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(Dix heures six minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez vous asseoir.
Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations
ministérielles. À la présentation de projets de loi, M. le
leader du gouvernement. On me dit qu'il y a des projets ds loi à
présenter.
M. Bédard: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article b) du feuilleton.
Projet de loi 88 Présentation
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche présente le projet de loi 88, Loi sur la
Société des établissements de plein air du Québec.
M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, ce projet de loi a pour
objet de constituer la Société des établissements de plein
air du Québec. La société aura pour objets de participer,
en collaboration avec divers organismes, sociétés ou entreprises,
ou d'intervenir elle-même dans l'exploitation et le développement
d'équipements, d'immeubles ou de territoires à vocation
récréative ou touristique. La société pourra aussi
se substituer au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
ou à tout autre ministère ou organisme pour l'exploitation et le
développement de certains équipements, immeubles ou territoires
désignés par le gouvernement et, à ce titre, elle en
assumera les pouvoirs et obligations, et en acquerra les droits.
Le projet de loi prévoit que la société sera
dotée d'un fonds social de 75 000 000 $. Les actions de la
société feront partie du domaine public et seront
attribuées au ministre des Finances.
Le projet de loi prévoit le transfert en faveur de la
société, moyennant considération et autres conditions
déterminées par le gouvernement, de certains biens, meubles et
immeubles, faisant partie du domaine public à vocation
récréative ou touristique.
Par ailleurs, la société ne pourra, sans l'obligation du
gouvernement, contracter un emprunt qui porterait au-delà du montant
déterminé par le gouvernement le total de ses emprunts en cours
non encore remboursés, conclure un contrat pour une durée ou pour
un montant supérieur à ceux déterminés par le
gouvernement, acquérir ou détenir des actions d'une corporation
dans une proportion qui ferait de celle-ci une filiale de la
société et céder à bail ou autrement disposer d'un
immeuble autrement que par soumissions publiques ou vente à
l'enchère.
Le projet de loi accorde au ministre responsable de l'application de la
loi le pouvoir de donner à la société des directives
portant sur ses objectifs et son orientation. Ces directives devront être
soumises au gouvernement pour approbation et, si elles sont ainsi
approuvées, elles lieront la société.
Toute directive devra être déposée à
l'Assemblée nationale. Le projet de loi contient en outre des
dispositions relatives à la protection des droits des fonctionnaires
permanents qui accepteront de devenir des employés de la
société. Ces employés pourront se présenter comme
candidats à la mutation pour un emploi dans la fonction publique et
participer aux concours de promotion conformément aux dispositions de la
Loi sur la fonction publique. Ils continueront de plus de
bénéficier des droits du régime de retraite qui leur est
applicable, ce qui, de facto, amende la Loi sur le régime de retraite
des employés du gouvernement et des organismes publics.
Le Président: Cette Assemblée accepte-t-elle de se
saisir du projet de loi 88? Il en est donc ainsi décidé. M. le
leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article d) du feuilleton.
Projet de loi 193 Présentation
Le Président: M. le député de Vimont
présente le projet de loi 193, Loi modifiant la charte de la ville de
Québec.
M. le député de Vimont.
M. Jean-Guy Rodrigue
M. Rodrigue: M. le Président, il me fait plaisir de
présenter le projet de loi 193, Loi modifiant la charte de la ville de
Laval.
Le Président: Une déformation, M. le
député, je m'excuse d'avoir dit Québec, c'est la ville de
Laval.
M. Rodrigue: M. le Président, depuis quelques
années, la ville de Laval est la deuxième ville en importance en
termes de population au Québec et c'est sans doute une certaine
nostalgie qui vous a fait dire le nom de ville de Québec. Notre
collègue le leader adjoint étant un digne représentant de
la ville de Québec, je vais m'arrêter là dans ces propos de
diversion pour vous indiquer que le projet de loi 193 reprend des articles du
projet de loi 207, qui avait été présenté en cette
Chambre plus tôt cette année et qui porte sur les amendements
apportés à la charte de la ville de Laval. Il reprend les
articles 2 à 8 inclusivement. C'est à la suite d'une entente avec
les représentants de l'Opposition à la commission que nous avons
choisi cette forme pour réintroduire ces articles.
Le Président: Sauf pour la première partie, la
deuxième partie est constituée des notes explicatives. Je les
cherche en vain dans le projet de loi et il y aurait peut-être lieu de
les imprimer éventuellement. Je suis très heureux que la ville de
Laval soit devenue la deuxième ville en importance au Québec,
mais la ville de Québec continue à en être la capitale.
Au dépôt de documents, M. le ministre des Finances.
Crédits supplémentaires pour
l'année financière 1984-1985
M. Parizeau: M. le Président, un message de son honneur le
lieutenant-gouverneur, signé de sa main.
Le Président: Veuillez vous lever. "L'honorable
lieutenant-gouverneur de la province de Québec transmet à
l'Assemblée nationale les crédits supplémentaires pour
l'année financière se terminant le 31 mars 1985,
conformément aux dispositions de l'article 54 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique 1867, et recommande ces crédits
à la considération de l'Assemblée." Signé par le
lieutenant-gouverneur, M. Lamontagne.
Renvoi à la commission
plénière
M. le leader du gouvernement, il faudrait déférer ces
crédits à la commission plénière de
l'Assemblée nationale.
M. Bédard: C'est exact, M. le Président. J'en fais
la motion.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Toujours au
dépôt de documents, Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine.
Rapport annuel de la Commission de la fonction
publique
Mme Le Blanc-Bantey: M. le Président, il me fait plaisir
de déposer le rapport annuel de la Commission de la fonction publique
pour l'année 1983-1984.
Le Président: Rapport déposé. M. le leader
du gouvernement.
Rapport du Comité d'implantation du plan
d'action
à l'intention des communautés
culturelles
M. Bédard: M. le Président, je veux déposer
le rapport d'activités pour la période du 1er novembre 1982 au 29
février 1984 du Comité d'implantation du plan d'action à
l'intention des communautés culturelles, tout cela au nom du ministre de
l'Immigration.
Le Président: Rapport déposé.
Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.
Au dépôt de pétitions, M. le député de
Laurier.
Arrêter la discrimination envers les jeunes
assistés sociaux
M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 15 829 pétitionnaires recueillie par la
Communauté pour le développement humain, invoquant les faits
suivants: Considérant que le programme d'aide sociale alloue 152 $ par
mois aux moins de 30 ans et 418 $ aux plus de 30 ans; considérant que
les jeunes Québécois de moins de 30 ans sont des citoyens
à part entière; considérant qu'il est impossible dans le
contexte actuel de vivre avec 152 $ par mois et concluant à ce que la
différence des prestations d'aide sociale perçues par les jeunes
de moins de 30 ans est un acte de violence systématique basé sur
la discrimination selon l'âge, et demandant à l'Assemblée
nationale d'intervenir auprès du gouvernement pour l'arrêt
immédiat de cette discrimination et de procéder à la
création d'emplois permanents. Merci beaucoup.
Le Président: Pétition déposée. M. le
député de Brome-Missisquoi.
Enquête sur des injustices vécues avant
1960
M. Paradis: M. le Président, suivant les dispositions de
l'article 64 des règles de procédure, j'ai l'honneur de
déposer l'extrait
d'une pétition adressée par 67 pétitionnaires,
orphelins, non adoptés, invoquant les injustices qu'ils ont
vécues avant 1960 et concluant que l'Assemblée nationale institue
une commission d'enquête.
Le Président: Pétition déposée.
Toujours M. le député de Brome-Missisquoi.
Augmenter le nombre de médecins au CH de
Rouyn-Noranda
M. Paradis: M. le Président, toujours en vertu de
l'article 64, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition
adressée à l'Assemblée nationale par 5000
pétitionnaires, population de Rouyn-Noranda et des environs, invoquant
le manque de soins et de services hospitaliers au centre hospitalier de
Rouyn-Noranda et concluant à ce que le nombre de médecins
attitrés à l'urgence soit augmenté à trois le jour
et concluant également à la réouverture du
cinquième étage de l'hôpital ainsi qu'à
l'affectation du personnel nécessaire pour les soins s'y rapportant.
Le Président: Pétition déposée. Ce
qui nous mène à la période de questions des
députés. M. le député de Brome-Missisquoi.
Questions et réponses orales
L'administration de l'hôpital Brome-Missisquoi
Perkins
M. Paradis: M. le Président, ma question s'adresse au
premier ministre. Au mois d'octobre dernier, le député d'Anjou,
ex-ministre des Affaires sociales s'est engagé formellement à ne
plus imposer de nouvelles compressions budgétaires dans le réseau
hospitalier parce que ces compressions compromettraient la qualité du
système de santé au Québec. Votre gouvernement a quand
même imposé de nouvelles compressions budgétaires aux
hôpitaux dont une d'environ 800 000 $ à l'hôpital
Brome-Missisquoi Perkins, ce qui obligerait le conseil d'administration de cet
hôpital à fermer l'unité de soins prolongés soit
environ 29 lits. Il y a trois semaines, le premier ministre a pris avis en
cette Chambre d'une question à ce sujet. La semaine dernière, le
premier ministre a déclaré à une journaliste de "La Voix
de l'Est" que: "l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins est très mal
administré -je cite toujours le premier ministre - et que c'est la
piètre qualité de son administration qui a
précipité l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins dans le
gouffre." Comment le premier ministre du Québec peut-il lancer des
accusations aussi sévères à l'endroit du conseil
d'administration de l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins alors qu'en
1981-1982, le CRSSS de la région ainsi que le ministère des
Affaires sociales demandaient au ministère d'augmenter les frais de
fonctionnement de l'hôpital d'environ 200 000 $ et que le gouvernement
n'ait jamais donné suite à ce rapport. Présentement, le
gouvernement ainsi que le CRSSS en sont à préparer un rapport sur
la gestion de cet hôpital et le rapport n'est pas complété
jusqu'à ce jour. Comment, dans de telles circonstances, le premier
ministre peut-il lancer des accusations aussi graves à l'endroit du
conseil d'administration de l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, avant de
demander à mon collègue le ministre des Affaires sociales de
répondre plus spécifiquement sur le cas de l'hôpital de
Brome-Missisquoi, je ferai remarquer au député qu'une partie de
son préambule ne correspond en rien à ce que j'ai dit. J'ai
laissé entendre qu'il y avait des hôpitaux -cela pouvait
être le cas de l'hôpital Brome-Missisquoi - où la gestion
pouvait être en défaut. Après tout, les hôpitaux sont
autonomes, ils ont des conseils d'administration et la gestion est
forcément inégale. Je me suis posé la question à
savoir si ce n'était pas le cas de Brome-Missisquoi, mais je n'ai pas
dit de façon précise - je n'ai pas eu le temps de lire et on ne
me l'a pas fait parvenir l'interview à "La Voix de l'Est" - et je vais
vérifier. Comme d'habitude, je vais probablement découvrir que le
député charrie un peu et qu'il en ajoute. Cela étant dit,
en ce qui concerne le cas de cet hôpital puisque - c'est normal - il
préoccupe le député, je demanderais au ministre des
Affaires sociales, si vous le permettez, M. le Président, de donner les
réponses qui lui paraissent les plus indiquées.
Le Président: Brièvement, M. le ministre des
Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, l'établissement
prétend qu'il a été lésé dans l'attribution
des budgets durant les dernières années, mais les analyses nous
démontrent que l'hôpital a terminé son budget d'une
façon déficitaire durant les quatre dernières
années. Nous savons qu'une partie importante de ces déficits est
due à la buanderie, qui a une capacité excédentaire. Il
est possible qu'une partie de ce problème soit réglée
prochainement, car cette activité pourrait être
rentabilisée si l'hôpital obtenait le contrat de buanderie du
Centre hospitalier de Granby.
Quant à l'analyse des quatre années, il est
évident, d'après les chiffres que nous avons, qu'il y a eu
déficit durant les quatre années qui viennent de se terminer. On
ne peut donc pas dire que l'hôpital a été
pénalisé plus qu'un autre. Les contraintes
additionnelles qu'on lui a imposées résultent
précisément de sa non-performance et de son incapacité
à atteindre l'équilibre budgétaire.
D'après les contacts que nous avons eus avec cet hôpital,
il apparaît que l'administration n'a jamais pris au sérieux les
demandes formulées par le ministère depuis quatre ans afin de
présenter un budget équilibré. Par exemple, malgré
les déficits répétés des dernières
années, de 1981-1982 à 1983-1984, il n'y a pas eu de
réduction significative dans le nombre des heures
rémunérées. On peut donc conclure que l'administration est
réticente à apporter des correctifs dans les secteurs où
ils sont considérés comme non performants,
préférant persister à affirmer qu'il est
sous-budgétisé.
Donc, à première vue et tant et aussi longtemps que
l'établissement ne démontrera pas un effort sérieux en vue
de s'astreindre à respecter le budget alloué, il nous sera
difficile de prendre au sérieux et en considération leurs
revendications. (10 h 20)
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Le conseil d'administration a fonctionné avec
un budget annuel inférieur de quelque 20 000 $ par lit à celui de
l'hôpital de Granby, qui est le plus près. C'est dans ce contexte
que les administrateurs travaillent.
Je reviens au premier ministre. Comment, M. le premier ministre,
pouvez-vous déclarer, sous la plume de Jacqueline de Bruycker,
journaliste à "La Voix de l'Est": "L'hôpital BMP est très
mal administré et c'est la piètre qualité de son
administration qui a précipité l'hôpital BMP dans le
gouffre." Comment pouvez-vous accuser les administrateurs, qui sont des gens
compétents, qu'il s'agisse de courtiers, d'hommes d'affaires, de
notaires, de comptables, de travailleurs et même de personnes qui ont des
réputations sur le plan local, sur le plan du comté, sur le plan
de la région et même sur le plan provincial, comment pouvez-vous
accuser ces personnes d'être de mauvais administrateurs? Comment
pouvez-vous accuser la femme de l'ex-premier ministre de la province de
Québec, Jean-Jacques Bertrand, comment pouvez-vous accuser la
mère de votre ministre des Communications d'être...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ignorais
totalement que je pouvais toucher -si peu que ce soit - un tel aréopage
régional. Il demeure quand même qu'un conseil d'administration, ce
n'est pas nécessairement toujours en groupe... Personne par personne, ce
sont tous des gens extrêmement respectables, je suis d'accord avec le
député. Mais en groupe, cela ne donne pas nécessairement
toujours la meilleure des performances. Le cas de Brome-Missisquoi est un cas
absolument typique à ce point de vue-là.
Maintenant, pour ce qui est de la comparaison que fait le
député dans sa question, parce que la question était entre
Granby et Brome-Missisquoi, je pense que c'est au ministre des Affaires
sociales qu'il revient de répondre.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Laurin: M. le Président, la base de comparaison est
très fragile, si on compare la performance d'un hôpital à
un autre qui est voisin, c'est presque faire tenir le monde sur la pointe d'une
pyramide. Heureusement, nous avons des indices de performance plus
sérieux et ces indices sont établis d'après une
comparaison de la performance de tous les hôpitaux du Québec,
indice par indice. Il y en a des centaines auxquels nous pouvons nous
référer. Donc, je ne peux pas considérer comme
sérieuse la base de comparaison, même si le député
veut la prétendre scientifique, pour aboutir à des
conclusions.
Les chiffres que j'ai cités tout à l'heure et sur lesquels
je pourrais m'allonger, M. le Président, si vous me le permettiez,
démontrent, bien au contraire que, sur la base de tous les indices dont
il faut tenir compte, le budget de l'hôpital Perkins est
véritablement déficitaire et qu'il pourrait être
redressé, qu'il pourrait être corrigé en utilisant toutes
les techniques, les méthodes que leurs confrères des autres
hôpitaux ont pu utiliser au cours des quatre dernières
années.
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, après avoir
pris...
M. Bertrand: M. le Président, en complément de
réponse.
Le Président: M. le ministre des Communications, les
compléments de réponse viennent normalement des ministres dans le
domaine de leurs activités. À moins que le ministère des
Communications soit impliqué dans l'administration de
l'hôpital...
M. Bédard: M. le Président, question de
règlement. Je pense bien que tout le monde a été à
même de constater que, dans la question du député de
Brome-Missisquoi, une personne très proche du leader adjoint a
été mentionnée. Je pense qu'il serait normal que le leader
adjoint puisse ajouter quelques mots à moins que l'Opposition ait peur
de ce qu'il
a à dire.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Gratton: Non.
Le Président: II n'y a pas consentement. À l'ordrel
II n'y a pas consentement. M. le député de Brome-Missisquoi.
Une voix: Article 75.
Le Président: II n'y a pas consentement, M. le leader
adjoint.
M. Bertrand: II n'y a pas consentement? Petite politique.
M. Bédard: L'Opposition n'accepte pas, ne... M. le
Président, on a encore le droit de parler dans cette Chambre, pas
seulement l'Opposition. Est-ce que je dois comprendre qu'après avoir
mentionné la mère du leader adjoint du gouvernement comme ayant
pu être attaquée de quelque façon que ce soit, dans une
question l'Opposition ne permet pas au leader adjoint de dire quelques mots sur
ce point? Avez-vous peur de la...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, je ferai remarquer au leader
du gouvernement qu'on est prêt à consentir que le leader adjoint
s'adresse à l'Assemblée. Les explications qu'il a à
fournir, ce n'est pas à l'Assemblée qu'il devrait les fournir
mais au premier ministre qui a fait des allusions au conseil d'administration
de l'hôpital.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président: Si vous faites un rappel au
règlement, cela ne peut pas être le même que vous faisiez
tantôt. C'est un autre rappel au règlement?
M. Bédard: Question de règlement. M. le
Président, dans une question qui a été posée, on
a...
M. Gratton: Consentement, M. le Président.
M. Bédard: Voilà une attitude responsable.
Merci.
Le Président: II y a consentement. M. le
député de Vanier et leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: Je pense qu'à l'Assemblée nationale il
y a deux personnes qui étaient assez bien placées pour savoir que
Mme Bertrand occupait et occupe toujours un poste au sein du conseil
d'administration de l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins: c'est le
député de Brome-Missisquoi et moi-même. Je pense bien qu'on
ne peut pas demander au premier ministre, ni même au ministre des
Affaires sociales qui est responsable de ces dossiers de connaître tous
les membres des conseils d'administration de l'ensemble des
établissements de santé et de services sociaux.
Ceci étant dit, je vais dire au député de
Brome-Missisquoi qu'effectivement Mme Bertrand m'a indiqué qu'à
certaines occasions, des membres du conseil d'administration et de la haute
direction de l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins lui ont demandé
d'intervenir personnellement auprès de moi pour que je pose un certain
nombre de gestes dans ce dossier auprès du ministre des Affaires
sociales. Simplement par éthique sur le plan du poste qu'elle occupe au
sein du conseil d'administration, elle s'est refusée à ce type de
démarche, ne se refusant pas pour autant à d'autres types de
démarches normales. Je pense que son attitude est tout à fait
correcte. Elle correspond à un code d'éthique qu'on doit avoir au
sein d'un conseil d'administration; elle ne veut pas que se fasse quelque forme
d'intervention politique de ce côté-ci, mais le
député se sert de cette personne pour faire de la politique avec
le dossier de Brome-Missisquoi Perkins.
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: J'espère que le premier ministre a compris
qu'il s'agit d'une administratrice compétente, correcte et qu'il prendra
bonne note des recommandations du conseil d'administration de
l'hôpital.
Maintenant, M. le premier ministre, il y a trois semaines vous avez pris
avis de la question. Avant de donner une conférence de presse à
un journal de la région, vous vous êtes préparé sur
le dossier. Après avoir analysé tout le dossier,
n'êtes-vous pas d'accord que l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins est
de loin beaucoup mieux administré que le gouvernement du
Québec?
Le Président: M. le premier ministre. Question principale.
M. le député D'Arcy McGee.
Les saisies de vin vendu illégalement
M. Marx: J'ai attendu la réponse du premier ministre. Ma
question s'adresse au ministre de la Justice. Je reviens pour la
troisième fois lors de la période des questions sur le
problème de la vente illégale des vins sur le marché noir.
Le 7 juin le ministre a finalement admis qu'il y avait eu des saisies, il a
promis des détails, mais il n'a pas donné d'avis aujourd'hui de
donner des explications. Mes questions sont, en trois volets, les suivantes:
Combien de saisies ont été effectuées? D'où
provenait ces vins? Et quel fabricant avait produit ces vins?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, la question initiale
du député portait sur le fait de la saisie de vin ou non et des
circonstances qui l'ont amenée. Je me souviens que sa première
question portait également sur les accusations, les condamnations, etc.
Dans les notes que j'ai fait faire et qui me servent à l'occasion
à cette période de questions, je n'ai pas retenu cependant le nom
de l'entreprise, mais je l'aurai en complément de réponse
dès qu'on le pourra.
Je dirai qu'il y a eu une enquête de la Sûreté du
Québec à compter de décembre 1982, à la suite d'une
plainte de l'Association des petits détaillants du Québec; en
cours d'enquête, les services policiers de la Communauté urbaine
de Montréal qui étaient également préoccupés
par ce dossier ont joint leurs efforts à ceux de la Sûreté
du Québec. L'enquête conjointe s'est déroulée sur
une période de plusieurs mois et a permis la saisie de plus de 500
caisses de vin. Cette enquête a permis de porter une série
d'accusations en vertu de la Loi sur les infractions en matière de
boissons alcooliques, soit la vente sans permis, les achats faits par des
personnes non autorisées, le transport de boissons achetées de
personnes non autorisées, etc., ou en vertu de la Loi sur la
Société des alcools du Québec contre une compagnie
autorisée. (10 h 30)
Ces accusations ont fait l'objet de procès tant devant la Cour
des sessions de la paix que devant la Cour municipale de Montréal. Les
résultats de ces poursuites sont les suivants: dans le cas des sessions
de la paix, quatorze plaidoyers de culpabilité pour huit personnes
accusées; deux plaintes ont été retirées pour des
raisons techniques; un acquittement dans le cas d'un fabricant autorisé
acquitté faute de preuve sur un élément essentiel de
l'infraction reprochée. Cependant, un procès est encore en
cours.
Du côté de la Cour municipale, trois chefs d'accusation ont
été retirés contre le fabricant autorisé,
après son acquittement à la Cour des sessions de la paix et
dix-neuf plaidoyers de culpabilité impliquant six personnes ont
été enregistrés.
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: Le ministre a dit qu'on avait saisi 500 caisses de vin,
mais il n'a pas dit combien de saisies ont été effectuées.
Peut-il nous dire maintenant, ou après la période des questions
dans une réponse complémentaire, d'où provenaient ces vins
et quels fabricants avaient produit ces vins? Je pense que ce n'est pas une
question difficile.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il est possible que
j'obtienne, d'ici la fin de la période des questions, des
réponses précises. Je dirai cependant qu'à moins que je ne
sois sûr quant à la désignation des personnes
impliquées, je me permets de faire une réserve ici. Je ne peux
pas l'assurer que je pourrai lui donner le nom de ces personnes. Je veux faire
une vérification avant, non seulement quant aux noms, mais quant
à l'utilité de donner ces noms. Dans la mesure où ce sont
des personnes qui ont été trouvées coupables,
effectivement, je pense qu'on pourra fournir les noms.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, question additionnelle. Le
ministre pourrait-il nous dire s'il est exact qu'une saisie importante de vin a
été effectuée par la Sûreté du Québec
au début du mois de mars 1984 à un endroit situé à
peu près dans Ville des Laurentides - on ne donnera pas l'adresse exacte
pour ne pas faire de publicité indue -et pourrait-il nous dire
également d'où provenaient les vins qui ont été
saisis à cette occasion?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): Bon! M. le Président, quant à
la date qui est évoquée, je tenterai de voir si... Vous avez dit
le 30 mars?
M. Bourbeau: Au début de mars.
M. Johnson (Anjou): ...au début du mois de mars, s'il y a
eu une saisie... Dans la région des Laurentides, dites-vous?
M. Bourbeau: Ville des Laurentides.
M. Johnson (Anjou): On obtiendra la vérification quant
à cela. Je peux dire cependant que le 4 juin, c'est-à-dire il y a
quelques jours aussi, il y a eu une saisie auprès d'une compagnie
d'aliments dont le propriétaire a fait en sorte que 514 caisses
de six bouteilles de vin digestif importé directement d'un pays
européen soient saisies, étant donné que ces 514 caisses
s'en allaient directement sur le réseau de distribution après
l'importation. Je ne sais pas si ce sont les événements auxquels
le député fait allusion, événements survenus au
mois de juin.
Le Président: M. le député de Laporte. M.
Bourbeau: Question principale. Le Président: Question
principale?
M. Laurent Vives, président du
Comité
interprofessionnel de l'industrie
des boissons alcooliques
M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais poser une
question au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Au retour d'un
voyage en France effectué l'automne dernier en compagnie de quelques
membres de l'industrie québécoise des vins, le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nommait l'un d'entre eux, M. Laurent
Vives, président d'un comité que le ministre forma et nomma le
Comité interprofessionnel de l'industrie des boissons alcooliques. Ce
comité fut formé dans le but de conseiller le ministre dans le
cadre de l'application de la Loi sur la Société des alcools du
Québec. Ce comité est, en fait, une cour d'appel chargée
d'entendre les récriminations des producteurs dont un ou des produits,
du vin par exemple, ont été refusés par la
Société des alcools pour des raisons d'ordre chimique,
organoleptique ou d'étiquetage. Or, M. Laurent Vives, président
de ce comité, est en quelque sorte le juge en chef de cette cour
d'appel, mais il est également directeur général, depuis
plusieurs années, de la compagnie Les entreprises Verdi, producteurs de
vin dont les produits font, à l'occasion, l'objet de litiges entre la
compagnie Verdi et la Société des alcools du Québec. Ma
question au ministre est la suivante: Dans ces conditions, comment le ministre
peut-il justifier la nomination de M. Laurent Vives, directeur
général de la maison Verdi, au poste de président de ce
tribunal et quelles garanties d'objectivité pouvons-nous avoir lorsque
le président du tribunal est à la fois juge et partie?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je pense que si le
député de Laporte étudiait ses dossiers plus
profondément, cela avancerait la discussion à l'Assemblée
nationale. On l'a entendu hier soir parler sur les heures d'affaires et se
mettre les pieds dans les plats complètement parce qu'il ne savait pas
du tout ce dont il parlait. C'est la même chose ce matin par rapport au
comité interprofessionnel. C'est un comité qui a
été adopté dans la loi 29, Loi sur la
Société des alcools, il y a déjà au-delà
d'un an. Cela a été inscrit dans la loi 29 à la suite de
demandes de l'entreprise privée, qui se plaignait que la
Société des alcools était à la fois juge et partie
dans ses décisions vis-à-vis du "listing", comme on l'appelle
dans le marché de vins et de spiritueux.
Les entreprises privées, lors d'une rencontre de concertation au
mois de février 1982, ont demandé de pouvoir intervenir au moins
pour porter un jugement sur le premier jugement de la Société des
alcools du Québec. Le comité interprofessionnel a
été créé par la loi 29. Lorsque nous avons
nommé les gens au comité interprofessionnel, les gens de
l'entreprise privée ont demandé que la Société des
alcools soit minoritaire à ce comité puisque c'est elle qui
prenait la première décision de recevoir ou non le nouveau
"listing" qui était demandé par les industriels. Nous avons
nommé un représentant des manufacturiers de spiritueux, donc
l'IMBACQ. Nous avons nommé un représentant des manufacturiers de
vins, donc, SOPROVIN. M. Vives, à ce titre, a été
élu président du groupe SOPROVIN, par les onze entreprises
privées. C'est à ce titre qu'il a été nommé.
Il était président du groupe SOPROVIN, nommé et élu
par les entreprises privées dans lesquelles le gouvernement n'a rien eu
à faire. En plus, il y a un représentant des agents
professionnels. La Société des alcools du Québec est
représentée au comité interprofessionnel, mais d'une
façon minoritaire, à la demande des entreprises privées,
lors de la rencontre de concertation que nous avons eue avec elles.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Le ministre peut-il nous confirmer que la nomination
de M. Vives provient directement du ministre et non pas des autres individus,
que c'est le ministre qui a procédé à la nomination, et
comment peut-il nous expliquer qu'un individu peut être en même
temps partie appelante à un procès et président du
tribunal chargé d'entendre le procès? Que le ministre nous
explique cela un peu.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je répète, pour
le député de Laporte, que le comité interprofessionnel a
été demandé par l'entreprise privée, qui se
plaignait que la SAQ était à la fois juge et partie. On a
demandé d'intervenir pour former un comité interprofessionnel
qui, au moins, pourra
porter un jugement sur la décision de la Société
des alcools, qui était juge et partie. La Société des
alcools importe du vin et embouteille aussi du vin. C'est dans ce sens que
l'entreprise privée se plaignait. C'est un peu curieux de voir que vous
faites de grands discours pour l'entreprise privée et, en même
temps, que vous faites de grands discours pour essayer de détruire
l'entreprise privée. C'est l'entreprise privée, le monde des
affaires, le monde des producteurs de vins et de spiritueux qui nous l'a
demandé. C'est à titre de président du groupe SOPROVIN,
qui a été élu par les entreprises, que, non pas le
ministre, mais le gouvernement, en vertu de la loi 29 - encore une fois, cela a
été demandé par les entreprises privées et par
l'industrie des boissons alcooliques - a nommé M. Vives. C'est tout.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Comme M. Vives a été élu
président de ce groupe de fabricants ou d'importateurs de vins
québécois, le ministre nous confirme qu'il a été
nommé président de ce tribunal par le ministre. Je pense que
c'est encore pire et que le conflit d'intérêts est pire. Le
ministre ne réalise-t-il pas qu'il est président du tribunal
d'appel et président du groupe dont les membres font appel devant ce
même tribunal? Est-ce que ce n'est pas une moquerie administrative?
Des voix: Oui.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Je commence à comprendre quelque chose de la
part du député de Laporte. Je pense que vous autres aussi avez
des sondages d'opinion comme nous en avons en rapport avec la pauvre
performance économique de votre parti à l'Assemblée
nationale dans les critiques et dans les interventions économiques.
Lorsqu'on ne sait rien et qu'on est incompétent, on essaie de tirer de
tous les bords en même temps. Vous êtes complètement
incompétents dans ce dossier. Vous devriez au moins faire vos classes,
faire votre devoir et lire la loi 29 sur la Société des alcools
du Québec. Lorsque vous aurez lu la loi 29 et lorsque vous aurez lu
aussi ce qui s'est passé à la table de concertation où
toute l'entreprise privée, à la fois les distributeurs, les
détaillants, les manufacturiers de vins, les embouteilleurs et les
importateurs... Enfin tout le monde était autour d'une table et c'est ce
monde-là qui nous a demandé de former un comité
interprofessionnel. C'est aussi ce monde-là qui nous a fait des
recommandations en nous disant: Nous ne voulons plus que la
Société des alcools soit juge et partie. Vous avez
vous-même critiqué constamment la Société des
alcools du Québec et, pour une fois qu'on dit: Oui, on répond
à des demandes de la grande majorité des entreprises, je pense
que vous devriez premièrement être d'accord.
Deuxièmement, M. le député de Laporte, vous avez
dit: Le ministre a dit: Oui, j'ai nommé M. Vives. J'ai justement dit
auparavant que je n'ai pas nommé M. Vives. M. Vives a été
nommé en vertu de la loi par le Conseil des ministres. (10 h 40)
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Biron: C'est la loi 29...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre! À l'ordre!
M. Biron: C'est selon la loi 29, M. le député de
Laporte, pour laquelle vous avez voté. Vous avez voté contre
l'implantation de Pechiney à Bécancour, qui créait 2500
jobs...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, M. le
ministre!
M. Biron: ...et vous avez voté pour la loi 29 sur
l'industrie des boissons alcooliques, sur la Société des alcools.
Faites donc vos classes! Arrêtez de vous mettre les pieds dans les plats;
cela fait plusieurs fois que vous vous mettez les pieds dans les plats comme
critique de l'Industrie et du Commerce. Allez lire au moins les lois, allez
lire les documents et vous reviendrez un peu plus documenté. Vous verrez
que c'est l'entreprise privée qui nous a demandé de former ce
comité et c'est l'entreprise privée qui nous
délègue des gens au sein de ce comité.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Question complémentaire, à double
volet. Le ministre peut-il nous dire sous la recommandation de quel ministre le
Conseil des ministres a nommé M. Vives? D'autre part, le ministre
peut-il, nous dire si la compagnie Verdi se voit refuser un vin par la
Société des alcools du Québec, comment il se fait que la
compagnie puisse aller en appel devant un tribunal présidé par M.
Laurent Vives, directeur général de Verdi? Est-ce
équitable? Est-ce que cela a du sens?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Vous avez constamment critiqué la
Société des alcools parce qu'elle
était juge et partie; maintenant, nous désirons former un
comité interprofessionnel à la demande des entreprises
privées et la Société des alcools sera dorénavant
minoritaire à ce comité. Face à la SAQ, qui prend la
décision d'accepter ou de refuser un vin, l'entrepreneur, lui, peut
faire appel sur la qualité du vin. C'est dans la loi 29 et cela a
été demandé à l'unanimité par l'entreprise
privée, par les embouteilleurs, par les détaillants, par les
grossistes en alimentation. Même au comité interprofessionnel,
vous avez des représentants, des détaillants et des grossistes en
alimentation qui veulent être représentés parce qu'ils sont
aussi partie prenante dans l'industrie des boissons alcooliques. Selon la loi
29, que nous avons votée unanimement à l'Assemblée
nationale, ce comité a été formé afin que l'on
puisse aller en appel d'un jugement, sur une décision rendue par la
Société des alcools qui était à la fois juge et
partie et dont vous avez critiqué les agissements dans le passé.
On essaie de corriger des situations et vous critiquez encore. Savez-vous
réellement ce que vous voulez ou si vous ne connaissez rien à
l'Industrie et au Commerce?
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme peut-il répondre à la question que vient
de lui poser le député de Laporte? Sur la recommandation de quel
ministre la nomination s'est-elle faite?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Je comprends qu'à cause de l'incompétence
du député de Laporte en Industrie et Commerce, le chef de
l'Opposition est obligé de se lever. La loi 29 est très
claire.
Des voix: Répondez à la question!
M. Biron: M. le chef de l'Opposition, voulez-vous aller lire la
loi 29? Je vais aussi vous faire parvenir des documents sur la session de
consultation que l'on a eue avec l'entreprise privée dans ce domaine;
vous verrez qui l'a demandé.
Des voix: À l'ordre!
M. Biron: Nous avons nommé le président du groupe
d'entreprises privées qui embouteillent du vin en concurrence avec la
SAQ; qui a été choisi par les onze entreprises privées.
C'est lui que nous avons nommé au comité interprofessionnel en
vertu de la loi 29 et vous avez voté pour la loi 29.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, la question
est bien simple, elle est directe, elle n'est pas complexe, elle demande une
réponse bien simple: Sur la recommandation de quel ministre le Conseil
des ministres a-t-il nommé M. Vives?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le chef de l'Opposition, voulez-vous allez voir la
loi 29? Vous verrez...
Des voix: Oh!
M. Biron: ...dans la loi 29 qui est le ministre responsable de la
Société des alcools à ce point de vue. Nous avons
nommé le président d'un groupe d'entreprises privées qui
se sont réunies; le président était M. Vives, ce sont les
onze entreprises privées qui l'ont élu et c'est lui que nous
avons choisi, en vertu des représentations des manufacturiers de vin, de
le nommer au comité interprofessionnel.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Ma question est bien simple, il me
semble que l'on pourrait répondre oui ou non: Est-ce que le ministre a
recommandé au Conseil des ministres la nomination de M. Vives?
Une voix: Regardez la loi!
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Je crois, M. le chef de l'Opposition, que vous ne
faites pas votre devoir, vous n'avez même pas parlé aux gens des
coopératives pour savoir quel a été le jugement du Conseil
de la coopération.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Biron: Si vous faisiez votre devoir quant à la
Société des alcools, vous liriez la loi 29, sur la
Société des alcools; c'est le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme qui est responsable de l'application de la loi 29.
Des voix: Ah! Des voix:Bravo!
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de D'Arcy McGee?
M. Marx: J'ai une question complémentaire pour le ministre
de la Justice.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Est-ce qu'il trouve juste et équitable que la
même personne soit partie et juge dans sa propre cause, comme on vient de
le dire ici?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je trouve remarquable
que l'Opposition, à qui le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme s'adresse depuis dix minutes en lui disant: Connaissez-vous la loi 29?
Je trouve remarquable qu'une telle question me vienne du député
de D'Arcy McGee. Il semble que l'Opposition ait voté pour cette loi qui
prévoit le mécanisme décrit par le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je pense que vous trouverez la
réponse dans le journal des Débats.
Le Président: Question principale, M. le
député de Bourassa.
Le prolongement du métro vers
Montréal-Nord et l'est de Montréal
M. Laplante: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre des Transports. Le Parti libéral, en 1976,
décrétait un moratoire à l'expansion du métro de
Montréal que le gouvernement actuel a levé et aussi la
déclaration du député de Laporte, à l'époque
où il était le porte-parole de l'Opposition en matière de
transport, que s'il formait le gouvernement, il gèlerait toute expansion
du métro à Montréal. M. le Président, je voudrais
savoir, au nom de mes concitoyens de la ville de Montréal-Nord que je
représente à l'Assemblée nationale, où en
sont...
Des voix: ...
M. Laplante: Cela n'a pas l'air de vous intéresser. Si on
amenait le métro dans ie West Island, cela vous intéresserait
peut-être un peu plus, par exemple!
Le Président: À l'ordre! Des voix: Ah! Ah!
Ah!
M. Laplante: Où en sont les pourparlers, M. le ministre,
actuellement...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre!
M. Laplante: Vous êtes polis pour les gens de l'est de
Montréal.
Le Président: II y a un rappel au règlement du
leader du gouvernement.
M. Laplante: On s'aperçoit que vous n'avez pas eu beaucoup
de représentations...
Le Président: M. le député.
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président.
M. Laplante: ...vous occuper précisément des
problèmes...
Le Président: M. le leader du gouvernement, sur un rappel
au règlement.
M. Bédard: M. le Président, je pense que vous avez
été à même de constater, de même que ceux et
celles qui écoutent nos débats, qu'on en est rendu maintenant que
l'Opposition, non seulement ne laisse pas répondre les ministres, comme
on lui laisse poser ses questions, dans une atmosphère calme, mais en
est rendue à ne plus permettre même...
Des voix: Oh!
M. Bédard: ...aux députés du gouvernement de
poser leurs questions dans les mêmes conditions acceptables qu'elle le
fait elle-même. Je demanderais, M. le Président, un rappel
à l'ordre pour que le député puisse poser sa question
comme il a le droit de le faire.
Le Président: Le rappel est bien fondé. M. le
député, votre question, s'il vous plaît!
M. Laplante: Merci, M. le Président. J'espère
qu'ils voudront s'intéresser aussi au problème du transport dans
l'est de Montréal.
Le Président: M. le député, ne provoquez
pas.
Une voix: Question.
M. Laplante: Je vais répéter ma question au
ministre. Puis-je savoir, au nom des concitoyens de la ville de
Montréal-Nord que je représente à l'Assemblée
nationale, où en sont les pourparlers entre le gouvernement et la CUM en
ce qui concerne le prolongement du métro sur le territoire de
Montréal-Nord et de l'est de Montréal?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, je vais faire le point
sur cette ligne de métro. Je
dois dire que la Communauté urbaine de Montréal,
après avoir fait beaucoup de consultations en son sein, nous a fait
parvenir il y a deux semaines les résolutions qui ont fait l'objet d'un
consensus parmi les élus de la Communauté urbaine de
Montréal. Une de ses propositions concerne effectivement les citoyens de
Montréal-Nord. Elle suggère le tracé d'une ligne de
métro qui suit un axe sud ou sud-ouest, nord-sud plutôt, longeant
le boulevard Pie IX jusqu'à Montréal-Nord et qui bifurquerait par
la suite vers Rivière-des-Prairies. Donc, cette orientation en soi,
à l'heure actuelle en tout cas, ne cause pas de problème au
gouvernement et mon ministère est en train d'en analyser toutes les
données, de voir les coûts d'immobilisation et les choix de
technologie.
C'est une proposition qui est présentée par le conseil et
l'exécutif de la Communauté urbaine de Montréal. Nous
avons convenu, lors d'une rencontre vendredi dernier, de nous rencontrer
à nouveau, le président de la Communauté urbaine de
Montréal et ceux qui président et coprésident la
Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, au
cours des semaines qui suivent, le plus tôt possible, et de voir, avec
les fonctionnaires de mon ministère et même avec Bombardier,
quelles seraient les possibilités de réaliser cette proposition.
(10 h 50)
D'ores et déjà, on peut savoir que le métro serait
souterrain, sous la ville de Montréal-Nord, à cause de la
densité de l'aménagement qui nous y oblige. Dans tout cela, nos
préférences vont évidemment à une technologie fer
sur fer, qui a évolué au cours des dernières années
et qui va nous permettre de desservir plus de citoyens, plus de territoire. Je
pense aussi que le fer sur fer serait une technologie qui permettrait aux
wagons ou aux rames de circuler à l'air à l'extérieur,
là où l'aménagement le permettrait. Je
répète que les décisions là-dessus ne sont pas
prises mais ce sont là des orientations que nous entendons pousser et
étudier. Nous verrons par la suite ce qui arrivera, surtout à la
suite des considérations techniques que nous voulons approfondir
présentement.
M. Laplante: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Depuis quatorze ans que la ville de
Montréal-Nord attend le métro, est-ce que M. le ministre pourrait
me dire combien de temps ces études vont encore durer? Combien de temps
encore les gens du nord vont attendre une réponse favorable pour un
métro souterrain tel que demandé?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, je pense que ce
dossier a pris effectivement du temps. Le gouvernement avait une proposition
sur la table au cours des dernières années, des derniers mois,
qui a fait l'objet de discussions au sein du conseil de la Communauté
urbaine de Montréal. Je pense que ce sont des débats qui se sont
enclenchés à l'intérieur de la communauté, qui ont
pris du temps. Il faut voir qu'il s'agit là d'investissements majeurs.
Je pense que le dossier, à l'heure actuelle, progresse, en tout cas, de
la part de la communauté. Maintenant, je trouve qu'il y a des
propositions très concrètes et des prises de position sur
lesquelles la communauté elle-même s'est commise. À ce
moment, maintenant, il s'agit de voir la faisabilité de toute cette
proposition.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce qu'on peut prendre la réponse du
ministre, est-ce qu'on peut interpréter la position du ministre comme
étant celle de renoncer à la recommandation du COTREM, qui avait
recommandé la construction de la ligne 6, du bas de la ville
jusqu'à Repentigny, par Montréal-Nord, recommandation
appuyée par votre prédécesseur? Premièrement,
est-ce que vous abandonnez ce projet? Deuxièmement, est-ce que vous
allez autoriser la CUM à commencer les travaux sur la ligne 7 durant la
présente année fiscale puisque la recommandation de la CUM et de
la CTCUM était très claire: elles voulaient la construction de la
ligne 7 de Pie IX au boulevard Duplessis en passant par Montréal-Nord?
Elles recommandaient la construction immédiate de la ligne 7 du
métro. Allez-vous autoriser la construction de cette ligne durant la
présente année fiscale?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, la proposition du
gouvernement à l'heure actuelle, dans le contexte, est toujours sur la
table présentement concernant la ligne 6. La CUM réagit en
quelque sorte à cette proposition par une contre-proposition et c'est
celle que nous étudions.
