on a beau nous dire
que la loi 101 est protégée mur à mur par la proposition
d'entente qu'on a sur la table, il y a des choses qui sont écrites.
C'est clair que, dans les ententes administratives dont il est question pour
transférer une gestion exclusive des forêts, des mines, du
tourisme, etc., aux provinces, la question du service dans les deux langues
officielles canadiennes, donc, la loi sur les langues officielles canadiennes,
qui s'applique, devrait être considérée comme un
élément possible à ces ententes.
On nous dit, et j'en discutais avec quelques députés
libéraux qui disaient: Ouais, mais vous savez, le «devrait»
c'est un conditionnel, ce n'est pas évident que ça va être
ça. Je leur ferai remarquer, M. le Président, que l'ensemble du
texte est au conditionnel: «II conviendrait que les forêts soient
reconnues comme une sphère de compétence provinciale exclusive au
moyen d'une modification explicite de la Constitution». Le «il
conviendrait» en tout début de texte est tout aussi bien un
conditionnel que le «devrait s'appliquer» quand on parle des
langues officielles. Donc, si le «devrait» n'a pas de valeur
juridique quand on parie de l'application des langues officielles, je suis
obligé d'en conclure, M. le Président, que le «il
conviendrait» au niveau de l'ensemble du texte, n'a pas plus de valeur
juridique. Et là je rejoins les propos de mon collègue de
Montmorency qui parlait de la question qui dit: négocier ou modifier la
Constitution sur la base de l'entente de. Le «sur la base»,
ça devient du précaire, ça devient du possible, mais il
n'y a rien qui dit que ça va être ça. Alors, qu'on n'essaie
pas de nous en
passer, M. le Président. Si «devrait», quand on parle
des langues officielles, est une hypothèse, je suis obligé de
conclure que, comme on utilise le même temps de verbe au niveau du
générique du chapitre, quand on dit «il
conviendrait», c'est aussi une hypothèse de travail, M. le
Président. Ah bien, non, on ne devrait pas utiliser les mêmes
temps pour les verbes. Si ça veut dire une chose à une place,
ça veut dire la même chose ailleurs, dans le même texte,
dans le même paragraphe, voyons donc!
Donc, M. le Président, je suis obligé de conclure que ces
ententes-là vont se faire uniquement si le gouvernement
fédéral et le gouvernement du Québec, entre autres,
s'entendent quant à l'utilisation des langues officielles canadiennes
dans la gestion exclusive du Québec en matière de forêts,
de mines, etc. La loi 101, oui, elle est peut-être
protégée, la clause «nonobstant» existe
peut-être, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas signé lesdites
ententes. C'est sûr que si on décide de renoncer à nos
droits exclusifs sur les mines, sur la forêt, sur le logement, sur les
loisirs, là, on peut dire: O.K., je n'ai rien signé qui m'engage
à utiliser les langues officielles. Je n'ai pas signé d'entente,
je ne demande pas d'exclusivité d'intervention comme province
là-dedans. Donc, la loi 101, la clause «nonobstant»
s'applique. Mais, à partir du moment où j'ai signé ladite
entente, que je me suis engagé en vertu d'une entente administrative
signée en bonne et due forme à utiliser, à appliquer la
loi des langues officielles canadiennes dans la gestion de mes matières
premières, eh bien, là, je viens de renoncer à mes droits
sur la loi 101, à la clause «nonobstant» dans la
Constitution. C'est ça que ça dit, ce texte-là, M. le
Président. N'essayons pas de l'interpréter autrement. On pourra
dire ce qu'on voudra, mais il faut quand même se fier un peu à ce
qui est écrit dans le texte, et j'imagine que les mots qui sont
là ont été choisis avec beaucoup de minutie. Ils n'ont pas
été écrits en l'air par quelque illuminé qui
voulait mettre des mots bout à bout. On a choisi très
spécifiquement les mots pour faire en sorte de bien les faire avaler
à tout le monde sans que ça ne fasse trop mal. Alors, moi, c'est
ce que je retiens de ça, M. le Président. On essayera de me
prouver le contraire. J'aimerais bien qu'au lieu de dénoncer le Parti
québécois comme étant souverainiste ces gens d'en face,
ceux qui défendent l'entente, essaient de me démontrer le
contraire de ce que je viens de dire, M. le Président. Il me semble que
ça apporterait beaucoup plus au débat.
Parlons rapidement de la question des ententes administratives, parce
que, là, c'est ça qu'on nous propose, des ententes
administratives valables pour cinq ans, parce qu'à l'article 30,
à l'article 31 et suivants on se réfère à l'article
26, qui est tout aussi flou que les autres, soit dit en passant... Il commence
lui aussi par «il conviendrait», mais on nous dit que «ce
mécanis- me pourrait» - encore un conditionnel, vous en
conviendrez aussi - «pourrait être invoqué pour une
période d'au plus cinq ans». Donc, les ententes administratives en
question, les droits exclusifs que l'on peut négocier par le biais
desdites ententes sont valables pour cinq ans. C'est des droits conditionnels
aussi, vous en conviendrez. C'est des droits qui sont renouvelables aux cinq
ans. Un droit, on l'a ou on ne l'a pas, M. le Président. Si on doit le
négocier à tous les cinq ans, c'est parce qu'on ne l'a pas. C'est
aussi clair que ça. Quand on vient au monde, on a le droit de souffler.
On ne négocie plus ça pour le restant de nos jours. On a un droit
ou on ne l'a pas. S'il faut le renégocier à tous les cinq ans,
c'est parce qu'on ne l'a pas. C'est parce qu'on doit le quémander
continuellement. C'est le quêteux qui doit retourner tous les ans faire
sa tournée par les maisons, comme ça se passait dans le temps,
pour avoir de quoi vivre pour l'année qui s'en vient, pour passer
l'hiver qui s'en venait. À tous les ans, il fallait qu'il recommence
à quêter, parce qu'on ne lui en donnait jamais assez pour 10 ans
d'avance. Là, c'est ça. À tous les cinq ans, il va falloir
commencer la grande tournée pour renégocier nos supposés
droits que l'on devrait avoir. Voyons donc! On se transforme en peuple de
quêteux, M. le Président. Ces gens-là applaudissent, ils
sont fiers. Vive le quêteux, le bossu! Vive Jambe de bois, dans
Séraphin! C'est ça l'image du Québec moderne qu'ils ont:
Jambe de bois! Je veux bien croire qu'ils sont attachés à
l'histoire et à la culture, mais il faudrait quand même
dépasser Jambe de bois, vous en conviendrez. Bien là, c'est
ça l'image du Québec moderne, l'image du Québécois
qui se tient debout. C'est sûr que Jambe de bois se tenait debout, mais
il avait une jambe en bois, et il fallait qu'il passe par les maisons pour
quêter de l'argent pour passer l'hiver.
C'est ça qu'on nous propose, M. le Président, rien
d'autre. Un droit qu'on doit négocier aux cinq ans, c'est un droit qu'on
n'a pas. C'est un droit qu'on ne détient pas. Quand on le
détient, on ne négocie plus, C'est à nous autres pour le
restant... jusqu'à la fin des temps, M. le Président.
Parlons-en de ces ententes administratives sur cinq ans, justement. On
en a un bel exemple avec l'entente fédérale-provinciale sur le
développement régional, qui a été signée le
9 juin 1988 par ce gouvernement avec le gouvernement fédéral;
entente Canada-Québec sur le développement économique des
régions du Québec. On nous annonçait avec toute l'emphase
qu'on pouvait y mettre, le 9 juin 1988, la signature d'une entente historique,
qui devait régler tous les problèmes du Québec en termes
de développement régional, M. le Président. Où en
est-on? Où en est-on? Prenons quelques chiffres. Ce n'est pas moi qui
les ai inventés, ces chiffres-là, c'est des chiffres qui viennent
des ministères
concernés. Source: Office de planification et de
développement du Québec. Entente auxiliaire Canada-Québec
sur le développement économique des régions du
Québec, 27 mars 1992. Ça ne fait pas si longtemps que ça,
là. C'est des chiffres au 31 décembre. L'entente était
applicable depuis juin 1988. Au 31 décembre 1992, M. le
Président, sur les - je vais prendre les chiffres très
précis - sur les 380 000 000 $ qui devaient être affectés
par le Québec jusqu'en 1993, donc, à toutes fins pratiques,
à 15 mois de la fin de l'entente, M. le Président, il y avait 30
000 000 $ de déboursés. Il faut le faire. On nous a fait
rêver pendant des semaines avec une entente qui devait être
extraordinaire pour le développement des régions. Sur l'ensemble
du budget que le gouvernement du Québec devait accorder, à 15
mois avant la fin d'une entente de cinq ans, on avait 30 000 000 $ de
dépensés sur 380. C'est à peu près 10 %, à
peine un peu plus, M. le Président. (11 h 40)
Au niveau du fédéral, ce n'est pas le diable mieux. On
reste dans les mêmes chiffres. Le fédéral devait mettre 440
000 000 $ dans cette entente, M. le Président. C'était
prévu comme ça. Au 31 décembre 1991, il y avait 94 000 000
$ d'investis, d'argent dépensé. De l'argent programmé,
oui! De l'argent programmé. On en programme, de l'argent, mais,
après ça, on ne réalise pas les projets prévus. Il
y avait 94 000 000 $ d'argent de dépensé sur 440 000 000 $ au 31
décembre 1991, 15 mois avant la fin de l'entente, M. le
Président. Vous pensez qu'on va se fier là-dessus? C'est sur la
parole de ces gens-là que vous voulez qu'on se fie pour
constitutionnaliser ce genre d'entente administrative? Puis ils trouvent qu'on
crie pour rien, là. Ils trouvent qu'on parte pour rien. C'est ça
qu'il faut dire aux Québécois, M. le Président.
Il faut dire aux Québécois aussi que, dans le genre
d'entente administrative dont il est question, quand on parle, entre autres, du
développement régional, l'entente 1988-1994 signée avec
les Maritimes prévoyait un investissement de 1 000 000 000 $ pour le
gouvernement fédéral. 1 000 000 000 $ pour les Provinces
maritimes. À 15 mois de la fin de l'entente, il y avait 921 000 000 $ de
dépensés. Regardez donc! Disons qu'ils ont dépensé
plus vite dans les Maritimes que chez nous; il y en avait 94 000 000 $, chez
nous, sur 440 000 000 $. 921 000 000 $ sur 1 000 000 000 $ de
dépensés dans les Maritimes. 1 200 000 000 $ de prévus
dans l'Ouest canadien, M. le Président, les provinces de l'Ouest; il y
avait 477 000 000 $ de dépensés à 15 mois de la fin de
l'entente. Il y en avait toujours à peine 94 000 000 $ de
dépensés pour le Québec.
En termes de pourcentage per capita, M. le Président, 431 $ per
capita investis dans l'entente par le fédéral pour les Provinces
maritimes; 257 $ per capita pour les provinces de l'Ouest, 64 $ per capita pour
le Québec. C'est ça, le fédéralisme rentable, M. le
Président. C'est ça, l'égalité des provinces. C'est
ça, ce qu'on nous propose actuellement et que l'on veut
constitutionnaliser, M. le Président. On essaie de nous faire prendre
des vessies pour des lanternes...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de
conclure.
M. Claveau: ...et c'est ce que nous allons nous acharner ou ce
que nous allons nous attarder à démontrer d'une façon
très précise au cours des prochaines semaines, jusqu'à ce
qu'on ait la chance de se prononcer contre cette fameuse proposition
d'entente.
Une voix: Ça va prendre du temps.
M. Claveau: On me dit que mon temps est terminé.
Des voix: Oui.
Une voix: Non. Non, non.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Continuez. Continuez. Je
vous ai dit que...
M. Claveau: II me reste combien de temps, M. le
Président?
Une voix: Cinq minutes.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Deux minutes.
Une voix: Deux minutes.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y.
M. Jolivet: II a commencé à 11 h 25.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le
député d'Ungava. Continuez. Continuez et je vais
vérifier.
M. Claveau: M. le Président, écoutez. M.
Jolivet: Oui, oui. Ça va faire, là.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...Jean-Pierre! Allez-y,
M. le député d'Ungava. Continuez.
M. Claveau: Quand j'entends ces gens, M. le Président,
nous parler de Meech plus, tout ce que vous voulez... Ça ressemble,
d'ailleurs, à des annonces de lessive, de savon à vaisselle; vous
savez: plus ci, plus ça; Meech plus, ça me fait penser à
Grecian Formula, M. le Président. Grecian Formula ne rajeunit pas.
Une voix: Ha,ha, ha!
M. Claveau: Camouflage. Il fait paraître plus jeune, mais
ça ne rajeunit pas.
L'entente qu'on a sur la table, M. le Président, ne rajeunit en
rien la Constitution, n'en fait pas une Constitution moderne, mais elle
camoufle ses vieux penchants; elle camoufle des rides qui ne sont plus
acceptables. C'est ça, les histoires de cette entente-là. Ce
n'est pas une Constitution moderne, renouvelée, rajeunie qu'on a, c'est
une Constitution camouflée, où on va essayer de
constitutionnaliser des agissements qui ont été faits
inconstitutionnellement par le fédéral au cours des
années, et on essaie de nous faire prendre ça pour des acquis
pour les provinces. C'est malheureusement ce que l'on a sur la table.
Quand on a parlé tout à l'heure de la question du
contrôle sur les terres, la forêt, que l'on peut négocier,
quémander aux cinq ans, M. le Président, où se trouve
là-dedans la question, tout ce qui est lié aux droits
inhérents des autochtones en matière de terre, d'eau et
d'environnement? À ma connaissance, les mines, c'est sur la terre ou
dans la terre et il faut passer quelque part, sur la terre, pour se rendre
à des mines et pour développer des sites miniers. Il faut faire
de l'exploration dans les forêts. Il faut utiliser des voies navigables.
Ça affecte l'environnement.
Les droits inhérents, en matière d'environnement, d'eau et
de terre, qui sont accordés aux autochtones, le principe, je n'ai rien
contre, mais il faudrait que je sache, par exemple, avant de pouvoir dire que
je suis d'accord avec ça, comment ça va s'imbriquer dans l'autre
disposition qui prévoit que les forêts, les mines, le tourisme,
etc., sont des compétences exclusives des provinces. Est-ce qu'on est en
train de nous dire que l'on va donner la gestion des droits inhérents
aux autochtones, concernant les eaux, les terres, l'environnement, etc., aux
provinces? Ce n'est pas ce que je lis là-dedans, M. le Président.
À la limite, je peux lire qu'on va essayer de trouver un
mécanisme. Il serait souhaitable, dit-on, de trouver un mécanisme
qui ferait en sorte que les différents gouvernements provinciaux
puissent se prononcer sur les ententes qui vont être
négociées avec les autochtones. À la limite, c'est
ça qu'on trouve, c'est là où ça va le plus loin.
Donc, s'il n'y a aucune responsabilité des provinces - de
responsabilité directe, pour le moins - dans la gestion des ententes
autochtones en ce qui concerne les questions d'environnement, eaux et terres,
etc., que l'on constitutionnalise les droits inhérents qu'on leur donne
par la Constitution...
Alors, quand on nous dit: Nous vous transférons
l'exclusivité de la gestion des forêts et de la gestion des mines;
le développement régional, nous allons en rediscuter; nous vous
donnons l'exclusivité en matière de tourisme, où en
sommes-nous par rapport à ce que l'on retrouve quelques pages plus loin
dans la proposition d'entente concernant les droits inhérents des
autochtones? C'est le plus beau fouillis administratif qu'on puisse imaginer,
M. le Président. On ne pouvait pas penser un texte de proposition qui
fasse plus l'affaire des juristes, des hauts fonctionnaires, des firmes
spécialisées dans toutes sortes de domaines qui vont offrir leurs
services au gouvernement pour essayer de faire comprendre qu'il faudrait
être plus de ce côté-là plutôt que de tel
autre.
Que fait-on dans le domaine de l'énergie, M. le Président?
Est-ce que l'on va laisser constitutionnaliser le fait que l'Office national de
l'énergie va pouvoir intervenir n'importe où - dans
Hydro-Québec - pour empêcher l'exportation
d'électricité, comme il l'a fait, par exemple, il y a à
peine quelques années? On n'en parle pas, de ça. Ce n'est pas
grave, ça. Ah! c'est juste l'énergie. Bien, l'Alberta, par
exemple, protège son pétrole. Ne vous en faites pas! Mais, nous
autres, ce n'est pas grave, l'hydroélectricité; c'est de
l'énergie secondaire. Ce n'est pas du pétrole, ce n'est pas du
nucléaire. Donc, on va laisser l'Office national de l'énergie
continuer à intervenir là-dedans comme il le veut! Puis, en plus,
on va donner les droits inhérents sur les eaux et l'environnement aux
autochtones, ce qui va faire en sorte qu'ils vont pouvoir nous bloquer tout ce
qu'on a de projets de barrages au Québec! Puis on appelle ça une
Constitution valable pour les Québécois. Allez donc, M. le
Président!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de
conclure, M. le député, s'il vous plaît.
M. Claveau: Cessons de nous faire prendre des vessies pour des
lanternes. On est assez éclairé. On a assez de vision pour
être capable de faire la différence. Et je suis convaincu que,
lorsqu'on se sera bien expliqué avec les Québécois,
lorsqu'ils auront fini leur démagogie facile et qu'ils parleront
vraiment du fond de l'entente que l'on a sur la table, les
Québécois sauront comment voter. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): alors, merci, m. le
député d'ungava. sur le même sujet, à savoir le
débat sur la question référendaire suggérée
par m. le premier ministre, je cède maintenant la parole à m. le
député de beauce- sud et ministre des approvisionnements et
services.
M. Robert Dutil
M. Dutil: Merci, M. le Président. Avant de parler
directement de la question et des offres, M. le Président, je voudrais
faire quelques remarques préliminaires sur le référendum
comme
instrument démocratique, comme instrument pour en arriver
à une décision de cet ordre-là, de cette ampleur-là
et de cette importance-là.
Tout le monde reconnaît qu'il s'agit sans doute de l'instrument le
plus démocratique que l'on connaisse. Les décisions dans nos
démocraties se prennent de deux façons, soit par la
délégation législative, c'est-à-dire que l'on
élit des députés qui ont la responsabilité de
prendre les décisions à la place de la population pendant un
mandat qui peut durer de quatre à cinq ans, selon les diverses
sociétés, mais la façon de le faire par
référendum existe également dans d'autres pays et elle
existe d'une façon beaucoup plus formelle et beaucoup plus habituelle
que dans notre pays. Pour nous, ici, le référendum est un
instrument consultatif, et c'est un instrument, évidemment, dans tous
les pays du monde, qui a aussi certaines faiblesses, malgré le fait que
ce soit considéré comme le plus démocratique.
La première faiblesse, sans doute, est que l'initiative de le
tenir dans notre pays n'appartient pas à la population. On sait par les
sondages que la population souhaite qu'il soit tenu un
référendum, le souhaitait pour cet automne. L'Assemblée
nationale, par la loi 150, avait voté qu'il se tiendrait un
référendum et l'Assemblée nationale confirme qu'il se
tiendra un référendum. Cette faiblesse-là, donc, pour le
présent référendum, pour la présente consultation,
est annulée.
Un deuxième problème est le choix de la question. Si nous
pouvions, dans notre société, demander aux gens à quelle
question ils voudraient répondre, ce serait beaucoup plus facile, et
ça nous éviterait le débat que nous avons ici, à
l'Assemblée nationale. Pourquoi s'obstiner sur la question qui doit
être posée à la population alors que ce devrait être
elle qui la choisisse? Ce n'est pas réaliste, M. le Président. Ce
serait extrêmement difficile d'amener la population à se prononcer
d'abord sur le choix de la question avant de se prononcer sur la réponse
à donner à cette question-là. (11 h 50)
Toutefois, le gouvernement a décidé de proposer une
question sur les offres et sur l'entente. Pourquoi? Pourquoi? Parce que nous
avions dit que notre devoir, en tant que gouvernement, était de
négocier les meilleures offres possible et, si possible, d'en arriver
à une entente. Et c'est ce qui s'est réalisé. Pour ma
part, bien que je n'aie pas fait de sondage à cet
égard-là, je suis convaincu que les gens de mon comté
souhaitent que le référendum se tienne sur l'entente qui a
été convenue plutôt que sur la souveraineté du
Québec comme il était initialement prévu dans la loi 150
si nous n'avions pas obtenu ces offres-là, si nous n'avions pas obtenu
cette entente-là. Ça m'appa-ratt un choix beaucoup plus
légitime, beaucoup plus honnête que de présenter aux gens
la question sur l'entente que nous avons obtenue.
Évidemment, ça pose un autre problème. Ce sont les
nuances de la question. Idéalement, on pourrait demander à chacun
de nos citoyens de se prononcer sur chacun des 60 points de l'entente
intervenue. Vous comprenez, encore là, que ce serait impossible. Il est
important, dans un référendum, d'en arriver à une question
relativement simple, avec l'inconvénient, bien sûr, que toutes les
nuances n'y sont pas et que ça pose un autre problème qui est
l'interprétation de la réponse que nous obtiendrons. Tout
ça fait que la population, qui est souveraine dans le choix de ses lois
et qui l'est en déléguant des représentants au
législatif ou en se prononçant par référendum, peut
se poser diverses questions sur la valeur de cet exercice-là.
Je termine cette considération-là en parlant du droit de
reconsidérer un vote qui a été pris. Nous prendrons un
vote le 26 octobre. Ce sera l'opinion de la population le 26 octobre. Le 26
décembre, le 26 février prochain, cette opinion-là aura pu
varier, on ne le saura que par les sondages. Il n'y aura pas
nécessairement de nouvelles consultations. Et si je fais cette
considération-là, M. le Président, c'est qu'en 1980 nous
en avons tenu un. On désire reconsidérer la position de 1980,
nous faisons un nouveau référendum, et je me pose la question:
Si, un jour, il y avait un vote sur l'indépendance du Québec, et
que majoritairement la population se prononçait en faveur de
l'indépendance du Québec, en supposant l'hypothèse que
nous soyons dirigés par un gouvernement du Parti
québécois, si le rêve de l'indépendance ne se
réalisait pas de la façon dont ce gouvernement-là l'aurait
présentée à la population et si, de toute évidence,
on pouvait voir par les sondages que la population avait changé
d'opinion, est-ce que le gouvernement en place permettrait à la
population de se reprononcer a nouveau comme nous, aujourd'hui, en 1992, 12 ans
plus tard, nous permettons à la population de se reprononcer à
nouveau pour voir si son opinion demeure? Chose que l'on peut facilement
vérifier par des sondages. Ce sont des questions qui sont importantes.
C'est un exercice extrêmement important. C'est un exercice où la
population devra se prononcer avec prudence, en tenant compte des diverses
interprétations qui pourront être faites de leurs
décisions.
Quant aux offres elles-mêmes, quant à l'entente
elle-même, on parle de Meech plus pour des raisons qui sont relativement
faciles à expliquer. Tous les points de l'accord du iac Meech sont
inclus dans cette entente-là. Il y a quelques autres points qui viennent
renforcer la position du Québec d'une façon substantielle et qui
sont très importants pour le Québec et que je vais
également mentionner.
Quant aux points concernant l'accord du lac Meech, vous me permettrez de
citer les commentaires de M. Yves Fortier, qui est avocat, qui a
défendu et qui défend encore, à ma connaissance, de
nombreuses causes, y compris devant la Cour suprême et qui, sur la
société distincte en particulier, question qui est
soulevée fréquemment par l'Opposition quant au nouveau texte, dit
ceci. Vous me permettrez, M. le Président, de le citer. Je pense que son
argumentation est très solide et il est important de présenter
l'opinion de personnes comme M. Fortier en apportant toutes les nuances qu'il y
apporte. Alors, je cite: Certains opposants à l'entente de 1992
soutiennent que la société distincte se limite désormais
aux seuls trois éléments mentionnés. Juridiquement, cette
affirmation est sans fondements. L'emploi des mots «comprenant
notamment» dans la version française et du mot
«includes» dans la version anglaise traduit sans conteste
l'intention de ne pas circonscrire le contenu de la société
distincte aux éléments mentionnés. En somme, M. le
Président, j'estime que le Québec obtient, par l'entente de 1992,
une reconnaissance de son caractère distinct d'une valeur au moins
égale, sinon supérieure, à celle que l'on retrouvait dans
l'accord du lac Meech.
Certes, d'autres caractéristiques fondamentales de la
Fédération figurent également au premier paragraphe de
l'article 2. Il s'agissait, après tout, de la ronde Canada, mais aucune
de ces caractéristiques n'est assortie comme pour le Québec d'un
paragraphe séparé de l'article 2 qui confère à la
Législature et au gouvernement du Québec le rôle de
protéger et de promouvoir cette seule caractéristique
fondamentale, soit la société distincte.
Ce commentaire vaut, à mon avis, même si l'une des
caractéristiques fondamentales est la confirmation par les Canadiens du
principe de l'égalité des provinces dans le respect de leur
diversité. En effet, cette déclaration, qui en est une de
principe, s'inscrira dans une constitution dont d'autres dispositions attestent
que ce principe, comme bien d'autres, souffre des exceptions. En fait,
l'entente de 1992 elle-même se propose de consacrer deux exceptions
très importantes pour le Québec au principe de
l'égalité des provinces et, en vertu de ces deux exceptions, tous
ses partenaires canadiens garantissent au Québec 25 % des
représentants à la Chambre des communes et 33 % des juges au plus
haut tribunal du pays. Qui plus est, ces deux garanties sont assorties du droit
de veto.
M. le Président, vous aurez compris que je diverge d'opinion avec
la conclusion de l'avis juridique souscrit par huit professeurs de droit
constitutionnel qui a été publié dans certains journaux du
Québec la semaine dernière. J'ai eu beau relire plusieurs fois
cet écrit, je n'y trouve aucune justification à l'affirmation que
le texte de l'article 2, s'il est inscrit dans la Constitution, comporterait un
recul pour le Québec. Quant à l'affirmation que
l'intégrité de la Charte de la langue française serait
plus précaire que jamais si l'article 2 était adopté, je
n'en vois pas le fondement. D'après moi, le texte de l'entente
provisoire ne menace aucunement la loi 101 qui est mieux protégée
que jamais: «La compétence des provinces en matière de
langue est acquise.» Fin de la citation.
Je n'en ajoute pas davantage sur la question de la société
distincte, cette opinion m'ap-paraissant tout à fait explicite en
elle-même. Nous aurons l'occasion d'en discuter évidemment durant
tout le débat référendaire. Nous mentionnant le principal
de l'argumentation qui nous fait ne pas accepter l'opinion et l'argumentation
de l'Opposition à l'effet qu'il s'agirait d'un recul, tout au contraire,
plusieurs experts mentionnent qu'il s'agit non pas d'un recul, mais d'un
renforcement de la clause de la société distincte.
Trois autres sujets de l'entente du lac Meech sont, à toutes fins
pratiques, les mêmes. Il y a quelques petites divergences; nous aurons
l'occasion d'en discuter tout à l'heure, je ne le ferai pas ici ce
matin. Il s'agit de la Cour suprême, de l'immigration et du droit de
veto. Je m'arrêterai toutefois sur le pouvoir de dépenser et vous
me permettrez, M. le Président, encore une fois, de lire un extrait du
témoignage de M. Fortier en commission parlementaire à ce
propos.
Je cite: «On constate, au chapitre des nouveaux programmes
cofinancés, que l'entente provisoire reprend essentiellement la
règle de l'accord du lac Meech. Elle accorde un droit de retrait avec
juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas
participer à un nouveau programme cofinancé au
fédéral dans un domaine de compétence provinciale
exclusive, dans la mesure où cette province met en oeuvre un programme
ou une initiative compatible avec les objectifs nationaux. S'ajoute à
cette disposition une nouvelle obligation, une obligation constitutionnelle
assumée par les premiers ministres d'instituer à une future
conférence constitutionnelle un cadre devant guider l'exercice du
pouvoir fédéral de dépenser dans des sphères de
compétence provinciale exclusive, étant d'ores et
déjà précisé que l'exercice de ce pouvoir devra
contribuer à la réalisation d'objectifs nationaux, réduire
les chevauchements et le double emploi, ne pas fausser les priorités
provinciales, et respecter et assurer un traitement égal des provinces
tout en reconnaissant leur situation et leurs besoins particuliers. «Une
fois arrêté, M. le Président, ce cadre pourrait devenir une
entente protégée par la Constitution en vertu du mécanisme
prévu à la clause 26 de l'entente provisoire. M. le
Président, il y a lieu, selon moi, de se féliciter de ces
nouvelles dispositions, qui n'étaient pas dans l'accord du lac Meech.
Certes, elles n'ont pas la finalité des autres dispositions dont j'ai
traité, mais elles proposent des paramètres précis comme
base de négociation d'un cadre à l'exercice futur du pouvoir
fédéral de dépenser. En termes juridiques, c'est une
obligation de résultat qu'ont assumée à ce chapitre les
premiers ministres de
la Fédération canadienne. Comme dispositions sur le
pouvoir fédéral de dépenser, les mécanismes retenus
au niveau du partage des pouvoirs me semblent introduire dans l'ordre
constitutionnel canadien une flexibilité à même de
concilier les divergences d'aspirations entre les différences provinces
et régions du pays. Elles évoquent un fédéralisme
coopératif et me semblent présenter, pour le Québec,
suffisamment de garanties pour lui permettre de prendre en charge certaines
responsabilités sans interdire au fédéral d'assumer ces
mêmes responsabilités pour le bénéfice d'autres
provinces, si tel est leur souhait.» Fin de la citation. (12 heures)
Alors, M. le Président, ça résume très
brièvement la relation entre cette nouvelle entente et l'accord du lac
Meech, et il y a deux raisons que j'ai exprimées tout à l'heure
qui nous font dire qu'il s'agit de Meech plus. J'en rajoute quelques autres: la
question du Sénat; nous aurons 18 députés de plus à
la Chambre des communes, avec une garantie d'une présence de 25 % des
députés à la Chambre des communes. Je sais que le fait que
le nombre de sénateurs soit égal par province a soulevé
bien des débats. Pour ma part, M. le Président, il faut
considérer que, dans bien d'autres fédérations, et
particulièrement dans la première grande fédération
à avoir été formée dans le monde,
l'égalité, dans une deuxième chambre, des États a
été confirmée dès le début. Ça a
été le cas aux États-Unis, il y a deux sénateurs
par État, le plus petit État et le plus grand État ont
deux sénateurs dans la chambre du Sénat aux États-Unis,
alors que les pouvoirs du Sénat aux États-Unis sont beaucoup plus
substantiels et beaucoup plus forts que ceux de notre Sénat, alors que
le Sénat canadien n'a qu'un veto suspensif et ne peut empêcher la
Chambre des communes là où se déroule vraiment l'action,
là où se passe vraiment la législation, là
où est véritablement le pouvoir d'agir.
Je ne parlerai pas du droit des autochtones autrement que de dire que
cette entente-là leur donne le droit de se gouverner dans un cadre qui
est satisfaisant, dans un cadre où les lois des gouvernements
provinciaux et fédéral sont respectés. Quant au partage
des pouvoirs, brièvement, je citerai à nouveau M. Fortier, si
vous me le permettez. M. Fortier dit ceci: «Selon moi, l'entente
provisoire traduit, au chapitre du partage des pouvoirs, un réalisme et
une maturité politiques dont on ne peut présumer qu'ils
s'évanouiront le jour où l'encre de ces amendements
constitutionnels aura séché. Elle permet au Québec, au
titre d'ententes bilatérales ou multilatérales à
être négociées, d'exercer des responsabilités que
d'autres provinces préfèrent voir assumer par le
fédéral et elle annonce un cadre à l'exercice futur du
pouvoir fédéral de dépenser. Voilà un arrangement
qui traduit une vision de l'évolution de la Fédération
canadienne qui est compatible avec l'action de tous les gouverne- ments du
Québec depuis 30 ans et s'inscrit dans son sillage traditionnel.»
Fin de la citation.
M. le Président, je terminerai mon intervention en vous parlant
d'une rencontre que j'ai eue récemment avec un de mes amis qui est
indépendantiste. J'ai des amis indépendantistes - certainement
que l'Opposition a des amis qui sont fédéralistes, je n'en doute
pas, étant donné son ouverture d'esprit. J'ai un de mes amis qui
est indépendantiste et je discutais avec lui des offres. Il a pris le
soin de les regarder avec attention, il a pris de soin de les analyser, et il a
trouvé que ces offres étaient un progrès.
Évidemment, comme tous ceux qui favorisent l'indépendance du
Québec, il souhaiterait que ce progrès eût
été plus grand. Mais son point de vue est le suivant. Bien qu'il
souhaite, lui, l'indépendance du Québec, il comprend que c'est
à la population d'en décider et qu'il est possible que la
population ne veuille pas de l'option indépendantiste ni cette fois-ci
ni la prochaine fois, et qu'à son point de vue il vaut mieux obtenir
quelque chose que ne rien obtenir. Et il m'a dit: Oui aux offres, ça ne
veut pas dire non à l'indépendance, et d'obtenir un plancher plus
élevé que celui que nous avons est dans l'intérêt
des Québécois, et moi je continuerai à militer pour
l'indépendance du Québec par la suite, mais je pense que ce que
nous obtenons, nous l'obtenons, et il est bon que nous l'obtenions et nous
devons au moins garder ceci.
Il y a là une entente qui exige l'unanimité. On
connaît la difficulté, dans notre Constitution, d'obtenir
l'unanimité. C'est une difficulté qui est inhérente au
processus d'unanimité comme tel. On se rappellera que, la
dernière fois, au lac Meech, le problème avait été
non pas que les premiers ministres n'étaient pas d'accord, mais que le
délai pour l'acceptation, par les Assemblées législatives,
de l'entente des premiers ministres, à ce moment-là, avait
été d'une telle durée que trois élections
provinciales où les gouvernements avaient été
renversés avaient amené une reconsidération de cette
entente-là et l'avaient finalement fait échouer, du fait que
notre système, dans certains secteurs, exige l'unanimité. Nous
obtenons ce que nous désirons obtenir dans les secteurs où il y a
exigence d'unanimité. Dans les autres secteurs où nous
désirons obtenir davantage dans le futur, il sera possible de
négocier à 7-50, M. le Président, et non pas à
l'unanimité. Nous nous enlevons donc cette épée de
Damoclès, cette difficulté majeure d'obtenir l'unanimité,
et nous pourrons discuter dans le cadre évolutif de nouveaux pouvoirs,
de nouvelles répartitions, de nouvelles façons de fonctionner
pour le mieux-être des citoyens du Canada et du Québec. C'est sous
cette argumentation-là qu'il me réitérait que, lui, bien
que son option politique soit différente de la mienne sur le plan final,
il allait voter oui.
Alors, M. le Président, le chef de l'Opposition disait l'autre
jour que non aux offres ne
voulait pas dire oui à l'indépendance. Je lui annonce que,
dans ses rangs, dans les gens qui favorisent également
l'indépendance du Québec, il y a quelqu'un qui m'a dit: Oui aux
offres, ça ne veut pas dire nécessairement non à
l'indépendance. Prenons ça, rehaussons le plancher, gagnons ce
que nous pouvons gagner, et je continuerai, moi, ma lutte pour le
fédéralisme, et il continuera, lui, sa lutte pour
l'indépendance. Et ce sera à la population du Québec,
ultime-ment, encore une fois, un jour, de se prononcer à cet
égard. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre.
Sur le même sujet, je cède la parole à M. le
député de Rimouski.
Des voix: Bravo!
M. Michel Tremblay
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, il me fait
plaisir d'apporter ma voix à celles de mes collègues au sujet du
débat sur la question référendaire, une question fort
importante qui sera nécessairement décidée le 26 octobre
prochain par le peuple du Québec et du Canada. Nous devrons nous
prononcer sur l'accord constitutionnel du 28 août dernier. Cet accord,
à mon sens, répond aux aspirations du Québec dans sa
démarche de vouloir réintégrer la Constitution
canadienne.
Nous avons eu un négociateur formidable, en la personne de M.
Bourassa, qui est allé chercher les garanties nécessaires dont
nous avons besoin pour le développement de notre collectivité
québécoise et française. Nous avons, à
l'intérieur de cette entente, toutes les garanties nécessaires,
parce que nous protégeons la société distincte, telle que
définie dans l'entente du 28 août dernier. Et forts de l'appui
nécessairement de spécialistes en la matière, nous pouvons
dire maintenant que cette entente, au niveau de la société
distincte, nous garantit l'épanouissement et le développement de
notre communauté francophone, ici, au Québec et au Canada.
D'ailleurs, des spécialistes en la matière... Hier, nous avons
entendu le juge de Grand-pré nous dire, et je le cite dans son propos,
parce que c'est très important de le dire au sujet de la
société distincte... Le juge de Grand-pré, ex-juge de la
Cour suprême, disait ceci: «Elle affirme que nous constituons au
sein du Canada une société distincte et qu'est
enchâssé dans la Constitution le rôle que notre
législatif et notre exécutif doivent jouer pour protéger
et promouvoir cette société au point de vue de la langue, au
point de vue de la culture et au point de vue de notre droit traditionnel, le
droit civil.» Je cite de nouveau le juge de Grandpré: «Cet
apport est considérable. À toutes fins pratiques, il nous donne
les moyens de nous développer sans autres restrictions que celles
imposées à toute liberté par la vie à
l'intérieur d'une communauté.» Alors, le juge de
Grandpré vient confirmer le bien-fondé de la clause de la
société distincte, appuyé en cela, ce matin, dans le
journal, par le juge de la Cour supérieure du Québec, le juge
Deschênes, une sommité en la matière qui dit textuellement:
«Le Québec doit se réjouir du gain certain qu'il
réalise.» Voilà deux sommités consitutionnelles qui
viennent dire que la clause de la société distincte, elle est
vraiment protégée à l'intérieur de cette entente.
(12 h 10)
M. le Président, la question qui sera posée à nos
électeurs et tout particulièrement aux électeurs du
comté que je représente, celui de Rimouski, elle est simple. Vous
l'avez probablement tous entendue, mais je vais la répéter, parce
que c'est important, au point de vue pédagogique, de
répéter la question et en même temps de
répéter le bien-fondé de cette entente. La question est la
suivante: Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée
sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992? Sur la base. C'est
important d'avoir une base constitutionnelle. C'est important de bâtir le
pays sur des données, sur des ententes. Cette entente unanime, qui a
été conclue le 28 août dernier, à mon sens, est une
entente exceptionnelle, une entente qui va donner au peuple canadien et au
peuple québécois de continuer à se développer et
à avoir un standard de vie supérieur à tout ce qui peut se
passer dans ce monde présentement. Parce que le Canada est reconnu, pour
la qualité de vie, comme étant un peuple où... Le peuple
est développé d'une façon exceptionnelle, et nous sommes
en mesure de le démontrer parce que des spécialistes du monde
entier ont déjà dit et le redisent souvent que nous avons une
qualité de vie exceptionnelle au Canada et, forcément, au
Québec.
Un autre spécialiste en la matière,
l'ex-député et ministre, M. Paul Gérin-Lajoie, disait: La
Constitution n'a jamais empêché le Québec de se
développer. Voilà une autre personne qui vient dire que la
Constitution canadienne et, plus fortement avec la nouvelle entente, nous
aidera à nous développer comme peuple et comme
société québécoise.
Nous gagnons à tous les points de vue dans cette entente. Au
niveau de la représentation à la Chambre des communes, nous
sommes assurés d'avoir 25 % de représentation, et ce, j'allais
dire, pour l'éternité, mais pour toujours. Nous allons avoir
cette garantie de 25 % de représentation à la Chambre des
communes. C'est très important parce que ce sont des
Québécois qui vont aller défendre à Ottawa les
intérêts du Québec. Alors, ces
représentants-là, qui viendront de toutes nos régions du
Québec, seront à Ottawa pour protéger et défendre
les intérêts du Québec, et ce, il faut bien le
comprendre.
Quant au Sénat, le Sénat est remodelé. Il a un
pouvoir suspensif. C'est un pouvoir que j'ai
toujours désiré, moi, pour le Sénat, parce que je
pense que le Sénat doit revoir les lois qui sont
présentées par la Chambre des communes et avoir un pouvoir de
revoir ces lois-là si elles ne répondent pas aux aspirations du
Canada et du Québec. Quant à la Cour suprême, nous avons
cette garantie, un droit de veto constitutionnel, à l'effet que la Cour
suprême, il y aura toujours trois juges du Québec qui feront
partie des neuf juges de la Cour suprême. C'est très important
pour notre protection et, en même temps, pour avoir une
représentation significative à cette instance
gouvernementale.
Au niveau de la solidarité, également, du peuple
québécois et du peuple canadien, nous protégeons nos
minorités. Nos minorités au Québec, c'est très
important de les protéger et nous n'avons pas, à mon sens, nous,
comme Parti libéral, à avoir honte de pouvoir protéger ces
minorités dans un Québec, et nous le faisons à
l'intérieur de la Confédération canadienne.
Au sujet des autochtones, une entente historique. J'écoutais,
dans le passé, lors de la dernière crise d'Oka, le chef de
l'Opposition - j'espère qu'il regrette ses paroles - nous disant:
Foncez, rentrez dedans. C'est une belle façon de régler les
problèmes! Nous, nous avons une approche différente. Nous avons
une approche de pouvoir les intégrer à notre grande
communauté québécoise et canadienne de façon
à leur donner, à ces communautés autochtones, le pouvoir
de s'épanouir, de faire leurs lois et de se développer dans ce
Québec et, en même temps, dans ce Canada. Alors, au niveau des
autochtones, nous avons une protection suffisante et, en même temps, la
garantie qu'ils n'auront pas à empiéter sur les droits
inhérents, à savoir que ces droits inhérents là ne
leur donnent pas le droit d'avoir d'autres territoires, ce qu'on a pu appeler
la fameuse clause de la Baie James, à savoir que les territoires de la
Baie James seront protégés par l'entente constitutionnelle
présentement.
Alors, M. le Président, la question, je la répète,
de façon à ce qu'on puisse bien la comprendre: Acceptez-vous que
la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente
conclue du 28 août 1992? Dois-je vous dire, M. le Président, qu'il
me fera plaisir de voter pour cette entente et de la défendre, avec
toute l'énergie que j'ai, dans mon comté, de façon
à ce que la population du Québec et la population du comté
de Rimouski soient favorables à cette entente qui nous donne toute la
latitude voulue pour se développer comme société
québécoise et canadienne. Je vous remercie.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Rimouski. Sur le même sujet, à savoir la
motion suggérant la question référendaire du premier
ministre, je cède la parole à M. le député de
Laviolette. Vous avez droit à 20 minutes. Je vous indique tout de suite,
M. le député de Laviolette, qu'on m'a mentionné qu'il y a
une entente entre les partis pour que nous puissions dépasser l'heure,
de sorte que vous pouvez, à partir de maintenant, procéder
à votre intervention pour la période maximale de 20 minutes.
Allez-y.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est la
deuxième occasion que j'ai, comme député du comté
de Laviolette, depuis mon élection en 1976, de me prononcer, M. le
Président, sur une question référendaire. Je pourrais
faire l'histoire, en disant que la question de 1980 n'était
peut-être pas la plus limpide qui soit. Je pourrais dire que
celle-là, elle est claire, avec ce que l'on pourrait amener comme
discussion, à savoir si elle ne porte pas à
interprétation. Mon but ne sera pas cela, M. le Président. Vous
savez, on essaie de dire que le Parti québécois, dans le
débat, ne veut pas parler de souveraineté, et, en
conséquence, a peur de son option. Pour ceux qui me connaissent, et pour
répondre peut-être au député de Nelligan qui disait
qu'on était des dinosaures, en parlant de ceux qui y étaient
depuis 1976, il va s'apercevoir que je suis encore plus dinosaure qu'il
pensait, parce que moi, ce n'est pas depuis 1976 que je pense à
l'indépendance du Québec, à la possibilité que le
Québec devienne souverain. Dans les années soixante j'ai
été libéral, comme plusieurs parmi nous l'avons
été pour se débarrasser du régime de Duplessis, et
qui avaient cru au slogan de l'époque de M. Lesage: «Maîtres
chez nous». Mais on s'est aperçus, en cours de route, que le
chemin qui avait été parcouru par le Québec ne pouvait pas
se continuer avec le gouvernement en place. Il y avait eu en cours de route, on
s'en souvient, le gouvernement de M. Johnson, de l'Union Nationale, qui avait
parlé de 100, 100, 100, les impôts, les taxes et les
possibilités d'avoir les argents nécessaires. Donc, impôts
sur les entreprises, impôts sur les particuliers, et les successions. Et
on avait cru que c'était peut-être un autre pas en avant que le
Québec était en train de faire vers sa pleine
souveraineté, vers sa pleine capacité de se développer
elle-même, cette province de l'époque.
En 1962, j'avais commencé déjà à militer
pour des groupes qui croyaient qu'on devait aller plus loin, et j'ai
été membre du Rassemblement pour l'indépendance du
Québec, j'ai été membre du Mouvement
souveraineté-association et membre du Parti québécois.
Donc, je n'ai pas à me cacher aujourd'hui, j'ai toujours
été souverainiste, pour l'indépendance du Québec,
et l'ensemble des électeurs de mon comté le sait et me
réélit depuis 1976 en le sachant. Et comme plusieurs de ceux qui
sont vos propres électeurs, il y en a qui vous accrochent quelque part
en
disant: Jean-Pierre - et on pourrait dire... non, je ne dirais pas Yvon
Lemire, qui est le député de Saint-Maurice, mais certainement
qu'il se le fait dire aussi: Je suis tanné, je suis
écoeuré d'en entendre parler, mais il faut que je t'en parle,
parce qu'il y a un moment important qui est train de se préciser. Et
dans ce sens-là, M. le Président, je sais que le geste que nous
avons à poser aujourd'hui n'est pas celui que j'aurais
désiré. Celui que j'aurais désiré, ça aurait
été celui qui était prévu par la loi 150,
c'est-à-dire celui défini dans la loi 150, qui était un
référendum sur la souveraineté, indiquant que le
Québec devait récupérer tous ses droits au niveau de ses
impôts, au niveau de ses lois, et au niveau de ses traités
internationaux. Dans ce contexte-là, ce n'est pas de cela que je dois
parler aujourd'hui, puisqu'une loi est venue amender la loi 150, nous disant
que ça portait sur des offres qui avaient été faites le 28
août dernier à Charlottetown.
Ces offres, maintenant, doivent nous inciter à les expliquer.
C'est évident que les gens de l'autre côté vont les
expliquer à leur façon, et moi aussi, comme je les comprends, et
je vais essayer de convaincre les électeurs de mon comté et du
Québec que c'est dans ce sens-là qu'on doit y aller. Je ne vois
pas pourquoi je traiterais de démagogue la personne en face qui est
sincère dans ce qu'elle pense et qui le dit sincèrement, et je ne
vois pas, en contrepartie, pourquoi, moi, je me ferais traiter de
démagogue, alors que je crois sincèrement ce que je vais vous
dire, et que je comprends sincèrement, comme je vais vous le dire, les
textes qui sont devant nous. (12 h 20)
Dans ce contexte-là, je vais d'abord me référer, M.
le Président, au secteur qui me concerne, comme critique de
l'Opposition, comme porte-parole de l'Opposition, la forêt. Est-ce qu'en
vertu de l'article 30 de ces offres constitutionnelles, nous avons des
garanties qui nous permettent de penser que, dans le futur, tout est
terminé et tout va bien aller? Pas plus que ceux qui nous accusent de
dire: Vous faites rêver le monde, puis vous dites que tout va bien aller
après, si le monde décide de la souveraineté politique du
Québec, pas plus que ceux qui ont les offres devant eux ne peuvent nous
dire que tout va être beau le lendemain.
Dans les forêts, M. le Président, qui est un champ exclusif
du Québec, il ne faut pas non plus se leurrer, parce que la
reconnaissance dans le texte des offres de la compétence exclusive dans
les forêts, c'est un leurre que de dire que c'est nouveau, puisque
ça existe depuis 1867. Ça a toujours existé. Que le
fédéral, par ses moyens de dépenser, dans ses pouvoirs de
dépenser, appuyé dans certains cas par la Cour suprême, a
décidé d'avancer, d'empiéter, il n'y a personne qui va
dire que ce n'est pas arrivé. Oui, c'est arrivé. Même si
c'est les mines, les forêts, les affaires municipales, l'habitation,
l'éducation et autres, le gouvernement fédéral a toujours
essayé d'aller en chercher plus, parce que la vision canadienne, c'est
une vision de centralisateur et, comme le disait si bien le premier ministre,
dans certains cas, de dominateur.
Donc, dans les forêts, oui, le gouvernement fédéral
est venu empiéter. Les gouvernements du Québec successifs ont
essayé de se défendre. Je dois vous dire que, malheureusement,
c'est encore le cas. Le ministre, dans ses réponses qu'il donnait
à la question que je posais hier, me disait que non seulement ils l'ont
fait, mais ils le font encore. L'exemple typique est sur la question des
forêts modèles. Dans son propre comté, le ministre des
Forêts a accepté, tout en le disant, comme tous les gouvernements
antérieurs l'ont dit, en respect des juridictions du Québec. Mais
ce n'est pas vrai que ça se passe de même. Ce n'est pas vrai que
ça se passe de même. Et, dans ce contexte-la, on se retrouve avec
cet article 30, M. le Président, à nous dire: C'est votre champ
exclusif. Mais ce qu'on constitution-nalise dans le texte, c'est le droit du
fédéral de pouvoir intervenir. Ah, les gens disent non. Je
reprends juste un texte de M. Clark, quand il parle à ses
députés de son propre parti, pour les convaincre qu'ils n'en ont
pas trop donné au Québec. Au député de Don Valley
East, qu'est-ce que dit le ministre Clark? Le ministre des Affaires
constitutionnelles, Joe Clark, affirme que le gouvernement
fédéral continuera de jouer un certain rôle dans les six
domaines de compétence qu'il offre exclusivement aux provinces.
Imaginez-vous! il nous offre ce qu'on a. Dans l'entente de Charlottetown, dit
M. Clark, Ottawa propose de considérer comme une sphère de
compétence provinciale exclusive les forêts, les mines, le
tourisme, le logement, les loisirs et les affaires municipales et urbaines. Ce
ne sera pas tout à fait le cas, dit M. Clark. Certains secteurs,
continue-t-il, dans les six domaines, continueront de relever du gouvernement
fédéral. Et, dans ce contexte-là, M. le Président,
on dit: C'est parce qu'il voulait rassurer son collègue de Don Valley
East.
