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(Dix heures quatre minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants. Veuillez vous asseoir.
M. Marx: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: Oui, M. le député de d'Arcy
McGee.
M. Marx: M. le Président, avez-vous reçu un avis du
ministre de la Justice disant qu'il donnerait réponse à la
question que j'ai...
Le Président: Je ne tolérerai pas de rappel au
règlement de ce genre parce que toute séance pourrait commencer
par une kyrielle de rappels au règlement. Si je reçois un avis
d'un ministre, M. le député, n'ayez crainte, j'en ferai part
à la Chambre.
Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration
ministérielle ni de présentation de projet de loi. Aux
dépôts de documents, M. le leader du gouvernement, au nom de M. le
ministre des Affaires culturelles.
Avis du Conseil consultatif de la
lecture et du livre concernant
l'agrément des libraires, des
distributeurs et des éditeurs
M. Bédard: M. le Président, au nom du ministre des
Affaires culturelles, je voudrais déposer un avis du Conseil consultatif
de la lecture et du livre concernant le projet de règlement modifiant le
règlement sur l'agrément des libraires et un avis du Conseil
consultatif de la lecture et du livre concernant les projets de
règlement modifiant les règlements sur l'agrément des
distributeurs, des éditeurs et des libraires.
Le Président: Documents déposés. Au
dépôt des rapports de commission, M. le Président de la
commission du budget et de l'administration.
Étude de la politique budgétaire du
gouvernement
M. Lachance: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé le 5 juin 1984 afin de procéder à
l'étude de la politique budgétaire du gouvernement dans le cadre
du débat sur le discours sur le budget.
Le Président: Rapport déposé. Il n'y a pas
de pétition. Cela nous mène à la période de
questions des députés. M. le député de Laporte.
Questions et réponses orales
M. Bourbeau: M. le Président, j'aurais une question
à poser au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Est-ce
qu'on peut nous dire si le ministre sera présent en Chambre ce
matin?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: Oui. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme devrait normalement être ici pour la période de
questions.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Merci. J'ai une question pour le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Est-ce qu'il sera
présent à la période de questions?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: Je viens d'avoir une information disant que le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sera
peut-être en retard d'une dizaine de minutes au plus.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
L'affaire Sonamar-Desgagnés
M. Ciaccia: Ma question s'adresse au ministre des Transports.
Hier, j'ai porté à l'attention du ministre que le gouvernement
avait fait un appel d'offres pour le transport dans le Grand-Nord. La
société Navigation Sonamar dans laquelle le gouvernement
détient 25% d'intérêts et qui regroupe la presque
totalité des transporteurs maritimes du Québec a
soumissionné. Cependant, un des actionnaires de Sonamar qui
détient 44% des actions et à qui on a confié
l'administration, la gestion de Sonamar a préparé les deux
soumissions: une plus élevée de Sonamar et sa propre soumission
plus basse pour obtenir le contrat. Le ministre semble avoir accepté
cet état de choses.
Comment le ministre peut-il accepter que l'administrateur d'une
compagnie, soit la compagnie Navigation Sonamar ait faussé le jeu des
soumissions publiques en ayant gonflé de 30% la soumission du groupe
Sonamar dans laquelle le gouvernement détient 25% des actions pour
favoriser indûment sa propre soumission, la soumission du groupe
Desgagnés?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: Je n'ai pas dit que j'acceptais cet
état de choses tel qu'il était. J'ai dit que nous avions
accepté la plus basse des soumissions qui avaient été
présentées, en l'occurrence, par le groupe Desgagnés, ce
qui est très différent de ce que le député vient de
dire. Je dirais aussi, pour rétablir une autre chose qui est parue dans
un article de journal de ce matin, que Sonamar n'est pas criblée de
dettes au moment où on se parle. Au contraire, il y a 500 000 $ d'actifs
nets dans Sonamar à l'heure actuelle et les dettes, comme telles,
comptes à payer, etc., tournent autour de 20 000 $ seulement. C'est loin
d'être une situation où Sonamar serait criblée de
dettes.
Une autre chose: Le gouvernement a tenté, au cours des mois et
des années qui ont précédé, mais surtout au cours
des mois qui ont précédé, de regrouper les
différents caboteurs de Sonamar. Devant la constatation que ce
n'était pas possible d'y arriver avant d'octroyer le contrat, nous
sommes allés en appel d'offres, ce qui laissait la chance à tout
le monde de soumissionner, tant Sonamar que ceux qui étaient
actionnaires de Sonamar, les autres caboteurs en particulier. Chacun l'a fait -
à ce qu'on raconte aussi dans l'article, cela a été
mentionné, d'ailleurs, - sur sa propre base et Sonamar l'aurait fait,
d'après ce qu'on m'a dit, sur la base de la soumission de l'an dernier
plus un certain pourcentage pour tenir compte de l'inflation. Ce qui a
laissé libres les partenaires de soumissionner à leur guise.
C'est ce qui s'est passé.
Maintenant, on se retrouve devant une situation où,
effectivement, l'administration de Sonamar était confiée depuis
quelques mois à M. Desgagnés, du groupe Desgagnés, qui a
fait cette soumission, qui a fait effectivement deux soumissions, une comme
groupe Desgagnés et l'autre comme représentant de Sonamar. Je
pense qu'il y a des discussions qui doivent se tenir au sein du conseil de
Sonamar devant cette situation et qu'il y a des correctifs à y apporter,
mais cela repose toute la question de l'existence même de Sonamar.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Comment le ministre peut-il affirmer qu'en faussant
le jeu des soumissions, parce que c'est ce qui est arrivé... Les autres
actionnaires se fiaient sur le fait que la soumission préparée
par le groupe Desgagnés serait préparée pour Sonamar. Ils
ne savaient pas qu'il en ferait une plus basse pour lui-même et qu'il
lèverait un peu plus haut la soumission de Sonamar. Comment le ministre
peut-il affirmer qu'en faussant le jeu des soumissions, Yvan Desgagnés,
du groupe Desgagnés, a fait économiser de l'argent aux
contribuables québécois et comment, en laissant fausser le jeu
des soumissions, le ministre protège-t-il les 25% d'actions du
gouvernement et des contribuables?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: II semble bien, M. le Président, que
l'esprit dans lequel j'ai... Ce que j'en ai dit, c'est que les contribuables ou
les consommateurs n'ont pas été pénalisés par le
fait que nous ayons accepté la plus basse des soumissions. Nous avons
accepté la plus basse des soumissions. Donc, c'est quand même par
rapport aux autres qui ont soumissionné, en fait, le groupe Logistec. Le
groupe Desgagnés, par rapport à tout cela, a fait la plus basse
soumission, que nous avons acceptée. Par conséquent, à ce
moment-là, je pense que, pour le gouvernement, il prend le plus bas
prix; il accepte la soumission de celui qui a fait la plus basse des offres. Je
pense que, là-dessus, on doit admettre que le contribuable, comme le
gouvernement, n'a pas été pénalisé, en
l'occurrence.
M. Ciaccia: M. le Président, non, non...
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: ...il va falloir qu'on clarifie quelque chose ici.
Comment le ministre peut-il affirmer qu'il a accepté la plus basse
soumission en théorie quand celui qui a préparé les deux
soumissions en a préparé une beaucoup plus haute pour faire
accepter sa propre soumission et comment le ministre peut-il nous garantir que
si le jeu n'avait pas été faussé, les autres actionnaires
n'auraient pas pu soumissionner à un prix beaucoup plus bas que le prix
d'Yvon Desgagnés? Comment savez-vous cela, vous?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, tous les autres
pouvaient soumissionner. C'est
d'ailleurs cela. À la minute où nous allions en appel
d'offres, Sonamar pouvait soumissionner comme telle et chacun des actionnaires
de Sonamar pouvait aussi soumissionner. D'ailleurs, c'est ce que le groupe
Desgagnés a fait. C'est ce que le groupe Logistec a fait et c'est ce que
d'autres auraient pu faire aussi, s'ils l'avaient voulu. Je pense qu'on se
retrouve finalement dans une situation où nous avons eu à choisir
et à décider d'accorder la soumission à celui qui avait
fait l'offre la plus basse.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Comment allez-vous justifier cela devant les autres
actionnaires qui comptaient là-dessus? Est-ce que vous êtes au
courant que les autres actionnaires se fiaient à l'administrateur?
L'administrateur était le groupe Desgagnés. Les autres
actionnaires ont cru que cet administrateur faisait la soumission au nom de
Sonamar. Donc, ils n'ont pas fait de soumission parce qu'ils comptaient sur la
responsabilité de ce dernier. Comment pouvez-vous affirmer, aujourd'hui,
que c'est la plus basse soumission quand les autres actionnaires, contrairement
à ce que vous dites, n'ont pas eu la possibilité de
soumissionner? Ils se sont fiés à l'administrateur pour
soumissionner pour eux.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, à la minute
où nous ne procédions pas par négociation pour accorder le
contrat de transport dans le Grand-Nord, cet été, et, à la
minute où nous avons décidé d'aller en appel d'offres, il
devenait clair pour tout le monde que chacun pouvait soumissionner. Compte tenu
de la situation, c'est ce que chacun devait faire. Donc, chacun avait la
possibilité de le faire. Cet appel d'offres était public. Tout le
monde l'a su très rapidement. Ainsi, ceux qui étaient
intéressés l'ont fait.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Une courte question complémentaire. Est-ce que
le ministre est en train de nous dire qu'à l'avenir, il va tout
simplement laisser M. Desgagnés préparer les soumissions de tout
le monde simplement en disant: On demande des soumissions et on va prendre la
plus basse. Est-ce ce qu'il va faire à l'avenir?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: Quand il y a un appel d'offres public, je
pense que tout le monde peut soumissionner ou doit soumissionner, s'il est
intéressé. En ce qui concerne la situation interne de Sonamar, de
ceux qui doivent en assumer ou en assurer l'administration, je pense qu'il y a
des discussions qui devront se poursuivre pour savoir comment Sonamar doit
être administrée, si elle continue à fonctionner.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Dernière question additionnelle. Puisque M.
Yvan Desgagnés avait discuté avec vous, le 25 avril, du prix
possible d'une soumission de Navigation Sonamar, comment expliquez-vous...
Depuis quand un ministre discute-t-il les montants des soumissions avant
même d'aller en appel d'offres?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: M. le Président, je n'ai pas
discuté des montants des soumissions avec M. Desgagnés avant. Il
y a eu une rencontre avec les gens de Sonamar et c'est à ce moment que
nous avons dit: nous allons aller en appel d'offres s'il n'y a pas regroupement
à l'intérieur de Sonamar.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Si vous n'en avez pas discuté, je vous
suggérerais de consulter l'affidavit signé par M.
Desgagnés où il affirme qu'il a eu effectivement une
réunion avec vous. Dans sa déclaration, il affirme avoir
discuté de ce prix. Je vous suggère donc de prendre connaissance
des documents signés par M. Desgagnés sous serment.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: II y a eu une rencontre pour discuter de toute
la situation de Sonamar par rapport au contrat dans le Nord. Nous avons
discuté de la situation parce qu'il était urgent qu'on en arrive
à cet appel d'offres. Il était clair, au cours de cette
réunion, qu'il y aurait appel d'offres et donc que tout le monde devait,
pouvait à ce moment-là soumissionner. S'il n'y avait pas de
regroupement, la seule autre possibilité était un appel d'offres
et c'est ce qui s'est passé.
On ne peut pas dire qu'on a discuté des prix à ce
moment-là parce que s'il n'y avait pas de regroupement, on devait aller
en appel d'offres. Je pense que c'est cela, la situation qui a
été évoquée.
Le Président: M. le député de Laporte.
La situation de M. Pierre Allard
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. La nuit portant
conseil, le ministre a certainement eu le temps de réfléchir sur
les agissements passés de M. Pierre Allard, ex-président de
l'Association péquiste de Lotbinière et organisateur politique du
ministre, nommé par ce dernier à la Société des
alcools du Québec, en charge du projet visant à transformer les
succursales en coopératives.
Compte tenu des très graves irrégularités
constatées dans le rapport d'inspection et de vérification de la
Confédération des caisses populaires Desjardins du Québec
à l'égard de la Caisse populaire de Manseau, comté de
Lotbinière, et des activités illégales attribuées
à M. Pierre Allard, ex-président-directeur général
de la coopérative de Manseau, tel que du "kiting" ou des jeux de
chèques, tel que des chèques à l'ordre de la
coopérative déposés dans le compte personnel de M. Allard
et tel que s'être approvisionné en numéraire ou en argent
liquide en effectuant des dépôts considérés comme
fictifs, le ministre peut-il donner à cette Chambre l'assurance que des
mesures immédiates seront prises pour que M. Allard soit suspendu de ses
fonctions à la Société des alcools du Québec et ce,
dans le meilleur intérêt des contribuables du Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je regrette les quelques
minutes de retard au début de la période de questions,
j'étais en discussion avec le président de la
Société des alcools du Québec qui m'a appelé
lui-même ce matin pour m'informer qu'il venait de recevoir une lettre de
M. Allard. Ce dernier invoque dans sa lettre la démagogie du
débat actuel dans le cas des coopératives de travailleurs et le
fait qu'à cause de cette démagogie, le débat risque de
nuire aux coopératives auxquelles il a consacré les dix
dernières années de sa vie. M. Allard dit également dans
sa lettre qu'il n'a jamais profité personnellement d'aucune somme
d'argent venant de la Coopérative de travailleurs de Manseau et il
demande au président de la Société des alcools
d'être relevé de ses fonctions à compter de maintenant.
Personnellement, je regrette que l'Opposition se serve de son
immunité parlementaire pour faire des campagnes de salissage, faisant en
sorte de détruire des objectifs valables et qui pourraient aider les
citoyens du Québec à mieux réussir dans leur vie.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, le rapport d'inspection et
de vérification de la Confédération des caisses populaires
Desjardins du 30 janvier 1984 affirme que l'analyse complète des
prêts... Le ministre est-il au courant que, dans le rapport, on dit que
la Caisse populaire de Manseau perdra au moins 60 000 $ à cause des
agissements dont j'ai parlé tout à l'heure? Le ministre peut-il
nous dire si les nombreuses subventions versées à la
coopérative de Manseau, soit par le ministère de l'Agriculture,
soit par l'intermédiaire des programmes gouvernementaux, tels que PECEC,
OSE et autres programmes, subventions totalisant plusieurs centaines de
milliers de dollars, ont été précédées des
vérifications d'usage quant à la compétence et à la
probité des administrateurs de la coopérative et, plus
spécialement, de celles de M. Pierre Allard? Le ministre est-il
prêt à instituer une enquête afin de déterminer si la
faillite virtuelle de la coopérative est reliée directement ou
indirectement aux pratiques financières de M. Pierre Allard, son
ex-président-directeur général? (10 h 20)
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je n'ai pas l'habitude de faire
des enquêtes sur toutes les entreprises en faillite, parce que, si
c'était le cas, j'en ferais une, j'en ferais même deux sur des
entreprises en faillite qui appartenaient à la famille de votre chef.
Ces deux entreprises ont reçu des subventions majeures de la part du
gouvernement du Québec. Dans ce cas, lorsqu'on donne des subventions, il
y a des analyses, des études qui sont faites par chacun des
ministères sectoriels qui donnent des subventions. En l'occurrence,
lorsque le ministère de l'Agriculture a accordé des subventions
à la coopérative de Manseau, il a dû faire les
enquêtes nécessaires de même que pour le programme PECEC
où la direction des coopératives a aidé dans ce sens. Mais
chaque fois, il y a des études faites par les fonctionnaires des
ministères et c'est sur la base de ces études que la
décision est prise.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme faisait-il allusion aux malversations
financières de M. Pierre Allard, ex-président-directeur
général de la coopérative de Manseau, lorsqu'il disait en
cette Chambre: "C'est possible d'être indépendant
économiquement avant d'être indépendant politiquement, et
je pense qu'on va montrer aux travailleurs le chemin avec certaines
expériences pratiques dans tout le Québec." Fin de la
citation. C'était l'expérience pratique dont M. Allard
était précisément le concepteur en chef à la
Société des alcools du Québec.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, encore une fois, je pense que
le député de Laporte veut détruire des objectifs valables
pour les citoyens du Québec dans ce sens-là. Si vous regardez les
plus pures des entreprises privées qui font faillite, qui ont fait
faillite à cause de la crise économique - de temps à autre
aussi, certaines formes de coopératives vont avoir des
difficultés financières - je pense qu'il faut aussi juger,
à cause de la crise économique, certaines expériences
malheureuses qui peuvent arriver soit au niveau des coopératives, soit
au niveau des entreprises privées. M. Allard, dans la lettre au
président de la Société des alcools, dont je n'ai pas
copie - le président m'en a fait état au téléphone
- disait que, personnellement, il n'avait jamais profité des sommes
d'argent qui étaient destinées à la Coopérative des
travailleurs de Manseau.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, compte tenu des agissements
du ministre dans le dossier Biron et Frères, où le ministre avait
favorisé scandaleusement les intérêts financiers de son
propre frère en renversant...
Des voix: Hé! Hé!
M. Bourbeau: ...les décisions de ses fonctionnaires, et
compte tenu des agissements du ministre dans l'affaire Pierre Allard, où
le ministre a fait preuve d'un patronage éhonté au
détriment de l'intérêt public, le ministre peut-il donner
à cette Chambre l'assurance qu'il n'a pas recommandé ou fait
nommer à des fonctions officielles d'autres personnages impliqués
dans des manipulations financières du genre de celles qui sont
reprochées à M. Pierre Allard par le rapport des inspecteurs de
la caisse populaire?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, le député de
Laporte fait allusion à des discussions qu'on a eues en cette Chambre il
y a un an et demi alors qu'à la demande de députés de
l'Opposition, je suis intervenu pour aider des entreprises dans des
comtés de l'Opposition. Le député de Laporte
lui-même m'a demandé d'intervenir dans certains cas d'entreprises
de son comté. Il le sait lui-même et, chaque fois, j'ai
jugé sur la base du dossier, sur la qualité du dossier et non pas
sur les gens qui voulaient intervenir pour ou contre certains dossiers. Dans ce
sens-là, j'ai toujours objectivement décidé sur le fond du
dossier, sur la qualité du dossier. Quant à M. Allard, il a
été engagé par la Société des alcools et non
pas par le ministère ou le gouvernement. Il a été
engagé par la Société des alcools pour organiser certains
projets pilotes dans le domaine des coopératives de travailleurs, et le
ministère et le ministre n'ont rien eu à voir dans la
décision de la Société des alcools dans ce
sens-là.
Le Président: M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais poser une
dernière question additionnelle au ministre de la justice. Compte tenu
des sommes d'argent importantes sollicitées et obtenues de nombreux
citoyens de Manseau et de la région lors de la formation de la
coopérative de Manseau, qui sont maintenant condamnés à
perdre leur investissement, et à la suite du rapport d'inspection de la
Fédération des caisses populaires à l'effet qu'il y a eu
de graves anomalies et des opérations illégales, dont j'ai
parlé tout à l'heure, le ministre de la Justice entend-il
instituer dès maintenant une enquête judiciaire sur les
tractations financières de M. Pierre Allard,
ex-président-directeur général de la coopérative,
même si ce dernier est un organisateur politique du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et ex-président de l'Association
péquiste de Lotbinière?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous me permettrez un
commentaire en réponse au préambule du député. De
toute évidence, la personne dont il s'agit ici n'a même pas eu
droit à son procès, elle a été condamnée par
les propos du député.
Deuxièmement, si le député de Laporte croit qu'il
est en possession de documents de nature à engendrer une enquête
judiciaire ou des poursuites criminelles et des condamnations qui seraient
autres que les condamnations verbales qu'il fait devant cette Assemblée
en se servant de son immunité parlementaire, il est du devoir du
député de Laporte de transmettre les documents au
ministère de la Justice.
Des voix: Bravo!
M. Bourbeau: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Dernière question complé-
mentaire, M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, le ministre de la Justice
est-il prêt à reconnaître, d'une part, que le
député de Laporte...
Des voix: C'est faux! C'est faux! Le Président: À
l'ordre! À l'ordre!
M. Bourbeau: ...n'a cité qu'un document que je m'engage
à faire parvenir, aujourd'hui même, au ministre de la Justice?
D'autre part, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est-il
prêt à nous dire si M. Pierre Allard a démissionné
en partie à cause de son dossier sur les coopératives ou
totalement à cause de son dossier sur la Société des
alcools du Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: Si j'ai bien compris la lettre que m'a lue le
président de la Société des alcools, ce matin, M. Allard
demandait d'être relevé de ses fonctions à la
Société des alcools du Québec pour ne pas nuire au
développement du projet des coopératives pour lequel il a
donné toute sa vie.
Des voix: Bravo!
M. Bourbeau: Le relever de ses...
Le Président: Non, non.
M. Bourbeau: Une précision, M. le Président.
Le Président: J'ai bien indiqué que c'était
la dernière question complémentaire. Il y a eu beaucoup de
questions. Votre collègue de Maskinongé souhaite poser une
question depuis tantôt. Question principale, M. le député
de Maskinongé.
Le zonage agricole aux Îles-de-
la-Madeleine
M. Picotte: M. le Président, dernièrement, M.
Robert Bourassa, accompagné du chef de l'Opposition et du
député de Saguenay, se rendait visiter les gens des
Îles-de-la-Madeleine dans le but de discuter de certains problèmes
qui ont lieu présentement là-bas. Ma question s'adresse au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Certaines
personnes s'inquiètent. La Commission de protection du territoire
agricole du Québec veut zoner agricole 50% du territoire des
Îles-de-la-Madeleine. Le ministre de l'Agriculture entend-il respecter ou
remettre directement en cause la recommandation de la Commis- sion de
protection du territoire agricole du Québec à l'effet de
déterminer zone agricole 50% du territoire des
Îles-de-la-Madeleine?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, aux Îles-de-la-Madeleine,
il y a eu des ententes avec la moitié des municipalités
concernant la protection du territoire agricole. Dans l'autre moitié, il
semble ne pas y avoir d'entente. C'est évident, pour tous ceux qui
connaissent un peu les Îles-de-la-Madeleine, qu'elles présentent
un caractère particulier. La Commission de protection du territoire
agricole a présentement rendu une décision que je n'ai pas encore
acheminée au Conseil des ministres parce qu'avant de l'acheminer, il
faut faire véritablement le tour de la question pour voir si je ferai
une recommandation favorable ou non, parce qu'on est vraiment dans une
situation particulière aux Îles-de-la-Madeleine. Tous ceux qui
connaissent le territoire l'admettront facilement. C'est là
l'étape où on est rendu actuellement.
Il n'est pas impossible aussi qu'après avoir étudié
tout le dossier je demande à nouveau à la commission si elle ne
doit pas encore rencontrer les gens des Îles-de-la-Madeleine - tout est
ouvert actuellement -parce qu'il s'agit vraiment d'un caractère
particulier aux Îles-de-la-Madeleine. Au cours des années, le
territoire ayant été remis par succession aux familles, des
terres se sont morcelées de succession en succession ab intestat.
Ce qui est arrivé aujourd'hui c'est qu'on a beaucoup plus un
lotissement de l'ensemble des Îles-de-la-Madeleine par succession qu'un
territoire qui est structuré. C'est un territoire
déstructuré. Il faut regarder cette problématique
particulière des Îles-de-la-Madeleine.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Vu que la MRC de ce coin ne veut pas accepter les 50%
de zonage tel que préconisé par la Commission de protection du
territoire agricole et que ceux-là ont fait parvenir au ministre cette
décision qu'ils ont prise à la MRC, est-ce que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pourrait me dire quels
sont les autres intervenants dans ce dossier que la Commission de protection du
territoire agricole a entendus pour tenir mordicus à zoner 50% de ce
territoire?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Je pense que le député de
Maskinongé est simpliste comme d'habitude. Ce n'est pas si simple
que cela. Ce n'est pas 50% du territoire. Un des points importants aux
Îles-de-la-Madeleine c'est que les gens... Je demanderais au
député de Berthier de prendre ses nerfs tranquilles et
d'écouter ce que je vais lui dire. M. le Président, je dirais
qu'une des principales demandes, par exemple, aux Îles-de-la-Madeleine
qui, je pense n'est pas meilleure aux Îles-de-la-Madeleine qu'ailleurs
dans le territoire québécois, c'est de bâtir le long
d'à peu près toutes les routes des Îles-de-la-Madeleine.
À ce moment, les routes des Îles-de-la-Madeleine vont devenir des
rues, avec ce que cela représente au point de vue danger sur le plan de
la circulation. Normalement, on bâtit des agglomérations urbaines
et les routes sont des routes pour desservir des agglomérations. Une des
principales demandes c'est de pouvoir bâtir le long de toutes les routes.