Je rappellerai au député que nous payons toujours 100% de
ces travaux. Je pense que nous avons aussi intérêt à ce que
cette ligne de métro soit fer sur fer, pour des besoins de
démonstration technologique en particulier. Je pense qu'il n'y a pas de
décision prise - je l'ai bien dit tout à l'heure - au moment
où on se parle et qu'il faut
creuser davantage, sur le plan technique, les choses où elles en
sont et la proposition comme elle est. Vous ne pouvez quand même pas
autoriser les travaux alors que les plans et devis ne sont pas fait, qu'on est
en train de discuter d'une nouvelle ligne, la ligne 7, qui est
intéressante et qui mérite qu'on s'y arrête.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Grégoire: Question principale.
M. Pagé: Question principale.
Le Président: M. le député de Portneuf.
Le conflit de travail à l'incinérateur
de la CUQ
M. Pagé: Vous m'avez reconnu, M. le Président.
Merci. Ma question s'adresse au ministre du Travail. Il comprendra que je veux
faire référence ce matin au problème qui préoccupe
plusieurs villes de la Communauté urbaine de Québec et de la
grande région de Québec à la suite d'un conflit entre la
compagnie Montenay qui gère l'incinérateur ici à
Québec et les employés du local 1754 du Syndicat canadien de la
fonction publique.
M. le Président, le ministre du Travail est très
probablement au fait de la nature du conflit, il est probablement au fait de la
position patronale, qui demande a ses employés de couper de façon
draconienne dans leur convention collective. J'aimerais demander très
brièvement au ministre du Travail, premièrement, quelles sont les
représentations qui lui ont été faites et, s'il y a eu des
documents écrits, s'il pourrait les déposer de la part du
ministre de l'Environnement dans ce dossier. Deuxièmement, est-ce qu'il
pourrait informer cette Chambre de ses intentions, comme ministre du Travail,
puisqu'il n'y a eu aucune rencontre de conciliation depuis le 15 mai, et est-ce
qu'il entend accélérer ce processus de conciliation? Par ailleurs
est-ce qu'il entend nommer un deuxième conciliateur au dossier?
Troisièmement, est-ce qu'il entend proposer la médiation dans ce
dossier?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: II est sans doute utile, à la suite
de la question du député de Portneuf, de rappeler un peu
l'atmosphère dans laquelle le conflit a été
déclenché, les représentants des employeurs, d'une part,
déclarant expressément qu'ils étaient en mesure d'assumer
les services normalement assumés par les travailleurs qui sont en
grève et qu'ils étaient en mesure de tolérer cette
situation pendant une période de temps assez longue, ce qui a conduit
les parties dans une espèce de cul-de-sac au niveau de la
négociation. À ce chapitre très précis de la
négociation, le député de Portneuf sait sans doute qu'au
moment où on se parle, les parties sont en quelque sorte
braquées. C'est un fait qu'il n'y a pas de négociation. C'est un
fait que, malgré la disponibilité et les efforts du conciliateur,
le conflit lui-même ne débloque pas. Je ne vois pas comment -si
les parties sont dans cette position de braquage, parce que c'est comme cela
que se trouve la situation - ou bien un nouveau conciliateur ou bien un
médiateur spécial pourrait faire en sorte que les parties, qui
refusent essentiellement de se parler, puissent recommencer à se
parler.
Quant à l'autre problème, qui est évidemment
connexe, qui découle directement de cette situation et qui est en
relation avec l'environnement, je pense que le ministre de l'Environnement,
à ce stade-ci, pourrait donner des renseignements additionnels. Je vous
dirai essentiellement que nous faisons tous les jours, tous les deux,
l'état de la situation et il semble que chaque jour, jusqu'à
maintenant en tout cas, il n'y aurait pas à cet égard de danger
particulier. Je ne sais pas si le ministre de l'Environnement a des
renseignements additionnels, mais je pense que c'est l'état de la
situation.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: On doit comprendre de la réponse du
ministre qu'il n'y a pas eu de représentation de la part du ministre de
l'Environnement et que lui, comme ministre du Travail, ne voit pas comment cela
pourrait se régler. Merci.
Ma question additionnelle au ministre de l'Environnement est la
suivante: Comment, comme ministre de l'Environnement, pouvez-vous permettre
que, dans les déchets enfouis, il y ait des déchets
d'hôpitaux, des déchets de laboratoire de biologie
médicale, en fait des déchets dits biomédicaux, qui
doivent être brûlés, qui, actuellement, sont
transportés dans le comté de Portneuf et sont purement et
simplement enfouis avec les risques de contamination que cela comporte?
Qu'est-ce que vous avez fait depuis que vous avez été
probablement, je l'espère, saisi de cette question? Qu'est-ce que vous
entendez faire à compter de maintenant? Quels sont les moyens que vous
entendez prendre pour faire en sorte que ce soit respecté et que
Portneuf n'ait pas à subir les inconvénients d'une telle
situation?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Ouellette: Il y a une loi, il y a des règlements au
Québec qui concernent l'enfouissement des déchets domestiques.
Dans la Communauté urbaine de Québec, on
dispose d'un incinérateur qui, généralement,
reçoit ces déchets. Actuellement, il y a un conflit de travail
qui ne concerne pas le ministère de l'Environnement et dans lequel je
n'ai nullement l'intention de m'immiscer. Il y a par contre des choix qui sont
utilisés par la Communauté urbaine de Québec, dont c'est
la responsabilité et, à ma connaissance, le tout a
été respecté jusqu'à maintenant.
Le Président: Fin de la période des questions. La
période des questions est terminée.
Aux motions sans préavis.
Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader
parlementaire du gouvernement. (11 heures)
Avis touchant les travaux des commissions
M. Bédard: Je voudrais donner avis que, de 15 heures
à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du
Conseil législatif, la commission du budget et de l'administration
entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 69, Loi
modifiant la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la
Loi sur les impôts. Également, de 16 à 18 heures, à
la salle 91, la commission de l'aménagement et des équipements
procédera à l'étude détaillée des projets de
loi privés 239 et 224.
Conformément à l'article 121 de notre règlement, le
ministre des Affaires municipales sera membre de cette commission pour la
durée de l'étude de ces projets de loi privés.
De 20 heures à 24 heures, à la salle 81, la commission des
institutions procédera à l'étude détaillée
du projet de loi 83, Loi modifiant le Code de procédure civile et
d'autres dispositions législatives. Enfin, après que nous en
aurons terminé aujourd'hui avec l'étude du projet de loi 66
concernant REXFOR, nous ferons une demande pour que ce projet de loi soit
déféré pour étude en commission dès cet
après-midi.
Le Président: Pour être bien conforme à
l'article 121 du règlement, à l'étape de la motion d'envoi
en commission parlementaire, il doit y avoir une motion de faite pour qu'un
ministre devienne membre de la commission. Ce n'est pas par avis qu'un ministre
devient membre mais par motion de l'Assemblée à l'étape de
l'envoi en commission. Puisqu'à cette étape, cela n'a pas
été fait, il y aura peut-être consentement de
l'Assemblée pour qu'il y ait une motion de faite pour que le ministre
des Affaires municipales devienne membre de la commission de
l'aménagement et des équipements pour l'étude des projets
de loi privés 239 et 224. C'est par motion au moment de l'envoi en
commission qu'elle doit se faire.
M. Bédard: M. le Président, je pense que je pourrai
obtenir le consentement.
Le Président: II y a consentement, cette motion est donc
adoptée.
Aux autres travaux touchant les commissions...
M. Ryan: M. le Président.
Le Président: Oui, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, sur le programme de la
journée...
Le Président: Non, c'est le ...
M. Ryan: ...le leader du gouvernement n'a pas parlé de la
commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre. Est-ce que c'est un
oubli?
Le Président: M. le député d'Argenteuil, si
vous me permettez de donner mes propres avis, vous allez voir que cette
question sera réglée rapidement. Les autres avis touchant les
travaux des autres commissions: immédiatement après les affaires
courantes, à la salle 91, la commission de l'aménagement et des
équipements procédera à la vérification des
engagements financiers dans le champ de sa compétence.
Immédiatement après les affaires courantes également,
à la salle 90, la commission de la culture tiendra une séance de
travail. De 11 h 30 à 13 heures et de 15 heures à 18 heures,
à la salle 80, la commission de l'éducation examinera les
orientations des activités et la gestion du fonds FCAC et entendra ses
représentants. Enfin à 16 heures, la sous-commission permanente
de la réforme parlementaire siégera à la salle 101 de
l'édifice Pamphile-Le May.
Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader
de l'Opposition.
Oui, M. le le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Cela va.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, le député
d'Argenteuil avait commencé à demander au leader du gouvernement
si la commission de l'éducation siégerait aujourd'hui tel que la
commission elle-même l'avait souhaité.
M. Charbonneau: M. le Président, je pense que notre
collègue n'a pas compris l'avis que vous venez de donner.
Le Président: Parmi les avis que j'ai donnés, il y
avait celui de...
M. Charbonneau: En fait, cet avis vient d'être
donné.
Le Président: De 11 h 30 à 13 heures, de 15 heures
à 18 heures, à la salle 80.
Projet de loi 66
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Aux renseignements sur les travaux de l'Assembée, cela va. Ce qui
nous mène donc aux affaires du jour et à l'étape de
l'adoption du principe du projet de loi 66, donc la reprise du débat sur
l'adoption du principe de ce projet de loi, Loi modifiant la Loi sur la
Société de récupération, d'exploitation et de
développement forestiers du Québec. La parole était au
député de Maskinongé. M. le leader de l'Opposition.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, vous comprendrez, au moment
où l'Assemblée nationale s'apprête à adopter le
projet de loi 66 qui vise à augmenter de 66 000 000 $ le fonds social
autorisé de REXFOR, qu'il va de soi qu'à titre de
député de Gatineau, je porte un intérêt particulier
à ce projet de loi. Le fonds social autorisé de REXFOR qu'on veut
augmenter servirait, selon le ministre de l'Énergie et des Ressources,
à permettre à REXFOR de mener à bien quatre projets
précis, celui de la remise en marche de l'industrie du sciage dans le
nord de la Gaspésie, le projet de papeterie à Matane, le projet
de panneaux gaufrés dans le comté de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue et finalement, une usine de MDF à
Mont-Laurier. Ce n'est pas de ce dernier projet de l'usine de MDF à
Mont-Laurier dont je voudrais parler ce matin, mais bien - et fort
malheureusement - d'un projet d'usine MDF qui aurait dû être
réalisé à Maniwaki, si on devait en croire le
gouvernement, depuis quelques années et qui, malheureusement, va
peut-être maintenant voir le jour à Mont-Laurier.
Le ministre disait, hier, dans ses remarques, et je le cite: "Jamais je
ne croirai que l'Opposition libérale va voter contre un projet de loi de
développement régional comme celui-là pour 40 milles de
distance. Vous allez passer pour des chauvins." avertissait M. Duhaime. "La
région de Maniwaki ne sera pas oubliée pour autant. Le
gouvernement a en main un projet de développement minier pour cette
région en attendant la construction de la route qui sera
continuée." de dire M. Duhaime. Évidemment, le ministre se
défend comme il peut dans ce dossier où il n'est pas le principal
responsable des engagements que le gouvernement a pris envers la population
de
Maniwaki dans la région dite de la Haute-Gatineau. Mais à
titre de ministre de l'Énergie et des Ressources, il est celui qui doit
tenter, tant bien que mal, d'expliquer la volte-face qu'a faite le gouvernement
dans le dossier de ce que nous appelons en Haute-Gatineau le CITUF, le complexe
intégré de transformation et d'utilisation de la forêt, qui
découle de la décision du gouvernement de construire ce qu'on
appelle la route Maniwaki-Témiscamingue, une route qui donne
accès à des ressources forestières d'un potentiel assez
considérable.
Je pense, M. le Président, qu'il est important de faire
l'historique de ce qui s'est passé en Haute-Gatineau et qui a
débouché tout récemment, tout le monde le sait, sur des
manifestations de colère et de frustration de la part de la population
là-bas face à cette décision du ministère de
l'Énergie et des Ressources d'autoriser REXFOR à procéder
à l'implantation d'une usine de panneaux MDF à Mont-Laurier
plutôt qu'à Maniwaki. Le tout remonte à 1976, au moment
où le ministère des Terres et Forêts d'alors avait
conçu le projet de relier le Témiscamingue à la
région de la Haute-Gatineau par une route de pénétration
en forêt. Ce projet avait commencé surtout dans la partie du
Témiscamingue et très longtemps, les gens de la Haute-Gatineau
ont prié avec instance le gouvernement d'accorder les moyens financiers
nécessaires pour entamer la construction de la route dans sa partie sud,
c'est-à-dire dans cette partie qui devait déboucher à
Maniwaki.
Si la route avait été baptisée "route
Maniwaki-Témiscamingue", c'est évidemment parce qu'elle devait
déboucher à Maniwaki. Or, avec l'élection en 1976 du
gouvernement du Parti québécois et notamment celle du ministre
actuel des Transports, le député de Laurentides-Labelle, le
comté voisin, on devait dans un premier temps assister à une
guerre entre, d'une part, Mme Jocelyne Ouellette, qui était alors
députée de Hull et ministre des Travaux publics et d'autre part,
le ministre des Transports actuel et encore député de
Laurentides-Labelle, à savoir où la route déboucherait. On
a organisé des manifestations. Jusqu'à 1000 personnes sont venues
rencontrer Mme Ouellette et le ministre de l'Énergie et des Ressources
d'alors - qui est aujourd'hui ministre de l'Éducation - pour faire
pression, pour amener le gouvernement à reconnaître finalement, en
1980, que la route Maniwaki-Témiscamingue devait aboutir à
Maniwaki. (11 h 10)
Normalement, on peut se demander pourquoi le gouvernement a pris quatre
ans à se rendre à cette évidence. Il faut l'attribuer
uniquement aux pressions que faisait le ministre des Transports pour amener la
route dans son comté ou à proximité de son comté,
pour qu'il puisse bénéficier des
retombées économiques qui devaient découler de la
construction de cette route.
Le 15 octobre 1980, il faut se resituer dans le contexte. On se
rappellera qu'à ce moment-là il y avait rumeur d'élections
au Québec. Il y avait possibilité d'élections dès
l'automne 1981. Voici ce qu'annonçait Mme Ouellette. Je reprends ses
propos dans un article du "Soleil", le mercredi 15 octobre 1980. "Le ministre
des Travaux publics, Mme Jocelyne Ouellette, vient d'annoncer un investissement
de 120 000 000 $ pour la construction d'un complexe forestier dans la
région de Maniwaki. Ce complexe comprendra une usine de
déroulage, une unité de fabrication de contreplaqué et une
usine thermique fonctionnant avec des résidus forestiers. La
construction des usines de déroulage et de contreplaqué doit
être terminée avant la fin de 1981".
Je vois le ministre de l'Énergie et des Ressources qui se
bidonne. Il a bien raison. On parlait à ce moment-là de la
compagnie MacLaren qui avait été mentionnée et que "toutes
les compagnies de la région avaient été approchées,
avait indiqué au "Soleil" un porte-parole gouvernemental". Dans les
journaux de la région, inutile de dire qu'on applaudissait.
C'était à grand renfort de photos de Mme la ministre avec le
maire de Maniwaki. "Le lieu exact de l'usine sera divulgué
prochainement". "Un investissement de 120.000 000 $ pour avril 1981". Vous
voyez. Élection prévue pour l'automne 1980, mais on
commençait en avril 1981. On reviendra ensuite sur ce qu'on a fait quand
l'élection n'a eu lieu qu'en avril 1981. "Des investissements de 120 000
000 $". "Création de 500 emplois consolidation de 500 autres". "Le
complexe sera à moins de dix milles de Maniwaki". "La construction des
usines commencera en 1981".
Tout est beau. Tout le monde est fin. Tout le monde se réjouit.
Le gouvernement va construire une usine à Maniwaki. De plus, non content
ou satisfait de cela, on disait: "14 700 000 $ pour la Haute-Gatineau. La route
Maniwaki-Témiscamingue, 100 kilomètres à terminer d'ici
1984". Eh bien, là, on est en 1984. Je pourrais citer un document qui
émane du cabinet du ministre de l'Énergie et des Ressources
lui-même qui indique que jusqu'ici, ce ne sont pas 100 kilomètres
de route qui ont été construits sur la route
Maniwaki-Témiscamingue, mais 35 kilomètres. Au moment où
on se parle, il n'y a toujours pas un cent de prévu pour dépenser
sur la route Maniwaki-Témiscamingue cette année. Oui. Comme le
ministre des Transports, le ministre de l'Énergie et des Ressources
recule plutôt que d'avancer.
On peut se demander ce que REXFOR vient faire dans tout cela.
Évidemment, ce n'est pas REXFOR qui avait garanti à la population
de la Haute-Gatineau, à la veille des élections de 1981, de
construire cette usine. D'ailleurs, on peut se dire: Oui, mais il n'y a pas eu
d'élection à l'automne. L'élection n'a eu lieu qu'au
printemps 1981. Comment le PQ a-t-il expliqué cela? Très
facilement. Le 2 mars 1981 évidemment, on est fort là-dessus au
Parti québécois on l'a annoncé de nouveau. J'ai ici un
article de presse du journal "La Presse", le 2 mars 1981, avec photos de Mme
Ouellette et de M. Bérubé: "Implantation d'un complexe forestier
de 100 000 000 $ dans l'Outaouais". On avait perdu 20 000 000 $ quelque part.
Mais avec ces gens-là, on n'est pas à quelques millions
près dans ces projets. Comme CD. Howe avait déjà dit:
"What is a million?" pour eux autres, "What is 20 000 000 $?" Surtout pour un
complexe qu'on n'a pas l'intention de construire de toute façon.
"Implantation d'un complexe forestier de 100 000 000 $ dans l'Outaouais".
"Révocation de concessions forestières". "Création d'une
société forestière". C'est là que REXFOR est
arrivée dans le portrait. Il faut dire que ce projet du complexe
forestier, le CITUF, avait été conçu par la
Société d'aménagement de l'Outaouais qui s'en faisait le
promoteur. Il y a quelque 750 000 $ qui ont été
dépensés en fonds publics pour préparer les études
de faisabilité et de rentabilité de cette usine. Le gouvernement,
à ce moment-là, ne disait pas: Si l'entreprise privée...
S'il n'y a pas de projet concret, on ne le fera pas. Il garantissait: On fait
le projet à Maniwaki.
On est allé plus loin que cela. On a même, à la
demande de REXFOR - cela, le président de REXFOR l'a confirmé en
commission parlementaire, quoiqu'il ait dû admettre qu'il l'avait
oublié - gelé deux sites dans la municipalité de Egan-Sud,
à dix milles de Maniwaki. On a gelé ces deux sites pour faire
quoi? Pour construire l'usine de Mont-Laurier? Mais non! On a gelé les
sites pour construire le CITUF à Maniwaki.
On disait, dans cette lettre signée par le vice-président
du domaine forestier de REXFOR, M. Jean-Louis Caron, datée du 17
février 1981: "Depuis ce temps, nous avons amorcé des
négociations relatives aux autres aspects du projet, notamment l'usine
de préparation des bois, l'usine de panneaux MDF et l'usine
d'énergie." L'usine de panneaux MDF, REXFOR, le 17 février 1981,
ce n'était pas à Mont-Laurier qu'elle la construisait,
c'était à Maniwaki. Cette lettre est adressée au
président de la Société d'aménagement de
l'Outaouais. C'était à Maniwaki qu'on la construisait. Il disait
dans le dernier paragraphe et je vous le cite: "Nous demandons donc à la
Société d'aménagement de l'Outaouais de mettre sous
réserve ces deux sites." On venait de les décrire.
REXFOR s'apprêtait à faire quoi? À
aider la réalisation du projet du CITUF en Haute-Gatineau,
à Maniwaki. Il y avait d'ailleurs eu un arrêté en conseil
à ce sujet, la décision 81-36 du 18 février 1981, du
cabinet des ministres, qui pourvoyait au gel des terrains en question pour la
création d'une société d'aménagement forestier qui
verrait à l'allocation des ressources à la suite de la
révocation des concessions forestières à E.B. Eddy,
à CIP et aux autres qui jouissaient de concessions dans ce coin.
À ce moment, REXFOR - elle le disait dans sa lettre à la
Société d'aménagement -était extrêmement
intéressée, remerciait la Société
d'aménagement de l'Outaouais d'avoir été invitée
à participer aux études qui devaient mener à la
réalisation du projet. Comment expliquer que, tout à coup, on se
retrouve devant une décision de REXFOR d'aller implanter à
Mont-Laurier l'usine de panneaux MDF qu'elle était
intéressée à construire à Maniwaki? C'est
qu'entre-temps REXFOR a acquis une compagnie à Mont-Laurier, la
compagnie Bellerive-Ka'N'Enda. Le président de REXFOR nous a dit en
commission parlementaire la semaine dernière: La raison pour laquelle on
n'a pas continué à travailler à Maniwaki est que les
entreprises, notamment, MacLaren, ne voulaient pas de nous.
Le gouvernement, quand il faisait des promesses... Vous allez me dire:
Un gouvernement fait toujours des promesses avant une élection et ne les
respecte pas toujours, surtout ce gouvernement, mais j'irai plus loin. Ce n'est
pas seulement avant l'élection qu'on l'a promise, on en a parlé
après aussi. Tous les ténors, incluant l'actuel ministre de
l'Énergie et des Ressources, à chaque tournée qu'ils
faisaient dans le coin, nous répétaient: Le projet de CITUF
répond à un besoin (Gérald Godin). C'est toute une
sommité en matière de transformation des ressources
forestières, mais, quand même, c'est un membre du cabinet. Il
faisait son petit tour de piste en nous disant: Le projet répond
à un besoin, demeure une priorité du gouvernement.
Celui-là même, le grand et fastueux ministre d'État
au Développement économique qu'il était à ce
moment-là, M. Bernard Landry, la bouche grande ouverte, nous disait: Le
complexe forestier est une priorité pour le Québec. Quand il
parlait, ce n'était pas n'importe qui, le ministre du
Développement économique - à peu près à la
même date, février ou mars 1981 - quand il disait: Le complexe
forestier est une priorité pour le Québec.
Le ministre de l'Énergie et des Ressources disait dans "Le Droit"
du samedi 3 septembre 1983, ce n'est pas vieux, M. le ministre: "Réunion
avec Duhaime à Maniwaki. Le complexe forestier demeure une
priorité du gouvernement." Je suis sûr que, quand il va se lever
en réplique tantôt, ce sera pour nous dire: Oui, c'est vrai et
ça le demeure toujours. Entre nous, M. le ministre, il n'y a plus
personne qui vous croit. Plus personne ne vous croit. (11 h 20)
II fallait lire l'éditorial de Johannes Martin-Godbout. Vous vous
rappelez, M. le ministre, combien de fois vous me l'avez citée quand
elle écrivait des choses à votre goût pendant la commission
sur le saccage de la Baie James. Vous ne vous le rappelez peut-être pas,
mais moi, je me le rappelle. Voici ce qu'elle dit de votre gouvernement, dans
le dossier du complexe forestier, en date du 27 avril 1984: "Les manifestations
d'impatience à Maniwaki n'ont rien de surprenant. Les citoyens ont
encaissé de promesse en promesse la plus dure leçon.
Québec ne les a pas pris au sérieux." C'est cela que le
gouvernement a fait. Il s'est foutu des gens de la Haute-Gatineau. Il les a
leurrés. Il les a bernés en leur promettant mer et monde pour les
amener à voter pour lui.
Je ne me le cache pas, M. le Président, à
l'élection de 1981, à Maniwaki, le candidat du Parti
québécois a obtenu au moins 400 votes de majorité sur ma
candidature, et à partir de quoi, M. le Président? M.
André Racine, qui est aujourd'hui au cabinet du ministre de la Justice,
s'en fout pas mal du complexe forestier de la Haute-Gatineau, mais il fallait
le voir, membre de la commission de la route Maniwaki-Témiscamingue,
membre d'à peu près tout ce qu'il y avait de comités de
citoyens et de comités d'animation, blâmer le député
de Gatineau de ne pas réaliser le projet et dire comment le gouvernement
péquiste, dès le lendemain de l'élection,
procéderait à la construction.
Je vous lirai un extrait d'un télégramme qu'a
envoyé le maire de Maniwaki, M. Gendron, qui, depuis les tout
débuts, a travaillé pour une seule cause, avec une seule
motivation, celle de voir le projet se réaliser pour créer des
emplois pour les gens de chez lui. Il s'est associé au Parti
québécois avant l'élection de 1981. Il s'est
associé à tous ceux qu'il croyait de bonne foi à vouloir
réaliser ce projet. Aujourd'hui, il est amèrement
déçu. Il écrivait au ministre de l'Énergie et des
Ressources, dans un télégramme, durant les manifestations qu'on a
connues il y a quelques semaines, et je cite: "Ces gens - en faisant
référence aux gens de la Haute-Gatineau - sont
déterminés et ils ont toujours frais à la mémoire
les promesses successives des Ouellette, Bérubé, Landry et
Duhaime qui, pour des raisons sûrement valables, politiques,
économiques ou autres, ont promis aux gens de la Haute-Gatineau que le
gouvernement allait faire tout en son possible pour que le complexe forestier
devienne une réalité en Haute-Gatineau. Pour
les gens d'ici, Bellerive-Ka'N'Enda ou REXFOR n'est rien de moins qu'une
filiale de votre gouvernement." Il enchaînait: "Votre
télégramme nous rappelle cette triste réalité que
le seul péché qu'a commis notre population est d'avoir eu
confiance en votre gouvernement, son gouvernement, en ses porte-parole, au
point d'avoir donné au Parti québécois une majorité
dans notre région lors des dernières élections."
Hier, à la suite de tout cela, que nous disait le ministre? J'y
ai référé tantôt. Il nous a parlé de la
continuation des travaux sur la route. Où est l'argent, M. le ministre?
Vous nous promettez 2 000 000 $. C'est 5 000 000 $ par année qu'on
aurait dû avoir. Tout cela devait être terminé pour 1984 et
on en a encore jusqu'en 1995 sinon en l'an 2000 au rythme où les travaux
se poursuivent sur cette route. Le complexe forestier, où est la
volonté du gouvernement de respecter ses engagements? Hier, le ministre
nous parlait d'une mine, de la possibilité d'exploiter une mine.
Pensez-vous que vous allez faire du millage politique avec une mine, M. le
ministre? Pensez-vous que le comité que vous avez créé...
C'est au moins cela, vous avez accepté de créer un comité
à la suite des manifestations qui ont duré plus de deux semaines
dans la région parce que vous n'acceptiez pas, au préalable, de
rencontrer les responsables de la région, le maire de Maniwaki, le
préfet de la MRC.
Finalement, je souligne l'apport du député de Pontiac dans
ce dossier et je le remercie, d'ailleurs, d'avoir travaillé dans
l'intérêt de la région de l'Outaouais en
général et de la Haute-Gatineau en particulier. Il le soulignait
hier, il semble que ce gouvernement n'entend et ne répond aux
aspirations des gens que lorsqu'ils bloquent les routes, quand ils font des
manifestations et quand ils prennent les grands moyens. On en est rendu
là avec ce gouvernement. Je dis, M. le Président, que si le
porte-parole de notre parti en matière d'énergie et de
ressources, le député d'Outremont, a indiqué hier que nous
voterons pour l'adoption du principe du projet de loi 66, ce n'est pas sur mon
insistance. Je peux vous dire franchement, M. le Président, que ce n'est
pas moi qui ai tenté de l'influencer pour qu'on vote de cette
façon, parce que s'il n'en était que de moi, que de
l'expérience qu'on a vécue chez nous, c'est un vote contre que
j'enregistrerais à ce projet de loi 66 parce qu'il vise non seulement
à ne pas respecter les engagements du gouvernement actuel mais, bien
plus, il vient en quelque sorte voler le projet d'usine de panneaux MDF qui
devait être construite à Mont-Laurier. On le vole au profit de la
région de l'Outaouais, au profit de Mont-Laurier. On n'a rien contre
cela mais la présence de REXFOR dans ce dossier, loin de traduire les
supposées intentions du gouvernement de réaliser le projet de
CITUF à Maniwaki, a fait en sorte que cela a avorté. Maintenant,
depuis 1976, huit ans plus tard, on est devant quoi en Haute-Gatineau? D'autres
promesses du gouvernement. On va faire quelque chose quelque part, grâce
à des travaux d'un comité quelque part.
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, j'ai confiance que
vos intentions sont louables mais je vous dis que vous faites partie d'un
gouvernement qu'on ne peut plus prendre au sérieux, qu'on ne peut plus
croire chez nous. Je vous avise tout de suite que si les résultats
concrets ne viennent pas bientôt par vos interventions dans la
région, vous devrez en répondre aux prochaines
élections.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. ministre de
l'Énergie et des Ressources, votre droit de réplique.
M. Yves Duhaime (réplique)
M. Duhaime: M. le Président, vous allez comprendre
facilement que mes premiers mots vont être des paroles de
félicitations non pas sur la dernière intervention mais sur la
position officielle prise par le Parti libéral sur le projet de loi 66
puisque, selon ce que le député d'Outremont nous apprenait hier,
lors de son discours en deuxième lecture, le Parti libéral du
Québec votera avec le gouvernement du Parti québécois sur
ce projet de loi. J'ai dit hier que j'allais offrir des félicitations si
la formation libérale décidait de joindre son vote au nôtre
et je le fais M. le Président. Je le fais sans aucune
réserve.
J'ajouterais un peu d'admiration pour le député de
Gatineau qui vient de nous faire un discours en disant: "S'il n'en était
que de moi, je voterais contre." Je pense que c'est un bel exemple de
solidarité envers votre formation politique. Je vous en
félicite.
Je voudrais également dire que nous avons connu hier, de
façon officielle, la position du Parti libéral. Si j'ai fait une
intervention dans le sens de celle que j'ai prononcée hier c'est que
j'avais des inquiétudes. Le député d'Outremont m'avait
complètement désemparé en commission parlementaire parce
qu'il est le critique officiel de l'Opposition. Il s'est présenté
en commission parlementaire en disant: Excusez-moi mais aujourd'hui je vais
parler en mon nom personnel.
Je voudrais ajouter mes félicitations à M. Bourassa; comme
il n'est pas en Chambre, on doit donc lui parler à travers la lucarne et
le remercier. Merci, Robert. Merci, Robert Bourassa pour avoir indiqué,
soit lors d'une rencontre ou soit lors d'une conversation
téléphonique, à son parti, à son aile
parlementaire, d'aller au-delà de l'aveuglement et de la partisanerie
politique et de
reconnaître que le gouvernement, par le projet de loi 66, avait
déposé à l'Assemblée nationale un excellent projet
de loi. Je comprends que M. Bourassa ait eu le temps de le lire,
celui-là, parce qu'il a cinq ans.
Le projet de loi tient dans 200 ou 300 mots. Je pense qu'il faut
être assez grand en politique pour être capable de
reconnaître les mérites de ses adversaires, non pas ses ennemis,
ses adversaires. Je dis à M. Bourassa que lorsque je le verrai
personnellement, je vais le remercier à nouveau. Je le fais au nom de la
population de Matane, au nom des résidents dans la vallée de la
Matapédia, les résidents et les travailleurs du nord de la
Gaspésie, au nom de ceux de Mont-Laurier, au nom de ceux du
Témiscamingue. J'ajouterais également au nom de ceux de Maniwaki.
Je vais revenir sur Maniwaki tantôt. Cela va permettre à M.
Bourassa, lorsqu'il va se promener en région, de pouvoir dire à
la population: sur chacun de ces projets, nous le Parti libéral du
Québec nous appuyons le gouvernement, nous appuyons le ministre de
l'Énergie et des Ressources qui veut que REXFOR, une
société d'État, intervienne dans le développement
économique, aille retrouver et rechercher des partenaires pour investir
et créer de l'emploi. (11 h 30)
Je pense que ce projet de loi qui est très court, qui va
augmenter le capital-actions autorisé de REXFOR de 66 000 000 $, qui va
permettre d'investir... Touchons du bois, M. le Président, pour que
chacun de ces quatre projets se réalise le plus rapidement possible,
c'est presque 500 000 000 $ dont il s'agit.
J'avoue que je serais peut-être tenté de faire le
même genre de discours que le député de Gatineau, parce
qu'il n'y a rien dans mon comté, il n'y a aucun dollar d'investissement
dans mon comté avec ce projet. Comme député de
Saint-Maurice, je me sens un peu frustré. Pourtant, c'est une grande
région forestière la Mauricie. Je pourrais dire aussi que, comme
ministre responsable des huit comtés de ma région, je pourrais
déclarer forfait et dire que cela n'a aucune espèce de bon sens.
Le ministre de l'Énergie et des Ressources est responsable de REXFOR et
là tu as un projet de loi à l'Assemblée nationale, presque
500 000 000 $ d'investissements, pas un sou pour la Mauricie. C'est vrai. Il y
a des gens dans ma région de la Mauricie qui m'ont demandé ce que
je faisais à l'Assemblée nationale: Est-ce que vous êtes
là seulement pour développer les autres régions? Vous
n'avez rien pour nous autres? Je leur réponds ceci: Chacun son tour.
Dans notre région, il y a eu une aluminerie à Bécancour, 1
200 000 000 $. Si je déposais un jour à l'Assemblée
nationale le nombre de députés des deux côtés de
l'Assemblée nationale qui sont venus me rencontrer pour proposer un site
industriel pour une aluminerie, vous verriez que la liste est longue.
On ne peut pas tout faire en même temps. Tout le monde sait que
j'aurais souhaité, et je le maintiens même si le
député de Gatineau ne me croit pas... je parle avec du monde
aussi dans sa région. Le malheur, c'est qu'on ait analysé le
dossier du côté de l'Opposition - je parle de celui de Maniwaki -
à travers la lunette partisane, pour en venir à conclure d'une
façon un peu simpliste, à mon point de vue, que, parce que M.
Léonard est député de Laurentides-Labelle, ministre des
Transports et mon collègue au cabinet, nous aurions décidé
un bon matin de déménager de 40 milles un investissement. Voyons
donc! Soyons sérieux. Nous disons depuis plusieurs années que
dans la région de la Haute-Gatineau, autour de Maniwaki, il y a
là un potentiel forestier très important. Nous souhaitons qu'il
soit mis en valeur le plus rapidement possible. C'est dans ce sens d'ailleurs
que nous avons décidé d'aller de l'avant avec la construction de
la route de Maniwaki-Témiscamingue. Il est bien certain que si mon
budget était plus gros, j'en dépenserais davantage, mais dans un
gouvernement, il faut composer, il faut arbitrer et on a passé une crise
économique très difficile.
La route Gagnon, c'est exactement la même chose. On souhaiterait
la faire plus rapidement. Je vais dire au député de Gatineau,
pour le consoler, que les libéraux ont mis 27 ans à relier le
fleuve Saint-Laurent à la rivière Saint-Maurice dans ma
région, 27 ans. N'allez pas penser qu'il y a 270 milles. Il y a 27
kilomètres entre les deux points. Cela a pris 27 ans. Qui est-ce qui l'a
terminée? C'est notre gouvernement en 1976. Jean Lesage parlait de cela
en 1960 dans ma région: On va construire une autoroute entre
Trois-Rivières et Grand-Mère. Rendu à 1976, les deux
points étaient reliés, mais sur deux voies seulement. Notre
gouvernement à nous, l'a réglé le problème: on l'a
construite. La route Maniwaki-Témiscamingue, je l'ai dit l'autre jour
à M. le maire Gendron en présence de M. Lafrenière, je
crois, qui est préfet de la MRC, je leur ai dit: "Je vais faire un
réaménagement à l'intérieur de mon propre budget
pour faire en sorte que cette année des travaux soient faits sur le
terrain pour la route Maniwaki-Témiscamingue et je tiendrai parole, M.
le Président.
On a cité beaucoup de déclarations de mes
collègues. Je vais les expliquer de la manière suivante. C'est
peut-être l'enthousiasme, M. le Président, c'est peut-être
la très grande confiance dans le projet. Je le dis à la
population de Maniwaki et je le fais très sérieusement, lorsque
REXFOR avait ce mandat de mettre en route un complexe intégré de
transformation et
d'utilisation de la forêt, il a toujours été dit et
j'aurais souhaité que le député de Gatineau le
précise tantôt - que REXFOR devait se trouver des partenaires. Le
président de REXFOR, M. Duchesneau, l'a dit très clairement: Nous
n'avons même pas pu trouver un partenaire pour mettre en route un projet
MDF pour Maniwaki. Nous n'écartons pas, nous ne rayons pas le dossier ou
le projet du CITUF, au contraire, M. le Président, il est maintenu.
J'espère que nous pourrons aller de l'avant le plus rapidement
possible.
Je suis content finalement des discours des députés
libéraux pour une raison, M. le Président. En dehors de
l'Assemblée nationale, M. Robert Bourassa, même le
député de Vaudreuil-Soulanges tout récemment - le no 3 - a
fait un discours pour dire qu'un gouvernement libéral mettrait la hache
dans les sociétés d'État. Je pense que c'est mon
collègue de Rouyn-Noranda-Témiscamingue qui avait la coupure en
main hier et qui en a parlé dans son intervention.
Il faudrait qu'on se branche en face, M. le Président. Est-on en
faveur de l'intervention des sociétés d'État dans
l'économie et, entre autres, REXFOR? Je dois conclure des discours
entendus hier à l'Assemblée nationale que le Parti libéral
du Québec est d'accord. Si vous êtes d'accord à
l'Assemblée nationale, pourquoi ne tenez-vous pas le même discours
à l'extérieur? Vous faites le cheminement inverse de votre ancien
nouveau chef qui, lui, est à l'extérieur de l'Assemblée
nationale continuellement et qui dit le contraire de vous autres. Finalement,
vous êtes certains de rencontrer le point de vue de tout le monde. Je
comprends que, stratégiquement, cela peut être un peu idiot, mais
sur le plan logique, cela ne se tient pas beaucoup.
C'est à grands cris qu'on réclame l'intervention de
REXFOR. Ce n'est pas un édit biblique, l'affaire de REXFOR. REXFOR est
une société d'État. On souhaiterait nous, bien sûr,
qu'on puisse préciser, attacher, accepter un plan de
développement qui soit beaucoup plus précis. Mais il faut bien
comprendre l'ambiguïté du mandat de REXFOR que soulignait, à
juste titre, le président de REXFOR, le député d'Outremont
en a parlé également, cela saute aux yeux que le mandat est
ambigu. Pourquoi le mandat est-il ambigu? C'est parce que, dans un premier
temps, on demande à REXFOR d'avoir les mêmes règles de
gestion, d'administration, les mêmes exigences, quant à la
rentabilité, que l'entreprise privée. D'un autre
côté, on lui envoie des douzaines des canards boiteux et on lui
demande ensuite de prendre des risques très élevés.
Je prends un exemple: dans l'industrie du sciage, dans le nord de la
Gaspésie, nous tentons actuellement d'intéresser des partenaires
du secteur privé. Si vous saviez,
M. le Président, le nombre de fois que, au cours de ces
discussions, ces gens-là avec qui nous parlons se sont dits prêts
à investir, mais ils ne veulent pas prendre un capital de risque. Ils
vont investir dans du capital-actions et ils demandent ensuite au gouvernement
de garantir que ces actions vont garder au moins leur valeur au pair.
Deuxièmement, ils demandent qu'elles aient une rentabilité
garantie d'avance comme si c'était une obligation et, en plus,
l'opportunité au bout d'un certain nombre d'années de prendre le
paquet d'actions, de le mettre sur la table et de dire au gouvernement:
Remettez-moi mon argent. Si c'est cela que vous appelez du capital de risque
pour des partenaires, cela ne fera pas des enfants forts, M. le
Président. Il faut bien comprendre que, dans l'industrie du sciage en
Gaspésie, là où est l'entreprise privée, les uns
après les autres se sont culbutés du premier jusqu'au dernier et
la série de faillites pourrait être très longue.
Aujourd'hui, la population de ces régions demande à REXFOR
d'intervenir. Si REXFOR n'intervient pas, c'est le chômage, M. le
Président, dans le nord de la Gaspésie. C'est le chômage!
Personne ici ne veut que ces gens restent à ne rien faire, alors que la
ressource est là. Alors, qu'est-ce qu'on fait? On donne un mandat
à REXFOR. On ne lui demande pas de faire une analyse, strictement
parlant. On lui dit: Nous souhaitons que vous interveniez. On fait des chiffres
et on en arrive à évaluer les risques comme étant
très élevés sur le plan de l'investissement. (11 h 40)
Le retour probable sur l'investissement sera faible. Je suis à
peu près certain que nous serons en dessous des seuils de
rentabilité pendant quelques années, mais le choix qu'on a, c'est
quoi? C'est de ne rien faire et de laisser chômer la population. Lorsque
les opérations de cette entreprise se font, c'est entendu que cela a un
impact ensuite sur les états financiers de REXFOR. Je n'ai pas encore le
nom du savant et brillant recherchiste du Parti libéral qui a refait,
hier, les états financiers de REXFOR en essayant de démontrer par
la voie du député d'Outremont que REXFOR était une
compagnie qui, dans ses opérations forestières, là
où elle était majoritaire, faisait des déficits. Ce n'est
pas tellement sérieux. Si j'ai des actions dans Bell Canada, est-ce que
j'irai voir les projets où se font des pertes? Ou encore, pour
évaluer mon investissement ou encore les projets qui sont rentables, les
investissements qui sont rentables et les placements, je vais les sortir du
bilan? C'est complètement ridicule.
Il n'y a qu'une façon de lire un état financier. Ce qui
compte - les Anglais appellent cela le "bottom line" - c'est la ligne d'en bas.
Dans REXFOR, sur le bilan
consolidé, vous les avez, ces états financiers, en face.
Vous n'avez pas l'air de me croire. Vous les avez en main. Je vais vous poser
une question simple: En consolidation, y a-t-il une perte ou un
bénéfice à REXFOR? Vous allez être obligés de
conclure avec moi que c'est un bénéfice consolidé. II est
bien évident que si j'enlève ce qui est payant, j'arriverai avec
un déficit. On n'a pas besoin d'être dans le Parti libéral
pour faire une opération semblable, mais quand c'est un recherchiste qui
la fait, je trouve cela fort.
Le député d'Outremont a l'air d'être
scandalisé parce que le capital-actions de REXFOR ou son
équité serait plus élevé que son chiffre
d'affaires. Ce sont des ratios qui ne tiennent pas debout. Je vous renvoie
à Hydro-Québec. Hydro-Québec est rendue à un
capital-actions de l'ordre de 6 000 000 000 $ dans l'équité. Quel
est le chiffre d'affaires d'Hydro-Québec? 3 500 000 000 $. Conclusion:
L'équité, quand vous regardez votre feuille de
comptabilité, fait partie du passif. Il est bien évident que
c'est la taille de l'entreprise ou le niveau des investissements qui va
commander l'équité, pas nécessairement le chiffre
d'affaires. Cela ne veut rien dire. Je regardais vos grands tableaux hier
après-midi. Franchement, vous avez perdu votre temps là-dedans.
Ce dont REXFOR a besoin, c'est de 66 000 000 $ pour augmenter son
capital-actions ou son équité. Avec ces 66 000 000 $, REXFOR ira
rejoindre, espérons-le, des partenaires dans chacun des projets. Le
total du capital-actions que REXFOR irait rejoindre sera de l'ordre de 130 000
000 $ ou 135 000 000 $. Cela voudra dire, au total, 190 000 000 $ ou 200 000
000 $ d'investissements dans du capital de risque qui, à leur tour, vont
entraîner un investissement total de 486 000 000 $.