Alors, M. le Président, même le ministre du Québec
nous indique que, dans les forêts, à la question que je lui
posais, hier, au niveau de la recherche et du développement, il n'a pas
l'intention, a-t-il dit, d'empêcher le fédéral
d'intervenir. Il faut que je vous lise sa réponse, monsieur, à la
question que je lui posais, hier, à la période de questions:
«M. le Président, il ne faut pas nier au fédéral des
interventions dans le domaine de la recherche - et il ajoutait - en autant
qu'il respecte la juridiction du Québec.» Alors, ceux qui
pensaient qu'avec les offres fédérales actuelles, tout serait
terminé, bien, détrompez-vous. Vous vous trompez, parce qu'on
vous a dit des choses qui ne sont pas correctes. Nous avons, en vertu de
l'article 26, des ententes à conclure, lesquelles ententes seront
des
ententes de cinq ans.
Qu'est-ce que ça veut dire, au bout de la course, si on la
regarde comme il faut, cette entente de cinq ans? Ça veut dire que, dans
les forêts, après avoir négocié pendant x temps, on
arrive à conclure une entente de cinq ans. Et, au bout de cinq ans, le
gouvernement fédéral change, le gouvernement du Québec
change. Ils sont l'un et l'autre, l'un plus fort, l'autre plus dur; l'autre
plus mou, l'autre plus dur. Qu'est-ce qui arrive au bout de la course? On va se
retrouver avec un gouvernement fédéral qui va vouloir recontinuer
à investir le secteur du Québec, par les négociations,
bien entendu, et, dépendant du gouvernement qui sera plus faible ou plus
dur, ils pourront réussir ou ne pas réussir. Est-ce que c'est
marqué dans le texte que, au moment où ils vont, pendant
l'entente de cinq ans, se retirer, est-ce que ça indique que dans la
deuxième négociation ils vont avancer, reculer? Est-ce que c'est
dit explicitement dans le texte, M. le Président, que ça veut
dire que le gouvernement fédéral va se retirer continuellement,
puis qu'en fin de compte ça va tomber à zéro? Non, M. le
Président. On constitutionnalise ces décisions-là de
l'intervention du gouvernement fédéral par l'intermédiaire
d'ententes. Il y a une clause, dans cet article 26, où on indique
qu'elles doivent être selon des ententes bilingues. Est-ce que ça
se pourrait que, lors d'une entente, le gouvernement fédéral,
demandant qu'il y ait des services bilingues, puisse rompre les
négociations, traîner les négociations, faire en sorte que
finalement le Québec, à force d'usure, décide de
l'inscrire? Oui, M. le Président, c'est possible. Il n'y a rien qui nous
garantit que ça ne sera pas le fait et le cas.
Dans ce contexte-là, M. le Président, nous avons un
exemple typique, cette année. Le ministre des Forêts, parce qu'il
s'est drapé du drapeau québécois fleurdelisé, a
indiqué que, si le fédéral ne se retirait pas du champ de
juridiction du Québec, il refuserait de donner des plants à des
individus qui faisaient partie du Plan de l'Est. Qui a payé pour la
chicane entre les deux ministres? C'est que, pendant tant d'années,
pendant deux ans, il n'y a rien eu. Le Québec mettait de l'argent, mais
il ne le mettait pas comme il devait, où il devait, selon la demande des
gens, selon le Plan de l'Est qui était là. Finalement, qu'est-ce
qui est arrivé? C'est que les gens se sont fait pénaliser par le
ministre parce qu'il y avait une dispute entre les deux niveaux de
gouvernement.
M. le Président, dans ce contexte-là, on ne peut pas dire
que l'entente qui est devant nous est une entente qui permet aux
Québécois de respirer d'aise et de voir, après, si elle
était acceptée, cette entente - ces offres - qu'il n'y aurait pas
d'autres négociations et qu'on n'entrerait pas dans une panoplie de
négociations à différents niveaux. M. le Président,
même si, dans le secteur de la forêt comme dans d'autres, le
Québec veut se retirer d'un nouveau programme cofinancé à
100 %, il doit respecter les objectifs nationaux définis par Ottawa. Et
là, M. le Président, quand on regarde ça, on peut
difficilement accepter que le fédéral, comme on le connaît,
comme on le connaîtra dans le futur, n'aura pas tendance à
centraliser et à dominer l'ensemble du terrain actuellement
dévolu par cette offre au Québec.
M. le Président, dans un deuxième temps, dans les minutes
qu'il me reste, j'essaierai de réfléchir à ce que j'ai
entendu venant de libéraux, qui sont des gens sincères, puis qui
pensent, comme ils le disaient à certains, puis des gens me l'ont dit:
Écoutez, c'est mieux que rien, imaginez-vous, on aurait pu avoir pire.
C'est mieux que rien. Ça aurait pu être pire. Quand j'entends
ça, je prends mon vieux réflexe de négociateur syndical,
et là je me dis, M. le Président: C'est mieux que rien, ça
aurait pu être pire, ça sous-entend qu'on a lâché
tout. On a tout lâché.
Il y a une négociation qui est devant nous, et là le
député de ma région, le député de
Nicolet-Yamaska, avait commencé en disant: Écoutez, si on dit un
non, ça veut dire un oui. J'ai eu tendance, dans l'humour que j'ai,
à dire qu'il avait raison, parce que le non que nous allons dire et que
nous devons dire, pour moi ça signifiait tout simplement un oui au
Québec, un oui dans la continuité de ses demandes historiques.
Mais, pour ne pas mêler les gens, M. le Président, je me suis
retiré de cette fameuse phrase de 1980 avec laquelle on a essayé
de mêler tout le monde. Même la ministre, ce matin, le disait
encore dans ce sens-là. M. le Président, c'est vouloir essayer de
prendre les Québécois pour des gens qui sont d'une intelligence
médiocre, et ce n'est pas, M. le Président, ce que j'en crois.
Les Québécois et les Québécoises, c'est des
personnes qui sont d'une très grande intelligence et qui sont capables
de comprendre les données qui sont devant nous.
Si on dit non, M. le Président... Il y en a qui me disent: Bien,
si on dit non, là, c'est la fin de tout. M. le Président, voyons!
En 1990, quand, pour des raisons diverses, les autochtones, par
l'intermédiaire d'Elijah Harper, ou M. Wells ou d'autres personnes
venant de l'extérieur du Québec ont dit non au lac Meech, est-ce
que c'était la fin de tout? Pourquoi, dans leur cas, ce n'était
pas la fin de tout, hein? Pourquoi ça aurait pu être ça?
Pourquoi on n'a pas dit ça, dans le temps? Non, ce n'est pas la fin de
tout. Ils ont dit: Non, nous avons continué à renégocier
de leur part. Là, on est passé de ce qu'on appelle la ronde
Québec à la ronde Canada.
La ronde Québec par rapport à la ronde Canada. Qu'est-ce
qui est arrivé, M. le Président, dans ce contexte-là?
C'est qu'il y a eu, et c'était normal, il n'y a rien d'anormal dans
cela, M. le Président... Le Canada anglais s'est réuni, a
commencé à regarder ce qui pourrait être
fait. Là, ils ont pris au sérieux ce qui avait
été dit à l'époque, et ont dit: II faut
présenter quelque chose, mais selon notre vision. La vision qu'ils nous
ont présentée, c'est celle du Canada anglais. Là,
différentes hypothèses ont été mises sur la table,
rejetées par tout le monde au Québec, une après l'autre,
pour arriver à celle qui a été définitive, le 7
juillet dernier.
Le 7 juillet dernier, c'était clair, c'était
évident: le Canada avait décidé que c'était
à prendre ou à laisser. Le Québec, devant les pressions
qui lui étaient faites, a décidé d'embarquer dans cette
galère. Voilà le résultat que nous avons devant nous: des
reculs. Des reculs que les gens comprennent et qu'ils ont l'intention de
refuser. Dans ce sens-là, un non, c'est un non à ce qui est
devant nous. On ne doit pas culpabiliser les Québécois qui ont
l'intention de dire non en disant que la fin du monde arrive. Ce n'est pas
vrai, M. le Président. Non. C'est comme dans toute négociation.
Comme je l'ai vécu dans le temps, ce n'est pas parce qu'un chef syndical
avait négocié avec le patron une entente qui était
refusée par l'ensemble des représentants de sa sphère
d'activité que c'était un vote de confiance ou de non-confiance
envers l'individu. C'est quoi, ça, de vouloir dire que c'est un vote de
confiance envers la personne si on vote oui, et que c'est un vote de
non-confiance si on vote non? Ce n'est pas de même que ça marche.
Les gens disent: Vous avez été négocier? Ce n'est
malheureusement pas suffisant, allez chercher plus, et donnez le moyen au
Québec d'aller chercher plus. Si vous n'êtes pas capables de le
faire, laissez la place, laissez à d'autres le soin d'aller le
chercher.
Donc, dans ce contexte-là, si les gens nous disent:
Écoutez, comme progrès dans cette entente, nous allons avoir 25 %
garantis à la Chambre des communes, j'aimerais simplement leur rappeler
que, dans les années quatre-vingt, le caucus du Parti libéral
fédéral à Ottawa, pour le Québec... Savez-vous
combien ça représentait parmi les députés
fédéraux? 50 % des députés du Parti libéral,
en 1981-1982, venaient du Québec. Est-ce que ça a
empêché les gens de voter contre le Québec, malgré
la décision qui avait été prise ici, à
l'Assemblée nationale, par tous les députés sauf 9? Non,
M. le Président. Ce n'est pas parce qu'on nous garantit 25 % de
députés que ça va nécessairement être des
gens qui vont défendre la vision constitutionnelle de l'ensemble des
Québécois. Alors, il faut le dire maintenant, il faut le dire
aujourd'hui, que cette entente ne doit pas passer. Il faut dire que devant ces
reculs substantiels dans plusieurs secteurs clés, les offres
fédérales actuelles ne représentent qu'un statu quo
remodelé, ne garantissent en aucune façon et, même, mettent
en péril des droits exclusifs que nous possédons.
Une voix: C'est faux!
M. Jolivet: M. le Président, je n'ai jamais
dérangé personne pendant que j'étais ici. J'aimerais bien
qu'on me permette cette possibilité-là. Dans ce
contexte-là, M. le Président, il est évident que je vais
demander aux électeurs de mon comté et du Québec de
considérer les offres telles qu'elles sont devant nous, de
considérer que les offres qui sont devant nous ne sont pas, même
pas selon ce que disait le ministre du Tourisme hier, l'étalon de Meech
- puisqu'il prenait Meech comme étalon, en disant que c'était
Meech plus, Meech plus, Meech plus. C'est facile de dire ça, M. le
Président, mais quand on a à regarder les textes tels qu'ils
sont, sans avoir les garanties juridiques, en plus, de dire que ce document qui
est devant nous est acceptable, je dis non. Je ne peux pas, comme
député qui a toujours prôné - je ne m'en cache pas,
ce n'est pas pour moi la gale que de penser comme ça, je le crois, le
chemin du Québec n'est pas terminé - que la souveraineté
était un moyen de permettre au Québec de se développer
dans toutes ses sphères d'activité, sans entraves, avec, bien
entendu, l'accord, au niveau d'abord des Québécois, de cette
décision-là, mais aussi de l'ensemble des gens qui sont dans les
autres provinces, qui forment actuellement le Canada anglais, de pouvoir
permettre aux Québécois de décider, au
référendum qui s'en vient, que les offres Mul-roney-Bourassa,
c'est non.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. Alors, cette
dernière intervention met fin à nos travaux pour ce matin,
travaux que je suspends jusqu'à 14 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 14 h 10)
Le Président: Mmes, MM. les députés, nous
allons nous recueillir quelques instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes
Nous allons procéder aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions.
Dépôt de pétitions.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Nous allons maintenant procéder à la période des
questions et réponses orales. Je suis prêt à
reconnaître une première question principale. M. le
député de Lac-Saint-Jean, en question principale.
Questions et réponses orales
Limitation du pouvoir fédérai de
dépenser dans tous les secteurs de compétence exclusive du
Québec
M. Brassard: M. le Président, l'utilisation
généralisée du pouvoir de dépenser du gouvernement
fédérai a, comme on le sait, perverti et bouleversé le
partage des compétences entre Québec et Ottawa puisque le
gouvernement fédéral, au mépris des compétences
exclusives du Québec, s'est ingéré, s'ingère
encore, par le biais de ce pouvoir de dépenser, dans à peu
près tous les secteurs de compétence exclusive des provinces,
engendrant ainsi chevauchements et dédoublements administratifs
extrêmement coûteux et inefficaces, un véritable fouillis,
ce qui faisait d'ailleurs dire au premier ministre que le fardeau fiscal des
contribuables étant déjà tellement élevé,
que la seule façon de trouver de l'argent, c'était de
réduire les dédoublements et les chevauchements.
Le contrôle du pouvoir de dépenser a toujours
constitué une revendication constitutionnelle centrale du Québec,
de façon à respecter les compétences exclusives du
Québec et à permettre ce qu'on appelait il n'y a pas si longtemps
un fédéralisme efficace. À quoi ça sert de
répartir clairement les compétences si le fédéral
peut initier des politiques et des programmes et dépenser de l'argent
dans des domaines de juridiction et de compétence exclusives du
Québec?
Ma question au premier ministre, M. le Président: Est-ce qu'il
est exact, est-ce qu'il est vrai, comme l'ont rapporté les
médias, que le premier ministre, document à l'appui - document
qu'on n'a jamais vu, qui n'a jamais été déposé - a
tenté, lors de la conférence des premiers ministres, de
convaincre ses homologues du Canada anglais d'accepter que le pouvoir
fédéral de dépenser soit aboli pour tous les programmes
fédéraux existants, cofinancés ou financés à
100 % par Ottawa, dans tous les secteurs de compétence exclusive du
Québec, y inclus, bien sûr, la santé et
l'éducation?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je comprends très
bien que, cet après-midi, le député de Lac-Saint-Jean me
pose des questions sur le pouvoir de dépenser. Après la
déclaration du juge Deschênes sur la société
distincte, ça m'aurait étonné qu'il me pose des questions
sur les pouvoirs qu'accorde cette clause, sur les pouvoirs à
l'Assemblée nationale du Québec. C'est vrai, il y a M. Brun, mais
on connaît le respect du député de Lac-Saint-Jean et du
chef de l'Opposition pour la haute magistrature. La réputation du juge
Deschênes est non seulement nationale, mais internationale. Alors, je
comprends très bien que, cet après-midi, on ait
décidé de ne pas poser de questions sur la portée de la
société distincte.
Pour ce qui a trait au pouvoir de dépenser, M. le
Président, le député de Lac-Saint-Jean reprend un peu...
J'ai déjà répondu, à Radio-Canada, à M.
Derome et à M. Lépine, dimanche soir, a cette question-là.
C'est vrai qu'on a discuté de l'encadrement du pouvoir de
dépenser. D'abord, il ne faut pas oublier que, dans l'accord du lac
Meech, on a cet encadrement pour les programmes cofinancés. Ça,
c'est obtenu, c'est un gain. Le député de Lac-Saint-Jean
était probablement distrait, hier, quand j'en ai parlé. Donc, il
y a quand même un gain là qui est le premier, un des premiers,
très important. Pour les autres programmes auxquels se
réfère le député de Lac-Saint-Jean, on a, de fait,
discuté de cette question-là, mais il y a des problèmes
pratiques. On peut invoquer la Constitution de 1867, mais on est en 1992. Les
activités du gouvernement en 1867 n'étaient pas celles qu'on a
aujourd'hui. On voyait aux routes, aux bureaux de poste, des choses comme
ça, alors qu'aujourd'hui les activités sont multiples. Le
gouvernement fédéral, par ses porte-parole, tout en étant
prêt à discuter - bon, il y a des engagements pour discuter de cet
encadrement - soulignait des problèmes pratiques qu'il pouvait y avoir;
des situations d'urgence qui forçaient - je termine, M. le
Président - le gouvernement fédéral à intervenir
rapidement en vertu de son pouvoir et que, s'il devait attendre la signature
avec des provinces, ça pouvait le placer, dans certains cas, dans des
situations difficiles pour assumer ses responsabilités.
Donc, nous avons obtenu déjà des résultats pour les
programmes cofinancés. Nous avons obtenu un engagement constitutionnel,
de manière à établir cet encadrement. Le
député de Lac-Saint-Jean en est conscient. Je crois que, pour
cette question, c'est un résultat dans l'immédiat qui est quand
même acceptable, même si on aurait souhaité avoir des
résultats plus concrets dans une première étape.
Le Président: En question complémentaire.
M. Brassard: M. le Président, ma question était la
suivante, et j'aimerais avoir une réponse précise: Est-ce que le
premier ministre reconnaît qu'il a essayé, qu'il s'est
efforcé, mais sans succès d'obtenir un véritable
contrôle du pouvoir de dépenser sur l'ensemble des programmes et
interventions d'Ottawa dans les secteurs de compétence exclusive, et que
ses homologues l'ont - permettez-moi l'expression, M. le Président -
littéralement envoyé paître en s'enga-geant tout au plus
à en discuter à un moment donné? J'aimerais vous entendre
dire au moins que vous avez essayé, et ce serait tout à votre
honneur que vous ayez essayé, sans succès cependant. Est-il exact
que vous aviez, à cet effet, distribué à tout le monde
autour de la
table un document où l'on retrouvait les exigences du
gouvernement du Québec en matière de contrôle du pouvoir de
dépenser?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le député de
Lac-Saint-Jean pratique avec énormément de talent la
stérilité volubile.
Des voix: Oh! Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Je lui ai répondu tantôt. Je lui ai
répondu tantôt, M. le Président, que nous avions obtenu,
avec l'accord du lac Meech, des résultats concrets. Ce que nous avons
obtenu est incomparablement supérieur à ce que vous avez
essayé d'obtenir. Ça a été nul dans votre cas.
Nul!
Une voix: Zéro.
M. Bourassa: Zéro, complètement. Un zéro
absolu.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Bourassa: Alors, je dis au député de
Lac-Saint-Jean... C'est vrai que je l'ai dit à la
télévision, dimanche soir; je l'ai dit avant, dans les
conférences de presse quotidiennes qu'on donnait à la suite des
séances de négociation, quand on faisait rapport des discussions
de la journée. J'ai répondu à ce moment-là et j'ai
donné les raisons. C'est absolument faux de dire qu'ils n'étaient
pas prêts à en discuter. On reconnaissait que le système,
au fil des ans, au fil des décennies, avait dévié des
objectifs de la Constitution de 1867, mais il y a tout le problème du
désengagement après un siècle et quart. Il faut quand
même vivre dans la réalité; il ne faut pas appliquer
à cette question-là une logique extraterrestre.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Brassard: M. le Président, le premier ministre, lui,
pratique ce qu'on appelle l'esquive latérale.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Brassard: Et pourrait-il reconnaître que le zéro
dont il parle, ça s'applique au rapatriement de compétences
exclusives nouvelles?
Une voix: Oui.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Brassard: Zéro. Zéro.
Est-ce qu'il est prêt à reconnaître que, pour ce
qu'il a obtenu en matière de limitation du pouvoir fédéral
de dépenser, c'est bien peu de chose, parce que, d'une part, ça
s'applique uniquement aux nouveaux programmes; deuxièmement, il faut
qu'ils soient cofinancés - donc, les programmes financés à
100 % par le fédéral ne sont pas touchés - et,
troisièmement, la compensation financière, pour l'obtenir, il
faut appliquer ici des programmes respectant scrupuleusement les objectifs
fixés par le gouvernement fédéral? Est-ce qu'il
reconnaît que, finalement, ce qu'il a obtenu en matière de
limitation du pouvoir de dépenser, c'est vraiment pour l'avenir et, de
façon très restrictive, pour des nouveaux programmes
cofinancés seulement? Pour tout ce qui existe, est-ce qu'il
reconnaît que le fédéral, au cours des 125 dernières
années, s'est ingéré dans à peu près tous
les domaines de compétence exclusive du Québec et que, pour tout
cela, il n'y a rien de prévu dans l'entente qu'il a signée, que
le fédéral va continuer d'être présent partout dans
des domaines qui, pourtant, relèvent du Québec? (14 h 20)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je reconnais, même si
on aurait souhaité plus, qu'on a obtenu les gains les plus importants
depuis 125 ans. Le député de Lac-Saint-Jean s'en prend à
des objectifs nationaux. Son parti, comme il le sait, propose une union
économique au Canada, très intégrée. On pourra
parler, à un moment donné, des liens politiques, mais elle est
très intégrée, puisqu'elle implique l'union
monétaire. Je ne sais pas si le député de Lac-Saint-Jean a
le temps de suivre les débats actuellement en Europe et en France,
notamment sur les accords de Maastricht, sur la ratification des accords de
Maastricht. Je ne sais pas dans quel camp, s'il était en France, s'il
avait à voter, de quel côté il voterait, pour le oui ou
pour le non.
Des voix: II est toujours contre! Une voix: Avec Le
Pen.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Si
vous voulez poursuivre, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je dis, M. le Président, que, quand on parle
de marché commun canadien comme on le fait de l'autre côté
ou ici, ça suppose certains objectifs qui sont liés à la
gérance du territoire canadien. C'est ça que le
député de Lac-Saint-Jean ne semble pas comprendre, c'est qu'il
nous faut tenir compte de la réalité d'interdépendance
économique qui est croissante. C'est pour ça qu'on a
accepté, qu'on reconnaît la compétence exclusive du
Québec dans plusieurs secteurs. Et, avec la plus grande priorité,
la priorité des priorités, dès les prochains jours, il
pourra y avoir des rencontres.
On ne peut pas conclure les ententes avant le référendum,
mais on peut établir certains paramètres pour ces ententes - la
ministre des Affaires culturelles y référait - de manière
à pouvoir signer ces ententes le plus rapidement possible. C'est en
termes de mois, c'est évident. On reconnaît la compétence
exclusive, mais on admet de notre côté qu'il faut tenir compte de
la géographie. Je cite encore Napoléon: «Chaque
société doit avoir la politique de sa géographie».
Alors, la géographie du Québec, c'est d'être situé
au centre d'un marché commun et de devoir respecter...
M. Chevrette: Waterloo!
M. Bourassa: M. le Président...
M. Chevrette: Vous allez avoir votre Waterloo!
Le Président: S'il vous plaît!
M. Bourassa: Ça fait longtemps que vous le souhaitez.
Ça fait longtemps que vous le souhaitez; vous êtes toujours
déçu.
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre, s'il
vous plaît. S'il vous plaît!
M. Bourassa: M. le Président, je dis au
député de Lac-Saint-Jean que nous sommes, à cet
égard, réalistes et que nous défendons les
intérêts du Québec, à l'aube de l'an 2000, dans un
contexte où il faut associer la défense de l'identité
québécoise, la promotion de son économie avec le respect
d'objectifs liés à un territoire canadien ou à un pays
comme le Canada, et associer les intérêts et du Québec et
du fonctionnement du marché commun canadien.
Le Président: Alors, pour une autre question
complémentaire.
M. Brassard: M. le Président, le premier ministre
reconnaît-il que les Européens vont pouvoir se prononcer sur des
textes juridiques, ce qu'on ne pourra pas faire encore ici, au Québec?
Et peut-il reconnaître que, s'il voulait proposer aux
Québécois un traité semblable à celui de
Maastricht, quant à moi, il me le demanderait et je répondrais
oui?
Des voix: Ah!
M. Brassard: Oui.
Une voix: Oui?
M. Brassard: Oui. Faites-le, par exemple.
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! M. le député, pour votre question, s'il
vous plaît!
M. Brassard: Mais, quand on regarde son brouillon, on est loin de
Maastricht!
Le Président: Alors, votre question, s'il vous
plaît?
M. Brassard: Le premier ministre reconnaît-il que le
fouillis qui a été dénoncé par tout le monde
à la commission Bélanger-Campeau, y compris et surtout par les
entrepreneurs - je pense à la chambre de commerce, à
l'Association des manufacturiers - le fouillis des chevauchements, des
dédoublements extrêmement coûteux, entraînant un
gaspillage d'énergie, de temps, d'argent et un alourdissement du fardeau
fiscal des contribuables, est généré, d'abord et avant
tout, par l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser?
Reconnaît-il que, dans l'entente qu'il a conclue, rien n'est prévu
pour mettre un terme à ce fouillis, pour mettre un terme à ce
gaspillage d'énergie et d'argent?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je vais essayer d'être concis, parce que, dans
quelques minutes, je dois précisément rencontrer le
président de l'Assemblée nationale française, M.
Emmanuelli. Probablement que nous discuterons du sujet que nous venons
d'aborder ensemble.
Une voix: Bonne chance s'il veut avoir des réponses!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: M. le Président, je dis au
député de Lac-Saint-Jean que ce qu'il admet et ce qu'il appuie,
c'est le principe de subsidiarité, un concept nouveau pour un monde
nouveau, je l'ai dit. C'est exactement ce que les ententes, la dizaine
d'ententes qu'on va discuter avec le gouvernement fédéral,
visent. C'est d'accorder au niveau de gouvernement le plus efficace pour
l'application des politiques... Dans certains cas, c'est au niveau canadien, en
tenant compte du territoire canadien, et, dans d'autres cas, c'est au niveau
québécois, parce que c'est une compétence exclusive.
Alors, je ne sais pas s'il réalise que, finalement, on est plus
proches l'un de l'autre qu'il ne le pense. Non, mais, je crois, M. le
Président, que nous aurons l'occasion de démontrer - il se
réfère aux textes juridiques - qu'il y a quand même une
bonne partie des ententes qui sont sous forme de textes juridiques. La clause
Canada, c'est sous forme de texte juridique. Vous avez eu l'occasion de vous
prononcer. Finalement, vous êtes en période de réflexion si
vous
devez vous rallier à la position du gouvernement. Mais, je veux
dire... Je crois, M. le Président, que le député de
Lac-Saint-Jean se trompe lorsqu'il accuse le gouvernement de ne pas
défendre les intérêts en voulant respecter les juridictions
du Québec. Mais je lui réponds, comme je le lui ai dit
tantôt, que ceci doit se faire dans un contexte réaliste. Et
j'espère bien qu'au cours des prochains jours nous pourrons offrir
encore à l'Opposition des textes juridiques - nous allons en recevoir
d'ici quelques jours - et que nous pourrons poursuivre le débat comme
nous le faisons cet après-midi, avec ouverture et avec transparence.
Le Président: Alors, question principale, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Exclusivité en matière de santé
et de services sociaux
M. Trudel: M. le Président, dès 1920, Alexandre
Taschereau dénonçait l'ingérence du gouvernement
fédéral en matière de santé. En 1946, c'est Maurice
Duplessis qui, à son tour, réclamait fermement que le secteur de
la santé soit du ressort exclusif des provinces. En 1965, c'est Jean
Lesage qui réclamait l'exclusivité en matière de
santé et de services sociaux. En 1966-1967, Daniel Johnson, premier
ministre, à une conférence des ministres des Finances,
réclamait également l'exclusivité en matière de
santé et de services sociaux. En 1970, Claude Castonguay, qui va
témoigner dans quelques instants à la commission sur les offres,
déclarait, à la conférence
fédérale-provinciale des ministres de la Santé:
L'organisation et la distribution des soins et des services sociaux et
sanitaires se situent clairement dans le champ de compétence exclusive
des provinces. Même, en novembre 1979, le premier ministre d'alors, M.
Bourassa, réclamait l'exclusivité en matière de services
de santé et de services sociaux. En 1979 et en 1971, à Victoria,
également. Finalement, c'est le rapport Allaire qui demandait
l'exclusivité de la responsabilité québécoise en
matière de santé. (14 h 30)
Ma question au ministre de la Santé et des Services sociaux est
extrêmement simple: Le ministre peut-il nous dire si le Québec a
formellement réclamé l'exclusivité en matière de
santé et de services sociaux, à la dernière
conférence des premiers ministres? Et, quant aux résultats que
nous en avons obtenus, est-ce que le Québec a formellement
demandé l'entière responsabilité, l'exclusivité en
matière de santé?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, il
est heureux que le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue
fasse allusion à tous ces grands hommes de l'histoire qui se sont
succédé dans ces responsabilités et qui ont sans cesse
réclamé, dans une trajectoire qui ne s'est jamais
démentie, des pouvoirs ou la clarté des pouvoirs dans le domaine
de la santé et des services sociaux pour le Québec. Le rapport
Allaire n'est pas différent en ce sens-là; il l'a lui-même
évoqué et j'ai, quant à moi, supporté le rapport
Allaire. M. le Président, je l'ai fait et je vais continuer de le faire.
Une chose est certaine, nous avons aujourd'hui une très large partie du
rapport Allaire qui deviendra const it utionnalisée et qui est un pas
très important dans la bonne direction. Il faut continuer
d'évoluer. En ce sens-là...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Côté (Charlesbourg): J'en espère tout
autant de vous, MM. de l'Opposition. Nous avons donc fait ce que nous avions
à faire au niveau de la table et nous sommes dans une situation
où, effectivement, et on l'a dit, le premier ministre l'a
répété, je l'ai dit moi-même, nous n'avons pas
obtenu tout ce que nous souhaitions obtenir. Mais une chose est certaine, c'est
que, pour nous, ce n'est pas la fin du Québec ni la fin du Canada demain
matin, c'est le début d'une nouvelle étape où on
règle des problèmes du passé et on continue de travailler
dans l'avenir. Si vous n'avez pas foi dans l'avenir, dites-le. Quant à
nous, on a foi dans l'avenir et on va continuer de travailler dans le sens
souhaité par les militants libéraux et par les
Québécois.
Le Président: En question complémentaire.
M. Trudel: Mais là, M. le Président, la question
était beaucoup plus simple que la réponse et les entourloupettes
qu'on a eues comme réponse. Le ministre de la Santé et des
Services sociaux du Québec peut-il nous assurer que le Québec a
formellement réclamé l'exclusivité de la
responsabilité en matière de santé à la
Conférence des premiers ministres?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, si
j'ai pris plus de temps à répondre, c'est que j'ai répondu
d'abord au préambule. Je vais répondre à la question,
maintenant, qui était beaucoup plus courte. Non, nous n'avons pas
demandé l'exclusivité...
Des voix: Ah!
M. Côté (Charlesbourg): ...et je vais vous dire
pourquoi. Ce n'est pas différent de ce que j'ai dit en Chambre. Je ne
suis pas intéressé, quant à moi, à avoir comme
pouvoirs au Québec les brevets sur les médicaments. Si ça
vous intéresse, moi, ça ne m'intéresse pas et je pense que
ça doit continuer d'être de responsabilité, à
ce moment-la, fédérale. Alors, a votre réponse,
non, nous n'avons pas réclamé l'exclusivité totale des
pouvoirs de santé et de services sociaux.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Trudel: Comment le ministre peut-il affirmer qu'il a
respecté le propre rapport Allaire en disant qu'ils n'ont même pas
réclamé l'exclusivité en matière de
santé?
Deuxièmement, quand le ministre de la Santé et des
Services sociaux entend-il retourner à la table de négociation
pour réclamer que l'argent du gouvernement fédéral qui est
dépensé en matière de santé au Québec soit
possiblement retourné au Québec ou, enfin, réussir, lui,
là où le premier ministre a clairement échoué?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): m. le président, il
reste effectivement du travail à faire, on va continuer de le faire. et
ne prenons qu'un seul exemple, qui est d'actualité, oui. vous vous
imaginez, vous autres, qu'avec l'indépendance du québec que vous
prônez il n'y aura pas de travail de négociation à faire
après! vous sortez d'où, là? d'où sortez-vous,
là?
Une voix: Des boules à mites!
M. Côté (Charlesbourg): D'où sortez-vous? M.
le Président, oui, il reste du travail à faire, et c'est
très honnête de le dire aux citoyens puis aux citoyennes du
Québec. Ça, c'est un principe de base que nous avons.
Au-delà de tout cela, prenons un programme en particulier, celui de la
jeunesse, qui a été dévoilé par le gouvernement
fédéral, Grandir ensemble. À l'intérieur de cela,
il y a de l'argent qui est dépensé dans des champs qui sont de
responsabilité fédérale et il y a de l'argent qui est mis
de côté, que nous devons négocier. Nous aurons, pour votre
plaisir et ma satisfaction aussi, une rencontre avec le gouvernement
fédéral, mon homologue, M. Benoît Bouchard, le 22 septembre
prochain, pour aborder le dossier de Grandir ensemble sur exactement l'esprit
qui a été négocié à la table avec les
premiers ministres, d'éviter effectivement des chevauchements, des
dédoublements au profit des citoyens et citoyennes du Québec, et
dans ce cas-là en particulier, la jeunesse.
Le Président: Pour une autre question
complémentaire.
M. Trudel: Est-ce que le ministre de la Santé et des
Services sociaux n'estime pas qu'on avait un peu plus de chances de
réussir d'égal à égal que 1 contre 16 dans ce type
de négociations?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
ça me fait toujours un peu rire, pour quelqu'un qui avait fait le choix,
à un certain moment donné, d'être un digne
représentant du Québec à Ottawa...
Des voix:...
M. Côté (Charlesbourg): ...il a fini par comprendre.
Alors, je remarque que ses collègues de banquette...
Le Président: Un instant. Oui, M. le ministre, un instant.
S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Je reconnais le ministre de la Santé et
des Services sociaux. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
j'entendais une remarque, que vous avez certainement entendue, du
député qui parlait du vice-président de l'Assemblée
qui a déjà été candidat du NPD dans
Montréal, mais, lui, il est toujours à l'intérieur du
Canada, il ne veut pas être à l'extérieur du Canada.
M. le Président, nous allons continuer de travailler et d'oeuvrer
à l'intérieur de la structure actuelle et nous allons revendiquer
pour les Québécoises et les Québécois ce que nous
continuons de revendiquer. Ça ne me fait pas peur, moi, si ça
vous fait peur, des normes nationales, en autant que l'argent suive. Et
ça ne me fait pas peur non plus, des programmes cofinancés, parce
qu'ils sont exactement dans l'esprit de Meech et dans l'esprit de l'entente que
nous avons négociée, qui a été brillamment
négociée et qui sera au profit du Québec.
Le Président: En question principale, M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
Compétence du Québec en matière
de communications
M. Bourdon: M. le Président, le ministre des
Communications rêve toujours de négocier avec Ottawa pour obtenir
enfin des pouvoirs en matière de radio, de télévision et
de télécommunications. L'article 37 de la proposition de
Charlottetown prévoit maigrement que le fédéral devrait
négocier avec les provinces afin d'harmoniser et de coordonner les
organismes de réglementation en communications. À l'automne 1991,
il faut se rappeler que le ministre a soumis au bureau du premier ministre une
audacieuse politique de récupération de pouvoirs en radio et en
télévision. Ce projet de politique n'est jamais revenu du bureau
du premier ministre. Alors, ma question précise au ministre: Le ministre
peut-il nous indiquer quand il va être enfin autorisé à
faire connaître ses revendications en matière de
communications?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. Cannon: Merci, M. le Président. Calmement et allant au
fond des choses, je crois qu'il est important de noter un progrès, mais
un progrès substantiel et réel en ce qui concerne le dossier des
télécommunications. Le fait, M. le Président, que les
acteurs politiques ou les dirigeants politiques de ce pays, incluant les
autorités du gouvernement fédéral - et le
député sait très bien le contentieux qui a existé
depuis de nombreuses années quant à la légitimité
des institutions et des organismes de régulation sur le territoire
québécois - le fait, M. le Président, que, dans cet accord
politique, aujourd'hui, on dise qu'il y a harmonisation entre les organismes de
régulation signifie très clairement que l'on reconnaît au
Québec la légitimité de tarifer et d'agir sur son
territoire, ce que nous n'avions jamais eu auparavant. Ça, c'est la
première constatation, M. le Président, et ça, c'est un
progrès réel, il faut le noter.
L'autre élément, c'est que, dans ce dossier-là
comme dans plusieurs autres dossiers, nous allons négocier, et c'est
exactement...
Des voix:...
M. Cannon: M. le Président, je vois le
député de Labelle qui...
Le Président: Un instant! Un instant, s'il vous
plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! En
conclusion, M. le ministre.
M. Cannon: Oui. M. le Président, très
brièvement, en conclusion, je vois le député de Labelle et
le député de Joliette qui trouvent ça bien drôle que
nous devions négocier, mais ils sont en train de renier exactement les
propos de leur chef, au moment de la déclaration de l'ouverture de
Bélanger-Campeau où, effectivement, le chef de l'Opposition a
déclaré que, parmi les éléments qui devaient
être négociés avec le gouvernement fédéral,
il y avait le secteur des communications. Mais on devance maintenant le chef de
l'Opposition, on commence à négocier.
Le Président: En question complémentaire.
M. Bourdon: M. le Président, le ministre peut-il nous
expliquer comment, dans le monde, il compte obtenir des pouvoirs quand il n'a
même pas encore été autorisé à les
demander?
Le Président: M. le ministre.
Des voix: Ha, ha, ha! (14 h 40)
M. Cannon: M. le Président, si on peut être
sérieux pour quelques minutes et faire en sorte que l'outrance ou
l'overdose de l'outrance verbale à laquelle on a été
habitués de la part du député de Pointe-aux-Trembles
cesse, moi, je parle d'ententes administratives qui vont permettre aux
entreprises québécoises de continuer à rayonner, non
seulement sur le territoire québécois mais sur l'ensemble du
territoire canadien et sur le territoire mondial. Il le sait, le
député, comme moi, qu'au Québec on compte 3900 entreprises
dans le secteur des télécommunications et des communications, que
ça crée 93 000 emplois et que ça totalise des revenus de
10 200 000 000 $. Ce n'est pas une petite industrie. Ce qui est important,
c'est de faire en sorte que nous puissions harmoniser notre procédure de
réglementation avec celle qui est en vigueur non seulement au Canada
mais partout sur le continent. Nous vivons dans un monde hautement
compétitif et concurrentiel, et nous devons donner un avantage à
nos entreprises pour qu'elles puissent rayonner.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Bourdon: M. le Président, le ministre convient-il que
son gouvernement n'a absolument rien obtenu en matière de communications
pour la bonne et simple raison qu'il n'a rien demandé?
Le Président: M. le ministre.
M. Cannon: Ça me fait rire un peu, M. le Président,
puisque je voyais une déclaration qui a été livrée
dans le quotidien Le Devoir du 2 février 1985. Je cite:
«Masse et Bertrand - vous vous rappelez, Jean-François Bertrand,
l'ancien ministre des Communications - signent une entente de 40 000 000 $ pour
développer l'industrie des communications au Québec. C'est la
première fois, disait-on, dans l'histoire des relations
Québec-Canada qu'une entente est signée dans le secteur des
communications. L'accord découle d'une entente-cadre»... Plus
loin, M. Jean-François Bertrand disait, en citant l'accord signé
avec M. Masse: «Même si nous sommes loin d'avoir
renégocié tout le contentieux dans le domaine des communications,
nous sommes sur la bonne voie.»
C'est donc clair, M. le Président, que ce que disait mon
prédécesseur, ce que disait Jean-François Bertrand alors
qu'il était membre de votre gouvernement, lorsque vous étiez au
pouvoir, c'était qu'il fallait trouver des ententes administratives et
il fallait les négocier. Nous continuons exactement dans la même
voie. Ce que nous avons obtenu, je le répète, c'est la
reconnaissance, la légitimité de la Régie
québécoise des télécommunications. Le
député sait très bien que c'est hautement important, cette
chose-
là, compte tenu des causes qui sont déjà devant les
tribunaux.
Le Président: Pour une question complémentaire, M.
le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre ne
croit pas que c'est la conjoncture actuelle qui lui donnait le meilleur rapport
de force pour négocier des ententes? Un coup signées, quel
rapport de force lui reste-t-il? S'il n'a pas été capable, au
moment crucial où on voulait que le Québec
réintègre la Constitution canadienne, d'obtenir quelque chose,
comment va-t-il pouvoir obtenir quelque chose au moment où on aura
abdiqué devant tout?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. Cannon: C'est absolument bizarre, M. le Président,
d'entendre la question du leader de l'Opposition, lui qui parle de rapport de
force, et qui, dans un Québec souverain, dans un Québec
indépendant, selon son chef, irait négocier des ententes dans le
secteur des communications et dans le transport. Pensez-vous pour une seconde,
comme disait mon collègue, le député de Charles-bourg, que
lorsque vous aurez giflé le Canada vous allez vous asseoir à la
table et que, dans le meilleur intérêt des
Québécois, vous allez chercher la meilleure négociation?
Voyons! vous ne savez pas de quoi vous parlez.
Des voix: Bravo!
Le Président: S'il vous plaît, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! En question principale,
M. le député de Lévis.
Impacts de la fusion entre Canadien et Air
Canada
M. Garon: M. le Président, nous apprenions ce matin la
fusion entre Canadien et Air Canada. Cette fusion accélérera le
mouvement de transfert des activités du transport aérien vers
Toronto. On se rappellera qu'en 1988 Air Canada a déplacé toutes
les opérations de formation des pilotes à Toronto, à
l'exception de ceux des DC-9, et en juin 1991 Air Canada a
déménagé de Montréal à Toronto une vingtaine
d'employés, dont 12 postes de direction reliés aux
opérations de cette société. À l'heure de la
mondialisation et du libre-échange avec les États-Unis et le
Mexique, dans un lien Nord-Sud, nous assistons à la formation d'un
monopole Est-Ouest dans le transport aérien au Canada et à la
disparition de la concurrence. Le fédéral célèbre
le mariage de l'Est du Canada avec l'Ouest, mais le couple ira vivre à
Toronto.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Garon: La réalité, c'est ça, M. le
Président. Au ministre des Transports, illustre
fédéraliste qui a la foi du charbonnier: Quels sont les impacts,
s'il a fait des études, de cette fusion sur le transport aérien
au Québec et quelles garanties le ministre a-t-il obtenues du
fédéral sur le maintien des emplois et du siège social
d'Air Canada au Québec, après avoir transféré le
siège social des compagnies de chemins de fer et les ateliers de
réparation dans l'Ouest du Canada? Et, sur les 50 000 emplois
découlant de l'industrie aérienne à Montréal,
combien vont disparaître, M. le Président, selon les
appréhensions du ministre des Transports?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Elkas: M. le Président, j'écoute le
député de Lévis puis je comprends sa frustration dans ce
mariage entre l'Est et l'Ouest du Canada, ce qui démontre clairement que
son option, c'est seulement...
Une voix: C'est ça.
M. Elkas: ...Quebecair. Quebecair, qui a coûté aux
Québécois 16 000 000 $ à 20 000 000 $ par année de
déficit. C'est l'option du député de Lévis.
Une voix: C'est ça.
M. Elkas: Vous faites un procès...
Une voix: D'intention.
M. Elkas: ...d'intention. Vous n'avez aucune preuve à
savoir ce qui va à Toronto ou ce qui va dans l'Ouest. Je vais vous dire,
M. le Président, j'ai rencontré...
Des voix:...
M. Elkas: ...mon homologue, le ministre des Transports du Canada,
et il m'a donné son assurance que le siège social resterait
à Montréal. Chose faite. Quant aux 2000 emplois au Québec,
je vais m'occuper, je vais m'assurer qu'on va défendre les
intérêts du Québec. J'ai créé un
comité d'experts du milieu pour nous assurer qu'on se positionne. Le
député de Lévis ainsi que l'Opposition ne sont même
pas au courant du contenu. On parle toujours de voir des textes. Attendez donc!
Regardez le texte avant de commenter.
Des voix: Ha,ha, ha!
Une voix: C'est bien.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, pour une question
complémentaire, M. le député de Lévis.
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Alors, en question complémentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Puisque le ministre a rencontré le 11 août
dernier, il y a un mois, le ministre fédéral et qu'il a
qualifié sa rencontre avec M. Corbeil de positive, quelles sont les
assurances concrètes, non pas les voeux pieux de deux
fédéralistes qui se rencontrent, les assurances concrètes
que le fédéral lui a données concernant l'avenir du
transport aérien au Québec et des services aériens dans
les régions du Québec? Qu'est-ce qui va rester d'Air Canada au
Québec et des services régionaux, et qu'est-ce que M. Corbeil lui
a dit concrètement à ce sujet? Je ne parle pas d'écrits
sur la glace au soleil. Qu'est-ce qu'il lui a dit concrètement et quels
sont les textes? Ça fait un mois que la rencontre a eu lieu, M. le
Président.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Elkas: M. le Président, au moment où j'ai
rencontré mon homologue à Montréal pour discuter de ce
dossier, il était évident qu'on ne savait pas avec qui Air Canada
ou même Canadien étaient pour s'affilier. C'est assez difficile de
dire ou de prendre une décision-Une voix: C'est ça.
M. Elkas: ...de prendre une position tant qu'on n'avait pas vu
encore le mariage. Ce que je vous dis, c'est qu'on voulait protéger 2000
emplois, s'assurer qu'on ait de la croissance, une fois ce mariage fait, et
s'assurer aussi que le siège social reste au Québec.
Le Président: Alors, pour une autre question
complémentaire.
M. Garon: Comment, M. le Président, le ministre pouvait-il
dire, dans La Presse du 11 août dernier: «Elkas trouve
positive sa rencontre avec Corbeil», s'il n'a eu aucune assurance?
Aujourd'hui, il n'a rien de concret. Et qu'est-ce que le ministre, maintenant,
va faire, à partir d'aujourd'hui, pour maintenir au Québec ce
qu'il reste de la direction des activités d'entretien et de la formation
technique d'Air Canada et pour s'assurer que les consommateurs ne fassent pas
les frais de la disparition de la concurrence? Est-ce qu'il va attendre que
ça se passe comme dans le cas des trains, qu'on ferme les ateliers
à Montréal puis qu'on les transporte dans l'Ouest du Canada?
Le Président: M. le ministre.
M. Elkas: M. le Président, je peux bien comprendre qu'on
fasse la lecture d'une question; je retourne la réponse, la même
que j'ai donnée dans le deuxième volet de ma réponse: J'ai
rencontré le ministre fédéral. Comme je l'ai
mentionné, on ne savait pas qui était pour être les
partenaires. Une chose était sûre, on était pour se
positionner ici au Québec, travailler avec des comités d'experts
qui connaissent très bien le milieu, et s'assurer qu'on se positionne de
façon à protéger nos intérêts, ici au
Québec. (14 h 50)
Quant au monopole, il y a des monopoles qui fonctionnent assez bien. Par
contre, comme le ministre l'a mentionné, il y a des choses qu'on doit
peut-être réglementer, mais on va voir. Des choses comme des
tarifs élevés peuvent vraiment blesser nos clients, mais c'est
une chose qu'on va aussi protéger au niveau de notre région.
Comme vous le savez, M. le Président, nous avons un contrat avec Inter
sur la desserte de la Basse-Côte-Nord, un contrat qui est assez important
pour Inter. On va s'assurer, on va continuer de s'assurer qu'on respecte le
contrat qu'on a signé avec ces gens-là, et on va s'assurer que
notre desserte est faite d'une façon correcte, et que les gens du coin
ne seront pas blessés.
Le Président: Pour une dernière question
additionnelle, M. le député de Lévis.
M. Garon: Comme vous avez engagé des experts, et que les
experts marchent habituellement sur mandat, quels sont les mandats que vous
avez donnés aux experts dans le sens de protéger les emplois au
Québec, puisque dans une fusion, on veut habituellement rationaliser et
faire disparaître des emplois? Selon l'appréhension que vous avez
au ministère des Transports, les emplois vont disparaître
où dans la fusion entre Air Canada et Canadien? Au Québec, en
Ontario ou dans l'Ouest? Est-ce que vous avez une idée, ou si vous n'en
avez aucune idée actuellement?
Le Président: M. le ministre.
M. Elkas: C'est assez clair, M. le Président, les deux
compagnies avaient annoncé qu'il était pour y avoir des baisses
au niveau des effectifs dans les deux régions: à Montréal,
à Toronto et dans l'Ouest. Mais de s'assurer qu'il y ait une
rationalisation... Ils ne sont pas les seuls au Canada, ils ne sont pas les
seuls au Québec qui font de la rationalisation dans leurs entreprises.
Mais, une fois faite, de bâtir une entreprise solide, à
Montréal, c'est notre mandat et, associé à ce mandat,
c'est de s'assurer qu'on augmente nos effectifs.
Le Président: Une question complémentaire?
M. Gobé: M. le Président.
Le Président: Une question complémentaire, M. le
député de LaFontaine.
M. Gobé: M. le ministre des Transports, est-ce que vous
pourriez nous indiquer, advenant l'indépendance du Québec - ce
qui est la théorie du Parti québécois - quels seraient les
leviers à votre disposition pour maintenir...
Le Président: Un instant. S'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Vous savez fort bien que c'est clairement... Ce
genre de question est clairement une question d'opinion qui est non admissible
au sens du règlement. Si vous voulez reformuler votre question, s'il
vous plaît. S'il vous plaît!
M. Gobé: Je m'excuse, M. le Président. J'ai mal
formulé ma question. Est-ce que M. le ministre pourrait nous indiquer
quels seraient les moyens à sa disposition pour maintenir les
employés d'Air Canada et la base d'entretien au Québec, advenant
l'indépendance du Québec?
Le Président: Écoutez... À l'ordre, s'il
vous plaît! Vous savez fort bien que la question est contraire au
règlement, sur une question hypothétique, à ce moment-ci.
Votre question principale, M. le député de Bertrand.
M. Beauine: Merci, M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Pour une question principale, M. le député de
Bertrand.
Relocalisation à Laval du centre de conduite du
réseau d'Hydro-Québec
M. Beauine: Le 17 juin dernier, la ministre de l'Énergie
et des Ressources, responsable d'Hydro-Québec, affirmait en cette
Chambre que le choix de Laval par rapport à Varennes pour la
relocalisation du centre de conduite du réseau d'Hydro-Québec, un
projet de 258 000 000 $, était le résultat d'un processus
purement administratif, interne, à Hydro-Québec, et elle
s'engageait du même coup à ce qu'Hydro-Québec dépose
les études pertinentes justifiant ce choix.
Puisque Hydro-Québec, malgré mes nombreuses demandes, n'a
toujours pas déposé les études en question, la ministre
maintient-elle qu'il s'agit d'une décision purement administrative et,
si c'est le cas, pour le prouver, peut-elle nous dire quand Hydro-Québec
déposera les études pertinentes et, entre autres, celle du
service des édifices d'Hydro-Québec?
Le Président: Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: M. le Président, je suis tout à fait
étonnée de la question du député de Bertrand, qui a
reçu d'Hydro-Québec toutes les informations pertinentes dans ce
dossier, dossier qui relève de l'administration d'Hydro-Québec et
non de la ministre de l'Énergie et des Ressources, premièrement.
Deuxièmement, M. le Président, j'ai déjà dit en
cette Chambre que je ne me permettrai pas à moi ce que j'ai
défendu à la députée de Johnson dans le dossier
Peerless. Et, troisièmement, M. le Président, si le
député veut faire de la politique pour épater ses gens du
comté de Bertrand, il pourrait peut-être leur dire qu'ils ont
reçu, au cours des derniers temps, 70 000 000 $ d'Hydro-Québec.
