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Version finale

34th Legislature, 2nd Session
(March 19, 1992 au March 10, 1994)

Thursday, September 10, 1992 - Séance extraordinaire

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Affaires du jour Affaires prioritaires

Reprise du débat sur la proposition du premier

ministre visant l'adoption d'une question

devant faire l'objet d'une consultation

populaire portant sur un nouveau partenariat de nature constitutionnelle

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonne journée à tous. Si vous voulez vous asseoir. L'Assemblée reprend le débat sur la motion de M. le premier ministre visant l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une consultation populaire portant sur un nouveau partenariat de nature constitutionnelle. Je vous informe qu'il y a 6 heures 35 minutes d'écoulées au débat. Il reste 27 heures 24 minutes: 17 heures 24 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement; 9 heures 42 minutes à l'Opposition officielle et 1 heure 19 minutes aux députés indépendants. Sur ce, je reconnais M. le ministre des Communications. M. le ministre, la parole est à vous. (9 h 40)

M. Lawrence Cannon

M. Cannon: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, ce matin, d'intervenir dans le débat sur la question référendaire. Vous avez, M. le Président, devant vous une question brève, précise et, surtout, sans ambiguïté. Je peux facilement comprendre l'Opposition officielle qui se sent désemparée devant une telle question. Ils ne sont pas habitués à autant de concision. Il faut se rappeler la question de 1980. Je vois le leader de l'Opposition officielle; lui, il s'en rappelle de la question de 1980 où le cabinet de l'ancien premier ministre a quasiment rupture à cause de la question. Mais, aujourd'hui, on a une question qui est précise, une question qui est claire, sans ambiguïté. Il faut dire aussi que c'est certainement la défaite référendaire du précédent gouvernement qui nous a amenés au rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne. Puisqu'il faut toujours placer ces discussions-là, ces débats-là dans un contexte historique, on se rappellera que la défaite référendaire avait placé l'ancien gouvernement dans une position de faiblesse, une telle position de faiblesse que le grand stratège du Parti québécois, à l'époque, M. Claude Morin, celui qui est aujourd'hui le Quisling québécois - on se rappellera que Quisling, c'est le synonyme de traître à sa nation, à sa patrie - le grand stratège, dis-je, qui avait, délibérément ou peut-être pas, abaissé le Québec en perdant le droit de veto. On avait complètement isolé le Québec et on avait perdu le droit de veto. C'était ça, l'histoire constitutionnelle du début des années quatre-vingt.

En 1985, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons fermement pris l'engagement que le gouvernement du Parti libéral ferait tout en son pouvoir pour réintégrer la famille canadienne, que l'injustice créée en 1982 serait réparée. Aujourd'hui, j'entends les gens de l'Opposition nous dire qu'on vient de consacrer le Québec comme une province à l'égalité des autres, parce qu'on a consenti un Sénat égal. On a, oui, consenti un Sénat égal, mais la vérité, c'est qu'en contrepartie on a obtenu, pour les 18 sénateurs qu'on a laissés de côté, un rôle plus important dans le processus de décision, notamment à la Chambre des Communes. Et on a obtenu 25 % de la représentation des élus québécois, à la Chambre des Communes à Ottawa. C'est un gain réel et c'est un progrès notable par rapport à ce à quoi les Québécois ont été habitués, sous le règne du Parti québécois, au début des années quatre-vingt.

On se rappellera qu'en offrant, sur un plateau d'argent, le droit de veto politique, en 1982, le gouvernement du Parti québécois avait déployé tous les efforts et tous les trucs nécessaires afin de rabaisser le Québec et sa population à un niveau qu'il n'avait jamais connu auparavant. Vous le savez, vous, les gens de l'Opposition, que le premier ministre du Québec a réalisé des gains considérables le 28 août dernier, non seulement pour le gouvernement, mais pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Dans le domaine de la Constitution, M. le Président, où est la crédibilité de l'Opposition? L'Opposition n'a pas de crédibilité dans ce dossier-là. Lorsque nous avons proposé l'accord du lac Meech, le Parti québécois l'avait dénoncé formellement sur la place publique, en soulignant que c'était moins que rien. Ici, en cette Chambre, au mois d'octobre dernier, au mois de novembre, on commençait à dire qu'on estimait cette entente suffisamment importante pour qu'elle devienne le point de référence dans le débat actuel.

Et finalement, comme l'indiquait le premier ministre en cette Chambre hier, le Parti québécois dénonce le fait qu'il est difficile de se prononcer sur l'entente sans avoir en main les textes juridiques et, malgré ce fait, on rejette l'entente. Malgré ce fait, on rejette l'entente. C'est une question d'honnêteté, M. le Président. On doit avouer qu'il s'agit là d'un progrès réel pour l'ensemble des Québécois, à moins, bien sûr, que l'Opposition, à la lecture des textes juridiques, ne convienne que peut-être elle change d'avis. Mais je serais fort surpris que l'Opposition change d'avis sur cette question-là. On se

demande où est la logique, M. le Président. Il s'agit là sans doute d'une logique qui caractérise et qui a toujours caractérisé les gens d'en face, les gens du Parti québécois. C'est la même logique qui les a motivés à voter contre la loi 150, vous vous en rappellerez, pour ensuite faire des pieds et des mains pour qu'elle soit respectée. Comment peut-on prendre au sérieux ces gens-là, M. le Président, qui contribuent, sans doute inconsciemment, je l'espère, à rendre l'exercice de la démocratie au Québec aussi agréable qu'un traitement de canal?

Aujourd'hui, l'Opposition nous dit qu'il faut faire front commun contre cette entente. Mais, ne vous en faites pas, un non à la question ne signifie pas un oui à l'indépendance, à la destruction du pays. Quel principe noble! Soyons sérieux, M. le Président, pour une seconde. On veut nous faire croire que le Parti québécois va mettre en veilleuse son option indépendantiste dans le débat référendaire qui s'amorce? Je vois l'ancienne députée de La Peltrie, députée de Taillon aujourd'hui, qui, lorsqu'elle se proposait comme candidate à la chefferie du Parti québécois, disait: La souveraineté du Québec, l'indépendance, il faut en faire notre pain quotidien. A-t-elle changé d'idée? Est-ce qu'elle suit son chef aujourd'hui dans la mise en veilleuse de leur option fondamentale? Le chef de l'Opposition hier, ici, en cette Chambre, disait, et je le cite: Et l'étape suivante, ce sera quoi? Eh bien, ce sera les élections, M. le Président, et, après, le débat autour de l'orientation du Québec se poursuivra jusqu'à ce que l'élection se produise. Une élection que nous avons, de notre côté, bien l'intention de gagner parce que maintenant nous savons, depuis que la loi 150 a été amendée, que c'est par le truchement de la prochaine élection que nous pourrons réaliser la souveraineté du Québec.

Bien, c'est clair! C'est clair. Ils n'ont pas changé. Les masques vont tomber. C'est clair, leur intention. Ils n'ont pas mis de côté, pas pour une seconde, l'option fondamentale du Parti québécois qui est celle de rupturer et de briser le pays.

On veut faire accroire aussi, M. le Président, qu'en mettant de côté cette option le Parti québécois va mettre fin aux négociations avec le reste du Canada. Allons donc, M. le Président, dire de telles choses! C'est comme si on devait expliquer aux jeunes que le vrai Père Noël, c'est le chef de l'Opposition. M. le Président, ils seront les premiers, et ils l'ont déjà souligné à maintes reprises, à vouloir s'associer, à négocier une entente économique par ci - on les entend, ils nous le disent - une entente sur l'union douanière, une entente sur la défense. Que sais-je encore? C'est comme si, M. le Président, on arrivait et qu'on disait: Écoutez, on vient de vous donner une gifle en pleine face mais, là, on va s'asseoir avec le Canada anglais et on va dire au reste du Canada: On va maintenant négocier d'autres choses. C'est ça l'intention réelle. Et, en négociant d'autres choses, tendez donc l'autre joue pour qu'on puisse vous donner une autre baffe de l'autre côté. Mais c'est irresponsable de penser ces choses-là. C'est irresponsable, M. le Président.

Vous savez, ça me fait penser à une citation d'un Québécois, et vous me permettrez de la sortir. J'ai eu l'opportunité, M. le Président, d'en parler ici en cette Chambre. C'est une citation du chef de l'Opposition qui, à l'occasion de son intervention, au moment du débat, des audiences de la commission Campeau-Bélanger, disait devant tout le monde: Bien, écoutez, c'est sûr qu'il y a des secteurs où la juridiction est partagée. C'est clair que, dans le secteur des communications ou des télécommunications, c'est un partage de juridiction et il y aura lieu de négocier des ententes. (9 h 50) j'ouvre la parenthèse, m. le président, parce que c'est précisément ça que le premier ministre du québec et le ministre des affaires intergouvernementales canadiennes ont obtenu en allant négocier à charlottetown: la possibilité de conclure des ententes administratives avec le reste du canada pour que, dans le secteur des communications, nous puissions assumer nos responsabilités. cette entente, m. le président, contrairement à celle que propose le parti québécois, sera constitutionnalisée. ça, m. le président, c'est un progrès et un progrès réel.

M. le Président, je pense qu'il est peut-être important tout au long de ce débat d'examiner les faits. Lorsqu'on nous pose la question: Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?, personnellement, et de ce côté-ci de la Chambre, la réponse est claire, sans équivoque, c'est oui, M. le Président. Pourquoi disons-nous oui, M. le Président? Nous disons oui parce que les gains sont appréciables. Oui, M. le Président, ce sera oui à la reconnaissance du Québec comme une société distincte et unique au sein du Canada. Ce sera oui à l'intégration économique, sociale et culturelle des immigrants au Québec français. Ce sera oui, M. le Président, au désengagement obligatoire du gouvernement fédéral dans six pouvoirs permettant au Québec de consolider son autonomie dans le secteur des affaires urbaines, dans le secteur du logement, dans le secteur des loisirs, de la forêt, des mines et du tourisme. Ce sera oui, M. le Président, oui à la culture comme compétence exclusive du Québec. Ce sera oui, M. le Président, à la maîtrise d'oeuvre des ententes de développement régional. Ce sera oui, M. le Président, à la compétence exclusive du Québec en matière de main-d'oeuvre. Ce sera oui, M. le Président, au renforcement de l'influence du Québec à Ottawa. Ce sera oui, M. le Président, à la récupération des droits de veto perdus par l'ancien gouvernement qui, de toute façon, n'a aucunement

l'intention de participer à la famille canadienne. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre des Communications, de votre intervention. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par M. le premier ministre. Je reconnais Mme la vice-première ministre et ministre de l'Énergie et des Ressources. Mme la vice-première ministre.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Alors, M. le Président, dans 47 jours exactement, les Québécois et les Québécoises auront l'impérieux devoir de se prononcer sur leur avenir. Le 26 octobre prochain, par voie référendaire, la population du Québec répondra à une question claire et honnête: Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?

M. le Président, alors que le Québec célèbre cet automne le Bicentenaire de ses institutions parlementaires, alors que se tient dans la vieille capitale le Symposium international sur la démocratie et que, de ce fait, nous accueillons des délégués de l'Association Internationale des parlementaires de langue française, de l'Association parlementaire du Commonwealth ainsi que des représentants d'autres Parlements, alors que le Québec s'enorgueillit de célébrer cet événement d'envergure, les Québécois et les Québécoises exerceront les pleins pouvoirs qui leur sont dévolus en vertu de notre régime démocratique en se prononçant par référendum sur le renouvellement du fédéralisme canadien, et cela, à partir de ce qui a été conclu le 28 août dernier.

M. le Président, le Québec tiendra son référendum à la date convenue, soit le 26 octobre. Le Québec tiendra son référendum sur l'une des options officiellement et clairement reconnues dans le rapport de la commission Bélanger-Campeau, soit sur des offres du fédéral, entre autres: des offres qui marquent la spécificité du Québec comme société distincte, des offres qui permettent au Québec de retrouver un droit de veto sur les institutions perdues, abandonné en 1981 par le gouvernement de l'époque, des offres sur une entente sur l'immigration, des offres qui permettent la compétence exclusive du Québec dans huit secteurs bien identifiés: la main-d'oeuvre, la culture, les mines, les forêts, les loisirs, les affaires urbaines, le tourisme et le logement, des offres qui garantissent au Québec, et pour toujours, 25 % des sièges à la Chambre des communes. Personne ne peut s'objecter à cela. Personne au Québec ne s'objectera à être représenté par un aussi grand nombre de députés. Des offres qui garantissent que le tiers des juges à la Cour suprême seront des juges québécois; un juge sur trois à la Cour suprême sera québécois.

Mais, plus important encore, M. le Président, l'entente de Charlottetown, c'est beaucoup plus que ce que je viens d'énumérer; c'est beaucoup plus que ce que l'on retrouve noir sur blanc. M. le Président, c'est d'abord, l'entente à laquelle on est parvenu à Charlottetown, une entente qui permettra aux Québécois de fermer pour un moment le dossier constitutionnel, de le mettre de côté, de s'occuper d'autres dossiers prioritaires qui permettront aux Québécois et aux Québécoises d'assurer leur avenir et celui de leurs enfants.

Dire oui à l'entente, c'est choisir la voie de la maturité, la voie du réalisme, la voie de la responsabilité collective. Dire oui à l'entente, c'est dire oui aux grands projets, c'est l'outil nécessaire de démarrage de nos objectifs communs. Qui, M. le Président, souhaite revivre les 40 ans de mésentente constitutionnelle, les 40 ans de déchirements nationaux dont les grands perdants n'étaient autres que la population? Qui, M. le Président, a intérêt a bloquer, à mettre sur la glace les dossiers de chômage dans tous les groupes d'âge de notre société, mais particulièrement chez les jeunes? Qui a intérêt à décaler pour encore des années des projets qui permettraient au Québec de partir à la conquête de sa prospérité? Qui, M. le Président, si ce n'est ceux qui s'opposent à l'entente, c'est-à-dire ceux qui interchangent l'intérêt supérieur du Québec pour l'intérêt partisan? S'enfermer dans un non chronique et absolu, comme le fait l'Opposition, cache mal cette volonté, ce seul objectif du triomphe d'une idéologie aux dépens du bien-être et de l'avenir de plusieurs générations de Québécois.

M. le Président, ceux qui s'intéressent au commerce et aux relations internationales savent très bien qu'il faut toujours négocier entre pays. Les ententes de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique l'ont bien démontré, il faut savoir dialoguer entre continents, entre nations, entre villes et villages, entre communautés. Les ententes qui interviennent le sont toujours au prix de compromis, mais les ententes conclues n'en constituent pas moins une base, une base sur laquelle s'appuiera la ronde subséquente de négociations, et c'est en vertu de ces ententes que, d'une négociation à l'autre, des progrès seront réalisés, à la satisfaction de chacune des parties.

Quand un syndicat négocie le renouvellement d'une convention collective, il ne s'attend pas à récolter le pactole en une seule séance de négociations; il ne s'attend pas à obtenir tout ce qu'il revendique lors de la signature de la convention collective. Le syndicat sait, M. le Président, qu'il lui faut être réaliste, qu'il lui faudra plusieurs autres négociations avec son partenaire patronal avant d'atteindre les objectifs fixés. Le syndicat s'entend avec la partie patronale et considère les gains obtenus comme des acquis qui serviront de base pour la négociation

d'un prochain contrat de travail. Les chefs syndicaux, M. le Président, disent à leurs membres, et avec raison, qu'ils ont obtenu la meilleure entente possible et que le réalisme impose de l'accepter.

M. le Président, les syndicalistes, les membres de centrales syndicales comprendront ce que signifie un acquis, une base de négociation. M. le Président, une base de discussion, une base de négociation, c'est la première étape, mais la plus importante, c'est celle sur laquelle repose tout l'édifice constitutionnel, dans le cas qui nous intéresse. L'entente du 28 août, c'est ce qui nous permet d'asseoir ce que les Québécois ont négocié et acquis d'interminables et chaudes luttes qui durent depuis 40 ans.

Répondre oui au référendum, c'est entreprendre le voyage du XXIe siècle avec les assurances tous risques. Répondre oui au référendum, c'est être réaliste, c'est refuser de jeter par-dessus bord tous les acquis de notre histoire. Répondre oui au référendum, c'est faire le pas vers la modernité, c'est faire le choix du dynamisme, c'est choisir le meilleur véhicule pour que le Québec parvienne à destination Monde. Répondre oui au référendum, M. le Président, c'est choisir l'intérêt supérieur du Québec. (10 heures)

Le référendum du 26 octobre prochain portera principalement sur un idéal qui se résume en deux mots, mais deux mots que l'on ne retrouve que dans l'esprit de ceux et celles qui ont une vision. Cet idéal, M. le Président, c'est de voir grand. M. le Président, la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne empruntent la voie canadienne et choisissent, elles aussi, de voir grand. Ces pays qui disent oui à l'union politique, monétaire et économique, ces 12 pays qui souhaitent être sous le parapluie européen acceptent de céder une part importante de leur souveraineté pour accéder au fédéralisme européen.

M. le Président, la grande Europe des Douze, qui deviendra avant la fin du siècle l'Europe des Seize, vraisemblablement des Dix-huit, n'est pas une vue de l'esprit, c'est une réalité. La grande Europe marque le début de la fin des États-nations au profit de la supranationalité. Qu'est-ce que c'est la supranationalité, M. le Président, si ce n'est pas une forme de fédéralisme moderne?

Il aura fallu, oui, 40 ans pour construire l'Europe, et ce n'est pas encore fini. Il aura fallu 40 ans de discussions, de négociations, de compromis pour conclure que c'était définitivement cette route qu'il fallait emprunter pour s'épanouir, pour prospérer, protéger l'intérêt supérieur des populations concernées.

M. le Président, le Mexique, le Canada, les États-Unis n'ont pas emprunté d'autres voies que celle du regroupement pour parvenir à un idéal national et collectif. Voir grand pour les États-Unis, c'était de s'unir au Canada et au Mexique.

Les États-Unis ont dit oui, oui au réalisme. Le Mexique a dit oui, oui à la modernité. Et le Canada a dit oui, oui au dynamisme, aux grands projets. La France dira oui à l'Europe comme l'Espagne, comme l'Allemagne, l'Italie ont spontanément dit oui, tout simplement, oui au progrès et à la raison dans l'intérêt supérieur de leur population.

M. le Président, le Québec ne naviguera pas à contre-courant en disant non à un mouvement universel. Ce serait un virulent message de repli sur soi, un message qui ne serait pas compris à l'étranger. Le Québec basculerait dans le camp des sociétés qui mènent des combats d'arrière-garde. Dire oui à l'entente, c'est faire partie du club des grands, c'est entrer dans le cercle des sociétés qui n'ont pas peur et qui ne se sentent pas en péril. Voilà pourquoi il faut être fier de dire oui le 26 octobre prochain.

L'entente du 28 août, M. le Président, couronne 40 ans de mésentente constitutionnelle. L'entente du 28 août, c'est le pas en avant qui permettra au gouvernement québécois de consacrer toutes ses énergies aux autres problèmes, dont ceux de nature économique. L'entente du 28 août marque donc une victoire pour le Québec. Une de plus! Une de plus, car le Québec a toujours marqué des points. Le Québec a toujours très bien su récolter le maximum de son appartenance au fédéralisme canadien. Au plan économique, au chapitre de son développement, le Québec a su tirer avantageusement profit de son appartenance canadienne. Au plan institutionnel, le Québec a exercé en tout temps une influence remarquable au Canada.

Les exemples ne manquent pas dans l'histoire ancienne et l'histoire contemporaine du Canada. Les deux chefs actuels des deux grands principaux partis politiques canadiens sont des Québécois. Ce ne sont pas les premiers, mais ce ne sont pas non plus les derniers. Mis à part un court intermède de quelques mois, depuis plus de 25 ans, depuis près d'un quart de siècle, M. le Président, le Canada n'a été dirigé que par des premiers ministres d'origine québécoise. Au sein même des partis politiques, la représentation québécoise a toujours été imposante. Il en est de même dans la fonction publique fédérale. Des milliers de Québécois ont occupé et occupent toujours de hauts postes décisionnels, jouent des rôles clés dans le fonctionnement de l'appareil de l'État. Aussi bien à la Chambre des communes qu'au Sénat ou au sein du cabinet fédéral, les Québécois ont exercé une influence qui a modifié le cours de l'histoire canadienne, mais, d'abord et avant tout, bien servi les intérêts des Québécois.

Avec l'entente constitutionnelle du 28 août, cette influence est confirmée et même accrue. Le Québec acquiert un droit de veto absolu sur tout changement aux institutions, c'est-à-dire à la Chambre des communes, au Sénat et à la Cour suprême. Ce droit de veto retrouvé, M. le

Président, ce droit historique que nos collègues d'en face, alors au pouvoir, et dans une de leurs stratégies d'opérette, ont perdu, abandonné, le premier ministre Bourassa l'a reconquis. Ce que le Québec a perdu en 1981, à cause de l'irresponsabilité et, disons-le, de l'inconscience du gouvernement du Parti québécois - ce sont les ténors souverainistes qui ont laissé tomber cet acquis que nous avions - il aura fallu sept années, sept années de lutte acharnée du premier ministre pour le récupérer. De 1981 à 1992, soit donc pendant 11 ans, le Québec n'a pu bénéficier de ce droit acquis par nos ancêtres, M. le Président. Que d'énergie déployée pour corriger cette erreur. Cela, nos amis d'en face n'en parlent pas car ils savent tout ce qu'ils ont fait perdre au Québec pendant toutes ces années et ils éprouvent une certaine gêne, un certain embarras de ce qu'ils nous ont fait perdre.

Toujours en ce qui concerne l'influence accrue du Québec, avec l'entente du 28 août, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % des députés à la Chambre des communes. Qu'est-ce que c'est, M. le Président, si ce n'est pas de l'influence? Personne au Québec ne s'objectera à être représenté par un aussi grand nombre de députés. Il n'y a que ceux qui s'opposent, encore une fois, à l'intérêt supérieur du Québec qui s'opposeront à ce que le Québec ait plus de pouvoirs à Ottawa.

Autre acquis, M. le Président, avec l'entente du 28 août, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 33 % des juges à la Cour suprême. Avec l'entente du 28 août, le Québec obtient la garantie que le nombre total de ses députés fédéraux et sénateurs, ces gens ensemble, sera proportionnel à sa population au sein du Canada. Avec l'entente du 28 août, les sénateurs francophones auront un droit de veto absolu au Sénat égal contre toute mesure qui affecte les droits de la langue et de la culture françaises.

M. le Président, voilà ce que le premier ministre est allé chercher à Ottawa. Voilà, M. le Président, la nouvelle présence, la nouvelle force, la nouvelle influence du Québec à Ottawa. M. le Président, avec l'entente du 28 août, nous avons tout en main pour que, le 26 octobre au soir, le Québec parte à la conquête de sa prospérité. Tout est là pour passer à la vitesse supérieure et rattraper le peloton de tête.

Je l'ai dit, je le répète, l'entente du 28 août, c'est notre carte d'embarquement pour le XXIe siècle. Tout est en place pour partir à la conquête de notre prospérité. Le problème constitutionnel est réglé, la reprise économique se fait lentement mais sûrement, les Québécois sont aguerris à la conquête des marchés internationaux et prêts à d'autres conquêtes. Nous avons une entente de libre-échange conclue, signée avec les États-Unis et le Mexique. Tout est en place, M. le Président, pour que le Québec roule à plein régime vers la première place des sociétés prospères.

Seulement, voilà que, si on dit non à l'entente du 28 août, si les Québécois disent non au Canada, qu'adviendra-t-il de l'entente conclue avec le Mexique et les États-Unis? Ça, c'est une vraie question qu'il faut se poser et à laquelle ne répondent pas les partisans du non. M. le Président, la vérité, c'est qu'il faudra discuter pendant des années et des années avec les États-Unis, avec le Canada, avec le Mexique. Il y aura d'importants compromis à faire et, tout cela, sans parler de l'économie des chômeurs qu'il faudra encore mettre de côté. C'est cela, là vérité, M. le Président. Avant de dire non, il faut connaître les conséquences de ce non.

M. le Président, on se rend vite compte qu'on ne dit pas toujours tout dans le camp du non, et c'est cela qui est grave. Il n'est pas permis de mettre en péril l'avenir de notre société, l'avenir d'une société. Il n'est pas permis non plus de camoufler, dans un moment aussi important de l'histoire du Québec, les objectifs qui sont recherchés.

L'Opposition ne cherche pas à obtenir le meilleur pour les Québécois. Qu'on ne se trompe pas. Ce que cherche l'Opposition, c'est de parvenir à un seul et unique objectif et, pour y arriver, pourquoi ne pas déclarer l'indépendance du Québec dans la nuit du 26 au 27 octobre prochain? M. le Président, ce qui est inacceptable, c'est qu'on cherche par tous les moyens à fausser les pistes. On ne cherche pas à dire la vérité. Le Parti québécois flirte avec l'étapisme quand son chef déclare, comme il l'a fait la semaine dernière, qu'un vote pour le non ne signifie pas un vote pour la souveraineté. Il a tenté de réajuster son tir hier en nuançant son propos de la semaine dernière, mais c'est du pareil au même. Un vote pour le non, c'est un vote pour l'indépendance. Que l'Opposition ait donc le courage de se battre pour ses convictions profondes. Un vote pour le non, c'est un vote pour l'indépendance. Un vote pour le non, c'est une chance manquée de mettre fin à l'incertitude persistante au sujet de l'avenir du Québec. Un vote pour le non, c'est l'insécurité avec toutes ses implications politiques, sociales, économiques et financières. Un vote pour le non, c'est une perte considérable de la crédibilité du Québec à l'égard de nos partenaires canadiens avec qui nous devons continuer de dialoguer, et nous devrons le faire, le 27 octobre prochain. (10 h 10)

Un vote pour le non, c'est l'accroissement des tensions avec les peuples autochtones qui verraient tous leurs efforts anéantis, M. le Président. Un vote pour le non, c'est la persistance des inquiétudes légitimes des Québécois anglophones et des membres des communautés culturelles quant à l'avenir du Canada. Voilà ce qu'un non du Québec voudrait dire, M. le Président. L'entente du 28 août, c'est la décision claire qui signifie l'autre étape: le Québec qui se remet au travail, le Québec qui part à la con-

quête de sa prospérité. C'est le Québec uni et solidaire.

M. le Président, la solidarité de tous les Québécois est une condition fondamentale au développement harmonieux et dynamique du Québec. L'entente du 28 août renforcera cette solidarité nécessaire aux Québécois. Avec l'entente du 28 août, le Québec continuera d'être français. Les pouvoirs linguistiques de l'Assemblée nationale sont sauvegardés. Avec l'entente du 28 août, le Québec continuera de reconnaître l'apport unique des Québécois anglophones, continuera également de développer les services de cette communauté. Avec l'entente du 28 août, le Québec accueillera encore les immigrants et, avec la constitutionnalisation de l'entente sur l'immigration, le Québec pourra exercer de nouveaux pouvoirs quant à la sélection des immigrants et leur intégration sociale et linguistique.

L'immigration sera au service du développement économique et humain du Québec, au service aussi du Québec français. Le Québec a, sur son territoire, différents autochtones qui ont des droits et qui doivent être associés au progrès du Québec. Avec l'entente du 28 août, le droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones est reconnu. Ce sera par des ententes librement négociées que seront définis les rapports entre les autochtones et le Québec. Le pouvoir judiciaire surveillera le processus de négociation, l'intégrité du territoire du Québec est protégée et les lois canadiennes concernant la paix, l'ordre et le bon gouvernement seront respectées.

M. le Président, dans 47 jours exactement les Québécois et les Québécoises auront à se prononcer sur leur avenir. Le 26 octobre prochain, la population du Québec répondra à une question claire, honnête. Nous aurons l'occasion, dans les prochaines semaines, d'expliquer en détail le contenu de l'entente. Nous le ferons, M. le Président, avec rigueur, honnêteté et transparence.

Les Québécois et les Québécoises ont soif d'une information pertinente, complète, et nous allons donner l'heure juste. Le Québec est à l'heure des choix, celui de la prospérité ou celui de l'immobilisme. Au-delà du rêve, de l'utopie - je conclus, M. le Président - au-delà des dogmes, c'est à un règlement respectable qu'aspirent les Québécois, et c'est ce qu'ils obtiennent. M. le Président, c'est cela la réalité au-delà du rêve et de l'utopie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, mme la vice-première ministre et ministre de l'énergie et des ressources. je rappelle aux membres de cette assemblée que nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par m. le premier ministre. je reconnais et cède la parole à m. le député de d'arcy- McGee. M. le député, vous avez la parole.

M. Robert Libman

M. Libman: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est un honneur pour moi de parler aujourd'hui sur la question référendaire au nom de notre caucus et au nom de la circonscription de D'Arcy-McGee, le comté qui a le privilège d'avoir obtenu le plus haut pourcentage des votes pour le non à travers le Québec, lors du référendum de 1980, et qui, je crois, obtiendra le plus haut pourcentage de votes pour le oui au référendum de 1992. M. le Président, ce n'est pas seulement mon comté qui est massivement fédéraliste, mais également l'électorat qui a voté pour notre formation politique en 1989 et qui a élu quatre membres en cette Chambre. Notre parti, notre formation politique, est fondamentalement dédié à l'unité de ce pays et il est le seul parti en cette Assemblée qui n'est pas gêné ou qui n'hésite pas à parler ouvertement de son profond attachement au Canada et aux valeurs sur lesquelles ce pays a été bâti.

M. le Président, une des raisons principales pour lesquelles je me suis impliqué en politique, dans les dernières années de 1980, en créant un parti politique, a été précisément parce qu'au sein de cette Assemblée nationale le discours, le ton et l'atmosphère prenaient un virage plus nationaliste, s'éloignant d'une partie intégrale de l'électorat fortement dédiée et toujours dédiée à la Fédération canadienne.

We were created, as one of our fundamental principles, to fight for the unity of Canada, and we will continue to fight to keep Québec in Canada, to challenge those who want to break this country apart. But, M. le Président, we also believe very deeply in certain fundamental principles of individual rights, of protection for linguistic minority communities. And this placed us in a difficult situation, between a rock and a hard place, as some would say, since many consider that this deal compromises the rights of Quebec's minority communities.

But we chose to support the Yes side, and therefore the focus of my speech this morning will be on the criteria which led us to choose between what appeared to be two conflicting values and therefore, by extension, why I believe that all members of minority communities should make the same decision, should vote in favour of this deal, and feel comfortable that their decision is the right one, that they are not choosing one of these values to the detriment of the other.

Firstly, it must be understood that being on the Yes side means voting against an alternative, and that alternative represents an immediate and definite weakening of our nation, of our confidence, of our ability to reorient ourselves towards economic recovery.

If this deal is defeated, there is no doubt

that Quebeckers will be dragged through more constitutional, political, economic and psychological uncertainty that will give great momentum, that will give tremendous momentum in this province to those forces that want to break up this country. And the potential of this eventuality would be the worst case scenario for members of linguistic minority communities throughout this country of Canada.

And this is one reason why we have decided to support the Yes side of the referendum question. But supporting the Yes side also means supporting the constitutional deal concluded in Charlottetown on August 28th, intended to reconcile the diverse aspirations of our nation. And we have outlined, over the past few weeks, some of the concerns we have about this agreement. And we recognize that this agreement is far from perfect. We have our reservations about the protection of minority rights. And, in fact, the legal balance between the two elements in the Canada clause, on the one hand the distinct society's impact on the Charter of Rights and Freedoms versus on the other the Government's commitment to the vitality and development of linguistic minorities.

We have concerns about the appointed Senate. The fact that the Government of Québec gets to appoint six senators and these senators, because of the double majority formula, will in effect have a veto over future federal initiatives in the areas of language and culture, we feel this is a reason for concern. There is also the potential of the diminished role of the Federal Government in some sectors.

But, this being said, M. le Président, we all have to look at the package as a global package. And, given the diversity of our nation, the political realities and all the forces at work as well as the place we find ourselves in, at this critical time, we feel that this deal is the best deal that could have been reached, given all these circumstances. We will never have perfection in constitutional writing and we have to understand that an imperfect reality is often better than a perfect fantasy.

But there are still members of our party, M. le Président, who are uncomfortable with this decision, who do not feel that we should support this deal. The name of Keith Henderson, for example, who is the Chairman of our party's constitutional committee, is one such person, as well as others who believe that we still have to strive to maintain a purer constitutional vision, even to the point of willing to take the risk of the break-up of this country for the same constitutional perfection. And I believe that he has every right to defend this position, as do others, which is a noble position. And it is grossly unfortunate that individuals-federalists who have every democratic right to dissent, to disagree with aspects of this package have been considered enemies of Canada.

And, this Government itself must understand the reasoning for some of this sentiment that there is a lack of confidence, a lack of trust by many members of minority communities in the Québec Government's commitment towards these same communities. And they may or may not be right in predicting uncomfortable future scenarios, but the Government must understand why members of minority communities are concerned about the future, evoke potential consequences, because they have not seen that firm commitment towards these communities by the Government of Québec for the past several years. (10 h 20)

But when concern is expressed that the distinct society clause itself would eventually be responsible for the diminution of minority rights, they are making only a hypothetical assumption, an assumption which I do not entirely share. And I would like to explain this morning why the distinct society, as formulated in this new constitutional deal, with the important recognition of the vitality and development of minority communities, which is a great step forward from the formulation in the Meech Lake Accord, why this clause should not be a reason for minority communities in Québec to vote no.

Theorically, M. le Président, the distinct society recognition is an added argument in court cases that may challenge language legislation.

Article 1 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms already allows rights to be compromised, but within reasonable limits, in a free and democratic society. The intention of the Government, in invoking a distinct society clause as an interpretative clause would be to stretch these reasonable limits by considering this criteria that Québec represents a distinct society. Perhaps in helping to understand how, in fact, how exactly this works, a very appropriate example which we can refer to is the 1988 decision by the Supreme Court on the language of commercial signs. The Court ruled that the obligatory use of French on signs is a reasonable limit in a free and democratic society, but banning English from these sings goes too far, is not a reasonable limit, and violates freedom of expression garantees in the Charter. The Government, therefore, had to invoke the notwithstanding clause at that time to be able to continue the ban on signs in Québec and to pass Bill 178.

Next year, M. le Président, the notwithstanding clause must be renewed to pass Bill 178 again. The fundamental question is: Would the new distinct society allow the Government of Québec to now justify passing legislation such as Bill 178 again without having to use the notwithstanding clause? Would this new clause in future allow the Government to go beyond what are considered to be reasonable limits in a free and democratic society, and if so, how far? This

would be the true test as to whether the Charter would, in fact, be weakened by the distinct society clause and the fundamental question that minority communities must be asking when evaluating these two values, when deciding whether to vote yes or no.

And the question, this exact question was asked the other day by Louis-Philippe de Grand-pré, former Supreme Court Justice, who appeared before the National Assembly committee studying these offers. He unequivocally said that, without a doubt, in the commercial signs decision, the distinct society clause would not allow the Government to cross that fine line beyond which freedom of expression is protected by our Charter.

This type of assurance, together with de constitutional commitment in the Canada clause towards the vitality and development of linguistic minority communities, makes it unlikely that the distinct society clause will force judges to uphold more restrictive language legislation, than would presently not pass the test of the reasonable limits clause in section 1 of the Charter. The signs decision is one example.

So, as we can see, we are dealing with the abstract, we are dealing with theory. It is very difficult to predict many of theses eventualities, because they are based on an individual case by case basis, based on evolving political, social and economic climates, as well as the raise and fall of the nationalist fervour in Québec which has a tendency to influence decision at times.

This, M. le Président, was at the root of our decision to come out in favour of the Yes side. We were faced with a decision to balance, on the one hand, this uncertain or hypothetical judicial interpretation of legislation in the future, that would probably not compromise minority rights according to constitutional experts, versus, on the other hand, the very tangible consequences of the deal's failure and what this would mean to Canadian unity.

Weighing these concerns against the possible impact on Canadian unity if this deal is defeated, whe have chosen to support the Yes side and battle as vigorously as possible against the forces who want to break up this country: the separatist dominated No committee.

And another important but unfortunate reality must be considered by members of minority communities who feel that the distinct society impact on minority rights would be grave and is still a reason enough to vote no are other considerations, because regardless of whether the clause strengthens or weakens the ability of Quebec's language laws to stand up to future court challenges, it is the presence of the notwithstanding clause that effectively makes the whole legal aspect much less relevant.

With the notwithstanding clause, the Government of Québec, and any other Government in Canada, can just swing this sledgeham- mer and crush minority rights as it pleases. So as long as the notwithstanding clause is still sitting as section 33 of our Charter, the Charter is of little value, the distinct society's impact or lack of it, on the Charter is of little consequence. This is what makes all the more ridiculous and lunatic some of the assertions we have heard over the past couple of weeks by the Official Opposition, by the Société Saint-Jean-Baptiste and Jean Dorion that the language of work in Québec could be threatened, that the French language is in danger if this deal goes ahead. Unfortunately, the notwithstanding clause is still there to crush any court decision in favour of minority rights. So for anyone on this side to say that the French language and the culture are compromised by this deal is nothing but manipulation to try to scare the population of Québec into believing something that is completely false.

I think the words of Yves Fortier who appeared before the National Assembly Committee the other day must be looked at very seriously and must be used as a model by this Government and this referendum campaign. He said that the vitality of development of minority communities does not constrain in any way the full development and vitality of the majority community of Québec. On the contrary, it reinforces the vitality, the development and the richness of Québec society at large.

Ça, c'est une leçon qui est très importante et qui doit être répétée pendant cette campagne référendaire, que l'épanouissement et le développement des communautés minoritaires au Québec ne sont pas une contrainte à l'épanouissement de la société majoritaire au Québec, mais, au contraire, ça renforce la richesse, la vitalité et le développement de la société québécoise et de la majorité francophone au Québec. Et, ça, c'est une réalité qui doit être comprise et respectée au Québec, si notre société veut avancer dans le XXIe siècle.

If our society has made the choice to structure itself around a Charter of Rights, it is completely unacceptable to allow the presence of a notwithstanding clause to be able to diminish the rights of Quebeckers. And the fact that the notwithstanding clause was not removed in the Charlottetown accord is a gravely unfortunate decision, a decision that could have greatly strengthened the Canadian fabric.

But because of the presence of this notwithstanding clause, the principle battle for greater minority rights in Québec must be fought politically here in this arena, in the National Assembly. And next year, in 1993, a very important debate will take place, debate that will have a major impact on the English-speaking community of Québec.

The notwithstanding clause will have to be renewed late next year to pass Bill 178 again. Bill 101 will be reopened to address bilingual

status of Rosemere and other dispositions as well as the first recommendation of the Chambers Report which would enlarge access to English-speaking immigrants into English schools.

So, what the English-speaking communities of Québec must realize in evaluating the Yes or the No side in this deal is that if the No side wins, this Government next year will be able to use the unresolved constitutional question as a pretext, as an excuse not to act on any of these fronts. Resolution of the constitutional question must be seen to potentially create an atmosphere in Québec within which some of these changes will be possible. We have to stop dragging ourselves through the constitutional mud, which is what has been taking place for the last several years. If we can resolve this, if we can put this behind us, if the Yes side can have a significant victory in the referendum, the atmosphere to make changes to Bill 101, to modify some of this legislation, that the English-speaking community of Québec can feel an important component of Québec... Those changes would be much more possible if this constitutional bickering, misery and strait jacket is left behind for a considerable amount of time. (10 h 30)

But one thing has to be recognized by the Government: minority communities are willing to give their leap of faith to this deal. They are wiling to line up solidly behind the Yes committee, despite certain concerns. And the Government has to acknowledge the fact that riding such as D'Arcy-McGee and Jacques-Cartier, NDG, Robert-Baldwin and Saint-Laurent could deliver massive majorities in favour of the Yes side, that could numerically make up for ten ridings each, elsewhere in the province. This has to be recognized, understood and appreciated by the Government.

If the Yes committee wins, these minority communities deserve something in return. The vitality and development clause looks nice on paper but it means very little unless the Government is willing to promote the vitality and development of minority communities, to give minority communities something in return for their massive support for this deal. If we win, we want our booty from the Government of Québec. We want to feel that we get something in return for supporting this deal, for delivering a large percentage of Yes votes to the Yes side of this campaign. The Government will have an obligation, in 1993, to give minority communities something in return for their support, to show a commitment to the vitality and development of minority communities with something concrete, with concrete political initiatives so that minority communities in Québec could strive for the future.

We are ready to fight the referendum campaign with conviction, without holding back, M. le Président, in our contempt for those who want to tear up Canada, with those who do not want to share a platform with.

Déjà, M. le Président, alors que cette campagne référendaire se matérialise, nous commençons à voir se développer la stratégie, ainsi que la déception que le Parti québécois et d'autres groupes souverainistes tentent d'employer. Je dois admettre, M. le Président, que le Parti québécois essaie encore une fois, comme il l'a fait lors du référendum de 1980, de décevoir la population du Québec.

L'Opposition officielle, pour des raisons purement de manipulation, dit maintenant aux Québécois, tout d'un coup, que ce référendum n'a rien à voir avec l'indépendance, mais porte seulement sur les offres fédérales et, après, on verra ce qui se passera. Ils ont réclamé à hauts cris un référendum sur la souveraineté et déposé près de 1 000 000 de signatures. Et, tout à coup, comme s'ils avaient eu une vision au milieu de la nuit, une journée de la semaine dernière, ils se sont réveillés et ont dit: Non, ce n'est pas un référendum sur la souveraineté; la souveraineté n'a rien à voir avec ça, mais c'est seulement un référendum sur les offres fédérales. C'est tout. C'est sur les offres fédérales, qui sont un recul, ils le disent; c'est seulement un référendum sur les offres. La souveraineté n'a rien, rien, rien à voir avec ça. Mais cette tactique, qui est malhonnête, est strictement dans le but de minimiser les inquiétudes que de nombreux Québécois ont de la séparation politique et de toutes ses conséquences. Ça ne va pas marcher, comme ça n'a pas marché en 1980.

M. le Président, vous pouvez être certain d'une chose: le jour suivant le référendum, si le côté du non gagne, ils qualifieront fièrement ce résultat de victoire pour la souveraineté du Québec. Vous allez voir, M. le Président - j'espère que ça n'arrivera pas - si le non l'emporte, ils vont dire: Regardez, les Québécois veulent accéder à la souveraineté. Si cette entente tombe, l'incertitude constitutionnelle, politique et économique dans ce pays, au Québec, va se prolonger. Au moins, le Parti québécois devrait avoir la décence d'admettre qu'il y aura des conséquences difficiles et que cette incertitude va être prolongée. Mais, ça, c'est une des conséquences de choisir éventuellement la souveraineté. Il faut être honnête avec les Québécois. Les Québécois ne peuvent pas être bernés.

Le PQ essaie de conduire les Québécois à la guillotine une fois de plus, mais en essayant de cacher ses véritables intentions, en essayant, encore une fois, de berner les Québécois, de leur faire croire que, si l'entente tombe il n'y a aucune inquiétude. Ils essaient de conduire les Québécois à la guillotine, mais avec les yeux bandés. Ils n'ont pas le courage de porter le fardeau de la preuve. Ils réalisent que, si les Québécois connaissent les conséquences de la séparation, ils vont choisir l'entente. Ils savent

et ils s'inquiètent de voir que les Québécois sont prêts à se pencher vers cette entente afin d'éviter le démembrement du meilleur pays au monde.

If this deal fails, we will be prolonging constitutional uncertainty of this country, the political and economic uncertainty. And the forces to break up this country are sitting right there. The forces that want to break up this country will gain great momentum in the months and years to come.

In fact, this deception should not even surprise us because the entire constitutional vision of the sovereignty movement in Québec is fraudulent and has been, for the past 15 years, based on a promise of security that will never materialize. In the 1970's, the architects of the referendum strategy for the PQ put the words «separation» and «independence» on the shelf and began to rally around the term «sovereignty-association». The term «sovereignty-association» and, ultimately, «sovereignty», have been manipulated by Quebec's separatists with the intention of selling their plan for independence to Quebec-kers by implying that the advantages of being part of the Canadian Federation would remain intact, that Québec would not be separated, would continue to benefit from economic union, customs union, free circulation of goods, services, people and capital, and even to continue to elect MP's to Ottawa.

Sovereignty and association are two very distinct elements that contradict each other because the day after Québec slams the door on the rest of Canada, if they choose sovereignty one day in a referendum, the rest of Canada will not want to sit down and give Québec all the advantages that it benefited from as a member of the Canadian Federation. The word «sovereignty», «sovereignty-association» is used nothing as a decoy to make Quebeckers believe that independence is possible. Once they realize afterwards, if they choose sovereignty, that the economic association part of the deal was nothing but this decoy, they will feel that they have been had, they will ask why they chose this option, that they would not have chosen to become sovereign had they know that some of these guarantees of economic association would not materialize.

Another thing the Official Opposition fails to tell Quebeckers is the implications of separation, even on the Free Trade Agreement. The North American Free Trade Agreement says that the countries involved must approve any new country that wants to become party to this North American Free Trade Agreement. If Québec provokes the dismemberment of Canada, creates the acrimony that is sure to persist, you can be sure that this vision, this promise that the PQ has been selling to Quebeckers, that they will become an automatic part into the Free Trade Agreement, would also not materialize and would also shine the light upon the PQ's promises, over the past 15 years, and how they have led Quebeckers down the garden path all this time.

Quebeckers saw right through this smoke screen in 1980 and they will see right through this one in 1992. We share the views of many Quebeckers who know that any alternative to Canadian unity would be devastating to this province and to this country.

But one thing that I must say about the question that is being asked on the 26th is that it is unfair to allow the Official Opposition to get off scot-free. It must be made clearer in the referendum question what the potential consequences of the rejection of deal are. The referendum question must make this clear. This deal must be offered as an alternative to the potential separation of Québec and this should be specified directly on the ballot, and I will table an amendment shortly specifying that.

Because, if we have this referendum strictly on offers without specifying what the consequences or alternatives are, the burden of proof will be on the federalists' side. The Official Opposition, the sovereignist cause will be able to hack away, hack away, hack away at the offers without, for one minute, having to defend the viability of their own option. And I therefore think it should be clear on the ballot that one of the potential alternatives of the failure of this deal is the eventual separation or sovereignty of Québec.

In conclusion, M. le Président, for those that say that this is still going to linger, that this debate, even if we vote yes, will continue and that we should therefore go with what they say is conviction and vote no, I have to say that this, yes, is an impecfect deal, but it is the best deal in the circumstances; it will put a lot of the uncertainty and instability behind us and it will put the constitutional debate behind us. (10 h 40)

The history has been a series of postponements, but if we look at the XXIst century, M. le Président, maybe this postponement can be the most permanent one. If there is one thing we have to recognize, it is that nationalism and economics do not mix. The world is moving in a certain economic direction, where large trade blocks are developing and, in 10 years from now, we are going to see the need, in order to be competitive in North America, to be a large coherent, cohesive block. And, at that time, the concept of Québec secession, the concept of Québec spliting away and isolating itself would definitely work against the best economic interest of all Quebeckers. Québec cannot continue to buck the world trend because one day we will realize the only way to be competitive is for us to work together in larger competitive trade blocks.

This referendum is a popular vote. It is not like an election where the most number of seats determines victory. We have to get the federalist

vote out on October 26. Minority communities can play a major role in getting out the federalist vote and that, in itself, can make the numerical difference that brings the results over the top. If the Yes side wins a strong majority in this referendum, it will weaken greatly significance of the Official Opposition, of the separatist cause in Québec, and that should be an aspiration for all those, in Québec and in Canada, who want political, economic stability and security and prosperity for the future.

We must eliminate the threat of secession for the future. We must show the forces of separatism in Québec once and for all that the majority of Quebeckers are not willing to buy what they are trying to sell. We must all work together to keep this country united. If this deal fails, the consequences would not be in Quebeckers' best interest. And everyone has to get out, exercise their democratic right on October 26th to bring a victory to the Yes side. Everyone must get out, get their brothers-in-law, their cousins, their neighbours, their friends to vote in favour of Canadian unity so we can put this debate to rest, so we can put this debate to rest once and for all. Merci, M. le Président.

Motion d'amendement

Je veux, M. le Président, demander le consentement pour déposer un amendement: Que la question référendaire soit amendée en ajoutant, après «1992», les mots «comme alternative à l'éventuelle souveraineté du Québec».

La question se lirait alors ainsi: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992 comme alternative à l'éventuelle souveraineté du Québec?» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de D'Arcy-McGee, vous n'avez pas besoin d'un consentement pour présenter une motion. D'une part, si vous voulez me faire parvenir le texte de la motion... Cette motion d'amendement est maintenant présentée. La présidence se prononcera sur sa recevabilité avant sa mise aux voix.

Le débat se poursuit sur la motion principale et sur cette motion d'amendement. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Nous en sommes à l'étape de la motion proposée par le premier ministre sur la question référendaire, et je cède la parole à M. le député de Montmorency. M. le député, vous avez la parole.

M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Avant de débuter mon allocution, j'aimerais juste apporter quelques petits commentaires sur le député de D'Arcy-McGee, M. le Président. On constate qu'il y a beaucoup d'émotivité dans l'air. Quand un débat est devenu aussi majeur et pragmatique que celui que l'on discute, je pense que l'émoti-vité, M. le Président, n'a pas sa place. Je pense que les discours que la population veut entendre, ce sont des discours où elle veut comprendre ce qui se passe, ce sont des discours où elle veut comprendre ce qui va arriver avec l'économie du Québec, M. le Président. En 1981, on nous taxait de personnes émotives. J'ai l'impression, M. le Président, que plus ça avance et plus les enjeux sont sérieux, c'est eux qui deviennent émotifs, la communauté anglophone. Et le débat économique, quant à moi, n'a pas d'émotivité; c'est un débat rationnel et c'est un débat où la population a le droit de comprendre. Et ça sera dans ce sens-là, M. le Président, que je vais utiliser des minutes aussi importantes pour expliquer aux gens où nous sommes rendus et quel est vraiment l'enjeu qui se dessine devant nous.

M. le Président, on a une question qui va bientôt apparaître au niveau d'un référendum et qui se lit à peu près comme suit: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?» «Sur la base», M. le Président, ça me fait penser au premier ministre Bourassa qui est allé négocier l'entente du 28 août «sur la base» de l'entente du 7 juillet. Et, quand on demande une question comme confirmez-vous qu'on discute sur une base, c'est que la base, M. le Président, peut changer, la base peut être modifiée. La base, ça peut être toutes sortes de choses, M. le Président, ce n'est rien de concret, ce n'est rien de précis, ce n'est rien de stagné dans le temps. Alors, même le premier ministre le disait lui-même: Je vais aller à la table constitutionnelle pour discuter sur la base du 7 juillet. Et il est revenu avec le 7 juillet modifié, à peu de chose près, M. le Président, et c'est ça qu'il nous a donné comme résultat.

Alors, là, on nous demande d'accepter une base. Même pas d'accepter l'entente ferme, précise, juridique, avec un texte juridique précis où on peut dire: Oui, c'est ça, on se prononce: oui ou non. Sur une base, M. le Président. Et ça, je pense que ça mérite d'être cité et ça mérite d'être discuté parce que, au fond, on va nous demander de voter oui ou non sur une base; on ne sait pas encore ce que ça va être et on n'a pas de texte juridique.

À ce moment-là, M. le Président, le gouvernement libéral qu'on a en face se moque de la population. Actuellement, il y a un traité en Europe. Il y a des gens, en France, qui, le 20 septembre, vont se prononcer sur un référendum concernant le traité de Maastricht. Les Français ont un texte juridique actuellement entre les mains. Les Français discutent de leur avenir avec un document officiel. On a permis à la population d'avoir l'information pour se prononcer. Chez nous, les Québécois ne méritent pas ça. Les Québécois n'ont pas le droit de savoir. Les Québécois sont traités, je ne sais pas, comme des

moins que rien. Pourquoi, M. le Président, n'ont-ils pas le droit d'avoir un texte juridique, les Québécois et les Québécoises, pour se prononcer sur leur avenir? Pourquoi se cachent-ils derrière on ne sait trop quoi? On leur demande de se prononcer sur un oui ou un non et on ne sait même pas véritablement c'est quoi les enjeux précis, clairs, M. le Président. Et on vient nous dire que, notre avenir, on va en discuter, mais vous n'avez pas affaire à savoir ce qui va se passer. C'est vraiment honteux qu'un gouvernement libéral, après avoir traité les jeunes libéraux comme il l'a fait, traite ainsi la population du Québec.

M. le Président, dans cette entente du 28 août que, moi, j'appellerais des offres, tout simplement, M. le Président - ce n'est même pas une entente, ça ne mérite pas de porter le nom d'entente; des offres fédérales, point - on n'a même pas abordé, on n'a même pas osé mettre des paramètres pour régler l'union économique. Est-ce que c'est parce qu'on est dans une situation, chez nous, au Québec et au Canada, où il n'y a pas de chômage? C'est pour ça qu'on n'en parle pas? M. le Président, comment se fait-il que l'union économique, qui est la base même du fonctionnement de notre société, ne fasse nullement partie de ces offres-là? Non, M. le Président. On ignore le chômage. Au Canada, au Québec, M. le Président, imaginez-vous, même le gouvernement libéral d'en face considère qu'au Québec il n'y a pas de chômage. Ce n'est pas important. On n'en parlera pas. Il ne faut rien régler dans ce sens-là, aucune mesure incitative.

M. le Président, on ne cesse d'augmenter le chômage au Québec: 1989, 9,3 %; 1990, 10,1 %; 1991, 11,9 %; et là, en 1992, on est rendus à 12,9 %. Ça augmente, le chômage, mais ce n'est pas important. Pourquoi discuter de l'économie? Ce n'est pas important. Pourquoi en parler dans les offres fédérales? Non, mais est-ce qu'ils sont connectés, M. le Président, sur le territoire ou s'ils ne sont pas là? J'ai l'impression que le gouvernement libéral d'en face oublie vraiment les problèmes majeurs que l'on vit chez nous. Il nous présente un texte, même pas un texte juridique, et nous dit: L'union économique, oubliez ça; ce n'est pas important qu'on en parle. Mais les gens trouvent que c'est important, parce qu'il y a des gens qui veulent des emplois et il y a des gens qui veulent savoir ce qui va se passer et il y a des gens qui veulent comprendre pourquoi le gouvernement libéral d'en face ne veut pas s'en préoccuper.

Et, M. le Président, on nous amène une question qui, à toutes fins pratiques, ne porte sur rien, absolument rien, sur une base qui, à toutes fins pratiques, peut changer, peut être modifiée, peut nous revenir sous toutes sortes de formes.

Ça, c'est la situation au Québec, mais le Canada - ce gouvernement libéral là admire le Canada - dans sa gestion, c'est loin d'être des champions. Leur situation économique, le chômage augmente également au Canada. On ne contrôle plus la gestion économique du Canada: 8,1 % en 1990, le chômage. Il est passé à 10,3 % en 1991 et là il atteint 11,6 %. Des chômeurs de plus en plus, la gestion économique est complètement à l'envers et on n'en parle pas dans les offres fédérales. Ce n'est pas important, les chômeurs. Vous n'avez pas d'ouvrage, ce n'est pas grave. Nous, on va discuter d'autres choses, de banalités où on ne va nulle part, qui changent et qui vont changer, qui vont être modifiées, où on ne se retrouve pas, M. le Président. (10 h 50)

Au fédéral, M. le Président - ce gouvernement libéral trouve le système fédéraliste extraordinaire - on va se retrouver avec un déficit encore plus élevé que prévu. On avait prévu un déficit de 27 500 000 000 $. Il va augmenter, M. le Président, le déficit fédéral. Et eux trouvent ça intéressant. Ils perdent le contrôle, et ils le disent, à part ça. Il y a un article de journal où on dit: Le gouvernement canadien perd le contrôle de son déficit; il va être encore plus élevé que prévu.

M. le Président, le gouvernement canadien, quant à moi, ça fait longtemps qu'il a perdu le contrôle de sa gestion des finances publiques. Le 20 février 1990, il annonçait un déficit, pour 1992-1993, de 21 000 000 000 $. C'est ce qu'il annonçait. Il fait une bonne gestion! Dans deux ans, on va avoir un déficit de 21 000 000 000 $. M. le Président, le déficit va être plus élevé que 27 500 000 000 $. On vient de le dire récemment. Ils ont encore perdu le contrôle. Alors, ils se sont trompés seulement de 6 500 000 000 $ et plus. Ce n'est rien! Ce n'est pas grave! 6 500 000 000 $! Imaginez-vous combien de gens on pourrait mettre à l'emploi si on pouvait faire une meilleure gestion, M. le Président.

Et ces gens-là admirent le gouvernement canadien et ils aiment ses offres, M. le Président. Ça n'a pas de bon sens! J'ai l'impression qu'ils sont complètement déconnectés de ce qui se passe sur le territoire. M. le Président, le déficit... Hein! Là, on parle du déficit annuel, mais l'endettement national sera bientôt à près de 500 000 000 000 $, M. le Président. Et ces gens-là trouvent que le gouvernement canadien fait une belle gestion, que le gouvernement canadien règle nos problèmes, que le gouvernement canadien nous fait des belles offres. Non, mais, M. le Président, ça n'a pas de bon sens! Ces gens-là ne sont pas conscients. Ils peuvent bien avoir perdu leur sous-ministre aux Finances. Il ne doit plus rien comprendre de ce qui passe dans ce gouvernement-là, puis il a quitté. Ça doit être la panique générale, au moment où on se parle. Le ministère des Finances au Québec, ça doit être terrible. Attendez de voir le prochain déficit, ça va être de toute beauté. M. Séguin a bien pu quitter, découragé de ce qui se passe à l'intérieur.

M. le Président, la situation économique, c'est important. C'est même ce qui prime dans toute entente constitutionnelle. On n'en parle pas et on doit en parler. On ne réglera rien si on n'en parle pas. M. le Président, on a assisté, à la commission Bélanger-Campeau, à des dépôts de mémoires extraordinaires qui sont venus dire pourquoi on devrait tendre vers la souveraineté du Québec. Les chambres de commerce du Québec sont venues déposer un mémoire qui, quant à moi, est un document de travail auquel on devrait, tout le monde, se référer, en discuter largement, où on a identifié les problèmes, où on a dit à quelle place on devait corriger les situations. On a même cité le gros problème des chevauchements. La situation économique catastrophique du Canada est attribuable aux chevauchements. Est-ce que c'est clair? Il me semble qu'on le crie, qu'on en parle, qu'on en discute depuis deux ou trois ans. Les chevauchements, vous savez ce que ça veut dire? Deux ministères, un à Ottawa et un à Québec, dans le même domaine. C'est ça que ça veut dire.

Les chambres de commerce du Québec ont décrié ça à outrance dans un mémoire. Elles ont dit: Oui, c'est vrai, deux ministères, c'est trop. On ne peut pas avoir deux ministères de l'Éducation, un à Ottawa et un à Québec. Ça coûte trop cher. On ne peut pas en avoir deux dans la culture. On ne peut pas en avoir deux dans la science, dans la technologie, dans la justice, dans l'immigration, dans le travail, dans la main-d'oeuvre, dans le revenu. 23 ministères, pas 1, 23! M. le Président, 23 ministères où on dit: Le problème, le noeud économique, il est là. Il faut arrêter de payer en double; les gens sont tannés d'être surtaxés. Ça a été dit et redit. Les gens ont même fait une révolte fiscale, entre guillemets, M. le Président. Et on nous amène des offres fédérales sans régler le problème économique. Ce n'est pas sérieux, M. le Président! C'est désastreux, c'est honteux de faire partie d'un gouvernement qui va présenter une question à la population sans avoir donné le texte juridique et sans vraiment régler les problèmes dans lesquels on est plongés depuis maintenant au moins trois ans, dans une récession qui est en train de tourner en dépression.