Je pense que le projet de loi 66 qui sera mis aux voix à
l'Assemblée nationale répond à d'urgents besoins en
Gaspésie, à Matane, dans le Témiscamingue et aussi
à Mont-Laurier. Ces quatre projets dont un, celui du sciage en
Gaspésie, devrait démarrer dans les semaines qui viennent avec un
centre de traitement à Matane et la modernisation dans quatre des six
moulins de sciage. Nous espérons achever les discussions avec les
créanciers ou les gestionnaires des entreprises de Mont-Logan et de
Marsoui pour être capables de se mettre en route et d'intégrer ces
deux-là également à l'ensemble du projet.
M. le Président, je voudrais dire un dernier mot, parce que le
député d'Outremont semblait trouver que de ce
côté-ci, on ne s'impliquait pas beaucoup dans la forêt,
qu'on ne faisait pas grand-chose. Je voudrais rappeler qu'hier matin, en
conférence de presse, je rendais public un document sur la politique
forestière du
Québec. "Problématique d'ensemble". Ce document est
daté de juin 1984. Il vient d'être déposé. C'est un
document d'environ 150 pages qui va permettre à l'ensemble des
intervenants dans le secteur de la forêt de prendre connaissance de la
problématique. Tout ce qu'on a fait se résumait à
présenter le portrait de la situation. On a essayé de donner le
maximum de renseignements. On dit à nos partenaires du secteur de la
forêt: Prenez donc trois mois pour faire l'examen de ce document afin de
nous donner vos points de vue sur un certain nombre de sujets que vous
êtes en mesure d'établir vous-mêmes à loisir.
J'espère qu'en septembre on puisse avoir complété
ces séries de consultations et qu'on soit en mesure d'identifier et de
décanter des consensus pour être capable d'aller de l'avant. Il y
a des choses à modifier, c'est évident. Mais, dans l'ensemble,
sur le fond, je crois qu'il n'y aura pas de grandes remises en cause. Je suis
un peu inquiété par les positions du Parti libéral qui dit
qu'il faudrait que les entreprises privées s'impliquent de nouveau dans
la forêt publique. J'espère que le Parti libéral ne se
prépare pas à promettre le retour aux concessions
forestières. J'espère.
En terminant, je voudrais remercier mes collègues de
l'Assemblée nationale et en particulier ceux de l'Opposition - bien
sûr, pourquoi pas? - de même que mes collègues de
Matapédia, de Montmagny-L'Islet, de Matane et de Labelle, de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, d'Abitibi-Est qui se sont
intéressés à ce projet et qui ont fait hier des
interventions pour l'appuyer. Cet après-midi, je pense que nous serons
en commission parlementaire pour faire l'étude article par article de ce
projet de loi. Cela devrait aller rapidement parce qu'il n'y a que cinq
articles. Ensuite, nous voterons en troisième lecture. Aussitôt
que le vote de troisième lecture sera pris, nous pourrons verser les
fonds requis à REXFOR pour être capable de faire démarrer
tout de suite son premier projet. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que le principe de
ce projet de loi qui se lit comme suit: Loi modifiant la Loi sur la
Société de récupération, d'exploitation et de
développement forestier, est adopté? Adopté. M. le leader
adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Blouin: M. le Président, je propose donc que le projet
de loi 66 soit déféré à la commission de
l'économie et du travail, qui sera présidée par un
président de séance. Également, comme le leader du
gouvernement l'a précisé au début de cette séance,
que cette commission siège à compter de 15
heures, à la salle 81.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette double
motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. Gratton: Est-ce que le ministre va être membre de la
commission?
M. Blouin: Forcément, puisqu'il s'agit d'une commission
qui étudie un projet de loi public et non un projet de loi privé.
Sur ce, M. le Président, nous allons parler maintenant des heures
d'affaires des établissements... Pardon?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a
consentement pour ajouter cette nouvelle commission?
M. Gratton: Oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, il y a
consentement. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, nous allons maintenant parler
des heures d'affaires des établissements commerciaux. Sur ce, je vous
demande d'appeler l'article 2) de notre feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 59
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nous allons
reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi
modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux. M. le député de Châteauguay.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur
les heures d'affaires des établissements commerciaux. Ce projet de loi
59 ne constitue pas une première action législative au
Québec sur les heures d'affaires puisqu'il existe une loi datant de
1970. C'est une loi qui a eu son utilité et qui a besoin aujourd'hui
d'être retouchée, le temps ayant démontré qu'il y a
maintenant une lacune sur le plan des pénalités. Cette lacune est
même devenue un encouragement à désobéir à la
loi.
De plus, le projet de loi 59 cherche à combler une autre lacune
qui, cette fois, concerne la question des heures d'affaires le dimanche.
Celle-ci échappe actuellement au contrôle des lois
québécoises puisqu'il appartient à une vieille loi
fédérale de 1907 de la régir. Cette situation a pour
principal inconvénient qu'un très grand nombre d'infractions
à la loi fédérale sont commises menant à des
amendes ridicules, la plupart du temps 1 $, et créant un
déséquilibre de plus en plus grand, de plus en plus gênant
dans l'ensemble du champ des activités de la vente au détail.
C'est, d'ailleurs, ce jour de la semaine, le dimanche, qui provoque le plus
d'infractions. (11 h 50)
Le déséquilibre créé est d'autant plus
gênant que depuis 1970 les règles régissant les heures
d'affaires se sont substituées aux lois habituelles de la concurrence.
Cette réalité a eu surtout l'avantage que les petits marchands
n'ont pas été avalés par les gros, comme cela se voit
fréquemment aux États-Unis. Cette loi de 1970, très utile
à ce point de vue, n'est d'aucune façon trahie dans ses principes
par les modifications qu'apporte le projet de loi 59; cela aurait
été inconcevable, on le comprend bien. Je pense qu'il faut se
réjouir que le projet de loi 59 accentue cette protection des petits
marchands selon cette mission qu'on avait donnée à la loi de
1970. Des petits commerçants qui croient le contraire se sont fait
raconter des histoires, et je le trouve regrettable.
Si le projet de loi 59 reconduit les principes de la loi actuelle, il
cherche, cependant, à en améliorer les modalités
d'application. Ainsi, les exceptions, dans les secteurs où le consensus
s'est fait, se sont multipliées raisonnablement et il y a resserrement
du texte de la loi là où de mauvaises habitudes ont
été prises. Nous ferions preuve d'irresponsabilité si nous
ne faisions pas le nécessaire aujourd'hui pour que la vague
d'illégalité sur les heures d'affaires ne soit pas
endiguée.
Je me réjouis que le projet de loi 59 prévoie des
modalités qui seront significatives, donc plus susceptibles d'inciter au
respect des heures légales. Ainsi, les amendes pourront varier de 200 $
à 5000 $ dans le cas d'une première offense et entre 400 $ et 10
000 $ dans le cas de récidive. Tous les intervenants concernés,
sauf, bien sûr, ceux qui sont habitués à la
récidive, on le comprendra, ont demandé au gouvernement que les
pénalités soient augmentées dans la loi. À mon
avis, les modifications prévues dans le projet de loi 59 sont
susceptibles de recréer l'équilibre qui existait au moment
où la loi a été votée en 1970, mais qui s'est
brisé par de trop grandes entorses à la loi, équilibre
qu'il a paru normal de rechercher dans le domaine de la vente au Québec
depuis 1970.
Cette recherche d'équilibre nouveau ne
peut pas être faite sans avoir à l'esprit que les
employés sont un élément important de la question qui nous
occupe. On ne pourrait donc pas prendre cela à la légère.
Ce n'est pas tout de souhaiter que les consommateurs soient bien servis; il est
de notre devoir de faire en sorte que le changement ne se fasse pas sur le dos
de ceux qui donnent le service, c'est-à-dire des employés qui ont
droit, eux aussi, à une vie normale.
Cette recherche d'équilibre, qui nous a paru si importante dans
le processus de correction de la loi actuelle, s'est faite de façon
démocratique, par une consultation auprès de tous ceux qui sont
concernés. Une première consultation a eu lieu au printemps 1983,
ce qui a permis de préparer le projet de loi 59, c'est-à-dire sa
première version. 172 mémoires avaient été
préparés et destinés à éclairer le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Certains avaient demandé le
statu quo, d'autres avaient demandé une certaine libéralisation
de la loi. La plupart avaient insisté pour que la loi soit
améliorée sur le plan des pénalités et à peu
près tout le monde avait demandé que la loi
québécoise sur les heures d'affaires couvre dorénavant les
heures d'affaires le dimanche.
Dans la première version du projet de loi 59, le ministre avait
tenté de tenir compte au maximum des points de vue de tout le monde, ce
qui n'a pas été facile, on en conviendra, M. le Président.
Cette première version a fait l'objet, après la première
lecture à l'Assemblée nationale, d'une autre consultation qui a
donné lieu à 40 mémoires qui ont été
entendus par une commission parlementaire à laquelle j'ai
participé, ce qui m'autorise à en témoigner. Cette
audition de mémoires a permis de comprendre qu'il fallait tenter
d'apporter d'autres corrections au projet de loi 59 de façon à
tenir compte davantage des points de vue exprimés.
Peut-on honnêtement reprocher à un ministre, en
l'occurrence le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, d'entendre
les intervenants concernés et d'essayer, une seconde fois, de mieux
tenir compte de leurs points de vue et surtout de le faire en cherchant le plus
possible à répondre aux consensus qui se sont
dégagés de plus en plus clairement avec le temps? Non. Faire un
tel reproche au ministre, ce serait, en fait, lui reprocher d'avoir
été le plus démocratique qu'il puisse être.
Avec cette nouvelle version du projet de loi 59, les modalités de
la loi sont, à toutes fins utiles, arrêtées. Nous sommes
conscients que cette version comporte encore des contraintes pour certains
marchands, certains commerçants. Il arrive parfois que, pour rechercher
la justice et l'équité, le législateur doive faire preuve
d'une certaine tolérance particulièrement en ce qui concerne les
délais d'application de la loi. La commission parlementaire a
démontré qu'il fallait donner à certains
commerçants le temps de s'ajuster. C'est le cas des pharmacies. C'est le
cas des marchés publics d'alimentation et des marchés aux puces.
Il ne faut donc pas s'étonner, M. le Président, que le
législateur prévoie la nécessité de donner au
gouvernement une certaine latitude quant à la façon de vivre la
période de transition entre la situation vécue
présentement par les pharmacies, les marchés publics
d'alimentation, les marchés aux puces et celle que prévoit le
projet de loi 59.
Il n'y a rien là de vraiment fâcheux puisque c'est tenir
compte de la nature des choses que de permettre au ministre d'intervenir, si
nécessaire, dans cette question des délais et modalités
prévus pour qu'il y ait conformité aux exigences de la loi en
toute équité, en toute justice. Le député de
Laporte, le porte-parole officiel du Parti libéral sur les questions
d'industrie et de commerce, voyait là hier soir une forme d'arbitraire
du ministre. N'ayant pas de critique sérieuse à faire, c'est tout
ce qu'il a trouvé à dire de sérieux sur le projet de loi
59.
Voyons, d'abord, le cas des pharmacies. Comme le disait le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, hier, ces pharmacies, à
l'origine de la loi, avaient obtenu la permission de vendre des produits
alimentaires. Cela s'expliquait par une situation de fait qui existait dans des
villes et des villages éloignés des grands centres. Ces
pharmacies s'étaient graduellement développées en
superdépanneurs, une sorte de magasin général. Ayant,
d'une façon circonstancielle, bénéficié d'un
certain droit acquis, il est normal que nous cherchions à faire en sorte
que l'application de la loi tienne compte de cette réalité
particulière. Un droit acquis, c'est un droit acquis et cela doit
être respecté quand c'est possible. Le député de
Laporte devrait savoir cela. L'arbitraire qui découle d'obligations de
fait n'est pas de l'arbitraire sur le plan des personnes. Le ministre ne peut
pas être mis en cause. C'est la situation qui exige qu'on prévoie
de telles mesures. Afin que tout cela se fasse dans la plus grande
clarté, le projet de loi prévoit qu'une demande d'autorisation
soit faite au ministre avant le 1er septembre 1984. Cette exception, à
toutes fins utiles, n'existera que pour les pharmacies existantes et les
nouvelles pharmacies devront se conformer totalement à l'esprit et
à la lettre de la loi.
Pour ce qui est des marchés publics d'alimentation, puisqu'une
très grande part de ces marchés et des commerces qui y sont
inclus se sont développés sur une base
d'illégalité, il est normal que le législateur exige de
ces commerçants qu'ils se conforment maintenant à la loi telle
qu'elle
existe et aux modifications que le projet de loi 59 entend y apporter.
Un minimum de réalisme exige que nous tenions compte des
difficultés d'adaptation que cela comporte. C'est la raison pour
laquelle le projet de loi prévoit que les marchés publics
d'alimentation auront jusqu'au 31 décembre 1986 pour se conformer
à la loi. Pourquoi un délai aussi considérable? Il ne faut
pas être grand devin pour le comprendre. M. le député de
Laporte aurait pu comprendre cela facilement. Je ne sais pas ce qui l'aveugle,
sinon la partisanerie. De toute évidence, la conformité à
la loi exigera des travaux assez substantiels; il est normal que nous leur
donnions le temps de les faire. Mais aussi, M. le Président, cette
nouvelle situation exigera des ajustements sur le plan du fonctionnement.
Étant donné l'interdépendance des commerces qui existe
dans les marchés publics d'alimentation, il est normal que l'on donne
à ces marchands le temps de s'ajuster et il est normal aussi que l'on
prévoie une marge de manoeuvre du gouvernement en ce sens. Le
député de Laporte y voit là des liens électoraux.
Je ne lui reprocherai pas d'avoir l'imagination trop fertile.
Pour ce qui est des marchés aux puces qui ont été
dénoncés par plusieurs intervenants à la commission
parlementaire, je pense pouvoir dire que leur effort de conformité
à la loi telle que modifiée ne devrait pas entraîner un
très long processus et de très grandes difficultés. Aussi,
le législateur prévoit-il que cette conformité devra
exister au 31 janvier 1985. Tout cela n'est, en fait, qu'une question de
réalisme. (12 heures)
Je me réjouis de ce que tout le processus de consultation ait
mené à un large consensus parmi tous les intervenants
concernés et qu'il ait mené à un résultat qui
satisfait aujourd'hui la quasi-totalité des marchands et des
consommateurs concernés. Je m'en réjouis d'autant plus qu'un
consensus dans un domaine aussi particulier que celui de la vente au
détail n'est pas facile à faire. C'est un champ d'activité
où, il faut l'admettre, les intérêts particuliers risquent
de conditionner profondément les attitudes et c'est normal. Je ne le
dénonce pas, je le constate.
Il semble que le député de Laporte ait beaucoup de
difficulté, cependant, à comprendre cela. On l'a vu hier soir
quand il a parlé de la réimpression du projet de loi 59 en disant
que la première version du projet de loi avait été
lancée précipitamment. Très drôle! M. le
député de Laporte ne semble pas bien saisir ce que
représente la confection d'un consensus dans un secteur aussi
particulier que celui-là, comme si la confection d'un consensus relevait
de la magie. Nos adversaires, eux, peuvent parler de magie, mais, quand on est
au pouvoir, on ne peut pas se permettre de telles fantaisies.
À mon avis, le député de Laporte s'est beaucoup
trop embourbé dans la partisanerie et cela l'a non seulement
empêché de faire des suggestions constructives au gouvernement
quant à des améliorations qui pourraient peut-être encore
être apportées au projet de loi, mais, en plus, nous avons
été à même de constater qu'il a été
hier, pendant son discours sur le projet de loi 59, un peu comme une girouette
qui se laisse guider par le vent. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que
c'est ce qu'aurait l'air son chef, M. Bourassa, s'il se retrouvait à
l'Assemblée nationale. Présentement, M. Bourassa joue à
Fantomas, ce fameux personnage qui cherchait à se montrer intelligent en
se cachant. Vous avez sans doute vu les films, M. le Président. Je pense
que la comparaison est intéressante.
Je voudrais maintenant vous faire part de certains témoignages de
gens concernés qui démontrent qu'il existe un très large
consensus face à ce projet de loi 59 réimprimé. D'abord,
le témoignage de M. Pierre Racicot, coordonnateur de la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec. M. Racicot disait: "Selon nous, il ne faudrait pas que le
gouvernement permette l'ouverture des magasins le dimanche parce que cette
mesure ferait augmenter les prix à la consommation, tout en favorisant
la surconsommation des ménages. Il nous apparaît que
l'étalement sur sept jours d'ouverture aura pour effet d'augmenter les
coûts des entreprises qui se répercuteront inévitablement
sur les consommateurs et les consommatrices."
Il ajoutait: "Nous sortons à peine d'une période
inflationniste qui a entraîné des hausses de prix, du
chômage et des mises à pied." M. Racicot ajoutait, dans un
communiqué en date du 6 juin 1984: "Une augmentation de la consommation
le dimanche aurait pour effet de provoquer une plus grande utilisation des
guichets automatiques dans les banques par les consommateurs et cela
entraînerait une diminution de l'épargne des ménages et
favoriserait leur endettement."
M. Normand Séguin, le président de l'Association des
détaillants en alimentation, disait du projet de loi 59: "II s'agit
d'une mesure de justice qui empêchera la concurrence déloyale que
plusieurs commerçants, en particulier ceux de l'alimentation, ont
à subir depuis 1970." Il ajoute: "Nous pouvons facilement dire qu'avoir
à payer des employés sur sept jours avec le même volume
d'affaires que sur six jours, cela aura pour effet d'augmenter nos coûts
d'exploitation." M. Séguin ajoute: "La vaste majorité des
propriétaires de commerces appuient le projet de loi 59 modifié,
car, cette fois, on traite tout le
monde sur un pied d'égalité."
M. le Président, un front commun favorable au projet de loi 59
tel que modifié s'est formé. Il est composé de 49
associations, SIDAC et autres organismes. Les porte-parole de ce regroupement,
de ce front commun, concluent du projet de loi 59: "qu'il permet de maintenir
un service approprié aux consommateurs, tout en assurant une concurrence
mieux équilibrée entre les petits et les gros détaillants
et en respectant la qualité de la vie de celles et de ceux qui
travaillent dans ces établissements."
Un autre témoignage: M. Thomas Kukovica, président du
Conseil provincial de l'Union des employés de commerce qui
représente 30 000 employés syndiqués. Il disait: "Dans
notre société contemporaine où les enfants vont à
l'école du lundi au vendredi et où les parents sont
appelés à travailler du lundi au samedi inclusivement, le
dimanche est devenu le seul et unique moment privilégié de la vie
familiale." Il ajoute: "Le fait de permettre d'ouvrir le dimanche à un
certain nombre de commerces va augmenter le prix des produits et va obliger les
corps publics à augmenter leurs taxes en raison des services qu'ils sont
obligés de fournir en surplus." Le président de l'union conclut:
"À notre avis, le commerce constitue l'industrie où la
concurrence demeure la plus féroce et où le moindre avantage
consenti à un commerçant par rapport à un autre se
transforme inéluctablement en gain pécuniaire
appréciable." À mon avis, la réalité que
décrit M. Kukovica est très près de la
vérité. C'est la raison pour laquelle il fallait éviter
une libéralisation sensible des heures d'affaires.
Autre témoignage, celui de M. Louis Laberge, président de
la FTQ, qui disait: "La concurrence déloyale faite par les nouveaux
marchés publics et les pharmacies aux magasins d'alimentation se solde
par des pertes d'emplois et par une détérioration des conditions
de travail."
Ces témoignages démontrent bien qu'il n'y avait
véritablement qu'une voie à suivre face à l'obligation de
rafraîchir l'actuelle Loi sur les heures d'affaires. Ce devait être
dans l'équilibre et dans le consensus. C'est ce qui caractérise
le projet de loi 59. À peu près toutes les conditions sont
réunies pour qu'on soit à l'aise de voter pour ce projet de loi.
On ne saurait trouver de raison de s'opposer au principe aussi raisonnable d'un
tel projet de loi qui apporte des modifications à une loi existante.
La raison pour laquelle nous avons eu droit hier à
l'Assemblée nationale à un discours aussi échevelé
de la part du porte-parole officiel du Parti libéral dans le secteur de
l'industrie et du commerce réside dans le fait qu'il ne pouvait trouver
réellement de défauts majeurs au projet de loi. Aussi, le
député de Laporte a dû exceller dans la partisanerie et la
recherche de puces, son attitude allant parfois jusqu'à la
contradiction, quand ce n'était pas faire preuve d'une complète
incompréhension du processus de confection d'une loi,
particulièrement d'une loi qui se doit de chercher un équilibre
comme c'est le cas de la loi 59. Le député de Laporte aura
l'occasion de se reprendre en votant pour le principe du projet de loi 59.
J'incite tous mes collègues à l'Assemblée nationale
à en faire autant. C'est dans ce sens, je pense, que se trouveraient nos
responsabilités de députés. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais parler
seulement d'un point en ce qui concerne le projet de loi 59; il s'agit de la
liberté de religion et des heures d'affaires des établissements
commerciaux. Vous savez bien que la charte québécoise et la
charte canadienne des droits garantissent la liberté de religion.
Au-delà de ces garanties, il faut permettre l'exercice libre d'une
religion. J'aimerais vous donner des exemples. Admettons que quelqu'un est
religieux et que son sabbat est le samedi. Admettons que cette personne est
bénéficiaire de l'assurance-chômage et qu'on lui offre un
emploi qui exige le travail le samedi. Si cette personne refuse le travail, je
ne pense pas qu'elle devra perdre son assurance-chômage parce qu'on ne
peut pas forcer quelqu'un à faire quelque chose que sa religion
l'empêche de faire. (12 h 10)
Un autre exemple: dans nos prisons, il y a des détenus qui sont
de religion musulmane ou juive, des personnes qui ne mangent pas de porc. On
sait que, dans nos prisons provinciales et dans nos pénitenciers
fédéraux, on prend des mesures pour ne pas servir de porc
à ces personnes puisqu'elles ne peuvent pas en manger à cause de
leurs croyances religieuses.
Le projet de loi 59 prévoit la fermeture des magasins le
dimanche. On sait bien que des personnes pratiquent des religions où le
sabbat n'est pas le dimanche, mais le samedi, par exemple. Ces personnes ne
travaillent pas le samedi. Des gens ne travaillent pas le dimanche parce que
c'est leur sabbat, d'autres ne travaillent pas le samedi parce que c'est leur
sabbat; il y a aussi des gens qui ne travaillent pas le vendredi parce que
c'est leur sabbat. Quand j'ai visité Jérusalem, cela m'a beaucoup
frappé qu'il y ait des magasins fermés le vendredi parce que les
propriétaires sont musulmans, mais ils sont ouverts le samedi.
Des magasins sont fermés le samedi parce que leurs
propriétaires sont des juifs orthodoxes; des magasins sont fermés
le dimanche parce que leurs propriétaires sont chrétiens. Il y a
toujours des magasins qui sont ouverts sept jours par semaine, mais des gens
ferment soit le vendredi, le samedi ou le dimanche.
Quel est le fondement de notre loi, de notre pratique de fermer les
magasins le dimanche? Au XIXe siècle, au Canada, il y avait un mouvement
en faveur de la tempérance parrainé par les Églises
évangéliques, par exemple, l'Église méthodiste;
relié à ce mouvement, il y avait celui en faveur de l'observance
du dimanche. Au XIXe siècle, en Ontario, la Législature a
adopté la Loi sur le dimanche, une loi provinciale. Cela a
été contesté devant les tribunaux et jugé
inconstitutionnel dans l'arrêt du Procureur général de
l'Ontario contre Hamilton Street Railway, 1903, Appeal Cases, page 524. Le
comité judiciaire du Conseil privé, qui était la cour de
dernière instance pour le Canada à l'époque, a
décidé que la religion est de compétence
fédérale en vertu de la compétence fédérale
sur le droit criminel. Il a relié la religion au droit criminel et il a
décidé qu'une loi qui porte sur la religion doit être
nécessairement adoptée par le Parlement fédéral. Il
a fait l'analogie avec le droit criminel au Royaume-Uni d'où vient notre
système de droit criminel. Comme, au Royaume-Uni, la religion faisait
partie du droit criminel, on a dit que c'était la même chose ici.
Donc, la loi provinciale a été jugée
inconstitutionnelle.
Trois ans plus tard, en 1906, le Parlement fédéral a
occupé le champ en adoptant la Loi canadienne sur le dimanche. Dans
cette loi canadienne encore en vigueur, tout est interdit le dimanche, sauf si
quelque chose est permis par une loi provinciale. On se souvient bien que, dans
les années quarante et cinquante, par exemple, il était possible
d'aller au cinéma à Montréal, mais pas à Toronto.
Le dimanche, on jouait au base-bail à Montréal, mais pas à
Toronto. C'était parce qu'au Québec on permettait ces
événements, mais en Ontario on n'avait pas de loi pour permettre
le cinéma ou le base-bail le dimanche.
Cette loi fédérale de 1906 a été
contestée en vertu de la Déclaration canadienne des droits qui
protège la liberté de religion dans l'arrêt Robertson et
Rosetanni contre la reine en 1963, rapport de la Cour suprême à la
page 651. Il s'agissait des propriétaires d'une salle de quilles qui
avaient gardé leur salle de quilles ouverte le dimanche. Parce qu'il y
avait une poursuite contre eux en vertu de cette loi fédérale,
ces gens ont contesté la validité de la loi
fédérale et sont allés jusqu'en Cour suprême du
Canada où les juges ont dit que la loi fédérale en
question était valide.
La cour a dit que cette loi fédérale qui réglemente
le travail le dimanche avait un caractère séculier. Si c'est
vrai, le fondement constitutionnel de la compétence
fédérale est disparu parce que le gouvernement
fédéral peut légiférer sur le dimanche seulement
s'il s'agit de matières qui touchent le droit criminel. Si c'est une
matière séculière, le Parlement fédéral ne
peut pas légiférer. Donc, on a toujours trouvé très
difficile d'expliquer le ratio decidendi, le fondement juridique, plutôt,
de cette décision de la Cour suprême du Canada. La décision
a même été fort critiquée par le professeur Bora
Laskin qui est devenu ensuite juge en chef de la Cour suprême du
Canada.
Aujourd'hui, cette loi fédérale sur le dimanche est encore
contestée et, cette fois, parce que les gens plaident que cette loi
fédérale va à l'encontre de la garantie de la
liberté de religion qu'on trouve dans la charte canadienne des droits de
la personne. Je pense que la Cour d'appel de l'Alberta a déjà dit
que la loi était inconstitutionnelle et invalide et, maintenant, la
cause sera bientôt plaidée à la Cour suprême du
Canada. Ce sera le dernier mot sur la validité de la loi
fédérale sur le dimanche vis-à-vis de la liberté de
religion. Si le projet de loi 59 portait seulement sur la fermeture le
dimanche, ce serait une loi invalide et inconstitutionnelle, mais le projet de
loi 59 porte sur les heures de travail en général et,
incidemment, sur le dimanche. Le projet de loi porte sur les jours de repos et,
incidemment sur le dimanche. Donc, il est fort probable que le projet de loi
soit valide, comme la loi de l'Ontario qui porte sur la même
matière.
M. le Président, il y a des propriétaires de commerces qui
observent le samedi comme jour de repos. Ces personnes ferment leur commerce le
vendredi, avant le coucher du soleil jusqu'au samedi soir. Leur religion leur
interdit de commercer le vendredi soir et toute la journée du samedi. Je
parle des personnes qui sont, par exemple, des Adventistes du septième
jour, des Juifs orthodoxes, de même que les membres de l'Église
universelle de Dieu. Les gens qui font partie de ces religions ferment leur
magasin le vendredi soir et toute la journée du samedi. Donc, ils
perdent une certaine possibilité de faire de l'argent. Ces personnes
sont pénalisées si on les force à fermer le dimanche,
parce que, à cause de leur religion, elles ferment aussi le vendredi
soir et le samedi. Ces commerçants qui ferment le samedi et qui ne
peuvent pas ouvrir le dimanche perdent environ un tiers de leurs ventes. Je
trouve que cela pourrait causer une atteinte à la liberté de
religion, à la libre pratique de la religion. Il faut, à mon
avis, permettre à ces personnes qui ferment leurs magasins le samedi de
les ouvrir le dimanche.
(12 h 20)
La Commission des droits de la personne a recommandé au
gouvernement "que, dans le respect du pluralisme qui caractérise notre
société québécoise et dans une optique d'une plus
grande tolérance à l'égard de nos différences, le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme prévoie les
accommodements en termes de journées d'ouverture permettant à
chacun d'exercer sa liberté de religion".
Dans le même sens, dans un editorial du Devoir, le 18
février 1984, Mme Lise Bissonnette a écrit: "Quant aux arguments
d'ordre religieux, ils ne sauraient tenir dans une société
pluraliste. Personne ne sera forcé d'ouvrir son commerce le dimanche. La
loi 59, comme l'a fort bien démontré le Congrès juif
canadien, est bien plus choquante en ce qu'elle défavorise ceux qui
tiennent à observer une pause religieuse un autre jour". Je suis tout
à fait d'accord avec la déclaration de la Commission des droits
de la personne et avec les observations de Mme Bissonnette.
En Ontario, par exemple, les magasins qui ont une surface de 5000 pieds
ou moins et qui ont au plus sept employés et qui sont fermés
l'après-midi du vendredi et toute la journée du samedi peuvent
rester ouverts le dimanche. C'est dans la loi sur les heures d'affaires des
magasins de l'Ontario. La loi est là pour tout le monde qui veut en
profiter. En conclusion, il me semble que nous devons adopter ici une
disposition dans le même sens que celle que l'on trouve dans la loi sur
les heures d'affaires de l'Ontario, c'est-à-dire que quelqu'un qui ferme
son magasin avant le coucher du soleil le vendredi et qui garde son magasin
fermé toute la journée du samedi devrait avoir le droit d'ouvrir
le dimanche.
Hier soir, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a bien
dit qu'il prendrait des mesures dans la réglementation pour permettre
aux personnes qui, à cause de leur religion, ferment le samedi, de
garder leurs magasins ouverts le dimanche. Je pense que c'est un pas dans la
bonne direction, mais, comme je viens de !e dire, je préférerais
de beaucoup qu'on procède par une modification de la loi elle-même
et qu'on ne procède pas par réglementation. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Groulx.
M. Élie Fallu
M. Fallu: M. le Président, aujourd'hui, nous arrivons
presque à la fin d'un très long processus qui, d'ailleurs, n'est
pas vraiment terminé, puisque nous assisterons au cours de la semaine
prochaine à la commission parlementaire qui étudiera ce projet de
loi en détail et où encore certaines représentations
pourront se faire. Nous assistons, dis-je, à la fin d'un long processus
de consultation et de mise en oeuvre d'une loi.
Au demeurant, c'est la deuxième fois dans l'histoire du
Québec que nous assistons à un tel processus. Rappelons qu'en
1965 l'Assemblée nationale était littéralement assaillie
par des milliers de marchands qui venaient protester devant nos portes. Cela
amena effectivement le gouvernement à établir une commission
consultative, la commission Rameau, du nom de son président, qui avait
fait le tour du Québec pour voir les consensus. Une commission
parlementaire avait siégé en 1968 et, en 1969, une loi fut
adoptée. C'est, d'ailleurs, sous l'égide de cette loi que nous
vivons toujours depuis le 1er janvier 1970.
Quinze ans plus tard, certaines pressions se font valoir - nous en
parlerons tantôt - qui nous ont amenés, comme gouvernement,
à réviser cette loi, d'ailleurs, avec un processus de même
nature. L'an dernier, publication d'un livre vert, donc d'un document de
consultation qui fut largement répandu à travers le Québec
et qui a suscité un débat parmi toutes les associations de
marchands. À suivi, en février de cette année, une
commission parlementaire devant laquelle ont été
déposés plus de 170 mémoires, des consultations
supplémentaires privées, la réimpression du projet de loi
à la suite de cette commission parlementaire et maintenant, aujourd'hui,
nous en sommes au débat de deuxième lecture.
J'aimerais rappeler que nous parlons aujourd'hui pour le
bénéfice de quelque 350 000 personnes, c'est-à-dire
près de 17% de la force ouvrière au Québec, ceux et celles
qui travaillent dans le commerce au détail. Il s'agit de plus de 150 000
établissements, d'une masse salariale de quelque 3 000 000 000 $. Le
problème touche donc beaucoup de monde: ceux qui y travaillent, certes,
mais aussi les consommateurs.
Quant à moi, bien avant de parler aujourd'hui en cette Chambre
sur le projet de loi 59, j'ai essayé de savoir ce que les gens chez moi
pensaient des changements nécessaires à apporter à
l'ancienne loi du commerce au détail. Permettez-moi de faire état
ici publiquement, comme je l'ai fait dans les journaux régionaux, des
conclusions auxquelles les gens de chez nous sont arrivés. J'avais, il y
a maintenant un an, expédié à chaque commerçant et
à chaque commerçante un questionnaire portant quatre questions
précises pour bien savoir ce que les gens de chez moi pensaient, quels
étaient leurs besoins et leur perception, et surtout les amendements
à apporter.
Première question: Devrait-on inclure la journée du
dimanche dans le texte de la loi québécoise et augmenter les
amendes? 76%
ont répondu oui. J'ai donc mandat de défendre une telle
position en cette Chambre aujourd'hui de la part des gens de chez nous.
Deuxième question: Y a-t-il lieu de modifier la liste des
établissements exemptés et dans quel sens? Je découvre que
73% ne désirent aucun changement ou voudraient retrancher des
établissements dont le commerce était prévu auparavant
à titre d'exemption.
Troisième question: Dans le cas des petits épiciers, le
nombre maximal d'employés devrait-il être porté de trois
à quatre par journée de 24 heures? C'était la
première hypothèse, à l'époque. On sait que le
projet de loi a élargi davantage. Regardons bien. Nombre
d'employés porté à quatre: 22%. Conserver trois
employés, mais pas les mêmes: 41%. Au départ, j'avais une
indication de mes concitoyens et de mes concitoyennes d'un désir
d'élargissement et l'expression était déjà de
l'ordre de 63%.
Dernière question: Devrait-on relever les amendes prévues
par la loi contre un propriétaire ou un locataire? Là, 70% me
répondaient oui.
Certes, le ministre, comme le gouvernement, a fait une large
consultation à travers le Québec à la suite du livre
blanc: la commission parlementaire, des représentations privées.
Lorsque je me lève aujourd'hui, en cette Chambre, je suis
autorisé à parler au nom de mes concitoyens et de mes
concitoyennes largement majoritaires. (12 h 30)
Qui sont-ils? Nous avons au Québec une caractéristique qui
nous est encore propre, qui est celle d'une vie en commun, car, qui dit
commerce dit service, service à une clientèle, service à
une population. Nous avons une tradition qui s'est merveilleusement non
seulement conservée, mais amplifiée, celle de la relation entre
le propriétaire et le client. Sachons qu'au Québec - les
dernières statistiques dont nous disposons datent de 1981 - 68% des
commerces au détail appartenaient à des propriétaires
privés, à des commerçants indépendants, comme nous
les appelons. Cette tendance avait chuté au début des
années soixante-dix et c'était plutôt vers les 63% ou 64%.
En Ontario, pour bien comparer, il n'y a plus que 50% de propriétaires
indépendants. Les chaînes se sont emparées du commerce.
Ici, le regroupement des propriétaires par des services qu'ils se
sont donnés en commun, l'appui que l'État a donné aux
petits commerçants, notamment aux épiciers, ont fait en sorte
qu'ils puissent rester indépendants. Ne mentionnons qu'une des
méthodes utilisées, l'autorisation qu'ils ont eue de vendre, au
départ, la bière en tout temps et, ensuite, le vin qui s'est
ajouté une année plus tard. C'est donc une qualité de vie,
une qualité de relations dans une société qu'il nous faut
préserver. Pour cela, il faut ajuster la Loi sur les heures d'affaires.
La demande est là et nous savons dans quel sens aller.
Les problèmes sont de l'ordre suivant. Il y a une loi
fédérale et il y a une loi provinciale. La loi
fédérale date de 1907 et est inapplicable à tous
égards. Si un marchand de meubles en gros, à Québec -pour
ne pas le nommer, tout le monde saura le reconnaître - veut vendre le
dimanche, que peut faire l'État pour faire respecter la loi?
Après coup, le traduire en justice pour être condamné
à payer entre 1 $ et 40 $? Il s'en moque. Avant coup, dans la semaine
qui précède, au moment même où il a annoncé
son intention d'ouvrir le dimanche, prendre une injonction? Si elle n'est pas
traitée devant le tribunal avant le vendredi après-midi, il ouvre
donc le dimanche et tout va de l'avant.
Il y a également la loi provinciale, car, de plus en plus,
à cause de la faiblesse de la loi fédérale, de son
inapplicabilité, les gens s'autorisaient à contrevenir à
la loi. C'est ainsi qu'on voyait un boucher ouvrir le dimanche pour vendre de
la viande fraîche en respectant, disait-il ou croyait-il - je ne veux pas
juger de sa bonne ou de sa mauvaise foi - le nombre de trois employés.
Savait-il qu'il était en défaut? C'est aux tribunaux d'en
décider et non pas à un parlementaire qui est là pour
faire les lois.
Les problèmes étaient donc présents. Il fallait
arriver à une solution. Le projet de loi 59, tel que
révisé, nous indique précisément le consensus
auquel on est arrivé non seulement chez moi, celui que je vous indiquais
tantôt, mais très largement dans notre population. On sait
qu'à 90% les associations représentant les marchands, les
syndicats, les propriétaires, les employés et les consommateurs
indiquent que nous sommes dans la bonne voie.
Il faut ajuster la liste des produits à vendre en dehors des
heures d'affaires. Il ne faut pas augmenter la plage horaire de la semaine
marchande. Il faut ouvrir un peu du côté du nombre des
employés sans, toutefois, dépasser une borne de trois. Il faut
relever les amendes.
Il reste quelques inconditionnels sur le terrain. Je ne parlerai pas ici
du Parti libéral. À entendre le député de
Laprairie, enfin, le député de Saint-Lambert, dans ce
coin-là, hier...
Une voix: Le député de Laporte.
M. Fallu: ...le député de Laporte, j'avais
l'impression qu'il avait oublié de lire la loi. Je n'ai finalement pas
su s'il était contre le ministre ou contre la loi. J'ai l'impression que
c'était les deux, mais surtout contre le ministre.
Il reste certaines remarques que les
gens nous font. D'abord, à propos des "trois personnes" qui
étaient jadis "par jour" et qui sont maintenant "à la fois" dans
l'établissement, je voudrais convaincre ces gens qu'il serait
contreproductif, contre leurs propres intérêts d'élargir ce
nombre, car si on autorise le petit épicier, le vendeur de fruits et
légumes à mettre davantage de personnel sur le plancher au
même moment, ce sont les "chaînes" qui vont se préparer
à ouvrir. Les grandes surfaces ouvrivront et c'est, en
conséquence, le décret de mort des petits épiciers
à ces moments précis de la semaine.
Quant aux types de marchandises, il nous arrive, surtout à cause
de ce que nous appelons maintenant les marchés aux puces, nouvelle
tradition dans notre société, de demander l'ouverture des types
de marchandises qui pourront être mises en étal.
Déjà, la loi ancienne prévoyait qu'en ce qui a trait aux
oeuvres d'art, aux antiquités, aux épiceries, on avait toute
liberté, sauf qu'on sait que, dans les faits cela s'est élargi de
beaucoup, dans une tradition très récente, l'essentiel des
marchandises offertes aux clients, jusqu'à aller, d'ailleurs, à
la viande fraîche le dimanche notamment du côté du meuble et
surtout du côté du vêtement et de certains types de
chaussures.
Ces gens savent fort bien à quel point j'ai été un
interlocuteur pour eux et comment j'ai plaidé leur cause, non pas pour
qu'ils puissent continuer leur négoce sur la base même de ce
qu'ils ont fait jusqu'à maintenant. D'abord, il s'agissait d'obtenir
pour eux dans la loi des délais pour pouvoir se conformer et ces
délais sont acquis. En deuxième lieu, il s'agissait de faire en
sorte que la loi prévoie un élargissement des denrées ou
des marchandises qu'ils pouvaient offrir. Je crois - et j'aimerais le
répéter -qu'ils ont reçu l'assurance du ministre à
travers les pouvoirs précisément que la loi lui confère,
d'une façon un peu arbitraire, il est vrai, mais
précisément cet arbitraire est nécessaire pour que la loi
puisse dorénavant s'adapter aux conditions nouvelles, je dirais
sociologiques, de la société québécoise.
Entre-temps, ils ont maintenant l'assurance d'être entendus.
Permettez-moi de citer la cassette 9099 du journal des Débats d'hier
à 21 h 55: "On a convenu, avec des représentants des
marchés aux puces, de former un comité auquel participeraient le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et les producteurs,
les manufacturiers de vêtements du Québec, de même que les
représentants des marchés aux puces de pouvoir définir
certaines lignes de produits qui seraient vraiment démodées et
qui devraient être vendues dans ces marchés aux puces."
Voilà l'ouverture qui est faite à ces marchands, à ces
artisans. (12 h 40)
Cette ouverture et les dispositions de la loi permettent d'envisager
que, peut-être même au-delà de la spécification qui a
été apportée hier à l'Assemblée nationale en
ce qui a trait, dans le jargon, aux bouts de ligne dans le vêtement, on
puisse arriver à certains autres accommodements pour eux. Toutefois, on
doit dire à ces artisans que la loi était là bien avant
que les marchés aux puces ouvrent et que la loi, si peu nouvelle
soit-elle - et je ne doute pas, d'ailleurs, de leur qualité de bons
citoyens dans notre société - va les obliger à
réaliser des réaménagements peut-être même
considérables dans leurs marchés, à inventer de nouvelles
attitudes devant les consommateurs, à provoquer même de nouvelles
réactions des consommateurs, compte tenu des ouvertures qui sont faites
de pouvoir continuer en grande partie dans les champs d'activités qu'ils
avaient eux-mêmes découverts.
Pour le reste, je dois affirmer à nouveau, en terminant, que la
loi 59 réimprimée telle que nous l'analysons maintenant en cette
Chambre pour en adopter le principe répond maintenant en totalité
aux attentes qui m'ont été exprimées par les gens du
milieu et aux engagements que j'avais pris moi-même envers certains types
de commerçants. En ajoutant, sans doute, aux remarques du
député de D'Arcy McGee, que le ministre s'apprête à
considérer, je crois que cette loi sera la plus parfaite que nous
puissions faire aujourd'hui.
Toutefois, je fais un appel solennel au nom de l'Assemblée
nationale, c'est-à-dire au nom de la légalité dans cette
société, pour que, la loi 59 étant sanctionnée, la
paix commerciale revienne dans notre société, car on assiste,
depuis, notamment, un an, un an et demi, à des pressions qu'on ne
saurait -je ne dirais pas tolérer - plus endurer dans notre
société. On voit des désobéissances constantes, de
grandes surfaces qui ouvrent le dimanche, des centres commerciaux entiers qui
se permettent d'ouvrir le dimanche, de nouveaux types de magasins qui se
développent en dérogation complète avec la loi et au
détriment de l'ensemble du commerce, d'ailleurs. J'espère que
cette loi sera un phénomène régulateur dans notre
société puisqu'elle fait très largement le consensus
à l'heure où on se parle. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: II me fait plaisir de prendre la parole sur le projet
de loi 59. En examinant ce projet de loi, plusieurs d'entre nous se sont
posé la question: Mais quelle est la base, quel est le principe qu'il
faut débattre aujourd'hui, puisque nous sommes à
l'adoption du principe même? Dans les notes explicatives, on lit
ceci: "Ce projet de loi modifie la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux afin notamment d'inclure le dimanche,
jusqu'à présent couvert par la loi fédérale de
1907..." La question que nous nous sommes posée, c'est de savoir si
réellement le but, l'objectif de ce projet de loi est de faire respecter
le dimanche, si le fondement de la loi est une base religieuse.