Vous avez patronné pour faire ça, M. le député de
Bertrand?
Des voix: Bravo!
Le Président: C'est la fin de la période de
questions. S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il
vous plaît!
Alors, il n'y a pas de votes reportés.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions.
À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les
députés!
Avis touchant les travaux des commissions
Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, je vous avise
qu'aujourd'hui, le jeudi 10 septembre 1992, de 15 h 30 à 18 heures et de
19 heures à 21 h 30, à la salle du Conseil législatif, la
commission d'étude sur toute offre d'un nouveau partenariat de nature
constitutionnelle se réunira en séance publique.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
Affaires du jour Affaires prioritaires
Reprise du débat sur la proposition du premier
ministre visant l'adoption d'une
question devant faire l'objet d'une
consultation populaire portant sur un
nouveau partenariat de nature
constitutionnelle
et sur la motion d'amendement
Nous allons donc procéder aux affaires du jour et, à ce
moment-là, nous allons poursuivre le débat sur la motion de M. le
premier ministre visant l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une
consultation populaire portant sur un nouveau partenariat de nature
constitutionnelle et sur la motion d'amendement de M. le député
de D'Arcy-McGee, en demandant la collaboration de tous les collègues,
s'il vous plaît.
Je suis prêt à reconnaître un intervenant. Je vais
reconnaître maintenant Mme la députée
de Bourget.
Mme Huguette Boucher Bacon Mme Boucher Bacon: Merci, M. le
Président. Une voix: En rouge, à part ça! Mme
Boucher Bacon: En rouge, à part ça!
Le Président: Mmes et MM. les députés, s'il
vous plaît! Un instant, Mme la députée. Je voudrais bien
vous reconnaître, mais je voudrais m'assurer de vous entendre et que tous
les collègues qui veulent vous entendre vous entendent bien
également.
Alors, je vous donne la parole. Allez-y.
Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président. J'aimerais
profiter de cette occasion qui m'est donnée pour parler aux gens de chez
nous. Les gens de chez nous, M. le Président, c'est aussi les gens de
chez vous, c'est aussi les gens de la province de Québec. Mais les gens
de chez nous, cet après-midi, c'est les gens de Bourget, pour moi, les
gens de mon comté, tous ceux, M. le Président, qui ont bâti
le Québec, mais aussi qui ont bâti le Canada. Je veux les
rejoindre du fond du coeur pour leur dire oui, pour leur dire que je dis oui
à l'entente, parce que je les représente et que je suis
convaincue que, comme eux, je suis une personne simple, généreuse
et fière comme ils le sont, fière de leur institution, mais
prudente.
Comme eux, je suis prudente, car ils ne veulent pas voter non à
l'entente s'ils savent fort pertinemment que ça les rapprocherait de la
rupture avec le fédéralisme. Ils ne veulent pas, ces
gens-là, M. le Président, lutter à l'intérieur du
Canada, parce qu'ils sont là. Ils se sont déjà
prononcés dans un référendum, en 1980, et ils voient d'un
mauvais oeil, M. le Président, l'élection de M. Parizeau. Ils
voient d'un mauvais oeil, M. le Président, un autre
référendum sur la souveraineté. Ils ne veulent pas avoir
à recoller les morceaux. (15 heures)
Ces gens-là, M. le Président, veulent la
sécurité, se développer en harmonie et protéger
leur avenir. Ils ont toujours lutté pour défendre leurs biens
à la sueur de leur front, M. le Président, à combattre
comme des Canadiens pour défendre le Canada. Dans mon comté j'ai
la base militaire. À tous ces Québécois qui
défendent le Canada dans l'armée canadienne, à ces
gens-là, M. le Président, je pense qu'ils savent et qu'ils ont
toujours su que le fédéralisme est leur sécurité.
Ils savent que c'est notre chef, M. Robert Bourassa, qui leur a apporté
cette entente valable. Ils ne veulent pas se flageller eux-mêmes en
votant non. Ils ne veulent pas échapper à leur dernière
chance de paix sociale. Oui, je suis convaincue que les Québécois
et les gens de chez nous, dans Bourget, vont accepter cet accord. Il n'y a
aucun recul, mais que de la protection.
Je vais vous en citer plusieurs. Il y a de la protection pour la loi
101, protection pour la société distincte, protection pour la
langue, protection pour la culture, protection pour la démographie, avec
les 25 % à la Chambre des communes à Ottawa, protection pour
l'immigration, pour les nombreux immigrants qui sont dans mon comté,
protection pour notre Assemblée nationale, cette digne Assemblée
qui représente la démocratie, M. le Président, protection
aussi pour une garantie des trois juges, protection avec six sénateurs,
protection, en soi, pour notre avenir.
Je peux parler, dans l'est de Montréal, oui, il y a de la
pauvreté, mais on sait qu'avec cette entente on va aller chercher les
pleins pouvoirs pour le logement, pour notre développement
régional. On sait qu'à Montréal il y a de
l'appauvrissement, mais il faut se rappeler que ce n'est pas à cause de
la Constitution. Les gens de l'est de Montréal sont honnêtes et
être honnête, c'est dire oui à l'entente, c'est dire oui
à Meech plus, dire oui à ce que notre premier ministre a
été chercher, M. le Président.
La grande question de l'heure, c'est: «Acceptez-vous que la
Constitution canadienne soit renouvelée - ça, c'est
honnête, M. le Président - sur la base de l'entente conclue le 28
août?» Tout n'est pas terminé, M. le Président. On va
continuer à aller chercher ce qu'on a cherché parce qu'on est des
gens honnêtes et on travaille pour le Québec, on travaille pour
notre société québécoise.
Les Québécois ont un Canada. Ils vont le dire haut et fort
pour la dernière fois. Ils vont dire oui à l'entente, car c'est
la meilleure pour eux, pour nous et pour nos enfants. Notre avenir, c'est oui.
Un vote pour le non, c'est l'insécurité pour les investisseurs,
pour toutes les institutions aussi qui seront menacées. Ce que les gens
veulent, c'est la solidarité d'un grand peuple québécois,
ouvert, oui, M. le Président, sur le monde, ouvert à une
immigration, aux services du Québec français, c'est-à-dire
ouvert à la stabilité. Qu'est-ce que la stabilité, M. le
Président? Dans une entente, il en faut de la stabilité, de la
stabilité pour protéger.
C'est un progrès réel. Même si les attentes
étaient grandes et qu'on croyait aller chercher plus, je crois que ce
qu'on a été chercher, c'est un fédéralisme en
évolution. On évolue. Tout le monde évolue. À tous
les jours, on évolue. À tous les jours, notre pensée
évolue. Sinon, on devient stérile. Ce n'est pas ça le
choix de notre premier ministre. Notre premier ministre a
préféré évoluer et faire progresser le
Québec.
M. le Président, un progrès, notamment sur la situation
actuelle. Meech est préservé, Meech préserve cette
stabilité. C'est préserver aussi le poids politique aux Communes,
même si dans beaucoup de négociations il reste des choses à
faire. Pour son avenir, la valeur sûre, c'est la
stabilité, d'être conscient que l'on n'a pas toujours ce
que l'on veut. Moi, je peux vous dire que ma mère m'a toujours dit:
«Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.» Un tiens, c'est
présentement ce qu'on est en train de négocier, une entente
saine, une entente qui va assurer la stabilité politique,
économique. Il faut avoir le choix pour dire au reste du Canada: Oui,
nous sommes à l'intérieur de la Fédération. Mais,
attention! Nous sommes le levier, nous sommes à l'intérieur d'une
géographie, et il ne faut pas l'oublier, M. le Président.
Alors, je pourrais vous dire que, la souveraineté, ce serait un
recul. Ces gens d'en face ne savent pas ce que c'est, le mot
«reculer», parce qu'ils ont toujours reculé en
arrière. On voit qu'ils ont reculé en perdant le droit de veto,
on voit qu'ils ont reculé en perdant leur référendum, on
voit qu'ils ont recule devant à peu près tout, M. le
Président.
On entendait, à la période de questions, le ministre des
Communications citer M. Bertrand. Est-ce qu'il a été capable de
faire mieux? Qu'est-ce qui nous garantit que la souveraineté va nous
donner mieux, M. le Président? Alors, je vous dis: Attention! Oui, il
faut de la prudence, parce que dans les négociations qui
s'achèvent on a augmenté notre influence au Parlement d'Ottawa,
mais aussi on a augmenté notre influence au Parlement canadien. Et on
voudrait me faire accroire que ces gens-là vont respecter tout ce qu'il
y a à respecter pour les pouvoirs quand, à un moment
donné, ils vont avoir déchiré, giflé le reste du
Canada? Non, M. le Président, personne ne va me faire accroire
ça. Il y a un vieux proverbe qui dit: Dans l'incertitude, on s'abstient.
C'est l'incertitude, M. le Président, la souveraineté. C'est
l'incertitude, M. le Président. On ne sait pas. Avec eux, personne ne
nous donne des garanties au point de vue économique. Deux monnaies? Deux
passeports? Qu'est-ce qu'il faut encore entendre et croire?
L'insécurité, c'est eux, M. le Président. Les gens
bien ordinaires, les gens comme moi, les gens de chez nous, les gens de gros
bon sens savent qu'ils vont dire non à cette souveraineté et
qu'ils vont dire oui, M. le Président, qu'ils vont s'abstenir de
l'incertitude, qu'ils vont s'abstenir de cette souveraineté qui veut
dire aussi deux passeports, deux nationalités? Est-ce qu'ils ont fait un
plan? Est-ce qu'ils ont fait un pro forma de ce que sera leur
souveraineté? Pas du tout, M. le Président, ils n'ont jamais fait
de débat de fond.
Je pourrais vous dire, M. le Président, que je suis fière.
Je suis fière de vivre ce moment historique et de dire oui à
l'entente, de dire oui à mon premier ministre pour tout ce qu'il a fait
pour les Québécois. Alors, gens de Bourget, on sera gagnants le
26 au soir. Oui, M. le Président, on pourra dire oui à M.
Bourassa, oui au Québec, oui au Canada, ensemble - pas tout seuls,
ensemble - oui aux grands moments de notre histoire politique
québécoise, oui à cette fierté nationale, oui, M.
le Président, à notre société distincte, ouverte
sur le monde pour nos enfants. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Bourget. Je vous rappelle que nous sommes à
débattre de la question référendaire
suggérée par M. le premier ministre. Je reconnais à partir
de maintenant M. le député de Viau et whip en chef du
gouvernement. M. le député.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président. C'est avec grand
plaisir que je prends la parole aujourd'hui sur le débat sur la question
référendaire; une question, il faut le dire, qui est très
claire, très nette et très précise, bien au contraire de
celle qu'on a vue en 1980. M. le Président, cette question, il est
important de la répéter, se lit comme suit: «Acceptez-vous
que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente
conclue le 28 août 1992?» Oui, M. le Président, une question
dont la réponse ne peut signifier que deux choses: un oui voudra dire
que les Québécois et Québécoises auront choisi une
entente valable et un progrès réel; un oui voudra dire que l'on
met fin à cette crise constitutionnelle qu'on vit depuis des
années ici, au Québec, et un oui à cette entente est aussi
l'ouverture à plusieurs autres amendements qui n'exigeront pas le
principe de l'unanimité au niveau des changements. Vous savez fort bien,
M. le Président, et les gens de l'autre côté le savent fort
bien, que la formule du 7-50, 7 provinces et 50 % de la population, va
s'appliquer sur d'autres amendements.
Un non, contrairement à ce qu'on peut nous dire de l'autre bord,
c'est le statu quo dans le recul et l'incertitude. Et, M. le Président,
je pense que vous me connaissez assez bien pour comprendre que, pour moi et
pour l'ensemble de mes collègues, le statu quo est totalement
inacceptable. (15 h 10)
Les gains de cette entente sont des gains historiques pour le
Québec, qui reflètent la dualité, celle des deux peuples
fondateurs de notre pays. À titre d'exemple très précis,
et d'autres collègues le feront, M. le Président, si on parle
justement de l'entente et de la question du Sénat, vous savez que les
francophones obtiennent un droit de veto sur les politiques culturelles ou
linguistiques, et cela, strictement sur la législation
fédérale; ça ne touchera d'aucune façon les
législations provinciales et ça ne touchera aucunement les lois,
ici, de l'Assemblée nationale.
C'est très simpliste, M. le Président, comme le disait le
député de Gouin, l'autre jour, ainsi que la députée
de Terrebonne, que de passer de
26 à 24 sénateurs. Le calcul est simple disaient-ils: 24
moins 18, c'est une réduction, c'est un affaiblissement pour le
Québec. Mais c'est ridicule, M. le Président, de dire de telles
choses parce que, de l'autre côté de cette Chambre, on oublie une
deuxième partie qui est appelée le principe de la double
majorité. M. le Président, j'ai beaucoup de difficultés
à comprendre ces gens de l'autre bord. Pourquoi ils oublient cette
deuxième partie? Est-ce parce qu'ils ne comprennent pas le principe de
la double majorité ou est-ce qu'ils veulent faire de la démagogie
avec des chiffres, M. le Président? Le principe de la double
majorité a été accepté ici, à
l'Assemblée nationale du Québec, suite au rapport
French-Vaugeois, le rapport de MM. French et Vaugeois qui étaient
députés ici, à l'Assemblée nationale, en 1981. Au
niveau de la réforme parlementaire, on disait qu'au niveau des
commissions, dans certains cas, pour protéger la minorité de
l'Opposition, il fallait une double majorité.
Vous l'avez vécu, M. le député de Labelle, vous
savez ce que c'est, une double majorité. Mais, pour ceux qui nous
écoutent et qui ne savent pas ce que ça veut dire, la double
majorité, on prend, par exemple, la commission des institutions.
À la commission des institutions, ici, à l'Assemblée
nationale, siègent 11 députés de la formation
ministérielle. Il y a 4 députés de l'Opposition, 4
péquistes. Dans une résolution qui requiert la double
majorité, il suffit que 2 députés péquistes sur 4,
2 sur 4, votent contre la résolution. Même si les 11
libéraux votaient pour et les 2 péquistes votaient pour, M. le
Président, vous le savez, vous connaissez les règlements autant
que moi, la résolution est bloquée. C'est quoi, ça? Ce
n'est pas un droit de veto que deux personnes sur l'ensemble puissent bloquer
des résolutions? C'est ça qui s'applique au Sénat et je
n'ai pas entendu une personne de l'autre côté de cette Chambre
expliquer le principe de la double majorité, M. le Président.
C'est un principe qui protège la minorité au niveau du
Sénat.
Prenons l'hypothèse que le Québec soit le seul à
choisir, par une élection, ici, à l'Assemblée nationale,
par des gens qui seraient élus tant du côté
ministériel que du côté péquis-te - M. le
Président, quand il y a un vote, c'est l'ensemble des
députés qui votent - d'envoyer 6 francophones au Sénat. M.
le Président, alors prenons l'hypothèse extrême. Vous avez
6 sénateurs désignés, francophones, au Sénat et
vous en avez 58 autres, 57, 56 autres désignés, anglophones. En
matière culturelle et linguistique, sur les 6 sénateurs du
Québec, francophones, représentant les intérêts du
Québec, qui seront élus par nous, ici, à
l'Assemblée nationale, il suffit de trois qui voteraient contre une
telle résolution, M. le Président, pour que le tout soit
bloqué. Même si les trois autres du Québec votaient en
faveur, puis que le reste du Canada votait en faveur, M. le Président,
les 59 seraient battus parce qu'il y en a trois qui seraient contre, M. le
Président. C'est ça, le principe de la double majorité, M.
le Président. Est-ce que c'est clair? Si les gens de l'autre bord ne le
comprenaient pas, j'espère qu'ils le comprennent maintenant.
Aussi, on donnait l'exemple... Le député de Gouin, mon
collègue, mon voisin dans la région de Montréal, disait
que, bon, ça ne voudrait rien dire d'avoir 18 députés de
plus au niveau de la Chambre des communes. Mais, pour les
Québécois, pour les Québécois comme nous, avoir une
représentation qui est augmentée de 18 est considérable de
plusieurs façons. La première, M. le Président, si ces
députés se trouvent du côté ministériel - une
vague, qu'on appelle, O.K.? -c'est sûr que, le Québec ayant 18
députés de plus aux Communes, on risque d'avoir beaucoup plus de
ministres qui proviennent du Québec. Alors, c'est une
représentation de la population québécoise.
Si, à l'opposé, avec une vague contraire - on
connaît ça, M. le Président, des vagues - les
députés du Québec se retrouvaient dans l'Opposition, bien,
ils vont être plus nombreux, M. le Président, pour bloquer des
projets de loi qui iraient à rencontre des intérêts du
Québec. C'est vrai, M. le Président, qu'il y en a qui n'ont pas
vécu l'Opposition. Je l'ai vécue, l'Opposition, puis je vais vous
dire une chose - et, en tant que président, peut-être
qu'aujourd'hui vous le savez: Une Opposition structurée, une Opposition
représentative, M. le Président, a autant de pouvoirs que le
gouvernement, parce qu'une Opposition qui est structurée, qui est
représentative, comme ils l'ont vécue lorsqu'ils étaient
assis de ce côté-ci de la Chambre... M. le Président, on
les a forcés à modifier des projets de loi qui, selon nous, ne
représentaient pas les intérêts du Québec. On l'a
fait parce qu'on était structurés, M. le Président, on l'a
fait parce qu'on pouvait négocier au nom des personnes qu'on
représentait. Ce n'est pas nécessairement le cas dans la
situation présente, M. le Président, mais c'est à eux de
devenir un peu plus structurés et plus efficaces.
M. le Président, ça veut dire quoi, ça, 25 % de
protection au niveau de la deputation au niveau fédéral? 25 %, M.
le Président, ça veut dire aussi un poids politique au niveau de
chacun des partis qui travaillent au niveau fédéral. Ça
veut dire, en termes concrets, lorsqu'il y aura un congrès
thématique, qu'on appelle - on fait des petits calculs, M. le
Président - cette proposition des 18 comtés de plus, 18
associations de plus pour chacun des partis, M. le Président; ça
veut dire environ 300 personnes de plus qui vont représenter le
Québec dans chacun de ses partis. Un congrès thématique.
On n'a qu'à penser à un congrès à la chefferie, M.
le Président. Voyez-vous le poids que ces 18 comtés de plus vont
donner aux partis politiques qui ressortent du Québec? Ils viennent du
Québec, ils ne viennent
pas... Ces gens-là seront du Québec, ils ne seront pas du
Manitoba, ils ne seront pas de la Saskatchewan, ils vont être du
Québec, M. le Président. Alors, je pense que c'est un poids
politique considérable qu'on oublie de mentionner de l'autre
côté de cette Chambre.
M. le Président, the constitutional agreement of August 28th 1992
will put an end to the political uncertainty that has lasted too long in this
province and in this country. The gains will permit every citizen, from sea to
sea, to be respected and recognized as one or the other of the founding peoples
of this nation or as a member of the aboriginal nations. It is a step forwards
in the right direction that will permit every province to concentrate from now
in their efforts of developing of the respective economic, social and cultural
priorities.
(S'exprime en italien). (15 h 20)
M. le Président, je dois sourire en disant ça. Si M.
Parizeau m'écoute présentement, il doit être fier de moi.
Il n'aura pas à me botter le cul, comme il a promis de le faire à
tous ceux qui refusent d'apprendre une autre langue.
En ce qui concerne l'immigration, la ministre en a parlé
longuement l'autre jour, mais j'aimerais vous dire en terminant que c'est un
plaisir pour moi d'avoir pris la parole cet après-midi et
particulièrement sur ce débat historique, car, presque jour pour
jour, M. le Président, je célèbre le 40e anniversaire de
mon arrivée au Québec, au Canada.
Le Québec et le Canada sont pour moi, M. le député
de Masson, ainsi que pour des milliers d'immigrants, des milliers, une terre
d'accueil, une terre d'ouverture, de paix et de prospérité. Le
Québec, c'est chez nous, c'est chez moi. Le Québec m'a
intégré avec douceur, avec chaleur. Je me suis
intégré à la communauté québécoise.
Je n'ai pas été assimilé de force. Je suis fier, M. le
Président, de partager avec vous un des 125 sièges, ici, à
l'Assemblée nationale.
Immigrant, arrivé il y a une quarantaine d'années, tout
petit, dans un nouveau pays avec toutes les difficultés que ça
peut comporter, M. le Président, j'en suis fier, mes parents en sont
fiers, mes concitoyens en sont fiers et je pense que l'ensemble des
Québécois est fier qu'on puisse accueillir les immigrants de
cette façon. Je remercie donc la population du Québec qui m'a
instruit, qui m'a donné la possibilité de travailler dans un
milieu que j'ai aimé. Je dois remercier particulièrement le Parti
libéral du Québec qui a accepté de me faire militer dans
ses rangs, il y a presque une quinzaine d'années. Il y a 11 ans, la
population, les électeurs du comté de Viau ont
décidé de me donner le privilège, le privilège de
les représenter, ici, à l'Assemblée nationale du
Québec.
M. le Président, en gage de remerciement envers tous les
Québécois, en gage d'avoir vécu des situations difficiles
que mes parents ont vécues ailleurs, je puis apprécier le fait
que le Québec, le Canada sont les premiers au monde au niveau de la
qualité de vie. Je peux l'apprécier, M. le Président. La
façon, à mon tour, de remercier la population du Québec et
les électeurs du comté de Viau, c'est de faire tout ce que je
peux pour m'assurer que, le 26 octobre au soir, la réponse à la
question référendaire sera massivement un oui. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le whip en chef
du gouvernement et député de Viau. Je suis prêt à
reconnaître le prochain intervenant. Alors, je vais... S'il vous
plaît! S'il vous plaît! Je vais maintenant céder la parole
à M. le député de Laurier et ministre
délégué aux Affaires autochtones. Vous avez droit à
20 minutes, monsieur.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup des
mêmes sentiments de fierté que vient d'exprimer mon
collègue et ami, le député de Viau, que je prends aussi la
parole ici, devant cette Assemblée, M. le Président. Beaucoup des
sentiments que le député de Viau a exprimés sont des
sentiments qui ont animé, pour moi, pour lui et pour d'autres, dans
cette Chambre, notre implication dans la vie politique québécoise
activement, en tant que députés à l'Assemblée
nationale.
J'ai eu et j'ai le privilège, en plus, M. le Président,
d'avoir été appelé à gérer un dossier qui,
durant les deux dernières années tout au moins, a
été et est assez névralgique et central dans les relations
des Québécois, de l'ensemble de la société
québécoise, avec les nations autochtones. Me retrouver
aujourd'hui devant l'Assemblée nationale à débattre d'une
question référendaire sur laquelle nous serons appelés
à nous prononcer le 26 octobre m'amène également à
dire que nous sommes effectivement devant un choix, un choix qui sera un choix
historique, un choix qui nous engagera sur une voie ou sur l'autre, M. le
Président.
Nous sommes, avec l'entente dont nous avons convenu à
Charlottetown, le 28 août, à un tournant historique sur plusieurs
fronts, M. le Président. D'abord, un tournant historique pour l'ensemble
de la société québécoise vis-à-vis de sa
relation avec le reste du Canada. Il y a deux options qui s'ouvrent, M. le
Président, et c'a été amplement dit: la continuation dans
la Fédération canadienne, sur la base de l'entente...
(panne d'électricité)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je suspends les
travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 28)
(Reprise à 15 h 39)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. le ministre, je vous cède à nouveau le droit de parole.
Je vous rappelle que vous avez à peine 3 minutes d'utilisées sur
l'enveloppe qui vous est allouée, à savoir une période
maximaie de 20 minutes. Allez-y, M. le ministre.
M. Sirros: Merci, M. le Président. Les 17 minutes qu'il me
reste, M. le Président, sont très courtes dans le vaste
débat qui s'amorce devant nous, un débat que je disais
historique, parce que ça va nous permettre de faire un choix qui va nous
engager sur une voie ou sur l'autre. C'est un choix que nous aurons à
exercer le 26 octobre, qui nous permettra de nous positionner face à
notre avenir, un choix qui va nous permettre de dire - et, je le souhaite de
tout coeur, une fois pour toutes - que c'est à l'intérieur d'un
Canada uni que nous voulons évoluer en tant que Québec en pleine
possession de ses pouvoirs, de ses sécurités, de ses moyens, pour
se développer en tant que société, en tant que
société distincte dans une fédération où
nous jouons un rôle extrêmement important et où notre
présence est sentie également.
Je n'entrerai pas dans les détails de l'entente vis-à-vis,
par exemple, des 25 % de sièges garantis au niveau de la Chambre des
communes, la clause Canada. Je sais qu'il y en a amplement qui vont le faire.
Mais il y a un autre élément de cette entente qui est
également un tournant historique, M. le Président, et j'aimerais
prendre les quelques minutes - parce que, vraiment, c'est juste quelques
minutes qui sont allouées - pour peut-être parler, expliciter,
expliquer, si je peux, tout le volet autochtone qui a été
négocié avec notre participation à partir de notre
présence à Ottawa jusqu'à Charlottetown. J'ai eu le
privilège d'être présent à toutes ces
négociations et, comme je le disais avant cette interruption, c'est une
des choses pour lesquelles je suis reconnaissant vis-à-vis de
l'occasion, l'opportunité que j'ai eue en tant que député
d'avoir pu influencer un petit peu la suite de ces discussions, parce que c'est
une entente qui renferme ce volet extrêmement important. (15 h 40)
C'est un volet important, parce que ça va nous permettre, M. le
Président, de repositionner les relations que nous entretenons avec les
peuples autochtones à travers le Canada, y inclus le Québec.
C'est un volet qui va nous permettre de passer d'un régime de tutelle
à un régime d'autonomie, parce qu'il faut évaluer les
choses en fonction de la réalité, en fonction d'où nous
sommes, non pas en fonction des rêves de quelques-uns, M. le
Président, que ce soient les gens du Parti québécois ou
que ce soient des gens comme certains extrémistes du côté
des autochtones qui n'acceptent même pas le fait que ça va
s'opérer, cette autonomie gouvernementale a l'intérieur du
Canada, dorénavant.
M. le Président, qu'est-ce que l'entente dit vis-à-vis de
la question des autochtones? Je trouve que c'est important, parce qu'il y a
plein de nuances, de temps en temps, qui sont mises de l'avant de façon
volontaire, je dirais, par certains membres de cette Assemblée, et je
pense que ça vaut la peine de vraiment prendre le temps de
décrire objectivement le contenu de l'entente sur la question autochtone
et que chacun tire ses conclusions. Moi, pour un, je suis extrêmement
satisfait de l'issue de ces négociations, et c'est une entente que je
peux défendre avec fierté; c'est une entente que je peux
défendre avec conviction, parce que je crois sincèrement que
c'est une ouverture vers l'avenir, que ça nous permet d'opérer,
tant du côté de la présence du Québec au sein de la
Fédération canadienne que du côté de nos relations
avec les peuples autochtones.
Revenons à la question des peuples autochtones et au volet de
l'entente qui les concerne. Qu'est-ce que l'entente dit? L'entente fait deux
choses, essentiellement. D'une part, elle reconnaît l'existence d'un
droit inhérent à l'autonomie gouvernementale pour les peuples
autochtones. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que ça va
nous permettre, comme je le disais dans mon introduction, de passer du
régime de tutelle sous lequel vivent actuellement les autochtones
à un régime d'autonomie. Un régime de tutelle où,
actuellement, les autochtones sont sous la juridiction d'un ministère,
d'un ministre au gouvernement fédéral qui a la
responsabilité, de a à z, de l'ensemble des
éléments de leur vie. C'est une situation qui découle du
début de la Confédération, M. le Président, moment
où, comme nous l'ont répété souvent les autochtones
durant ces négociations, ils n'ont pas été inclus dans la
confection du pays. C'est quelque chose qui est corrigé avec cette
entente. On reconnaît, dans la Constitution du Canada, que les
autochtones ont le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Ça veut dire qu'ils ont le droit de se gouverner, et de prendre en
charge le développement de leur identité propre.
Pour nous, au Québec - et c'est ce que je trouve choquant des
fois, de la part des membres de l'Opposition - ça ne devrait pas
être comme une surprise, cette reconnaissance, parce que c'est clairement
dans la continuité des choses. Depuis 1983, M. le Président, nous
avons reconnu, à l'Assemblée nationale du Québec, le droit
à l'autonomie gouvernementale des autochtones, nous les avons reconnus
en temps que nation distincte, nous avons reconnu qu'ils ont le droit
d'orienter et de développer eux-mêmes leur langue, leur culture,
leurs traditions, de posséder et de gérer des terres, de chasser,
de piéger, etc. Je pourrais vous lire l'ensemble des 15 principes ou la
résolution de l'Assemblée nationale adoptée en 1985. Donc,
c'est dans la con-
tinuité parce que ces principes se retrouveront maintenant dans
la Constitution.
Avant notre arrivée sur la scène, la deuxième chose
que faisait l'entente, c'était de dire tout simplement qu'il y aurait
une période de cinq ans durant laquelle les autochtones devraient
négocier avec les gouvernements, et s'ils n'étaient pas capables
de s'entendre, les tribunaux trancheraient la question, et
détermineraient ce que voulait dire l'autonomie gouvernementale.
Ça, c'était avant notre présence au sein des discussions
multilatérales sur la Constitution, M. le Président. À
partir de notre présence, qu'est-ce que l'entente dit, l'entente du 28
août convenue à Charlottetown? La deuxième chose, donc, que
l'entente dit, c'est que oui, il va y avoir une période de
négociations; oui, elle va être de cinq ans, durant laquelle les
peuples autochtones, les gouvernements des provinces et le gouvernement
fédéral doivent négocier pour déterminer comment
ils vont opérer cette autonomie gouvernementale, quelle expression ils
vont lui donner.
M. le Président, si jamais ça bloque aux
négociations, si jamais on n'arrive pas à s'entendre, comme c'est
possible d'envisager, il y a deux étapes qui seront enclenchées.
Une première, c'est le recours à un mécanisme de
résolution de différends, M. le Président, qui sera
élaboré immédiatement après l'enchâssement
dans la Constitution de cette entente, et ça, c'est à
l'extérieur des tribunaux. Une deuxième étape, si
ça persiste, M. le Président, c'est le recours devant les
tribunaux. Mais, les tribunaux doivent d'abord s'assurer que les parties ont
négocié de bonne foi. Ça oblige, de part et d'autre,
à la responsabilité. Ça oblige, de part et d'autre,
à vraiment chercher une solution négociée, M. le
Président, parce que les tribunaux reçoivent l'instruction, et
c'est quelque chose d'inusité dans le droit constitutionnel, ils
reçoivent l'instruction, dans la Constitution, de vérifier si les
parties ont négocié de bonne foi. Donc, ils peuvent leur ordonner
de retourner négocier pour conclure une entente négociée.
Dans des situations où l'impasse persisterait, où les gens sont
de bonne foi, mais que, de part et d'autre, ils ont des interprétations
différentes de ce que ça veut dire, l'autonomie gouvernementale,
ça revient devant les tribunaux, M. le Président. Ça
reviendra, par exemple, devant la Cour suprême où je rappelle que
le Québec aura trois juges sur neuf garantis à vie, cela est
défini dans l'entente constitutionnelle, M. le Président. Alors,
c'est ultimement cette Cour suprême qui recevra le litige qui n'a pas
été capable de trouver solution dans une voie
négociée. Et, effectivement, le tribunal aura à trancher,
en quelque sorte.
Mais, là où, avant le 7 juillet, le tribunal avait tout le
champ libre d'utiliser n'importe quel critère qui lui conviendrait, il a
des instructions claires. On lui dit: Voici pourquoi ces gouvernements ont
été constitués. C'est ce qu'on appelle la clause
contextuelle. On dit clairement qu'ils sont là, M. le Président,
et je vais vous la lire, parce que c'est sur cette clause qu'il y a eu
plusieurs questions et interrogations: Ils sont là pour
«préserver leurs langues, leurs cultures, leurs économies,
leurs identités, leurs institutions et leurs traditions et veiller
à leur épanouissement». Et je vous soumets respectueusement
qu'il n'y a rien de sorcier là-dedans, parce que c'est presque mot
à mot des choses qu'on retrouve déjà dans les articles
qu'on avait votés ici, à l'Assemblée nationale, dans la
résolution de l'Assemblée nationale qui, je vous le rappelle,
à l'époque, était à l'avant-garde de ce qui se
faisait au Canada. Et, M. le Président, ils sont là afin
«de développer, de maintenir et de renforcer leurs liens avec
leurs terres, leurs eaux et leur environnement».
M. le Président, ces gens-là vivent quelque part. Pour la
plupart - et je pense aux Cris de la Baie James, par exemple - toute la
question territoriale a été négociée et a
été conclue dans la Convention de la Baie James. Donc, il y a des
terres qui leur appartiennent. C'est normal que ce soient les liens qu'ils
veulent développer avec ces terres, M. le Président, qui fassent
l'objet des lois qui seront adoptées par ces gouvernements.
L'entente conclue n'est pas banale. Personne ne prétend que c'est
banal. Mais il s'agit de savoir si de part et d'autre nous avons le courage
d'être généreux sans être naïfs. La preuve que
nous voulons être généreux sans être naïfs,
c'est qu'on a mis d'autres balises dans l'entente, M. le Président. Il y
a d'autres balises qui font en sorte que, quand les tribunaux auront à
déterminer si, oui ou non, telles choses ou telles choses deviennent une
juridiction du gouvernement autochtone autonome, ce n'est pas juste de la
clause contextuelle dont il faut qu'ils tiennent compte, mais il faut aussi
qu'ils tiennent compte du fait que cette entente - et c'est expressément
indiqué - ne crée aucun nouveau droit foncier pour les
autochtones. S'il y a des droits qui existent en fonction des traités,
s'il y a des droits qui existent en fonction des droits ancestraux
déjà reconnus dans la Constitution, soit! Mais cette entente sur
le droit inhérent ne créera aucun nouveau droit foncier, et c'est
complètement étanche, et ça serait quelque chose dont, je
pense, il faudrait qu'on tienne compte quand on discutera et quand on soumettra
des questions en Chambre, en particulier, qui laissent supposer la
non-étanchéité de ça; c'est faux, M. le
Président. (15 h 50)
Alors, il y a la clause contextuelle. Il y a la directive qu'il n'y a
pas de nouveaux droits fonciers qui sont créés. Il y a aussi le
fait que la Charte des droits et libertés s'applique: un code de valeurs
communes, M. le Président, partagées entre le reste de la
société et les autochtones. Oui, ils ont le droit de recourir
à la
clause «nonobstant», comme l'ont les autres gouvernements,
parce que, effectivement, je disais: Ce n'est pas banal. On a
créé un troisième ordre de gouvernement. On a
créé un processus avec lequel on va négocier la mise en
oeuvre de ce troisième ordre de gouvernement et on s'est assurés
qu'il y ait suffisamment de balises, M. le Président, pour que cette
transition de la tutelle à l'autonomie se fasse dans l'ordre.
Qu'est-ce qu'on préfère? Continuer comme nous sommes
maintenant? Continuer dans la confusion? Continuer dans le non-respect de la
dignité humaine, finalement, M. le Président? Il ne faut pas
oublier qu'il y a des situations, au niveau des indicateurs
socio-économiques vis-à-vis les peuples autochtones, qui sont
bien en deçà de ce que nous connaissons comme
société, que ce soit au niveau de l'expectative de vie, que ce
soit au niveau de la mortalité infantile, que ce soit au niveau d'autres
indicateurs de santé et socio-économiques. C'est une
réalité. Nous avons échoué comme pays, comme
société, depuis 125 ans, à nous assurer qu'on
évolue tous au même rythme.
L'instrument que les autochtones voulaient et qui, je crois, est valable
pour se prendre en main, c'est l'autonomie gouvernementale. Ça va leur
permettre, M. le Président, de se prendre en charge et ça veut
dire quelque chose, ça aussi. Ça veut dire qu'ils seront
appelés à se responsabiliser face aux choix qu'ils auront
à exercer. On ne peut pas prétendre être autonomes et
vouloir être dépendants en même temps. On ne peut pas
prétendre être autonomes et vouloir tout avoir. Il faudra
prioriser, il faudra choisir et, avec les choix, vient la maturité, si
vous voulez. Un peu ce que le peuple québécois aura aussi
à faire le 26 octobre: choisir entre deux voies, une voie qui permet le
développement de son avenir au sein d'un ensemble fort, grand, avec
l'accès aux richesses que ça peut nous permettre d'avoir, avec
accès aux marchés économiques que ça nous donne, M.
le Président, avec les sécurités que nous avons
dorénavant acquises comme société au sein de cet ensemble,
parce que j'ai toujours cru - et le parallèle s'applique aux autochtones
- qu'il peut y avoir plusieurs nations et peuples qui évoluent au sein
du même pays, M. le Président.
Le temps de l'État-pays, pour chaque peuple un pays, est
révolu, c'est passé. Nous sommes au seuil du XXIe siècle.
C'est le temps qu'on se conscientise de ce fait, M. le Président, et
qu'on exerce le choix que nous avons devant nous, ayant en tête les deux
chemins qui s'ouvrent, parce que le choix que nous allons faire va nous
engager, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, comme les Anglais disent:
«Once it has all been said and done...» Il y a deux choix qui
s'ouvrent devant nous: le choix de la Fédération canadienne, le
choix de l'indépendance, la création d'un pays à part du
reste du Canada.
Je vais inviter mes amis péquistes de l'autre côté,
parce que j'en ai développé quelques-uns durant les 11
dernières années que je peux considérer comme des amis,
à vraiment être conséquents avec eux-mêmes et
à admettre qu'au bout de la ligne, un choix, par exemple, le non,
voudrait effectivement dire que nous sommes engagés sur la voie de
l'indépendance. Je vous soumets, M. le Président, que ça
serait une erreur monumentale parce que je ne vois pas ce que ça peut
nous apporter.
J'ai entendu des discours qui critiquent la personnalité du
premier ministre, le comportement du premier ministre.
Généralement, c'est l'indication de la faiblesse des arguments,
parce qu'il n'y a pas grand argumentation qui touche à la substance, M.
le Président. Je vous soumets que, dans ces mêmes discours, il y
avait une note qui disait, finalement: Nous sommes des opprimés. Il nous
faut nous libérer du Canada. C'est à peu près ce que,
d'une façon ou d'une autre, les gens disaient, certains avec grande
bravoure et «bravado»; d'autres très doucement; d'autres
avec un ton intellectuel ou calme, mais, M. le Président,
fondamentalement, ils disaient: Nous sommes des opprimés, et il faut
qu'on se libère du système canadien pour qu'on puisse se
développer.
M. le Président, deux questions très simples: Est-ce que
nous allons gagner en termes de qualité de vie? Est-ce que nous allons
gagner en termes de liberté? Est-ce que nous allons gagner en termes de
possibilité de se développer économiquement? M. le
Président, quand on sait que le Canada est déjà au premier
rang de tous les pays au monde quant à la qualité de vie, je vois
difficilement comment on pourrait la surpasser, et c'est ce que nous sommes
déjà. Je vois que le Canada est aussi considéré
comme le pays qui assure le plus grand respect de la démocratie, la
preuve en est le débat que nous avons. Allons-nous avoir plus de
liberté? J'en doute très sincèrement. Alors, pourquoi, M.
le Président, s'engager sur la voie de l'incertitude, de l'inconnu, des
menaces, de la confusion la plus totale, M. le Président, se
séparer de quelque chose pour renégocier peut-être,
possiblement, une association quelconque, quand on est dedans et qu'on peut
évoluer à l'intérieur de ça? Je vous le soumets,
c'est un oui retentissant que l'ensemble du peuple devrait prononcer le 26
octobre. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre.
Mme la députée de Chicoutimi, je vous cède la parole. Vous
avez droit à une période maximale de 20 minutes.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Si la
qualité de vie se mesure au travail, à l'accès qu'on a au
travail, le Canada se classe au dernier rang des pays industrialisés.
C'est ici
que, malheureusement, et particulièrement au Québec, on
détient le record du chômage. Si on appelle ça la
qualité de vie, on repassera. Parlez-en, parlez-en aux centaines de
milliers de chômeurs. Les Québécois et les
Québécoises diront non le 26 juillet prochain. Ils diront non
parce que la prudence la plus élémentaire invite à dire
non à tout contrat en blanc - la prudence la plus
élémentaire. On sait que, par tradition, les
Québécois et les Québécoises n'aiment pas signer
des chèques en blanc. Ils vont dire non le 26 octobre, parce que dire
oui, c'est créer... Contrairement à ce qu'on prétend,
c'est l'incertitude, c'est l'inconnu qui guette les Québécois et
les Québécoises. Le risque serait grand d'endosser ce contrat ou
de signer ce contrat en blanc. Le risque serait grand parce qu'on n'en
connaît ni les implications ni les coûts. Selon certains hauts
fonctionnaires canadiens, ça prendra des décennies avant qu'on ne
mesure l'impact des dispositions contenues dans cette entente.
Quel est le niveau de ce document? C'est important de le dire un peu
à la population. Je l'ai relu trois fois, quatre fois. Chaque fois que
je le relis, j'ai comme un choc, quand on considère qu'on demande aux
Québécois d'endosser l'équivalent d'un brouillon, d'un
brouillon. C'est un document qui est l'équivalent d'un
procès-verbal qui ne serait pas signé, ni par le président
ni par le secrétaire. Parce que ce document n'est pas signé,
c'est un compte rendu. C'est l'équivalent d'un contrat où 40 %
des clauses seraient laissées en blanc et à la merci de celui qui
va avoir à l'appliquer.
M. le Président, l'inconnu, ce serait d'endosser une telle
position. Le risque, ce serait d'endosser une telle position. Ce document,
c'est un document dit définitif dans une version provisoire. C'est la
confusion la plus totale. Un document définitif dans une version
provisoire. La plupart de ces dispositions, 40 % des dispositions
prévues dans le document, commencent par «il conviendrait
de», «il conviendrait d'ajouter», «il conviendrait
d'élargir», «il conviendrait de modifier», «il
conviendrait d'inclure», «il faudrait faire mention de».
Est-ce que c'est ça un contrat? Ça serait comme demander à
n'importe quel député, ici en cette Chambre, de signer un contrat
avec un constructeur de résidences, de maisons, sur la base de: II
faudrait trois chambres; il faudrait peut-être un salon, peut-être
une cuisine, peut-être, des fois, une salle de bain, peut-être
deux. Les fenêtres vont être où? Est-ce qu'il y en aura?
Est-ce qu'il n'y en aura pas? Quels matériaux on utilisera? On ne le
sait pas, ça va dépendre des négociations. Il n'y a pas un
Québécois qui signerait ça, pas un
Québécois. C'est à peu près le niveau de l'entente
qu'on a là. On serait prêts à acheter n'importe quoi
à n'importe quel prix. Les Québécois ne s'y laisseront pas
prendre, et ils vont dire non.
C'est un brouillon, mais c'est également le contrat que nous ont
préparé les premiers ministres canadiens. Ne nous trompons pas,
le document est clair: c'est la ronde Canada, et il a été
établi à partir du document «Bâtir ensemble l'avenir
du Canada.» Il est clair qu'ils ont dessiné un Canada qui leur
convient. Je ne leur en veux pas, moi, je pense que c'est bien. J'ai toujours
pensé qu'on ne pouvait pas, au Québec, demander au Canada de
changer son pays pour qu'il nous ressemble. Et sa réponse est claire:
C'est à prendre ou à laisser. (16 heures)
Quand tout le monde a commencé, au Québec en particulier,
à dénoncer l'entente du 7 juillet, les Wells, Filmon, Harcourt,
Don Getty sont sortis et ils ont dit clairement aux Québécois:
C'est à prendre ou à laisser. Voilà nos conditions. Vous
entrez à nos conditions, vous êtes une province comme les autres,
ou vous allez vous faire voir ailleurs. C'est l'entente du 7 juillet que nous
avons en main, et c'est la ronde Canada.
Signer ce contrat, c'est donner un chèque en blanc. C'est donner
un chèque en blanc, qui plus est un chèque en blanc à un
gouvernement qui est en faillite technique. 400 000 000 000 $ de dette, le
gouvernement canadien. Croyez-vous qu'on a beaucoup de chances de
négocier des ententes généreuses, des ententes qui nous
permettraient de faire une relance économique, d'assurer la formation de
la main-d'oeuvre, le développement des régions? Non, M. le
Président. Les Québécois et les Québécoises
vont dire: Non; non, nous refusons de donner un chèque en blanc, nous
refusons de donner un chèque en blanc à ce gouvernement.
Mais les Québécois et les Québécoises vont
également dire: Non; nous refusons d'aller à contre-courant de
l'histoire. Les Québécois et les Québécoises
veulent être reconnus comme un peuple, veulent qu'on leur reconnaisse le
droit à l'autodétermination, veulent qu'on les reconnaisse un peu
comme on a reconnu les autochtones: un peuple, une nation, un gouvernement, une
société distincte. On a tous ces qualificatifs pour
reconnaître les peuples autochtones, mais on doit, nous, se contenter de
la société distincte, qui est une clause d'interprétation,
ce qu'on appelle les clauses interprétatives, avec sept autres
clauses.
M. le Président, les Québécois et les
Québécoises vont dire non. Les Québécois et les
Québécoises vont dire: Non, je ne signerai pas un chèque
en blanc qui risque de compromettre l'avenir du Québec, de bloquer
l'avenir du Québec. L'entente que nous avons là fait du
Québec une province comme les autres. Je ne voulais pas en parler, mais
il me semble qu'if va falloir le dire. Quand ils parlent du droit de veto,
là, ça doit faire rigoler pas mal de monde. C'est
l'équivalent de l'unanimité pour toutes les provinces. Si le
Québec a un droit de veto, là,
dans une modification constitutionnelle qui voudrait favoriser le
Québec, là, Terre-Neuve peut se lever, puis dire: J'ai un droit
de veto; pas de modification. L'île-du-Prince-Édouard voudrait
s'opposer à une modification à la société distincte
qui pourrait favoriser le Québec? Elle a un droit de veto. Ce n'est pas
ça, un droit de veto. Un droit de veto, ça appartient à
une personne. Pas aux 10 provinces!
Vous savez, tout le monde avait un peu beaucoup rigolé de Bill
Vander Zalm qui avait, une nuit, rêvé. Il s'est levé et il
a dit: J'ai trouvé la solution. Et là tout le monde attendait la
solution, il nous a fait patienter une semaine, et sa solution c'était:
Ce n'est pas compliqué. Le Québec veut un droit de veto?
Donnez-le à toutes les provinces. Alors, tout le monde avait
rigolé, parce que ce n'est pas ça, un droit de veto. Mais,
curieusement, il doit rigoler, lui, parce que c'est ça, notre droit de
veto, c'est l'unanimité. Ce n'est pas ça, un droit de veto. Je
m'excuse, ce n'est pas ça. C'est tout gouvernement...
Ça fait du Québec, aussi, une province comme les autres,
et c'est répété tout au long de l'entente. Tout
gouvernement - dit-on, à 26, quand on parle des ententes -
négociant une entente devrait être traité sur le même
pied que tout autre gouvernement en ayant signé une. Ça,
ça veut dire que ça vient de vous baliser. Si Terre-Neuve signe
une entente pas très exigeante, parce qu'ils aiment ça, eux
autres, un gouvernement central fort, ça va être la balise pour
les ententes avec le Québec. Et, inversement, quand on voudra en signer
une un peu plus large, ils vont dire: On ne peut pas vous en donner autant, au
cas où les autres provinces en demandent autant. C'est ça, la
valeur des ententes qui vont être signées: Québec, une
province comme les autres.
Mme la vice-première ministre déclarait, elle affirmait,
avec des accents de sincérité-Moi, ils m'impressionnent, ce
monde-là, pour ne pas dire qu'ils me déstabilisent. Ils disent
des faussetés avec des accents de sincérité qui sont
émouvants. Elle disait: Ça va nous permettre de faire de la
relance économique, de lutter contre le chômage, de faire du
développement régional. Et là, elle en mettait.
C'était trop beau, c'était trop beau à entendre. Mais
c'est tout à fait à rencontre de ce que contient cette entente.
Dans cette déclaration, elle disait en même temps: On va avoir la
paix constitutionnelle, puis on va pouvoir faire du développement
économique. C'est un peu triste d'entendre une telle chose parce que, en
fait, lorsqu'elle dit ça, c'est qu'elle avoue que son gouvernement a
négligé les questions économiques. L'a-t-il fait
sciemment? L'a-t-il fait pour amener le chômage qu'on connaît?
L'a-t-il fait par incurie? L'a-t-il fait pour déstabiliser le
Québec, pour favoriser le référendum? On ne le sait pas.
Mais c'est inquiétant.
Mais il est clair que, dans l'entente telle que rédigée,
dans le brouillon que nous avons là, le brouillon de contrat canadien
tel que rédigé, rien ne permet de penser que nous pourrons faire
une relance économique parce que les chicanes constitutionnelles... Ce
n'est pas vrai qu'on va avoir la paix constitutionnelle. On vient de
constitutionnaliser les chicanes constitutionnelles. Il fallait le faire, hein!
Tout le monde est tanné. On négocie tout le temps, on taponne, on
veut ci, le Canada ne veut pas le donner, le Québec le demande,
indépendamment des gouvernements. Mais là, on dit: Ce n'est pas
grave. On va constitutionnaliser ça. Et, qui plus est, ça va
durer cinq ans, une entente, quand on va réussir à conclure cinq
ans, et ça va être renégociable. Et là, tu
renégocies avec un nouveau gouvernement tant à Québec
qu'à Ottawa, puis c'est reparti. C'est une beauté. Puis attachez
vos bretelles si vous pensez qu'on a réglé les chicanes
constitutionnelles.
Les chevauchements, c'est la même chose. On constitutionnalise les
chevauchements: 462 qu'un organisme avait identifiés, il y a une dizaine
d'années. On estime que ça coûte entre 1 500 000 000 $ et 2
000 000 000 $ par année au Québec les chevauchements. Ça,
ça ne prend pas en compte les pertes d'énergie,
l'inefficacité et les pertes de temps. C'est en argent.
Le chômage. Il n'y a rien là-dedans pour régler le
chômage parce que tout ce que les organismes ont réclamé,
ce sont des pouvoirs économiques pour agir sur le développement
économique et social du Québec. Ces pouvoirs, c'étaient
des pleins pouvoirs en matière de formation de la main-d'oeuvre, en
matière de recherche et de développement, en matière de
développement régional. C'était en partie ces
pouvoirs-là qu'on réclamait et que tous les gouvernements,
indistinctement, ont réclamés.