M. le Président, l'aspect économique, c'est super-important. Ces gens-là devraient comprendre que les chambres de commerce du Québec doivent sûrement comprendre quelque chose dans le système. Elles l'ont décrié. Elles ont dit: II y a deux façons de régler ça, c'est soit un changement en profondeur du système fédéraliste ou la souveraineté du Québec. Il n'y a pas trois alternatives, il y en a deux: un changement en profondeur du système fédéraliste ou on fait la souveraineté du Québec.

Actuellement, M. le Président, on nous présente des offres où il n'y a rien qui s'est passé. On est au même point qu'il y a 30 ans avec M. Lesage quand il disait: «Maîtres chez nous». On va se retrouver dans la même situation, M. le Président. On n'a rien, rien gagné, et puis on est encore pris avec nos dédoublements administratifs incroyables qui font en sorte que la gestion économique est rendue impossible, où Ottawa fait des déficits à outrance, incontrôlés et où tout le monde ne se comprend plus, M. le Président.

Même les jeunes libéraux, M. le Président, leur avaient dit, à ce gouvernement libéral là, c'était quoi le problème. Ils souhaitaient avoir une saine gestion. C'est de leur avenir qu'on discute, M. le Président, à ces jeunes-là, de l'avenir des jeunes qui demandent une saine gestion. Et ceux qui n'ont plus d'avenir devant eux ont décidé que ce n'était pas important, une saine gestion, M. le Président. C'est ça, ce gouvernement libéral là, des gens qui n'ont plus d'avenir, qui décident de l'avenir des jeunes et puis qui disent: Une saine gestion, on n'en veut pas. M. le Président, c'est ça que ça vient dire.

Les chiffres, l'économie est claire, les résultats sont flagrants, tout est là, M. le Président, comme 2 et 2 font 4. Non, ce n'est pas important, l'économie. On n'en parlera pas, de l'économie. Ce n'est pas grave. C'est là qu'on va faire mal aux Québécois avec l'économie, puis c'est là qu'on va leur tordre la vis encore plus. C'est là qu'on va les surtaxer davantage, M. le Président. C'est ça que ça va donner comme résultat.

Les chambres de commerce du Québec, quand elles ont présenté leur mémoire à la commission Bélanger-Campeau, M. le Président, c'a été le mémoire qui a fait la une partout. Même le rapport Allaire du gouvernement libéral s'en est inspiré pour faire le programme du Parti libéral. Tout le monde, on était tous d'accord pour dire qu'il fallait passer à une saine gestion administrative, qu'il fallait arrêter les enchevêtrements et les dédoublements, M. le Président.

Mais non, on nous revient, M. le Président, à la dernière minute, un gouvernement qui a mal géré son temps, un gouvernement qui est pris de panique, qui nous dit: Non, non, non, la souveraineté ce n'est pas ça qu'on va faire; on va y aller sur des offres fédérales qui n'en sont pas, des offres. On ne nous offre rien, M. le Président, et on ne parle même pas de l'économie. Puis, après ça, on va venir nous dire ici, que de ce côté de la Chambre on n'est pas des pragmatiques, puis des gens qui voient clair, puis des gens qui regardent ce qui se passe.

M. le Président, c'est ahurissant de voir ce gouvernement-là. C'est ahurissant de voir ça, c'est décourageant. Et je me mets à la place des jeunes au Québec, ils doivent se dire: Ça n'a pas de bon sens! Qu'est-ce qu'ils attendent pour débarquer, ces gens-là. Ils n'ont plus de courage, M. le Président. Ils n'ont même plus le courage de l'orientation qu'avait leur parti. Des gens qui s'écrasent, des gens qui n'ont pas envie de

foncer, des gens qui n'ont pas d'espoir, M. le Président.

Il y en a qui veulent avoir de l'espoir au Québec. Et ces gens-là, M. le Président, n'en ont aucun espoir. Ils ne veulent absolument pas orienter la société québécoise pour qu'enfin on puisse penser un jour que ça fonctionne mieux chez nous. On s'écrase! Un gouvernement libéral qui s'écrase, M. le Président.

M. le Président, je vous le dis, c'est renversant. On vous dit, M. le Président, que ce qui va régler le problème des chevauchements, des dédoublements, c'est d'éliminer ces problèmes-là pour qu'on arrive à une saine gestion des finances publiques. Ces gens-là disent: II n'est pas question qu'on touche à ça parce que, au fond, ce n'est pas ça qui est notre problème. Ils n'écoutent pas la population. Ils n'écoutent pas les mémoires. Ils n'écoutent pas les chambres de commerce du Québec. Et là, ils nous reviennent avec des offres, M. le Président, où la solution miracle, c'est de faire en sorte que les dédoublements, on les multiplie.

Imaginez-vous, M. le Président, qu'est-ce qu'on est en train de faire aux Québécois et aux Québécoises. On est en train de leur dire qu'au fond là on livre tout à Ottawa, le pouvoir décisionnel, et puis on va leur donner nos impôts pour qu'ils nous étouffent davantage dans les règles administratives. Pour qu'ils nous étouffent davantage. Et je ne parle pas à travers mon chapeau. Puis les gens qui nous écoutent, M. le Président, vont comprendre que la TVQ et la TPS, c'est l'exemple parfait où actuellement on est tous dans un fouillis administratif extraordinaire, où actuellement on se retrouve dans une application d'entente administrative où les gens sont complètement perdus. Et la solution de ce gouvernement libéral là, M. le Président, c'est de multiplier ça à outrance. Non, mais ce n'est pas sérieux! Puis ils pensent qu'ils vont régler le problème des finances publiques, puis des déficits, puis de l'endettement à faire des dédoublements additionnels, M. le Président. On leur a dit qu'il fallait que ça arrête; ils continuent. Puis, non seulement ils continuent, mais ils se cachent, ils n'en parlent même pas dans les offres, du règlement de l'économie, des ententes économiques. On n'en parle pas, ce n'est pas important. M. le Président, c'est majeur! Majeur! Et ces gens-là, il faut qu'ils comprennent que la situation économique a assez duré, qu'il faut qu'elle soit rétablie et qu'on retrouve une saine gestion. (11 heures)

M. le Président, au niveau de la TPS et de la TVQ, je suis sûr que les gens qui nous écoutent comprennent qu'en principe un produit, c'est taxable ou c'est non taxable. Pour vous montrer l'absurdité des ententes administratives, où ça peut devenir tellement complexe. Alors, tout le monde s'entend pour dire: Ça, c'est taxable ou, ça, c'est non taxable. Mais ces lois- là, M. le Président, c'est magnifique. Vous avez des produits taxables, des produits non taxables et, là, on fait des petites nuances: exonérés, détaxés. Alors, M. le Président, pour les gens, exonérés, détaxés ou non taxables, c'est compliqué. Non seulement ça, mais ce n'est pas les mêmes mécaniques. Au fédéral, ils ont seulement des taxables, des exonérés et des détaxés. Au Québec, ils ont ajouté, eux autres, des taxables, des non taxables, des exonérés et des détaxés. Ils ont dit: Ce n'est pas assez compliqué; vu qu'on a fait trois catégories de non taxables, on va faire des catégories de taux d'imposition. Les taxables, on va mettre du 4 %, on va mettre du 7 % et on va mettre du 8 %, histoire de mêler le monde un peu plus, puis ajoutons à ça la taxe sur la taxe pour donner du 4,28 % ou du 15,56 %. M. le Président, c'est ce qu'on nous offre comme avenir! Ces gens-là, ils rient des gens. Ils ne se sont pas souciés de l'économie. Ils jouent à l'autruche. Ça n'a aucun bon sens. Ça s'est traduit, ces chevauchements qu'ils ne veulent pas corriger, par la surtaxation. On a une série de surtaxation parce qu'on paie des chevauchements que les gens sont tannés de payer et que vous ne voulez pas régler. Vous avez eu la TPS, vous avez eu la TVQ, vous avez eu la réforme municipale où vous avez pelleté dans la cour du voisin, sur la taxation. Vous avez eu également les billets de spectacles, bien sûr, dans l'harmonisation. Vous êtes les champions de l'augmentation de la taxe sur l'essence au Canada, le gouvernement libéral d'en face. C'est les champions. Les tarifs d'Hydro-Québec, il faut s'en souvenir. Les gens ont eu des augmentations de 2 à 3 points au-dessus du taux d'inflation. C'est des taxes déguisées. Vous leur proposez une question pour augmenter ces taxes déguisées. C'est honteux, M. le Président! Le gouvernement libéral, c'est honteux, la stratégie qu'il utilise actuellement pour surtaxer la population.

J'écoutais le député de D'Arcy-McGee, tantôt, dans son émotion, dire: Écoutez, vous ne pouvez pas voter oui ou non... C'est un débat rationnel, c'est un débat économique, et c'est ça que les gens vont comprendre. Ils vont comprendre qu'on ne peut pas accepter des offres qui ne règlent rien sur l'aspect économique. On est dans des problèmes majeurs. Je pense que tout ce débat-là actuellement, à toutes fins pratiques, nous présente une question pour s'embourber dans les règles administratives, pour augmenter les chevauchements, pour augmenter les déficits, pour augmenter les impôts... Je dois vous dire que tout ce qu'ils nous demandent par cette question, c'est de dire oui, pour envoyer plus d'argent à Ottawa, pour qu'ils viennent nous compliquer la vie davantage. M. le Président, je pense que la personne qui, quant à moi, a résumé tout ce beau débat après le 7 juillet, c'est l'éditorialiste Lise Bissonnette qui a dit: Non, non, M. le Président, aux ententes et aux offres fédérales. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par M. le premier ministre. Je reconnais M. l'adjoint parlementaire au ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Nelligan. M. le député, la parole est à vous.

M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Je me lève aujourd'hui, profondément touché par l'importance du débat que nous sommes en train de faire, le débat sur l'entente de Charlottetown. Nous allons avoir la chance de discuter ça pendant 50 jours certainement, et j'espère qu'on pourra mettre les faits sur la table. C'est certainement le débat le plus important de ma carrière politique, et je pense que je ne suis pas le seul comme ça. Mais, avant de discuter du contenu de cette entente, M. le Président, je voudrais vous mettre un peu dans le contexte réel. Juste de l'autre côté du chemin, ici, nous avons un symposium mondial sur la démocratie. Il y a des représentants de plusieurs pays de partout dans le monde. C'est le 200e anniversaire de la démocratie au Québec. On discute des choses dans le respect mutuel: un débat bien civilisé et dans les règles démocratiques. Ce n'est pas le cas de tous les pays du monde. Je pense qu'on doit prendre note de ça parce qu'au Canada on respecte la démocratie et, au Québec, on respecte la démocratie. On peut avoir ce type de débat ici, bien civilisé. M. le Président, je pense qu'on prend ça un peu trop pour acquis, trop souvent.

Je le ferai aussi à un niveau personnel. Je suis privilégié d'être un des 125 députés qui peuvent essayer de trouver une solution pour le Québec et le Canada, une solution fédéraliste. Je représente un comté qui a voté dans une forte majorité pour le renouvellement de notre pays - c'est le comté de Nelligan - et je suis très heureux qu'on donne la même chance à tous les Québécois de s'exprimer sur cette question très importante. Je pense aussi à ma famille. Je pense a mon grand-père qui a vécu deux guerres mondiales. Je pense à mes enfants quand on prend des décisions aussi importantes, puisque les décisions que nous allons prendre vont toucher tout le peuple, vont toucher l'avenir de mes enfants, de vos enfants et de leurs enfants. Cette entente de Charlottetown donne une chance, donne un espoir, un avenir stable, pas comme l'autre choix où ça va être complètement l'inconnu.

Finalement, M. le Président, je voudrais réfléchir un peu sur la question elle-même et les mécanismes dont nous sommes en train de discuter. C'est un bon compromis canadien. Il y a une question pancanadienne, il y a un référendum pancanadien, mais nous avons des règles québécoises. Il n'y a pas beaucoup de pays qui peuvent avoir ce compromis, et n'oubliez pas, s'il vous plaît, que le reste du pays a respecté les dates limites que nous avons imposées; il a respecté l'échéancier de la loi 150 et de la commission Bélanger-Campeau. Il a fait ça aussi à l'unanimité. Ce n'est pas non significatif qu'on puisse trouver des compromis politiques comme ça. C'est la façon, M. le Président, dont nous avons bâti notre beau pays.

M. le Président, je peux cibler mes remarques sur la démagogie de l'autre côté de la Chambre, sur le manque de vision, sur le manque de vrais plans - où sont leurs plans? - et sur le manque de crédibilité du PQ dans ce dossier. Ils sont des dinosaures. Je pense que plusieurs d'entre eux utilisent le même discours qu'en 1980. Je me demande où est la viande? Franchement, j'espère qu'on peut avoir plus de faits dans les débats. Mais je ne veux pas gaspiller mon temps dans un débat de sourds; je préfère discuter de l'entente. Je ne pourrai pas être contre cette entente. Ça répond aux besoins du Québec et du Canada. Ça offre la stabilité, le partenariat et la protection de notre langue et de notre culture. Ça respecte avec fidélité la commission Bélanger-Campeau.

C'est vrai, M. le Président, qu'il y a deux visions. On propose notre vision qui est stable, qui est claire. De l'autre côté de la Chambre, vu que nous avons les yeux bandés, on saute dans l'inconnu. Je suis fier de notre premier ministre qui a gagné pour le Québec des points importants pour notre avenir, pour protéger les droits historiques du Québec. M. le Président, je ne suis pas avocat, je ne suis pas constitution-naliste, mais j'ai écouté les gens de mon comté, j'ai écouté quand j'étais membre de la commission Bélanger-Campeau et, durant ma courte période d'adjoint parlementaire au ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, j'en ai écouté plusieurs autres sur cette question; et j'ai entendu plusieurs choses que je retrouve dans l'entente de Charlottetown.

J'ai entendu que les Québécois ont cherché le respect - c'est ça que l'on donne - avec unanimité. Il y a le respect pour notre société distincte; il y a la reconnaissance de qui nous sommes. J'ai entendu qu'ils recherchent la stabilité, et c'est ça qu'on retrouve dans l'entente aussi: les 25 % des députés de la Chambre des communes, l'union sociale et économique, le moins de duplication et la protection de la double majorité. Aussi, ils ont demandé la protection, des droits et on retrouve ça dans les veto, dans l'accord sur la société distincte et aussi par la nomination de trois juges qui protège le Québec dans des instances très importantes. Il y a certainement une solidarité québécoise qu'on retrouve dans cette entente, il y a aussi le «partnership», le partenariat avec le reste du Canada. Je sais que l'autre côté de la Chambre ne veut rien savoir de ça, mais le reste de la population québécoise veut avoir des ententes et

un partenariat avec le reste du Canada. (11 h 10)

II y a aussi une ouverture d'esprit. On parle de minorités. Nous sommes fiers de tous les Québécois ici. La communauté d'expression anglaise, on la retrouve dans l'entente. On retrouve les communautés culturelles et, oui, M. le Président, on retrouve les besoins des autochtones. Aussi, M. le Président, j'ai entendu, quand j'ai écouté la population de mon comté, qu'elle veut avoir plus de pouvoirs qui touchent la vie quotidienne du peuple québécois. Vous retrouvez, dans cette entente, ces pouvoirs; il y a certainement des ajouts dont on discute, les mines, les forêts, les affaires municipales, la culture et les communications, dont on peut continuer à discuter. N'oubliez pas que nous avons déjà la santé et l'éducation qui touchent la vie quotidienne du peuple québécois. Mais on trouve plus dans l'entente. Avec les nouvelles règles, on peut avoir les changements, dans l'avenir, évolutifs avec la règle du 7-50. Nous n'avons pas besoin de cette crise constitutionnelle comme nous avons maintenant. On peut trouver les solutions à nos besoins dans l'avenir.

Je suis très excité. Je veux répondre aux choses que j'ai entendues au Québec, je veux répondre à plusieurs personnes qui, peut-être, veulent plus que je veux, mais je veux répondre aussi dans les paramètres canadiens. Je pense qu'on peut être très fiers de l'entente que nous avons, et, comme je l'ai mentionné avant, je suis beaucoup plus à l'aise devant quelque chose de stable, de concret comme ça, que d'avoir des promesses en l'air sans aucun détail sur l'indépendance de Québec. Pourquoi ne pas embrasser cette entente? Je pense, avec mon interprétation, que nous avons trouvé les réponses aux besoins des Québécois et Québécoises. Mais pourquoi ne pas embrasser cette entente? Il y a juste une seule raison: parce qu'ils veulent avoir la séparation du Québec à tout prix. Il n'y a pas d'autre raison pour ça. Ils veulent sauter dans l'inconnu. Au moins, il y a une vision bien claire dans cette entente: c'est notre vision. Ça respecte les minorités, ça respecte la diversité du Québec. Je vais certainement encourager toute la population à voter pour cette question. La question est claire et simple.

Peut-être que le Parti québécois va essayer de «confuser»: un non, ce n'est pas un non, mais le non, ça va peut-être être vu comme appuyer le statu quo, là - je serais surpris - peut-être être vu comme commencer à voir les autres négociations avec le Canada - bon, peut-être qu'ils ont lâché le principe un de leur parti, tant mieux, mais je pense que ce n'est pas le cas, ou il veut avoir l'indépendance du Québec. Je pense qu'il doit avoir le courage de dire ça devant la population. Il y a une entente qui est claire, qui est stable, les personnes peuvent savoir ce qu'il y a dedans, ou il peut y avoir des promesses en l'air.

M. le Président, maintenant, nous avons une vision claire. Nous avons une question claire. Je sais, le PQ n'aime pas les questions claires, il aime jouer avec les mots. Mais je pense que le peuple québécois mérite mieux que ça. Pendant les prochaines journées, les prochaines semaines, nous allons mettre tous les faits sur la table. J'espère que le peuple québécois va choisir, j'ai confiance qu'il va choisir l'avenir et qu'il va choisir le oui.

Clearly, there are issues in this entente that respond to all people, to all communities. It is important that we make sure that the facts are put on the table. There are balances for the issues of the French-speaking community of Québec, there are issues for the English-speaking minority, the cultural communities are included and the Native community issues are included.

I know, the other side, the Parti québécois always tries to say: You have to loose for the other side to win. I do not believe in that, I have never believed in that. I think you can, and you have seen this in the entente, that you can protect the vitality of the culture of the French language at the same time of protecting the English-speaking minority of Québec. It is there in the entente. But I also believe, and that is why I ran for this office and that is why I am here in the Assemblée nationale, that you work through these issues in the Province of Québec. You do not find the solutions in Ottawa. You do not look for the solutions in our courts. We work them through the political will here. And with that, I think you have a chance in this entente and I think we can be excited about it.

I heard the Member from D'Arcy-McGee talk, and he says that he is going to support the deal. I certainly hope he makes copies of his speech and he gives this to his party because I read it, I read the press clippings, and they are not at all necessarily following him. I certainly am glad that the Deputy from NDG has convinced him to vote yes. I think it is important that we have the total federalist vote out. I see there is a quote of Peter Blaikie in the paper today: «Sovereignty is a dead-end street for Québec, it is certainly a dead-end street for the English-speaking community. It would better be clear. We would better make sure that we tell people that, and it is clear that a No vote is a vote for the independence of Québec, and let us make sure that we can get the population out in total unison to make sure that we can balance out the other side of this vote.

I believe in this entente, Mr. President. I think it responds to the real issues of Québec in terms of division of power; reduces duplication; it has the proper protection of Québec in the Chambre des communes and full respect for the cultural and linguistic reality of this province. I am going to actively go out and sell this in my county. I am going to make sure that the people of Québec know the facts about this. I sincerely

hope that all will embrace this entente because it is the vision of the future that is clear, that is stable and is based on hope and clear understanding that the people of Québec are not fighting the battles of the 1950s or the 1960s or the 1970s. There is a new vision that our communities cannot be divided. I know that the PQ and the Equality people like to divide linguistic communities. There is a vision, a joint vision that we share. I think all Quebeckers can be proud of this.

I think we also have a responsibility, Mr. President, to go out and tell the rest of Canada that this is a deal the Quebeckers are prepared to accept. We will pass it on October 26th. Hopefully, very quickly after that, all Legislative Assemblies will pass it. We renew our country in a way that we can be very proud. We build for the future and we can then start debating other issues that affect the days and the lives of the people of Québec.

Merci, M. le Président. Je suis très fier de cette entente. Je donne mon engagement complet pour le parti du oui à cette entente et j'espère qu'une forte majorité du peuple québécois va appuyer la question pour le oui. Merci beaucoup, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Nelligan. Je vous rappelle que nous sommes à débattre de la motion de M. le premier ministre visant l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une consultation populaire portant sur un nouveau partenariat de nature constitutionnelle. Je reconnais maintenant, pour une période maximale de 20 minutes, M. le député de Rousseau.

M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci beaucoup, M. le Président, ainsi que tous mes collègues. Comme tous mes collègues, je suis très fier de prendre la parole sur ce projet de loi tout à fait exceptionnel. Mais mes premiers mots iront pour féliciter mon collègue de Nelligan qui démontre très bien jusqu'à quel point l'intégration d'une communauté minoritaire au Québec peut se faire. Je pense que notre collègue de Nelligan est un très bon témoignage. Ça fait que je le félicite.

Une voix: Excellent! C'est vrai, ça.

M. Thérien: M. le Président, je voudrais surtout m'adresser à cette Chambre, mais particulièrement à mes citoyens du comté de Rousseau, mes collègues - et, malheureusement, je sais que l'Opposition, peu importent les discours qu'ils écouteront durant le débat, leur idée est faite. Ils sont contre. Ils sont contre tout progrès. M. le Président, ils étaient contre la loi 150, ils étaient contre le lac Meech, pour ensuite être pour la loi 150, pour le lac Meech et, présentement, ils sont contre les propositions de l'entente. Donc, je préfère m'adresser à mes citoyens, à mes collègues, pour leur dire jusqu'à quel point cette entente qui a été négociée le 28 août est historique et démontre des progrès tout à fait concrets et perceptibles, contrairement à des solutions qui nous plongeraient dans l'incertitude.

En fait, ce que les citoyens veulent savoir et, en particulier, mes citoyens, qu'ils soient agriculteurs ou qu'ils soient hommes d'affaires ou dans le monde du tourisme, ces gens-là veulent savoir qu'est-ce qui va se passer demain matin si on dit oui et qu'est-ce qui va se passer si on dit non. C'est ça que j'aimerais entendre de l'autre côté lorsque les gens disent: On est pour le non. Ça va donner quoi aux Québécois? C'est ça qu'on n'entend pas. On entend de la politicail-lerie. Nous, on dit: On va dire oui pour les raisons suivantes: pour l'entente qui a été définie, expliquée. Et c'est ça qui est important, M. le Président.

La question qu'il faut se poser, de toute façon, qu'on dise oui, qu'on dise non, il faut négocier avec les partenaires canadiens. Donc, le choix qu'on propose, M. le Président, c'est de négocier ou de continuer nos négociations avec nos partenaires canadiens à l'intérieur de la Fédération. Ce que les gens d'en face nous proposent, c'est de négocier à l'extérieur de la Fédération. Ce que j'aimerais savoir, ce qu'ils sont incapables de définir, qu'est-ce que ça va donner de plus de négocier à l'extérieur de la Fédération? Est-ce qu'ils vont obtenir plus à l'extérieur qu'à l'intérieur? C'est ça, la question que les citoyens du comté de Rousseau et que les citoyens du Québec se posent. (11 h 20)

Et nous, on dit qu'on a tout avantage à négocier, à l'intérieur de la Fédération, à titre de partenaires, comme une compagnie qui a plusieurs filiales. Eux décident, au lieu d'améliorer la compagnie, que la filiale se détache et vole de ses propres ailes, avec l'incertitude de l'incapacité financière. J'écoutais le député de Montmorency, tantôt, qui nous parlait de la fiscalité, mais il ne nous a pas dit comment pourrait être améliorée la fiscalité, absolument pas. On a eu des témoignages lors d'auditions au niveau de la commission sur la souveraineté, qui nous disaient qu'il va y avoir des coûts à ça, et c'est ça qu'on dit aux Canadiens.

Mais ce qui est exceptionnel dans l'entente, M. le Président, c'est que cette entente vise et a la certitude d'avoir des mesures de sécurité et de développement pour protéger l'avenir des Québécois. C'est ça qu'on leur dit. Moi, je vais dire à mes citoyens: On est protégés. Quand on parle de société distincte, de plus en plus, jour après jour, on s'aperçoit qu'il y a des gens qui nous disent que la société distincte, la langue fran-

çaise est de plus en plus protégée, la culture du Québec est de plus en plus protégée, et c'est indéniable. On a des spécialistes qui passent. Le juge Deschênes, ce matin, dans La Presse nous donne jusqu'à quel point la société distincte est protégée. On peut trouver toutes sortes d'autres raisons, mais la réalité est là. Ces mesures de sécurité et de développement sont nécessaires au Canada pour se développer parce que, en tout temps et en toute situation, nous allons avoir des partenaires avec qui il va falloir négocier. Est-ce qu'on va négocier en tant que partenaires ou si on va négocier en tant qu'adversaires? C'est ça qu'il faut se poser comme question. Nos citoyens sont inquiets et ils ont raison d'être inquiets, parce que ça va être une décision importante, le 26 octobre. Je suis d'accord avec certains députés pour dire qu'il faut arrêter d'être émotifs, mais il faut être explicatifs. Il ne faut pas être «politicailleux» non plus, et surtout pas démagogues. Et ça, je pense que c'est fort important.

Quand on parle de la nomination de trois juges à la Cour suprême, on sait quelle importance a la Cour suprême du Canada. On sait jusqu'à quel point c'est important: 33 % de la représentation. Et ça, M. le Président, c'est indéniable, qu'on démarque l'importance du Québec à l'intérieur du Canada. C'est inscrit comme un pouvoir garanti, M. le Président.

Les gens d'en face me font penser à une espèce de gens qui travaillent dans une compagnie, qui sont bien, qui veulent améliorer leur situation de travail, mais dont le chef syndical décide de partir avec la compagnie. C'est un peu ça, la situation; la situation est simple. Les citoyens et citoyennes du Québec veulent améliorer leur bien-être, mais ils veulent avoir aussi une garantie sur leur avenir. Et ça, c'est fort important.

Au niveau du Sénat, M. le Président, oui, il y a une modification importante. Les gens d'en face, combien de fois, ont ridiculisé le Sénat. Aujourd'hui, on y attache une importance presque démesurée. La seule égalité qu'il y a, M. le Président, quand on parlait du triple «e», c'est l'égalité numérique. Pour le reste, on a gagné la sécurité d'avoir 25 %, et même plus maintenant, mais à vie, pour l'avenir. Parce que pour la politique d'une province, d'un pays, ce n'est pas une question de 5 ans, de 10 ans, de 20 ans, c'est une question de génération en génération. On sait aussi que le Sénat va avoir un pouvoir de veto suspensif; donc, l'importance va être sur les parlementaires canadiens, avec une augmentation de la représentation au Québec. Et ça, c'est important, c'est une entente connue. Ce n'est pas de l'inconnu, ça, M. le Président, et ça n'affecte en rien les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Au contraire, il y a un pouvoir accru de l'Assemblée nationale à l'effet que c'est l'Assemblée nationale qui va nommer les sénateurs.

Donc, M. le Président, lorsqu'on veut parler d'entente... Même le chef de l'Opposition disait hier, sur le bout des lèvres, qu'il y avait des progrès avec un qualificatif que je ne considère pas à propos. Mais je pense que les citoyens du Québec, et en particulier ceux du comté de Rousseau, vont être en mesure de constater que l'entente est connue. On va l'expliquer. Elle est réelle. Elle est pratique, contrairement à l'incertitude d'un non. Voter non, M. le Président, c'est: demain matin, on recommence à négocier; on recommence à penser peut-être à un autre référendum et peut-être encore à diviser les Québécois. C'est pour ça - M. le Président, vous m'indiquez qu'il me reste peu de temps - que je pense que les citoyens du Québec, et en particulier, comme je vous le disais, les citoyens du comté de Rousseau, vont voter pour une entente qu'ils connaissent. Ça, je les invite fortement à le faire, parce qu'on a du connu, on a de la réalité et, ça, je pense que c'est fort important.

Donc, c'est avec grand plaisir que je vais appuyer la campagne du oui, que je vais adhérer au parapluie du oui pour défendre la position du Québec a l'intérieur du Canada.

Des voix: Bravo! Très bien.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Rousseau. Je tiens à vous indiquer, M. le député, que vous pouviez, tel que je l'ai mentionné tout à l'heure, intervenir pour une période de 20 minutes, sauf qu'on m'a indiqué que vous vouliez vous limiter à 10 minutes. C'est pour ça que je vous ai indiqué à 9 minutes qu'il vous restait 1 minute. Alors, M. le député d'Ungava, vous avez droit, tel que je viens de le mentionner, à une période maximale de 20 minutes.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. Avec ce qu'il a dit, M. le Président, je comprends que le député de Rousseau n'en avait pas plus que pour 10 minutes. D'ailleurs, c'est avec intérêt que j'ai écouté les discours depuis hier soir, puis il y a une constante dans ces discours-là: on dénonce le Parti québécois, on nous accuse d'être souverainistes, ce que tout le monde sait au Québec depuis la fondation du parti, il y a 24 ans maintenant. Donc, on n'a rien dit quand on a dit ça, du côté du gouvernement, et on nous parle d'incohérence.

M. le Président, on a une question. On discute ici d'une question référendaire qui porte sur des offres ou sur des propositions d'offres qui sont faites par le gouvernement fédéral et l'ensemble des gouvernements des provinces canadiennes au Québec. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement qui devrait défendre ces offres s'acharne à vouloir discréditer l'Opposition. D'ailleurs, je ferai remarquer, quand on parle de cohérence et de suivi, que le député de Rous-

seau, en 1980, était dans le camp du oui, pour la souveraineté du Québec. Il était candidat...

Une voix: Non, pour la négociation.

M. Claveau: II était candidat à la convention du Parti québécois dans Rousseau en 1981 et, en 1985, comme le vent avait tourné et qu'il trouvait plus opportuniste de se présenter au Parti libéral, il est allé au Parti libéral du Québec. Alors, qu'on ne vienne pas nous faire la morale sur la cohérence, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît!

M. Claveau: Ceci étant dit... Je crois que je suis encore dans mon droit de parole. Oui, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, allez-y, allez-y!

M. Claveau: Bon!

Une voix: Vas-y, Christian!

M. Claveau: Ceci étant dit, M. le Président, je voudrais parler plus spécifiquement de quelques articles dans la proposition d'entente qu'on a sur la table, soit les articles 36 sur le développement régional, 30 et 31 sur la forêt, les mines, etc. Je pense que c'est important d'en parler, de ces dossiers-là. C'est des dossiers qui touchent les régions du Québec. On sait comment ça va mal actuellement dans les domaines forestier et minier, pour l'essentiel des dossiers de ressources au Québec, pour les régions ressources. Ce que l'on retrouve, M. le Président, très succinctement, dans cette entente-là, c'est que le gouvernement nous dit... Et on utilise comme référence l'article 30 de la proposition qui va s'appliquer après dans les autres domaines, aux niveaux forêt, mines, tourisme, logement, loisir, etc. Le gouvernement nous dit donc, à l'article 30 de la proposition qu'on a sur la table, qu'il va constitutionnaliser les interventions du fédéral dans des domaines qui sont déjà de compétence provinciale. Depuis 1867, il a toujours été reconnu que les ressources sont de compétence exclusive des provinces. (11 h 30)

Le gouvernement fédéral, au fil des ans, s'est ingéré là-dedans. D'ailleurs, il a toujours voulu se mêler un peu de ces affaires-là et, finalement, depuis le début des années soixante-dix, disons qu'il a réussi à s'en mêler beaucoup plus qu'auparavant. Il a fini par s'infiltrer partout de façon à imposer ses vues dans la gestion des ressources des provinces. Maintenant que ça va mal partout, maintenant qu'il est mal pris, maintenant qu'il ne sait plus quoi faire avec les engagements qu'il a pris là-dedans, là, il dit:

Je vais me retirer, je vais éventuellement en donner la compétence exclusive aux provinces, je vais leur faire accroire que je leur donne, parce qu'elles l'ont déjà, mais je vais institutionnaliser le fait que je peux rester présent là-dedans, M. le Président. C'est ça que l'on a dans ce texte-là concernant les forêts, les mines, le tourisme, le logement, les loisirs, les affaires municipales et le développement régional, soit dit en passant, qui s'ajoute à ça.

On institutionnalise, on constitutionnalise le fait que le gouvernement fédéral a le droit, dorénavant, d'intervenir dans ces domaines, à moins qu'il y ait une entente administrative de signée entre ledit gouvernement fédéral et les provinces intéressées pour qu'il y ait un retrait, enfin que l'on négocie, sur la base d'une entente administrative, le retrait du fédéral de ces secteurs-là, ce qui permettrait aux provinces d'en prendre la compétence exclusive. C'est ça que le texte dit, M. le Président.

Et ça va plus loin que ça. Le texte dit aussi: La question du service à fournir au public dans les deux langues officielles devrait aussi être considérée comme un élément possible de ces ententes. M. le Président, on a beau nous dire que la clause «nonobstant» reste dans la Constitution, on a beau nous dire que la loi 101 est protégée mur à mur par la proposition d'entente qu'on a sur la table, il y a des choses qui sont écrites. C'est clair que, dans les ententes administratives dont il est question pour transférer une gestion exclusive des forêts, des mines, du tourisme, etc., aux provinces, la question du service dans les deux langues officielles canadiennes, donc, la loi sur les langues officielles canadiennes, qui s'applique, devrait être considérée comme un élément possible à ces ententes.

On nous dit, et j'en discutais avec quelques députés libéraux qui disaient: Ouais, mais vous savez, le «devrait» c'est un conditionnel, ce n'est pas évident que ça va être ça. Je leur ferai remarquer, M. le Président, que l'ensemble du texte est au conditionnel: «II conviendrait que les forêts soient reconnues comme une sphère de compétence provinciale exclusive au moyen d'une modification explicite de la Constitution». Le «il conviendrait» en tout début de texte est tout aussi bien un conditionnel que le «devrait s'appliquer» quand on parle des langues officielles. Donc, si le «devrait» n'a pas de valeur juridique quand on parie de l'application des langues officielles, je suis obligé d'en conclure, M. le Président, que le «il conviendrait» au niveau de l'ensemble du texte, n'a pas plus de valeur juridique. Et là je rejoins les propos de mon collègue de Montmorency qui parlait de la question qui dit: négocier ou modifier la Constitution sur la base de l'entente de. Le «sur la base», ça devient du précaire, ça devient du possible, mais il n'y a rien qui dit que ça va être ça. Alors, qu'on n'essaie pas de nous en

passer, M. le Président. Si «devrait», quand on parle des langues officielles, est une hypothèse, je suis obligé de conclure que, comme on utilise le même temps de verbe au niveau du générique du chapitre, quand on dit «il conviendrait», c'est aussi une hypothèse de travail, M. le Président. Ah bien, non, on ne devrait pas utiliser les mêmes temps pour les verbes. Si ça veut dire une chose à une place, ça veut dire la même chose ailleurs, dans le même texte, dans le même paragraphe, voyons donc!

Donc, M. le Président, je suis obligé de conclure que ces ententes-là vont se faire uniquement si le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, entre autres, s'entendent quant à l'utilisation des langues officielles canadiennes dans la gestion exclusive du Québec en matière de forêts, de mines, etc. La loi 101, oui, elle est peut-être protégée, la clause «nonobstant» existe peut-être, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas signé lesdites ententes. C'est sûr que si on décide de renoncer à nos droits exclusifs sur les mines, sur la forêt, sur le logement, sur les loisirs, là, on peut dire: O.K., je n'ai rien signé qui m'engage à utiliser les langues officielles. Je n'ai pas signé d'entente, je ne demande pas d'exclusivité d'intervention comme province là-dedans. Donc, la loi 101, la clause «nonobstant» s'applique. Mais, à partir du moment où j'ai signé ladite entente, que je me suis engagé en vertu d'une entente administrative signée en bonne et due forme à utiliser, à appliquer la loi des langues officielles canadiennes dans la gestion de mes matières premières, eh bien, là, je viens de renoncer à mes droits sur la loi 101, à la clause «nonobstant» dans la Constitution. C'est ça que ça dit, ce texte-là, M. le Président. N'essayons pas de l'interpréter autrement. On pourra dire ce qu'on voudra, mais il faut quand même se fier un peu à ce qui est écrit dans le texte, et j'imagine que les mots qui sont là ont été choisis avec beaucoup de minutie. Ils n'ont pas été écrits en l'air par quelque illuminé qui voulait mettre des mots bout à bout. On a choisi très spécifiquement les mots pour faire en sorte de bien les faire avaler à tout le monde sans que ça ne fasse trop mal. Alors, moi, c'est ce que je retiens de ça, M. le Président. On essayera de me prouver le contraire. J'aimerais bien qu'au lieu de dénoncer le Parti québécois comme étant souverainiste ces gens d'en face, ceux qui défendent l'entente, essaient de me démontrer le contraire de ce que je viens de dire, M. le Président. Il me semble que ça apporterait beaucoup plus au débat.

Parlons rapidement de la question des ententes administratives, parce que, là, c'est ça qu'on nous propose, des ententes administratives valables pour cinq ans, parce qu'à l'article 30, à l'article 31 et suivants on se réfère à l'article 26, qui est tout aussi flou que les autres, soit dit en passant... Il commence lui aussi par «il conviendrait», mais on nous dit que «ce mécanis- me pourrait» - encore un conditionnel, vous en conviendrez aussi - «pourrait être invoqué pour une période d'au plus cinq ans». Donc, les ententes administratives en question, les droits exclusifs que l'on peut négocier par le biais desdites ententes sont valables pour cinq ans. C'est des droits conditionnels aussi, vous en conviendrez. C'est des droits qui sont renouvelables aux cinq ans. Un droit, on l'a ou on ne l'a pas, M. le Président. Si on doit le négocier à tous les cinq ans, c'est parce qu'on ne l'a pas. C'est aussi clair que ça. Quand on vient au monde, on a le droit de souffler. On ne négocie plus ça pour le restant de nos jours. On a un droit ou on ne l'a pas. S'il faut le renégocier à tous les cinq ans, c'est parce qu'on ne l'a pas. C'est parce qu'on doit le quémander continuellement. C'est le quêteux qui doit retourner tous les ans faire sa tournée par les maisons, comme ça se passait dans le temps, pour avoir de quoi vivre pour l'année qui s'en vient, pour passer l'hiver qui s'en venait. À tous les ans, il fallait qu'il recommence à quêter, parce qu'on ne lui en donnait jamais assez pour 10 ans d'avance. Là, c'est ça. À tous les cinq ans, il va falloir commencer la grande tournée pour renégocier nos supposés droits que l'on devrait avoir. Voyons donc! On se transforme en peuple de quêteux, M. le Président. Ces gens-là applaudissent, ils sont fiers. Vive le quêteux, le bossu! Vive Jambe de bois, dans Séraphin! C'est ça l'image du Québec moderne qu'ils ont: Jambe de bois! Je veux bien croire qu'ils sont attachés à l'histoire et à la culture, mais il faudrait quand même dépasser Jambe de bois, vous en conviendrez. Bien là, c'est ça l'image du Québec moderne, l'image du Québécois qui se tient debout. C'est sûr que Jambe de bois se tenait debout, mais il avait une jambe en bois, et il fallait qu'il passe par les maisons pour quêter de l'argent pour passer l'hiver.

C'est ça qu'on nous propose, M. le Président, rien d'autre. Un droit qu'on doit négocier aux cinq ans, c'est un droit qu'on n'a pas. C'est un droit qu'on ne détient pas. Quand on le détient, on ne négocie plus, C'est à nous autres pour le restant... jusqu'à la fin des temps, M. le Président.

Parlons-en de ces ententes administratives sur cinq ans, justement. On en a un bel exemple avec l'entente fédérale-provinciale sur le développement régional, qui a été signée le 9 juin 1988 par ce gouvernement avec le gouvernement fédéral; entente Canada-Québec sur le développement économique des régions du Québec. On nous annonçait avec toute l'emphase qu'on pouvait y mettre, le 9 juin 1988, la signature d'une entente historique, qui devait régler tous les problèmes du Québec en termes de développement régional, M. le Président. Où en est-on? Où en est-on? Prenons quelques chiffres. Ce n'est pas moi qui les ai inventés, ces chiffres-là, c'est des chiffres qui viennent des ministères

concernés. Source: Office de planification et de développement du Québec. Entente auxiliaire Canada-Québec sur le développement économique des régions du Québec, 27 mars 1992. Ça ne fait pas si longtemps que ça, là. C'est des chiffres au 31 décembre. L'entente était applicable depuis juin 1988. Au 31 décembre 1992, M. le Président, sur les - je vais prendre les chiffres très précis - sur les 380 000 000 $ qui devaient être affectés par le Québec jusqu'en 1993, donc, à toutes fins pratiques, à 15 mois de la fin de l'entente, M. le Président, il y avait 30 000 000 $ de déboursés. Il faut le faire. On nous a fait rêver pendant des semaines avec une entente qui devait être extraordinaire pour le développement des régions. Sur l'ensemble du budget que le gouvernement du Québec devait accorder, à 15 mois avant la fin d'une entente de cinq ans, on avait 30 000 000 $ de dépensés sur 380. C'est à peu près 10 %, à peine un peu plus, M. le Président. (11 h 40)

Au niveau du fédéral, ce n'est pas le diable mieux. On reste dans les mêmes chiffres. Le fédéral devait mettre 440 000 000 $ dans cette entente, M. le Président. C'était prévu comme ça. Au 31 décembre 1991, il y avait 94 000 000 $ d'investis, d'argent dépensé. De l'argent programmé, oui! De l'argent programmé. On en programme, de l'argent, mais, après ça, on ne réalise pas les projets prévus. Il y avait 94 000 000 $ d'argent de dépensé sur 440 000 000 $ au 31 décembre 1991, 15 mois avant la fin de l'entente, M. le Président. Vous pensez qu'on va se fier là-dessus? C'est sur la parole de ces gens-là que vous voulez qu'on se fie pour constitutionnaliser ce genre d'entente administrative? Puis ils trouvent qu'on crie pour rien, là. Ils trouvent qu'on parte pour rien. C'est ça qu'il faut dire aux Québécois, M. le Président.

Il faut dire aux Québécois aussi que, dans le genre d'entente administrative dont il est question, quand on parle, entre autres, du développement régional, l'entente 1988-1994 signée avec les Maritimes prévoyait un investissement de 1 000 000 000 $ pour le gouvernement fédéral. 1 000 000 000 $ pour les Provinces maritimes. À 15 mois de la fin de l'entente, il y avait 921 000 000 $ de dépensés. Regardez donc! Disons qu'ils ont dépensé plus vite dans les Maritimes que chez nous; il y en avait 94 000 000 $, chez nous, sur 440 000 000 $. 921 000 000 $ sur 1 000 000 000 $ de dépensés dans les Maritimes. 1 200 000 000 $ de prévus dans l'Ouest canadien, M. le Président, les provinces de l'Ouest; il y avait 477 000 000 $ de dépensés à 15 mois de la fin de l'entente. Il y en avait toujours à peine 94 000 000 $ de dépensés pour le Québec.

En termes de pourcentage per capita, M. le Président, 431 $ per capita investis dans l'entente par le fédéral pour les Provinces maritimes; 257 $ per capita pour les provinces de l'Ouest, 64 $ per capita pour le Québec. C'est ça, le fédéralisme rentable, M. le Président. C'est ça, l'égalité des provinces. C'est ça, ce qu'on nous propose actuellement et que l'on veut constitutionnaliser, M. le Président. On essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de conclure.

M. Claveau: ...et c'est ce que nous allons nous acharner ou ce que nous allons nous attarder à démontrer d'une façon très précise au cours des prochaines semaines, jusqu'à ce qu'on ait la chance de se prononcer contre cette fameuse proposition d'entente.

Une voix: Ça va prendre du temps.

M. Claveau: On me dit que mon temps est terminé.

Des voix: Oui.

Une voix: Non. Non, non.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Continuez. Continuez. Je vous ai dit que...

M. Claveau: II me reste combien de temps, M. le Président?

Une voix: Cinq minutes.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Deux minutes.

Une voix: Deux minutes.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y.

M. Jolivet: II a commencé à 11 h 25.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le député d'Ungava. Continuez. Continuez et je vais vérifier.

M. Claveau: M. le Président, écoutez. M. Jolivet: Oui, oui. Ça va faire, là.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...Jean-Pierre! Allez-y, M. le député d'Ungava. Continuez.

M. Claveau: Quand j'entends ces gens, M. le Président, nous parler de Meech plus, tout ce que vous voulez... Ça ressemble, d'ailleurs, à des annonces de lessive, de savon à vaisselle; vous savez: plus ci, plus ça; Meech plus, ça me fait penser à Grecian Formula, M. le Président. Grecian Formula ne rajeunit pas.

Une voix: Ha,ha, ha!

M. Claveau: Camouflage. Il fait paraître plus jeune, mais ça ne rajeunit pas.

L'entente qu'on a sur la table, M. le Président, ne rajeunit en rien la Constitution, n'en fait pas une Constitution moderne, mais elle camoufle ses vieux penchants; elle camoufle des rides qui ne sont plus acceptables. C'est ça, les histoires de cette entente-là. Ce n'est pas une Constitution moderne, renouvelée, rajeunie qu'on a, c'est une Constitution camouflée, où on va essayer de constitutionnaliser des agissements qui ont été faits inconstitutionnellement par le fédéral au cours des années, et on essaie de nous faire prendre ça pour des acquis pour les provinces. C'est malheureusement ce que l'on a sur la table.

Quand on a parlé tout à l'heure de la question du contrôle sur les terres, la forêt, que l'on peut négocier, quémander aux cinq ans, M. le Président, où se trouve là-dedans la question, tout ce qui est lié aux droits inhérents des autochtones en matière de terre, d'eau et d'environnement? À ma connaissance, les mines, c'est sur la terre ou dans la terre et il faut passer quelque part, sur la terre, pour se rendre à des mines et pour développer des sites miniers. Il faut faire de l'exploration dans les forêts. Il faut utiliser des voies navigables. Ça affecte l'environnement.

Les droits inhérents, en matière d'environnement, d'eau et de terre, qui sont accordés aux autochtones, le principe, je n'ai rien contre, mais il faudrait que je sache, par exemple, avant de pouvoir dire que je suis d'accord avec ça, comment ça va s'imbriquer dans l'autre disposition qui prévoit que les forêts, les mines, le tourisme, etc., sont des compétences exclusives des provinces. Est-ce qu'on est en train de nous dire que l'on va donner la gestion des droits inhérents aux autochtones, concernant les eaux, les terres, l'environnement, etc., aux provinces? Ce n'est pas ce que je lis là-dedans, M. le Président. À la limite, je peux lire qu'on va essayer de trouver un mécanisme. Il serait souhaitable, dit-on, de trouver un mécanisme qui ferait en sorte que les différents gouvernements provinciaux puissent se prononcer sur les ententes qui vont être négociées avec les autochtones. À la limite, c'est ça qu'on trouve, c'est là où ça va le plus loin. Donc, s'il n'y a aucune responsabilité des provinces - de responsabilité directe, pour le moins - dans la gestion des ententes autochtones en ce qui concerne les questions d'environnement, eaux et terres, etc., que l'on constitutionnalise les droits inhérents qu'on leur donne par la Constitution...

Alors, quand on nous dit: Nous vous transférons l'exclusivité de la gestion des forêts et de la gestion des mines; le développement régional, nous allons en rediscuter; nous vous donnons l'exclusivité en matière de tourisme, où en sommes-nous par rapport à ce que l'on retrouve quelques pages plus loin dans la proposition d'entente concernant les droits inhérents des autochtones? C'est le plus beau fouillis administratif qu'on puisse imaginer, M. le Président. On ne pouvait pas penser un texte de proposition qui fasse plus l'affaire des juristes, des hauts fonctionnaires, des firmes spécialisées dans toutes sortes de domaines qui vont offrir leurs services au gouvernement pour essayer de faire comprendre qu'il faudrait être plus de ce côté-là plutôt que de tel autre.

Que fait-on dans le domaine de l'énergie, M. le Président? Est-ce que l'on va laisser constitutionnaliser le fait que l'Office national de l'énergie va pouvoir intervenir n'importe où - dans Hydro-Québec - pour empêcher l'exportation d'électricité, comme il l'a fait, par exemple, il y a à peine quelques années? On n'en parle pas, de ça. Ce n'est pas grave, ça. Ah! c'est juste l'énergie. Bien, l'Alberta, par exemple, protège son pétrole. Ne vous en faites pas! Mais, nous autres, ce n'est pas grave, l'hydroélectricité; c'est de l'énergie secondaire. Ce n'est pas du pétrole, ce n'est pas du nucléaire. Donc, on va laisser l'Office national de l'énergie continuer à intervenir là-dedans comme il le veut! Puis, en plus, on va donner les droits inhérents sur les eaux et l'environnement aux autochtones, ce qui va faire en sorte qu'ils vont pouvoir nous bloquer tout ce qu'on a de projets de barrages au Québec! Puis on appelle ça une Constitution valable pour les Québécois. Allez donc, M. le Président!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de conclure, M. le député, s'il vous plaît.

M. Claveau: Cessons de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. On est assez éclairé. On a assez de vision pour être capable de faire la différence. Et je suis convaincu que, lorsqu'on se sera bien expliqué avec les Québécois, lorsqu'ils auront fini leur démagogie facile et qu'ils parleront vraiment du fond de l'entente que l'on a sur la table, les Québécois sauront comment voter. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): alors, merci, m. le député d'ungava. sur le même sujet, à savoir le débat sur la question référendaire suggérée par m. le premier ministre, je cède maintenant la parole à m. le député de beauce- sud et ministre des approvisionnements et services.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Merci, M. le Président. Avant de parler directement de la question et des offres, M. le Président, je voudrais faire quelques remarques préliminaires sur le référendum comme

instrument démocratique, comme instrument pour en arriver à une décision de cet ordre-là, de cette ampleur-là et de cette importance-là.

Tout le monde reconnaît qu'il s'agit sans doute de l'instrument le plus démocratique que l'on connaisse. Les décisions dans nos démocraties se prennent de deux façons, soit par la délégation législative, c'est-à-dire que l'on élit des députés qui ont la responsabilité de prendre les décisions à la place de la population pendant un mandat qui peut durer de quatre à cinq ans, selon les diverses sociétés, mais la façon de le faire par référendum existe également dans d'autres pays et elle existe d'une façon beaucoup plus formelle et beaucoup plus habituelle que dans notre pays. Pour nous, ici, le référendum est un instrument consultatif, et c'est un instrument, évidemment, dans tous les pays du monde, qui a aussi certaines faiblesses, malgré le fait que ce soit considéré comme le plus démocratique.

La première faiblesse, sans doute, est que l'initiative de le tenir dans notre pays n'appartient pas à la population. On sait par les sondages que la population souhaite qu'il soit tenu un référendum, le souhaitait pour cet automne. L'Assemblée nationale, par la loi 150, avait voté qu'il se tiendrait un référendum et l'Assemblée nationale confirme qu'il se tiendra un référendum. Cette faiblesse-là, donc, pour le présent référendum, pour la présente consultation, est annulée.

Un deuxième problème est le choix de la question. Si nous pouvions, dans notre société, demander aux gens à quelle question ils voudraient répondre, ce serait beaucoup plus facile, et ça nous éviterait le débat que nous avons ici, à l'Assemblée nationale. Pourquoi s'obstiner sur la question qui doit être posée à la population alors que ce devrait être elle qui la choisisse? Ce n'est pas réaliste, M. le Président. Ce serait extrêmement difficile d'amener la population à se prononcer d'abord sur le choix de la question avant de se prononcer sur la réponse à donner à cette question-là. (11 h 50)

Toutefois, le gouvernement a décidé de proposer une question sur les offres et sur l'entente. Pourquoi? Pourquoi? Parce que nous avions dit que notre devoir, en tant que gouvernement, était de négocier les meilleures offres possible et, si possible, d'en arriver à une entente. Et c'est ce qui s'est réalisé. Pour ma part, bien que je n'aie pas fait de sondage à cet égard-là, je suis convaincu que les gens de mon comté souhaitent que le référendum se tienne sur l'entente qui a été convenue plutôt que sur la souveraineté du Québec comme il était initialement prévu dans la loi 150 si nous n'avions pas obtenu ces offres-là, si nous n'avions pas obtenu cette entente-là. Ça m'appa-ratt un choix beaucoup plus légitime, beaucoup plus honnête que de présenter aux gens la question sur l'entente que nous avons obtenue.

Évidemment, ça pose un autre problème. Ce sont les nuances de la question. Idéalement, on pourrait demander à chacun de nos citoyens de se prononcer sur chacun des 60 points de l'entente intervenue. Vous comprenez, encore là, que ce serait impossible. Il est important, dans un référendum, d'en arriver à une question relativement simple, avec l'inconvénient, bien sûr, que toutes les nuances n'y sont pas et que ça pose un autre problème qui est l'interprétation de la réponse que nous obtiendrons. Tout ça fait que la population, qui est souveraine dans le choix de ses lois et qui l'est en déléguant des représentants au législatif ou en se prononçant par référendum, peut se poser diverses questions sur la valeur de cet exercice-là.

Je termine cette considération-là en parlant du droit de reconsidérer un vote qui a été pris. Nous prendrons un vote le 26 octobre. Ce sera l'opinion de la population le 26 octobre. Le 26 décembre, le 26 février prochain, cette opinion-là aura pu varier, on ne le saura que par les sondages. Il n'y aura pas nécessairement de nouvelles consultations. Et si je fais cette considération-là, M. le Président, c'est qu'en 1980 nous en avons tenu un. On désire reconsidérer la position de 1980, nous faisons un nouveau référendum, et je me pose la question: Si, un jour, il y avait un vote sur l'indépendance du Québec, et que majoritairement la population se prononçait en faveur de l'indépendance du Québec, en supposant l'hypothèse que nous soyons dirigés par un gouvernement du Parti québécois, si le rêve de l'indépendance ne se réalisait pas de la façon dont ce gouvernement-là l'aurait présentée à la population et si, de toute évidence, on pouvait voir par les sondages que la population avait changé d'opinion, est-ce que le gouvernement en place permettrait à la population de se reprononcer a nouveau comme nous, aujourd'hui, en 1992, 12 ans plus tard, nous permettons à la population de se reprononcer à nouveau pour voir si son opinion demeure? Chose que l'on peut facilement vérifier par des sondages. Ce sont des questions qui sont importantes. C'est un exercice extrêmement important. C'est un exercice où la population devra se prononcer avec prudence, en tenant compte des diverses interprétations qui pourront être faites de leurs décisions.

Quant aux offres elles-mêmes, quant à l'entente elle-même, on parle de Meech plus pour des raisons qui sont relativement faciles à expliquer. Tous les points de l'accord du iac Meech sont inclus dans cette entente-là. Il y a quelques autres points qui viennent renforcer la position du Québec d'une façon substantielle et qui sont très importants pour le Québec et que je vais également mentionner.

Quant aux points concernant l'accord du lac Meech, vous me permettrez de citer les commentaires de M. Yves Fortier, qui est avocat, qui a

défendu et qui défend encore, à ma connaissance, de nombreuses causes, y compris devant la Cour suprême et qui, sur la société distincte en particulier, question qui est soulevée fréquemment par l'Opposition quant au nouveau texte, dit ceci. Vous me permettrez, M. le Président, de le citer. Je pense que son argumentation est très solide et il est important de présenter l'opinion de personnes comme M. Fortier en apportant toutes les nuances qu'il y apporte. Alors, je cite: Certains opposants à l'entente de 1992 soutiennent que la société distincte se limite désormais aux seuls trois éléments mentionnés. Juridiquement, cette affirmation est sans fondements. L'emploi des mots «comprenant notamment» dans la version française et du mot «includes» dans la version anglaise traduit sans conteste l'intention de ne pas circonscrire le contenu de la société distincte aux éléments mentionnés. En somme, M. le Président, j'estime que le Québec obtient, par l'entente de 1992, une reconnaissance de son caractère distinct d'une valeur au moins égale, sinon supérieure, à celle que l'on retrouvait dans l'accord du lac Meech.

Certes, d'autres caractéristiques fondamentales de la Fédération figurent également au premier paragraphe de l'article 2. Il s'agissait, après tout, de la ronde Canada, mais aucune de ces caractéristiques n'est assortie comme pour le Québec d'un paragraphe séparé de l'article 2 qui confère à la Législature et au gouvernement du Québec le rôle de protéger et de promouvoir cette seule caractéristique fondamentale, soit la société distincte.

Ce commentaire vaut, à mon avis, même si l'une des caractéristiques fondamentales est la confirmation par les Canadiens du principe de l'égalité des provinces dans le respect de leur diversité. En effet, cette déclaration, qui en est une de principe, s'inscrira dans une constitution dont d'autres dispositions attestent que ce principe, comme bien d'autres, souffre des exceptions. En fait, l'entente de 1992 elle-même se propose de consacrer deux exceptions très importantes pour le Québec au principe de l'égalité des provinces et, en vertu de ces deux exceptions, tous ses partenaires canadiens garantissent au Québec 25 % des représentants à la Chambre des communes et 33 % des juges au plus haut tribunal du pays. Qui plus est, ces deux garanties sont assorties du droit de veto.

M. le Président, vous aurez compris que je diverge d'opinion avec la conclusion de l'avis juridique souscrit par huit professeurs de droit constitutionnel qui a été publié dans certains journaux du Québec la semaine dernière. J'ai eu beau relire plusieurs fois cet écrit, je n'y trouve aucune justification à l'affirmation que le texte de l'article 2, s'il est inscrit dans la Constitution, comporterait un recul pour le Québec. Quant à l'affirmation que l'intégrité de la Charte de la langue française serait plus précaire que jamais si l'article 2 était adopté, je n'en vois pas le fondement. D'après moi, le texte de l'entente provisoire ne menace aucunement la loi 101 qui est mieux protégée que jamais: «La compétence des provinces en matière de langue est acquise.» Fin de la citation.

Je n'en ajoute pas davantage sur la question de la société distincte, cette opinion m'ap-paraissant tout à fait explicite en elle-même. Nous aurons l'occasion d'en discuter évidemment durant tout le débat référendaire. Nous mentionnant le principal de l'argumentation qui nous fait ne pas accepter l'opinion et l'argumentation de l'Opposition à l'effet qu'il s'agirait d'un recul, tout au contraire, plusieurs experts mentionnent qu'il s'agit non pas d'un recul, mais d'un renforcement de la clause de la société distincte.

Trois autres sujets de l'entente du lac Meech sont, à toutes fins pratiques, les mêmes. Il y a quelques petites divergences; nous aurons l'occasion d'en discuter tout à l'heure, je ne le ferai pas ici ce matin. Il s'agit de la Cour suprême, de l'immigration et du droit de veto. Je m'arrêterai toutefois sur le pouvoir de dépenser et vous me permettrez, M. le Président, encore une fois, de lire un extrait du témoignage de M. Fortier en commission parlementaire à ce propos.