J'entendais tout à l'heure mon collègue de D'Arcy McGee,
brillant professeur, maintenant député, nous faire une
leçon de droit et nous rappeler que la jurisprudence canadienne,
s'inspirant de la jurisprudence britannique, autorise uniquement le
gouvernement du Canada à adopter des lois en ce qui concerne
l'observance du dimanche en particulier. De fait, je vous lirai, si vous le
permettez, M. le Président, une citation de la Chambre des communes de
1906 - ce n'est donc pas d'hier - où on lit ceci: "La portée
générale en est indiquée dans le texte. Acte concernant
l'observance du dimanche. Son but est d'assurer une meilleure observance du
dimanche chrétien dans tout le Canada. J'ai à peine besoin de
dire que les préceptes chrétiens sont la base des lois du Canada
comme celle de l'Empire britannique". C'était en 1906, bien sûr.
"Il est arrivé plus d'une fois qu'une loi édictée par le
Parlement impérial et ce Parlement fit une offense d'un acte parce qu'il
profanait la sainteté du dimanche chrétien."
M. le Président, le fondement, les raisons et motifs pour
lesquels l'Assemblée nationale s'apprête à voter ce projet
de loi sont-ils, justement, pour renforcer cette loi de 1906 qui cherchait
à préserver l'observance du dimanche pour des motifs religieux?
Je crois que la plupart des discours que nous avons entendus à ce jour
et la plupart des représentations que tous et chacun d'entre nous avons
eues à nos bureaux de députés nous convaincront qu'il
s'agit très peu de cela, qu'il s'agit très peu de l'observance du
dimanche comme étant réservée au Seigneur.
Ce qui m'a frappé dans tout ce que nous avons entendu et dans les
représentations qui nous ont été faites, c'est, justement,
qu'il s'agit d'intérêts économiques. Bien sûr, tous
et chacun apportent plusieurs arguments, à savoir que, pour des motifs
familiaux, pour des motifs peut-être religieux et pour d'autres motifs,
il faut faire respecter le dimanche. Quand même, il faut être
très franc et le dire en toute candeur: tous ces arguments valent
très peu et, en fait, ce que les gens cherchent à
préserver, c'est leur intérêt économique, leur
intérêt propre.
Ce qui me surprend le plus, c'est que, de fait, il est vrai - et le
député de Groulx le disait - que nous avons eu beaucoup de
représentations du milieu des affaires qui nous incitaient à
adopter cette loi, qui nous incitaient à avoir une plus grande
réglementation, qui nous incitaient même à avoir plus
d'inspecteurs, plus de fonctionnaires et qui nous incitaient à avoir de
plus grandes pénalités au cas où la loi ne serait pas
observée, plus d'amendes. Ceci m'a surpris venant du monde des affaires,
qui nous dit continuellement qu'il y a trop de réglementation, que
l'État s'ingère trop dans nos affaires. C'est ce même
milieu des affaires qui, aujourd'hui, cherchant à défendre ses
intérêts économiques, cherche à nous convaincre que
ceci est dans le meilleur intérêt de tous et chacun.
En fait, je rappellerai que nous avons déjà 19 000 pages
de réglementation et qu'en adoptant ce projet de loi nous ajouterons
sûrement quelques pages additionnelles. Comme l'observance de la
réglementation existante n'était pas suffisante avec les quelque
quatre ou dix inspecteurs qui existaient jusqu'à maintenant, il faudra
bien, j'imagine, que le gouvernement engage beaucoup d'autres inspecteurs si
l'on veut que la réglementation soit observée dans toute sa
dimension.
M. le Président, sans aller nécessairement au fond du
problème, parce que ce projet de loi soulève un problème
de fond qui est très intéressant et qui va au-delà, bien
sûr, de l'intérêt économique de certaines personnes
qui est en jeu, il reste que, si on s'aperçoit qu'il y a de la
difficulté - le député de Groulx vient d'en faire mention
- s'il y a des "chaînes" de magasins, des magasins, des
commerçants qui cherchent à ouvrir le dimanche et qui ont
réussi, c'est que jusqu'à ce jour, il faut bien le dire, il y a
eu beaucoup de tolérance. Il y a eu de la tolérance, bien
sûr, due à la négligence gouvernementale. Je
l'évoquais et, alors qu'en commission parlementaire on se surprenait que
très peu de magasins ou très peu de commerçants avaient
été poursuivis pour la non-observance de la réglementation
qui existe présentement, le ministre nous disait qu'il n'y avait que
quatre ou dix fonctionnaires - je ne m'en souviens pas - et que, comme ces
fonctionnaires, de toute façon, ne travaillaient pas le dimanche,
c'était, bien sûr, assez difficile de faire observer la
réglementation existante, d'autant plus que, par la suite, il n'y a pas
uniquement le dimanche qui n'était pas observé, il y avait
également des jours de semaine, des heures d'ouverture qui
n'étaient pas observées. Plusieurs personnes nous ont fait des
représentations en commission parlementaire à cet effet. (12 h
50)
Donc, il y a eu certainement de la part du gouvernement qui nous dirige
une certaine tolérance qui a permis qu'un état de fait se
développe au cours des ans, depuis les
dernières années surtout. II y a même eu un
encouragement de la part de certains ministres. On nous a dit - et je vais le
redire - que des marchés publics ont été inaugurés
avec la bénédiction de ministres du gouvernement
québécois. Il faut le faire, M. le Président. Maintenant,
le gouvernement cherche peut-être à défaire ce qu'il a
fait. Comment le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme peut-il
m'expliquer qu'un certain marché public a été
inauguré avec la bénédiction du ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation? Il faut le faire. Le gouvernement
cherche à défaire d'une main ce qu'il a fait de l'autre.
En plus, depuis 1977, il y a eu d'autres tolérances. J'entendais
hier le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous dire: Oui,
dans le cas des Juifs ou dans le cas de ceux qui pratiquent la religion juive,
nous allons chercher à régler le problème. Ce
problème avait été évoqué en commission
parlementaire, M. le ministre, mais plus que cela, depuis le 30 novembre 1977,
le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a été
alerté par celui qui était le ministre de la Justice,
Marc-André Bédard, à savoir qu'il y avait un
problème à cet effet. Je trouve que cela a pris pas mal de temps,
depuis 1977, depuis sept ans, pour saisir qu'il y avait un problème
là et qu'il devait être réglé. Bien sûr, le
problème a été réglé, encore une fois, par
une certaine tolérance. Cette lettre du 30 novembre 1977 qui
était adressée à Rodrigue Tremblay, ministre de
l'Industrie et du Commerce, et dans laquelle on évoquait, justement, une
loi qui existe en Ontario sur le même sujet se terminait comme ceci:
"Quant à moi je n'ai pas l'intention d'intenter des poursuites contre
les petits commerçants qui répondent aux critères
édictés par la loi ontarienne. Des instructions en ce sens seront
données à nos procureurs". Donc, tolérance envers certains
commerçants de religion juive. D'ailleurs, je l'ai dit en commission
parlementaire, je crois que le Congrès juif canadien avait tout à
fait raison de faire des représentations. Par contre, je déplore
que ce problème ait traîné depuis sept ans et qu'il ait
été réglé par une certaine tolérance.
Donc, tolérance à cause du manque d'inspecteurs;
tolérance due au fait que des ministres ont fait l'inauguration de
certains marchés publics; tolérance de la part du ministre
responsable de l'application de la loi, le ministre de la Justice en
l'occurrence, alors que, par la loi, l'inspection est sous la
responsabilité du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Il ne faut donc pas s'étonner s'il y a maintenant une certaine confusion
chez les commerçants.
Encore une fois, le député de Groulx lançait un
appel en disant qu'il faudrait que tout le monde se rallie maintenant et que
tout le monde observe la loi. Mais, quand une loi n'a pas été
respectée pendant un certain nombre d'années, il ne faut pas
s'étonner si, de fait, les gens ont pris certaines habitudes de ne pas
respecter la loi. Il faut plutôt ne demander s'il y a eu un encouragement
implicite de la part du gouvernement à ce que la loi ne soit pas
observée.
Il y a eu d'autres types de tolérance. Je pourrais évoquer
- je l'ai fait en commission parlementaire - le cas des petits
dépanneurs qui avaient le droit d'ouvrir leurs portes le dimanche
à la condition qu'ils n'aient pas plus de trois employés. La loi
existante disait: "Elle ne s'applique pas, non plus, aux établissements
commerciaux dont l'activité principale est la vente au détail de
denrées et dont le fonctionnement est assuré, du début
à la fin d'une journée de 24 heures, par un effectif total d'au
plus trois personnes comprenant patron et employés; toutefois, ce
commerce ne devra pas faire partie d'un plus grand nombre
d'établissements commerciaux liés les uns aux autres en
association".
Nous savons tous qu'il y a des Provibec, des Maisonnée, des
Provisoir qui sont organisés en association. Ces gens qui veulent
maintenant défendre leurs intérêts -je ne leur en tient pas
rigueur - à mon avis, et je ne suis pas juriste, n'ont pas
respecté la loi existante qui disait très spécifiquement
que les dépanneurs avaient le droit d'ouvrir le dimanche à la
condition de ne pas être regroupés en association. La loi
adoptée, je crois, en 1970 voulait protéger le petit
dépanneur du coin de la rue qui était isolé, qui ne
faisait pas partie d'une association et qui vivait de ses propres moyens.
Devant une situation de fait aussi difficile, je me suis demandé:
Comment le ministre va-t-il s'en sortir? Il y a, d'une part, les pharmacies
à grande surface, qui n'ont pas de surface plus grande pour vendre des
produits pharmaceutiques, mais pour vendre des denrées alimentaires;
d'autre part, il y a les marchés publics qui existent et qui ont, dans
certains cas, été inaugurés par des ministres du
gouvernement et il y a ces dépanneurs auxquels je viens de faire
allusion. Alors, je me suis demandé: Comment le ministre va-t-il s'en
sortir?
Il y avait auparavant un arbitraire de fait, une tolérance de
fait, pour permettre, lorsque cela faisait l'affaire du ministre, de ne pas
intenter de poursuites ou de s'arranger pour qu'il n'y ait pas de poursuites.
Maintenant, il y aura des tolérances et un arbitraire
légalisés.
Mon collègue de Laporte y a fait allusion hier: on retrouve dans
le projet de loi cet arbitraire du commencement à la fin. Ceux qui
pourraient croire que le projet de loi sera beaucoup plus précis,
beaucoup plus
exigeant n'ont certainement pas lu plusieurs des articles du projet de
loi qui reportent à plus tard les problèmes qui existent
présentement. On peut se poser la question à l'égard des
pharmacies à grande surface: Mais, pourquoi avoir accepté que des
demandes d'autorisation puissent être faites jusqu'au 1er septembre 1984?
Pourquoi ne pas avoir promulgué dans le projet de loi, que dès le
dépôt du projet de loi, la référence serait faite
à ce qui existe présentement et qu'une inspection serait faite
à cette même date?
Il est bien évident que cet article que le ministre inscrit dans
le projet de loi qui sera voté va permettre le plus grand arbitraire
puisque je suis sûr que les propriétaires de pharmacies à
grande surface doivent s'employer présentement à louer de plus
grandes surfaces, à agrandir leurs magasins dans toutes les
régions du Québec pour, le 1er septembre 1984, demander une
certaine autorisation au ministre. Cela ouvre la porte à un patronage
éhonté que nous ne pouvons pas accepter.
Si on continue, à l'article 9.4, qui modifie l'article 6, je
crois, on dit: "Le ministre peut, aux conditions qu'il détermine,
accorder à un établissement commercial un délai pour se
conformer aux dispositions de la présente loi. En aucun cas, ce
délai ne peut excéder le 31 décembre 1986? Encore une
fois, c'est l'arbitraire. Nous ne connaissons pas les règlements; il y a
un délai jusqu'après les élections et ceci permettra, bien
sûr, au ministre de décider, à l'intérieur de son
bureau, par lui-même, sans aucune référence, qui aura droit
à une certaine tolérance jusqu'au 31 décembre 1986. Il y a
aussi la réglementation qui permettra au ministre de faire des
règlements selon le bon vouloir du gouvernement et qui multipliera
encore l'arbitraire.
M. le Président, je crois que ce projet de loi ne règle
absolument rien. Il y avait une certaine tolérance dans le passé.
Il y a eu une non-observance de la loi. Ces tolérances ont
été permises par le gouvernement. Ces tolérances ont
été de facto accréditées par un grand nombre de
décisions depuis un très grand nombre d'années.
Maintenant, avec ce projet de loi, même si, à certains articles,
on pourrait croire que le ministre a réglé le problème, on
s'aperçoit que l'arbitraire qui régnera ne réglera
absolument rien puisque le ministre pourra en décider autrement selon
les articles qui lui permettent, justement, de prendre des décisions
selon son bon vouloir.
En conclusion, M. le Président, je crois que le Parti
libéral du Québec ne peut s'associer à l'arbitraire qui
régnera, un arbitraire légalisé, alors que, dans le
passé, c'était un arbitraire de fait. Qu'il soit de fait ou
légalisé, c'est du pareil au même et nous ne pouvons pas
nous associer à une telle démarche.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Compte tenu qu'il est 13
heures, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Le
député de Gouin aura la parole.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise de la séance à 15 h 2)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Veuillez prendre place. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, nous poursuivons donc le
débat sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.
Il s'agit de l'article 2 de notre feuilleton que je vous demande d'appeler,
s'il vous plaît!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous allons donc
reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi
modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux. La parole est au député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Le projet de loi 59,
Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux, peut paraître à première vue un projet de loi
de peu d'importance. Il comprend huit articles, tient sur trois ou quatre
pages. Sauf que lorsque nous nous penchons sur la question, on
s'aperçoit jusqu'à quel point il s'agit là d'un projet de
loi qui concerne au premier chef, directement, tous les Québécois
et toutes les Québécoises sans exception puisqu'il touche tous
les consommateurs, toutes les consommatrices. De plus, évidemment, il
concerne directement les propriétaires de commerces au détail et
aussi les travailleurs et travailleuses qui évoluent dans ces
milieux.
Si aujourd'hui le gouvernement doit présenter une loi sur les
heures d'affaires, c'est que nous avons vécu depuis quelque temps,
particulièrement depuis un an ou deux, une situation
problématique qui découle d'une loi qui n'est pas suffisamment
précise, d'une loi qui ne couvre pas de façon convenable le
dimanche, d'une loi qui possède finalement peu de mesures pour
être certain qu'elle soit appliquée, donc d'une loi comportant des
sanctions à peu près ridicules, des amendes allant de 1 $
à 40 $ dans plusieurs cas et d'une loi aussi qui est difficile
d'application à cause des dispositions qui rendent difficile le travail
des inspecteurs qui doivent circuler pour s'assurer de son application.
À un point tel finalement qu'on se retrouve avec une loi qui
était un
recueil de voeux pieux et de souhaits exprimés par les membres de
l'Assemblée nationale de l'époque.
Cette situation problématique nous a amenés à des
abus importants qui ont amené un nombre important de marchands, de
commerçants, à se mettre totalement dans une position
d'illégalité, d'ouvrir le dimanche, de ne pas respecter la
règle des trois employés. On a connu aussi l'expansion des
marchés aux puces qui vendent des marchandises neuves, l'expansion des
marchés publics, tout cela. Donc, toute une série de situations
qui, finalement, sont au-delà de ce que permet la loi, même si
elle ne renferme pas les sanctions nécessaires pour en permettre une
application efficace. Ces illégalités, ces abus, ont pris des
proportions telles que le gouvernement ne peut laisser aller plus longtemps une
telle situation.
De plus, ces abus ont suscité un certain débat dans la
société québécoise depuis un an, un an et demi, et
les gens qui abusaient de la loi, qui se mettaient dans une position
d'illégalité ont tenté de convaincre l'ensemble de la
société québécoise qu'au fond c'est que la loi
n'est plus adaptée au monde dans lequel nous vivons et que nous devons
ouvrir un débat sur des heures d'affaires des établissements
commerciaux qui iraient dans le sens d'élargir considérablement
les heures de fréquentation de ces établissements
commerciaux.
On dit que le consommateur aurait besoin d'un plus grand nombre d'heures
pour faire ses achats. Surtout, on affirme que plus le consommateur aurait
d'heures pour magasiner, pour acheter, plus il dépenserait au niveau de
la consommation. À première vue, tout le monde devrait être
d'accord avec cela, parce que l'activité économique s'en
ressentirait, on aurait connu plus d'activité économique et,
donc, l'argent roulerait d'une façon plus importante qu'il ne roulait
jusqu'à maintenant. On s'aperçoit rapidement, à l'analyse,
qu'il s'agit d'une affirmation fausse et fondée sur rien de solide,
puisque tous les consommateurs et les consommatrices sont bien conscients
finalement que le frein à la consommation des individus n'est pas du
tout un nombre limité d'heures pour les établissements
commerciaux, mais bien plus les sommes disponibles pour chacun des
consommateurs pour faire l'ensemble des achats qu'ils souhaiteraient faire.
On s'aperçoit que ce n'est pas parce qu'on aurait plus d'heures
d'affaires que le consommateur serait amené à dépenser
plus, mais que c'est bien parce que finalement nous avons des limites, chacun
d'entre nous, aux budgets que nous pouvons consacrer à la consommation.
D'ailleurs, c'est vrai à un point tel que les commerçants que
nous avons eu l'occasion de rencontrer ou d'entendre au cours de ce
débat nous disaient: Évidemment, moi, si mon commerce est seul ou
avec quelques-uns du même secteur d'activité à ouvrir le
dimanche, à ouvrir en dehors des heures permises par la loi, cela va
faire mon affaire, mes profits vont augmenter. Il est clair, nous
affirmaient-ils et avec raison, qu'à partir du moment où tous les
commerces de même secteur d'activité peuvent être ouverts le
dimanche ou en dehors de certaines heures le soir ou la fin de semaine, le
profit de chaque commerçant ne se verra pas augmenté d'autant,
mais que, bien au contraire, la consommation sera stable et que la situation
qui se produira, c'est que les coûts de fonctionnement de l'ensemble des
commerces augmenteront et se répercuteront sur la facture au
consommateur.
D'ailleurs, les consommateurs ont reconnu récemment qu'ils
n'avaient pas avantage à voir les heures d'affaires prolongées
puisque les coûts se répercuteraient sur la facture des biens de
consommation que le consommateur se verrait obligé de payer. Donc, on
s'aperçoit rapidement que le consommateur ne serait pas avantagé
par la prolongation des heures d'affaires et que, bien au contraire, il serait
le premier à en faire les frais d'une façon telle qu'en soi, cela
réduirait sa possibilité de consommation. Il s'agit donc
là d'un premier obstacle ou d'une première objection importante
à la tendance qu'on a connue depuis un certain temps visant à
prolonger les heures d'affaires des établissements commerciaux.
La deuxième objection que nous devons considérer est celle
de la qualité de vie des petits propriétaires et des travailleurs
et des travailleuses qui évoluent dans les commerces au détail ou
dans les établissements commerciaux. On sait que ces gens ont des
problèmes importants au niveau de la vie familiale et au niveau de la
civilisation des loisirs, comme on l'appelle, parce qu'ils ont des heures de
travail beaucoup plus longues qu'un citoyen normal. Cela réduit d'autant
la possibilité pour eux de vivre avec leur famille et de profiter de
moments de loisir adéquats ou, dans certains cas, de profiter de moments
de loisir en même temps que l'ensemble de la population. C'est un
problème considérable, à un point tel que les
commerçants ont de plus en plus de problèmes à recruter
des employés, des travailleurs et des travailleuses. Plusieurs de
ceux-là quittent pour aller exercer des emplois où ils pourront
travailler de 9 heures à 17 heures, cinq jours par semaine, comme la
très grande majorité des citoyens. Il est compréhensible
qu'ils veuillent s'orienter en ce sens, de façon qu'ils puissent vivre
une vie plus normale, une vie plus conforme aux années quatre-vingt, une
vie plus semblable à celle des autres citoyens du Québec. Il me
semble que c'est une considération très
importante avec celle de s'assurer que le consommateur ne verra pas
augmenter le prix de ses produits de consommation. (15 h 10)
II me semble qu'il s'agit là des deux considérations de
base ou des deux considérations majeures qu'on doit retenir quand vient
le temps d'étudier l'ensemble de la question des heures d'affaires dans
les établissements commerciaux. Par conséquent, M. le
Président, je dis oui è une loi qui est plus précise. Je
dis oui à une loi qui sera plus facilement applicable. Je dis oui
à une loi qui sera plus claire, qui donnera plus de moyens d'inspection
et de vérification pour s'assurer qu'elle est respectée, qui
appliquera aussi des sanctions plus importantes, des sanctions proportionnelles
aux profits que donnerait la situation illégale dans laquelle se
placeraient des gens qui ne respecteraient pas cette loi. Sur ce point,
j'encourage le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à
être très ferme parce que nous avons besoin d'une bonne loi, d'une
loi avec des sanctions précises, avec des moyens pour la faire appliquer
de façon que nous puissions bien régir les heures d'affaires des
établissements commerciaux au Québec pour qu'on ne se retrouve
pas dans quelques semaines, dans quelques mois ou dans quelques années,
dans la même situation d'abus importants, considérables que nous
avons connus depuis quelques années au Québec.
Cela étant, je dis non à un élargissement des
heures d'affaires. Il ne faut pas aller dans le sens d'élargir ou
d'augmenter les heures d'affaires des établissements commerciaux. II
faut même, quant à moi, reconnaître tous ensemble que
l'orientation de l'avenir dans ce sens devrait être plutôt dans le
sens de réduire d'une certaine façon les heures d'affaires pour
l'ensemble des employés afin de s'assurer qu'ils ont, eux aussi, comme
les propriétaires et les commerçants, des conditions de vie
convenables qui leur permettent d'avoir, en même temps un travail
grâce auquel ils peuvent apporter des revenus à la maison, jouir
un peu de la vie et une vie familiale comme l'ensemble des citoyens.
En conséquence, je suis extrêmement déçu de
retrouver dans le projet de loi réimprimé, que le ministre a
déposé hier, un certain nombre de dispositions. Par exemple, nous
savons tous que le lendemain de Noël, le 26 décembre, la seule
activité commerciale qui peut régner dans les
établissements commerciaux du Québec est ce qu'on appelle la
"journée des échanges de cadeaux", cadeaux qui ne conviennent
pas, qui sont trop petits ou trop grands ou qui ne sont pas à notre
goût. Mais dans les faits, pour le commerçant, il ne s'agit pas
d'une consommation additionnelle mais bien d'une activité indirectement
reliée à son activité principale qui est celle de vendre
des biens de consommation.
Pourquoi ne pas nous entendre pour permettre à tous les
propriétaires de ces commerces, à tous les travailleurs et
à toutes les travailleuses d'avoir eux aussi une journée
complète de congé le lendemain de Noël? Ceux qui ont des
échanges à faire pourront le faire le 27 décembre,
plutôt que le 26 à 13 heures. Deuxième disposition avec
laquelle je ne puis être d'accord, c'est la demi-heure d'activité
commerciale que nous ajoutons le jeudi soir et le vendredi soir. D'abord, parce
que, comme je le disais tantôt, il s'agit là d'un
élargissement qui empiète encore plus sur la qualité de
vie des propriétaires et des travailleurs et des travailleuses de ces
établissements commerciaux, mais aussi parce que cela aura un effet
direct sur les petites artères commerciales des centres-villes.
Quand je dis "petites", c'est parce que je les compare souvent à
de superbes et de très vastes centres commerciaux. Mais ce ne sont pas
des "petites" au sens strict du terme. On parle, par exemple, à
Montréal, de la Plaza Saint-Hubert, de la rue Masson, de la rue
Mont-Royal, de l'ensemble de ces artères commerciales qui font de
Montréal et de l'ensemble des centres-villes du Québec une
différence notoire par rapport à ce que l'on retrouve en termes
d'activités commerciales dans les centres commerciaux.
On sait que le gouvernement du Québec, que les principales villes
du Québec ont posé des gestes importants depuis trois ou quatre
ans pour revitaliser les centres urbains, pour s'assurer que la population y
revienne, que les industries y reviennent et, maintenant, pour que les
activités que les artères commerciales avaient perdues au profit
des centres commerciaux reviennent dans les centres-villes.
Je crois que si nous élargissons d'une demi-heure
l'activité commerciale sur ces artères, le risque que nous
courons est que les gens, ayant maintenant deux heures et même trois
heures pour aller faire leurs achats, risquent d'avoir le réflexe
d'aller dans un grand centre commercial plutôt que d'aller sur
l'artère commerciale qui est à dix, quinze ou vingt rues de chez
eux, ce qui irait à l'encontre des politiques gouvernementales et des
politiques municipales qui nous ont coûté très cher et
auxquelles nous avons dû consacrer beaucoup d'énergie pour
revitaliser nos artères commerciales, pour assurer un retour en ville
d'une activité commerciale importante et nécessaire à la
qualité de vie en milieu urbanisé.
Comme je le disais tantôt, je m'oppose à ces deux
dispositions parce que, à mon avis, nous ne devons pas augmenter les
heures d'affaires. Comme je le disais, je pense que les années
quatre-vingt et quatre-vingt-dix devront nous orienter vers une
réduction des heures d'affaires. Par exemple, les
commerçants nous disent déjà, à l'heure où
nous nous parlons, que le jeudi soir et le vendredi soir, à 20 h 30 il
n'y a plus beaucoup d'activité dans les établissements
commerciaux. On nous dit que le samedi, à partir de 16 heures,
l'activité est considérablement réduite et que même
l'été, le samedi, à partir de 14 heures ou 15 heures, il
n'y a à peu près plus d'activité dans les
établissements commerciaux. Même à 9 heures, c'est
tôt; l'activité commence plutôt vers 9 h 30 ou 10
heures.
Il semble que ce sont là des heures que nous pourrions
réduire de façon à donner une meilleure qualité de
vie, de façon à donner plus de temps de loisir, plus de
périodes pour jouir de la vie familiale à l'ensemble de ceux et
de celles qui évoluent dans le milieu des établissements
commerciaux.
Un autre sujet, une autre disposition du présent projet de loi
avec laquelle je ne suis pas d'accord et que je veux souligner ici, c'est la
question de la clause des trois employés. On sait qu'à l'heure
actuelle, un établissement commercial qui veut ouvrir en dehors des
heures normales d'ouverture ne peut avoir sur sa liste de paie plus de trois
personnes en tout temps. Cela nous permet de protéger les petits
commerçants et, particulièrement dans les milieux fortement
urbanisés, les petits dépanneurs qui sont souvent l'affaire de
deux conjoints qui ont aussi un employé avec eux, ce qui fait trois
employés, et ces petits dépanneurs, dont c'est la principale et
la seule source de revenus, rendent de très grands services à la
population. On peut aller y chercher des boissons gazeuses, du lait, du pain,
du beurre, des biens de consommation alimentaire courante, dont on a besoin
rapidement et qui sont souvent ceux qu'on oublie lorsque nous faisons nos
achats de la semaine.
En faisant passer la clause qui est celle que j'ai décrite
tantôt non plus à trois employés sur la liste de paie, mais
à trois employés travaillant à la fois sur le plancher,
nous risquons, par cet élargissement de l'activité commerciale
des heures d'affaires, de faire mourir ces petits dépanneurs dont on a
besoin en milieu fortement urbanisé et qui sont le gagne-pain d'un
nombre considérable de familles du Québec.
Je prends l'exemple de mon comté, qui est le deuxième
comté le plus fortement urbanisé au Québec. On y retrouve
de 100 à 150 petits dépanneurs qui ont une place au soleil et
à qui nous devons maintenir des conditions de travail, d'exploitation et
d'activité commerciale telles qu'ils puissent continuer à
être en affaires et à avoir un gagne-pain comme celui qu'ils se
sont donné au fil des années et qui doivent permettre aussi aux
consommateurs de pouvoir encore compter sur leur disponibilité, sur leur
activité. 3e souhaite que, pour cette clause des trois employés,
le ministre apporte un amendement qui tiendrait compte de la décision
que rendait récemment la Régie des permis d'alcool qui, tout en
accordant un permis de vente de vin et de bière à Steinberg et
aux épiciers de grande surface qui ne sont pas la
propriété d'indépendants, refusait que cette permission
leur soit accordée dans les milieux fortement urbanisés, par
exemple, dans mon comté et dans un certain nombre d'autres comtés
du centre de Montréal. Je n'aurais pas accepté à
l'époque que Steinberg et les épiciers à grande superficie
qui ne sont pas la propriété d'indépendants aient le droit
de vendre de la bière et du vin dans les milieux fortement
urbanisés. Je crois que la solution retenue par la Régie des
permis d'alcool peut être intéressante. Il me semble que nous
devrions retenir le même modèle pour la clause des trois
employés. Ceci permettrait d'élargir effectivement cette clause
et, donc, l'activité commerciale qui en découle dans l'ensemble
du Québec, mais la restreindrait dans un certain nombre de milieux
fortement urbanisés comme ceux qu'on rencontre dans le centre de
Montréal et peut-être aussi dans le centre de la ville de
Québec. C'est une suggestion, une recommandation que je fais au ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sur cette question. (15 h 20)
Quelques autres éléments du projet de loi
mériteraient, quant à moi, d'être précisés ou
corrigés au cours de l'étude article par article en commission
parlementaire. Par exemple, la situation des pharmacies. On maintient dans la
loi la notion de "menus articles". Qu'est-ce que c'est, des menus articles? On
sait qu'il y a des pharmacies qui ont le droit d'ouvrir le dimanche, qui
vendent des tondeuses, des souffleuses, des motoneiges. Je crois qu'il faut
être plus précis lorsqu'on parle de menus articles; sinon, cela
amène des transgressions au principe, à l'esprit de la loi que
nous connaissons actuellement.
La deuxième remarque que je ferais porte sur un autre sujet;
c'est la question de permettre à la Société des alcools du
Québec et à ses succursales de ne pas être régies
par la présente loi. Déjà, quand on pense à
l'orientation que le ministre veut donner aux futures succursales de la
Société des alcools, en leur permettant de vendre de l'eau
minérale, des fromages, de la charcuterie. Il me semble que, là
aussi, la même loi, les mêmes dispositions doivent s'appliquer
à ces activités et que la clause des trois employés devra
s'appliquer aux succursales de la Société des alcools comme
à l'ensemble des autres établissements commerciaux.
M. le Président, je conclus en disant
que je dis oui à plus de fermeté, à des sanctions
plus fortes et à plus d'assurance que ce projet de loi sera
respecté et aussi au fait qu'il couvre le dimanche et tous les abus qui
ont été faits jusqu'à maintenant. Mais je dis non à
un projet de loi qui élargit les heures d'affaires, qui
détériore, qui pourrait détériorer la
qualité de vie au travail des employés. En conséquence, au
moment de l'étude du projet de loi en deuxième lecture, quand le
vote sera appelé, je m'abstiendrai de voter de façon à
exprimer mon accord au principe qui vise à mieux régir les heures
d'affaires au Québec, mais à indiquer mon désaccord
à l'orientation qu'on veut donner quant à l'élargissement
des heures d'affaires dans les établissements commerciaux. Je souhaite
qu'en commission parlementaire, au cours de l'étude article par article
de ce projet de loi, des amendements soient apportés concernant la
clause des trois employés, l'élargissement des heures d'affaires
du jeudi et du vendredi soir et du jour de Noël, que des précisions
soient apportées quant aux activités commerciales dans les
pharmacies, que les succursales de la Société des alcools soient
également régies par une telle loi.
Si des amendements intéressants, des amendements conformes
à ce que j'exprime comme préoccupations aujourd'hui sont
apportés au projet de loi au cours de l'étude article par
article, je serai heureux de me rallier et de voter pour le projet de loi en
troisième lecture. Mais, jusqu'à ce que ces amendements aient
été apportés, je m'abstiendrai au moment du vote en
deuxième lecture de ce projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: M. le Président, il me fait plaisir
d'intervenir sur le projet de loi 59 présenté par le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le projet de loi 59 a pour effet de
modifier la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux. Après avoir écouté l'orateur qui m'a
précédé, je suis très heureux de constater que le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ne fait pas
l'unanimité dans son propre parti avec le projet de loi 59. Je pense que
notre porte-parole, le député de Laporte, était
très justifié, hier soir, de mentionner aussi que nous, de
l'Opposition, ne sommes pas d'accord avec le projet de loi du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. le Président, vous conviendrez sans doute avec moi que, si on
se fie sur le titre du projet de loi, il semble tout à fait inoffensif,
mais, quand nous en vérifions le contenu, c'est tout autre chose.
Premièrement, ce projet de loi est rempli d'éléments
arbitraires et discriminatoires. Il est aussi abusif sur le plan des
dispositions discrétionnaires qu'il contient. On n'a qu'à
vérifier les pouvoirs que le ministre se donne ou se confère dans
ce projet de loi pour voir toute la discrétion que le ministre s'est
conservée à l'intérieur de ce projet de loi.
En plus, ce projet de loi ne sous-tend aucun principe clair et bien
fondé. Cela me surprend passablement qu'un tel projet de loi puisse
être présenté par un ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme, un ministre qui émane du monde des affaires, du moins
avant qu'il soit en politique, un ministre qui, avant d'être en
politique, était dans l'industrie privée. Je me souviens
très bien quand le député de Lotbinière, l'actuel
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, émettait des
opinions tout à fait contraires sur le plan des idées tout comme
sur le plan des principes.
À un certain moment de sa carrière politique, l'actuel
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et ancien chef d'une
formation politique presque totalement disparue décriait la
réglementation abusive du gouvernement et des gouvernements
antérieurs. Il souhaitait la déréglementation. Il
demandait aussi que les droits et libertés individuels soient mieux
respectés, mieux défendus. Il était même, à
un certain moment, pour le "freedom of choice". Je peux vous dire que le
ministre, à ce moment, reconnaissait les droits et libertés
individuels.
Cela fera bientôt huit ans que je suis en politique, membre de
cette Assemblée nationale. Pourtant, les principes qui m'animaient dans
le temps, au tout début, en 1976, n'ont jamais disparu. J'étais
et je suis toujours défenseur de la libre entreprise. J'étais et
je suis toujours pour une certaine déréglementation
sélective. J'étais et je suis toujours pour un plus grand respect
des droits et libertés des individus non seulement dans les secteurs qui
touchent le commerce, l'industrie ou le développement économique,
mais dans tous les secteurs autres que ceux qui ont trait à la vie,
à la santé, au bien-être des personnes et à leur
sécurité. Dans tous les autres secteurs, je crois qu'il y a lieu
et place pour la déréglementation.
Dans ce projet de loi, ni la vie, ni la santé, ni le
bien-être, ni la sécurité des individus ne sont mis en
cause. Par conséquent, je ne peux souscrire aux raisons
évoquées par le ministre pour défendre son projet de loi.
Le rôle d'un gouvernement le moindrement respectueux de ses
administrés ne va pas dans le sens du projet de loi
présenté par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme. Ce n'est pas avec des restrictions, des limitations inopportunes que
l'on pourra développer au
maximum la capacité d'innover de nos citoyens. Ce n'est pas, non
plus, dans un cadre étroit de réglementation que l'on permettra
et suscitera l'émergence et le développement d'idées
nouvelles.
L'État a certainement un rôle important à jouer,
mais ce rôle doit surtout en être un de chien de garde beaucoup
plus que le rôle étouffant et arbitraire que veut lui
conférer ce projet de loi. Si je suis intervenu dans ce débat sur
ce projet de loi, c'est particulièrement pour des raisons de
démocratie, pour des raisons de respect des individus; également,
afin que le législateur prenne conscience qu'il est, et de loin,
beaucoup trop interventionniste et dirigiste.
Je reconnais un élément positif dans ce projet de loi,
vraiment un seul, là où on augmente les catégories
d'établissements exclus de l'application de cette loi. À mon
sens, c'est le seul élément positif que je peux retenir et pour
lequel j'ai du respect. Le reste du contenu est surtout négatif. Si on
regarde tous les éléments contenus dans ce projet de loi, on peut
distinguer quatre endroits dans le projet de loi où le ministre se donne
des pouvoirs discrétionnaires, des pouvoirs que je qualifierais
d'abusifs. On doit, à quatre endroits, demander au ministre la
permission de faire ci ou la permission de faire ça. Sur un projet de
loi qui contient huit articles, il y a quatre endroits où le ministre se
conserve des droits abusifs, des droits discrétionnaires et c'est
très difficile à accepter puisque de plus en plus ce Parlement
sanctionne des lois qui accordent des abus de pouvoir au ministre. (15 h
30)
On a pu le constater dans des lois du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation la semaine dernière: droit de
sanction, droit de perquisition, enfin, des droits qu'antérieurement on
ne retrouvait pas dans nos lois. C'est un projet de loi restrictif qui confine
encore une fois les petits à demeurer petits. À mon sens, cela
constitue une injustice envers la libre entreprise, envers des gens qui
pourraient et qui devraient avoir le droit de grossir leur commerce, de prendre
une plus grande part du marché dans leur localité, dans leur
ville. Pour l'homme d'affaires qu'il était avant d'être ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, je comprends mal que le ministre
n'ait pas laissé agir et se concurrencer les forces du marché. Je
pense que, dans un monde démocratique, dans un monde libre, c'est un des
éléments majeurs de la démocratie que de laisser la libre
entreprise faire son chemin sans embuscades et sans réglementation
abusive. En toute démocratie, je pense que le ministre n'a pas de
connaissances particulières dans ce domaine, parce qu'il aurait
apporté quelques changements à son projet de loi.
M. le Président, le projet de loi 59 n'a pas tenu compte, non
plus, de l'opinion du consommateur, quoi qu'en disent les gens d'en face.
J'aimerais bien qu'on me donne le pourcentage de consommateurs
québécois à qui on a posé la question sur la teneur
de ce projet de loi, à qui on a demandé s'ils désiraient
avoir une plus grande largesse dans les heures d'ouverture des commerces. Je
pense que le ministre nous a indiqué hier soir avoir obtenu un
très grand consensus. Celui qui m'a immédiatement
précédé indiquait qu'il n'était pas d'accord avec
la majorité des articles. Le consensus n'existe pas. Le consommateur n'a
pas été consulté adéquatement. Je pense que c'est
un élément dont on aurait dû tenir compte avant d'arriver
à la deuxième lecture de ce projet de loi. On peut constater
également, sur le plan des interventions qui ont été
faites au niveau des journaux et par les lettres qu'on a reçues, qu'il y
a presque autant de personnes qui sont contre le projet de loi que de personnes
qui sont pour le projet de loi. Les allégations du ministre à
savoir que le consensus est très large ne sont même pas
fondées.
En plus, j'indiquerais que ce projet de loi va totalement à
l'encontre des tendances nord-américaines. On sait que, dans toute
l'Amérique du Nord, il y a un vent de libéralisme
économique, il y a un vent de libre échange. Il y a un vent de
déréglementation. Il y a aussi un vent de libre cours aux
marchés, à la force des marchés. Dans ce sens, je constate
que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme recule au lieu
d'avancer. Il va à contre-courant. Il n'est pas progressiste du tout. Il
fait bande à part dans tout le domaine économique. Plutôt
que d'être progressiste et de marcher dans le sens où
l'Amérique du Nord se dirige, il préfère l'abus du
contrôle étatique. Il ferme les portes sur l'avenir et sur nos
possibilités de développement économique.
Il y a un élément que je pourrais reconnaître, M. le
Président. Certains groupes de pression ou certaines associations
veulent se voir mis à l'abri par un projet de loi. Je comprends que le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a reçu certaines
pressions de la part de groupes ou d'associations. Beaucoup de gens veulent se
voir protégés par le projet de loi. C'est humain. C'est,
jusqu'à un certain point, très compréhensible, mais
était-ce nécessaire pour le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme de répondre par ce projet de loi à ceux qui
veulent se voir protégés ou mis à l'abri? Le
résultat et les effets qu'aura le projet de loi présenté
aujourd'hui ne seront certainement pas productifs. On entraîne par cette
nouvelle loi une nouvelle lourdeur bureaucratique par laquelle on va
certainement freiner le progrès. Nous allons aussi freiner le dynamisme
d'un secteur
d'activité qui emploie environ 350 000 personnes.
Que dire de l'abus de réglementation? On en connaît les
effets. La réglementation crée généralement des
injustices. Elle brime des droits acquis. Elle discrimine quelqu'un quelque
part. Elle ajoute à la bureaucratie. Pourtant, elle est tellement lourde
au Québec, qu'on aurait pu se passer d'en ajouter. Finalement, le
résultat net est que de la naissance à la mort et de plus en plus
l'État nous mène par le bout du nez et en plus se met le nez
où il n'a pas d'affaire.
Il faudrait se poser des questions sur la logique économique que
comporte ce projet de loi. J'imagine que le ministre aurait eu une occasion de
démontrer une plus grande ouverture d'esprit, de démontrer qu'il
croit à l'entreprise privée. Non pas seulement dire qu'il croit
à l'entreprise privée, mais qu'il croit à la
liberté de nos droits, qu'il croit aux forces du marché. Mais il
a manqué son coup; soit qu'il n'était pas sincère quand il
émettait des opinions contraires à celle du projet de loi ou
alors qu'on le voit sous son vrai jour aujourd'hui.
De toute façon, il y a d'autres éléments dans le
projet de loi dont je voudrais discuter avant de terminer. Par exemple, le
statut particulier que l'on veut conférer aux grandes pharmacies. On
sait que le ministre les reconnaît et reconnaît aussi
l'étendue de la surface de plancher qu'elles avaient à des fins
de vente de produits alimentaires. En plus, il n'y a rien qui empêchera
ces pharmacies de se cloisonner, d'avoir des sections cloisonnées
où elles pourront vendre une multitude de produits. Il n'y a rien qui
empêchera une pharmacie d'avoir douze ou quinze cloisons, de vendre douze
ou quinze produits additionnels. Cela n'est pas écrit dans le projet de
loi qu'elles n'ont pas le droit de le faire, en plus de conserver l'espace
qu'elles ont actuellement.
Si on parle d'équité, en partant, il y a discrimination
envers des groupes et il y a aussi des droits acquis qu'on veut peut-être
protéger mais on confère quand même des droits presque
abusifs à ces grandes pharmacies. Si le ministre avait voulu être
équitable, il aurait libéré le système plutôt
que d'apporter la confusion.
Pour les marchés publics, la règle de trois s'applique.
Mais c'est presque une farce. Je sais pertinemment que si j'étais
propriétaire d'un magasin d'alimentation dans un marché public,
je n'aurais pas de problème à cloisonner en deux, en trois ou en
quatre. Je pourrais avoir de trois à douze employés, si je
voulais. Les propriétaires de magasins dans les marchés publics
pourront faire à peu près ce qu'ils veulent. Je pense que c'est
une farce monumentale d'avoir inscrit cela dans la loi parce que cela ne
règle pas du tout le problème.
En plus, les coûts de mise en place de cette loi. Cela va
augmenter le nombre de gendarmes. On peut les appeler les enquêteurs mais
on peut aussi les appeler les gendarmes. Il y aura possiblement du
harcèlement qui sera rattaché à cela. Quels seront les
coûts de cette loi en rapport avec les gendarmes ou les enquêteurs?