On a retrouvé les mêmes demandes à peu près dans
toutes les municipalités qui n'acceptent pas la protection des terres
agricoles. (10 h 30)
Est-ce que nos routes doivent devenir des rues dans tout le territoire
du Québec ou des Îles-de-la-Madeleine? C'est une question
importante qu'il faut se poser. C'est là-dessus actuellement, entre
autres, qu'on se pose des questions.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président; M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, le ministre est en train de
me dire que ce n'est pas 50%. Quelle est la recommandation de la Commission de
protection du territoire agricole? Si ce n'est pas 50%, quel pourcentage du
territoire des Îles-de-la-Madeleine suggère-t-on?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, je dis que le problème
fondamental n'est pas que ce soit 50%, 40% ou 45%. C'est que là-dedans
il y a des modalités, des façons de zoner ou non. Une des
principales revendications des municipalités... Évidemment il y
en a qui ne voudraient avoir aucune zone agricole aux
Îles-de-la-Madeleine. C'est une possibilité aussi. Cela veut dire:
Est-ce que le Québec va continuer à dire qu'on va supporter toute
l'alimentation qui va venir aux Îles-de-la-Madeleine en donnant des
subventions sur le transport et en disant qu'on va tenir pour acquis
qu'à l'avenir toutes les pommes de terre seront importées, alors
que les Îles-de-la-Madeleine sont situées dans un territoire
très près de l'Île-du-Prince-Édouard, qui est un
important producteur de pommes de terre, qui a de bons sols pour les pommes de
terre? Est-ce que les pommes de terre doivent être importées? Tout
ce qui permet de manger aux Îles-de-la-Madeleine, est-ce qu'on va dire:
Dézonons tout cela, à l'avenir, tout ce qui est mangé aux
Îles-de-la-Madeleine, à part le poisson, doit être
importé? Je pense que c'est une question plus importante qu'on ne le
dit et il faut regarder vraiment la question en se disant: Est-ce que les
Îles-de-la-Madeleine ne doivent pas subvenir davantage à leur
alimentation pour, en le faisant, contribuer à fournir du travail? On a
différents types de projets agro-alimentaires aux
Îles-de-la-Madeleine qui ne sont pas faciles parce que c'est un
territoire qui a été déstructuré au cours des
années. Dans le temps des libéraux, en particulier, on
considérait l'agriculture comme une activité folklorique.
Aujourd'hui, c'est devenu une activité économique et on
pense qu'on devrait faire de l'agriculture aux Îles-de-la-Madeleine et
c'est tout cela qui entre dans la problématique de la protection des
terres agricoles aux Îles-de-la-Madeleine et le développement
économique par l'agriculture également.
Une voix: M. le Président...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): J'aimerais poser une question
additionnelle au ministre. Étant donné que je suis informé
que dans le cas de quatre des sept municipalités, c'est beaucoup plus
que 50% qui sont prévus, est-ce que le ministre est au courant de cela?
Est-ce qu'il est au courant que la MRC et les maires concernés sont
extrêmement inquiets vis-à-vis des intentions de la Commission de
protection du territoire agricole car les cartes qui nous ont été
présentées indiquent qu'il y a beaucoup plus que 50% pour ces
quatre municipalités? À quel moment le ministre a-t-il
l'intention de rendre sa décision? N'est-il pas vrai qu'en attendant
qu'il rende sa décision, ceux qui sont intéressés dans
l'agriculture présentement voient leurs avantages suspendus justement
parce que cette situation n'est pas réglée.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Je suis content que le député de
Bonaventure vienne dire que le pourcentage n'est pas exactement... Il confirme
ce que je disais que le député de Maskinongé était
dans les pommes de terre
quand il parlait de 50%. Ce n'est pas cela le problème. Dans
certaines municipalités, il n'y a pas de zones agricoles. Il y a des
municipalités.... M. le Président, pouvez-vous demander au
député de Berthier d'aller voir un neurologue, s'il vous
plaît?
Je dis tout simplement qu'il y a plusieurs municipalités aux
Îles-de-la-Madeleine. Il y a des municipalités qui n'ont pas de
zone agricole, d'autres ont une petite zone agricole, d'autres ont une zone
agricole plus importante. Il y en a eu avec les municipalités
anglophones. On s'est entendu. Il y a une entente pour avoir une zone agricole
très importante.
Il y a un secteur, actuellement, où il n'y a pas d'entente et
cela ne porte pas seulement sur le fait de zoner tel et tel pourcentage, mais
aussi sur la façon dont on ferait le zonage. En particulier, je vous
disais le long des chemins. Ce n'est pas le seul problème, mais c'est un
des gros problèmes.
C'est évident qu'en attendant qu'il y ait une zone agricole...
Dans une zone non agricole les subventions du ministère ne s'appliquent
pas. C'est comme cela depuis 1978. Il n'y a rien de nouveau là-dedans.
On n'apprendra rien à personne. Toutes les municipalités le
savent. Que voulez-vous? Là, il faut faire des choix. On ne peut pas
avoir son gâteau et le manger en même temps. C'est cela qu'on est
en train de déterminer avec les gens et les gens veulent qu'on fasse le
maximum de consultation avant de prendre une décision définitive.
C'est ce qu'on fait actuellement. Vous avez passé la journée
d'hier à faire des discours et à dire qu'on ne consultait pas
assez. Aujourd'hui, vous voudriez qu'on ne consulte pas. Branchez-vous une fois
pour toutes.
Le Président: Complémentaire? Une voix:
Principale.
Le Président: Question principale. M. le
député de Saint-Hyacinthe s'était levé avant
vous.
La nouvelle réglementation sur la protection du
territoire agricole
M. Dupré: Merci, M. le Président, ma question
s'adressera au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Justement dans la même foulée, la protection du
territoire agricole a fait depuis fort longtemps l'objet de lois dans
différents pays du monde. Que ce soit par une approche fiscale ou encore
par une approche planificative, de nombreuses provinces, l'Ontario, le Manitoba
et quelques autres, un bon nombre d'États américains -cela date
de 1925, ce n'est pas d'hier - ainsi que plusieurs pays d'Europe, dont la
France et la Belgique, sont intervenus bien avant le Québec dans ce
domaine.
Des voix: ...
M. Dupré: Je comprends, parce qu'en 1978, M. le
député de Maskinongé en tête, vous aviez voté
contre cette loi. Maintenant qu'il est le porte-parole officiel de
l'Opposition...
Le Président: M. le député!
M. Dupré: ...lui et son chef, qui est hors les murs
présentement...
Le Président: M. le député, vous
étiez en train de poser une question et de faire le préambule.
Puis-je vous inviter à vous en tenir à votre préambule et
à éviter toute remarque de ce genre?
M. Dupré: M. le Président, l'article 76 me permet
tout de même un court préambule.
Le Président: Je dis très exactement: Tenez-vous-en
à votre préambule et laissez faire les arguments de ce
type-là.
M. Dupré: Merci, M. le Président. Attendue depuis
des dizaines d'années, la Loi sur la protection du territoire agricole a
mis fin à l'hémorragie des terres agricoles au profit de la
spéculation foncière et du développement anarchique des
municipalités. Force nous est de conclure ce matin que la Loi sur la
protection du territoire agricole est le pivot de l'agriculture au
Québec. Certainement, monsieur. Cependant, à l'usage, et compte
tenu de l'expérience de la commission, je voudrais savoir à quel
moment le ministre a l'intention de rendre publique la nouvelle
réglementation pour alléger certaines procédures entre les
municipalités, certains ministères et certains offices, dont les
corporations municipales, et la protection du territoire agricole, dans un
premier temps?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture. (10 h
40)
M. Garon: M. le Président, au lieu de rire du
député de Saint-Hyacinthe, vous devriez l'écouter
davantage, parce que, lui, il est au courant. Je vous ferai remarquer que s'il
y a une question à point, c'est bien celle-là, parce que c'est
aujourd'hui la publication de ce nouveau règlement dans la Gazette
officielle...
Des voix: Ah! Bravo!
M. Garon: M. le Président, je vous dirai que si le
député de Maskinongé veut
améliorer sa moyenne au bâton, il vaut mieux qu'il imite le
député de Saint-Hyacinthe. Il va le suivre beaucoup mieux...
Des voix: ...
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture...
M. Garon: ...et il devrait lui demander comment il fait le suivi
de ses dossiers.
Le Président: Puis-je vous rappeler l'article 79 du
règlement qui se lit: "La réponse à une question doit
être brève, se limiter au point qu'elle touche et ne contenir ni
expression d'opinion ni argumentation." C'est vrai pour la question, c'est
pourquoi j'ai rappelé le député de Saint-Hyacinthe
à l'ordre. C'est également vrai pour la réponse. C'est la
deuxième réponse que vous donnez. Le moins que l'on puisse dire,
c'est que votre réponse contient à la fois une expression
d'opinion et une argumentation, mais elle ne se limite pas au point qu'elle
touche. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, je suis d'accord avec vous,
mais il y a aussi un article du règlement qui dit que l'Opposition doit
être tranquille quand on répond aux questions. Tranquillité
que je n'ai pas. Je dois dire qu'il y a eu une révision de tout le
règlement d'application de la loi afin de simplifier ce règlement
et de le rendre plus facile de compréhension, si c'est possible. Je vous
dis que c'est un règlement qui était déjà assez
simple, mais on a amélioré certaines choses. Entre autres, pour
l'élargissement des routes, par exemple, qui sont dans une emprise de 20
mètres, c'est-à-dire 65 pieds, à toutes fins utiles, les
gens qui élargiront les routes en fonction d'un chemin
déjà existant, jusqu'à 65 pieds ou 20 mètres,
auront des dépôts de documents à faire auprès de la
commission sans être obligés de demander des autorisations. La
commission vérifiera si c'est fait régulièrement.
S'il y a également des services municipaux qui sont inclus dans
cette emprise de 65 pieds, il sera aussi possible de la faire sans autorisation
de la commission. Finalement, cela veut dire qu'un certain nombre de demandes
seront simplifiées. À l'usage, on revoit la réglementation
pour simplifier des procédures, là où c'est possible. Au
lieu d'ouvrir toutes les portes au printemps, comme celles d'une grange, afin
de laisser sortir tous les veaux, la queue raide, un peu partout dans le champ,
on a décidé de les faire sortir un par un. En même temps,
on a un meilleur contrôle et on peut ajuster régulièrement
notre procédure pour avoir une administration contrôlée et
efficace...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Garon: ...de la protection du territoire agricole. Il y aura,
au cours des prochains mois, parce que je suis en train de faire une
révision de tout l'ensemble des procédures avec les
députés du Parti québécois de même qu'avec
les commissaires, sur le plan administratif, de même que pour les
remarques que les députés entendent dans leur comté, pour
améliorer encore, éventuellement, autant que possible, les
différents points de la loi qui peuvent être
améliorés, après avoir connu presque six ans
d'application...
Le Président: M. le ministre...
M. Garon: ...à part différents points de
réglementation pour que cette réforme...
Le Président: En question complémentaire, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Merci, M. le Président. Une courte
question additionnelle. Je voudrais demander au ministre ce qu'il adviendra des
causes qui sont présentement pendantes devant le tribunal administratif
et la commission?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: À partir d'aujourd'hui, c'est la nouvelle
réglementation qui s'applique. Donc, les municipalités, qui ont
des demandes devant la commission, peuvent tout simplement, en vertu du nouveau
règlement, faire leur déclaration à la commission et
procéder à partir d'aujourd'hui, en vertu du nouveau
règlement.
Le Président: Question principale, M. le
député de Richmond.
Autres congédiements dans l'industrie de
l'amiante
M. Vallières: M. le Président, ma question
s'adresse au premier ministre. Le premier ministre est sûrement
informé de l'annonce faite par Johns-Manville Canada, producteur
d'amiante au Québec, d'un nouveau congédiement de quelque 220
employés, le 1er septembre prochain. Les effectifs de cette entreprise
sont passés de 2700, en 1980, à 970, aujourd'hui.
Le premier ministre déclarait, en 1981, lors d'une rencontre avec
les autorités municipales de la ville d'Asbestos, que cette
ville aurait sa part du gâteau au niveau de la transformation de
l'amiante. Compte tenu de ses engagements, le premier ministre peut-il informer
cette Chambre et la population de la région d'Asbestos des
résultats concrets qui ont entouré sa diarrhée verbale
préélectorale à Asbestos? À quoi faisait allusion
le premier ministre en parlant de la part d'Asbestos? De sa part de
chômage? De sa part de création d'emplois? De quelle part
parliez-vous, à ce moment-là?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: Nous suivons ce dossier. Nous sommes au courant, bien
sûr, des avis et des échanges qui ont eu lieu entre les hauts
fonctionnaires de mon ministère et de mon cabinet et la direction de
Johns-Manville à Asbestos. Je me permettrai peut-être de rappeler
au député que le marché international de l'amiante s'est
très nettement détérioré en 1984 par rapport
à 1983.
M. Vallières: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Un rappel au règlement, M. le
ministre. M. le député de Richmond.
M. Vallières: J'aimerais, M. le Président, que vous
nous éclairiez. J'ai adressé ma question au premier ministre sur
des déclarations qu'il a lui-même faites. Je veux qu'il commente
ses déclarations et non pas son ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Le Président: II est de tradition que le gouvernement peut
répondre soit par la voix du chef du gouvernement soit par la voix d'un
membre du gouvernement. C'est la prérogative du gouvernement. M. le
ministre de l'Energie et des Ressources.
M. Duhaime: Je disais que le marché international de
l'amiante, qui était de 826 000 tonnes pour notre part de livraison sur
le marché mondial, l'ensemble de l'industrie québécoise, a
diminué à 734 000 tonnes en 1983. Nous avions prévu,
à l'automne 1983, une stabilité des ventes pour l'ensemble de
l'industrie québécoise, mais il y a eu de nouveau une chute qu'on
évalue à peu près à 15%.
Je dirais, tant chez Johns-Manville que chez Carey que chez Bell
qu'à la société Asbestos, on fait l'impossible pour
maintenir le maximum de travailleurs en emploi tout en sauvegardant la
santé économique de chacune de ces entreprises. Du moins, je
parle pour celles qui sont sous le contrôle de la Société
nationale de l'amiante.
Pendant que de ce côté-ci, après avoir
constaté une détresse sur le marché international, nous
faisons des efforts pour maintenir nos emplois au maximum, j'arrive mal
à m'expliquer que les activités de la mine de Baie-Verte, qui
produit de la fibre d'amiante blanche à l'aide d'une subvention de 13
800 000 $ du gouvernement fédéral, ait mis en production une
vingtaine de mille tonnes et ait soumissionné à des prix de
dumping pour couper un contrat à la société Asbestos qui
fait perdre dix semaines en emploi.
M. Vallières: Question de règlement, à
nouveau.
Le Président: Un rappel au règlement, M. le
ministre. M. le député de Richmond sur un rappel au
règlement.
M. Vallières: Vous avez fait appel au règlement
tantôt auprès du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation pour qu'il réponde aux questions. Le ministre ne
répond pas actuellement à la question que j'ai posée; il
est en train de noyer le poisson. J'ai posé une question très
précise: Quels ont été les résultats concrets des
engagements politiques que vous avez pris vis-à-vis les travailleurs
d'Asbestos? Je pose déjà ma question additionnelle, M. le
Président, parce que le ministre, je pense, a déjà pris
suffisamment de temps. Compte tenu...
Le Président: Chaque chose en son temps. Commençons
par le rappel au règlement et on verra pour les complémentaires
ensuite. M. le ministre, j'en suis convaincu, concluait sa réponse au
moment où vous vous êtes levé.
Une voix: Vous êtes très optimiste.
M. Duhaime: J'ai eu une rencontre, la semaine dernière,
avec des travailleurs de l'amiante et on était tous un peu perplexes et
désespérés devant cette situation. Au cas où le
député de Richmond l'aurait oublié, la mine de Baie-Verte
est située à Terre-Neuve. Ces subventions fédérales
qui ont été versées... L'entreprise Baie-Verte est
administrée par des hauts fonctionnaires fédéraux qui
coupent les prix sur le marché des Indes, en particulier...
Le Président: M. le ministre.
M. Duhaime: ...et qui ont fait perdre exactement dix semaines de
travail à 450 travailleurs de la région de l'amiante.
Une voix: C'est la faute du fédéral.
Le Président: M. le ministre.
En complémentaire, M. le député de
Richmond.
M. Vallières: Le ministre du Commerce extérieur du
Québec ayant déclaré en septembre 1982 à Asbestos
qu'il s'engageait à compenser la ville d'Asbestos pour les
piètres retombées qu'elle a obtenues en vertu de la politique de
l'amiante du gouvernement du Québec, et le chef du gouvernement, de
passage à Asbestos à la veille des élections, ayant
déclaré que son gouvernement s'occuperait plus et mieux des
intérêts des électeurs du comté de Richmond si on
lui déléguait un député péquiste, est-ce que
le premier ministre peut m'indiquer s'il a l'intention de continuer ce chantage
ou d'y mettre fin ou encore de pénaliser jusqu'à la
défaite de son gouvernement les électeurs du comté de
Richmond?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources. (10 h 50)
M. Duhaime: Ce que le député de Richmond
déplore aujourd'hui comme une mauvaise situation économique dans
le secteur de l'amiante, je pense que c'est un fait, tout le monde va le
reconnaître. Mais j'ajouterai cependant que vous devriez vous demander
qui a retardé d'au mois trois ans l'intervention du gouvernement du
Québec dans la formation de la Société nationale de
l'amiante en faisant des "filibusters" de fous ici à l'Assemblée
nationale. Vous avez, durant des mois et des années,
dénigré systématiquement le dossier de l'amiante, presque
chaque jour, dans les journaux et à la télévision. Il y a
eu des répercussions partout sur le marché international et
aujourd'hui, vous venez brailler et verser des larmes de crocodile.
Des voix: Bravo!
Le Président: La période de questions est
terminée.
M. Grégoire: M. le Président, question...
Le Président: La période de questions est
terminée, M. le député.
M. Grégoire: Ce n'est tout de même pas moi qui ai
abusé du temps depuis un an.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: Aux motions sans préavis...
Je pense là-dessus, M. le député, que, pour une
fois, tout le monde peut être d'accord avec vous.
M. le premier ministre, aux motions sans préavis.
Admiration et reconnaissance à ceux qui ont
combattu dans les armées alliées
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, comme
chacun le sait, c'est aujourd'hui le 40e anniversaire du débarquement en
Normandie. Je crois qu'il est approprié d'inviter l'Assemblée
nationale à s'associer de loin aux célébrations qui
évoquent un peu partout - je devrais dire qui évoquaient puisque,
avec le décalage horaire, beaucoup de ces célébrations se
sont déjà déroulées, notamment en France, sur le
site même de l'événement - qui évoquaient, dis-je,
ce moment capital de l'histoire contemporaine afin que nous puissions
témoigner à nouveau de notre vive reconnaissance envers ceux qui
se sont battus le 6 juin 1944 et aussi pendant toute la durée de la
deuxième guerre mondiale pour défendre nos libertés
démocratiques.
Si on y consent, je ferai une motion dans quelques instants...
Le Président: Y a-t-il consentement? Des voix:
Oui.
Le Président: II y a consentement.
M. Lévesque (Taillon): ...parce que, je pense que tout le
monde admettra que cette date du 6 juin retient à juste titre notre
attention encore aujourd'hui, 40 ans après, parce qu'elle a
été vraiment le point tournant, à l'Ouest en tout cas, de
la deuxième guerre.
À la fin de cette journée qui avait commencé dans
une incertitude poignante, un peu comme si le temps était suspendu, on
peut dire que les nations alliées pour la défense de la
démocratie contre le totalitarisme savaient ce soir-là que la
victoire était désormais une quasi-certitude, à condition
de maintenir la volonté de vaincre, avec, hélas, aussi toutes les
pertes qui allaient encore s'accumuler pendant des mois.
Les 160 000 soldats qui étaient mobilisés dans
l'opération avaient réussi pendant cette journée à
prendre pied sur le flanc nord de ce qu'on appelait la forteresse Europe,
édifiée sur le sol de pays occupés, dans des pays
où des millions d'hommes et de femmes devaient supporter, depuis
plusieurs années dans certains cas, le poids d'un régime qui
niait toute liberté, toute dignité humaine, qui se livrait
à de véritables hécatombes parmi les populations civiles
et qui foulait aux pieds, en un mot, toutes les valeurs fondamentales d'une
société civilisée.
À la fin de cette journée du 6 juin, les
démocraties alliées avaient réussi à sonner le glas
du rêve d'hégémonie de l'empire hitlérien et
étaient désormais en mesure
d'amorcer la libération des peuples captifs. Il faut avoir vu
cette libération pour comprendre à quel point elle était
devenue non seulement urgente, mais vraiment une question de vie ou de mort
pour les gens des pays occupés.
Pendant ce jour qu'on a appelé le jour le plus long et ensuite,
jusqu'à la victoire finale, des milliers d'hommes sont morts. Pour la
plupart, ils étaient jeunes, pleins d'énergie, pleins de
l'idéal de leur âge, pleins de projets d'avenir aussi pour
eux-mêmes et pour les leurs. Ils sont morts parce que la guerre choisit
fatalement la masse de ses victimes chez les jeunes. Ils sont morts pour que la
liberté, pour que nos institutions démocratiques, qui tentent le
mieux possible - ou, en tout cas, le moins mal possible -d'inscrire cette
liberté dans la réalité de tous les jours, puissent
continuer à vivre et à s'épanouir.
Nous, de cette Assemblée nationale, comme les gens de tous les
Parlements élus du monde, devons notre existence aujourd'hui à ce
lourd sacrifice consenti il y a une génération et demie. Les
champs de bataille d'Europe étaient vraiment bel et bien devenus les
nôtres. D'autant plus qu'on y retrouvait depuis le début une foule
de Québécois qui avaient volontairement choisi de mener, eux
aussi, le combat qui s'imposait à toute leur génération.
Ce combat, ils l'ont mené très souvent et, on pourrait dire plus
souvent qu'à leur tour, avec acharnement et avec héroïsme.
Comment, par exemple, ne pas se rappeler le premier débarquement
à Dieppe en 1942 où ils étaient déjà si
nombreux et, hélas, sans le savoir, servaient de cobayes pour les
futures opérations, ce projet pilote, si l'on veut, sanglant de Dieppe
d'où un grand nombre ne devaient pas revenir?
Le Québec doit se souvenir de ses fils qui se sont portés
à la défense de nos libertés démocratiques à
un moment où des sociétés entières parmi les plus
proches de la nôtre étaient directement menacées ou
temporairement asservies.
J'invite donc aujourd'hui, qui est un jour du souvenir
particulièrement important dans l'histoire contemporaine, tous nos
collègues de l'Assemblée nationale à s'unir pour redire
ensemble notre reconnaissance et notre admiration aux Québécois
qui ont combattu dans les armées alliées pendant la Seconde
Guerre mondiale, en étant assurés de nous exprimer au nom de tous
nos concitoyens et toutes nos concitoyennes.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je m'empresse,
au nom de ma formation politique, de m'associer à la motion
présentée par l'honorable premier ministre et je voudrais
exprimer immédiatement nos propres sentiments d'admiration et de
reconnaissance envers tous ces Québécois et ces Canadiens qui ont
été à la défense de nos libertés
fondamentales, de nos libertés démocratiques.
Je n'ai pas eu l'occasion de faire la guerre - j'étais assez
jeune dans le temps -mais sans vouloir dire que mon collègue de
Saint-Louis est plus âgé, je sais que c'est le seul
vétéran élu ici en cette Assemblée. Comme il m'a
exprimé le voeu de participer au débat sur cette motion, je
demanderai au député de Saint-Louis de parler au nom de notre
formation politique. Je sais que le premier ministre lui-même avait des
souvenirs personnels de ces moments-là et je m'associe,
évidemment, aux sentiments qu'il a très bien exprimés.
Alors, M. le Président...
Le Président: M. le député de
Saint-Louis.
M. Harry
Blank
M. Blank: M. le Président, je veux me joindre au premier
ministre dans la présentation de sa motion. Lui, comme moi, on est
peut-être personnellement au courant de ce qui s'est passé en
Europe, lui comme journaliste et moi comme soldat, mais je ne veux pas que la
population du Québec et du Canada oublie la part des Canadiens et des
Québécois dans ce débarquement.
Des 160 000 soldats que le premier ministre a mentionnés, plus de
16 000, plus de 10% étaient des Canadiens. Dans la première vague
d'embarquement, il y avait la 8e brigade de la 3e division qui, je pense,
à cette époque, était un portrait du Canada. Il y avait un
régiment de Toronto à 100% anglophone, le Queen's Own Rifle, de
Toronto. De Québec, on avait le régiment de la Chaudière,
de la Beauce, presque à 100% francophone, le régiment que des
Anglais appelaient "The Buckets". À côté, c'était le
régiment de North Shore, New Brunswick; mon régiment. Ce
régiment était composé de 50% d'Acadiens francophones et
de 50% d'Acadiens anglophones. Cela veut dire qu'on avait un portrait du Canada
lors de l'embarquement de ce jour-là. Le jour a été
triste. On a perdu 1000 hommes; il y a eu 700 blessés et 300 morts
à la fin de cette longue journée, le jour "J".
Ce sont des gens comme le premier ministre et moi-même qui,
peut-être, sommes les plus grands pacifistes au monde. Nous avons vu la
guerre. Nous ne voulons pas la guerre. Nous sommes chanceux car, depuis cette
date, c'est peut-être la période la plus longue de notre histoire
où on n'a pas eu de guerre mondiale. Il y a eu des petites
guerres, des "brushfire wars", mais on n'a pas eu de vrai conflit. On a
peut-être eu notre leçon et j'espère que ce sera une
leçon pour l'avenir. (11 heures)
Le Président: La motion de M. le premier ministre est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: M. le ministre de la Science et de la
Technologie.
Appui à la demande d'un moratoire sur
la délivrance de nouvelles licences
pour produits pharmaceutiques
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: Oui, M. le Président. J'aimerais
présenter une motion concernant l'industrie pharmaceutique du
Québec qui est formulée comme ceci: "Que cette Assemblée
exprime son appui aux intervenants québécois du secteur de la
recherche et de l'industrie pharmaceutique, le COPEM, l'Office d'expansion de
la Communauté urbaine de Montréal, la Faculté de pharmacie
de l'Université de Montréal, l'Ordre des chimistes, la
Fédération des médecins omnipraticiens et la
Fédération des médecins spécialistes qui, en accord
avec le gouvernement du Québec, demandent au gouvernement
fédéral l'établissement d'un moratoire sur
l'émission de nouvelles licences jusqu'à ce que le gouvernement
fédéral ait décidé des amendements à la Loi
canadienne sur les brevets.
Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion
de cette motion? Il y a consentement. M. le ministre de la Science et de la
Techonologie.
M. Paquette: M. le Président, cette solidarité des
agents économiques et des organisations scientifiques ou
professionnelles de la région de Montréal et du Québec
n'est pas nouvelle, mais elle est extrêmement importante pour notre
avenir économique et technologique. En effet, l'industrie pharmaceutique
du Québec, malgré les départs récents attribuables
à la Loi fédérale sur les brevets constitue la
troisième de nos industries de pointe en termes de volume de recherche.
50% de l'industrie canadienne est située au Québec. La presque
totalité de l'industrie innovatrice, de l'industrie qui fait de la
recherche est concentrée dans la région de Montréal.
Depuis l'été 1982, après un certain nombre
d'années d'application de la Loi canadienne sur les brevets qui permet -
je pense que c'est important de le souligner -contrairement à ce qui se
passe dans tous les autres pays du monde, à n'importe quelle entreprise
d'imiter un médicament sans avoir investi dans la recherche, d'imiter un
médicament produit par une entreprise qui a payé pour la
recherche sans son consentement, il n'y a pas beaucoup d'auteurs ou de
chercheurs qui accepteraient ce genre de loi qui existe pourtant ici au Canada
depuis 1969.
En 1982, cette loi a amené le départ de la plus grande
entreprise pharmaceutique établie au Canada dans la région de
Montréal, l'entreprise Ayerst. Nous avons mis sur pied un groupe de
travail en concertation avec les divers intervenants, d'une part, pour garder
au Québec ses chercheurs et, d'autre part, pour obtenir du gouvernement
fédéral que l'on modifie cette Loi sur les brevets qui
était en train de détruire l'industrie pharmaceutique,
innovatrice, dans la région de Montréal.
À la suite de cette prise de position que j'avais le plaisir de
présenter au nom du gouvernement du Québec, en février
1983, nous avons eu cette réaction qui était assez
caractéristique de la réaction générale du milieu.
Dans un journal qui n'est généralement pas favorable au
gouvernement, je veux parler du journal The Gazette, on disait: Together with
his federal counterpart, Donald Johnston, Mr. Paquette is trying to save 130
jobs which will otherwise be lost when Ayerst Laboratories move their research
facilities from Saint-Laurent to Princetown, at the end of the year. On
décrivait le plan de sauvetage des entreprises Ayerst qui devait
être une entreprise partagée entre le gouvernement du
Québec et le gouvernement fédéral. Plus loin, le
même éditorial disait: The federal law forcing drug developers to
grant manufacturers' licenses to other firms, thus denying them patent
protection on drugs they have developed, has helped to drive many jobs out of
Canada. That rule should, as Mr. Paquette says, be changed. En somme, M. le
Président, cet éditorial disait: Cette loi est bien responsable
de la perte d'emplois parce qu'elle ne protège pas la recherche
originale au Canada et cette loi, comme le souligne le gouvernement du
Québec, doit être changée.
Sur le premier plan, sur cette entreprise de récupération
conjointe des chercheurs d'Ayerst, le gouvernement du Québec a fait sa
part puisque 85 d'entre eux à peu près, plus de la moitié
des chercheurs, travaillent maintenant pour Bio-Méga, filiale de la
Société générale de financement qui s'est
engagée dans le développement d'activités pharmaceutiques.
Ils travaillent actuellement dans la recherche. Nous avons
préservé plus de la moitié des emplois du Québec.
Je dois vous dire que le gouvernement fédéral n'a pas encore fait
sa part puisque aucun des chercheurs qui devaient être engagés
dans l'Institut de biotechnologie à Montréal ne l'a
été jusqu'à maintenant.
M. le Président, là on en arrive à ce qui
était demandé en échange au gouvernement
fédéral, la modification de la Loi sur les brevets. Après
de multiples assurances de la part des divers responsables au niveau
fédéral, assurances sur lesquelles nous nous sommes fondés
pour créer cette nouvelle entreprise au sein de Bio-Méga et pour
investir 25 000 000 $ au cours des cinq prochaines années dans la
création d'une nouvelle entreprise regroupant les chercheurs d'Ayerst,
ces assurances ont été niées et niées de multiples
façons. Je pense qu'il est important ici de commenter ce fait.
À la suite de l'intervention que nous avions faite et que les
divers intervenants ont faite, le gouvernement fédéral s'est dit
prêt à modifer les dispositions de la loi. Le 10 juin 1983, le
premier ministre du Québec recevait une lettre de M. André
Ouellet, laquelle commençait comme ceci: "Le gouvernement
fédéral a décidé de modifier les dispositions de la
Loi sur les brevets portant sur l'octroi de licenses obligatoires pour
l'importation de produits pharmaceutiques." Et il lançait une
consultation à laquelle nous avons participé comme des centaines
d'intervenants dans tout le Canada.
Huit mois plus tard, le 7 janvier 1984, un nouveau ministre responsable
du dossier, Mme Judy Érola, prévoyait soumettre avant la fin de
janvier à ses collègues du cabinet Trudeau les modifications
qu'elle désire apporter à la Loi sur les brevets. Dans une
lettre, quelques jours plus tard, je lui rappelais la position du Québec
indiquant que nous devions modifier cette Loi sur les brevets, tout en assurant
la protection des consommateurs et en assurant le réinvestissement dans
l'économie du Québec et dans l'économie canadienne des
profits générés par les entreprises sous forme
d'investissements dans la recherche-développement ou dans la fabrication
au Canada et au Québec.
À la suite de ces assurances qui nous ont amenés à
investir et à créer de nouvelles entreprises, à la suite
de ces assurances que la loi allait être changée, quelle a
été la réponse du gouvernement fédéral
finalement? Le 18 avril, quelques semaines plus tard, on annonçait la
création d'une commission d'étude formée d'une seule
personne de l'Université de Toronto, cette commission, la Commission
Eastman, devant faire son rapport à la fin de l'année, donc
après les élections fédérales.
M. le Président, je pense que les gens du comité de
promotion économique de Montréal, les gens des chambres de
commerce de Montréal, se sentent à bon droit trahis, puisqu'en
décembre 1983 ils avaient l'assurance du Conseil des
députés libéraux fédéraux que la loi allait
être changée et que maintenant on arrive avec une commission
d'enquête qui reporte les choses après les élections. Je
vous rappelle que cela signifie que le caucus libéral
fédéral a perdu la bataille contre les intérêts de
l'Ontario. L'industrie imitatrice est concentrée en Ontario; l'industrie
innovatrice est concentrée dans la région de Montréal et
toute modification de la Loi sur les brevets favorise le développement
industriel du Québec. (11 h 10)
On a choisi de faire une commission d'enquête qui reporte le
problème après les élections. À la suite de la
création de cette commission d'enquête, M. Frédéric
Wagnière, dans la Presse, commentait cette décision du
gouvernement fédéral de noyer le poisson. D'ailleurs,
c'était le titre de l'éditorial: "Noyer le poisson avant les
élections." Je cite quelques extraits très rapidement. "Beaucoup
de pays sont aux prises avec le problème du prix des médicaments.
Au Canada il est devenu une querelle entre Montréal et Toronto.
Montréal est le centre de l'industrie pharmaceutique innovatrice au
Canada et Toronto, le centre de l'industrie imitatrice, née d'un
assouplissement de la Loi sur les brevets en 1969."
L'éditorial mentionne que l'industrie s'est engagée
à mettre sur pied, conformément à la position du
gouvernement du Québec, un mécanisme de surveillance des prix
pour protéger les consommateurs. L'éditorial se termine ainsi:
"L'enjeu pour Montréal n'est pas seulement économique. Si
Montréal perd la recherche pharmacologique, c'est le Canada qui perd une
partie de sa vie intellectuelle et scientifique. Quant à Toronto, son
enjeu est purement économique. On comprend l'indignation de M. Paquette
devant les tergiversations trop évidentes d'Ottawa en période
préélectorale. L'industrie pharmaceutique de Toronto a tout
à gagner si une commission d'enquête repousse aux calendes
grecques une décision définitive au sujet de la Loi sur les
brevets. Pour l'industrie pharmaceutique de Montréal, en revanche,
chaque jour qui passe avec la loi actuelle lui fait perdre du terrain par
rapport à ses véritables concurrents à Paris, à
Bâle et ailleurs." L'effet des tergiversations fédérales,
on l'a aujourd'hui: depuis un an, 80 requêtes des entreprises
imitatrices, des entreprises génériques ontariennes en un an. Je
vous signale que depuis quinze ans d'application de la Loi sur les brevets, il
y en avait eu environ 300. Depuis un an, quatre fois plus de requêtes
qu'habituellement.
Ce qui est en train de se passer, c'est que les entreprises imitatrices
de l'Ontario lèvent tous les brevets qu'elles peuvent, même si
elles n'ont pas l'intention de les utiliser de façon que quand les
modifications de la loi seront apportées, elles auront en poche des
brevets pour lesquels elles n'auront pas payé en ce qui concerne la
recherche et qu'elles pourraient utiliser pour produire du
développement économique dans la région de Toronto.
On comprend l'indignation des divers intervenants qui, lundi, demandent au
gouvernement fédéral un moratoire sur l'émission de tout
nouveau brevet à des entreprises imitatrices de la région de
Toronto. S'il est si difficile, après les assurances données pour
le gouvernement fédéral, de prendre une décision favorable
au Québec à la veille des élections, puisqu'il faut une
commission d'enquête au gouvernement fédéral pour passer le
cap des élections après des consultations qui ont duré
pendant un an, puisque le fédéral reconnaît qu'il doit
faire sa part pour corriger les effets désastreux de cette Loi sur les
brevets concernant le départ d'Ayerst, puisque le gouvernement
fédéral a dit qu'il veut maintenir et développer la
recherche au Canada, on jugera de ses bonnes intentions par cette
décision qu'il peut prendre dès maintenant en attendant le
rapport de sa commission d'enquête de bloquer l'attribution de tout
nouveau brevet sur de la recherche développée au Québec
à des entreprises de Toronto pour le développement
économique de Toronto.
Je pense que nous devons faire preuve de solidarité au
Québec. J'attends de l'Opposition cette solidarité qu'elle a
exprimée récemment en commission parlementaire. Cette
solidarité également avec tous les intervenants du Québec
de façon que le gouvernement fédéral prenne ses
responsabilités, décrète ce moratoire et protège
l'industrie pharmaceutique du Québec. Merci.
Le Président: Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci. Au nom de ma formation politique, c'est
avec plaisir que je m'associe à la motion du ministre qui demande au
gouvernement fédéral l'établissement d'un moratoire sur
l'émission de nouvelles licences jusqu'à ce que le gouvernement
fédéral ait décidé d'apporter des amendements
à la Loi canadienne sur les brevets. Nous appuyons la motion, M. le
Président, parce qu'il est urgent de mettre fin à la
dégradation de notre industrie pharmaceutique au Canada et je parle de
la situation lamentable du secteur innovateur de l'industrie. La motion vise la
Loi canadienne sur les brevets, qui permet à tout fabricant d'importer
des substances actives et de produire sous licence un médicament
sitôt qu'il est breveté par son inventeur à la condition
qu'il paie une redevance de seulement 4% du prix de vente aux inventeurs.
La loi restreint radicalement les bénéfices
éventuels qui pourraient justifier un investissement dans la recherche.
Par contre, les sociétés qui copient les médicaments
peuvent exploiter un riche filon puisqu'elles n'assument aucuns frais de
recherche, aucuns frais de mise au point et de l'établissement du
produit. L'Association canadienne de l'industrie des médicaments estime
que les compagnies innovatrices - cela veut dire celles qui font de la
recherche afin de produire de nouveaux médicaments - ont accusé
depuis 1969 un manque à gagner d'environ 600 000 000 $. Dans une
publication de l'association publiée en octobre 1983, l'association a
dit ceci: "L'incidence de chaque nouvelle licence obligatoire mesurée
par le manque à gagner de l'inventeur d'origine se manifeste
cumulativement d'une année à l'autre. Ces pertes ont une
ventilation très inégale et, ironiquement, les entreprises
innovatrices les plus gravement touchées sont celles qui ont le plus
investi dans l'économie canadienne en termes de recherche, de
développement, de fabrication, de promotion
pharmacothérapeu-tique et en information auprès des
professionnels de la santé. Ce sont surtout l'expansion de la recherche
et du développement, l'investissement physique -usines, matériel
- et les possibilités d'emploi de personnel scientifique et technique
qualifié qui en ont souffert. L'investissement dans la recherche
exprimé en pourcentage du chiffre d'affaires ou en termes d'expansion
annuelle depuis 1969 est tombé à moins de la moitié de son
niveau antérieur. Cette baisse est deux fois plus marquée que
dans les autres industries de recherche du Canada ainsi que dans l'industrie
pharmaceutique des autres pays occidentaux développés."
I think it is important to understand the very unique Patent Laws that
we have here in Canada because there is nowhere else in the world that treats
pharmaceutical inventions in the same way as we do here in Canada. Canada's
Patent Act provides seventeen years of patent protection as a right for all
inventions. However, Canada's patent legislation differs from that of the
Western World in that, in many respects, it treats Pharmaceuticals in a unique
manner, and I am reading just a few lines again from the same publication of
the Canadian Manufacturers Association of pharma-ceuticals. "The finished
pharmaceutical products can never be patented, neither can the active
ingredients in such products. In fact, only the process or chemical reaction
whereby the active ingredient is synthesized or produced can be patented.
Furthermore, Canada's Patent Legislation was amended in 1923 in a manner which
resulted in further differentiation in treatment between the pharmaceutical and
other industries. By virtue of this amendment, the Commissioner of patents is
authorized to issue compulsory licenses on pharmaceutical process patents
in
cases where the licensee intends to manufacture in Canada the active
ingredients of the pharmaceutical product. This provision is called "compulsory
licensing to manufacture". (11 h 20)
Some years later, in 1969 - and it is since 1969 that the negative
impact of these patent amendments has been particularly felt the Patent Act, as
it pertains to Pharmaceuticals, was again amended in a unique manner. Under the
impression that the prices of drugs in Canada were higher than they need be,
the Federal Government extended the compulsory licensing provision of the Act
to permit the issue of such licenses to import the active ingredients for
production of the finished dosage formed in Canada or simply to import the
finished product for sale in Canada. Application for compulsory license may be
made at any time after the patent has been filed and the Commissioner is
obliged to grant a compulsory license immediately upon receipt of an
application. This provision is outlined in Section 41.4 of the Patent Act. The
only compensation that the amendment gives to the patentee is payment of a
royalty fee, arbitrarily set at 4% of the licensee's selling price of the
product.
The compulsory licensing to import provision is unique to Canada, which
is the only country in the world currently using compulsory licenses as a
policy instrument. In the USA, the clear protection for pharmaceutical
invention is 17 years from the time of the grant of the application. In the
United Kingdom, it is 20 years. In West Germany, it is 20 years of clear
protection; no compulsory licensing of copying companies during that time. In
France, it is 20 years. In Switzerland, it is 20 years. In Belgium, it is 20
years. In Norway, 20 years, and so on.
The result of the Canadian Patent Law has been that the effective period
of patent protection is not at all 17 years, it is now effectively about 5
years: the time it takes for the generic or copying companies to produce and to
develop their own market. Approximately 300 licenses to copy have been issued
to this day. The generic companies are in a position to sell their products at
prices below the innovative companies, because they have none of the research
cost, none of the cost involved in carrying out the clinical studies required
to assure safety and effectiveness and none of the cost required to develop the
market for their product.
It is important to note that the drug companies tell us that it takes
between 50 000 000 $ and 100 000 000 $ and over 10 years to bring a product to
market, with all the research and development process. The result is that
research companies have simply stopped investing in research of new drugs and
they have, in fact, cut their research by half, since 1969. Since they cannot
afford the risk to do otherwise. They simply do not have enough time, under the
present Patent Law, to recoup their huge investment.
Now, this whole situation is particularly important for Québec
because, in 1976, 61% based on sales - of the Canadian pharmaceutical industry
was based in Montreal. In 1983, just 7 years later, Montreal's share of
national sales declined to approximately 36%. Some of the companies, which have
ceased research operations since the Federal law came into effect, include
Homer, Abbott, Pharma Research, Smith, Kline and French, Hoffmann-Laroche and,
of course, we are all familiar with Ayerst, who moved their whole research
operations to New Jersey. Since then, many of their research staff have been
relocated in Montreal, but that does not assure the future of that industry
because they are still going to be subjected and their inventions are still
going to be subjected to the Patent Law of Canada, which have a very negative
effect on the return of research investment.
Ayerst was particularly important because it represented 55% of the
scientific potential of Quebec pharmaceutical industry. Ayerst laboratory was
the largest research operation in Québec, exceeded only by Pratt &
Whitney and Spaar. Compulsory licensing is continuing to reduce the amount of
pharmaceutical research and development in Canada. Ontario's pharmaceutical
industry employ 7000 people and concentrates on over the counter drugs and
those which do not depend as much on research.
In Québec, we have an industry. If you add up the major
investments in research, we have 23 237 000 $ on research and development in
1981, and we employ 2739 people in Québec, 450 of them in research and
development.
The effect of the legislation, in terms of price savings, which was the
original aim of the Federal Governement, is questionable. Consumer savings have
not been large enough to offset the detrimental effects of the pharmaceutical
manufacturers who hold the product patents. The Canadian pharmaceutical
association calculated in 1980 the per capita cost of prescription drugs in
Canada was comparable to the figure in United States, where product patents are
issued and compulsory licensing does not exist. Our consumers have paid
slightly lower prices for drugs as a result of the compulsory licensing and
median reimbursement - I will mention that in a minute - because there is a
provincial law which also needs to be reexamined because it also has a negative
effect on the research investment return in the province.
Theses policies have resulted in a
decrease in investment, an increase in the number of unemployed
Canadians, a lower yield in corporate and personal taxes and, in addition, a
lost of stimulus for the economy. The effects of the law are intensifying as
technological breakthroughs loom in a whole wide spectrum of drugs, treatment
for heart ailments, hypertension, ulcers and so on. I think there is another
area, that is the new biotechnological area that we talk a lot about. We have
tremendous potential here, in Québec, in this field and we have many
fine researchers. This field also, although I am not quite sure whether it is
totally clarified in the law yet, but the conventional wisdom is that
biotechnological products are also going to be subject to the same patent
regulations as the pharmaceutical products.
This is very serious. I think the importance of this is - I would like
to remind the minister - that, because the biotechnologial industry is also
developing in Ontario, we have allies. It is not just a question of we have the
research in Pharmaceuticals and they have the generics. I think that we have
allies in the rest of Canada because many developments, very important
developments, recent developments in Ontario are also concerned by the Patent
Laws. So, I think that it is time we work together and just do not make this a
case of Ontario bashing or federal bashing. This is a joint problem and it has
to be solved jointly.
I would not go into the Québec legislation which involves the
substitution of generics by pharmacists and also the pricing, the reimbursement
of which is only the median price in Québec insurance for medication,
but I think this is also an area which the industry estimates has caused them
in one year, since the median pricing legislation came in in Québec in
1982, has caused approximately 7 500 000 $ lost, in addition to the other
losses because of the Canadian law - to the Québec based research
companies. So, I think we have to look at that too.
Almost two years ago, our caucus - le député d'Outremont,
le député de Nelligan and myself - we went to see the minister of
Consumer Affairs in Ottawa, Mr. Ouellet, and I think we can take some credit
for making the issue of the Patent Act in Canada more public, perhaps, than
they were, and this was before the Parti Québécois Government
started making noise about this issue. We went because we were deeply concerned
about the impact of the Canadian Patent Law and we urged Mr. Ouellet to extend
the protection for the research of pharmaceutical companies so that they could
get a fair return on their investment. At that time, we had a press conference.
It was Mr. Ciaccia, député de Mont-Royal, who also urged that, in
addition to the federal legislation, Quebec
Government réexamine its legislation, as far as it touches the
price of drugs.
We had hoped, as a result of our discussions with Mr. Ouellet and the
result of other people's meeting with him, that there would be amendments to
the law deposited last fall. We were very disappointed, as were many others,
that this did not happen. We also are disappointed that the dossier is now in
the hands of Mrs. Érola, who has given it to a committee to study. It
seems to me that there has been a great deal of work done on this issue and
that it is time to make a decision.
But the alarming thing which is brought about the motion and the action
of COPEM to us for a moratorium is that since the announcement of Mr. Ouellet
that he was going to change the law, they have protected themselves by applying
for 80 new licenses which have not been granted yet. These licenses, these
applications which we are asking that the Federal Government gel -because there
is one pharmaceutical company in Montreal who estimates that if, in fact, all
those licenses are activated, 68% of their sales would go down the drain. So,
this is a very serious thing. The officials at COPEM have told me that they
believe that, within the actual law - the Canadian Patent Law -there is the
power for the Ministry and or the Commissioner of patents not to issue those
patents, in other words, to put a gel on those applications for the time being,
until such time as the law is amended to give the companies sufficient
protection for return on their investment.
En terminant, M. le Président, tout en appuyant la motion du
ministre, j'aimerais souligner qu'il est urgent que le gouvernement du
Québec fasse deux choses. Premièrement, il faut travailler en
concertation avec d'autres gouvernements provinciaux et avec les
représentants de l'industrie dans tout le Canada afin de convaincre la
commission Eastman des changements nécessaires. Deuxièmement, il
faut examiner et réviser, s'il est jugé nécessaire, la loi
québécoise en ce qui concerne le prix des médicaments afin
de diminuer l'impact négatif sur notre industrie pharmaceutique
québécoise.
Une voix: Bravo!
Le Président: En réplique, M. le ministre de la
Science et de la Technologie.
M. Gilbert Paquette (réplique)
M. Paquette: M. le Président, je serai très bref.
Je pense qu'essentiellement, l'Opposition et le parti ministériel sont
sur la même longueur d'onde concernant cette question.
Je voudrais simplement relever trois
points. Premièrement... Évidemment on peut toujours se
disputer à savoir qui a agi le premier sur cette question quand on est
d'accord. Je dois vous dire qu'avant qu'on commence à faire du bruit,
comme le dit la députée de Jacques-Cartier, cela faisait au moins
huit mois qu'on travaillait sur le dossier puisqu'on a commencé,
dès le départ de la compagnie Ayerst, à nous en occuper.
Je dois lui dire également qu'on n'a pas fait uniquement du bruit
puisqu'on a créé une nouvelle entreprise dans le domaine de la
biotechnologie, dans le domaine de la santé, qui a permis de
récupérer plus de la moitié des chercheurs d'Ayerst. Nous
avons exposé à plusieurs reprises nos positions au gouvernement
fédéral et nous avons eu plusieurs rencontres avec les gens de
l'industrie, avec les milieux scientifiques, de façon à nous
assurer que nous représentions bien l'opinion de l'ensemble des
Québécois et des Québécoises les plus directement
impliqués dans ce dossier.
Mme la députée de Jacques-Cartier nous fait deux
recommandations. La première concerne la question des prix
médians des médicaments qui aurait un impact également sur
l'industrie innovatrice. Je dois vous dire que sans doute il y a un certain
impact; je pense qu'il faut le reconnaître. Évidemment, c'est un
peu l'histoire de la paille et de la poutre. Je pense que la Loi canadienne sur
les brevets, c'est à peu près 90% du problème. Si ce
problème était réglé, on n'aurait pas
assisté au départ de l'entreprise Ayerst et on n'assisterait pas
non plus à l'hésitation d'autres entreprises qui retiennent nos
investissements dans la recherche en attendant que cela devienne rentable de
faire de la recherche au Canada et au Québec.
Je dois lui dire cependant que mon collègue le ministre des
Affaires sociales a mis en route une étude sur cette question et qu'il
compte résoudre ce problème en partie pour cette raison et en
partie pour d'autres raisons qui concernent cette fois-là les
consommateurs québécois de médicaments.
D'autre part, en ce qui concerne sa suggestion de travailler avec
d'autres gouvernements, M. le Président, je dois vous dire qu'il ne
faudrait quand même pas s'illusionner. L'industrie pharmaceutique est
concentrée essentiellement en Ontario et au Québec. C'est
à peu près 50-50. Évidemment, les autres provinces ont
plus ou moins d'intérêt à s'activer dans ce dossier.
D'autre part, dans une lettre qu'elle m'envoyait récemment, Mme la
ministre Érola, qui est responsable de ce dossier, me disait: N'oubliez
pas que vous avez des entreprises imitatrices aussi au Québec. M. le
Président, il y a trois entreprises de générique au
Québec, ce qui représente vraiment une partie minime de la
production pharmaceutique, et c'est jouer avec les mots. Évidemment, ce
n'est pas 100% de l'industrie innovatrice au Québec et 100% de
l'industrie générique en Ontario. Il y a aussi des entreprises
innovatrices en Ontario. Mais c'est à peu près les trois quarts
à un endroit et les trois quarts à l'autre, de sorte que les
intérêts des deux provinces, ceux de l'Ontario et du
Québec, sont diamétralement opposés. C'est d'ailleurs la
seule explication qui nous permet de comprendre pourquoi, après un an de
consultations, au moment où la décision allait être prise,
une commission d'enquête permet tout à coup au gouvernement
fédéral de noyer le poisson avant les élections, comme
disait Frédéric Wagnière, éditorialiste dans la
Presse. C'est la seule explication. C'est que le gouvernement
fédéral ne veut pas choisir entre l'Ontario et le Québec.
Dans ce sens-là, je pense que c'est très naïf de la part de
Mme la députée de Jacques-Cartier de penser qu'on pourrait
trouver des alliés dans les autres provinces canadiennes.