Je cite: «On constate, au chapitre des nouveaux programmes cofinancés, que l'entente provisoire reprend essentiellement la règle de l'accord du lac Meech. Elle accorde un droit de retrait avec juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas participer à un nouveau programme cofinancé au fédéral dans un domaine de compétence provinciale exclusive, dans la mesure où cette province met en oeuvre un programme ou une initiative compatible avec les objectifs nationaux. S'ajoute à cette disposition une nouvelle obligation, une obligation constitutionnelle assumée par les premiers ministres d'instituer à une future conférence constitutionnelle un cadre devant guider l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser dans des sphères de compétence provinciale exclusive, étant d'ores et déjà précisé que l'exercice de ce pouvoir devra contribuer à la réalisation d'objectifs nationaux, réduire les chevauchements et le double emploi, ne pas fausser les priorités provinciales, et respecter et assurer un traitement égal des provinces tout en reconnaissant leur situation et leurs besoins particuliers. «Une fois arrêté, M. le Président, ce cadre pourrait devenir une entente protégée par la Constitution en vertu du mécanisme prévu à la clause 26 de l'entente provisoire. M. le Président, il y a lieu, selon moi, de se féliciter de ces nouvelles dispositions, qui n'étaient pas dans l'accord du lac Meech. Certes, elles n'ont pas la finalité des autres dispositions dont j'ai traité, mais elles proposent des paramètres précis comme base de négociation d'un cadre à l'exercice futur du pouvoir fédéral de dépenser. En termes juridiques, c'est une obligation de résultat qu'ont assumée à ce chapitre les premiers ministres de

la Fédération canadienne. Comme dispositions sur le pouvoir fédéral de dépenser, les mécanismes retenus au niveau du partage des pouvoirs me semblent introduire dans l'ordre constitutionnel canadien une flexibilité à même de concilier les divergences d'aspirations entre les différences provinces et régions du pays. Elles évoquent un fédéralisme coopératif et me semblent présenter, pour le Québec, suffisamment de garanties pour lui permettre de prendre en charge certaines responsabilités sans interdire au fédéral d'assumer ces mêmes responsabilités pour le bénéfice d'autres provinces, si tel est leur souhait.» Fin de la citation. (12 heures)

Alors, M. le Président, ça résume très brièvement la relation entre cette nouvelle entente et l'accord du lac Meech, et il y a deux raisons que j'ai exprimées tout à l'heure qui nous font dire qu'il s'agit de Meech plus. J'en rajoute quelques autres: la question du Sénat; nous aurons 18 députés de plus à la Chambre des communes, avec une garantie d'une présence de 25 % des députés à la Chambre des communes. Je sais que le fait que le nombre de sénateurs soit égal par province a soulevé bien des débats. Pour ma part, M. le Président, il faut considérer que, dans bien d'autres fédérations, et particulièrement dans la première grande fédération à avoir été formée dans le monde, l'égalité, dans une deuxième chambre, des États a été confirmée dès le début. Ça a été le cas aux États-Unis, il y a deux sénateurs par État, le plus petit État et le plus grand État ont deux sénateurs dans la chambre du Sénat aux États-Unis, alors que les pouvoirs du Sénat aux États-Unis sont beaucoup plus substantiels et beaucoup plus forts que ceux de notre Sénat, alors que le Sénat canadien n'a qu'un veto suspensif et ne peut empêcher la Chambre des communes là où se déroule vraiment l'action, là où se passe vraiment la législation, là où est véritablement le pouvoir d'agir.

Je ne parlerai pas du droit des autochtones autrement que de dire que cette entente-là leur donne le droit de se gouverner dans un cadre qui est satisfaisant, dans un cadre où les lois des gouvernements provinciaux et fédéral sont respectés. Quant au partage des pouvoirs, brièvement, je citerai à nouveau M. Fortier, si vous me le permettez. M. Fortier dit ceci: «Selon moi, l'entente provisoire traduit, au chapitre du partage des pouvoirs, un réalisme et une maturité politiques dont on ne peut présumer qu'ils s'évanouiront le jour où l'encre de ces amendements constitutionnels aura séché. Elle permet au Québec, au titre d'ententes bilatérales ou multilatérales à être négociées, d'exercer des responsabilités que d'autres provinces préfèrent voir assumer par le fédéral et elle annonce un cadre à l'exercice futur du pouvoir fédéral de dépenser. Voilà un arrangement qui traduit une vision de l'évolution de la Fédération canadienne qui est compatible avec l'action de tous les gouverne- ments du Québec depuis 30 ans et s'inscrit dans son sillage traditionnel.» Fin de la citation.

M. le Président, je terminerai mon intervention en vous parlant d'une rencontre que j'ai eue récemment avec un de mes amis qui est indépendantiste. J'ai des amis indépendantistes - certainement que l'Opposition a des amis qui sont fédéralistes, je n'en doute pas, étant donné son ouverture d'esprit. J'ai un de mes amis qui est indépendantiste et je discutais avec lui des offres. Il a pris le soin de les regarder avec attention, il a pris de soin de les analyser, et il a trouvé que ces offres étaient un progrès. Évidemment, comme tous ceux qui favorisent l'indépendance du Québec, il souhaiterait que ce progrès eût été plus grand. Mais son point de vue est le suivant. Bien qu'il souhaite, lui, l'indépendance du Québec, il comprend que c'est à la population d'en décider et qu'il est possible que la population ne veuille pas de l'option indépendantiste ni cette fois-ci ni la prochaine fois, et qu'à son point de vue il vaut mieux obtenir quelque chose que ne rien obtenir. Et il m'a dit: Oui aux offres, ça ne veut pas dire non à l'indépendance, et d'obtenir un plancher plus élevé que celui que nous avons est dans l'intérêt des Québécois, et moi je continuerai à militer pour l'indépendance du Québec par la suite, mais je pense que ce que nous obtenons, nous l'obtenons, et il est bon que nous l'obtenions et nous devons au moins garder ceci.

Il y a là une entente qui exige l'unanimité. On connaît la difficulté, dans notre Constitution, d'obtenir l'unanimité. C'est une difficulté qui est inhérente au processus d'unanimité comme tel. On se rappellera que, la dernière fois, au lac Meech, le problème avait été non pas que les premiers ministres n'étaient pas d'accord, mais que le délai pour l'acceptation, par les Assemblées législatives, de l'entente des premiers ministres, à ce moment-là, avait été d'une telle durée que trois élections provinciales où les gouvernements avaient été renversés avaient amené une reconsidération de cette entente-là et l'avaient finalement fait échouer, du fait que notre système, dans certains secteurs, exige l'unanimité. Nous obtenons ce que nous désirons obtenir dans les secteurs où il y a exigence d'unanimité. Dans les autres secteurs où nous désirons obtenir davantage dans le futur, il sera possible de négocier à 7-50, M. le Président, et non pas à l'unanimité. Nous nous enlevons donc cette épée de Damoclès, cette difficulté majeure d'obtenir l'unanimité, et nous pourrons discuter dans le cadre évolutif de nouveaux pouvoirs, de nouvelles répartitions, de nouvelles façons de fonctionner pour le mieux-être des citoyens du Canada et du Québec. C'est sous cette argumentation-là qu'il me réitérait que, lui, bien que son option politique soit différente de la mienne sur le plan final, il allait voter oui.

Alors, M. le Président, le chef de l'Opposition disait l'autre jour que non aux offres ne

voulait pas dire oui à l'indépendance. Je lui annonce que, dans ses rangs, dans les gens qui favorisent également l'indépendance du Québec, il y a quelqu'un qui m'a dit: Oui aux offres, ça ne veut pas dire nécessairement non à l'indépendance. Prenons ça, rehaussons le plancher, gagnons ce que nous pouvons gagner, et je continuerai, moi, ma lutte pour le fédéralisme, et il continuera, lui, sa lutte pour l'indépendance. Et ce sera à la population du Québec, ultime-ment, encore une fois, un jour, de se prononcer à cet égard. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Rimouski.

Des voix: Bravo!

M. Michel Tremblay

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, il me fait plaisir d'apporter ma voix à celles de mes collègues au sujet du débat sur la question référendaire, une question fort importante qui sera nécessairement décidée le 26 octobre prochain par le peuple du Québec et du Canada. Nous devrons nous prononcer sur l'accord constitutionnel du 28 août dernier. Cet accord, à mon sens, répond aux aspirations du Québec dans sa démarche de vouloir réintégrer la Constitution canadienne.

Nous avons eu un négociateur formidable, en la personne de M. Bourassa, qui est allé chercher les garanties nécessaires dont nous avons besoin pour le développement de notre collectivité québécoise et française. Nous avons, à l'intérieur de cette entente, toutes les garanties nécessaires, parce que nous protégeons la société distincte, telle que définie dans l'entente du 28 août dernier. Et forts de l'appui nécessairement de spécialistes en la matière, nous pouvons dire maintenant que cette entente, au niveau de la société distincte, nous garantit l'épanouissement et le développement de notre communauté francophone, ici, au Québec et au Canada. D'ailleurs, des spécialistes en la matière... Hier, nous avons entendu le juge de Grand-pré nous dire, et je le cite dans son propos, parce que c'est très important de le dire au sujet de la société distincte... Le juge de Grand-pré, ex-juge de la Cour suprême, disait ceci: «Elle affirme que nous constituons au sein du Canada une société distincte et qu'est enchâssé dans la Constitution le rôle que notre législatif et notre exécutif doivent jouer pour protéger et promouvoir cette société au point de vue de la langue, au point de vue de la culture et au point de vue de notre droit traditionnel, le droit civil.» Je cite de nouveau le juge de Grandpré: «Cet apport est considérable. À toutes fins pratiques, il nous donne les moyens de nous développer sans autres restrictions que celles imposées à toute liberté par la vie à l'intérieur d'une communauté.» Alors, le juge de Grandpré vient confirmer le bien-fondé de la clause de la société distincte, appuyé en cela, ce matin, dans le journal, par le juge de la Cour supérieure du Québec, le juge Deschênes, une sommité en la matière qui dit textuellement: «Le Québec doit se réjouir du gain certain qu'il réalise.» Voilà deux sommités consitutionnelles qui viennent dire que la clause de la société distincte, elle est vraiment protégée à l'intérieur de cette entente. (12 h 10)

M. le Président, la question qui sera posée à nos électeurs et tout particulièrement aux électeurs du comté que je représente, celui de Rimouski, elle est simple. Vous l'avez probablement tous entendue, mais je vais la répéter, parce que c'est important, au point de vue pédagogique, de répéter la question et en même temps de répéter le bien-fondé de cette entente. La question est la suivante: Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992? Sur la base. C'est important d'avoir une base constitutionnelle. C'est important de bâtir le pays sur des données, sur des ententes. Cette entente unanime, qui a été conclue le 28 août dernier, à mon sens, est une entente exceptionnelle, une entente qui va donner au peuple canadien et au peuple québécois de continuer à se développer et à avoir un standard de vie supérieur à tout ce qui peut se passer dans ce monde présentement. Parce que le Canada est reconnu, pour la qualité de vie, comme étant un peuple où... Le peuple est développé d'une façon exceptionnelle, et nous sommes en mesure de le démontrer parce que des spécialistes du monde entier ont déjà dit et le redisent souvent que nous avons une qualité de vie exceptionnelle au Canada et, forcément, au Québec.

Un autre spécialiste en la matière, l'ex-député et ministre, M. Paul Gérin-Lajoie, disait: La Constitution n'a jamais empêché le Québec de se développer. Voilà une autre personne qui vient dire que la Constitution canadienne et, plus fortement avec la nouvelle entente, nous aidera à nous développer comme peuple et comme société québécoise.

Nous gagnons à tous les points de vue dans cette entente. Au niveau de la représentation à la Chambre des communes, nous sommes assurés d'avoir 25 % de représentation, et ce, j'allais dire, pour l'éternité, mais pour toujours. Nous allons avoir cette garantie de 25 % de représentation à la Chambre des communes. C'est très important parce que ce sont des Québécois qui vont aller défendre à Ottawa les intérêts du Québec. Alors, ces représentants-là, qui viendront de toutes nos régions du Québec, seront à Ottawa pour protéger et défendre les intérêts du Québec, et ce, il faut bien le comprendre.

Quant au Sénat, le Sénat est remodelé. Il a un pouvoir suspensif. C'est un pouvoir que j'ai

toujours désiré, moi, pour le Sénat, parce que je pense que le Sénat doit revoir les lois qui sont présentées par la Chambre des communes et avoir un pouvoir de revoir ces lois-là si elles ne répondent pas aux aspirations du Canada et du Québec. Quant à la Cour suprême, nous avons cette garantie, un droit de veto constitutionnel, à l'effet que la Cour suprême, il y aura toujours trois juges du Québec qui feront partie des neuf juges de la Cour suprême. C'est très important pour notre protection et, en même temps, pour avoir une représentation significative à cette instance gouvernementale.

Au niveau de la solidarité, également, du peuple québécois et du peuple canadien, nous protégeons nos minorités. Nos minorités au Québec, c'est très important de les protéger et nous n'avons pas, à mon sens, nous, comme Parti libéral, à avoir honte de pouvoir protéger ces minorités dans un Québec, et nous le faisons à l'intérieur de la Confédération canadienne.

Au sujet des autochtones, une entente historique. J'écoutais, dans le passé, lors de la dernière crise d'Oka, le chef de l'Opposition - j'espère qu'il regrette ses paroles - nous disant: Foncez, rentrez dedans. C'est une belle façon de régler les problèmes! Nous, nous avons une approche différente. Nous avons une approche de pouvoir les intégrer à notre grande communauté québécoise et canadienne de façon à leur donner, à ces communautés autochtones, le pouvoir de s'épanouir, de faire leurs lois et de se développer dans ce Québec et, en même temps, dans ce Canada. Alors, au niveau des autochtones, nous avons une protection suffisante et, en même temps, la garantie qu'ils n'auront pas à empiéter sur les droits inhérents, à savoir que ces droits inhérents là ne leur donnent pas le droit d'avoir d'autres territoires, ce qu'on a pu appeler la fameuse clause de la Baie James, à savoir que les territoires de la Baie James seront protégés par l'entente constitutionnelle présentement.

Alors, M. le Président, la question, je la répète, de façon à ce qu'on puisse bien la comprendre: Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue du 28 août 1992? Dois-je vous dire, M. le Président, qu'il me fera plaisir de voter pour cette entente et de la défendre, avec toute l'énergie que j'ai, dans mon comté, de façon à ce que la population du Québec et la population du comté de Rimouski soient favorables à cette entente qui nous donne toute la latitude voulue pour se développer comme société québécoise et canadienne. Je vous remercie.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Rimouski. Sur le même sujet, à savoir la motion suggérant la question référendaire du premier ministre, je cède la parole à M. le député de Laviolette. Vous avez droit à 20 minutes. Je vous indique tout de suite, M. le député de Laviolette, qu'on m'a mentionné qu'il y a une entente entre les partis pour que nous puissions dépasser l'heure, de sorte que vous pouvez, à partir de maintenant, procéder à votre intervention pour la période maximale de 20 minutes. Allez-y.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est la deuxième occasion que j'ai, comme député du comté de Laviolette, depuis mon élection en 1976, de me prononcer, M. le Président, sur une question référendaire. Je pourrais faire l'histoire, en disant que la question de 1980 n'était peut-être pas la plus limpide qui soit. Je pourrais dire que celle-là, elle est claire, avec ce que l'on pourrait amener comme discussion, à savoir si elle ne porte pas à interprétation. Mon but ne sera pas cela, M. le Président. Vous savez, on essaie de dire que le Parti québécois, dans le débat, ne veut pas parler de souveraineté, et, en conséquence, a peur de son option. Pour ceux qui me connaissent, et pour répondre peut-être au député de Nelligan qui disait qu'on était des dinosaures, en parlant de ceux qui y étaient depuis 1976, il va s'apercevoir que je suis encore plus dinosaure qu'il pensait, parce que moi, ce n'est pas depuis 1976 que je pense à l'indépendance du Québec, à la possibilité que le Québec devienne souverain. Dans les années soixante j'ai été libéral, comme plusieurs parmi nous l'avons été pour se débarrasser du régime de Duplessis, et qui avaient cru au slogan de l'époque de M. Lesage: «Maîtres chez nous». Mais on s'est aperçus, en cours de route, que le chemin qui avait été parcouru par le Québec ne pouvait pas se continuer avec le gouvernement en place. Il y avait eu en cours de route, on s'en souvient, le gouvernement de M. Johnson, de l'Union Nationale, qui avait parlé de 100, 100, 100, les impôts, les taxes et les possibilités d'avoir les argents nécessaires. Donc, impôts sur les entreprises, impôts sur les particuliers, et les successions. Et on avait cru que c'était peut-être un autre pas en avant que le Québec était en train de faire vers sa pleine souveraineté, vers sa pleine capacité de se développer elle-même, cette province de l'époque.

En 1962, j'avais commencé déjà à militer pour des groupes qui croyaient qu'on devait aller plus loin, et j'ai été membre du Rassemblement pour l'indépendance du Québec, j'ai été membre du Mouvement souveraineté-association et membre du Parti québécois. Donc, je n'ai pas à me cacher aujourd'hui, j'ai toujours été souverainiste, pour l'indépendance du Québec, et l'ensemble des électeurs de mon comté le sait et me réélit depuis 1976 en le sachant. Et comme plusieurs de ceux qui sont vos propres électeurs, il y en a qui vous accrochent quelque part en

disant: Jean-Pierre - et on pourrait dire... non, je ne dirais pas Yvon Lemire, qui est le député de Saint-Maurice, mais certainement qu'il se le fait dire aussi: Je suis tanné, je suis écoeuré d'en entendre parler, mais il faut que je t'en parle, parce qu'il y a un moment important qui est train de se préciser. Et dans ce sens-là, M. le Président, je sais que le geste que nous avons à poser aujourd'hui n'est pas celui que j'aurais désiré. Celui que j'aurais désiré, ça aurait été celui qui était prévu par la loi 150, c'est-à-dire celui défini dans la loi 150, qui était un référendum sur la souveraineté, indiquant que le Québec devait récupérer tous ses droits au niveau de ses impôts, au niveau de ses lois, et au niveau de ses traités internationaux. Dans ce contexte-là, ce n'est pas de cela que je dois parler aujourd'hui, puisqu'une loi est venue amender la loi 150, nous disant que ça portait sur des offres qui avaient été faites le 28 août dernier à Charlottetown.

Ces offres, maintenant, doivent nous inciter à les expliquer. C'est évident que les gens de l'autre côté vont les expliquer à leur façon, et moi aussi, comme je les comprends, et je vais essayer de convaincre les électeurs de mon comté et du Québec que c'est dans ce sens-là qu'on doit y aller. Je ne vois pas pourquoi je traiterais de démagogue la personne en face qui est sincère dans ce qu'elle pense et qui le dit sincèrement, et je ne vois pas, en contrepartie, pourquoi, moi, je me ferais traiter de démagogue, alors que je crois sincèrement ce que je vais vous dire, et que je comprends sincèrement, comme je vais vous le dire, les textes qui sont devant nous. (12 h 20)

Dans ce contexte-là, je vais d'abord me référer, M. le Président, au secteur qui me concerne, comme critique de l'Opposition, comme porte-parole de l'Opposition, la forêt. Est-ce qu'en vertu de l'article 30 de ces offres constitutionnelles, nous avons des garanties qui nous permettent de penser que, dans le futur, tout est terminé et tout va bien aller? Pas plus que ceux qui nous accusent de dire: Vous faites rêver le monde, puis vous dites que tout va bien aller après, si le monde décide de la souveraineté politique du Québec, pas plus que ceux qui ont les offres devant eux ne peuvent nous dire que tout va être beau le lendemain.

Dans les forêts, M. le Président, qui est un champ exclusif du Québec, il ne faut pas non plus se leurrer, parce que la reconnaissance dans le texte des offres de la compétence exclusive dans les forêts, c'est un leurre que de dire que c'est nouveau, puisque ça existe depuis 1867. Ça a toujours existé. Que le fédéral, par ses moyens de dépenser, dans ses pouvoirs de dépenser, appuyé dans certains cas par la Cour suprême, a décidé d'avancer, d'empiéter, il n'y a personne qui va dire que ce n'est pas arrivé. Oui, c'est arrivé. Même si c'est les mines, les forêts, les affaires municipales, l'habitation, l'éducation et autres, le gouvernement fédéral a toujours essayé d'aller en chercher plus, parce que la vision canadienne, c'est une vision de centralisateur et, comme le disait si bien le premier ministre, dans certains cas, de dominateur.

Donc, dans les forêts, oui, le gouvernement fédéral est venu empiéter. Les gouvernements du Québec successifs ont essayé de se défendre. Je dois vous dire que, malheureusement, c'est encore le cas. Le ministre, dans ses réponses qu'il donnait à la question que je posais hier, me disait que non seulement ils l'ont fait, mais ils le font encore. L'exemple typique est sur la question des forêts modèles. Dans son propre comté, le ministre des Forêts a accepté, tout en le disant, comme tous les gouvernements antérieurs l'ont dit, en respect des juridictions du Québec. Mais ce n'est pas vrai que ça se passe de même. Ce n'est pas vrai que ça se passe de même. Et, dans ce contexte-la, on se retrouve avec cet article 30, M. le Président, à nous dire: C'est votre champ exclusif. Mais ce qu'on constitution-nalise dans le texte, c'est le droit du fédéral de pouvoir intervenir. Ah, les gens disent non. Je reprends juste un texte de M. Clark, quand il parle à ses députés de son propre parti, pour les convaincre qu'ils n'en ont pas trop donné au Québec. Au député de Don Valley East, qu'est-ce que dit le ministre Clark? Le ministre des Affaires constitutionnelles, Joe Clark, affirme que le gouvernement fédéral continuera de jouer un certain rôle dans les six domaines de compétence qu'il offre exclusivement aux provinces. Imaginez-vous! il nous offre ce qu'on a. Dans l'entente de Charlottetown, dit M. Clark, Ottawa propose de considérer comme une sphère de compétence provinciale exclusive les forêts, les mines, le tourisme, le logement, les loisirs et les affaires municipales et urbaines. Ce ne sera pas tout à fait le cas, dit M. Clark. Certains secteurs, continue-t-il, dans les six domaines, continueront de relever du gouvernement fédéral. Et, dans ce contexte-là, M. le Président, on dit: C'est parce qu'il voulait rassurer son collègue de Don Valley East.

Alors, M. le Président, même le ministre du Québec nous indique que, dans les forêts, à la question que je lui posais, hier, au niveau de la recherche et du développement, il n'a pas l'intention, a-t-il dit, d'empêcher le fédéral d'intervenir. Il faut que je vous lise sa réponse, monsieur, à la question que je lui posais, hier, à la période de questions: «M. le Président, il ne faut pas nier au fédéral des interventions dans le domaine de la recherche - et il ajoutait - en autant qu'il respecte la juridiction du Québec.» Alors, ceux qui pensaient qu'avec les offres fédérales actuelles, tout serait terminé, bien, détrompez-vous. Vous vous trompez, parce qu'on vous a dit des choses qui ne sont pas correctes. Nous avons, en vertu de l'article 26, des ententes à conclure, lesquelles ententes seront des

ententes de cinq ans.

Qu'est-ce que ça veut dire, au bout de la course, si on la regarde comme il faut, cette entente de cinq ans? Ça veut dire que, dans les forêts, après avoir négocié pendant x temps, on arrive à conclure une entente de cinq ans. Et, au bout de cinq ans, le gouvernement fédéral change, le gouvernement du Québec change. Ils sont l'un et l'autre, l'un plus fort, l'autre plus dur; l'autre plus mou, l'autre plus dur. Qu'est-ce qui arrive au bout de la course? On va se retrouver avec un gouvernement fédéral qui va vouloir recontinuer à investir le secteur du Québec, par les négociations, bien entendu, et, dépendant du gouvernement qui sera plus faible ou plus dur, ils pourront réussir ou ne pas réussir. Est-ce que c'est marqué dans le texte que, au moment où ils vont, pendant l'entente de cinq ans, se retirer, est-ce que ça indique que dans la deuxième négociation ils vont avancer, reculer? Est-ce que c'est dit explicitement dans le texte, M. le Président, que ça veut dire que le gouvernement fédéral va se retirer continuellement, puis qu'en fin de compte ça va tomber à zéro? Non, M. le Président. On constitutionnalise ces décisions-là de l'intervention du gouvernement fédéral par l'intermédiaire d'ententes. Il y a une clause, dans cet article 26, où on indique qu'elles doivent être selon des ententes bilingues. Est-ce que ça se pourrait que, lors d'une entente, le gouvernement fédéral, demandant qu'il y ait des services bilingues, puisse rompre les négociations, traîner les négociations, faire en sorte que finalement le Québec, à force d'usure, décide de l'inscrire? Oui, M. le Président, c'est possible. Il n'y a rien qui nous garantit que ça ne sera pas le fait et le cas.

Dans ce contexte-là, M. le Président, nous avons un exemple typique, cette année. Le ministre des Forêts, parce qu'il s'est drapé du drapeau québécois fleurdelisé, a indiqué que, si le fédéral ne se retirait pas du champ de juridiction du Québec, il refuserait de donner des plants à des individus qui faisaient partie du Plan de l'Est. Qui a payé pour la chicane entre les deux ministres? C'est que, pendant tant d'années, pendant deux ans, il n'y a rien eu. Le Québec mettait de l'argent, mais il ne le mettait pas comme il devait, où il devait, selon la demande des gens, selon le Plan de l'Est qui était là. Finalement, qu'est-ce qui est arrivé? C'est que les gens se sont fait pénaliser par le ministre parce qu'il y avait une dispute entre les deux niveaux de gouvernement.

M. le Président, dans ce contexte-là, on ne peut pas dire que l'entente qui est devant nous est une entente qui permet aux Québécois de respirer d'aise et de voir, après, si elle était acceptée, cette entente - ces offres - qu'il n'y aurait pas d'autres négociations et qu'on n'entrerait pas dans une panoplie de négociations à différents niveaux. M. le Président, même si, dans le secteur de la forêt comme dans d'autres, le Québec veut se retirer d'un nouveau programme cofinancé à 100 %, il doit respecter les objectifs nationaux définis par Ottawa. Et là, M. le Président, quand on regarde ça, on peut difficilement accepter que le fédéral, comme on le connaît, comme on le connaîtra dans le futur, n'aura pas tendance à centraliser et à dominer l'ensemble du terrain actuellement dévolu par cette offre au Québec.

M. le Président, dans un deuxième temps, dans les minutes qu'il me reste, j'essaierai de réfléchir à ce que j'ai entendu venant de libéraux, qui sont des gens sincères, puis qui pensent, comme ils le disaient à certains, puis des gens me l'ont dit: Écoutez, c'est mieux que rien, imaginez-vous, on aurait pu avoir pire. C'est mieux que rien. Ça aurait pu être pire. Quand j'entends ça, je prends mon vieux réflexe de négociateur syndical, et là je me dis, M. le Président: C'est mieux que rien, ça aurait pu être pire, ça sous-entend qu'on a lâché tout. On a tout lâché.

Il y a une négociation qui est devant nous, et là le député de ma région, le député de Nicolet-Yamaska, avait commencé en disant: Écoutez, si on dit un non, ça veut dire un oui. J'ai eu tendance, dans l'humour que j'ai, à dire qu'il avait raison, parce que le non que nous allons dire et que nous devons dire, pour moi ça signifiait tout simplement un oui au Québec, un oui dans la continuité de ses demandes historiques. Mais, pour ne pas mêler les gens, M. le Président, je me suis retiré de cette fameuse phrase de 1980 avec laquelle on a essayé de mêler tout le monde. Même la ministre, ce matin, le disait encore dans ce sens-là. M. le Président, c'est vouloir essayer de prendre les Québécois pour des gens qui sont d'une intelligence médiocre, et ce n'est pas, M. le Président, ce que j'en crois. Les Québécois et les Québécoises, c'est des personnes qui sont d'une très grande intelligence et qui sont capables de comprendre les données qui sont devant nous.

Si on dit non, M. le Président... Il y en a qui me disent: Bien, si on dit non, là, c'est la fin de tout. M. le Président, voyons! En 1990, quand, pour des raisons diverses, les autochtones, par l'intermédiaire d'Elijah Harper, ou M. Wells ou d'autres personnes venant de l'extérieur du Québec ont dit non au lac Meech, est-ce que c'était la fin de tout? Pourquoi, dans leur cas, ce n'était pas la fin de tout, hein? Pourquoi ça aurait pu être ça? Pourquoi on n'a pas dit ça, dans le temps? Non, ce n'est pas la fin de tout. Ils ont dit: Non, nous avons continué à renégocier de leur part. Là, on est passé de ce qu'on appelle la ronde Québec à la ronde Canada.

La ronde Québec par rapport à la ronde Canada. Qu'est-ce qui est arrivé, M. le Président, dans ce contexte-là? C'est qu'il y a eu, et c'était normal, il n'y a rien d'anormal dans cela, M. le Président... Le Canada anglais s'est réuni, a commencé à regarder ce qui pourrait être

fait. Là, ils ont pris au sérieux ce qui avait été dit à l'époque, et ont dit: II faut présenter quelque chose, mais selon notre vision. La vision qu'ils nous ont présentée, c'est celle du Canada anglais. Là, différentes hypothèses ont été mises sur la table, rejetées par tout le monde au Québec, une après l'autre, pour arriver à celle qui a été définitive, le 7 juillet dernier.

Le 7 juillet dernier, c'était clair, c'était évident: le Canada avait décidé que c'était à prendre ou à laisser. Le Québec, devant les pressions qui lui étaient faites, a décidé d'embarquer dans cette galère. Voilà le résultat que nous avons devant nous: des reculs. Des reculs que les gens comprennent et qu'ils ont l'intention de refuser. Dans ce sens-là, un non, c'est un non à ce qui est devant nous. On ne doit pas culpabiliser les Québécois qui ont l'intention de dire non en disant que la fin du monde arrive. Ce n'est pas vrai, M. le Président. Non. C'est comme dans toute négociation. Comme je l'ai vécu dans le temps, ce n'est pas parce qu'un chef syndical avait négocié avec le patron une entente qui était refusée par l'ensemble des représentants de sa sphère d'activité que c'était un vote de confiance ou de non-confiance envers l'individu. C'est quoi, ça, de vouloir dire que c'est un vote de confiance envers la personne si on vote oui, et que c'est un vote de non-confiance si on vote non? Ce n'est pas de même que ça marche. Les gens disent: Vous avez été négocier? Ce n'est malheureusement pas suffisant, allez chercher plus, et donnez le moyen au Québec d'aller chercher plus. Si vous n'êtes pas capables de le faire, laissez la place, laissez à d'autres le soin d'aller le chercher.

Donc, dans ce contexte-là, si les gens nous disent: Écoutez, comme progrès dans cette entente, nous allons avoir 25 % garantis à la Chambre des communes, j'aimerais simplement leur rappeler que, dans les années quatre-vingt, le caucus du Parti libéral fédéral à Ottawa, pour le Québec... Savez-vous combien ça représentait parmi les députés fédéraux? 50 % des députés du Parti libéral, en 1981-1982, venaient du Québec. Est-ce que ça a empêché les gens de voter contre le Québec, malgré la décision qui avait été prise ici, à l'Assemblée nationale, par tous les députés sauf 9? Non, M. le Président. Ce n'est pas parce qu'on nous garantit 25 % de députés que ça va nécessairement être des gens qui vont défendre la vision constitutionnelle de l'ensemble des Québécois. Alors, il faut le dire maintenant, il faut le dire aujourd'hui, que cette entente ne doit pas passer. Il faut dire que devant ces reculs substantiels dans plusieurs secteurs clés, les offres fédérales actuelles ne représentent qu'un statu quo remodelé, ne garantissent en aucune façon et, même, mettent en péril des droits exclusifs que nous possédons.

Une voix: C'est faux!

M. Jolivet: M. le Président, je n'ai jamais dérangé personne pendant que j'étais ici. J'aimerais bien qu'on me permette cette possibilité-là. Dans ce contexte-là, M. le Président, il est évident que je vais demander aux électeurs de mon comté et du Québec de considérer les offres telles qu'elles sont devant nous, de considérer que les offres qui sont devant nous ne sont pas, même pas selon ce que disait le ministre du Tourisme hier, l'étalon de Meech - puisqu'il prenait Meech comme étalon, en disant que c'était Meech plus, Meech plus, Meech plus. C'est facile de dire ça, M. le Président, mais quand on a à regarder les textes tels qu'ils sont, sans avoir les garanties juridiques, en plus, de dire que ce document qui est devant nous est acceptable, je dis non. Je ne peux pas, comme député qui a toujours prôné - je ne m'en cache pas, ce n'est pas pour moi la gale que de penser comme ça, je le crois, le chemin du Québec n'est pas terminé - que la souveraineté était un moyen de permettre au Québec de se développer dans toutes ses sphères d'activité, sans entraves, avec, bien entendu, l'accord, au niveau d'abord des Québécois, de cette décision-là, mais aussi de l'ensemble des gens qui sont dans les autres provinces, qui forment actuellement le Canada anglais, de pouvoir permettre aux Québécois de décider, au référendum qui s'en vient, que les offres Mul-roney-Bourassa, c'est non.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. Alors, cette dernière intervention met fin à nos travaux pour ce matin, travaux que je suspends jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 14 h 10)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Nous allons procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Nous allons maintenant procéder à la période des questions et réponses orales. Je suis prêt à reconnaître une première question principale. M. le député de Lac-Saint-Jean, en question principale.

Questions et réponses orales

Limitation du pouvoir fédérai de dépenser dans tous les secteurs de compétence exclusive du Québec

M. Brassard: M. le Président, l'utilisation généralisée du pouvoir de dépenser du gouvernement fédérai a, comme on le sait, perverti et bouleversé le partage des compétences entre Québec et Ottawa puisque le gouvernement fédéral, au mépris des compétences exclusives du Québec, s'est ingéré, s'ingère encore, par le biais de ce pouvoir de dépenser, dans à peu près tous les secteurs de compétence exclusive des provinces, engendrant ainsi chevauchements et dédoublements administratifs extrêmement coûteux et inefficaces, un véritable fouillis, ce qui faisait d'ailleurs dire au premier ministre que le fardeau fiscal des contribuables étant déjà tellement élevé, que la seule façon de trouver de l'argent, c'était de réduire les dédoublements et les chevauchements.

Le contrôle du pouvoir de dépenser a toujours constitué une revendication constitutionnelle centrale du Québec, de façon à respecter les compétences exclusives du Québec et à permettre ce qu'on appelait il n'y a pas si longtemps un fédéralisme efficace. À quoi ça sert de répartir clairement les compétences si le fédéral peut initier des politiques et des programmes et dépenser de l'argent dans des domaines de juridiction et de compétence exclusives du Québec?

Ma question au premier ministre, M. le Président: Est-ce qu'il est exact, est-ce qu'il est vrai, comme l'ont rapporté les médias, que le premier ministre, document à l'appui - document qu'on n'a jamais vu, qui n'a jamais été déposé - a tenté, lors de la conférence des premiers ministres, de convaincre ses homologues du Canada anglais d'accepter que le pouvoir fédéral de dépenser soit aboli pour tous les programmes fédéraux existants, cofinancés ou financés à 100 % par Ottawa, dans tous les secteurs de compétence exclusive du Québec, y inclus, bien sûr, la santé et l'éducation?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je comprends très bien que, cet après-midi, le député de Lac-Saint-Jean me pose des questions sur le pouvoir de dépenser. Après la déclaration du juge Deschênes sur la société distincte, ça m'aurait étonné qu'il me pose des questions sur les pouvoirs qu'accorde cette clause, sur les pouvoirs à l'Assemblée nationale du Québec. C'est vrai, il y a M. Brun, mais on connaît le respect du député de Lac-Saint-Jean et du chef de l'Opposition pour la haute magistrature. La réputation du juge Deschênes est non seulement nationale, mais internationale. Alors, je comprends très bien que, cet après-midi, on ait décidé de ne pas poser de questions sur la portée de la société distincte.

Pour ce qui a trait au pouvoir de dépenser, M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean reprend un peu... J'ai déjà répondu, à Radio-Canada, à M. Derome et à M. Lépine, dimanche soir, a cette question-là. C'est vrai qu'on a discuté de l'encadrement du pouvoir de dépenser. D'abord, il ne faut pas oublier que, dans l'accord du lac Meech, on a cet encadrement pour les programmes cofinancés. Ça, c'est obtenu, c'est un gain. Le député de Lac-Saint-Jean était probablement distrait, hier, quand j'en ai parlé. Donc, il y a quand même un gain là qui est le premier, un des premiers, très important. Pour les autres programmes auxquels se réfère le député de Lac-Saint-Jean, on a, de fait, discuté de cette question-là, mais il y a des problèmes pratiques. On peut invoquer la Constitution de 1867, mais on est en 1992. Les activités du gouvernement en 1867 n'étaient pas celles qu'on a aujourd'hui. On voyait aux routes, aux bureaux de poste, des choses comme ça, alors qu'aujourd'hui les activités sont multiples. Le gouvernement fédéral, par ses porte-parole, tout en étant prêt à discuter - bon, il y a des engagements pour discuter de cet encadrement - soulignait des problèmes pratiques qu'il pouvait y avoir; des situations d'urgence qui forçaient - je termine, M. le Président - le gouvernement fédéral à intervenir rapidement en vertu de son pouvoir et que, s'il devait attendre la signature avec des provinces, ça pouvait le placer, dans certains cas, dans des situations difficiles pour assumer ses responsabilités.

Donc, nous avons obtenu déjà des résultats pour les programmes cofinancés. Nous avons obtenu un engagement constitutionnel, de manière à établir cet encadrement. Le député de Lac-Saint-Jean en est conscient. Je crois que, pour cette question, c'est un résultat dans l'immédiat qui est quand même acceptable, même si on aurait souhaité avoir des résultats plus concrets dans une première étape.

Le Président: En question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, ma question était la suivante, et j'aimerais avoir une réponse précise: Est-ce que le premier ministre reconnaît qu'il a essayé, qu'il s'est efforcé, mais sans succès d'obtenir un véritable contrôle du pouvoir de dépenser sur l'ensemble des programmes et interventions d'Ottawa dans les secteurs de compétence exclusive, et que ses homologues l'ont - permettez-moi l'expression, M. le Président - littéralement envoyé paître en s'enga-geant tout au plus à en discuter à un moment donné? J'aimerais vous entendre dire au moins que vous avez essayé, et ce serait tout à votre honneur que vous ayez essayé, sans succès cependant. Est-il exact que vous aviez, à cet effet, distribué à tout le monde autour de la

table un document où l'on retrouvait les exigences du gouvernement du Québec en matière de contrôle du pouvoir de dépenser?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean pratique avec énormément de talent la stérilité volubile.

Des voix: Oh! Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Je lui ai répondu tantôt. Je lui ai répondu tantôt, M. le Président, que nous avions obtenu, avec l'accord du lac Meech, des résultats concrets. Ce que nous avons obtenu est incomparablement supérieur à ce que vous avez essayé d'obtenir. Ça a été nul dans votre cas. Nul!

Une voix: Zéro.

M. Bourassa: Zéro, complètement. Un zéro absolu.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourassa: Alors, je dis au député de Lac-Saint-Jean... C'est vrai que je l'ai dit à la télévision, dimanche soir; je l'ai dit avant, dans les conférences de presse quotidiennes qu'on donnait à la suite des séances de négociation, quand on faisait rapport des discussions de la journée. J'ai répondu à ce moment-là et j'ai donné les raisons. C'est absolument faux de dire qu'ils n'étaient pas prêts à en discuter. On reconnaissait que le système, au fil des ans, au fil des décennies, avait dévié des objectifs de la Constitution de 1867, mais il y a tout le problème du désengagement après un siècle et quart. Il faut quand même vivre dans la réalité; il ne faut pas appliquer à cette question-là une logique extraterrestre.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, le premier ministre, lui, pratique ce qu'on appelle l'esquive latérale.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Brassard: Et pourrait-il reconnaître que le zéro dont il parle, ça s'applique au rapatriement de compétences exclusives nouvelles?

Une voix: Oui.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Brassard: Zéro. Zéro.

Est-ce qu'il est prêt à reconnaître que, pour ce qu'il a obtenu en matière de limitation du pouvoir fédéral de dépenser, c'est bien peu de chose, parce que, d'une part, ça s'applique uniquement aux nouveaux programmes; deuxièmement, il faut qu'ils soient cofinancés - donc, les programmes financés à 100 % par le fédéral ne sont pas touchés - et, troisièmement, la compensation financière, pour l'obtenir, il faut appliquer ici des programmes respectant scrupuleusement les objectifs fixés par le gouvernement fédéral? Est-ce qu'il reconnaît que, finalement, ce qu'il a obtenu en matière de limitation du pouvoir de dépenser, c'est vraiment pour l'avenir et, de façon très restrictive, pour des nouveaux programmes cofinancés seulement? Pour tout ce qui existe, est-ce qu'il reconnaît que le fédéral, au cours des 125 dernières années, s'est ingéré dans à peu près tous les domaines de compétence exclusive du Québec et que, pour tout cela, il n'y a rien de prévu dans l'entente qu'il a signée, que le fédéral va continuer d'être présent partout dans des domaines qui, pourtant, relèvent du Québec? (14 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je reconnais, même si on aurait souhaité plus, qu'on a obtenu les gains les plus importants depuis 125 ans. Le député de Lac-Saint-Jean s'en prend à des objectifs nationaux. Son parti, comme il le sait, propose une union économique au Canada, très intégrée. On pourra parler, à un moment donné, des liens politiques, mais elle est très intégrée, puisqu'elle implique l'union monétaire. Je ne sais pas si le député de Lac-Saint-Jean a le temps de suivre les débats actuellement en Europe et en France, notamment sur les accords de Maastricht, sur la ratification des accords de Maastricht. Je ne sais pas dans quel camp, s'il était en France, s'il avait à voter, de quel côté il voterait, pour le oui ou pour le non.

Des voix: II est toujours contre! Une voix: Avec Le Pen.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez poursuivre, M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je dis, M. le Président, que, quand on parle de marché commun canadien comme on le fait de l'autre côté ou ici, ça suppose certains objectifs qui sont liés à la gérance du territoire canadien. C'est ça que le député de Lac-Saint-Jean ne semble pas comprendre, c'est qu'il nous faut tenir compte de la réalité d'interdépendance économique qui est croissante. C'est pour ça qu'on a accepté, qu'on reconnaît la compétence exclusive du Québec dans plusieurs secteurs. Et, avec la plus grande priorité, la priorité des priorités, dès les prochains jours, il pourra y avoir des rencontres.

On ne peut pas conclure les ententes avant le référendum, mais on peut établir certains paramètres pour ces ententes - la ministre des Affaires culturelles y référait - de manière à pouvoir signer ces ententes le plus rapidement possible. C'est en termes de mois, c'est évident. On reconnaît la compétence exclusive, mais on admet de notre côté qu'il faut tenir compte de la géographie. Je cite encore Napoléon: «Chaque société doit avoir la politique de sa géographie». Alors, la géographie du Québec, c'est d'être situé au centre d'un marché commun et de devoir respecter...

M. Chevrette: Waterloo!

M. Bourassa: M. le Président...

M. Chevrette: Vous allez avoir votre Waterloo!

Le Président: S'il vous plaît!

M. Bourassa: Ça fait longtemps que vous le souhaitez. Ça fait longtemps que vous le souhaitez; vous êtes toujours déçu.

Le Président: En conclusion, M. le premier ministre, s'il vous plaît. S'il vous plaît!

M. Bourassa: M. le Président, je dis au député de Lac-Saint-Jean que nous sommes, à cet égard, réalistes et que nous défendons les intérêts du Québec, à l'aube de l'an 2000, dans un contexte où il faut associer la défense de l'identité québécoise, la promotion de son économie avec le respect d'objectifs liés à un territoire canadien ou à un pays comme le Canada, et associer les intérêts et du Québec et du fonctionnement du marché commun canadien.

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, le premier ministre reconnaît-il que les Européens vont pouvoir se prononcer sur des textes juridiques, ce qu'on ne pourra pas faire encore ici, au Québec? Et peut-il reconnaître que, s'il voulait proposer aux Québécois un traité semblable à celui de Maastricht, quant à moi, il me le demanderait et je répondrais oui?

Des voix: Ah!

M. Brassard: Oui.

Une voix: Oui?

M. Brassard: Oui. Faites-le, par exemple.

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, pour votre question, s'il vous plaît!

M. Brassard: Mais, quand on regarde son brouillon, on est loin de Maastricht!

Le Président: Alors, votre question, s'il vous plaît?

M. Brassard: Le premier ministre reconnaît-il que le fouillis qui a été dénoncé par tout le monde à la commission Bélanger-Campeau, y compris et surtout par les entrepreneurs - je pense à la chambre de commerce, à l'Association des manufacturiers - le fouillis des chevauchements, des dédoublements extrêmement coûteux, entraînant un gaspillage d'énergie, de temps, d'argent et un alourdissement du fardeau fiscal des contribuables, est généré, d'abord et avant tout, par l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser? Reconnaît-il que, dans l'entente qu'il a conclue, rien n'est prévu pour mettre un terme à ce fouillis, pour mettre un terme à ce gaspillage d'énergie et d'argent?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je vais essayer d'être concis, parce que, dans quelques minutes, je dois précisément rencontrer le président de l'Assemblée nationale française, M. Emmanuelli. Probablement que nous discuterons du sujet que nous venons d'aborder ensemble.

Une voix: Bonne chance s'il veut avoir des réponses!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: M. le Président, je dis au député de Lac-Saint-Jean que ce qu'il admet et ce qu'il appuie, c'est le principe de subsidiarité, un concept nouveau pour un monde nouveau, je l'ai dit. C'est exactement ce que les ententes, la dizaine d'ententes qu'on va discuter avec le gouvernement fédéral, visent. C'est d'accorder au niveau de gouvernement le plus efficace pour l'application des politiques... Dans certains cas, c'est au niveau canadien, en tenant compte du territoire canadien, et, dans d'autres cas, c'est au niveau québécois, parce que c'est une compétence exclusive.

Alors, je ne sais pas s'il réalise que, finalement, on est plus proches l'un de l'autre qu'il ne le pense. Non, mais, je crois, M. le Président, que nous aurons l'occasion de démontrer - il se réfère aux textes juridiques - qu'il y a quand même une bonne partie des ententes qui sont sous forme de textes juridiques. La clause Canada, c'est sous forme de texte juridique. Vous avez eu l'occasion de vous prononcer. Finalement, vous êtes en période de réflexion si vous

devez vous rallier à la position du gouvernement. Mais, je veux dire... Je crois, M. le Président, que le député de Lac-Saint-Jean se trompe lorsqu'il accuse le gouvernement de ne pas défendre les intérêts en voulant respecter les juridictions du Québec. Mais je lui réponds, comme je le lui ai dit tantôt, que ceci doit se faire dans un contexte réaliste. Et j'espère bien qu'au cours des prochains jours nous pourrons offrir encore à l'Opposition des textes juridiques - nous allons en recevoir d'ici quelques jours - et que nous pourrons poursuivre le débat comme nous le faisons cet après-midi, avec ouverture et avec transparence.

Le Président: Alors, question principale, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

Exclusivité en matière de santé et de services sociaux

M. Trudel: M. le Président, dès 1920, Alexandre Taschereau dénonçait l'ingérence du gouvernement fédéral en matière de santé. En 1946, c'est Maurice Duplessis qui, à son tour, réclamait fermement que le secteur de la santé soit du ressort exclusif des provinces. En 1965, c'est Jean Lesage qui réclamait l'exclusivité en matière de santé et de services sociaux. En 1966-1967, Daniel Johnson, premier ministre, à une conférence des ministres des Finances, réclamait également l'exclusivité en matière de santé et de services sociaux. En 1970, Claude Castonguay, qui va témoigner dans quelques instants à la commission sur les offres, déclarait, à la conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé: L'organisation et la distribution des soins et des services sociaux et sanitaires se situent clairement dans le champ de compétence exclusive des provinces. Même, en novembre 1979, le premier ministre d'alors, M. Bourassa, réclamait l'exclusivité en matière de services de santé et de services sociaux. En 1979 et en 1971, à Victoria, également. Finalement, c'est le rapport Allaire qui demandait l'exclusivité de la responsabilité québécoise en matière de santé. (14 h 30)

Ma question au ministre de la Santé et des Services sociaux est extrêmement simple: Le ministre peut-il nous dire si le Québec a formellement réclamé l'exclusivité en matière de santé et de services sociaux, à la dernière conférence des premiers ministres? Et, quant aux résultats que nous en avons obtenus, est-ce que le Québec a formellement demandé l'entière responsabilité, l'exclusivité en matière de santé?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, il est heureux que le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue fasse allusion à tous ces grands hommes de l'histoire qui se sont succédé dans ces responsabilités et qui ont sans cesse réclamé, dans une trajectoire qui ne s'est jamais démentie, des pouvoirs ou la clarté des pouvoirs dans le domaine de la santé et des services sociaux pour le Québec. Le rapport Allaire n'est pas différent en ce sens-là; il l'a lui-même évoqué et j'ai, quant à moi, supporté le rapport Allaire. M. le Président, je l'ai fait et je vais continuer de le faire. Une chose est certaine, nous avons aujourd'hui une très large partie du rapport Allaire qui deviendra const it utionnalisée et qui est un pas très important dans la bonne direction. Il faut continuer d'évoluer. En ce sens-là...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Côté (Charlesbourg): J'en espère tout autant de vous, MM. de l'Opposition. Nous avons donc fait ce que nous avions à faire au niveau de la table et nous sommes dans une situation où, effectivement, et on l'a dit, le premier ministre l'a répété, je l'ai dit moi-même, nous n'avons pas obtenu tout ce que nous souhaitions obtenir. Mais une chose est certaine, c'est que, pour nous, ce n'est pas la fin du Québec ni la fin du Canada demain matin, c'est le début d'une nouvelle étape où on règle des problèmes du passé et on continue de travailler dans l'avenir. Si vous n'avez pas foi dans l'avenir, dites-le. Quant à nous, on a foi dans l'avenir et on va continuer de travailler dans le sens souhaité par les militants libéraux et par les Québécois.

Le Président: En question complémentaire.

M. Trudel: Mais là, M. le Président, la question était beaucoup plus simple que la réponse et les entourloupettes qu'on a eues comme réponse. Le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec peut-il nous assurer que le Québec a formellement réclamé l'exclusivité de la responsabilité en matière de santé à la Conférence des premiers ministres?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, si j'ai pris plus de temps à répondre, c'est que j'ai répondu d'abord au préambule. Je vais répondre à la question, maintenant, qui était beaucoup plus courte. Non, nous n'avons pas demandé l'exclusivité...

Des voix: Ah!

M. Côté (Charlesbourg): ...et je vais vous dire pourquoi. Ce n'est pas différent de ce que j'ai dit en Chambre. Je ne suis pas intéressé, quant à moi, à avoir comme pouvoirs au Québec les brevets sur les médicaments. Si ça vous intéresse, moi, ça ne m'intéresse pas et je pense que ça doit continuer d'être de responsabilité, à

ce moment-la, fédérale. Alors, a votre réponse, non, nous n'avons pas réclamé l'exclusivité totale des pouvoirs de santé et de services sociaux.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Trudel: Comment le ministre peut-il affirmer qu'il a respecté le propre rapport Allaire en disant qu'ils n'ont même pas réclamé l'exclusivité en matière de santé?

Deuxièmement, quand le ministre de la Santé et des Services sociaux entend-il retourner à la table de négociation pour réclamer que l'argent du gouvernement fédéral qui est dépensé en matière de santé au Québec soit possiblement retourné au Québec ou, enfin, réussir, lui, là où le premier ministre a clairement échoué?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): m. le président, il reste effectivement du travail à faire, on va continuer de le faire. et ne prenons qu'un seul exemple, qui est d'actualité, oui. vous vous imaginez, vous autres, qu'avec l'indépendance du québec que vous prônez il n'y aura pas de travail de négociation à faire après! vous sortez d'où, là? d'où sortez-vous, là?

Une voix: Des boules à mites!

M. Côté (Charlesbourg): D'où sortez-vous? M. le Président, oui, il reste du travail à faire, et c'est très honnête de le dire aux citoyens puis aux citoyennes du Québec. Ça, c'est un principe de base que nous avons. Au-delà de tout cela, prenons un programme en particulier, celui de la jeunesse, qui a été dévoilé par le gouvernement fédéral, Grandir ensemble. À l'intérieur de cela, il y a de l'argent qui est dépensé dans des champs qui sont de responsabilité fédérale et il y a de l'argent qui est mis de côté, que nous devons négocier. Nous aurons, pour votre plaisir et ma satisfaction aussi, une rencontre avec le gouvernement fédéral, mon homologue, M. Benoît Bouchard, le 22 septembre prochain, pour aborder le dossier de Grandir ensemble sur exactement l'esprit qui a été négocié à la table avec les premiers ministres, d'éviter effectivement des chevauchements, des dédoublements au profit des citoyens et citoyennes du Québec, et dans ce cas-là en particulier, la jeunesse.

Le Président: Pour une autre question complémentaire.

M. Trudel: Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux n'estime pas qu'on avait un peu plus de chances de réussir d'égal à égal que 1 contre 16 dans ce type de négociations?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, ça me fait toujours un peu rire, pour quelqu'un qui avait fait le choix, à un certain moment donné, d'être un digne représentant du Québec à Ottawa...

Des voix:...

M. Côté (Charlesbourg): ...il a fini par comprendre. Alors, je remarque que ses collègues de banquette...

Le Président: Un instant. Oui, M. le ministre, un instant. S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je reconnais le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'entendais une remarque, que vous avez certainement entendue, du député qui parlait du vice-président de l'Assemblée qui a déjà été candidat du NPD dans Montréal, mais, lui, il est toujours à l'intérieur du Canada, il ne veut pas être à l'extérieur du Canada.

M. le Président, nous allons continuer de travailler et d'oeuvrer à l'intérieur de la structure actuelle et nous allons revendiquer pour les Québécoises et les Québécois ce que nous continuons de revendiquer. Ça ne me fait pas peur, moi, si ça vous fait peur, des normes nationales, en autant que l'argent suive. Et ça ne me fait pas peur non plus, des programmes cofinancés, parce qu'ils sont exactement dans l'esprit de Meech et dans l'esprit de l'entente que nous avons négociée, qui a été brillamment négociée et qui sera au profit du Québec.

Le Président: En question principale, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

Compétence du Québec en matière de communications

M. Bourdon: M. le Président, le ministre des Communications rêve toujours de négocier avec Ottawa pour obtenir enfin des pouvoirs en matière de radio, de télévision et de télécommunications. L'article 37 de la proposition de Charlottetown prévoit maigrement que le fédéral devrait négocier avec les provinces afin d'harmoniser et de coordonner les organismes de réglementation en communications. À l'automne 1991, il faut se rappeler que le ministre a soumis au bureau du premier ministre une audacieuse politique de récupération de pouvoirs en radio et en télévision. Ce projet de politique n'est jamais revenu du bureau du premier ministre. Alors, ma question précise au ministre: Le ministre peut-il nous indiquer quand il va être enfin autorisé à faire connaître ses revendications en matière de

communications?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Cannon: Merci, M. le Président. Calmement et allant au fond des choses, je crois qu'il est important de noter un progrès, mais un progrès substantiel et réel en ce qui concerne le dossier des télécommunications. Le fait, M. le Président, que les acteurs politiques ou les dirigeants politiques de ce pays, incluant les autorités du gouvernement fédéral - et le député sait très bien le contentieux qui a existé depuis de nombreuses années quant à la légitimité des institutions et des organismes de régulation sur le territoire québécois - le fait, M. le Président, que, dans cet accord politique, aujourd'hui, on dise qu'il y a harmonisation entre les organismes de régulation signifie très clairement que l'on reconnaît au Québec la légitimité de tarifer et d'agir sur son territoire, ce que nous n'avions jamais eu auparavant. Ça, c'est la première constatation, M. le Président, et ça, c'est un progrès réel, il faut le noter.

L'autre élément, c'est que, dans ce dossier-là comme dans plusieurs autres dossiers, nous allons négocier, et c'est exactement...

Des voix:...

M. Cannon: M. le Président, je vois le député de Labelle qui...

Le Président: Un instant! Un instant, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! En conclusion, M. le ministre.

M. Cannon: Oui. M. le Président, très brièvement, en conclusion, je vois le député de Labelle et le député de Joliette qui trouvent ça bien drôle que nous devions négocier, mais ils sont en train de renier exactement les propos de leur chef, au moment de la déclaration de l'ouverture de Bélanger-Campeau où, effectivement, le chef de l'Opposition a déclaré que, parmi les éléments qui devaient être négociés avec le gouvernement fédéral, il y avait le secteur des communications. Mais on devance maintenant le chef de l'Opposition, on commence à négocier.

Le Président: En question complémentaire.

M. Bourdon: M. le Président, le ministre peut-il nous expliquer comment, dans le monde, il compte obtenir des pouvoirs quand il n'a même pas encore été autorisé à les demander?

Le Président: M. le ministre.

Des voix: Ha, ha, ha! (14 h 40)

M. Cannon: M. le Président, si on peut être sérieux pour quelques minutes et faire en sorte que l'outrance ou l'overdose de l'outrance verbale à laquelle on a été habitués de la part du député de Pointe-aux-Trembles cesse, moi, je parle d'ententes administratives qui vont permettre aux entreprises québécoises de continuer à rayonner, non seulement sur le territoire québécois mais sur l'ensemble du territoire canadien et sur le territoire mondial. Il le sait, le député, comme moi, qu'au Québec on compte 3900 entreprises dans le secteur des télécommunications et des communications, que ça crée 93 000 emplois et que ça totalise des revenus de 10 200 000 000 $. Ce n'est pas une petite industrie. Ce qui est important, c'est de faire en sorte que nous puissions harmoniser notre procédure de réglementation avec celle qui est en vigueur non seulement au Canada mais partout sur le continent. Nous vivons dans un monde hautement compétitif et concurrentiel, et nous devons donner un avantage à nos entreprises pour qu'elles puissent rayonner.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Bourdon: M. le Président, le ministre convient-il que son gouvernement n'a absolument rien obtenu en matière de communications pour la bonne et simple raison qu'il n'a rien demandé?

Le Président: M. le ministre.

M. Cannon: Ça me fait rire un peu, M. le Président, puisque je voyais une déclaration qui a été livrée dans le quotidien Le Devoir du 2 février 1985. Je cite: «Masse et Bertrand - vous vous rappelez, Jean-François Bertrand, l'ancien ministre des Communications - signent une entente de 40 000 000 $ pour développer l'industrie des communications au Québec. C'est la première fois, disait-on, dans l'histoire des relations Québec-Canada qu'une entente est signée dans le secteur des communications. L'accord découle d'une entente-cadre»... Plus loin, M. Jean-François Bertrand disait, en citant l'accord signé avec M. Masse: «Même si nous sommes loin d'avoir renégocié tout le contentieux dans le domaine des communications, nous sommes sur la bonne voie.»

C'est donc clair, M. le Président, que ce que disait mon prédécesseur, ce que disait Jean-François Bertrand alors qu'il était membre de votre gouvernement, lorsque vous étiez au pouvoir, c'était qu'il fallait trouver des ententes administratives et il fallait les négocier. Nous continuons exactement dans la même voie. Ce que nous avons obtenu, je le répète, c'est la reconnaissance, la légitimité de la Régie québécoise des télécommunications. Le député sait très bien que c'est hautement important, cette chose-

là, compte tenu des causes qui sont déjà devant les tribunaux.

Le Président: Pour une question complémentaire, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre ne croit pas que c'est la conjoncture actuelle qui lui donnait le meilleur rapport de force pour négocier des ententes? Un coup signées, quel rapport de force lui reste-t-il? S'il n'a pas été capable, au moment crucial où on voulait que le Québec réintègre la Constitution canadienne, d'obtenir quelque chose, comment va-t-il pouvoir obtenir quelque chose au moment où on aura abdiqué devant tout?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Cannon: C'est absolument bizarre, M. le Président, d'entendre la question du leader de l'Opposition, lui qui parle de rapport de force, et qui, dans un Québec souverain, dans un Québec indépendant, selon son chef, irait négocier des ententes dans le secteur des communications et dans le transport. Pensez-vous pour une seconde, comme disait mon collègue, le député de Charles-bourg, que lorsque vous aurez giflé le Canada vous allez vous asseoir à la table et que, dans le meilleur intérêt des Québécois, vous allez chercher la meilleure négociation? Voyons! vous ne savez pas de quoi vous parlez.

Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! En question principale, M. le député de Lévis.