Cela devient un irritant de plus, par-dessus tous ceux qu'on a au
Québec. La dépense sera sans doute très importante. Si le
ministre veut appliquer ce projet de loi avec fermeté, cela va prendre
des centaines et des centaines d'inspecteurs ou d'enquêteurs ou de
gendarmes qui vont voir à l'application de cette loi. Qui paiera? Encore
les contribuables du Québec qui sont pourtant extrêmement
taxés, surtaxés. Ils sont surtaxés à 30% de plus
que la moyenne canadienne. On arrive encore avec des projets de loi qui
coûteront très cher dans leur mise en application.
En fait, un élément aurait réglé tous les
problèmes, si le ministre avait eu le courage de le soumettre; cela
aurait été la libéralisation des heures d'affaires pour
tout le domaine agro-alimentaire. Pour commencer, cela aurait
réglé les cas spéciaux que le ministre veut se
réserver. Cela aurait réglé le problème des
régions frontalières où le ministre peut, à la
suite d'une demande, donner des permis d'exploitation à des heures
différentes dans les régions frontalières. En plus, si on
avait libéralisé davantage les heures, cela aurait pu être
un élément créateur d'emplois. Je pense que c'est un point
à considérer quand on regarde le nombre de chômeurs que
nous avons ici au Québec. (15 h 40)
Enfin, M. le Président, et je termine là-dessus, je ne
peux appuyer le projet de loi 59. Je ne peux appuyer les interventions du
ministre qui peuvent être arbitraires ou pourraient l'être, je ne
peux cautionner non plus les pouvoirs abusifs que se confère le
ministre, je ne peux cautionner la bureaucratie additionnelle incluse dans ce
projet de loi et les coûts inhérents à son application, je
ne peux non plus cautionner les injustices que ce projet de loi peut
créer parce qu'il signifie le non-respect des droits et des
libertés individuels, libertés et droits que nous avons perdus
depuis quelques années. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai pensé
intervenir très brièvement sur le projet de loi 59 qui modifie la
Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. L'objectif
de la loi, comme son titre le dit, est de modifier
les heures d'affaires des établissements commerciaux; le projet
n'a pas pour effet de régler les problèmes que l'on veut
régler mais peut-être de les augmenter.
Il est évident que la raison première pour laquelle le
gouvernement a décidé d'intervenir dans ce domaine est le fait
que depuis plusieurs années, durant les quatre ou cinq dernières
années, on a vu une prolifération de commerces qui se sont
ouverts et qui fonctionnent même le dimanche, sans que jamais aucune loi
ne soit venue clarifier les heures de fonctionnement de ces commerces. Si bien
que l'on se retrouve, d'un côté, avec des commerces -on va
peut-être s'arrêter davantage pour le moment aux commerces
d'alimentation - qui obéissent à la loi, qui respectent les
dispositions de la loi, en restant fermés le dimanche, alors que
d'autres, à partir d'un laisser-faire ou d'une négligence, qui
provient probablement de la façon dont le petit nombre d'inspecteurs se
sont acquittés de leur tâche, à partir surtout du
laisser-faire du gouvernement, ont commis des abus.
Comme quelques-uns de mes collègues le signalaient ce matin, on a
même, certaines fois, vu des ministres du gouvernement aller sanctionner,
par leur présence, des ouvertures de marchés publics ou autres en
dehors des heures prévues par la loi. Si bien que, agissant sous la
pression, des commerçants en alimentation, qui, eux, respectent la loi
ou inscrivent leur fonctionnement dans le cadre de la loi, se sont dit: Les
conditions du marché ou les conditions du commerce ne sont plus
équitables. D'une part, vous avez des gens qui contournent la loi,
ouvrent leur porte quand ils pensent que c'est plus rentable pour eux et,
d'autre part, vous avez ceux qui obéissent à la loi.
Ceci étant dit, il était important que le gouvernement se
penche sur ce problème et se demande comment nous pouvons le
résoudre dans un esprit d'équité. Comment pouvons-nous
clarifier une situation qui devient de plus en plus ambiguë et confuse, si
bien que les gens ne s'y retrouvent plus? D'une part, vous entendez les
protestations pour obtenir la fermeture des commerces le dimanche et, d'autre
part, des représentations sont faites pour libéraliser les heures
d'ouverture des commerces le dimanche.
Que le gouvernement veuille intervenir à ce moment-ci pour
essayer d'apporter un peu plus de clarté dans cette situation, je pense
que c'est légitime. Ce qui m'étonne, en lisant le projet de loi
actuellement à l'étude devant nous, c'est la façon par
laquelle le gouvernement se propose d'intervenir, je dirais surtout le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Probablement qu'aucun autre
ministre que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, n'aurait pu présenter un projet de loi aussi confus et
aussi ambigu, ménageant à la fois la chèvre et le chou, ou
du moins tentant de le faire. Je pense que c'est parfaitement à l'image
du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui jamais en cette
Chambre n'est capable de donner une réponse claire à quoi que ce
soit, répond toujours à côté des questions et,
finalement, se comporte de la même façon dans la
présentation de ce projet de loi.
Je pense qu'on pourrait aborder la discussion de ce projet de loi du
point de vue d'un modèle de vie ou du fonctionnement de notre
société. Vous trouveriez d'un côté ceux qui
voudraient libéraliser la loi, aller dans le sens d'une
libéralisation et, de l'autre côté, les tenants du statu
quo. Je m'étonne... À moins que le ministre ait entre les mains
de tels sondages; je ne les ai pas; il se peut que ce soit parce que je ne les
ai pas obtenus, mais s'ils existent, j'aimerais que le ministre les
dépose. Les consommateurs sont quand même les premiers
touchés; il ne faut pas oublier que les commerces sont au service des
consommateurs. Ceci ne veut pas dire qu'on doive exploiter ceux qui travaillent
à l'intérieur des commerces ni qu'on doive exploiter les
propriétaires de commerces, mais il reste qu'ils sont d'abord au service
des consommateurs. Et, à ma connaissance -encore une fois, c'est
peut-être parce que je n'ai pas en main les documents qui seraient
disponibles - je ne sache pas qu'on ait fait auprès des consommateurs un
sondage sérieux sur ce qu'ils voudraient.
On sait qu'il existe à l'échelle nationale un sondage qui
remonte, j'imagine, à plusieurs mois, dans lequel on voyait une tendance
favorable, au-delà de 50%, dans les autres provinces, à la
libéralisation des heures d'ouverture des commerces. Du
côté du Québec, on observe, selon ce sondage, un
comportement plus réservé ou plus conservateur vis-à-vis
de la libéralisation des heures d'ouverture. Le sondage donne à
peu près ceci: 48% - si je ne m'abuse - seraient favorables au statu quo
alors que 38% seraient favorables à une libéralisation, avec
évidemment un certain nombre d'indécis ou de personnes qui ne se
sont pas prononcées.
Une chose est certaine: je pense que, compte tenu des conditions de vie
dans lesquelles nous vivons, compte tenu de l'organisation de notre
société, compte tenu de l'arrivée sur le marché du
travail d'un nombre de plus en plus considérable de femmes et
également de familles où les deux conjoints travaillent dans des
conditions qui font que les heures habituelles d'ouverture de magasins que nous
avons connues - en tout cas, pour ma part, dans mon enfance - ne sont plus
adaptées aux besoins d'aujourd'hui, il faut savoir les
difficultés occasionnées parfois pour arriver à organiser
un horaire
qui satisfasse les familles d'aujourd'hui.
Cela dit, je n'ai pas, moi non plus, la réponse à savoir
si on doit aller dans le sens d'une libéralisation ou dans le sens du
statu quo. Si je me fie à l'esprit du projet de loi, ou du moins
à ce que le ministre prétend vouloir faire dans ce projet de loi,
c'est-à-dire clarifier la situation pour tout le monde, que les
règles du jeu soient bien connues et qu'on fonctionne dans un
système plus équitable, je regrette de dire que tel n'est pas le
cas de ce projet de loi. D'une part, on ajoute, par exemple, à la liste
des commerces exclus de la loi deux dispositions, la première permettant
aux commerces d'antiquité ou de marchandises usagées d'être
exclus de la loi. En d'autres termes, j'imagine qu'ils pourraient fonctionner
le dimanche; ils ne sont pas soumis aux dispositions de la loi. Dans le cas des
antiquités, c'est quelque chose de très aléatoire que de
définir ce que sont des antiquités, parce que aujourd'hui,
à peu près tout ce qui date de dix ans est
considéré comme une antiquité. Et encore, on pourrait
toujours penser que c'est usagé dans ce sens-là, peut-être
qu'on pourrait à la limite parler d'antiquités, mais on ajoute
"et de marchandises usagées". (15 h 50)
M. le Président, je suis convaincue que, quand vous vous promenez
dans la belle région des Cantons de l'Est, où j'ai parfois
l'occasion de me balader, il y a un peu partout de ces antiquités ou
magasins d'antiquaires; vous entrez là et vous n'en retrouvez pas une
seule. Ce que vous retrouvez, ce ne sont même pas, non plus, des meubles
usagés. C'est du mobilier qu'on est allé acheter chez des
commerçants, qui n'est pas usagé, mais qu'on revend à des
conditions probablement plus raisonnables que si on en faisait l'acquisition
dans un magasin conventionnel. D'une part, on sent que, dans le projet de loi,
le ministre dit: II faut rétablir les règles du jeu; il faut
qu'on permette des conditions équitables. Par contre, dans un autre
geste, il élargit ce qui, à première vue, pourrait
paraître inéquitable si l'on tient compte de ce qu'il
prétend vouloir mettre de l'avant.
Vous avez également au paragraphe 19; dans
l'énumération des commerces qui seront exclus de la loi, "de tout
autre produit déterminé par règlement du gouvernement". On
revient encore à la vieille méthode qu'on a tellement
dénoncée de ce côté-ci de la Chambre, à
savoir que le gouvernement se garde un pouvoir discrétionnaire. Il va
vous dire qu'il n'interviendra dans ce sens-là que lorsque tous les
intervenants concernés seront d'accord. Vous savez qu'avant que tous les
intervenants concernés soient d'accord pour exclure quelque chose c'est
une démarche assez périlleuse. On le voit au moment même de
la discussion de ce projet de loi puisque, même du côté du
gouvernement, c'est loin d'être sûr que le consensus ait
été fait; on l'a vu à la suite du discours du
député de Gouin. C'est surtout, à ce moment-là, un
pouvoir discrétionnaire que le gouvernement se donne, qu'il pourra
exercer sous la pression d'un groupe qui pourra être fort restreint et
qui, fort souvent, n'aura pas fait l'objet de ce consensus
général dont parle le ministre. Compte tenu du nombre
d'exclusions importantes déjà contenues dans le projet de loi, on
se demande pourquoi, si on devait en faire une autre, le gouvernement ou le
ministre ne reviendrait pas devant l'Assemblée nationale justifier une
ou des exclusions additionnelles à son projet de loi.
D'une part, on veut rassurer les marchands en alimentation en disant
qu'on va agir de telle façon qu'il y aura moins de concurrence
déloyale qui s'exercera à leur endroit. C'est ce que j'ai cru
déceler dans ce projet de loi. La raison principale, c'est que
l'Association des détaillants en alimentation a dit: Nous sommes mal
protégés. Le ministre a dit: On va intervenir. Évidemment,
ils sont exposés à la concurrence des pharmacies qui, maintenant,
ont de vastes services d'alimentation. Vous avez les marchés publics,
etc. Le ministre semble dire: Rassurez-vous; on vous règle cela
maintenant; il faudra qu'il y ait seulement trois personnes dans un
marché d'alimentation pour que ce dernier puisse ouvrir le dimanche.
Qu'est-ce que vous retrouvez à deux articles? Dans un premier
article, à l'article 5.2, probablement qu'on a en tête les
établissements commerciaux opérant avec plus de trois personnes,
qui vendent des produits visés au paragraphe 7° de l'article 5,
c'est-à-dire les produits pharmaceutiques, hygiéniques ou
sanitaires. On parle des grandes pharmacies qui ont souvent des rayons
importants d'alimentation. On leur dit: Vous aurez jusqu'au 1er septembre 1984
pour faire une demande d'autorisation afin de pouvoir continuer de fonctionner.
En ce sens, on leur dit: Vous avez des droits acquis et on vous donne jusqu'au
1er septembre 1984 pour obtenir une autorisation du ministre qui pourra vous
permettre de continuer de fonctionner. Mais qu'arrive-t-il, M. le
Président, entre le moment où nous nous parlons aujourd'hui, le
13 juin jusqu'au 1er septembre? Est-ce que cela voudrait dire qu'entre-temps
des pharmacies pourront développer ou agrandir la superficie de leur
magasin pour précisément se prévaloir de cette demande
d'autorisation dont le ministre parle à l'article 5.2?
Ce qui est encore plus étonnant, c'est qu'on dit à
l'Association des détaillants en alimentation: II ne faut pas vous
énerver. Vous savez, maintenant, trois personnes sont requises sinon les
gens ne peuvent
fonctionner. Mais vous retrouvez à l'article 6: "Le ministre
peut, aux conditions qu'il détermine, accorder à un
établissement commercial un délai pour se conformer aux
dispositions de la présente loi." C'est-à-dire qu'à tous
ceux qui précisément ont semblé ou dans les faits
présentent une concurrence pour les petits détaillants, on leur
dit: En aucun cas, vous ne pourrez aller au-delà du 31 décembre
1986 pour vous conformer à ce projet de loi. En d'autres termes, on leur
donne presque deux ans pour se conformer à ce projet de loi et ceci,
avec l'autorisation du ministre qui s'accorde un pouvoir discrétionnaire
et qui s'accorde, je n'hésite pas à le dire, un pouvoir
arbitraire, un pouvoir de patronage pour lequel il a une que propension fort
reconnue dans tout le Québec, qu'il pourra - mon Dieu! qu'il sera
heureux, n'est-ce pas? - à ce moment exercer dans toute sa
plénitude.
Je veux bien qu'on présente un projet de loi pour rendre les
règles de jeu plus claires, plus équitables. Mais qu'on le fasse
dans un sens ou dans l'autre. Qu'on ne reste pas à cheval sur la
clôture en rassurant les gens. Vous savez désormais qu'il ne
faudra pas qu'il y ait plus de trois personnes dans un magasin d'alimentation
pour qu'il puisse fonctionner le dimanche.
D'autre part, le gouvernement et le ministre se donnent une marge de
manoeuvre telle que s'il l'exerce et selon son bon plaisir, selon les
représentations qui vous seront faites et peut-être selon - est-ce
que je devrais oser le dire - l'allégeance politique de celui qui se
présentera à son bureau, il pourra à ce moment être
très généreux et accorder des permissions qui
précisément viendront contredire ce qu'il prétend vouloir
faire dans ce projet de loi: Clarifier les règles du jeu, permettre aux
gens de fonctionner dans un contexte qui est clair, qui est équitable
pour tout le monde.
J'ai rarement vu un projet de loi qui prétend faire une chose et
qui, de par ses dispositions, contredit ce qu'il veut faire. À ce titre,
je dois dire qu'il m'est impossible d'appuyer le projet de loi tel qu'il est.
D'ailleurs - on connaît bien le ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme - je voudrais ajouter un détail qui a peut-être moins
d'importance mais qui montre l'esprit dans lequel le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme fonctionne et peut-être aussi le gouvernement
du Québec.
À un autre article, on donne les modifications qui seront
apportées aux heures d'ouverture. On énumère ce que seront
les jours de congé ou les journées où les commerces
devront être fermés. Seulement pour vous indiquer l'esprit dans
lequel c'est fait, on prévoit que le 24 juin, jour de la fête
nationale, sera un jour où les commerces devront être
fermés et jour qui pourra être reporté au 25 juin si, par
hasard, la Saint-Jean-Baptiste tombe un dimanche. Mais qu'arrive-t-il du
1er juillet qui n'est plus la fête nationale mais qui est la
fête du Canada? Je ne sais pas à qui la fête du Canada mais,
pour moi, c'est encore la fête de mon pays.
Pour le 1er juillet, on ne prévoit pas cette
même disposition que si le 1er juillet tombait un dimanche, on pourrait
le reporter au lundi. Il faut être du Parti québécois et,
probablement qu'il faut être ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme actuel pour penser à ces subtilités à moins que
ce ne soit quelque fonctionnaire borné et étroit d'esprit qui ait
pensé à faire cette différence entre deux congés
que tous les Québécois veulent fêter, que ce soit la
fête nationale ou que ce soit la fête du Canada.
Je pense que j'ai donné ici assez d'indices pour montrer dans
quel esprit ce projet de loi a été préparé. Ceux
qui pensent obtenir une certaine clarification de leurs droits, un certain
respect de ce qu'ils considèrent être leurs intérêts,
sont trompés par ce projet de loi parce qu'il est vraiment rempli de
failles. Il laisse vraiment au ministre tellement de latitude quant aux
possibilités d'intervenir selon son bon plaisir que si, d'une part, on
veut corriger une chose, d'autre part, les dispositions laissées au
ministre peuvent facilement contredire les objectifs que l'on dit vouloir
mettre de l'avant. Ce projet de loi, tel qu'il est, sans amendement, ne viendra
pas clarifier une situation, ne viendra pas rendre les conditions de
fonctionnement des commerces plus équitables mais, au contraire, viendra
créer une multitude de situations où l'inéquité
continuera d'exister et surtout provoquera entre les différents types de
commerçants des querelles qui, en fin de compte, ne serviront ni les
consommateurs ni les commerçants eux-mêmes. Merci. (16 heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci. Je trouve regrettable un tel discours de la
part de Mme la députée de L'Acadie. Aller jusqu'à
prévoir, juger même des actions futures du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme avec la loi 59. Elle a eu une bonne
éducation parmi les libéraux d'antan sur les modes de patronage
qui pouvaient s'exercer dans ces gouvernements antérieurs. Elle a encore
un bel exemple aujourd'hui de ce qui se passe parmi ces libéraux. On a
juste à regarder ce qui se passe à Loto-Canada où le nid
de patronage est justement dans le même sens que Mme la
députée de L'Acadie l'a décrit tout à l'heure.
Pour moi, la loi 59 est une loi qui s'imposait depuis nombre
d'années. Une
révision d'une vieille loi où à un moment
donné on ne savait plus qui était dans l'illégalité
et qui était dans la légalité. On s'apercevait que les
magasins de meubles ouvraient le dimanche avec des amendes qui étaient
payantes pour eux, parce que vu le chiffre d'affaires qu'on pouvait faire
à ce moment, c'était payant de payer une amende parce qu'elle
était toute petite. Il y avait aussi toutes sortes de commerces. On voit
même jusqu'à des ventes sur le trottoir qui se sont faites par
certains magasins, le dimanche aussi. C'était une concurrence
déloyale envers ceux qui veulent observer les lois. La loi 59 ne fait
que rétablir les faits. C'est vrai qu'il n'y a pas une loi que je puisse
proposer moi-même à l'Assemblée nationale qui puisse
satisfaire à tous les genres de commerces existant au Québec.
Tout de même, il faut essayer d'encadrer différents
commerces au détail pour qu'ils puissent au moins atteindre la grande
majorité de ceux qui font commerce au Québec. La loi 59 est
présentée et elle a déjà l'approbation de
près de 90% des marchands du Québec et même un peu plus; on
me dit 95%, il reste qu'il y en a 5% qui sont mécontents. Ces 5% si on
compare avec d'autres lois générales qui peuvent être
adoptées, je pense qu'ils sont minimes. Cela ne veut pas dire qu'on ne
peut pas avoir une attention toute spéciale envers ces gens. Lorsque le
"Devoir" titre le jeudi 7 juin 1984: "Un front commun presse Québec
d'adopter au plus tôt la Loi sur les heures d'ouverture", pour que le
journal "Le Devoir" puisse dire ouvertement qu'il y a un consensus qui s'est
fait autour de la loi 59, bravo. Il faut en tenir compte aussi.
C'est sûr, comme je le disais tout à l'heure, que la loi
n'est pas parfaite. C'est sûr qu'il y a une grande partie des
consommateurs - on me dit près de 48% -qui seraient pour la
libéralisation des heures d'ouverture couvrant même le dimanche.
C'est certain que ces 48% de gens ne doivent pas ignorer non plus que si on en
venait à une libéralisation complète du commerce au
détail, cela amènerait, contrairement à ce que les gens
pensent, une augmentation du coût des denrées. C'est simple. Il y
a plus d'employés, il faut payer pour l'électricité, le
chauffage additionnel, le nettoyage de ces magasins; ce sont toutes des
dépenses additionnelles qui seraient imputées aux
consommateurs.
Par contre, il y a un danger réel aussi qui se pose
là-dedans pour les employés, les travailleurs. Le travailleur qui
est habitué à faire 38 heures ou 44 heures par semaine pour le
commerce se verrait réduit, à ce moment, à cause de
l'affluence des clients, à des heures qui seraient l'équivalent
du temps partiel. C'est un danger qui guette les travailleurs du commerce et il
faut en être réaliste parce qu'on sait bien que les travailleurs
dans le secteur commercial ne sont pas les mieux payés au Québec.
Il faut préserver ces jobs et préserver aussi le niveau de vie de
ces travailleurs. Là-dessus, il est sûr qu'il restera toujours des
petites recommandations qu'on pourra faire au ministre en ce qui a trait
à ce projet de loi.
Actuellement, on propose d'ajouter une demi-heure le jeudi soir et une
demi-heure le vendredi soir pour porter la fermeture de 21 heures à 21 h
30. Pour avoir eu des commerces moi-même, je trouve que 21 heures, c'est
une heure de fermeture raisonnable, parce qu'on sait qu'avec les
employés, surtout dans le genre de commerce qu'on avait là - des
étals de viande - il faut que le ménage se fasse à la
fermeture du magasin. Si on fermait le magasin à 21 h 30,
l'employé ne quitterait pas le commerce avant 10 h 30, après
avoir fait le lavage de circonstance qu'exigent de tels commerces et qui a pour
but de respecter l'hygiène.
Le samedi, c'est la même chose, à 17 heures. Je suis
certain que les auditeurs qui m'écoutent actuellement comprendront.
Avez-vous déjà été vous faire servir dans un
magasin d'alimentation vers 16 heures ou 16 h 15? Vous êtes servi en
quelque sorte au bout de la fourche, comme on dit. Les employés sont
moins intéressés parce qu'ils pensent à tout le travail
qu'il y aura dès la fermeture. Ils ont le droit, eux aussi, de se
préparer pour une soirée sociale, le samedi soir, qu'ils ont bien
méritée après avoir travaillé près de six
jours par semaine dans ce genre de commerce. Personne ne veut ouvrir de
nouvelles boîtes ou faire de nouvelles coupes de viande à ces
heures-là. Les employés savent que la perte qu'il peut y avoir le
lundi matin entraîne souvent des augmentations de prix, car le fait
d'entamer de nouveaux quartiers de viande occasionne une perte substantielle
due au séchage. Pour cette raison, je demanderais au ministre que la
demi-heure qui est proposée dans le projet de loi, de 21 heures à
21 h 30, le jeudi et le vendredi soir... Je ne vois pas l'importance de cette
demi-heure. J'aimerais bien que ce soit exclu du projet de loi et qu'on garde
les heures normales d'ouverture.
On donne aussi dans le projet de loi -ce qui me préoccupait un
peu aussi, à cause des magasins de meubles qui sont des magasins
spécialisés - la permission aux vendeurs de piscines de pouvoir
en vendre le dimanche. Là-dessus, cela ne me fait rien, mais ce que je
ne voudrais pas, par exemple - et le ministre nous en a donné
l'assurance - c'est que ces mêmes vendeurs de piscines vendent des
chaises de patio ou des tables, tout ce qui est accessoire au jardin. J'ai
l'assurance du ministre là-dessus, à savoir que ce commerce ne se
fera pas par ceux qui auront à vendre des piscines. Cela a pour but de
protéger les magasins de meubles qui
observent actuellement la loi du dimanche, qui observent les heures de
fermeture.
On parle beaucoup du marché aux puces. Le marché aux
puces, c'est un des endroits qui soulèvent le plus de contestation dans
le projet de loi. Je dis bravo aux marchés aux puces. C'est un
événement nouveau au Québec. C'est un développement
de commerce attrayant et divertissant. Lorsque j'ai la chance de le faire, je
les visite. Souvent, je n'achète rien, mais c'est seulement pour voir ce
que je pourrais y trouver, soit des antiquités ou autre chose.
Cependant, il faut arriver à l'évidence qu'actuellement, le
marché aux puces est devenu un élément concurrentiel
à ceux qui paient de grosses taxes d'affaires. Les marchés aux
puces en sont maintenant rendus à vendre des meubles neufs. Ils en sont
rendus à vendre n'importe quelle sorte de lingerie à
l'état de neuf. Ce n'est pas l'objectif que le marché aux puces
s'était donné dès le départ. Si on regarde
seulement au point de vue de la taxe de vente, quel montant de taxe de vente
est perdu, je pense qu'avec l'ampleur qu'ont prise les marchés aux puces
aujourd'hui, on peut estimer à quelques millions de dollars la taxe de
vente qui est perdue actuellement. Uniquement dans le domaine de la bijouterie,
vous savez fort bien qu'on retrouve à chaque marché aux puces un
grand nombre de bijoux neufs d'une valeur appréciable. Je ne crois pas
que ce soit le rôle des marchés aux puces aujourd'hui. Si ce sont
des articles usagés, je suis d'accord pour qu'ils les vendent, mais
qu'ils respectent eux aussi celui dont le commerce a pignon sur rue et qui n'a
pas le droit de faire de telles ventes le dimanche. Si les gens des
marchés aux puces veulent se conscientiser entre eux par leur
association, je crois qu'ils trouveront le moyen, par le délai que leur
accorde le projet de loi, de s'en tenir à leur première
tâche, soit celle de vendre des objets usagés et des
antiquités. (16 h 10)
Quant aux dépanneurs, ils sont présentement couverts d'une
façon correcte par le projet de loi, je crois, en ayant trois
employés présents sur le plancher pour exploiter leurs commerces.
Il est difficile d'aller plus loin que cela, parce qu'on irait en contradiction
avec les grands magasins à rayons. Ils pourraient peut-être
trouver un moyen, si on allait plus loin, pour nuire justement à ces
petits dépanneurs qui travaillent, pour la plupart d'entre eux, de douze
à seize heures par jour. Cela provoquerait une réelle contrainte
sur leurs commerces. Avec trois employés, je crois qu'ils peuvent
très bien faire fonctionner leur commerce sept jours par semaine.
Il y a aussi tout le problème des marchés publics. J'ai
peut-être une autre conception du rôle que doit jouer un
marché public, à partir de la définition réelle du
mot. Actuellement, il y a une expansion dans ce domaine. L'ouverture des
marchés publics est à la mode. Il est vrai que cela a
coûté plusieurs millions de dollars. Dans sa définition
réelle, le marché public sert surtout aux maraîchers. C'est
ma définition personnelle. Si le maraîcher s'en va vendre ses
fruits et ses légumes à ce marché public, il n'est pas
atteint par cette loi. Il peut continuer à vendre ses produits. Mais le
malheur, c'est qu'il y a des supermarchés qui s'établissent dans
ces marchés publics pour vendre des produits importés, de
l'épicerie et de la quincaillerie. Là, on n'est pas d'accord.
Là-dessus, je voudrais une justice équitable envers tous ces
grands commerces.
Ce n'est pas parce que j'irais m'installer dans un marché public
que j'aurais le droit d'exploiter une lingerie. Il y en a dans certains
marchés publics, mais qu'on ne joue pas sur les mots et qu'on appelle
cela alors un centre commercial. Que l'on réserve les marchés
publics aux maraîchers, parce qu'ils vendent tous des produits facilement
périssables, qui ne se conservent pas à moins d'une bonne
réfrigération et encore. On sait qu'un légume ou un fruit
réfrigéré pendant deux ou trois jours n'a plus la
même qualité que le premier jour, lorsqu'on le place sur les
étalages.
Pour les marchés publics, il s'agirait d'amender la loi pour
protéger une catégorie de gens qui se sont
spécialisés dans l'exploitation de ces grands marchés,
après tous les investissements qu'ils y ont faits. La preuve, c'est
qu'on demande même une égalité pour les cinq autres
marchés publics qui devraient ouvrir afin d'essayer de
décréter le type de commerce qui serait admis dans ces
marchés publics. Je ne suis pas d'accord là-dessus. Je suis
sensibilisé à d'autres problèmes, par exemple à
celui de la charcuterie et non pas à la boucherie, aux coupes de viandes
fraîches. Il y a une habitude là-dedans. Les boucheries doivent
administrer leur commerce. S'il y a trois employés pour vendre de la
viande, d'accord. Ils seront considérés comme les
dépanneurs. Actuellement, il y a les charcuteries, les marchés de
viande qui emploient dix, douze, quinze personnes le dimanche pour vendre leur
marchandise. Il faut avoir une espèce d'équité dans tout
cela.
Il est certain, lorsqu'on parle de grandes pharmacies qui oeuvrent
actuellement au Québec, qu'il n'y a pas seulement le gouvernement qui a
une responsabilité là-dedans. Il y a aussi la profession des
pharmaciens, il y a les pharmaciens qui auraient dû voir à exercer
leur profession dans des pharmacies et non pas dans des quincailleries. Ils se
sont conformés, pour la plupart, à la loi existante en ne faisant
travailler que trois personnes mais ils
devront, à l'avenir, respecter la nouvelle loi 59. Bien
sûr, ils ont acquis des droits, ils vendent autant d'épicerie
qu'ils peuvent vendre de produits pharmaceutiques; je ne suis pas d'accord sur
ce principe, j'aimerais plutôt un commerce spécialisé car,
souvent, ces commerces causent du tort aux petits commerçants du
coin.
Si on regarde le côté touristique, plusieurs ont dit qu'on
allait massacrer le commerce ou la vie du milieu touristique. On a nommé
certaines villes du Québec où les commerces sont habitués
d'ouvrir de façon continue, le soir et le dimanche. Il n'y a rien
d'interdit dans la loi partout où il y a du développement
touristique; on sait que les populations de ces endroits doublent ou triplent
les fins de semaine. Le tout est régi par un pouvoir ministériel
mais sur recommandation des municipalités concernées.
Cela me paraît une solution logique. Il n'y a rien de mieux que le
maire puisse dire: À cause de l'aspect touristique, je recommande au
ministre d'accorder la permission d'ouvrir à tel type de commerces. Il
est certain qu'il sera difficile au ministre de refuser la recommandation d'une
municipalité qui tient à ce que certains de ses
établissements soient exempts de la loi. Le ministre pourra accorder
à ce moment-là une exemption.
Si on parle du Vieux-Québec, par exemple, on sait que les mois
d'affluence vont de la fin de juin jusqu'à la fin d'août. Comme
des lignes naturelles limitent ce quartier, on sait qu'à
l'intérieur des portes, cela fait partie du milieu touristique. Le
ministre se fera un plaisir d'accorder des permissions demandées par des
commerçants oeuvrant dans cette partie de la ville, toujours selon la
loi 59.
Pour toutes ces raisons, je voterai pour la loi 59, tout en demandant au
ministre d'oublier les deux demi-heures du jeudi soir et du vendredi soir. Je
pense que les travailleurs dans les magasins de détail seraient
contents. Cela peut nous paraître minime, mais pour eux, cette demi-heure
signifie beaucoup. C'est une suggestion que je fais au ministre, mais cela ne
m'empêchera pas de voter pour la loi 59. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Hull.
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Nous traitons
aujourd'hui plus particulièrement de la loi 59, loi modifiant les heures
d'ouverture des commerces au Québec. Cette loi a été
déposée au mois de décembre; nous avons tenu des audiences
publiques, nous avons rencontré les différentes associations de
détaillants en alimentation, associations de détaillants du
meuble, en somme, des regroupements d'associations afin de bonifier davantage
ce qui était présenté comme projet de loi. (16 h 20)
Pourquoi modifier la loi existante? Parce que, effectivement, cela ne
semble plus fonctionner ou ça fonctionnait trop bien. La loi qui existe
encore aujourd'hui a été adoptée en 1970. On sait que
cette loi avait été adoptée, initialement, dans le but de
favoriser une certaine expansion du petit commerçant, du
propriétaire d'un dépanneur. Par contre, la loi existante et,
plus particulièrement au cours des sept ou huit dernières
années, n'a absolument pas été retenue par personne. Tout
le monde a dérogé à cette loi. Le plus bel exemple - et la
population en est très consciente - c'est la venue des marchés
publics, des marchés aux puces, des pharmacies d'escomptes qui
n'étaient pas permis à l'intérieur de la loi, telle
qu'elle était constituée. Nous avons vu s'amorcer une certaine
forme de libéralisation dans le commerce au Québec. On constate,
et je pense que c'est au bénéfice des consommateurs
également, parce qu'on parle des heures d'ouverture, des
interdictions... En somme, on traite d'une loi qui, à toutes fins
utiles, à l'exemple de toutes les lois, est restrictive. On a
parlé aussi du consommateur. Je pense que le consommateur a un apport
très important à présenter dans l'adoption d'une telle
loi.
Pour revenir à la loi existante, vous êtes sûrement
au courant qu'au Québec actuellement, pour l'application de la loi, on a
à peine quatre inspecteurs pour couvrir la totalité du territoire
du Québec. Quatre inspecteurs qui ne travaillent pas les jours
fériés, ni le samedi, ni le dimanche, ni le soir. Comment peut-on
faire respecter une loi si nos inspecteurs ne travaillent pas durant les heures
où les commerces enfreignent ladite loi? C'est absolument ridicule!
Quand on parle de libéralisation, je pense qu'il faut tenir
compte du contexte économique d'aujourd'hui, du contexte des coutumes
nouvelles qui se sont établies en fonction des changements de la
société actuelle. On sait qu'aujourd'hui, autant l'homme que la
femme, chacun et chacune sont accaparés par leur travail quotidien, soit
dans les bureaux, les industries, les usines ou ailleurs, que plusieurs de
ceux-là se réservent la fin de semaine pour faire leurs emplettes
sans pour autant toujours examiner la loi pour savoir qui est ouvert, qui peut
ouvrir et qui doit être ouvert. Nous aurions pensé davantage
qu'après avoir entendu tous les mémoires, les compromis qui se
sont faits de part et d'autre... On nous dit que l'ensemble des associations
semblent appuyer cette loi. Elles l'appuient par compromis. Elles l'appuient
parce qu'elles ne peuvent avoir
mieux, parce qu'elles ne peuvent avoir plus à l'intérieur
de l'une ou l'autre association. Mais cela ne corrige pas pour autant une
situation existante qui va sûrement perdurer.
Quand on examine - et je trouve assez curieux; je m'adresse d'une
façon toute particulière à l'ensemble des
dépanneurs, parce qu'on appelle cela des dépanneurs au
Québec - des petits magasins de coin de rue, de paroisse, qui desservent
leur collectivité au cours de la journée ou de la soirée
et, plus particulièrement en fin de semaine, on dit que le petit
dépanneur ne doit pas employer plus de trois personnes en tout temps. Ce
que je me pose comme sérieuse question: est-ce qu'on veut garder nos
petits dépanneurs petits? Est-ce qu'on ne veut pas avec le temps les
rapetisser davantage? Un de ces petits dépanneurs me disait, il y a
à peine quelques mois, à la suite du dépôt du projet
de loi 59, que cela faisait sept ans qu'il avait acheté un petit
commerce dépanneur et qu'il avait travaillé 70, 75 heures par
semaine, et même plus, pour enfin connaître un certain
succès. Ce succès lui a permis d'agrandir son commerce, d'ouvrir
ses murs, de s'étendre à gauche et de s'étendre à
droite pour, finalement, voir apparaître un projet de loi limitatif dans
le nombre. Cela lui demande aujourd'hui, cela va l'obliger à restreindre
ses activités, à diminuer le nombre de ses employés parce
que ce petit dépanneur a poursuivi, premièrement, un défi
personnel et, ensuite, l'objectif d'être plus grand et plus fort.
Il y a environ 8000 de ces petits dépanneurs au Québec et
je les comprends, parce qu'ils cherchent une certaine protection, une
protection dans le sens qu'ils ne veulent pas voir les grands, les
multinationales, profiter de l'ensemble du marché et restreindre pour
autant leurs activités afin de se maintenir à l'intérieur
d'un cadre d'heures ouvrables. Je comprends ce point-là. Je comprends
aussi qu'il y a à peine quelques mois, ces mêmes petits
dépanneurs avaient demandé au ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme de ne pas accorder l'émission de permis de vente
de bière dans les magasins à succursales, pour ne pas les nommer,
les Steinberg. On sait que les Steinberg et tous les autres, s'ils ne l'ont
pas, vont drôlement l'avoir vite, ainsi que ceux qui n'en ont pas fait la
demande encore. C'était un des éléments, un des points que
le petit dépanneur gardait comme exclusivité, ce qu'il n'aura
plus.
Quand on parle de libéraliser et quand j'examine davantage ce
gouvernement qui fait fréquemment des voyages en Europe, dans notre
mère-patrie, la France, et qui nous revient toujours avec des
idées d'Europe et qui les implante chez nous... Effectivement en Europe,
on a libéralisé drôlement les heures d'ouverture. Aux
États-Unis, on a libéralisé drôlement les heures
d'ouverture. On sait que quand les États-Unis toussent, on attrape le
rhume au Québec, sinon au Canada. C'est une tendance qui demande la
libéralisation dans le commerce. C'est une tendance qui veut que l'on
subisse l'offre et la demande. C'est bien évident, M. le
Président, que s'il n'y a pas de consommateur qui se présente
dans un établissement commercial en dehors des heures normales
d'ouverture, ces mêmes détaillants de différents produits
n'ouvriraient pas leur commerce en dehors des heures de pointe ou des heures
durant lesquelles ils peuvent rentabiliser davantage leur commerce. C'est cela
l'offre et la demande. (16 h 30)
On a connu dans plusieurs domaines une expansion assez rapide.
Tantôt, on parlait des marchés publics. C'est devenu une habitude
au Québec de fréquenter, le dimanche, en fin de semaine, les
marchés publics. Les gens s'y rendent. Ils font un petit tour
d'automobile avec les jeunes, avec les enfants, et ils s'arrêtent dans un
marché public pour faire des emplettes. Les marchés aux puces,
c'est un peu la même chose. Cet une espèce de rencontre dominicale
où les gens vont. Ils partent d'un coin à l'autre de leur petite
région et s'y retrouvent. Cela n'aurait pas pu exister si ces
mêmes gens n'avaient pas enfreint la loi qui existait déjà.
Par le fait même, ils ont libéralisé la loi existante. Ce
qui m'inquiète un peu, c'est que le ministre se réserve plusieurs
aspects discrétionnaires. L'idée, c'est qu'on va adopter une loi.
De toute façon, même si l'Opposition était contre, M. le
ministre, vous savez que c'est le gouvernement qui a le dernier mot. Il est
bien évident que le gouvernement décidera au moment opportun
d'adopter la loi.
Ce contre quoi nous nous mettons en garde, c'est à propos de
l'ensemble des propriétaires de petits, de moyens ou de gros magasins
d'alimentation ou autres; cette loi ne les sert pas nécessairement et
cette même loi ne sert pas non plus le consommateur. Il y a quand
même des expertises qui ont été soulignées au cours
des interventions de ceux qui nous ont précédés et qui ont
démontré que la population du Québec, dans une proportion
qui dépasse les 50%, souhaiterait plus de libéralisation dans le
domaine du commerce et, plus particulièrement, des heures
d'ouverture.
D'autre part, on parle de relance économique et on restreint par
le fait même la création de nouveaux emplois, parce que en
limitant les heures d'ouverture, on limite les emplois. On peut nous dire que
les syndicats ont souhaité l'adoption de la loi telle quelle. Mais dans
combien de cas retrouve-t-on des étudiants et des étudiantes qui
vont se gagner des sous dans des emplois de fin de semaine, au service de la
collectivité, à l'emploi d'un patron, pour une courte
période d'heures? Cela paie leurs petites dépenses.
Combien de ces emplois cela crée-t-il au Québec? Combien d'autres
cela peut-il éviter de créer?
Je pense qu'on n'a pas regardé l'ensemble du problème que
va créer cette nouvelle loi. Quand les gens de l'Association des
détaillants en alimentation demandent au ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, au niveau des pénalités, de faire
respecter davantage la loi dans ce domaine, M. le ministre, on ne peut dire que
le passé est garant de l'avenir. On pourrait reprocher au gouvernement
antérieur, au vôtre, de ne pas avoir mis plus d'accent qu'il n'en
fallait sur l'application de cette loi, parce qu'on laissait quand même
suivre les tendances.
Votre gouvernement ne peut quand même pas se vanter non plus
d'avoir fait respecter intrégralement la loi qui existe actuellement. La
loi que vous allez voter sera aussi difficile d'application, sinon plus, parce
que, lorsqu'on dit "pas plus de trois employés en tout temps dans une
certaine classification de commerce" est-ce qu'on va mettre un inspecteur
à chaque porte pour surveiller si le commerçant n'outrepasse pas
le règlement qui existe?
Est-ce que le gouvernement du Québec va être obligé
d'engager une armée d'inspecteurs pour faire appliquer la loi? Entre
ceux qui vont la respecter et d'autres qui vont l'enfreindre, de quelle
façon va-t-on faire le décompte?
Ce sont toutes des questions qu'on peut se poser. Je sais qu'il y a des
modifications relativement importantes apportées au projet de loi
original déposé au mois de décembre. Mais, encore
là, on détecte que c'est ménager le chou et la
chèvre. Cela dépend de qui rencontre le ministre, à quelle
heure il rencontre le ministre, si le ministre est de bonne humeur ou si le
ministre est de mauvaise humeur. Cela dépend combien de gens le
rencontrent et combien d'associations, de particuliers ou de
propriétaires ces gens représentent. C'est un
élément drôlement important parce que dans cette même
loi, autant pour le consommateur... Une loi c'est quelque chose, mais les
règlements qui suivent, c'est bien pire. Dans ces règlements on
réserve à la discrétion du ministre son application. Je
vais vous donner un exemple. On parle à l'article 5.3 des endroits
touristiques et on a ajouté de l'ancienne loi "ou frontaliers". Cela
concerne une région comme la mienne, la région de l'Outaouais
où on pourrait vivre des problèmes tout à fait
particuliers, dans le sens que si des établissements commerciaux de la
ville d'Ottawa et des villes périphériques, du côté
ontarien, décidaient au mois d'août d'exercer leurs
activités sept jours par semaine et en soirée, nous nous verrions
dans l'obligation d'ouvrir les portes du côté
québécois, sinon on assisterait à un exode important de
nos consommateurs vers Ottawa. Cela serait la chose la plus naturelle possible.
C'est fermé sur un bord et c'est ouvert de l'autre bord.
À l'article 5.3, le ministre se réserve, en somme, il peut
autoriser des établissements... Je sais pertinemment que dans le cas de
l'Outaouais, la Communauté régionale de l'Outaouais qui regroupe
un ensemble de municipalités qui sont plus particulièrement
à caractère urbain, a déjà demandé que si
c'était le cas, si Ottawa ouvrait éventuellement, elle
souhaiterait qu'on lui accorde la permission, l'autorisation. Le ministre l'a
confirmé en commission parlementaire. On sait que des ministres, c'est
comme des députés, ça passe alors que les fonctionnaires
restent. C'est différent d'examiner de cette façon. J'aurais
souhaité que l'on puisse aller plus loin, c'est-à-dire permettre
aux municipalités des régions périphériques
à des frontières, de par leur régionale ou leur MRC
à qui on pourrait confier des pouvoirs, de leur donner justement ce
pouvoir parce qu'il y a toutes sortes de fêtes dans l'année
aussi.