Je suis heureux de l'unanimité de cette Chambre et je pense que,
maintenant, le gouvernement fédéral doit faire ce moratoire en
attendant les résultats de sa commission d'enquête et qu'il doit
agir dès maintenant. Merci.
Le Président: La motion de M. le ministre de la Science et
de la Technologie est-elle adoptée?
Des voix: Adopté. Avis touchant les travaux des
commissions
Le Président: Aux avis touchant les travaux des
commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, à compter de maintenant
jusqu'à 13 heures, puis de 15 heures à 18 heures et de 20 heures
à minuit, à la salle 91, la commission de l'aménagement et
des équipements procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 86, Loi modifiant la Loi sur la
qualité de l'environnement. Je signale, pour l'information des membres
de cette commission, que l'étude détaillée du projet de
loi 76 se fera demain matin.
D'autre part, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à
minuit, à la salle du Conseil législatif, la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera
à l'étude détaillée du projet de loi 82, Loi sur la
commercialisation des produits marins, pour ensuite poursuivre ses travaux avec
le projet de loi 74, Loi sur le crédit aquacole.
Le Président: D'autre part, à la salle 90 - ce sont
les avis des commissions que j'ai ici - immédiatement après la
période des affaires courantes, la commission de la culture tiendra une
séance de travail. Il en sera de même à la salle 81 pour
la
commission des affaires sociales. Aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée. M. le leader de l'Opposition. (11 h 40)
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
M. Gratton: Nous avons en quelque sorte le menu des travaux que
le gouvernement entend réaliser aujourd'hui. Si je ne m'abuse, il
s'agira du projet de loi 82 - il reste seulement deux interventions - des
projets de lot 70 et 87, de même que le débat
privilégié sur la fin du discours sur le budget.
Est-ce que le leader adjoint du gouvernement peut me confirmer qu'une
fois qu'on aura disposé de cela, l'Assemblée s'ajournera et
n'abordera pas d'autres articles du feuilleton?
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Je crois, M. le Président, qu'effectivement, ce
menu est assez substantiel pour pouvoir occuper le temps qui est dévolu
aux travaux de l'Assemblée pour cette journée.
Le Président: Bien. Ce qui nous mène donc aux
affaires du jour et à un débat prioritaire qui est celui par
lequel on doit terminer le débat sur le discours sur le budget. Je crois
comprendre qu'il y aurait eu entente entre les deux groupes parlementaires
voulant que ce débat se déroule ultérieurement au
début de l'après-midi, à 15 heures. Évidemment,
cela nécessite le consentement unanime. Vu le grand nombre de
députés en cette Chambre, j'imagine que ce sera facile à
acquérir. Donc, la reprise du débat sur le discours sur le budget
se fera à 15 heures.
Projet de loi 72
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude
En attendant, nous allons poursuivre avec la prise en
considération du rapport de la commission des institutions sur le projet
de loi 72, Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et
interprovincial d'enfants. Il n'y a pas d'intervenants? Le rapport est donc
adopté?
Des voix: Adopté.
Projet de loi 82
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Président: À ce rythme, cela va ajourner vite.
Ce qui nous mène à la reprise du débat sur l'adoption de
principe du projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des produits marins.
C'est M. le député de D'Arcy McGee qui a maintenant la
parole.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Le projet de loi 82 porte
sur la commercialisation des produits marins. Nous avons étudié
ce projet de loi au point de vue de sa validité, surtout de sa
validité constitutionnelle et aussi de son efficacité
constitutionnelle.
Le projet de loi en question est surtout une loi qui porte sur le
commerce. La loi constitutionnelle de 1867 et la jurisprudence qui a
interprété notre constitution a déterminé -
maintenant c'est bien clair - que le commerce intraprovincial, à
l'intérieur d'une province, est de la compétence provinciale
exclusive et que le commerce extraprovincial, à l'extérieur d'une
province, c'est-à-dire entre le Québec et l'Ontario, entre le
Québec et les États-Unis, est de la compétence
fédérale exclusive.
J'insiste sur le fait que c'est une compétence exclusive parce
que, par exemple, si le Québec ne légifère pas en ce qui
concerne le commerce intraprovincial d'un produit, ce sera un champ où
il n'y a pas de législation, c'est-à-dire que le
fédéral ne peut intervenir et légiférer en ce qui
concerne ce commerce intraprovincial. C'est la même chose à
l'inverse. Si le gouvernement fédéral décide de ne pas
légiférer en ce qui concerne le commerce interprovincial ou
international d'un produit qu'on vend au Québec, ce sera un champ qui
restera non réglementé.
Le projet de loi 82 est valide "sur sa face". Il y a une
présomption de la consti-tutionalité de la loi et il y a aussi
une présomption que l'Assemblée nationale a voulu rester dans sa
compétence.
Maintenant, si on prend l'objet de la loi en question, j'aimerais lire
l'article 1: "La présente loi a pour objet de favoriser la mise en
commun par les entreprises de transformation de produits marins des
opérations de commercialisation de leurs produits dans le but de
soutenir et de promouvoir la vente de produits marins standardisés et de
qualité supérieure ainsi qu'un approvisionnement constant du
marché. "Elle a aussi pour objet d'assurer aux entreprises de
transformation de produits marins une stabilité de revenus".
Voilà pour l'article 1 du projet de loi.
Si le gouvernement reste dans sa compétence constitutionnelle, la
portée de ce projet de loi sera assez limitée. On m'a dit, par
exemple, que Gaspé Cured, une entreprise de commercialisation qui inclut
treize producteurs fait l'exportation hors du Québec d'à peu
près 100% de sa production, c'est-à-dire l'exportation en Italie,
au
Portugal, en Haïti, etc. On peut dire la même chose pour les
Pêcheries Cartier qui font à peu près 100% d'exportation.
Ces compagnies échappent à l'application de la loi parce que
l'exportation en dehors du Québec, le commerce extraprovincial est sous
la compétence fédérale exclusive. Il y a beaucoup de
compagnies qui font de l'exportation parce qu'on nous a dit hier que 70% de la
production totale est exportée en dehors du Québec. Admettons
qu'il y ait une compagnie qui fait 80% d'exportation hors du Québec et
20% de commerce au Québec. Cette compagnie peut établir deux
compagnies: compagnie À et compagnie B. La compagnie À va faire
l'exportation hors du Québec à 100%. La compagnie B fera la vente
au Québec seulement.
Donc, on a divisé une compagnie en deux: l'une pour faire
l'exportation et l'autre pour faire le commerce au Québec. Si une
compagnie décide de se diviser en deux, la compétence du
Québec portera seulement sur la compagnie qui fait le commerce au
Québec; la compagnie qui fait l'exportation hors du Québec sera
sous la compétence fédérale exclusive en ce qui concerne
la commercialisation de sa production. J'aimerais souligner que ce ne sera pas
possible pour le ministre d'aujourd'hui ou un futur ministre d'essayer de
forcer ces compagnies qui sont sous la compétence fédérale
en matière de commerce de se soumettre à sa loi,
c'est-à-dire que ce ne sera pas légal, si vous voulez, pour le
ministre de dire à une compagnie qui fait le commerce en dehors du
Québec "si vous ne vous soumettez pas à ma loi, je vais vous
refuser un permis de production." Ce n'est pas nécessaire pour qui que
ce soit de donner des leçons de droit au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, car le ministre est un ancien professeur
de droit à l'Université Laval et il connaît bien son
droit.
Je ne vois pas comment cette loi serait efficace, étant
donné que nous sommes dans un domaine où il y a un partage des
compétences. Le plan de commercialisation dans le projet de loi
ressemble beaucoup aux plans conjoints en matière d'agriculture. En
matière d'agriculture, pour avoir une loi vraiment efficace il faut
avoir la coopération fédérale-provinciale. En fait, dans
plusieurs cas, il y a cette coopération pour la mise en marché
des produits agricoles. Pour être efficace, il faut avoir une
intégration de la loi fédérale, de la
réglementation fédérale avec la loi provinciale et avec la
réglementation provinciale. (11 h 50)
Voici quelques mécanismes que nous avons déjà
utilisés au Canada. Je prends l'exemple de la mise en marché des
pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est une loi qui est
discutée dans l'arrêt "The
Prince Edward Island Potato Marketing Board" contre "H. B. Willis Inc.,
1952, volume 2 des rapports de la Cour suprême, à la page 392.
L'île-du-Prince-Édouard a établi une Commission de mise en
marché des pommes de terre et la commission a adopté des
règlements en ce qui concerne la mise en marché des pommes de
terre sur l'Île-du-Prince-Êdouard. Par une loi
fédérale, le Parlement fédéral a
délégué aux membres de la même commission le pouvoir
d'adopter des règlements en ce qui concerne la mise en marché des
pommes de terre dans le commerce interprovincial et international. Donc, nous
avons eu une loi fédérale qui a en quelque sorte fait sienne une
commission provinciale et nous avons eu une réglementation
adoptée par une seule commission pour réglementer la mise en
marché des pommes de terre, soit à l'intérieur de
l'Île-du-Prince-Édouard, soit à l'extérieur de
l'Île-du-Prince-Édouard. Un autre exemple: par l'arrêt
Winner de 1954, le comité judiciaire du Conseil privé a
décidé que le Parlement du Canada a la compétence
exclusive sur le transport interprovincial et international, soit par autobus,
soit par camion. Qu'est-ce que le Parlement canadien a fait tout de suite
après cette décision? Le Parlement canadien a adopté une
loi et dans cette loi, on a délégué le pouvoir de
réglementation aux commissions de transport provinciales. Ce
mécanisme est expliqué dans l'arrêt Coughlin contre the
Ontario Highway Transport Board, 1968, rapport de la Cour suprême,
à la page 569.
Voyons, M. le Président, comment il y eut intégration de
la loi fédérale et de la loi provinciale pour avoir un
mécanisme efficace et valide. Pour que le projet sur la
commercialisation des produits marins se tienne, il faut avoir cette
coopération fédérale-provinciale. Il faut qu'il y ait une
réglementation du gouvernement fédéral en ce qui concerne
les produits qui seront exportés à l'extérieur du
Québec vers les autres provinces canadiennes ou vers d'autres pays et
une réglementation intraprovinciale pour les produits qu'on va vendre
seulement au Québec. Dans le projet de loi, il va de soi que le ministre
ou les offices de commercialisation peuvent seulement réglementer le
marché interne au Québec. Les offices constitués ou
établis en vertu de ce projet de loi ne pourraient pas
réglementer le commerce extérieur, c'est-à-dire le
commerce de ces produits avec les autres provinces ou avec les autres pays.
Enfin, je me demande sérieusement si le projet de loi tel quel
est "workable". Est-ce une loi "workable"? Est-ce que cela se tient? Est-ce que
ce sera efficace? Le ministre pourra-t-il atteindre le but recherché
dans ce projet de loi? De plus, dans ce projet de loi et dans d'autres projets
de loi sur le même sujet que le ministre a
déposés depuis maintenant un ou deux ans, le ministre se
donne de grands pouvoirs de réglementation. Il donne beaucoup de
pouvoirs de réglementation aux organismes qu'on est en train de
créer et même dans ce projet de loi, le ministre se donne des
pouvoirs que je qualifierais d'extraordinaires. Cela a été
souligné par le député de Saguenay, notre porte-parole
dans ce dossier, par le député de Sainte-Anne qui a parlé
sur ce sujet, par le député de Nelligan et même par
d'autres députés, lors de la discussion de ces projets de loi qui
portent sur les pêcheries. Ce sera quasiment impossible pour le citoyen
de contester la validité d'un règlement adopté par un
office de commercialisation, un règlement adopté par le ministre
ou un règlement adopté par le gouvernement, parce que, même
si le citoyen gagne, il va perdre. Il va perdre, parce que cela occasionne des
coûts énormes quand il s'agit de contester le ministre ou un
office de commercialisation. Le ministre a des ressources illimitées. Il
a un service du contentieux dans son ministère. Il peut même aller
à la Cour suprême du Canada, s'il le décide, dans une
affaire, parce que ce n'est pas lui qui paie. Cela ne vient pas de sa poche.
Cela vient de la poche du gouvernement, qui a des ressources et des fonds
illimités.
J'aimerais vous donner un exemple d'une contestation en vertu d'une
action prise par la Commission de protection du territoire agricole, qui est
aussi sous l'administration du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation. C'est le cas de Wesley Jones. M. Wesley Jones est un
homme des Cantons de l'Est qui a décidé de mettre une scie dans
sa grange pour couper le bois. La Commission la protection du territoire
agricole a émis une ordonnance pour lui interdire de couper du bois dans
sa grange parce qu'elle a dit que c'était une activité
commerciale sur une terre agricole. M. Wesley Jones a combattu la commission
pendant neuf mois. Il a dépensé 30 000 $ avant que la commission
lui donne raison. Bien sûr, M. Jones a gagné sa cause. Bien
sûr, cela a été une victoire pour lui, mais c'était
une victoire à la Pyrrhus, parce que, même en gagnant, il a
perdu.
C'est pourquoi j'aimerais proposer au ministre que, dans ce projet de
loi et dans d'autres lois qui touchent son ministère, surtout dans ce
domaine des pêcheries, l'on ajoute une disposition semblable à
celle que je vais proposer. C'est que, dans toute poursuite impliquant
l'administration publique, le tribunal puisse, lorsqu'il donne raison au
citoyen, ordonner à l'administration publique de payer à ce
dernier une somme d'argent qu'il déterminera afin de l'indemniser pour
les dépenses encourues lors de sa poursuite contre l'administration
publique ou se défendre contre elle; c'est-à-dire que je demande
au ministre de prévoir dans son projet de loi que, si le citoyen, ou une
compagnie qui est aussi citoyenne, décide de contester un de ses
règlements, de contester l'un des offices de commercialisation et si ce
citoyen a raison, qu'on lui paie les frais qu'il a encourus pour combattre un
règlement ou une décision que les tribunaux ont jugé
invalide.
C'est la pratique en France. En France, il y a une loi dans ce sens. Il
y a aussi une loi dans ce sens aux États-Unis. J'aimerais que le
ministre se réfère à la loi fédérale
américaine qui est intitulée "The Equal Access to Justice Act".
Le titre de la loi explique bien la portée de ladite loi.
De même, au Canada, le ministre des Finances du gouvernement
fédéral a proposé des amendements à la Loi sur
l'impôt pour prévoir justement qu'un citoyen qui conteste une
ordonnance du ministère du Revenu ou qui conteste un règlement
adopté par le ministère du Revenu puisse être
dédommagé pour les dépenses qu'il a encourues. Il serait
injuste, quand les citoyens ont à combattre l'administration publique et
qu'ils gagnent, qu'ils ne puissent même pas être remboursés
pour les dépenses qu'ils ont encourues.
En somme, j'ai posé deux questions. La première question
est à savoir si le projet de loi sera vraiment efficace. Si le
gouvernement reste dans sa compétence, s'il n'y a pas de
coopération fédérale-provinciale en matière de
commercialisation des produits marins, je ne vois pas comment la loi pourrait
être vraiment efficace.
Deuxièmement, il faut permettre aux citoyens de contester la
réglementation des organismes d'État, des offices de
commercialisation ou même des ministères. On a fait cela ailleurs
et, pour faire cela ici, je demande au ministre de modifier son projet de loi
pour prévoir que quelqu'un qui gagne une cause contre l'Office de
commercialisation, contre le ministère qui a adopté un
règlement, soit remboursé de ses frais. Ce sont les deux
questions que je pose concernant ce projet de loi. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il d'autres
intervenants?
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation prononcera la réplique, puis
nous procéderons à l'adoption.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Votre droit de
réplique, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
M. Jean Garon (réplique) M. Garon: M. le Président,
le projet de
loi sur la commercialisation des produits marins est un projet de loi
nécessaire. Nous avons eu l'occasion de faire le tour de tout ce qui se
passe dans le secteur des pêches. Je suis content de voir que, même
ce matin, le ministre fédéral des Pêches et des
Océans, finalement, a écouté mon conseil. Je lui disais
depuis longtemps: Va donc te renseigner avant de parler. Finalement, il a
décidé d'aller voir ce qui se passe dans les pays Scandinaves. Je
lisais dans Le Soleil de ce matin que le ministre fédéral des
Pêches et des Océans, M. De Bané, disait que la compagnie
Frionor, en Norvège, avait 125 entreprises, qu'elle faisait la
commercialisation de son produit, et que le regroupement de l'offre des
produits marins était une bonne chose. Il pensait même forcer tous
les gens de l'Est du Canada à faire partie d'un seul office
étatique. C'est dans Le Soleil de ce matin.
Vous remarquerez à quel point le projet de loi que j'ai
présenté est démocratique. Voyez la différence de
philosophie entre les libéraux qui sont devenus impérialistes,
à Ottawa, et le gouvernement du Québec; vous avez le
parallèle parfait. On demande à sept entreprises de faire une
demande au gouvernement, dans notre projet de loi. On aurait pu dire: Le
gouvernement va décider d'autorité. Non, on ne l'a pas dit. Cela,
c'est le projet fédéral, le gouvernement va décider, bang!
Terminé, on a décidé. Nous, nous disons non, on va
procéder, comme en matière agricole, avec une demande des gens.
Si les gens sont là, on va appuyer leur demande. S'ils ne sont pas
là, on va leur donner un délai pour aller convaincre les autres
de faire partie d'un office de commercialisation. En leur fournissant un
délai donné, ils pourront nous faire rapport par la suite.
M. le Président, vous remarquerez également que dans le
projet de loi, les différents mécanismes sont
déterminés pour que les gens puissent savoir exactement de quelle
façon cela va se passer. Il ne s'agit pas, pour le gouvernement du
Québec, de décider à la place des gens. Au contraire, il
s'agit de les faire entrer dans le processus. Ceux qui disaient, comme le
député de Saguenay, qui a manifesté dans son discours
d'hier une totale ignorance du secteur des pêches, qu'on n'a pas
consulté les gens, ne savent pas qu'en mars 1982 il y a eu une
conférence socio-économique sur la commercialisation des produits
marins. Le député disait: Personne ne veut rien savoir à
ce sujet. Il devrait savoir qu'il y a le consortium Gaspé Cured qui
regroupe treize industriels dans le secteur du poisson salé et
séché, qui est formé précisément en Office
de commercialisation du poisson salé et séché. Dès
l'adoption de la loi, le consortium va s'impliquer, parce que ces gens
eux-mêmes ont demandé de procéder le plus rapidement
possible avec ce projet de loi. Pourquoi? Parce qu'ils savent à quel
point ce projet de loi va leur permettre d'encadrer leur action sur le plan de
la commercialisation. Il va leur permettre également d'avoir une
meilleure commercialisation au Québec.
Vous aurez remarqué, par exemple, que ce matin, entre les
questions qui m'étaient posées à la période de
questions, je parlais avec mon voisin, le ministre des Transports et on a
convenu de faire une rencontre, lui et moi, avec les gens de Québecair
afin que Québecair puisse faire le transport. Quels seraient les
coûts de transport pour faire le transport à partir des
Îles-de-la-Madeleine, de Blanc-Sablon, du territoire gaspésien
vers Montréal, vers les endroits de commercialisation? Il me disait
qu'ils ont des projets d'acheter un avion qui pourrait être mi-passagers,
mi-cargo et qu'un des cargos importants serait le transport des produits
marins. Pourquoi? Parce que toute l'action que nous faisons actuellement, c'est
une action qui date de plusieurs années. Nous avons d'abord
été voir ce qui faisait ailleurs. Alors que M. De Bané va
voir, lui, dans les pays Scandinaves après avoir décidé
des mesures, nous y sommes allés avant. Nous sommes allés voir ce
qui se passait avant; pas après, avant.
Nous avons également fait des consultations auparavant lors de
conférences socio-économiques à Gaspé, à
Sept-Îles et à Montréal sur la qualité et la
commercialisation des produits marins. Ensuite, une fois qu'on eut
consulté tous les gens, on est allé tellement lentement dans les
consultations que le consortium s'est formé avant que la loi soit
votée. Nous avons actuellement au Québec un consortium depuis le
printemps dernier, depuis le début de l'année 1983, qui s'est
formé avant la loi. Peut-on avoir un plus bel exemple pour comprendre
à quel point cette loi est souhaitée? Avant cela, j'ai aussi
rencontré les gens du consortium et je leur ai montré les projets
de loi sur lesquels nous travaillions. Je leur ai demandé, et nos
avocats les ont aussi rencontrés, dans une longue discussion: Y a-t-il
des choses qu'on devrait rajouter dans un tel projet de loi sur lequel nous
travaillons actuellement? Pourquoi? Parce que le travail, à ce point de
vue, s'est fait dans la consultation.
Nous n'avons pas voulu d'un projet de loi qui imposerait
d'autorité la commercialisation, mais d'un projet de loi qui serait
tellement bien fait qu'il susciterait l'adhésion. Je suis convaincu que,
dans les prochains mois, aussitôt après l'adoption du projet de
loi, l'un des premiers groupes qui va s'implanter sera le groupe de
commercialisation des produits marins, de la morue séchée de la
Gaspésie.
Je souhaite également qu'il y en ait un
autre dans le produit congelé et un autre dans le produit frais
pour qu'ensemble les entreprises qui veulent vendre à ces secteurs
puissent faire des ententes avec des acheteurs et assurer
l'approvisionnement.
C'est pour cela que les discours d'hier de l'Opposition ont
révélé une méconnaissance du dossier et une absence
de consultation. Je ris un peu quand le député de Nelligan -
qu'est-ce que vous voulez, je ne peux pas l'empêcher de parler - me dit
qu'il a consulté des gens. Faire un voyage aux
Îles-de-la-Madeleine pour manger du homard, ce n'est pas de la
consultation! Je veux dire que je suis sans doute l'un des premiers ministres
des pêches qui aille aux Îles-de-la-Madeleine surtout l'hiver
plutôt que l'été. Si on veut consulter aux
Îles-de-la-Madeleine, il faut y aller l'hiver. Pendant
l'été, c'est bien difficile de faire des consultations sur les
pêches: les gens sont au large et il faudrait les consulter par radio.
Ils sont au large à la pêche. Quand j'entends des gens qui me
disent: Vous devriez aller consulter les gens aux Îles-de-la-Madeleine,
c'est vraiment faire preuve d'une méconnaissance du dossier. L'abc du
dossier fait que... Et je veux vous dire une chose: les gens des
Îles-de-la-Madeleine m'ont dit à quelques reprises
qu'habituellement ils voyaient les ministres l'été, à la
saison du homard et maintenant, on a un ministre des pêches qu'on voit
l'hiver, pendant qu'il n'y a pas de homards et pendant le temps qu'on peut
parler avec lui. C'est cela la différence, M. le Président.
Par ailleurs, j'ai écouté le député de
D'Arcy McGee qui a fait des représentations. Le député de
D'Arcy McGee a d'abord présenté une question
générale concernant les règlements et la contestation des
règlements. Je veux dire que ce n'est pas ma façon de
procéder. Ma façon de procéder, habituellement, c'est de
consulter les gens sur les règlements pour faire un règlement qui
fasse un consensus général. Je n'ai pas l'habitude de faire des
règlements... D'abord, je ne fais pas les règlements pour
moi-même. La plupart de ces règlements, je n'en ai pas besoin
personnellement pour vivre. Alors, je fais un règlement, habituellement,
pour rendre la vie plus agréable à ceux qui vont en
dépendre. Habituellement, je demande aux avocats du ministère,
aux gens du ministère qui sont spécialisés, une fois que
leurs projets sont complétés, de rencontrer les gens et,
habituellement, j'assiste à ces rencontres. La plupart du temps,
j'assiste à ces rencontres et je vois les réactions de ceux qui
vont vivre avec les règlements et des gens du ministère. Quand je
vois qu'il y a trop de dissensions ou qu'il y a des dissensions, je dis:
Essayons de faire des aménagements dans les règlements pour que
tout le monde soit heureux.
Le but d'un bon politicien, c'est de rendre les gens heureux. Quand on
dit le mot "politique", cela veut dire la conduite de la vie en
société. Un bon politicien, un bon homme politique, a pour but
principal de rendre le maximum de gens heureux. Dans la philosophie qui guide
un travail, c'est évident que, parfois, vous êtes obligé de
faire des choix, et il y a des gens malheureux et des gens heureux. Je me dis
qu'il faut qu'il y ait le maximum de gens heureux par rapport à un
minimum de gens malheureux. C'est pour cela que, dans les consultations, il
faut tenir compte de l'opinion des gens.
Une voix: ...
M. Garon: Non, je ne sonde jamais, M. le Président.
J'entends le député de Maskinongé qui dit que je fais des
sondages. J'ai fait faire un sondage une fois en 1977 ou 1978 au point de vue
de la protection des terres agricoles pour connaître l'opinion de
différents groupes sur une façon de procéder. Je n'ai
jamais fait de sondage. J'ai toujours considéré que mon nez
valait les sondages. Je peux vous dire que je me promène dans la
population le plus souvent possible...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Garon: ...et je parle avec les gens. Je consulte le caucus
agricole du Parti québécois; je considère que c'est le
meilleur sondage et cela ne coûte pas un cent.
Une voix: Vous rendez pas mal de gens heureux. On voit cela.
M. Garon: Ensuite, le député de D'Arcy McGee a
présenté deux questions au point de vue des règlements.
C'est onéreux des règlements, s'ils sont contestés par les
citoyens. Nous ne faisons pas de règlements pour qu'ils soient
contestés. Nous essayons de faire des règlements qui vont tracer
une façon de faire, une méthode d'application qui va être
la plus opérationnelle possible. Évidemment, les
règlements peuvent être contestés. Les citoyens ont le
droit de les contester, parce qu'ils n'ont pas toujours la même opinion.