Impacts de la fusion entre Canadien et Air Canada

M. Garon: M. le Président, nous apprenions ce matin la fusion entre Canadien et Air Canada. Cette fusion accélérera le mouvement de transfert des activités du transport aérien vers Toronto. On se rappellera qu'en 1988 Air Canada a déplacé toutes les opérations de formation des pilotes à Toronto, à l'exception de ceux des DC-9, et en juin 1991 Air Canada a déménagé de Montréal à Toronto une vingtaine d'employés, dont 12 postes de direction reliés aux opérations de cette société. À l'heure de la mondialisation et du libre-échange avec les États-Unis et le Mexique, dans un lien Nord-Sud, nous assistons à la formation d'un monopole Est-Ouest dans le transport aérien au Canada et à la disparition de la concurrence. Le fédéral célèbre le mariage de l'Est du Canada avec l'Ouest, mais le couple ira vivre à Toronto.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Garon: La réalité, c'est ça, M. le Président. Au ministre des Transports, illustre fédéraliste qui a la foi du charbonnier: Quels sont les impacts, s'il a fait des études, de cette fusion sur le transport aérien au Québec et quelles garanties le ministre a-t-il obtenues du fédéral sur le maintien des emplois et du siège social d'Air Canada au Québec, après avoir transféré le siège social des compagnies de chemins de fer et les ateliers de réparation dans l'Ouest du Canada? Et, sur les 50 000 emplois découlant de l'industrie aérienne à Montréal, combien vont disparaître, M. le Président, selon les appréhensions du ministre des Transports?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Elkas: M. le Président, j'écoute le député de Lévis puis je comprends sa frustration dans ce mariage entre l'Est et l'Ouest du Canada, ce qui démontre clairement que son option, c'est seulement...

Une voix: C'est ça.

M. Elkas: ...Quebecair. Quebecair, qui a coûté aux Québécois 16 000 000 $ à 20 000 000 $ par année de déficit. C'est l'option du député de Lévis.

Une voix: C'est ça.

M. Elkas: Vous faites un procès...

Une voix: D'intention.

M. Elkas: ...d'intention. Vous n'avez aucune preuve à savoir ce qui va à Toronto ou ce qui va dans l'Ouest. Je vais vous dire, M. le Président, j'ai rencontré...

Des voix:...

M. Elkas: ...mon homologue, le ministre des Transports du Canada, et il m'a donné son assurance que le siège social resterait à Montréal. Chose faite. Quant aux 2000 emplois au Québec, je vais m'occuper, je vais m'assurer qu'on va défendre les intérêts du Québec. J'ai créé un comité d'experts du milieu pour nous assurer qu'on se positionne. Le député de Lévis ainsi que l'Opposition ne sont même pas au courant du contenu. On parle toujours de voir des textes. Attendez donc! Regardez le texte avant de commenter.

Des voix: Ha,ha, ha!

Une voix: C'est bien.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, pour une question

complémentaire, M. le député de Lévis. Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, en question complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: Puisque le ministre a rencontré le 11 août dernier, il y a un mois, le ministre fédéral et qu'il a qualifié sa rencontre avec M. Corbeil de positive, quelles sont les assurances concrètes, non pas les voeux pieux de deux fédéralistes qui se rencontrent, les assurances concrètes que le fédéral lui a données concernant l'avenir du transport aérien au Québec et des services aériens dans les régions du Québec? Qu'est-ce qui va rester d'Air Canada au Québec et des services régionaux, et qu'est-ce que M. Corbeil lui a dit concrètement à ce sujet? Je ne parle pas d'écrits sur la glace au soleil. Qu'est-ce qu'il lui a dit concrètement et quels sont les textes? Ça fait un mois que la rencontre a eu lieu, M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Elkas: M. le Président, au moment où j'ai rencontré mon homologue à Montréal pour discuter de ce dossier, il était évident qu'on ne savait pas avec qui Air Canada ou même Canadien étaient pour s'affilier. C'est assez difficile de dire ou de prendre une décision-Une voix: C'est ça.

M. Elkas: ...de prendre une position tant qu'on n'avait pas vu encore le mariage. Ce que je vous dis, c'est qu'on voulait protéger 2000 emplois, s'assurer qu'on ait de la croissance, une fois ce mariage fait, et s'assurer aussi que le siège social reste au Québec.

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire.

M. Garon: Comment, M. le Président, le ministre pouvait-il dire, dans La Presse du 11 août dernier: «Elkas trouve positive sa rencontre avec Corbeil», s'il n'a eu aucune assurance? Aujourd'hui, il n'a rien de concret. Et qu'est-ce que le ministre, maintenant, va faire, à partir d'aujourd'hui, pour maintenir au Québec ce qu'il reste de la direction des activités d'entretien et de la formation technique d'Air Canada et pour s'assurer que les consommateurs ne fassent pas les frais de la disparition de la concurrence? Est-ce qu'il va attendre que ça se passe comme dans le cas des trains, qu'on ferme les ateliers à Montréal puis qu'on les transporte dans l'Ouest du Canada?

Le Président: M. le ministre.

M. Elkas: M. le Président, je peux bien comprendre qu'on fasse la lecture d'une question; je retourne la réponse, la même que j'ai donnée dans le deuxième volet de ma réponse: J'ai rencontré le ministre fédéral. Comme je l'ai mentionné, on ne savait pas qui était pour être les partenaires. Une chose était sûre, on était pour se positionner ici au Québec, travailler avec des comités d'experts qui connaissent très bien le milieu, et s'assurer qu'on se positionne de façon à protéger nos intérêts, ici au Québec. (14 h 50)

Quant au monopole, il y a des monopoles qui fonctionnent assez bien. Par contre, comme le ministre l'a mentionné, il y a des choses qu'on doit peut-être réglementer, mais on va voir. Des choses comme des tarifs élevés peuvent vraiment blesser nos clients, mais c'est une chose qu'on va aussi protéger au niveau de notre région. Comme vous le savez, M. le Président, nous avons un contrat avec Inter sur la desserte de la Basse-Côte-Nord, un contrat qui est assez important pour Inter. On va s'assurer, on va continuer de s'assurer qu'on respecte le contrat qu'on a signé avec ces gens-là, et on va s'assurer que notre desserte est faite d'une façon correcte, et que les gens du coin ne seront pas blessés.

Le Président: Pour une dernière question additionnelle, M. le député de Lévis.

M. Garon: Comme vous avez engagé des experts, et que les experts marchent habituellement sur mandat, quels sont les mandats que vous avez donnés aux experts dans le sens de protéger les emplois au Québec, puisque dans une fusion, on veut habituellement rationaliser et faire disparaître des emplois? Selon l'appréhension que vous avez au ministère des Transports, les emplois vont disparaître où dans la fusion entre Air Canada et Canadien? Au Québec, en Ontario ou dans l'Ouest? Est-ce que vous avez une idée, ou si vous n'en avez aucune idée actuellement?

Le Président: M. le ministre.

M. Elkas: C'est assez clair, M. le Président, les deux compagnies avaient annoncé qu'il était pour y avoir des baisses au niveau des effectifs dans les deux régions: à Montréal, à Toronto et dans l'Ouest. Mais de s'assurer qu'il y ait une rationalisation... Ils ne sont pas les seuls au Canada, ils ne sont pas les seuls au Québec qui font de la rationalisation dans leurs entreprises. Mais, une fois faite, de bâtir une entreprise solide, à Montréal, c'est notre mandat et, associé à ce mandat, c'est de s'assurer qu'on augmente nos effectifs.

Le Président: Une question complémentaire?

M. Gobé: M. le Président.

Le Président: Une question complémentaire, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le ministre des Transports, est-ce que vous pourriez nous indiquer, advenant l'indépendance du Québec - ce qui est la théorie du Parti québécois - quels seraient les leviers à votre disposition pour maintenir...

Le Président: Un instant. S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Vous savez fort bien que c'est clairement... Ce genre de question est clairement une question d'opinion qui est non admissible au sens du règlement. Si vous voulez reformuler votre question, s'il vous plaît. S'il vous plaît!

M. Gobé: Je m'excuse, M. le Président. J'ai mal formulé ma question. Est-ce que M. le ministre pourrait nous indiquer quels seraient les moyens à sa disposition pour maintenir les employés d'Air Canada et la base d'entretien au Québec, advenant l'indépendance du Québec?

Le Président: Écoutez... À l'ordre, s'il vous plaît! Vous savez fort bien que la question est contraire au règlement, sur une question hypothétique, à ce moment-ci. Votre question principale, M. le député de Bertrand.

M. Beauine: Merci, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Pour une question principale, M. le député de Bertrand.

Relocalisation à Laval du centre de conduite du réseau d'Hydro-Québec

M. Beauine: Le 17 juin dernier, la ministre de l'Énergie et des Ressources, responsable d'Hydro-Québec, affirmait en cette Chambre que le choix de Laval par rapport à Varennes pour la relocalisation du centre de conduite du réseau d'Hydro-Québec, un projet de 258 000 000 $, était le résultat d'un processus purement administratif, interne, à Hydro-Québec, et elle s'engageait du même coup à ce qu'Hydro-Québec dépose les études pertinentes justifiant ce choix.

Puisque Hydro-Québec, malgré mes nombreuses demandes, n'a toujours pas déposé les études en question, la ministre maintient-elle qu'il s'agit d'une décision purement administrative et, si c'est le cas, pour le prouver, peut-elle nous dire quand Hydro-Québec déposera les études pertinentes et, entre autres, celle du service des édifices d'Hydro-Québec?

Le Président: Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: M. le Président, je suis tout à fait étonnée de la question du député de Bertrand, qui a reçu d'Hydro-Québec toutes les informations pertinentes dans ce dossier, dossier qui relève de l'administration d'Hydro-Québec et non de la ministre de l'Énergie et des Ressources, premièrement. Deuxièmement, M. le Président, j'ai déjà dit en cette Chambre que je ne me permettrai pas à moi ce que j'ai défendu à la députée de Johnson dans le dossier Peerless. Et, troisièmement, M. le Président, si le député veut faire de la politique pour épater ses gens du comté de Bertrand, il pourrait peut-être leur dire qu'ils ont reçu, au cours des derniers temps, 70 000 000 $ d'Hydro-Québec. Vous avez patronné pour faire ça, M. le député de Bertrand?

Des voix: Bravo!

Le Président: C'est la fin de la période de questions. S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

Alors, il n'y a pas de votes reportés.

Motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions.

À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés!

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, je vous avise qu'aujourd'hui, le jeudi 10 septembre 1992, de 15 h 30 à 18 heures et de 19 heures à 21 h 30, à la salle du Conseil législatif, la commission d'étude sur toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle se réunira en séance publique.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour Affaires prioritaires

Reprise du débat sur la proposition du premier ministre visant l'adoption d'une

question devant faire l'objet d'une

consultation populaire portant sur un

nouveau partenariat de nature constitutionnelle

et sur la motion d'amendement

Nous allons donc procéder aux affaires du jour et, à ce moment-là, nous allons poursuivre le débat sur la motion de M. le premier ministre visant l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une consultation populaire portant sur un nouveau partenariat de nature constitutionnelle et sur la motion d'amendement de M. le député de D'Arcy-McGee, en demandant la collaboration de tous les collègues, s'il vous plaît.

Je suis prêt à reconnaître un intervenant. Je vais reconnaître maintenant Mme la députée

de Bourget.

Mme Huguette Boucher Bacon Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président. Une voix: En rouge, à part ça! Mme Boucher Bacon: En rouge, à part ça!

Le Président: Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît! Un instant, Mme la députée. Je voudrais bien vous reconnaître, mais je voudrais m'assurer de vous entendre et que tous les collègues qui veulent vous entendre vous entendent bien également.

Alors, je vous donne la parole. Allez-y.

Mme Boucher Bacon: Merci, M. le Président. J'aimerais profiter de cette occasion qui m'est donnée pour parler aux gens de chez nous. Les gens de chez nous, M. le Président, c'est aussi les gens de chez vous, c'est aussi les gens de la province de Québec. Mais les gens de chez nous, cet après-midi, c'est les gens de Bourget, pour moi, les gens de mon comté, tous ceux, M. le Président, qui ont bâti le Québec, mais aussi qui ont bâti le Canada. Je veux les rejoindre du fond du coeur pour leur dire oui, pour leur dire que je dis oui à l'entente, parce que je les représente et que je suis convaincue que, comme eux, je suis une personne simple, généreuse et fière comme ils le sont, fière de leur institution, mais prudente.

Comme eux, je suis prudente, car ils ne veulent pas voter non à l'entente s'ils savent fort pertinemment que ça les rapprocherait de la rupture avec le fédéralisme. Ils ne veulent pas, ces gens-là, M. le Président, lutter à l'intérieur du Canada, parce qu'ils sont là. Ils se sont déjà prononcés dans un référendum, en 1980, et ils voient d'un mauvais oeil, M. le Président, l'élection de M. Parizeau. Ils voient d'un mauvais oeil, M. le Président, un autre référendum sur la souveraineté. Ils ne veulent pas avoir à recoller les morceaux. (15 heures)

Ces gens-là, M. le Président, veulent la sécurité, se développer en harmonie et protéger leur avenir. Ils ont toujours lutté pour défendre leurs biens à la sueur de leur front, M. le Président, à combattre comme des Canadiens pour défendre le Canada. Dans mon comté j'ai la base militaire. À tous ces Québécois qui défendent le Canada dans l'armée canadienne, à ces gens-là, M. le Président, je pense qu'ils savent et qu'ils ont toujours su que le fédéralisme est leur sécurité. Ils savent que c'est notre chef, M. Robert Bourassa, qui leur a apporté cette entente valable. Ils ne veulent pas se flageller eux-mêmes en votant non. Ils ne veulent pas échapper à leur dernière chance de paix sociale. Oui, je suis convaincue que les Québécois et les gens de chez nous, dans Bourget, vont accepter cet accord. Il n'y a aucun recul, mais que de la protection.

Je vais vous en citer plusieurs. Il y a de la protection pour la loi 101, protection pour la société distincte, protection pour la langue, protection pour la culture, protection pour la démographie, avec les 25 % à la Chambre des communes à Ottawa, protection pour l'immigration, pour les nombreux immigrants qui sont dans mon comté, protection pour notre Assemblée nationale, cette digne Assemblée qui représente la démocratie, M. le Président, protection aussi pour une garantie des trois juges, protection avec six sénateurs, protection, en soi, pour notre avenir.

Je peux parler, dans l'est de Montréal, oui, il y a de la pauvreté, mais on sait qu'avec cette entente on va aller chercher les pleins pouvoirs pour le logement, pour notre développement régional. On sait qu'à Montréal il y a de l'appauvrissement, mais il faut se rappeler que ce n'est pas à cause de la Constitution. Les gens de l'est de Montréal sont honnêtes et être honnête, c'est dire oui à l'entente, c'est dire oui à Meech plus, dire oui à ce que notre premier ministre a été chercher, M. le Président.

La grande question de l'heure, c'est: «Acceptez-vous que la Constitution canadienne soit renouvelée - ça, c'est honnête, M. le Président - sur la base de l'entente conclue le 28 août?» Tout n'est pas terminé, M. le Président. On va continuer à aller chercher ce qu'on a cherché parce qu'on est des gens honnêtes et on travaille pour le Québec, on travaille pour notre société québécoise.

Les Québécois ont un Canada. Ils vont le dire haut et fort pour la dernière fois. Ils vont dire oui à l'entente, car c'est la meilleure pour eux, pour nous et pour nos enfants. Notre avenir, c'est oui. Un vote pour le non, c'est l'insécurité pour les investisseurs, pour toutes les institutions aussi qui seront menacées. Ce que les gens veulent, c'est la solidarité d'un grand peuple québécois, ouvert, oui, M. le Président, sur le monde, ouvert à une immigration, aux services du Québec français, c'est-à-dire ouvert à la stabilité. Qu'est-ce que la stabilité, M. le Président? Dans une entente, il en faut de la stabilité, de la stabilité pour protéger.

C'est un progrès réel. Même si les attentes étaient grandes et qu'on croyait aller chercher plus, je crois que ce qu'on a été chercher, c'est un fédéralisme en évolution. On évolue. Tout le monde évolue. À tous les jours, on évolue. À tous les jours, notre pensée évolue. Sinon, on devient stérile. Ce n'est pas ça le choix de notre premier ministre. Notre premier ministre a préféré évoluer et faire progresser le Québec.

M. le Président, un progrès, notamment sur la situation actuelle. Meech est préservé, Meech préserve cette stabilité. C'est préserver aussi le poids politique aux Communes, même si dans beaucoup de négociations il reste des choses à faire. Pour son avenir, la valeur sûre, c'est la

stabilité, d'être conscient que l'on n'a pas toujours ce que l'on veut. Moi, je peux vous dire que ma mère m'a toujours dit: «Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.» Un tiens, c'est présentement ce qu'on est en train de négocier, une entente saine, une entente qui va assurer la stabilité politique, économique. Il faut avoir le choix pour dire au reste du Canada: Oui, nous sommes à l'intérieur de la Fédération. Mais, attention! Nous sommes le levier, nous sommes à l'intérieur d'une géographie, et il ne faut pas l'oublier, M. le Président.

Alors, je pourrais vous dire que, la souveraineté, ce serait un recul. Ces gens d'en face ne savent pas ce que c'est, le mot «reculer», parce qu'ils ont toujours reculé en arrière. On voit qu'ils ont reculé en perdant le droit de veto, on voit qu'ils ont reculé en perdant leur référendum, on voit qu'ils ont recule devant à peu près tout, M. le Président.

On entendait, à la période de questions, le ministre des Communications citer M. Bertrand. Est-ce qu'il a été capable de faire mieux? Qu'est-ce qui nous garantit que la souveraineté va nous donner mieux, M. le Président? Alors, je vous dis: Attention! Oui, il faut de la prudence, parce que dans les négociations qui s'achèvent on a augmenté notre influence au Parlement d'Ottawa, mais aussi on a augmenté notre influence au Parlement canadien. Et on voudrait me faire accroire que ces gens-là vont respecter tout ce qu'il y a à respecter pour les pouvoirs quand, à un moment donné, ils vont avoir déchiré, giflé le reste du Canada? Non, M. le Président, personne ne va me faire accroire ça. Il y a un vieux proverbe qui dit: Dans l'incertitude, on s'abstient. C'est l'incertitude, M. le Président, la souveraineté. C'est l'incertitude, M. le Président. On ne sait pas. Avec eux, personne ne nous donne des garanties au point de vue économique. Deux monnaies? Deux passeports? Qu'est-ce qu'il faut encore entendre et croire?

L'insécurité, c'est eux, M. le Président. Les gens bien ordinaires, les gens comme moi, les gens de chez nous, les gens de gros bon sens savent qu'ils vont dire non à cette souveraineté et qu'ils vont dire oui, M. le Président, qu'ils vont s'abstenir de l'incertitude, qu'ils vont s'abstenir de cette souveraineté qui veut dire aussi deux passeports, deux nationalités? Est-ce qu'ils ont fait un plan? Est-ce qu'ils ont fait un pro forma de ce que sera leur souveraineté? Pas du tout, M. le Président, ils n'ont jamais fait de débat de fond.

Je pourrais vous dire, M. le Président, que je suis fière. Je suis fière de vivre ce moment historique et de dire oui à l'entente, de dire oui à mon premier ministre pour tout ce qu'il a fait pour les Québécois. Alors, gens de Bourget, on sera gagnants le 26 au soir. Oui, M. le Président, on pourra dire oui à M. Bourassa, oui au Québec, oui au Canada, ensemble - pas tout seuls, ensemble - oui aux grands moments de notre histoire politique québécoise, oui à cette fierté nationale, oui, M. le Président, à notre société distincte, ouverte sur le monde pour nos enfants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Bourget. Je vous rappelle que nous sommes à débattre de la question référendaire suggérée par M. le premier ministre. Je reconnais à partir de maintenant M. le député de Viau et whip en chef du gouvernement. M. le député.

M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. C'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui sur le débat sur la question référendaire; une question, il faut le dire, qui est très claire, très nette et très précise, bien au contraire de celle qu'on a vue en 1980. M. le Président, cette question, il est important de la répéter, se lit comme suit: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?» Oui, M. le Président, une question dont la réponse ne peut signifier que deux choses: un oui voudra dire que les Québécois et Québécoises auront choisi une entente valable et un progrès réel; un oui voudra dire que l'on met fin à cette crise constitutionnelle qu'on vit depuis des années ici, au Québec, et un oui à cette entente est aussi l'ouverture à plusieurs autres amendements qui n'exigeront pas le principe de l'unanimité au niveau des changements. Vous savez fort bien, M. le Président, et les gens de l'autre côté le savent fort bien, que la formule du 7-50, 7 provinces et 50 % de la population, va s'appliquer sur d'autres amendements.

Un non, contrairement à ce qu'on peut nous dire de l'autre bord, c'est le statu quo dans le recul et l'incertitude. Et, M. le Président, je pense que vous me connaissez assez bien pour comprendre que, pour moi et pour l'ensemble de mes collègues, le statu quo est totalement inacceptable. (15 h 10)

Les gains de cette entente sont des gains historiques pour le Québec, qui reflètent la dualité, celle des deux peuples fondateurs de notre pays. À titre d'exemple très précis, et d'autres collègues le feront, M. le Président, si on parle justement de l'entente et de la question du Sénat, vous savez que les francophones obtiennent un droit de veto sur les politiques culturelles ou linguistiques, et cela, strictement sur la législation fédérale; ça ne touchera d'aucune façon les législations provinciales et ça ne touchera aucunement les lois, ici, de l'Assemblée nationale.

C'est très simpliste, M. le Président, comme le disait le député de Gouin, l'autre jour, ainsi que la députée de Terrebonne, que de passer de

26 à 24 sénateurs. Le calcul est simple disaient-ils: 24 moins 18, c'est une réduction, c'est un affaiblissement pour le Québec. Mais c'est ridicule, M. le Président, de dire de telles choses parce que, de l'autre côté de cette Chambre, on oublie une deuxième partie qui est appelée le principe de la double majorité. M. le Président, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre ces gens de l'autre bord. Pourquoi ils oublient cette deuxième partie? Est-ce parce qu'ils ne comprennent pas le principe de la double majorité ou est-ce qu'ils veulent faire de la démagogie avec des chiffres, M. le Président? Le principe de la double majorité a été accepté ici, à l'Assemblée nationale du Québec, suite au rapport French-Vaugeois, le rapport de MM. French et Vaugeois qui étaient députés ici, à l'Assemblée nationale, en 1981. Au niveau de la réforme parlementaire, on disait qu'au niveau des commissions, dans certains cas, pour protéger la minorité de l'Opposition, il fallait une double majorité.

Vous l'avez vécu, M. le député de Labelle, vous savez ce que c'est, une double majorité. Mais, pour ceux qui nous écoutent et qui ne savent pas ce que ça veut dire, la double majorité, on prend, par exemple, la commission des institutions. À la commission des institutions, ici, à l'Assemblée nationale, siègent 11 députés de la formation ministérielle. Il y a 4 députés de l'Opposition, 4 péquistes. Dans une résolution qui requiert la double majorité, il suffit que 2 députés péquistes sur 4, 2 sur 4, votent contre la résolution. Même si les 11 libéraux votaient pour et les 2 péquistes votaient pour, M. le Président, vous le savez, vous connaissez les règlements autant que moi, la résolution est bloquée. C'est quoi, ça? Ce n'est pas un droit de veto que deux personnes sur l'ensemble puissent bloquer des résolutions? C'est ça qui s'applique au Sénat et je n'ai pas entendu une personne de l'autre côté de cette Chambre expliquer le principe de la double majorité, M. le Président. C'est un principe qui protège la minorité au niveau du Sénat.

Prenons l'hypothèse que le Québec soit le seul à choisir, par une élection, ici, à l'Assemblée nationale, par des gens qui seraient élus tant du côté ministériel que du côté péquis-te - M. le Président, quand il y a un vote, c'est l'ensemble des députés qui votent - d'envoyer 6 francophones au Sénat. M. le Président, alors prenons l'hypothèse extrême. Vous avez 6 sénateurs désignés, francophones, au Sénat et vous en avez 58 autres, 57, 56 autres désignés, anglophones. En matière culturelle et linguistique, sur les 6 sénateurs du Québec, francophones, représentant les intérêts du Québec, qui seront élus par nous, ici, à l'Assemblée nationale, il suffit de trois qui voteraient contre une telle résolution, M. le Président, pour que le tout soit bloqué. Même si les trois autres du Québec votaient en faveur, puis que le reste du Canada votait en faveur, M. le Président, les 59 seraient battus parce qu'il y en a trois qui seraient contre, M. le Président. C'est ça, le principe de la double majorité, M. le Président. Est-ce que c'est clair? Si les gens de l'autre bord ne le comprenaient pas, j'espère qu'ils le comprennent maintenant.

Aussi, on donnait l'exemple... Le député de Gouin, mon collègue, mon voisin dans la région de Montréal, disait que, bon, ça ne voudrait rien dire d'avoir 18 députés de plus au niveau de la Chambre des communes. Mais, pour les Québécois, pour les Québécois comme nous, avoir une représentation qui est augmentée de 18 est considérable de plusieurs façons. La première, M. le Président, si ces députés se trouvent du côté ministériel - une vague, qu'on appelle, O.K.? -c'est sûr que, le Québec ayant 18 députés de plus aux Communes, on risque d'avoir beaucoup plus de ministres qui proviennent du Québec. Alors, c'est une représentation de la population québécoise.

Si, à l'opposé, avec une vague contraire - on connaît ça, M. le Président, des vagues - les députés du Québec se retrouvaient dans l'Opposition, bien, ils vont être plus nombreux, M. le Président, pour bloquer des projets de loi qui iraient à rencontre des intérêts du Québec. C'est vrai, M. le Président, qu'il y en a qui n'ont pas vécu l'Opposition. Je l'ai vécue, l'Opposition, puis je vais vous dire une chose - et, en tant que président, peut-être qu'aujourd'hui vous le savez: Une Opposition structurée, une Opposition représentative, M. le Président, a autant de pouvoirs que le gouvernement, parce qu'une Opposition qui est structurée, qui est représentative, comme ils l'ont vécue lorsqu'ils étaient assis de ce côté-ci de la Chambre... M. le Président, on les a forcés à modifier des projets de loi qui, selon nous, ne représentaient pas les intérêts du Québec. On l'a fait parce qu'on était structurés, M. le Président, on l'a fait parce qu'on pouvait négocier au nom des personnes qu'on représentait. Ce n'est pas nécessairement le cas dans la situation présente, M. le Président, mais c'est à eux de devenir un peu plus structurés et plus efficaces.

M. le Président, ça veut dire quoi, ça, 25 % de protection au niveau de la deputation au niveau fédéral? 25 %, M. le Président, ça veut dire aussi un poids politique au niveau de chacun des partis qui travaillent au niveau fédéral. Ça veut dire, en termes concrets, lorsqu'il y aura un congrès thématique, qu'on appelle - on fait des petits calculs, M. le Président - cette proposition des 18 comtés de plus, 18 associations de plus pour chacun des partis, M. le Président; ça veut dire environ 300 personnes de plus qui vont représenter le Québec dans chacun de ses partis. Un congrès thématique. On n'a qu'à penser à un congrès à la chefferie, M. le Président. Voyez-vous le poids que ces 18 comtés de plus vont donner aux partis politiques qui ressortent du Québec? Ils viennent du Québec, ils ne viennent

pas... Ces gens-là seront du Québec, ils ne seront pas du Manitoba, ils ne seront pas de la Saskatchewan, ils vont être du Québec, M. le Président. Alors, je pense que c'est un poids politique considérable qu'on oublie de mentionner de l'autre côté de cette Chambre.

M. le Président, the constitutional agreement of August 28th 1992 will put an end to the political uncertainty that has lasted too long in this province and in this country. The gains will permit every citizen, from sea to sea, to be respected and recognized as one or the other of the founding peoples of this nation or as a member of the aboriginal nations. It is a step forwards in the right direction that will permit every province to concentrate from now in their efforts of developing of the respective economic, social and cultural priorities.

(S'exprime en italien). (15 h 20)

M. le Président, je dois sourire en disant ça. Si M. Parizeau m'écoute présentement, il doit être fier de moi. Il n'aura pas à me botter le cul, comme il a promis de le faire à tous ceux qui refusent d'apprendre une autre langue.

En ce qui concerne l'immigration, la ministre en a parlé longuement l'autre jour, mais j'aimerais vous dire en terminant que c'est un plaisir pour moi d'avoir pris la parole cet après-midi et particulièrement sur ce débat historique, car, presque jour pour jour, M. le Président, je célèbre le 40e anniversaire de mon arrivée au Québec, au Canada.

Le Québec et le Canada sont pour moi, M. le député de Masson, ainsi que pour des milliers d'immigrants, des milliers, une terre d'accueil, une terre d'ouverture, de paix et de prospérité. Le Québec, c'est chez nous, c'est chez moi. Le Québec m'a intégré avec douceur, avec chaleur. Je me suis intégré à la communauté québécoise. Je n'ai pas été assimilé de force. Je suis fier, M. le Président, de partager avec vous un des 125 sièges, ici, à l'Assemblée nationale.

Immigrant, arrivé il y a une quarantaine d'années, tout petit, dans un nouveau pays avec toutes les difficultés que ça peut comporter, M. le Président, j'en suis fier, mes parents en sont fiers, mes concitoyens en sont fiers et je pense que l'ensemble des Québécois est fier qu'on puisse accueillir les immigrants de cette façon. Je remercie donc la population du Québec qui m'a instruit, qui m'a donné la possibilité de travailler dans un milieu que j'ai aimé. Je dois remercier particulièrement le Parti libéral du Québec qui a accepté de me faire militer dans ses rangs, il y a presque une quinzaine d'années. Il y a 11 ans, la population, les électeurs du comté de Viau ont décidé de me donner le privilège, le privilège de les représenter, ici, à l'Assemblée nationale du Québec.

M. le Président, en gage de remerciement envers tous les Québécois, en gage d'avoir vécu des situations difficiles que mes parents ont vécues ailleurs, je puis apprécier le fait que le Québec, le Canada sont les premiers au monde au niveau de la qualité de vie. Je peux l'apprécier, M. le Président. La façon, à mon tour, de remercier la population du Québec et les électeurs du comté de Viau, c'est de faire tout ce que je peux pour m'assurer que, le 26 octobre au soir, la réponse à la question référendaire sera massivement un oui. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le whip en chef du gouvernement et député de Viau. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Alors, je vais... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laurier et ministre délégué aux Affaires autochtones. Vous avez droit à 20 minutes, monsieur.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup des mêmes sentiments de fierté que vient d'exprimer mon collègue et ami, le député de Viau, que je prends aussi la parole ici, devant cette Assemblée, M. le Président. Beaucoup des sentiments que le député de Viau a exprimés sont des sentiments qui ont animé, pour moi, pour lui et pour d'autres, dans cette Chambre, notre implication dans la vie politique québécoise activement, en tant que députés à l'Assemblée nationale.

J'ai eu et j'ai le privilège, en plus, M. le Président, d'avoir été appelé à gérer un dossier qui, durant les deux dernières années tout au moins, a été et est assez névralgique et central dans les relations des Québécois, de l'ensemble de la société québécoise, avec les nations autochtones. Me retrouver aujourd'hui devant l'Assemblée nationale à débattre d'une question référendaire sur laquelle nous serons appelés à nous prononcer le 26 octobre m'amène également à dire que nous sommes effectivement devant un choix, un choix qui sera un choix historique, un choix qui nous engagera sur une voie ou sur l'autre, M. le Président.

Nous sommes, avec l'entente dont nous avons convenu à Charlottetown, le 28 août, à un tournant historique sur plusieurs fronts, M. le Président. D'abord, un tournant historique pour l'ensemble de la société québécoise vis-à-vis de sa relation avec le reste du Canada. Il y a deux options qui s'ouvrent, M. le Président, et c'a été amplement dit: la continuation dans la Fédération canadienne, sur la base de l'entente...

(panne d'électricité)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 28)

(Reprise à 15 h 39)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre, je vous cède à nouveau le droit de parole. Je vous rappelle que vous avez à peine 3 minutes d'utilisées sur l'enveloppe qui vous est allouée, à savoir une période maximaie de 20 minutes. Allez-y, M. le ministre.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Les 17 minutes qu'il me reste, M. le Président, sont très courtes dans le vaste débat qui s'amorce devant nous, un débat que je disais historique, parce que ça va nous permettre de faire un choix qui va nous engager sur une voie ou sur l'autre. C'est un choix que nous aurons à exercer le 26 octobre, qui nous permettra de nous positionner face à notre avenir, un choix qui va nous permettre de dire - et, je le souhaite de tout coeur, une fois pour toutes - que c'est à l'intérieur d'un Canada uni que nous voulons évoluer en tant que Québec en pleine possession de ses pouvoirs, de ses sécurités, de ses moyens, pour se développer en tant que société, en tant que société distincte dans une fédération où nous jouons un rôle extrêmement important et où notre présence est sentie également.

Je n'entrerai pas dans les détails de l'entente vis-à-vis, par exemple, des 25 % de sièges garantis au niveau de la Chambre des communes, la clause Canada. Je sais qu'il y en a amplement qui vont le faire. Mais il y a un autre élément de cette entente qui est également un tournant historique, M. le Président, et j'aimerais prendre les quelques minutes - parce que, vraiment, c'est juste quelques minutes qui sont allouées - pour peut-être parler, expliciter, expliquer, si je peux, tout le volet autochtone qui a été négocié avec notre participation à partir de notre présence à Ottawa jusqu'à Charlottetown. J'ai eu le privilège d'être présent à toutes ces négociations et, comme je le disais avant cette interruption, c'est une des choses pour lesquelles je suis reconnaissant vis-à-vis de l'occasion, l'opportunité que j'ai eue en tant que député d'avoir pu influencer un petit peu la suite de ces discussions, parce que c'est une entente qui renferme ce volet extrêmement important. (15 h 40)

C'est un volet important, parce que ça va nous permettre, M. le Président, de repositionner les relations que nous entretenons avec les peuples autochtones à travers le Canada, y inclus le Québec. C'est un volet qui va nous permettre de passer d'un régime de tutelle à un régime d'autonomie, parce qu'il faut évaluer les choses en fonction de la réalité, en fonction d'où nous sommes, non pas en fonction des rêves de quelques-uns, M. le Président, que ce soient les gens du Parti québécois ou que ce soient des gens comme certains extrémistes du côté des autochtones qui n'acceptent même pas le fait que ça va s'opérer, cette autonomie gouvernementale a l'intérieur du Canada, dorénavant.

M. le Président, qu'est-ce que l'entente dit vis-à-vis de la question des autochtones? Je trouve que c'est important, parce qu'il y a plein de nuances, de temps en temps, qui sont mises de l'avant de façon volontaire, je dirais, par certains membres de cette Assemblée, et je pense que ça vaut la peine de vraiment prendre le temps de décrire objectivement le contenu de l'entente sur la question autochtone et que chacun tire ses conclusions. Moi, pour un, je suis extrêmement satisfait de l'issue de ces négociations, et c'est une entente que je peux défendre avec fierté; c'est une entente que je peux défendre avec conviction, parce que je crois sincèrement que c'est une ouverture vers l'avenir, que ça nous permet d'opérer, tant du côté de la présence du Québec au sein de la Fédération canadienne que du côté de nos relations avec les peuples autochtones.

Revenons à la question des peuples autochtones et au volet de l'entente qui les concerne. Qu'est-ce que l'entente dit? L'entente fait deux choses, essentiellement. D'une part, elle reconnaît l'existence d'un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que ça va nous permettre, comme je le disais dans mon introduction, de passer du régime de tutelle sous lequel vivent actuellement les autochtones à un régime d'autonomie. Un régime de tutelle où, actuellement, les autochtones sont sous la juridiction d'un ministère, d'un ministre au gouvernement fédéral qui a la responsabilité, de a à z, de l'ensemble des éléments de leur vie. C'est une situation qui découle du début de la Confédération, M. le Président, moment où, comme nous l'ont répété souvent les autochtones durant ces négociations, ils n'ont pas été inclus dans la confection du pays. C'est quelque chose qui est corrigé avec cette entente. On reconnaît, dans la Constitution du Canada, que les autochtones ont le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ça veut dire qu'ils ont le droit de se gouverner, et de prendre en charge le développement de leur identité propre.

Pour nous, au Québec - et c'est ce que je trouve choquant des fois, de la part des membres de l'Opposition - ça ne devrait pas être comme une surprise, cette reconnaissance, parce que c'est clairement dans la continuité des choses. Depuis 1983, M. le Président, nous avons reconnu, à l'Assemblée nationale du Québec, le droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones, nous les avons reconnus en temps que nation distincte, nous avons reconnu qu'ils ont le droit d'orienter et de développer eux-mêmes leur langue, leur culture, leurs traditions, de posséder et de gérer des terres, de chasser, de piéger, etc. Je pourrais vous lire l'ensemble des 15 principes ou la résolution de l'Assemblée nationale adoptée en 1985. Donc, c'est dans la con-

tinuité parce que ces principes se retrouveront maintenant dans la Constitution.

Avant notre arrivée sur la scène, la deuxième chose que faisait l'entente, c'était de dire tout simplement qu'il y aurait une période de cinq ans durant laquelle les autochtones devraient négocier avec les gouvernements, et s'ils n'étaient pas capables de s'entendre, les tribunaux trancheraient la question, et détermineraient ce que voulait dire l'autonomie gouvernementale. Ça, c'était avant notre présence au sein des discussions multilatérales sur la Constitution, M. le Président. À partir de notre présence, qu'est-ce que l'entente dit, l'entente du 28 août convenue à Charlottetown? La deuxième chose, donc, que l'entente dit, c'est que oui, il va y avoir une période de négociations; oui, elle va être de cinq ans, durant laquelle les peuples autochtones, les gouvernements des provinces et le gouvernement fédéral doivent négocier pour déterminer comment ils vont opérer cette autonomie gouvernementale, quelle expression ils vont lui donner.

M. le Président, si jamais ça bloque aux négociations, si jamais on n'arrive pas à s'entendre, comme c'est possible d'envisager, il y a deux étapes qui seront enclenchées. Une première, c'est le recours à un mécanisme de résolution de différends, M. le Président, qui sera élaboré immédiatement après l'enchâssement dans la Constitution de cette entente, et ça, c'est à l'extérieur des tribunaux. Une deuxième étape, si ça persiste, M. le Président, c'est le recours devant les tribunaux. Mais, les tribunaux doivent d'abord s'assurer que les parties ont négocié de bonne foi. Ça oblige, de part et d'autre, à la responsabilité. Ça oblige, de part et d'autre, à vraiment chercher une solution négociée, M. le Président, parce que les tribunaux reçoivent l'instruction, et c'est quelque chose d'inusité dans le droit constitutionnel, ils reçoivent l'instruction, dans la Constitution, de vérifier si les parties ont négocié de bonne foi. Donc, ils peuvent leur ordonner de retourner négocier pour conclure une entente négociée. Dans des situations où l'impasse persisterait, où les gens sont de bonne foi, mais que, de part et d'autre, ils ont des interprétations différentes de ce que ça veut dire, l'autonomie gouvernementale, ça revient devant les tribunaux, M. le Président. Ça reviendra, par exemple, devant la Cour suprême où je rappelle que le Québec aura trois juges sur neuf garantis à vie, cela est défini dans l'entente constitutionnelle, M. le Président. Alors, c'est ultimement cette Cour suprême qui recevra le litige qui n'a pas été capable de trouver solution dans une voie négociée. Et, effectivement, le tribunal aura à trancher, en quelque sorte.

Mais, là où, avant le 7 juillet, le tribunal avait tout le champ libre d'utiliser n'importe quel critère qui lui conviendrait, il a des instructions claires. On lui dit: Voici pourquoi ces gouvernements ont été constitués. C'est ce qu'on appelle la clause contextuelle. On dit clairement qu'ils sont là, M. le Président, et je vais vous la lire, parce que c'est sur cette clause qu'il y a eu plusieurs questions et interrogations: Ils sont là pour «préserver leurs langues, leurs cultures, leurs économies, leurs identités, leurs institutions et leurs traditions et veiller à leur épanouissement». Et je vous soumets respectueusement qu'il n'y a rien de sorcier là-dedans, parce que c'est presque mot à mot des choses qu'on retrouve déjà dans les articles qu'on avait votés ici, à l'Assemblée nationale, dans la résolution de l'Assemblée nationale qui, je vous le rappelle, à l'époque, était à l'avant-garde de ce qui se faisait au Canada. Et, M. le Président, ils sont là afin «de développer, de maintenir et de renforcer leurs liens avec leurs terres, leurs eaux et leur environnement».

M. le Président, ces gens-là vivent quelque part. Pour la plupart - et je pense aux Cris de la Baie James, par exemple - toute la question territoriale a été négociée et a été conclue dans la Convention de la Baie James. Donc, il y a des terres qui leur appartiennent. C'est normal que ce soient les liens qu'ils veulent développer avec ces terres, M. le Président, qui fassent l'objet des lois qui seront adoptées par ces gouvernements.

L'entente conclue n'est pas banale. Personne ne prétend que c'est banal. Mais il s'agit de savoir si de part et d'autre nous avons le courage d'être généreux sans être naïfs. La preuve que nous voulons être généreux sans être naïfs, c'est qu'on a mis d'autres balises dans l'entente, M. le Président. Il y a d'autres balises qui font en sorte que, quand les tribunaux auront à déterminer si, oui ou non, telles choses ou telles choses deviennent une juridiction du gouvernement autochtone autonome, ce n'est pas juste de la clause contextuelle dont il faut qu'ils tiennent compte, mais il faut aussi qu'ils tiennent compte du fait que cette entente - et c'est expressément indiqué - ne crée aucun nouveau droit foncier pour les autochtones. S'il y a des droits qui existent en fonction des traités, s'il y a des droits qui existent en fonction des droits ancestraux déjà reconnus dans la Constitution, soit! Mais cette entente sur le droit inhérent ne créera aucun nouveau droit foncier, et c'est complètement étanche, et ça serait quelque chose dont, je pense, il faudrait qu'on tienne compte quand on discutera et quand on soumettra des questions en Chambre, en particulier, qui laissent supposer la non-étanchéité de ça; c'est faux, M. le Président. (15 h 50)

Alors, il y a la clause contextuelle. Il y a la directive qu'il n'y a pas de nouveaux droits fonciers qui sont créés. Il y a aussi le fait que la Charte des droits et libertés s'applique: un code de valeurs communes, M. le Président, partagées entre le reste de la société et les autochtones. Oui, ils ont le droit de recourir à la

clause «nonobstant», comme l'ont les autres gouvernements, parce que, effectivement, je disais: Ce n'est pas banal. On a créé un troisième ordre de gouvernement. On a créé un processus avec lequel on va négocier la mise en oeuvre de ce troisième ordre de gouvernement et on s'est assurés qu'il y ait suffisamment de balises, M. le Président, pour que cette transition de la tutelle à l'autonomie se fasse dans l'ordre.

Qu'est-ce qu'on préfère? Continuer comme nous sommes maintenant? Continuer dans la confusion? Continuer dans le non-respect de la dignité humaine, finalement, M. le Président? Il ne faut pas oublier qu'il y a des situations, au niveau des indicateurs socio-économiques vis-à-vis les peuples autochtones, qui sont bien en deçà de ce que nous connaissons comme société, que ce soit au niveau de l'expectative de vie, que ce soit au niveau de la mortalité infantile, que ce soit au niveau d'autres indicateurs de santé et socio-économiques. C'est une réalité. Nous avons échoué comme pays, comme société, depuis 125 ans, à nous assurer qu'on évolue tous au même rythme.

L'instrument que les autochtones voulaient et qui, je crois, est valable pour se prendre en main, c'est l'autonomie gouvernementale. Ça va leur permettre, M. le Président, de se prendre en charge et ça veut dire quelque chose, ça aussi. Ça veut dire qu'ils seront appelés à se responsabiliser face aux choix qu'ils auront à exercer. On ne peut pas prétendre être autonomes et vouloir être dépendants en même temps. On ne peut pas prétendre être autonomes et vouloir tout avoir. Il faudra prioriser, il faudra choisir et, avec les choix, vient la maturité, si vous voulez. Un peu ce que le peuple québécois aura aussi à faire le 26 octobre: choisir entre deux voies, une voie qui permet le développement de son avenir au sein d'un ensemble fort, grand, avec l'accès aux richesses que ça peut nous permettre d'avoir, avec accès aux marchés économiques que ça nous donne, M. le Président, avec les sécurités que nous avons dorénavant acquises comme société au sein de cet ensemble, parce que j'ai toujours cru - et le parallèle s'applique aux autochtones - qu'il peut y avoir plusieurs nations et peuples qui évoluent au sein du même pays, M. le Président.

Le temps de l'État-pays, pour chaque peuple un pays, est révolu, c'est passé. Nous sommes au seuil du XXIe siècle. C'est le temps qu'on se conscientise de ce fait, M. le Président, et qu'on exerce le choix que nous avons devant nous, ayant en tête les deux chemins qui s'ouvrent, parce que le choix que nous allons faire va nous engager, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, comme les Anglais disent: «Once it has all been said and done...» Il y a deux choix qui s'ouvrent devant nous: le choix de la Fédération canadienne, le choix de l'indépendance, la création d'un pays à part du reste du Canada.

Je vais inviter mes amis péquistes de l'autre côté, parce que j'en ai développé quelques-uns durant les 11 dernières années que je peux considérer comme des amis, à vraiment être conséquents avec eux-mêmes et à admettre qu'au bout de la ligne, un choix, par exemple, le non, voudrait effectivement dire que nous sommes engagés sur la voie de l'indépendance. Je vous soumets, M. le Président, que ça serait une erreur monumentale parce que je ne vois pas ce que ça peut nous apporter.

J'ai entendu des discours qui critiquent la personnalité du premier ministre, le comportement du premier ministre. Généralement, c'est l'indication de la faiblesse des arguments, parce qu'il n'y a pas grand argumentation qui touche à la substance, M. le Président. Je vous soumets que, dans ces mêmes discours, il y avait une note qui disait, finalement: Nous sommes des opprimés. Il nous faut nous libérer du Canada. C'est à peu près ce que, d'une façon ou d'une autre, les gens disaient, certains avec grande bravoure et «bravado»; d'autres très doucement; d'autres avec un ton intellectuel ou calme, mais, M. le Président, fondamentalement, ils disaient: Nous sommes des opprimés, et il faut qu'on se libère du système canadien pour qu'on puisse se développer.

M. le Président, deux questions très simples: Est-ce que nous allons gagner en termes de qualité de vie? Est-ce que nous allons gagner en termes de liberté? Est-ce que nous allons gagner en termes de possibilité de se développer économiquement? M. le Président, quand on sait que le Canada est déjà au premier rang de tous les pays au monde quant à la qualité de vie, je vois difficilement comment on pourrait la surpasser, et c'est ce que nous sommes déjà. Je vois que le Canada est aussi considéré comme le pays qui assure le plus grand respect de la démocratie, la preuve en est le débat que nous avons. Allons-nous avoir plus de liberté? J'en doute très sincèrement. Alors, pourquoi, M. le Président, s'engager sur la voie de l'incertitude, de l'inconnu, des menaces, de la confusion la plus totale, M. le Président, se séparer de quelque chose pour renégocier peut-être, possiblement, une association quelconque, quand on est dedans et qu'on peut évoluer à l'intérieur de ça? Je vous le soumets, c'est un oui retentissant que l'ensemble du peuple devrait prononcer le 26 octobre. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi, je vous cède la parole. Vous avez droit à une période maximale de 20 minutes.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Si la qualité de vie se mesure au travail, à l'accès qu'on a au travail, le Canada se classe au dernier rang des pays industrialisés. C'est ici

que, malheureusement, et particulièrement au Québec, on détient le record du chômage. Si on appelle ça la qualité de vie, on repassera. Parlez-en, parlez-en aux centaines de milliers de chômeurs. Les Québécois et les Québécoises diront non le 26 juillet prochain. Ils diront non parce que la prudence la plus élémentaire invite à dire non à tout contrat en blanc - la prudence la plus élémentaire. On sait que, par tradition, les Québécois et les Québécoises n'aiment pas signer des chèques en blanc. Ils vont dire non le 26 octobre, parce que dire oui, c'est créer... Contrairement à ce qu'on prétend, c'est l'incertitude, c'est l'inconnu qui guette les Québécois et les Québécoises. Le risque serait grand d'endosser ce contrat ou de signer ce contrat en blanc. Le risque serait grand parce qu'on n'en connaît ni les implications ni les coûts. Selon certains hauts fonctionnaires canadiens, ça prendra des décennies avant qu'on ne mesure l'impact des dispositions contenues dans cette entente.

Quel est le niveau de ce document? C'est important de le dire un peu à la population. Je l'ai relu trois fois, quatre fois. Chaque fois que je le relis, j'ai comme un choc, quand on considère qu'on demande aux Québécois d'endosser l'équivalent d'un brouillon, d'un brouillon. C'est un document qui est l'équivalent d'un procès-verbal qui ne serait pas signé, ni par le président ni par le secrétaire. Parce que ce document n'est pas signé, c'est un compte rendu. C'est l'équivalent d'un contrat où 40 % des clauses seraient laissées en blanc et à la merci de celui qui va avoir à l'appliquer.

M. le Président, l'inconnu, ce serait d'endosser une telle position. Le risque, ce serait d'endosser une telle position. Ce document, c'est un document dit définitif dans une version provisoire. C'est la confusion la plus totale. Un document définitif dans une version provisoire. La plupart de ces dispositions, 40 % des dispositions prévues dans le document, commencent par «il conviendrait de», «il conviendrait d'ajouter», «il conviendrait d'élargir», «il conviendrait de modifier», «il conviendrait d'inclure», «il faudrait faire mention de». Est-ce que c'est ça un contrat? Ça serait comme demander à n'importe quel député, ici en cette Chambre, de signer un contrat avec un constructeur de résidences, de maisons, sur la base de: II faudrait trois chambres; il faudrait peut-être un salon, peut-être une cuisine, peut-être, des fois, une salle de bain, peut-être deux. Les fenêtres vont être où? Est-ce qu'il y en aura? Est-ce qu'il n'y en aura pas? Quels matériaux on utilisera? On ne le sait pas, ça va dépendre des négociations. Il n'y a pas un Québécois qui signerait ça, pas un Québécois. C'est à peu près le niveau de l'entente qu'on a là. On serait prêts à acheter n'importe quoi à n'importe quel prix. Les Québécois ne s'y laisseront pas prendre, et ils vont dire non.

C'est un brouillon, mais c'est également le contrat que nous ont préparé les premiers ministres canadiens. Ne nous trompons pas, le document est clair: c'est la ronde Canada, et il a été établi à partir du document «Bâtir ensemble l'avenir du Canada.» Il est clair qu'ils ont dessiné un Canada qui leur convient. Je ne leur en veux pas, moi, je pense que c'est bien. J'ai toujours pensé qu'on ne pouvait pas, au Québec, demander au Canada de changer son pays pour qu'il nous ressemble. Et sa réponse est claire: C'est à prendre ou à laisser. (16 heures)

Quand tout le monde a commencé, au Québec en particulier, à dénoncer l'entente du 7 juillet, les Wells, Filmon, Harcourt, Don Getty sont sortis et ils ont dit clairement aux Québécois: C'est à prendre ou à laisser. Voilà nos conditions. Vous entrez à nos conditions, vous êtes une province comme les autres, ou vous allez vous faire voir ailleurs. C'est l'entente du 7 juillet que nous avons en main, et c'est la ronde Canada.

Signer ce contrat, c'est donner un chèque en blanc. C'est donner un chèque en blanc, qui plus est un chèque en blanc à un gouvernement qui est en faillite technique. 400 000 000 000 $ de dette, le gouvernement canadien. Croyez-vous qu'on a beaucoup de chances de négocier des ententes généreuses, des ententes qui nous permettraient de faire une relance économique, d'assurer la formation de la main-d'oeuvre, le développement des régions? Non, M. le Président. Les Québécois et les Québécoises vont dire: Non; non, nous refusons de donner un chèque en blanc, nous refusons de donner un chèque en blanc à ce gouvernement.

Mais les Québécois et les Québécoises vont également dire: Non; nous refusons d'aller à contre-courant de l'histoire. Les Québécois et les Québécoises veulent être reconnus comme un peuple, veulent qu'on leur reconnaisse le droit à l'autodétermination, veulent qu'on les reconnaisse un peu comme on a reconnu les autochtones: un peuple, une nation, un gouvernement, une société distincte. On a tous ces qualificatifs pour reconnaître les peuples autochtones, mais on doit, nous, se contenter de la société distincte, qui est une clause d'interprétation, ce qu'on appelle les clauses interprétatives, avec sept autres clauses.

M. le Président, les Québécois et les Québécoises vont dire non. Les Québécois et les Québécoises vont dire: Non, je ne signerai pas un chèque en blanc qui risque de compromettre l'avenir du Québec, de bloquer l'avenir du Québec. L'entente que nous avons là fait du Québec une province comme les autres. Je ne voulais pas en parler, mais il me semble qu'if va falloir le dire. Quand ils parlent du droit de veto, là, ça doit faire rigoler pas mal de monde. C'est l'équivalent de l'unanimité pour toutes les provinces. Si le Québec a un droit de veto, là,

dans une modification constitutionnelle qui voudrait favoriser le Québec, là, Terre-Neuve peut se lever, puis dire: J'ai un droit de veto; pas de modification. L'île-du-Prince-Édouard voudrait s'opposer à une modification à la société distincte qui pourrait favoriser le Québec? Elle a un droit de veto. Ce n'est pas ça, un droit de veto. Un droit de veto, ça appartient à une personne. Pas aux 10 provinces!

Vous savez, tout le monde avait un peu beaucoup rigolé de Bill Vander Zalm qui avait, une nuit, rêvé. Il s'est levé et il a dit: J'ai trouvé la solution. Et là tout le monde attendait la solution, il nous a fait patienter une semaine, et sa solution c'était: Ce n'est pas compliqué. Le Québec veut un droit de veto? Donnez-le à toutes les provinces. Alors, tout le monde avait rigolé, parce que ce n'est pas ça, un droit de veto. Mais, curieusement, il doit rigoler, lui, parce que c'est ça, notre droit de veto, c'est l'unanimité. Ce n'est pas ça, un droit de veto. Je m'excuse, ce n'est pas ça. C'est tout gouvernement...

Ça fait du Québec, aussi, une province comme les autres, et c'est répété tout au long de l'entente. Tout gouvernement - dit-on, à 26, quand on parle des ententes - négociant une entente devrait être traité sur le même pied que tout autre gouvernement en ayant signé une. Ça, ça veut dire que ça vient de vous baliser. Si Terre-Neuve signe une entente pas très exigeante, parce qu'ils aiment ça, eux autres, un gouvernement central fort, ça va être la balise pour les ententes avec le Québec. Et, inversement, quand on voudra en signer une un peu plus large, ils vont dire: On ne peut pas vous en donner autant, au cas où les autres provinces en demandent autant. C'est ça, la valeur des ententes qui vont être signées: Québec, une province comme les autres.

Mme la vice-première ministre déclarait, elle affirmait, avec des accents de sincérité-Moi, ils m'impressionnent, ce monde-là, pour ne pas dire qu'ils me déstabilisent. Ils disent des faussetés avec des accents de sincérité qui sont émouvants. Elle disait: Ça va nous permettre de faire de la relance économique, de lutter contre le chômage, de faire du développement régional. Et là, elle en mettait. C'était trop beau, c'était trop beau à entendre. Mais c'est tout à fait à rencontre de ce que contient cette entente. Dans cette déclaration, elle disait en même temps: On va avoir la paix constitutionnelle, puis on va pouvoir faire du développement économique. C'est un peu triste d'entendre une telle chose parce que, en fait, lorsqu'elle dit ça, c'est qu'elle avoue que son gouvernement a négligé les questions économiques. L'a-t-il fait sciemment? L'a-t-il fait pour amener le chômage qu'on connaît? L'a-t-il fait par incurie? L'a-t-il fait pour déstabiliser le Québec, pour favoriser le référendum? On ne le sait pas. Mais c'est inquiétant.

Mais il est clair que, dans l'entente telle que rédigée, dans le brouillon que nous avons là, le brouillon de contrat canadien tel que rédigé, rien ne permet de penser que nous pourrons faire une relance économique parce que les chicanes constitutionnelles... Ce n'est pas vrai qu'on va avoir la paix constitutionnelle. On vient de constitutionnaliser les chicanes constitutionnelles. Il fallait le faire, hein! Tout le monde est tanné. On négocie tout le temps, on taponne, on veut ci, le Canada ne veut pas le donner, le Québec le demande, indépendamment des gouvernements. Mais là, on dit: Ce n'est pas grave. On va constitutionnaliser ça. Et, qui plus est, ça va durer cinq ans, une entente, quand on va réussir à conclure cinq ans, et ça va être renégociable. Et là, tu renégocies avec un nouveau gouvernement tant à Québec qu'à Ottawa, puis c'est reparti. C'est une beauté. Puis attachez vos bretelles si vous pensez qu'on a réglé les chicanes constitutionnelles.

Les chevauchements, c'est la même chose. On constitutionnalise les chevauchements: 462 qu'un organisme avait identifiés, il y a une dizaine d'années. On estime que ça coûte entre 1 500 000 000 $ et 2 000 000 000 $ par année au Québec les chevauchements. Ça, ça ne prend pas en compte les pertes d'énergie, l'inefficacité et les pertes de temps. C'est en argent.

Le chômage. Il n'y a rien là-dedans pour régler le chômage parce que tout ce que les organismes ont réclamé, ce sont des pouvoirs économiques pour agir sur le développement économique et social du Québec. Ces pouvoirs, c'étaient des pleins pouvoirs en matière de formation de la main-d'oeuvre, en matière de recherche et de développement, en matière de développement régional. C'était en partie ces pouvoirs-là qu'on réclamait et que tous les gouvernements, indistinctement, ont réclamés.

Le sous-développement des régions. Le sous-développement des régions, c'est peut-être là... Et je vais en parler un peu plus longuement. C'est la catastrophe, actuellement, dans les régions. Les régions se vident. La population vieillit. C'est le déclin démographique, un chômage chronique qui, dans certains secteurs, en Gaspésie, atteint les 50 %. Ce que tous les régionaux, avec une rare unanimité, ont demandé, à l'occasion de la commission Bélanger-Campeau: Donnez-nous les pouvoirs. Donnez-nous les pouvoirs et les leviers qui vont nous permettre d'agir sur le développement économique régional. Faites-nous confiance. On est capables. On connaît mieux nos besoins et nos possibilités qu'un gouvernement central. Et ça a fait l'unanimité.

J'étais membre de la commission Bélanger-Campeau, comme un bon nombre des députés gouvernementaux, et ces députés-là ont comme moi entendu les différentes représentations qui ont été faites à ce sujet, les différentes représentations qui ont été faites par les régionaux

avec vigueur. Qu'est-ce qu'on a dans cette entente? Qu'est-ce qu'on a, c'est la possibilité de négocier des ententes. Le contrat canadien nous dit: Bien, à l'avenir, vous pourrez négocier des ententes sur le développement régional. Pendant qu'on va se chicaner pour négocier ces ententes, qu'est-ce qui arrive en région? Il arrive en région qu'on n'a pas les outils pour se développer, que l'économie stagne, que la pauvreté s'accroît, que la misère atteint certains de ces milieux. (16 h 10)

M. le Président, je refuse une telle entente. Je refuse de me plier à des conditions qui vont consacrer l'appauvrissement des régions, la stagnation des régions et leur déclin. Les Québécois et les Québécoises vont dire non, vont dire non parce qu'on n'en veut pas de cette pauvreté. On veut les outils pour se développer. Cette entente, tenez-vous bien, vous êtes d'une région, M. le Président, après cinq ans, elle va être renégociable. Et là, on repart les chicanes, c'est reparti le party! Pendant ce temps-là, les gens s'appauvrissent, la pauvreté atteint un nombre impressionnant de Québécois et de Québécoises. Une parenthèse: ceux qui prétendent qu'on a le beau Canada, je voudrais bien, moi, je les respecte quand ils me disent ça, mais qu'ils n'aillent pas nous dire en même temps que ça nous donne la prospérité. Le chômage, la crise économique que nous vivons, à ce que je sache, elle se vit dans le cadre de la Confédération. On est au sein de la Fédération canadienne, et c'est là qu'on éprouve les difficultés que nous connaissons.