Le sous-développement des régions. Le
sous-développement des régions, c'est peut-être
là... Et je vais en parler un peu plus longuement. C'est la catastrophe,
actuellement, dans les régions. Les régions se vident. La
population vieillit. C'est le déclin démographique, un
chômage chronique qui, dans certains secteurs, en Gaspésie,
atteint les 50 %. Ce que tous les régionaux, avec une rare
unanimité, ont demandé, à l'occasion de la commission
Bélanger-Campeau: Donnez-nous les pouvoirs. Donnez-nous les pouvoirs et
les leviers qui vont nous permettre d'agir sur le développement
économique régional. Faites-nous confiance. On est capables. On
connaît mieux nos besoins et nos possibilités qu'un gouvernement
central. Et ça a fait l'unanimité.
J'étais membre de la commission Bélanger-Campeau, comme un
bon nombre des députés gouvernementaux, et ces
députés-là ont comme moi entendu les différentes
représentations qui ont été faites à ce sujet, les
différentes représentations qui ont été faites par
les régionaux
avec vigueur. Qu'est-ce qu'on a dans cette entente? Qu'est-ce qu'on a,
c'est la possibilité de négocier des ententes. Le contrat
canadien nous dit: Bien, à l'avenir, vous pourrez négocier des
ententes sur le développement régional. Pendant qu'on va se
chicaner pour négocier ces ententes, qu'est-ce qui arrive en
région? Il arrive en région qu'on n'a pas les outils pour se
développer, que l'économie stagne, que la pauvreté
s'accroît, que la misère atteint certains de ces milieux. (16 h
10)
M. le Président, je refuse une telle entente. Je refuse de me
plier à des conditions qui vont consacrer l'appauvrissement des
régions, la stagnation des régions et leur déclin. Les
Québécois et les Québécoises vont dire non, vont
dire non parce qu'on n'en veut pas de cette pauvreté. On veut les outils
pour se développer. Cette entente, tenez-vous bien, vous êtes
d'une région, M. le Président, après cinq ans, elle va
être renégociable. Et là, on repart les chicanes, c'est
reparti le party! Pendant ce temps-là, les gens s'appauvrissent, la
pauvreté atteint un nombre impressionnant de Québécois et
de Québécoises. Une parenthèse: ceux qui prétendent
qu'on a le beau Canada, je voudrais bien, moi, je les respecte quand ils me
disent ça, mais qu'ils n'aillent pas nous dire en même temps que
ça nous donne la prospérité. Le chômage, la crise
économique que nous vivons, à ce que je sache, elle se vit dans
le cadre de la Confédération. On est au sein de la
Fédération canadienne, et c'est là qu'on éprouve
les difficultés que nous connaissons.
M. le Président, les Québécois, les
Québécoises vont dire non à ce contrat canadien qui refuse
au Québec les pouvoirs et les outils réclamés pour
soutenir son développement économique. Les chicanes, donc, pas de
problème, peu de chance qu'elles soient réglées puisque,
dans ce contrat canadien, c'est un contrat en blanc, puisque 40 % des
dispositions, faut-il le répéter, sont à négocier.
«Il conviendrait», «il faudrait», «il devrait
ajouter...» Écoutez, ce n'est pas là-dessus qu'on signe un
contrat. Il faudrait prendre les gens pour des imbéciles.
M. le Président, sur la question de la langue, on a
affirmé à gogo - l'expression n'est plus populaire, mais elle l'a
déjà été - que c'était blindé, que
sur la question de la loi 101, nous n'avions jamais été aussi
bien protégés. Je vais vous parler de trois dispositions dans ce
contrat canadien qui menacent la paix linguistique, paix linguistique qui,
faut-il le rappeler, est toujours fragile. La disposition qui fait obligation
au Québec d'assurer l'épanouissement et le développement
de la communauté anglophone peut constituer, selon l'avis de
représentants et d'experts, particulièrement issus de la
com-muanuté anglophone, peut représenter les assises permettant
de contester les différentes dispositions de la loi 101. Mais il y a
plus. Les dispositions touchant la libre circulation des biens, personnes et
capitaux, pourraient rendre inconstitutionnelles nos dispositions sur la langue
de travail. Si on a la libre circulation des personnes et des capitaux, comment
pourrait-on empêcher une entreprise ou obliger une entreprise à
détenir un certificat de francisation? Si on a la libre circulation des
personnes, comment pourrions-nous demander à un cadre de s'adresser, en
français, par exemple, à ses employés? C'est la
possibilité, le droit de travailler en français qui est
menacé dans cette disposition. Par ailleurs, il y a une disposition qui
est particulièrement inquiétante en ce qui a égard
à la langue. Il est indiqué, lorsqu'on parle des ententes sur la
forêt - il faut se rappeler que les ententes sur la forêt,
ça touche la forêt, le logement, le loisir, le tourisme; ça
touche également les affaires urbaines et municipales - il est
textuellement dit, et je cite, que dans les conditions à une entente
intergouvernementale, «la question du service à fournir au public
dans les deux langues officielles devrait aussi être
considérée comme un élément possible de ces
ententes». Comment on traduit ça? On traduit que toute la langue
d'affichage, dans le tourisme, dans les loisirs et dans les
municipalités, ça pourrait être le bilinguisme. Vous allez
me dire: On n'est pas obligés de signer ces ententes. Mais vous
comprendrez que si on n'accepte pas les conditions canadiennes, ça veut
dire qu'on se priverait de notre argent, parce qu'il faut bien savoir que
l'argent qui vient d'Ottawa, c'est notre argent.
Là, évidemment, on s'inscrit dans un mécanisme
d'opposition et, comme on ne rejoindrait pas les objectifs canadiens d'offrir
des services bilingues, on nous refuserait ce qu'on appelle la juste
compensation. Parlons-en de la juste compensation. Personne ne m'a dit,
à ce jour, ce qui serait estimé comme étant une juste
compensation. Si on estime qu'on veut se retirer, comme Québec, d'un
certain programme particulièrement relié à la culture,
à l'éducation, ça serait quoi, une juste compensation? Il
faudrait faire trancher par la Cour suprême? On a le temps, et les
enfants ont le temps de passer à travers l'école et à
travers bien des choses. M. le Président, on réclamait des
pouvoirs exclusifs, on a obtenu des pouvoirs additionnels pour le gouvernement
canadien.
M. le Président, un dernier mot. Je trouve indécent,
méprisant, pour ne pas dire odieux, qu'on se réclame de la
pensée de M. Lévesque pour prétendre que l'offre du 22
août - livre bleu - se retrouve là. M. Mulroney n'est pas M.
Lévesque et il ne le sera jamais. M. Bourassa n'est pas M.
Lévesque, il ne le sera jamais. M. Rémillard n'est pas M.
Lévesque, il ne le sera jamais, pour des raisons extrêmement
simples, M. le Président, parce que M. Lévesque
représentait la fierté et le dépassement alors que, pour
ce premier ministre et M. Mulroney, c'est la démis-
sion et la soumission. Il représentait le respect et la confiance
alors que, ce qu'on nous propose, c'est le mépris et la méfiance.
Les Québécois et les Québécoises ont bien compris
qu'on ne pouvait pas faire du capital sur un mort qui vous momifierait
probablement s'il était là. Alors, M. le Président, les
Québécois et les Québécoises vont dire non à
cette entente.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle
que nous sommes à débattre de la motion de M. le premier ministre
relativement à la question référendaire. Je cède la
parole, à partir de maintenant, à M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Jean-Guy Bergeron
M. Bergeron: Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec
beaucoup de fierté que je prends la parole aujourd'hui pour m'adresser
aux citoyennes et aux citoyens du comté de Deux-Montagnes et les inviter
à prendre part à ce moment privilégié et historique
qu'est cette période référendaire. Je me souviens encore
de leur implication en 1980. Je me souviens encore de leur réponse en
1980: non à l'isolement du Québec, non à un avenir
incertain, non à des rêves chimériques. En 1980, les
citoyens du comté de Deux-Montagnes ont fait entendre leur voix, et je
suis assuré que 12 ans plus tard ils répondront dans le
même sens: garder le Québec dans la Confédération
canadienne, avec honneur et dignité.
Aujourd'hui, je veux prendre les quelques minutes qui me sont
allouées pour les entretenir sur le thème de la solidarité
québécoise. En effet, cette solidarité
québécoise est la base qui a servi à la construction de ce
pays. Le Québec, au cours des 125 dernières années, a
toujours été présent et a toujours apporté sa
contribution dans l'honneur et la sincérité lorsqu'il
était appelé à y jouer un rôle
prépondérant et historique. Et cela, il l'a fait sans jamais
baisser l'échiné, mais de plein gré en sachant que
c'était son devoir et son rôle à jouer dans notre
Confédération.
Le Québec moderne d'aujourd'hui, M. le Président, le
Québec fort d'aujourd'hui ne s'est pas construit en un jour. Au
début de la Confédération, c'était une
économie de subsistance et d'échanges qui a constitué les
bases de communication entre les provinces canadiennes. L'élan des deux
après-guerres a suscité un enthousiasme tel qu'on a vu
émerger progressivement une société ouverte, moderne et
qui a poursuivi sa course vers la production d'une économie à
haute technologie. Dans ce contexte économique très favorable,
jamais, M. le Président, n'a-t-on eu idée de séparer le
Québec du reste du Canada, même dans les pires périodes de
crise politique. (16 h 20)
Tout cela pour dire que nous voici rendus à un moment historique
où nous aurons à décider de l'avenir du Québec au
sein du Canada. Un premier choix clair et précis a été
effectué en 1980. La grande majorité des
Québécoises et des Québécois avait
décidé, dans un mouvement de solidarité, de garder intact
le maintien du Québec à l'intérieur de notre pays.
Pourtant, les priorités étaient les mêmes qu'aujourd'hui.
Ce mouvement de solidarité, je le retrouve intact en 1992, parce que
nous désirons continuer à protéger et à promouvoir
la langue française au Québec. Ce mouvement de solidarité,
je le retrouve intact en 1992, parce que nous désirons raffermir le
tissu culturel dans toutes nos sphères d'activité. Ce mouvement
de solidarité, je le retrouve intact en 1992, parce que je ne voudrais
pas que le Québec essuie des pertes à la suite d'un non aux
propositions constitutionnelles. Ce mouvement de solidarité, M. le
Président, je le retrouve intact en 1992, parce que nous
récupérons non pas un droit de veto mais six droits de veto
reliés à des domaines aussi essentiels que la Chambre des
communes, le Sénat et le processus d'amendement constitutionnel. Ce
mouvement de solidarité, je le retrouve intact en 1992, parce que je ne
voudrais pas qu'un non aux propositions fédérales accroisse les
tensions politiques au Québec en raison d'une incertitude qui
continuerait à planer partout au Québec. Ce mouvement de
solidarité, je le retrouve intact en 1992, parce que j'estime que les
propositions constitutionnelles contribueront au renforcement de l'union
économique tout en assurant une stabilité des ententes de
développement économique. Ce mouvement de solidarité, M.
le Président, je le retrouve intact en 1992, parce que j'estime que les
Québécoises et les Québécois méritent mieux
que l'indépendance du Québec et ses effets néfastes pour
notre économie.
En ce qui a trait au développement économique, nous
sortons gagnants de cette entente. Le pouvoir de dépenser du
fédéral se trouve contraint par les priorités
établies par les provinces. Pour ce qui est du développement
régional, le gouvernement fédéral devra tenir compte des
priorités provinciales par le biais d'ententes dûment
acceptées par tous les paliers de gouvernement.
Un mot maintenant sur l'attitude du Parti québécois
à l'égard du dossier constitutionnel. On fait preuve de
malhonnêteté intellectuelle, on déforme les termes de cette
entente constitutionnelle de façon délibérée. M. le
Président, comment prendre au sérieux un parti politique qui
refuse de parler de ses options? Comment prendre au sérieux ce parti
politique qui refuse de parler des effets et des coûts de la
séparation du Québec? Comment prendre au sérieux un parti
politique dont le gouvernement a littéralement abandonné la
population du Québec en 1981-1982, abandonné le droit de veto
lors des négociations constitutionnelles en avril 1981, trahi ses
propres
militants en leur faisant prendre le virage du beau risque
fédéral et qui, aujourd'hui, tente de dénigrer des
propositions constitutionnelles qui vont pourtant dans le sens des
intérêts du Québec? C'est de cela dont je suis fier. C'est
l'offre que nous avons en premier lieu. J'ai foi, M. le Président, en
l'avenir du Québec, parce que je suis certain que ces propositions
constitutionnelles auront pour effet d'améliorer la qualité de
vie des Québécoises et des Québécois.
M. le Président, dire oui à l'entente, c'est dire oui
à une société distincte. Dire oui à l'entente,
c'est dire oui à cette évolution naturelle de nos institutions.
Oui à l'entente, ça veut dire non à la rupture. M. le
Président, dans le mois et demi qui vient, je me battrai comme je me
suis battu en 1980. Oui, je me battrai, parce que je suis convaincu que cette
entente constitutionnelle va dans le sens de l'amélioration du
bien-être des Québécois, va dans le sens de
l'amélioration du fait français au Québec, va vers
l'amélioration du contrôle de nos pouvoirs. M. le
Président, Deux-Montagnes, en 1980, a dit non à la rupture, et il
posera le même geste en 1992. À mesure que le débat se
déroulera, les gens de mon comté sauront mieux réaliser et
comprendre les avantages de cette entente constitutionnelle et, encore une
fois, ils se prononceront pour garder le Québec dans la
Confédération. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le
député de deux-montagnes. je cède maintenant la parole
à m. le député de mille-îles et leader adjoint du
gouvernement.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: Merci, M. le Président. M. le
Président, à la question référendaire:
«Acceptez vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur
la base de l'entente conclue le 28 avril 1992?» je répondrai sans
hésitation oui. Je n'ai pas du tout l'intention, dans le cadre de mon
intervention, de parler des nombreux aspects qui ont été
brillamment traités par mes collègues ministériels au
cours des dernières journées. Je pense que l'étape,
maintenant, qu'il nous reste à franchir, c'est l'étape de
vulgarisation. C'est d'expliquer, dans la langue du peuple, avec des exemples
de tous les jours, ce qu'est le dossier constitutionnel et ce qu'est l'entente
du 28 août 1992, de faire référence, M. le
Président, à des normes, à des valeurs, à des
modèles de comportement que, tous, nous acceptons et nous reconnaissons
comme étant corrects.
M. le Président, je vais en surprendre plusieurs, cet
après-midi, mais je trouve que le domaine qui offre le plus beau
parallèle avec le dossier constitutionnel, et, à la fois, les
plus nombreux paradoxes, c'est le monde syndical. Le syndicalisme, à sa
base même, est fondé sur l'union de plusieurs travailleurs dans le
but de réaliser des objectifs communs. L'union est grande. Plus l'union
est grande, plus la force du syndicat est grande. C'est la mise en commun des
ressources humaines, des ressources monétaires - les cotisations des
travailleurs - dans le but d'atteindre des objectifs communs. En retour, il y a
une institution qui est créée, qui s'appelle le syndicat, qui
offre des services aux syndiqués, aux travailleurs, qui les
représente dans les négociations, qui leur offre d'autres
services.
Ce que je constate, ce que nous pouvons tous constater de ce
modèle syndical, c'est que chaque syndiqué, chaque travailleur,
chaque membre cède un peu de sa liberté à son syndicat et
que, en retour, il espère obtenir des bénéfices de cette
union. Mais on a poussé ce principe-là un peu plus loin, le
principe de l'union, dans le domaine syndical. On s'est dit: Le principe est
tellement bon qu'on va échafauder un deuxième étage. Et le
deuxième étage, c'est que des syndicats, entre eux, ont
décidé de renoncer à certains pouvoirs, à une
certaine - guillemets - souveraineté, dans le but d'obtenir plus de
bénéfices communs. Ils ont mis en commun des ressources
matérielles, humaines, du personnel. Ils ont créé des
centrales syndicales et, en plus, aux plus hauts étages, le principe
était tellement bon qu'on a créé des chefs syndicaux qui
trônent au-dessus de ça, l'establishment syndical. À cause
des bénéfices de l'union, je le répète, à
cause du partage des coûts, parce qu'on a voulu partager les coûts,
c'est pour ça qu'il y a une union, c'est pour ça qu'il y a une
création de centrale syndicale.
M. le Président, si un des syndicats qui appartiennent à
une centrale syndicale décide de se désaffilier, décide,
en bon Québécois, de se séparer de la centrale syndicale,
est-ce que, un seul moment, ceux qui nous écoutent peuvent imaginer que
les Gérald Larose, les Louis Laberge et compagnie, le lendemain matin de
la désaf-filiation, les syndicats disent: Moi, je ne veux plus faire
partie de telle centrale syndicale, je veux devenir un syndicat de boutique -
est-ce que vous pouvez vous imaginer un seul moment que les chefs syndicaux
vont leur dire: Continuez à utiliser le nom de la centrale syndicale
à laquelle vous allez avoir dit non, hein, les services, hein, leur
compte de banque? Voyons donc! Poser la question, c'est y répondre. Vous
voyez le parallèle, M. le Président, hein? L'union, la force, le
partage des coûts, des bénéfices, etc. Et,
étrangement, M. le Président, étrangement, ces
regroupements syndicaux sont tous fondés sur la base du
fédéralisme et du confédéralisme. Eh oui! Que
voulez-vous, ce n'est pas moi qui ai choisi les noms, les mots. La FTQ,
Fédération des travailleurs du Québec, la CSN,
confédération des travailleurs du Québec.
M. le Président, l'élémentaire question. Pourquoi
est-ce bon l'union, le partage des ressources, le partage des coûts et
des bénéfices quand il s'agit des unions et pourquoi ça
ne
serait pas bon dans le cas d'un syndicat indépendant? Et pourquoi
ça ne serait pas bon pour le Québec dans le Canada, le même
principe? Pourquoi ça ne serait pas bon? Et c'est un principe que, tous,
on reconnaît comme valable au Québec. Personne ne peut le
contredire. Posons-nous des questions. Est-ce qu'ils sont cohérents, les
gens de l'Opposition ou d'autres personnes qui tentent de dire que ce
principe-là n'est pas valable?
M. le Président, question: Est-ce que l'entente - et on l'a
entendue, celle-là - peut être soumise au peuple avant que l'on
obtienne les textes juridiques définitifs? Bien, voyons donc! Voyons
donc! Qu'est-ce qu'on fait à chaque convention collective dans nos
syndicats? On fait une chose: on a une entente de principe, elle n'est
même pas rédigée sur papier. Le lendemain soir, les chefs
syndicaux convoquent 2000, 3000, 5000 personnes en assemblée
extraordinaire. On présente les grandes lignes de l'entente de principe,
on fait voter les gens immédiatement dans une salle
surchauffée... (16 h 30)
Une voix:...
M. Bélisle: Ah oui! Je m'excuse, c'est ça. Et les
textes définitifs, lorsque l'entente de principe est
entérinée par les membres dans la salle, n'arrivent qu'une
année plus tard. Et, mieux que ça, M. le Président, c'est
qu'il n'y a pas un seul syndiqué qui est dans ces salles-là
lorsqu'ils acceptent l'entente de principe, qui voit les textes écrits
ou à qui on demande de les approuver à la fin. Et l'Opposition
indépendantiste va venir nous dire que ce qui est accepté et
reconnu par tous les Québécois comme étant correct comme
norme de comportement, c'est incorrect quand on en arrive à une entente
politique! Il ne peut pas y avoir deux valeurs, deux normes, deux mesures. Il
ne peut pas y en avoir. Je pense que le monde syndical devrait s'appliquer la
même transparence que le gouvernement du Québec qui a
déjà déposé des textes juridiques et qui va en
déposer tout au cours de la période qui va venir, au fur et
à mesure qu'ils vont arriver.
Mais, M. le Président, une autre question: Comment
interpréter le silence des centrales syndicales concernant les gains
obtenus pour les travailleurs dans l'accord du 28 août? Comment expliquer
ce sHence? Le Québec gagne, personne ne peut le contredire, la
compétence exclusive qu'il n'a jamais eue en termes de formation de la
main-d'oeuvre depuis 1867, clairement, dans la Constitution. Pas un seul mot de
la part de ceux qui sont chargés, à ce que je crois,
d'après les conventions collectives, soit de la CSN ou de la FTQ ou
d'autres syndicats affiliés, de défendre l'intérêt
des travailleurs. Si le Québec de l'an 2000 doit être un
Québec où la main-d'oeuvre est l'atout principal, pourquoi ne
disent-ils pas que c'est un gain pour le Québec?
Deuxième question: Le Québec gagne la gestion de
l'assurance-chômage pour arrimer le programme de
l'assurance-chômage avec la formation de la main-d'oeuvre. Pas un seul
mot de la part des chefs syndicaux qui défendent les
intérêts des travailleurs du Québec. 5000 à 6000
employés vont être transférés du gouvernement
fédéral au gouvernement provincial. Pourquoi pas un mot? Par
intérêt personnel? m. le président, comme individus, dans
notre vie personnelle, dans notre famille, avec nos enfants, quand on a le
problème d'un enfant qui ne veut plus aller à l'école, qui
veut décrocher, quand, dans un couple, entre un homme et une femme, il y
a des différences d'opinions, d'objectifs, quand, en affaires, avec un
associé, on ne s'entend pas - on se met certains objectifs et on en
atteint peut-être six ou sept sur dix; il y en a trois ou quatre qu'on
n'atteint pas, mais on en atteint six ou sept... est-ce que, dans le cas d'un
enfant, on quitte la famille? est-ce que le père quitte la maison?
est-ce que l'enfant claque la porte? est-ce que, dans un couple, ça
signifie le divorce? est-ce que c'est ça? est-ce qu'on renie ses
enfants? est-ce qu'on plante ses associés là parce qu'on a juste
obtenu 7 des 10 objectifs? non, m. le président. dans une
assemblée syndicale où, sur un vote sur une convention
collective, 60 % des syndiqués disent oui et 40 % disent non, est-ce que
les 40 % qui restent déchirent leur carte de syndiqué puis
oublient leurs objectifs de syndicat? est-ce que c'est ça qui se passe?
non. ce n'est pas ça que les québécois font, ce n'est pas
ça qu'un être humain raisonnable fait, et pas seulement au
québec, partout à travers le monde, à moins que ce ne soit
un lâcheur, à moins que ce ne soit un lâcheur! à
moins que ce ne soit un lâcheur comme ceux, en 1983 et en 1984, qui ont
lâché rené lévesque, le chef de l'opposition, qui a
démissionné, comme ceux qui ont démissionné du
conseil des ministres, le député de la prairie et les autres,
comme lucien bouchard qui a lâché son premier ministre à
ottawa. un autre lâcheur! ça, c'est des lâcheurs. mais le
peuple du québec, ce n'est pas un peuple de lâcheurs, en aucune
façon.
Qu'est-ce qu'on doit retenir, M. le Président? C'est que, de tous
les exemples que je vous ai donnés, c'est que...
Des voix:...
M. Bélisle: M. le Président, j'aimerais avoir le
silence, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, je viens d'arriver...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...et je suis convaincu
que le silence, vous l'avez déjà
maintenant.
M. Bélisle: Je vous remercie, compte tenu de votre
arrivée, M. le Président. Tous les exemples que j'ai
donnés de la vie quotidienne, de la vie courante, nous démontrent
que c'est toujours le plus grand dénominateur commun qui prévaut
et qui gagne. Ça s'appelle le compromis. Et qu'est-ce qu'un compromis?
Un compromis, c'est l'atteinte des objectifs. Ce n'est pas l'atteinte des
objectifs des agendas de tous. Ce n'est pas les plus hauts espoirs puis les
plus bas espoirs. Non, c'est ce qui est acceptable. Ce n'est jamais...
Et j'ai entendu, tout au cours du débat, des
députés indépendantistes nous dire: Voilà, le
compromis du 28 août, hein... Ce n'est pas enthousiaste, chez vous, la
défense de... Oui, c'est enthousiaste, modérément, pour
une raison. C'est parce que, lorsqu'on fait un compromis, lorsque des
syndiqués, ensemble, font un compromis lorsqu'ils votent sur une
convention collective, puis 60 % disent oui, puis 40 % disent non, lorsque,
avec ton épouse, avec tes enfants, tu fais un compromis, tu en as
donné un peu, l'autre personne en a donné un peu, puis tu as fait
un moyen terme, tu as cheminé. Mais ce n'est pas entièrement ce
que tu voulais obtenir. C'est ça, la nature de la définition d'un
compromis. Il n'y a personne, après un compromis, qui va sauter au
plafond, parce que ça va de soi. C'est de la nature du compromis. Et
c'est un acte de raison.
M. le Président, une société, ça naît
de compromis. Une constitution, c'est le résultat de sérieux
compromis quant aux valeurs que partagent les citoyens d'une
société, de tout groupe ethnique, de tout groupe culturel, de
tout groupement social ou de toute strate sociale. Une
fédération, une confédération, qu'elle soit
syndicale ou qu'elle soit politique, dans un pays, c'est l'intégration
politique. Pas la somme politique, là. C'est le compromis des compromis,
aux niveaux économique, monétaire, fiscal, politique, social, des
peuples, des nations, des citoyens et des citoyennes qui vivent entre eux sur
un territoire donné.
M. le Président, la vie m'a appris que la vie de tous les jours,
le quotidien de toutes les femmes et de tous les hommes du Québec, ce
n'est qu'une suite ininterrompue de compromis, sauf peut-être pour les
indépendantistes. Moi, je l'accepte, ça. J'ai appris à
vivre avec ça. Ceux qui ne l'acceptent pas, ceux qui sont constamment
négatifs et qui ont une difficulté viscérale à
vivre avec cette réalité, ils doivent être très
malheureux. Je veux, M. le Président, un Québec qui vive et
chemine dans le réalisme, selon un comportement semblable et raisonnable
à ce que nous faisons tous à chaque jour, individuellement, comme
citoyennes et citoyens, dans notre vie personnelle comme pour les conventions
collectives et comme pour les bons syndicats.
M. le Président, je suis irrévocablement convaincu que
personne, aucun individu ne refuse jamais de progresser et d'avancer dans la
vie. Et cela n'empêchera jamais le Québec de cheminer en harmonie,
l'entente conclue le 28 août 1992, de progresser avec ses partenaires
canadiens, avec les membres du Canada, avec les membres de cette grande union,
entre guillemets - et interprétez le terme «union» dans
n'importe quel sens - de cette fédération qu'est le Canada
d'aujourd'hui que nous sommes à bâtir pour un vrai Canada de
demain. Merci, M. le Président. (16 h 40)
Présence du président de
l'Assemblée
législative, M. Ronald Russell,
et de M. Guy Leblanc, ministre de
l'Éducation, des Affaires acadiennes et
des
Affaires aborigènes de la
Nouvelle-Ecosse
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Je voudrais souligner la
présence dans nos galeries du président de l'Assemblée
législative de la Nouvelle-Ecosse, M. Ron Russell. Bienvenue à
l'Assemblée nationale, M. Russell. Également, un grand ami du
Québec, l'honorable Guy Leblanc, qui est ministre de l'Éducation,
ministre responsable des Affaires acadiennes, ministre responsable
également des Affaires aborigènes, qui a été
ministre de l'Environnement, ministre des Transports et ministre des
Pêcheries. M. Leblanc, bienvenue à Québec; vous êtes
ici chez vous.
Reprise du débat sur la motion du premier ministre nous
poursuivons les débats sur la question référendaire
proposée par m. le premier ministre. je reconnais mon collègue,
m. le député d'anjou. m. le député.
M. Pierre Bélanger
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président. Alors, la voilà, la question. On l'attendait depuis
longtemps. On s'attendait à avoir des droits d'auteur, probablement,
à payer au fédéral relativement à sa
rédaction. Comme de fait, on va avoir des gros droits d'auteur à
payer, puisque la question est absolument identique. M. le Président, je
ne ferai pas une étude exhaustive de cette question, à savoir:
Est-ce que cette question est claire? Est-ce que c'est cette question qui
aurait dû être posée? Quant à moi, je pense qu'elle
est quand même suffisamment claire et qu'elle dit ce qu'elle veut dire.
Évidemment, on pourrait peut-être dire quelques mots sur le terme
«renouvelée» qui est employé dans cette question.
Avec les offres qui nous sont présentées, peut-on
réellement parler d'un renouvellement de la Constitution? Quant à
moi, si vous voulez mon avis, M. le Président, c'est vraiment enjoliver
ces offres, c'est vraiment
donner beaucoup plus de portée à ces offres qu'elles n'en
ont réellement.
Mais, mis à part ce point, je pense que la question est
honnête et que la question dit ce qu'elle veut dire. Il y a même un
certain terme dans cette question qui, je pense, est très explicite
quant à la réponse que doivent donner les Québécois
lors du référendum. On demande: «Acceptez-vous que la
Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue
le 28 août 1992?» Sur la base. Ça, je dois vous avouer, M.
le Président, que j'ai été un peu étonné
quand j'ai vu ça. Je m'attendais à ce qu'on demande
carrément: Voulez-vous ratifier l'entente ou les offres qui ont
été présentées? Non, on nous demande l'acceptation,
finalement, de renouveler sur la base. Sur la base. Alors, M. le
Président, c'est donc dire que ce qui est devant nous n'est qu'une base,
ce ne sont que les grandes lignes, un brouillon, les grandes lignes directrices
d'un projet incomplet qui nous est présenté. Et on revient
finalement à ce qui avait été dit: c'est un chèque
en blanc qu'on nous demande; c'est un contrat qu'on n'a pas réellement
terminé, qu'on n'a pas rédigé et dont on nous demande tout
simplement d'approuver les lignes directrices.
M. le Président, la Constitution...
Le Vice-Président (m.
bissonnet): m. le
député de masson, m. le ministre, je vous demande d'accorder
toute votre attention à l'allocution du député
d'anjou.
M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. La
constitution d'un pays est tellement importante! Je ne vois pas comment on peut
se permettre de présenter ainsi un document qu'on n'a pas encore fini de
rédiger, dont on n'a pas les textes juridiques. J'écoutais avec ^
grande attention l'exposé du député de Mille-Îles
qui faisait des parallèles fort intéressants avec les mouvements
syndicaux. Il a oublié quelque chose, cependant, c'est que quand les
membres de syndicats sont portés à se prononcer sur une entente,
les négociations sont terminées. On a eu une entente point par
point, ça ne veut pas dire que c'est le début de la
négociation, alors que, dans le cas présent, ce qui ressort
vraiment de tous les débats, ce qui ressort aussi des questions qui sont
posées aux différents ministres depuis notre rentrée
parlementaire, c'est que cette entente-là, alors... Ce n'est même
pas une entente. Je m'en veux d'avoir pris cette expression. Ce n'est pas une
entente, ce sont des offres, parce qu'il n'y a pas d'entente.
Alors, M. le Président, ce qui ressort de tous ces débats,
c'est que ça va être le signal de départ des
négociations. On va commencer tous azimuts des négociations pour
en arriver à des ententes administratives. Certains vous diront: Ah! ce
n'est pas des négociations constitutionnelles. Non, c'est encore pire,
c'est des négocia- tions d'une multitude d'ententes administratives.
Puis Dieu sait qu'on n'a pas été gâtés,
récemment, avec les ententes administratives dont le Québec a
besoin présentement. Je pense en particulier, M. le Président, au
niveau de l'aide juridique dont je suis le porte-parole officiel de
l'Opposition. Depuis longtemps, on demande au fédéral d'en
arriver à une entente avec le Québec relativement au financement
du volet immigration de l'aide juridique, car c'est le fédéral
qui impose les conditions quant aux revendicateurs de statut de
réfugié, c'est le fédéral qui impose aussi les
conditions pour l'immigration et tout ça. C'est le
fédéral, aussi, qui s'est engagé auprès des
organismes internationaux à fournir l'assistance légale et
judiciaire aux gens qui arrivent au Canada, au Québec, pour revendiquer
le statut de réfugié politique.
Donc, depuis longtemps, M. le Président, on attend cette entente
administrative entre le fédéral puis le provincial pour payer,
pour que le fédéral paie sa juste part de ce service qui nous
coûte 6 000 000 $ cette année, au réseau d'aide juridique,
6 000 000 $, soit le montant approximatif de la dette de tout le réseau
d'aide juridique. Alors, M. le Président, on l'attend, cette entente, et
le ministre de la Justice a même claironné, il y a quelques mois,
en disant qu'elle était conclue. J'ai demandé la date: pas de
date. J'ai demandé quels étaient les profits anticipés ou
les revenus anticipés de cette entente: pas de montant. J'ai
demandé à avoir les grandes lignes de la portée de cette
entente: aucune entente, aucun détail.
Alors, M. le Président, tout porte à croire que cette
entente fantôme, si elle existe, n'est pas réellement à
notre avantage. C'est tout à fait inacceptable et inconcevable, quand on
pense que le fédéral paie 6 000 000 $ par année à
l'Ontario et un montant similaire à la Colombie-Britannique pour payer
la totalité des frais d'aide juridique relativement au volet de
l'immigration. Donc, on peut voir le peu de succès, là, qu'on a
avec les ententes administratives, M. le Président. Et pourtant on
devrait normalement être dans une situation où on a un rapport de
force quand même à notre avantage. Avec la stratégie que
les Québécois s'étaient donnée en optant pour un
renouveau de leur Constitution ou vers la souveraineté, vers un
changement profond de leur mode de gouvernement, il s'était
créé un rapport de force. On aurait pu s'attendre à ce que
des ententes administratives arrivent facilement. Elles n'arrivent pas
facilement. C'est pénible, c'est long, c'est coûteux, c'est
beaucoup d'énergie gaspillée, M. le Président.
Alors, là, ce qu'on nous dit, ce que le ministre de
l'Éducation nous a dit, ce que la ministre de la culture nous a dit, ce
que le ministre de la Sécurité du revenu nous a
répété aussi, c'est que, dès que cette entente ou
ces offres seront ratifiées ou approuvées par la
population, on s'en va négocier une multitude d'ententes. Et
après on nous dit que c'est un point de départ, aussi. C'est un
point de départ, alors que, justement, une des principales raisons qui
devraient nous porter à accepter ces offres, c'est justement de
désengager le gouvernement, de désembourber le gouvernement de
toutes les négociations. Donc, je ne vois vraiment pas la logique, M. le
Président, et je ne comprends pas comment inciter les gens, du
côté du oui, à adopter ces offres, parce que ce sont des
offres. Il n'y a pas d'entente. Légalement parlant, pour qu'il y ait
entente, il faut qu'il y ait rencontre des volontés, accord des
volontés, et c'est le principe même des contrats. Il n'y a eu
absolument aucun accord des volontés entre les revendications
traditionnelles du Québec et le gouvernement central et les provinces
anglophones. Il n'y a rien. Non, c'est tout simplement une entente entre les
ministres des provinces anglophones, et maintenant on nous les impose, on nous
dit: C'est ça; prenez-les ou laissez-les, il n'y a rien d'autre. (16 h
50)
Je comprends mal le député de Mille-Îles, qui est
lui aussi avocat, comment il peut accepter qu'on demande à des gens de
se prononcer sur une entente, alors que les textes juridiques ne sont pas
encore sortis. Écoutez, M. le Président, pendant neuf ans, ma
principale tâche comme avocat a été de conseiller mes
clients de signer ou de ne pas signer des ententes. Jamais, je n'ai vu un
client se présenter à mon bureau sans contrat et me demander: Me
Bélanger, est-ce que je dois signer? Jamais! Première des "Choses
que je lui demande, c'est: Apportez votre contrat, s'il vous plaît. Ne
m'arrivez pas avec tout ça, en parlant de faits en l'air, et en me
disant: Est-ce que je dois signer? Même, encore pire que ça, je
peux vous dire que je serais poursuivi pour responsabilité
professionnelle si je conseillais à un client de signer un contrat que
je n'ai pas vu. Encore là, si on me présentait un brouillon, je
ne pourrais pas dire à mon client: Vas-y, le brouillon est bon, vas-y,
signe le contrat. Écoutez, la première chose, la première,
c'est l'élément de base. On demande d'arriver avec des textes
définitifs. Nous, on nous dit: Non, non. Écoutez, c'est un
brouillon, c'est beau ce brouillon-là, acceptez ça, faites-nous
confiance, c'est beau. Écoutez, la population du Québec, ce n'est
pas la convention libérale, ce n'est pas uniquement de demander tout
simplement de voter sur la tête de la personne qui dirige et dire:
Faites-nous confiance.
Une voix:...
M. Bélanger (Anjou): Alors, M. le Président, on
nous demande un chèque en blanc, on nous demande de signer quelque chose
qui n'existe même pas encore, qui n'est, comme l'a dit ma collègue
de Chicoutimi, qu'un simple procès-ver- bal d'intention et de voeux
pieux.
De plus, M. le Président, ce qu'on doit constater, c'est que ces
documents ne répondent absolument pas aux préoccupations des
gens. Dans la circonscription d'Anjou, lors de l'élection du mois de
janvier, les gens, je peux vous dire qu'à chaque porte que je faisais,
ils me répondaient à peu près les mêmes choses:
Premièrement, les taxes. Les gens en ont assez de payer des taxes, ils
sont égorgés. Alors, qu'est-ce qu'on trouve dans ces offres, M.
le Président, qui peut donner un peu d'espoir aux gens qui veulent avoir
un allégement fiscal ou une réforme de la fiscalité? Rien,
absolument rien, qui peut permettre aux gens de penser que leur fardeau fiscal
va diminuer. Les gens veulent un espoir. Est-ce qu'il y a de l'espoir
là-dedans au niveau de la fiscalité, au niveau des taxes?
Absolument rien. Voter oui à cette entente, c'est voter oui aux taxes et
à continuer d'être taxés de la même façon
qu'on a présentement.
Alors, qu'est-ce qu'on a, M. le Président? Ah, non, on vient nous
donner un Sénat. Ça, ça va aider vraiment la structure
gouvernementale, M. le Président. On sait que ça va coûter,
à peu près, quelques centaines de millions de dollars à
instaurer et à alimenter, ce Sénat, ce Sénat qu'on appelle
triple «e». M. le Président, je ne vois vraiment pas en quoi
le Sénat va aider la structure gouvernementale, en quoi on peut dire que
ça va être utile pour le Québec. D'ailleurs, demandez la
question aux Québécois: Qu'est-ce qu'ils en feraient du
Sénat? La question serait vitement réglée. On
l'éliminerait purement et simplement et là, il y aurait une
économie; là, on pourrait dire qu'on a fait vraiment quelque
chose de rationnel. Alors, M. le Président, non, c'est ça, on
nous offre un Sénat tout à fait inutile, qui va coûter
cher. Nous, on cherche à simplifier les structures du gouvernement. Non,
ici, on les alourdit; on les rend plus onéreuses, plus coûteuses.
M. le Président, en voilà un bel exemple, justement. On ne
répond pas aux préoccupations des gens.
Au niveau des sans-emploi, on voulait de l'espoir, M. le
Président. On nous vante la qualité de vie au beau Canada. Oui,
M. le Président, avec un taux de chômage, le pire taux de
chômage de tous les pays industrialises. Alors, franchement, M. le
Président, allez dire aux gens qui sont sans emploi - parce que le taux
de chômage ne comprend pas non plus les assistés sociaux - allez
leur dire que, finalement, ils sont bien, qu'ils sont heureux, que tout va
bien, et que ce que vous leur offrez, ça va les aider. Il n'y a
absolument pas d'espoir là-dedans, pour ces gens-là. On les
oublie, on les oublie complètement. Ce que les gens voulaient,
justement, au niveau de l'emploi, c'est un guichet unique à l'emploi. Un
guichet unique, ce n'est pas compliqué, c'est-à-dire qu'on va
à une porte pour chercher de l'emploi. On ne va pas à
l'assuran-ce-chômage, au bureau de Travail Canada et,
après ça, au bureau de Travail-Québec - une seule
place. On nous apprend que ça ne sera pas le cas, on va rester encore
avec la même structure. Ah! Il peut y avoir des ententes. Encore, on nous
parle toujours, on nous fait miroiter les innombrables ententes administratives
qu'il va pouvoir y avoir, mais des ententes qui ne lient qu'un gouvernement,
qui ne sont pas const itutionnalisées, et qui sont à la merci de
tout changement au gouvernement fédéral. Alors, c'est ça.
Des ententes... En quoi va-t-on vraiment aider les gens? En quoi allons-nous
réellement alléger le gouvernement de la préoccupation des
négociations fédérales-provinciales? Ça ne
règle rien.
Alors là, on nous parle maintenant des acquis, des actifs pour le
Québec. Écoutez, je reviendrai succinctement là-dessus, M.
le Président, tout simplement pour vous dire: nouveaux pouvoirs, on le
sait, on n'en a aucun qui nous permettrait de donner les outils
nécessaires pour relancer notre économie. Ah oui! On nous
confirme les pouvoirs qu'on avait depuis 125 ans. Merci, merci! En plus,
évidemment, le gouvernement dit qu'il va réglementer son pouvoir
de dépenser dans ces six secteurs. Encore là, c'est un cadeau
absolument merveilleux. Garantie de 25 % à la Chambre des communes.
Merveilleux, on l'a depuis à peu près 100 ans, puis ça n'a
pas empêché, en 1970, la loi des mesures de guerre, ça n'a
pas empêché le rapatriement de la Constitution
unilatéralement. Ah, encore là, c'est toute une garantie d'avoir
25 députés fédéraux à Ottawa, c'est vraiment
tout à fait merveilleux; 3 juges à la Cour suprême; on les
a, on les a déjà, les 3 juges à la Cour suprême,
puis ça donne quoi encore? Ça n'a pas empêché la
Cour suprême d'invalider des dispositions de la loi 101 à maintes
reprises. Alors, M. le Président, les actifs, je ne les vois pas.
Société distincte. Tout simplement dire aux gens que Clyde
Wells maintenant est d'accord avec la notion de société distincte
dans l'entente, je pense que tous les Québécois ont compris ce
que ça veut dire. Il est même prêt à venir au
Québec pour la défendre. Alors, si vous croyez qu'il y a des
actifs là-dedans, eh bien, moi, je vous laisse juge de ça. M.
Wells n'a pas changé d'idée. C'est toujours les mêmes
convictions qui l'animent, et il est d'accord avec cette notion de
société distincte.
Droit de veto. Ah, quelle merveille que ces droits de veto, M. le
Président. Merveilleux! On va avoir des droits de veto une fois que
toutes les réformes seront faites. Alors, peut-être que, dans 150
ans ou dans 200 ans, ces droits de veto pourront être utiles. On pourra
dire ça à nos petits-petits-enfants. Mais, encore là, M.
le Président, n'essayons pas de faire croire aux gens qu'il y a des
actifs là-dedans.
Alors, donc, M. le Président, on peut comprendre que ces offres
n'emballent personne, même chez les libéraux. Certains,
évidemment, vu quand même la grande rigueur et la grande
discipline de parti qui sont imposées, ne feront pas de
déclaration ou ne feront pas de soubresauts, mais ils s'écrasent.
Je ne suis pas certain qu'on va en voir énormément faire du porte
à porte pour défendre vigoureusement ces offres. On l'a vu. Un
gars comme M. Allaire, on ne nous dira pas que M. Allaire, c'est un membre du
Parti québécois. M. Allaire, il a dit ce qu'il en pensait. Mario
Dumont, ça, vous ne me direz pas encore que c'est un jeune
péquiste. Il a encore dit que le Parti libéral, c'était sa
voie, mais ces ententes-là, c'est inacceptable pour lui.
Je vois évidemment la députée de Bourget qui
réagit à mes propos. Je comprends, j'apprenais, dans mon
comté, qu'il y aura un référendum uniquement en 1993 ou en
1994 dans le comté de Bourget.
Une voix: Ah, no!
M. Bélanger (Anjou): Ah oui, alors, c'était en
titre dans Le Flambeau, M. le Président. Donc, je peux
comprendre, M. le Président, évidemment, quand une chose comme
ça arrive...
Mme Boucher Bacon: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Quelle est votre
question, Mme la députée de Bourget?
M. Jolivet: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de
règlement, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, vous savez très bien
que les règles de cette Assemblée ont été
changées par le gouvernement, par le leader et que les questions de
privilège n'existent pas, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur une question de
règlement, Mme la députée.
Mme Boucher Bacon: M. le Président, pourquoi j'ai dit
qu'il y avait un référendum en... Non...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.
M. le député, avant de vous entendre, je vais entendre madame.
S'il vous plaît. Je m'excuse. J'ai une question de règlement de
Mme la députée de Bourget. Je vais l'entendre. Je ne sais pas
encore la question de règlement, M. le député. Je vais
vous reconnaître après, c'est évident. Non, non. Non. S'il
vous plaît. S'il vous plaît, Mme la députée. Mme la
députée, Mme la députée, il faut respecter la
parole d'un député qui s'exprime. C'est dans le règlement,
à l'article 35. Évidemment, au niveau du règlement, il y
a
des façons de pouvoir soulever une question de privilège.
Vous le ferez en temps opportun. Mme la députée, en temps
opportun. M. le député, si vous voulez poursuivre votre
intervention.
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
s'il vous plaît. M. le député. S'il vous plaît. M. le
député d'Anjou, si vous voulez poursuivre votre intervention.
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président. M. le Président, je ne faisais que rapporter
uniquement des titres des journaux régionaux de mon comté, et
c'est tout ce que je faisais.
Mme Boucher Bacon:...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.
Mme la députée, vous aurez l'occasion d'intervenir. Je m'excuse,
Mme la députée, tous les députés peuvent intervenir
20 minutes. Vous aurez sûrement votre occasion d'intervenir et vous ferez
votre discours à ce moment-là. M. le député
d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président. Alors, je disais donc que ces offres ne suscitaient que peu
de réactions. Évidemment, on a eu une réaction...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bélanger (Anjou): ...mais peu de réactions.
Alors, c'est tout simplement pour dire que ça ne répond pas aux
revendications historiques du Québec. On parle de Meech; on parle de
Meech plus. On se croirait, M. le Président, dans une réclame de
savon à lessive. J'ai même entendu le ministre de la Justice
parler de Meech plus, plus, plus. Alors, j'attends le prochain qui va dire:
Meech plus, plus, plus, plus encore. Écoutez, quand on est
réellement en train de faire de la réclame, on en fait ou on n'en
fait pas, hein, M. le Président!
Alors, tout ça pour vous dire, M. le Président, que
ça ne soulève rien, ces ententes-là. Et quand je voyais
tout simplement M. Bourassa qui disait que voter oui, c'est voter pour la
prudence, alors permettez-moi d'en douter, parce que voter oui, c'est
s'enfermer dans une structure étouffante, c'est étouffer les
revendications du Québec. C'est ça, M. le Président, voter
oui. Et je pense que, si on veut vraiment avoir une idée de tout ce
débat... Moi, ce que j'ai bien aimé, c'est les propos tenus par
Peter Blaikie, l'ancien président d'Alliance Québec, qui disait:
«L'indépendance vaut mieux que l'entente de Charlottetown.
Soumettre à un référendum l'entente constitutionnelle du
28 août est une espèce de mépris envers le peuple
québécois» croit l'avocat montréalais Peter Blaikie,
ex-président d'Alliance Québec. C'est donc pourquoi, M. le
Président, je suis confiant que les Québécois vont voter
massivement non à cette entente, car ils méritent mieux que
cela.
Mme Boucher Bacon: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, Mme la
députée.
Mme Boucher Bacon: ...est-ce que je pourrais poser une question
au député d'Anjou en vertu de l'article 213?
Une voix: Suspendu. Suspendu.
M. Jolivet: M. le Président, s'il vous plaît! Sur
une question de règlement. M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant! Un instant!
Il n'y a pas eu de motion de suspension des règles.
Une voix: On n'a pas suspendu... M. Jolivet: M. le
Président...
Le Vice-Président
(m. bissonnet): un instant,
là! non, non! un instant avant de... un instant! un instant! s'il vous
plaît! s'il vous plaît! soyez calmes!
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais suspendre pour
quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 11)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place.
Mme la députée de Bourget.
Mme Boucher Bacon: Oui. M. le député, compte tenu
que notre enveloppe nous est réservée, j'aurai toujours le droit
de revenir pour prendre la parole. J'aurais pu lui poser une question, mais je
vais attendre à un autre moment pour le faire. Je vous remercie.
Le Vice-Président (m.
bissonnet): merci, mme la
députée. nous poursuivons le débat sur la question
référendaire proposée par m. le premier ministre et je
reconnais mme la whip adjointe du gouvernement et députée de
groulx. mme la députée, la parole est à vous.
Mme Madeleine Bleau
Mme Bleau: Merci, M. le Président. Dans le cadre de ce
débat référendaire, il m'apparaît essentiel de
mettre en relief certains éléments concernant la
solidarité entre les Québécois, qu'ils soient
francophones, membres des communautés ethniques ou membres des
communautés autochtones. À cet égard, je voudrais d'abord
souligner que le Québec s'est construit sur la base de cette
solidarité entre tous les membres qui composent sa
société.
Nous vivons aujourd'hui dans une société moderne sur le
plan économique, sur le plan culturel, sur le plan des valeurs et,
à ce titre, nous devons en être reconnaissants à ceux et
celles qui nous ont précédés, à ceux qui ont
tracé la voie que nous empruntons aujourd'hui pour, à notre tour,
tenter d'améliorer la qualité de vie de ceux et celles qui nous
suivront.
Un des éléments clés de cet équilibre au
sein de la société québécoise a trait à
l'immigration. Ce chapitre m'intéresse particulièrement,
puisqu'on retrouve dans le beau comté de Groulx une population
importante d'origine portugaise. Le Québec a historiquement tenu
à ce que ceux et celles qui se joignent à nous puissent
s'intégrer de façon harmonieuse afin de répondre à
leurs besoins et aspirations. Mais, en même temps, il ne fallait pas pour
autant qu'un déséquilibre se produise au sein de la
société québécoise, entendu par là que notre
majorité francophone au Québec constituera toujours une
distinction par rapport au rest e du Canada et à l'Amérique du
Nord dans son ensemble.
Donc, le sujet de l'immigration a toujours fait partie des pourparlers
constitutionnels. Le Québec a progressivement tenté de
récupérer ce pouvoir afin qu'il soit le plus exclusif possible,
sans pour autant nier le rôle du gouvernement canadien à
l'échelle du pays. Mais, en ce qui a trait au Québec, du fait
qu'il est reconnu maintenant comme une société distincte et que
cela sera inscrit dans la Constitution, il est fort important que l'on puisse
conserver cette marge de manoeuvre que nous avons historiquement acquise, bien
sûr, mais également dans la mesure où nos priorités
changeront dans l'avenir, sauf celle de conserver cette majorité
francophone au Québec.