Quand on établit des consensus, même si le consensus est
très large, que 90% ou 95% de la population est favorable, il arrive
rarement que c'est l'unanimité. Je ne pense pas qu'il y a là
vraiment matière à... J'ai été surpris même
de la question que se posait le député de D'Arcy McGee.
Concernant la deuxième question, qu'une compagnie de production
formerait une compagnie de commercialisation pour le marché
intérieur et une autre compagnie de commercialisation pour le
marché extérieur,
cela prendrait une compagnie... Je n'ai pas vu, jusqu'à
présent, beaucoup de compagnies faire cela. Je ne me rappelle pas avoir
vu une seule compagnie qui ait fait cela. Évidemment, le
député de D'Arcy McGee, étant un ex-professeur
d'université, doit envisager toutes les hypothèses. Je le sais,
parce que, comme j'étais aussi un professeur d'université,
j'essayais d'envisager toutes les hypothèses, mais c'est une
hypothèse qui n'est pas réaliste. Elle est plausible, elle est
théoriquement possible, mais, dans les faits, les gens ne fonctionnent
pas comme cela. À moins qu'on ne cherche absolument à contourner
ou à détourner la loi, à rencontrer un avocat qui va
essayer de vous faire contourner la loi, je ne pense pas qu'une entreprise de
production normale procédera de cette façon.
Je pense que le véritable choix, c'est: Est-ce que nous allons
avoir des offices de commercialisation des produits marins
québécois ou si, éventuellement, nous devrons faire partie
d'offices de commercialisation des produits marins fédéraux? Je
dis qu'il faut créer des offices de commercialisation des produits
marins québécois parce que la seule province de l'Est du Canada
qui a son propre marché, c'est le Québec. Quand on parle d'un
office de commercialisation, dont parle M. De Bané, dans Le Soleil de ce
matin, où il pense - il vient de penser à cela d'un coup sec,
parce qu'il arrive de Scandinavie - pour tout l'Est du Canada et va essayer de
nous vendre au Québec des produits qui viendront de Terre-Neuve, de
Nouvelle-Écosse et d'ailleurs, tandis qu'un office de commercialisation
de produits marins québécois va essayer de vendre des produits
québécois aux Québécois, là-dessus, c'est
absolument important d'avoir notre propre office de commercialisation parce que
nous avons nos propres marchés, et, parce que nous avons nos propres
marchés, il faut travailler avec les producteurs du Québec pour
faire en sorte que les consommateurs du Québec achètent des
produits du Québec, car c'est tous ensemble au Québec que nous
deviendrons plus prospères.
On ne peut penser à un moment donné qu'un petit groupe va
bien vivre alors qu'un autre groupe sera laissé pour compte. Il faut
penser à améliorer le niveau de vie des Québécois
dans l'ensemble du Québec. Pour cela, nous sommes solidaires les uns des
autres. Si, en Gaspésie, on n'achète pas des produits du
Québec, les gens de la Gaspésie pourraient difficilement demander
aux gens de Montréal d'acheter des produits de la Gaspésie. Mais
comme, dans les différentes politiques qu'on a d'une façon
générale, les Québécois en général,
les Québécois bien nés, font un effort pour encourager les
produits qui sont manufacturés par d'autres Québécois, il
est important d'avoir cet office de commercialisation, et, parce que nous avons
ces offices qui sont répartis essentiellement dans les produits
salés et séchés, dans les produits congelés et dans
les produits frais, il est important, dis-je, d'avoir ces offices de
commercialisation parce qu'ils vont faire l'organisation matérielle
voulue par des compagnies privées qui seront représentées
à ces offices. Vous savez, à l'office de commercialisation dans
les produits séchés en Gaspésie, il y a treize compagnies,
il y a un bureau de direction de treize personnes et chaque entreprise est
représentée au bureau de commercialisation. Pour des
décision intérimaires ou à courte période, il
pourra y avoir un comité exécutif qui prendra les
décisions à court terme, mais, dans le grand conseil
d'administration, tous les producteurs seront représentés. C'est
ce que nous avons prévu dans la loi, pour qu'il existe un climat de
confiance.
Dans le passé, c'est un climat de méfiance qui a
caractérisé le secteur des pêches. On se méfiait
d'un village à l'autre. Ce que nous essayons d'établir, c'est un
climat de confiance pour que - c'est pour cela que je parle de l'usine de
Newport, par exemple - les gens de Grande-Rivière - ils le veulent -
investissent dans l'usine de Newport; les gens de plusieurs
municipalités autour de Newport veulent aussi investir dans l'usine de
Newport. Quand le député de Saguenay parlait contre l'usine de
Newport, contre la société des pêches de Newport, il
parlait contre les gens du territoire maritime qui veulent prendre leurs
affaires en main.
Dans l'office de commercialisation que nous préconisons par cette
loi, toutes les compagnies privées vont être
représentées. Il ne s'agira pas d'un office de commercialisation
de l'État, il ne s'agira pas d'un office de commercialisation
étatique; il s'agira d'un office de commercialisation privé,
formé par toutes les entreprises du secteur qui seront touchées,
qui auront leur conseil d'administration, leur bureau exécutif, mais qui
auront un cadre légal en vertu de la loi que nous proposons aujourd'hui
pour fonctionner.
Je vous le dis, c'est à la demande même des gens du
territoire que nous proposons ce projet de loi. Demandez à M. Léo
Nicolas, demandez à M. Gaston Langlais, demandez à M. Sheehan,
demandez à tous ceux du consortium - je ne vais pas les nommer tous ici
aujourd'hui - ils sont treize, demandez-le-leur; ils vont vous dire
qu'eux-mêmes ont demandé d'adopter une loi comme celle-là
pour encadrer leur action, pour faire en sorte que si, à un moment
donné, les acheteurs, pour briser leur groupe, entreprenaient une action
contre un ou deux membres de leur groupe qui sont plus serrés
financièrement, cela ne soit pas possible, pour que la loi vienne
consacrer sur le plan juridique ce qu'eux ont voulu dans les faits. Mon
travail, comme ministre de l'Agri-
culture, des Pêcheries et de l'Alimentation, a été
de travailler avec les gens du territoire, mais cela n'a pas toujours
été facile. (12 h 20)
Maintenant, M. De Bané, voyant qu'on est en train de faire cela,
dit: Ah! J'aimerais maintenant en faire un qui serait fédéral.
Non. Nous n'avons aucun intérêt dans un organisme
fédéral de commercialisation parce que, dans les autres
provinces, il n'y a pas de marché. Nous avons le devoir et
l'intérêt de conserver le marché québécois
pour les Québécois. Pourquoi ferions-nous partie d'un office
fédéral qui voudrait nous vendre du poisson d'ailleurs quand nous
pouvons nous nourrir au Québec avec le poisson d'ici? D'autant plus que
nos variétés sont beaucoup plus grandes que ce qu'on peut
pêcher ailleurs. Il n'y a pas un endroit sans doute dans le monde
où il y a une aussi grande variété de poisson qu'au
Québec. Malheureusement, un trop grand nombre n'a pas été
commercialisé au Québec. Notre but n'est pas de commercialiser le
poisson à l'étranger, mais d'abord de le commercialiser au
Québec. Nos offices de commercialisation sont pensés dans la loi
82 et également dans la loi 49 que nous avons adoptée au mois de
décembre pour que nos producteurs puissent satisfaire les consommateurs
québécois pour, éventuellement, établir des normes
de production qui assureront la plus grande qualité possible à
nos produits et des normes de commercialisation qui font qu'on ne peut pas
commercialiser sur le territoire québécois des produits qui n'ont
pas la qualité souhaitée pour les consommateurs
québécois.
Tout cela est une action que nous avdns entreprise depuis 1980, un peu
même avant 1980, mais surtout depuis que les pêches ont
été transférées au ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, pour qu'on donne enfin
au secteur des pêches des instruments que l'agriculture a depuis des
dizaines d'années, qu'on donne aux pêches des intruments dont on a
besoin pour que les gens soient équipés pour assurer une plus
grande prospérité dans les usines, pour les pêcheurs, pour
les travailleurs dans les usines, pour les propriétaires d'entreprises,
pour tous ceux qui sont parties de la chaîne afin d'assurer une meilleure
qualité aux consommateurs du Québec. Je suis convaincu que
personne ne peut être contre un tel projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que le principe du
projet de loi 82, Loi sur la commercialisation des produits marins, est
adopté? Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation
M. Blouin: M. le Président, je propose donc que ce projet
de loi soit envoyé à la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation qui procédera à son
étude détaillée. Je vous signale que cette commission sera
présidée par un président de séance.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Nous allons maintenant parler de deux
éléments qui s'associent naturellement, soit
l'hydroélectricité et l'aluminium. À cet égard, je
vous demande d'appeler l'article 11 de notre feuilleton, s'il vous
plaît.
Projet de loi 70 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est l'adoption du projet
de loi 70, Loi sur la location de forces hydrauliques sur la rivière
Péribonca à Aluminium du Canada, Limitée. Le ministre de
l'Énergie et des Ressources a la parole.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: Je vous remercie. Le projet de loi 70 concernant la
location des forces hydrauliques sur la Péribonca est très
certainement un des projets de loi les plus importants que nous aurons à
discuter d'ici la fin de la présente session. Très souvent,
à l'Assemblée nationale, l'Opposition fait des gorges chaudes en
disant que le gouvernement n'a pas de projet économique, que
l'Assemblée nationale siège sans répit. Je souhaite,
cependant, que sur le projet de loi 70 l'Opposition puisse se reprendre et
qu'on entende de son côté cinq ou six bons discours sur les baux,
sur l'utilisation de l'hydroélectricité dans le
développement industriel de nos régions économiques, sur
les excellentes relations qu'un gouvernement social-démocrate comme le
nôtre entretient avec les grands capitalistes du monde entier.
J'espère en même temps qu'on soulignera que c'est grâce
à une volonté politique de notre gouvernement que le
Québec est devenu, je dirais, la terre d'envie, une terre de refuge
presque, des grands patrons des alumineries du monde entier.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet de loi 70. S'il
s'agissait simplement de signer un bail de 25 ans ou de 50 ans, mon
Dieu-Seigneur, on pourrait aller voir l'excellent notaire en face...
Une voix: Le député de Saint-Laurent.
M. Duhaime: ...ou bien le député de Beauce-Sud, et
payer des frais et cela se
terminerait là. Mais il y a une signification qui est beaucoup
plus grande derrière ce projet de loi. D'abord, M. le Président,
c'est un projet de loi qu'il me fait plaisir de piloter à
l'Assemblée nationale. Souvent, contre de grandes entreprises, on lance
des accusations, on fait des reproches, on fait des griefs, on fait des
plaintes. Mais je dois dire que la compagnie Alcan qui est établie chez
nous dans plusieurs de nos régions, entre autres en Mauricie, à
Shawinigan même, depuis le début du siècle... C'est
d'ailleurs - peut-être l'ignorez-vous - dans la ville de Shawinigan que
le premier lingot d'ALCOA a été produit. À
l'époque, cela s'appelait la Pittsburg Reduction. On est un peu fier de
cela à Shawinigan que, depuis 1901, Alcan est installée, donne du
travail à tout près de 900 personnes et produit annuellement 85
000 à 90 000 tonnes de métal, qui part de Shawinigan et qui est
acheminé dans le monde entier. C'est la même chose dans la
région de Beauharnois, dans la région de l'île Maligne; et
c'est surtout vrai pour la grande région du Saguenay-Lac-Saint-Jean
où Alcan est installée. Le groupe Alcan, c'est 12 000 emplois au
Québec. C'est une compagnie qui parle français. C'est
récent, mais cela mérite d'être souligné. C'est une
compagnie qui a son siège social international à Montréal
et qui a réussi tellement bien à s'implanter à
Montréal que, tout récemment, on y a inauguré un immeuble
absolument magnifique qui s'appelle la Maison Alcan. Quand on parle d'Alcan au
Québec, on parle donc d'une maison de chez nous. C'est une compagnie
dans laquelle les Québécois ont confiance également,
puisque la Caisse de dépôt et placement y détient 280 000
000 $ ou 300 000 000 $. Je crois que la Caisse de dépôt et
placement du Québec est même le plus gros des actionnaires du
groupe Alcan.
C'est donc dire que ce projet de loi, qui va nous permettre de signer un
bail avec le groupe Alcan, va nous permettre de faire une transaction avec une
compagnie, disons une compagnie amie, une compagnie avec qui il nous fait
plaisir de transiger, de discuter et de négocier. Autant je peux
respecter Alcan dans ses objectifs de développement et d'investissement,
autant, tout au cours des pourparlers qu'on a eus, on a senti aussi que cette
entreprise respectait non seulement le Québec, mais aussi son
gouvernement. Donc, le projet de loi 70 vise à nous permettre de signer
un bail de 50 ans avec le groupe Alcan pour lui permettre, moyennant un loyer,
bien sûr, d'utiliser les forces hydrauliques de la rivière
Péribonca.
La Péribonca, c'est quoi? C'est cette rivière qui coule,
je crois, dans le comté de mon collègue à ma droite et
qui, au fil de ses altitudes, développe du potentiel
hydroélectrique. Il y a donc trois chutes qui sont visées par le
bail, Chute-du-Diable,
Chute-à-la-Savane, Chute-des-Passes et la capacité
installée du groupe Alcan à cet endroit est très
importante. Chute-du-Diable développe 205 mégawatts.
Chute-à-la-Savane développe 210 mégawatts et
Chute-des-Passes développe 750 mégawatts, pour un total de 1165
mégawatts. C'est donc énorme. Ces installations
hydroélectriques sont la propriété d'Alcan. Ces barrages
ont été construits depuis le début du siècle et
sont la propriété du groupe Alcan. Pour vous donner une
idée de ce que cela représente, 1165 mégawatts: avec
l'énergie de la Péribonca, on pourrait alimenter, 365 jours par
année, 24 heures par jour, trois grandes alumineries qui produiraient
235 000 ou 240 000 tonnes de métal, chaque année. C'est donc
énorme. Cela veut dire aussi que, si l'Alcan est sur la Péribonca
depuis un certain nombre d'années, c'est que des ententes ont
déjà été conclues avec les gouvernements qui nous
ont précédés et la compagnie. (12 h 30)
Je vais essayer de résumer cette situation le plus simplement
possible pour que l'on puisse comprendre. En 1950, un bail est intervenu
concernant Chute-du-Diable et Chute-à-la-Savane. C'est un bail qui
prenait fin le 1er décembre 1983 et qui pouvait être
renouvelé à la demande du groupe Alcan - je dirais à sa
discrétion - pour une période additionnelle de 25 ans,
c'est-à-dire jusqu'en 2008. Ensuite, une disposition de ce bail
permettait au gouvernement de reconduire cette entente, ce qui nous reporterait
à 2033 environ.
Concernant Chute-des-Passes, le plus important des barrages, le bail est
intervenu en 1959. La centrale a été construite, je crois, en
1956 et Chute-des-Passes développe 750 mégawatts. Le bail sur
l'utilisation des eaux de la rivière courait jusqu'au 9 octobre 1984,
pour une première période de 25 ans, le bail prévoyant
également qu'Alcan, en octobre 1984, pouvait demander la prolongation de
ce bail pour une autre période de 25 ans, de sorte que cela nous
reportait à l'année 2009. Dans ce cas également, une
troisième période de 25 ans pouvait être accordée,
à la discrétion du gouvernement cette fois.
On est donc en présence d'une situation qui fait que, en gros, en
1984, la première phase de deux baux concernant les trois barrages de la
Péribonca vienne à expiration. C'est au choix d'Alcan de demander
au gouvernement la prolongation pour une autre période de 25 ans.
Par ailleurs, tout le monde sait que, dans ce métier de fabriquer
de l'aluminium, il faut consentir des investissements très lourds. En
moyenne, en arrondissant les chiffres, on peut dire que, pour chaque emploi
créé dans une métallurgie d'aluminium, il faut investir 1
000 000 $.
C'est peut-être même davantage aujourd'hui avec les
technologies nouvelles. Pour 1 000 000 000 $, on va construire une aluminerie
et on peut employer 750 à 850 personnes, selon les technologies
utilisées. C'est donc dire qu'un emploi dans le secteur de la
métallurgie de l'aluminium commande au moins 1 000 000 $ et très
certainement un peu plus.
Il y a une autre condition: il faut de l'électricité. Il
faut de l'électricité qui soit garantie dans son
approvisionnement pour longtemps et qui soit aussi à un coût
concurrentiel. Il faut donc, dans le cas d'Alcan, que cette entreprise puisse
compter utiliser ces barrages et ces installations pour des périodes
suffisamment longues pour lui permettre de prendre une décision de faire
un investissement de plusieurs centaines de millions de dollars, voire de
quelques milliards de dollars, et d'être assurée que, pendant la
période requise pour récupérer ses capitaux investis,
rembourser ses dettes, payer des dividendes à ses actionnaires, elle
puisse compter d'abord sur des relations excellentes, cela va de soi, et,
deuxièmement, sur un bon contrat qui soit d'une durée
suffisamment longue pour lui permettre de réaliser l'investissement, de
prendre la décision d'investir, de pouvoir en faire le financement et
d'assurer une production à des prix concurrentiels.
C'est dans ce contexte que les dirigeants de la compagnie Alcan sont
venus nous rencontrer au ministère de l'Énergie et des Ressources
et nous ont proposé un scénario suivant lequel plutôt que
d'attendre 2008 et 2009, nous pourrions tout de suite travailler sur un bail
dont la durée serait de 50 ans, renouvelable pour une période de
25 ans, selon des modalités à être discutées et
entendues entre les parties. C'est là que notre intérêt a
été presque spontané, je dirais même que nous avons
été presque emballés par cette proposition. Nous avons dit
à la compagnie Alcan: Nous sommes très intéressés
à assurer votre groupe que vous pourrez compter, pendant le prochain
demi-siècle, sur l'utilisation des ressources hydrauliques de la
rivière Péribonca, mais nous voulons être rassurés
sur une chose: nous voulons que le Québec reste l'un des principaux
centres mondiaux de la production d'aluminium.
Déjà, la Reynolds est installée chez nous, à
Baie-Comeau, où elle investit actuellement 500 000 000 $. J'ai eu
l'occasion de visiter cet énorme chantier, c'est impressionnant, ce sera
une usine toute neuve, non polluante; Reynolds est donc de la famille.
À Bécancour, l'aluminerie de Pechiney commence à
sortir de terre. La production prévue pour 1986, ses premiers lingots,
devrait atteindre 230 000 tonnes de métal lorsque les deux lignes seront
en pleine production; si le marché mondial de l'aluminium tient,
peut-être qu'une troisième ligne - avec encore 110 000 tonnes
viendrait s'ajouter à Bécancour.
À cette époque, le projet d'aluminerie de La Baie
était à peu près en phase terminale. Nous savons tous au
gouvernement que les installations du groupe Alcan, dans plusieurs de ses
alumineries, quoique encore aujourd'hui très productives, ne pourront
très certainement pas résister à la concurrence dans 15,
20 ou 25 ans d'ici à cause du procédé Soderberg, qui est
actuellement utilisé, entre autres, à Shawinigan, à
l'Île-Maligne, à Arvida, etc.
On a dit à la compagnie: Nous sommes intéressés
à vous rendre la vie agréable, vous êtes au Québec
depuis trois quarts de siècle, on va fêter un centième
anniversaire un de ces bons jours, mais on voudrait que la prolongation du bail
de la Péribonca nous donne toutes les assurances que le groupe Alcan va
rester à la fine pointe du progrès technologique, que le groupe
Alcan va faire des investissements importants au Québec. La
réponse a été absolument formidable. Alcan nous a dit: On
est prêt à construire une aluminerie. Moi, qui suis de Shawinigan,
je me suis demandé si elle ne viendrait pas à Shawinigan, cette
première de la série. On m'a dit: Non, nos projets sont
arrêtés, nous irons à Laterrière pour construire une
aluminerie. Ce projet d'aluminerie a été annoncé en
conférence de presse à Montréal. Cela faisait une
aluminerie.
On aurait pu dire à la compagnie Alcan: On vous remercie
beaucoup, une aluminerie de 1 000 000 000 $ avec une technologie nouvelle, cela
se prend, comme on dit. C'est une bonne nouvelle! Cela meuble la semaine! Les
technologies nouvelles ont été mises au point dans un centre de
recherche à Jonquière, par des cerveaux québécois.
On aurait pu se contenter de cela, mais, en poussant un peu plus loin nos
discussions avec Alcan, on a dit: Écoutez, vous avez très
certainement d'autres plans en tête, un grand groupe industriel comme le
vôtre, à l'échelle du monde entier, vous avez très
certainement dans vos cartons, sur vos tables à dessin, dans vos
carnets, lors de vos discussions avec vos officiers supérieurs, au
niveau des conseils d'administration, des projets de modernisation, des projets
d'expansion, d'augmentation de capacité pour l'ensemble des
installations d'Alcan. (12 h 40)
Ils ont dit: Bien sûr. Alors, on s'est dit: On va faire une chose,
et cela a été notre proposition: Nous sommes d'accord pour que le
groupe Alcan puisse utiliser contre redevances la puissance hydraulique de la
rivière Péribonca, à la condition que votre groupe se
commette, qu'il prenne un engagement d'investir au Québec non pas
seulement pour construire une aluminerie, mais pour en construire trois.
Donc, un programme d'investissement de 3 000 000 000 $. Cela n'a pas pris une
semaine que la réponse de M. Ritchie, directeur général de
cette entreprise, est venue en disant: C'est favorable, nous sommes d'accord,
nous allons nous engager.
On venait, par ce fait même, de s'assurer d'un certain nombre de
choses. Premièrement, que, pour la première fois de son histoire,
le groupe Alcan allait atteindre d'ici la fin du siècle une
capacité de production supérieure à 1 000 000 de tonnes de
métal; c'est énorme. On venait également de s'assurer que,
partout où Alcan allait produire un lingot d'aluminium, cela allait se
produire dans des métallurgies, dans des centres d'affinage modernes,
propres, économiques sur le plan de l'énergie, respectueux de
l'environnement et également en utilisant cette nouvelle technologie
Alcan qui lui permet de produire en continu en utilisant jusqu'à 270 000
ou 275 000 ampères.
C'est là, M. le Président, toute l'importance de ce projet
de loi. Ici, à l'Assemblée nationale, parfois, on va
débattre des lois qui vont commander un investissement de 5 000 000 $,
de 10 000 000 $, ou de 100 000 000 $. J'écoutais tantôt mon
collègue de l'Agriculture. Je ne dis pas cela pour le relancer. Le
programme des pêches au Québec est un programme absolument
essentiel, vital pour l'économie, mais cela ne représente que
quelques millions de dollars, beaucoup d'emplois, cependant, tandis qu'ici, ce
dont on parle, ce matin à l'Assemblée nationale, quand on parle
d'un programme d'investissement de 3 000 000 000 $, cela veut dire 3000
millions de dollars. C'est exactement ce que cela veut dire: trois grandes
alumineries dont la première de la série va être
située à Laterrière, près de Chicoutimi.
J'espère, M. le Président, que dans quelques années, dans
la prochaine décennie...
Une voix: Ce sera à Alma.
M. Duhaime: ... lorsque la direction de l'Alcan prendra sa
décision pour la deuxième aluminerie moderne, on aura une bonne
pensée pour...
Une voix: Alma.
M. Duhaime: ... le ministre de l'Énergie et des Ressources
et sa région. Je le dis un peu à la blague. C'est presque de
façon héréditaire que la Mauricie s'attend à
recevoir la deuxième des trois alumineries.
C'est là un tout petit projet de loi de dix articles, dont le
dixième précise l'entrée en vigueur de la loi, et nous
allons faire rétroagir le bail au 1er janvier 1984. Mais dans
ces dix articles du projet de loi 70, il y a 3000 millions de dollars
d'investissements. J'ajoute, M. le Président, que ce sont 3 000 000 000
$ directement reliés au projet de loi 70, mais Alcan va investir
beaucoup plus au Québec.
Je remercie la compagnie de m'avoir fait parvenir le dossier de presse
pour la conférence de presse qui a été tenue à
Montréal le 10 avril 1984. À la page 3 de la déclaration
de M. Douglas Ritchie, que je voudrais citer, on lit: "Aussi, je me permettrai
d'ajouter qu'en plus du programme de reconstruction de 3 000 000 000 $, nous
continuerons de moderniser nos autres installations au Québec. Depuis
1976 jusqu'à ce jour, le programme d'immobilisations d'Alcan au
Québec s'est chiffré à près de 1 000 000 000 $, en
incluant l'usine de Grande-Baie construite au coût de 540 000 000 $, le
nouveau centre de calcination au coût total de 70 000 000 $ et l'usine de
fluorure présentement en construction au coût de 125 000 000
$."
Cela veut dire, M. le Président, qu'à part les 3 000 000
000 $ d'investissements que fera le groupe Alcan au Québec avec
l'adoption de ce projet de loi et la signature du bail Alcan va continuer de
moderniser ses installations. Ce sera donc, au fil de la décennie
quatre-vingt, de la décennie quatre-vingt-dix et après l'an 2000,
une compagnie établie chez nous qui sera un des plus gros investisseurs
dans un marché qui est en progrès, souhaitons-le, en expansion et
qui va surtout avoir comme grande qualité de rester à la fine
pointe de la technologie.