M. le Président, les Québécois, les Québécoises vont dire non à ce contrat canadien qui refuse au Québec les pouvoirs et les outils réclamés pour soutenir son développement économique. Les chicanes, donc, pas de problème, peu de chance qu'elles soient réglées puisque, dans ce contrat canadien, c'est un contrat en blanc, puisque 40 % des dispositions, faut-il le répéter, sont à négocier. «Il conviendrait», «il faudrait», «il devrait ajouter...» Écoutez, ce n'est pas là-dessus qu'on signe un contrat. Il faudrait prendre les gens pour des imbéciles.

M. le Président, sur la question de la langue, on a affirmé à gogo - l'expression n'est plus populaire, mais elle l'a déjà été - que c'était blindé, que sur la question de la loi 101, nous n'avions jamais été aussi bien protégés. Je vais vous parler de trois dispositions dans ce contrat canadien qui menacent la paix linguistique, paix linguistique qui, faut-il le rappeler, est toujours fragile. La disposition qui fait obligation au Québec d'assurer l'épanouissement et le développement de la communauté anglophone peut constituer, selon l'avis de représentants et d'experts, particulièrement issus de la com-muanuté anglophone, peut représenter les assises permettant de contester les différentes dispositions de la loi 101. Mais il y a plus. Les dispositions touchant la libre circulation des biens, personnes et capitaux, pourraient rendre inconstitutionnelles nos dispositions sur la langue de travail. Si on a la libre circulation des personnes et des capitaux, comment pourrait-on empêcher une entreprise ou obliger une entreprise à détenir un certificat de francisation? Si on a la libre circulation des personnes, comment pourrions-nous demander à un cadre de s'adresser, en français, par exemple, à ses employés? C'est la possibilité, le droit de travailler en français qui est menacé dans cette disposition. Par ailleurs, il y a une disposition qui est particulièrement inquiétante en ce qui a égard à la langue. Il est indiqué, lorsqu'on parle des ententes sur la forêt - il faut se rappeler que les ententes sur la forêt, ça touche la forêt, le logement, le loisir, le tourisme; ça touche également les affaires urbaines et municipales - il est textuellement dit, et je cite, que dans les conditions à une entente intergouvernementale, «la question du service à fournir au public dans les deux langues officielles devrait aussi être considérée comme un élément possible de ces ententes». Comment on traduit ça? On traduit que toute la langue d'affichage, dans le tourisme, dans les loisirs et dans les municipalités, ça pourrait être le bilinguisme. Vous allez me dire: On n'est pas obligés de signer ces ententes. Mais vous comprendrez que si on n'accepte pas les conditions canadiennes, ça veut dire qu'on se priverait de notre argent, parce qu'il faut bien savoir que l'argent qui vient d'Ottawa, c'est notre argent.

Là, évidemment, on s'inscrit dans un mécanisme d'opposition et, comme on ne rejoindrait pas les objectifs canadiens d'offrir des services bilingues, on nous refuserait ce qu'on appelle la juste compensation. Parlons-en de la juste compensation. Personne ne m'a dit, à ce jour, ce qui serait estimé comme étant une juste compensation. Si on estime qu'on veut se retirer, comme Québec, d'un certain programme particulièrement relié à la culture, à l'éducation, ça serait quoi, une juste compensation? Il faudrait faire trancher par la Cour suprême? On a le temps, et les enfants ont le temps de passer à travers l'école et à travers bien des choses. M. le Président, on réclamait des pouvoirs exclusifs, on a obtenu des pouvoirs additionnels pour le gouvernement canadien.

M. le Président, un dernier mot. Je trouve indécent, méprisant, pour ne pas dire odieux, qu'on se réclame de la pensée de M. Lévesque pour prétendre que l'offre du 22 août - livre bleu - se retrouve là. M. Mulroney n'est pas M. Lévesque et il ne le sera jamais. M. Bourassa n'est pas M. Lévesque, il ne le sera jamais. M. Rémillard n'est pas M. Lévesque, il ne le sera jamais, pour des raisons extrêmement simples, M. le Président, parce que M. Lévesque représentait la fierté et le dépassement alors que, pour ce premier ministre et M. Mulroney, c'est la démis-

sion et la soumission. Il représentait le respect et la confiance alors que, ce qu'on nous propose, c'est le mépris et la méfiance. Les Québécois et les Québécoises ont bien compris qu'on ne pouvait pas faire du capital sur un mort qui vous momifierait probablement s'il était là. Alors, M. le Président, les Québécois et les Québécoises vont dire non à cette entente.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle que nous sommes à débattre de la motion de M. le premier ministre relativement à la question référendaire. Je cède la parole, à partir de maintenant, à M. le député de Deux-Montagnes.

M. Jean-Guy Bergeron

M. Bergeron: Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec beaucoup de fierté que je prends la parole aujourd'hui pour m'adresser aux citoyennes et aux citoyens du comté de Deux-Montagnes et les inviter à prendre part à ce moment privilégié et historique qu'est cette période référendaire. Je me souviens encore de leur implication en 1980. Je me souviens encore de leur réponse en 1980: non à l'isolement du Québec, non à un avenir incertain, non à des rêves chimériques. En 1980, les citoyens du comté de Deux-Montagnes ont fait entendre leur voix, et je suis assuré que 12 ans plus tard ils répondront dans le même sens: garder le Québec dans la Confédération canadienne, avec honneur et dignité.

Aujourd'hui, je veux prendre les quelques minutes qui me sont allouées pour les entretenir sur le thème de la solidarité québécoise. En effet, cette solidarité québécoise est la base qui a servi à la construction de ce pays. Le Québec, au cours des 125 dernières années, a toujours été présent et a toujours apporté sa contribution dans l'honneur et la sincérité lorsqu'il était appelé à y jouer un rôle prépondérant et historique. Et cela, il l'a fait sans jamais baisser l'échiné, mais de plein gré en sachant que c'était son devoir et son rôle à jouer dans notre Confédération.

Le Québec moderne d'aujourd'hui, M. le Président, le Québec fort d'aujourd'hui ne s'est pas construit en un jour. Au début de la Confédération, c'était une économie de subsistance et d'échanges qui a constitué les bases de communication entre les provinces canadiennes. L'élan des deux après-guerres a suscité un enthousiasme tel qu'on a vu émerger progressivement une société ouverte, moderne et qui a poursuivi sa course vers la production d'une économie à haute technologie. Dans ce contexte économique très favorable, jamais, M. le Président, n'a-t-on eu idée de séparer le Québec du reste du Canada, même dans les pires périodes de crise politique. (16 h 20)

Tout cela pour dire que nous voici rendus à un moment historique où nous aurons à décider de l'avenir du Québec au sein du Canada. Un premier choix clair et précis a été effectué en 1980. La grande majorité des Québécoises et des Québécois avait décidé, dans un mouvement de solidarité, de garder intact le maintien du Québec à l'intérieur de notre pays. Pourtant, les priorités étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Ce mouvement de solidarité, je le retrouve intact en 1992, parce que nous désirons continuer à protéger et à promouvoir la langue française au Québec. Ce mouvement de solidarité, je le retrouve intact en 1992, parce que nous désirons raffermir le tissu culturel dans toutes nos sphères d'activité. Ce mouvement de solidarité, je le retrouve intact en 1992, parce que je ne voudrais pas que le Québec essuie des pertes à la suite d'un non aux propositions constitutionnelles. Ce mouvement de solidarité, M. le Président, je le retrouve intact en 1992, parce que nous récupérons non pas un droit de veto mais six droits de veto reliés à des domaines aussi essentiels que la Chambre des communes, le Sénat et le processus d'amendement constitutionnel. Ce mouvement de solidarité, je le retrouve intact en 1992, parce que je ne voudrais pas qu'un non aux propositions fédérales accroisse les tensions politiques au Québec en raison d'une incertitude qui continuerait à planer partout au Québec. Ce mouvement de solidarité, je le retrouve intact en 1992, parce que j'estime que les propositions constitutionnelles contribueront au renforcement de l'union économique tout en assurant une stabilité des ententes de développement économique. Ce mouvement de solidarité, M. le Président, je le retrouve intact en 1992, parce que j'estime que les Québécoises et les Québécois méritent mieux que l'indépendance du Québec et ses effets néfastes pour notre économie.

En ce qui a trait au développement économique, nous sortons gagnants de cette entente. Le pouvoir de dépenser du fédéral se trouve contraint par les priorités établies par les provinces. Pour ce qui est du développement régional, le gouvernement fédéral devra tenir compte des priorités provinciales par le biais d'ententes dûment acceptées par tous les paliers de gouvernement.

Un mot maintenant sur l'attitude du Parti québécois à l'égard du dossier constitutionnel. On fait preuve de malhonnêteté intellectuelle, on déforme les termes de cette entente constitutionnelle de façon délibérée. M. le Président, comment prendre au sérieux un parti politique qui refuse de parler de ses options? Comment prendre au sérieux ce parti politique qui refuse de parler des effets et des coûts de la séparation du Québec? Comment prendre au sérieux un parti politique dont le gouvernement a littéralement abandonné la population du Québec en 1981-1982, abandonné le droit de veto lors des négociations constitutionnelles en avril 1981, trahi ses propres

militants en leur faisant prendre le virage du beau risque fédéral et qui, aujourd'hui, tente de dénigrer des propositions constitutionnelles qui vont pourtant dans le sens des intérêts du Québec? C'est de cela dont je suis fier. C'est l'offre que nous avons en premier lieu. J'ai foi, M. le Président, en l'avenir du Québec, parce que je suis certain que ces propositions constitutionnelles auront pour effet d'améliorer la qualité de vie des Québécoises et des Québécois.

M. le Président, dire oui à l'entente, c'est dire oui à une société distincte. Dire oui à l'entente, c'est dire oui à cette évolution naturelle de nos institutions. Oui à l'entente, ça veut dire non à la rupture. M. le Président, dans le mois et demi qui vient, je me battrai comme je me suis battu en 1980. Oui, je me battrai, parce que je suis convaincu que cette entente constitutionnelle va dans le sens de l'amélioration du bien-être des Québécois, va dans le sens de l'amélioration du fait français au Québec, va vers l'amélioration du contrôle de nos pouvoirs. M. le Président, Deux-Montagnes, en 1980, a dit non à la rupture, et il posera le même geste en 1992. À mesure que le débat se déroulera, les gens de mon comté sauront mieux réaliser et comprendre les avantages de cette entente constitutionnelle et, encore une fois, ils se prononceront pour garder le Québec dans la Confédération. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le député de deux-montagnes. je cède maintenant la parole à m. le député de mille-îles et leader adjoint du gouvernement.

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: Merci, M. le Président. M. le Président, à la question référendaire: «Acceptez vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 avril 1992?» je répondrai sans hésitation oui. Je n'ai pas du tout l'intention, dans le cadre de mon intervention, de parler des nombreux aspects qui ont été brillamment traités par mes collègues ministériels au cours des dernières journées. Je pense que l'étape, maintenant, qu'il nous reste à franchir, c'est l'étape de vulgarisation. C'est d'expliquer, dans la langue du peuple, avec des exemples de tous les jours, ce qu'est le dossier constitutionnel et ce qu'est l'entente du 28 août 1992, de faire référence, M. le Président, à des normes, à des valeurs, à des modèles de comportement que, tous, nous acceptons et nous reconnaissons comme étant corrects.

M. le Président, je vais en surprendre plusieurs, cet après-midi, mais je trouve que le domaine qui offre le plus beau parallèle avec le dossier constitutionnel, et, à la fois, les plus nombreux paradoxes, c'est le monde syndical. Le syndicalisme, à sa base même, est fondé sur l'union de plusieurs travailleurs dans le but de réaliser des objectifs communs. L'union est grande. Plus l'union est grande, plus la force du syndicat est grande. C'est la mise en commun des ressources humaines, des ressources monétaires - les cotisations des travailleurs - dans le but d'atteindre des objectifs communs. En retour, il y a une institution qui est créée, qui s'appelle le syndicat, qui offre des services aux syndiqués, aux travailleurs, qui les représente dans les négociations, qui leur offre d'autres services.

Ce que je constate, ce que nous pouvons tous constater de ce modèle syndical, c'est que chaque syndiqué, chaque travailleur, chaque membre cède un peu de sa liberté à son syndicat et que, en retour, il espère obtenir des bénéfices de cette union. Mais on a poussé ce principe-là un peu plus loin, le principe de l'union, dans le domaine syndical. On s'est dit: Le principe est tellement bon qu'on va échafauder un deuxième étage. Et le deuxième étage, c'est que des syndicats, entre eux, ont décidé de renoncer à certains pouvoirs, à une certaine - guillemets - souveraineté, dans le but d'obtenir plus de bénéfices communs. Ils ont mis en commun des ressources matérielles, humaines, du personnel. Ils ont créé des centrales syndicales et, en plus, aux plus hauts étages, le principe était tellement bon qu'on a créé des chefs syndicaux qui trônent au-dessus de ça, l'establishment syndical. À cause des bénéfices de l'union, je le répète, à cause du partage des coûts, parce qu'on a voulu partager les coûts, c'est pour ça qu'il y a une union, c'est pour ça qu'il y a une création de centrale syndicale.

M. le Président, si un des syndicats qui appartiennent à une centrale syndicale décide de se désaffilier, décide, en bon Québécois, de se séparer de la centrale syndicale, est-ce que, un seul moment, ceux qui nous écoutent peuvent imaginer que les Gérald Larose, les Louis Laberge et compagnie, le lendemain matin de la désaf-filiation, les syndicats disent: Moi, je ne veux plus faire partie de telle centrale syndicale, je veux devenir un syndicat de boutique - est-ce que vous pouvez vous imaginer un seul moment que les chefs syndicaux vont leur dire: Continuez à utiliser le nom de la centrale syndicale à laquelle vous allez avoir dit non, hein, les services, hein, leur compte de banque? Voyons donc! Poser la question, c'est y répondre. Vous voyez le parallèle, M. le Président, hein? L'union, la force, le partage des coûts, des bénéfices, etc. Et, étrangement, M. le Président, étrangement, ces regroupements syndicaux sont tous fondés sur la base du fédéralisme et du confédéralisme. Eh oui! Que voulez-vous, ce n'est pas moi qui ai choisi les noms, les mots. La FTQ, Fédération des travailleurs du Québec, la CSN, confédération des travailleurs du Québec.

M. le Président, l'élémentaire question. Pourquoi est-ce bon l'union, le partage des ressources, le partage des coûts et des bénéfices quand il s'agit des unions et pourquoi ça ne

serait pas bon dans le cas d'un syndicat indépendant? Et pourquoi ça ne serait pas bon pour le Québec dans le Canada, le même principe? Pourquoi ça ne serait pas bon? Et c'est un principe que, tous, on reconnaît comme valable au Québec. Personne ne peut le contredire. Posons-nous des questions. Est-ce qu'ils sont cohérents, les gens de l'Opposition ou d'autres personnes qui tentent de dire que ce principe-là n'est pas valable?

M. le Président, question: Est-ce que l'entente - et on l'a entendue, celle-là - peut être soumise au peuple avant que l'on obtienne les textes juridiques définitifs? Bien, voyons donc! Voyons donc! Qu'est-ce qu'on fait à chaque convention collective dans nos syndicats? On fait une chose: on a une entente de principe, elle n'est même pas rédigée sur papier. Le lendemain soir, les chefs syndicaux convoquent 2000, 3000, 5000 personnes en assemblée extraordinaire. On présente les grandes lignes de l'entente de principe, on fait voter les gens immédiatement dans une salle surchauffée... (16 h 30)

Une voix:...

M. Bélisle: Ah oui! Je m'excuse, c'est ça. Et les textes définitifs, lorsque l'entente de principe est entérinée par les membres dans la salle, n'arrivent qu'une année plus tard. Et, mieux que ça, M. le Président, c'est qu'il n'y a pas un seul syndiqué qui est dans ces salles-là lorsqu'ils acceptent l'entente de principe, qui voit les textes écrits ou à qui on demande de les approuver à la fin. Et l'Opposition indépendantiste va venir nous dire que ce qui est accepté et reconnu par tous les Québécois comme étant correct comme norme de comportement, c'est incorrect quand on en arrive à une entente politique! Il ne peut pas y avoir deux valeurs, deux normes, deux mesures. Il ne peut pas y en avoir. Je pense que le monde syndical devrait s'appliquer la même transparence que le gouvernement du Québec qui a déjà déposé des textes juridiques et qui va en déposer tout au cours de la période qui va venir, au fur et à mesure qu'ils vont arriver.

Mais, M. le Président, une autre question: Comment interpréter le silence des centrales syndicales concernant les gains obtenus pour les travailleurs dans l'accord du 28 août? Comment expliquer ce sHence? Le Québec gagne, personne ne peut le contredire, la compétence exclusive qu'il n'a jamais eue en termes de formation de la main-d'oeuvre depuis 1867, clairement, dans la Constitution. Pas un seul mot de la part de ceux qui sont chargés, à ce que je crois, d'après les conventions collectives, soit de la CSN ou de la FTQ ou d'autres syndicats affiliés, de défendre l'intérêt des travailleurs. Si le Québec de l'an 2000 doit être un Québec où la main-d'oeuvre est l'atout principal, pourquoi ne disent-ils pas que c'est un gain pour le Québec?

Deuxième question: Le Québec gagne la gestion de l'assurance-chômage pour arrimer le programme de l'assurance-chômage avec la formation de la main-d'oeuvre. Pas un seul mot de la part des chefs syndicaux qui défendent les intérêts des travailleurs du Québec. 5000 à 6000 employés vont être transférés du gouvernement fédéral au gouvernement provincial. Pourquoi pas un mot? Par intérêt personnel? m. le président, comme individus, dans notre vie personnelle, dans notre famille, avec nos enfants, quand on a le problème d'un enfant qui ne veut plus aller à l'école, qui veut décrocher, quand, dans un couple, entre un homme et une femme, il y a des différences d'opinions, d'objectifs, quand, en affaires, avec un associé, on ne s'entend pas - on se met certains objectifs et on en atteint peut-être six ou sept sur dix; il y en a trois ou quatre qu'on n'atteint pas, mais on en atteint six ou sept... est-ce que, dans le cas d'un enfant, on quitte la famille? est-ce que le père quitte la maison? est-ce que l'enfant claque la porte? est-ce que, dans un couple, ça signifie le divorce? est-ce que c'est ça? est-ce qu'on renie ses enfants? est-ce qu'on plante ses associés là parce qu'on a juste obtenu 7 des 10 objectifs? non, m. le président. dans une assemblée syndicale où, sur un vote sur une convention collective, 60 % des syndiqués disent oui et 40 % disent non, est-ce que les 40 % qui restent déchirent leur carte de syndiqué puis oublient leurs objectifs de syndicat? est-ce que c'est ça qui se passe? non. ce n'est pas ça que les québécois font, ce n'est pas ça qu'un être humain raisonnable fait, et pas seulement au québec, partout à travers le monde, à moins que ce ne soit un lâcheur, à moins que ce ne soit un lâcheur! à moins que ce ne soit un lâcheur comme ceux, en 1983 et en 1984, qui ont lâché rené lévesque, le chef de l'opposition, qui a démissionné, comme ceux qui ont démissionné du conseil des ministres, le député de la prairie et les autres, comme lucien bouchard qui a lâché son premier ministre à ottawa. un autre lâcheur! ça, c'est des lâcheurs. mais le peuple du québec, ce n'est pas un peuple de lâcheurs, en aucune façon.

Qu'est-ce qu'on doit retenir, M. le Président? C'est que, de tous les exemples que je vous ai donnés, c'est que...

Des voix:...

M. Bélisle: M. le Président, j'aimerais avoir le silence, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, je viens d'arriver...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...et je suis convaincu que le silence, vous l'avez déjà

maintenant.

M. Bélisle: Je vous remercie, compte tenu de votre arrivée, M. le Président. Tous les exemples que j'ai donnés de la vie quotidienne, de la vie courante, nous démontrent que c'est toujours le plus grand dénominateur commun qui prévaut et qui gagne. Ça s'appelle le compromis. Et qu'est-ce qu'un compromis? Un compromis, c'est l'atteinte des objectifs. Ce n'est pas l'atteinte des objectifs des agendas de tous. Ce n'est pas les plus hauts espoirs puis les plus bas espoirs. Non, c'est ce qui est acceptable. Ce n'est jamais...

Et j'ai entendu, tout au cours du débat, des députés indépendantistes nous dire: Voilà, le compromis du 28 août, hein... Ce n'est pas enthousiaste, chez vous, la défense de... Oui, c'est enthousiaste, modérément, pour une raison. C'est parce que, lorsqu'on fait un compromis, lorsque des syndiqués, ensemble, font un compromis lorsqu'ils votent sur une convention collective, puis 60 % disent oui, puis 40 % disent non, lorsque, avec ton épouse, avec tes enfants, tu fais un compromis, tu en as donné un peu, l'autre personne en a donné un peu, puis tu as fait un moyen terme, tu as cheminé. Mais ce n'est pas entièrement ce que tu voulais obtenir. C'est ça, la nature de la définition d'un compromis. Il n'y a personne, après un compromis, qui va sauter au plafond, parce que ça va de soi. C'est de la nature du compromis. Et c'est un acte de raison.

M. le Président, une société, ça naît de compromis. Une constitution, c'est le résultat de sérieux compromis quant aux valeurs que partagent les citoyens d'une société, de tout groupe ethnique, de tout groupe culturel, de tout groupement social ou de toute strate sociale. Une fédération, une confédération, qu'elle soit syndicale ou qu'elle soit politique, dans un pays, c'est l'intégration politique. Pas la somme politique, là. C'est le compromis des compromis, aux niveaux économique, monétaire, fiscal, politique, social, des peuples, des nations, des citoyens et des citoyennes qui vivent entre eux sur un territoire donné.

M. le Président, la vie m'a appris que la vie de tous les jours, le quotidien de toutes les femmes et de tous les hommes du Québec, ce n'est qu'une suite ininterrompue de compromis, sauf peut-être pour les indépendantistes. Moi, je l'accepte, ça. J'ai appris à vivre avec ça. Ceux qui ne l'acceptent pas, ceux qui sont constamment négatifs et qui ont une difficulté viscérale à vivre avec cette réalité, ils doivent être très malheureux. Je veux, M. le Président, un Québec qui vive et chemine dans le réalisme, selon un comportement semblable et raisonnable à ce que nous faisons tous à chaque jour, individuellement, comme citoyennes et citoyens, dans notre vie personnelle comme pour les conventions collectives et comme pour les bons syndicats.

M. le Président, je suis irrévocablement convaincu que personne, aucun individu ne refuse jamais de progresser et d'avancer dans la vie. Et cela n'empêchera jamais le Québec de cheminer en harmonie, l'entente conclue le 28 août 1992, de progresser avec ses partenaires canadiens, avec les membres du Canada, avec les membres de cette grande union, entre guillemets - et interprétez le terme «union» dans n'importe quel sens - de cette fédération qu'est le Canada d'aujourd'hui que nous sommes à bâtir pour un vrai Canada de demain. Merci, M. le Président. (16 h 40)

Présence du président de l'Assemblée

législative, M. Ronald Russell,

et de M. Guy Leblanc, ministre de

l'Éducation, des Affaires acadiennes et des

Affaires aborigènes de la Nouvelle-Ecosse

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Mille-Îles. Je voudrais souligner la présence dans nos galeries du président de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Ecosse, M. Ron Russell. Bienvenue à l'Assemblée nationale, M. Russell. Également, un grand ami du Québec, l'honorable Guy Leblanc, qui est ministre de l'Éducation, ministre responsable des Affaires acadiennes, ministre responsable également des Affaires aborigènes, qui a été ministre de l'Environnement, ministre des Transports et ministre des Pêcheries. M. Leblanc, bienvenue à Québec; vous êtes ici chez vous.

Reprise du débat sur la motion du premier ministre nous poursuivons les débats sur la question référendaire proposée par m. le premier ministre. je reconnais mon collègue, m. le député d'anjou. m. le député.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le Président. Alors, la voilà, la question. On l'attendait depuis longtemps. On s'attendait à avoir des droits d'auteur, probablement, à payer au fédéral relativement à sa rédaction. Comme de fait, on va avoir des gros droits d'auteur à payer, puisque la question est absolument identique. M. le Président, je ne ferai pas une étude exhaustive de cette question, à savoir: Est-ce que cette question est claire? Est-ce que c'est cette question qui aurait dû être posée? Quant à moi, je pense qu'elle est quand même suffisamment claire et qu'elle dit ce qu'elle veut dire. Évidemment, on pourrait peut-être dire quelques mots sur le terme «renouvelée» qui est employé dans cette question. Avec les offres qui nous sont présentées, peut-on réellement parler d'un renouvellement de la Constitution? Quant à moi, si vous voulez mon avis, M. le Président, c'est vraiment enjoliver ces offres, c'est vraiment

donner beaucoup plus de portée à ces offres qu'elles n'en ont réellement.

Mais, mis à part ce point, je pense que la question est honnête et que la question dit ce qu'elle veut dire. Il y a même un certain terme dans cette question qui, je pense, est très explicite quant à la réponse que doivent donner les Québécois lors du référendum. On demande: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?» Sur la base. Ça, je dois vous avouer, M. le Président, que j'ai été un peu étonné quand j'ai vu ça. Je m'attendais à ce qu'on demande carrément: Voulez-vous ratifier l'entente ou les offres qui ont été présentées? Non, on nous demande l'acceptation, finalement, de renouveler sur la base. Sur la base. Alors, M. le Président, c'est donc dire que ce qui est devant nous n'est qu'une base, ce ne sont que les grandes lignes, un brouillon, les grandes lignes directrices d'un projet incomplet qui nous est présenté. Et on revient finalement à ce qui avait été dit: c'est un chèque en blanc qu'on nous demande; c'est un contrat qu'on n'a pas réellement terminé, qu'on n'a pas rédigé et dont on nous demande tout simplement d'approuver les lignes directrices.

M. le Président, la Constitution...

Le Vice-Président (m. bissonnet): m. le député de masson, m. le ministre, je vous demande d'accorder toute votre attention à l'allocution du député d'anjou.

M. Bélanger (Anjou): Merci, M. le Président. La constitution d'un pays est tellement importante! Je ne vois pas comment on peut se permettre de présenter ainsi un document qu'on n'a pas encore fini de rédiger, dont on n'a pas les textes juridiques. J'écoutais avec ^ grande attention l'exposé du député de Mille-Îles qui faisait des parallèles fort intéressants avec les mouvements syndicaux. Il a oublié quelque chose, cependant, c'est que quand les membres de syndicats sont portés à se prononcer sur une entente, les négociations sont terminées. On a eu une entente point par point, ça ne veut pas dire que c'est le début de la négociation, alors que, dans le cas présent, ce qui ressort vraiment de tous les débats, ce qui ressort aussi des questions qui sont posées aux différents ministres depuis notre rentrée parlementaire, c'est que cette entente-là, alors... Ce n'est même pas une entente. Je m'en veux d'avoir pris cette expression. Ce n'est pas une entente, ce sont des offres, parce qu'il n'y a pas d'entente.

Alors, M. le Président, ce qui ressort de tous ces débats, c'est que ça va être le signal de départ des négociations. On va commencer tous azimuts des négociations pour en arriver à des ententes administratives. Certains vous diront: Ah! ce n'est pas des négociations constitutionnelles. Non, c'est encore pire, c'est des négocia- tions d'une multitude d'ententes administratives. Puis Dieu sait qu'on n'a pas été gâtés, récemment, avec les ententes administratives dont le Québec a besoin présentement. Je pense en particulier, M. le Président, au niveau de l'aide juridique dont je suis le porte-parole officiel de l'Opposition. Depuis longtemps, on demande au fédéral d'en arriver à une entente avec le Québec relativement au financement du volet immigration de l'aide juridique, car c'est le fédéral qui impose les conditions quant aux revendicateurs de statut de réfugié, c'est le fédéral qui impose aussi les conditions pour l'immigration et tout ça. C'est le fédéral, aussi, qui s'est engagé auprès des organismes internationaux à fournir l'assistance légale et judiciaire aux gens qui arrivent au Canada, au Québec, pour revendiquer le statut de réfugié politique.

Donc, depuis longtemps, M. le Président, on attend cette entente administrative entre le fédéral puis le provincial pour payer, pour que le fédéral paie sa juste part de ce service qui nous coûte 6 000 000 $ cette année, au réseau d'aide juridique, 6 000 000 $, soit le montant approximatif de la dette de tout le réseau d'aide juridique. Alors, M. le Président, on l'attend, cette entente, et le ministre de la Justice a même claironné, il y a quelques mois, en disant qu'elle était conclue. J'ai demandé la date: pas de date. J'ai demandé quels étaient les profits anticipés ou les revenus anticipés de cette entente: pas de montant. J'ai demandé à avoir les grandes lignes de la portée de cette entente: aucune entente, aucun détail.

Alors, M. le Président, tout porte à croire que cette entente fantôme, si elle existe, n'est pas réellement à notre avantage. C'est tout à fait inacceptable et inconcevable, quand on pense que le fédéral paie 6 000 000 $ par année à l'Ontario et un montant similaire à la Colombie-Britannique pour payer la totalité des frais d'aide juridique relativement au volet de l'immigration. Donc, on peut voir le peu de succès, là, qu'on a avec les ententes administratives, M. le Président. Et pourtant on devrait normalement être dans une situation où on a un rapport de force quand même à notre avantage. Avec la stratégie que les Québécois s'étaient donnée en optant pour un renouveau de leur Constitution ou vers la souveraineté, vers un changement profond de leur mode de gouvernement, il s'était créé un rapport de force. On aurait pu s'attendre à ce que des ententes administratives arrivent facilement. Elles n'arrivent pas facilement. C'est pénible, c'est long, c'est coûteux, c'est beaucoup d'énergie gaspillée, M. le Président.

Alors, là, ce qu'on nous dit, ce que le ministre de l'Éducation nous a dit, ce que la ministre de la culture nous a dit, ce que le ministre de la Sécurité du revenu nous a répété aussi, c'est que, dès que cette entente ou ces offres seront ratifiées ou approuvées par la

population, on s'en va négocier une multitude d'ententes. Et après on nous dit que c'est un point de départ, aussi. C'est un point de départ, alors que, justement, une des principales raisons qui devraient nous porter à accepter ces offres, c'est justement de désengager le gouvernement, de désembourber le gouvernement de toutes les négociations. Donc, je ne vois vraiment pas la logique, M. le Président, et je ne comprends pas comment inciter les gens, du côté du oui, à adopter ces offres, parce que ce sont des offres. Il n'y a pas d'entente. Légalement parlant, pour qu'il y ait entente, il faut qu'il y ait rencontre des volontés, accord des volontés, et c'est le principe même des contrats. Il n'y a eu absolument aucun accord des volontés entre les revendications traditionnelles du Québec et le gouvernement central et les provinces anglophones. Il n'y a rien. Non, c'est tout simplement une entente entre les ministres des provinces anglophones, et maintenant on nous les impose, on nous dit: C'est ça; prenez-les ou laissez-les, il n'y a rien d'autre. (16 h 50)

Je comprends mal le député de Mille-Îles, qui est lui aussi avocat, comment il peut accepter qu'on demande à des gens de se prononcer sur une entente, alors que les textes juridiques ne sont pas encore sortis. Écoutez, M. le Président, pendant neuf ans, ma principale tâche comme avocat a été de conseiller mes clients de signer ou de ne pas signer des ententes. Jamais, je n'ai vu un client se présenter à mon bureau sans contrat et me demander: Me Bélanger, est-ce que je dois signer? Jamais! Première des "Choses que je lui demande, c'est: Apportez votre contrat, s'il vous plaît. Ne m'arrivez pas avec tout ça, en parlant de faits en l'air, et en me disant: Est-ce que je dois signer? Même, encore pire que ça, je peux vous dire que je serais poursuivi pour responsabilité professionnelle si je conseillais à un client de signer un contrat que je n'ai pas vu. Encore là, si on me présentait un brouillon, je ne pourrais pas dire à mon client: Vas-y, le brouillon est bon, vas-y, signe le contrat. Écoutez, la première chose, la première, c'est l'élément de base. On demande d'arriver avec des textes définitifs. Nous, on nous dit: Non, non. Écoutez, c'est un brouillon, c'est beau ce brouillon-là, acceptez ça, faites-nous confiance, c'est beau. Écoutez, la population du Québec, ce n'est pas la convention libérale, ce n'est pas uniquement de demander tout simplement de voter sur la tête de la personne qui dirige et dire: Faites-nous confiance.

Une voix:...

M. Bélanger (Anjou): Alors, M. le Président, on nous demande un chèque en blanc, on nous demande de signer quelque chose qui n'existe même pas encore, qui n'est, comme l'a dit ma collègue de Chicoutimi, qu'un simple procès-ver- bal d'intention et de voeux pieux.

De plus, M. le Président, ce qu'on doit constater, c'est que ces documents ne répondent absolument pas aux préoccupations des gens. Dans la circonscription d'Anjou, lors de l'élection du mois de janvier, les gens, je peux vous dire qu'à chaque porte que je faisais, ils me répondaient à peu près les mêmes choses: Premièrement, les taxes. Les gens en ont assez de payer des taxes, ils sont égorgés. Alors, qu'est-ce qu'on trouve dans ces offres, M. le Président, qui peut donner un peu d'espoir aux gens qui veulent avoir un allégement fiscal ou une réforme de la fiscalité? Rien, absolument rien, qui peut permettre aux gens de penser que leur fardeau fiscal va diminuer. Les gens veulent un espoir. Est-ce qu'il y a de l'espoir là-dedans au niveau de la fiscalité, au niveau des taxes? Absolument rien. Voter oui à cette entente, c'est voter oui aux taxes et à continuer d'être taxés de la même façon qu'on a présentement.

Alors, qu'est-ce qu'on a, M. le Président? Ah, non, on vient nous donner un Sénat. Ça, ça va aider vraiment la structure gouvernementale, M. le Président. On sait que ça va coûter, à peu près, quelques centaines de millions de dollars à instaurer et à alimenter, ce Sénat, ce Sénat qu'on appelle triple «e». M. le Président, je ne vois vraiment pas en quoi le Sénat va aider la structure gouvernementale, en quoi on peut dire que ça va être utile pour le Québec. D'ailleurs, demandez la question aux Québécois: Qu'est-ce qu'ils en feraient du Sénat? La question serait vitement réglée. On l'éliminerait purement et simplement et là, il y aurait une économie; là, on pourrait dire qu'on a fait vraiment quelque chose de rationnel. Alors, M. le Président, non, c'est ça, on nous offre un Sénat tout à fait inutile, qui va coûter cher. Nous, on cherche à simplifier les structures du gouvernement. Non, ici, on les alourdit; on les rend plus onéreuses, plus coûteuses. M. le Président, en voilà un bel exemple, justement. On ne répond pas aux préoccupations des gens.

Au niveau des sans-emploi, on voulait de l'espoir, M. le Président. On nous vante la qualité de vie au beau Canada. Oui, M. le Président, avec un taux de chômage, le pire taux de chômage de tous les pays industrialises. Alors, franchement, M. le Président, allez dire aux gens qui sont sans emploi - parce que le taux de chômage ne comprend pas non plus les assistés sociaux - allez leur dire que, finalement, ils sont bien, qu'ils sont heureux, que tout va bien, et que ce que vous leur offrez, ça va les aider. Il n'y a absolument pas d'espoir là-dedans, pour ces gens-là. On les oublie, on les oublie complètement. Ce que les gens voulaient, justement, au niveau de l'emploi, c'est un guichet unique à l'emploi. Un guichet unique, ce n'est pas compliqué, c'est-à-dire qu'on va à une porte pour chercher de l'emploi. On ne va pas à l'assuran-ce-chômage, au bureau de Travail Canada et,

après ça, au bureau de Travail-Québec - une seule place. On nous apprend que ça ne sera pas le cas, on va rester encore avec la même structure. Ah! Il peut y avoir des ententes. Encore, on nous parle toujours, on nous fait miroiter les innombrables ententes administratives qu'il va pouvoir y avoir, mais des ententes qui ne lient qu'un gouvernement, qui ne sont pas const itutionnalisées, et qui sont à la merci de tout changement au gouvernement fédéral. Alors, c'est ça. Des ententes... En quoi va-t-on vraiment aider les gens? En quoi allons-nous réellement alléger le gouvernement de la préoccupation des négociations fédérales-provinciales? Ça ne règle rien.

Alors là, on nous parle maintenant des acquis, des actifs pour le Québec. Écoutez, je reviendrai succinctement là-dessus, M. le Président, tout simplement pour vous dire: nouveaux pouvoirs, on le sait, on n'en a aucun qui nous permettrait de donner les outils nécessaires pour relancer notre économie. Ah oui! On nous confirme les pouvoirs qu'on avait depuis 125 ans. Merci, merci! En plus, évidemment, le gouvernement dit qu'il va réglementer son pouvoir de dépenser dans ces six secteurs. Encore là, c'est un cadeau absolument merveilleux. Garantie de 25 % à la Chambre des communes. Merveilleux, on l'a depuis à peu près 100 ans, puis ça n'a pas empêché, en 1970, la loi des mesures de guerre, ça n'a pas empêché le rapatriement de la Constitution unilatéralement. Ah, encore là, c'est toute une garantie d'avoir 25 députés fédéraux à Ottawa, c'est vraiment tout à fait merveilleux; 3 juges à la Cour suprême; on les a, on les a déjà, les 3 juges à la Cour suprême, puis ça donne quoi encore? Ça n'a pas empêché la Cour suprême d'invalider des dispositions de la loi 101 à maintes reprises. Alors, M. le Président, les actifs, je ne les vois pas.

Société distincte. Tout simplement dire aux gens que Clyde Wells maintenant est d'accord avec la notion de société distincte dans l'entente, je pense que tous les Québécois ont compris ce que ça veut dire. Il est même prêt à venir au Québec pour la défendre. Alors, si vous croyez qu'il y a des actifs là-dedans, eh bien, moi, je vous laisse juge de ça. M. Wells n'a pas changé d'idée. C'est toujours les mêmes convictions qui l'animent, et il est d'accord avec cette notion de société distincte.

Droit de veto. Ah, quelle merveille que ces droits de veto, M. le Président. Merveilleux! On va avoir des droits de veto une fois que toutes les réformes seront faites. Alors, peut-être que, dans 150 ans ou dans 200 ans, ces droits de veto pourront être utiles. On pourra dire ça à nos petits-petits-enfants. Mais, encore là, M. le Président, n'essayons pas de faire croire aux gens qu'il y a des actifs là-dedans.

Alors, donc, M. le Président, on peut comprendre que ces offres n'emballent personne, même chez les libéraux. Certains, évidemment, vu quand même la grande rigueur et la grande discipline de parti qui sont imposées, ne feront pas de déclaration ou ne feront pas de soubresauts, mais ils s'écrasent. Je ne suis pas certain qu'on va en voir énormément faire du porte à porte pour défendre vigoureusement ces offres. On l'a vu. Un gars comme M. Allaire, on ne nous dira pas que M. Allaire, c'est un membre du Parti québécois. M. Allaire, il a dit ce qu'il en pensait. Mario Dumont, ça, vous ne me direz pas encore que c'est un jeune péquiste. Il a encore dit que le Parti libéral, c'était sa voie, mais ces ententes-là, c'est inacceptable pour lui.

Je vois évidemment la députée de Bourget qui réagit à mes propos. Je comprends, j'apprenais, dans mon comté, qu'il y aura un référendum uniquement en 1993 ou en 1994 dans le comté de Bourget.

Une voix: Ah, no!

M. Bélanger (Anjou): Ah oui, alors, c'était en titre dans Le Flambeau, M. le Président. Donc, je peux comprendre, M. le Président, évidemment, quand une chose comme ça arrive...

Mme Boucher Bacon: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Quelle est votre question, Mme la députée de Bourget?

M. Jolivet: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, vous savez très bien que les règles de cette Assemblée ont été changées par le gouvernement, par le leader et que les questions de privilège n'existent pas, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur une question de règlement, Mme la députée.

Mme Boucher Bacon: M. le Président, pourquoi j'ai dit qu'il y avait un référendum en... Non...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît. M. le député, avant de vous entendre, je vais entendre madame. S'il vous plaît. Je m'excuse. J'ai une question de règlement de Mme la députée de Bourget. Je vais l'entendre. Je ne sais pas encore la question de règlement, M. le député. Je vais vous reconnaître après, c'est évident. Non, non. Non. S'il vous plaît. S'il vous plaît, Mme la députée. Mme la députée, Mme la députée, il faut respecter la parole d'un député qui s'exprime. C'est dans le règlement, à l'article 35. Évidemment, au niveau du règlement, il y a

des façons de pouvoir soulever une question de privilège. Vous le ferez en temps opportun. Mme la députée, en temps opportun. M. le député, si vous voulez poursuivre votre intervention.

M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, s'il vous plaît. M. le député. S'il vous plaît. M. le député d'Anjou, si vous voulez poursuivre votre intervention.

M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le Président. M. le Président, je ne faisais que rapporter uniquement des titres des journaux régionaux de mon comté, et c'est tout ce que je faisais.

Mme Boucher Bacon:...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît. Mme la députée, vous aurez l'occasion d'intervenir. Je m'excuse, Mme la députée, tous les députés peuvent intervenir 20 minutes. Vous aurez sûrement votre occasion d'intervenir et vous ferez votre discours à ce moment-là. M. le député d'Anjou.

M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le Président. Alors, je disais donc que ces offres ne suscitaient que peu de réactions. Évidemment, on a eu une réaction...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Anjou): ...mais peu de réactions. Alors, c'est tout simplement pour dire que ça ne répond pas aux revendications historiques du Québec. On parle de Meech; on parle de Meech plus. On se croirait, M. le Président, dans une réclame de savon à lessive. J'ai même entendu le ministre de la Justice parler de Meech plus, plus, plus. Alors, j'attends le prochain qui va dire: Meech plus, plus, plus, plus encore. Écoutez, quand on est réellement en train de faire de la réclame, on en fait ou on n'en fait pas, hein, M. le Président!

Alors, tout ça pour vous dire, M. le Président, que ça ne soulève rien, ces ententes-là. Et quand je voyais tout simplement M. Bourassa qui disait que voter oui, c'est voter pour la prudence, alors permettez-moi d'en douter, parce que voter oui, c'est s'enfermer dans une structure étouffante, c'est étouffer les revendications du Québec. C'est ça, M. le Président, voter oui. Et je pense que, si on veut vraiment avoir une idée de tout ce débat... Moi, ce que j'ai bien aimé, c'est les propos tenus par Peter Blaikie, l'ancien président d'Alliance Québec, qui disait: «L'indépendance vaut mieux que l'entente de Charlottetown. Soumettre à un référendum l'entente constitutionnelle du 28 août est une espèce de mépris envers le peuple québécois» croit l'avocat montréalais Peter Blaikie, ex-président d'Alliance Québec. C'est donc pourquoi, M. le Président, je suis confiant que les Québécois vont voter massivement non à cette entente, car ils méritent mieux que cela.

Mme Boucher Bacon: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, Mme la députée.

Mme Boucher Bacon: ...est-ce que je pourrais poser une question au député d'Anjou en vertu de l'article 213?

Une voix: Suspendu. Suspendu.

M. Jolivet: M. le Président, s'il vous plaît! Sur une question de règlement. M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant! Un instant! Il n'y a pas eu de motion de suspension des règles.

Une voix: On n'a pas suspendu... M. Jolivet: M. le Président...

Le Vice-Président (m. bissonnet): un instant, là! non, non! un instant avant de... un instant! un instant! s'il vous plaît! s'il vous plaît! soyez calmes!

Des voix:...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 11)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place.

Mme la députée de Bourget.

Mme Boucher Bacon: Oui. M. le député, compte tenu que notre enveloppe nous est réservée, j'aurai toujours le droit de revenir pour prendre la parole. J'aurais pu lui poser une question, mais je vais attendre à un autre moment pour le faire. Je vous remercie.

Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, mme la députée. nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par m. le premier ministre et je reconnais mme la whip adjointe du gouvernement et députée de groulx. mme la députée, la parole est à vous.

Mme Madeleine Bleau

Mme Bleau: Merci, M. le Président. Dans le cadre de ce débat référendaire, il m'apparaît essentiel de mettre en relief certains éléments concernant la solidarité entre les Québécois, qu'ils soient francophones, membres des communautés ethniques ou membres des communautés autochtones. À cet égard, je voudrais d'abord souligner que le Québec s'est construit sur la base de cette solidarité entre tous les membres qui composent sa société.

Nous vivons aujourd'hui dans une société moderne sur le plan économique, sur le plan culturel, sur le plan des valeurs et, à ce titre, nous devons en être reconnaissants à ceux et celles qui nous ont précédés, à ceux qui ont tracé la voie que nous empruntons aujourd'hui pour, à notre tour, tenter d'améliorer la qualité de vie de ceux et celles qui nous suivront.

Un des éléments clés de cet équilibre au sein de la société québécoise a trait à l'immigration. Ce chapitre m'intéresse particulièrement, puisqu'on retrouve dans le beau comté de Groulx une population importante d'origine portugaise. Le Québec a historiquement tenu à ce que ceux et celles qui se joignent à nous puissent s'intégrer de façon harmonieuse afin de répondre à leurs besoins et aspirations. Mais, en même temps, il ne fallait pas pour autant qu'un déséquilibre se produise au sein de la société québécoise, entendu par là que notre majorité francophone au Québec constituera toujours une distinction par rapport au rest e du Canada et à l'Amérique du Nord dans son ensemble.

Donc, le sujet de l'immigration a toujours fait partie des pourparlers constitutionnels. Le Québec a progressivement tenté de récupérer ce pouvoir afin qu'il soit le plus exclusif possible, sans pour autant nier le rôle du gouvernement canadien à l'échelle du pays. Mais, en ce qui a trait au Québec, du fait qu'il est reconnu maintenant comme une société distincte et que cela sera inscrit dans la Constitution, il est fort important que l'on puisse conserver cette marge de manoeuvre que nous avons historiquement acquise, bien sûr, mais également dans la mesure où nos priorités changeront dans l'avenir, sauf celle de conserver cette majorité francophone au Québec.

Cela ne signifie pas que nous réservions un accueil plus timide et plus froid, en ce qui a trait aux minorités ethniques. Bien au contraire, nous tentons par tous les moyens possibles de mettre des budgets et des programmes de financement adéquats pour leur harmonisation et leur intégration à la société québécoise. Donc, dans le cadre des dernières propositions fédérales, le Québec devient responsable de la sélection et de l'intégration linguistique, culturelle, sociale et économique des immigrants sur son territoire. Je le répète, M. le Président, ce sujet sera inscrit dans la Constitution et c'est là une garantie pour l'avenir. Il en résultera nécessairement des négociations via des ententes administratives devant être signées par les deux niveaux de gouvernement, et ce, en tenant compte des changements de situation et des besoins nouveaux de chacune des provinces canadiennes.

Pour ce qui est du Québec, il est d'ores et déjà établi qu'il constitue une société distincte et, par le fait même, ça ajoute des impératifs bien précis sur les plans culturel et économique.

Un bon bout de chemin a été fait, en matière d'immigration, depuis la signature des ententes Cullen-Couture et, plus tard, celle des ministres McDougall et Gagnon-Tremblay concernant les juridictions respectives qui ne pourront être empiétées par l'un ou l'autre des paliers gouvernementaux.

Il s'agissait d'abord d'éviter les chevauchements et le double emploi en ce qui a trait à l'immigration, et il fallait également tenir compte des priorités provinciales et du respect de celles-ci. C'est exactement à ce type d'entente qu'en sont arrivés les premiers ministres fédéral et provinciaux en signant un protocole invitant les deux parties à exercer de plein droit leurs juridictions respectives.

Sur le plan culturel, on est bien loin des plans de l'ancien gouvernement du Parti québécois. Vous vous souviendrez, M. le Président, que ce dernier avait élaboré un vaste plan d'ensemble, confiné dans le livre blanc sur le développement culturel. Ce qui était original dans ce livre blanc, c'est que l'ancien gouvernement du Parti québécois tentait de dicter ses priorités à chacun des individus. Quiconque ne se conformait pas aux règles d'usage de ce manuel était considéré comme un mauvais Québécois. Or, c'est exactement ce genre de raisonnement que veut éviter le Parti libéral du Québec. Comme formation politique, nous avons toujours préconisé un respect de chacun des individus qui composent la société québécoise. Qu'il soit francophone, anglophone ou allophone, nous avons historiquement estimé que tout le monde avait le droit de vivre en fonction de sa culture, de sa langue et de ses habitudes. Cependant, nous tenons à ce que l'entrée des immigrants coïncide avec les objectifs du Québec, c'est-à-dire la protection et la promotion de la majorité francophone. Tous ces objectifs sont parfaitement conformes aux récentes propositions constitutionnelles soumises aux provinces canadiennes.

Le dossier des autochtones a également constitué une autre priorité pour le Québec et l'ensemble des provinces canadiennes. S'il fallait, là encore, se fier au jugement du Parti québécois, on aurait réglé ce dossier depuis longtemps, mais dans le sang. Non, le gouvernement libéral préfère, et de loin, la solution du dialogue, du compromis entre les parties. Durant l'été 1990, le Québec a vécu des événements déplorables avec

l'une des communautés autochtones, mais le tout s'est réglé sans qu'aucune violence collective vienne causer des catastrophes. Une personne a perdu la vie, et c'est déjà une de trop.

Depuis 1985, l'Assemblée nationale reconnaît aux autochtones le droit d'avoir des gouvernements autonomes. C'est ce même droit que nous reconnaissons aujourd'hui dans la Constitution. Mais on voulait, au préalable, s'assurer que l'intégrité du territoire du Québec ne serait pas mise en danger par le droit au gouvernement autonome conféré aux autochtones. C'est ce que nous avons fait en obtenant clairement une garantie constitutionnelle à cet égard dans l'entente. Donc, M. le Président, l'intégrité du territoire du Québec est garantie. C'est à nous qu'il appartiendra de négocier de bonne foi avec les autochtones pour établir ces gouvernements avec lesquels ils pourront s'autogouverner.

Nous avons également établi de façon constitutionnelle que ces gouvernements autochtones devront respecter les lois essentielles du maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement de la société canadienne comme de la société québécoise. Ce sont là des gains majeurs pour chacune des parties en présence, et c'est pourquoi j'estime que ces offres sont plus que valables et doivent être endossées par l'ensemble de la population du Québec. (17 h 20)

Par le passé, le Québec a toujours fait preuve de générosité. Il n'y a pas de raison valable pour que cette tradition ne se perpétue pas dans l'avenir. Nous sommes d'avis, cependant, que le gouvernement doit éviter tout dirigisme d'État comme a tenté de le faire, à un moment donné, l'ancien gouvernement. Nous sommes convaincus que c'est dans le respect et la conformité des besoins et aspirations de la population qu'il faudra vivre à l'aube des années deux mille, et c'est pour cela que je demande à la population de mon comté de voter oui aux offres lors du référendum, et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Groulx, de votre intervention. Alors, nous en sommes toujours à la motion proposant une question référendaire, par M. le premier ministre, et je reconnais M. le député de Saint-Jean.

M. Charbonneau: M. le Président, simplement pour souligner... Il y a peut-être lieu de vérifier si, à l'ordre... Je pense que M. le ministre des affaires internationales était prêt à intervenir. Alors, je lui cède ma place avec plaisir.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Très bien, M. le député de Saint-Jean. Je reconnais M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: M. le Président, je remercie M. le député de Saint-Jean de me permettre d'intervenir immédiatement, puisque je suis en commission parlementaire où nous étudions l'entente que nous avons signée à Charlottetown le 28 août dernier. Je le remercie donc de me permettre de m'adresser immédiatement à cette Chambre pour pouvoir retourner à la commission parlementaire et continuer nos travaux.

M. le Président, la question qui sera posée aux Québécoises et aux Québécois le 26 octobre prochain est une question qui est claire, qui est simple. Contrairement à celle qui a été posée en 1980, c'est une question qui est facile à comprendre. C'est une question qui est facile à comprendre, parce que les enjeux sont aussi très clairs. Ces enjeux, nous les retrouvons dans cette entente que nous avons négociée, que nous avons conclue le 28 août dernier à Charlottetown.

M. le Président, nous avions deux objectifs, comme gouvernement, lorsque nous avons négocié cette entente. Notre premier objectif, tout d'abord: assurer la sécurité du Québec, que nous puissions exprimer en toute sécurité ce que nous sommes comme partenaires à part entière de la Fédération canadienne et, deuxièmement, que nous puissions avoir les outils de notre développement, tant dans le domaine de la culture que dans le domaine économique. Et l'entente que nous avons conclue à Charlottetown reflète essentiellement ces deux préoccupations que nous avions: sécurité du Québec et des outils pour son développement.

M. le Président, en ce qui regarde la sécurité, cette sécurité dont on a besoin comme peuple, comme société, pour qu'on puisse avoir une base solide pour construire en fonction d'outils dont nous avons aussi besoin et dont je parlerai tout à l'heure, cette sécurité, elle repose premièrement sur notre reconnaissance comme société distincte. Elle repose aussi sur ces droits de veto que nous avions malheureusement perdus, que le gouvernement péquiste avait perdus en 1981 et que nous pouvons maintenant récupérer: six droits de veto; j'y reviendrai dans quelques instants. Et aussi en matière d'immigration, un domaine extrêmement important pour le Québec, qu'on puisse garantir au Québec la sélection de ses immigrants, l'intégration de ses immigrants et la compensation financière des sommes d'argent nécessaires pour que nous puissions procéder à cette intégration de nos immigrants dans notre société québécoise.

M. le Président, j'ai suivi attentivement les propos du chef de l'Opposition lorsqu'il a fait son intervention au moment du dépôt de la question. Et le chef de l'Opposition, entre autres, disait ceci, et je le cite: «La reconnaissance de la société distincte a été ratatinée à la langue, à la culture et au Code civil. Tout le reste a été évacué». M. le Président, c'est faux.

C'est faux, M. le Président. Nous avons, dans la clause Canada, cette reconnaissance du Québec comme société distincte. Et nous avons trois éléments, trois exemples pour nous démontrer ce qu'est cette société distincte.

La langue française, M. le Président. Et je me souviens très bien des propos, par exemple, du député de Lac-Saint-Jean qui disait, en 1987, lorsque nous avons discuté en commission parlementaire de l'entente du lac Meech, je le cite: «La société distincte n'était pas définie dans l'accord du lac Meech. Puisqu'elle n'était pas définie, elle ne pouvait servir de clause d'interprétation à l'égard de toute espèce de politique». M. le Président, quand on pense que, d'une part, vous avez ce commentaire de la part du député de Lac-Saint-Jean et que, d'autre part, en 1987, ce même député de Lac-Saint-Jean nous disait: Comment peut-on sérieusement parler de société distincte, alors qu'il n'y a pas un traître mot dans cette entente sur l'élément premier, fondamental et essentiel de la spécificité du Québec, c'est-à-dire la langue française?

M. le Président, on vient nous dire maintenant: C'est épouvantable, c'est effrayant, ce que vous avez fait, parce que, comme exemple de la société distincte, vous avez donné la langue française. M. le Président, il faut le faire! Il faut le faire! On nous dit: C'est épouvantable, c'est effrayant, ce que vous avez fait. Vous avez donné comme autre exemple le Code civil du Québec. C'est épouvantable. C'est effrayant. C'est épouvantable, ce que vous avez fait. Vous avez donné, comme autre exemple de ce qu'est le Québec comme société distincte, la culture unique. Mais, M. le Président, il faut le faire quand même: nous critiquer parce qu'on a ces trois éléments de référence: société distincte par la langue, par sa culture unique, par son Code civil. Les plus éminents experts sont venus témoigner, M. le Président. Des experts comme M. le juge de Grandpré, Yves Fortier, eminent plaideur devant la Cour suprême du Canada, et plusieurs autres spécialistes sont venus témoigner pour nous dire que ce sont là trois exemples, et que ces exemples pourront nous permettre d'inclure des éléments aussi importants pour nous que nos institutions financières, par exemple, qui nous sont particulières, le rôle du Québec en matière de relations internationales.

M. le Président, ce matin, dans les journaux, on lisait cet article de l'ancien juge en chef de la Cour supérieure du Québec, Me Jules Deschênes. Me Deschênes qui a écrit un livre, un traité sur la langue et la constitution des tribunaux, un livre auquel on se réfère encore régulièrement, écrivait ce matin: «Société distincte: le Québec doit se réjouir du gain certain qu'il réalise».

M. le Président, un ancien juge à la Cour suprême du Canada, une autorité dans le domaine juridique, une autorité dans le domaine de l'interprétation législative constitutionnelle,

M. Louis-Philippe de Grandpré, est venu témoigner en commission parlementaire. Ce matin, on pouvait voir un résumé de son intervention, lorsqu'il disait que le Québec aura les moyens de se développer avec ce que nous avons dans cette entente, entre autres, en ce qui regarde la société distincte. M. le Président, ce que nous avons dans cette clause Canada en fonction de la société distincte, c'est une référence à ce que nous sommes comme société, comme peuple. M. le Président, aussi, dans un article à part - et ça le chef de l'Opposition n'en a pas parlé, comme par hasard - ce rôle de l'Assemblée nationale, de notre Assemblée, ce rôle du gouvernement du Québec de protéger et de promouvoir cette société distincte. (17 h 30)

M. le Président, je n'ai pas entendu ces mots évidemment de la part du chef de l'Opposition, mais comment peut-on dire que reconnaître la dualité canadienne pourrait affaiblir ce rôle du Parlement, ce rôle du gouvernement du Québec de protéger et de promouvoir la société distincte, dans la mesure où on voit comment cette clause Canada a été construite, a été élaborée, et de la façon aussi dont les experts sont venus nous l'expliquer, sans aucune hésitation, M. le Président? Tous ces experts ont été catégoriques à ce niveau-là, que ce soit l'ancien juge en chef de la Cour supérieure, ce matin, dans les journaux, le juge Deschênes, que ce soit l'ancien juge de la Cour suprême, M. de Grandpré, M. Fortier, M. Paul Gérin-Lajoie, un grand spécialiste dans le domaine constitutionnel, spécialiste dans le domaine de l'amendement constitutionnel - son traité est toujours une référence dans le domaine du droit, cité devant les tribunaux. Et ils sont venus nous dire, M. le Président, d'une façon très claire, très catégorique, que la loi 101 n'avait jamais été aussi bien protégée que de par ce texte que nous avons de la clause Canada et de la reconnaissance de la société distincte.

Il est faux, M. le Président, de prétendre, comme l'a fait le chef de l'Opposition, qu'en mettant «notamment» et en le traduisant en anglais par «includes» on vient de limiter la portée de la société distincte. M. le Président, que ce soit l'article 15 de la Charte des droits et libertés dans la Constitution qui est le coeur, si vous me permettez cette expression, de la Charte des droits, puisque c'est l'article qui est en fonction de l'égalité des hommes et des femmes, l'égalité de tous, peu importe notre race, notre langue, notre sexe - c'est l'article premier d'une charte des droits et libertés. Dans cet article 15, dans l'article 43 de la Constitution de 1982, dans l'article 35 de cette même Constitution - et je cite seulement ces trois exemples, je pourrais en citer plusieurs autres, M. le Président - on traduit le mot «notamment» par le mot «includes». Et les experts sont venus nous le dire aussi, sans aucune ambiguïté, directement: quand on utilise le mot «includes»

en anglais, ça signifie «notamment». Quand on étudie le mot «notamment», ça signifie «includes».

M. le Président, pourquoi aller dire ces choses-là? C'est la même chose, M. le Président, que lorsque le chef de l'Opposition a parlé de l'immigration, aussi un point important pour la sécurité des Québécois et des Québécoises, sécurité de notre société. J'ai déposé ici, M. le Président, à l'Assemblée nationale, les propositions, donc cette entente de Charlottetown comprenant un texte juridique sur l'immigration. On nous reproche, M. le Président, de ne pas avoir de textes juridiques. Mais, sur la société distincte, donc, toute cette clause Canada, c'est le texte juridique qui est là. En ce qui regarde l'immigration, texte juridique.