Le ministre peut être parti, il peut être en Chine à
un moment donné et il n'est pas possible de le rejoindre. Donc il faut
appeler un haut fonctionnaire, un sous-ministre ou son adjoint et parfois la
réponse se fait attendre trop longtemps. Je pourrais et nous pourrions
apporter tellement d'arguments parce que nous aurions souhaité avoir une
loi plus cohérente, une loi plus précise, une loi peut-être
moins limitative afin de favoriser l'essor économique que nous
souhaitons au Québec. Pour toutes ces raisons - notre formation
politique l'a déjà indiqué - nous allons voter contre dans
le but de permettre au ministre de nous apporter des réponses à
l'ensemble des questions que nous avons posées et aussi de se retrouver
en commission parlementaire lors de l'étude article par article afin de
de bonifier, s'il y a lieu. S'il n'y a pas lieu, malheureusement le
gouvernement en supportera les conséquences. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Chambly.
M. Luc Tremblay
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
parler sur la Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux parce que c'est une loi qui m'a amené
avec plusieurs de mes collègues à passer de longues heures,
d'abord en commission parlementaire et en discussion afin d'apporter des
solutions aux problèmes qui nous étaient soumis. (16 h 40)
Tout d'abord, je voudrais corriger deux
erreurs que le député de Hull - j'en suis certain - a
glissées dans son allocution et qui sont explicables, sans doute, parce
qu'il n'avait pas lu l'ancienne loi ou qu'il n'a pas lu correctement ou
même s'il l'a lue, peut-être qu'il n'a pas retenu. Je suis certain
que c'est involontaire de sa part, le connaissant. Il s'agit d'une affirmation
dans le sens qu'on donnait de nouveaux droits aux pharmacies en ce qui concerne
la vente d'aliments. Les pharmacies étaient habilitées depuis
fort longtemps - je ne saurais dire depuis quand -à vendre des aliments.
On sait qu'elles ont commencé... Certaines pharmacies dans les villages
vendaient du "Pablum" et certains produits diététiques. La loi
leur avait permis de vendre des aliments, ce qui leur permettait de
s'étendre plus largement. Aujourd'hui, le problème se pose
différemment. C'est pour cette raison que dans le projet de loi - et
surtout, j'imagine, dans les règlements - il sera prévu de faire
en sorte que les pharmaciens n'exercent pas une concurrence indue face au
réseau de dépanneurs qui sont nécessaires, qui nous
servent bien et que nous voulons aussi conserver. Ces gens-là
méritent aussi de pouvoir exploiter leur commerce sans avoir une
concurrence indue.
Justement, le député de Hull faisait des commentaires au
sujet des dépanneurs. Il disait: II y a un article de la loi qui limite
à trois personnes le nombre de travailleurs dans chaque
dépanneur. S'il avait lu le projet de loi, il saurait que ce n'est pas
trois personnes. L'ancienne loi prévoyait que trois personnes, en tout
temps, pouvaient être embauchées dans l'entreprise,
c'est-à-dire le patron, le ou la propriétaire ainsi que deux
autres personnes, ce qui avait pour résultat que le travailleur ou le
petit entrepreneur qui était propriétaire de ce dépanneur
travaillait de longues heures et ne pouvait pas vraiment prendre une fin de
semaine de congé à l'occasion pour se reposer, comme tout le
monde a le droit de le faire. Cette loi ouvre la possibilité aux
dépanneurs d'avoir trois employés ou trois personnes en tout
temps dans le magasin pour servir les clients adéquatement sans
permettre que ce soient de véritables supermarchés.
M. le Président, vous me comprendrez si je vous dis que le projet
de loi 59 n'est pas le genre de projet de loi qu'un gouvernement aime faire
adopter par les députés. On a vu les gens de l'Opposition - c'est
ainsi que je le qualifierais - "limoner" autour de ce projet de loi, parce
qu'ils savent très bien qu'il n'y a pas de votes à gagner avec
cela. Il y aura toujours des gens qui seront insatisfaits au moment où
on passera la loi. Si on libéralise - et je vous parlerai un peu plus
longuement tout à l'heure des conséquences économiques
globales d'une telle possibilité - il y a des gens qui seront
touchés économiquement, qui seront dérangés et si
on resserre la loi, il y a d'autres personnes qui seront aussi
gênées par ce changement. On a constaté que l'Opposition,
selon son programme normal et naturel -celui qu'on connaît depuis
toujours - est le genre: Je ne suis ni pour, ni contre, M. le Président.
Bien au contraire. Cela pourrait lui tenir lieu de programme électoral.
Ils ne sont jamais pour ni contre. Bien au contraire. Ils ne se mouillent
jamais. On ne les a pas vus venir dire ici: Voilà ce que nous ferions.
Nous donnerions plus d'heures. Nous ouvririons le dimanche. Nous
libéraliserions complètement. Ils ne disent pas cela. Ils ne
disent rien. Ce qu'on a fait, nous, une fois que le problème s'est
posé - il faut bien le reconnaître, le problème
était là... Il y avait des gens qui ouvraient le dimanche et
à toutes sortes d'heures dans toutes sortes de commerces.
Vous allez me dire: Bah! Pourquoi voulez-vous empêcher cela s'il y
a des gens qui veulent ouvrir leur magasin et d'autres qui veulent acheter?
C'est le bonheur. C'est parfait. Hélas, non, ce n'est pas parfait. On
peut regarder cela de différents points de vue. Premièrement, du
point de vue du consommateur. C'est cela qu'on tente de faire. C'est d'essayer
de concilier les besoins et les intérêts de tout le monde. On ne
réussira pas cela, c'est évident. On ne réussira jamais
à concilier les intérêts des consommateurs, des
travailleurs et des commerçants là-dessus. Mais on va tenter de
faire en sorte que chacun ait son compte et que les consommateurs soient bien
servis d'une part et que cela ne leur coûte pas plus cher, d'autre
part.
Si nous libéralisions, quelles en seraient les
conséquences? Premièrement, pour le consommateur, a priori:
très commode. Je sors du théâtre à deux heures du
matin, le samedi. J'ai besoin d'une pinte de lait ou de faire mes courses, mon
épicerie. Je m'y rends et je fais mon épicerie. C'est
merveilleux, me direz-vous. Par contre, l'épicier lui, vous le voyez
bien, est encore ouvert. Il y a moins de clients dans son magasin parce qu'on
se présente à toute heure. Il est obligé de faire
fonctionner tout son appareil parce qu'il doit quand même y avoir une
surveillance suffisante dans ce magasin pour faire en sorte que des gens qui
veulent magasiner mais ne veulent pas payer, ne puissent pas accaparer des
produits. Donc augmentation des frais. Le consommateur sera donc directement
touché par la suite.
Pour les travailleurs, les conséquences feraient que nous serions
dans une situation où les travailleurs seraient obligés de faire
la nuit le travail qu'ils font présentement le jour. Le
député de Hull disait tout à l'heure: Ah oui! Mais cela va
créer des emplois, l'argument qu'on a entendu ad nauseam. Cela ne
crée aucun emploi. Le problème qui se pose pour les consommateurs
n'est pas de
savoir à quelle heure ils vont dépenser. Le
problème qui se pose aux consommateurs est de savoir combien d'argent
ils ont à dépenser. Mon problème personnel n'a jamais
été les heures pour dépenser. Mon problème a
toujours été, et le restera, d'avoir suffisamment d'argent
à dépenser pour acheter tout ce que je voudrais. Nous vivons dans
une société de consommation. Chacun d'entre nous ici peut faire
une liste longue comme le bras d'articles qu'il désirerait acheter mais
ce qui l'arrête, c'est le manque d'argent. Je prétends que,
présentement, tous les consommateurs réussissent fort bien
à dépenser tout l'argent qui leur est alloué et qu'ils
peuvent dépenser.
Quelles seraient les conséquences pour les petits
commerçants si on libéralisait les heures, si on disait: Tout le
monde ouvre quand il veut. Ceux qui veulent acheter à ces heures le
font. Cela voudrait dire que la plupart des dépanneurs, tels que nous
les connaissons présentement, surtout dans le domaine de
l'alimentation... car ce sont ceux qui sont les plus touchés,
jusqu'à récemment. Pour les autres, c'était assez bien
respecté; dans le domaine du meuble, dans le domaine du vêtement,
c'était assez bien respecté le dimanche. Mais, après les
heures d'ouverture normale que nous connaissions, les dépanneurs
prenaient le marché et suppléaient, quand on avait oublié
d'acheter des choses à certains moments. De même, des gens qui
vivent seuls, qui ne font pas leurs courses ou leur commande complète,
allaient chercher une pinte de lait, du jus de pomme et quoi encorel chez le
dépanneur, puisque le prix n'est pas un facteur important pour ces
gens-là, car c'est le service qu'ils recherchent.
Ce qui se produirait si on libéralisait, les grandes
chaînes d'alimentation s'organiseraient pour rester ouvertes plus
longtemps et, par le fait même, les ventes des dépanneurs
diminueraient considérablement avec le résultat que plusieurs
d'entre eux non seulement devraient réduire leur personnel mais
devraient fermer leurs portes à brève échéance.
Voilà les problèmes que pourrait causer la libéralisation
des heures d'ouverture des commerces, leur ouverture le dimanche. (16 h 50)
Que fait la loi? Elle récupère le dimanche, qui
n'était pas couvert par la loi provinciale; il l'était par la loi
fédérale. C'est là une autre manifestation de la
cacophonie du régime fédéral que nous connaissons. Nous
avions une juridiction sur six jours de la semaine et le dimanche était
réservé au fédéral. C'est un peu comme le droit sur
les rivières; le Québec a la rive et le fond, le
fédéral a l'eaul C'est plein de choses ridicules comme cela. Cela
en est une que nous récupérons afin de globaliser. Le
gouvernement du Québec aura maintenant une juridiction complète
et verra à ce que la loi soit respectée.
Elle n'était pas respectée, cette loi régissant les
heures d'affaires le dimanche, parce que les amendes, à toutes fins
utiles, étaient inexistantes. Pour vous donner une idée, il en
coûtait de 1 $ à 40 $ par jour d'amende à un commerce,
à un magasin, s'il était pris à ouvrir le dimanche. Il
semblerait que les juges trouvaient que c'était ridicule et,
systématiquement, chargeaient 1 $ d'amende à chaque magasin qui
était pris en délit avec le résultat que, très
rapidement, les inspecteurs et les policiers ont cessé de faire des
causes puisque cela n'empêchait d'aucune manière ces magasins
délinquants d'ouvrir leurs portes le dimanche et en dehors des heures
normales d'affaires.
Face à cette problématique, qu'a-t-on fait? On a d'abord
consulté le milieu directement. Le ministre et ses fonctionnaires ont
tenté, avec l'aide de chacune des associations, de trouver une solution
au problème qui se posait en leur demandant: Comment pourrait-on
régler ce problème? Il y a eu une commission parlementaire, nous
sommes présentement en deuxième lecture et nous allons soumettre
des amendements au ministre lors de l'étude du projet de loi article par
article. Jamais une loi ne réussira à satisfaire tout le monde
à 100%, on l'a dit tout à l'heure, mais je pense que des
modifications mineures peuvent être apportées à cette loi,
modifications qui contribueront cependant à la bonifier afin que plus de
gens soient satisfaits.
Trois points me viennent à l'esprit. J'en ferai mention
rapidement, M. le Président, car mon temps avance. Premièrement,
les magasins de la SAQ devraient être soumis comme les autres à la
loi; non pas qu'ils soient délinquants présentement, ils
pourraient ouvrir le dimanche. Il est inacceptable, à mon avis, qu'un
gouvernement, demande à tous les commerçants du Québec de
fermer après certaines heures alors que les magasins de la SAQ,
propriété du gouvernement, pourraient ouvrir à leur
gré. Il y a des dispositions dans la loi, si jamais besoin est, qui
permettent au ministre d'agir en conséquence. Déjà, les
dépanneurs peuvent vendre du vin - c'est ce que les gens vont chercher
en fin de semaine. Ils vont généralement acheter en semaine les
spiritueux - à l'exception du vin - qui servent à une plus longue
consommation. Mais le vin est consommé aux repas ou lors d'une occasion
et on peut l'obtenir chez le dépanneur.
Mon collègue de Bourassa a parlé tout à l'heure des
deux demi-heures additionnelles qui m'apparaissent inutiles, qui n'ajouteront
rien puisque j'ai déjà dit que prolonger les heures d'ouverture
ne crée pas de richesse, n'augmente pas la masse à
dépenser, ne fait que créer des frais additionnels et des
désavantages pour les travailleurs de ces commerces. Dans le
même ordre d'idées, on a parlé de la fermeture le 26
décembre. Moi, je suis d'accord pour dire que les travailleurs ont assez
travaillé avant les fêtes; ils ont travaillé bien souvent
jusqu'à neuf heures tous les soirs pendant tout le mois de
décembre, laissons-leur au moins le 26 décembre.
En terminant, je parlerai des fruiteries où on trouve des fruits,
des légumes et des agrumes. Ce sont des magasins qui sont ouverts, en
général, l'été seulement et qui donnent un service
presque du type d'un marché de fruits et légumes tels les
kiosques du coin de la rue, mais qui se sont développés avec le
temps.
Ce sont les trois choses sur lesquelles je vais faire des
recommandations au ministre pour qu'on puisse modifier et amender la loi. Il
est prévu qu'on le fasse lorsqu'on étudiera la loi article par
article après l'adoption du principe. Il n'y a pas de problème.
Je vais sûrement voter pour le principe. Je trouve que cette loi est
nécessaire; elle est obligatoire, mais il y a de petites
améliorations à y apporter, à mon point de vue, ce qui ne
veut pas dire que c'est le point de vue de tous, mais je pense que personne ne
m'en voudra de faire en sorte que le ministre écoute mon argumentation
à ce sujet. Je vais donc voter avec plaisir pour cette loi.
Je vais demander à mes collègues de l'Opposition de nous
dire ce qu'ils feraient, eux, face à semblable situation s'ils
étaient au pouvoir, ce à quoi ils aspirent. On aimerait
connaître leurs solutions et non seulement leur analyse de la situation.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre
droit de réplique.
M. Rodrigue Biron (réplique)
M. Biron: M. le Président, je serai très bref dans
mon droit de réplique puisque je pense... On a entendu les discours de
l'Opposition. Elle a dit que cela a pris un peu de temps pour présenter
ce projet de loi parce qu'on a été à l'écoute des
entreprises, des employés et des consommateurs... C'est exact. Cela a
pris environ un an et demi de consultations de tous genres auprès de 50
000 propriétaires de commerces du Québec, auprès des 350
000 employés de ces commerces ou de leurs représentants et, bien
sûr, auprès des associations de consommateurs et de
consommatrices, et auprès des consommateurs et consommatrices
eux-mêmes.
Le député de Laporte disait que le ministre assurait
maintenant une plus grande efficacité de la loi en maintenant un
contrôle sur le respect des heures d'affaires.
Cela dit, en dehors de cette bonne parole à l'endroit du
gouvernement et du ministre de la part de l'Opposition, cela a
été très difficile de savoir où elle se branche. Le
député de Huntingdon, lui, s'est branché carrément
pour l'ouverture complète, pour enlever les heures d'affaires de tous
les commerces, c'est-à-dire la destruction de toutes les PME
québécoises dans le domaine du commerce et tout simplement des
grandes. Si on ouvre, c'est cela qui va arriver, puisqu'en Ontario, c'est
beaucoup plus ouvert. Il y a seulement 51% des commerces au détail et
d'alimentation qui appartiennent aux indépendants. Le reste appartient
aux grandes chaînes alors qu'au Québec, il y a 68% du commerce de
détail dans l'alimentation et dans le commerce de détail qui
appartiennent aux indépendants, aux PME québécoises.
À cause de notre loi, adoptée il y a déjà une
quinzaine d'années, on a protégé beaucoup plus les PME et
les entreprises québécoises et les travailleurs et travailleuses
du Québec. (17 heures)
Quant aux autres, de l'Opposition, ils ont été à la
fois pour les marchés publics et contre les marchés publics. Ils
l'ont été pour les marchés aux puces et contre les
marchés aux puces. Ils ont été pour les dépanneurs
et contre les dépanneurs. On ne savait pas trop où ils allaient.
Même le député de Hull nous a dit que la loi permet la
présence de seulement trois employés au total, incluant le
patron. Ce n'est pas vrai. La nouvelle loi va permettre la présence de
trois employés en même temps sur le plancher. S'il y a un autre
quart le soir, il y en aura trois autres et, bien sûr, le patron y est en
plus. Autrefois, il n'y avait que le patron et ses deux employés. Le
petit commerce, comme il l'a mentionné tout à l'heure, qui se
développait à Hull, on le protège. La loi répond
exactement à un bonhomme qui a voulu prendre un petit peu d'expansion
et, au lieu d'être tout seul dans son commerce avec deux employés,
il aura maintenant le droit d'engager un ou deux employés additionnels
à temps partiel ou autrement. Finalement, le projet de loi va permettre
au petit de devenir un peu plus grand, mais va empêcher le grand de
manger le petit. C'est dans ce sens-là que l'Association des
détaillants en alimentation du Québec et l'Association des
dépanneurs en alimentation du Québec ont appuyé sans
réserve le projet de loi que nous avons proposé.
En résumé, il y a des amendes dont les montants ont
été changés en cas d'ouverture le dimanche; c'est exact.
Des députés de l'Opposition disaient: Pourquoi ne poursuivait-on
pas avant? On poursuivait avant, mais lorsque les représentants des
entreprises, qui étaient coupables, venaient en cour, ils disaient,
devant le juge: Oui, M. le juge, on est coupables d'avoir ouvert le
dimanche;
donc, d'avoir transgressé la loi fédérale, et le
juge disait: Vous êtes coupables; maximum de l'amende, 40 $. Alors, IKEA
est allée en cour à plusieurs reprises et a payé 40 $
d'amende. La grande entreprise multinationale IKEA ouvrait le dimanche et,
pendant ce temps, elle faisait fermer des PME qui vendaient des meubles. On a
été obligé d'émettre des injonctions contre de
telles entreprises pour les empêcher d'ouvrir le dimanche. Dans la
nouvelle loi, les amendes étant augmentées d'une façon
considérable, je pense qu'on aura des causes contre ces gens-là
et si le juge impose le maximum d'amende, s'il impose 10 000 $ d'amende, il n'y
a pas beaucoup de commerçants qui vont ouvrir le dimanche. Le seul fait
d'augmenter les amendes, je pense que cela va faire en sorte que la loi soit
respectée.
Les pharmacies actuelles, on en a parlé, celles qui ont
fonctionné légalement en vertu de la présente loi, celle
qui est présentement en application. Les pharmacies ont le droit de
vendre des produits alimentaires. Les pharmacies qui vendaient un peu de
produits alimentaires autrefois, en vertu de cette loi qui leur permettait d'en
vendre, sont devenues des superdépanneurs. Est-ce qu'on va dire à
ces gens-là, maintenant qu'ils ont investi au Québec en vertu
d'une loi qui leur permettait d'investir: À présent, on vous
enlève tous ces droits acquis? On a dit aux pharmacies: À compter
d'aujourd'hui - d'ailleurs, j'ai envoyé des fonctionnaires mesurer les
espaces des pharmacies qui vendaient des produits alimentaires - date de
l'adoption de la loi, vous n'avez pas le droit de prendre de l'expansion; vous
qui êtes là, on va vous reconnaître parce que vous
étiez là légalement; quant aux autres pharmacies, à
l'avenir, ce sera pas plus de trois employés en même temps sur le
plancher. Pour celles qui ont exploité légalement autrefois - il
y en a une centaine au Québec - je pense que tout le monde va
reconnaître qu'on est logique de reconnaître les droits acquis de
ces établissements.
Des marchés publics ont fait affaires illégalement depuis
quelques années; tout le monde sait cela. Par contre, il y a beaucoup
d'investissements. Il y a des millions de dollars d'investissements, et
l'Opposition a charrié en disant que le ministre va donner toutes sortes
de permissions. Il y a dix marchés publics qui sont déjà
identifiés. On a déjà mesuré les espaces de ces
marchés publics. On a tous ces chiffres en main. On s'est entendu avec
ces dix marchés publics qui ont investi des dizaines de millions de
dollars dans des supermarchés publics. On leur a dit: On va vous donner
le temps de vous placer selon la nouvelle loi. Si on fait fermer 100 commerces
dans les 10 marchés publics, il y en a environ 800 ou 900 qui sont
légaux et il y en 100 qui sont illégaux.
Si on fait fermer les grands illégaux, c'est sûr qu'on peut
nuire aux 800 petits légaux dans ces marchés publics. C'est
précisément parce qu'on veut montrer aux gens à mieux
vivre ensemble qu'on a dit: Les 100 qu'il y a là, l'an prochain il en
restera 50 et, dans un an et demi ou dans deux ans, il n'en restera plus. On va
leur donner le temps de rapetisser leur commerce ou de revendre une partie de
leur commerce. Finalement, l'objectif, c'est de poursuivre avec des
marchés publics, mais à l'intérieur des marchés
publics, c'est d'avoir des gens qui vendent des produits alimentaires sur une
base légale, comme n'importe où ailleurs au Québec,
c'est-à-dire avec trois employés ou plus.
Les zones ou les régions touristiques, je pense qu'on en a
parlé tout à l'heure. Le ministre peut intervenir et permettre
à certaines zones frontalières en particulier, comme la
région de l'Outaouais, d'ouvrir le dimanche si les magasins d'Ottawa
ouvrent le dimanche. J'ai dit en commission parlementaire, et je le redis
à l'occasion de la deuxième lecture de ce projet de loi, que si
j'ai des demandes des municipalités, des municipalités
régionales de cette région, de la Communauté
régionale de l'Outaouais ou d'ailleurs au Québec, qui ont des
problèmes à cause des régions frontalières avec
d'autres provinces ou un autre pays, notamment les États-Unis, en tant
que ministre je suis prêt à intervenir très rapidement et
à donner les permissions nécessaires et requises par les conseils
municipaux. Dans ce sens-là, que ce soit le gouvernement ou le ministre,
je pense que c'est un peu plus rapide si c'est le ministre parce qu'en recevant
la demande, on peut immédiatement faire l'étude et la retourner.
Si l'Opposition insiste pour que ce soit le gouvernement, c'est trois ou quatre
semaines de plus, le temps de passer à travers les différents
comités et de faire accepter le tout par le Conseil des ministres.
Mais, encore une fois, je ne ferai pas une bataille de principe
là-dessus. Ce que je veux, c'est répondre "présent" aux
demandes des municipalités et aux demandes des intervenants touristiques
qui nous demandent d'intervenir rapidement lorsqu'ils font la demande. Souvent
les municipalités attendent à la dernière minute aussi
puis, ensuite, elles nous demandent la permission. Alors, je veux
répondre rapidement et je pense que c'est dans ce sens qu'on a
essayé d'avoir une loi aussi efficace que possible.
Finalement, les heures d'ouverture le dimanche. Je pense que la grande
majorité des gens nous ont demandé de fermer le dimanche. Tout
à l'heure, je ne sais pas trop où Mme la députée de
L'Acadie s'est branchée, car elle a vraiment fait le tour du pot et on
n'a jamais su si elle était pour ou contre l'ouverture ou la fermeture
le dimanche. Elle nous a parlé des femmes, des
travailleuses et des consommatrices. C'est sûr que la femme qui
travaille dans le magasin le dimanche n'aime pas tellement cela parce qu'elle
voudrait bien avoir une vie de famille un peu plus normale. C'est
peut-être fort possible que la consommatrice veuille pouvoir acheter le
dimanche quand elle ne peut faire certaines emplettes le samedi mais, comme
mère de famille et femme travailleuse, cela lui tente souvent beaucoup
moins de travailler le dimanche. Alors, on a voulu essayer de concilier tout
cela.
On a parlé avec des groupes de femmes, des groupes de
travailleuses, des groupes de consommatrices et, finalement, elles nous ont
dit: Écoutez, si on peut se procurer de l'alimentation dans des petits
dépanneurs le dimanche... Quant au reste, on pense que ces 62 heures de
magasinage par semaine, ce sont des heures raisonnables et on est capable
d'avoir une vie de famille un peu respectable le dimanche. Essayez au moins de
respecter les 350 000 travailleurs et travailleuses du Québec qui sont
dans le commerce au détail. C'est du monde, 350 000. Si on les force
à travailler le dimanche, cela fait tout un chambardement dans la vie
des familles le dimanche.
Dans ce sens, je pense qu'on a voulu écouter tous les
intervenants. En grande majorité, à peu près 90% ou 92%
des intervenants nous ont dit qu'il fallait fermer le dimanche et qu'il fallait
avoir des amendes assez élevées pour que la loi soit
respectée. C'est dans ce sens que je pense qu'on a réussi
à faire un quasi-consensus. Dans le fond, on a eu un front commun. C'est
très rare qu'on a des fronts communs aussi importants. Une cinquantaine
d'associations se sont groupées ensemble pour dire: Nous acceptons telle
quelle la Loi sur les heures d'affaires, la loi 59. Bien sûr, en
commission parlementaire... Je demeure ouvert, comme je l'ai été
depuis le début, je suis prêt à recevoir des suggestions et
des améliorations qui se tiendraient et qui ont du bon sens, mais dans
une logique ordonnée et crédible.
Je pense que l'Opposition, jusqu'à maintenant, a prouvé
son incompétence en matière économique parce que si elle
avait tout simplement consulté les différents intervenants, les
50 associations qui sont venues devant nous, si elle avait parlé avec
eux, si l'Opposition avait eu une vision du développement
économique, une vision des heures d'affaires, c'est sûr qu'on
aurait su un peu où ces gens se branchent, mais on ne l'a vraiment pas
su. Tout le monde a patiné autour du pot, de l'autre côté,
et personne n'a voulu prendre une décision dans ce domaine particulier
des heures d'affaires.
Quant au gouvernement, nous avons pris le temps nécessaire de
consulter nos partenaires, les principaux intervenants, les travailleurs et les
travailleuses, les 50 000 propriétaires de commerce ou leurs
associations et les consommateurs, les consommatrices qui font en sorte
qu'aujourd'hui nous avons la loi, je pense, la plus acceptable possible pour le
mieux-être économique et social des citoyens du Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que le principe du
projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. Vallières: Sur division.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté sur
division. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Blouin: M. le Président, je propose donc que ce projet
de loi soit envoyé à la commission de l'économie et du
travail qui l'étudiera de façon détaillée.
Je vous signale aussi dans cette même motion que cette commission
sera présidée par un président de séance et que les
travaux de cette commission se dérouleront au cours de la journée
de demain.
Le Vice-Président (M. Rancourt): D'accord. Est-ce que
cette motion de déférence ainsi que l'avis sont
adoptés.
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint.
M. Blouin: M. le Président, nous parlerons maintenant de
la Loi sur les coopératives. À cet égard, je vous demande
d'appeler l'article 9 de notre feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 85 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nous allons
étudier le principe du projet de loi 85, la Loi modifiant la Loi sur les
coopératives. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, c'est une loi qui est assez
simple. Je serai donc bref dans la présentation de ce projet de loi
puisqu'il
est appuyé sans réserve par le Conseil de la
coopération du Québec. C'est un projet de loi qui vise à
permettre la création de coopératives de commerce. Je pense bien
que je ne prendrai pas tout le temps qui m'est accordé, au contraire,
car jusqu'à maintenant les gens qui oeuvrent dans les
coopératives de commerce, dans les coopératives ouvrières,
nous ont demandé d'élargir la loi.
À l'heure actuelle, la loi permet de former des
coopératives ouvrières de production mais ne permet pas de former
des coopératives ouvrières de commerce. C'est tout simplement
pour permettre d'ouvrir cette place dans la loi aux coopératives de
commerce que nous avons proposé le projet de loi 85. C'est un projet de
loi très court et qui devrait recevoir l'approbation unanime de tous les
membres de cette Assemblée nationale. (17 h 10)
Il existe au Québec plus de 1700 coopératives
régies par la Loi sur les coopératives. Ces coopératives
oeuvrent dans une multitude de secteurs de l'activité économique
québécoise. Cette forme d'entreprise se caractérise
principalement par le fait que les utilisateurs des services dispensés
par l'entreprise doivent aussi en être les propriétaires. Cette
notion de propriétaire usager est fondamentale à l'entreprise
coopérative et nous permet de les classer sous trois grands titres. Il y
a premièrement la coopérative propriété des
consommateurs. Cette entreprise regroupe des consommateurs afin de leur
permettre de se procurer des biens et services au meilleur coût. À
titre d'exemple, mentionnons les magasins coopératifs, les magasins
Coop, les Cooprix, les coopératives d'habitation et les caisses
d'épargne et de crédit.
Le deuxième groupe, ce sont les coopératives
propriété de producteurs. Celles-ci transforment et vendent la
production de leurs membres au meilleur prix. D'autre part, ce type
d'entreprise approvisionne ses membres en biens d'utilité
professionnelle. Les plus connues sont assurément les
coopératives agricoles - qu'on songe à la Coopérative
agricole de Granby ou Agrinove, en particulier, qui est l'une des plus grandes
coopératives au monde - qui représentent une force
économique importante au Québec.
Le troisième groupe, ce sont les coopératives
propriété de travailleurs. Elles visent à procurer du
travail à leurs membres par l'exploitation d'une entreprise qui permet
le développement d'un entrepreneurship collectif. Les plus anciennes
sont les coopératives forestières. Historiquement, au
Québec, le développement coopératif a eu tendance à
s'articuler autour des coopératives propriété des
consommateurs et des coopératives propriété des
producteurs. Il n'est donc pas étonnant de se retrouver aujourd'hui avec
un développement coopératif très important dans le domaine
de l'agriculture et dans celui de l'épargne et du crédit.
Le projet de loi modifiant la Loi sur les coopératives concerne
principalement les coopératives propriété des
travailleurs. Il contient également quelques dispositions pour des fins
de concordance ou de correction technique. Les premières
coopératives propriété des travailleurs au Québec
ont vu le jour au début des années 1940. À l'exception de
l'imprimerie coopérative Harpell, elles oeuvraient dans le secteur de la
forêt et elles étaient connues sous l'appellation de
coopérative forestière. Cependant, jusqu'à l'adoption de
la Loi sur les coopératives en juin 1982, il n'existait aucune
disposition particulière pour ce type de coopérative. En effet,
c'est en juin 1982 qu'un chapitre spécifique était introduit, le
chapitre V intitulé: "Coopératives ouvrières de
production, coopératives de travail". Cette mesure a été
rendue nécessaire à cause de l'accroissement rapide de ces
coopératives et de la diversité des secteurs d'activité
qu'elles touchaient. Après un premier développement au
début des années quarante, il a fallu attendre après 1975,
35 ans plus tard, pour constater l'émergence de nouvelles
coopératives propriété des travailleurs. En 1977, on en
dénombrait près de 80. Ce nombre passait à près de
160 en 1983 et à la fin de mars 1984, il atteignait plus de 180
coopératives de travailleurs.
Avant cette croissance rapide des coopératives
propriété des travailleurs, celles-ci avaient tendance à
se concentrer dans la production et la transformation de biens, ce qui pouvait
expliquer l'appellation de coopérative ouvrière de production et
de commerce. Les projets préparés présentement par les
coopérateurs ont tendance à déborder ce cadre et à
pénétrer les secteurs des services. Ces coopératives
rejoignent toutefois l'objectif essentiel des coopératives
propriété des travailleurs qui est de procurer du travail aux
membres par l'organisation et l'exploitation d'entreprises dont ils sont
collectivement les propriétaires. De plus, l'appellation de
coopérative ouvrière de production entraînait une confusion
avec les coopératives propriété des producteurs. Afin de
mieux cerner cette réalité et de dissiper toute confusion, nous
proposons de remplacer l'appellation de coopérative ouvrière de
production et de coopérative de travail par celle de coopérative
de travailleurs. En vue de bien identifier le caractère d'appartenance
de ce type de coopératives, nous proposons qu'elles incluent dans leur
dénomination sociale l'expression "coopératives de travailleurs".
L'article 223 de la Loi sur les coopératives interdit aux
coopératives de travailleurs d'acquérir des biens pour les
revendre au public. C'est toute l'activité commerciale qui est interdite
aux
coopératives. Cette disposition entrave actuellement la
réalisation de projets de coopératives dans le domaine des
services et met en danger la viabilité des coopératives
existantes.
Ainsi, un exemple: Les coopératives de réparateurs de
camions diésel - on en a à Québec, Rimouski et dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean - se voient interdire la vente de pièces alors
qu'il est bien connu que cette activité est essentielle à la
rentabilité des entreprises de ce secteur de l'activité
économique. Entreprise de réparation de camions, elle a le droit
de réparer des camions, mais elle n'a pas le droit de vendre de
pièces parce qu'elle va faire un profit sur la vente de ses
pièces. Je pense surtout qu'il est grand temps d'ouvrir cette partie de
la loi à la possibilité de coopératives de travailleurs,
compte tenu qu'autrefois l'activité commerciale n'était pas la
plus importante dans l'activité économique.
Aujourd'hui, les deux tiers des activités économiques sont
des activités de commerce. C'est un peu ridicule de dire aux
travailleurs: Vous avez le droit d'avoir une coopérative dans le domaine
de la production, de l'industrie, mais vous n'avez pas le droit d'avoir une
coopérative de travailleurs dans le domaine du commerce. On vient
d'étudier la loi sur les heures d'affaires. On a réalisé
que 50 000 PME québécoises existent dans le domaine du commerce
avec 350 000 travailleurs et travailleuses. Cela veut dire qu'en moyenne, il y
a sept employés par commerce. Ce serait facile pour des travailleurs de
devenir propriétaires de leur commerce sous la forme d'une entreprise
coopérative et devenir de véritables coopérateurs.
Justement par cette loi que nous proposons aujourd'hui, il sera permis
dorénavant à beaucoup de travailleurs et de travailleuses
d'aspirer à devenir propriétaires de leur propre commerce.
Pourquoi n'y aurait-il pas cinq ou six travailleurs et travailleuses qui
se réuniraient pour avoir un commerce d'alimentation? Pourquoi n'y en
aurait-il pas sept, huit ou dix qui se réuniraient pour avoir un
commerce de lingerie et former une coopérative de travailleurs et de
travailleuses? Ensemble, dans la nouvelle loi, avec l'aide de la
Société de développement des coopératives pour
laquelle nous avons voté une loi, il y a environ un mois et demi,
pourquoi ces travailleurs et ces travailleuses ne deviendraient-ils pas
propriétaires de leur propre commerce? C'est dans ce sens que le
gouvernement du Québec, ayant toujours confiance au bon jugement et
à la formation des travailleurs et des travailleuses du Québec,
veut leur donner une chance de s'épanouir pleinement et de devenir
propriétaires ou patrons de leur propre entreprise. Sous la forme d'une
entreprise coopérative, nous pourrions facilement aider ces travailleurs
et ces travailleuses à devenir propriétaires, bien sûr, en
ayant du financement de la part d'autres entreprises coopératives comme
les caisses populaires ou comme les caisses d'établissement ou d'autres
établissements de ce genre. Il est grand temps de mettre fin à la
discrimination qui empêchait les travailleurs et les travailleuses
d'avoir une coopérative de commerce et de permettre aux
Québécois et aux Québécoises qui désirent
lancer des entreprises sous la forme de coopératives, de pouvoir
s'exécuter dans des conditions équitables tout en ayant
accès au secteur économique tertiaire.
Pour favoriser davantage l'accès à la formule
coopérative pour les travailleurs, il y aurait lieu d'autoriser la
formation d'une coopérative de travailleurs par trois personnes ou plus.
Jusqu'à maintenant, la loi nous permettait cinq personnes. Lorsque j'ai
rencontré les représentants du Conseil de la coopération
du Québec la semaine dernière, ils m'ont recommandé ou
m'ont demandé de faire en sorte de pouvoir insérer dans la loi un
amendement qui permettrait à trois travailleurs ou travailleuses
d'être capables de former leur propre coopérative de travailleurs.
Cet élargissement de la loi amènerait une modification de
concordance en relation avec le nombre minimum d'administrateurs. Après
consultation et en accord avec le Conseil de la coopération du
Québec, nous proposons d'ajouter au présent projet de loi un
article à cet effet.
Après une expérience d'une année vécue avec
les dispositions contenues au chapitre 5 de la Loi sur les coopératives
et compte tenu de la réduction du nombre de membres minimum requis pour
former une coopérative de travailleurs, il s'avère
nécessaire, pour en assurer le bon fonctionnement, d'obliger tous les
travailleurs de la coopérative à en être membres tout en
permettant l'embauche d'employés occasionnels pour des périodes
de courte durée. C'est six mois dans la loi. Le Conseil de la
coopération du Québec avec qui j'ai discuté hier matin m'a
demandé s'il était possible d'aller jusqu'à un an dans la
loi pour la période maximale d'essai, à constituer, si elle
compte plus de 25 membres, des comités et à établir par
règlement de régie interne les critères et
modalités d'appel au travail. On veut la vraie participation des
travailleurs et des travailleuses à la gestion de leur
coopérative.
Enfin, il est prévu que la fonction de directeur
général ou de gérant pourra être compatible avec la
qualité d'administrateur. Le projet de loi propose également
certaines modifications plus techniques: premièrement, prévoir
l'enregistrement d'une coopérative qui s'identifie sous un nom autre que
sa dénomination sociale; deuxièmement, corriger le texte anglais
du paragraphe 5 de l'article 27; troisièmement, faire la concordance
entre
les articles 135, 141 et le pouvoir de réglementation
prévu au paragraphe 8 de l'article 244 relativement aux qualifications
requises pour être vérificateur et aux exigences
particulières concernant le rapport du vérificateur;
quatrièmement, modifier les modalités d'attribution des
ristournes par les membres afin de répondre adéquatement à
certaines exigences des prêteurs, telle la Société de
développement des coopératives, lorsque l'octroi d'une aide
financière est lié au non-versement de ristournes avant le
remboursement des prêts et cinquièmement, faire une correction
technique du texte de l'article 265.
M. le Président, c'est donc une loi très simple qui ouvre
quand même tout un secteur économique important aux travailleurs
et aux travailleuses qui veulent former une coopérative. Je voudrais ici
tout simplement dire que nous avons eu des consultations très nombreuses
avec les membres du Conseil de la coopération du Québec, avec les
principaux dirigeants du monde de la coopération avec lesquels je me
suis entretenu depuis déjà tout près de six mois à
propos de ces coopératives de travailleurs dans le domaine du commerce,
mais je voudrais en profiter ici pour remercier de cette ouverture d'esprit et
surtout de ce dynamisme que les gens du Conseil de la coopération du
Québec, que les grands dirigeants du monde de la coopération, que
ce soit M. Saint-Pierre, le président de la Coopérative
fédérée, M. Blais, des Caisses populaires Desjardins, que
ce soit M. Dolan, du Conseil de la coopération ou tous les autres
membres des grandes coopératives du Québec qui m'ont fourni leur
appui et surtout qui ont voulu prendre le temps nécessaire pour discuter
avec moi et avec mes officiers à propos de l'évolution du monde
de la coopération. (17 h 20)
J'ai été très heureux de constater, surtout il y a
environ un mois alors que je participais à un sommet économique
au Saguenay-Lac-Saint-Jean, que l'effort se fait dans ce coin de notre pays,
soit la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour le développement
des coopératives sous toutes ses formes; coopératives de
travailleurs, coopératives de consommateurs et coopératives de
produits agricoles. Je dois dire que j'ai été, à
l'occasion de ce sommet économique, vraiment enthousiasmé de voir
avec quelle préparation et quel sérieux les gens du monde de la
coopération étaient prêts et ont participé au sommet
économique. Ils ont voulu fournir leur apport, leurs idées et
leur concours au développement économique de la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Jusqu'à maintenant, j'ai aussi
rencontré, dans d'autres régions du Québec, les
différents représentants du monde de la coopération. Nous
sommes à mettre sur pied d'autres groupes de gestion de
coopératives, là aussi par ce qu'on appelle communément
dans le monde de la coopération, les GGCC, les groupes de gestion
consultatifs des coopératives. On a pu créer plusieurs petites
coopératives.
Il est incroyable de voir ce que des coopératives de quatre,
cinq, huit, dix, douze membres peuvent réaliser. C'est extraordinaire de
voir le potentiel à peu près illimité des
Québécois et des Québécoises, lorsque ces
gens-là se prennent en main. On a vu naître partout au
Québec des petites entreprises de transformation au cours des derniers
mois, grâce aux GGCC. Pour la plupart, c'étaient des gens qui
étaient en chômage ou sur l'aide sociale ou qui n'avaient pas de
travail. Ils se sont réunis et ils ont formé des
coopératives de production. Ils réussissent à produire des
chaises ou à réparer des camions ou autres choses. Finalement,
probablement que c'est à cause du contexte économique difficile,
de la crise économique que les gens ont décidé de plus en
plus de se prendre en main.
Dans ce sens, je veux rendre hommage aux gens des coopératives
qui, dans tout le Québec, ont vraiment décidé d'occuper
leur place au soleil et de faire en sorte que les coopérateurs du
Québec puissent parvenir, avec le gouvernement du Québec, avec
les autres entreprises privées, à développer
l'économie québécoise. Ici, il n'est pas question de
remplacer le système traditionnel capitaliste, comme on l'appelle,
complètement par le système de coopératives ou le
système d'intervention de l'État.
Je pense que ma philosophie du développement économique va
dans le sens que cela prend des grandes entreprises d'État, comme
Hydro-Québec, comme la Société générale de
financement, comme SOQUIP, SOQUEM et les autres grandes sociétés
d'État, mais cela prend aussi des grandes sociétés
privées, telles que l'Alcan ou d'autres grandes sociétés
qui ont leur place au Québec et dont nous apprécions la
présence, par exemple, General Motors et autres, de même que cela
prend aussi beaucoup de PME, de petites et de moyennes entreprises
privées. Cela prend aussi des entreprises coopératives pour
donner le choix aux gens d'intervenir sous différentes formes dans le
développement économique.
Dans le domaine des entreprises coopératives, nous avons de
grandes entreprises, comme les caisses populaires, les caisses
d'établissement ou les coopératives
fédérées. Nous avons aussi une foule de petites
entreprises coopératives. On en a dénombré, je l'ai dit
tout à l'heure, à peu près 1700 dans tout le
Québec, dont 200 sont des entreprises coopératives de
travailleurs. Ces coopératives de travailleurs oeuvrent jusqu'à
maintenant à peu près exclusivement dans le domaine de la
transformation et dans
des coopératives de travailleurs de production. Avec le projet de
loi 85, nous ouvrons maintenant la loi à la possibilité d'avoir
des coopératives de commerce. Si l'on songe qu'il y a 50 000 commerces
au Québec alors qu'il y a 10 000 entreprises de production, on peut
penser qu'au cours des prochaines années, il y aura peut-être
1000, 2000, 3000 ou quelques milliers d'entreprises coopératives.
Plusieurs milliers de Québécois et de Québécoises
seront propriétaires de leur propre entreprise.
Dans ce sens, encore une fois, avant de terminer, je veux tout
simplement dire que je pense que cette loi sur l'amélioration de la Loi
sur les coopératives est appuyée pleinement par le Conseil de la
coopération. La semaine dernière, j'ai rencontré
personnellement des gens, car j'ai eu l'honneur et le privilège
d'être invité à une réunion du Conseil de la
coopération - M. Dolan, le président, m'avait invité -
pour me faire part de leur décision, de leur analyse de la Loi sur les
coopératives. Je leur avais déjà fait parvenir une copie
de la loi, une fois qu'elle a été écrite, après
avoir eu beaucoup de consultations avec les gens des coopératives. Le
Conseil de la coopération me disait qu'il appuyait sans réserve
le projet de loi que nous présentons aujourd'hui, que le Conseil de la
coopération voulait aider le gouvernement du Québec à
développer cette forme de coopératives de travailleurs dans le
domaine du commerce et surtout que le Conseil de la coopération offrait
tout son soutien et tout son appui dans ce sens-là.