Je dis, M. le Président, toute l'importance de ce projet de loi,
parce que si on essaie d'imaginer ce que sera la situation, disons dans seize
ans - c'est vite passé, seize ans - en l'an 2000, c'est au Québec
que nous allons retrouver trois des cinq géants mondiaux de la
production d'aluminium: Reynolds, Pechiney et Alcan. Les trois ensemble vont
produire entre 1 500 000 et 1 600 000 tonnes de métal. Vous savez, M. le
Président, que 1 500 000 tonnes d'aluminium produit au Québec
dans des usines ultramodernes, c'est plus que la production totale actuelle du
Japon. Cela représente, sur le marché des pays de l'Ouest, le
marché du monde libre, environ 15%. C'est donc dire que les alumineries
situées chez nous seront dans une situation absolument
stratégique, avec 15% de la production des pays de l'Ouest. Il n'y a pas
beaucoup de coins du monde qui peuvent se vanter d'en produire autant.
Je dirais que le Québec - je ne parle pas du Canada - devient
à ce moment le troisième plus grand producteur d'aluminium du
monde. Qui sont ceux en avant de nous? Les Américains et les Russes.
Mais être troisième après les Américains et les
Russes,
pour des Québécois, c'est quand même quelque chose.
C'est sur cette stratégie d'investissement dans le secteur des
alumineries que nous avons travaillé au gouvernement depuis quelques
années. Nous avons réussi, M. le Président. Ce qui est
dommage, c'est que je crois que le Québec aurait pu réussir
beaucoup plus tôt, beaucoup plus vite à attirer chez nous les
grandes compagnies de production d'aluminium. Nous sommes à un coin
géographique du monde absolument unique.
C'est l'année de Jacques Cartier. On peut peut-être en
parler un peu. Ce grand fleuve dont on cherchait la tête il y a 450 ans,
croyant que c'était le passage vers l'Asie, nous permet aujourd'hui,
à nous Québécois, d'avoir des installations portuaires
à Baie-Comeau, à Bécancour et d'être capables,
à partir de ces installations, d'expédier des lingots d'aluminium
partout dans le monde jusqu'en Chine. C'est un avantage énorme que nous
utilisons. (12 h 50)
Je dois dire que le fait que les alumineries du Québec sont
tournées vers le marché international nous contraint et nous
oblige, en quelque sorte, à nous servir au maximum de cet avantage
économique incomparable, de cet atout unique que le Québec
possède, c'est-à-dire son hydroélectricité. Lorsque
nous avons travaillé, il y a quatre ans maintenant, cinq ans même,
dans un cas, à mettre au point une structure tarifaire qui ferait en
sorte qu'un groupe comme Pechiney qui avait à peu près pris sa
décision de construire une aluminerie ailleurs - je crois que
c'était au Brésil - et qui avait en chantier une aluminerie en
Australie, qu'est-ce qui a fait que Pechiney a décidé de venir au
Québec plutôt que de faire un investissement au Brésil ou
en Australie, qu'est-ce qui a fait que Reynolds, par exemple, a
décidé de moderniser son usine de Baie-Comeau, d'en augmenter la
capacité de production plutôt que d'augmenter sa capacité
à son aluminerie de l'Alabama ou, encore, de Corpus Christi au Texas? Ce
sont essentiellement deux choses: un tarif hydroélectrique à long
terme qui tienne compte de la concurrence internationale.
Ces données ne s'appliquent pas comme telles au dossier Alcan. Je
le donne comme une illustration de cette volonté politique de notre
gouvernement, d'une part, d'offrir une tarification à long terme aux
producteurs d'aluminium et, deuxièmement, de maintenir et de nous
soucier de l'existence du groupe Alcan. Ce n'est pas aveuglément qu'on a
offert des rabais tarifaires et donné des garanties contre l'inflation
sauvage des coûts de l'énergie à des concurrents d'Alcan.
Ce n'est pas de façon aveugle qu'on l'a fait. Mais la gageure que nous
avons prise est exactement la même que celle que les dirigeants d'Alcan,
de Pechiney, de Reynolds ou d'autres prennent chaque jour. C'est le risque et
c'est la gageure sur l'avenir que le marché de l'aluminium va continuer
de grandir. Aujourd'hui, dans les pays de l'Ouest, il y a à peu
près pour 12 000 000 de tonnes de capacité installée.
Lorsque le marché est en très haute croissance, en très
forte demande, parfois les capacités vont augmenter pour aller
jusqu'à 14 000 000. Lorsqu'on est rendu à 14 000 000, si vous me
passez l'expression, ce sont vraiment les dernières "réguines" de
l'aluminium qui produisent des lingots. L'avenir va appartenir aux entreprises
qui, sur le marché international, vont être en mesure d'offrir un
produit de première qualité au meilleur prix. Les avantages que
le Québec offre à l'Alcan en lui fournissant ce que j'appellerais
une terre d'accueil, dans une région privilégiée, sont
sans aucun doute la clé et la base même de la décision de
consentir cet investissement.
Au fil des années, alors que des scénarios de redevances
avaient été établis sur le loyer - il est parfaitement
normal, si on utilise le potentiel hydraulique d'une rivière, qu'on en
paie le loyer aux propriétaires, c'est-à-dire aux
Québécois -ces contrats qui existaient, ces baux qui existent
encore aujourd'hui et que nous remplacerons par un nouveau bail, impliquaient
des redevances, mais aucune formule d'indexation. Autrement dit, peu importe le
coût des énergies concurrentielles, peu importe l'inflation, peu
importe le prix de l'aluminium, la redevance était à un niveau
fixe. J'ai proposé à la compagnie Alcan de prendre
essentiellement les mêmes risques que nous sur une formule d'indexation
qui est très simple. J'appellerai cela le phénomène des
grandes marées ou le phénomène de la marée, si vous
voulez. Quand ça monte, tout le monde monte, quand ça descend,
tout le monde descend. Qu'est-ce que cela veut dire en réalité?
Il y a un prix de base au contrat avec une formule d'indexation qui, elle, est
directement reliée à l'évolution du prix de l'aluminium
Alcan. C'est donc dire, que si le prix monte, la redevance monte. Si le prix
Alcan descend, la redevance descend. Cela me paraît normal que ça
se passe de cette façon. Cela a l'air de rien de le dire de cette
façon, mais cela représente une cinquantaine de millions de
dollars de plus. On va le dire bien amicalement à la compagnie Alcan.
Aussi bien l'avoir de notre côté, que de les laisser dans sa
poche. C'est une formule d'indexation qui tient compte d'une
réalité économique. Lorsque nous avons abordé cette
partie de nos discussions, cela s'est fait avec certaines réticences au
départ - c'est parfaitement compréhensible - mais je dirais que
cela s'est fait avec compréhension et avec acceptation par la suite.
Ainsi si on fait un calcul rapide sur
les revenus du Québec sur le bail de la Péribonca durant
les 25 premières années, en faisant des scénarios
d'indexation sur l'inflation - je crois que c'est 5,5% ou 6% que mes gens au
ministère ont retenu comme indice - cela donne autour de 660 000 000 $
de revenus pour le Québec. Avant dîner, cela se prend, comme on
dit. 660 000 000 $ en redevances, cela m'apparaît être un loyer
raisonnable, qui tient compte de la Loi sur le régime des eaux, qui
tient compte également du bail.
Il faut ajouter, non pas pour ajouter à la complexité de
l'explication, que la Loi sur le régime des eaux qui existe au
Québec est à peu près le prix de base de tout ce bail,
parce que l'évolution du prix du kilowattheure à
l'intérieur de la Loi sur le régime des eaux, tel que
prévu, est directement relié au prix moyen du kilowattheure
à Hydro-Québec au tarif industriel. La redevance statutaire
prévue dans la loi et la redevance contractuelle prévue dans le
bail ont tenu compte de l'ensemble de ces facteurs dans une formule
d'indexation que tout le monde comprend très simplement; il y a un prix
de base et l'indexation s'ajuste en fonction de l'évolution du prix de
l'aluminium.
Je terminerai, M. le Président, en disant ceci: D'abord, je
remercie la compagnie Alcan de cette confiance manifeste, tangible et
concrète dans l'économie du Québec. Je dirais que j'envie
en quelque sorte cette région de chez nous -je le dis toujours un peu
avec nostalgie, c'est ma terre natale - d'avoir vu se concentrer au fil des
années une pareille force de frappe sur le plan industriel. Bien
sûr, le Saguenay est un grand fleuve qui mène à tous les
marchés du monde. Laterrière va commencer à sortir de
terre dans les prochains mois. C'est une première aluminerie. Il y en
aura une deuxième. Il y en aura une troisième.
Je pense aussi, en plus de cette marque de confiance - je tiens à
le rappeler parce que, quand nous avons été élus en 1976
pour la première fois, il y a plusieurs grands capitalistes sur ce
continent qui écoutaient les bulletins de nouvelles avec une certaine
appréhension, je dois dire que le calme est revenu - que ces gens ont
appris à nous connaître, à nous respecter et nous avons
également appris de notre côté à vivre avec le grand
capital. Nous faisons la preuve aujourd'hui, de la même manière
que dans d'autres pays du monde - je pense à la Suède, entre
autres, à la Finlande - que des gouvernements sociaux-démocrates
peuvent très bien cohabiter, coexister, dans l'amitié même,
avec des grands détenteurs de capitaux qui prennent chaque jour des
décisions importantes sur la vie de nos familles.
Je suis content que cette affaire se soit concrétisée. Je
suis absolument certain de mon coup que, autant sur le projet de loi concernant
l'augmentation du capital-actions de REXFOR que sur ce projet loi 70,
l'Opposition va parler de façon positive et qu'elle va voter pour le
projet de loi 70. Cela va faire la démonstration très claire et
très nette qu'au Québec on peut très bien faire de la
politique et brasser des affaires. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, je
vais d'abord dire que nous suspendons ce débat. C'est le
député d'Outremont qui aura la parole. Ce débat sera
repris après le débat prioritaire d'une heure et trente qui aura
lieu, lui, à 15 heures. Donc, nous reprendrons nos travaux à 15
heures, d'abord sur le débat prioritaire sur le budget. Le ministre des
Finances aura la parole à ce moment-là. Après cette heure
et demie de débat, nous reprendrons le travail.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, c'est plutôt le critique
officiel de l'Opposition qui aura la parole et le ministre des Finances
répliquera par la suite.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez raison.
Exactement. Je m'excuse de l'erreur. Je suspends nos travaux jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise de la séance à 15 h 1)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
Vous pouvez vous asseoir.
Reprise du débat sur la motion de
M. Parizeau proposant l'adoption de
la politique budgétaire du gouvernement
et sur la motion de censure
Nous allons reprendre le débat ajourné le 30 mai dernier
sur la motion du ministre des Finances proposant que l'Assemblée
approuve la politique budgétaire du gouvernement ainsi que la motion de
censure du député de Vaudreuil-Soulanges.
En conséquence, en vertu du règlement, la parole est au
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En terminant ces interventions
sur le budget, dont une dizaine d'heures, en vertu de notre règlement,
ont également eu lieu en commission parlementaire, je voudrais me
limiter,
étant donné le temps dont on dispose à ce
moment-ci, étant donné aussi les discours qui ont
déjà eu lieu, à reprendre trois
éléments.
Il en est un qu'il y aurait lieu de qualifier comme étant l'un
des éléments de la tenue générale de
l'économie, l'une des mesures de la performance économique du
Québec. Ceci nous permettra de voir quels gestes le gouvernement
pourrait poser, quels gestes le gouvernement actuel a posés et ce, afin
de faire partager notre diagnostic avec ceux qui nous écoutent.
Quant à la tenue générale de l'économie du
Québec en matière d'investissements, c'est ce que nous entendons
isoler de ce côté-ci.
Le deuxième a trait aux mesures fiscales, à la
qualité de la fiscalité au Québec, quant au fardeau de
l'impôt que les contribuables ont à payer afin de rencontrer les
niveaux de services que le gouvernement a donnés aux
Québécois.
Il y a un troisième élément, un autre aspect que je
toucherai assez brièvement, dans la mesure où un tas de discours
ont déjà été faits sur ce sujet spécifique
ici, à l'Assemblée, ou en commission, notamment les transferts du
gouvernement fédéral vers les provinces et notamment le
Québec, afin que nous puissions juger exactement de la
crédibilité qu'on peut accorder au ministre des Finances dans ses
discours très vociférants et très certainement
répétitifs sur ce sujet spécifique.
Donc, quant à la tenue générale de
l'économie, la mesure la plus importante, quant à nous - c'est
pour cela qu'on en parle souvent, c'est aussi simple que ça - c'est
l'investissement au Québec, dont le volume et la qualité sont les
facteurs déterminants de la progression économique du
Québec. Une prospérité, ça se bâtit dans une
société sur la force qu'elle acquiert en consacrant des
énergies et des ressources à installer sur place, son son
territoire, des actifs fixes. C'est cela, du stock de capital; c'est cela, de
l'investissement.
Qu'est-ce qui crée des emplois? Qu'est-ce qui permet de
créer des emplois, parce qu'on produit des biens et des services? Ce
sont les investissements. Or, quelle est la tendance, non pas des derniers six
mois ou de la dernière année, mais la tendance lourde, la
tendance à long terme qu'on peut observer en matière
d'investissements au Québec à la lumière de la meilleure
mesure possible de cette activité? C'est-à-dire quelle part les
dollars consacrés à l'investissement représentent-ils par
rapport à la production intérieure brute du Québec, par
rapport à l'ensemble de l'activité économique du
Québec?
Les chiffres disponibles à même les documents
budgétaires que le ministre des Finances soumet à cette
Assemblée chaque année font ressortir qu'au Québec, alors
que nous étions dès le début de la décennie 1970
à 15% ou 16% d'investissements par rapport à la production
intérieure brute, par rapport à l'activité
économique - 16% en 1970, 17% ou un peu plus en 1971, cela monte
toujours; en 1972, 18,4%, en 1974, nous sommes rendus à 20,9% et ainsi
de suite jusqu'en 1976 et 1977, où nous atteignons 21,2%, donc des
milliards d'investissements, un dollar sur cinq d'activité
économique au Québec est consacré à
l'investissement. Ce qu'on observe depuis est désolant: 19,1% en 1978,
18,8% -petite baisse - l'année suivante, 18,2% - cela baisse toujours -
17,2%, 15,7%, 15,2%, 14,8% en 1984 - une descente continuelle.
Lorsque nous faisons remarquer au ministre des Finances et à ses
collègues que cette tendance est inquiétante, nous sommes
extrêmement surpris de voir que le ministre trouve, quant à lui -
il l'a dit hier, en commission parlementaire - qu'un niveau d'investissement de
l'ordre de 15%, qu'un dollar sur six ou sept soit consacré à
l'investissement dans une économie, c'était passable, ma foi! Il
justifiait cela, notamment en se comparant avec l'Ontario qui, elle aussi,
connaît des problèmes de développement extrêmement
sérieux.
J'ajouterais même qu'on pourrait comparer avec certains taux qu'on
observe aux États-Unis depuis quelques années. Mais ce n'est pas
une raison de se satisfaire et de se péter les bretelles lorsqu'on se
compare avec des gens qui ont posé un diagnostic extrêmement
sérieux quant à la diminution des investissements chez eux, sauf
que leur économie est déjà plus forte, est
extrêmement vivace. Les taux d'investissement qu'on observe, lorsqu'on
les rétablit sur une base par habitant...
Voyons donc combien de milliers de dollars, de centaines de dollars sont
consentis pour l'investissement en Ontario et aux États-Unis. On voit
que, ne serait-ce qu'à l'égard de l'Ontario, chaque habitant
bénéficie, si on peut employer ce langage, d'investissements
supérieurs de 20% à ce dont nous, Québécois,
pouvons nous enorgueillir. Les chiffres pour 1984 sont de 2650 $ par habitant
en Ontario et de 2260 $ par habitant au Québec, une différence de
20% particulièrement inquiétante.
Mais au-delà de la comparaison qu'on peut faire avec nos voisins,
il existe des mesures un peu plus globales qui nous situeraient dans la parade
des régions du monde qui sont au stade de développement
extrêmement actif, en très haute croissance, et qui nous
permettraient de voir, de façon précise, comment cela se produit
dans ces pays-là. Comment explique-t-on la croissance de l'emploi, la
croissance de la prospérité autrement que par la croissance des
investissements? On n'y échappe pas.
Lorsqu'on regarde les chiffres qui sont disponibles pour les pays dits
dans un stade
de développement intense, qui ont choisi la priorité de
l'investissement et du développement économique, on voit qu'on
n'est pas dans les 15%, les 16%, les 18% ou même les 20%. C'est, dans
certaines régions du monde, près du tiers de l'économie
qui est consacré à l'investissement, donc à cette
édification de l'avenir économique d'un pays ou d'une
région. À Singapour, en Corée et au Japon, pour ne prendre
que ces trois-là, qui sont des exemples frappants de pays en très
forte croissance, c'est 39%, 31% et 32%. Là, 1 $ sur 3 $ ou 1 $ sur 2,50
$ d'activité économique va spécifiquement à
l'investissement. C'est dans ce sens-là qu'on peut voir qu'il y a des
possibilités de croissance dans de telles circonstances, parce que la
croissance fondée sur l'investissement, si je peux employer une image,
c'est la capacité que cela donne à une région, à
une société, à un pays, d'utiliser une masse de biens
productifs pour en produire d'autres, pour produire d'autres biens et d'autres
services.
C'est comme un lac qui est alimenté par la rivière.
L'investissement annuel, c'est la rivière qui constitue le lac. Or, les
niveaux d'investissements qu'on retrouve au Québec depuis quelques
années, si on regarde la totalité des actifs immobilisés,
donc du stock de capital qu'on a au Québec, permettent, c'est
évident, le remplacement de l'eau du lac qui s'est
évaporée. Des usines deviennent trop vieilles; il faut les
remplacer. On ne crée pas d'emplois comme tels. On fait un peu de
croissance. Il y a certaines acquisitions qui permettent à une compagnie
d'être un peu plus importante, mais on n'a pas vraiment
créé quoi que ce soit d'additionnel, ce qui est
inquiétant. Lorsqu'on voit les taux de remplacement dans notre
économie qui sont d'environ 1,8% du stock de capital et qu'on regarde
quel est le stock de capital du Québec - donc ayant fait la soustraction
à partir du flot d'investissements annuels, donc la rivière, dont
on soustrait cette portion qui doit remplacer l'eau qui s'est
évaporée, qui s'est échappée - cela nous
ramène à des taux qui ne sont pas vraiment intéressants.
C'est le moins qu'on puisse dire. Aller se satisfaire de 15% d'investissements,
comme le ministre des Finances l'a fait, cela m'apparaît
indéfendable. (15 h 10)
Lorsqu'on regarde derrière les chiffres, qu'on considère
que certains des actifs sont purement et simplement remplacés parce
qu'ils sont trop vieux et que rien de nouveau n'est donc véritablement
créé, on commence, on continue à descendre. La
défense de ce taux d'investissements commence à devenir
irresponsable, notamment parce qu'on ne peut pas, de façon
sérieuse, prétendre que le taux d'investissements qu'on observe
au Québec depuis des années est la clé de notre
avenir.
Il faut faire quelque chose de spécial, de particulier, afin de
nous assurer que nous aurons la capacité, les ressources, la richesse de
base, l'investissement, pour bâtir notre avenir et, enfin, surmonter les
obstacles qui se dressent devant le développement de la
société, l'obstacle que représente le sous-emploi comme
tel.
Que fait donc le gouvernement? Il a choisi - c'est l'admission du
ministre - de consolider certains secteurs à partir des richesses
naturelles. Nous en sommes, nous en avons beaucoup. Mais le ministre des
Finances disait qu'on a tellement de richesses naturelles au Québec que
c'est même nuisible dans la mesure où cela ne nous a pas
forcés, étant donné qu'on a beaucoup de ces richesses
naturelles, à développer nos ressources humaines, à
regarder plus activement vers des nouvelles activités. Je suis d'accord
avec le ministre des Finances mais je ne suis pas d'accord avec les gestes
qu'il pose. Il faudrait faire ce qu'il prêche mais certainement pas ce
qu'il fait.
De la façon dont le gouvernement privilégie dans ses
interventions financières de consolider certains secteurs en ne donnant
pas assez d'attention aux secteurs de l'avenir qui expliqueront que nous
pourrons faire face aux changements, que notre main-d'oeuvre sera
habilitée à rencontrer les défis de l'avenir, le choix que
fait le gouvernement n'est pas le bon choix. C'est la moindre des choses qu'on
puisse dire à ce moment-ci.
C'est donc extrêmement insatisfaisant comme réponse de la
part du ministre de nous dire que 15%, cela va. Non seulement cela mais je
consacre cette partie qui est relativement infime quand on regarde nos
concurrents sur la scène mondiale, quand on regarde véritablement
les objectifs qu'on doit avoir si on veut se développer; 15% qui vont
dans le remplacement, qui ne créent donc rien; 15% qui est un
pourcentage très bas comme tel et qui va même exacerber la
situation en étant consacrés de façon beaucoup trop
importante à la consolidation de certaines activités.
Avec l'effet qu'étant donné cet étiolement de la
base économique du Québec, on se retrouve presque
inévitablement, étant donné les habitudes de
dépenses publiques, devant un problème de fiscalité assez
particulier: Un fardeau fiscal, un fardeau d'impôt au Québec qui
ne nous permet pas d'être concurrentiels et qui laisse très
certainement beaucoup de place pour une amélioration à venir. On
peut le calculer de deux façons. On peut juger si le ministre des
Finances a véritablement baissé les impôts depuis qu'il est
en selle depuis 1977. Qu'en est-il? Quelle est la portion de notre revenu
personnel par 100 $ de revenu personnel que nous consacrons afin de donner des
revenus autonomes au gouvernement du Québec? Si
on regarde sur une longue suite d'années, une quinzaine
d'années, on s'aperçoit que le total des revenus autonomes
calculé en fonction de notre revenu personnel pour chaque tranche de 100
$ de revenu personnel n'a pas vraiment varié. On est autour de 17%,
17,5%, c'est-à-dire 17 $ à 17,50 $ pour chaque tranche de 100 $
de revenu personnel sur une base très agrégée des revenus
personnels des Québécois.
Le gouvernement n'a très certainement pas baissé les
impôts. Il s'est même financé à même le haut
taux d'inflation que nous avons connu depuis quelques années. C'est vrai
d'autant plus que les taxes autres que celles qui frappent directement
l'individu quant à l'impôt chez les particuliers ont connu une
hausse considérable. Cette décomposition de ces 17 $, 17,50 $ par
100 $ de revenu personnel qui comprend différentes sortes
d'impôts, ne permet pas de conclure. Au contraire, l'impôt sur le
revenu des particuliers, les charges qui frappent les particuliers ont
baissé de façon significative. Les chiffres que j'ai, il me fera
plaisir de les communiquer dans les détails lorsqu'on aura plus de
temps, font état d'une diminution, je le reconnais, de 0,4% par 100 $ de
revenu personnel depuis sept ans. Ce n'est pas le Pérou. Si on regarde
ce que cela représente comme diminution de l'impôt payé
comme tel par les particuliers, on parle, sur sept ans, de moins de 3%. Je ne
vois vraiment pas le pétage de bretelles auquel on est soumis de ce
côté-ci lorsqu'on écoute les discours du ministre des
Finances.
De la même façon, ce n'est là qu'une facette de la
réalité, nous avons dit depuis des années qu'il faut
être extrêmement prudent lorsqu'on parle du fardeau fiscal
québécois. Il faut surtout être complet, parce que
l'accumulation des dettes du Québec depuis quelques années
représente de façon extrêmement claire un effort fiscal
à venir. Nous devrons rembourser, sinon, après refinancement,
nous devrons payer les intérêts sur la dette qui s'accumule au
Québec depuis cinq ou six ans. Ainsi, en regardant de façon plus
complète et intégrée ce que le fardeau fiscal des
Québécois représente une fois qu'on tient compte des
déficits et des dettes qui s'accumulent, grâce au ministre des
Finances, depuis quelques années, on voit que le fardeau fiscal des
Québécois - j'en ai parlé plus longuement dans ma
réplique il y a deux semaines -représente une charge
additionnelle de 45% supérieure à ce qu'elle est dans l'ensemble
du Canada. Lorsqu'on a ajusté toutes les sources de revenus, qu'on a
regardé la capacité fiscale des Québécois, qu'on a
tenu compte, par ailleurs, de l'effort que les Québécois doivent
consentir pour rencontrer les programmes de dépenses que le ministre,
dans sa sagesse, a inventés et laissé augmenter, que l'effort des
Québécois est le plus élevé au Canada, que les
taxes de façon directe représentent une fraction relativement
plus petite que ce qu'elle représentait autrefois, parce que le
gouvernement a décidé de se financer par emprunts, donc
d'endetter les générations à venir et d'imposer de
façon complète, quand on regarde cela de façon
intégrée, cela représente un fardeau considérable.
Considérable au point que nous avons le championnat au Canada du fardeau
des impôts.
Un fardeau des impôts qui serait encore plus élevé
si ce n'était de la performance qu'on observe dans les transferts
fédéraux -c'est le troisième point de ma
présentation de cet après-midi, étant donné que les
criages au loup, les déchirements de chemises et de linge du ministre
des Finances appellent au moins quelque rétablissement de fait.
Lors de la commission que nous avons eue sur le budget - hier notamment
- nous avons eu l'occasion de voir certains des sophismes, certaines des
incohérences qui ont largement cours l'autre côté de la
Chambre, du côté du gouvernement du Parti québécois.
Des démonstrations ou des appels qui se voudraient logiques à
l'endroit du système du gouvernement fédéral pour, d'une
part, diminuer son déficit, diminuer ses impôts, mais augmenter
les transferts aux provinces. Un raisonnement circulaire qui ne laisse
absolument aucune issue à celui qui le tient. Comment peut-on, dans un
même souffle, dénoncer - c'est véritablement le genre
d'accusation qui pleut de l'autre côté - le comportement du
gouvernement fédéral en matière de finances publiques tout
en réclamant que les provinces bénéficient, et notamment
le Québec, de transferts additionnels? Déjà la logique
m'échappe, M. le Président.