M. le Président, là encore, on ne peut pas quand même dire de faussetés. Qu'on regarde ce texte juridique qui a été déposé ici, qui fait partie de l'entente, ce texte juridique, qu'est-ce qu'il nous dit, M. le Président? Sans aucun doute, il nous dit que c'est exactement comme dans Meech. La seule distinction, c'est qu'au lieu d'avoir un droit de veto nous avons un droit de retrait avec pleine compensation financière. C'est encore mieux, M. le Président, puisqu'on pourra avoir une compensation financière plus évoluée et adéquate à l'évolution des choses. M. le Président, lorsqu'on dit au public qu'on n'a pas ce qu'il y avait dans Meech au sujet de l'immigration, on met de la confusion et on le fait délibérément. C'est ça qu'il faut arrêter, M. le Président. Il faut dire aux gens, il faut dire aux Québécoises et aux Québécois vraiment ce qu'on a. Qu'on fasse des critiques, je veux bien, on va y répondre, mais qu'on ne dise pas de faussetés. C'est complètement faux de dire que l'immigration n'est pas comme dans Meech. C'est complètement faux de dire qu'on limite la portée de la société distincte, M. le Président.

M. le Président, à un moment donné, et c'est ça le but, et c'est le défi que nous avons comme parlementaires, pour que les Québécoises et les Québécois exercent librement, démocratiquement, leur droit de se prononcer par référendum, notre obligation, comme parlementaires, M. le Président, c'est de donner l'information adéquate. On diffère d'opinion, très bien. Votre option, c'est la souveraineté, et je dois vous avouer que ce que nous avons négocié et obtenu à Ottawa, ce n'est pas pour faire la souveraineté du Québec, au départ. Donc, je comprends qu'on ne soit pas d'accord sur les termes de l'entente. Notre option a toujours été d'avoir un fédéralisme profondément renouvelé. Et c'est ce que nous avons.

Je disais, M. le Président, que nous avions été guidés par cette recherche d'avoir cette sécurité du Québec. M. le Président, quand on parle de sécurité, on parle des droits de veto. On se souvient qu'en 1981-1982, avec le rapatriement, avec une entente qui avait été signée...

Ca, c'est l'entente qui avait été signée par le gouvernement péquiste le 16 avril 1981, où on a signé le principe de l'égalité des provinces et où on a abandonné le droit de veto du Québec. M. le Président, c'était notre principale préoccupation de pouvoir aller récupérer ces sécurités dont nous avons tant besoin comme peuple, comme société. Ce n'était pas facile, M. le Président, parce que, pour aller récupérer les droits de veto, il faut avoir l'unanimité, il faut que tous les partenaires, il faut que les 10 provinces, il faut que le gouvernement fédéral soient d'accord. Ce n'est pas facile. Les autres sujets, dans la Constitution, on peut les obtenir avec ce qu'on appelle du 7-50, c'est-à-dire sept provinces qui totalisent 50 % de la population. C'est beaucoup plus facile. Mais là on devait aller récupérer ces droits de veto, réparer les erreurs de 1981. Ce n'est pas nous qui les avions faites, ces erreurs-là, M. le Président. C'est ce que nous avons fait, M. le Président.

Je n'ai pas entendu le chef de l'Opposition nous remercier pour ce qu'on a fait. Je le comprends bien. Mais nous avons récupéré un droit de veto sur la société distincte. On ne pourra pas changer les garanties que nous avons sur la société distincte sans qu'on soit d'accord. Nous avons récupéré un droit de veto sur la clause «nonobstant». On ne pourra pas changer cette clause, M. le Président, qui est une soupape de sûreté, une garantie pour nous protéger quant à notre langue, notamment. On l'a fait avec la loi 178 dans cette Assemblée. Elle est là, la clause «nonobstant», elle est garantie. On ne pourra jamais la toucher sans notre consentement.

Droit de veto sur le Sénat, M. le Président, qu'on a obtenu alors qu'il avait été perdu en 1981. Droit de veto à la Chambre des communes avec nos 25 %. On ne pourra pas aller en bas de 25 % de députés à la Chambre des communes, et c'est là que se prennent les décisions, M. le Président. C'est là qu'il va être important, pour le Québec, d'avoir toujours cette garantie d'avoir au moins 25 % des députés à la Chambre des communes qui viennent du Québec. M. le Président, garantie aussi de veto sur la formule d'amendement; veto aussi sur l'entrée de nouvelles provinces.

M. le Président, ça fait six droits de veto: droit de veto sur la société distincte; droit de veto sur la clause «nonobstant»; droit de veto sur le Sénat; les 25 %, à la Chambre des Communes, de députés; droit de veto sur la formule d'amendement; droit de veto, M. le Président, sur l'entrée de nouvelles provinces. C'est ça, la sécurité du Québec, M. le Président, et c'est ça qu'on est allés chercher dans cette entente et c'est ça que nous avons, M. le Président. Il fallait réparer les erreurs de 1981. C'était notre première obligation, notre premier objectif comme gouvernement, et c'est ça que nous avons, dans un premier temps. Des outils de sécurité,

avec l'immigration qui est là, qui nous est garantie, ensuite des outils de développement, que l'on puisse exprimer ce que nous sommes, comme partenaires à part entière dans cette Fédération canadienne, avec des pouvoirs dont nous avons besoin, sur le plan de la culture, sur le plan économique.

Sur le plan de la culture, M. le Président, la culture est reconnue comme une compétence exclusive du Québec. Il y aura respect du rôle du fédéral en matière d'institutions fédérales, et nos artistes sont pleinement d'accord avec ça; ils sont venus le dire, en commission parlementaire, à ma collègue la ministre de la culture. Mais, dorénavant, nous négocierons cette entente pour être les maîtres d'oeuvre de la culture sur le territoire québécois.

M. le Président, dans huit domaines nous avons cette exclusivité de juridiction qui va nous permettre d'éviter tout d'abord ces dédoublements, dédoublements qui ont coûté tellement d'argent, de temps, d'énergie, et c'est des milliards de dollars, M. le Président. Comptez, en plus, le développement économique régional où on va pouvoir faire une entente, aussi, administrative et constitutionnelle, qui sera constitution-nalisée, où on va pouvoir être plus efficaces, faire en sorte que le développement économique de nos régions puisse se faire en fonction des priorités de développement économique du Québec - il n'y aura pas de développement économique au Québec, sans que ça passe par nos régions, on le sait - travailler en coordination avec le gouvernement fédéral et, ensemble, selon nos priorités, établir ce développement économique. (17 h 40)

M. le Président, on nous dit qu'on n'a pas de compétences, qu'on ne récupère rien. Mais, M. le Président, c'est encore faux, mais faux! C'est huit compétences exclusives que nous avons. Trois compétences que nous avons partagées, où nous allons établir ces ententes qui vont nous permettre d'avoir une action coordonnée entre les deux niveaux de gouvernement. M. le Président, la question dit: C'est une base; oui, c'est une base, une base solide. Une base qui assure au Québec sa sécurité. Une base qui nous donne les outils essentiels à notre développement culturel, économique. À partir de là on va construire. On va construire tout d'abord de par notre excellence, comme société, comme peuple, et on va construire en fonction, toujours, de ces négociations. On pourra continuer et aller chercher d'autres éléments que nous voulons avoir, mais nous mettrons fin à cette crise constitutionnelle. Nous aurons cette paix constitutionnelle. Et nous allons pouvoir travailler ensemble en matière économique, travailler ensemble à construire un Québec fort, un Québec fier de son appartenance au fédéralisme canadien, un Québec qui retrouve sa place de plein droit dans une fédération qui sera de plus en plus efficace et dont nous pourrons de plus en plus être fiers, M. le Président, comme Québécois, comme Québécoises.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par M. le premier ministre, et je reconnais M. le député de Saint-Jean.

M. Michel Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. C'est avec grande fierté que j'interviens aujourd'hui pour souligner à ma façon l'importance du débat historique que nous vivons et l'importance des semaines à venir. J'aimerais, en passant, souligner l'excellent travail du ministre des Affaires intergouvernementales du Québec qui m'a précédé et qui a fait un excellent travail au niveau de toute cette négociation qui nous mène aujourd'hui à cette question.

M. le Président, le débat sur la question me donne l'opportunité aujourd'hui d'aborder un point qui a marqué l'évolution du Québec. En effet, c'est sur la base de la solidarité québécoise que s'est bâtie notre province. Dans l'ensemble du Canada, on a également retrouvé ce souci d'assurer une équité, une justice et une égalité entre tous les Canadiens et les Canadiennes. Au Québec, cette caractéristique qu'est la solidarité se retrouve dans tous les secteurs d'activité. Que ce soit sur le plan économique, sur le plan culturel ou social, le Québec moderne que nous connaissons aujourd'hui ne s'est pas bâti en un jour mais plutôt sur des décennies de labeur et de travail sans relâche pour en arriver où nous sommes aujourd'hui.

Cette solidarité, M. le Président, se perçoit dans les valeurs qui nous animent. Je parle ici de cet accueil que nous avons réservé, par exemple, à nos immigrants qui sont venus enrichir notre société par leurs connaissances, leurs traditions et leurs habitudes de vie. J'aimerais simplement souligner que nous avons entendu il y a quelques minutes le témoignage éloquent du député de Viau et whip en chef du gouvernement et celui du député de Laurier, ministre délégué aux Affaires autochtones, qui sont, je pense, une richesse inestimable, non seulement pour notre parti mais aussi pour la collectivité québécoise. Nous devions, dans un souci d'équité et de justice, accueillir ces immigrants de la façon la plus harmonieuse possible, mais en nous assurant que nos politiques administratives et nos programmes de financement rencontrent les objectifs de notre société distincte. Nous voulions intégrer les immigrants à la société québécoise, majoritairement francophone, et, il faut le dire, c'est un cas unique en Amérique du Nord.

Mais, M. le Président, que dit exactement cette entente sur l'immigration? Les propositions

constitutionnelles indiquent que le Québec devient responsable de la sélection et de l'intégration linguistique, culturelle, sociale et économique des immigrants sur son territoire. De plus, et c'est là un gain majeur par rapport à l'entente du lac Meech, ce sera inscrit dans la Constitution canadienne. Ce secteur est lié à notre poids économique; il est donc important que le Québec possède les outils nécessaires à l'intégration des immigrants sur le plan culturel.

Je vous rappelle, M. le Président, que le 5 février 1991 avait lieu la signature officielle de l'accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission des immigrants. Cet accord est entré en vigueur le 1er avril de la même année et remplaçait, quoique s'inscrivant dans le même esprit, l'entente Couture-Cullen. Mais le Québec obtenait trois champs d'intervention bien précis: la planification des niveaux d'immigration, la sélection des immigrants et, enfin, celui de leur accueil et de leur intégration. En ce qui a trait à la juridiction fédérale, ce dernier s'engageait à verser au Québec des sommes importantes au chapitre de l'accueil et de l'intégration. Simplement mentionner 75 000 000 $ en 1991-1992, 82 000 000 $ en 1992-1993, 85 000 000 $ en 1993-1994, pour arriver à 90 000 000 $ en 1994-1995.

Un mot maintenant, M. le Président, sur le dossier autochtone. Nous avons entendu précédemment un témoignage extrêmement émouvant du ministre délégué aux Affaires autochtones. J'aimerais simplement mentionner qu'on se souvient d'abord que, depuis 1985, l'Assemblée nationale reconnaît aux autochtones le droit d'avoir des gouvernements autonomes. Cependant, nos amis de l'Opposition ont changé d'idée plusieurs fois sur ce dossier, jusqu'à préconiser une rupture des pourparlers avec les autochtones parce que le climat semblait un peu plus nerveux entre cette formation politique et les communautés.

Pour notre part, nous voulions au préalable nous assurer que l'intégrité du territoire du Québec ne serait pas mise en danger par le droit aux gouvernements autonomes conféré aux autochtones. Nous avons, à cet égard, obtenu cette garantie constitutionnelle. Nous avons donc établi de façon constitutionnelle que ces gouvernements autonomes devront respecter les lois essentielles au maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement de la société canadienne comme de la société québécoise. En d'autres termes, on prend pour acquis que les lois du Québec seront respectées. De leur côté, les autochtones auront la marge de manoeuvre suffisante pour assurer leur développement et leur plein épanouissement.

Oui, M. le Président, c'est de cette solidarité au sein de la société québécoise qu'il me faudra parler au cours des prochaines semaines. Nous en reparlerons d'ailleurs au niveau de l'immigration, mais également en ce qui a trait à la promotion et à la protection de la langue française. Notre gouvernement, M. le Président, a réussi à obtenir, là aussi, des garanties constitutionnelles pour exercer de façon pleine et entière les droits de l'Assemblée nationale.

Dans le domaine culturel, la solidarité des Québécoises et Québécois joue aussi grandement. C'est d'ailleurs une des principales caractéristiques de notre société distincte de voir à ce que nos artistes et créateurs puissent articuler les valeurs particulières d'une société comme la nôtre afin de promouvoir notre culture propre. (17 h 50)

En ce qui a trait à l'immigration, il est d'ores et déjà acquis que ce secteur d'activité sera au service du développement économique et humain du Québec. Ce sera aussi un service à la cause du Québec français dans la mesure où la délicate mission de l'intégration et de l'harmonisation sera le fruit d'un consensus et d'une planification entre tous les agents impliqués dans l'intégration des immigrants.

M. le Président, je suis persuadé que les récentes propositions constitutionnelles répondront aux besoins et aspirations des Québécoises et des Québécois tout en contribuant à l'amélioration de notre qualité de vie. Je n'ai pas besoin de vous rappeler le rang qu'occupe le Canada dans le monde pour notre qualité de vie, simplement de vous dire que c'est le premier rang.

M. le Président, je suis membre du Parti libéral depuis plus de 20 ans. En 1989, j'ai décidé de briguer les suffrages de ce parti parce qu'il représentait la solidarité, la stabilité et le réalisme dont le Québec a besoin pour se développer au sein de la Fédération canadienne. Je suis fier de cette entente, fier de mon premier ministre et, surtout, fier de représenter les citoyens et citoyennes du merveilleux comté de Saint-Jean. Je suis profondément convaincu qu'il faut faire preuve de réalisme politique et économique en votant oui le 26 octobre prochain. Oui à la question claire, oui à l'évolution de notre fédéralisme, oui à la paix constitutionnelle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Saint-Jean, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par M. le premier ministre, et je reconnais M. le président de la commission des institutions et député de Lévis... Je m'excuse. Le président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: Merci, M. le Président. J'écoutais le député de Saint-Jean et je ne pouvais pas m'empêcher de constater qu'il avait un drôle de discours, parce que même les immigrants eux-mêmes, au Québec, et même au Canada, se demandent si le taux d'immigration n'est pas trop

élevé. Vous savez, en 1991, on a perdu 300 000 emplois, 300 000 emplois de moins au Canada, et il est rentré 250 000 immigrants de plus. Je voyais La Presse de samedi dernier. On disait: 50 000 assistés sociaux de plus. 50 000 assistés sociaux de plus. On dit même: Le triste bilan économique sert aux libéraux à pousser le oui. Imaginez-vous! On va dire: II faut voter pour le oui parce que note bilan est pourri. On dit: Le lait scolaire se boira moins. On ne donnera plus de lait dans les écoles. On trouve qu'on n'a pas d'argent pour donner du lait aux enfants alors que c'est ce qu'on produit le plus au Québec. On n'a plus les moyens de s'occuper de la sécurité dans nos autobus scolaires, M. le Président. Ah! j'entends les députés libéraux dire: Meilleure qualité de vie au monde! On n'a même pas les moyens d'avoir des gardiens dans les autobus, M. le Président.

M. le Président, il faudrait retomber les deux pieds à terre, dans le Parti libéral. Et quand vous regardez, au mois d'août 1992, le bilan de l'année, du mois d'août, 34 000 chômeurs de plus au Québec en comparaison du mois correspondant de 1991, quand on regarde ça, on se rend compte qu'actuellement les libéraux et les conservateurs ont peur de faire le véritable débat. Ce sont tous ces gens-là qui vont disparaître un par un. On a vu le premier ministre de l'Alberta, il a décidé de partir de lui-même. Et vous allez les voir. Ils vont tous tomber un par un, parce que tous les gens qui ont une tête sur les épaules comprennent qu'actuellement le débat important n'est pas d'augmenter le nombre des députés à Ottawa ou de donner un nombre égal de sénateurs à l'île-du-Prince-Édouard.

M. le Président, tout le monde qui a une tête sur les épaules comprend ça. Ça n'a pas de bon sens actuellement. On a l'impression de vivre un rêve déconnecté de gens qui ne savent pas ce qu'ils font en cette Chambre. Essentiellement, on est dans la misère. Arrêtons de dire que le Canada a la meilleure qualité de vie. C'est le plus haut taux de chômage de tous les pays industrialisés du monde: 13 % de chômeurs! 13 %! En Europe, s'il y avait 13 % de chômeurs dans un pays, ça serait la révolution. 13 % de chômeurs, et on dit: On a une bonne qualité de vie, les gens peuvent se reposer, ils ont l'assurance-chômage. On a 50 000 assistés sociaux de plus. On dit: Belle qualité de vie, les gens peuvent se reposer chez eux.

Voyons donc, M. le Président. Ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens. On a le pays le plus endetté de tous les pays du monde industrialisé, 500 000 000 000 $ de dette, M. le Président, avec des fonds de pension dans lesquels il n'y a pas une cent qui répond, dans les fonds de pension, pour tous ceux qui ont des fonds de pension au gouvernement fédéral. Pas une cent dans le fonds de pension des vétérans, pas une cent dans les pensions de vieillesse, pas une cent dans les pensions des fonctionnaires, sauf l'argent qu'ils ont mis eux-mêmes, M. le Président, et on nous parle de la sécurité, de la qualité de vie du Canada. Voyons donc, M. le Président. C'est un pays qui s'en va d'une façon accélérée vers l'abîme, M. le Président.

Je rencontrais hier, comme vous, des représentants des autres provinces et des gens des États-Unis et de l'Europe qui venaient à l'occasion du deux centième anniversaire du Parlement. J'en avais un qui me disait, un ancien ministre du Nouveau-Brunswick: Le Canada, ça a toujours été l'affaire, on donne des subventions pour maintenir ça ensemble, sauf qu'aujourd'hui on n'a plus les moyens. On n'a plus les moyens, et on s'en va dans l'abîme d'une façon accélérée.

M. le Président, quand c'est rendu... Depuis deux ans, le niveau de taxes a augmenté. Au rythme où il a augmenté... D'abord, les déficits continuent à augmenter même si les taxes augmentent d'une façon incroyable. C'était ça le débat. Quand vous voyez qu'on me parle du Sénat, et quand je vois Claude Castonguay, sénateur conservateur, comprenez-vous... Ah! ça c'est beau, tous ces gens. Qu'est-ce que les Québécois et les Canadiens attendaient dans ce débat? À voir l'abolition du Sénat. On leur dit: L'île-du-Prince-Édouard aura six sénateurs comme le Québec. Le Québec aura six sénateurs; l'Ontario, six sénateurs; les deux ensemble, 17 000 000 de population. Les Provinces maritimes, quatre provinces maritimes et trois provinces de l'Ouest - ensemble, elles font à peu près le quart de la population du Québec et de l'Ontario, ensemble - auront, elles, 7 fois 6 sénateurs, 42, alors que le Québec et l'Ontario en auront 12. Évidemment, le premier ministre de l'Ontario, c'est une erreur... Bob Rae, deux déficits de plus de 10 000 000 000 $. Quand il aura quitté l'Ontario, et je vais vous dire comme... et n'importe quelle élection, vous pouvez prendre vos gageures tout de suite, le premier ministre actuel de l'Ontario ne restera pas là, comprenez-vous, parce que, actuellement, il est en train, ce qu'il n'aurait jamais réussi en Ontario... d'atteindre la moyenne du Canada. Il est à 0,3 en bas de la moyenne du Canada. La moyenne du Canada, 11,6; 11,3 en Ontario. Ça ne s'est jamais vu. Pourquoi? Parce qu'on a un pays - ça, il y a une grande réussite. Une grande réussite! - on est un pays qui est rendu dans des problèmes incroyables parce qu'on n'est pas capable d'envisager le monde d'aujourd'hui avec les yeux d'aujourd'hui. On devise comme si on était au XIXe siècle, M. le Président. Je vais vous parler de deux sujets: le développement régional et le secteur des transports.

Le développement régional. Je prendrai une phrase qui est du ministre, M. Rémillard, député de Jean-Talon, qui disait lui-même que le développement régional a été un échec. Un échec, M. le Président. Qu'est-ce qu'il disait le 1er juin 1991, sous la plume de Normand Girard? Si c'est ça le genre de fédéralisme qu'ils veulent nous

proposer, je pense qu'on peut se poser de sérieuses questions. M. Rémillard disait ça. Qu'est-ce qu'il disait, après les élections de 1988? Le gouvernement fédéral a envoyé le signal que, de fait, il n'était pas intéressé à négocier, et qu'il voulait un marché, unilatéralement. C'est ça l'harmonie du couple, M. le Président? C'est ça l'harmonie du couple?

Quand on regarde l'entente, qu'est-ce qu'on dit sur le développement régional? Des voeux pieux: «il conviendrait d'ajouter à la Constitution une disposition qui obligerait le gouvernement fédéral à négocier des ententes de développement régional à la demande de toute province.» Mais «le développement régional ne devrait pas être une sphère de compétence distincte dans la Constitution». On voit le résultat que ça a donné. On a le bilan, M. le Président. Entente dans les Maritimes: le gouvernement fédéral a mis 1 000 000 000 $. On a payé le quart du milliard, parce qu'on paie 25 % des taxes, 250 000 000 $, pour le développement des Maritimes. Dans l'Ouest: 1 200 000 000 $. On a payé le quart, 300 000 000 $. Quand est arrivé notre tour, nous, ça a été 440 000 000 $. On a payé le quart de notre 440 000 000 $, en plus de payer le quart de celui des autres. Résultat: entente qui dure, entre 1988 et 1994, pour les Maritimes et l'Ouest, et entre 1988 et 1993, pour le Québec. (18 heures)

Quel est le résultat? Dans les Maritimes, presque à la fin de l'entente, l'entente, qui était de 431 $ par tête de citoyen, qui était de 259 $ dans l'Ouest, était de 64 $ au Québec, mais d'argent effectivement versé par le fédéral, M. le Président. 397 $ par tête dans les Maritimes, 103 $ dans l'Ouest, 14 $ au Québec. Même pas un abonnement au journal, 14 $! Gros développement, gros succès, alors que les chômeurs sont plus nombreux que jamais.

Pas un son. Ah non! Il faut accueillir les immigrants de façon harmonieuse. C'est ça qu'a vu dans l'entente le député de Saint-Jean, alors que même les immigrants actuellement se demandent si le Canada a les moyens d'en recevoir autant. Quand on ne crée plus d'emplois, quand on connaît juste des baisses d'emploi comme on connaît depuis quelques années au Canada, puis au Québec, c'est quoi la limite si on ne veut pas créer de troubles sociaux?

Regardez ce qui se passe en Europe actuellement. On est en train de commencer à revivre les années trente actuellement. Qu'est-ce qu'on attend, nous autres, pour avoir des politiques économiques? On a des premiers ministres qui devisent sur l'avenir constitutionnel, qui parlent sur l'avenir du Sénat. C'est quelque chose, M. le Président. Pendant ce temps-là, les gens n'ont pas d'emploi. Les gens n'ont pas d'emploi, puis il n'y a pas de programmes de développement, puis il n'y a pas de projet dans la tête de ces premiers ministres là, M. le Président.

Quand je voyais M. Mulroney aujourd'hui qui commentait le départ du premier ministre de l'Alberta. Au fond, au lieu de commenter le départ de M. Getty, il aurait dû l'imiter. Tout le monde sait au Canada que la meilleure chose qui peut arriver au Canada, actuellement, c'est le départ de M. Mulroney. Tout le monde sait ça, M. le Président. Tout le monde sait ça. C'est un secret de polichinelle. Mais là, ça parle bien mieux de faire... comme tout le monde sait que la meilleure chose qui peut arriver au Québec, c'est d'avoir des élections. Ah! Mais, voyez vous, ce sont ces gens-là qui se sont entendus pour placoter ensemble d'un projet qui n'existe pas.

Vous voyez aujourd'hui que ça craque de toutes parts. Quand vous avez vu M. Blaikie qui est rendu quand même... ce n'est pas un ennemi du fédéralisme - qui dit: C'est mieux l'indépendance du Québec que le genre d'entente qu'on a devant nous autres. C'était l'associé de M. Trudeau. C'est meilleur, il dit, l'indépendance pure et simple du Québec que cette entente-là. Quand vous voyez, dans votre propre parti des libéraux, c'est bon à rien, cette entente-là, vous n'en trouvez plus qui vous disent ça. Ah ça, il dit: Ah oui, il est juge. Ah bien, il est juge, oui. C'est justement, les premiers ministres ont dit: Trop lâches pour s'entendre, on va remettre ça aux juges. Ils décideront, eux autres. Ils s'entendront, ils décideront.

L'avenir des autochtones. Si on ne s'est pas entendu dans cinq ans... Ça fait des années qu'on ne réussit pas à s'entendre. Les juges décideront. Les chômeurs, par exemple, les juges décideront-ils? Non, il n'a pas dit un mot sur les chômeurs, même pas dans le texte. Pas un mot. Seulement, il ne paraît même pas. Comprenez-vous, ça ne les intéresse pas. Les juges décideront.

M. le Président, ce n'est pas ça l'avenir du Québec. Ce n'est pas ça l'avenir de notre population. Même les fédéralistes intelligents ont compris que cette entente ne valait rien. Dans le domaine des transports, c'est encore pire. Dans le domaine des transports, ça, c'est l'image parfaite du Canada déconnecté. Le Canada a été basé, M. le Président...

Savez-vous pourquoi il a été fait? Le Canada a été fait parce que les colonies américaines se sont regroupées pour faire l'indépendance américaine. Il est resté quelques colonies au Nord, et l'Angleterre a décidé, pour moins dépenser d'argent dans ses colonies, de les regrouper pour qu'elles paient pour elles-mêmes. On s'est retrouvé à être obligés de payer des chemins de fer pour Régina, comme si c'était l'avenir, là, à Régina, puis à payer des chemins de fer pour Winnipeg, puis a faire des lignes d'aviation pour l'Ouest. Mais là, on a signé les ententes de libre-échange avec le... et on se rend compte... avec le Sud, avec les États-Unis, puis le Mexique, puis nos premiers ministres déconnectés, déconnectés, qui s'appellent Bouras-sa, Mulroney, Bob Rae, déconnectés, qu'est-ce

qu'ils font? Ils nous parient de nos relations avec l'Ouest, alors qu'il faudrait savoir qu'est-ce qu'on va faire avec Boston, avec New York, avec Chicago, avec le Mexique.

C'est ça le projet, M. le Président. C'est dans ça qu'on est rentré avec le libre-échange. Le point sur lequel ils n'ont pas réussi à s'entendre, dans leur entente, c'est l'union économique au Canada. Imaginez-vous, M. le Président, pourquoi? Parce que c'est un paquet de subventions pour se faire croire qu'on est bons, alors qu'on n'est pas bons.

Les grains de l'Ouest, c'est à coups de milliards que c'est maintenu en vie. L'an dernier, 4 000 000 000 $ pour les fermiers de l'Ouest. Les revenus des fermiers de la Saskatchewan, 57 % de son revenu... des subventions du gouvernement fédéral dont on paie le quart, M. le Président. 1 000 000 000 $ qu'on paie pour les subventions de l'Ouest pour les fermiers, alors qu'on ne se paie même pas ça pour notre développement agricole au Québec. On n'a même plus le moyen de payer le lait à nos enfants, mais on a le moyen de payer 1 000 000 000 $ pour les fermiers de l'Ouest. C'est quelque chose, M. le Président!

Les chemins de fer, deux régimes: un régime pour l'Est, puis un régime pour l'Ouest. Dans l'Est, la rentabilité: le chemin de fer n'est pas rentable, on le défait, on le fait disparaître. Dans l'Ouest, ce n'est pas le critère de la rentabilité, M. le Président. Le critère, c'est quoi? L'intérêt public. Rentable, pas rentable, ça n'a pas d'importance. On maintient 25 000 kilomètres de chemins de fer pas rentables dans l'Ouest, puis on paie pour, M. le Président.

En plus, 800 000 000 $ de subventions avec le Nid-de-Corbeau, par année, M. le Président, parce que, même si les chemins de fer étaient maintenus, s'il n'y a pas de subvention, les trains ne marchent pas. En plus, on paie des wagons pour entreposer le grain gratis, payés à 100 % par le fédéral. Comme si l'action se passait avec l'Ouest. Bien, on a le résultat. Nos compagnies d'aviation en faillite. Hein! Compagnies d'aviation, au Canada, en faillite, puis là on est en train d'essayer de fusionner Air Canada puis Canadien, pourquoi? Pour essayer de maintenir des liens Est-Ouest qui font partie du passé alors que l'avenir est au Sud et qu'Air Canada serait bien mieux de s'affilier avec des compagnies américaines, parce qu'il y a bien plus de gens d'ici qui vont à Boston, qui vont à New York, qui vont en Floride, qui vont au Mexique que de Québécois qui vont à Régina. Hé monsieur!

M. le Président, en connaissez-vous, des Québécois qui sont allés à Régina l'an passé? Je suis certain qu'en cherchant fort vous n'en trouvez pas. Mais vous en connaissez beaucoup qui sont allés en Floride. Vous en connaissez beaucoup qui sont allés à Old Orchard, vous en connaissez beaucoup qui sont allés à New York.

On a eu l'occasion de se rencontrer, même, à deux ou trois reprises à des congrès aux États-Unis. Jamais je ne vous ai vu à Régina! Jamais je ne vous ai vu à Winnipeg, M. le Président! Pourquoi? Parce que la réalité, c'est Nord-Sud et que c'est là-dessus qu'il faut s'aligner.

Le ministre délégué aux Transports, qui est ici, est déconnecté, lui aussi. Au lieu de faire des routes qui ont du bon sens, qui mènent au Sud, pour que les touristes américains qui arrivent ici ne pensent pas arriver dans une bourgade du XIXe siècle avec des chemins pleins de trous, pleins de craques, pleins de vallons, comme si on était encore dans le temps du cheval, M. le Président... Non! Non, M. le Président. On paie pour rien. On paie pour les avoir, puis on ne les a pas, mais on maintient des systèmes de transport. Résultat: compagnies de chemins de fer qui s'en vont vers la faillite, des centaines de millions de déficit cette année. Compagnies d'aviation qui s'en vont en faillite, des centaines de millions de déficit. Ils sont obligés de fusionner artificiellement pour essayer de maintenir des liens Est-Ouest qui n'existent plus. Autrefois, le Canada a maintenu artificiellement par un système de protection tarifaire. Si vous ne le savez pas, lisez la thèse des frères Wonnacot, deux économistes qui ont montré à quel point le système tarifaire a été fait au Canada pour protéger l'Ontario. Puis vous voyez actuellement ce qui arrive. Actuellement, le chômage augmente en Ontario. Pourquoi?

L'an dernier, pour ceux qui pensent que le libre-échange avec le Mexique, là, ça va se faire facilement, trompons-nous pas. L'an dernier, on a vendu pour 100 000 000 $ de pièces d'automobile au Mexique; ils nous en ont vendu, eux, pour 1 800 000 000 $. Ceux qui pensent que les Mexicains nous vendent juste des fraises, là, allumez vos lumières. Ceux qui pensent qu'ils nous vendent juste des tortillas, allumez vos lumières. Les Mexicains sont là dans l'électronique, dans les pièces d'automobile, puis c'est les produits qu'ils nous vendent le plus. Puis, nous, au lieu de parler de l'avenir économique, de projet de société dans une Amérique qui va devenir davantage intégrée, on parle des relations avec Buffalo Bill, comprenez-vous, avec Roy Romanow. «So what», Roy Romanow? Ce n'est pas important pour l'avenir du Québec. Vous voyez le premier ministre du Québec avec Roy Romano, Don Getty, comprenez-vous? «So what?»

Ovide Mercredi, qu'il règle ses problèmes dans l'Ouest! C'est là qu'il a des problèmes, Ovide Mercredi, dans l'Ouest, parce que les Indiens... J'ai été dans l'Ouest. C'est l'équivalent d'un an et demi que j'ai vécu dans l'Ouest, quand j'ai fait mon service militaire. Je vais vous dire une chose. Là les Indiens ne sont même pas traités comme des êtres humains, au Manitoba, en Saskatchewan puis en Alberta. Il y en a beaucoup: 20 % de la population.

Quand j'ai rencontré des Indiens ici, en 1986, après qu'on a été dans l'Opposition, je me rappelle Konrad Sioui que j'ai rencontré, il m'a dit: M. Garon, ce qu'on aimerait avoir, les Indiens du Québec, c'est ce que M. Lévesque nous offrait. C'est ça qu'on aimerait avoir, au Québec, M. le Président. Ça n'a pas été long. Le gouvernement du Québec, à ce moment-là, leur disait quels devaient être les statuts. Aujourd'hui, Ovide Mercredi a compris qu'il fallait frapper dans le premier ministre du Québec parce que c'est là qu'était le mou. Il a compris que, s'il criait assez, il pourrait peut-être bien avoir quelque chose en comparaison du Québec, puis qu'il pourrait l'étendre au reste du Canada, M. le Président. (18 h 10)

Sauf que l'avenir, pour nous autres, ce n'est pas les problèmes de l'Ouest. Les problèmes de l'Ouest, l'Ouest devra les régler par lui-même. Peut-être que l'avenir va être avec Preston Manning qui a une vision de l'Ouest. Peut-être. Les gens se rendent compte que ce n'est pas le petit gars de Baie-Comeau qui a la vision de l'Ouest, puis il va être débarqué aux prochaines élections, M. le Président. Pourquoi? Parce que les gens veulent quelque chose de neuf. Les gens sont sidérés, ahuris, attristés de voir des cons, des dirigeants politiques qui n'ont aucune vision de l'avenir.

La vision de l'avenir, ça va être nos stratégies commerciales avec le Mexique, nos stratégies commerciales avec les Etats-Unis. Comment on va pénétrer davantage. J'avais tantôt... J'aurai l'occasion de revenir là-dessus; je n'aurai pas le temps aujourd'hui, mais simplement un article de la revue Fairplay - pour ceux qui pensent que le Canada est premier, là - sur la construction navale dans le monde. Premier: Japon, dernier: Canada. Dernier, Canada! Je vais vous dire, avant nous autres il y a la Colombie, il y a l'Autriche qui n'a même pas de fenêtre sur la mer. Ils sont juste avant nous autres dans la construction navale. Le Viêt-nam, la Hongrie, eux autres aussi; ils ont le lac Balaton. Le Pakistan est avant nous autres, l'Afrique du Sud est en avant de nous autres, Malte, en Afrique, je vous dis, la plupart des gens - il n'y a pas beaucoup de monde qui sait où est Malte, sans doute -sont en avant de nous autres. À peu près tout le monde est en avant de nous autres, alors qu'on a le fleuve Saint-Laurent, la plus grande voie de pénétration en Amérique du Nord. Ça sert à quoi? À rien. On est à la veille d'avoir un programme fédéral pour nous dire: bâtissons des galeries, ils se berceront et ils regarderont passer les bateaux des autres.

M. le Président, la vision de l'avenir: il faut revenir aux visions de la concurrence, d'un fleuve Saint-Laurent qui est la plus grande voie de pénétration du continent nord-américain, pas pour envoyer des gens à Regina; ce n'est pas là que ça va se passer, l'action. Mais la plus grande voie de pénétration du continent nord-américain, pourquoi? Parce que, ici, les bateaux peuvent pénétrer, les gros bateaux peuvent pénétrer; ils peuvent arrêter s'ils veulent à Rimouski, à Québec, à Montréal, à Trois-Rivières. Pourquoi? Parce que c'est la meilleure voie maritime, c'est la meilleure voie de pénétration, à condition qu'on développe nos chemins de fer avec le sud, qu'on développe nos routes avec le sud, et qu'on prenne la place qu'on doit occuper, M. le Président, dans une vision d'avenir qui corresponde aux engagements qu'on a pris en signant le traité de libre-échange. Autrement, si on ne fait rien, M. le Président, on va crever comme des rats dans un libre-échange où on va voir nos chefs politiques discuter du passé, du XIXe siècle, du Canada Est-Ouest, de Halifax à Vancouver. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le député de lévis. sur la même question, la même motion, je cède maintenant la parole à m. le député de louis-hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Si le nombre de décibels était l'argument qui va servir à convaincre la population du Québec, je pense que je n'aurais même pas osé prendre la parole ce soir. Je suis convaincu, M. le Président, que la population se laisse impressionner beaucoup plus par des arguments rationnels et logiques que par des cris, des hurlements, que par des déchirements de linge sur la place publique.

J'ai souhaité publiquement l'autre jour que le débat se fasse d'une façon civilisée. C'était un souhait que j'exprimais, M. le Président, et je me rends compte que ça a été inutile. Le député de Lévis vient de nous faire la plus belle démonstration que certains des orateurs ici, dans cette Chambre, vont tenter de compenser la faiblesse de leurs arguments par la force de leurs voix, par les cris qu'ils sont capables de lancer. Ce n'est pas une façon d'aborder un sujet aussi sérieux que celui de l'avenir du Québec. Le député de Lévis a son style à lui mais, chaque fois, on ne peut pas s'empêcher d'être surpris, car dans le genre criard il se dépasse à chaque fois. Il se dépasse à chaque fois. Je pense qu'à chaque fois on pense qu'on a vu l'ultime démonstration de sa capacité de s'époumoner et de casser les oreilles des autres, mais à chaque fois il bat son propre record. M. le Président, il n'y a pas de surprise là. Mais, quand même, je pense que s'il y avait des statistiques qui étaient tenues sur le nombre de décibels qui ont été déplacés dans cette enceinte, la palme irait sûrement au député de Lévis, et il ne serait aucunement contesté dans ce domaine.

Il ne faut pas s'attacher plus que ça à l'allocution qu'il vient de faire. C'est tout simplement parce que lui comme d'autres collé-

gues sont en train de s'apercevoir que le oui que s'apprête à donner la population du Québec est un oui à un Québec stable, un oui à un Québec prospère, un oui à un Québec fier et confiant d'être capable de se tirer d'affaire dans l'ensemble canadien.

Ce n'est pas nouveau, M. le Président, que, quand on met tous ses oeufs dans le même panier - et c'est le cas du Parti québécois, actuellement - quand on met tous ses oeufs dans le panier de l'indépendance, il est normal que, si on vient à échapper le panier, qu'on se retrouve avec une omelette, une omelette qui ne peut pas être réparée. La population a compris les choses d'une autre façon que ça. Les journaux sont très éloquents, actuellement. Je remarquais que, tout à l'heure, comme argument, on disait: Bon, il y a perte d'emplois, il y a des chômeurs de plus, il y a des gens qui sont sur l'aide sociale qui n'y étaient pas auparavant.

Le député qui m'a précédé n'a pas mentionné que les journaux faisaient état, l'autre jour, que la dernière récession économique, qui est très sévère, très dure, a causé 40 % moins de pertes d'emplois que la dernière récession de 1981-1982, début de 1983. Posez-vous la question: Qui était aux rênes des affaires publiques au Québec, en 1981-1982? Actuellement, grâce au Parti libéral, grâce à la prévision et grâce au fait que nous avons des partenaires avec lesquels nous sommes en bons termes, nous avons pu minimiser les dégâts. 40 % de moins de pertes d'emplois. Ce n'est pas à dire qu'il n'y en a pas eu déjà trop, mais il faut réaliser que 40 % de moins que ce qu'on a connu en 1981-1982, c'est quand même une performance qui vaut la peine d'être soulignée. L'intervenant précédent, évidemment, n'y fait pas allusion. Il passe à côté de ça, il n'a pas vu ça, mais la population est au fait de ce genre de chose.

Il est sûr, M. le Président, que, si on avait suivi la suggestion du chef de l'Opposition, il n'y en aurait pas de référendum maintenant. Le chef de l'Opposition nous annonçait très candidement, récemment, que la récession, le temps qu'on vivait, le temps de récession économique n'était pas un temps propice à faire un référendum et que, dans les circonstances, il s'en abstiendrait. Alors, j'aurais pensé que nos amis d'en face auraient félicité le gouvernement d'avoir le courage de demander l'opinion des Québécois sur l'entente constitutionnelle du 28 août. Mais non. Pas du tout.

Le chef de l'Opposition, au contraire, se promène d'un extrême à l'autre. Dernièrement, comme je l'indique, il disait qu'il n'en ferait pas de référendum, il n'en ferait pas du tout, mais, en même temps, il y a quelques mois à peine, il nous indiquait que, lui, il ferait des référendums à répétition. Il y en aurait un sur les communications, il y en aurait un sur la culture, il y en aurait un sur les différents domaines et, comme ça, il rapatrierait des pouvoirs dans ce sens qu'il irait demander à la population: Voulez-vous qu'on reprenne tel pouvoir? Voulez-vous qu'on reprenne tel pouvoir? Et tout ça par référendums séparés. Alors, on aurait eu des référendums à gogo, comme ça, et maintenant, il nous dit qu'il n'en veut plus du tout de référendum, à cause de la récession économique. Donc, c'est quelqu'un qui ne sait pas à quelle enseigne il loge. Il est en train de jouer un jeu qui vise tout simplement à semer la confusion, à semer la crainte et à faire oublier les véritables enjeux.

Quels sont-ils les véritables enjeux, M. le Président? C'est le sort du Québec, c'est le sort des citoyens. C'est à savoir: Est-ce que les citoyens du Québec sont favorables, actuellement, à un renouvellement de la Constitution basé sur l'entente du 28 août? Une question simple, une question claire, une question qui fait l'unanimité, à part nos amis péquistes. Évidemment, quand on a réussi à concocter une question référendaire qui faisait au-delà de 100 mots, où il y avait des incises et des points-virgules tellement qu'on se demandait où était le sujet de la phrase - on ne savait pas comment accorder le complément, M. le Président - évidemment, quand on se retrouve avec une question qui fait une vingtaine de mots, on trouve que le gouvernement ne fait pas un grand travail, parce qu'eux autres, c'était de battre des records. C'est de battre le record des décibels dans cette Chambre et c'est de battre le record des questions référendaires les plus longues possible. (18 h 20) «Ce qu'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément», disait Boileau. Et c'en est la preuve, aujourd'hui. «Ce qu'on conçoit bien...» C'est-à-dire on conçoit qu'il y a actuellement un problème constitutionnel. «Ce qu'on conçoit bien s'énonce clairement, dans une question courte, et les mots pour le dire viennent aisément», disait le grand Boileau. C'est un exemple à suivre, M. le Président, deux ou trois siècles après. Les péquistes ont oublié leur classique, s'ils en ont déjà fait. Ils ont oublié. Les grands axiomes classiques ont encore leur place, M. le Président. Je dois reconnaître que le fait d'aller demander à la population tout simplement: Est-ce que l'entente qu'on vous propose, qui renouvelle le fédéralisme, est-ce que cette entente fait votre affaire? c'est tout simple, c'est simple comme l'oeuf de Colomb; il s'agissait d'y penser. Ça permet aux gens de dire ce qu'ils pensent là-dessus.

On n'entend plus discuter, maintenant - et le premier ministre en faisait état tout à l'heure, à la période de questions - de la société distincte. Depuis le passage du juge Deschênes et de l'ex-juge de Granpré, qui ont fait la preuve que les textes tels qu'ils sont actuellement, c'est des textes qui permettent une sécurité à toute épreuve dans le développement de la communauté québécoise, francophone et dans fa promotion de cette communauté, alors on ne sait plus où se

jeter. La solution, à ce moment-là, c'est d'essayer de semer la confusion, de mélanger les enjeux, de s'organiser pour que les gens oublient le véritable enjeu. Quel est-il? C'est de demander aux gens si, dans les circonstances actuelles, au point où nous en sommes, l'entente proposée est une entente qui est satisfaisante. Pas parfaite! La perfection n'est pas de ce monde. Et le mieux, là-dedans comme dans d'autres choses, très souvent est l'ennemi du bien.

Les éditorialistes, les chroniqueurs politiques ne sont pas avares de commentaires sur la performance qu'a faite le premier ministre, qui est appuyé par son Conseil des ministres et par les députés libéraux. M. Marcel Adam, par exemple, écrivait, le mardi 25 août: «C'est plus que le Québec n'a jamais obtenu et plus qu'il n'aura jamais.» Je ne vous lirai pas tout l'article, mais il fait la démonstration que, depuis des années qu'on négocie avec le fédéral, jamais on n'a obtenu plus que ça et que, dans les circonstances, il serait irréaliste de penser que nous puissions obtenir plus.

Ça, c'est une appréciation de gens qui ne sont pas dans la tourmente politique. Ce sont des observateurs qui ont suivi le déroulement des événements et qui sont en mesure de porter un jugement sur l'ensemble du débat. Ça, évidemment, ça passe inaperçu chez nos amis péquistes.

On fait grand état, M. le Président, de l'absence de textes juridiques. Il est établi que la clause Canada, par exemple, est en langage juridique. D'autres clauses le sont à peu près aussi. Mais admettons que nous n'ayons pas la totalité des textes juridiques, l'étape que nous franchissons avec le référendum du 26 octobre est une étape qui consiste à demander à la population: L'entente telle qu'elle est là fait-elle votre affaire? Et il appartient à l'Assemblée nationale, lors de l'étape de ratification, de s'assurer que les textes juridiques correspondent exactement à l'entente signée le 28 août.

Nous, les députés nous avons une capacité d'appréciation là-dedans. Il n'est pas vrai, M. le Président, que les députés pourraient, par exemple, être dupes au point de ratifier un texte juridique qui ne correspondrait pas à l'entente qui est devant nous actuellement. Ce sera notre rôle, à nous autres, à l'Assemblée nationale, de nous assurer, au moment de la ratification... Parce que le référendum n'aura pas d'effet juridique comme tel au point de vue constitutionnel. Il faudra que cette Assemblée se prononce par voie de résolution. Il faudra que cette Assemblée, majoritairement, se prononce sur un texte législatif, un texte juridique qui sera examiné avec toute la précaution que nous mettons dans les autres textes juridiques.

Et même plus que ça, nous passons des lois à coeur de jour dans cette Assemblée, M. le Président. Vous savez le processus que doivent franchir les projets de loi avant d'être adoptés dans cette Assemblée. Ils sont examinés à la loupe par des conseillers. Tout d'abord, il y a un comité de législation, il y a le Conseil des ministres, il y a cette Assemblée, il y a les commissions parlementaires qui examinent les textes mot à mot, virgule par virgule. On passe tout ça à la loupe, au peigne fin, et c'est ça, le rôle de cette Assemblée.

C'est lors de la ratification qu'il nous faudra, nous, les députés, continuer de jouer le rôle qui est le nôtre, nous assurer que le texte juridique, législatif, qui donnera force de loi à l'entente et qui fera état que cette Assemblée a consenti à l'entente... Et ce sera le rôle que nous aurons ici, nous, les députés, d'examiner le texte juridique. M. le Président, je n'ai pas l'intention, et mes collègues, je le sais, n'ont pas l'intention d'abdiquer leur rôle dans ce domaine-là. Au moment de la ratification nous ferons notre travail de députés; nous le ferons comme nous le faisons pour toutes les lois que nous passons dans cette Assemblée. Et c'est ça, le rôle de législateur des députés. Le Conseil des ministres sera, bien sûr, de la partie aussi.

C'est donc, M. le Président, un épouvantail qu'on tente de mettre dans la tête des gens en leur disant: Vous n'avez pas les textes juridiques. Est-ce que les gens, par exemple, ont les textes juridiques quand on passe des projets de loi? On leur explique le genre de loi qu'on va passer, et cette Assemblée a quand même une latitude pour faire correspondre la demande du public avec les textes juridiques, les textes législatifs qui auront force de loi quand ils seront sanctionnés par le lieutenant-gouverneur. C'est le processus absolument normal.

Moi, je suis dans un comté, M. le Président, où il y a environ 40 000 étudiants universitaires, 1500 à 1800 professeurs d'université, des milliers et des milliers de fonctionnaires de tous les niveaux. Encore cet avant-midi, j'étais à mon bureau de comté. Aucun d'entre eux à qui j'ai parlé ne m'a fait état qu'il voulait voir les textes juridiques. Parce que, pour pouvoir apprécier des textes juridiques, il faut avoir une formation d'avocat, une formation de juriste. Et j'imagine, M. le Président, que le plus grand reproche qu'on pourrait nous faire, ça serait de présenter à la population justement un texte juridique. On se ferait dire, avec raison: Comment voulez-vous qu'on comprenne ça? C'est de la parlotte d'avocat et, nous autres, on n'est pas des experts. Ce n'est pas ça qu'on veut savoir. On veut comprendre ce qu'il y a dans le texte. Mettez-nous donc ça dans des mots avec lesquels on est familiers. C'est ça qu'on se ferait dire. M. le Président, je demanderais le silence de l'autre côté. J'ai écouté malgré que ça ne faisait pas mon affaire. La députée, elle a seulement à écouter, peut-être qu'elle apprendra quelque chose, pour une fois.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y!

M. Doyon: M. le Président, qu'on fasse grand état de l'absence de textes juridiques, c'est contre le bon sens. C'est contre le bon sens, parce que les textes juridiques, c'est des textes qui doivent être appréciés par des experts, par des gens qui font métier de ça, qui font profession de ça, qui sont soit des constitution-nalistes, soit des rédacteurs juridiques, soit des experts dans le domaine de la législation. Et le plus grand reproche, contre lequel j'aurais peu de chances et peu de moyens pour me défendre, ça serait de me faire dire: Oui, mais vous nous mettez des textes d'avocat; il faut être un avocat pour comprendre ça. C'est ça que l'Opposition péquiste demande.

Est-ce que c'est vouloir rendre service aux gens? On voit très bien quel est le but de ça. Le but de ça est de rebuter les gens, de leur demander de ne pas tenir compte des textes qu'ils ont devant eux, de leur laisser entendre que ce qui sera approuvé par cette Assemblée sera différent. Je vous donne ma parole de député - et je suis sûr que tous les députés qui siègent ici seraient prêts à la donner - qu'aucun texte juridique ne sera adopté dans cette Assemblée qui ne correspondra pas au mot à mot de l'entente, à l'esprit de l'entente et qui n'aura pas le même effet que celui qu'on trouve dans l'entente. Aucun député de l'autre côté de la Chambre ne peut contredire ce que j'avance là. Parce que, comme législateurs, c'est notre travail de faire ça. Il nous appartient de faire ça. Nous l'avons déjà fait, nous continuons de le faire. Nous le faisons tous les jours. C'est un des rôles les plus importants que nous remplissons ici, dans cette Assemblée. Alors, qu'on me fasse une guerre sur les textes juridiques, je dis sans crainte de me tromper que c'est de la mauvaise foi, que c'est tout simplement une volonté, de la part de l'Opposition, de mettre le doute alors qu'il n'y en a pas de doute sur la valeur de cette entente. Il n'y en a pas quand on considère ce qu'on obtient. (18 h 30)

M. le Président, il faut un minimum de cohérence dans la vie. J'écoutais le député de Lévis, tout à l'heure. Je me disais qu'il y a quelque chose qui ne marche pas quelque part. Il y a quelque chose qui ne marche pas. Je me souviens de l'avoir entendu hurler contre, par exemple, l'école navale qui est prévue ici, dans le Vieux-Port. Il était totalement contre l'école navale, contre un édifice à vocation militaire. Lui, le grand pacifiste et, pourtant, il est pour les frégates, dans son comté. Il est pour les frégates. Comment vous pensez que ça se conduit des frégates? Pensez-vous qu'il ne faut pas passer par l'école navale pour pouvoir conduire une frégate, pour pouvoir l'armer, pour pouvoir s'en servir? Contre l'école navale, mais pour les frégates. Moi, je ne tire pas de conclusion là-dessus. Je ne tire pas de conclusion là-dessus, je souligne tout simplement l'incohérence. Alors, c'est, dans le reste, pareil à ça.

Vous n'avez pas entendu le député de Lévis, c'est lui faire beaucoup d'honneur que de parler de lui comme ça, M. le Président, mais je le souligne en passant. Vous ne l'avez pas entendu parler du fond de l'entente, de ce qu'on obtient, par exemple, au moyen de la société distincte, de ce qu'on obtient à la Cour suprême. Tout ce qu'il trouvera à vous dire, M. le Président, sur la Cour suprême, c'est qu'elle penche toujours du même côté, comme la tour de Pise. Bien, oui! La tour de Pise penche. Quelle comparaison niaiseuse et idiote, alors que la tour de Pise, tout simplement, souffre d'un défaut de construction et d'un défaut d'assise. C'est tout simplement comme ça.

M. le Président, cette entente est une entente valable, une entente qui peut être comprise par les gens, une entente qui vaut la peine d'être acceptée. Moi, je vous dis que, le lendemain... Moi, je souhaite tout simplement, à tous et chacun qui sommes ici, en tout cas, du côté libéral, je souhaite au moins un an, deux ans de paix constitutionnelle. Ça fait 11 ans que je suis ici, dans cette Assemblée, et je n'ai pas connu la paix constitutionnelle. Je veux avoir un an, au moins un an, de paix constitutionnelle, et je promets à la population plusieurs années de paix constitutionnelle parce que c'est ça que la population désire. La population en a assez, et le oui qu'elle fera sera un oui en faveur d'un Québec stable, d'un Québec prospère, d'un Québec qui n'a pas peur de faire partie d'un ensemble plus grand, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Louis-Hébert. Je vous rappelle, également à ceux qui nous écoutent, que nous sommes à discuter de la motion de M. le premier ministre visant à l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une consultation populaire portant sur un nouveau partenariat de nature constitutionnelle.

Je reconnais, à partir de maintenant, pour une période de 20 minutes, M. le député de Pontiac et ministre délégué aux Transports.

M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: M. le Président, dans quelques semaines, la population du Québec sera appelée à faire un des choix les plus importants de son existence. Le 26 octobre prochain, les Québécoises et les Québécois diront s'ils acceptent les termes d'une entente les conduisant à un nouveau partenariat entre la province dans laquelle ils vivent et le reste du Canada.

D'entrée de jeu, il faut convenir qu'il ne s'agit pas là d'un choix facile à faire. Nous vivons, M. le Président, une situation qui fait appel, à la fois, au coeur et à la raison et, quelque part, à mi-chemin, il y a l'intérêt que nous y recherchons, comme individus et comme société. Je ne suis pas un expert en constitution.

Je sais aussi, fort bien, que, toutes les fois, et ce, peu importe la situation où les arguments émotifs et rationnels s'affrontent, il n'est jamais simple d'en arriver à une solution qui fasse l'unanimité. Toutes les questions soulevées par le débat constitutionnel ne surprennent pas. Ce qui surprend, cependant, c'est qu'on en soit rendu, dans certains milieux, à être plus enclin à favoriser le muscle au détriment de la raison. Les plus farouches partisans du rejet de l'entente ne devraient surtout pas oublier que toute opinion politique doit, quand le devenir d'un pays est en jeu, s'éloigner de la partisanerie et faire place à la logique et à l'évidence.

Pour illustrer ma pensée, M. le Président, permettez-moi d'utiliser la comparaison suivante. Imaginez le propriétaire d'une maison ancestrale possédant une fondation solide, mais dont le toit coule. On fait donc venir des experts qui scrutent les moindres recoins de la toiture, puis des murs, des planchers et qui, par la suite, nous présentent une évaluation disant que la maison est très solide; inutile de vouloir la mettre à terre. Cependant, on vous suggère une réfection à la toiture. Pour ce qui est des murs, des planchers, de la plomberie et de l'électricité, vous pouvez attendre un peu, mais vous devrez y voir au cours des prochaines années.

C'est la situation, M. le Président, dans laquelle nous nous retrouvons présentement. Le Canada est un pays solide qui procure à l'ensemble de ceux et celles qui y habitent une qualité de vie indéniable. Il est toutefois vrai que la mécanique sur laquelle nous nous appuyons depuis 125 ans a besoin d'une profonde révision. Nul ne peut le nier. Le plan de réparation, si vous me permettez l'expression, M. le Président, qui a été dessiné par l'ensemble des premiers ministres du Canada, répond à un besoin exprimé depuis quelques décennies.

Ce plan nous permet non seulement de renforcer ce qui était déjà solide, mais nous permet surtout de pouvoir garantir aux générations qui nous suivront un avenir sur lequel elles pourront bâtir sans inquiétude une vie solide, un avenir sur lequel elles pourront réaliser leurs rêves sans la crainte de voir tout disparaître du jour au lendemain. Le plan n'est sans doute pas parfait en ce sens qu'il ne contient peut-être pas tout ce que chacun d'entre nous aimerait y voir. Il est clair qu'on ne peut tout faire tout d'un coup. Mais c'est un tremplin qui nous permettra d'atteindre à moyen et à long terme un positionnement efficace sur l'échiquier canadien.

Ce dont ne font que parler et rêver nos adversaires politiques, nous, nous sommes à le réaliser. Bien sûr que les prochaines semaines, les prochains mois et peut-être même les prochaines années ne seront pas nécessairement simples à vivre. Le changement que nous amorçons et qui nous sera confirmé le 26 octobre ne viendra pas clore toutes les discussions sur le sujet. Un changement aussi profond commande un changement de mentalité tel qu'il nous faudra, à tous et à toutes, beaucoup de maturité pour l'assimiler. Les Québécoises et les Québécois assumeront cette responsabilité dans la dignité et avec honneur. Beaucoup de maturité, M. le Président, puisque, au-delà de tout l'aspect politique et économique que revêt l'entente et, par voie de conséquence, que revêt la question à laquelle nous allons répondre le 26 octobre, il faut se demander si, comme société, nous allons être assez généreux de coeur et d'esprit pour aller de l'avant.

À cela, je réponds oui, et ce, sans le moindre doute. Malgré cette certitude, M. le Président, je sais cependant pertinemment bien que tout ce débat peut créer des tensions, voire des divisions entre amis, entre membres d'une même famille. Tout cela va être difficile, certes, mais il faut aussi convenir que, si les générations qui vont suivre veulent être fières de leur passé, il y a des gestes que nous devons assumer. Ce défi nous révélera des femmes et des hommes fiers de leur appartenance au Québec et au Canada. (18 h 40)

D'aucuns prétendront sans doute, M. le Président, qu'il m'est facile de prendre position de la sorte, facile parce que je représente une circonscription dont la population est en partie anglophone, facile parce que la région dont je suis responsable est composée de travailleurs et de travailleuses qui, pour plusieurs, gagnent leur vie en Ontario et qui, à la fois, sont profondément attachés aux valeurs et à la culture québécoises. Facile, puisque je suis d'une famille dont la mère est francophone et le père anglophone. Tout ça est vrai. Il est vrai que, pendant une vingtaine d'années, j'ai gagné ma vie comme ingénieur en Ontario. Mais, pendant ces 20 ans, alors qu'il m'aurait été probablement plus facile, à plusieurs points de vue, de vivre en Ontario, je me suis établi solidement au Québec parce que j'étais et je suis toujours fier d'être Québécois, une fierté que j'ai partagée avec mes enfants et une fierté que je partage aujourd'hui avec mes petits-enfants.

Et, pourtant, M. le Président, cette fierté d'être Québécois ne m'empêche pas d'être fier d'être Canadien. Au contraire, j'ai acquis depuis longtemps la certitude que nous ne pouvons pas vivre isolés, ni comme êtres humains, ni comme société, ni comme pays. Nous en sommes aujourd'hui au règne de l'interdépendance. Partout dans le monde, jour après jour, nous avons des exemples de l'absolue nécessité de l'entraide, de la coopération et du partage, que ce soit aux plans social, économique, politique ou financier. Et, tout à coup, nous, de la province de Québec, voudrions faire fi de tout cela pour montrer au monde entier les bienfaits de l'isolement? Non merci, M. le Président. Très peu pour moi.