Cela ne signifie pas que nous réservions un accueil plus timide
et plus froid, en ce qui a trait aux minorités ethniques. Bien au
contraire, nous tentons par tous les moyens possibles de mettre des budgets et
des programmes de financement adéquats pour leur harmonisation et leur
intégration à la société québécoise.
Donc, dans le cadre des dernières propositions fédérales,
le Québec devient responsable de la sélection et de
l'intégration linguistique, culturelle, sociale et économique des
immigrants sur son territoire. Je le répète, M. le
Président, ce sujet sera inscrit dans la Constitution et c'est là
une garantie pour l'avenir. Il en résultera nécessairement des
négociations via des ententes administratives devant être
signées par les deux niveaux de gouvernement, et ce, en tenant compte
des changements de situation et des besoins nouveaux de chacune des provinces
canadiennes.
Pour ce qui est du Québec, il est d'ores et déjà
établi qu'il constitue une société distincte et, par le
fait même, ça ajoute des impératifs bien précis sur
les plans culturel et économique.
Un bon bout de chemin a été fait, en matière
d'immigration, depuis la signature des ententes Cullen-Couture et, plus tard,
celle des ministres McDougall et Gagnon-Tremblay concernant les juridictions
respectives qui ne pourront être empiétées par l'un ou
l'autre des paliers gouvernementaux.
Il s'agissait d'abord d'éviter les chevauchements et le double
emploi en ce qui a trait à l'immigration, et il fallait également
tenir compte des priorités provinciales et du respect de celles-ci.
C'est exactement à ce type d'entente qu'en sont arrivés les
premiers ministres fédéral et provinciaux en signant un protocole
invitant les deux parties à exercer de plein droit leurs juridictions
respectives.
Sur le plan culturel, on est bien loin des plans de l'ancien
gouvernement du Parti québécois. Vous vous souviendrez, M. le
Président, que ce dernier avait élaboré un vaste plan
d'ensemble, confiné dans le livre blanc sur le développement
culturel. Ce qui était original dans ce livre blanc, c'est que l'ancien
gouvernement du Parti québécois tentait de dicter ses
priorités à chacun des individus. Quiconque ne se conformait pas
aux règles d'usage de ce manuel était considéré
comme un mauvais Québécois. Or, c'est exactement ce genre de
raisonnement que veut éviter le Parti libéral du Québec.
Comme formation politique, nous avons toujours préconisé un
respect de chacun des individus qui composent la société
québécoise. Qu'il soit francophone, anglophone ou allophone, nous
avons historiquement estimé que tout le monde avait le droit de vivre en
fonction de sa culture, de sa langue et de ses habitudes. Cependant, nous
tenons à ce que l'entrée des immigrants coïncide avec les
objectifs du Québec, c'est-à-dire la protection et la promotion
de la majorité francophone. Tous ces objectifs sont parfaitement
conformes aux récentes propositions constitutionnelles soumises aux
provinces canadiennes.
Le dossier des autochtones a également constitué une autre
priorité pour le Québec et l'ensemble des provinces canadiennes.
S'il fallait, là encore, se fier au jugement du Parti
québécois, on aurait réglé ce dossier depuis
longtemps, mais dans le sang. Non, le gouvernement libéral
préfère, et de loin, la solution du dialogue, du compromis entre
les parties. Durant l'été 1990, le Québec a vécu
des événements déplorables avec
l'une des communautés autochtones, mais le tout s'est
réglé sans qu'aucune violence collective vienne causer des
catastrophes. Une personne a perdu la vie, et c'est déjà une de
trop.
Depuis 1985, l'Assemblée nationale reconnaît aux
autochtones le droit d'avoir des gouvernements autonomes. C'est ce même
droit que nous reconnaissons aujourd'hui dans la Constitution. Mais on voulait,
au préalable, s'assurer que l'intégrité du territoire du
Québec ne serait pas mise en danger par le droit au gouvernement
autonome conféré aux autochtones. C'est ce que nous avons fait en
obtenant clairement une garantie constitutionnelle à cet égard
dans l'entente. Donc, M. le Président, l'intégrité du
territoire du Québec est garantie. C'est à nous qu'il
appartiendra de négocier de bonne foi avec les autochtones pour
établir ces gouvernements avec lesquels ils pourront
s'autogouverner.
Nous avons également établi de façon
constitutionnelle que ces gouvernements autochtones devront respecter les lois
essentielles du maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement de la
société canadienne comme de la société
québécoise. Ce sont là des gains majeurs pour chacune des
parties en présence, et c'est pourquoi j'estime que ces offres sont plus
que valables et doivent être endossées par l'ensemble de la
population du Québec. (17 h 20)
Par le passé, le Québec a toujours fait preuve de
générosité. Il n'y a pas de raison valable pour que cette
tradition ne se perpétue pas dans l'avenir. Nous sommes d'avis,
cependant, que le gouvernement doit éviter tout dirigisme d'État
comme a tenté de le faire, à un moment donné, l'ancien
gouvernement. Nous sommes convaincus que c'est dans le respect et la
conformité des besoins et aspirations de la population qu'il faudra
vivre à l'aube des années deux mille, et c'est pour cela que je
demande à la population de mon comté de voter oui aux offres lors
du référendum, et je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Groulx, de votre intervention. Alors, nous en sommes
toujours à la motion proposant une question référendaire,
par M. le premier ministre, et je reconnais M. le député de
Saint-Jean.
M. Charbonneau: M. le Président, simplement pour
souligner... Il y a peut-être lieu de vérifier si, à
l'ordre... Je pense que M. le ministre des affaires internationales
était prêt à intervenir. Alors, je lui cède ma place
avec plaisir.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Très bien, M. le
député de Saint-Jean. Je reconnais M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, je remercie M. le
député de Saint-Jean de me permettre d'intervenir
immédiatement, puisque je suis en commission parlementaire où
nous étudions l'entente que nous avons signée à
Charlottetown le 28 août dernier. Je le remercie donc de me permettre de
m'adresser immédiatement à cette Chambre pour pouvoir retourner
à la commission parlementaire et continuer nos travaux.
M. le Président, la question qui sera posée aux
Québécoises et aux Québécois le 26 octobre prochain
est une question qui est claire, qui est simple. Contrairement à celle
qui a été posée en 1980, c'est une question qui est facile
à comprendre. C'est une question qui est facile à comprendre,
parce que les enjeux sont aussi très clairs. Ces enjeux, nous les
retrouvons dans cette entente que nous avons négociée, que nous
avons conclue le 28 août dernier à Charlottetown.
M. le Président, nous avions deux objectifs, comme gouvernement,
lorsque nous avons négocié cette entente. Notre premier objectif,
tout d'abord: assurer la sécurité du Québec, que nous
puissions exprimer en toute sécurité ce que nous sommes comme
partenaires à part entière de la Fédération
canadienne et, deuxièmement, que nous puissions avoir les outils de
notre développement, tant dans le domaine de la culture que dans le
domaine économique. Et l'entente que nous avons conclue à
Charlottetown reflète essentiellement ces deux préoccupations que
nous avions: sécurité du Québec et des outils pour son
développement.
M. le Président, en ce qui regarde la sécurité,
cette sécurité dont on a besoin comme peuple, comme
société, pour qu'on puisse avoir une base solide pour construire
en fonction d'outils dont nous avons aussi besoin et dont je parlerai tout
à l'heure, cette sécurité, elle repose premièrement
sur notre reconnaissance comme société distincte. Elle repose
aussi sur ces droits de veto que nous avions malheureusement perdus, que le
gouvernement péquiste avait perdus en 1981 et que nous pouvons
maintenant récupérer: six droits de veto; j'y reviendrai dans
quelques instants. Et aussi en matière d'immigration, un domaine
extrêmement important pour le Québec, qu'on puisse garantir au
Québec la sélection de ses immigrants, l'intégration de
ses immigrants et la compensation financière des sommes d'argent
nécessaires pour que nous puissions procéder à cette
intégration de nos immigrants dans notre société
québécoise.
M. le Président, j'ai suivi attentivement les propos du chef de
l'Opposition lorsqu'il a fait son intervention au moment du dépôt
de la question. Et le chef de l'Opposition, entre autres, disait ceci, et je le
cite: «La reconnaissance de la société distincte a
été ratatinée à la langue, à la culture et
au Code civil. Tout le reste a été évacué».
M. le Président, c'est faux.
C'est faux, M. le Président. Nous avons, dans la clause Canada,
cette reconnaissance du Québec comme société distincte. Et
nous avons trois éléments, trois exemples pour nous
démontrer ce qu'est cette société distincte.
La langue française, M. le Président. Et je me souviens
très bien des propos, par exemple, du député de
Lac-Saint-Jean qui disait, en 1987, lorsque nous avons discuté en
commission parlementaire de l'entente du lac Meech, je le cite: «La
société distincte n'était pas définie dans l'accord
du lac Meech. Puisqu'elle n'était pas définie, elle ne pouvait
servir de clause d'interprétation à l'égard de toute
espèce de politique». M. le Président, quand on pense que,
d'une part, vous avez ce commentaire de la part du député de
Lac-Saint-Jean et que, d'autre part, en 1987, ce même
député de Lac-Saint-Jean nous disait: Comment peut-on
sérieusement parler de société distincte, alors qu'il n'y
a pas un traître mot dans cette entente sur l'élément
premier, fondamental et essentiel de la spécificité du
Québec, c'est-à-dire la langue française?
M. le Président, on vient nous dire maintenant: C'est
épouvantable, c'est effrayant, ce que vous avez fait, parce que, comme
exemple de la société distincte, vous avez donné la langue
française. M. le Président, il faut le faire! Il faut le faire!
On nous dit: C'est épouvantable, c'est effrayant, ce que vous avez fait.
Vous avez donné comme autre exemple le Code civil du Québec.
C'est épouvantable. C'est effrayant. C'est épouvantable, ce que
vous avez fait. Vous avez donné, comme autre exemple de ce qu'est le
Québec comme société distincte, la culture unique. Mais,
M. le Président, il faut le faire quand même: nous critiquer parce
qu'on a ces trois éléments de référence:
société distincte par la langue, par sa culture unique, par son
Code civil. Les plus éminents experts sont venus témoigner, M. le
Président. Des experts comme M. le juge de Grandpré, Yves
Fortier, eminent plaideur devant la Cour suprême du Canada, et plusieurs
autres spécialistes sont venus témoigner pour nous dire que ce
sont là trois exemples, et que ces exemples pourront nous permettre
d'inclure des éléments aussi importants pour nous que nos
institutions financières, par exemple, qui nous sont
particulières, le rôle du Québec en matière de
relations internationales.
M. le Président, ce matin, dans les journaux, on lisait cet
article de l'ancien juge en chef de la Cour supérieure du Québec,
Me Jules Deschênes. Me Deschênes qui a écrit un livre, un
traité sur la langue et la constitution des tribunaux, un livre auquel
on se réfère encore régulièrement, écrivait
ce matin: «Société distincte: le Québec doit se
réjouir du gain certain qu'il réalise».
M. le Président, un ancien juge à la Cour suprême du
Canada, une autorité dans le domaine juridique, une autorité dans
le domaine de l'interprétation législative constitutionnelle,
M. Louis-Philippe de Grandpré, est venu témoigner en
commission parlementaire. Ce matin, on pouvait voir un résumé de
son intervention, lorsqu'il disait que le Québec aura les moyens de se
développer avec ce que nous avons dans cette entente, entre autres, en
ce qui regarde la société distincte. M. le Président, ce
que nous avons dans cette clause Canada en fonction de la société
distincte, c'est une référence à ce que nous sommes comme
société, comme peuple. M. le Président, aussi, dans un
article à part - et ça le chef de l'Opposition n'en a pas
parlé, comme par hasard - ce rôle de l'Assemblée nationale,
de notre Assemblée, ce rôle du gouvernement du Québec de
protéger et de promouvoir cette société distincte. (17 h
30)
M. le Président, je n'ai pas entendu ces mots évidemment
de la part du chef de l'Opposition, mais comment peut-on dire que
reconnaître la dualité canadienne pourrait affaiblir ce rôle
du Parlement, ce rôle du gouvernement du Québec de protéger
et de promouvoir la société distincte, dans la mesure où
on voit comment cette clause Canada a été construite, a
été élaborée, et de la façon aussi dont les
experts sont venus nous l'expliquer, sans aucune hésitation, M. le
Président? Tous ces experts ont été catégoriques
à ce niveau-là, que ce soit l'ancien juge en chef de la Cour
supérieure, ce matin, dans les journaux, le juge Deschênes, que ce
soit l'ancien juge de la Cour suprême, M. de Grandpré, M. Fortier,
M. Paul Gérin-Lajoie, un grand spécialiste dans le domaine
constitutionnel, spécialiste dans le domaine de l'amendement
constitutionnel - son traité est toujours une référence
dans le domaine du droit, cité devant les tribunaux. Et ils sont venus
nous dire, M. le Président, d'une façon très claire,
très catégorique, que la loi 101 n'avait jamais été
aussi bien protégée que de par ce texte que nous avons de la
clause Canada et de la reconnaissance de la société
distincte.
Il est faux, M. le Président, de prétendre, comme l'a fait
le chef de l'Opposition, qu'en mettant «notamment» et en le
traduisant en anglais par «includes» on vient de limiter la
portée de la société distincte. M. le Président,
que ce soit l'article 15 de la Charte des droits et libertés dans la
Constitution qui est le coeur, si vous me permettez cette expression, de la
Charte des droits, puisque c'est l'article qui est en fonction de
l'égalité des hommes et des femmes, l'égalité de
tous, peu importe notre race, notre langue, notre sexe - c'est l'article
premier d'une charte des droits et libertés. Dans cet article 15, dans
l'article 43 de la Constitution de 1982, dans l'article 35 de cette même
Constitution - et je cite seulement ces trois exemples, je pourrais en citer
plusieurs autres, M. le Président - on traduit le mot
«notamment» par le mot «includes». Et les experts sont
venus nous le dire aussi, sans aucune ambiguïté, directement: quand
on utilise le mot «includes»
en anglais, ça signifie «notamment». Quand on
étudie le mot «notamment», ça signifie
«includes».
M. le Président, pourquoi aller dire ces choses-là? C'est
la même chose, M. le Président, que lorsque le chef de
l'Opposition a parlé de l'immigration, aussi un point important pour la
sécurité des Québécois et des
Québécoises, sécurité de notre
société. J'ai déposé ici, M. le Président,
à l'Assemblée nationale, les propositions, donc cette entente de
Charlottetown comprenant un texte juridique sur l'immigration. On nous
reproche, M. le Président, de ne pas avoir de textes juridiques. Mais,
sur la société distincte, donc, toute cette clause Canada, c'est
le texte juridique qui est là. En ce qui regarde l'immigration, texte
juridique.
M. le Président, là encore, on ne peut pas quand
même dire de faussetés. Qu'on regarde ce texte juridique qui a
été déposé ici, qui fait partie de l'entente, ce
texte juridique, qu'est-ce qu'il nous dit, M. le Président? Sans aucun
doute, il nous dit que c'est exactement comme dans Meech. La seule distinction,
c'est qu'au lieu d'avoir un droit de veto nous avons un droit de retrait avec
pleine compensation financière. C'est encore mieux, M. le
Président, puisqu'on pourra avoir une compensation financière
plus évoluée et adéquate à l'évolution des
choses. M. le Président, lorsqu'on dit au public qu'on n'a pas ce qu'il
y avait dans Meech au sujet de l'immigration, on met de la confusion et on le
fait délibérément. C'est ça qu'il faut
arrêter, M. le Président. Il faut dire aux gens, il faut dire aux
Québécoises et aux Québécois vraiment ce qu'on a.
Qu'on fasse des critiques, je veux bien, on va y répondre, mais qu'on ne
dise pas de faussetés. C'est complètement faux de dire que
l'immigration n'est pas comme dans Meech. C'est complètement faux de
dire qu'on limite la portée de la société distincte, M. le
Président.
M. le Président, à un moment donné, et c'est
ça le but, et c'est le défi que nous avons comme parlementaires,
pour que les Québécoises et les Québécois exercent
librement, démocratiquement, leur droit de se prononcer par
référendum, notre obligation, comme parlementaires, M. le
Président, c'est de donner l'information adéquate. On
diffère d'opinion, très bien. Votre option, c'est la
souveraineté, et je dois vous avouer que ce que nous avons
négocié et obtenu à Ottawa, ce n'est pas pour faire la
souveraineté du Québec, au départ. Donc, je comprends
qu'on ne soit pas d'accord sur les termes de l'entente. Notre option a toujours
été d'avoir un fédéralisme profondément
renouvelé. Et c'est ce que nous avons.
Je disais, M. le Président, que nous avions été
guidés par cette recherche d'avoir cette sécurité du
Québec. M. le Président, quand on parle de
sécurité, on parle des droits de veto. On se souvient qu'en
1981-1982, avec le rapatriement, avec une entente qui avait été
signée...
Ca, c'est l'entente qui avait été signée par le
gouvernement péquiste le 16 avril 1981, où on a signé le
principe de l'égalité des provinces et où on a
abandonné le droit de veto du Québec. M. le Président,
c'était notre principale préoccupation de pouvoir aller
récupérer ces sécurités dont nous avons tant besoin
comme peuple, comme société. Ce n'était pas facile, M. le
Président, parce que, pour aller récupérer les droits de
veto, il faut avoir l'unanimité, il faut que tous les partenaires, il
faut que les 10 provinces, il faut que le gouvernement fédéral
soient d'accord. Ce n'est pas facile. Les autres sujets, dans la Constitution,
on peut les obtenir avec ce qu'on appelle du 7-50, c'est-à-dire sept
provinces qui totalisent 50 % de la population. C'est beaucoup plus facile.
Mais là on devait aller récupérer ces droits de veto,
réparer les erreurs de 1981. Ce n'est pas nous qui les avions faites,
ces erreurs-là, M. le Président. C'est ce que nous avons fait, M.
le Président.
Je n'ai pas entendu le chef de l'Opposition nous remercier pour ce qu'on
a fait. Je le comprends bien. Mais nous avons récupéré un
droit de veto sur la société distincte. On ne pourra pas changer
les garanties que nous avons sur la société distincte sans qu'on
soit d'accord. Nous avons récupéré un droit de veto sur la
clause «nonobstant». On ne pourra pas changer cette clause, M. le
Président, qui est une soupape de sûreté, une garantie pour
nous protéger quant à notre langue, notamment. On l'a fait avec
la loi 178 dans cette Assemblée. Elle est là, la clause
«nonobstant», elle est garantie. On ne pourra jamais la toucher
sans notre consentement.
Droit de veto sur le Sénat, M. le Président, qu'on a
obtenu alors qu'il avait été perdu en 1981. Droit de veto
à la Chambre des communes avec nos 25 %. On ne pourra pas aller en bas
de 25 % de députés à la Chambre des communes, et c'est
là que se prennent les décisions, M. le Président. C'est
là qu'il va être important, pour le Québec, d'avoir
toujours cette garantie d'avoir au moins 25 % des députés
à la Chambre des communes qui viennent du Québec. M. le
Président, garantie aussi de veto sur la formule d'amendement; veto
aussi sur l'entrée de nouvelles provinces.
M. le Président, ça fait six droits de veto: droit de veto
sur la société distincte; droit de veto sur la clause
«nonobstant»; droit de veto sur le Sénat; les 25 %, à
la Chambre des Communes, de députés; droit de veto sur la formule
d'amendement; droit de veto, M. le Président, sur l'entrée de
nouvelles provinces. C'est ça, la sécurité du
Québec, M. le Président, et c'est ça qu'on est
allés chercher dans cette entente et c'est ça que nous avons, M.
le Président. Il fallait réparer les erreurs de 1981.
C'était notre première obligation, notre premier objectif comme
gouvernement, et c'est ça que nous avons, dans un premier temps. Des
outils de sécurité,
avec l'immigration qui est là, qui nous est garantie, ensuite des
outils de développement, que l'on puisse exprimer ce que nous sommes,
comme partenaires à part entière dans cette
Fédération canadienne, avec des pouvoirs dont nous avons besoin,
sur le plan de la culture, sur le plan économique.
Sur le plan de la culture, M. le Président, la culture est
reconnue comme une compétence exclusive du Québec. Il y aura
respect du rôle du fédéral en matière d'institutions
fédérales, et nos artistes sont pleinement d'accord avec
ça; ils sont venus le dire, en commission parlementaire, à ma
collègue la ministre de la culture. Mais, dorénavant, nous
négocierons cette entente pour être les maîtres d'oeuvre de
la culture sur le territoire québécois.
M. le Président, dans huit domaines nous avons cette
exclusivité de juridiction qui va nous permettre d'éviter tout
d'abord ces dédoublements, dédoublements qui ont
coûté tellement d'argent, de temps, d'énergie, et c'est des
milliards de dollars, M. le Président. Comptez, en plus, le
développement économique régional où on va pouvoir
faire une entente, aussi, administrative et constitutionnelle, qui sera
constitution-nalisée, où on va pouvoir être plus efficaces,
faire en sorte que le développement économique de nos
régions puisse se faire en fonction des priorités de
développement économique du Québec - il n'y aura pas de
développement économique au Québec, sans que ça
passe par nos régions, on le sait - travailler en coordination avec le
gouvernement fédéral et, ensemble, selon nos priorités,
établir ce développement économique. (17 h 40)
M. le Président, on nous dit qu'on n'a pas de compétences,
qu'on ne récupère rien. Mais, M. le Président, c'est
encore faux, mais faux! C'est huit compétences exclusives que nous
avons. Trois compétences que nous avons partagées, où nous
allons établir ces ententes qui vont nous permettre d'avoir une action
coordonnée entre les deux niveaux de gouvernement. M. le
Président, la question dit: C'est une base; oui, c'est une base, une
base solide. Une base qui assure au Québec sa sécurité.
Une base qui nous donne les outils essentiels à notre
développement culturel, économique. À partir de là
on va construire. On va construire tout d'abord de par notre excellence, comme
société, comme peuple, et on va construire en fonction, toujours,
de ces négociations. On pourra continuer et aller chercher d'autres
éléments que nous voulons avoir, mais nous mettrons fin à
cette crise constitutionnelle. Nous aurons cette paix constitutionnelle. Et
nous allons pouvoir travailler ensemble en matière économique,
travailler ensemble à construire un Québec fort, un Québec
fier de son appartenance au fédéralisme canadien, un
Québec qui retrouve sa place de plein droit dans une
fédération qui sera de plus en plus efficace et dont nous
pourrons de plus en plus être fiers, M. le Président, comme
Québécois, comme Québécoises.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre
des Affaires intergouvernementales canadiennes. Nous poursuivons le
débat sur la question référendaire proposée par M.
le premier ministre, et je reconnais M. le député de
Saint-Jean.
M. Michel Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. C'est avec grande
fierté que j'interviens aujourd'hui pour souligner à ma
façon l'importance du débat historique que nous vivons et
l'importance des semaines à venir. J'aimerais, en passant, souligner
l'excellent travail du ministre des Affaires intergouvernementales du
Québec qui m'a précédé et qui a fait un excellent
travail au niveau de toute cette négociation qui nous mène
aujourd'hui à cette question.
M. le Président, le débat sur la question me donne
l'opportunité aujourd'hui d'aborder un point qui a marqué
l'évolution du Québec. En effet, c'est sur la base de la
solidarité québécoise que s'est bâtie notre
province. Dans l'ensemble du Canada, on a également retrouvé ce
souci d'assurer une équité, une justice et une
égalité entre tous les Canadiens et les Canadiennes. Au
Québec, cette caractéristique qu'est la solidarité se
retrouve dans tous les secteurs d'activité. Que ce soit sur le plan
économique, sur le plan culturel ou social, le Québec moderne que
nous connaissons aujourd'hui ne s'est pas bâti en un jour mais
plutôt sur des décennies de labeur et de travail sans
relâche pour en arriver où nous sommes aujourd'hui.
Cette solidarité, M. le Président, se perçoit dans
les valeurs qui nous animent. Je parle ici de cet accueil que nous avons
réservé, par exemple, à nos immigrants qui sont venus
enrichir notre société par leurs connaissances, leurs traditions
et leurs habitudes de vie. J'aimerais simplement souligner que nous avons
entendu il y a quelques minutes le témoignage éloquent du
député de Viau et whip en chef du gouvernement et celui du
député de Laurier, ministre délégué aux
Affaires autochtones, qui sont, je pense, une richesse inestimable, non
seulement pour notre parti mais aussi pour la collectivité
québécoise. Nous devions, dans un souci d'équité et
de justice, accueillir ces immigrants de la façon la plus harmonieuse
possible, mais en nous assurant que nos politiques administratives et nos
programmes de financement rencontrent les objectifs de notre
société distincte. Nous voulions intégrer les immigrants
à la société québécoise, majoritairement
francophone, et, il faut le dire, c'est un cas unique en Amérique du
Nord.
Mais, M. le Président, que dit exactement cette entente sur
l'immigration? Les propositions
constitutionnelles indiquent que le Québec devient responsable de
la sélection et de l'intégration linguistique, culturelle,
sociale et économique des immigrants sur son territoire. De plus, et
c'est là un gain majeur par rapport à l'entente du lac Meech, ce
sera inscrit dans la Constitution canadienne. Ce secteur est lié
à notre poids économique; il est donc important que le
Québec possède les outils nécessaires à
l'intégration des immigrants sur le plan culturel.
Je vous rappelle, M. le Président, que le 5 février 1991
avait lieu la signature officielle de l'accord Canada-Québec relatif
à l'immigration et à l'admission des immigrants. Cet accord est
entré en vigueur le 1er avril de la même année et
remplaçait, quoique s'inscrivant dans le même esprit, l'entente
Couture-Cullen. Mais le Québec obtenait trois champs d'intervention bien
précis: la planification des niveaux d'immigration, la sélection
des immigrants et, enfin, celui de leur accueil et de leur intégration.
En ce qui a trait à la juridiction fédérale, ce dernier
s'engageait à verser au Québec des sommes importantes au chapitre
de l'accueil et de l'intégration. Simplement mentionner 75 000 000 $ en
1991-1992, 82 000 000 $ en 1992-1993, 85 000 000 $ en 1993-1994, pour arriver
à 90 000 000 $ en 1994-1995.
Un mot maintenant, M. le Président, sur le dossier autochtone.
Nous avons entendu précédemment un témoignage
extrêmement émouvant du ministre délégué aux
Affaires autochtones. J'aimerais simplement mentionner qu'on se souvient
d'abord que, depuis 1985, l'Assemblée nationale reconnaît aux
autochtones le droit d'avoir des gouvernements autonomes. Cependant, nos amis
de l'Opposition ont changé d'idée plusieurs fois sur ce dossier,
jusqu'à préconiser une rupture des pourparlers avec les
autochtones parce que le climat semblait un peu plus nerveux entre cette
formation politique et les communautés.
Pour notre part, nous voulions au préalable nous assurer que
l'intégrité du territoire du Québec ne serait pas mise en
danger par le droit aux gouvernements autonomes conféré aux
autochtones. Nous avons, à cet égard, obtenu cette garantie
constitutionnelle. Nous avons donc établi de façon
constitutionnelle que ces gouvernements autonomes devront respecter les lois
essentielles au maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement de la
société canadienne comme de la société
québécoise. En d'autres termes, on prend pour acquis que les lois
du Québec seront respectées. De leur côté, les
autochtones auront la marge de manoeuvre suffisante pour assurer leur
développement et leur plein épanouissement.
Oui, M. le Président, c'est de cette solidarité au sein de
la société québécoise qu'il me faudra parler au
cours des prochaines semaines. Nous en reparlerons d'ailleurs au niveau de
l'immigration, mais également en ce qui a trait à la promotion et
à la protection de la langue française. Notre gouvernement, M. le
Président, a réussi à obtenir, là aussi, des
garanties constitutionnelles pour exercer de façon pleine et
entière les droits de l'Assemblée nationale.
Dans le domaine culturel, la solidarité des
Québécoises et Québécois joue aussi grandement.
C'est d'ailleurs une des principales caractéristiques de notre
société distincte de voir à ce que nos artistes et
créateurs puissent articuler les valeurs particulières d'une
société comme la nôtre afin de promouvoir notre culture
propre. (17 h 50)
En ce qui a trait à l'immigration, il est d'ores et
déjà acquis que ce secteur d'activité sera au service du
développement économique et humain du Québec. Ce sera
aussi un service à la cause du Québec français dans la
mesure où la délicate mission de l'intégration et de
l'harmonisation sera le fruit d'un consensus et d'une planification entre tous
les agents impliqués dans l'intégration des immigrants.
M. le Président, je suis persuadé que les récentes
propositions constitutionnelles répondront aux besoins et aspirations
des Québécoises et des Québécois tout en
contribuant à l'amélioration de notre qualité de vie. Je
n'ai pas besoin de vous rappeler le rang qu'occupe le Canada dans le monde pour
notre qualité de vie, simplement de vous dire que c'est le premier
rang.
M. le Président, je suis membre du Parti libéral depuis
plus de 20 ans. En 1989, j'ai décidé de briguer les suffrages de
ce parti parce qu'il représentait la solidarité, la
stabilité et le réalisme dont le Québec a besoin pour se
développer au sein de la Fédération canadienne. Je suis
fier de cette entente, fier de mon premier ministre et, surtout, fier de
représenter les citoyens et citoyennes du merveilleux comté de
Saint-Jean. Je suis profondément convaincu qu'il faut faire preuve de
réalisme politique et économique en votant oui le 26 octobre
prochain. Oui à la question claire, oui à l'évolution de
notre fédéralisme, oui à la paix constitutionnelle. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Saint-Jean, de votre intervention. Nous poursuivons le
débat sur la question référendaire proposée par M.
le premier ministre, et je reconnais M. le président de la commission
des institutions et député de Lévis... Je m'excuse. Le
président de la commission de l'aménagement et des
équipements et député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Merci, M. le Président. J'écoutais le
député de Saint-Jean et je ne pouvais pas m'empêcher de
constater qu'il avait un drôle de discours, parce que même les
immigrants eux-mêmes, au Québec, et même au Canada, se
demandent si le taux d'immigration n'est pas trop
élevé. Vous savez, en 1991, on a perdu 300 000 emplois,
300 000 emplois de moins au Canada, et il est rentré 250 000 immigrants
de plus. Je voyais La Presse de samedi dernier. On disait: 50 000
assistés sociaux de plus. 50 000 assistés sociaux de plus. On dit
même: Le triste bilan économique sert aux libéraux à
pousser le oui. Imaginez-vous! On va dire: II faut voter pour le oui parce que
note bilan est pourri. On dit: Le lait scolaire se boira moins. On ne donnera
plus de lait dans les écoles. On trouve qu'on n'a pas d'argent pour
donner du lait aux enfants alors que c'est ce qu'on produit le plus au
Québec. On n'a plus les moyens de s'occuper de la sécurité
dans nos autobus scolaires, M. le Président. Ah! j'entends les
députés libéraux dire: Meilleure qualité de vie au
monde! On n'a même pas les moyens d'avoir des gardiens dans les autobus,
M. le Président.
M. le Président, il faudrait retomber les deux pieds à
terre, dans le Parti libéral. Et quand vous regardez, au mois
d'août 1992, le bilan de l'année, du mois d'août, 34 000
chômeurs de plus au Québec en comparaison du mois correspondant de
1991, quand on regarde ça, on se rend compte qu'actuellement les
libéraux et les conservateurs ont peur de faire le véritable
débat. Ce sont tous ces gens-là qui vont disparaître un par
un. On a vu le premier ministre de l'Alberta, il a décidé de
partir de lui-même. Et vous allez les voir. Ils vont tous tomber un par
un, parce que tous les gens qui ont une tête sur les épaules
comprennent qu'actuellement le débat important n'est pas d'augmenter le
nombre des députés à Ottawa ou de donner un nombre
égal de sénateurs à
l'île-du-Prince-Édouard.
M. le Président, tout le monde qui a une tête sur les
épaules comprend ça. Ça n'a pas de bon sens actuellement.
On a l'impression de vivre un rêve déconnecté de gens qui
ne savent pas ce qu'ils font en cette Chambre. Essentiellement, on est dans la
misère. Arrêtons de dire que le Canada a la meilleure
qualité de vie. C'est le plus haut taux de chômage de tous les
pays industrialisés du monde: 13 % de chômeurs! 13 %! En Europe,
s'il y avait 13 % de chômeurs dans un pays, ça serait la
révolution. 13 % de chômeurs, et on dit: On a une bonne
qualité de vie, les gens peuvent se reposer, ils ont
l'assurance-chômage. On a 50 000 assistés sociaux de plus. On dit:
Belle qualité de vie, les gens peuvent se reposer chez eux.
Voyons donc, M. le Président. Ça n'a pas de bon sens.
Ça n'a pas de bon sens. On a le pays le plus endetté de tous les
pays du monde industrialisé, 500 000 000 000 $ de dette, M. le
Président, avec des fonds de pension dans lesquels il n'y a pas une cent
qui répond, dans les fonds de pension, pour tous ceux qui ont des fonds
de pension au gouvernement fédéral. Pas une cent dans le fonds de
pension des vétérans, pas une cent dans les pensions de
vieillesse, pas une cent dans les pensions des fonctionnaires, sauf l'argent
qu'ils ont mis eux-mêmes, M. le Président, et on nous parle de la
sécurité, de la qualité de vie du Canada. Voyons donc, M.
le Président. C'est un pays qui s'en va d'une façon
accélérée vers l'abîme, M. le Président.
Je rencontrais hier, comme vous, des représentants des autres
provinces et des gens des États-Unis et de l'Europe qui venaient
à l'occasion du deux centième anniversaire du Parlement. J'en
avais un qui me disait, un ancien ministre du Nouveau-Brunswick: Le Canada,
ça a toujours été l'affaire, on donne des subventions pour
maintenir ça ensemble, sauf qu'aujourd'hui on n'a plus les moyens. On
n'a plus les moyens, et on s'en va dans l'abîme d'une façon
accélérée.
M. le Président, quand c'est rendu... Depuis deux ans, le niveau
de taxes a augmenté. Au rythme où il a augmenté...
D'abord, les déficits continuent à augmenter même si les
taxes augmentent d'une façon incroyable. C'était ça le
débat. Quand vous voyez qu'on me parle du Sénat, et quand je vois
Claude Castonguay, sénateur conservateur, comprenez-vous... Ah!
ça c'est beau, tous ces gens. Qu'est-ce que les Québécois
et les Canadiens attendaient dans ce débat? À voir l'abolition du
Sénat. On leur dit: L'île-du-Prince-Édouard aura six
sénateurs comme le Québec. Le Québec aura six
sénateurs; l'Ontario, six sénateurs; les deux ensemble, 17 000
000 de population. Les Provinces maritimes, quatre provinces maritimes et trois
provinces de l'Ouest - ensemble, elles font à peu près le quart
de la population du Québec et de l'Ontario, ensemble - auront, elles, 7
fois 6 sénateurs, 42, alors que le Québec et l'Ontario en auront
12. Évidemment, le premier ministre de l'Ontario, c'est une erreur...
Bob Rae, deux déficits de plus de 10 000 000 000 $. Quand il aura
quitté l'Ontario, et je vais vous dire comme... et n'importe quelle
élection, vous pouvez prendre vos gageures tout de suite, le premier
ministre actuel de l'Ontario ne restera pas là, comprenez-vous, parce
que, actuellement, il est en train, ce qu'il n'aurait jamais réussi en
Ontario... d'atteindre la moyenne du Canada. Il est à 0,3 en bas de la
moyenne du Canada. La moyenne du Canada, 11,6; 11,3 en Ontario. Ça ne
s'est jamais vu. Pourquoi? Parce qu'on a un pays - ça, il y a une grande
réussite. Une grande réussite! - on est un pays qui est rendu
dans des problèmes incroyables parce qu'on n'est pas capable d'envisager
le monde d'aujourd'hui avec les yeux d'aujourd'hui. On devise comme si on
était au XIXe siècle, M. le Président. Je vais vous parler
de deux sujets: le développement régional et le secteur des
transports.
Le développement régional. Je prendrai une phrase qui est
du ministre, M. Rémillard, député de Jean-Talon, qui
disait lui-même que le développement régional a
été un échec. Un échec, M. le Président.
Qu'est-ce qu'il disait le 1er juin 1991, sous la plume de Normand Girard? Si
c'est ça le genre de fédéralisme qu'ils veulent nous
proposer, je pense qu'on peut se poser de sérieuses questions. M.
Rémillard disait ça. Qu'est-ce qu'il disait, après les
élections de 1988? Le gouvernement fédéral a envoyé
le signal que, de fait, il n'était pas intéressé à
négocier, et qu'il voulait un marché, unilatéralement.
C'est ça l'harmonie du couple, M. le Président? C'est ça
l'harmonie du couple?
Quand on regarde l'entente, qu'est-ce qu'on dit sur le
développement régional? Des voeux pieux: «il conviendrait
d'ajouter à la Constitution une disposition qui obligerait le
gouvernement fédéral à négocier des ententes de
développement régional à la demande de toute
province.» Mais «le développement régional ne devrait
pas être une sphère de compétence distincte dans la
Constitution». On voit le résultat que ça a donné.
On a le bilan, M. le Président. Entente dans les Maritimes: le
gouvernement fédéral a mis 1 000 000 000 $. On a payé le
quart du milliard, parce qu'on paie 25 % des taxes, 250 000 000 $, pour le
développement des Maritimes. Dans l'Ouest: 1 200 000 000 $. On a
payé le quart, 300 000 000 $. Quand est arrivé notre tour, nous,
ça a été 440 000 000 $. On a payé le quart de notre
440 000 000 $, en plus de payer le quart de celui des autres. Résultat:
entente qui dure, entre 1988 et 1994, pour les Maritimes et l'Ouest, et entre
1988 et 1993, pour le Québec. (18 heures)
Quel est le résultat? Dans les Maritimes, presque à la fin
de l'entente, l'entente, qui était de 431 $ par tête de citoyen,
qui était de 259 $ dans l'Ouest, était de 64 $ au Québec,
mais d'argent effectivement versé par le fédéral, M. le
Président. 397 $ par tête dans les Maritimes, 103 $ dans l'Ouest,
14 $ au Québec. Même pas un abonnement au journal, 14 $! Gros
développement, gros succès, alors que les chômeurs sont
plus nombreux que jamais.
Pas un son. Ah non! Il faut accueillir les immigrants de façon
harmonieuse. C'est ça qu'a vu dans l'entente le député de
Saint-Jean, alors que même les immigrants actuellement se demandent si le
Canada a les moyens d'en recevoir autant. Quand on ne crée plus
d'emplois, quand on connaît juste des baisses d'emploi comme on
connaît depuis quelques années au Canada, puis au Québec,
c'est quoi la limite si on ne veut pas créer de troubles sociaux?
Regardez ce qui se passe en Europe actuellement. On est en train de
commencer à revivre les années trente actuellement. Qu'est-ce
qu'on attend, nous autres, pour avoir des politiques économiques? On a
des premiers ministres qui devisent sur l'avenir constitutionnel, qui parlent
sur l'avenir du Sénat. C'est quelque chose, M. le Président.
Pendant ce temps-là, les gens n'ont pas d'emploi. Les gens n'ont pas
d'emploi, puis il n'y a pas de programmes de développement, puis il n'y
a pas de projet dans la tête de ces premiers ministres là, M. le
Président.
Quand je voyais M. Mulroney aujourd'hui qui commentait le départ
du premier ministre de l'Alberta. Au fond, au lieu de commenter le
départ de M. Getty, il aurait dû l'imiter. Tout le monde sait au
Canada que la meilleure chose qui peut arriver au Canada, actuellement, c'est
le départ de M. Mulroney. Tout le monde sait ça, M. le
Président. Tout le monde sait ça. C'est un secret de
polichinelle. Mais là, ça parle bien mieux de faire... comme tout
le monde sait que la meilleure chose qui peut arriver au Québec, c'est
d'avoir des élections. Ah! Mais, voyez vous, ce sont ces gens-là
qui se sont entendus pour placoter ensemble d'un projet qui n'existe pas.
Vous voyez aujourd'hui que ça craque de toutes parts. Quand vous
avez vu M. Blaikie qui est rendu quand même... ce n'est pas un ennemi du
fédéralisme - qui dit: C'est mieux l'indépendance du
Québec que le genre d'entente qu'on a devant nous autres. C'était
l'associé de M. Trudeau. C'est meilleur, il dit, l'indépendance
pure et simple du Québec que cette entente-là. Quand vous voyez,
dans votre propre parti des libéraux, c'est bon à rien, cette
entente-là, vous n'en trouvez plus qui vous disent ça. Ah
ça, il dit: Ah oui, il est juge. Ah bien, il est juge, oui. C'est
justement, les premiers ministres ont dit: Trop lâches pour s'entendre,
on va remettre ça aux juges. Ils décideront, eux autres. Ils
s'entendront, ils décideront.
L'avenir des autochtones. Si on ne s'est pas entendu dans cinq ans...
Ça fait des années qu'on ne réussit pas à
s'entendre. Les juges décideront. Les chômeurs, par exemple, les
juges décideront-ils? Non, il n'a pas dit un mot sur les chômeurs,
même pas dans le texte. Pas un mot. Seulement, il ne paraît
même pas. Comprenez-vous, ça ne les intéresse pas. Les
juges décideront.
M. le Président, ce n'est pas ça l'avenir du
Québec. Ce n'est pas ça l'avenir de notre population. Même
les fédéralistes intelligents ont compris que cette entente ne
valait rien. Dans le domaine des transports, c'est encore pire. Dans le domaine
des transports, ça, c'est l'image parfaite du Canada
déconnecté. Le Canada a été basé, M. le
Président...
Savez-vous pourquoi il a été fait? Le Canada a
été fait parce que les colonies américaines se sont
regroupées pour faire l'indépendance américaine. Il est
resté quelques colonies au Nord, et l'Angleterre a décidé,
pour moins dépenser d'argent dans ses colonies, de les regrouper pour
qu'elles paient pour elles-mêmes. On s'est retrouvé à
être obligés de payer des chemins de fer pour Régina, comme
si c'était l'avenir, là, à Régina, puis à
payer des chemins de fer pour Winnipeg, puis a faire des lignes d'aviation pour
l'Ouest. Mais là, on a signé les ententes de libre-échange
avec le... et on se rend compte... avec le Sud, avec les États-Unis,
puis le Mexique, puis nos premiers ministres déconnectés,
déconnectés, qui s'appellent Bouras-sa, Mulroney, Bob Rae,
déconnectés, qu'est-ce
qu'ils font? Ils nous parient de nos relations avec l'Ouest, alors qu'il
faudrait savoir qu'est-ce qu'on va faire avec Boston, avec New York, avec
Chicago, avec le Mexique.
C'est ça le projet, M. le Président. C'est dans ça
qu'on est rentré avec le libre-échange. Le point sur lequel ils
n'ont pas réussi à s'entendre, dans leur entente, c'est l'union
économique au Canada. Imaginez-vous, M. le Président, pourquoi?
Parce que c'est un paquet de subventions pour se faire croire qu'on est bons,
alors qu'on n'est pas bons.
Les grains de l'Ouest, c'est à coups de milliards que c'est
maintenu en vie. L'an dernier, 4 000 000 000 $ pour les fermiers de l'Ouest.
Les revenus des fermiers de la Saskatchewan, 57 % de son revenu... des
subventions du gouvernement fédéral dont on paie le quart, M. le
Président. 1 000 000 000 $ qu'on paie pour les subventions de l'Ouest
pour les fermiers, alors qu'on ne se paie même pas ça pour notre
développement agricole au Québec. On n'a même plus le moyen
de payer le lait à nos enfants, mais on a le moyen de payer 1 000 000
000 $ pour les fermiers de l'Ouest. C'est quelque chose, M. le
Président!
Les chemins de fer, deux régimes: un régime pour l'Est,
puis un régime pour l'Ouest. Dans l'Est, la rentabilité: le
chemin de fer n'est pas rentable, on le défait, on le fait
disparaître. Dans l'Ouest, ce n'est pas le critère de la
rentabilité, M. le Président. Le critère, c'est quoi?
L'intérêt public. Rentable, pas rentable, ça n'a pas
d'importance. On maintient 25 000 kilomètres de chemins de fer pas
rentables dans l'Ouest, puis on paie pour, M. le Président.
En plus, 800 000 000 $ de subventions avec le Nid-de-Corbeau, par
année, M. le Président, parce que, même si les chemins de
fer étaient maintenus, s'il n'y a pas de subvention, les trains ne
marchent pas. En plus, on paie des wagons pour entreposer le grain gratis,
payés à 100 % par le fédéral. Comme si l'action se
passait avec l'Ouest. Bien, on a le résultat. Nos compagnies d'aviation
en faillite. Hein! Compagnies d'aviation, au Canada, en faillite, puis
là on est en train d'essayer de fusionner Air Canada puis Canadien,
pourquoi? Pour essayer de maintenir des liens Est-Ouest qui font partie du
passé alors que l'avenir est au Sud et qu'Air Canada serait bien mieux
de s'affilier avec des compagnies américaines, parce qu'il y a bien plus
de gens d'ici qui vont à Boston, qui vont à New York, qui vont en
Floride, qui vont au Mexique que de Québécois qui vont à
Régina. Hé monsieur!
M. le Président, en connaissez-vous, des Québécois
qui sont allés à Régina l'an passé? Je suis certain
qu'en cherchant fort vous n'en trouvez pas. Mais vous en connaissez beaucoup
qui sont allés en Floride. Vous en connaissez beaucoup qui sont
allés à Old Orchard, vous en connaissez beaucoup qui sont
allés à New York.
On a eu l'occasion de se rencontrer, même, à deux ou trois
reprises à des congrès aux États-Unis. Jamais je ne vous
ai vu à Régina! Jamais je ne vous ai vu à Winnipeg, M. le
Président! Pourquoi? Parce que la réalité, c'est Nord-Sud
et que c'est là-dessus qu'il faut s'aligner.
Le ministre délégué aux Transports, qui est ici,
est déconnecté, lui aussi. Au lieu de faire des routes qui ont du
bon sens, qui mènent au Sud, pour que les touristes américains
qui arrivent ici ne pensent pas arriver dans une bourgade du XIXe siècle
avec des chemins pleins de trous, pleins de craques, pleins de vallons, comme
si on était encore dans le temps du cheval, M. le Président...
Non! Non, M. le Président. On paie pour rien. On paie pour les avoir,
puis on ne les a pas, mais on maintient des systèmes de transport.
Résultat: compagnies de chemins de fer qui s'en vont vers la faillite,
des centaines de millions de déficit cette année. Compagnies
d'aviation qui s'en vont en faillite, des centaines de millions de
déficit. Ils sont obligés de fusionner artificiellement pour
essayer de maintenir des liens Est-Ouest qui n'existent plus. Autrefois, le
Canada a maintenu artificiellement par un système de protection
tarifaire. Si vous ne le savez pas, lisez la thèse des frères
Wonnacot, deux économistes qui ont montré à quel point le
système tarifaire a été fait au Canada pour
protéger l'Ontario. Puis vous voyez actuellement ce qui arrive.
Actuellement, le chômage augmente en Ontario. Pourquoi?
L'an dernier, pour ceux qui pensent que le libre-échange avec le
Mexique, là, ça va se faire facilement, trompons-nous pas. L'an
dernier, on a vendu pour 100 000 000 $ de pièces d'automobile au
Mexique; ils nous en ont vendu, eux, pour 1 800 000 000 $. Ceux qui pensent que
les Mexicains nous vendent juste des fraises, là, allumez vos
lumières. Ceux qui pensent qu'ils nous vendent juste des tortillas,
allumez vos lumières. Les Mexicains sont là dans
l'électronique, dans les pièces d'automobile, puis c'est les
produits qu'ils nous vendent le plus. Puis, nous, au lieu de parler de l'avenir
économique, de projet de société dans une Amérique
qui va devenir davantage intégrée, on parle des relations avec
Buffalo Bill, comprenez-vous, avec Roy Romanow. «So what», Roy
Romanow? Ce n'est pas important pour l'avenir du Québec. Vous voyez le
premier ministre du Québec avec Roy Romano, Don Getty, comprenez-vous?
«So what?»
Ovide Mercredi, qu'il règle ses problèmes dans l'Ouest!
C'est là qu'il a des problèmes, Ovide Mercredi, dans l'Ouest,
parce que les Indiens... J'ai été dans l'Ouest. C'est
l'équivalent d'un an et demi que j'ai vécu dans l'Ouest, quand
j'ai fait mon service militaire. Je vais vous dire une chose. Là les
Indiens ne sont même pas traités comme des êtres humains, au
Manitoba, en Saskatchewan puis en Alberta. Il y en a beaucoup: 20 % de la
population.
Quand j'ai rencontré des Indiens ici, en 1986, après qu'on
a été dans l'Opposition, je me rappelle Konrad Sioui que j'ai
rencontré, il m'a dit: M. Garon, ce qu'on aimerait avoir, les Indiens du
Québec, c'est ce que M. Lévesque nous offrait. C'est ça
qu'on aimerait avoir, au Québec, M. le Président. Ça n'a
pas été long. Le gouvernement du Québec, à ce
moment-là, leur disait quels devaient être les statuts.
Aujourd'hui, Ovide Mercredi a compris qu'il fallait frapper dans le premier
ministre du Québec parce que c'est là qu'était le mou. Il
a compris que, s'il criait assez, il pourrait peut-être bien avoir
quelque chose en comparaison du Québec, puis qu'il pourrait
l'étendre au reste du Canada, M. le Président. (18 h 10)
Sauf que l'avenir, pour nous autres, ce n'est pas les problèmes
de l'Ouest. Les problèmes de l'Ouest, l'Ouest devra les régler
par lui-même. Peut-être que l'avenir va être avec Preston
Manning qui a une vision de l'Ouest. Peut-être. Les gens se rendent
compte que ce n'est pas le petit gars de Baie-Comeau qui a la vision de
l'Ouest, puis il va être débarqué aux prochaines
élections, M. le Président. Pourquoi? Parce que les gens veulent
quelque chose de neuf. Les gens sont sidérés, ahuris,
attristés de voir des cons, des dirigeants politiques qui n'ont aucune
vision de l'avenir.
La vision de l'avenir, ça va être nos stratégies
commerciales avec le Mexique, nos stratégies commerciales avec les
Etats-Unis. Comment on va pénétrer davantage. J'avais
tantôt... J'aurai l'occasion de revenir là-dessus; je n'aurai pas
le temps aujourd'hui, mais simplement un article de la revue Fairplay -
pour ceux qui pensent que le Canada est premier, là - sur la
construction navale dans le monde. Premier: Japon, dernier: Canada. Dernier,
Canada! Je vais vous dire, avant nous autres il y a la Colombie, il y a
l'Autriche qui n'a même pas de fenêtre sur la mer. Ils sont juste
avant nous autres dans la construction navale. Le Viêt-nam, la Hongrie,
eux autres aussi; ils ont le lac Balaton. Le Pakistan est avant nous autres,
l'Afrique du Sud est en avant de nous autres, Malte, en Afrique, je vous dis,
la plupart des gens - il n'y a pas beaucoup de monde qui sait où est
Malte, sans doute -sont en avant de nous autres. À peu près tout
le monde est en avant de nous autres, alors qu'on a le fleuve Saint-Laurent, la
plus grande voie de pénétration en Amérique du Nord.