Deuxièmement, dans le système de fonctionnement de ces
transferts, qui sont largement destinés à compenser les
inégalités dans les degrés de développement
économique des provinces, dans les rythmes d'augmentation de la
prospérité, il est parfaitement naturel - je répète
naturel - et évident que lorsque cela va mieux, comme le
prétendait le ministre l'autre jour à l'égard de
l'économie du Québec, on ne peut pas en plus s'attendre à
recevoir plus d'aide de l'extérieur. C'est ainsi que le système
fonctionne. C'est presque la même chose que de prétendre que si un
bénéficiaire de l'aide sociale ou un chômeur trouve un
travail à temps plein 40 heures par semaine à 6 $ ou 7 $ l'heure,
il devrait recevoir un peu plus d'aide sociale et un peu plus
d'assurance-chômage que lorsqu'il n'avait aucun travail. C'est
l'espèce de drôle de logique dans laquelle le discours du PQ
s'enferme, qui lui permet de faire des tours de piste considérables et
quelquefois spectaculaires,
compte tenu de la haute voltige qui est impliquée dans tout
l'exercice quant à ses dénonciations du système
fédéral. Mais les chiffres démentent ce que le ministre a
voulu prétendre et, à sa traîne, certains de ses
collègues depuis déjà deux ou trois ans. (15 h 20)
Si on regarde quel a été depuis 1977 le total des
transferts du gouvernement fédéral au Québec et quelle
part, incidemment, ces transferts représentent dans les dépenses
publiques du gouvernement du Québec, on voit une augmentation
substantielle. Si on recule plus que cela - je vais reculer à plus de
sept ans et on va prendre une série de douze ou treize ans - cela nous
permet de constater que les augmentations sur une base annuelle des transferts
du gouvernement fédéral vers le gouvernement du Québec se
sont faites au rythme de 13% ou 14% par année. Ce n'est pas de la tarte,
comme se plaît à le dire le ministre dans d'autres circonstances:
de 2 500 000 000 $ en 1977 à 3 135 000 000 $ en 1978; 3 300 000 000 $ en
1979. Je continue. Je saute des années. En 1982, 4 500 000 000 $; en
1983, 5 300 000 000 ; 6 400 000 000 $ en 1984 et, en 1985, 6 300 000 000 $. Ce
sont des augmentations considérables qui ne permettent pas de conclure
qu'il y a un effort concerté de déstabilisation des
dépenses publiques de la part du gouvernement fédéral. Il
n'y a pas d'étrangleur en la demeure. Ou c'est un étrangleur qui
est particulièrement prodigue depuis quelques années et qui
permet au ministre des Finances de ficeler ses comptes qui, malgré tout,
sont grevés d'un déficit considérable qui le porte
à emprunter.
Déjà, la masse des emprunts comme telle est
inquiétante et sa composition, quant à nous, est également
inquiétante. Nous avons relevé en commission qu'une portion
croissante de la dette du Québec était composée de titres
à taux variables. Le ministre nous a dit: Nous sommes d'accord. Nous
l'avons dit en premier lors de la présentation. Il est évident
que dans une conjoncture où les taux d'intérêt montent
très rapidement, où les taux d'intérêt à long
terme sont assez élevés, il est d'une élémentaire
prudence d'essayer de voir si on peut emprunter à court terme, à
un taux flottant qui risque de monter, mais qui risque également de
descendre afin de refinancer de façon plus stable et pour une plus
longue période une portion de la dette lorsque les taux auront
baissé.
Le ministre nous a dit: Je ne peux pas y échapper,
élémentaire prudence. C'est un peu comme celui à qui on
ferait remarquer qu'il est au volant d'un camion trop lourdement chargé
dans une côte trop à pic et à qui on ferait remarquer qu'il
utilise le frein d'urgence afin de ralentir sa course. Le ministre nous dit:
C'est la prudence élémentaire, dans ces circonstances, d'utiliser
le frein d'urgence. Nous disons que c'est la prudence élémentaire
- c'est notre constat -de s'assurer que le camion n'est pas trop
chargé et qu'on ne s'engage pas dans une côte trop à pic.
Ce n'est pas de la prudence d'emprunter à court terme sous
prétexte qu'à cause de la conjoncture des taux
d'intérêt il faut le faire, c'est la preuve que déjà
le gouvernement a atteint les limites de son pouvoir d'emprunt à long
terme, qu'il n'aurait pas dû atteindre s'il avait
géré l'économie du Québec, s'il avait
géré les finances publiques d'une façon raisonnable.
Quant à nous, nous sommes convaincus qu'il y a des choses
à faire pour améliorer l'économie du Québec, nous
en parlons constamment de ce côté-ci de la Chambre, nous
exhortons, contre toute attente, le gouvernement à poser des gestes qui
vont améliorer le climat de confiance, qui vont améliorer
la perception que les investisseurs peuvent avoir de ce qui les attend au
Québec, qui va améliorer la position concurrentielle de nos
entreprises. Parce que c'est notre constat, nous demandons au gouvernement de
poser certains gestes. Il refuse de le faire mais, pourtant, lorsque l'on a
comme objectif la prospérité du Québec, on doit se donner
comme objectif de tout mettre en oeuvre pour que nous dépassions ce
pourcentage que je qualifierais aujourd'hui d'insignifiant compte tenu des
défis qui nous attendent, ce pourcentage insignifiant de nos ressources
que nous consacrons à l'investissement. 15% que le ministre veut
accréditer comme un niveau qui a du bon sens; ce n'est pas suffisant.
J'ai déjà dit que c'était insatisfaisant comme
réponse; j'ai prétendu que c'est indéfendable et je
répète qu'il est irresponsable de dire à la
société québécoise que nous pouvons nous contenter
de ce taux d'investissement afin d'assurer notre avenir économique.
Il y a des choses que le gouvernement peut faire. Nous lui demandons de
les faire et de ne pas se comporter comme s'il était le seul à
avoir le pas en matière de fiscalité en Amérique du Nord.
Nous l'avons dit déjà, certaines expressions un peu trop
partielles de ces nouveaux sentiments du gouvernement viennent ici, en Chambre,
se manifester, notamment, lors du discours sur le budget: on parle de
l'exemption de l'impôt sur les dons des entreprises agricoles, que
l'Union des producteurs agricoles demandait dans un mémoire
récent. L'abolition, c'est ce que les agriculteurs ont demandé.
Le ministre, en 1980, les a traités de pleurnichards; cette
année, il leur a donné quelque chose, une augmentation des
exemptions pour la transmission d'une entreprise agricole d'une
génération à l'autre. L'UPA continue de prétendre,
avec raison - nous sommes d'accord avec elle - que ce système, que le
ministre maintient pour des raisons
idéologiques - et cela se retrouve dans toutes sortes d'autres
manifestations du régime d'impôt du Québec depuis sept ans
-que le maintien de ces éléments fait que le Québec est le
seul à avoir le pas dans beaucoup de domaines par rapport au reste de
l'Amérique ou au reste du Canada. De toute façon, j'aimerais
mieux avoir le pas seul dans des directions qui favorisent les investissements,
plutôt que dans des directions qui favorisent la réalisation
d'espèces d'idéaux qui n'ont rien à faire avec la
réalité nord-américaine. Il y a des choses visibles comme
celles-là qui peuvent être faites. Il y a des choses qu'on peut
entendre - des choses audibles - qui doivent être faites ou surtout ne
pas être faites, des déclarations de certains ministres de l'autre
côté qui démontrent leur incompréhension totale de
la façon dont les investissements ont lieu.
À titre d'exemple, prenons le cas récent de la compagnie
Honda, qui s'installe en Ontario et qui est un producteur japonais dont
l'accès au marché canadien est limité par des quotas
d'importation, qui décide d'exploiter le marché canadien de 24
000 000 de personnes, assis quelque part à Tokyo ou je ne sais
où, qui a à décider où, essentiellement, au centre
du Canada, au Québec ou en Ontario, on a le choix de s'implanter et qui
regarde les gestes d'un gouvernement qui n'écoute même pas
l'Opposition.
Je ne me m'imagine pas un instant que les gens de Honda ou de Toyota
écoutent les gens de l'Opposition libérale à
l'Assemblée nationale. Ils regardent les gestes du gouvernement du Parti
québécois, ils regardent son programme, ils écoutent ses
ministres, qui sont contents de voir que les investisseurs s'en vont et ils
concluent qu'ils n'ont rien à faire ici, qu'ils ne sont pas les
bienvenus. Ils ne sont pas les bienvenus et, de façon objective,
regardant les objectifs du gouvernement du Parti québécois, ils
se demandent pour combien de temps - si le gouvernement a raison - des gens
implantés au Québec pour desservir un marché canadien
pourront fonctionner de façon ouverte, sans frontière, sans
barrière et avec la même monnaie.
L'ambition du ministre des Finances et de ses collègues est de
s'assurer qu'il y aura un pays différent, séparé du reste
du Canada, à l'intérieur des frontières du Québec
que nous connaissons aujourd'hui. Comment pouvons-nous blâmer le
gouvernement fédéral du fait que des gens du Japon s'installent
ailleurs qu'au Québec dans des conditions semblables, lorsqu'ils veulent
desservir le marché canadien? Il en va autrement si on veut desservir le
marché international. Les contraintes, les règles du jeu sont
différentes: on passe par-dessus les douanes, les frontières, les
monnaies de façon quotidienne. Mais si on parle de desservir le
marché canadien de 24 000 000 d'habitants, pourquoi un Japonais, en
regardant ce que le gouvernement du Parti québécois veut faire au
Québec, s'installerait-il ici? C'est la question qu'on est en droit de
se poser.
Il y a une question de crédibilité fondamentale à
changer au Québec. Le gouvernement du Québec doit être
composé d'hommes et de femmes qui ont déjà
démontré leur capacité à entraîner les
Québécois non pas vers un paradis terrestre défini dans
des congrès régionaux du PQ, mais à amener les
Québécois vers l'an 2000 de façon mieux
préparée pour affronter l'avenir. Je vous remercie, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Finances. (15 h 30)
M. Jacques Parizeau (réplique)
M. Parizeau: M. le Président, le discours sur le budget
que j'ai eu l'honneur de présenter en cette Chambre le 22 mai dernier en
arrivait à la conclusion que les mesures prises par le gouvernement
depuis quelque temps pour assurer la relance de l'économie semblaient
correspondre aux besoins du moment, semblaient avoir une efficacité
assez remarquable et que, dans ces conditions, il n'y avait pas lieu de prendre
une sorte de virage dramatique par rapport à toutes les étapes
qui ont été franchies par ce gouvernement depuis quelque temps
pour assurer le relèvement. Je pense que cette absence, si l'on veut,
d'originalité du budget correspondait à quelque chose de
nécessaire et représentait bien plus une vertu qu'un
défaut. Lorsqu'on pense avoir mis en place les instruments
nécessaires pour obtenir un degré de relèvement, pas
idéal bien sûr, mais satisfaisant, il est important de ne pas
commencer à tout changer tous les six mois.
Sur quoi est-ce que je me base pour dire que les politiques
adoptées par le gouvernement depuis quelque temps correspondent aux
besoins fondamentaux de l'économie et de la société dans
laquelle nous vivons? Essentiellement sur les résultats obtenus
jusqu'à maintenant. Je pense que, contrairement à, disons, il y a
18 mois, nous n'avons pas, à l'heure actuelle, à vivre d'espoir
ou de promesses, mais de réalisations, de choses faites et de choses qui
se font.
Je pense qu'en particulier, le problème des investissements au
Québec que soulevait le porte-parole de l'Opposition tout à
l'heure est très réel, sauf que cela fait maintenant
au-delà d'un an, presque 18 mois, que le gouvernement actuel a
posé un certain nombre de gestes avec des résultats. On n'a
pas attendu aujourd'hui ou depuis deux mois pour discuter de la
question. Comment se présente effectivement le problème de ces
investissements au Québec?
Nous avons connu une phase dans les années soixante-dix, à
la fin des années soixante-dix en particulier, où la construction
de la Baie James a impliqué d'énormes investissements dans notre
société. À remarquer que cela a masqué, en un
certain sens, le retard qu'on prenait sur d'autres types d'investissements.
Nous avons pris du retard quant au virage technologique qui se produisait un
peu partout dans le monde. Nous avions pris dans certains domaines, comme
l'agriculture, un retard important. Dans l'industrie manufacturière, les
investissements étaient faiblards, c'est le moins qu'on puisse dire,
mais tout cela était masqué par le fait qu'à un moment
donné, les investissements dans la Baie James ont
représenté presque 30% de tous les investissements au
Québec. Cela masquait.
Lorsque la Baie James s'est terminée -après tout,
l'essentiel des gros travaux est terminé là-bas maintenant, au
moins à la phase actuelle - on a vu apparaître un
phénomène, comment dire? de chute du volume total des
investissements au Québec au moins en termes relatifs qui,
inévitablement, devait présenter un sérieux
problème en termes d'activité économique, d'emplois, de
création d'emplois. C'est la raison fondamentale pour laquelle le
gouvernement, d'abord, a mis au point un certain nombre de feuilles de route.
Peut-être la plus connue de ces feuilles de route et, en un certain sens,
peut-être la plus importante, a-t-elle été ce qu'on a
appelé le virage technologique. Il fallait savoir où on allait
poser les jalons d'une politique. Dans un deuxième temps, il fallait
être en mesure de bouger, de poser des gestes. Nous avons beaucoup
bougé, M. le Président, depuis 18 mois, énormément
bougé. Il y a quelque chose, je pense, non seulement
d'exagéré, mais de dévié dans les remarques du
porte-parole financier de l'Opposition à cet égard. On ne demande
pas au gouvernement actuel de commencer à bouger dans le domaine des
investissements. Enfin, soyons sérieux.
J'ai eu l'occasion, à quelques reprises, de parler du râle
qu'a joué, à cet égard, la réunion spéciale
du Conseil des ministres en mars 1983, au mont Sainte-Anne, qui a
dégagé une série de politiques à l'égard des
investissements.
Certaines d'entre elles maintenant sont bien connues. Pour la
première fois, nous nous sommes servis des tarifs
d'électricité au Québec pour provoquer l'apparition
d'entreprises. C'est clair comme le jour dans le cas de l'aluminium. Sans cette
politique d'abaissement des tarifs, de rabais temporaires des tarifs
d'électricité, l'agrandissement de Reynolds à Baie-Comeau
ne se serait jamais fait ou, en tout cas, aurait été
reporté à plusieurs années; Pechiney n'aurait jamais
abouti. Cela faisait 19 ans que j'entendais parler d'un plan Pechiney au
Québec. Cela n'aurait jamais abouti ou, alors, on aurait attendu 19
autres années.
En raison de ces investissements, un concurrent direct de ces deux
entreprises, l'Alcan, a finalement annoncé la construction d'une usine
à Laterrière. D'autres alumineries sont en discussion avec le
gouvernement pour voir dans quelle mesure elles ne devraient pas investir au
Québec. L'enjeu est majeur: 2 000 000 de tonnes dans le monde occidental
de capacité d'aluminium sont en train de disparaître parce les
tarifs d'électricité sont trop élevés. Il y a trois
endroits où cela peut aller, où ces 2 000 000 de tonnes peuvent
aller: l'Australie, le Brésil ou le Québec. Il y a d'autres
endroits où on peut accepter, à la rigueur, une aluminerie de
plus mais pas beaucoup. Les trois endroits dans le monde où on peut
à l'heure actuelle augmenter considérablement les
capacités sont les trois endroits que je viens d'indiquer. De ces 2 000
000 de tonnes, le Québec, en l'espace d'un an et demi, est allé
en chercher déjà 500 000, et cela continue.
La même politique ou une politique analogue sur le plan des tarifs
d'électricité a amené des investissements importants dans
le domaine de l'industrie chimique. Ce sont des investissements dont certains
sont complétés, dont d'autres sont en train de se faire ou dont
d'autres vont commencer incessamment. Ce ne sont pas des promesses pour
l'avenir. Ce n'est pas une incitation à faire davantage
d'investissements. Cela se fait.
Nous avons adopté une politique exceptionnelle de subventions
à l'investissement en même temps qu'on travaillait les tarifs
d'électricité. Cela a eu des effets étonnants dans le
domaine minier où, à l'hegre actuelle, plusieurs mines sont en
construction au Québec. En fait, 500 000 000 $ d'investissements sont
déjà engagés à partir de ces subventions
exceptionnelles qui sont sorties de la réunion du mont Sainte-Anne. Et
il y a plusieurs centaines de millions de dollars dans les mines qui sont en
discussion à l'heure actuelle.
Dans le domaine manufacturier, nous avons aussi vu les résultats
de cette politique. Ne nous faisons pas d'illusions, la Bell Helicopter n'est
pas venue s'installer au Québec sans qu'à cet égard la
contribution du gouvernement québécois, comme on le sait, soit
très importante. Dans le domaine de la modernisation de la pâte et
du papier, même chose.
Dans le domaine maintenant du virage technologique proprement dit, des
hautes technologies, nous avons bougé probablement plus rapidement que
n'importe où au Canada
pour faire en sorte que des investissements dans les hautes
technologies, que des dépenses des autorités publiques dans ce
domaine soient faites. Est-ce qu'on sait qu'à travers aussi bien le
ministère de la Science et de la Technologie qu'à travers les
autres ministères du gouvernement du Québec, depuis un an et
demi, ce sont 290 000 000 $ de fonds publics qui ont été
engagés dans le virage technologique?
Dans le domaine de l'entraînement de la main-d'oeuvre, on entend,
ces jours-ci, les gens de l'Opposition prendre fait et cause pour ceux qui
voudraient simplement augmenter - et largement augmenter - les contributions
d'aide sociale aux célibataires aptes au travail de moins de 30 ans.
Nous avons déjà engagé un programme où nous sommes
disposés à augmenter ces contributions d'aide sociale, mais dans
la mesure où ces jeunes acceptent de retourner finir leurs études
secondaires. Est-ce qu'on sait que la moitié de ces jeunes
célibataires de moins de 30 ans n'ont pas fini leurs études
secondaires? Dans la mesure aussi où ils acceptent des stages en
entreprises. L'apprentissage est une chose qu'il faut développer dans
notre société car il ne l'a jamais été
suffisamment.
M. le Président, ces gestes, que je résume
brièvement mais que j'ai eu l'occasion de commenter déjà
et que je vais continuer de commenter dans l'avenir, donnent des
résultats. (15 h 40)
À partir des décisions prises au mont Sainte-Anne en mars
1983, c'est-à-dire il y a quatorze mois, c'est 8 000 000 000 $
-d'investissements additionnels sur quelques années, selon les projets
de deux ans, trois ans, quatre ans - de plus d'investissements qui ont
été déclenchés au Québec. Quand on pense
qu'au début de 1983, on prévoyait qu'on ferait 13 000 000 000 $
d'investissement dans l'année, on se rend compte de l'importance de la
somme. Cela est déclenché. Ce n'est pas un espoir. Ce n'est pas
un rêve à venir. Ce sont des choses que le gouvernement fait.
Je reconnais très volontiers ici les chiffres que signalait le
député de Vaudreuil-Soulanges quant à la proportion de la
production intérieure brute du Québec qui est consacrée
à l'investissement. Il me faisait dire que je trouvais que 15%
c'était satisfaisant. Allons donc! Est-ce qu'il s'imagine un instant
qu'on peut considérer, dans une société, que 15%, c'est
satisfaisant? Oui, en commission, j'ai essayé d'expliquer pourquoi on
était tombé à 15% à la suite de la disparition des
travaux à la Baie James. Considérer que 15% c'est satisfaisant,
nous avons un très sérieux problème à cet
égard, un problème, au fond, que nous voyons nous au gouvernement
depuis quelques années. Que l'Opposition découvre ce genre de
chose depuis deux mois, je n'en disconviens pas. Cela nous fera une large
unanimité en Chambre.
On ne peut tout de même pas dire d'eux qu'ils sont
prématurés. Le problème se situe de la façon
suivante, au fond. C'est d'ailleurs un problème qui est très
sérieux pour le Canada tout entier. Nous avons à peu près
15% de la production intérieure brute au Québec qui sont
investis. En Ontario, c'est la même chose. En fait, en 1984, cela va
être pire en Ontario qu'au Québec. Le Canada tout entier
investissait à peu près, il y a quatre ans, mettons en 1981,
à peu près 23% de son produit intérieur brut. Cette
année, cela va tomber à 17%. Pourquoi est-ce que c'est un peu
plus haut au Québec que le Canada? C'est essentiellement parce que dans
certaines provinces de l'Ouest, cela reste beaucoup plus élevé.
Cela tombe dans certaines provinces de l'Ouest à cause de l'abolition de
certains mégaprojets. C'est un problème canadien. Je soumets que
sur la base des résultats obtenus, la performance du Québec par
rapport à tout le reste du Canada est à l'heure actuelle de
très loin la plus brillante.
Vous en voulez des exemples? J'ai eu aussi l'occasion d'en parler
à quelques reprises jusqu'à maintenant. Les projections
d'investissements dans l'industrie manufacturière au Québec pour
1984, par rapport à 1983, sont en hausse de 38% en un an. Qu'est-ce que
c'est? C'est le résultat des gestes que je posais tout à l'heure.
Quelles sont les projections pour le reste du Canada dans ce domaine? Une chute
de 15%. Les investissements privés qui tiennent tellement à coeur
à certains de nos amis d'en face puisqu'ils dénoncent constamment
le climat économique au Québec en disant qu'il est pire que celui
qu'on trouve ailleurs en Amérique du Nord, ces projections
d'investissements privés en 1984 au Québec sont en hausse de 15%
alors qu'ailleurs au Canada, ils étalent ou ils révèlent
des hausses de 1%, de 2% ou de 3% à peine. Curieuse condamnation du
climat économique au Québec qu'on arrive à des
résultats comme celui-là. Je pense que le gouvernement, à
l'heure actuelle, sur tous ses plans, peut, premièrement,
démontrer ce qu'il a fait. Les résultats obtenus. Est-ce qu'on
s'arrête là? Oh non! Il n'y a pas de doute que l'économie
du Québec doit, à l'heure actuelle, connaître une phase de
modernisation de certains secteurs et de développement
accéléré d'autres secteurs.
La politique gouvernementale, à cet égard, est
inévitablement multiple. Je ne vois pas l'utilité de la
caricaturer comme le faisait tout à l'heure le critique financier de
l'Opposition. Nous avons à moderniser certains secteurs. Par exemple,
dans le domaine de ce qu'on a appelé les secteurs mous. Il est
parfaitement inutile de se dire
qu'un jour ça disparaîtra et que ces secteurs ne sont pas
concurrentiels. Il y a dans le textile, il y a dans le vêtement, il y a
dans le meuble, il y a dans la chaussure, des entreprises, des secteurs
éminemment concurrentiels capables d'exporter, capables d'être
modernisés. C'est en train de se faire. Nous avons une industrie des
pâtes et papiers, parmi les industries liées aux richesses
naturelles, qui avait pris du vieux. C'est très important au
Québec. Il est parfaitement inutile de dire que parce que c'est
lié aux richesses naturelles, c'est sans importance, et que, si le
gouvernement consolide ce secteur, il perd son temps. Il ne perd pas son temps.
C'est un secteur central de l'activité économique du
Québec et le programme de modernisation de l'industrie de la pâte
et du papier - reconnaissons simplement une chose - a aussi été
mis au point au Québec, on a réussi à en faire partager le
coût avec le gouvernement fédéral lorsque l'Ontario s'est
révélée intéressée au même programme.
Mais c'est du ministre de l'Énergie et des Ressources de l'époque
au Québec que sort ce programme. Si, à l'heure actuelle, on est
en train de moderniser cet immense secteur de l'activité
économique du Québec, c'est essentiellement grâce aux
politiques adoptées par le présent gouvernement. Il est
évident que nous ne pouvons pas laisser l'industrie minière - on
dira - liée aux richesses naturelles, je veux bien. On ne peut pas
laisser l'industrie minière au Québec dans un état
où les mines se fermeraient les unes après les autres sans qu'on
en ait développé d'autres. La seule caractéristique
absolue d'une mine, c'est qu'un jour elle fermera, c'est la seule certitude
qu'on a, quand elle sera épuisée. Dans ces conditions, nous
devons avoir une politique d'exploration et d'exploitation minière
infiniment plus active que celle qu'on a connue dans le passé, et c'est
ce que nous avons fait.
L'agriculture a été conçue pendant très
longtemps comme un mode de vie. Cela a pris un certain temps à nos amis
d'en face, lorsqu'ils étaient au pouvoir, pour comprendre cela. Encore
qu'ils ont eu un ministre de l'Agriculture qui était un peu en avance
sur son cabinet. Nous avons, dans ce gouvernement, assuré une
modernisation de l'agriculture au Québec qui en fait maintenant une
industrie éminemment concurrentielle. Il faudra reconnaître que ce
sont des politiques gouvernementales du présent gouvernement qui ont
assuré cette modernisation.
Nous avons, d'autre part, un certain nombre de secteurs où nous
pouvons prendre de l'expansion, même si ce sont des secteurs que nous
connaissons bien, et une très forte expansion: le cas de l'aluminium
dont je parlais tout à l'heure est remarquable à cet
égard. Dans le domaine des produits chimiques, c'est exactement la
même chose. D'autre part, nous avons un certain nombre de secteurs
nouveaux, flambant neufs, sur le plan des technologies, où on ne
s'était peut-être pas grouillé suffisamment au
Québec pendant bien des années et où, finalement, c'est
par, j'allais dire une certaine spontanéité des créateurs
privés, qu'on a été alertés tous ensemble au
Québec au fait qu'il y avait là des industries de l'avenir, que
nous n'étions pas incompétents du tout dans ces domaines et que
nous avions la possibilité de nous implanter dans ces secteurs de
façon solide. Tout ce qui concerne les technologies de pointe à
l'heure actuelle au Québec est en remarquable effervescence. Comme je le
disais tout à l'heure, le gouvernement a pris toutes les dispositions
pour renchausser, financer, appuyer, développer ce genre
d'initiative.