Les États souverains ont peut-être eu leurs heures de gloire, il y a quelques siècles. Mais de

demander, à l'aube de l'année 2000, à des femmes et des hommes d'accepter de se laisser guider sans poser de questions, avec un bandeau sur les yeux, relève davantage du mépris de la vie collective que du gros bon sens qui permet à une société d'évoluer à l'intérieur d'une dynamique saine et efficace.

L'Opposition officielle a le verbe facile quand vient le temps de nous accuser de tous les maux qui affligent la province. Il est toujours facile d'accuser, M. le Président, lorsque tout ce qu'on a à offrir se résume plus à un discours de parquet de bureau de poste du lundi matin qu'à des propositions concrètes et sérieuses que nous avons le courage et surtout la dignité de défendre. Nous avons le courage et la dignité de défendre l'entente de Charlottetown parce que oui signifie, comme l'exprimait le premier ministre en cette Chambre, un respect de l'accord du lac Meech, ce à quoi la majorité des Québécois a déjà adhéré. L'honnêteté intellectuelle nous oblige à dire aux citoyens du Québec que les exigences de Meech sont acquises et seront dans la Constitution.

Les députés du Parti québécois sont décevants. Alors qu'il y a des problèmes urgents à régler au Québec, on philosophe encore sur une notion qu'on apprête à toutes les sauces, en autant que ça se serve. À l'heure où le gouvernement du Parti libéral tente de régler le différend constitutionnel afin de pouvoir passer à des choses aussi cruciales que le développement économique et la création d'emplois, le PQ continue de jouer au Don Quichotte. Cependant, il n'a toujours rien à offrir, M. le Président. Je ne puis que dire aux ténors du Parti québécois: Qu'ils continuent de s'intéresser aux détails; nous, nous nous occupons de l'essentiel.

Depuis que je suis en politique, M. le Président, j'ai toujours essayé d'aider mes concitoyens au meilleur de ma connaissance. Je suis de nature modérée, sauf lorsque j'ai le sentiment profond que la mesquinerie prend le dessus sur le rôle qui nous incombe à tous, comme politiciens, celui de promouvoir et de protéger l'intérêt collectif. L'entente que nous présentons aux Québécoises et aux Québécois va exactement dans ce sens. Comme je l'ai souligné un peu plus tôt, au début de mon discours, M. le Président, l'entente n'est pas, sans doute, parfaite, mais elle a néanmoins le mérite de faire faire au Québec, pour la première fois de son histoire, des pas importants en matière constitutionnelle. Là où le Parti québécois avait lamentablement échoué, le Parti libéral, lui, a réussi. Et s'il en est pour mettre encore en doute tout le travail exceptionnel effectué par le premier ministre, M. Robert Bourassa, dans ce dossier, je leur pose ici une question: Lorsque la majorité de la population du Québec aura dit oui à l'entente, lorsque la majorité de la population du Québec aura décidé qu'une vie en vase clos ne peut que nous étouffer, lorsque la population du Québec dira oui le 26 octobre prochain, que feront nos adversaires politiques? Se battront-ils encore contre la volonté populaire? Tenteront-ils d'autres alliances politiques dans l'espoir de retrouver une quelconque crédibilité? J'ai bien hâte de voir, M. le Président.

L'Opposition officielle a sans doute envie de me demander: Vous, quand vous aurez gagné le référendum, qu'allez-vous penser de ceux et celles qui auront dit non? Excellente question, M. le Président. Nous savons fort bien qu'il y aura certaines dissidences. Nous savons fort bien qu'il y a des personnes qui croient fermement que l'entente pourrait être améliorée. Mais ce que nous savons aussi, M. le Président, c'est que nous sommes prêts, comme gouvernement responsable, à travailler aussi fort avec la minorité qui exprimera certaines réserves sur l'entente qu'avec la majorité qui l'aura acceptée.

Le Parti libéral du Québec est un parti qui a une histoire parlementaire riche et qui a toujours fait preuve d'une démocratie qui a toujours fait l'envie des gens d'en face. Chez nous, M. le Président, nos membres peuvent avoir des idées différentes, peuvent ne pas être d'accord. Ils peuvent le dire publiquement, ouvertement, sans que la porte de sortie ne leur soit montrée. Il est important pour le Parti libéral d'être confronté à d'autres idées, d'autres courants de pensée, d'autres valeurs. N'est-ce pas là un signe de maturité, un signe de sagesse qui, tout en nous permettant de nous mesurer, nous permet de grandir?

Vous savez, M. le Président, j'ai toujours eu beaucoup de difficultés à être confronté à des personnes qui prônent l'excès et la ligne dure et qui semblent oublier que rien ne peut se bâtir sans rapprochement et compromis. J'essaie de comprendre, M. le Président, comment on peut en arriver à vouloir obtenir une situation comme celle que souhaite depuis toujours l'Opposition, une situation qui évacuerait par le fond non seulement la concurrence, la diversité, voire la liberté, mais aussi et surtout la notion même de la loyauté que l'on se doit envers nous-mêmes, envers notre famille, nos amis et surtout envers les générations qui nous suivront. De quelle façon, M. le Président, nos enfants expliqueront-ils à leurs enfants que le Québec a choisi un jour de s'étouffer au lieu de vivre et de s'épanouir? L'entente tant décriée par le Parti québécois nous ouvre une incroyable fenêtre sur nous-mêmes, comme société, sur l'ensemble du Canada et de l'Amérique de Nord.

Un non à cette entente, M. le Président, c'est un oui à l'incertitude sous toutes ses formes possibles et imaginables. Le Québec et ceux et celles qui le tissent n'ont pas à vivre pareille situation. Nous n'avons pas, par exemple, à payer 1 000 000 000 $ pour le simple fait de dire que nous gérons seuls tout le programme d'assurance-chômage. Nous n'avons pas, M. le Président, à faire perdre leur emploi à des

milliers de fonctionnaires fédéraux. Nous n'avons pas à priver des milliers de citoyens du développement de leur réseau routier du fait que les sommes d'argent proviennent d'ententes fédérales-provinciales. La région de l'Outaouais, particulièrement, n'aurait vraisemblablement jamais vu son réseau routier se développer sans la participation financière du gouvernement fédéral. Qu'on demande donc aux gens de l'Outaouais ce qu'ils pensent de cette incertitude, ce qu'ils pensent de la possibilité de perdre leur job. Qu'on demande donc aux gens de la Gaspésie s'ils veulent que le fédéral se retire de tous les programmes qui leur permettent de vivre près de leurs racines. Qu'on demande donc aux travailleurs et aux dirigeants des grosses industries de Baie-Comeau, de Sept-lles sur la Côte-Nord, s'ils veulent se sentir encore plus isolés. (18 h 50)

Je pourrais multiplier les exemples par 10, M. le Président. Je ne suis pas convaincu que l'Opposition serait capable d'y voir quoi que ce soit, tellement elle est préoccupée à voir la paille dans l'oeil du gouvernement. Je suis cependant profondément convaincu, M. le Président, que les Québécoises et les Québécois diront oui le 26 octobre prochain. Ils diront oui parce que ce sont des femmes et des hommes de coeur et de raison. Ils diront oui, M. le Président, parce que cette population est composée de gens intenses et généreux qui ont su démontrer au fil des générations qu'ils croyaient en eux et qu'ils sont parfaitement capables de relever tous les défis. Ils diront oui, M. le Président, parce que ce sont des personnes profondément responsables et matures, qui n'ont pas le goût ni l'envie d'être limitées et qui veulent, surtout et avant tout, être considérées comme les vrais bâtisseurs d'un pays qui est devenu une véritable référence au plan de la qualité de vie partout dans le monde. Vouloir rejeter du revers de la main un système qui nous a donné cette qualité de vie est inadmissible pour les citoyennes et les citoyens du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Sur le même sujet, je cède maintenant la parole à M. le député de Charievoix.

M. Daniel Bradet

M. Bradet: merci, m. le président. je me propose d'utiliser le temps qui m'est imparti pour mettre en relief les mérites de l'entente conclue par le premier ministre et ses homologues canadiens, le 28 août dernier, à charlottetown. dans mon exposé, j'ai donc l'intention d'insister sur la place du québec dans les institutions canadiennes avec cette entente.

M. le Président, il est connu que le Québec jouit d'une influence considérable dans les institutions politiques canadiennes qui sont, comme on le sait, d'origine britannique. Nous savons également que le Parlement canadien est dominé par la Chambre des communes et qu'au niveau du Sénat il est beaucoup moins important que chez nos voisins du Sud, dont les institutions sont de type présidentiel. En raison de son poids démographique, la société québécoise y est hautement représentée.

Le premier indicateur pour montrer l'ampleur de cette influence au sein des institutions canadiennes est le lieu d'origine des hommes qui ont dirigé la Fédération canadienne. L'actuel premier ministre, son prédécesseur et d'autres avant lui viennent du Québec. Le premier ministre actuel est même établi dans le beau comté de Charievoix, et nous en sommes tous fiers. Ce premier indicateur illustre, par la symbolique qu'il porte, l'influence considérable que joue le Québec au sein des institutions canadiennes.

Regardons maintenant un second indicateur. Il est relatif aux partis politiques canadiens. Pour comprendre l'importance et l'influence du Québec au sein des formations politiques fédérales, il suffit simplement de prendre ce qu'on appelait jadis un exemple a contrario. Cet exemple, c'est le NPD, le Nouveau Parti démocratique. Comme vous le savez, ce parti n'a jamais réussi à prendre le pouvoir sur la scène fédérale. Cet insuccès a attiré l'attention d'une bonne partie des spécialistes de la politique, tant au Canada qu'à l'étranger. Tous sont unanimes pour conclure que cet insuccès est dû à l'absence d'une base politique sur le territoire québécois. Ainsi, M. le Président, un parti politique qui n'a pas d'assises au Québec ne prendra jamais le pouvoir à Ottawa. À l'inverse, un parti politique qui dispose, comme c'est le cas actuellement du Parti conservateur, et comme ça a été le cas du Parti libéral du Canada, d'une solide base au Québec, a toutes les chances d'accéder au pouvoir à Ottawa.

Au rang de ces indicateurs, on peut également ajouter la place que les Québécoises et les Québécois occupent dans la fonction publique fédérale, et ce, particulièrement depuis une trentaine d'années. Ainsi, M. le Président, on peut donc considérer que la présence dans la fonction publique fédérale des Québécoises et des Québécois constitue un autre indicateur de l'influence du Québec sur les institutions fédérales, puisqu'elle s'est améliorée au point qu'aujourd'hui elle correspond sensiblement au poids démographique de la société québécoise.

Ce tour d'horizon de l'influence du Québec dans les institutions fédérales ne saurait être complet sans un regard sur la Cour suprême et particulièrement sur sa composition. On sait que la Cour suprême est composée de 9 juges dont 3 proviennent du Québec, c'est-à-dire 33 % - 3 juges sur 9, M. le Président, c'est beaucoup si on considère que la population du Québec représente 25 % de la population canadienne. Il s'agit d'une influence qui déborde largement le poids démographique du Québec dans l'ensemble

canadien.

À la Chambre des communes, le Québec, actuellement, occupe 25,4 % des sièges, c'est-à-dire que les Québécoises et les Québécois sont représentés à Ottawa par 75 députés sur environ 300. Ce n'est pas rien, tout ça, un quart de l'ensemble de la deputation canadienne. M. le Président, on voit donc là un autre indicateur illustrant l'influence considérable du Québec au sein des institutions canadiennes.

On pourrait ajouter d'autres indicateurs, notamment la place des Québécois au sein du cabinet fédéral. Pour s'en rendre compte, il suffirait de prendre la liste des ministres fédéraux provenant du Québec, et un examen rapide nous prouverait l'importance des élus et des représentants du Québec au sein du cabinet fédéral.

Ce tour d'horizon, M. le Président, illustre bien l'influence considérable des Québécoises et des Québécois au sein des institutions fédérales. Avec l'entente constitutionnelle de Charlottetown, cette influence est non seulement confirmée, elle est accrue. La raison, M. le Président, est très simple: c'est parce que, pour nous, au-delà de l'entente constitutionnelle, il y a ce que nous appelons l'option canadienne. Cette option apparaît pour la majorité de la population comme l'option la mieux adaptée aux réalités de notre temps.

Notre option, M. le Président, doit être mise en balance avec celle de nos adversaires qui prônent la séparation. En effet, M. le Président n'ayons pas peur des mots. Nos adversaires, ce qu'ils veulent, c'est rien de moins que la séparation du Québec. Nos adversaires sont ceux qui veulent entraîner la population québécoise dans une aventure hautement risquée et dont nous n'avons pas les moyens, comme le révèle une simple lecture des comptes publics ou encore la lecture des études économiques qui ont accompagné la publication du rapport de la commission Bélanger-Campeau.

Afin de ne pas être taxé de terroriste économique, je me contenterai, M. le Président, de citer simplement un chiffre sur les coûts de l'aventure proposée par nos adversaires. Vous n'êtes pas sans savoir qu'actuellement nous avons un déficit qui avoisine les 4 000 000 000 $ et que 0,17 $ par dollar perçu en impôt vont au paiement de la dette. Le Québec vient au second rang, après Terre-Neuve, des provinces les plus endettées au Canada. Or, les scénarios les plus optimistes de la séparation prévoient un déficit de 10 000 000 000 $, et ce, en comptabilisant évidemment la récupération des points d'impôt. Ce déficit, M. le Président, il faudrait le financer dans un contexte d'instabilité et d'insécurité qu'engendrerait la transition. Vous vous imaginez facilement quel en serait l'impact pour nos finances publiques et les sacrifices que nous devrions exiger de notre population déjà lourdement éprouvée par la récession.

Nous, M. le Président, à la différence d'eux, nous avons choisi d'être de notre temps et de renforcer la place des Québécoises et des Québécois au sein des institutions canadiennes, et c'est en partie ce que fait l'entente constitutionnelle qui sera soumise à la population le 26 octobre par voie référendaire, avec la question que nous avons devant nous aujourd'hui. Nous sommes convaincus, M. le Président, qu'avec cette entente constitutionnelle l'influence du Québec au sein des institutions canadiennes est confirmée et accrue. (19 heures)

D'abord, M. le Président, le Québec acquiert un droit de veto absolu sur tout changement aux institutions, c'est-à-dire droit de veto absolu sur tout changement à la Chambre des communes, droit de veto absolu sur tout changement au Sénat et droit de veto absolu sur tout changement à la Cour suprême. Je signale, M. le Président, que le Québec récupère ainsi le droit de veto qu'avaient perdu nos adversaires au moment du rapatriement de la Constitution. De plus, avec cette entente, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % de la deputation à la Chambre des communes, et ce, quel que soit son poids démographique. En troisième lieu, le Québec, grâce à cette entente, ne pourra jamais avoir moins que 33 % des juges à la Cour suprême.

M. le Président, en terminant, j'ai la profonde conviction que, avec cette entente, les intérêts supérieurs de la population du Québec et du peuple québécois sont très bien préservés. Voilà pourquoi, M. le Président, je n'ai aucune réserve à la soumettre à son approbation par voie référendaire, comme nous le faisons aujourd'hui à travers cette discussion et comme j'aurai le plaisir de le faire dans mon comté de Char-levoix.

M. le Président, la population du Québec devra décider entre le fédéralisme renouvelé contenu dans cette entente, qui procure un ensemble de gains appréciables, et la séparation avec les risques et, surtout, les coûts de transition que cela implique. Je suis persuadé que la population ira dans la voie que nous privilégions. Ce sera un oui, M. le Président, et je vous remercie beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur la même question, à savoir la motion de M. le premier ministre relativement à la question référendaire, je cède maintenant la parole, en lui rappelant qu'il dispose d'une période maximale de 20 minutes, à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. André Boulerice M. Boulerice: M. le Président, Québécoises,

Québécois, chers concitoyens et concitoyennes de Sainte-Marie-Saint-Jacques, rappelez-vous le 22 juin 1990. Le premier ministre du Québec a déclaré devant cette Assemblée nationale, et je le cite: «Le Canada anglais doit comprendre d'une façon très claire que, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement».

Quoi qu'il soit arrivé depuis deux ans et quoi que ce premier ministre ait fait ou se soit abstenu de faire, je souhaite au peuple québécois de choisir la fierté de rester maître de son destin et de prendre en main son émancipation au coeur des nations. Les offres qui nous sont proposées seraient le maximum que l'on pouvait obtenir du reste du Canada. Si c'est vraiment le cas, quittons vite la maison canadienne; on ne veut plus de nous. À entendre les tenants du oui aux offres, c'est le maximum, résignons-nous. Mais jamais le peuple québécois ne se résignera.

Quelle pauvre, quelle piètre, quelle décevante offre à présenter aux Québécoises et aux Québécois! Après plus de 30 ans de revendications, dont la substance a fait l'objet du rapport Bélanger-Campeau, à travers de larges consensus ralliant la vaste majorité des individus et des divers regroupements intellectuels, sociaux et économiques du Québec, on pouvait ainsi dégager quelle place et quels pouvoirs le Québec était en droit de revendiquer et capable d'assumer. Après la rebuffade de Meech, qu'a fait ce gouvernement adepte du petit? Il a tendu et retendu la joue pour que, de concession en concession, on y applique de façon répétée gifle après gifle. A cette fréquence, c'est de la perversion et du masochisme.

Comment comprendre que ce gouvernement, fort de l'appui et du consensus populaire, soit allé de compromis en recul, de recul en compromission? Il n'y a qu'une réponse: II n'avait pas à coeur le Québec, mais plutôt le Canada. Il n'avait pas confiance en la capacité des Québécoises et des Québécois de se prendre en main. Triomphe de ce que plusieurs commentateurs ont appelé l'esprit minoritaire. Nous voici confrontés - écoutez bien - à un projet provisoire consensuel pour renouveler la Constitution canadienne, projet que l'on soumet à un référendum pour obtenir carte blanche de faire ce qu'on voudra, puisque ce supposé renouvellement se fera sur la base d'un texte incomplet, rempli d'imprécisions et de trous, sujet à de futures négociations et clarifications. On nous prend pour des imbéciles, des demeurés ou quoi?

Si ces offres sont approuvées, préparez-vous au grand show canadien des chicanes de juridictions et de chevauchements de double, triple ou quadruple légitimité. Incidemment, à propos de légitimité, que va peser cette honorable Assemblée, avec ses 125 élus, comparativement aux 99 députés et sénateurs fédéraux? On va revenir au modèle ancien, de marguillier à commissaire d'écoles, de commissaire d'écoles à conseiller municipal, de conseiller municipal à député provincial, de député provincial à ministre provincial, de ministre provincial à député fédéral - c'est presque aussi bien payé - et de député fédéral à premier ministre provincial. Quel beau curriculum en perspective! Est-ce à cela qu'aspirent chacun des petits carriéristes qui forment le piètre gouvernement actuel?

Mesdames et messieurs d'en face, préparez vos valises: 18 nouvelles circonscriptions vous seront peut-être ouvertes, sans compter 6 postes de sénateur. Serait-ce votre plat de lentilles? On ose le croire, à vous entendre défendre et louanger ce que vous n'avez peut-être pas lu, puisque vous l'aviez déjà approuvé en l'absence de tout texte à votre congrès bidon du 29 août dernier.

Et maintenant, qu'est-ce qu'attend de ces offres la ministre des Affaires culturelles, elle qui veut devenir la ministre de la culture du Québec? Qu'attend-elle de ces offres, outre les faire encadrer et déposer au futur musée du rire qu'elle a parrainé avec tant d'enthousiasme, belle illustration avant terme de la maîtrise d'oeuvre des décisions d'Ottawa? Qu'elle admette donc franchement, puisqu'elle n'écrit pas ici une préface patriotarde et qu'on ne lui demande pas de faire de l'esbroufe pour un article de magazine, qu'elle ne sera jamais plus qu'une demi-ministre, car à votre champ culturel est curieusement absent le domaine stratégique des communications. Elle ne sera qu'une demi-ministre, avec un petit budget provincial, et qui ne réussira pas longtemps à faire illusion de grande dispensatrice de subventions. Incidemment, vous aurez remarqué que c'est l'aspect subventions qui a le plus alléché les intéressés dans le projet de politique culturelle tronqué, l'argent qu'on va se distribuer entre soi; c'est ce qu'ils aiment du fédéral, et ça va continuer, qu'elle soit maltresse d'oeuvre ou pas. Où sera la tsarine quand elle se rendra compte qu'elle ne sera que la gérante de la succursale Québec des décisions «Canadian»? Si elle remue trop ou qu'elle ne fait pas l'affaire, les mandarins d'Ottawa s'en balanceront de ses réclamations, pour ne pas dire protestations, quant à la maîtrise d'oeuvre au Québec.

Que la ministre lise le texte, car il semble que l'unanimisme du cabinet et du caucus libéral et son enthousiasme de congressiste n'avaient pas supporté la réalité lorsqu'elle s'est réveillée quelques jours plus tard. Eh oui! On avait oublié la culture. Au fond, je la comprends: on brandit si facilement la culture pour emballer les coeurs et on l'oublie si vite dans la réalité de tous les jours. En effet, pour une société que l'on veut distinguer par sa culture, il est assez triste que le discours soit monopolisé par les politologues et les constitutionnalistes.

Mais convenons que, depuis, la ministre a lu le texte de ces offres, ou plutôt les deux textes

de ces offres, car, comme on le sait maintenant, les versions anglaise et française ne disent pas la même chose. Survolons donc ce texte, M. le Président, si vous me le permettez, en ce qui concerne la culture. Quant au point 1, la clause Canada: l'absence du mot «notamment» en version anglaise, qui réduit la portée de la société distincte à la seule langue française, au Code civil et à la culture unique, ne risque-t-elle pas de réduire votre champ culturel aux manifestations culturelles françaises? Pour le reste, la ministre se contentera-t-elle d'être la maîtresse d'oeuvre des responsabilités et des décisions fédérales? En tant que ministre d'un gouvernement qui entend s'«engager», dans la version anglaise, et s'«attacher», dans la version française, à défendre ou promouvoir la langue anglaise, s'engagera-t-elle à s'attacher, ou s'attachera-t-elle à s'engager? Et, devant l'obligation de demander son opinion à la Cour suprême, se dégagera-t-elle de tout attachement ou se détachera-t-elle de tout engagement? Vous vous y retrouvez, vous, dans tout cela? Quelle improvisation, quel double langage et quelle mystification! (19 h 10)

Dans le cas de la nécessité de la double majorité sénatoriale pour les projets de loi portant sur la langue et la culture françaises, comment interpréter les termes: «Les projets de loi touchant de façon importante à la langue ou à la culture française»? La ministre aurait-elle un mot à dire là-dessus? Car, s'il était décidé que tel projet de loi ne touche pas de façon importante à la culture et à la langue françaises, il n'y a pas de double majorité qui tienne. Qu'on ne m'apporte pas l'argument que c'est l'Assemblée nationale et son gouvernement qui vont nommer les sénateurs du Québec. Nous connaissant, et c'est à notre honneur, on ne nommera pas que des francophones comme sénateurs au Québec. Si le reste du Canada n'est pas capable de se dégoter au moins six sénateurs dits francophones, ce sont des imbéciles, disons-le. Comme il n'est pas garanti que le Sénat francophone soit sous le contrôle du Québec, j'en conclus donc que la ministre n'y pourra rien. De plus, dans son entendement, un projet de loi touche ou ne touche pas un domaine. Il n'y a pas de façon importante qui tienne. C'est quoi, important? Vous ne l'avez pas vue, celle-là. Alors, allez relire, Mme la ministre, l'espèce de brouillon que votre premier ministre a griffonné sans demander votre avis. Si elle va relire tout ça, les yeux bien ouverts cette fois, qu'elle prenne bonne note que ce n'est que la culture française qui est soumise au double vote. Son domaine s'effrite, se rétrécit de plus en plus. Bientôt, elle ne sera plus qu'une monarque en exil.

Quant au point 29, nous voici rendus au saint des saints, à la quintessence de la pensée «bourassienne» en manque d'idées et sujette au rafistolage en catastrophe. En fait, les offres du 28 août et leur fameuse maîtrise d'oeuvre rajoutée à la toute dernière minute ne sont que synonymes de statu quo. En effet, Ottawa conserve son pouvoir de dépenser, donc de nous endetter, ainsi que ses responsabilités actuelles en matière de culture à travers son réseau d'institutions culturelles, soit Radio-Canada, l'Office national du film, le Conseil des arts, Téléfilm, etc. Donc, des activités sont maintenues, y compris leurs programmes de subvention. Ces institutions culturelles fédérales dépensent annuellement plus d'un demi-milliard de dollars au Québec. C'est considérable, convenons-en, et le Québec n'aura aucun contrôle là-dessus. Le ministre fédéral des Communications, Perrin Beatty, a été on ne peut plus clair sur ces offres, en affirmant récemment qu'Ottawa continuerait à dépenser dans la culture, sans limites et à sa guise. Tels étaient ses propos. De plus, Ottawa conserve son pouvoir actuel de légiférer en matière de radiodiffusion et de droits d'auteur. À ce dernier chapitre, ça fait au moins 50 ans qu'on revendique une loi sur les droits d'auteur.

Bref, la proposition du 28 août consacre le statu quo. Compte tenu qu'Ottawa conserve son pouvoir de dépenser à travers les activités de ses institutions culturelles, voulez-vous bien me dire ce qui reste à négocier entre Ottawa et Québec en matière de culture? La ministre des Affaires culturelles s'accroche à la possibilité que, peut-être, elle pourrait conclure une entente administrative avec Ottawa. Mais négocier quoi au juste, alors que son homologue fédéral lui dit qu'Ottawa entend continuer d'agir à sa guise - je répète ses phrases - et que, si Québec veut faire davantage en matière de culture, il n'a qu'à investir lui-même davantage? Maîtrise d'oeuvre: donc, deux mots sans conséquence, qui ne signifient rien d'autre que le statu quo.

Si on lit bien, le Québec aura une compétence exclusive partagée. Comprendra, encore là, qui voudra. Avec la Constitution de 1867, le fédéral a mis sans vergogne ses gros sabots dans des domaines exclusivement provinciaux. En 1992, il est beaucoup plus subtil et prévoit se donner le droit de le faire. Avant, on pouvait au moins protester. Maintenant, oubliez cela.

Avez-vous pensé que les questions culturelles québécoises, dans cette vision du beau et grand Canada, font partie des questions culturelles canadiennes? On fait partie du Canada ou on n'en fait pas partie. Dans l'un comme dans l'autre cas, il faut en accepter les conséquences. Bien sûr, on ergotera sur la question de la maîtrise d'oeuvre, mais il ne faut pas oublier que cette maîtrise d'oeuvre est tributaire d'ententes à venir non constitutionnalisables. Ententes qui, en outre, devront être harmonisées avec les responsabilités fédérales en la matière. Je souhaite bonne chance à Mme la gérante de la succursale bancaire. Ce n'est pas demain qu'elle

va fixer les taux d'intérêt, surtout pas dans le domaine de la culture.

Le plus injurieux dans tout cela, au-delà de cette aléatoire maîtrise d'oeuvre, c'est que le gouvernement fédéral pourra se rire du gouvernement du Québec, puisqu'il garde intacts ses pouvoirs de subventionner, ce qui a été le propre de ses interventions culturelles à ce jour. Si la ministre veut vraiment exercer un pouvoir effectif sur la culture et en faire baver aux prétentieuses administrations provinciales, à sa place, moi, j'essaierais de devenir ministre des Communications à Ottawa. Enfin, elle pourra trôner sur tout le domaine culturel et pourra réellement faire quelque chose. C'est là où sont les pouvoirs et l'argent.

En résumé, M. le Président, dans ce projet d'entente, dans ces offres, tout n'est qu'approximation, incertitude, tromperie, maigre et faux décor. À l'aune même des prétentions passées de ce gouvernement, j'oserais dire de cette administration provinciale, l'étude de l'entente démontre tous les reculs, les remaniements, les reniements, les pièges, et annonce des lendemains douloureux et amers. Ces offres ne supportent même pas les discours pompeux et larmoyants que l'on entend depuis le 28 août dernier dans la bouche de ces messieurs dames d'en face. Je sais, on arguera que, pour un souverainiste, il n'y a pas d'offre qui tienne. De ce genre, sûrement pas! Sûrement pas, effectivement. En soi, surtout pour tous ceux qui croyaient, et qui croient encore peut-être qu'il y avait place au Canada pour un Québec plus autonome et maître de ses choix, ces offres sont mauvaises, étriquées, pas finalisées, pleines de contradictions et sujettes à d'éventuelles négociations dont les résultats sont des plus aléatoires. Que fera notre subtil gouvernement, lui qui a tellement reculé?

Peuple du Québec, vous aurez un choix à faire le 26 octobre prochain. Dire oui à ces offres, c'est dire oui au Canada et se résoudre à n'être qu'une province comme les autres, sans plus de pouvoirs que maintenant et en comprenant bien que votre vrai gouvernement sera désormais celui d'Ottawa. Ne nous illusionnons pas: cet aberrant pays ne peut que devenir de plus en plus centralisé. S'il veut survivre, c'est la seule voie. Fermera-t-on la porte sur une petite société frileuse ou gardera-t-on la fenêtre ouverte sur l'air du large et les défis vers un avenir de réalisations et d'affirmation d'une terre française en Amérique? À vous d'en décider. Nos amis d'en face semblent avoir fait leur lit et vouloir fermer la porte, puisqu'ils s'y complaisent.

Je terminerai en m'adressant à leur chef. Celui-ci, féru de fédéralisme canadien et de subtilités de traductions française et anglaise, n'ignore pas qu'en anglais on dit du premier ministre fédéral, «Prime Minister», et des premiers ministres provinciaux, «Premier». En 1990, à sa déclaration citée au début de mon allocution, le chef de l'Opposition, M. Jacques Parizeau, avait rétorqué: «Mon premier ministre». Devant le gâchis, la division et le discrédit national qu'il nous a concoctés, je ne puis reprendre l'expression de M. Parizeau et le qualifier de «mon premier ministre». Je ne peux dire que ceci: «It is a shame Premier». Non, c'est assez! Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je cède maintenant la parole à M. le député de l'Acadie. (19 h 20)

M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Dans quelques semaines, tous les Québécois seront appelés à se prononcer sur l'avenir constitutionnel du Québec. Ce sera, certes, un moment extrêmement important dans l'évolution de la société québécoise. Compte tenu de l'importance de cet événement, nous devons tous, comme parlementaires, informer adéquatement la population afin de lui permettre de choisir en toute connaissance de cause les voies de son avenir. Ainsi, chaque Québécois pourra exercer son droit en se prononçant sur la question référendaire, mais, également, assumer une grande responsabilité quant à l'évolution du Québec. Nous devons tous nous prononcer non pas d'une façon émotive ou impulsive, mais après une analyse rigoureuse, réaliste et responsable.

Essentiellement, M. le Président, la population du Québec aura à répondre à la question suivante: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?» Quels sont donc exactement les termes de cette entente conclue entre les 11 premiers ministres, fédéral et provinciaux? Il serait facile, M. le Président, de se perdre dans les nuances juridiques ou dans les interprétations byzantines, mais le plus important, c'est de signaler, de façon claire et simple, à tous les citoyens l'essentiel de ce qui a été acquis lors de cette négociation, et ce, dans la perspective du développement du Québec.

Premièrement, pour la première fois depuis 125 ans, le Québec sera reconnu dans la Constitution comme une société distincte par sa langue, sa culture et sa tradition de droit civil. À cette reconnaissance, vient s'ajouter la responsabilité pour le gouvernement du Québec de protéger et de promouvoir le caractère distinct de la société québécoise. Parallèlement, il faut également signaler «l'attachement des Canadiens et de leurs gouvernements à l'épanouissement et au développement des communautés minoritaires de langue officielle dans tout le pays». Ainsi, la spécificité du Québec sera reconnue dans la Constitution, et ce, dans le respect des droits de nos compatriotes anglopho-

nés et dans la reconnaissance de la diversité culturelle et raciale de notre pays. Il ne faut surtout pas sous-estimer l'impact important que pourra avoir cette clause de la société distincte dans le contexte de l'évolution du Québec.

D'ailleurs, l'importance de la clause Canada et la reconnaissance de la société distincte ont été soulignées par des juristes aussi éminents que Me Yves Fortier, ancien ambassadeur du Canada aux Nations unies, Me Louis-Philippe de Grandpré, ancien juge à la Cour suprême du Canada, Me Jules Deschênes, ancien juge en chef de la Cour supérieure du Québec, et Me Paul Gérin-Lajoie, juriste reconnu pour son expertise concernant la formule d'amendement.

L'Opposition a beau vouloir nier cette réalité, la population du Québec sera à même d'apprécier ce gain très important pour le Québec puisque, pour la première fois dans l'histoire du pays, la reconnaissance de ce caractère fondamental du Québec est maintenant inscrite dans la Constitution de notre pays. Malgré que les opposants à l'entente de Charlottetown cherchent à diminuer l'importance de ce gain, personne ne peut, avec crédibilité, soutenir que les éléments reconnus comme caractéristiques de la société distincte ne correspondent pas aux fondements mêmes de ce qui fait notre spécificité.

Permettez-moi ici, M. le Président, de citer la journaliste, Mme Lysiane Gagnon, qui, il y a quelques semaines, mentionnait ce qui suit, et je cite: «Faut-il s'indigner de ce que le caractère distinct du Québec soit lié - et donc possiblement restreint - à la langue, à la culture et au Code civil? Mais ne sont-ce pas là, justement, les trois caractéristiques qui font que le Québec forme une société distincte des autres provinces? Ceux qui s'imaginent que le Québec a un "modèle de développement économique" spécifique, ou des préoccupations sociales et un style de vie absolument différents du reste du Canada, s'illusionnent grandement ou alors ils n'ont manifestement pas la moindre idée de ce qui se passe en dehors des "frontières" du Québec. C'est la langue et ce qui en découle (les références culturelles) qui constituent ici la ligne de partage fondamentale, et l'accord actuel reconnaît cela sous plusieurs angles, en accordant des protections particulières au Québec en tant que patrie des francophones».

Deuxièmement, le Québec acquiert une présence particulièrement déterminante dans certaines de nos institutions politiques nationales les plus importantes. En effet, le Québec aura la garantie de trois juges québécois sur neuf à la Cour suprême du Canada. Étant donné l'importance de la Cour suprême dans l'interprétation de nos lois et son rôle déterminant dans l'évolution de la société canadienne, personne ne peut nier que la garantie de 33 % de juges d'origine québécoise représente un statut particulier pour le Québec. De plus, aucun changement ne pourra être effectué au niveau de la Constitution ou de la juridiction de la Cour suprême du Canada sans le consentement du Québec. M. le Président, tout cela sera inclus dans la Constitution canadienne.

De plus, avec la définition des nouveaux pouvoirs restreints du Sénat et le rôle déterminant de la Chambre des communes, le Québec obtient 18 députés de plus à la Chambre des communes du Canada et également la garantie que le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % des députés à la Chambre des communes, même si la population du Québec devait un jour représenter moins de 25 % de la population canadienne. Cette garantie constitutionnelle n'est donnée à aucune autre province canadienne.

Au niveau de l'exercice des pouvoirs et des compétences, le Québec fait également des gains substantiels. D'abord, le Québec obtient un droit de retrait concernant tout programme fédéral cofinancé par les provinces, et ce, avec la garantie d'une compensation financière correspondante. Encore ici, M. le Président, cette réalité sera inscrite dans la Constitution canadienne. Voilà un autre gain majeur pour le Québec.

Pour ce qui est du partage des pouvoirs, il faut d'abord se rappeler que, dans la Constitution de 1867, les mines et les forêts étaient reconnues comme étant de juridiction provinciale. Cette réalité continue évidemment d'exister, mais on reconnaît maintenant la compétence exclusive du Québec dans un certain nombre de nouveaux secteurs sur lesquels il y avait, depuis de nombreuses années, confusion entre les juridictions fédérales et provinciales; il s'agit des affaires municipales et urbaines, du tourisme, du logement et du loisir. Dorénavant, le fédéral devra, à la demande du Québec, se retirer complètement de ces champs particuliers de juridiction, reconnaissant ainsi le caractère exclusif de ces compétences provinciales. De plus, le Québec a également récupéré la compétence exclusive sur la culture et sur la formation de la main-d'oeuvre. Bien que nous reconnaissions que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer au niveau du maintien de certaines institutions culturelles nationales, il n'en demeure pas moins que la nouvelle entente fait en sorte que le Québec devient maître d'oeuvre en matière de culture sur l'ensemble du territoire québécois.

Pour ce qui est de la formation de la main-d'oeuvre, il s'agit là d'une nouvelle juridiction provinciale excessivement importante, puisqu'il est maintenant évident que le Québec des prochaines décennies devra axer ses énergies et ses ressources sur le développement de sa main-d'oeuvre, outil essentiel à son développement économique. Le Québec sera en mesure de planifier et d'établir ses programmes de formation en fonction de ses besoins spécifiques. Nous récupérons donc la formation de la main-d'oeuvre par une entente administrative qui sera cons-titutionnalisée. Ce sont là, M. le Président, deux

nouvelles juridictions excessivement importantes pour l'avenir de notre société, son développement culturel et le développement de ses ressources humaines.

Le gouvernement fédéral s'est également engagé à trouver les moyens qui permettront au Québec et aux autres provinces d'encadrer et de limiter davantage le pouvoir de dépenser du fédéral et ainsi de permettre aux Québécois de renforcer leur autonomie politique et économique, et ce, dans le respect des priorités de notre société.

Enfin, il est certainement judicieux et utile de souligner ici la récupération des droits de veto que le Québec est allé chercher dans de nombreux secteurs. Nous récupérons un droit de veto sur le Sénat, un droit de veto sur les Communes, un droit de veto sur la formule d'amendement, un droit de veto sur la société distincte, un droit de veto sur les nouvelles provinces, un droit de veto sur la clause «nonobstant». Le Québec récupère ainsi plusieurs droits de veto nécessaires pour assurer sa sécurité politique et culturelle au sein du Canada. Jamais dans l'histoire des 125 dernières années, M. le Président, un premier ministre ou un gouvernement québécois n'a offert au Québec autant de sécurité. Il s'agit là de gains incroyables pour l'ensemble du Québec, et je suis convaincu, M. le Président, que nos concitoyens québécois pourront, avec clairvoyance, évaluer l'impact majeur des gains obtenus, et ce, dans l'intérêt supérieur du Québec.

Nous aurions pu, M. le Président, souligner également d'autres aspects intéressants de l'entente de Charlottetown. Cependant, les discussions des prochaines semaines nous donneront certes l'occasion d'expliquer et d'approfondir toute la portée et la signification de cette entente historique pour le Québec.

Comment doit-on évaluer exactement la valeur de l'entente de Charlottetown? Certains peuvent le faire par rapport à Meech, d'autres par rapport aux programmes constitutionnels des grands partis politiques du Québec. Le plus important est certainement d'évaluer l'entente par rapport à l'histoire et à l'évolution du Québec au cours des 125 dernières années. L'énumération faite précédemment des gains réalisés démontre hors de tout doute raisonnable que le Québec a, pour la première fois depuis 125 ans, réalisé des bénéfices majeurs qui sont maintenant reconnus dans une entente constitutionnelle. Ainsi, le Québec s'assure des outils de développement essentiels à son évolution. (19 h 30)

M. le Président, c'est en regard de cela que nos concitoyens seront appelés à se prononcer. Si la réponse est oui - et je suis convaincu qu'elle le sera - ce sera un geste de réalisme et de confiance en l'avenir du Québec et du Canada. Ce sera essentiellement un choix en faveur du Québec et de son évolution harmonieuse au sein même du Canada et du continent nord-américain. À l'heure où de nombreuses nations du monde sont à se réorganiser dans des entités où les frontières nationales restreintes disparaissent au profit d'une plus grande ouverture, d'une plus grande interdépendance et du regroupement des forces économiques, je suis convaincu que c'est là la voie de l'avenir et que nous devons orienter le développement de la société québécoise dans cette direction, parce que nous avons confiance en la valeur de nos ressources et en notre capacité de concurrencer sur tous les plans.

Il est important ici de se demander quel est l'objectif réel de l'Opposition actuelle qui assumera la direction du comité du non. D'abord, il ne faut pas se faire d'illusions, puisque l'Opposition aurait réagi de façon toujours négative à n'importe quelle entente qui aurait eu comme objectif de permettre le développement du Québec au sein de la Fédération canadienne. Il faut se le dire franchement, une seule chose intéresse l'Opposition du Parti québécois: c'est la séparation du Québec et la destruction du Canada. C'est leur choix avoué, malgré les tentatives de camouflage. Mais la population du Québec doit être informée adéquatement des enjeux. Malgré que le chef de l'Opposition mentionne qu'un vote négatif ne signifie pas la promotion de l'indépendance du Québec, je me dois de regretter que les personnes se joignant au comité du non en toute bonne foi risqueront d'être manipulées honteusement par les ténors du Parti québécois qui sauront certes utiliser tout vote négatif comme un moyen déguisé de faire la promotion prochaine de leur option politique fondamentale.

D'ailleurs, le 1er septembre dernier, les souverainistes du nord de Montréal se réunissaient à l'école Marie-Anne, située dans le comté de l'Acadie. À cette occasion, un certain nombre d'orateurs se sont adressés aux partisans présents, dont MM. Jean Campeau et Fernand Daoust, de même que certains collègues péquistes de l'Assemblée nationale du Québec, dont le député d'Anjou, le député d'Abitibi-Ouest et le député de Jonquière. Le journaliste qui décrivait l'événement dans le journal du quartier rapportait ce qui suit, et je cite: «Le message de tous les orateurs se résumait à dire non au prochain référendum du 26 octobre, et que seul un Québec souverain serait en mesure de remettre les gens au travail.» Malgré l'attitude soi-disant neutre du chef de l'Opposition, il est évident que tout ce que l'Opposition péquiste fera dans le cadre de cette campagne référendaire sera de nature à promouvoir à brève échéance l'indépendance du Québec. C'est ça, la réalité, M. le Président.

Non, ce n'est pas vrai que les Québécois qui croient au renouvellement du fédéralisme se laisseront berner par les manigances du Parti québécois. Nous avons malheureusement eu l'occasion d'observer directement, au cours des

derniers mois, que tous les moyens sont bons pour atteindre leur but ultime. Permettez-moi ici de citer un editorial de M. Alain Dubuc, en date du 25 août dernier, et je cite: «Les ténors péquistes, depuis quelques jours, ont plutôt préféré jouer sur les émotions et faire appel à l'irrationnel. Et c'est ainsi qu'on pince toutes les cordes qui peuvent faire grimper les Québécois aux rideaux: le complot du Canada anglais, les trahisons de Bourassa, les reculs, l'humiliation. Pour ne pas être en reste, M. Parizeau joue avec le feu en insistant sur les volets de l'entente qui peuvent faire appel à l'insécurité culturelle des Québécois, les gains des autochtones, la protection des anglophones, la loi 101. Le PQ commet une erreur. [...] Les Québécois, qui n'aiment pas qu'on les prenne pour des imbéciles, y verront une marque de mépris. Ensuite, parce que le ton strident des dénonciations ressemble surtout à un aveu de faiblesse.»

À l'heure des choix, la population du Québec devra évaluer avec clairvoyance les enjeux en cause et déterminer de façon réaliste et rationnelle quel est le meilleur cadre pour permettre le développement du Québec. Est-ce une entente qui permet au Québec de demeurer au sein de la Fédération canadienne en récupérant toute une série d'outils essentiels à son développement culturel et économique ou la voie de l'aventure, du risque et de l'incertitude que peut représenter la séparation du Québec. Avant de prendre cette décision, les Québécois devront réfléchir sur ce qu'est actuellement le Québec et ce qu'est le Canada. Rappelons-nous qu'il s'agit du pays qui, selon les Nations unies, possède le meilleur niveau de qualité de vie au monde. Avant de rejeter cette entente, détruisant ainsi ce pays que nous avons mis 125 ans à construire avec nos compatriotes anglophones et allophones, j'inviterais les concitoyens à répondre à un certain nombre de questions que posait avec beaucoup de réalisme un ancien membre de l'Assemblée nationale du Québec dans un article qu'il publiait le 8 août dernier sur l'avenir du Québec, en l'occurrence, l'ancien ministre et député de l'Acadie, M. François Cloutier.

Il mentionnait, dans son article, ce qui suit: Les Québécois sont-ils brimés? Où sont les prisonniers politiques? Quelles restrictions y a-t-il à la liberté individuelle et à la liberté collective? Les droits de l'homme ne sont-ils pas respectés? Et le droit des minorités? Où est la censure? Où sont les goulags? Soyons sérieux, disait M. Cloutier. Nos problèmes sont des problèmes administratifs et des problèmes de négociation, des problèmes de riches. Rien de comparable avec les nombreux pays où régnent l'oppression, la haine raciale, l'absence de liberté, la misère, la famine ou la sous-alimentation. Il est vrai que, dans le passé, les Québécois ont connu collectivement mépris et humiliation, disait-il. N'était-ce pas en partie la conséquence du repli? N'a-t-il pas suffi qu'ils prennent leur destin en main, qu'ils réforment leurs institutions, qu'ils acceptent la concurrence, qu'ils foncent sur le plan économique pour devenir des citoyens à part entière? C'est à travers la situation actuelle qu'il convient de se poser la question de l'indépendance.»

M. le Président, je suis convaincu que l'ensemble des citoyens du Québec et, en particulier, ceux du comté de l'Acadie, seront capables de faire, le 26 octobre prochain, un choix judicieux, éclairé et réaliste, un choix qui sera fait dans la perspective du développement du Québec et ce, dans le respect de la continuité et de la reconnaissance des acquis du dernier siècle. Jamais le Québec n'a été une société aussi dynamique, aussi francophone, aussi présente à travers le monde francophone, aussi confiante dans ses capacités et aussi prête à affronter avec réalisme et confiance la concurrence des grands marchés internationaux.

La réalisation de ce qu'est le Québec actuel a pu s'exercer dans le cadre de la Fédération canadienne. Il faut cesser de faire appel aux instincts revanchards et mesquins, comme le font les membres de l'Opposition du Parti québécois avec leur attitude misérabiliste. Il faut choisir avec confiance le chemin le plus prometteur pour l'avenir du Québec. En disant oui à l'entente du 28 août dernier, les Québécois diront avec assurance oui au Québec et oui au Canada. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de l'Acadie. Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion du premier ministre relativement à la question référendaire. Je reconnais maintenant Mme la députée de Châteauguay.

Mme Pierrette Cardinal

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. M. le Président, je tiens à exprimer en cette Chambre ma fierté de représenter le comté de Châteauguay, dont la population a vécu et vit encore des situations très difficiles, et je veux rendre un hommage particulier à mes concitoyens qui ont su conserver leur dignité et le respect de nos différences et qui continueront sûrement à le faire durant le référendum. En effet, M. le Président, je représente un comté à forte proportion d'anglophones, d'allophones et d'autochtones. Je suis donc très honorée de participer à ce débat historique aujourd'hui en cette Chambre, un débat qui porte sur l'entente de Charlottetown qui sera soumise à l'approbation de la population le 26 octobre prochain. (19 h 40)

M. le Président, la population du Québec aura plus d'une raison pour dire oui à cette entente. Permettez-moi de vous en nommer

quelques-unes. En disant oui à cette entente, c'est saisir la chance de mettre fin à l'incertitude persistante au sujet de l'avenir politique du Québec, une incertitude qui a assez duré. Dire oui à cette entente, c'est saisir l'occasion de permettre au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada de consacrer tout leur temps aux problèmes économiques, et plus particulièrement aux problèmes de chômage qui affligent actuellement une partie importante de nos travailleurs et de nos travailleuses. Dire oui à cette entente, M. le Président, c'est créer à court terme un nouveau climat à l'intérieur du fédéralisme canadien. Dire oui à cette entente, c'est échapper à des pressions en faveur de l'indépendance du Québec, avec toutes ses implications politiques, sociales, économiques et financières. Dire oui, c'est non seulement tout cela, mais aussi éviter une perte de crédibilité du Québec à l'égard de ses partenaires canadiens. C'est préserver cette crédibilité ô combien essentielle à notre développement économique, social et culturel.

Dire oui à cette entente, c'est permettre au Québec de bénéficier des acquis de l'entente constitutionnelle actuelle, c'est-à-dire obtenir la reconnaissance de la société distincte, obtenir le droit de veto sur les institutions canadiennes, conserver l'entente sur l'immigration, qui est essentielle au maintien de notre équilibre démographique. C'est aussi préserver l'avenir en reconnaissant les compétences exclusives du Québec en matière de main-d'oeuvre, de culture, en matière minière, de forêts, de loisirs, d'affaires municipales, de tourisme et de logement. Dire oui, c'est préserver l'acquis de la garantie à vie de 25 % des Québécois à la Chambre des communes. Dire oui, c'est préserver l'acquis d'une autre garantie, celle de 33 % des juges québécois à la Cour suprême. Eh oui! Dire oui, c'est oeuvrer au renforcement de l'union économique canadienne, une condition essentielle à la prospérité actuelle et future de notre population.

Dire oui, c'est préserver l'acquis des ententes de développement économique. Dire oui à cette entente constitutionnelle conclue à Charlottetown, c'est oeuvrer en faveur de la diminution des tensions avec les peuples autochtones et consacrer tous leurs efforts afin d'obtenir une reconnaissance de leurs droits. Dire oui à cette entente, c'est accepter d'apaiser les inquiétudes légitimes des Québécois et des Québécoises anglophones et des membres des communautés culturelles quant à l'avenir du Canada, une inquiétude d'ailleurs partagée par l'ensemble des Québécois. Voilà pourquoi, M. le Président, nous allons dire oui à cette entente constitutionnelle. Nous serons des milliers à promouvoir cette entente afin que nos concitoyens et nos concitoyennes de toutes origines, de tous milieux, soient informés de son bien-fondé et de ses mérites. Pour ma part, j'ai l'intention de bien informer ma population et je lui fais entièrement confiance quant à son bon jugement. Il ne faut surtout pas la sous-estimer.

M. le Président, nos adversaires envisagent l'avenir non pas en regardant devant eux mais en regardant derrière. Le XIXe siècle est derrière nous et non devant. Ce qui nous attend, c'est le XXIe siècle. Il nous faut une structure politique adaptée aux défis et aux exigences de notre société de l'an 2000. À la différence de nos adversaires qui mettent de l'avant une option teintée de romantisme passé, la nôtre est une option réaliste qui répond aux besoins et aux exigences du Québec d'aujourd'hui et de demain, le Québec qui s'apprête à entrer dans le XXIe siècle.

M. le Président, je suis convaincue que la population du Québec sera sensible aux arguments que je viens d'énoncer et qu'elle appuiera et dira oui à cette entente. Il ne faudrait surtout pas oublier que nous avons le plus beau pays au monde, avec la meilleure qualité de vie. Il suffit de voir ce qui se passe dans le monde actuellement pour en être convaincu, ce qu'il nous faut préserver. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Châteauguay. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous poursuivons le débat sur la question référendaire, et je reconnais M. l'adjoint parlementaire au ministre de l'Environnement et député de Saint-Maurice. M. le député, la parole est à vous.

M. Yvon Lemire

M. Lemire: Merci beaucoup, M. le Président. Le Québec vit présentement un des moments les plus intenses de son histoire politique. La population s'apprête, en effet, à se prononcer sur son avenir politique et constitutionnel, via la question suivante, M. le Président: Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?

Effectivement, M. le Président, le 26 octobre prochain sera une date déterminante, et je suis heureux que tous les Québécoises et les Québécois aient enfin l'occasion de se prononcer sur un sujet aussi délicat. Un référendum, M. le Président, c'est plus qu'une simple question. Dans le cas qui nous concerne, il s'agit de se prononcer sur des offres qui ont été conclues par le premier ministre du Québec, le premier ministre du Canada et les autres premiers ministres des provinces canadiennes, de même que les représentants des territoires autochtones. Ces offres, M. le Président, représentent un gain réel, un net progrès. Ce que nous avons aujourd'hui comme entente est une entente qui n'a jamais été obtenue en 125 ans de fédéralisme.

Oui, 125 années durant, le Québec n'a cessé de demander des changements dans le partage des compétences législatives, des changements

dans les institutions, la reconnaissance du Québec comme société distincte. L'entente du 28 août dernier, M. le Président, représente la réponse à ces demandes historiques. Pour cette raison, nous devons dire oui à la question qui nous sera posée le 26 octobre prochain. Une entente, M. le Président, cela se bâtit petit à petit, avec une volonté ferme. Mais encore, une entente comme celle-ci se bâtit grâce à un dialogue, un dialogue qui n'aurait pas été possible si notre premier ministre n'était pas retourné à la table de négociation.

Alors, M. le Président, nous avons aujourd'hui le résultat de ces négociations et vous me permettrez, pendant ces quelques minutes qui me sont allouées, de souligner quelques aspects précis de l'accord, en commençant par les institutions canadiennes. Comme on le sait, le Québec jouit d'une influence considérable au sein des institutions canadiennes. Vous aurez compris que je veux parler des partis politiques canadiens, de la fonction publique fédérale, de la Cour suprême, de la Chambre des Communes, du Sénat et du cabinet fédéral. L'entente constitutionnelle du 28 août 1992 confirme et même accentue cette influence. (19 h 50)

Concrètement, le Québec acquiert un droit de veto absolu sur tout changement aux institutions fédérales, c'est-à-dire la Chambre des Communes, le Sénat et la Cour suprême. En d'autres termes, aucune des institutions canadiennes ne pourra être modifiée sans l'accord du Québec. Puisque le Québec est un partenaire majeur maintenant, il sera maintenant un partenaire majeur de la Fédération. De plus, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % des députés à la Chambre des communes. Il s'agit là d'une garantie, même si la population passe en dessous du seuil de 25 %. D'autre part, nous sommes assurés que 3 des 9 juges de la Cour suprême seront des juges québécois. Aussi, nous obtenons la garantie que le nombre total de nos députés libéraux et sénateurs siégeant ensemble sera proportionnel à la population du Québec au sein du Canada. Enfin, les sénateurs francophones auront un droit de veto absolu au Sénat - égal - contre toute mesure pouvant affecter la langue et la culture françaises.

Voilà, M. le Président, des mesures qui ne peuvent qu'accroître l'influence déjà significative du Québec au sein des institutions canadiennes. Par ailleurs, M. le Président, on sait que la solidarité de tous les Québécois est une condition nécessaire au développement du Québec. Le Québec est une société de langue et de culture françaises, mais c'est aussi une société pluraliste, puisqu'on y retrouve une communauté anglophone puis une grande diversité de communautés culturelles, de même que la présence de peuples autochtones. Alors, je crois que l'ensemble de la population sera heureuse d'apprendre que l'entente constitutionnelle va contribuer à renforcer la solidarité des Québécois, et je m'explique. Tout d'abord, le Québec continuera d'être français, puisque les pouvoirs linguistiques de l'Assemblée nationale seront sauvegardés. Ça, c'est écrit dans la Constitution, M. le Président. Ensuite, le Québec continuera de reconnaître la part unique des Québécois anglophones et continuera également d'aider à développer les services à cette communauté.

En ce qui a trait à l'immigration, l'entente conclue le 5 février 1991, l'accord Gagnon-Trem-blay-McDougall, sera constitutionnalisée, M. le Président. À cet égard, on se souvient que cette entente visait la planification des niveaux, la sélection des immigrants et l'accueil et l'intégration de ces derniers. Donc, M. le Président, le Québec pourra accueillir encore des immigrants et, avec la constitutionnalisation de l'entente sur l'immigration, le Québec pourra exercer ses nouveaux pouvoirs quant a la sélection des immigrants et à leur intégration économique, sociale et surtout linguistique, M. le Président. En somme, l'entente sur l'immigration est là pour garantir au Québec la sélection de ses immigrants, garantir le nombre d'immigrants et la capacité d'intégrer nos immigrants à la société québécoise. Nous avons donc une garantie qui va être constitutionnalisée et qui ne pourra pas être changée sans notre consentement, M. le Président. Voilà ce que nous avons obtenu avec l'entente constitutionnelle. L'immigration sera donc véritablement au service du développement économique et humain du Québec.

M. le Président, en ce qui a trait aux peuples autochtones, nous savons que nous en avons dans plusieurs régions et sur plusieurs territoires du Québec. Par exemple, tout près de mon comté, dans Laviolette, nous avons les Attikameks-Montagnais. J'aurai une réunion demain matin avec l'un des représentants, Simon Awashish, sur la table de négociation pour la rivière Saint-Maurice. M. le Président, c'est important pour nous d'intégrer ces gens-là. M. le Président, en ce qui a trait aux peuples: les peuples autochtones ont des droits et doivent être associés au progrès du Québec. Alors, ce que l'entente constitutionnelle prévoit à cet égard, c'est que le droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones soit enfin et désormais reconnu. Aussi, c'est par des ententes librement négociées que seront définis les rapports entre les autochtones et le gouvernement du Québec. Enfin, M. le Président, le pouvoir judiciaire surveillera le processus de négociation, et les lois québécoises et canadiennes servant au maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement seront entièrement respectées.

M. le Président, nous pouvons donc affirmer haut et fort que le Québec est respectueux des gens qui font la diversité de notre province. Nous pouvons dire aussi que nous sommes ouverts envers ce qui est différent. Lorsqu'on se rend

compte de cela, je pense qu'on comprend mieux qu'une société est plus forte lorsqu'on y retrouve un sentiment d'appartenance. On est toujours plus forts ensemble qu'isolés, comme le voudraient les gens d'en face, de ceux qui nous entourent. Ce concept, M. le Président, le premier ministre du Québec l'a bien compris. Mais je n'en suis pas aussi certain, comme je le disais, vis-à-vis de nos adversaires. Et c'est bien dommage, M. le Président, car on peut affirmer que le cofondateur de leur parti, l'honorable M. René Lévesque, a certainement été l'un des chefs politiques canadiens les plus ouverts et les plus généreux sur la question des autochtones.

Je vois les gens d'en face qui ont l'air de trouver ça drôle. Ça n'a pas l'air d'être sérieux pour eux autres ce qui se passe présentement. Mon collègue, le député de Laviolette, je l'écou-tais, ce matin, dans son discours. Lui, au moins, il montre à la population son vrai visage dans ce qu'il a dit ce matin. Ça a toujours été un gars qui a voulu la séparation du Québec et c'est ce qu'il a dit dans son allocution de ce matin, et c'est ce qu'il dira sur le terrain. Et c'est pour ça que je dis à toute la population du Québec: Un vote pour le non, c'est un pas vers la séparation du Québec du Canada.

M. le Président, je suis donc très heureux de constater que l'entente du 28 août dernier renferme des principes fondés sur le respect, l'ouverture et la générosité. Et ce que j'espère, c'est la prospérité pour nos enfants et nos petits-enfants. Et ce que je souhaite à mes générations futures, c'est ce que j'ai vécu, M. le Président, dans toute ma vie, avec la prospérité que m'a fait connaître le Canada. Les gens qui sont à l'origine de cette entente auront bien compris qu'on ne peut rien bâtir si on ne fait pas preuve de solidarité.

Cela étant dit, M. le Président, vous comprendrez bien ma décision et ma loyauté envers mes citoyens d'appuyer l'entente constitutionnelle et de dire oui à la question qui nous sera posée le 26 octobre. Et, là-dessus, M. le Président, je vous remercie. (20 heures)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Saint-Maurice. Sur cette même question, je reconnais maintenant Mme la députée... Oui? Le quorum est demandé par M. le député de Salaberry-Soulanges. Alors, qu'on appelle les députés!