Ça sert à quoi? À rien. On est à la veille d'avoir
un programme fédéral pour nous dire: bâtissons des
galeries, ils se berceront et ils regarderont passer les bateaux des
autres.
M. le Président, la vision de l'avenir: il faut revenir aux
visions de la concurrence, d'un fleuve Saint-Laurent qui est la plus grande
voie de pénétration du continent nord-américain, pas pour
envoyer des gens à Regina; ce n'est pas là que ça va se
passer, l'action. Mais la plus grande voie de pénétration du
continent nord-américain, pourquoi? Parce que, ici, les bateaux peuvent
pénétrer, les gros bateaux peuvent pénétrer; ils
peuvent arrêter s'ils veulent à Rimouski, à Québec,
à Montréal, à Trois-Rivières. Pourquoi? Parce que
c'est la meilleure voie maritime, c'est la meilleure voie de
pénétration, à condition qu'on développe nos
chemins de fer avec le sud, qu'on développe nos routes avec le sud, et
qu'on prenne la place qu'on doit occuper, M. le Président, dans une
vision d'avenir qui corresponde aux engagements qu'on a pris en signant le
traité de libre-échange. Autrement, si on ne fait rien, M. le
Président, on va crever comme des rats dans un libre-échange
où on va voir nos chefs politiques discuter du passé, du XIXe
siècle, du Canada Est-Ouest, de Halifax à Vancouver. Je vous
remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le
député de lévis. sur la même question, la même
motion, je cède maintenant la parole à m. le député
de louis-hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Si le nombre de
décibels était l'argument qui va servir à convaincre la
population du Québec, je pense que je n'aurais même pas osé
prendre la parole ce soir. Je suis convaincu, M. le Président, que la
population se laisse impressionner beaucoup plus par des arguments rationnels
et logiques que par des cris, des hurlements, que par des déchirements
de linge sur la place publique.
J'ai souhaité publiquement l'autre jour que le débat se
fasse d'une façon civilisée. C'était un souhait que
j'exprimais, M. le Président, et je me rends compte que ça a
été inutile. Le député de Lévis vient de
nous faire la plus belle démonstration que certains des orateurs ici,
dans cette Chambre, vont tenter de compenser la faiblesse de leurs arguments
par la force de leurs voix, par les cris qu'ils sont capables de lancer. Ce
n'est pas une façon d'aborder un sujet aussi sérieux que celui de
l'avenir du Québec. Le député de Lévis a son style
à lui mais, chaque fois, on ne peut pas s'empêcher d'être
surpris, car dans le genre criard il se dépasse à chaque fois. Il
se dépasse à chaque fois. Je pense qu'à chaque fois on
pense qu'on a vu l'ultime démonstration de sa capacité de
s'époumoner et de casser les oreilles des autres, mais à chaque
fois il bat son propre record. M. le Président, il n'y a pas de surprise
là. Mais, quand même, je pense que s'il y avait des statistiques
qui étaient tenues sur le nombre de décibels qui ont
été déplacés dans cette enceinte, la palme irait
sûrement au député de Lévis, et il ne serait
aucunement contesté dans ce domaine.
Il ne faut pas s'attacher plus que ça à l'allocution qu'il
vient de faire. C'est tout simplement parce que lui comme d'autres
collé-
gues sont en train de s'apercevoir que le oui que s'apprête
à donner la population du Québec est un oui à un
Québec stable, un oui à un Québec prospère, un oui
à un Québec fier et confiant d'être capable de se tirer
d'affaire dans l'ensemble canadien.
Ce n'est pas nouveau, M. le Président, que, quand on met tous ses
oeufs dans le même panier - et c'est le cas du Parti
québécois, actuellement - quand on met tous ses oeufs dans le
panier de l'indépendance, il est normal que, si on vient à
échapper le panier, qu'on se retrouve avec une omelette, une omelette
qui ne peut pas être réparée. La population a compris les
choses d'une autre façon que ça. Les journaux sont très
éloquents, actuellement. Je remarquais que, tout à l'heure, comme
argument, on disait: Bon, il y a perte d'emplois, il y a des chômeurs de
plus, il y a des gens qui sont sur l'aide sociale qui n'y étaient pas
auparavant.
Le député qui m'a précédé n'a pas
mentionné que les journaux faisaient état, l'autre jour, que la
dernière récession économique, qui est très
sévère, très dure, a causé 40 % moins de pertes
d'emplois que la dernière récession de 1981-1982, début de
1983. Posez-vous la question: Qui était aux rênes des affaires
publiques au Québec, en 1981-1982? Actuellement, grâce au Parti
libéral, grâce à la prévision et grâce au fait
que nous avons des partenaires avec lesquels nous sommes en bons termes, nous
avons pu minimiser les dégâts. 40 % de moins de pertes d'emplois.
Ce n'est pas à dire qu'il n'y en a pas eu déjà trop, mais
il faut réaliser que 40 % de moins que ce qu'on a connu en 1981-1982,
c'est quand même une performance qui vaut la peine d'être
soulignée. L'intervenant précédent, évidemment, n'y
fait pas allusion. Il passe à côté de ça, il n'a pas
vu ça, mais la population est au fait de ce genre de chose.
Il est sûr, M. le Président, que, si on avait suivi la
suggestion du chef de l'Opposition, il n'y en aurait pas de
référendum maintenant. Le chef de l'Opposition nous
annonçait très candidement, récemment, que la
récession, le temps qu'on vivait, le temps de récession
économique n'était pas un temps propice à faire un
référendum et que, dans les circonstances, il s'en abstiendrait.
Alors, j'aurais pensé que nos amis d'en face auraient
félicité le gouvernement d'avoir le courage de demander l'opinion
des Québécois sur l'entente constitutionnelle du 28 août.
Mais non. Pas du tout.
Le chef de l'Opposition, au contraire, se promène d'un
extrême à l'autre. Dernièrement, comme je l'indique, il
disait qu'il n'en ferait pas de référendum, il n'en ferait pas du
tout, mais, en même temps, il y a quelques mois à peine, il nous
indiquait que, lui, il ferait des référendums à
répétition. Il y en aurait un sur les communications, il y en
aurait un sur la culture, il y en aurait un sur les différents domaines
et, comme ça, il rapatrierait des pouvoirs dans ce sens qu'il irait
demander à la population: Voulez-vous qu'on reprenne tel pouvoir?
Voulez-vous qu'on reprenne tel pouvoir? Et tout ça par
référendums séparés. Alors, on aurait eu des
référendums à gogo, comme ça, et maintenant, il
nous dit qu'il n'en veut plus du tout de référendum, à
cause de la récession économique. Donc, c'est quelqu'un qui ne
sait pas à quelle enseigne il loge. Il est en train de jouer un jeu qui
vise tout simplement à semer la confusion, à semer la crainte et
à faire oublier les véritables enjeux.
Quels sont-ils les véritables enjeux, M. le Président?
C'est le sort du Québec, c'est le sort des citoyens. C'est à
savoir: Est-ce que les citoyens du Québec sont favorables, actuellement,
à un renouvellement de la Constitution basé sur l'entente du 28
août? Une question simple, une question claire, une question qui fait
l'unanimité, à part nos amis péquistes. Évidemment,
quand on a réussi à concocter une question
référendaire qui faisait au-delà de 100 mots, où il
y avait des incises et des points-virgules tellement qu'on se demandait
où était le sujet de la phrase - on ne savait pas comment
accorder le complément, M. le Président - évidemment,
quand on se retrouve avec une question qui fait une vingtaine de mots, on
trouve que le gouvernement ne fait pas un grand travail, parce qu'eux autres,
c'était de battre des records. C'est de battre le record des
décibels dans cette Chambre et c'est de battre le record des questions
référendaires les plus longues possible. (18 h 20) «Ce
qu'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire
viennent aisément», disait Boileau. Et c'en est la preuve,
aujourd'hui. «Ce qu'on conçoit bien...» C'est-à-dire
on conçoit qu'il y a actuellement un problème constitutionnel.
«Ce qu'on conçoit bien s'énonce clairement, dans une
question courte, et les mots pour le dire viennent aisément»,
disait le grand Boileau. C'est un exemple à suivre, M. le
Président, deux ou trois siècles après. Les
péquistes ont oublié leur classique, s'ils en ont
déjà fait. Ils ont oublié. Les grands axiomes classiques
ont encore leur place, M. le Président. Je dois reconnaître que le
fait d'aller demander à la population tout simplement: Est-ce que
l'entente qu'on vous propose, qui renouvelle le fédéralisme,
est-ce que cette entente fait votre affaire? c'est tout simple, c'est simple
comme l'oeuf de Colomb; il s'agissait d'y penser. Ça permet aux gens de
dire ce qu'ils pensent là-dessus.
On n'entend plus discuter, maintenant - et le premier ministre en
faisait état tout à l'heure, à la période de
questions - de la société distincte. Depuis le passage du juge
Deschênes et de l'ex-juge de Granpré, qui ont fait la preuve que
les textes tels qu'ils sont actuellement, c'est des textes qui permettent une
sécurité à toute épreuve dans le
développement de la communauté québécoise,
francophone et dans fa promotion de cette communauté, alors on ne sait
plus où se
jeter. La solution, à ce moment-là, c'est d'essayer de
semer la confusion, de mélanger les enjeux, de s'organiser pour que les
gens oublient le véritable enjeu. Quel est-il? C'est de demander aux
gens si, dans les circonstances actuelles, au point où nous en sommes,
l'entente proposée est une entente qui est satisfaisante. Pas parfaite!
La perfection n'est pas de ce monde. Et le mieux, là-dedans comme dans
d'autres choses, très souvent est l'ennemi du bien.
Les éditorialistes, les chroniqueurs politiques ne sont pas
avares de commentaires sur la performance qu'a faite le premier ministre, qui
est appuyé par son Conseil des ministres et par les
députés libéraux. M. Marcel Adam, par exemple,
écrivait, le mardi 25 août: «C'est plus que le Québec
n'a jamais obtenu et plus qu'il n'aura jamais.» Je ne vous lirai pas tout
l'article, mais il fait la démonstration que, depuis des années
qu'on négocie avec le fédéral, jamais on n'a obtenu plus
que ça et que, dans les circonstances, il serait irréaliste de
penser que nous puissions obtenir plus.
Ça, c'est une appréciation de gens qui ne sont pas dans la
tourmente politique. Ce sont des observateurs qui ont suivi le
déroulement des événements et qui sont en mesure de porter
un jugement sur l'ensemble du débat. Ça, évidemment,
ça passe inaperçu chez nos amis péquistes.
On fait grand état, M. le Président, de l'absence de
textes juridiques. Il est établi que la clause Canada, par exemple, est
en langage juridique. D'autres clauses le sont à peu près aussi.
Mais admettons que nous n'ayons pas la totalité des textes juridiques,
l'étape que nous franchissons avec le référendum du 26
octobre est une étape qui consiste à demander à la
population: L'entente telle qu'elle est là fait-elle votre affaire? Et
il appartient à l'Assemblée nationale, lors de l'étape de
ratification, de s'assurer que les textes juridiques correspondent exactement
à l'entente signée le 28 août.
Nous, les députés nous avons une capacité
d'appréciation là-dedans. Il n'est pas vrai, M. le
Président, que les députés pourraient, par exemple,
être dupes au point de ratifier un texte juridique qui ne correspondrait
pas à l'entente qui est devant nous actuellement. Ce sera notre
rôle, à nous autres, à l'Assemblée nationale, de
nous assurer, au moment de la ratification... Parce que le
référendum n'aura pas d'effet juridique comme tel au point de vue
constitutionnel. Il faudra que cette Assemblée se prononce par voie de
résolution. Il faudra que cette Assemblée, majoritairement, se
prononce sur un texte législatif, un texte juridique qui sera
examiné avec toute la précaution que nous mettons dans les autres
textes juridiques.
Et même plus que ça, nous passons des lois à coeur
de jour dans cette Assemblée, M. le Président. Vous savez le
processus que doivent franchir les projets de loi avant d'être
adoptés dans cette Assemblée. Ils sont examinés à
la loupe par des conseillers. Tout d'abord, il y a un comité de
législation, il y a le Conseil des ministres, il y a cette
Assemblée, il y a les commissions parlementaires qui examinent les
textes mot à mot, virgule par virgule. On passe tout ça à
la loupe, au peigne fin, et c'est ça, le rôle de cette
Assemblée.
C'est lors de la ratification qu'il nous faudra, nous, les
députés, continuer de jouer le rôle qui est le nôtre,
nous assurer que le texte juridique, législatif, qui donnera force de
loi à l'entente et qui fera état que cette Assemblée a
consenti à l'entente... Et ce sera le rôle que nous aurons ici,
nous, les députés, d'examiner le texte juridique. M. le
Président, je n'ai pas l'intention, et mes collègues, je le sais,
n'ont pas l'intention d'abdiquer leur rôle dans ce domaine-là. Au
moment de la ratification nous ferons notre travail de députés;
nous le ferons comme nous le faisons pour toutes les lois que nous passons dans
cette Assemblée. Et c'est ça, le rôle de législateur
des députés. Le Conseil des ministres sera, bien sûr, de la
partie aussi.
C'est donc, M. le Président, un épouvantail qu'on tente de
mettre dans la tête des gens en leur disant: Vous n'avez pas les textes
juridiques. Est-ce que les gens, par exemple, ont les textes juridiques quand
on passe des projets de loi? On leur explique le genre de loi qu'on va passer,
et cette Assemblée a quand même une latitude pour faire
correspondre la demande du public avec les textes juridiques, les textes
législatifs qui auront force de loi quand ils seront sanctionnés
par le lieutenant-gouverneur. C'est le processus absolument normal.
Moi, je suis dans un comté, M. le Président, où il
y a environ 40 000 étudiants universitaires, 1500 à 1800
professeurs d'université, des milliers et des milliers de fonctionnaires
de tous les niveaux. Encore cet avant-midi, j'étais à mon bureau
de comté. Aucun d'entre eux à qui j'ai parlé ne m'a fait
état qu'il voulait voir les textes juridiques. Parce que, pour pouvoir
apprécier des textes juridiques, il faut avoir une formation d'avocat,
une formation de juriste. Et j'imagine, M. le Président, que le plus
grand reproche qu'on pourrait nous faire, ça serait de présenter
à la population justement un texte juridique. On se ferait dire, avec
raison: Comment voulez-vous qu'on comprenne ça? C'est de la parlotte
d'avocat et, nous autres, on n'est pas des experts. Ce n'est pas ça
qu'on veut savoir. On veut comprendre ce qu'il y a dans le texte. Mettez-nous
donc ça dans des mots avec lesquels on est familiers. C'est ça
qu'on se ferait dire. M. le Président, je demanderais le silence de
l'autre côté. J'ai écouté malgré que
ça ne faisait pas mon affaire. La députée, elle a
seulement à écouter, peut-être qu'elle apprendra quelque
chose, pour une fois.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y!
M. Doyon: M. le Président, qu'on fasse grand état
de l'absence de textes juridiques, c'est contre le bon sens. C'est contre le
bon sens, parce que les textes juridiques, c'est des textes qui doivent
être appréciés par des experts, par des gens qui font
métier de ça, qui font profession de ça, qui sont soit des
constitution-nalistes, soit des rédacteurs juridiques, soit des experts
dans le domaine de la législation. Et le plus grand reproche, contre
lequel j'aurais peu de chances et peu de moyens pour me défendre,
ça serait de me faire dire: Oui, mais vous nous mettez des textes
d'avocat; il faut être un avocat pour comprendre ça. C'est
ça que l'Opposition péquiste demande.
Est-ce que c'est vouloir rendre service aux gens? On voit très
bien quel est le but de ça. Le but de ça est de rebuter les gens,
de leur demander de ne pas tenir compte des textes qu'ils ont devant eux, de
leur laisser entendre que ce qui sera approuvé par cette
Assemblée sera différent. Je vous donne ma parole de
député - et je suis sûr que tous les députés
qui siègent ici seraient prêts à la donner - qu'aucun texte
juridique ne sera adopté dans cette Assemblée qui ne correspondra
pas au mot à mot de l'entente, à l'esprit de l'entente et qui
n'aura pas le même effet que celui qu'on trouve dans l'entente. Aucun
député de l'autre côté de la Chambre ne peut
contredire ce que j'avance là. Parce que, comme législateurs,
c'est notre travail de faire ça. Il nous appartient de faire ça.
Nous l'avons déjà fait, nous continuons de le faire. Nous le
faisons tous les jours. C'est un des rôles les plus importants que nous
remplissons ici, dans cette Assemblée. Alors, qu'on me fasse une guerre
sur les textes juridiques, je dis sans crainte de me tromper que c'est de la
mauvaise foi, que c'est tout simplement une volonté, de la part de
l'Opposition, de mettre le doute alors qu'il n'y en a pas de doute sur la
valeur de cette entente. Il n'y en a pas quand on considère ce qu'on
obtient. (18 h 30)
M. le Président, il faut un minimum de cohérence dans la
vie. J'écoutais le député de Lévis, tout à
l'heure. Je me disais qu'il y a quelque chose qui ne marche pas quelque part.
Il y a quelque chose qui ne marche pas. Je me souviens de l'avoir entendu
hurler contre, par exemple, l'école navale qui est prévue ici,
dans le Vieux-Port. Il était totalement contre l'école navale,
contre un édifice à vocation militaire. Lui, le grand pacifiste
et, pourtant, il est pour les frégates, dans son comté. Il est
pour les frégates. Comment vous pensez que ça se conduit des
frégates? Pensez-vous qu'il ne faut pas passer par l'école navale
pour pouvoir conduire une frégate, pour pouvoir l'armer, pour pouvoir
s'en servir? Contre l'école navale, mais pour les frégates. Moi,
je ne tire pas de conclusion là-dessus. Je ne tire pas de conclusion
là-dessus, je souligne tout simplement l'incohérence. Alors,
c'est, dans le reste, pareil à ça.
Vous n'avez pas entendu le député de Lévis, c'est
lui faire beaucoup d'honneur que de parler de lui comme ça, M. le
Président, mais je le souligne en passant. Vous ne l'avez pas entendu
parler du fond de l'entente, de ce qu'on obtient, par exemple, au moyen de la
société distincte, de ce qu'on obtient à la Cour
suprême. Tout ce qu'il trouvera à vous dire, M. le
Président, sur la Cour suprême, c'est qu'elle penche toujours du
même côté, comme la tour de Pise. Bien, oui! La tour de Pise
penche. Quelle comparaison niaiseuse et idiote, alors que la tour de Pise, tout
simplement, souffre d'un défaut de construction et d'un défaut
d'assise. C'est tout simplement comme ça.
M. le Président, cette entente est une entente valable, une
entente qui peut être comprise par les gens, une entente qui vaut la
peine d'être acceptée. Moi, je vous dis que, le lendemain... Moi,
je souhaite tout simplement, à tous et chacun qui sommes ici, en tout
cas, du côté libéral, je souhaite au moins un an, deux ans
de paix constitutionnelle. Ça fait 11 ans que je suis ici, dans cette
Assemblée, et je n'ai pas connu la paix constitutionnelle. Je veux avoir
un an, au moins un an, de paix constitutionnelle, et je promets à la
population plusieurs années de paix constitutionnelle parce que c'est
ça que la population désire. La population en a assez, et le oui
qu'elle fera sera un oui en faveur d'un Québec stable, d'un
Québec prospère, d'un Québec qui n'a pas peur de faire
partie d'un ensemble plus grand, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Louis-Hébert. Je vous rappelle, également
à ceux qui nous écoutent, que nous sommes à discuter de la
motion de M. le premier ministre visant à l'adoption d'une question
devant faire l'objet d'une consultation populaire portant sur un nouveau
partenariat de nature constitutionnelle.
Je reconnais, à partir de maintenant, pour une période de
20 minutes, M. le député de Pontiac et ministre
délégué aux Transports.
M. Robert Middlemiss
M. Middlemiss: M. le Président, dans quelques semaines, la
population du Québec sera appelée à faire un des choix les
plus importants de son existence. Le 26 octobre prochain, les
Québécoises et les Québécois diront s'ils acceptent
les termes d'une entente les conduisant à un nouveau partenariat entre
la province dans laquelle ils vivent et le reste du Canada.
D'entrée de jeu, il faut convenir qu'il ne s'agit pas là
d'un choix facile à faire. Nous vivons, M. le Président, une
situation qui fait appel, à la fois, au coeur et à la raison et,
quelque part, à mi-chemin, il y a l'intérêt que nous y
recherchons, comme individus et comme société. Je ne suis pas un
expert en constitution.
Je sais aussi, fort bien, que, toutes les fois, et ce, peu importe la
situation où les arguments émotifs et rationnels s'affrontent, il
n'est jamais simple d'en arriver à une solution qui fasse
l'unanimité. Toutes les questions soulevées par le débat
constitutionnel ne surprennent pas. Ce qui surprend, cependant, c'est qu'on en
soit rendu, dans certains milieux, à être plus enclin à
favoriser le muscle au détriment de la raison. Les plus farouches
partisans du rejet de l'entente ne devraient surtout pas oublier que toute
opinion politique doit, quand le devenir d'un pays est en jeu,
s'éloigner de la partisanerie et faire place à la logique et
à l'évidence.
Pour illustrer ma pensée, M. le Président, permettez-moi
d'utiliser la comparaison suivante. Imaginez le propriétaire d'une
maison ancestrale possédant une fondation solide, mais dont le toit
coule. On fait donc venir des experts qui scrutent les moindres recoins de la
toiture, puis des murs, des planchers et qui, par la suite, nous
présentent une évaluation disant que la maison est très
solide; inutile de vouloir la mettre à terre. Cependant, on vous
suggère une réfection à la toiture. Pour ce qui est des
murs, des planchers, de la plomberie et de l'électricité, vous
pouvez attendre un peu, mais vous devrez y voir au cours des prochaines
années.
C'est la situation, M. le Président, dans laquelle nous nous
retrouvons présentement. Le Canada est un pays solide qui procure
à l'ensemble de ceux et celles qui y habitent une qualité de vie
indéniable. Il est toutefois vrai que la mécanique sur laquelle
nous nous appuyons depuis 125 ans a besoin d'une profonde révision. Nul
ne peut le nier. Le plan de réparation, si vous me permettez
l'expression, M. le Président, qui a été dessiné
par l'ensemble des premiers ministres du Canada, répond à un
besoin exprimé depuis quelques décennies.
Ce plan nous permet non seulement de renforcer ce qui était
déjà solide, mais nous permet surtout de pouvoir garantir aux
générations qui nous suivront un avenir sur lequel elles pourront
bâtir sans inquiétude une vie solide, un avenir sur lequel elles
pourront réaliser leurs rêves sans la crainte de voir tout
disparaître du jour au lendemain. Le plan n'est sans doute pas parfait en
ce sens qu'il ne contient peut-être pas tout ce que chacun d'entre nous
aimerait y voir. Il est clair qu'on ne peut tout faire tout d'un coup. Mais
c'est un tremplin qui nous permettra d'atteindre à moyen et à
long terme un positionnement efficace sur l'échiquier canadien.
Ce dont ne font que parler et rêver nos adversaires politiques,
nous, nous sommes à le réaliser. Bien sûr que les
prochaines semaines, les prochains mois et peut-être même les
prochaines années ne seront pas nécessairement simples à
vivre. Le changement que nous amorçons et qui nous sera confirmé
le 26 octobre ne viendra pas clore toutes les discussions sur le sujet. Un
changement aussi profond commande un changement de mentalité tel qu'il
nous faudra, à tous et à toutes, beaucoup de maturité pour
l'assimiler. Les Québécoises et les Québécois
assumeront cette responsabilité dans la dignité et avec honneur.
Beaucoup de maturité, M. le Président, puisque, au-delà de
tout l'aspect politique et économique que revêt l'entente et, par
voie de conséquence, que revêt la question à laquelle nous
allons répondre le 26 octobre, il faut se demander si, comme
société, nous allons être assez généreux de
coeur et d'esprit pour aller de l'avant.
À cela, je réponds oui, et ce, sans le moindre doute.
Malgré cette certitude, M. le Président, je sais cependant
pertinemment bien que tout ce débat peut créer des tensions,
voire des divisions entre amis, entre membres d'une même famille. Tout
cela va être difficile, certes, mais il faut aussi convenir que, si les
générations qui vont suivre veulent être fières de
leur passé, il y a des gestes que nous devons assumer. Ce défi
nous révélera des femmes et des hommes fiers de leur appartenance
au Québec et au Canada. (18 h 40)
D'aucuns prétendront sans doute, M. le Président, qu'il
m'est facile de prendre position de la sorte, facile parce que je
représente une circonscription dont la population est en partie
anglophone, facile parce que la région dont je suis responsable est
composée de travailleurs et de travailleuses qui, pour plusieurs,
gagnent leur vie en Ontario et qui, à la fois, sont profondément
attachés aux valeurs et à la culture québécoises.
Facile, puisque je suis d'une famille dont la mère est francophone et le
père anglophone. Tout ça est vrai. Il est vrai que, pendant une
vingtaine d'années, j'ai gagné ma vie comme ingénieur en
Ontario. Mais, pendant ces 20 ans, alors qu'il m'aurait été
probablement plus facile, à plusieurs points de vue, de vivre en
Ontario, je me suis établi solidement au Québec parce que
j'étais et je suis toujours fier d'être Québécois,
une fierté que j'ai partagée avec mes enfants et une
fierté que je partage aujourd'hui avec mes petits-enfants.
Et, pourtant, M. le Président, cette fierté d'être
Québécois ne m'empêche pas d'être fier d'être
Canadien. Au contraire, j'ai acquis depuis longtemps la certitude que nous ne
pouvons pas vivre isolés, ni comme êtres humains, ni comme
société, ni comme pays. Nous en sommes aujourd'hui au
règne de l'interdépendance. Partout dans le monde, jour
après jour, nous avons des exemples de l'absolue nécessité
de l'entraide, de la coopération et du partage, que ce soit aux plans
social, économique, politique ou financier. Et, tout à coup,
nous, de la province de Québec, voudrions faire fi de tout cela pour
montrer au monde entier les bienfaits de l'isolement? Non merci, M. le
Président. Très peu pour moi.
Les États souverains ont peut-être eu leurs heures de
gloire, il y a quelques siècles. Mais de
demander, à l'aube de l'année 2000, à des femmes et
des hommes d'accepter de se laisser guider sans poser de questions, avec un
bandeau sur les yeux, relève davantage du mépris de la vie
collective que du gros bon sens qui permet à une société
d'évoluer à l'intérieur d'une dynamique saine et
efficace.
L'Opposition officielle a le verbe facile quand vient le temps de nous
accuser de tous les maux qui affligent la province. Il est toujours facile
d'accuser, M. le Président, lorsque tout ce qu'on a à offrir se
résume plus à un discours de parquet de bureau de poste du lundi
matin qu'à des propositions concrètes et sérieuses que
nous avons le courage et surtout la dignité de défendre. Nous
avons le courage et la dignité de défendre l'entente de
Charlottetown parce que oui signifie, comme l'exprimait le premier ministre en
cette Chambre, un respect de l'accord du lac Meech, ce à quoi la
majorité des Québécois a déjà
adhéré. L'honnêteté intellectuelle nous oblige
à dire aux citoyens du Québec que les exigences de Meech sont
acquises et seront dans la Constitution.
Les députés du Parti québécois sont
décevants. Alors qu'il y a des problèmes urgents à
régler au Québec, on philosophe encore sur une notion qu'on
apprête à toutes les sauces, en autant que ça se serve.
À l'heure où le gouvernement du Parti libéral tente de
régler le différend constitutionnel afin de pouvoir passer
à des choses aussi cruciales que le développement
économique et la création d'emplois, le PQ continue de jouer au
Don Quichotte. Cependant, il n'a toujours rien à offrir, M. le
Président. Je ne puis que dire aux ténors du Parti
québécois: Qu'ils continuent de s'intéresser aux
détails; nous, nous nous occupons de l'essentiel.
Depuis que je suis en politique, M. le Président, j'ai toujours
essayé d'aider mes concitoyens au meilleur de ma connaissance. Je suis
de nature modérée, sauf lorsque j'ai le sentiment profond que la
mesquinerie prend le dessus sur le rôle qui nous incombe à tous,
comme politiciens, celui de promouvoir et de protéger
l'intérêt collectif. L'entente que nous présentons aux
Québécoises et aux Québécois va exactement dans ce
sens. Comme je l'ai souligné un peu plus tôt, au début de
mon discours, M. le Président, l'entente n'est pas, sans doute,
parfaite, mais elle a néanmoins le mérite de faire faire au
Québec, pour la première fois de son histoire, des pas importants
en matière constitutionnelle. Là où le Parti
québécois avait lamentablement échoué, le Parti
libéral, lui, a réussi. Et s'il en est pour mettre encore en
doute tout le travail exceptionnel effectué par le premier ministre, M.
Robert Bourassa, dans ce dossier, je leur pose ici une question: Lorsque la
majorité de la population du Québec aura dit oui à
l'entente, lorsque la majorité de la population du Québec aura
décidé qu'une vie en vase clos ne peut que nous étouffer,
lorsque la population du Québec dira oui le 26 octobre prochain, que
feront nos adversaires politiques? Se battront-ils encore contre la
volonté populaire? Tenteront-ils d'autres alliances politiques dans
l'espoir de retrouver une quelconque crédibilité? J'ai bien
hâte de voir, M. le Président.
L'Opposition officielle a sans doute envie de me demander: Vous, quand
vous aurez gagné le référendum, qu'allez-vous penser de
ceux et celles qui auront dit non? Excellente question, M. le Président.
Nous savons fort bien qu'il y aura certaines dissidences. Nous savons fort bien
qu'il y a des personnes qui croient fermement que l'entente pourrait être
améliorée. Mais ce que nous savons aussi, M. le Président,
c'est que nous sommes prêts, comme gouvernement responsable, à
travailler aussi fort avec la minorité qui exprimera certaines
réserves sur l'entente qu'avec la majorité qui l'aura
acceptée.
Le Parti libéral du Québec est un parti qui a une histoire
parlementaire riche et qui a toujours fait preuve d'une démocratie qui a
toujours fait l'envie des gens d'en face. Chez nous, M. le Président,
nos membres peuvent avoir des idées différentes, peuvent ne pas
être d'accord. Ils peuvent le dire publiquement, ouvertement, sans que la
porte de sortie ne leur soit montrée. Il est important pour le Parti
libéral d'être confronté à d'autres idées,
d'autres courants de pensée, d'autres valeurs. N'est-ce pas là un
signe de maturité, un signe de sagesse qui, tout en nous permettant de
nous mesurer, nous permet de grandir?
Vous savez, M. le Président, j'ai toujours eu beaucoup de
difficultés à être confronté à des personnes
qui prônent l'excès et la ligne dure et qui semblent oublier que
rien ne peut se bâtir sans rapprochement et compromis. J'essaie de
comprendre, M. le Président, comment on peut en arriver à vouloir
obtenir une situation comme celle que souhaite depuis toujours l'Opposition,
une situation qui évacuerait par le fond non seulement la concurrence,
la diversité, voire la liberté, mais aussi et surtout la notion
même de la loyauté que l'on se doit envers nous-mêmes,
envers notre famille, nos amis et surtout envers les générations
qui nous suivront. De quelle façon, M. le Président, nos enfants
expliqueront-ils à leurs enfants que le Québec a choisi un jour
de s'étouffer au lieu de vivre et de s'épanouir? L'entente tant
décriée par le Parti québécois nous ouvre une
incroyable fenêtre sur nous-mêmes, comme société, sur
l'ensemble du Canada et de l'Amérique de Nord.
Un non à cette entente, M. le Président, c'est un oui
à l'incertitude sous toutes ses formes possibles et imaginables. Le
Québec et ceux et celles qui le tissent n'ont pas à vivre
pareille situation. Nous n'avons pas, par exemple, à payer 1 000 000 000
$ pour le simple fait de dire que nous gérons seuls tout le programme
d'assurance-chômage. Nous n'avons pas, M. le Président, à
faire perdre leur emploi à des
milliers de fonctionnaires fédéraux. Nous n'avons pas
à priver des milliers de citoyens du développement de leur
réseau routier du fait que les sommes d'argent proviennent d'ententes
fédérales-provinciales. La région de l'Outaouais,
particulièrement, n'aurait vraisemblablement jamais vu son réseau
routier se développer sans la participation financière du
gouvernement fédéral. Qu'on demande donc aux gens de l'Outaouais
ce qu'ils pensent de cette incertitude, ce qu'ils pensent de la
possibilité de perdre leur job. Qu'on demande donc aux gens de la
Gaspésie s'ils veulent que le fédéral se retire de tous
les programmes qui leur permettent de vivre près de leurs racines. Qu'on
demande donc aux travailleurs et aux dirigeants des grosses industries de
Baie-Comeau, de Sept-lles sur la Côte-Nord, s'ils veulent se sentir
encore plus isolés. (18 h 50)
Je pourrais multiplier les exemples par 10, M. le Président. Je
ne suis pas convaincu que l'Opposition serait capable d'y voir quoi que ce
soit, tellement elle est préoccupée à voir la paille dans
l'oeil du gouvernement. Je suis cependant profondément convaincu, M. le
Président, que les Québécoises et les
Québécois diront oui le 26 octobre prochain. Ils diront oui parce
que ce sont des femmes et des hommes de coeur et de raison. Ils diront oui, M.
le Président, parce que cette population est composée de gens
intenses et généreux qui ont su démontrer au fil des
générations qu'ils croyaient en eux et qu'ils sont parfaitement
capables de relever tous les défis. Ils diront oui, M. le
Président, parce que ce sont des personnes profondément
responsables et matures, qui n'ont pas le goût ni l'envie d'être
limitées et qui veulent, surtout et avant tout, être
considérées comme les vrais bâtisseurs d'un pays qui est
devenu une véritable référence au plan de la
qualité de vie partout dans le monde. Vouloir rejeter du revers de la
main un système qui nous a donné cette qualité de vie est
inadmissible pour les citoyennes et les citoyens du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre.
Sur le même sujet, je cède maintenant la parole à M. le
député de Charievoix.
M. Daniel Bradet
M. Bradet: merci, m. le président. je me propose
d'utiliser le temps qui m'est imparti pour mettre en relief les mérites
de l'entente conclue par le premier ministre et ses homologues canadiens, le 28
août dernier, à charlottetown. dans mon exposé, j'ai donc
l'intention d'insister sur la place du québec dans les institutions
canadiennes avec cette entente.
M. le Président, il est connu que le Québec jouit d'une
influence considérable dans les institutions politiques canadiennes qui
sont, comme on le sait, d'origine britannique. Nous savons également que
le Parlement canadien est dominé par la Chambre des communes et qu'au
niveau du Sénat il est beaucoup moins important que chez nos voisins du
Sud, dont les institutions sont de type présidentiel. En raison de son
poids démographique, la société québécoise y
est hautement représentée.
Le premier indicateur pour montrer l'ampleur de cette influence au sein
des institutions canadiennes est le lieu d'origine des hommes qui ont
dirigé la Fédération canadienne. L'actuel premier
ministre, son prédécesseur et d'autres avant lui viennent du
Québec. Le premier ministre actuel est même établi dans le
beau comté de Charievoix, et nous en sommes tous fiers. Ce premier
indicateur illustre, par la symbolique qu'il porte, l'influence
considérable que joue le Québec au sein des institutions
canadiennes.
Regardons maintenant un second indicateur. Il est relatif aux partis
politiques canadiens. Pour comprendre l'importance et l'influence du
Québec au sein des formations politiques fédérales, il
suffit simplement de prendre ce qu'on appelait jadis un exemple a contrario.
Cet exemple, c'est le NPD, le Nouveau Parti démocratique. Comme vous le
savez, ce parti n'a jamais réussi à prendre le pouvoir sur la
scène fédérale. Cet insuccès a attiré
l'attention d'une bonne partie des spécialistes de la politique, tant au
Canada qu'à l'étranger. Tous sont unanimes pour conclure que cet
insuccès est dû à l'absence d'une base politique sur le
territoire québécois. Ainsi, M. le Président, un parti
politique qui n'a pas d'assises au Québec ne prendra jamais le pouvoir
à Ottawa. À l'inverse, un parti politique qui dispose, comme
c'est le cas actuellement du Parti conservateur, et comme ça a
été le cas du Parti libéral du Canada, d'une solide base
au Québec, a toutes les chances d'accéder au pouvoir à
Ottawa.
Au rang de ces indicateurs, on peut également ajouter la place
que les Québécoises et les Québécois occupent dans
la fonction publique fédérale, et ce, particulièrement
depuis une trentaine d'années. Ainsi, M. le Président, on peut
donc considérer que la présence dans la fonction publique
fédérale des Québécoises et des
Québécois constitue un autre indicateur de l'influence du
Québec sur les institutions fédérales, puisqu'elle s'est
améliorée au point qu'aujourd'hui elle correspond sensiblement au
poids démographique de la société
québécoise.
Ce tour d'horizon de l'influence du Québec dans les institutions
fédérales ne saurait être complet sans un regard sur la
Cour suprême et particulièrement sur sa composition. On sait que
la Cour suprême est composée de 9 juges dont 3 proviennent du
Québec, c'est-à-dire 33 % - 3 juges sur 9, M. le
Président, c'est beaucoup si on considère que la population du
Québec représente 25 % de la population canadienne. Il s'agit
d'une influence qui déborde largement le poids démographique du
Québec dans l'ensemble
canadien.
À la Chambre des communes, le Québec, actuellement, occupe
25,4 % des sièges, c'est-à-dire que les Québécoises
et les Québécois sont représentés à Ottawa
par 75 députés sur environ 300. Ce n'est pas rien, tout
ça, un quart de l'ensemble de la deputation canadienne. M. le
Président, on voit donc là un autre indicateur illustrant
l'influence considérable du Québec au sein des institutions
canadiennes.
On pourrait ajouter d'autres indicateurs, notamment la place des
Québécois au sein du cabinet fédéral. Pour s'en
rendre compte, il suffirait de prendre la liste des ministres
fédéraux provenant du Québec, et un examen rapide nous
prouverait l'importance des élus et des représentants du
Québec au sein du cabinet fédéral.
Ce tour d'horizon, M. le Président, illustre bien l'influence
considérable des Québécoises et des
Québécois au sein des institutions fédérales. Avec
l'entente constitutionnelle de Charlottetown, cette influence est non seulement
confirmée, elle est accrue. La raison, M. le Président, est
très simple: c'est parce que, pour nous, au-delà de l'entente
constitutionnelle, il y a ce que nous appelons l'option canadienne. Cette
option apparaît pour la majorité de la population comme l'option
la mieux adaptée aux réalités de notre temps.
Notre option, M. le Président, doit être mise en balance
avec celle de nos adversaires qui prônent la séparation. En effet,
M. le Président n'ayons pas peur des mots. Nos adversaires, ce qu'ils
veulent, c'est rien de moins que la séparation du Québec. Nos
adversaires sont ceux qui veulent entraîner la population
québécoise dans une aventure hautement risquée et dont
nous n'avons pas les moyens, comme le révèle une simple lecture
des comptes publics ou encore la lecture des études économiques
qui ont accompagné la publication du rapport de la commission
Bélanger-Campeau.
Afin de ne pas être taxé de terroriste économique,
je me contenterai, M. le Président, de citer simplement un chiffre sur
les coûts de l'aventure proposée par nos adversaires. Vous
n'êtes pas sans savoir qu'actuellement nous avons un déficit qui
avoisine les 4 000 000 000 $ et que 0,17 $ par dollar perçu en
impôt vont au paiement de la dette. Le Québec vient au second
rang, après Terre-Neuve, des provinces les plus endettées au
Canada. Or, les scénarios les plus optimistes de la séparation
prévoient un déficit de 10 000 000 000 $, et ce, en
comptabilisant évidemment la récupération des points
d'impôt. Ce déficit, M. le Président, il faudrait le
financer dans un contexte d'instabilité et d'insécurité
qu'engendrerait la transition. Vous vous imaginez facilement quel en serait
l'impact pour nos finances publiques et les sacrifices que nous devrions exiger
de notre population déjà lourdement éprouvée par la
récession.
Nous, M. le Président, à la différence d'eux, nous
avons choisi d'être de notre temps et de renforcer la place des
Québécoises et des Québécois au sein des
institutions canadiennes, et c'est en partie ce que fait l'entente
constitutionnelle qui sera soumise à la population le 26 octobre par
voie référendaire, avec la question que nous avons devant nous
aujourd'hui. Nous sommes convaincus, M. le Président, qu'avec cette
entente constitutionnelle l'influence du Québec au sein des institutions
canadiennes est confirmée et accrue. (19 heures)
D'abord, M. le Président, le Québec acquiert un droit de
veto absolu sur tout changement aux institutions, c'est-à-dire droit de
veto absolu sur tout changement à la Chambre des communes, droit de veto
absolu sur tout changement au Sénat et droit de veto absolu sur tout
changement à la Cour suprême. Je signale, M. le Président,
que le Québec récupère ainsi le droit de veto qu'avaient
perdu nos adversaires au moment du rapatriement de la Constitution. De plus,
avec cette entente, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % de la
deputation à la Chambre des communes, et ce, quel que soit son poids
démographique. En troisième lieu, le Québec, grâce
à cette entente, ne pourra jamais avoir moins que 33 % des juges
à la Cour suprême.
M. le Président, en terminant, j'ai la profonde conviction que,
avec cette entente, les intérêts supérieurs de la
population du Québec et du peuple québécois sont
très bien préservés. Voilà pourquoi, M. le
Président, je n'ai aucune réserve à la soumettre à
son approbation par voie référendaire, comme nous le faisons
aujourd'hui à travers cette discussion et comme j'aurai le plaisir de le
faire dans mon comté de Char-levoix.
M. le Président, la population du Québec devra
décider entre le fédéralisme renouvelé contenu dans
cette entente, qui procure un ensemble de gains appréciables, et la
séparation avec les risques et, surtout, les coûts de transition
que cela implique. Je suis persuadé que la population ira dans la voie
que nous privilégions. Ce sera un oui, M. le Président, et je
vous remercie beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur la même
question, à savoir la motion de M. le premier ministre relativement
à la question référendaire, je cède maintenant la
parole, en lui rappelant qu'il dispose d'une période maximale de 20
minutes, à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. André Boulerice M. Boulerice: M. le Président,
Québécoises,
Québécois, chers concitoyens et concitoyennes de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, rappelez-vous le 22 juin 1990. Le premier ministre
du Québec a déclaré devant cette Assemblée
nationale, et je le cite: «Le Canada anglais doit comprendre d'une
façon très claire que, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le
Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société
distincte, libre et capable d'assumer son destin et son
développement».
Quoi qu'il soit arrivé depuis deux ans et quoi que ce premier
ministre ait fait ou se soit abstenu de faire, je souhaite au peuple
québécois de choisir la fierté de rester maître de
son destin et de prendre en main son émancipation au coeur des nations.
Les offres qui nous sont proposées seraient le maximum que l'on pouvait
obtenir du reste du Canada. Si c'est vraiment le cas, quittons vite la maison
canadienne; on ne veut plus de nous. À entendre les tenants du oui aux
offres, c'est le maximum, résignons-nous. Mais jamais le peuple
québécois ne se résignera.
Quelle pauvre, quelle piètre, quelle décevante offre
à présenter aux Québécoises et aux
Québécois! Après plus de 30 ans de revendications, dont la
substance a fait l'objet du rapport Bélanger-Campeau, à travers
de larges consensus ralliant la vaste majorité des individus et des
divers regroupements intellectuels, sociaux et économiques du
Québec, on pouvait ainsi dégager quelle place et quels pouvoirs
le Québec était en droit de revendiquer et capable d'assumer.
Après la rebuffade de Meech, qu'a fait ce gouvernement adepte du petit?
Il a tendu et retendu la joue pour que, de concession en concession, on y
applique de façon répétée gifle après gifle.
A cette fréquence, c'est de la perversion et du masochisme.
Comment comprendre que ce gouvernement, fort de l'appui et du consensus
populaire, soit allé de compromis en recul, de recul en compromission?
Il n'y a qu'une réponse: II n'avait pas à coeur le Québec,
mais plutôt le Canada. Il n'avait pas confiance en la capacité des
Québécoises et des Québécois de se prendre en main.
Triomphe de ce que plusieurs commentateurs ont appelé l'esprit
minoritaire. Nous voici confrontés - écoutez bien - à un
projet provisoire consensuel pour renouveler la Constitution canadienne, projet
que l'on soumet à un référendum pour obtenir carte blanche
de faire ce qu'on voudra, puisque ce supposé renouvellement se fera sur
la base d'un texte incomplet, rempli d'imprécisions et de trous, sujet
à de futures négociations et clarifications. On nous prend pour
des imbéciles, des demeurés ou quoi?
Si ces offres sont approuvées, préparez-vous au grand show
canadien des chicanes de juridictions et de chevauchements de double, triple ou
quadruple légitimité. Incidemment, à propos de
légitimité, que va peser cette honorable Assemblée, avec
ses 125 élus, comparativement aux 99 députés et
sénateurs fédéraux? On va revenir au modèle ancien,
de marguillier à commissaire d'écoles, de commissaire
d'écoles à conseiller municipal, de conseiller municipal à
député provincial, de député provincial à
ministre provincial, de ministre provincial à député
fédéral - c'est presque aussi bien payé - et de
député fédéral à premier ministre
provincial. Quel beau curriculum en perspective! Est-ce à cela
qu'aspirent chacun des petits carriéristes qui forment le piètre
gouvernement actuel?
Mesdames et messieurs d'en face, préparez vos valises: 18
nouvelles circonscriptions vous seront peut-être ouvertes, sans compter 6
postes de sénateur. Serait-ce votre plat de lentilles? On ose le croire,
à vous entendre défendre et louanger ce que vous n'avez
peut-être pas lu, puisque vous l'aviez déjà approuvé
en l'absence de tout texte à votre congrès bidon du 29 août
dernier.
Et maintenant, qu'est-ce qu'attend de ces offres la ministre des
Affaires culturelles, elle qui veut devenir la ministre de la culture du
Québec? Qu'attend-elle de ces offres, outre les faire encadrer et
déposer au futur musée du rire qu'elle a parrainé avec
tant d'enthousiasme, belle illustration avant terme de la maîtrise
d'oeuvre des décisions d'Ottawa? Qu'elle admette donc franchement,
puisqu'elle n'écrit pas ici une préface patriotarde et qu'on ne
lui demande pas de faire de l'esbroufe pour un article de magazine, qu'elle ne
sera jamais plus qu'une demi-ministre, car à votre champ culturel est
curieusement absent le domaine stratégique des communications. Elle ne
sera qu'une demi-ministre, avec un petit budget provincial, et qui ne
réussira pas longtemps à faire illusion de grande dispensatrice
de subventions. Incidemment, vous aurez remarqué que c'est l'aspect
subventions qui a le plus alléché les intéressés
dans le projet de politique culturelle tronqué, l'argent qu'on va se
distribuer entre soi; c'est ce qu'ils aiment du fédéral, et
ça va continuer, qu'elle soit maltresse d'oeuvre ou pas. Où sera
la tsarine quand elle se rendra compte qu'elle ne sera que la gérante de
la succursale Québec des décisions «Canadian»? Si
elle remue trop ou qu'elle ne fait pas l'affaire, les mandarins d'Ottawa s'en
balanceront de ses réclamations, pour ne pas dire protestations, quant
à la maîtrise d'oeuvre au Québec.
Que la ministre lise le texte, car il semble que l'unanimisme du cabinet
et du caucus libéral et son enthousiasme de congressiste n'avaient pas
supporté la réalité lorsqu'elle s'est
réveillée quelques jours plus tard. Eh oui! On avait
oublié la culture. Au fond, je la comprends: on brandit si facilement la
culture pour emballer les coeurs et on l'oublie si vite dans la
réalité de tous les jours. En effet, pour une
société que l'on veut distinguer par sa culture, il est assez
triste que le discours soit monopolisé par les politologues et les
constitutionnalistes.
Mais convenons que, depuis, la ministre a lu le texte de ces offres, ou
plutôt les deux textes
de ces offres, car, comme on le sait maintenant, les versions anglaise
et française ne disent pas la même chose. Survolons donc ce texte,
M. le Président, si vous me le permettez, en ce qui concerne la culture.
Quant au point 1, la clause Canada: l'absence du mot «notamment» en
version anglaise, qui réduit la portée de la
société distincte à la seule langue française, au
Code civil et à la culture unique, ne risque-t-elle pas de
réduire votre champ culturel aux manifestations culturelles
françaises? Pour le reste, la ministre se contentera-t-elle d'être
la maîtresse d'oeuvre des responsabilités et des décisions
fédérales? En tant que ministre d'un gouvernement qui entend
s'«engager», dans la version anglaise, et s'«attacher»,
dans la version française, à défendre ou promouvoir la
langue anglaise, s'engagera-t-elle à s'attacher, ou s'attachera-t-elle
à s'engager? Et, devant l'obligation de demander son opinion à la
Cour suprême, se dégagera-t-elle de tout attachement ou se
détachera-t-elle de tout engagement? Vous vous y retrouvez, vous, dans
tout cela? Quelle improvisation, quel double langage et quelle mystification!
(19 h 10)
Dans le cas de la nécessité de la double majorité
sénatoriale pour les projets de loi portant sur la langue et la culture
françaises, comment interpréter les termes: «Les projets de
loi touchant de façon importante à la langue ou à la
culture française»? La ministre aurait-elle un mot à dire
là-dessus? Car, s'il était décidé que tel projet de
loi ne touche pas de façon importante à la culture et à la
langue françaises, il n'y a pas de double majorité qui tienne.