Je suis très heureux de constater l'appui à la fois des
membres du Conseil de la coopération et des membres du conseil
d'administration du Conseil de la coopération et aussi du soutien
technique de la part des permanents du Conseil de la coopération. Je
pense que ce projet de loi sur les coopératives sera accepté
à peu près unanimement à travers le Québec. Dans ce
sens, je suis heureux et fier et je souhaite que des centaines et des milliers
de Québécois et de Québécoises profiteront de cette
ouverture du gouvernement du Québec, par le biais de la loi sur les
coopératives, pour devenir propriétaires de leur propre
entreprise sous forme de coopérative de travailleurs. Finalement, tous
ensemble, nous pourrons ainsi participer au développement
économique du Québec et à la création d'emplois
pour les hommes et les femmes du Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en sommes
maintenant rendus à l'étape de l'adoption du principe du projet
de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les coopératives.
Ce projet de loi, bien que relativement court dans sa
présentation, puisqu'il ne contient que 13 articles, demeure
néanmoins très important quant à son contenu. La raison
d'être de ce projet de loi est de modifier la présente Loi sur les
coopératives de façon à permettre la création d'un
nouveau type de coopératives appelées coopératives de
commerce. Une coopérative de commerce aura comme activité
principale d'acquérir des biens pour les revendre au public.
Il est à noter que, dans la loi actuelle, cette activité
est formellement interdite par l'article 223 de la Loi sur les
coopératives et je cite: "La coopérative peut avoir tout objet
permis par l'article 1, sauf celui qui consiste principalement à
acquérir des biens pour les revendre au public." Or, cet article 223 de
la Loi sur les coopératives est venu en vigueur le 21 décembre
1983, à la suite de l'adoption de la Loi sur les coopératives. On
peut donc s'étonner d'un revirement aussi subit. Ce qui était
formellement interdit en vertu d'une loi récente devient tout à
coup permis et encouragé par la nouvelle loi.
En vertu du projet de loi dont nous avons à faire l'étude,
on abolit l'ancienne désignation de coopérative ouvrière
de production et de coopérative de travail; désormais, on ne
parlera plus que de coopératives de travailleurs. Parmi celles-ci,
celles qui auront pour activité principale d'acquérir des biens
pour les revendre au public devront comporter l'expression "coopérative
de commerce". Je chercherai donc, au cours des prochaines minutes, à
comprendre pourquoi le gouvernement tient tellement à modifier la loi
actuelle de façon aussi subite que spectaculaire. Comment se fait-il que
le Conseil de la coopération du Québec qui, il y a à peine
deux mois, exprimait par écrit ses craintes et ses réserves au
sujet de ce concept, ait finalement décidé de donner son aval
à cette nouvelle loi.
Pour comprendre un peu ce qui se passe, il faut retourner quelques mois
en arrière. Au retour d'un voyage qu'il effectuait en France en octobre
1983, avec certains dirigeants de l'industrie québécoise des
vins, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nommait l'un
d'entre eux, M. Jean-Guy Lord, à la présidence de la
Société des alcools du Québec. Sitôt nommé,
le nouveau président annonçait, dans une conférence de
presse, son intention de privatiser les succursales de la Société
des alcools du Québec. Dans les jours qui suivirent, il dut toutefois
modifier son refrain car, entre-temps, les ministres Biron et Parizeau
étaient intervenus pour corriger les propos du président
nouvellement nommé.
Le ministre de l'Industrie, du Commer-
ce et du Tourisme annonçait peu après que ce
démantèlement des succursales de la Société des
alcools du Québec se ferait au profit de coopératives de
travailleurs qu'on appellerait des coopératives de commerce. Et le
ministre de préciser sa pensée en nous expliquant la nouvelle
problématique du Parti québécois à l'effet que ce
qui peut faire évoluer l'objectif des travailleurs et des travailleuses
de devenir un jour leur propre patron c'est de devenir souverains dans leur
propre entreprise avant de devenir souverains dans leur propre pays.
Voilà l'objectif du ministre, objectif qu'il nous a
répété à plusieurs reprises en cette Chambre
parlant de son projet de transformer en coopératives des succursales de
la Société des alcools du Québec. (17 h 30)
II s'agirait donc dans les faits de créer des coopératives
de commerce où les travailleurs qui auront été choisis
acquerront des biens, principalement des spiritueux et des vins, pour les
revendre avec profit aux consommateurs. Dans l'optique du gouvernement du Parti
québécois, si l'opération se révèle
profitable, c'est donc que les travailleurs devenus indépendants dans
leur milieu de travail auront amélioré leur situation
économique et la preuve aura été faite dans l'esprit du
gouvernement du Parti québécois qu'un Québec
indépendant pourrait devenir également économiquement plus
fort. Ce raisonnement est d'une logique implacable et on réussira
probablement à trouver quelques naïfs pour y croire. En somme, il
ne suffisait que d'y penser.
D'autre part, comme la faisabilité de l'idée de
l'indépendance est liée à ce projet, on peut être
d'ores et déjà convaincu que le bon ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme et tout le gouvernement du Parti
québécois feront tous les efforts nécessaires pour assurer
la rentabilité du projet. Les travailleurs qui ont été
choisis pour cette expérience n'ont pas à s'en faire. Tel qu'on
le leur a déjà dit, ils ne courent aucun risque sinon celui de
faire des profits intéressants sur le dos des consommateurs et sur le
dos de tous les contribuables du Québec. Car, en somme, les profits que
feront ces travailleurs triés sur le volet seront pris à
même ceux qu'aurait faits normalement la Société des
alcools du Québec, qui sera la grande perdante dans toute cette
opération.
Le gouvernement fera tout ce qu'il faut pour assurer la
rentabilité de ces coopératives de commerce dans les succursales
de la Société des alcools du Québec en limitant les
charges qui seront imposées aux coopératives et en maximisant
leur marge de revenu. On les abreuvera de subventions, d'aide indirecte et
d'autres bonbons pour finalement clamer que l'opération est un grand
succès et qu'en conséquence, l'indépendance du
Québec peut maintenant être réalisée en toute
sécurité et en toute prospérité.
Le problème qui se pose, c'est que les Québécois ne
sont pas dupes de ce petit jeu. La simplicité de la démarche est
telle qu'elle constitue en fait une insulte à l'intelligence et on
comprend pourquoi les syndicats s'opposent tellement à cette parodie
qu'on ose appeler une expérimentation.
Le Parti libéral du Québec n'est pas opposé en
principe à ce qu'on privatise les succursales de la
Société des alcools du Québec. Il n'est pas
nécessaire que l'État soit commerçant de vin ou d'alcool.
Les revenus que retire le gouvernement en imposant des droits ou des taxes sur
la vente des boissons alcooliques pourraient être perçus de la
même façon dans des magasins gérés et
possédés par la libre entreprise.
Ce que nous comprenons mal cependant, c'est que le gouvernement fasse
cadeau à des individus de biens qui appartiennent à tous et
à chacun d'entre nous. Une succursale de la Société des
alcools du Québec est un bien collectif qui appartient à tous les
Québécois. Elle a une valeur marchande comme tout autre commerce.
Cette valeur a été constituée par des investissements
payés à même les taxes de tous les Québécois.
Dans ce contexte, pourquoi le gouvernement ne met-il pas en vente purement et
simplement ses succursales sur un marché libre et n'en retire-t-il pas
des milliers et même des millions de dollars qui pourraient être
utilisés soit à réduire la dette énorme du
gouvernement, soit à réduire le chômage, en particulier
chez les jeunes, soit à tenter de minimiser les carences importantes de
notre système d'hospitalisation? Le gouvernement a plutôt choisi
de privilégier certains travailleurs, c'est-à-dire quelques-uns
qui oeuvrent à l'intérieur de certaines succursales.
Pourquoi, en effet, le gouvernement voudrait-il donner des succursales
de la Société des alcools du Québec à des
individus, fussent-ils d'excellents travailleurs à l'intérieur
des succursales, alors que la Société des alcools constitue un
patrimoine national, formé et pris à même les taxes de tous
les Québécois? Combien vaut une succursale de la
Société des alcools du Québec? Les autres travailleurs
québécois qui paient des taxes à longueur d'année
n'ont-ils pas également autant droit aux faveurs du gouvernement qu'un
petit groupe dont le seul mérite consiste à avoir eu l'occasion
de travailler dans les succursales de la Société des alcools du
Québec?
Le ministre nous annonçait triomphalement en Chambre que le
Conseil de la coopération du Québec venait de donner son appui
total au projet de loi 85.
Cette annonce a, en effet, de quoi surprendre puisque le même
Conseil de la coopération du Québec avait émis, au cours
des semaines précédentes, de sérieuses réserves sur
ce projet de loi. Le Conseil de la coopération du Québec est un
organisme qui chapeaute le mouvement coopératif au Québec et qui
regroupe la plupart des éléments dynamiques du monde de la
coopération au Québec.
Dans un document qu'il rendait public le 27 mars 1984, il y a environ
deux mois et demi, le Conseil de la coopération du Québec
affirmait qu'il considérait que "l'origine, les objectifs et la teneur
du projet actuel apparaissent peu compatibles avec les exigences du mode
coopératif d'organisation." Fin de la citation. Il s'agissait,
évidemment, du projet de "coopérativation" des points de vente de
la Société des alcools du Québec. D'après le
Conseil de la coopération du Québec, une coopérative
formée de travailleurs doit, pour être viable, répondre
à un certain nombre de conditions. Mentionnons, entre autres - je cite
le communiqué du Conseil de la coopération du Québec en
date du 27 mars 1984: "Premièrement, la mise sur pied d'une
coopérative doit émerger de l'initiative des travailleurs. Dans
le cas de la Société des alcools du Québec, la place
prépondérante qu'occupe la direction et la non-implication des
travailleurs dans l'élaboration du projet semblent à tout le
moins paradoxales lorsqu'il est question de la création de
coopératives formées par et pour les travailleurs.
"Deuxièmement, la création d'une coopérative constitue une
réponse des travailleurs à leurs besoins réels et communs.
Dans les conditions actuelles, l'existence manifeste de ce besoin de
regroupement aux fins d'exercer une activité de nature économique
semble aussi peu évidente que celle du besoin, pour les travailleur!, de
créer les emplois qu'ils occupent présentement.
"Troisièmement, la mise sur pied d'une coopérative
nécessite la participation et l'engagement formel des membres dans la
conduite des activités de la coopérative. Le projet
dévoilé par la Société des alccols du Québec
propose que chaque coopérative formée par les travailleurs soit
liée par un contrat de franchise à la SAQ. En clair, cela
signifierait que le contrôle sur la gamme des produits, les
activités commerciales et la fixation des prix seraient du ressort de la
Société des alcools du Québec. Dans ce contexte - poursuit
le Conseil de la coopération du Québec - le fonctionnement
autonome et démocratique de l'unité coopérative aurait peu
de signification, puisque le contrôle effectif de l'organisation
coopérative serait entre les mains de la Société des
alcools du Québec. "Quatrièmement, la liberté
d'adhésion à une coopérative doit exister pour tous ses
membres. Si les travailleurs doivent obligatoirement adhérer à la
coopérative pour continuer d'exercer leurs fonctions dans leur lieu de
travail actuel, il y a pour le moins distorsion du principe de libre
adhésion..." Le Conseil de la coopération du Québec
concluait, et je cite: "Dans sa forme actuelle, le projet de
"coopérativation" des points de vente de la Société des
alcools du Québec soulève beaucoup trop d'interrogations pour se
mériter l'appui du mouvement coopératif québécois."
(17 h 40)
Voilà, M. le Président, ce que déclarait
publiquement le Conseil de la coopération du Québec le 27 mars
dernier. Dans le même document, le Conseil de la coopération du
Québec faisait également référence au fait que,
dans un projet de loi qui circulait à ce moment, il était
question de réduire à deux le nombre de membres requis pour
former une coopérative. On sait qu'en vertu de la loi actuelle le nombre
minimal de membres requis est de douze personnes, nombre qui peut être
réduit jusqu'à cinq si le ministre, le bon ministre le juge
opportun.
Le Conseil de la coopération du Québec déclarait,
le 27 mars dernier, et je cite: "Ce débat est d'autant plus
nécessaire lorsqu'il est question d'abaisser à deux le nombre de
membres requis pour former une coopérative, ce à quoi s'oppose
d'ailleurs formellement le Conseil de la coopération du Québec."
En résumé, le projet de loi actuel vise à créer des
coopératives de travailleurs, dites coopératives de commerce, qui
détiendront les franchises de la Société des alcools du
Québec pour la vente de ses produits.
Cette activité qui consiste à acquérir des biens
pour les revendre avec profit aux consommateurs est interdite dans la loi
actuelle. En effet, la loi actuelle ne reconnaît pas ce genre de
coopérative et leur reconnaissance juridique requiert un amendement
à la Loi sur les coopératives. De plus, nous avons toute raison
de croire que le ministre - je pense même que le ministre en a fait
état tout à l'heure dans son discours - se propose d'introduire
un amendement qui visera à réduire à un minimum de trois
personnes le nombre de membres requis pour former une coopérative de
commerce. Il y a lieu de se demander, comme le Conseil de la coopération
du Québec se l'est longuement demandé, si la formule de
coopératives de commerce est acceptable, et dans l'intérêt
des travailleurs du mouvement coopératif et de la population en
général.
En somme, l'activité commerciale des coopératives de
commerce telle que préconisée par le projet de loi 85 est-elle
compatible avec l'essence même de la coopération? En effet, les
coopératives de commerce auront pour mission exclusive
d'acquérir des biens pour les revendre avec profit aux
consommateurs. Elles n'effectueront aucune transformation des biens ainsi
acquis et revendus.
Or, en ce faisant, les coopératives de commerce deviennent des
intermédiaires commerciaux, intermédiaires que le système
coopératif a traditionnellement toujours voulu éliminer. Les
activités prévues par les coopératives de commerce sont,
à toutes fins utiles, interdites dans la loi actuelle. On sait en effet
que dans la coopération, les membres tentent de se donner des moyens et
des services pour répondre à leurs besoins économiques,
moyens dont la mise en commun génère une force économique
collective, autonome et démocratique qui atténue leur
dépendance envers les monopoles et les intérêts
privés des entreprises à capital-actions.
En conséquence, le mode d'organisation coopératif
contribue à éliminer les intermédiaires, les membres
assumant collectivement les responsabilités de se donner à
eux-mêmes les biens ou les services dont ils ont besoin collectivement.
Dans ces conditions, comment ne pas se poser la question que se posait
lui-même le Conseil de la coopération du Québec? Je cite:
"Prenant pour acquis que l'activité d'une coopérative ne
constitue pas l'exploitation d'un commerce ou d'un moyen de profit, quelle
compatibilité y a-t-il entre l'activité commerciale et l'essence
de la coopération"? Ou encore: "Par l'émergence de
coopératives de commerce, les règles de la coopération
peuvent-elles admettre la création d'intermédiaires commerciaux
puisque la coopérative de commerce crée l'intermédiaire
que le mode d'organisation coopérative a historiquement voulu faire
disparaître". On comprendra donc que c'est avec une certaine surprise que
nous avons pris connaissance du communiqué du 8 juin 1984 du Conseil de
la coopération du Québec qui déclare: "Que le Conseil de
la coopération du Québec est favorable au projet de loi 85
modifiant la Loi sur les coopératives et plus particulièrement au
principe de vivre l'expérience de coopératives de travailleurs
dont la fonction principale sera d'acquérir des biens pour les revendre
au public."
Un autre point important et sur lequel il convient de s'arrêter
est le nombre de personnes minimum requis pour former une coopérative.
Nous croyons comprendre que le ministre s'apprête à déposer
les amendements qui viseraient à réduire à trois personnes
le nombre de membres requis pour former une coopérative de travailleurs
et évidemment une coopérative de commerce. Ici encore il convient
de se poser la même question que se posait le Conseil de la
coopération du Québec il y a à peine quelques semaines
lorsqu'il était question de réduire à deux personnes le
nombre de membres requis pour former une coopérative de travailleurs ou
une coopérative de commerce. Le collectif coopératif
réduit à deux personnes, disait le Conseil de la
coopération du Québec, asservira-t-il l'organisation
coopérative à des objectifs de profits personnels? Les
contributions à capital social de deux personnes, de deux individus
peuvent-elles être assez substantielles pour fonder une
coopérative solide? Quel sens peuvent prendre l'éducation et la
formation coopérative nécessaires au fonctionnement de nos
organisations dans un collectif coopératif de deux personnes?"
Voilà des questions pertinentes que se posait le Conseil de la
coopération du Québec. Il avait raison de soulever ces questions
il y a quelques semaines. C'est pourquoi, le Conseil de la coopération
du Québec concluait dans son communiqué du 27 mars 1984 qu'il
s'opposait formellement à ce que le nombre de membres requis pour former
une coopérative soit abaissé à deux.
C'est pourquoi également on comprend difficilement la logique du
même organisme lorsque, dans son communiqué du 8 juin 1984, il
déclarait qu'"en regard du projet de loi 85 le Conseil de la
coopération du Québec recommande que le nombre de travailleurs
soit de trois au minimum, les autres articles relatifs à la constitution
d'une coopérative s'appliquant mutatis mutandis". Où sont donc
passées les préoccupations relatives à l'organisation
coopérative, qui pourrait être asservie à des objectifs de
profit personnel? Où sont donc passées les préoccupations
relatives aux contributions du capital social de trois individus, dont on
disait qu'elles ne pourraient pas être assez substantielles pour fonder
une entreprise solide si le nombre de fondateurs était réduit
à deux? Où sont donc passées les préoccupations
relatives au sens que pourrait prendre l'éducation et la formation
coopératives nécessaires au fonctionnement des organisations
coopératives dans un collectif coopératif de deux personnes. Le
fait de passer de deux à trois personnes est-il suffisant pour faire
disparaître toutes ces préoccupations? Nous ne pouvons que rester
perplexes devant un tel retournement des choses. En effet, la proposition de
réduire à trois le nombre de membres, le nombre de personnes
requis pour fonder une coopérative est-elle réaliste? Trois
individus agissant collectivement peuvent-ils, d'une façon
réaliste, contribuer, par leur apport en capital social, à fonder
une coopérative financièrement viable sans tomber dans les normes
du système capitaliste? Est-ce que, dans ce cas, la notion de profit
personnel ne prendra pas préséance sur les notions
traditionnelles d'éducation et de formation coopératives? Ne
s'agit-il pas, en fait, d'un détournement subtil de la notion
traditionnelle de coopérative et d'une menace sérieuse à
la
crédibilité éventuelle de tout le mouvement
coopératif?
En ce qui concerne le concept même de la coopérative de
commerce, il faudrait se demander, à l'instar du Conseil de la
coopération du Québec, si les valeurs et les principes qui
encadrent l'organisation coopérative peuvent s'appliquer à toutes
les catégories d'activités économiques, y compris les
activités exclusivement commerciales. L'entraide, la justice sociale et
la solidarité coopérative conservent-elles leur signification
dans le cadre de coopératives de commerce? Il semble y avoir un grave
danger que l'établissement de coopératives de commerce risque de
susciter des tensions importantes entre ces nouvelles coopératives et
l'ensemble des organisations coopératives qui ne poursuivent pas les
mêmes objectifs et ne répondent pas aux mêmes
critères. (17 h 50)
II faut, en effet, se souvenir que l'activité coopérative
n'a jamais été compatible, jusqu'à ce jour, avec une
activité de commerce. En effet, le but premier d'une coopérative
de commerce sera de permettre à ses membres de faire le plus de profits
possible afin de leur permettre un meilleur salaire. C'est bien sûr. Or,
il ne faut pas oublier que ces profits seront réalisés à
même les ventes de biens acquis et refilés aux consommateurs.
Un test intéressant serait celui qui consisterait à
permettre à un groupe de consommateurs de se constituer en
coopérative de consommateurs pour se procurer des boissons alcooliques
et des vins au meilleur prix possible. Le gouvernement permettrait-il à
une coopérative de consommateurs de venir concurrencer une
coopérative de commerce exploitant une succursale de la
Société des alcools du Québec? La réponse serait
bien évidemment négative, puisque le gouvernement n'a pas
l'intention d'abandonner son monopole et il privilégiera toujours la
coopérative de commerce sur la coopérative de consommateurs dans
ce domaine.
Un aspect troublant du projet gouvernemental est le fait qu'il a
été conçu non pas par les travailleurs mais par le
gouvernement lui-même. C'est le ministre, le bon ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme, qui s'est fait le porte-parole du gouvernement pour
lancer cette initiative qui doit devenir le fer de lance de
l'indépendance au Québec, selon ses dires. Or, l'organisation
coopérative a toujours émergé, tantôt de
l'initiative des consommateurs, tantôt de celle des producteurs du
secteur primaire et tantôt, des producteurs de biens et services. En
somme, une coopérative se forme toujours à partir des
travailleurs, à partir de la base. Ce n'est évidemment pas le cas
ici puisque l'initiative vient du sommet et qu'il n'y a pas au départ
cet aspect essentiel à la formation d'une coopérative, à
savoir qu'elle doit provenir des travailleurs eux-mêmes et non pas des
patrons.
Dans le communiqué qu'il émettait le 8 juin dernier, le
Conseil de la coopération du Québec précise: "Que son
appui au projet de loi gouvernemental n'est pas absolu". Le ministre s'est bien
gardé de nous le dire. "Le Conseil de la coopération du
Québec accepte de vivre une période d'expérimentation qui
durera trois ans et ce, en très étroite collaboration avec le
ministère, en étant impliqué tant lors de la formation que
lors du vécu quotidien de ce nouveau type de coopérative".
Afin de mieux participer à cette expérience, le Conseil de
la coopération du Québec croit essentiel d'être
impliqué de façon à, premièrement, lui permettre de
vérifier, lors de chacune de ces étapes, si ce type de
coopérative exploite bien une entreprise conformément aux
règles d'actions déterminées à l'article 4 de la
loi; deuxièmement, lui permettre de fournir un avis sur l'ensemble de la
réglementation que le gouvernement sera appelé à adopter
concernant ce nouveau type de coopérative et ce, conformément aux
dispositions de l'article 244 de la loi; troisièmement, de façon
à lui permettre de fournir un avis relatif à l'élaboration
du règlement de régie interne de ce type de coopérative.
Le Conseil de la coopération de poursuivre, dans son communiqué:
"Que les deux partenaires, le Conseil de la coopération du Québec
et le ministère, en cours d'expérience et plus
particulièrement à la fin de la période
d'expérimentation de trois ans, feront une évaluation pour
déterminer si ce type de coopérative constitue un véhicule
approprié au développement d'un nouveau vécu corporatif au
Québec".
On ne peut que s'étonner devant une telle prise de position du
Conseil de la coopération du Québec. À la lecture de ce
communiqué, il est bien évident que le Conseil de la
coopération n'a consenti à approuver le projet gouvernemental que
dans une optique d'expérimentation de trois ans. Il s'agit, en somme,
d'un projet pilote qui permettra au Conseil de la coopération du
Québec de tirer les conclusions qui s'imposent à la fin de la
période des trois années, au terme desquelles il pourra ou non
donner le feu vert au nouveau concept de coopérative de commerce.
Dans ce contexte, il est important de s'assurer que l'expérience
qui sera tentée le sera dans les meilleures conditions possible et en
s'assurant que tous les éléments seront en place pour permettre
une évaluation objective du projet. On devra s'assurer au départ
que rien ne pourra fausser les données du problème et que les
dés ne seront pas pipés d'avance en faveur de l'une ou l'autre
des solutions.
En effet, on ne peut présumer au départ du résultat
de l'expérience qui pourra, au terme de trois années, se
révéler un succès ou un échec. C'est faire bien peu
de cas de la crédibilité qu'on doit donner au gouvernement
péquiste et à notre bon ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme. Celui-ci a déjà lié le projet de
"coopérativation" des succursales de la SAQ à l'idée
d'indépendance du Québec. Ne déclarait-il pas à
l'Assemblée nationale, il y a quelque temps: "On va leur
démontrer que si on peut être indépendant
économiquement, on peut être indépendant politiquement et
on va leur montrer le chemin avec le projet de transformation des succursales
de la SAQ." Et de dire le ministre: "Si vous me dites que vous voulez parler de
la souveraineté politique des mouvements des coopératives, bien
sûr, éventuellement, le monde va voir qu'ils sont mieux lorsqu'ils
sont indépendants économiquement. Ils vont dire: Si,
indépendant économiquement, on est mieux, on va devenir
indépendant politiquement." Fin de la citation. Vous pouvez applaudir
encore, M. le ministre, si vous le voulez. Voilà ce que déclarait
le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ici même, en cette
Chambre; c'est cité du journal des Débats.
Comment, dans ces conditions, ne parler d'autres choses que d'une
expérience-bidon? Les Québécois sont-ils assez naïfs
pour croire que le gouvernement va laisser l'expérience se
dérouler normalement, sans intervenir? Y a-t-il un seul
Québécois qui doute que le gouvernement va supporter à
bout de bras ces coopératives de commerce dans les succursales de la
Société des alcools du Québec afin de s'assurer qu'elles
remportent un succès éclatant? On pourra, dans un an ou deux,
clamer que les coopératives de commerce, dans les succursales de la SAQ,
sont des entreprises très profitables et qu'en conséquence le
Québec peut maintenant se diriger allègrement vers
l'indépendance politique puisque la preuve est faite, dans les
succursales de la SAQ, que l'indépendance signifie la
prospérité.
Le Parti libéral du Québec ne s'oppose pas à une
vision évolutive de la coopération qui permettrait
d'expérimenter le concept d'une coopérative de commerce. Il
s'agit là, comme nous l'avons dit précédemment, d'un
concept nouveau, jusqu'à un certain point révolutionnaire
même, et qui mériterait d'être éventuellement
testé dans des conditions normales. Or, le projet de
"coopérativation" des succursales de la SAQ n'offre pas les garanties
nécessaires d'impartialité et d'honnêteté qui
puissent nous permettre de considérer les résultats de
l'expérience comme valables. On comprend difficilement que d'autres,
encore plus impliqués dans le domaine de la coopération, en
viennent à des conclusions différentes. N'oublions pas que le
gouvernement du Parti québécois a lié le projet de
"coopérativation" des succursales de la SAQ à son projet
d'indépendance politique. Dans ces conditions, ceux qui appuient
l'expérience bidon de coopératives de commerce que
s'apprête à faire le gouvernement du Québec en
"coopérativant" certaines succursales de la SAQ ne risquent-ils pas de
cautionner également de leur crédibilité le projet
d'indépendance politique du Parti québécois et du
gouvernement qui en est issu? Voilà, je crois, une question très
pertinente et qu'on ne peut pas éviter.
Un autre aspect de la question qu'on a pu éviter, c'est celui de
l'opposition des syndicats. Il est, en effet, de notoriété
publique que la totalité des syndicats impliqués s'oppose
farouchement au projet de privatisation de la Société des alcools
du Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte, il est 18 heures. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, effectivement, si le
député de Laporte s'en tient au fond du débat, nous
consentons à ce qu'il poursuive pendant quelques minutes afin de
terminer son intervention.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II y a consentement, M.
le député de Laporte. (18 heures)
M. Bourbeau: Je disais, M. le Président, qu'il est de
notoriété publique que la totalité des syndicats
impliqués s'oppose farouchement au projet de privatisation de la
Société des alcools du Québec. Les syndicats
prétendent que le but ultime recherché par le gouvernement est,
en fait, de se débarrasser des syndicats puisque ces derniers
possèdent le pouvoir de paralyser sérieusement le gouvernement en
cas de grève en le touchant dans ce qu'il a de plus précieux, ses
rentrées fiscales.
On ne peut évidemment pas parler de services essentiels dans ce
genre d'activité. À la suite de ce constat, il convient de se
demander s'il est réaliste de créer des coopératives de
commerce lorsque les syndicats s'y opposent farouchement et qu'en
conséquence, tout le leadership vient non pas de la base, mais de la
direction. Comme nous l'avons mentionné précédemment, il
est essentiel que les individus s'engagent volontairement et collectivement et
de leur propre initiative à former des coopératives. Ces
préoccupations, le Conseil de la coopération du Québec les
avait aussi en mars dernier lorsqu'il se demandait, et je cite: "Est-il
possible de former des coopératives lorsque le syndicat doute du
réalisme du projet et qu'en conséquence, le
leadership provient principalement de la direction?" Dans son
communiqué du 8 juin 1984, le Conseil de la coopération du
Québec ne fait aucune mention de l'opposition des syndicats.
D'autre part, les syndicats prétendent que la
Société des alcools du Québec conservera la
propriété des succursales, puisque les coopératives de
commerce ne fonctionneront qu'en franchise, et en conservant le contrôle
sur les produits, sur les prix et sur les activités commerciales, la SAQ
ne laissera en définitive aux travailleurs ou aux coopérateurs
que le choix de fournir du "cheap labour" tout en n'étant
propriétaires que de la clé de l'établissement. En
vérité, il faut se demander quelles seront les réelles
prérogatives de ces coopératives en franchise qui, somme toute,
n'auront que très peu d'autonomie.
C'était également la préoccupation du Conseil de la
coopération du Québec en mars dernier lorsqu'il se demandait:
"Lorsqu'une coopérative est liée par un contrat de franchise,
peut-on encore parler d'une propriété coopérative
autonome, ou encore, le contrôle sur la gamme des produits, des
activités commerciales et la fixation des prix étant
conservés par la SAQ, la Société des alcools du
Québec, quelles responsabilités reste-t-il au conseil
d'administration?"
Ces questions, hélas, sont demeurées sans réponse
dans le communiqué du 8 juin émis par le Conseil de la
coopération du Québec. Seul le syndicat des travailleurs de la
SAQ a fait entendre sa voix à ce sujet. "Nous ne pouvons accepter,
dit-il, que le gouvernement veuille privatiser les profits et socialiser les
pertes. Pour le syndicat, il n'est pas question d'accepter le
démantèlement d'un système qui, en plus de fournir
à la population des services de qualité, assure au Trésor
québécois de substantielles rentrées d'argent. Mises
à part les pressions - toujours selon le syndicat - de l'entreprise
privée, du commerce au détail et de la fabrication du vin, il est
difficile de trouver d'autres raisons qui justifient actuellement la
décision du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de
procéder au morcellement de ce levier économique parmi les plus
prospères de l'État du Québec", exprime-t-on dans le
document.
Refusant de voir le gouvernement s'engager plus avant dans cette
entreprise de démolition d'un acquis collectif, la CSN et le Syndicat
des employés de bureau et de magasin de la Société des
alcools du Québec ont exigé d'être entendus par une
commission parlementaire chargée d'étudier à fond le
dossier. Pourtant, le point de vue des syndicats ne semble pas avoir retenu
l'attention de ce gouvernement qui, on s'en souvient, disait avoir un
préjugé favorable à leur endroit. Dans le projet de loi
actuel, on constate que le préjugé favorable du gouvernement
privilégie davantage le projet d'indépendance politique que
l'intérêt des travailleurs.
Dans un contexte économique comme celui que nous vivons
présentement, il y a lieu de se demander combien d'emplois seront
créés par l'initiative gouvernementale, quel montant important
sera perdu par le trésor public. Il y a tout lieu de croire que le
projet se soldera par des pertes d'emploi et des pertes de revenu pour la
Société des alcools du Québec et ce, au détriment
d'un petit nombre de privilégiés triés sur le volet.
Dans ces conditions, comment peut-on ne pas se poser de sérieuses
questions à l'égard du projet de loi 85 dont nous faisons
présentement l'étude? Le gouvernement veut-il faire avancer le
concept de la coopération en favorisant l'essai d'une nouvelle formule,
dite coopérative de commerce et en faisant un essai loyal et une
expérience honnête qui permettra d'en tirer des conclusions
objectives? Nous sommes dans l'obligation de répondre
négativement à cette question.
L'ensemble des faits et les déclarations nombreuses du ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et les applaudissements que nous
avons entendus tout à l'heure nous démontrent clairement le
contraire. Il ne s'agit là que d'un écran de fumée qui
masquera une expérience -bidon dont les résultats sont connus
à l'avance puisque le gouvernement n'hésitera pas â prendre
toutes les mesures nécessaires pour prouver la rentatilité des
nouvelles coopératives de commerce dans les succursales de la
Société des alcools du Québec et ainsi prétendre
à la rentabilité éventuelle de l'indépendance du
Québec selon le raisonnement boiteux que nous a déjà servi
à plusieurs reprises le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme.
Dans ces conditions, comment expliquer l'appui apporté à
ce projet de loi par ceux qui ont la mission de protéger les
destinées du monde coopératif au Québec? À ce
sujet, ne sommes-nous pas en droit de nous poser la même question que se
posait le Conseil de la coopération du Québec en mars dernier,
à savoir: "Le Mouvement coopératif québécois est-il
prêt à appuyer de sa crédibilité le projet de
coopérativation de la Société des alcools du
Québec?"
Le Parti libéral du Québec déplore que le
gouvernement utilise la bonne foi des travailleurs québécois pour
tenter de les embarquer dans son projet suicidaire d'indépendance
politique. Nous ne le suivrons pas dans cette voie et nous sommes convaincus
que l'ensemble des Québécois refuseront de s'associer à
une démarche qui n'est pas dans le meilleur intérêt de la
collectivité et qui ne peut que mener à i l'impasse. Une
opération de camouflage du
genre de celle qui nous est présentée par le projet de
"coopérativation" des succursales de la SAQ ne peut être
considéré comme un test valable du concept de la
coopérative de commerce et nous ne pouvons pas y souscrire en toute
conscience.
Les résultats d'une telle expérience-bidon ne pourraient
être que tronqués. Dans ces conditions, nous ne pouvons pas
cautionner une telle démarche ni la conclusion inexorable que le
gouvernement ne manquera pas d'en tirer. Nous ne sommes pas dupes à ce
point, pas plus que ne l'est la très grande majorité des
Québécois. En conséquence, nous n'entendons pas voter pour
ce projet de loi. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Je demande la suspension du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de
suspension du débat est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos
travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 9)
(Reprise de la séance à 20 h 2)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, nous poursuivons donc cette
discussion sur le projet de loi concernant les coopératives. Je vous
demande donc d'appeler l'article 9) de notre feuilleton, s'il vous
plaît!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat
sur l'adoption du principe du projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les
coopératives. M. le député de Châteauguay a la
parole.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de
prendre la parole pour une deuxième fois durant la journée, cette
fois-ci sur le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les
coopératives et permettant principalement la création de
coopératives de commerce.
Je ne reprendrai pas immédiatement tous les propos du
député de Laporte qui m'a précédé. J'y
reviendrai plus tard si le temps me le permet, afin de ne pas jouer le jeu de
la diversion. Mais je me contenterai de dire pour le moment que tout ce
discours du député de Laporte sent vraiment la non-confiance
à l'égard du monde de la coopération, à
l'égard des syndicats, à l'égard du Conseil de la
coopération et surtout à l'égard des travailleurs et des
travailleuses du Québec, ce que je trouve déplorable.
Il est difficile de parler du projet de loi 85 sans devenir quelque peu
didactique aussi. M. le Président, j'espère qu'on me pardonnera
de peut-être le trop devenir. Pour bien comprendre la portée de ce
projet de loi, il faut bien situer la nouvelle mesure que cela comporte par
rapport à ce qui existe présentement. Présentement, il
existe au Québec trois types de coopératives, les
coopératives appartenant aux consommateurs, les coopératives
appartenant à des producteurs et, en dernier lieu, celles qui
appartiennent aux travailleurs. On connaît davantage les deux premiers
types de coopératives, car ce sont les plus répandues. Les
coopératives de travailleurs ont été couvertes par la Loi
sur les coopératives en 1982. On comprend donc pourquoi elles sont moins
nombreuses, mais ce n'est qu'une question de temps pour qu'elles rattrapent les
autres.
Il ne faut pas confondre une coopérative de travailleurs avec les
coopératives d'autres types avec lesquelles on est
généralement plus familiers. Cela pourrait conduire notamment
à une certaine confusion ou à une certaine méprise quant
à l'intermédiaire qui est éliminé ou dont la
fonction est assumée par les membres.
Dans une coopérative de consommation, par exemple, il est bien
entendu que l'objectif recherché est de réduire, au profit des
membres et par leur effort commun, le prix de certains produits ou services en
assumant les fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la
rémunération grèverait ce prix de revient.
D'un autre côté, dans une coopérative de mise en
marché de produits agricoles, l'objectif visé est de permettre
aux membres d'accroître leurs revenus en assumant les fonctions et en
récupérant la rémunération des
intermédiaires placés aux premières étapes de
l'aval des fermes.
Dans le cas d'une coopérative de travailleurs, c'est une autre
catégorie d'intermédiaires dont on veut assumer les fonctions et
recouvrer la rémunération, soit les intermédiaires
placés entre les travailleurs eux-mêmes et leur accès aux
sources du travail comme les sous-entrepreneurs ou éventuellement aussi
les entrepreneurs.
Cependant, quel que soit le type de la coopérative, il est
indiscutable que sa raison
d'être est de procurer des avantages économiques à
ses membres selon une formule qui, par son mode d'organisation et de
fonctionnement, rejoint et stimule leurs préoccupations sociales. Ainsi,
une coopérative de consommation existe d'abord pour servir les
intérêts de ses membres en tant que consommateurs. Une
coopérative agricole existe d'abord pour servir les
intérêts de ses membres en tant que producteurs. De la même
façon, une coopérative de travailleurs existe
spécifiquement pour servir les intérêts de ses membres en
tant que fournisseurs de travail, c'est-à-dire sous l'angle de
l'obtention et de l'exécution des tâches
rémunérées d'où ils doivent tirer leurs moyens de
subsistance.
M. le Président, la recherche d'avantages économiques se
traduisant finalement en dollars et en cents pour les membres, non seulement
elle n'est pas incompatible avec la coopération authentique mais elle
est sa principale raison d'être. Ces avantages économiques se
manifestent évidemment sous des aspects différents selon la
fonction assignée à telle ou telle coopérative par ses
membres ou, selon la nature du service qu'ils ont voulu se donner en organisant
ladite coopérative. Mais ces avantages économiques ont toujours
ceci de commun: dans n'importe quel type de coopérative, ils sont
définis et recherchés dans le cadre d'une relation services
à usagers. Ils se distinguent ainsi des avantages économiques
visés par les actionnaires d'une entreprise à but lucratif
où la relation établie en est une de profit à capital
privé.
Tous ces types de coopératives existent actuellement selon une
notion de base qu'on appelle notion de propriétaires usagers.
Jusqu'à maintenant les coopératives ont existé
exclusivement à partir de cette notion de base qui veut que les
utilisateurs des services dispensés par l'entreprise coopérative
doivent en être les propriétaires.
La nature du service réclamé par les membres usagers d'une
coopérative de travailleurs, c'est que celle-ci leur procure un emploi,
soit en négociant des contrats ou des sous-contrats, soit en
exerçant elle-même la fonction d'entrepreneur. Dans un cas comme
dans l'autre, la coopérative assume la responsabilité de
l'exécution du projet, organise et détermine la
répartition des tâches, reçoit la
rémunération qui s'y rattache, puis distribue celle-ci entre les
membres employés conformément aux normes sur lesquelles ils se
sont tous ensemble mis d'accord. Compte tenu de la nature même d'une
coopérative de travailleurs, compte tenu aussi des qualifications, des
possibilités et, le cas échéant, des limitations de ses
membres, une telle coopérative doit nécessairement s'adapter
à leurs besoins et à leurs moyens. Elle doit leur trouver un
emploi pour lequel ils soient vraiment aptes à des conditions de travail
auxquelles ils puissent normalement se prêter.
Une des mesures importantes du projet d'amendement à la loi
actuelle sur les coopératives consiste à enlever le
caractère absolu de la notion d'usagers propriétaires afin
d'introduire la possibilité que les utilisateurs des services de la
coopérative ne soient pas nécessairement les propriétaires
de la coopérative. Ce nouveau type de coopérative pourrait, avec
la loi amendée, avoir le pouvoir de vendre des biens à d'autres
personnes que les propriétaires de coopératives. Ainsi, une
coopérative qui en ferait sa principale activité et sa raison
d'être deviendrait une coopérative de commerce. La nature des
activités vers lesquelles une coopérative de travailleurs
dirigerait ses membres pour leur procurer collectivement un emploi ne
changerait pas la nature d'une coopérative. Une opération
commerciale reste bel et bien une activité admissible à une
coopérative de travailleurs. (20 h 10)
Il ne faut pas confondre la fin avec les moyens et conclure que les
tâches particulières exercées par les membres dans le cadre
de l'emploi que leur fournit une coopérative modifie la destination ou
la vocation de ladite coopérative. À partir du moment où
l'on admet que des salariés peuvent se grouper en coopérative et
devenir ainsi leur propre employeur pour l'exécution de tâches
déterminées - et de nombreuses coopératives de ce genre
existent dans le monde, nous ne serions pas les premiers -nous voyons mal
comment le caractère authentiquement coopératif d'une telle
association entreprise pourrait disparaître pour la seule et unique
raison qu'elle procure du travail à ses membres dans tel domaine
plutôt que dans tel autre. C'est l'objectif principal du projet de loi 85
que de permettre la création de ce type de coopérative dite
coopérative de commerce. En somme, c'est l'objet de la
coopérative dite ouvrière de production ou de travail qui est
appelé à être modifié pour lui ajouter, soit
l'autorisation de faire du commerce, soit celle d'acquérir des biens
pour les revendre aux consommateurs, c'est-à-dire au public. Ce principe
étant acquis, M. le Président, concernant l'existence de
coopératives de commerce, il est nécessaire de prévoir que
ces nouvelles coopératives pourront ou devront établir des
règles de régie interne visant, par exemple, l'admission ou
l'exclusion des membres, la période d'essai des membres auxiliaires, la
procédure concernant le partage du travail et établissant des
critères et des modalités d'appel au travail lorsqu'il n'y a pas
suffisamment de travail pour tous les membres. Le projet de loi 85
prévoit ces mesures.
Personnellement, je suis pour cette
mesure progressiste car je souhaite que l'activité
économique au Québec profite au plus grand nombre possible de
Québécois et de Québécoises, plus, en tout cas, que
ce qui se fait présentement. Je me permets de rappeler que les deux
tiers de l'activité économique au Québec sont de nature
commerciale alors que le tiers relève de la production. Pourtant, le
commerce est une composante importante de l'économie qui emploie plus de
400 000 travailleurs au Québec. La possibilité que le projet de
loi 85 offre aux travailleurs de se regrouper en coopératives pour
acquérir des biens et les vendre au public va permettre la
création de nouveaux réseaux de distribution et la
création de nouveaux emplois contrairement aux propos pessimistes qu'a
tenus le député de Laporte en fin d'après-midi.
Quand le député de Laporte a mis en doute la
viabilité des coopératives de commerce, il n'avait sûrement
pas à l'esprit qu'il existe au Québec 50 000 entreprises qui ont
en moyenne moins de sept employés et qui pourraient, pour la plupart de
ces entreprises, devenir des coopératives de commerce. Je pense aussi
que le temps est venu, que le temps est mûr pour favoriser la
participation des travailleurs. Les expériences de participation des
travailleurs sont très marginales au Québec, nous le savons;
à venir jusqu'à maintenant, elles n'ont pas réussi
à faire le pont entre le capital et le travail.
Du côté patronal, la très grande majorité n'y
croit pas; du côté syndical, il y a une ambiguïté
entre le discours et la pratique. Tout en ne rejetant pas la formule, on ne la
favorise pas en considérant que les formes de participation
proposées sont une récupération des travailleurs par les
patrons pour les bâillonner et diminuer la force de frappe des syndicats,
tout cela étant dit le plus objectivement possible.