L'Assemblée poursuit ses travaux. Nous en sommes sur le débat de la question référendaire proposée par M. le premier ministre, et je reconnais Mme la députée... M. le sergent d'armes, si vous voulez fermer la cloche, s'il vous plaît. Je reconnais maintenant Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette Mme Vermette: Alors, merci, M. le Prési- dent. Effectivement, nous devons ici nous entretenir sur la question qui sera posée aux citoyens et aux citoyennes du Québec en ce qui concerne les propositions du gouvernement fédéral au reste du Canada, et plus particulièrement en ce qui concerne les Québécois et les Québécoises, M. le Président. Bien sûr, c'est un contrat sur lequel il est difficile d'aller en profondeur et d'en analyser toutes les teneurs puisque, effectivement, l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec n'auront pas la possibilité de tenir entre leurs mains ce texte, et d'autant plus, M. le Président, que ce contrat, en fait, n'est pas signé. Je fais confiance à la population, à nos contribuables; je fais confiance à cette population qui, depuis longtemps, a suivi tous ces pourparlers constitutionnels. Parce qu'ils ne sont pas d'aujourd'hui, ils durent et perdurent depuis longtemps.

Enfin, on s'attendait à ce qu'on puisse avoir un document de réflexion, un document de base, mais on s'est aperçu, M. le Président, qu'il n'en était pas, en fait. En ce qui concerne le document pour lequel, peut-être, il aurait été souhaitable que le gouvernement libéral en fasse réellement des copies de distribution, c'est probablement le document d'analyse qui a été présenté par le Parti libéral du Québec, par les jeunes libéraux, M. le Président. Je pense que ça vaut la peine que ce document puisse circuler dans la population parce que ça fait partie d'une réflexion profonde, je crois, soutenue, d'un groupe de jeunes qui ont présenté au congrès libéral de 1992... 91...

Ils se sont exprimés et ils ont manifesté réellement. Ils ont aussi exercé ce qu'on appelle les principes démocratiques reconnus à l'intérieur des partis politiques. Et ces principes démocratiques qu'on reconnaît à l'intérieur des partis politiques, c'est cette capacité de s'exprimer et cette possibilité, aussi, M. le Président, d'exprimer des revendications et de les actualiser. Et c'est ce dont il est question, en fait, en mars 1991, au niveau du congrès du Parti libéral, et c'est ce que les jeunes se sont attardés à faire, et aussi à prendre position pour que leur gouvernement reflète cette démocratie et que leur gouvernement, qui les représente dans ce débat constitutionnel, puisse avoir un document sur lequel il irait faire ses représentations à Ottawa.

Mais vous savez... On sait très bien, au cours des derniers mois, cette saga qui est arrivée à Ottawa. C'est-à-dire qu'on a décidé, parce qu'on n'avait pas de texte à présenter, de demander à l'ensemble des congressistes du Parti libéral, au mois de juillet 1992, de signer un chèque en blanc sur la bonne foi de leur premier ministre, M. Robert Bourassa. Et vous savez la suite, il y en a plusieurs qui se sont dit insatisfaits parce que vous savez fort bien que la majorité de la grande population du Québec, lorsqu'elle signe un contrat, lorsqu'elle signe... Finalement, ils vont même louer un logement, M.

le Président, ils signent un contrat. Ils regardent les différentes clauses sur lesquelles ils devront assumer certaines responsabilités et ils prennent le temps de lire, d'examiner, et même quelques-uns font des consultations auprès de certaines personnes plus expérimentées pour réellement savoir: Est-ce que ça vaut la peine que je signe ce contrat-là?

Mais cette fois-ci, non, il ne sera pas possible de prendre connaissance de ce contrat puisqu'il en a été décidé ainsi et que, de toute façon, le brouillon que nous avons sur le «Rapport du consensus sur la Constitution» du 28 août, M. le Président, n'est même pas signé. C'est assez particulier et singulier lorsqu'on est actuellement à discuter, ici, à Québec, d'un symposium sur la démocratie. Ça m'attriste un peu de voir à quel point il y a un manque de congruence entre certaines façons de dire les choses et de les faire, M. le Président. Et comme il y avait ce symposium et que nous sommes tous invités, en tant que parlementaires, à participer à ce Symposium sur la démocratie, je me suis posé la question et je suis allée regarder, en fait, dans mon dictionnaire, ce que ça voulait dire, la définition du mot «démocratie». Et voilà ce que j'en ai retenu: la définition du mot «démocratie», c'est: exprimer des revendications et les actualiser. Et voilà! En fait, cette doctrine politique reconnaît à l'ensemble d'une population la souveraineté de l'ensemble des citoyens et des citoyennes ou d'un organisme politique. On ne peut pas en dire autant du gouvernement libéral lorsqu'il a eu son congrès, qu'il a pu exercer ses règles démocratiques, cette doctrine politique qui reconnaît la souveraineté de l'ensemble des citoyens ou d'un organisme politique. En tout cas, M. Allaire ne pourrait pas en dire autant, et je suis convaincue que les jeunes libéraux ne pourraient pas en dire autant, M. le Président.

Une voix:...

Mme Vermette: Me dire que je suis... M. le Président, je comprends que certains, pour eux, laisser parler, c'est comme des bénis-oui-oui, mais je pense que les jeunes ne voulaient pas être que des bénis-oui-oui - ni M. Jean Allaire; ils ne voulaient pas parler pour parler, causer pour causer, M. le Président. C'étaient des revendications qu'ils exprimaient et, ces revendications, ils voulaient qu'on les actualise, M. le Président, par le gouvernement qui est là, présent pour aller discuter avec les gens mandatés d'Ottawa et défendre les intérêts de l'ensemble, de la majorité des Québécois et des Québécoises, pour nous, M. le Président. C'était réellement ça, le sens de la démocratie. Ce n'est sûrement pas un exercice de «parlotage», M. le Président, en tout cas, du moins, je l'espère.

Peut-être que d'autres parlementaires, et peut-être que le député de Verdun, c'est la conception qu'il a de la démocratie; je la lui laisse. Et, M. le Président, quand j'entends un bon nombre de députés du côté ministériel nous dire, nous accuser, nous, du côté de cette Chambre, les péquistes, comme ils nous appellent, nous dire que je suis souverainiste, M. le Président, j'en suis tout à fait fort aise et très heureuse. En fait, c'est reconnaître en moi la considération que je porte à la démocratie, c'est-à-dire le respect, pour chaque citoyen, de sa liberté, M. le Président. D'ailleurs, comme je vous l'ai dit tantôt, nous sommes à célébrer la reconnaissance de la démocratie. Nous fêtons le 200e anniversaire de nos institutions démocratiques et, bien sûr, M. le Président, si, actuellement, le débat prend la tournure des oui et des non et que nous devons nous positionner quelque part, c'est notre système parlementaire qui polarise ce débat puisque, dans notre système parlementaire britannique, bien sûr, il y a un gouvernement et une Opposition.

En fait, je vous dirais, M. le Président, en somme, qu'on ne peut pas être à moitié une chose. On ne peut pas être à moitié un Québécois et à moitié un Canadien, pas plus qu'une femme, pour une femme, ne peut être à 80 % enceinte, M. le Président. Tu es enceinte ou tu ne l'es pas, tu es Québécois ou tu ne l'es pas, et tu es Canadien ou tu ne l'es pas. Mais on ne peut pas être un et un autre, M. le Président, on est un tout. Et c'est dans cette intégrité, en fait, que nous devons prendre ce débat et regarder ce débat. Qu'est-ce que, pour nous, ça représente en tant que Québécois, cette définition qui nous représente et qui nous caractérise, M. le Président? Ça ne veut pas dire pour autant que nous n'apprécions pas du tout le reste du Canada, mais chacun a sa définition et chacun a son intégrité, et c'est cette intégrité que nous voulons faire valoir et que nous voulons faire, en fait, reconnaître dans des textes juridiques, M. le Président, qui formeraient l'acte de naissance du Québec et qui lui donneraient sa souveraineté politique, effectivement.

Mais là n'est pas le débat à l'heure actuelle, M. le Président, parce que le gouvernement n'a pas eu le courage d'aller aussi loin, parce que le gouvernement a prétendu que maintenir la société québécoise dans une situation de dépendance est beaucoup plus important pour lui que les favoriser vers des possibilités, vers un futur prometteur ou même inventer l'avenir. Bien sûr, on fait des débats sur le Sénat. C'est beaucoup plus important maintenant de maintenir ce Sénat, qui est un instrument archaïque dans notre système, il faut le dire, et que la majorité des Québécois aussi reconnaît comme étant un élément archaïque du système de nos institutions, M. le Président. (20 h 10)

Quel est donc, M. le Président, cette réalité, pour nous, citoyens, Québécois et Québécoises? En fait, dans cette réalité, dans cette dualité canadienne, quelle est notre réalité à

nous, Québécois, au moment où on se parie, là où nous sommes à l'heure actuelle? En fait, il faut dire les choses telles qu'elles sont. Un Québec cassé en deux: pauvres et riches. Un Québec surtaxé, un Québec endetté, un Québec démotivé, un Québec aussi avec des valeurs positives, un Québec assoiffé de justice et de changement. Et la question qu'un bon nombre de gens se posent encore, c'est: Sommes-nous un peuple fier et capable de maintenir notre survie? Sommes-nous capables de rester maîtres chez nous? Avons-nous cette possibilité? Par ces ententes, M. le Président, sommes-nous capables de nous donner cette possibilité de sortir du giron de la peur, de la dépendance face à ces ententes?

Certains discours, que j'ai entendus, nous disaient: Vous savez, le Canada, c'est là qu'est la meilleure qualité de vie. Donc, quand on me dit qu'au Canada on a la meilleure qualité de vie, il faut regarder les standards par rapport à d'autres pays industrialisés, et on en prend pour son rhume. Quand on regarde, à l'heure actuelle, le taux d'endettement, près de 500 000 000 000 $ pour le Canada, lorsqu'on regarde le chômage, il y a plus de 1 000 000 de chômeurs au Canada, et que, finalement, au Québec, ça se compose d'assistés sociaux, 50 000 de plus qui s'ajoutaient dernièrement, quand on regarde aussi les différentes possibilités pour nos jeunes quand on leur offre tout simplement de la part du fédéral dans ces partages de pouvoirs au niveau de la main-d'oeuvre... ce sont des articles 25, des PDE, je n'ai rien contre, mais quand on ne donne que ça comme possibilité, comme futur pour des jeunes pour se maintenir, pour mettre à profit les études qu'ils ont faites, eh bien! M. le Président, je ne pense pas que c'est un avenir des plus prometteurs et, quoiqu'on en dise, ces ententes n'apportent pas nécessairement le bonheur, n'apportent pas nécessairement la stabilité économique, la prospérité économique, cette qualité de vie qu'on souhaite à tous et à toutes. Non, M. le Président. Je ne pense pas que ces ententes puissent apporter à la majorité des Québécois et des Québécoises tout ce qu'on essaie de faire miroiter, de l'autre côté.

Peut-on se permettre un autre avenir qu'en dehors des aspects négatifs d'un système fédéral corrompu, sclérosé et égoïste? Ce sont des questions qu'il faut se poser et auxquelles l'ensemble de la population du Québec, par le référendum qui lui sera tenu dans les prochaines semaines, aura à se questionner et à se donner les réponses. Peut-on se permettre un autre avenir qu'en dehors des aspects négatifs d'un système corrompu, d'un système sclérosé et égoïste, tel que le gouvernement central du fédéral, un gouvernement centralisateur, plus fort que jamais? La vision du Canada anglais et, on le sait fort bien, parce que le 7 juillet... la base de cette question qui sera posée à l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec et à l'ensemble du reste du Canada, en fait, cette entente du 28 août ou ces propositions, parce que c'est beaucoup trop de dire une entente... Il n'y en a pas d'entente, ce n'est pas signé. Ce sont des propositions et ces propositions qui ne font que perdurer, en fait, les négociations.

On l'a vu aujourd'hui, à la période de questions, il n'y a pas un ministre qui ne nous a pas répondu aujourd'hui par l'affirmative qu'ils devront retourner négocier, que rien n'est arrêté, mais, au contraire, que ce n'est que le recommencement perpétuel. C'est tout simplement reconnaître des négociations à perpétuité. C'est ce que nous a dit l'ensemble des ministres qui ont été questionnés aujourd'hui face à cette entente. Donc, il n'y a rien de conclu.

Et même, j'écoutais tantôt la députée de Châteauguay qui a répété à plusieurs reprises, peut-être à 11 reprises dans son discours, que tout ça, cette entente, c'était pour maintenir les acquis. Donc, quand on nous dit que les ententes... qu'ils sont allés chercher quelque chose de nouveau, de nouveaux pouvoirs pour le Québec, eh bien! en quelque part, je ne le sais pas, mais quand quelqu'un du gouvernement et du côté ministériel répète à 11 reprises que c'est pour conserver les acquis, bien, je considère que quelque part, effectivement, il y en a qui ont l'honnêteté de dire exactement les choses telles qu'elles sont. Ça, on peut l'apprécier pour ça, M. le Président. Mais il faut vraiment regarder les choses telles qu'elles sont: C'est préserver des acquis, ce ne sont pas de nouveaux pouvoirs pour les Québécois et les Québécoises.

Alors, quels sont les avantages du système fédéral et de ces ententes fédérales? Quels sont les avantages de ce système? Des disparités entre les riches et les pauvres? Des disparités entre ceux qui ont accès à l'instruction et au savoir? Et les autres? Il faut en parier, M. le Président. Les programmes; en fait, les programmes de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Un fossé de plus en plus large entre les droits et les devoirs, les privilèges et les responsabilités, la contradiction entre la croissance économique et la qualité de vie, c'est ça les ententes qui nous sont proposées actuellement. Il faudra, en tant que peuple, se positionner là-dessus.

Face à ces menaces, nous devons, et je le dis, ensemble trouver des solutions à nos problèmes de développement. C'est-à-dire que, en tant que Québécois et Québécoises, nous devons trouver ces solutions à nos problèmes de pauvreté et d'inégalité par le plein emploi, l'accessibilité au savoir, par des programmes de formation professionnelle et de main-d'oeuvre, par la possibilité de devenir des entrepreneurs de PME.

À ce moment-ci, je m'adresse plus particulièrement aux femmes parce qu'on sait très bien, M. le Président, que la majorité des petites PME, ce sont des femmes qui sont à la tête de ces entreprises. Est-ce que, oui, nous trouvons

dans ces ententes tous les éléments, tout le coffre à outils, comme on se plaît à le dire, pour permettre cette réalisation-là? Il y a des pistes qui sont à suivre. Est-ce que nous pourrons, finalement, nous donner le goût de passer à l'action? Ces solutions ne pourront venir que sur des structures gouvernementales, mais elles ne naîtront que de nos décisions que nous pourrons prendre quotidiennement par les citoyens et citoyennes du Québec, par notre engagement à vouloir bâtir un avenir qui accepte que les motivations du comportement humain peuvent changer en quelque chose de positif.

Dans cette démarche de la liberté, de la démocratie et de la souveraineté, il faut avoir l'honnêteté d'accepter pour chacun de nous qu'il n'y a pas de privilège sans responsabilité, que la solidarité représente notre survie. Il faut qu'on prenne en main notre potentiel créatif et notre capacité d'adaptabilité pour affronter nos problèmes collectifs. Non, il n'y a pas eu d'effusion de sang quand le mur de Berlin est tombé. La démocratie a toujours été préférée par les peuples du monde entier. C'est à notre tour, hommes et femmes, citoyens et citoyennes du Québec de dire non à la médiocrité et de reconnaître le respect de notre liberté, M. le Président.

Avant de terminer, j'aimerais souligner un passage qui m'est très à coeur, celui de la toxicomanie. Est-ce que par ces ententes du fédéral, où nous sommes toujours dans les programmes conjoints... Nous sommes toujours les perdants de ces échanges. Notamment, je lisais un passage... Parce que nous n'avions pas, en fait, les sommes d'argent pour mettre en pratique des programmes de prévention, parce que ce sont maintenant des grands programmes nationaux, nous n'avons plus droit à nos programmes à nous. Nous sommes, en fait, submergés par ces programmes nationaux. Et le ministre de la Santé et des Services sociaux de dire: II est clair qu'en renouvelant l'entente, le fédéral n'a pas entendu nos propositions. Une des difficultés que nous avons, c'est que le Québec est toujours en avance, dans ce cas-là comme dans d'autres, et qu'on développe des choses assez extraordinaires qui, par la suite, sont récupérées en bonne partie par le gouvernement fédéral pour l'étendre à l'ensemble du Canada. Dans ce cas-là, on est un peu - disons-le, encore une fois, pour un fédéraliste ébranlé - victime de ce système-là. Ce n'est pas moi, mais c'est bien les propos du ministre Marc-Yvan Côté, ministre de la Santé et des Services sociaux. Quant à nous, nos revendications vont dans le sens que nous devrions réussir à nous entendre avec le fédéral pour inclure la prévention et nous permettre, avec ces sommes, de toujours être en avant, en respectant ce qu'on a fait dans le passé avec nos propres deniers. (20 h 20)

M. le Président, on s'aperçoit que ça n'est pas toujours le cas et que c'est très difficile, quant à nous, pour mettre de l'avant nos propres programmes du Québec, parce que, en fait, dans ces ententes fédérales-provinciales, M. le Président, nous sommes les grands perdants et nous devons nous soumettre à la volonté de l'ensemble canadien. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire. Je reconnais et cède la parole à M. l'adjoint parlementaire de M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et député de Salaber-ry-Soulanges. M. le député, la parole est à vous.

M. Serge Marcil

M. Marcil: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense que, si on analyse froidement ce qui se passe présentement au Québec et au Canada, tout le monde est d'accord pour dire que nous avons une entente qui est supérieure à ce que le Québec avait obtenu par le lac Meech. Tellement, M. le Président, ces gains importants, qui avaient été acquis par les négociations du lac Meech, ont fait presque l'unanimité des Québécois et des Québécoises. On sait que plus de 70 % des Québécois auraient voté en faveur de l'accord du lac Meech, sauf que, malheureusement, comme toute négociation, il y a eu un bris dans la négociation. Certaines provinces n'ont pas su mener à bien le dossier. À ce moment-là, au-delà de 98 % des Québécois et des Québécoises étaient déçus de cet échec.

Aujourd'hui, nous avons enfin une entente, une entente qui dépasse toutes les aspirations et tous les gains que nous avions obtenus par le lac Meech, et cela, à tous les niveaux, que ce soit au niveau de la reconnaissance du Québec en termes de société distincte, au niveau également de la nomination des juges à la Cour suprême, également au niveau aussi des droits de veto que le Québec est allé récupérer - droits de veto qui avaient été laissés sur la table par l'ancien gouvernement péquiste - la garantie de 25 % des députés à la Chambre des communes, et j'en passe, parce que je n'ai pas l'intention de faire la liste de tous les gains que le Québec a réussi à obtenir par le biais de cette négociation.

Donc, si la majorité de la population du Québec était en faveur de Meech, la logique veut aujourd'hui que la majorité de la population des Québécois devrait être en faveur de l'entente qu'on a sur la table présentement, parce que c'est plus que Meech. J'ai participé à la commission parlementaire sur les offres et j'en sors présentement, et tous les spécialistes qui sont venus en commission parlementaire, tous, autant ceux qui s'affirmaient même... Parce qu'on en a eu une cet après-midi, qui a dit au départ - un professeur en droit constitutionnel: Moi, je suis

une indépendantiste. Donc, quelle objectivité pour analyser l'entente! Elle est arrivée comme ça, droit comme ça.

Même elle, tous ceux et celles qui sont venus en commission parlementaire, aucun des spécialistes n'a nié que l'entente actuelle était moins que Meech. Tout le monde a dit: Bien, c'est Meech plus. Ils peuvent être d'accord avec ou ne pas être d'accord avec. Donc, dans le fond, la majorité de la population, comme ils étaient en faveur de Meech, doit être normalement en faveur de cette nouvelle entente qui fait en sorte que le Québec obtient des gains substantiels par rapport à Meech. Sauf que, comment l'expliquer à la population? Les textes de l'entente sont très précis, parce qu'on en a des textes. Ils sont assez suffisamment détaillés pour expliquer clairement à la population les enjeux de cette entente.

On voudrait que la population donne son accord de principe à cette entente. Comme disait mon collègue de Louis-Hébert, cet après-midi, il est certain que par le référendum, qui est une consultation populaire, on va chercher l'opinion de la population sur un sujet donné. Il est certain qu'au bout de la ligne l'Assemblée nationale aura son mot à dire quant à la ratification finale de cette entente. Mais comment l'Opposition, elle, va-t-elle intervenir dans le débat, sachant que cette entente est supérieure à Meech, donc, que la majorité de la population devrait normalement l'endosser? Pour eux autres, c'est tout un problème, parce que discuter de l'entente, ça leur fait mal parce qu'ils savent que Meech a été dépassé par cette nouvelle entente. Donc, comment pensez-vous que l'Opposition va s'y prendre? C'est simple, on les a entendus depuis quelques jours, ils vont vouloir amener le débat sur les textes juridiques. Là, ils vont dire, ils vont faire accroire au monde: On n'a pas de textes juridiques, donc, vous ne pouvez pas vous prononcer sur l'entente. Ça va n'être que cela, leur débat, sachant qu'il ne faut pas que l'entente passe, parce que c'est quasiment la fin de cette formation politique, sachant que leur objectif majeur est l'indépendance du Québec. Donc, pendant cette campagne référendaire, on va entendre ces indépendantistes cagoules, parce qu'ils n'oseront jamais dire qu'ils sont indépendantistes pendant le débat référendaire. Il ne faut pas en parler, ce n'est pas le temps parce que le monde n'aime pas ça, et je vais le démontrer tantôt, je vais démontrer quelle a été l'évolution des Québécois et des Québécoises versus leur option. Donc, avec leurs cagoules, ils vont se promener sur la place publique pour dire aux gens: II n'y a pas de textes juridiques, donc, vous allez vous faire fourvoyer par cette entente. On va entendre des discours à droite et à gauche, des mensonges, toutes sortes de bobards, c'est ça qu'on va entendre de la part de ces gens-là, parce qu'ils ne peuvent absolument pas s'accrocher à autre chose que des paroles en l'air.

Une voix:...

M. Marcil: Oui, on va vous parler de votre lâcheté, vous, tantôt... Dans le fond, la population va avoir à se prononcer sur deux choses... Dans le fond, sur une chose. L'entente, pour elle, c'est fait. Ils ont compris Meech, ils comprennent aujourd'hui l'entente et on va faire en sorte de bien leur expliquer et on ne rentrera pas dans les détails, dans les virgules, on va laisser ça aux avocats. Ce qu'il va falloir savoir, pour la population, c'est: Est-ce au Parti québécois de Jacques Parizeau, dont la position constitutionnelle a toujours été nébuleuse, qu'il faut confier la responsabilité de négocier des ententes comme ça ou bien est-ce au Parti libéral de Robert Bourassa de mener à bien ce dossier? Ça va être sûrement la crédibilité de Jacques Parizeau, chef de l'Opposition, député de L'Assomption, versus la crédibilité de Robert Bourassa, premier ministre du Québec de 1970 à 1976 et de 1985 à aujourd'hui. Et, lorsqu'on analyse les sondages sur la crédibilité des chefs, on sait qu'au Québec c'est toujours le même qui l'emporte, c'est Robert Bourassa. Et le chef de l'Opposition n'est même pas deuxième. Aujourd'hui, je pense que Mario Dumont ou Jean Allaire sont plus populaires, ont plus de crédibilité que le chef de l'Opposition.

Le Parti libéral du Québec, on sait que c'est une formation qui existe depuis le début de la Constitution canadienne. Ce n'est pas un nouveau parti, c'est un parti qui existe depuis le début de la Fédération canadienne. C'est un parti qui a toujours été capable de suivre l'évolution du monde contemporain. C'est un parti qui a toujours su s'adapter aux besoins du moment, c'est un parti qui a toujours vu, dans l'avenir, des choses intéressantes pour le peuple québécois. Et on a seulement à penser à toute cette révolution qui s'est passée au Québec, dans les années soixante, de 1960 à 1976. On a eu un petit moment, un petit «black-out», comme on dit, mais aujourd'hui on continue.

Sachant aussi que l'autre formation a été fondée par René Lévesque, ex-député libéral - c'est lui qui a formé le Parti québécois, c'est lui, dans le fond, qui les a mis au monde; c'est exactement ça - et que l'objectif était la souveraineté-association, maintenant, on va voir quelle a été l'évolution de ce parti depuis sa création. On s'est toujours dit, pour le monde, le Parti québécois, c'est un parti souverainiste. Mais est-ce que c'a toujours été un parti souverainiste ou bien si ça a été un parti opportuniste? C'est un petit peu ça. Dans l'Opposition, on est des séparatistes; quand on prend le pouvoir, on ne parle plus de séparation, on parle de négociations constitutionnelles, parce que, dans les faits, c'est exactement ça qui s'est produit. (20 h 30)

Vous savez qu'en 1980 ce parti politique a décidé d'aller consulter - imaginez-vous, il faut le faire - la population du Québec pour lui demander l'autorisation de négocier avec le gouvernement fédéral, même pas un État souverain - on ne voyait même pas ça dans la question, qui avait au-delà de 120 mots - mais pour demander l'autorisation d'aller négocier. Nous donnez-vous la permission d'aller négocier quelque chose avec le fédéral? C'est un petit peu ça.

Moi, j'ai toujours pensé qu'un gouvernement avait la légitimité, étant élu démocratiquement par la population, de poser des gestes concrets, d'aller négocier avec ses vis-à-vis. Moi, je pense que c'est le rôle d'un gouvernement également. Donc, eux, ils ont, imaginez-vous, reviré le Québec à l'envers pour demander l'autorisation d'aller négocier. C'est comme moi, lorsque j'étais directeur d'école, s'il avait fallu que je téléphone aux commissaires pour leur demander: Je «peux-tu» avoir l'autorisation pour faire rentrer les élèves le 7 septembre? Moi, j'ai toujours pensé que le calendrier scolaire était connu. Donc, je le savais que, le 7 septembre, la décision était prise et qu'il fallait que les gens rentrent. Donc, il fallait qu'ils soient organisés. C'est aussi simple que ça. C'est une question de rôle et de responsabilité. Donc, on a connu les résultats: 60 % des gens ont dit non, on ne vous donne pas l'autorisation; 60 % des gens ont dit non; 40 % ont dit oui.

Ça a été aussi les négociations de 1982. Les gens sont revenus encore les poches vides. Et là il y a eu un miracle qui s'est produit au Québec, au Canada: le Parti conservateur a pris le pouvoir. Et là on revoit, à un moment donné, un changement d'orientation à l'intérieur de la formation du Parti québécois. On décide de jouer le beau risque et on dépose un document; c'est un document gouvernemental, le livre bleu du gouvernement péquiste, à l'époque, et on a dit: Nous autres, on va s'asseoir avec le gouvernement fédéral et les autres et on va étudier des propositions d'amendements à la Constitution. Des choses comme: «Que la Constitution reconnaisse au Québec le droit exclusif de déterminer sa langue officielle et de légiférer sur toute matière linguistique.» C'est ce qu'on fait présentement. On a ce pouvoir-là. «Que le Québec garantisse le droit de la minorité anglophone à ses institutions culturelles et éducatives ainsi qu'à la réception dans sa langue des soins de santé et des services sociaux.» On l'a réalisé par la Loi 142. «Que la Charte de la langue française soit modifiée pour garantir l'accès à l'école anglaise aux enfants de ceux qui ont reçu leur instruction primaire en anglais au Canada, peu importe leur nombre.» C'est le gouvernement péquiste, ça, qui a fait ça. Là, je pourrais vous en énumérer: les juges de la Cour suprême, qu'il y en ait trois qui viennent du Québec et nommés à partir des suggestions du gouvernement du

Québec. Mais c'est tout ça qu'on retrouve dans l'entente qu'on a présentement. C'est exactement tout ça.

Mais qu'est-il arrivé? Ah! Là, il y a eu des purs dans ce parti-là qui ont dit: Nous autres, on démissionne parce que ce n'est pas ça. Les Lazure, les Léonard, les Parizeau ont tous sacré le camp. Ils ont laissé leur chef, qui les avait mis au monde, se débrouiller avec tout ça. Mais il y a d'autres députés qui sont là présentement, qui étaient là à l'époque de M. Lévesque. Les députés d'Abitibi, de Lac-Saint-Jean, le député de Joliette également. Est-ce que ces gens-là étaient là par solidarité pour leur chef, ou bien s'ils voyaient que des postes de ministre s'ouvraient et qu'à un moment donné ils ont dit: On va rester là, c'est nous autres qui allons les prendre? Étaient-ils là réellement par loyauté ou par intérêt? C'est ça qu'on appelle un parti opportuniste. Mais, là, M. Lévesque est parti. Et M. Lévesque, il faut le dire, il faut lui rendre hommage, parce qu'il y a deux premiers ministres que j'ai connus au Québec, deux grands démocrates que j'ai connus au Québec, des gens qui ont toujours pensé aux intérêts supérieurs de la nation avant de penser à leurs intérêts personnels, c'est René Lévesque et Robert Bourassa. C'est les deux que j'ai connus dans ce sens-là. Ils ont toujours mis de côté leurs intérêts personnels pour le bien de la population. Donc, il a compris, à l'époque, M. Lévesque, qu'il fallait négocier avec le fédéral parce qu'il savait que le Québec ne voulait pas une rupture avec le gouvernement fédéral, avec le reste du Canada. Mais là on a mis tellement de pression sur lui qu'il a été obligé de quitter. On l'a remplacé par un autre, un autre du groupe. Pierre Marc Johnson, député d'Anjou à l'époque, est arrivé comme chef du gouvernement. Mais les purs et durs, eux autres, étaient bien contents, parce que l'autre chef était parti. Mais quel fut le malheur d'entendre l'affirmation nationale de Pierre Marc Johnson? Mais, là, ça n'a plus marché dans la shop. Ça n'a plus marché dans la shop. Et ceux qui étaient là à l'époque de Pierre Marc Johnson, qui sont encore là aujourd'hui, l'applaudissaient. Ils se sont arrangés pour que lui aussi s'en aille. Là ils sont revenus, puis ils ont dit: Pour nous autres, le Parti québécois, son objectif premier, c'est l'indépendance du Québec. Donc, on va faire un congrès à la chefferie, puis on va élire un vrai, un vrai indépendantiste. C'est ce qui est arrivé.

Pendant tout ce temps-là...

Une voix: Jack est prêt, lui.

M. Marcil: ...on a pris le pouvoir, en 1985, on s'est mis à la table pour négocier, parce qu'il fallait négocier. On avait des erreurs à corriger, des erreurs de 1980, de 1982. On est arrivés avec une entente qui a été crucifiée sur la place publique par l'Opposition péquiste, puis, lorsque

ça a foiré, tout le monde était triste, même l'Opposition. Elle a dit: «C'est-u» de valeur, les Anglais ne veulent même pas nous donner Meech! Puis ils ont combattu Meech. Vous allez voir la cohérence.

On a continué à négocier. On a fait la commission Bélanger-Campeau, on est arrivés à la conclusion qu'il fallait attendre des offres du gouvernement fédéral. C'est ça, la conclusion de Bélanger-Campeau. En attendant, on a mis deux commissions sur pied. On a créé la loi 150, puis on a donné une date précise, le 26 octobre 1992, pour aller consulter la population sur la souveraineté du Québec, n'ayant pas d'offres. C'était ça, l'esprit de la loi. Mais là ça a été le débat en Chambre, par l'Opposition, contre la loi 150. Ça a été ça. Ils ont même enclenché le processus de signatures de pétitions pour exiger que le gouvernement du Québec fasse le référendum sur la souveraineté.

Malheureusement, on va faire le référendum le 26 octobre, tel que prévu dans la loi, et on va le faire sur une entente qui a été conclue entre les premiers ministres. Mais là ces gens d'en face se disent: Aïe! Si on s'en va sur la place publique... Parce qu'ils réclamaient un référendum sur la souveraineté. Mais vous l'avez, dans le fond, le référendum sur la souveraineté. Si vous voulez la jouer, votre bataille sur la souveraineté du Québec, venez dans la rue, venez dans la rue, puis venez faire votre campagne référendaire sur la souveraineté. Allez dire à la population: Votez non à l'entente, et puis nous allons faire la souveraineté avec vous.

C'est ça, le discours que vous devriez tenir! Aïe! Bien non, aïe! Ils ont trop peur, parce que vous savez que, en tenant ce discours-là, vous le savez, que la population va voter encore contre vous autres. Imaginez-vous, ils ne vous ont même pas donné la permission de négocier quoi que ce soit. Pensez-vous qu'ils vont aller voter pour le Parti québécois pour faire la souveraineté?

Une voix: L'indépendance.

M. Marcil: Voyons donc! Vous allez vous promener avec vos cagoules, encore, vous ne parlerez jamais de séparation. C'est ce qu'on appelle, dans notre langage, chez nous, des lâches, des gens qui ont un objectif mais qui n'osent pas le mettre sur la place publique puis le défendre. C'est exactement ça.

Donc, M. le Président, c'est malheureux parce que ces gens-là ont fait croire des choses, ont fait rêver des Québécois et des Québécoises. Ils ont amené des gens dans une situation des jeunes, au Québec, des jeunes filles, des jeunes garçons, des adultes - où on leur a fait accroire que le Québec pouvait être souverain, être séparé du reste du Canada. On leur a fait accroire que, en étant séparé du reste du Canada, on n'aura plus de chômage au Québec, on n'aura plus d'assistés sociaux au Québec, il va y avoir beaucoup plus de jobs. On va avoir un système d'éducation «A one». C'est ça qu'on a fait accroire. On s'est dit qu'on va être capables de vivre ensemble. Mais ils n'ont jamais expliqué comment ils la feraient, l'indépendance. Si demain matin vous aviez le mandat de faire l'indépendance... Parce qu'il faut dire que l'Assemblée nationale est souveraine. Elle pourrait déposer une motion puis dire: Dans deux mois, à telle heure, le Québec est souverain, puis on va aller en consultation publique sur ça. On aurait pu le faire, l'Assemblée peut le faire. On n'est pas obligés de le négocier dans une entente. La preuve, on l'a fait avec le référendum de 1980, puis on prend encore la décision avec le référendum du 26 octobre. On pourrait prendre cette décision-là.

Bien non. Ce n'est pas ça qu'on va faire, encore. On va se cacher. Le problème, c'est que vous allez avoir à faire face à des gens qui ne sont pas dupes. Il ne faut pas prendre la population du Québec pour des gens qui sont ignorants. C'est ça que vous pensez. C'est ça que vous pensez qu'ils sont, sauf que vous allez avoir du monde devant vous qui va expliquer, qui va donner la vérité à la population, qui va être capable d'expliquer à la population du Québec que le Québec, présentement, a sa souveraineté, a son autonomie, qu'il a décidé de partager avec des partenaires canadiens parce qu'on a décidé de vivre dans un marché commun canadien. C'est ça, notre position, puis elle a toujours été la même. Ce n'est pas ce qu'on peut dire de vous autres, par exemple. (20 h 40)

C'est malheureux, M. le Président, dans un débat aussi sérieux pour l'avenir des Québécois et des Québécoises, de voir des gens qui n'osent pas faire l'analyse objective de la situation, qui n'osent pas faire l'analyse objective, non plus, de l'entente qui a été conclue entre le premier ministre du Canada et les premiers ministres des provinces. Ça pourrait être un beau débat si on pouvait permettre, au moins à la population, de façon objective, de faire un choix qui assurerait son avenir, puis ça pourrait régler un problème de crise constitutionnelle qui existe déjà depuis 25 ans, 30 ans au Québec et au Canada. En 1992, avec tous les défis qu'on a à relever, avec tous les défis que le Canada, que le Québec a à relever, que la planète même a à relever, je pense qu'on n'a plus de temps à gaspiller et à perdre dans des débats futiles, des débats constitutionnels. Donc, mon message à la population: Je vous invite à bien écouter les gens. N'entrez pas dans les détails, allez uniquement au niveau de l'accord de principe, et je peux vous garantir que, pour les Québécois et les Québécoises, c'est un avenir prospère qu'on vous annonce. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Salaberry-Soulanges. Alors, nous

poursuivons le débat sur la question référendaire, et je reconnais M. le président du caucus du parti du gouvernement et député de Sauvé. M. le député, la parole est à vous.

M. Marcel Parent

M. Parent: Alors, M. le Président, j'apprécie grandement la possibilité qui m'est donnée de m'adresser à mes collègues de l'Assemblée nationale dans le cadre de ce débat sur la question référendaire. Il s'agit d'une occasion historique d'exprimer mes vues sur les propositions intervenues entre les premiers ministres, le 28 août dernier, et ce, ainsi qu'il apparaît à la question que nous avons devant nous.

Lorsque j'ai été élu député, M. le Président, j'avais la conviction - et je l'ai encore - que mon devoir était de défendre les idées des gens qui m'avaient élu, de tâcher de les représenter de la façon la plus honnête possible à l'Assemblée nationale et, aussi, de tâcher de les éclairer, de leur dire ma perception de la chose politique, parce que si mon devoir est de bien les représenter, je pense que mon devoir est aussi de leur faire connaître mes idées, de leur faire connaître ce en quoi je crois. À l'occasion d'un débat comme celui que nous vivons actuellement, je pense que c'est un moment historique, comme je le disais il y a quelques instants, et que l'on doit prendre tout le temps possible pour tâcher d'expliquer à nos commettants l'enjeu du prochain référendum, l'enjeu de voter oui ou de voter non.

Tout au long des minutes qui vont suivre, M. le Président, je me propose de faire ressortir et de faire valoir les mérites de l'entente constitutionnelle intervenue entre les premiers ministres canadiens. Mon intention est de faire cette démonstration en illustrant une dimension particulière de l'entente. Il s'agit principalement de l'ouverture aux autres dans le contexte qui est celui d'aujourd'hui, celui de la population québécoise, celui qui a toujours caractérisé le Parti libéral.

Notre société, c'est maintenant un fait, est une société de langue et de culture françaises; elle partage avec les sociétés industrielles contemporaines les valeurs des sociétés modernes, telles le pluralisme, la démocratie et la liberté d'expression. Notre société, c'est également une entité sociopolitique dans laquelle on retrouve une communauté anglophone, qui a joué un rôle et qui joue encore un rôle important et appréciable dans la prospérité et le développement du Québec. On constate également, comme on le sait, la présence d'une diversité de plus en plus grande de gens de tous les horizons et de tous les pays. Notre société, c'est aussi celle composée des peuples autochtones.

M. le Président, la société dans laquelle je vis, c'est celle d'aujourd'hui, c'est celle du siècle qui s'achève, et que l'on soit nostalgique ou non, la société québécoise est actuellement multiple et diverse dans sa composition. Elle n'est plus celle du «Temps d'une paix», elle n'a plus son homogénéité d'hier; elle bénéficie des apports et des contributions, porteurs à tous les niveaux, d'une richesse humaine de développement. La population québécoise, elle est formée de nouveaux Québécois, de nouveaux Canadiens, qui nous viennent de tous les pays du monde, et qui nous amènent leur culture, leur richesse, leur langue, leurs coutumes. L'entente qui a été signée par les premiers ministres, le 28 août dernier, est une entente qui nous donne des droits dans le domaine de l'immigration pour accueillir encore d'une façon beaucoup plus concrète, ces nouveaux Québécois.

M. le Président, le comportement de notre formation politique vis-à-vis de ces apports, ces contributions à la diversité, c'est l'ouverture et non la fermeture, comme c'est le cas souvent, malheureusement, chez nos adversaires. Nous, notre attitude en est une d'ouverture, et l'ouverture, c'est éviter de diviser la population et, ainsi, renforcer la solidarité des Québécoises et des Québécois, quels qu'ils soient.

La solidarité dont il est question ici, c'est une solidarité qui inclut toutes et tous à l'intérieur de notre société. Par la même occasion, il s'agit d'une solidarité qui refuse l'exclusion de la multitude et de la diversité. C'est donc une solidarité d'inclusion et elle est explicite dans l'entente constitutionnelle intervenue à Charlottetown, le 28 août dernier. Elle se manifeste, dans cette entente, d'abord au niveau des droits linguistiques.

Selon les députés de l'Opposition, la société québécoise cesserait, avec cette entente, d'être française. Ils le crient sur tous les toits. Ils l'affichent à la devanture des édifices dans la région de Montréal. Eh bien non, M. le Président, la responsabilité linguistique du Parlement québécois est conservée et protégée. Ce n'est rien de moins que de la désinformation que de prétendre le contraire, comme se plaisent à le faire les ténors de l'Opposition péquiste dans cette campagne référendaire. Oui, il est erroné de soutenir, comme le font nos adversaires actuellement, que les pouvoirs linguistiques du Parlement québécois sont touchés par cette entente. Au contraire, ils ne sont pas touchés, ils sont préservés, voire même augmentés.

M. le Président, revenons à cet esprit d'ouverture auquel je faisais allusion, il y a quelques instants, esprit d'ouverture présent et explicite dans l'entente constitutionnelle et également explicite au niveau de la reconnaissance de l'apport unique des Québécois et des Québécoises anglophones au niveau de la société québécoise. Le Québec a reconnu l'apport singulier et unique de la communauté anglophone et des citoyens qui la composent. Il continuera de le faire, comme le fait le gouvernement libéral depuis 1985. Sa contribution appartient à l'héritage historique de la

société québécoise.

Cet esprit d'ouverture est aussi présent dans cette entente au niveau de l'immigration. Le Québec, qui accueille déjà des immigrants, continuera de le faire, mais il le fera avec des ententes qui seront constitutionnalisées. Avec des ententes sur l'immigration, le Québec se voit octroyer de nouveaux pouvoirs sur la sélection des immigrants et leur intégration économique, sociale et linguistique. Donc, avec cette entente, l'immigration sera au service de la société québécoise et de son développement économique et humain. L'immigration sera au service d'un Québec contemporain. Nous avons là, une fois de plus, l'occasion de réaliser la présence explicite de l'exprit d'ouverture de l'entente constitutionnelle.

Elle est aussi explicite dans cette entente sur les questions relatives aux peuples autochtones. Je l'ai déjà évoqué. Comme vous le savez, M. le Président, le Québec a sur son territoire des peuples autochtones qu'il est de notre devoir d'associer au développement du Québec contemporain et à son progrès. Au rang de ces droits, il y a évidemment celui de l'autonomie gouvernementale. Ce droit est maintenant reconnu dans l'entente du 28 août. L'accord signé par les premiers ministres prévoit aussi que des ententes librement négociées serviront à définir le rapport entre le gouvernement du Québec et les peuples autochtones. Or, il est donc erroné d'affirmer, de prétendre, tout comme le fait l'Opposition officielle depuis quelques jours dans cette Chambre, que ce sont les tribunaux qui auront désormais la mission de définir la juridiction du nouveau palier de gouvernement.

En outre, il est de première importance de rappeler que, dans cette entente, l'intégrité du territoire québécois n'est pas menacée. Au contraire, elle est conservée et préservée. De plus, on doit également ajouter que les lois canadiennes et québécoises relativement à la paix, au bon gouvernement et à l'ordre seront protégées. Ainsi, dans le cas des peuples autochtones, nous sommes, encore une fois, à même de constater la présence explicite de cet esprit d'ouverture qui a toujours caractérisé le parti politique que je représente. (20 h 50)

Cette fois, on l'a constaté à l'endroit des femmes et des hommes qui sont des descendants de ceux et celles qui occupaient avant nous ce territoire sur lequel vit notre population aujourd'hui. En outre, cette ouverture à l'égard des peuples autochtones qui vivent chez nous, au Québec ou ailleurs au Canada, témoigne de notre volonté d'opérer une réconciliation avec l'histoire. Cette attitude n'est pas celle de nos adversaires. Malheureusement, nous avons préféré, nous, la négociation avec les peuples autochtones plutôt que l'affrontememt, comme le suggérait le chef de l'Opposition officielle à l'occasion des événements qui ont entouré ce que l'on appelle tristement la crise d'Oka. Depuis ce temps, on aurait cru que le chef de l'Opposition officielle aurait modifié ses vues; malheureusement, il n'en est rien. Il demeure obstiné face à sa position envers les autochtones, comme nous avons eu l'occasion de le constater au cours de ce débat. On a même l'impression qu'il reproche aux autochtones d'avoir eux aussi fait des gains avec cette entente constitutionnelle. Eh bien, s'ils en ont fait, tant mieux, M. le Président, parce que l'entente constitutionnelle, elle est faite pour améliorer le sort de tous les Canadiens. Et si les Québécois peuvent en retirer un profit et si les autochtones peuvent en tirer profit, je pense que ça prouve que l'entente a été bien gérée, que notre cheminement à l'intérieur de nos négociations a été réellement concret.

Comme vous l'avez constaté, j'ai tenté, tout au long des minutes qui ont précédé, de mettre en lumière le caractère explicite de notre esprit d'ouverture à l'endroit de la diversité qui caractérise la société québécoise actuelle et qui caractérisera celle de demain. Cet esprit d'ouverture caractérise davantage notre formation politique, vous le savez, beaucoup plus que celle de nos adversaires. Pour qualifier l'esprit de nos adversaires, l'expression «fermeture» conviendrait sans doute parfaitement. Notre parti politique, notre formation politique est l'unique formation siégeant ici à pouvoir dire fièrement qu'elle représente des composantes de l'ensemble de la société. Nos adversaires ne peuvent pas en dire autant. Au contraire, ils ont préféré la voie de la fermeture à celle de l'ouverture. L'esprit libéral habite notre formation politique et je suis grandement honoré d'appartenir à la formation politique qui permet aux femmes et aux hommes de se confronter aux défis de leur temps, y compris celui de l'ouverture qui est sans conteste l'un des plus importants de notre époque.

En conclusion, M. le Président, je suis certain, j'ai la profonde certitude que la population dira oui à cet esprit d'ouverture explicite dans l'entente constitutionnelle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Sauvé, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire. Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, suite à une entente intervenue avec le leader parlementaire de l'Opposition, il a été convenu que, même si mon collègue doit dépasser 21 heures, son intervention pourra se poursuivre jusqu'à complément.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a eu entente?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va. Il y a eu une entente. M. le leader de l'Opposition officielle me souligne qu'effectivement il y a eu une entente. Alors, je reconnais, sur ce débat, M. le ministre délégué à la Francophonie.

M. Guy Rivard

M. Rivard: Je vous remercie, M. le Président. Ce moment est historique. Je suis fier de le vivre et je suis fier de m'adresser non seulement à cette Assemblée nationale, mais aussi aux citoyens du comté de Rosemont que j'ai l'honneur de représenter depuis 1985. Je vais aller droit au but: Je suis d'accord avec la formulation de la question référendaire et je défendrai l'entente constitutionnelle avec ferveur, avec fierté et avec une confiance inébranlable dans l'avenir du Québec et du Canada.

Au cours des prochaines semaines, nous analyserons les détails de cette entente et nous saurons démontrer à la population québécoise les gains appréciables et réels qu'elle représente pour le Québec. En effet, nous avons devant nous une entente visiblement conclue dans l'honneur et le réalisme, pour reprendre les mots de l'éditorialiste Alain Dubuc de La Presse.

À la lecture de cette entente, je suis pleinement rassuré quant à la protection de ces caractéristiques qui font du Québec une société réellement distincte et je vois que l'intérêt supérieur du Québec a vraiment guidé ceux qui sont allés se mettre d'accord entre Canadiens quant à la façon dont nous pourrons continuer à nous développer ensemble. Au cours des prochaines semaines, nous nous emploierons donc à bien expliquer ces gains. Nous ferons appel à l'intelligence de la population du Québec et, le 26 octobre prochain, non seulement le Québec dira-t-il son oui, mais il dira son oui avec fierté.

Aujourd'hui, M. le Président, justement, je voudrais vous parler de fierté. Je suis Canadien et je suis fier de l'être. Je suis Québécois et je suis fier de l'être. Je vis très bien cette dualité. Elle est complémentaire, elle n'est jamais source d'ambivalence ou de perplexité. Cette fierté, elle me vient, en partie, du regard que je porte sur le Québec, que je porte sur le Canada lorsque les circonstances m'amènent à faire des comparaisons avec d'autres sociétés. Au gré de mes trois carrières, celle de médecin, d'administrateur public et d'homme politique, je me suis souvent retrouvé, M. le Président, en dehors du Québec ou du Canada, parfois pendant de longues et heureuses périodes, et j'ai pu porter un regard différent sur le Québec et le Canada. Ainsi, dans les années soixante, étudiant pendant trois ans à l'Université Yale, j'ai vu le Québec universitaire, j'ai vu le Québec scientifique. J'ai été fier, depuis, d'assister aux progrès de ces milieux de recherche et de constater, par exemple, qu'en recherche biomédicale, le Québec allait systématiquement chercher plus que sa quote-part de subventions à Ottawa. Médecin et administrateur, M. le Président, j'ai vu le Québec et son excellent système de santé à travers les yeux de l'Université Harvard, de l'Université de la Caroline du Nord, de l'Organisation mondiale de la santé, des administrateurs hospitaliers de France ou de Grande-Bretagne. Et, il y a 12 ans, j'écrivais que le Québec, grâce à son programme d'assurance-maladie d'inspiration québécoise et canadienne, avait, avec succès, atteint les objectifs poursuivis par notre société.

Depuis quelques années, M. le Président, je fais de la politique pour servir d'une autre façon mes concitoyens. Et, au cours de ces années, j'ai vu le Québec et le Canada tels que les voient les francophones de ces 46 pays amis où on utilise, comme nous, le français. J'ai vu aussi le Québec à travers des yeux hongrois, tchèques, allemands, roumains, avant et après les événements de 1989 qui ont profondément, comme vous le savez, transformé le monde où nous vivons. M. le Président, j'ai vu un Québec qui, graduellement, a atteint le rang d'un État moderne. Après sa propre révolution, qu'il a souhaitée tranquille, le Québec a su maintenir l'élan et investir là où il le fallait. Le Québec est devenu une société riche de sa complexité, remarquable par la diversité d'origine des gens qui, chaque jour, ont fait et font encore l'histoire de ce coin de terre, une société ouverte sur un monde où l'interdépendance est la règle, une société compétente, un société déterminée à relever tous les défis de la modernité.

Soit dit en passant, M. le Président, je considère comme un gain inestimable cette partie de l'entente constitutionnelle qui concerne la formation de la main-d'oeuvre et son perfectionnement. Les hommes et les femmes du Québec sont en effet sa plus grande richesse et ils doivent mieux se préparer à vivre une fin de siècle marquée par des transformations qui surviennent partout dans le monde et avec une ampleur et une rapidité sans précédent.

M. le Président, la pratique des afffaires internationales nous apprend aujourd'hui qu'aucun peuple, aucun pays, aucun État ne peut relever seul le défi de son propre développement. L'interdépendance touche aussi bien les milieux culturels, scientifiques et économiques que sociaux et politiques. Ce phénomène, cette réalité nous obligent à établir des partenariats réels. Que ce soit entre le Nord et le Sud, au sein d'un même ensemble continental, ou dans une même région, partout le codéveloppement est de rigueur, il repose sur des intérêts et des bénéfices partagés. Notre sort, comme partout ailleurs, est lié à celui des autres, et c'est sur quoi, d'ailleurs, les premiers ministres canadiens se sont mis d'accord. Ils se sont entendus pour que le partenariat canadien continue de bénéficier à chacun de ses membres. (21 heures)

Gérer cette interdépendance croissante, M.

le Président, constitue un défi des plus stimulants. Pour le Québec, cela est particulièrement vrai dans ses relations avec les autres pays, et tout spécialement dans le cadre de la francophonie qui présente des enjeux si vitaux pour notre devenir. L'avenir du français, M. le Président, dépend, en effet, non seulement du nombre de personnes qui parlent cette langue à travers le monde, mais surtout de leur capacité d'en faire une langue de création et de diffusion, notamment dans les secteurs stratégiques que sont la science, les communications, la culture et les technologies, en particulier celle de l'information. Le Québec français participe avec éclat à la francophonie internationale et il réussit à atteindre ses objectifs tout en étant membre de la Fédération canadienne.

Pour gérer cette interdépendance croissante, le Québec doit savoir tirer avantage de ses atouts. Et, à cet égard, je souligne de nouveau que la plus grande richesse du Québec réside dans ses hommes et ses femmes. À travers ses hommes et ses femmes, le Québec est riche d'une culture au sens le plus large du terme, à la fois profondément nord-américaine et associée à l'Europe. Le Québec est riche des francophones et des anglophones appelés à travailler ensemble chaque jour. Le Québec est riche des Québécois des communautés culturelles qui, venus de partout et à différentes époques, participent à l'épanouissement culturel et au développement socio-économique de leur société d'accueil. Cette rencontre de plusieurs cultures, qui fait du Québec un endroit unique, constitue un atout exceptionnel et elle favorise la participation du Québec aux courants internationaux les plus dynamiques. Il n'en tient qu'à nous d'en prendre davantage conscience et, surtout, d'en être fiers.

M. le Président, je suis un Québécois, et je suis fier de porter ce titre. Je suis un Québécois tout simplement parce que je vis au Québec. Point final. Comme Québécois, je veux contribuer au maximum à la prospérité du Québec et à son développement, et je suis fier de cette contribution.

M. le Président, je suis un Canadien, et je suis fier de porter ce titre. Depuis toujours, dans ma famille, M. le Président, on est Canadiens sans se demander à chaque matin ce que ça veut dire, un peu comme si ça allait de soi, car ce n'est pas un petit pays que ce Canada où je vis fièrement en Canadien. Ce n'est pas un pays dont on rêve, ce n'est pas un pays à construire, ce n'est pas un pays à créer. C'est un pays réel, qui tient son rang, d'ailleurs, parmi les plus grands pays de ce monde.

Au risque de répéter une évidence, le Canada, c'est un immense territoire aux ressources naturelles pratiquement inépuisables, un pays parmi les sept pays les plus avancés de notre planète, un pays en tête de liste quant à la qualité de vie de ses citoyens, c'est-à-dire quant à leur espérance de vie, quant à l'accès à l'éducation pour ses jeunes, quant au respect des droits et libertés de la personne - pour ne mentionner que ces éléments - un pays gardien de la paix partout dans le monde et défenseur de la démocratie, où qu'elle soit mise à l'épreuve, un pays respecté, un pays dont le passeport offert à tous ses citoyens ouvre sans hésitation toutes les frontières, un avantage d'ailleurs déjà reconnu par le chef de l'Opposition lui-même.

Quant à moi, ce pays, je m'y sens à l'aise où que je m'y trouve. Je l'ai parcouru d'un bout à l'autre, j'y ai rencontré des Canadiens au travail et en vacances. Ayant à transiger avec des administrateurs des autres provinces, j'ai réalisé que les Québécois pouvaient contribuer énormément, de fait, aux discussions et aux solutions des problèmes et que les autres Canadiens savaient le reconnaître, et vice versa. Je ne dis pas que tout est parfait dans ce pays, dans mon pays. Je ne veux pas, d'ailleurs, que la vue des montagnes Rocheuses ou le minois sympathique d'une petite fille chantant «Mon pays» nous cache les réalités de la récession et de l'inégalité des chances. Je n'ai pas besoin de cette mièvrerie, car je vis le Canada comme un pays fort et non comme un pays faible.

Un jour, M. le Président, en tête à tête avec un ambassadeur du Canada à l'étranger, nous nous demandions tous les deux ce qu'est un Canadien, constatant qu'à l'occasion du débat constitutionnel nous serions amenés, tous et toutes, à cerner une définition un tant soit peu rassembleuse. Et, comme je le fais ce soir, j'ai soumis cette définition qu'il a, je crois, acceptée et je vous la soumets. Un Canadien, M. le Président, c'est fondamentalement un Nord-Américain. D'ailleurs, pour ceux qui travaillent dans des dossiers internationaux, cette dimension fait partie des réalités quotidiennes. Le Canadien, le Québécois, qu'il le veuille ou non, vit sur ce continent où il est influencé chaque jour par ce pays 10 fois plus peuplé, au sud de chez lui. Ce n'est pas un crime. C'est une réalité. Être Nord-Américain, c'est vraiment ce qui distingue le Québécois, dit francophone, dans l'espace francophone. C'est une façon d'être, c'est une façon de faire, une façon de dire et de créer, une façon d'analyser les problèmes, de planifier, de gérer et d'évaluer. C'est le pragmatisme, l'efficacité et la simplicité, et vous avouerez avec moi, M. le Président, qu'on reconnaît là, d'ailleurs, des vertus qui sont tout à fait libérales.

Vu d'ailleurs, le Canadien, qu'il soit anglophone ou francophone, est un Nord-Américain. Il vit dans un pays neuf. Mais, en même temps, ce Canadien ancre ses valeurs, il rattache sa culture à des pays européens dont l'histoire est beaucoup plus longue: France et Grande-Bretagne pour la plupart, Allemagne, Italie, Ukraine ou Grèce pour beaucoup. Nous sommes tous venus d'ailleurs, nous-mêmes ou par ancêtres interposés. Ce n'est pas un défaut. C'est une réalité. En même temps, nous ne sommes ni Américains, ni Français ni

Britanniques. Et, s'il est une autre chose dont il faut être fier dans cette entente constitutionnelle, c'est bien d'y retrouver la reconnaissance de la diversité intrinsèque de notre pays.

M. le Président, ce sont tous les citoyens d'un pays qui participent à son avenir. Notre sort individuel, ai-je déjà dit, est lié à celui des autres, et ceci est plus vrai en 1992 qu'à toute autre période de notre histoire. Dans un tel contexte, vu de l'extérieur du Québec et du Canada, à travers les yeux des autres, il apparaît inouï que l'on veuille, en certains milieux, détruire ce pays plutôt que de continuer à le construire.

M. le Président, je n'ai pas le goût d'un Québec renfermé sur lui-même, séparé, coupé, défini par des frontières plus étroites. Je ne veux pas d'une séparation qui nous plongerait dans le plus risqué des inconnus parce que, pour moi, vivre au Canada, c'est vivre dans un grand pays et qu'une entente, un accord vaut mieux que la désunion, la séparation, le divorce. Je ne suis pas surpris qu'il y ait des discussions, des ajustements. Dans une famille qui veut rester unie, il y en a toujours. C'est dans la nature même des choses et des êtres.

M. le Président, face à cette entente qui définit l'avenir de plus d'une génération de Québécois et de Canadiens, et sans fermer cet avenir, j'ai la profonde conviction que la nouvelle façon de vivre ensemble entre Canadiens marque un progrès réel pour le Québec et pour le Canada. Je suis convaincu qu'au nom de toute la population du Québec le gouvernement du Québec aura vraiment les outils indispensables pour protéger et promouvoir les caractéristiques fondamentales du Québec. Je suis convaincu que nous avons ce qu'il faut pour continuer à nous développer sur tous les plans. Je dis bien «continuer» car, depuis 30 ans, le Québec a vécu un progrès constant tout en étant dans le Canada.

Je ne doute pas de notre pouvoir économique, de notre vigueur politique et de notre capacité de rayonner. Au complexe d'infériorité et au sentiment d'oppression que nous attribue, depuis longtemps, le psychiatre Camille Laurin j'oppose tout simplement cette assurance qui est la nôtre. Cette assurance, c'est une force. Je suis convaincu que, tout en défendant les intérêts supérieurs du Québec avec prudence, réalisme et détermination, notre premier ministre a eu raison d'être attaché à l'union canadienne plutôt qu'à la désunion. Je suis convaincu que la réconciliation avec les peuples autochtones est nécessaire, incontournable, et qu'elle repose maintenant sur des bases solides. (21 h 10)

En terminant, M. le Président, cette entente constitue un changement réel à la fin d'une étape, à la fin d'un difficile parcours constitutionnel. J'en suis satisfait, et cette entente est digne de notre approbation. M. le Président, je suis chez moi en ce pays; mon pays, c'est le

Canada. Je suis Canadien et je suis fier de l'être et, en même temps, je suis Québécois et je suis fier de l'être. C'est pour cela que je mise sur les progrès du passé, je mise sur les forces du présent et les espoirs de l'avenir, et c'est pour cela que, très simplement, je mise sur le Québec, je mise sur le Québec dans le Canada. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, suite à l'intervention du ministre délégué à la Francophonie, compte tenu de l'heure et suite à l'entente, j'ajourne les travaux de cette Assemblée à vendredi, le 11 septembre, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 21 h 11)

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