Qu'on ne m'apporte pas l'argument que c'est l'Assemblée nationale et son
gouvernement qui vont nommer les sénateurs du Québec. Nous
connaissant, et c'est à notre honneur, on ne nommera pas que des
francophones comme sénateurs au Québec. Si le reste du Canada
n'est pas capable de se dégoter au moins six sénateurs dits
francophones, ce sont des imbéciles, disons-le. Comme il n'est pas
garanti que le Sénat francophone soit sous le contrôle du
Québec, j'en conclus donc que la ministre n'y pourra rien. De plus, dans
son entendement, un projet de loi touche ou ne touche pas un domaine. Il n'y a
pas de façon importante qui tienne. C'est quoi, important? Vous ne
l'avez pas vue, celle-là. Alors, allez relire, Mme la ministre,
l'espèce de brouillon que votre premier ministre a griffonné sans
demander votre avis. Si elle va relire tout ça, les yeux bien ouverts
cette fois, qu'elle prenne bonne note que ce n'est que la culture
française qui est soumise au double vote. Son domaine s'effrite, se
rétrécit de plus en plus. Bientôt, elle ne sera plus qu'une
monarque en exil.
Quant au point 29, nous voici rendus au saint des saints, à la
quintessence de la pensée «bourassienne» en manque
d'idées et sujette au rafistolage en catastrophe. En fait, les offres du
28 août et leur fameuse maîtrise d'oeuvre rajoutée à
la toute dernière minute ne sont que synonymes de statu quo. En effet,
Ottawa conserve son pouvoir de dépenser, donc de nous endetter, ainsi
que ses responsabilités actuelles en matière de culture à
travers son réseau d'institutions culturelles, soit Radio-Canada,
l'Office national du film, le Conseil des arts, Téléfilm, etc.
Donc, des activités sont maintenues, y compris leurs programmes de
subvention. Ces institutions culturelles fédérales
dépensent annuellement plus d'un demi-milliard de dollars au
Québec. C'est considérable, convenons-en, et le Québec
n'aura aucun contrôle là-dessus. Le ministre fédéral
des Communications, Perrin Beatty, a été on ne peut plus clair
sur ces offres, en affirmant récemment qu'Ottawa continuerait à
dépenser dans la culture, sans limites et à sa guise. Tels
étaient ses propos. De plus, Ottawa conserve son pouvoir actuel de
légiférer en matière de radiodiffusion et de droits
d'auteur. À ce dernier chapitre, ça fait au moins 50 ans qu'on
revendique une loi sur les droits d'auteur.
Bref, la proposition du 28 août consacre le statu quo. Compte tenu
qu'Ottawa conserve son pouvoir de dépenser à travers les
activités de ses institutions culturelles, voulez-vous bien me dire ce
qui reste à négocier entre Ottawa et Québec en
matière de culture? La ministre des Affaires culturelles s'accroche
à la possibilité que, peut-être, elle pourrait conclure une
entente administrative avec Ottawa. Mais négocier quoi au juste, alors
que son homologue fédéral lui dit qu'Ottawa entend continuer
d'agir à sa guise - je répète ses phrases - et que, si
Québec veut faire davantage en matière de culture, il n'a
qu'à investir lui-même davantage? Maîtrise d'oeuvre: donc,
deux mots sans conséquence, qui ne signifient rien d'autre que le statu
quo.
Si on lit bien, le Québec aura une compétence exclusive
partagée. Comprendra, encore là, qui voudra. Avec la Constitution
de 1867, le fédéral a mis sans vergogne ses gros sabots dans des
domaines exclusivement provinciaux. En 1992, il est beaucoup plus subtil et
prévoit se donner le droit de le faire. Avant, on pouvait au moins
protester. Maintenant, oubliez cela.
Avez-vous pensé que les questions culturelles
québécoises, dans cette vision du beau et grand Canada, font
partie des questions culturelles canadiennes? On fait partie du Canada ou on
n'en fait pas partie. Dans l'un comme dans l'autre cas, il faut en accepter les
conséquences. Bien sûr, on ergotera sur la question de la
maîtrise d'oeuvre, mais il ne faut pas oublier que cette maîtrise
d'oeuvre est tributaire d'ententes à venir non constitutionnalisables.
Ententes qui, en outre, devront être harmonisées avec les
responsabilités fédérales en la matière. Je
souhaite bonne chance à Mme la gérante de la succursale bancaire.
Ce n'est pas demain qu'elle
va fixer les taux d'intérêt, surtout pas dans le domaine de
la culture.
Le plus injurieux dans tout cela, au-delà de cette
aléatoire maîtrise d'oeuvre, c'est que le gouvernement
fédéral pourra se rire du gouvernement du Québec,
puisqu'il garde intacts ses pouvoirs de subventionner, ce qui a
été le propre de ses interventions culturelles à ce jour.
Si la ministre veut vraiment exercer un pouvoir effectif sur la culture et en
faire baver aux prétentieuses administrations provinciales, à sa
place, moi, j'essaierais de devenir ministre des Communications à
Ottawa. Enfin, elle pourra trôner sur tout le domaine culturel et pourra
réellement faire quelque chose. C'est là où sont les
pouvoirs et l'argent.
En résumé, M. le Président, dans ce projet
d'entente, dans ces offres, tout n'est qu'approximation, incertitude,
tromperie, maigre et faux décor. À l'aune même des
prétentions passées de ce gouvernement, j'oserais dire de cette
administration provinciale, l'étude de l'entente démontre tous
les reculs, les remaniements, les reniements, les pièges, et annonce des
lendemains douloureux et amers. Ces offres ne supportent même pas les
discours pompeux et larmoyants que l'on entend depuis le 28 août dernier
dans la bouche de ces messieurs dames d'en face. Je sais, on arguera que, pour
un souverainiste, il n'y a pas d'offre qui tienne. De ce genre, sûrement
pas! Sûrement pas, effectivement. En soi, surtout pour tous ceux qui
croyaient, et qui croient encore peut-être qu'il y avait place au Canada
pour un Québec plus autonome et maître de ses choix, ces offres
sont mauvaises, étriquées, pas finalisées, pleines de
contradictions et sujettes à d'éventuelles négociations
dont les résultats sont des plus aléatoires. Que fera notre
subtil gouvernement, lui qui a tellement reculé?
Peuple du Québec, vous aurez un choix à faire le 26
octobre prochain. Dire oui à ces offres, c'est dire oui au Canada et se
résoudre à n'être qu'une province comme les autres, sans
plus de pouvoirs que maintenant et en comprenant bien que votre vrai
gouvernement sera désormais celui d'Ottawa. Ne nous illusionnons pas:
cet aberrant pays ne peut que devenir de plus en plus centralisé. S'il
veut survivre, c'est la seule voie. Fermera-t-on la porte sur une petite
société frileuse ou gardera-t-on la fenêtre ouverte sur
l'air du large et les défis vers un avenir de réalisations et
d'affirmation d'une terre française en Amérique? À vous
d'en décider. Nos amis d'en face semblent avoir fait leur lit et vouloir
fermer la porte, puisqu'ils s'y complaisent.
Je terminerai en m'adressant à leur chef. Celui-ci, féru
de fédéralisme canadien et de subtilités de traductions
française et anglaise, n'ignore pas qu'en anglais on dit du premier
ministre fédéral, «Prime Minister», et des premiers
ministres provinciaux, «Premier». En 1990, à sa
déclaration citée au début de mon allocution, le chef de
l'Opposition, M. Jacques Parizeau, avait rétorqué: «Mon
premier ministre». Devant le gâchis, la division et le
discrédit national qu'il nous a concoctés, je ne puis reprendre
l'expression de M. Parizeau et le qualifier de «mon premier
ministre». Je ne peux dire que ceci: «It is a shame Premier».
Non, c'est assez! Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je cède maintenant
la parole à M. le député de l'Acadie. (19 h 20)
M. Yvan Bordeleau
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Dans quelques
semaines, tous les Québécois seront appelés à se
prononcer sur l'avenir constitutionnel du Québec. Ce sera, certes, un
moment extrêmement important dans l'évolution de la
société québécoise. Compte tenu de l'importance de
cet événement, nous devons tous, comme parlementaires, informer
adéquatement la population afin de lui permettre de choisir en toute
connaissance de cause les voies de son avenir. Ainsi, chaque
Québécois pourra exercer son droit en se prononçant sur la
question référendaire, mais, également, assumer une grande
responsabilité quant à l'évolution du Québec. Nous
devons tous nous prononcer non pas d'une façon émotive ou
impulsive, mais après une analyse rigoureuse, réaliste et
responsable.
Essentiellement, M. le Président, la population du Québec
aura à répondre à la question suivante:
«Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur
la base de l'entente conclue le 28 août 1992?» Quels sont donc
exactement les termes de cette entente conclue entre les 11 premiers ministres,
fédéral et provinciaux? Il serait facile, M. le Président,
de se perdre dans les nuances juridiques ou dans les interprétations
byzantines, mais le plus important, c'est de signaler, de façon claire
et simple, à tous les citoyens l'essentiel de ce qui a été
acquis lors de cette négociation, et ce, dans la perspective du
développement du Québec.
Premièrement, pour la première fois depuis 125 ans, le
Québec sera reconnu dans la Constitution comme une société
distincte par sa langue, sa culture et sa tradition de droit civil. À
cette reconnaissance, vient s'ajouter la responsabilité pour le
gouvernement du Québec de protéger et de promouvoir le
caractère distinct de la société québécoise.
Parallèlement, il faut également signaler «l'attachement
des Canadiens et de leurs gouvernements à l'épanouissement et au
développement des communautés minoritaires de langue officielle
dans tout le pays». Ainsi, la spécificité du Québec
sera reconnue dans la Constitution, et ce, dans le respect des droits de nos
compatriotes anglopho-
nés et dans la reconnaissance de la diversité culturelle
et raciale de notre pays. Il ne faut surtout pas sous-estimer l'impact
important que pourra avoir cette clause de la société distincte
dans le contexte de l'évolution du Québec.
D'ailleurs, l'importance de la clause Canada et la reconnaissance de la
société distincte ont été soulignées par des
juristes aussi éminents que Me Yves Fortier, ancien ambassadeur du
Canada aux Nations unies, Me Louis-Philippe de Grandpré, ancien juge
à la Cour suprême du Canada, Me Jules Deschênes, ancien juge
en chef de la Cour supérieure du Québec, et Me Paul
Gérin-Lajoie, juriste reconnu pour son expertise concernant la formule
d'amendement.
L'Opposition a beau vouloir nier cette réalité, la
population du Québec sera à même d'apprécier ce gain
très important pour le Québec puisque, pour la première
fois dans l'histoire du pays, la reconnaissance de ce caractère
fondamental du Québec est maintenant inscrite dans la Constitution de
notre pays. Malgré que les opposants à l'entente de Charlottetown
cherchent à diminuer l'importance de ce gain, personne ne peut, avec
crédibilité, soutenir que les éléments reconnus
comme caractéristiques de la société distincte ne
correspondent pas aux fondements mêmes de ce qui fait notre
spécificité.
Permettez-moi ici, M. le Président, de citer la journaliste, Mme
Lysiane Gagnon, qui, il y a quelques semaines, mentionnait ce qui suit, et je
cite: «Faut-il s'indigner de ce que le caractère distinct du
Québec soit lié - et donc possiblement restreint - à la
langue, à la culture et au Code civil? Mais ne sont-ce pas là,
justement, les trois caractéristiques qui font que le Québec
forme une société distincte des autres provinces? Ceux qui
s'imaginent que le Québec a un "modèle de développement
économique" spécifique, ou des préoccupations sociales et
un style de vie absolument différents du reste du Canada, s'illusionnent
grandement ou alors ils n'ont manifestement pas la moindre idée de ce
qui se passe en dehors des "frontières" du Québec. C'est la
langue et ce qui en découle (les références culturelles)
qui constituent ici la ligne de partage fondamentale, et l'accord actuel
reconnaît cela sous plusieurs angles, en accordant des protections
particulières au Québec en tant que patrie des
francophones».
Deuxièmement, le Québec acquiert une présence
particulièrement déterminante dans certaines de nos institutions
politiques nationales les plus importantes. En effet, le Québec aura la
garantie de trois juges québécois sur neuf à la Cour
suprême du Canada. Étant donné l'importance de la Cour
suprême dans l'interprétation de nos lois et son rôle
déterminant dans l'évolution de la société
canadienne, personne ne peut nier que la garantie de 33 % de juges d'origine
québécoise représente un statut particulier pour le
Québec. De plus, aucun changement ne pourra être effectué
au niveau de la Constitution ou de la juridiction de la Cour suprême du
Canada sans le consentement du Québec. M. le Président, tout cela
sera inclus dans la Constitution canadienne.
De plus, avec la définition des nouveaux pouvoirs restreints du
Sénat et le rôle déterminant de la Chambre des communes, le
Québec obtient 18 députés de plus à la Chambre des
communes du Canada et également la garantie que le Québec ne
pourra jamais avoir moins de 25 % des députés à la Chambre
des communes, même si la population du Québec devait un jour
représenter moins de 25 % de la population canadienne. Cette garantie
constitutionnelle n'est donnée à aucune autre province
canadienne.
Au niveau de l'exercice des pouvoirs et des compétences, le
Québec fait également des gains substantiels. D'abord, le
Québec obtient un droit de retrait concernant tout programme
fédéral cofinancé par les provinces, et ce, avec la
garantie d'une compensation financière correspondante. Encore ici, M. le
Président, cette réalité sera inscrite dans la
Constitution canadienne. Voilà un autre gain majeur pour le
Québec.
Pour ce qui est du partage des pouvoirs, il faut d'abord se rappeler
que, dans la Constitution de 1867, les mines et les forêts étaient
reconnues comme étant de juridiction provinciale. Cette
réalité continue évidemment d'exister, mais on
reconnaît maintenant la compétence exclusive du Québec dans
un certain nombre de nouveaux secteurs sur lesquels il y avait, depuis de
nombreuses années, confusion entre les juridictions
fédérales et provinciales; il s'agit des affaires municipales et
urbaines, du tourisme, du logement et du loisir. Dorénavant, le
fédéral devra, à la demande du Québec, se retirer
complètement de ces champs particuliers de juridiction, reconnaissant
ainsi le caractère exclusif de ces compétences provinciales. De
plus, le Québec a également récupéré la
compétence exclusive sur la culture et sur la formation de la
main-d'oeuvre. Bien que nous reconnaissions que le gouvernement
fédéral a un rôle à jouer au niveau du maintien de
certaines institutions culturelles nationales, il n'en demeure pas moins que la
nouvelle entente fait en sorte que le Québec devient maître
d'oeuvre en matière de culture sur l'ensemble du territoire
québécois.
Pour ce qui est de la formation de la main-d'oeuvre, il s'agit là
d'une nouvelle juridiction provinciale excessivement importante, puisqu'il est
maintenant évident que le Québec des prochaines décennies
devra axer ses énergies et ses ressources sur le développement de
sa main-d'oeuvre, outil essentiel à son développement
économique. Le Québec sera en mesure de planifier et
d'établir ses programmes de formation en fonction de ses besoins
spécifiques. Nous récupérons donc la formation de la
main-d'oeuvre par une entente administrative qui sera
cons-titutionnalisée. Ce sont là, M. le Président,
deux
nouvelles juridictions excessivement importantes pour l'avenir de notre
société, son développement culturel et le
développement de ses ressources humaines.
Le gouvernement fédéral s'est également
engagé à trouver les moyens qui permettront au Québec et
aux autres provinces d'encadrer et de limiter davantage le pouvoir de
dépenser du fédéral et ainsi de permettre aux
Québécois de renforcer leur autonomie politique et
économique, et ce, dans le respect des priorités de notre
société.
Enfin, il est certainement judicieux et utile de souligner ici la
récupération des droits de veto que le Québec est
allé chercher dans de nombreux secteurs. Nous récupérons
un droit de veto sur le Sénat, un droit de veto sur les Communes, un
droit de veto sur la formule d'amendement, un droit de veto sur la
société distincte, un droit de veto sur les nouvelles provinces,
un droit de veto sur la clause «nonobstant». Le Québec
récupère ainsi plusieurs droits de veto nécessaires pour
assurer sa sécurité politique et culturelle au sein du Canada.
Jamais dans l'histoire des 125 dernières années, M. le
Président, un premier ministre ou un gouvernement
québécois n'a offert au Québec autant de
sécurité. Il s'agit là de gains incroyables pour
l'ensemble du Québec, et je suis convaincu, M. le Président, que
nos concitoyens québécois pourront, avec clairvoyance,
évaluer l'impact majeur des gains obtenus, et ce, dans
l'intérêt supérieur du Québec.
Nous aurions pu, M. le Président, souligner également
d'autres aspects intéressants de l'entente de Charlottetown. Cependant,
les discussions des prochaines semaines nous donneront certes l'occasion
d'expliquer et d'approfondir toute la portée et la signification de
cette entente historique pour le Québec.
Comment doit-on évaluer exactement la valeur de l'entente de
Charlottetown? Certains peuvent le faire par rapport à Meech, d'autres
par rapport aux programmes constitutionnels des grands partis politiques du
Québec. Le plus important est certainement d'évaluer l'entente
par rapport à l'histoire et à l'évolution du Québec
au cours des 125 dernières années. L'énumération
faite précédemment des gains réalisés
démontre hors de tout doute raisonnable que le Québec a, pour la
première fois depuis 125 ans, réalisé des
bénéfices majeurs qui sont maintenant reconnus dans une entente
constitutionnelle. Ainsi, le Québec s'assure des outils de
développement essentiels à son évolution. (19 h 30)
M. le Président, c'est en regard de cela que nos concitoyens
seront appelés à se prononcer. Si la réponse est oui - et
je suis convaincu qu'elle le sera - ce sera un geste de réalisme et de
confiance en l'avenir du Québec et du Canada. Ce sera essentiellement un
choix en faveur du Québec et de son évolution harmonieuse au sein
même du Canada et du continent nord-américain. À l'heure
où de nombreuses nations du monde sont à se réorganiser
dans des entités où les frontières nationales restreintes
disparaissent au profit d'une plus grande ouverture, d'une plus grande
interdépendance et du regroupement des forces économiques, je
suis convaincu que c'est là la voie de l'avenir et que nous devons
orienter le développement de la société
québécoise dans cette direction, parce que nous avons confiance
en la valeur de nos ressources et en notre capacité de concurrencer sur
tous les plans.
Il est important ici de se demander quel est l'objectif réel de
l'Opposition actuelle qui assumera la direction du comité du non.
D'abord, il ne faut pas se faire d'illusions, puisque l'Opposition aurait
réagi de façon toujours négative à n'importe quelle
entente qui aurait eu comme objectif de permettre le développement du
Québec au sein de la Fédération canadienne. Il faut se le
dire franchement, une seule chose intéresse l'Opposition du Parti
québécois: c'est la séparation du Québec et la
destruction du Canada. C'est leur choix avoué, malgré les
tentatives de camouflage. Mais la population du Québec doit être
informée adéquatement des enjeux. Malgré que le chef de
l'Opposition mentionne qu'un vote négatif ne signifie pas la promotion
de l'indépendance du Québec, je me dois de regretter que les
personnes se joignant au comité du non en toute bonne foi risqueront
d'être manipulées honteusement par les ténors du Parti
québécois qui sauront certes utiliser tout vote négatif
comme un moyen déguisé de faire la promotion prochaine de leur
option politique fondamentale.
D'ailleurs, le 1er septembre dernier, les souverainistes du nord de
Montréal se réunissaient à l'école Marie-Anne,
située dans le comté de l'Acadie. À cette occasion, un
certain nombre d'orateurs se sont adressés aux partisans
présents, dont MM. Jean Campeau et Fernand Daoust, de même que
certains collègues péquistes de l'Assemblée nationale du
Québec, dont le député d'Anjou, le député
d'Abitibi-Ouest et le député de Jonquière. Le journaliste
qui décrivait l'événement dans le journal du quartier
rapportait ce qui suit, et je cite: «Le message de tous les orateurs se
résumait à dire non au prochain référendum du 26
octobre, et que seul un Québec souverain serait en mesure de remettre
les gens au travail.» Malgré l'attitude soi-disant neutre du chef
de l'Opposition, il est évident que tout ce que l'Opposition
péquiste fera dans le cadre de cette campagne référendaire
sera de nature à promouvoir à brève échéance
l'indépendance du Québec. C'est ça, la
réalité, M. le Président.
Non, ce n'est pas vrai que les Québécois qui croient au
renouvellement du fédéralisme se laisseront berner par les
manigances du Parti québécois. Nous avons malheureusement eu
l'occasion d'observer directement, au cours des
derniers mois, que tous les moyens sont bons pour atteindre leur but
ultime. Permettez-moi ici de citer un editorial de M. Alain Dubuc, en date du
25 août dernier, et je cite: «Les ténors péquistes,
depuis quelques jours, ont plutôt préféré jouer sur
les émotions et faire appel à l'irrationnel. Et c'est ainsi qu'on
pince toutes les cordes qui peuvent faire grimper les Québécois
aux rideaux: le complot du Canada anglais, les trahisons de Bourassa, les
reculs, l'humiliation. Pour ne pas être en reste, M. Parizeau joue avec
le feu en insistant sur les volets de l'entente qui peuvent faire appel
à l'insécurité culturelle des Québécois, les
gains des autochtones, la protection des anglophones, la loi 101. Le PQ commet
une erreur. [...] Les Québécois, qui n'aiment pas qu'on les
prenne pour des imbéciles, y verront une marque de mépris.
Ensuite, parce que le ton strident des dénonciations ressemble surtout
à un aveu de faiblesse.»
À l'heure des choix, la population du Québec devra
évaluer avec clairvoyance les enjeux en cause et déterminer de
façon réaliste et rationnelle quel est le meilleur cadre pour
permettre le développement du Québec. Est-ce une entente qui
permet au Québec de demeurer au sein de la Fédération
canadienne en récupérant toute une série d'outils
essentiels à son développement culturel et économique ou
la voie de l'aventure, du risque et de l'incertitude que peut
représenter la séparation du Québec. Avant de prendre
cette décision, les Québécois devront
réfléchir sur ce qu'est actuellement le Québec et ce
qu'est le Canada. Rappelons-nous qu'il s'agit du pays qui, selon les Nations
unies, possède le meilleur niveau de qualité de vie au monde.
Avant de rejeter cette entente, détruisant ainsi ce pays que nous avons
mis 125 ans à construire avec nos compatriotes anglophones et
allophones, j'inviterais les concitoyens à répondre à un
certain nombre de questions que posait avec beaucoup de réalisme un
ancien membre de l'Assemblée nationale du Québec dans un article
qu'il publiait le 8 août dernier sur l'avenir du Québec, en
l'occurrence, l'ancien ministre et député de l'Acadie, M.
François Cloutier.
Il mentionnait, dans son article, ce qui suit: Les
Québécois sont-ils brimés? Où sont les prisonniers
politiques? Quelles restrictions y a-t-il à la liberté
individuelle et à la liberté collective? Les droits de l'homme ne
sont-ils pas respectés? Et le droit des minorités? Où est
la censure? Où sont les goulags? Soyons sérieux, disait M.
Cloutier. Nos problèmes sont des problèmes administratifs et des
problèmes de négociation, des problèmes de riches. Rien de
comparable avec les nombreux pays où régnent l'oppression, la
haine raciale, l'absence de liberté, la misère, la famine ou la
sous-alimentation. Il est vrai que, dans le passé, les
Québécois ont connu collectivement mépris et humiliation,
disait-il. N'était-ce pas en partie la conséquence du repli?
N'a-t-il pas suffi qu'ils prennent leur destin en main, qu'ils réforment
leurs institutions, qu'ils acceptent la concurrence, qu'ils foncent sur le plan
économique pour devenir des citoyens à part entière? C'est
à travers la situation actuelle qu'il convient de se poser la question
de l'indépendance.»
M. le Président, je suis convaincu que l'ensemble des citoyens du
Québec et, en particulier, ceux du comté de l'Acadie, seront
capables de faire, le 26 octobre prochain, un choix judicieux,
éclairé et réaliste, un choix qui sera fait dans la
perspective du développement du Québec et ce, dans le respect de
la continuité et de la reconnaissance des acquis du dernier
siècle. Jamais le Québec n'a été une
société aussi dynamique, aussi francophone, aussi présente
à travers le monde francophone, aussi confiante dans ses
capacités et aussi prête à affronter avec réalisme
et confiance la concurrence des grands marchés internationaux.
La réalisation de ce qu'est le Québec actuel a pu
s'exercer dans le cadre de la Fédération canadienne. Il faut
cesser de faire appel aux instincts revanchards et mesquins, comme le font les
membres de l'Opposition du Parti québécois avec leur attitude
misérabiliste. Il faut choisir avec confiance le chemin le plus
prometteur pour l'avenir du Québec. En disant oui à l'entente du
28 août dernier, les Québécois diront avec assurance oui au
Québec et oui au Canada. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de l'Acadie. Je vous rappelle que nous sommes à
discuter de la motion du premier ministre relativement à la question
référendaire. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Châteauguay.
Mme Pierrette Cardinal
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. M. le
Président, je tiens à exprimer en cette Chambre ma fierté
de représenter le comté de Châteauguay, dont la population
a vécu et vit encore des situations très difficiles, et je veux
rendre un hommage particulier à mes concitoyens qui ont su conserver
leur dignité et le respect de nos différences et qui continueront
sûrement à le faire durant le référendum. En effet,
M. le Président, je représente un comté à forte
proportion d'anglophones, d'allophones et d'autochtones. Je suis donc
très honorée de participer à ce débat historique
aujourd'hui en cette Chambre, un débat qui porte sur l'entente de
Charlottetown qui sera soumise à l'approbation de la population le 26
octobre prochain. (19 h 40)
M. le Président, la population du Québec aura plus d'une
raison pour dire oui à cette entente. Permettez-moi de vous en
nommer
quelques-unes. En disant oui à cette entente, c'est saisir la
chance de mettre fin à l'incertitude persistante au sujet de l'avenir
politique du Québec, une incertitude qui a assez duré. Dire oui
à cette entente, c'est saisir l'occasion de permettre au gouvernement du
Québec et au gouvernement du Canada de consacrer tout leur temps aux
problèmes économiques, et plus particulièrement aux
problèmes de chômage qui affligent actuellement une partie
importante de nos travailleurs et de nos travailleuses. Dire oui à cette
entente, M. le Président, c'est créer à court terme un
nouveau climat à l'intérieur du fédéralisme
canadien. Dire oui à cette entente, c'est échapper à des
pressions en faveur de l'indépendance du Québec, avec toutes ses
implications politiques, sociales, économiques et financières.
Dire oui, c'est non seulement tout cela, mais aussi éviter une perte de
crédibilité du Québec à l'égard de ses
partenaires canadiens. C'est préserver cette crédibilité
ô combien essentielle à notre développement
économique, social et culturel.
Dire oui à cette entente, c'est permettre au Québec de
bénéficier des acquis de l'entente constitutionnelle actuelle,
c'est-à-dire obtenir la reconnaissance de la société
distincte, obtenir le droit de veto sur les institutions canadiennes, conserver
l'entente sur l'immigration, qui est essentielle au maintien de notre
équilibre démographique. C'est aussi préserver l'avenir en
reconnaissant les compétences exclusives du Québec en
matière de main-d'oeuvre, de culture, en matière minière,
de forêts, de loisirs, d'affaires municipales, de tourisme et de
logement. Dire oui, c'est préserver l'acquis de la garantie à vie
de 25 % des Québécois à la Chambre des communes. Dire oui,
c'est préserver l'acquis d'une autre garantie, celle de 33 % des juges
québécois à la Cour suprême. Eh oui! Dire oui, c'est
oeuvrer au renforcement de l'union économique canadienne, une condition
essentielle à la prospérité actuelle et future de notre
population.
Dire oui, c'est préserver l'acquis des ententes de
développement économique. Dire oui à cette entente
constitutionnelle conclue à Charlottetown, c'est oeuvrer en faveur de la
diminution des tensions avec les peuples autochtones et consacrer tous leurs
efforts afin d'obtenir une reconnaissance de leurs droits. Dire oui à
cette entente, c'est accepter d'apaiser les inquiétudes légitimes
des Québécois et des Québécoises anglophones et des
membres des communautés culturelles quant à l'avenir du Canada,
une inquiétude d'ailleurs partagée par l'ensemble des
Québécois. Voilà pourquoi, M. le Président, nous
allons dire oui à cette entente constitutionnelle. Nous serons des
milliers à promouvoir cette entente afin que nos concitoyens et nos
concitoyennes de toutes origines, de tous milieux, soient informés de
son bien-fondé et de ses mérites. Pour ma part, j'ai l'intention
de bien informer ma population et je lui fais entièrement confiance
quant à son bon jugement. Il ne faut surtout pas la sous-estimer.
M. le Président, nos adversaires envisagent l'avenir non pas en
regardant devant eux mais en regardant derrière. Le XIXe siècle
est derrière nous et non devant. Ce qui nous attend, c'est le XXIe
siècle. Il nous faut une structure politique adaptée aux
défis et aux exigences de notre société de l'an 2000.
À la différence de nos adversaires qui mettent de l'avant une
option teintée de romantisme passé, la nôtre est une option
réaliste qui répond aux besoins et aux exigences du Québec
d'aujourd'hui et de demain, le Québec qui s'apprête à
entrer dans le XXIe siècle.
M. le Président, je suis convaincue que la population du
Québec sera sensible aux arguments que je viens d'énoncer et
qu'elle appuiera et dira oui à cette entente. Il ne faudrait surtout pas
oublier que nous avons le plus beau pays au monde, avec la meilleure
qualité de vie. Il suffit de voir ce qui se passe dans le monde
actuellement pour en être convaincu, ce qu'il nous faut préserver.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Châteauguay. Je rappelle aux membres de cette
Assemblée que nous poursuivons le débat sur la question
référendaire, et je reconnais M. l'adjoint parlementaire au
ministre de l'Environnement et député de Saint-Maurice. M. le
député, la parole est à vous.
M. Yvon Lemire
M. Lemire: Merci beaucoup, M. le Président. Le
Québec vit présentement un des moments les plus intenses de son
histoire politique. La population s'apprête, en effet, à se
prononcer sur son avenir politique et constitutionnel, via la question
suivante, M. le Président: Acceptez-vous que la Constitution du Canada
soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août
1992?
Effectivement, M. le Président, le 26 octobre prochain sera une
date déterminante, et je suis heureux que tous les
Québécoises et les Québécois aient enfin l'occasion
de se prononcer sur un sujet aussi délicat. Un référendum,
M. le Président, c'est plus qu'une simple question. Dans le cas qui nous
concerne, il s'agit de se prononcer sur des offres qui ont été
conclues par le premier ministre du Québec, le premier ministre du
Canada et les autres premiers ministres des provinces canadiennes, de
même que les représentants des territoires autochtones. Ces
offres, M. le Président, représentent un gain réel, un net
progrès. Ce que nous avons aujourd'hui comme entente est une entente qui
n'a jamais été obtenue en 125 ans de
fédéralisme.
Oui, 125 années durant, le Québec n'a cessé de
demander des changements dans le partage des compétences
législatives, des changements
dans les institutions, la reconnaissance du Québec comme
société distincte. L'entente du 28 août dernier, M. le
Président, représente la réponse à ces demandes
historiques. Pour cette raison, nous devons dire oui à la question qui
nous sera posée le 26 octobre prochain. Une entente, M. le
Président, cela se bâtit petit à petit, avec une
volonté ferme. Mais encore, une entente comme celle-ci se bâtit
grâce à un dialogue, un dialogue qui n'aurait pas
été possible si notre premier ministre n'était pas
retourné à la table de négociation.
Alors, M. le Président, nous avons aujourd'hui le résultat
de ces négociations et vous me permettrez, pendant ces quelques minutes
qui me sont allouées, de souligner quelques aspects précis de
l'accord, en commençant par les institutions canadiennes. Comme on le
sait, le Québec jouit d'une influence considérable au sein des
institutions canadiennes. Vous aurez compris que je veux parler des partis
politiques canadiens, de la fonction publique fédérale, de la
Cour suprême, de la Chambre des Communes, du Sénat et du cabinet
fédéral. L'entente constitutionnelle du 28 août 1992
confirme et même accentue cette influence. (19 h 50)
Concrètement, le Québec acquiert un droit de veto absolu
sur tout changement aux institutions fédérales,
c'est-à-dire la Chambre des Communes, le Sénat et la Cour
suprême. En d'autres termes, aucune des institutions canadiennes ne
pourra être modifiée sans l'accord du Québec. Puisque le
Québec est un partenaire majeur maintenant, il sera maintenant un
partenaire majeur de la Fédération. De plus, le Québec ne
pourra jamais avoir moins de 25 % des députés à la Chambre
des communes. Il s'agit là d'une garantie, même si la population
passe en dessous du seuil de 25 %. D'autre part, nous sommes assurés que
3 des 9 juges de la Cour suprême seront des juges
québécois. Aussi, nous obtenons la garantie que le nombre total
de nos députés libéraux et sénateurs
siégeant ensemble sera proportionnel à la population du
Québec au sein du Canada. Enfin, les sénateurs francophones
auront un droit de veto absolu au Sénat - égal - contre toute
mesure pouvant affecter la langue et la culture françaises.
Voilà, M. le Président, des mesures qui ne peuvent
qu'accroître l'influence déjà significative du
Québec au sein des institutions canadiennes. Par ailleurs, M. le
Président, on sait que la solidarité de tous les
Québécois est une condition nécessaire au
développement du Québec. Le Québec est une
société de langue et de culture françaises, mais c'est
aussi une société pluraliste, puisqu'on y retrouve une
communauté anglophone puis une grande diversité de
communautés culturelles, de même que la présence de peuples
autochtones. Alors, je crois que l'ensemble de la population sera heureuse
d'apprendre que l'entente constitutionnelle va contribuer à renforcer la
solidarité des Québécois, et je m'explique. Tout d'abord,
le Québec continuera d'être français, puisque les pouvoirs
linguistiques de l'Assemblée nationale seront sauvegardés.
Ça, c'est écrit dans la Constitution, M. le Président.
Ensuite, le Québec continuera de reconnaître la part unique des
Québécois anglophones et continuera également d'aider
à développer les services à cette communauté.
En ce qui a trait à l'immigration, l'entente conclue le 5
février 1991, l'accord Gagnon-Trem-blay-McDougall, sera
constitutionnalisée, M. le Président. À cet égard,
on se souvient que cette entente visait la planification des niveaux, la
sélection des immigrants et l'accueil et l'intégration de ces
derniers. Donc, M. le Président, le Québec pourra accueillir
encore des immigrants et, avec la constitutionnalisation de l'entente sur
l'immigration, le Québec pourra exercer ses nouveaux pouvoirs quant a la
sélection des immigrants et à leur intégration
économique, sociale et surtout linguistique, M. le Président. En
somme, l'entente sur l'immigration est là pour garantir au Québec
la sélection de ses immigrants, garantir le nombre d'immigrants et la
capacité d'intégrer nos immigrants à la
société québécoise. Nous avons donc une garantie
qui va être constitutionnalisée et qui ne pourra pas être
changée sans notre consentement, M. le Président. Voilà ce
que nous avons obtenu avec l'entente constitutionnelle. L'immigration sera donc
véritablement au service du développement économique et
humain du Québec.
M. le Président, en ce qui a trait aux peuples autochtones, nous
savons que nous en avons dans plusieurs régions et sur plusieurs
territoires du Québec. Par exemple, tout près de mon
comté, dans Laviolette, nous avons les Attikameks-Montagnais. J'aurai
une réunion demain matin avec l'un des représentants, Simon
Awashish, sur la table de négociation pour la rivière
Saint-Maurice. M. le Président, c'est important pour nous
d'intégrer ces gens-là. M. le Président, en ce qui a trait
aux peuples: les peuples autochtones ont des droits et doivent être
associés au progrès du Québec. Alors, ce que l'entente
constitutionnelle prévoit à cet égard, c'est que le droit
à l'autonomie gouvernementale des autochtones soit enfin et
désormais reconnu. Aussi, c'est par des ententes librement
négociées que seront définis les rapports entre les
autochtones et le gouvernement du Québec. Enfin, M. le Président,
le pouvoir judiciaire surveillera le processus de négociation, et les
lois québécoises et canadiennes servant au maintien de la paix,
de l'ordre et du bon gouvernement seront entièrement
respectées.
M. le Président, nous pouvons donc affirmer haut et fort que le
Québec est respectueux des gens qui font la diversité de notre
province. Nous pouvons dire aussi que nous sommes ouverts envers ce qui est
différent. Lorsqu'on se rend
compte de cela, je pense qu'on comprend mieux qu'une
société est plus forte lorsqu'on y retrouve un sentiment
d'appartenance. On est toujours plus forts ensemble qu'isolés, comme le
voudraient les gens d'en face, de ceux qui nous entourent. Ce concept, M. le
Président, le premier ministre du Québec l'a bien compris. Mais
je n'en suis pas aussi certain, comme je le disais, vis-à-vis de nos
adversaires. Et c'est bien dommage, M. le Président, car on peut
affirmer que le cofondateur de leur parti, l'honorable M. René
Lévesque, a certainement été l'un des chefs politiques
canadiens les plus ouverts et les plus généreux sur la question
des autochtones.
Je vois les gens d'en face qui ont l'air de trouver ça
drôle. Ça n'a pas l'air d'être sérieux pour eux
autres ce qui se passe présentement. Mon collègue, le
député de Laviolette, je l'écou-tais, ce matin, dans son
discours. Lui, au moins, il montre à la population son vrai visage dans
ce qu'il a dit ce matin. Ça a toujours été un gars qui a
voulu la séparation du Québec et c'est ce qu'il a dit dans son
allocution de ce matin, et c'est ce qu'il dira sur le terrain. Et c'est pour
ça que je dis à toute la population du Québec: Un vote
pour le non, c'est un pas vers la séparation du Québec du
Canada.
M. le Président, je suis donc très heureux de constater
que l'entente du 28 août dernier renferme des principes fondés sur
le respect, l'ouverture et la générosité. Et ce que
j'espère, c'est la prospérité pour nos enfants et nos
petits-enfants. Et ce que je souhaite à mes générations
futures, c'est ce que j'ai vécu, M. le Président, dans toute ma
vie, avec la prospérité que m'a fait connaître le Canada.
Les gens qui sont à l'origine de cette entente auront bien compris qu'on
ne peut rien bâtir si on ne fait pas preuve de solidarité.
Cela étant dit, M. le Président, vous comprendrez bien ma
décision et ma loyauté envers mes citoyens d'appuyer l'entente
constitutionnelle et de dire oui à la question qui nous sera
posée le 26 octobre. Et, là-dessus, M. le Président, je
vous remercie. (20 heures)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Saint-Maurice. Sur cette même question, je
reconnais maintenant Mme la députée... Oui? Le quorum est
demandé par M. le député de Salaberry-Soulanges. Alors,
qu'on appelle les députés!
L'Assemblée poursuit ses travaux. Nous en sommes sur le
débat de la question référendaire proposée par M.
le premier ministre, et je reconnais Mme la députée... M. le
sergent d'armes, si vous voulez fermer la cloche, s'il vous plaît. Je
reconnais maintenant Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette Mme Vermette: Alors, merci, M. le
Prési- dent. Effectivement, nous devons ici nous entretenir sur la
question qui sera posée aux citoyens et aux citoyennes du Québec
en ce qui concerne les propositions du gouvernement fédéral au
reste du Canada, et plus particulièrement en ce qui concerne les
Québécois et les Québécoises, M. le
Président. Bien sûr, c'est un contrat sur lequel il est difficile
d'aller en profondeur et d'en analyser toutes les teneurs puisque,
effectivement, l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec
n'auront pas la possibilité de tenir entre leurs mains ce texte, et
d'autant plus, M. le Président, que ce contrat, en fait, n'est pas
signé. Je fais confiance à la population, à nos
contribuables; je fais confiance à cette population qui, depuis
longtemps, a suivi tous ces pourparlers constitutionnels. Parce qu'ils ne sont
pas d'aujourd'hui, ils durent et perdurent depuis longtemps.
Enfin, on s'attendait à ce qu'on puisse avoir un document de
réflexion, un document de base, mais on s'est aperçu, M. le
Président, qu'il n'en était pas, en fait. En ce qui concerne le
document pour lequel, peut-être, il aurait été souhaitable
que le gouvernement libéral en fasse réellement des copies de
distribution, c'est probablement le document d'analyse qui a été
présenté par le Parti libéral du Québec, par les
jeunes libéraux, M. le Président. Je pense que ça vaut la
peine que ce document puisse circuler dans la population parce que ça
fait partie d'une réflexion profonde, je crois, soutenue, d'un groupe de
jeunes qui ont présenté au congrès libéral de
1992... 91...
Ils se sont exprimés et ils ont manifesté
réellement. Ils ont aussi exercé ce qu'on appelle les principes
démocratiques reconnus à l'intérieur des partis
politiques. Et ces principes démocratiques qu'on reconnaît
à l'intérieur des partis politiques, c'est cette capacité
de s'exprimer et cette possibilité, aussi, M. le Président,
d'exprimer des revendications et de les actualiser. Et c'est ce dont il est
question, en fait, en mars 1991, au niveau du congrès du Parti
libéral, et c'est ce que les jeunes se sont attardés à
faire, et aussi à prendre position pour que leur gouvernement
reflète cette démocratie et que leur gouvernement, qui les
représente dans ce débat constitutionnel, puisse avoir un
document sur lequel il irait faire ses représentations à
Ottawa.
Mais vous savez... On sait très bien, au cours des derniers mois,
cette saga qui est arrivée à Ottawa. C'est-à-dire qu'on a
décidé, parce qu'on n'avait pas de texte à
présenter, de demander à l'ensemble des congressistes du Parti
libéral, au mois de juillet 1992, de signer un chèque en blanc
sur la bonne foi de leur premier ministre, M. Robert Bourassa. Et vous savez la
suite, il y en a plusieurs qui se sont dit insatisfaits parce que vous savez
fort bien que la majorité de la grande population du Québec,
lorsqu'elle signe un contrat, lorsqu'elle signe... Finalement, ils vont
même louer un logement, M.
le Président, ils signent un contrat. Ils regardent les
différentes clauses sur lesquelles ils devront assumer certaines
responsabilités et ils prennent le temps de lire, d'examiner, et
même quelques-uns font des consultations auprès de certaines
personnes plus expérimentées pour réellement savoir:
Est-ce que ça vaut la peine que je signe ce contrat-là?
Mais cette fois-ci, non, il ne sera pas possible de prendre connaissance
de ce contrat puisqu'il en a été décidé ainsi et
que, de toute façon, le brouillon que nous avons sur le «Rapport
du consensus sur la Constitution» du 28 août, M. le
Président, n'est même pas signé. C'est assez particulier et
singulier lorsqu'on est actuellement à discuter, ici, à
Québec, d'un symposium sur la démocratie. Ça m'attriste un
peu de voir à quel point il y a un manque de congruence entre certaines
façons de dire les choses et de les faire, M. le Président. Et
comme il y avait ce symposium et que nous sommes tous invités, en tant
que parlementaires, à participer à ce Symposium sur la
démocratie, je me suis posé la question et je suis allée
regarder, en fait, dans mon dictionnaire, ce que ça voulait dire, la
définition du mot «démocratie». Et voilà ce
que j'en ai retenu: la définition du mot
«démocratie», c'est: exprimer des revendications et les
actualiser. Et voilà! En fait, cette doctrine politique reconnaît
à l'ensemble d'une population la souveraineté de l'ensemble des
citoyens et des citoyennes ou d'un organisme politique. On ne peut pas en dire
autant du gouvernement libéral lorsqu'il a eu son congrès, qu'il
a pu exercer ses règles démocratiques, cette doctrine politique
qui reconnaît la souveraineté de l'ensemble des citoyens ou d'un
organisme politique. En tout cas, M. Allaire ne pourrait pas en dire autant, et
je suis convaincue que les jeunes libéraux ne pourraient pas en dire
autant, M. le Président.
Une voix:...
Mme Vermette: Me dire que je suis... M. le Président, je
comprends que certains, pour eux, laisser parler, c'est comme des
bénis-oui-oui, mais je pense que les jeunes ne voulaient pas être
que des bénis-oui-oui - ni M. Jean Allaire; ils ne voulaient pas parler
pour parler, causer pour causer, M. le Président. C'étaient des
revendications qu'ils exprimaient et, ces revendications, ils voulaient qu'on
les actualise, M. le Président, par le gouvernement qui est là,
présent pour aller discuter avec les gens mandatés d'Ottawa et
défendre les intérêts de l'ensemble, de la majorité
des Québécois et des Québécoises, pour nous, M. le
Président. C'était réellement ça, le sens de la
démocratie. Ce n'est sûrement pas un exercice de
«parlotage», M. le Président, en tout cas, du moins, je
l'espère.
Peut-être que d'autres parlementaires, et peut-être que le
député de Verdun, c'est la conception qu'il a de la
démocratie; je la lui laisse. Et, M. le Président, quand
j'entends un bon nombre de députés du côté
ministériel nous dire, nous accuser, nous, du côté de cette
Chambre, les péquistes, comme ils nous appellent, nous dire que je suis
souverainiste, M. le Président, j'en suis tout à fait fort aise
et très heureuse. En fait, c'est reconnaître en moi la
considération que je porte à la démocratie,
c'est-à-dire le respect, pour chaque citoyen, de sa liberté, M.
le Président. D'ailleurs, comme je vous l'ai dit tantôt, nous
sommes à célébrer la reconnaissance de la
démocratie. Nous fêtons le 200e anniversaire de nos institutions
démocratiques et, bien sûr, M. le Président, si,
actuellement, le débat prend la tournure des oui et des non et que nous
devons nous positionner quelque part, c'est notre système parlementaire
qui polarise ce débat puisque, dans notre système parlementaire
britannique, bien sûr, il y a un gouvernement et une Opposition.
En fait, je vous dirais, M. le Président, en somme, qu'on ne peut
pas être à moitié une chose. On ne peut pas être
à moitié un Québécois et à moitié un
Canadien, pas plus qu'une femme, pour une femme, ne peut être à 80
% enceinte, M. le Président. Tu es enceinte ou tu ne l'es pas, tu es
Québécois ou tu ne l'es pas, et tu es Canadien ou tu ne l'es pas.
Mais on ne peut pas être un et un autre, M. le Président, on est
un tout. Et c'est dans cette intégrité, en fait, que nous devons
prendre ce débat et regarder ce débat. Qu'est-ce que, pour nous,
ça représente en tant que Québécois, cette
définition qui nous représente et qui nous caractérise, M.
le Président? Ça ne veut pas dire pour autant que nous
n'apprécions pas du tout le reste du Canada, mais chacun a sa
définition et chacun a son intégrité, et c'est cette
intégrité que nous voulons faire valoir et que nous voulons
faire, en fait, reconnaître dans des textes juridiques, M. le
Président, qui formeraient l'acte de naissance du Québec et qui
lui donneraient sa souveraineté politique, effectivement.
Mais là n'est pas le débat à l'heure actuelle, M.
le Président, parce que le gouvernement n'a pas eu le courage d'aller
aussi loin, parce que le gouvernement a prétendu que maintenir la
société québécoise dans une situation de
dépendance est beaucoup plus important pour lui que les favoriser vers
des possibilités, vers un futur prometteur ou même inventer
l'avenir. Bien sûr, on fait des débats sur le Sénat. C'est
beaucoup plus important maintenant de maintenir ce Sénat, qui est un
instrument archaïque dans notre système, il faut le dire, et que la
majorité des Québécois aussi reconnaît comme
étant un élément archaïque du système de nos
institutions, M. le Président. (20 h 10)
Quel est donc, M. le Président, cette réalité, pour
nous, citoyens, Québécois et Québécoises? En fait,
dans cette réalité, dans cette dualité canadienne, quelle
est notre réalité à
nous, Québécois, au moment où on se parie,
là où nous sommes à l'heure actuelle? En fait, il faut
dire les choses telles qu'elles sont. Un Québec cassé en deux:
pauvres et riches. Un Québec surtaxé, un Québec
endetté, un Québec démotivé, un Québec aussi
avec des valeurs positives, un Québec assoiffé de justice et de
changement. Et la question qu'un bon nombre de gens se posent encore, c'est:
Sommes-nous un peuple fier et capable de maintenir notre survie? Sommes-nous
capables de rester maîtres chez nous? Avons-nous cette
possibilité? Par ces ententes, M. le Président, sommes-nous
capables de nous donner cette possibilité de sortir du giron de la peur,
de la dépendance face à ces ententes?
Certains discours, que j'ai entendus, nous disaient: Vous savez, le
Canada, c'est là qu'est la meilleure qualité de vie. Donc, quand
on me dit qu'au Canada on a la meilleure qualité de vie, il faut
regarder les standards par rapport à d'autres pays
industrialisés, et on en prend pour son rhume. Quand on regarde,
à l'heure actuelle, le taux d'endettement, près de 500 000 000
000 $ pour le Canada, lorsqu'on regarde le chômage, il y a plus de 1 000
000 de chômeurs au Canada, et que, finalement, au Québec,
ça se compose d'assistés sociaux, 50 000 de plus qui s'ajoutaient
dernièrement, quand on regarde aussi les différentes
possibilités pour nos jeunes quand on leur offre tout simplement de la
part du fédéral dans ces partages de pouvoirs au niveau de la
main-d'oeuvre... ce sont des articles 25, des PDE, je n'ai rien contre, mais
quand on ne donne que ça comme possibilité, comme futur pour des
jeunes pour se maintenir, pour mettre à profit les études qu'ils
ont faites, eh bien! M. le Président, je ne pense pas que c'est un
avenir des plus prometteurs et, quoiqu'on en dise, ces ententes n'apportent pas
nécessairement le bonheur, n'apportent pas nécessairement la
stabilité économique, la prospérité
économique, cette qualité de vie qu'on souhaite à tous et
à toutes. Non, M. le Président. Je ne pense pas que ces ententes
puissent apporter à la majorité des Québécois et
des Québécoises tout ce qu'on essaie de faire miroiter, de
l'autre côté.
Peut-on se permettre un autre avenir qu'en dehors des aspects
négatifs d'un système fédéral corrompu,
sclérosé et égoïste? Ce sont des questions qu'il faut
se poser et auxquelles l'ensemble de la population du Québec, par le
référendum qui lui sera tenu dans les prochaines semaines, aura
à se questionner et à se donner les réponses. Peut-on se
permettre un autre avenir qu'en dehors des aspects négatifs d'un
système corrompu, d'un système sclérosé et
égoïste, tel que le gouvernement central du fédéral,
un gouvernement centralisateur, plus fort que jamais? La vision du Canada
anglais et, on le sait fort bien, parce que le 7 juillet... la base de cette
question qui sera posée à l'ensemble des citoyens et des
citoyennes du Québec et à l'ensemble du reste du Canada, en fait,
cette entente du 28 août ou ces propositions, parce que c'est beaucoup
trop de dire une entente... Il n'y en a pas d'entente, ce n'est pas
signé. Ce sont des propositions et ces propositions qui ne font que
perdurer, en fait, les négociations.