Malgré le peu d'efficacité des expériences
vécues jusqu'à présent, il demeure que la participation
des travailleurs aux entreprises est l'un des moyens de combler le fossé
qui sépare présentement les employeurs des employés, c'est
peut-être même le seul moyen. N'est-ce pas là un défi
nouveau et fort intéressant que le monde de la coopération
pourrait se donner à profit sans pour autant se mettre à chercher
le profit à tout prix? Nous savons que ce n'est pas le lot du monde
coopératif, ce n'est pas non plus son objectif.
Pour le moment, la Loi sur les coopératives ne permet de profiter
du potentiel immense des activités commerciales que sur le plan de
meilleurs prix aux consommateurs si, bien sûr, ces consommateurs font
partie des coopératives de consommation. De toute évidence, il y
a moyen de faire mieux avec notre potentiel commercial.
Le député libéral de Laporte ne devrait pas
être obnubilé par un dossier particulier comme celui de la SAQ, au
point qu'il soit devenu incapable de concevoir autre chose que ce qu'il
connaît et au point où il se substitue trop naturellement au monde
de la coopération pour définir à sa place sa
capacité d'évolution et les avenues que ce monde de la
coopération pourrait être disposé à explorer. C'est
devenu symptomatique, cette attitude du député de Laporte et
celle de ses collègues, chaque fois qu'il est question de faire profiter
du développement et du potentiel économique au plus grand nombre
de Québécois possible, de vouloir toujours ramener la question au
plus petit nombre possible, de toujours ramener la question à un petit
nombre de personnes qui pourraient en profiter, en excluant toujours les
travailleurs.
Nous, nous voulons que le mode coopératif profite aux
travailleurs du Québec. Eux, les libéraux, ces gens d'en face,
ils s'y opposent car ils veulent que cela profite à un petit nombre de
gens d'affaires et probablement à beaucoup de leurs amis. Le
député de Laporte nous a dit qu'il n'était pas contre la
privatisation de la Société des alcools du Québec. Mais il
nous a dit qu'il était contre la "coopérativation" de la
Société des alcools du Québec. Il n'y a pas beaucoup de
conclusions à tirer. S'il veut la privatisation et qu'il est contre la
"coopérativation", on est bien obligé de penser qu'il veut que
cela profite à l'entreprise privée, mais pas aux travailleurs du
Québec. Il me semble que c'est la seule conclusion logique qu'on puisse
tirer: que cela profite au petit nombre. Pour nous en convaincre, il a
tenté de récupérer le Conseil de la coopération et
cela me paraît plus grave encore. Le député de Laporte a
beaucoup parlé d'avis en fin d'après-midi, mais il a bien pris
garde de nous dire qu'il y a un avis du Conseil de la coopération qui,
lui, se prononce sur le projet de loi qui va modifier la Loi sur les
coopératives. C'est important. Il nous a donné des avis qui sont
venus avant que le Conseil de la coopération se fasse une idée
définitive sur le projet de loi maintenant soumis à
l'Assemblée nationale.
Nous avons fait beaucoup de consultations auprès du monde de la
coopération. Nous avons consulté 116... Le Conseil de la
coopération... Il est normal que maintenant, nous ayons un projet de loi
qui satisfasse le Conseil de la coopération. Dans son dernier avis, le
conseil nous l'a dit. Il trouve maintenant souhaitable que nous mettions
maintenant en place des coopératives de commerce.
Nous, du Parti québécois, du gouvernement du Parti
québécois, écoutons le monde des affaires et nous sommes
capables de nous adapter à ce qu'il nous dit. Nous
nous faisons une idée, nous la soumettons à ces
gens-là et, ensuite, nous nous adaptons en fonction de ce qu'ils nous
demandent. C'est le contraire qui se passe chez les gens d'en face. Ils se font
une idée. Cela devient une idée fixe. Vous l'avez vu, M. le
Président, avec la question des coopératives à la SAQ;
c'est devenu une idée fixe. On a beau leur dire des choses. On a beau
leur parler, leur expliquer. Ils ne veulent rien entendre. Je ne suis pas
étonné que de plus en plus de gens d'affaires - ils nous le
disent en privé, bien sûr, parce que ce serait plutôt
délicat de le dire en public - nous disent: Ces gens-là, on leur
explique notre point de vue; ils ont des idées arrêtées et
ils ne veulent rien entendre. C'est exactement la même attitude qu'ils
ont ici à l'Assemblée nationale, sur ce projet de loi comme sur
d'autres projets de loi.
Le projet de loi 85 offre donc aux Québécois de nouvelles
perspectives de développement économique et permet de partager
les avantages financiers qui peuvent en découler entre un plus grand
nombre de personnes au Québec. C'est cela que nous voulons, M. le
Président. Nous voulons faire profiter un maximum de
Québécois de la coopération et de ses avantages. Ce type
de coopérative est souhaité maintenant par le monde de la
coopération, par les différents intervenants dans le monde de la
coopération. Ce type de coopérative est souhaité
maintenant par le Conseil de la coopération qui considère que
cette évolution est devenue nécessaire et souhaitable pour les
Québécois.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, je vous dis que je
voterai pour le principe du projet de loi 85 et j'incite, bien sûr, mes
collègues du Parti québécois et mes collègues
libéraux, les gens d'en face, à faire de même. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Papineau.
M. Marck Assad
M. Assad: Merci, M. le Président. Contrairement à
ce que j'avais l'intention de dire ce soir, je vais être obligé de
me limiter à quelques notes. De toute façon, j'ai
écouté le député de Châteauguay mentionner
que le Conseil de la coopération du Québec est derrière
ces changements que le ministre propose pour les coopératives au
Québec. Je crois que le député de Châteauguay
devrait regarder les différentes coupures de presse, où on dit
que le Conseil de la coopération du Québec avait l'intention de
mener une bataille contre ce projet de loi dès le début.
Après que le ministre soit intervenu - je ne sais pas par quels moyens
ou quel tour de force - le Conseil de la coopération du Québec a
décidé de tenter une expérience avec les changements que
le ministre propose. Il n'a pas dit qu'il était convaincu des
changements, mais simplement qu'il tenterait une expérience. (20 h
20)
Évidemment, je prétends que pour un changement aussi
important dans le domaine des coopératives, le plus important qu'on ait
connu au Québec depuis des années, il me semble que le ministre
aurait pu convoquer tous les mouvements coopératifs qui existent au
Québec, pour avoir leur idée sur les changements qu'il
propose.
On n'a entendu parler que du Conseil de la coopération du
Québec. Je ne crois pas que les mouvements aient eu l'occasion, de
vraiment donner leur point de vue, ils ont demandé la tenue d'une
commission parlementaire. De toute façon, les propositions que le
ministre a faites concernant la Société des alcools du
Québec, c'est que nous allons prendre les succursales dans tout le
Québec et celles qui veulent former des coopératives vont
être encouragées. J'aurais une question à poser au ministre
à laquelle il pourra répondre plus tard. Est-ce exact que vous
avez l'intention, d'ici un an ou deux, d'accorder aux épiceries, aux
dépanneurs 60 à 70 marques de vins additionnelles qu'ils pourront
vendre dans leurs magasins? Si c'est le cas, je me demande de quelle
façon les nouvelles coopératives de la Société des
alcools vont pouvoir fonctionner. Les seules fois où les gens vont
vouloir aller à la Société des alcools, M. le ministre,
c'est quand ils vont avoir besoin de spiritueux. Autrement, dans les
dépanneurs, dans les chaînes d'alimentation, ils vont pouvoir se
procurer du vin parce que vous allez mettre dans ces magasins la
quasi-totalité des marques de vins qu'on connaît actuellement
à la Société des alcools.
Cette expérience que le Conseil de la coopération du
Québec a dit que vous voulez qu'il accepte, on se demande pourquoi dans
l'espace de deux semaines ces gens qui étaient très inquiets de
votre projet de loi, ont changé d'idée. Quelle inspiration
avez-vous eue ou quels arguments avez-vous apportés? Le mot clé
là-dedans, c'est qu'ils ont dit qu'ils sont prêts à faire
une partie du chemin avec vous et à tenter une expérience.
Évidemment, j'ai trouvé à la bibliothèque -
je crois que le ministre sera intéressé par cela - un document de
votre formation politique, du Parti québécois, concernant
les coopératives et considérant certaines solutions. On y donne
l'historique des coopératives au Québec. J'ai lu l'historique. Je
suis d'accord avec l'historique. Évidemment; cela fait partie de notre
histoire et il ne faut pas oublier que les coopératives du Québec
sont peut-être les organismes qui ont connu la plus grande
renommée dans le monde entier. C'est une chose dont on peut
être fier, mais je demanderais au ministre de lire le programme du Parti
québécois, s'il en a le temps. Je peux lui donner l'année.
Cela fait un bon bout de temps, c'est en 1973. Je ne pense pas que ce parti ait
changé d'idée.
Une voix: C'était l'Union Nationale à
l'époque.
M. Assad: Après avoir lu l'historique, M. le ministre,
c'est assez difficile de comprendre comment vous en êtes venu avec des
changements aussi importants qui vont à l'encontre de l'histoire des
coopératives du Québec. Essentiellement, M. le ministre, j'aurais
voulu expliciter davantage. Je pense que les quelques députés en
cette Chambre comprendront pourquoi j'ai été obligé de
limiter mes remarques sur ce sujet. La chose importante dans le moment, c'est
que l'expérience que vous voulez tenter risque de désorganiser le
système ou le mouvement coopératif qu'on connaît au
Québec. Je voudrais, en troisième lecture, avoir la
possibilité de réviser ou de présenter un amendement qui
pourra nous assurer qu'après un an de fonctionnement dans cette
expérience, il y ait possibilité de revenir à l'esprit de
la coopérative qu'on a connue au Québec au lieu de tenter une
expérience qui risque de décourager les mouvements
coopératifs qu'on a connus au Québec depuis la dernière
décennie. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour,
je suis heureux d'intervenir pendant quelques minutes sur le projet de loi 85,
Loi modifiant la Loi sur les coopératives, pour plusieurs raisons.
Premièrement, parce que les coopératives m'ont permis, comme
citoyen, de vivre durant plusieurs années. Donc, je connais l'importance
des coopératives. Je pense qu'il serait bon de faire rapidement un
tableau sur l'importance du mouvement coopératif au Québec. On
n'a qu'à faire le tour des grandes institutions contrôlées
par les Québécois et on va s'apercevoir que le mouvement
coopératif est un genre d'entreprise qui a permis effectivement à
l'ensemble des Québécois de contrôler une partie
très importante de leur économie.
Regardons rapidement les coopératives de consommateurs. Dans ce
groupe de coopératives, on retrouve les coopératives
d'épargne et de crédit. Grâce aux institutions du Mouvement
coopératif Desjardins qui relèvent de la Loi sur les
coopératives, on permet aux Québécois de contrôler
l'institution financière la plus importante pour l'épargne des
Québécois et des Québécoises. C'est très
important; il ne faudra jamais l'oublier. Grâce au mouvement
coopératif, les caisses d'épargne et de crédit au
Québec font partie de la principale institution d'épargne des
Québécois. Elles sont répandues sur tout le territoire
québécois et cela nous permet de pouvoir faire fructifier notre
argent et d'avoir des services dans toutes les municipalités du
Québec. C'est la seule institution financière qui est aussi
décentralisée, aussi près de la population et qui permet
à chacun des Québécois, qui veut librement en devenir
membre, d'avoir chez lui une institution financière qui lui offre des
services mais sur laquelle il a un contrôle comme membre.
C'est très important le mouvement coopératif au
Québec. Je vous ai donné l'exemple des institutions
d'épargne et de crédit. On le retrouve aussi au niveau des
coopératives d'habitation qui permettent au Québécois, en
devenant membre d'une coopérative, de devenir propriétaire de son
logement. On le retrouve dans la consommation au niveau des magasins Coop; on
le retrouve aussi dans d'autres secteurs très importants. Les
coopératives de producteurs nous touchent peut-être le plus. Le
plus bel exemple qu'on retrouve au Québec ce sont les
coopératives agro-alimentaires, ce sont les coopératives de
producteurs de lait qui se sont donné des outils de
développement. Les producteurs laitiers, en commun, se sont donné
des outils extrêmement puissants de développement
économique qui leur permettent de développer le produit
envoyé à la coopérative mais aussi de retirer des services
complémentaires de leur coopérative. C'est très important
pour le développement de leur ferme, de leur entreprise parce qu'on sait
à quel point le domaine agricole est important au Québec.
J'ai eu le plaisir, M. le Président -c'est pour cela que je vous
dis que je trouvais très important d'intervenir sur le projet de loi 85
- de travailler chez Agropur pendant quinze ans. Agropur est une
coopérative agro-alimentaire d'une extrême importance pour le
développement économique du Québec, qui possède des
dizaines d'usines de transformation réparties un peu partout sur le
territoire québécois, qui permet à des milliers de
Québécois de se trouver un emploi et qui permet
spécialement aux producteurs qui en sont les sociétaires, donc
les propriétaires, d'écouler leur produit, de le transformer,
d'obtenir des services de leur coopérative et d'en retirer des
ristournes.
Cela c'est grâce aux lois qui permettent aux citoyens
québécois de se former en coopératives et ensemble de se
donner des outils de développement économique très
importants. On le retrouve dans deux secteurs, comme je viens de vous le
dire, mais il fallait aller plus loin. Aujourd'hui, il fallait aller plus loin
pour donner à plus de Québécois la chance de fonder des
coopératives. Si c'est important aujourd'hui parce qu'il y a plus de
1700 coopératives au Québec, si c'est important parce que
même le Conseil de la coopération du Québec est d'accord
avec le projet de loi, unanimement, les membres du Conseil de la
coopération du Québec adhèrent au principe du projet de
loi 85 qui permet au mouvement coopératif d'être de plus en plus
un instrument de développement économique au service des
Québécois et des Québécoises. (10 h 30)
Ce n'est pas nouveau de parler de coopératives de travailleurs ou
de coopératives de commerce. Je me rappelle -je pense que c'était
au début des années soixante-dix - que je faisais
déjà partie d'une délégation qui allait voir en
France comment fonctionnaient les coopératives ouvrières de
production. À ce moment, c'était nouveau pour nous d'en parler.
Il y a de cela une quinzaine d'années. C'était nouveau d'en
parler au Québec. Ce qu'on allait voir en Europe c'était ce qui
était déjà réalisé à ce
moment-là, à quel point cette philosophie de développement
par les membres des coopératives était avancée. On a
visité de petites usines, de petites entreprises de travailleurs, de
moyennes et de très grandes. Je me rappelle avoir visité en
Bretagne une coopérative de travailleurs qui fabriquait des fils
électriques et qui était, dans son secteur, la plus grande
entreprise française de production de fils électriques.
C'étaient, dans le domaine technologique des coopératives de
travailleurs qui fonctionnaient déjà très bien et qui,
comme le projet de loi le permettra, étaient disponibles à
l'ensemble des travailleurs pour leur permettre de se prendre en main, de se
développer et de devenir propriétaires de leur entreprise.
Ce que permet ce projet de loi, c'est de donner encore plus de chances
au mouvement coopératif. C'est important, parce que, quand on veut se
développer, on n'a pas le droit de limiter les chances de qui que ce
soit. On sait très bien qu'au Québec, à l'heure actuelle,
il y a beaucoup d'emplois. C'est évident. Le tiers des emplois sont dans
l'industrie, mais il ne faut pas oublier que s'il y en a le tiers dans
l'industrie, cela veut dire que les deux tiers des travailleurs au
Québec sont dans le commerce de gros, entre parenthèses, le
commerce en général. Comment peut-on faire en sorte que le
mouvement coopératif, qui a fait ses preuves au Québec et qui est
si dynamique, ne puisse être capable de développer ce secteur
aussi important économiquement, à savoir le secteur du commerce?
Il y a 50 000 entreprises dans le secteur commercial, au Québec, avec
350 000 travailleurs. On n'a pas le droit, à mon avis, si on croit
vraiment au secteur coopératif, si on croit vraiment dans la
capacité des travailleurs de se prendre en main et de se
développer et d'aider l'ensemble de la société à se
développer, de limiter les possibilités du secteur
coopératif. Au contraire. Il faut absolument leur donner - et rapidement
- le plus de chances possible. C'est exactement ce que le projet de loi 85 est
en train de permettre.
Cela veut dire quoi, le projet de loi 85, Loi modifiant la Loi sur les
coopératives? Cela veut dire qu'on permet maintenant un nouveau genre de
coopérative. Comme je l'ai dit tantôt, on a des
coopératives qui sont la propriété des consommateurs. On a
aussi des coopératives qui sont la propriété de
producteurs et ce qu'on veut maintenant, c'est de permettre qu'il y ait des
coopératives qui soient la propriété des travailleurs. Ce
que ces gens vont mettre en commun, ce dont ils vont s'assurer, c'est un
emploi. Ce que les membres des coopératives vont créer, ce qu'ils
vont sa créer, c'est leur propre emploi. C'est important et c'est
faisable. Comme je vous le disais tantôt, on l'a vérifié,
il y a quinzaine d'années, en Bretagne, un coin de la France et de
l'Europe où c'est spécialement développé, où
les gens ont compris l'importance du secteur coopératif. Les preuves
étaient déjà là en 1972. Donc, qu'on ne vienne pas
nous dire que c'est trop rapide. Qu'on ne vienne pas nous dire que cela ne
répond pas à un besoin. Qu'on ne vienne pas nous dire qu'on
devrait attendre.
Je dis qu'on a peut-être trop attendu et qu'il faut le faire
maintenant. Il faut le faire, parce que, déjà, on a vécu
des expériences qui étaient limitées par la loi et on n'a
pas le droit, nous, comme législateurs, de ne pas permettre toutes les
chances possibles de développement économique, là
où les Québécois ont spécialement fait leurs
preuves. Je ne ramènerai pas les exemples que je vous ai donnés
tantôt, mais je dois vous dire que si c'est vrai que le passé est
garant de l'avenir, les Québécois sont capables de se prendre en
main quand on leur donne les moyens de le faire, quand les lois leur permettent
de monter leur propre entreprise. On sera surtout capable de le faire parce que
s'il y a une place où on peut retrouver cet esprit de concertation, de
collaboration ou de coopération, c'est bien dans le secteur
coopératif.
Le fait que le projet de loi 85 ait reçu l'accord unanime du
Conseil de la coopération du Québec nous permet d'espérer
que les autres secteurs du mouvement coopératif pourront participer
à ce nouveau secteur coopératif qu'est le secteur commercial qui
regroupe les coopératives de
travailleurs. Donc, les travailleurs pourront à l'avenir,
grâce a cette loi, s'assurer un emploi. Les nouvelles coopératives
permettront aux gens de se créer de l'emploi afin de vendre des services
à la population à l'intérieur des commerces, tout à
fait normalement.
Comme je le disais tantôt, on n'a pas le droit de limiter ce
secteur si important au Québec. Quand on dit que les deux tiers des
travailleurs au Québec, soit 350 000 personnes, travaillent dans le
secteur tertiaire et non pas industriel, comment pourrait-on se permettre de
limiter ce secteur et ne pas permettre par le fait même aux
Québécois d'être propriétaires de leur entreprise?
C'est effectivement une bonne façon, par le biais des
coopératives de travailleurs.
Cela permet aussi aux gens plus spécialisés d'utiliser
leur spécialisation pour créer leur emploi pour autant qu'ils se
trouveront deux associés. Ce que la loi permet, c'est de lancer
dès maintenant une coopérative avec trois sociétaires.
Cela a été reconnu et approuvé par les gens qui oeuvrent
dans le milieu coopératif; c'est important. Si on veut faciliter la
constitution de coopératives de travailleurs, ce n'est pas en
présentant des lois compliquées, c'est, à partir
d'expériences vécues, en élargissant les
possibilités et c'est exactement ce qu'on est en train de faire.
Élargir les possibilités, cela veut dire changer les
règlements qui ont probablement stoppé le développement
parce qu'ils étaient trop restrictifs. Ce sera maintenant beaucoup plus
facile, parce qu'on va se baser sur l'expérience passée et on va
le faire avec des règlements souples. Trois personnes pour lancer une
coopérative, c'est déjà une amélioration sur la loi
existante sur les coopératives.
Je pense donc que tout le milieu coopératif peut se
réjouir de voir jusqu'à quel point le gouvernement actuel est
intéressé au développement du mouvement coopératif
dans tout son ensemble. Beaucoup d'autres lois ont été
adoptées, bien des améliorations ont été
apportées aux lois existantes parce qu'on sait à quel point le
développement économique est important pour le Québec. On
sait que s'il y a un secteur où les Québécois peuvent se
prendre en main, c'est dans le secteur où ils peuvent contrôler
des entreprises. On en a eu la preuve avec les sociétés
d'État, Hydro-Québec et nombre d'autres qui sont de plus en plus
rentables et qui ont réussi à traverser la crise
économique.
Les autres exemples que l'on peut retrouver dans la
société, ce sont les industries et toutes les entreprises du
domaine coopératif qui ont réussi, probablement grâce
à la participation de tous les sociétaires qui étaient
conscients des moments difficiles pour leur entreprise, qui ont pris leurs
responsabilités, qui se sont ajustés et qui n'ont pas
hésité à prendre des décisions lors de la crise
économique, ce qui leur a permis de la traverser. On a même vu des
coopératives, en pleine crise économique, présenter des
plans de développement. Pourquoi? Parce qu'elles étaient
administrées par des gens qui possèdent l'entreprise.
Par exemple - et je suis tout à fait content de le rappeler de
temps à autre et même très souvent - Agropur, la principale
entreprise agro-alimentaire du pays, avec plus d'un demi milliard de chiffres
d'affaires par année, appartient à ses sociétaires, des
coopérateurs qui, non seulement en profitent au niveau des services,
mais en profitent au niveau des ristournes.
Si on a prouvé, par les lois existantes, que nos grandes
entreprises coopératives pouvaient concurrencer les multinationales, on
peut aussi prouver que les Québécois et les
Québécoises qui ont l'esprit coopérateur et qui veulent se
lancer dans des entreprises coopératives, mais de petites entreprises de
services - qui est, en fait, le secteur de l'avenir - pourront maintenant le
faire, grâce au projet de loi 85. Ils pourront le faire et s'assurer en
même temps un emploi, la gestion et le développement de leur
entreprise. Le projet de loi n'apporte pas beaucoup de complications. Si on lit
les articles, on s'aperçoit finalement que c'est tout à fait
reconnu au niveau international et au niveau québécois, que c'est
tout à fait compatible avec l'esprit coopératif, sauf qu'on
l'ajuste, on ajuste nos lois à ce qui se passe dans le monde, on ajuste
nos lois afin de permettre que ces coopératives de travailleurs puissent
effectivement être lancées le plus rapidement possible, avec
l'aide du gouvernement, si nécessaire.
On a créé, il y a quelques années, la
Société de développement coopératif afin de
permettre la mise sur pied, le plus rapidement possible, des entreprises
à caractère coopératif. Ce n'était pas assez;
aujourd'hui, on fait des changements, des modifications aux lois existantes sur
les coopératives pour permettre de simplifier la mise sur pied de ces
coopératives. (20 h 40)
En conclusion, j'aimerais dire que ce projet de loi, à mon avis,
est une formule d'avenir, une formule qui va permettre de plus en plus à
des Québécois de se lancer en affaires, de ne pas toujours
attendre des emplois des autres, mais d'être capables de créer
leur propre emploi dans une coopérative. Ils en deviendront les
gestionnaires et pourront faire le développement à leur rythme;
de plus, ils aideront à créer des emplois pour d'autres
Québécois qui seront autour d'eux et qui voudront devenir
sociétaires avec le temps. En plus de leur salaire, parce qu'ils auront
créé leur emploi rémunéré, ils pourront
bénéficier des profits de leur entreprise
coopérative. Je crois que pour le mouvement coopératif en
général, le projet de loi 85 est un avancement et permet, encore
une fois, d'apporter durant cette session un projet de loi à saveur
économique pour le développement économique du
Québec et pour la création d'emplois. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nicolet.
M. Yves Beaumier
M. Beaumier: Merci, M. le Président. Je trouve de plus en
plus curieux et bizarre qu'on retrouve du côté de l'Opposition et,
finalement, seulement du côté de l'Opposition, autant de
réticences en ce qui concerne ce projet de loi 85. Cela m'a permis de me
rappeler une expérience que j'ai vécue lorsque j'avais onze ou
douze ans.
Notre famille venait de s'installer dans un nouveau développement
et il n'y avait qu'un certain nombre de services. Il n'y avait aucune
institution financière. C'est à ce moment-là qu'un certain
nombre de concitoyens, dont mon père, ont décidé,
après plusieurs rencontres, après consultations, après
information, après volonté, bien sûr, de mettre sur pied
dans ce quartier une coopérative d'épargne, c'est-à-dire
une caisse populaire. Je me souviens qu'un certain nombre de ces
réunions avaient eu lieu chez nous. On voyait effectivement un peu de
réticence, un peu d'inquiétude, mais aussi beaucoup d'espoir et
de confiance. Finalement, le projet s'est Concrétisé, la caisse
populaire s'est installée et aujourd'hui, elle est l'une des plus
florissantes de la région d'où je viens.
C'est à peu près ce même dynamisme, cette même
confiance et, cette fois-ci, encore plus précisément au niveau
des travailleurs comme tels dans le secteur du commerce, c'est le même
défi qui est devant nous et c'est le même défi qui sera
offert et permis par l'adoption du projet de loi 85.
Certains des députés de l'Opposition se sont
inquiétés à savoir comment il se faisait qu'à un
certain moment, le Conseil de la coopération du Québec semblait
aussi avoir un certain nombre d'interrogations, un certain nombre de questions
à poser. Les membres du conseil ont tout simplement pris connaissance du
projet de loi 85, ils l'ont étudié, ils se sont informés
et ils en ont conclu qu'effectivement, le projet de loi 85 permettrait, par
l'autorisation de coopératives de commerce, d'ouvrir un autre volet, un
autre secteur du domaine coopératif. Cette réflexion qu'ils ont
faite les a conduits à conclure que c'était excellent et que
c'était à encourager.
Si je lie ensemble cette expérience de jeunesse qui était
basée sur le défi, le goût de faire quelque chose, je le
redis, nous sommes assurés, si on considère que ce sont des
concitoyens, que ce sont des travailleurs qui vont s'impliquer, nous avons
toutes les raisons du monde de croire que les coopératives de commerce,
qui seront dorénavant possibles en vertu du projet de loi 85, auront
toutes les chances, comme dans le temps, d'être un succès et
d'appartenir à leurs travailleurs ou à leurs travailleuses. C'est
un effort de tout le monde et aussi c'est l'opinion du Conseil de la
coopération du Québec.
Je demanderais tout simplement à l'Opposition, une
dernière fois peut-être, de reprendre le projet de loi, de le
relire, de s'informer et, très possiblement, ils en viendront aux
conclusions auxquelles nous sommes tous arrivés, y compris le Conseil de
la coopération du Québec: Ce projet de loi 85 doit être
adopté parce que nous devons encourager et permettre la mise sur pied de
coopératives de consommation. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: M. le Président, nous discutons aujourd'hui d'un
projet de loi d'une importance capitale pour les travailleurs et les
travailleuses québécois. Je trouve un peu curieux que plusieurs
députés du même côté de la Chambre se
lèvent à la file pour défendre un projet de loi, pour
parler en faveur d'un projet de loi qui aide la population
québécoise. Je ne sais pas pourquoi personne de l'autre
côté ne veut défendre le projet de loi 59 ou le projet de
loi 85 que nous étudions actuellement.
C'est tout de même d'une importance capitale, les
coopératives au Québec. Qu'on se rappelle simplement la marche
des 0,10 $ du Mouvement Desjardins. Qui d'entre nous n'a pas connu les
débuts du premier mouvement coopératif au Québec, la
marche des 0,10 $ du Mouvement Desjardins? Après très peu
d'années, nous marchons vers la marche des 10 000 000 000 $ et des 20
000 000 000 $ du Mouvement Desjardins. C'est donc dire que lorsque les
travailleurs et travailleuses québécois se regroupent, les
résultats se font sentir de façon tangible.
Je compare une coopérative à un syndicat. Un syndicat, ce
sont des travailleurs qui se réunissent devant un patron pour demander
des avantages sociaux, de meilleurs salaires. La coopération, ce sont de
petits financiers qui se regroupent dans une sorte de syndicat de la finance
pour devenir des travailleurs propriétaires, ce qu'on appelle un
coopérant. Le simple fait de se regrouper, de se donner un capital
pour
mieux faire profiter l'argent et le talent des travailleurs, cela donne
sa valeur à la coopérative. Tout d'abord, quelqu'un qui travaille
dans un simple commerce ou qui est un simple ouvrier dans une industrie ou une
manufacture, peut, à l'intérieur de l'endroit où il
travaille, donner le plein de lui-même. Cependant, le fait d'être
travailleur propriétaire, c'est-à-dire un coopérant, un
coopérateur, double le goût du travail, le goût de la
productivité. Pourquoi? Parce que nous travaillons tous main dans la
main, les uns collés sur les autres, pour un rendement collectif. La
coopérative, c'est le meilleur moyen pour les travailleurs et les
travailleuses du Québec de se prendre en main pour assurer une richesse
distributive dans la productivité.
Ce projet de loi nous devons le défendre pour tous ceux et toutes
celles qui désirent mettre ensemble un capital pour qu'il puisse se
développer. Il faut absolument que nous le défendions parce que
ce projet de loi permet à trois personnes et plus de se regrouper dans
ce que j'appellerais le syndicalisme des travailleurs de façon libre
dans le domaine de l'argent, c'est-à-dire les coopérants. (20 h
50)
Dans les notes explicatives de la loi, on n'a qu'à lire cette
petite feuille ici, nous voyons toute l'essence de ce projet de loi. Je vais en
citer quelques paragraphes pour le bien des auditeurs. "Désormais, ces
coopératives, dont l'objet principal est de fournir du travail à
leurs membres ou à leurs membres auxiliaires, seront
désignées comme étant des coopératives de
travailleurs et la dénomination sociale de celles qui auront pour
activité principale d'acquérir des biens pour les revendre au
public devra comporter l'expression "coopérative de commerce". Cela peut
s'appliquer dans n'importe quel domaine du commerce. Cela peut être
quelques personnes qui s'unissent, cinq personnes qui disent: Nous allons
ouvrir un dépanneur.
Nous ouvrons, par ce projet de loi, la coopération sous tous ses
angles au Québec. Dans le passé, cela prenait un groupe beaucoup
plus nombreux de travailleurs qui s'unissaient pour faire produire leurs
économies. Avec ce projet de loi, quelques travailleurs peuvent se
grouper et rendre productives les économies qu'ils ont faites dans les
années de labeur qu'ils ont subies avant d'ouvrir cette
coopérative. Je suis très heureux que le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme apporte cette loi 85 parce que ça ouvre la
porte à tous ceux qui veulent se grouper pour faire fructifier leurs
économies. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci. C'est aussi sans réserve que j'appuierai
ce projet de loi 85. Je le fais d'autant plus facilement que j'avais
été sensibilisée à cette question des
coopératives de commerce ayant le Comité provincial des
coopératives de production du Québec dans le comté de
Maisonneuve.
J'ai eu, à quelques reprises, l'occasion de rencontrer les
dirigeants du Comité provincial des coopératives de production de
même que des représentants du Centre de gestion des
coopératives, qui se trouve logé aux Hautes Études
commerciales, à l'Université de Montréal. Avec eux,
j'avais eu l'occasion d'examiner la particularité qui, maintenant, va
être inscrite dans notre législation, celle d'une
coopérative de commerce, dans ce sens où nous avons connu et
où nous connaissons bien au Québec, pour en être ou avoir
été presque tous membres, soit d'une coopérative
d'épargne qu'on appelle communément les caisses populaires, soit
de coopératives agricoles. Si nous ne l'avons pas été
nous-mêmes, nous savons combien elles ont rendu des services dans la
société québécoise.
C'est encore le domaine des coopératives de consommation, et le
secteur des coopératives, où j'ai oeuvré,
particulièrement dans le domaine des coopératives de
consommation, ayant été pendant plusieurs années
administratrice de Cooprix à Montréal et ayant travaillé
de très près aussi pendant des années avec les Comptoirs
alimentaires, qui sont de petites coopératives de consommation dans le
Québec. Je sais combien de services ces coopératives ont pu
rendre aux consommateurs québécois, particulièrement en
termes de protection des consommateurs, puisque les objectifs poursuivis par
ces coopératives de consommation sont essentiellement des objectifs non
pas de profits, mais de protection; ce sont donc des personnes qui viennent
dans ce magasin pour obtenir des biens sans être harcelées par un
marketing ou une publicité qui maintenant sont de plus en plus connus
malgré que ce ne soit pas tellement visible.
Par exemple, je fais référence à ces bouts de
ligne. On ne sait pas habituellement que, dans les bouts de ligne, lorsqu'on
présente des marchandises, ce ne sont pas nécessairement des
marchandises qui sont en vente, mais qui attirent plutôt le regard, et on
sait très bien que les coopératives de consommation ont
joué un rôle majeur et jouent toujours un rôle majeur en
termes de protection des consommateurs. Je reviens à cette nouvelle
réalité que sera celle des coopératives de commerce. Vous
savez, il s'est tenu un sommet économique au Québec sur la
coopération en 1980. C'est à cette occasion que le Comité
provincial des
coopératives de production a pu faire valoir son point de vue sur
la nécessité d'ajuster ici au Québec, comme c'est le cas
dans des lois de l'ensemble des pays occidentaux... Que l'on pense à
l'Italie, à la France, à l'Angleterre, aux États-Unis, il
y a, dans ces pays, des lois qui permettent les coopératives de
commerce, donc des coopératives où les travailleurs qui en sont
les propriétaires s'organisent pour créer leurs propres emplois
et pour dispenser des biens et des services et donc pour faire le commerce avec
la population. Il y aura d'ailleurs un très important colloque
international sur les coopératives des travailleurs qui se tiendra
à Montréal cet été, du 26 au 30 août. Ce
colloque aura l'occasion de réunir des représentants de
délégations de pays tels que l'Angleterre, les États-Unis,
la France, l'Italie. Je pense qu'à l'occasion de ce colloque
international, nous pourrons plus prendre conscience au Québec de
l'importance dans l'avenir immédiat de ces coopératives de
commerce.
Il y aura également... Je pense que toute la population sera
invitée à visiter une exposition commerciale qui se tiendra
à la Place Desjardins durant justement la tenue de ce colloque
international, donc à la fin du mois d'août, où seront
présentés les produits et les technologies réalisés
par des coopératives de travailleurs. Je me rappelle -il y a plusieurs
années, presque douze ans de cela - avoir participé avec des
concitoyens québécois d'un peu toutes les régions du
Québec à un stage. C'était une délégation
qui s'était rendue en France pour examiner de plus près cette
question des coopératives ouvrières de production. C'est encore
récent au Québec. C'est encore à l'état de
gestation, malgré qu'il y ait justement ces regroupements qui permettent
de plus en plus l'accès à cette forme de gestion collective
qu'est la coopérative de commerce. Je sais, par exemple, que des cours
se donnent au cégep de Rosemont, actuellement, à Montréal.
Des cours sont donc offerts aux personnes désireuses soit d'envisager de
créer ces coopératives de commerce, soit de transformer leur
entreprise ou de la racheter à la suite de sa fermeture. Jusqu'à
maintenant les employés n'avaient pas la possibilité de racheter
collectivement l'entreprise qui devait fermer ses portes. Dorénavant,
avec cette nouvelle loi, ce sera possible. En plus, ils auront à leur
disposition des outils de gestion tant au niveau des cégeps qu'au niveau
universitaire, puisque l'Université de Montréal offre ces cours
aux personnes désireuses d'acquérir une formation pour justement
administrer ces coopératives.
Vous savez, M. le Président, il y a une réalité
québécoise qui va certainement grandement
bénéficier de cette nouvelle loi. Si on pense, par exemple, qu'en
1981, sur 10 000 entreprises manufacturières, il y en avait 3100 qui
comptaient moins de quatre employés et il y en avait 5200 qui avaient
moins de neuf employés. Sur l'ensemble des 500 000 entreprises que
compte le Québec à peu près, il y en a plus de 80 000 qui
ont moins de neuf employés. C'est donc ce type d'entreprises qui
seraient susceptibles d'être transformées en coopératives
si tant est que c'est la volonté des gens du milieu. Ajoutons à
cela que plus de 40% des entreprises qui ont pu bénéficier d'une
subvention de programmes gouvernementaux - je pense à PECEC, le
programme expérimental de création d'emplois communautaires -
avaient cinq employés ou moins. C'est donc pour ajuster la loi à
la réalité que nous avons présenté ce projet de
loi. Cela avait déjà été fait dans les pays
industrialisés, dans les pays occidentaux. Par exemple, en France,
l'ancienne Loi sur les coopératives a été modifiée
de façon que le nombre minimal de coopérateurs requis pour fonder
la coopérative passe de sept à quatre. En Italie, il y a
présentement un projet de loi justement pour diminuer à trois le
nombre minimal requis qui était jusqu'à maintenant de neuf. Donc,
dans la plupart des pays occidentaux, des lois sont ajustées afin
d'être plus conformes à la cette nouvelle réalité
des coopératives de travailleurs. (21 heures)
Vous savez, M. le Président, dans le contexte du
développement technologique tel qu'on le connaît
présentement, il reste que le défi qui va se présenter
dans les années à venir sera essentiellement de créer son
propre emploi. La technologie va permettre de produire des biens et des
services de plus en plus nombreux avec moins de travailleurs. C'est à
peu près l'équivalent de ce qu'on a connu avec la
révolution industrielle il y a 100 ans lorsque la machine a
remplacé l'artisan. Maintenant, on sait très bien que les bandes
perforées remplacent les machinistes ou les travailleurs. Il va falloir
de plus en plus penser en termes d'amélioration de la qualité de
la vie, en termes de rapports, de relations avec la population dans le cadre de
toutes petites entreprises qui seront sans doute florissantes dans la mesure
où elles recevront l'appui gouvernemental et social qu'elles
méritent.
C'est donc dire que ce projet de loi vient reconnaître cette
réalité nouvelle qui s'est développée et qui va
certainement trouver un nouveau souffle qui est celui des coopératives
ouvrières de production. Vous savez que jusqu'à maintenant,
c'était un peu dédaigneusement qu'on regardait ces
coopératives de production comme si faire commerce n'était pas
tout à fait légitime pour une coopérative. Il demeure que
les coopératives de consommation vont être les seules à
pouvoir se faire réserver le nom de Coop et Cooprix. Ces
coopératives de commerce vont pouvoir également, sur nos
artères commerciales, dans nos centres-villes offrir à la
population un nouveau type de rapports qui va assurer une permanence.
Je pense que, pour tous ceux et celles qui jusqu'à maintenant ont
souhaité ce projet de loi, je dois remercier le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme d'avoir fait diligence. Je sais que cela sera
très bien reçu dans les milieux coopératifs.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, vous avez le droit de
réplique.
M. Rodrigue Biron (réplique)
M. Biron: M. le Président, je serai relativement bref dans
mon droit de réplique puisque la plupart des intervenants se sont
déclarés d'accord avec le principe, quitte à revoir
certaines modalités d'application. Je pense qu'à peu près
tout le monde, incluant le député de Laporte, a dit que
c'était sain, que c'était bon que nous puissions vivre
l'expérience de coopératives de commerce, de travailleurs, dans
d'autres domaines que les entreprises de production. Je vous rappelle que ce
n'est pas d'aujourd'hui que le système coopératif essaie de se
développer au Québec; cela existe depuis déjà une
centaine d'années. Cela a vraiment pris son essor au début du
siècle avec les caisses populaires. Mon ami et collègue, le
député de Papineau, m'a remis tout à l'heure une brochure
intitulée "Les coopératives: la solution" qui est imprimée
par Les éditions du Parti québécois et qui rappelle que le
Parti québécois déclarait en 1971 que la formule
coopérative était, avec l'intervention accrue du gouvernement, la
clé de voûte du nouveau système économique que le
Parti québécois proposait d'instaurer dans un Québec
indépendant.
Les gens du mouvement coopératif qui ont participé
à un colloque sur le développement des coopératives,
colloque organisé par le Parti québécois en 1971, disaient
aussi que les coopératives existaient dans le secteur financier, dans le
secteur agricole mais les gens se plaignaient que les coopératives
n'existaient pas assez dans les secteurs secondaire et tertiaire. Ce n'est pas
d'aujourd'hui qu'on voit une certaine préoccupation de ce
côté-là. On n'a peut-être pas pu arriver à
développer davantage le système des coopératives mais si
on veut retourner un peu en arrière, on s'aperçoit que les
coopératives se sont développées lors de crises
économiques. On a forcé des gens, à cause de la crise
économique, à essayer de se sortir du trou, de se sortir du
marasme ensemble. La formule des coopératives est excellente dans ce
sens-là. La formule des coopératives ouvrières de
production ou des coopératives ouvrières de commerce qu'on va
connaître, dorénavant, sous le nom de coopératives de
travailleurs, je pense que c'est une excellente formule.
Je peux assurer à l'avance les députés des deux
côtés de la Chambre, les députés du Parti
québécois et les députés du Parti libéral,
que je suis très réceptif aux suggestions positives qui feront en
sorte d'améliorer encore le projet de loi qu'on a devant nous. Je pense
bien, d'ailleurs, que le Conseil de la coopération du Québec a
lui-même prouvé toute sa bonne foi dans ce domaine, car au
départ, avec des documents de travail qui datent d'au-delà de six
mois... Bien sûr, on a travaillé avec ces documents. Bien
sûr, il y a eu des échanges entre les gens du Conseil de la
coopération du Québec et les gens du ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme vis-à-vis des
améliorations à apporter aux documents de travail. Il ne faut pas
se surprendre que les premières lettres du Conseil de la
coopération du Québec disaient: II faut améliorer les
choses. Finalement, on en est venu avec eux à un consensus sur la
meilleure méthode possible pour développer des
coopératives de travailleurs et je pense que là-dessus, tout le
monde des deux côtés de la Chambre, est à peu près
unanime à développer ce genre de coopérative de
travailleurs, pourvu qu'on le fasse d'une façon ordonnée et d'une
façon qui respecte aussi les individus, les citoyens et les citoyennes
de même que les entreprises dans le système existant.
M. le Président, c'est avec toute l'ouverture d'esprit
nécessaire que nous irons en commission parlementaire pour
écouter les différents intervenants du Parti
québécois de même que ceux du Parti libéral et pour
essayer d'améliorer, si possible, le projet de loi qui a
été grandement amélioré, encore une fois,
grâce à la coopération et à l'aide qui ont
été données par le Conseil de la coopération du
Québec.
Je suis fier et heureux de terminer la discussion en deuxième
lecture sur ce projet de loi et de souhaiter bonne chance à tous les
hommes et toutes les femmes du Québec qui voudront profiter de la
formule de coopérative de travailleurs pour se développer et
s'émanciper et faire en sorte, finalement, qu'ils puissent
contrôler un peu mieux leur destinée à la fois
économique et politique.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Le principe du projet de
loi 85, Loi modifiant la Loi sur les coopératives, est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. Gratton: Sur division.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté
sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Blouin: M. le Président, je propose donc que nous
déférions ce projet de loi à la commission parlementaire
de l'économie et du travail qui procédera à son
étude détaillée, cette commission étant
présidée, bien sûr, par un président de
séance.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, devant cette efficacité
législative face aux projets de loi économiques du gouvernement,
je propose donc que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10
heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Ajournement
de nos travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 8)