On l'a vu aujourd'hui, à la période de questions, il n'y a
pas un ministre qui ne nous a pas répondu aujourd'hui par l'affirmative
qu'ils devront retourner négocier, que rien n'est arrêté,
mais, au contraire, que ce n'est que le recommencement perpétuel. C'est
tout simplement reconnaître des négociations à
perpétuité. C'est ce que nous a dit l'ensemble des ministres qui
ont été questionnés aujourd'hui face à cette
entente. Donc, il n'y a rien de conclu.
Et même, j'écoutais tantôt la députée
de Châteauguay qui a répété à plusieurs
reprises, peut-être à 11 reprises dans son discours, que tout
ça, cette entente, c'était pour maintenir les acquis. Donc, quand
on nous dit que les ententes... qu'ils sont allés chercher quelque chose
de nouveau, de nouveaux pouvoirs pour le Québec, eh bien! en quelque
part, je ne le sais pas, mais quand quelqu'un du gouvernement et du
côté ministériel répète à 11 reprises
que c'est pour conserver les acquis, bien, je considère que quelque
part, effectivement, il y en a qui ont l'honnêteté de dire
exactement les choses telles qu'elles sont. Ça, on peut
l'apprécier pour ça, M. le Président. Mais il faut
vraiment regarder les choses telles qu'elles sont: C'est préserver des
acquis, ce ne sont pas de nouveaux pouvoirs pour les Québécois et
les Québécoises.
Alors, quels sont les avantages du système fédéral
et de ces ententes fédérales? Quels sont les avantages de ce
système? Des disparités entre les riches et les pauvres? Des
disparités entre ceux qui ont accès à l'instruction et au
savoir? Et les autres? Il faut en parier, M. le Président. Les
programmes; en fait, les programmes de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Un fossé de plus en plus large entre
les droits et les devoirs, les privilèges et les responsabilités,
la contradiction entre la croissance économique et la qualité de
vie, c'est ça les ententes qui nous sont proposées actuellement.
Il faudra, en tant que peuple, se positionner là-dessus.
Face à ces menaces, nous devons, et je le dis, ensemble trouver
des solutions à nos problèmes de développement.
C'est-à-dire que, en tant que Québécois et
Québécoises, nous devons trouver ces solutions à nos
problèmes de pauvreté et d'inégalité par le plein
emploi, l'accessibilité au savoir, par des programmes de formation
professionnelle et de main-d'oeuvre, par la possibilité de devenir des
entrepreneurs de PME.
À ce moment-ci, je m'adresse plus particulièrement aux
femmes parce qu'on sait très bien, M. le Président, que la
majorité des petites PME, ce sont des femmes qui sont à la
tête de ces entreprises. Est-ce que, oui, nous trouvons
dans ces ententes tous les éléments, tout le coffre
à outils, comme on se plaît à le dire, pour permettre cette
réalisation-là? Il y a des pistes qui sont à suivre.
Est-ce que nous pourrons, finalement, nous donner le goût de passer
à l'action? Ces solutions ne pourront venir que sur des structures
gouvernementales, mais elles ne naîtront que de nos décisions que
nous pourrons prendre quotidiennement par les citoyens et citoyennes du
Québec, par notre engagement à vouloir bâtir un avenir qui
accepte que les motivations du comportement humain peuvent changer en quelque
chose de positif.
Dans cette démarche de la liberté, de la démocratie
et de la souveraineté, il faut avoir l'honnêteté d'accepter
pour chacun de nous qu'il n'y a pas de privilège sans
responsabilité, que la solidarité représente notre survie.
Il faut qu'on prenne en main notre potentiel créatif et notre
capacité d'adaptabilité pour affronter nos problèmes
collectifs. Non, il n'y a pas eu d'effusion de sang quand le mur de Berlin est
tombé. La démocratie a toujours été
préférée par les peuples du monde entier. C'est à
notre tour, hommes et femmes, citoyens et citoyennes du Québec de dire
non à la médiocrité et de reconnaître le respect de
notre liberté, M. le Président.
Avant de terminer, j'aimerais souligner un passage qui m'est très
à coeur, celui de la toxicomanie. Est-ce que par ces ententes du
fédéral, où nous sommes toujours dans les programmes
conjoints... Nous sommes toujours les perdants de ces échanges.
Notamment, je lisais un passage... Parce que nous n'avions pas, en fait, les
sommes d'argent pour mettre en pratique des programmes de prévention,
parce que ce sont maintenant des grands programmes nationaux, nous n'avons plus
droit à nos programmes à nous. Nous sommes, en fait,
submergés par ces programmes nationaux. Et le ministre de la
Santé et des Services sociaux de dire: II est clair qu'en renouvelant
l'entente, le fédéral n'a pas entendu nos propositions. Une des
difficultés que nous avons, c'est que le Québec est toujours en
avance, dans ce cas-là comme dans d'autres, et qu'on développe
des choses assez extraordinaires qui, par la suite, sont
récupérées en bonne partie par le gouvernement
fédéral pour l'étendre à l'ensemble du Canada. Dans
ce cas-là, on est un peu - disons-le, encore une fois, pour un
fédéraliste ébranlé - victime de ce
système-là. Ce n'est pas moi, mais c'est bien les propos du
ministre Marc-Yvan Côté, ministre de la Santé et des
Services sociaux. Quant à nous, nos revendications vont dans le sens que
nous devrions réussir à nous entendre avec le
fédéral pour inclure la prévention et nous permettre, avec
ces sommes, de toujours être en avant, en respectant ce qu'on a fait dans
le passé avec nos propres deniers. (20 h 20)
M. le Président, on s'aperçoit que ça n'est pas
toujours le cas et que c'est très difficile, quant à nous, pour
mettre de l'avant nos propres programmes du Québec, parce que, en fait,
dans ces ententes fédérales-provinciales, M. le Président,
nous sommes les grands perdants et nous devons nous soumettre à la
volonté de l'ensemble canadien. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Nous poursuivons le débat sur
la question référendaire. Je reconnais et cède la parole
à M. l'adjoint parlementaire de M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de
la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et
député de Salaber-ry-Soulanges. M. le député, la
parole est à vous.
M. Serge Marcil
M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense que,
si on analyse froidement ce qui se passe présentement au Québec
et au Canada, tout le monde est d'accord pour dire que nous avons une entente
qui est supérieure à ce que le Québec avait obtenu par le
lac Meech. Tellement, M. le Président, ces gains importants, qui avaient
été acquis par les négociations du lac Meech, ont fait
presque l'unanimité des Québécois et des
Québécoises. On sait que plus de 70 % des Québécois
auraient voté en faveur de l'accord du lac Meech, sauf que,
malheureusement, comme toute négociation, il y a eu un bris dans la
négociation. Certaines provinces n'ont pas su mener à bien le
dossier. À ce moment-là, au-delà de 98 % des
Québécois et des Québécoises étaient
déçus de cet échec.
Aujourd'hui, nous avons enfin une entente, une entente qui
dépasse toutes les aspirations et tous les gains que nous avions obtenus
par le lac Meech, et cela, à tous les niveaux, que ce soit au niveau de
la reconnaissance du Québec en termes de société
distincte, au niveau également de la nomination des juges à la
Cour suprême, également au niveau aussi des droits de veto que le
Québec est allé récupérer - droits de veto qui
avaient été laissés sur la table par l'ancien gouvernement
péquiste - la garantie de 25 % des députés à la
Chambre des communes, et j'en passe, parce que je n'ai pas l'intention de faire
la liste de tous les gains que le Québec a réussi à
obtenir par le biais de cette négociation.
Donc, si la majorité de la population du Québec
était en faveur de Meech, la logique veut aujourd'hui que la
majorité de la population des Québécois devrait être
en faveur de l'entente qu'on a sur la table présentement, parce que
c'est plus que Meech. J'ai participé à la commission
parlementaire sur les offres et j'en sors présentement, et tous les
spécialistes qui sont venus en commission parlementaire, tous, autant
ceux qui s'affirmaient même... Parce qu'on en a eu une cet
après-midi, qui a dit au départ - un professeur en droit
constitutionnel: Moi, je suis
une indépendantiste. Donc, quelle objectivité pour
analyser l'entente! Elle est arrivée comme ça, droit comme
ça.
Même elle, tous ceux et celles qui sont venus en commission
parlementaire, aucun des spécialistes n'a nié que l'entente
actuelle était moins que Meech. Tout le monde a dit: Bien, c'est Meech
plus. Ils peuvent être d'accord avec ou ne pas être d'accord avec.
Donc, dans le fond, la majorité de la population, comme ils
étaient en faveur de Meech, doit être normalement en faveur de
cette nouvelle entente qui fait en sorte que le Québec obtient des gains
substantiels par rapport à Meech. Sauf que, comment l'expliquer à
la population? Les textes de l'entente sont très précis, parce
qu'on en a des textes. Ils sont assez suffisamment détaillés pour
expliquer clairement à la population les enjeux de cette entente.
On voudrait que la population donne son accord de principe à
cette entente. Comme disait mon collègue de Louis-Hébert, cet
après-midi, il est certain que par le référendum, qui est
une consultation populaire, on va chercher l'opinion de la population sur un
sujet donné. Il est certain qu'au bout de la ligne l'Assemblée
nationale aura son mot à dire quant à la ratification finale de
cette entente. Mais comment l'Opposition, elle, va-t-elle intervenir dans le
débat, sachant que cette entente est supérieure à Meech,
donc, que la majorité de la population devrait normalement l'endosser?
Pour eux autres, c'est tout un problème, parce que discuter de
l'entente, ça leur fait mal parce qu'ils savent que Meech a
été dépassé par cette nouvelle entente. Donc,
comment pensez-vous que l'Opposition va s'y prendre? C'est simple, on les a
entendus depuis quelques jours, ils vont vouloir amener le débat sur les
textes juridiques. Là, ils vont dire, ils vont faire accroire au monde:
On n'a pas de textes juridiques, donc, vous ne pouvez pas vous prononcer sur
l'entente. Ça va n'être que cela, leur débat, sachant qu'il
ne faut pas que l'entente passe, parce que c'est quasiment la fin de cette
formation politique, sachant que leur objectif majeur est l'indépendance
du Québec. Donc, pendant cette campagne référendaire, on
va entendre ces indépendantistes cagoules, parce qu'ils n'oseront jamais
dire qu'ils sont indépendantistes pendant le débat
référendaire. Il ne faut pas en parler, ce n'est pas le temps
parce que le monde n'aime pas ça, et je vais le démontrer
tantôt, je vais démontrer quelle a été
l'évolution des Québécois et des Québécoises
versus leur option. Donc, avec leurs cagoules, ils vont se promener sur la
place publique pour dire aux gens: II n'y a pas de textes juridiques, donc,
vous allez vous faire fourvoyer par cette entente. On va entendre des discours
à droite et à gauche, des mensonges, toutes sortes de bobards,
c'est ça qu'on va entendre de la part de ces gens-là, parce
qu'ils ne peuvent absolument pas s'accrocher à autre chose que des
paroles en l'air.
Une voix:...
M. Marcil: Oui, on va vous parler de votre lâcheté,
vous, tantôt... Dans le fond, la population va avoir à se
prononcer sur deux choses... Dans le fond, sur une chose. L'entente, pour elle,
c'est fait. Ils ont compris Meech, ils comprennent aujourd'hui l'entente et on
va faire en sorte de bien leur expliquer et on ne rentrera pas dans les
détails, dans les virgules, on va laisser ça aux avocats. Ce
qu'il va falloir savoir, pour la population, c'est: Est-ce au Parti
québécois de Jacques Parizeau, dont la position constitutionnelle
a toujours été nébuleuse, qu'il faut confier la
responsabilité de négocier des ententes comme ça ou bien
est-ce au Parti libéral de Robert Bourassa de mener à bien ce
dossier? Ça va être sûrement la crédibilité de
Jacques Parizeau, chef de l'Opposition, député de L'Assomption,
versus la crédibilité de Robert Bourassa, premier ministre du
Québec de 1970 à 1976 et de 1985 à aujourd'hui. Et,
lorsqu'on analyse les sondages sur la crédibilité des chefs, on
sait qu'au Québec c'est toujours le même qui l'emporte, c'est
Robert Bourassa. Et le chef de l'Opposition n'est même pas
deuxième. Aujourd'hui, je pense que Mario Dumont ou Jean Allaire sont
plus populaires, ont plus de crédibilité que le chef de
l'Opposition.
Le Parti libéral du Québec, on sait que c'est une
formation qui existe depuis le début de la Constitution canadienne. Ce
n'est pas un nouveau parti, c'est un parti qui existe depuis le début de
la Fédération canadienne. C'est un parti qui a toujours
été capable de suivre l'évolution du monde contemporain.
C'est un parti qui a toujours su s'adapter aux besoins du moment, c'est un
parti qui a toujours vu, dans l'avenir, des choses intéressantes pour le
peuple québécois. Et on a seulement à penser à
toute cette révolution qui s'est passée au Québec, dans
les années soixante, de 1960 à 1976. On a eu un petit moment, un
petit «black-out», comme on dit, mais aujourd'hui on continue.
Sachant aussi que l'autre formation a été fondée
par René Lévesque, ex-député libéral - c'est
lui qui a formé le Parti québécois, c'est lui, dans le
fond, qui les a mis au monde; c'est exactement ça - et que l'objectif
était la souveraineté-association, maintenant, on va voir quelle
a été l'évolution de ce parti depuis sa création.
On s'est toujours dit, pour le monde, le Parti québécois, c'est
un parti souverainiste. Mais est-ce que c'a toujours été un parti
souverainiste ou bien si ça a été un parti opportuniste?
C'est un petit peu ça. Dans l'Opposition, on est des
séparatistes; quand on prend le pouvoir, on ne parle plus de
séparation, on parle de négociations constitutionnelles, parce
que, dans les faits, c'est exactement ça qui s'est produit. (20 h
30)
Vous savez qu'en 1980 ce parti politique a décidé d'aller
consulter - imaginez-vous, il faut le faire - la population du Québec
pour lui demander l'autorisation de négocier avec le gouvernement
fédéral, même pas un État souverain - on ne voyait
même pas ça dans la question, qui avait au-delà de 120 mots
- mais pour demander l'autorisation d'aller négocier. Nous donnez-vous
la permission d'aller négocier quelque chose avec le
fédéral? C'est un petit peu ça.
Moi, j'ai toujours pensé qu'un gouvernement avait la
légitimité, étant élu démocratiquement par
la population, de poser des gestes concrets, d'aller négocier avec ses
vis-à-vis. Moi, je pense que c'est le rôle d'un gouvernement
également. Donc, eux, ils ont, imaginez-vous, reviré le
Québec à l'envers pour demander l'autorisation d'aller
négocier. C'est comme moi, lorsque j'étais directeur
d'école, s'il avait fallu que je téléphone aux
commissaires pour leur demander: Je «peux-tu» avoir l'autorisation
pour faire rentrer les élèves le 7 septembre? Moi, j'ai toujours
pensé que le calendrier scolaire était connu. Donc, je le savais
que, le 7 septembre, la décision était prise et qu'il fallait que
les gens rentrent. Donc, il fallait qu'ils soient organisés. C'est aussi
simple que ça. C'est une question de rôle et de
responsabilité. Donc, on a connu les résultats: 60 % des gens ont
dit non, on ne vous donne pas l'autorisation; 60 % des gens ont dit non; 40 %
ont dit oui.
Ça a été aussi les négociations de 1982. Les
gens sont revenus encore les poches vides. Et là il y a eu un miracle
qui s'est produit au Québec, au Canada: le Parti conservateur a pris le
pouvoir. Et là on revoit, à un moment donné, un changement
d'orientation à l'intérieur de la formation du Parti
québécois. On décide de jouer le beau risque et on
dépose un document; c'est un document gouvernemental, le livre bleu du
gouvernement péquiste, à l'époque, et on a dit: Nous
autres, on va s'asseoir avec le gouvernement fédéral et les
autres et on va étudier des propositions d'amendements à la
Constitution. Des choses comme: «Que la Constitution reconnaisse au
Québec le droit exclusif de déterminer sa langue officielle et de
légiférer sur toute matière linguistique.» C'est ce
qu'on fait présentement. On a ce pouvoir-là. «Que le
Québec garantisse le droit de la minorité anglophone à ses
institutions culturelles et éducatives ainsi qu'à la
réception dans sa langue des soins de santé et des services
sociaux.» On l'a réalisé par la Loi 142. «Que la
Charte de la langue française soit modifiée pour garantir
l'accès à l'école anglaise aux enfants de ceux qui ont
reçu leur instruction primaire en anglais au Canada, peu importe leur
nombre.» C'est le gouvernement péquiste, ça, qui a fait
ça. Là, je pourrais vous en énumérer: les juges de
la Cour suprême, qu'il y en ait trois qui viennent du Québec et
nommés à partir des suggestions du gouvernement du
Québec. Mais c'est tout ça qu'on retrouve dans l'entente
qu'on a présentement. C'est exactement tout ça.
Mais qu'est-il arrivé? Ah! Là, il y a eu des purs dans ce
parti-là qui ont dit: Nous autres, on démissionne parce que ce
n'est pas ça. Les Lazure, les Léonard, les Parizeau ont tous
sacré le camp. Ils ont laissé leur chef, qui les avait mis au
monde, se débrouiller avec tout ça. Mais il y a d'autres
députés qui sont là présentement, qui
étaient là à l'époque de M. Lévesque. Les
députés d'Abitibi, de Lac-Saint-Jean, le député de
Joliette également. Est-ce que ces gens-là étaient
là par solidarité pour leur chef, ou bien s'ils voyaient que des
postes de ministre s'ouvraient et qu'à un moment donné ils ont
dit: On va rester là, c'est nous autres qui allons les prendre?
Étaient-ils là réellement par loyauté ou par
intérêt? C'est ça qu'on appelle un parti opportuniste.
Mais, là, M. Lévesque est parti. Et M. Lévesque, il faut
le dire, il faut lui rendre hommage, parce qu'il y a deux premiers ministres
que j'ai connus au Québec, deux grands démocrates que j'ai connus
au Québec, des gens qui ont toujours pensé aux
intérêts supérieurs de la nation avant de penser à
leurs intérêts personnels, c'est René Lévesque et
Robert Bourassa. C'est les deux que j'ai connus dans ce sens-là. Ils ont
toujours mis de côté leurs intérêts personnels pour
le bien de la population. Donc, il a compris, à l'époque, M.
Lévesque, qu'il fallait négocier avec le fédéral
parce qu'il savait que le Québec ne voulait pas une rupture avec le
gouvernement fédéral, avec le reste du Canada. Mais là on
a mis tellement de pression sur lui qu'il a été obligé de
quitter. On l'a remplacé par un autre, un autre du groupe. Pierre Marc
Johnson, député d'Anjou à l'époque, est
arrivé comme chef du gouvernement. Mais les purs et durs, eux autres,
étaient bien contents, parce que l'autre chef était parti. Mais
quel fut le malheur d'entendre l'affirmation nationale de Pierre Marc Johnson?
Mais, là, ça n'a plus marché dans la shop. Ça n'a
plus marché dans la shop. Et ceux qui étaient là à
l'époque de Pierre Marc Johnson, qui sont encore là aujourd'hui,
l'applaudissaient. Ils se sont arrangés pour que lui aussi s'en aille.
Là ils sont revenus, puis ils ont dit: Pour nous autres, le Parti
québécois, son objectif premier, c'est l'indépendance du
Québec. Donc, on va faire un congrès à la chefferie, puis
on va élire un vrai, un vrai indépendantiste. C'est ce qui est
arrivé.
Pendant tout ce temps-là...
Une voix: Jack est prêt, lui.
M. Marcil: ...on a pris le pouvoir, en 1985, on s'est mis à
la table pour négocier, parce qu'il fallait négocier. On avait
des erreurs à corriger, des erreurs de 1980, de 1982. On est
arrivés avec une entente qui a été crucifiée sur la
place publique par l'Opposition péquiste, puis, lorsque
ça a foiré, tout le monde était triste, même
l'Opposition. Elle a dit: «C'est-u» de valeur, les Anglais ne
veulent même pas nous donner Meech! Puis ils ont combattu Meech. Vous
allez voir la cohérence.
On a continué à négocier. On a fait la commission
Bélanger-Campeau, on est arrivés à la conclusion qu'il
fallait attendre des offres du gouvernement fédéral. C'est
ça, la conclusion de Bélanger-Campeau. En attendant, on a mis
deux commissions sur pied. On a créé la loi 150, puis on a
donné une date précise, le 26 octobre 1992, pour aller consulter
la population sur la souveraineté du Québec, n'ayant pas
d'offres. C'était ça, l'esprit de la loi. Mais là
ça a été le débat en Chambre, par l'Opposition,
contre la loi 150. Ça a été ça. Ils ont même
enclenché le processus de signatures de pétitions pour exiger que
le gouvernement du Québec fasse le référendum sur la
souveraineté.
Malheureusement, on va faire le référendum le 26 octobre,
tel que prévu dans la loi, et on va le faire sur une entente qui a
été conclue entre les premiers ministres. Mais là ces gens
d'en face se disent: Aïe! Si on s'en va sur la place publique... Parce
qu'ils réclamaient un référendum sur la
souveraineté. Mais vous l'avez, dans le fond, le
référendum sur la souveraineté. Si vous voulez la jouer,
votre bataille sur la souveraineté du Québec, venez dans la rue,
venez dans la rue, puis venez faire votre campagne référendaire
sur la souveraineté. Allez dire à la population: Votez non
à l'entente, et puis nous allons faire la souveraineté avec
vous.
C'est ça, le discours que vous devriez tenir! Aïe! Bien non,
aïe! Ils ont trop peur, parce que vous savez que, en tenant ce
discours-là, vous le savez, que la population va voter encore contre
vous autres. Imaginez-vous, ils ne vous ont même pas donné la
permission de négocier quoi que ce soit. Pensez-vous qu'ils vont aller
voter pour le Parti québécois pour faire la
souveraineté?
Une voix: L'indépendance.
M. Marcil: Voyons donc! Vous allez vous promener avec vos
cagoules, encore, vous ne parlerez jamais de séparation. C'est ce qu'on
appelle, dans notre langage, chez nous, des lâches, des gens qui ont un
objectif mais qui n'osent pas le mettre sur la place publique puis le
défendre. C'est exactement ça.
Donc, M. le Président, c'est malheureux parce que ces
gens-là ont fait croire des choses, ont fait rêver des
Québécois et des Québécoises. Ils ont amené
des gens dans une situation des jeunes, au Québec, des jeunes filles,
des jeunes garçons, des adultes - où on leur a fait accroire que
le Québec pouvait être souverain, être séparé
du reste du Canada. On leur a fait accroire que, en étant
séparé du reste du Canada, on n'aura plus de chômage au
Québec, on n'aura plus d'assistés sociaux au Québec, il va
y avoir beaucoup plus de jobs. On va avoir un système d'éducation
«A one». C'est ça qu'on a fait accroire. On s'est dit qu'on
va être capables de vivre ensemble. Mais ils n'ont jamais expliqué
comment ils la feraient, l'indépendance. Si demain matin vous aviez le
mandat de faire l'indépendance... Parce qu'il faut dire que
l'Assemblée nationale est souveraine. Elle pourrait déposer une
motion puis dire: Dans deux mois, à telle heure, le Québec est
souverain, puis on va aller en consultation publique sur ça. On aurait
pu le faire, l'Assemblée peut le faire. On n'est pas obligés de
le négocier dans une entente. La preuve, on l'a fait avec le
référendum de 1980, puis on prend encore la décision avec
le référendum du 26 octobre. On pourrait prendre cette
décision-là.
Bien non. Ce n'est pas ça qu'on va faire, encore. On va se
cacher. Le problème, c'est que vous allez avoir à faire face
à des gens qui ne sont pas dupes. Il ne faut pas prendre la population
du Québec pour des gens qui sont ignorants. C'est ça que vous
pensez. C'est ça que vous pensez qu'ils sont, sauf que vous allez avoir
du monde devant vous qui va expliquer, qui va donner la vérité
à la population, qui va être capable d'expliquer à la
population du Québec que le Québec, présentement, a sa
souveraineté, a son autonomie, qu'il a décidé de partager
avec des partenaires canadiens parce qu'on a décidé de vivre dans
un marché commun canadien. C'est ça, notre position, puis elle a
toujours été la même. Ce n'est pas ce qu'on peut dire de
vous autres, par exemple. (20 h 40)
C'est malheureux, M. le Président, dans un débat aussi
sérieux pour l'avenir des Québécois et des
Québécoises, de voir des gens qui n'osent pas faire l'analyse
objective de la situation, qui n'osent pas faire l'analyse objective, non plus,
de l'entente qui a été conclue entre le premier ministre du
Canada et les premiers ministres des provinces. Ça pourrait être
un beau débat si on pouvait permettre, au moins à la population,
de façon objective, de faire un choix qui assurerait son avenir, puis
ça pourrait régler un problème de crise constitutionnelle
qui existe déjà depuis 25 ans, 30 ans au Québec et au
Canada. En 1992, avec tous les défis qu'on a à relever, avec tous
les défis que le Canada, que le Québec a à relever, que la
planète même a à relever, je pense qu'on n'a plus de temps
à gaspiller et à perdre dans des débats futiles, des
débats constitutionnels. Donc, mon message à la population: Je
vous invite à bien écouter les gens. N'entrez pas dans les
détails, allez uniquement au niveau de l'accord de principe, et je peux
vous garantir que, pour les Québécois et les
Québécoises, c'est un avenir prospère qu'on vous annonce.
Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Salaberry-Soulanges. Alors, nous
poursuivons le débat sur la question référendaire,
et je reconnais M. le président du caucus du parti du gouvernement et
député de Sauvé. M. le député, la parole est
à vous.
M. Marcel Parent
M. Parent: Alors, M. le Président, j'apprécie
grandement la possibilité qui m'est donnée de m'adresser à
mes collègues de l'Assemblée nationale dans le cadre de ce
débat sur la question référendaire. Il s'agit d'une
occasion historique d'exprimer mes vues sur les propositions intervenues entre
les premiers ministres, le 28 août dernier, et ce, ainsi qu'il
apparaît à la question que nous avons devant nous.
Lorsque j'ai été élu député, M. le
Président, j'avais la conviction - et je l'ai encore - que mon devoir
était de défendre les idées des gens qui m'avaient
élu, de tâcher de les représenter de la façon la
plus honnête possible à l'Assemblée nationale et, aussi, de
tâcher de les éclairer, de leur dire ma perception de la chose
politique, parce que si mon devoir est de bien les représenter, je pense
que mon devoir est aussi de leur faire connaître mes idées, de
leur faire connaître ce en quoi je crois. À l'occasion d'un
débat comme celui que nous vivons actuellement, je pense que c'est un
moment historique, comme je le disais il y a quelques instants, et que l'on
doit prendre tout le temps possible pour tâcher d'expliquer à nos
commettants l'enjeu du prochain référendum, l'enjeu de voter oui
ou de voter non.
Tout au long des minutes qui vont suivre, M. le Président, je me
propose de faire ressortir et de faire valoir les mérites de l'entente
constitutionnelle intervenue entre les premiers ministres canadiens. Mon
intention est de faire cette démonstration en illustrant une dimension
particulière de l'entente. Il s'agit principalement de l'ouverture aux
autres dans le contexte qui est celui d'aujourd'hui, celui de la population
québécoise, celui qui a toujours caractérisé le
Parti libéral.
Notre société, c'est maintenant un fait, est une
société de langue et de culture françaises; elle partage
avec les sociétés industrielles contemporaines les valeurs des
sociétés modernes, telles le pluralisme, la démocratie et
la liberté d'expression. Notre société, c'est
également une entité sociopolitique dans laquelle on retrouve une
communauté anglophone, qui a joué un rôle et qui joue
encore un rôle important et appréciable dans la
prospérité et le développement du Québec. On
constate également, comme on le sait, la présence d'une
diversité de plus en plus grande de gens de tous les horizons et de tous
les pays. Notre société, c'est aussi celle composée des
peuples autochtones.
M. le Président, la société dans laquelle je vis,
c'est celle d'aujourd'hui, c'est celle du siècle qui s'achève, et
que l'on soit nostalgique ou non, la société
québécoise est actuellement multiple et diverse dans sa
composition. Elle n'est plus celle du «Temps d'une paix», elle n'a
plus son homogénéité d'hier; elle bénéficie
des apports et des contributions, porteurs à tous les niveaux, d'une
richesse humaine de développement. La population
québécoise, elle est formée de nouveaux
Québécois, de nouveaux Canadiens, qui nous viennent de tous les
pays du monde, et qui nous amènent leur culture, leur richesse, leur
langue, leurs coutumes. L'entente qui a été signée par les
premiers ministres, le 28 août dernier, est une entente qui nous donne
des droits dans le domaine de l'immigration pour accueillir encore d'une
façon beaucoup plus concrète, ces nouveaux
Québécois.
M. le Président, le comportement de notre formation politique
vis-à-vis de ces apports, ces contributions à la
diversité, c'est l'ouverture et non la fermeture, comme c'est le cas
souvent, malheureusement, chez nos adversaires. Nous, notre attitude en est une
d'ouverture, et l'ouverture, c'est éviter de diviser la population et,
ainsi, renforcer la solidarité des Québécoises et des
Québécois, quels qu'ils soient.
La solidarité dont il est question ici, c'est une
solidarité qui inclut toutes et tous à l'intérieur de
notre société. Par la même occasion, il s'agit d'une
solidarité qui refuse l'exclusion de la multitude et de la
diversité. C'est donc une solidarité d'inclusion et elle est
explicite dans l'entente constitutionnelle intervenue à Charlottetown,
le 28 août dernier. Elle se manifeste, dans cette entente, d'abord au
niveau des droits linguistiques.
Selon les députés de l'Opposition, la
société québécoise cesserait, avec cette entente,
d'être française. Ils le crient sur tous les toits. Ils
l'affichent à la devanture des édifices dans la région de
Montréal. Eh bien non, M. le Président, la responsabilité
linguistique du Parlement québécois est conservée et
protégée. Ce n'est rien de moins que de la désinformation
que de prétendre le contraire, comme se plaisent à le faire les
ténors de l'Opposition péquiste dans cette campagne
référendaire. Oui, il est erroné de soutenir, comme le
font nos adversaires actuellement, que les pouvoirs linguistiques du Parlement
québécois sont touchés par cette entente. Au contraire,
ils ne sont pas touchés, ils sont préservés, voire
même augmentés.
M. le Président, revenons à cet esprit d'ouverture auquel
je faisais allusion, il y a quelques instants, esprit d'ouverture
présent et explicite dans l'entente constitutionnelle et
également explicite au niveau de la reconnaissance de l'apport unique
des Québécois et des Québécoises anglophones au
niveau de la société québécoise. Le Québec a
reconnu l'apport singulier et unique de la communauté anglophone et des
citoyens qui la composent. Il continuera de le faire, comme le fait le
gouvernement libéral depuis 1985. Sa contribution appartient à
l'héritage historique de la
société québécoise.
Cet esprit d'ouverture est aussi présent dans cette entente au
niveau de l'immigration. Le Québec, qui accueille déjà des
immigrants, continuera de le faire, mais il le fera avec des ententes qui
seront constitutionnalisées. Avec des ententes sur l'immigration, le
Québec se voit octroyer de nouveaux pouvoirs sur la sélection des
immigrants et leur intégration économique, sociale et
linguistique. Donc, avec cette entente, l'immigration sera au service de la
société québécoise et de son développement
économique et humain. L'immigration sera au service d'un Québec
contemporain. Nous avons là, une fois de plus, l'occasion de
réaliser la présence explicite de l'exprit d'ouverture de
l'entente constitutionnelle.
Elle est aussi explicite dans cette entente sur les questions relatives
aux peuples autochtones. Je l'ai déjà évoqué. Comme
vous le savez, M. le Président, le Québec a sur son territoire
des peuples autochtones qu'il est de notre devoir d'associer au
développement du Québec contemporain et à son
progrès. Au rang de ces droits, il y a évidemment celui de
l'autonomie gouvernementale. Ce droit est maintenant reconnu dans l'entente du
28 août. L'accord signé par les premiers ministres prévoit
aussi que des ententes librement négociées serviront à
définir le rapport entre le gouvernement du Québec et les peuples
autochtones. Or, il est donc erroné d'affirmer, de prétendre,
tout comme le fait l'Opposition officielle depuis quelques jours dans cette
Chambre, que ce sont les tribunaux qui auront désormais la mission de
définir la juridiction du nouveau palier de gouvernement.
En outre, il est de première importance de rappeler que, dans
cette entente, l'intégrité du territoire québécois
n'est pas menacée. Au contraire, elle est conservée et
préservée. De plus, on doit également ajouter que les lois
canadiennes et québécoises relativement à la paix, au bon
gouvernement et à l'ordre seront protégées. Ainsi, dans le
cas des peuples autochtones, nous sommes, encore une fois, à même
de constater la présence explicite de cet esprit d'ouverture qui a
toujours caractérisé le parti politique que je représente.
(20 h 50)
Cette fois, on l'a constaté à l'endroit des femmes et des
hommes qui sont des descendants de ceux et celles qui occupaient avant nous ce
territoire sur lequel vit notre population aujourd'hui. En outre, cette
ouverture à l'égard des peuples autochtones qui vivent chez nous,
au Québec ou ailleurs au Canada, témoigne de notre volonté
d'opérer une réconciliation avec l'histoire. Cette attitude n'est
pas celle de nos adversaires. Malheureusement, nous avons
préféré, nous, la négociation avec les peuples
autochtones plutôt que l'affrontememt, comme le suggérait le chef
de l'Opposition officielle à l'occasion des événements qui
ont entouré ce que l'on appelle tristement la crise d'Oka. Depuis ce
temps, on aurait cru que le chef de l'Opposition officielle aurait
modifié ses vues; malheureusement, il n'en est rien. Il demeure
obstiné face à sa position envers les autochtones, comme nous
avons eu l'occasion de le constater au cours de ce débat. On a
même l'impression qu'il reproche aux autochtones d'avoir eux aussi fait
des gains avec cette entente constitutionnelle. Eh bien, s'ils en ont fait,
tant mieux, M. le Président, parce que l'entente constitutionnelle, elle
est faite pour améliorer le sort de tous les Canadiens. Et si les
Québécois peuvent en retirer un profit et si les autochtones
peuvent en tirer profit, je pense que ça prouve que l'entente a
été bien gérée, que notre cheminement à
l'intérieur de nos négociations a été
réellement concret.
Comme vous l'avez constaté, j'ai tenté, tout au long des
minutes qui ont précédé, de mettre en lumière le
caractère explicite de notre esprit d'ouverture à l'endroit de la
diversité qui caractérise la société
québécoise actuelle et qui caractérisera celle de demain.
Cet esprit d'ouverture caractérise davantage notre formation politique,
vous le savez, beaucoup plus que celle de nos adversaires. Pour qualifier
l'esprit de nos adversaires, l'expression «fermeture» conviendrait
sans doute parfaitement. Notre parti politique, notre formation politique est
l'unique formation siégeant ici à pouvoir dire fièrement
qu'elle représente des composantes de l'ensemble de la
société. Nos adversaires ne peuvent pas en dire autant. Au
contraire, ils ont préféré la voie de la fermeture
à celle de l'ouverture. L'esprit libéral habite notre formation
politique et je suis grandement honoré d'appartenir à la
formation politique qui permet aux femmes et aux hommes de se confronter aux
défis de leur temps, y compris celui de l'ouverture qui est sans
conteste l'un des plus importants de notre époque.
En conclusion, M. le Président, je suis certain, j'ai la profonde
certitude que la population dira oui à cet esprit d'ouverture explicite
dans l'entente constitutionnelle. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Sauvé, de votre intervention. Nous poursuivons
le débat sur la question référendaire. Oui, M. le leader
du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, suite à une
entente intervenue avec le leader parlementaire de l'Opposition, il a
été convenu que, même si mon collègue doit
dépasser 21 heures, son intervention pourra se poursuivre jusqu'à
complément.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a eu
entente?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va. Il y a eu
une entente. M. le leader de l'Opposition officielle me souligne
qu'effectivement il y a eu une entente. Alors, je reconnais, sur ce
débat, M. le ministre délégué à la
Francophonie.
M. Guy Rivard
M. Rivard: Je vous remercie, M. le Président. Ce moment
est historique. Je suis fier de le vivre et je suis fier de m'adresser non
seulement à cette Assemblée nationale, mais aussi aux citoyens du
comté de Rosemont que j'ai l'honneur de représenter depuis 1985.
Je vais aller droit au but: Je suis d'accord avec la formulation de la question
référendaire et je défendrai l'entente constitutionnelle
avec ferveur, avec fierté et avec une confiance inébranlable dans
l'avenir du Québec et du Canada.
Au cours des prochaines semaines, nous analyserons les détails de
cette entente et nous saurons démontrer à la population
québécoise les gains appréciables et réels qu'elle
représente pour le Québec. En effet, nous avons devant nous une
entente visiblement conclue dans l'honneur et le réalisme, pour
reprendre les mots de l'éditorialiste Alain Dubuc de La
Presse.
À la lecture de cette entente, je suis pleinement rassuré
quant à la protection de ces caractéristiques qui font du
Québec une société réellement distincte et je vois
que l'intérêt supérieur du Québec a vraiment
guidé ceux qui sont allés se mettre d'accord entre Canadiens
quant à la façon dont nous pourrons continuer à nous
développer ensemble. Au cours des prochaines semaines, nous nous
emploierons donc à bien expliquer ces gains. Nous ferons appel à
l'intelligence de la population du Québec et, le 26 octobre prochain,
non seulement le Québec dira-t-il son oui, mais il dira son oui avec
fierté.
Aujourd'hui, M. le Président, justement, je voudrais vous parler
de fierté. Je suis Canadien et je suis fier de l'être. Je suis
Québécois et je suis fier de l'être. Je vis très
bien cette dualité. Elle est complémentaire, elle n'est jamais
source d'ambivalence ou de perplexité. Cette fierté, elle me
vient, en partie, du regard que je porte sur le Québec, que je porte sur
le Canada lorsque les circonstances m'amènent à faire des
comparaisons avec d'autres sociétés. Au gré de mes trois
carrières, celle de médecin, d'administrateur public et d'homme
politique, je me suis souvent retrouvé, M. le Président, en
dehors du Québec ou du Canada, parfois pendant de longues et heureuses
périodes, et j'ai pu porter un regard différent sur le
Québec et le Canada. Ainsi, dans les années soixante,
étudiant pendant trois ans à l'Université Yale, j'ai vu le
Québec universitaire, j'ai vu le Québec scientifique. J'ai
été fier, depuis, d'assister aux progrès de ces milieux de
recherche et de constater, par exemple, qu'en recherche biomédicale, le
Québec allait systématiquement chercher plus que sa quote-part de
subventions à Ottawa. Médecin et administrateur, M. le
Président, j'ai vu le Québec et son excellent système de
santé à travers les yeux de l'Université Harvard, de
l'Université de la Caroline du Nord, de l'Organisation mondiale de la
santé, des administrateurs hospitaliers de France ou de Grande-Bretagne.
Et, il y a 12 ans, j'écrivais que le Québec, grâce à
son programme d'assurance-maladie d'inspiration québécoise et
canadienne, avait, avec succès, atteint les objectifs poursuivis par
notre société.
Depuis quelques années, M. le Président, je fais de la
politique pour servir d'une autre façon mes concitoyens. Et, au cours de
ces années, j'ai vu le Québec et le Canada tels que les voient
les francophones de ces 46 pays amis où on utilise, comme nous, le
français. J'ai vu aussi le Québec à travers des yeux
hongrois, tchèques, allemands, roumains, avant et après les
événements de 1989 qui ont profondément, comme vous le
savez, transformé le monde où nous vivons. M. le
Président, j'ai vu un Québec qui, graduellement, a atteint le
rang d'un État moderne. Après sa propre révolution, qu'il
a souhaitée tranquille, le Québec a su maintenir l'élan et
investir là où il le fallait. Le Québec est devenu une
société riche de sa complexité, remarquable par la
diversité d'origine des gens qui, chaque jour, ont fait et font encore
l'histoire de ce coin de terre, une société ouverte sur un monde
où l'interdépendance est la règle, une
société compétente, un société
déterminée à relever tous les défis de la
modernité.
Soit dit en passant, M. le Président, je considère comme
un gain inestimable cette partie de l'entente constitutionnelle qui concerne la
formation de la main-d'oeuvre et son perfectionnement. Les hommes et les femmes
du Québec sont en effet sa plus grande richesse et ils doivent mieux se
préparer à vivre une fin de siècle marquée par des
transformations qui surviennent partout dans le monde et avec une ampleur et
une rapidité sans précédent.
M. le Président, la pratique des afffaires internationales nous
apprend aujourd'hui qu'aucun peuple, aucun pays, aucun État ne peut
relever seul le défi de son propre développement.
L'interdépendance touche aussi bien les milieux culturels, scientifiques
et économiques que sociaux et politiques. Ce phénomène,
cette réalité nous obligent à établir des
partenariats réels. Que ce soit entre le Nord et le Sud, au sein d'un
même ensemble continental, ou dans une même région, partout
le codéveloppement est de rigueur, il repose sur des
intérêts et des bénéfices partagés. Notre
sort, comme partout ailleurs, est lié à celui des autres, et
c'est sur quoi, d'ailleurs, les premiers ministres canadiens se sont mis
d'accord. Ils se sont entendus pour que le partenariat canadien continue de
bénéficier à chacun de ses membres. (21 heures)
Gérer cette interdépendance croissante, M.
le Président, constitue un défi des plus stimulants. Pour
le Québec, cela est particulièrement vrai dans ses relations avec
les autres pays, et tout spécialement dans le cadre de la francophonie
qui présente des enjeux si vitaux pour notre devenir. L'avenir du
français, M. le Président, dépend, en effet, non seulement
du nombre de personnes qui parlent cette langue à travers le monde, mais
surtout de leur capacité d'en faire une langue de création et de
diffusion, notamment dans les secteurs stratégiques que sont la science,
les communications, la culture et les technologies, en particulier celle de
l'information. Le Québec français participe avec éclat
à la francophonie internationale et il réussit à atteindre
ses objectifs tout en étant membre de la Fédération
canadienne.
Pour gérer cette interdépendance croissante, le
Québec doit savoir tirer avantage de ses atouts. Et, à cet
égard, je souligne de nouveau que la plus grande richesse du
Québec réside dans ses hommes et ses femmes. À travers ses
hommes et ses femmes, le Québec est riche d'une culture au sens le plus
large du terme, à la fois profondément nord-américaine et
associée à l'Europe. Le Québec est riche des francophones
et des anglophones appelés à travailler ensemble chaque jour. Le
Québec est riche des Québécois des communautés
culturelles qui, venus de partout et à différentes
époques, participent à l'épanouissement culturel et au
développement socio-économique de leur société
d'accueil. Cette rencontre de plusieurs cultures, qui fait du Québec un
endroit unique, constitue un atout exceptionnel et elle favorise la
participation du Québec aux courants internationaux les plus dynamiques.
Il n'en tient qu'à nous d'en prendre davantage conscience et, surtout,
d'en être fiers.
M. le Président, je suis un Québécois, et je suis
fier de porter ce titre. Je suis un Québécois tout simplement
parce que je vis au Québec. Point final. Comme Québécois,
je veux contribuer au maximum à la prospérité du
Québec et à son développement, et je suis fier de cette
contribution.
M. le Président, je suis un Canadien, et je suis fier de porter
ce titre. Depuis toujours, dans ma famille, M. le Président, on est
Canadiens sans se demander à chaque matin ce que ça veut dire, un
peu comme si ça allait de soi, car ce n'est pas un petit pays que ce
Canada où je vis fièrement en Canadien. Ce n'est pas un pays dont
on rêve, ce n'est pas un pays à construire, ce n'est pas un pays
à créer. C'est un pays réel, qui tient son rang,
d'ailleurs, parmi les plus grands pays de ce monde.
Au risque de répéter une évidence, le Canada, c'est
un immense territoire aux ressources naturelles pratiquement
inépuisables, un pays parmi les sept pays les plus avancés de
notre planète, un pays en tête de liste quant à la
qualité de vie de ses citoyens, c'est-à-dire quant à leur
espérance de vie, quant à l'accès à
l'éducation pour ses jeunes, quant au respect des droits et
libertés de la personne - pour ne mentionner que ces
éléments - un pays gardien de la paix partout dans le monde et
défenseur de la démocratie, où qu'elle soit mise à
l'épreuve, un pays respecté, un pays dont le passeport offert
à tous ses citoyens ouvre sans hésitation toutes les
frontières, un avantage d'ailleurs déjà reconnu par le
chef de l'Opposition lui-même.
Quant à moi, ce pays, je m'y sens à l'aise où que
je m'y trouve. Je l'ai parcouru d'un bout à l'autre, j'y ai
rencontré des Canadiens au travail et en vacances. Ayant à
transiger avec des administrateurs des autres provinces, j'ai
réalisé que les Québécois pouvaient contribuer
énormément, de fait, aux discussions et aux solutions des
problèmes et que les autres Canadiens savaient le reconnaître, et
vice versa. Je ne dis pas que tout est parfait dans ce pays, dans mon pays. Je
ne veux pas, d'ailleurs, que la vue des montagnes Rocheuses ou le minois
sympathique d'une petite fille chantant «Mon pays» nous cache les
réalités de la récession et de l'inégalité
des chances. Je n'ai pas besoin de cette mièvrerie, car je vis le Canada
comme un pays fort et non comme un pays faible.
Un jour, M. le Président, en tête à tête avec
un ambassadeur du Canada à l'étranger, nous nous demandions tous
les deux ce qu'est un Canadien, constatant qu'à l'occasion du
débat constitutionnel nous serions amenés, tous et toutes,
à cerner une définition un tant soit peu rassembleuse. Et, comme
je le fais ce soir, j'ai soumis cette définition qu'il a, je crois,
acceptée et je vous la soumets. Un Canadien, M. le Président,
c'est fondamentalement un Nord-Américain. D'ailleurs, pour ceux qui
travaillent dans des dossiers internationaux, cette dimension fait partie des
réalités quotidiennes. Le Canadien, le Québécois,
qu'il le veuille ou non, vit sur ce continent où il est influencé
chaque jour par ce pays 10 fois plus peuplé, au sud de chez lui. Ce
n'est pas un crime. C'est une réalité. Être
Nord-Américain, c'est vraiment ce qui distingue le
Québécois, dit francophone, dans l'espace francophone. C'est une
façon d'être, c'est une façon de faire, une façon de
dire et de créer, une façon d'analyser les problèmes, de
planifier, de gérer et d'évaluer. C'est le pragmatisme,
l'efficacité et la simplicité, et vous avouerez avec moi, M. le
Président, qu'on reconnaît là, d'ailleurs, des vertus qui
sont tout à fait libérales.
Vu d'ailleurs, le Canadien, qu'il soit anglophone ou francophone, est un
Nord-Américain. Il vit dans un pays neuf. Mais, en même temps, ce
Canadien ancre ses valeurs, il rattache sa culture à des pays
européens dont l'histoire est beaucoup plus longue: France et
Grande-Bretagne pour la plupart, Allemagne, Italie, Ukraine ou Grèce
pour beaucoup. Nous sommes tous venus d'ailleurs, nous-mêmes ou par
ancêtres interposés. Ce n'est pas un défaut. C'est une
réalité. En même temps, nous ne sommes ni
Américains, ni Français ni
Britanniques. Et, s'il est une autre chose dont il faut être fier
dans cette entente constitutionnelle, c'est bien d'y retrouver la
reconnaissance de la diversité intrinsèque de notre pays.
M. le Président, ce sont tous les citoyens d'un pays qui
participent à son avenir. Notre sort individuel, ai-je
déjà dit, est lié à celui des autres, et ceci est
plus vrai en 1992 qu'à toute autre période de notre histoire.
Dans un tel contexte, vu de l'extérieur du Québec et du Canada,
à travers les yeux des autres, il apparaît inouï que l'on
veuille, en certains milieux, détruire ce pays plutôt que de
continuer à le construire.
M. le Président, je n'ai pas le goût d'un Québec
renfermé sur lui-même, séparé, coupé,
défini par des frontières plus étroites. Je ne veux pas
d'une séparation qui nous plongerait dans le plus risqué des
inconnus parce que, pour moi, vivre au Canada, c'est vivre dans un grand pays
et qu'une entente, un accord vaut mieux que la désunion, la
séparation, le divorce. Je ne suis pas surpris qu'il y ait des
discussions, des ajustements. Dans une famille qui veut rester unie, il y en a
toujours. C'est dans la nature même des choses et des êtres.
M. le Président, face à cette entente qui définit
l'avenir de plus d'une génération de Québécois et
de Canadiens, et sans fermer cet avenir, j'ai la profonde conviction que la
nouvelle façon de vivre ensemble entre Canadiens marque un
progrès réel pour le Québec et pour le Canada. Je suis
convaincu qu'au nom de toute la population du Québec le gouvernement du
Québec aura vraiment les outils indispensables pour protéger et
promouvoir les caractéristiques fondamentales du Québec. Je suis
convaincu que nous avons ce qu'il faut pour continuer à nous
développer sur tous les plans. Je dis bien «continuer» car,
depuis 30 ans, le Québec a vécu un progrès constant tout
en étant dans le Canada.
Je ne doute pas de notre pouvoir économique, de notre vigueur
politique et de notre capacité de rayonner. Au complexe
d'infériorité et au sentiment d'oppression que nous attribue,
depuis longtemps, le psychiatre Camille Laurin j'oppose tout simplement cette
assurance qui est la nôtre. Cette assurance, c'est une force. Je suis
convaincu que, tout en défendant les intérêts
supérieurs du Québec avec prudence, réalisme et
détermination, notre premier ministre a eu raison d'être
attaché à l'union canadienne plutôt qu'à la
désunion. Je suis convaincu que la réconciliation avec les
peuples autochtones est nécessaire, incontournable, et qu'elle repose
maintenant sur des bases solides. (21 h 10)
En terminant, M. le Président, cette entente constitue un
changement réel à la fin d'une étape, à la fin d'un
difficile parcours constitutionnel. J'en suis satisfait, et cette entente est
digne de notre approbation. M. le Président, je suis chez moi en ce
pays; mon pays, c'est le
Canada. Je suis Canadien et je suis fier de l'être et, en
même temps, je suis Québécois et je suis fier de
l'être. C'est pour cela que je mise sur les progrès du
passé, je mise sur les forces du présent et les espoirs de
l'avenir, et c'est pour cela que, très simplement, je mise sur le
Québec, je mise sur le Québec dans le Canada. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, suite à
l'intervention du ministre délégué à la
Francophonie, compte tenu de l'heure et suite à l'entente, j'ajourne les
travaux de cette Assemblée à vendredi, le 11 septembre, à
9 h 30.
(Fin de la séance à 21 h 11)