À cet égard, M. le Président, je pense que le
Québec a une longue habitude d'un certain masochisme sur le plan
économique. Il faut l'affirmer à l'heure actuelle, le confirmer,
j'irais même plus loin, il faut se vanter d'avoir sur le plan
économique pris des virages majeurs qui assurent infiniment mieux
l'avenir que les politiques que nous avions jusqu'à il y a quelques
années.
C'est important de se le dire. L'espèce de
désespérance que charrient certains de nos amis d'en face ne
débouche sur rien. Ce n'est pas en considérant que
l'investissement au Québec est lamentable, restera lamentable et que le
Québec ne peut espérer être une terre d'élection de
l'investissement qu'on aboutira à quoi que ce soit. Ce n'est pas en
niant les progrès qui se font qu'on aboutira à quoi que ce soit.
Je dois dire d'ailleurs que la politique adoptée par les libéraux
depuis quelque temps sur le plan fiscal, sur le plan financier, sur le plan des
finances publiques, me gêne horriblement. (15 h 50)
J'aborde une seconde question que je voulais soulever à
l'occasion du débat sur le discours sur le budget. Nous avons
hérité du gouvernement qui a précédé le
nôtre il y a plusieurs années maintenant d'un fardeau fiscal des
particuliers québécois qui était très
élevé: 19% de plus que celui de l'Ontario. Aucune indexation
quant à l'impôt sur le revenu des particuliers. Le gouvernement de
l'époque taxait l'inflation à tour de bras. Il avait
agréablement une augmentation de dépenses de 20% ou 21% par
année et augmentait largement les effectifs dans le secteur public. Dans
les conventions collectives, juste avant de perdre le pouvoir, il lâchait
6000 enseignants de plus dans sa grande générosité,
ouvrant les vannes - mais, toutes grandes ouvertes - et les laissant toutes
grandes ouvertes. L'avenir paiera. Nous avons dû corriger cela
substantiellement. Sur le plan des impôts, on les a réduits pas
mal jusqu'en 1980-1981 et
là, compte tenu des circonstances économiques dans
lesquelles on vivait, il a fallu les augmenter. Mais encore aujourd'hui, le
fardeau fiscal des particuliers québécois, il est de quoi? Il est
11% de plus que ce qui existe en Ontario, mais il n'est pas de 19%. Il n'est
plus de 19%. Il faut le souligner.
Sur le plan des dépenses, on sait quel genre de corrections
importantes il a fallu apporter au rythme de progression des dépenses du
gouvernement du Québec. Cela n'a pas été une
opération facile à faire. Cela a demandé un courage
politique tout à fait remarquable. Je vous avouerai, M. le
Président, qu'à certains moments, j'avais une profonde admiration
pour ces hommes et ces femmes politiques de notre côté qui
acceptaient de prendre des risques politiques aussi grands que ceux qu'ils ont
pris au nom de l'intérêt public. Et nous avons réussi
à maintenir pendant maintenant 5 ans de suite le déficit à
peu près au même niveau. Et on nous dit en face essentiellement
ceci, semaine après semaine: Vous devriez baisser les impôts: nous
trouvons que vous avez eu tort de faire les compressions que vous avez faites;
et chaque fois que vous nous amènerez un correctif à apporter
dans les dépenses, on se lèvera ici en Chambre pour dire: Non,
vous avez tort de couper ou d'établir une compression, ou de
rationaliser les dépenses. Mais d'autre part, baissez le déficit,
il est trop élevé. Je ne caricature pas, sauf que de l'autre
côté, ce ne sont jamais tout à fait les mêmes qui
lancent ces trois idées en même temps. La première
idée apparaît à une heure dans la bouche de quelqu'un. Deux
heures plus tard, dans la bouche de quelqu'un d'autre, on voit le
deuxième principe apparaître. Et quelque part dans le courant de
la soirée, entre 20 heures et 22 heures, c'est la baisse du
déficit qui apparaît. Sauf que c'est toujours le même parti
politique et j'espère au moins qu'ils se coordonnent. S'ils se
coordonnent, j'aimerais qu'ils m'expliquent comment ils vont faire cela:
baisser les impôts, augmenter les dépenses et baisser le
déficit. Il y a là une sorte de refus de la règle de
trois, de l'arithmétique élémentaire sur lequel je dois
dire: Le parti d'Opposition ici est remarquablement discret. Nous avons
à assumer cet équilibre. Nous avons à assumer les choix
que nous avons pris et que nous continuons de prendre. Ce n'est pas facile,
mais cela se fait. Le gouvernement, par les gestes qu'il a posés
à la fois sur le plan fiscal et sur le plan des dépenses, et
qu'il continue de poser cette année dans le cadre du discours sur le
budget, dégage des marges de manoeuvre qui lui permettent d'agir sur
l'économie et d'avoir l'impact dont je parlais tout à
l'heure.
Il y a une dernière question qu'il faut aborder, parce qu'elle a
attiré beaucoup l'attention à l'occasion du discours sur le
budget et je vais en dire quelques mots. D'ailleurs, le député de
Vaudreuil-Soulanges y faisait allusion tout à l'heure. C'est la question
des transferts fédéraux. Contrairement à ce que pouvait
dire le député de Vaudreuil-Soulanges, je n'interviens pas
constamment au sujet des transferts fédéraux. Il faut comprendre
que tous les cinq ans, il y a renégociation, si l'on peut dire, des
arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les
provinces. On s'entend ou on ne s'entend pas. Si on s'entend, tant mieux. Si on
ne s'entend pas, de toute façon, une loi fédérale
détermine ce qui va se passer. En 1977, on s'était assez bien
entendu - en tout cas, sur pas mal de choses - et pourtant, c'était le
gouvernement du Parti québécois qui était au pouvoir. Ne
nous imaginons pas un instant qu'il y ait une sorte de vendetta permanente
à travers ces questions. En 1977, on s'était entendu sans trop de
difficultés sur un certain nombre de choses fondamentales. En 1982, on
ne s'est pas entendu du tout et j'ai eu l'occasion à ce moment-là
de protester de façon véhémente à l'égard
d'une politique du gouvernement fédéral qui me semblait
essentiellement destinée à coincer le Québec sur le plan
financier. Il y avait un contentieux extraordinaire. Entre 1977 et 1982,
à certains moments, par simple règlement ou par
interprétation de la loi on enlevait aux provinces, mais
singulièrement au Québec, l'argent par centaines de millions: 73%
de toutes les sommes qui, entre 1977 et 1982, ont été
enlevées aux provinces l'ont été au Québec
seulement. Un livre gris publié par le ministère des Finances
à cette occasion, en 1981, donnait la nomenclature de tout ce qu'on
appelle le contentieux avec le gouvernement fédéral.
Les propositions faites en 1982 consistaient essentiellement à
enlever des centaines de millions au Québec pour les donner aux
provinces maritimes. La nouvelle formule de péréquation
était telle que nous étions certains de perdre, par rapport
à l'ancienne formule, des sommes considérables. Bien sûr,
le ministre des Finances a énormément protesté, a
proposé d'autres formules à l'occasion des conférences
fédérales-provinciales, a trouvé auprès du
Manitoba, qui dans cette espèce de désir de coïncer le
Québec s'est fait coïncer davantage encore, des appuis suffisamment
solides et, au fond, dans l'opinion publique aussi, à travers les
journaux, parce que la position que nous défendions à ce
moment-là avait une certaine logique, une logique suffisante pour que le
gouvernement fédéral accepte de donner une garantie temporaire de
recettes.
La garantie temporaire de recettes se termine cette année et la
nouvelle formule de péréquation commence ensuite, en 1985-1986.
Là, nous allons avoir le nez dessus.
C'est justement parce qu'il n'y a pas moyen de prolonger la garantie
temporaire, parce qu'on voit les estimations du gouvernement
fédéral comme nous voyons les autres, et nous savons très
bien que presque 30% du budget du gouvernement de Québec ne va
même pas augmenter au rythme de l'inflation, ne va même pas se
stabiliser, mais va baisser dans les deux années qui viennent, que je
reprends le combat. Il faut le reprendre en vertu des intérêts du
Québec. La nouvelle formule va commencer à s'appliquer et il va
devenir clair pour tout le monde... J'avais espéré, au moins, que
les gens de l'Opposition liraient l'annexe que j'ai publiée à
l'occasion du discours sur le budget où, pour une fois, on arrivait
à présenter ces questions de façon relativement simple.
J'aurais espéré que l'Opposition lise au moins cela et constate
ce qui crève les yeux: À partir du moment où la nouvelle
formule va s'appliquer, on perd, au bas mot, 425 000 000 $ par année.
30% ou presque 30% de nos ressources ne vont pas augmenter, ne vont pas se
stabiliser, pour les deux années qui viennent, 1984-1985 et 1985-1986,
mais vont tomber.
Je reconnais volontiers qu'en 1983-1984 nous avons obtenu plus que nous
pensions obtenir. Il y a des gens qui disent que le ministre des Finances s'est
trompé depuis deux ou trois ans parce qu'il a obtenu plus qu'il pensait
avoir. Je comprends, je me trompe peut-être sur certaines choses, mais il
y en a d'autres qu'on obtient de haute lutte. Heureusement qu'on dit que je me
suis trompé, alors que dans un bon nombre de cas on a réussi
à faire aboutir finalement certains dossiers. C'est quand même
assez extraordinaire de penser qu'on ne s'entendait même pas à
venir jusqu'à il y a deux ans sur la population du Québec. Nous
soutenions auprès du gouvernement fédéral que la
population était plus élevée que celle qu'il utilisait
pour son calcul; il a fallu que le statisticien du Canada tranche la question.
Il a tranché en notre faveur et on a reçu un paquet d'argent.
C'est cela, l'erreurl Si c'est cela se tromper, bravo! J'aimerais me tromper
tous les jours de cette façon.
On a réussi, oui, sur certains des pronostics que j'avais faits.
Je les avais faits avant qu'on arrive à arracher la garantie temporaire
de recettes. On a finalement obtenu la garantie de recettes; bravo! que je me
trompe comme çal C'est un combat de tous les instants et qui n'est
jamais terminé.
Les changements dans les règlements de la
péréquation ou dans les règlements des transferts
fédéraux, d'une façon générale, nous pendent
sur la tête comme une épée de Damoclès. Est-ce qu'on
sait que récemment le gouvernement fédéral a
décidé que même s'il ne nous reconnaît aucun droit
sur le Labrador, aux fins de la détermination de la formule de
péréquation, l'électricité de
Churchill Falls allait être considérée comme
étant produite au Québec? Nous n'avons pas de droits sur le
Labrador en raison de la décision du Conseil privé de 1927 mais,
néanmoins, aux fins du calcul de la péréquation, on prend
l'électricité de Churchill Falls et on fait comme si elle
était produite au Québec. Cela nous enlève 20 000 000 $ et
cela en donne 30 000 000 $ à Terre-Neuve. Vous me direz: Qu'est-ce que
c'est 20 000 000 $ par année? Bon, on veut continuer? On vient de nous
changer par un règlement la façon d'évaluer les taxes
foncières dans la formule de péréquation. Nous avons
perdu, à cause de cela, quelques dizaines de millions comme une fleur.
On est encore en train de préciser le montant, mais ce sera de l'ordre
de quelques dizaines de millions. (16 heures)
Je disais tout à l'heure qu'on a reconnu que, sur la population,
nous avions raison; que sur le partage du PIB entre les provinces canadiennes,
nous avions raison. Le gouvernement fédéral est bien forcé
pour le présent et pour l'avenir de payer des montants, mais il nous
dit: Écoutez, avant 1981, peut-être que vous avez raison, cela
nous est égal, on ne fera pas d'ajustement. Là-dessus, on perd
100 000 000 $ d'une claque. Tous les mois, périodiquement, des
changements comme ceux-là changent les données dans lesquelles
nous vivons.
Et qu'est-ce que cela donne sur le plan de l'ensemble des transferts
fédéraux au Québec? J'ai fait établir les
transferts fédéraux en proportion des revenus autonomes, du
gouvernement du Québec parce que cela intéressait à ce
point nos amis d'en face. Il est vrai qu'en 1983-1984, à cause de toutes
sortes d'ajustements temporaires, les transferts fédéraux auront
représenté 42% des revenus autonomes et, cette année,
38,6%. En 1985-1986, quand la nouvelle formule de péréquation
nous frappe de plein fouet, 34,5%. En 1986-1987, 33%. Cela tombe comme une
roche. À 33%, il n'y aura qu'une année depuis seize ans où
cela aurait été inférieur.
Qu'on ne s'étonne pas que je proteste comme j'ai protesté
depuis quelque temps à ce sujet d'autant plus que les ajustements par
règlement dont je parlais tout à l'heure peuvent réduire
encore ces montants. À cet égard, je me ferai une
responsabilité personnelle et récurrente de protester contre la
façon dont les arrangements fiscaux sont établis par Ottawa et
sont interprétés par Ottawa chaque fois qu'il me paraîtra
que le Québec peut pâtir, peut souffrir financièrement de
la façon dont, sur un plan politique à Ottawa, on
interprète comme étant une condition de l'unité canadienne
j'imagine, le fait d'essayer de coincer financièrement le gouvernement
du Québec. Je n'aurai aucune espèce de honte ou
d'hésitation à procéder ainsi.
Il me reste à conclure avec quelques perspectives pour
l'année 1984-1985. Tous les observateurs se plaisent à
reconnaître à l'heure actuelle que le Québec aurait en
1984-1985 une des meilleures performances des provinces canadiennes, une
performance tout à fait exceptionnelle par rapport à ce qu'on va
trouver dans les économies occidentales et que, sur le plan de la
création d'emplois, ce serait probablement mieux au Québec que
partout ailleurs au Canada et, là encore, l'une des meilleures
performances qu'on puisse trouver dans le monde occidental. Nous verrons.
Il y a toujours une ombre au tableau, une ombre qui me frappe
constamment et qui est celle des répercussions sur la croissance
économique du Québec comme, d'ailleurs, de celle de toute
l'Amérique du Nord, de l'augmentation des taux d'intérêt
qui serait trop rapide. L'ombre au tableau, s'il y en a une, elle est
là. Enfin, nous verrons bien au fur et à mesure où
l'année se déroulera. Mais j'aimerais simplement souligner que
pas seulement par les projections que peut faire le ministère des
Finances, mais que la plupart des observateurs chez d'autres gouvernements,
dans des fondations privées qui examinent ces choses en arrivent
à peu près tous à la même conclusion: que,
après avoir connu une année très difficile en 1982, le
redressement de l'économie du Québec est spectaculaire. Il est
dû, bien sûr, aux entrepreneurs québécois. Je pense
que leur capacité de rebondir après ce qu'ils ont connu a
été tout à fait remarquable. L'augmentation de
productivité dans les entreprises a été très
intéressante. La réduction des coûts, l'augmentation du
caractère concurrentiel indiquent que les entrepreneurs du Québec
ont compris les leçons de 1982 et qu'ils ont pris les moyens pour
redresser tout cela.
Je pense aussi qu'il faut reconnaître, en raison de l'ampleur des
moyens déployés par le gouvernement, que ce gouvernement,
à l'heure actuelle, est indiscutablement au centre même du
relèvement de l'économie du Québec et que les leviers
qu'il a mis en place se révèlent d'une remarquable
efficacité. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à
cette Chambre d'approuver les politiques budgétaires du gouvernement.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, je propose donc que les votes
sur cette motion visant à approuver la politique budgétaire du
gouvernement et la motion de l'Opposition soient reportés à
demain, à la fin de la période des affaires courantes.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Votes
reportés.
M. Blouin: M. le Président, nous allons donc maintenant
reprendre le débat sur l'hydroélectricité et l'aluminium.
Il s'agit de l'article 11) de notre feuilleton.
Projet de loi 70
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le débat porte sur
l'adoption du principe du projet de loi 70, Loi sur la location de forces
hydrauliques de la rivière Péribonca à Aluminium du
Canada, Limitée.
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, vous aviez
terminé?
M. Fortier: C'est moi le ministre? Des voix: Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai pris les notes qu'on
m'avait données. Je reconnais M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, le ministre a fait quelque
peu l'historique ce matin de ce qui a amené Alcan à
décider d'un programme d'investissements en nous rappelant que, tout
récemment, le gouvernement avait enfin conclu une entente avec Alcan sur
les droits hydroélectriques pour les quelque 75 prochaines
années. Et le ministre de se féliciter de ce coup d'éclat
- nous en sommes fiers pour la région, nous en sommes fiers pour le
Québec - qui permettra un investissement aussi important non seulement
immédiatement, mais dans les prochaines années.
Ce qu'il faut se rappeler, c'est que ce sujet n'est pas nouveau et je
pourrais dire: Enfin, un problème de réglé. J'ai devant
moi un article de journal Le Devoir du 17 décembre 1976 où le
P.-D.G. de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan, M.
Roger Phillips, disait que l'entreprise - il parlait de la compagnie Alcan - ne
commencerait jamais un programme d'investissements de l'ordre de milliards de
dollars sans être assurée de ce que lui réserve l'avenir
quant au coût de l'énergie utilisée. C'était un
nouveau gouvernement. C'était en 1976. Il aura fallu exactement huit ans
pour régler un problème que la compagnie Alcan avait
demandé de régler en 1976. D'ailleurs, c'est tellement vrai, M.
le Président, qu'ici, en Chambre, à la période des
questions, M. Vaillancourt, l'ex-président de l'Assemblée
nationale, avait posé une question à M. Joron à ce sujet,
le 1er juin 1977; il revenait à la
charge et prenait la défense des gens de sa région. M.
Joron avait répondu, et je le cite: "Je peux vous dire que cette
question additionnelle n'était pas prévue."
Effectivement, M. le Président, il est exact de dire que la
question des redevances des compagnies privées productrices
d'électricité, dont l'Alcan est de loin la plus importante au
Québec, a sûrement eu une incidence sur les décisions de
l'Alcan. Qu'est-ce qui en était, M. le Président? Certains
investissements avaient été retardés.
D'ailleurs, M. Joron faisait allusion à la commission
parlementaire et, effectivement, l'Alcan s'était présentée
en commission parlementaire au début de février pour
présenter un mémoire sur les études des politiques
énergétiques du Québec; elle y disait très
clairement que "le programme de reconstruction et d'amélioration
qu'Alcan envisage entreprendre et poursuivre dans ses installations au
Québec témoigne de sa ferme volonté de continuer à
participer activement au développement socio-économique
québécois. Toutefois, l'Alcan désire rappeler aux membres
de la commission parlementaire sur l'énergie que la poursuite de ce
programme est et demeurera étroitement liée aux garanties
d'approvisionnement d'énergie lui permettant de maintenir sa position
concurrentielle sur les marchés internationaux." C'était en 1977,
M. le Président.
Comme on le voit, avec ce gouvernement, les choses avancent
extrêmement rapidement. D'année en année, après six
ans, à la veille des élections, on se dit: II y a un
problème qui est dans les airs depuis 1976, qui a été
discuté en commission parlementaire en 1977; peut-être serait-il
temps que nous mettions de côté certaines de nos politiques pour
enfin donner suite à ces projets et permettre à Alcan de
réaliser les investissements de milliards de dollars qu'elle nous
annonçait dès 1976 et 1977.
Quand un gouvernement marche à pas de tortue... c'est
peut-être une image, mais c'est une image qui en dit long sur
l'efficacité de ce gouvernement qui est devant nous.
M. le Président, il y a des raisons pour lesquelles le
gouvernement a pris beaucoup de temps à régler ce dossier. Parce
que, comme vous le savez, un peu plus tard en 1980 le gouvernement a sorti un
document qui s'appelait "Bâtir le Québec" dans lequel
précisément on se posait des questions comme celles-ci: Doit-on
ou non favoriser l'Alcan? Doit-on ou non insister pour que l'Alcan fasse des
investissements dans le domaine manufacturier, dans le domaine de la
transformation, avant de lui octroyer des droits hydroélectriques qui
lui permettraient de faire concurrence aux autres producteurs d'aluminium dans
le monde?
On voit ce cheminement d'un gouverne- ment favorable aux
investissements, qui a pris tout son temps pour préparer sa philosophie
de 1976 et 1977. Précisément, dans "Bâtir le
Québec", on lisait ceci, et je cite: "L'électricité,
facteur de développement industriel au Québec." C'est
publié en 1980, parce qu'à ce moment-là, le gouvernement
n'avait pas encore pris de décision sur l'Alcan. On écrit: "En
exportant une trop forte partie de sa production sous une forme primaire,
l'industrie québécoise n'a pas exploité à fond son
potentiel de transformation et n'a pas encore produit tous les
bénéfices qu'il serait possible d'en attendre pour le
développement industriel du Québec. "Dans ce contexte, les
conditions d'allocation d'électricité devraient pouvoir jouer un
rôle stratégique afin d'obtenir d'une entreprise qu'elle
enrichisse son projet en y greffant telle ou telle unité de
transformation en retour de la fourniture d'électricité à
des conditions avantageuses."
M. le Président, on voit là ce cheminement pénible
d'un gouvernement qui se cherche et qui essaie à sa façon de
professeur d'assurer le développement économique, qui
déjà en 1976 et 1977 était confronté à ces
demandes de l'Alcan de lui renouveler ses ressources hydroélectriques
à des conditions avantageuses pour lui permettre de réaliser
précisément ces projets qu'elle annonçait
récemment. On voit que même en 1980 on se posait encore la
question au gouvernement à savoir si, lorsqu'on octroierait ces droits
hydroélectriques, en même temps on n'insisterait pas pour exiger
de l'Alcan et d'autres compagnies qu'il y ait des transformations de
l'aluminium au Québec.
Que c'est beau, M. le Président! Mais est-ce que c'est un
procédé qui est lent; Pour arriver à quoi, M. le
Président? Pour arriver à une entente avec l'Alcan qui renouvelle
les baux hydroélectriques pour 50 ou 75 ans sans qu'il n'y ait la
moindre condition quant à la transformation de l'aluminium au
Québec même. Il faut le faire. Il faut faire une progression de
1976 à 1984 pour essayer de trouver toutes sortes de façons de
s'assurer qu'on exercera un contrôle sur les compagnies d'aluminium, pour
insister pour qu'elles transforment l'aluminium ici, pour enfin renouveler ses
baux pour 75 ans sans imposer aucune des conditions que l'on discutait depuis
1976!
C'est là la rapidité, l'efficacité du gouvernement
qui est devant nous. D'autant plus que ces gens, avant 1976, critiquaient
l'ancien gouvernement qui, lui, voulait amener une aluminerie ici. Ils
s'inquiétaient des tarifs spéciaux qui seraient accordés
à des alumineries qui viendraient s'installer au Québec. Comme
vous vous en souvenez, il y en avait une qui était proposée dans
la région de Québec et M. Parizeau à ce
moment, et je cite, disait le 24 octobre 1975: "M. Parizeau a
reproché au gouvernement Bourassa de chercher des investissements
étrangers pour réaliser ce grand projet uniquement pour
satisfaire son besoin de remplir une autre promesse d'emplois et pour prouver
qu'il est capable de le faire." Encore M. Parizeau: "On n'arrive pas à
comprendre pourquoi il faudrait faire payer par les citoyens une énorme
subvention à des compagnies américaines parce que le gouvernement
du Québec se sent incapable"... - j'ai de la difficulté à
lire; c'est une copie de presse assez difficile. De toute façon, M. le
Président, le sens de la citation était que M. Parizeau, à
ce moment, s'en prenait au gouvernement libéral qui cherchait
précisément à amener des alumineries ici, quitte à
leur accorder des tarifs spéciaux d'électricité.
Quelle différence entre l'Opposition de ce temps, une Opposition
irresponsable qui s'opposait à des projets d'aluminerie qui viendraient
au Québec, et l'attitude que nous avons eue, nous du Parti
libéral, dans ce dossier des alumineries. Je vous rappellerai que,
personnellement, comme je le fais assez souvent, j'ai eu le plaisir de faire
des recommandations au ministre de l'Énergie et des Ressources et au
gouvernement puisque, devant la quantité considérable de surplus
d'électricité que nous avions déjà il y a deux ans,
j'avais moi-même, dans la Presse du 7 septembre 1982, fait une
proposition en disant au gouvernement: Comme vous ne savez pas comment utiliser
ces surplus, peut-être que vous pourriez donner des subventions en
électricité plutôt que de les donner en argent.
C'était dans la Presse du 7 septembre 1982, bien avant que le
gouvernement annonce sa politique des rabais d'électricité. Je
disais: Pourquoi ne pas accorder aux entreprises des subventions en
électricité plutôt qu'en dollars? Voilà la
différence entre, d'une part, une Opposition de 1974-1975 qui cherchait
par tous les moyens d'empêcher une aluminerie de venir ici au
Québec alors que nous, justement, nous avons suggéré une
politique qui profiterait des surplus d'électricité pour attirer
ici même au Québec des alumineries, comme on l'a fait pour
Pechiney. Nous en sommes très heureux. Il faut bien le signaler parce
que le projet de loi 70 qui est devant nous va renouveler les baux
hydroélectriques pour plusieurs années et on peut se poser la
question: Pourquoi donner un tel bénéfice à Alcan, parce
que bien sûr quand on donne des droits hydroélectriques pendant 75
ans à une compagnie privée, il s'agit d'un privilège
important et il est bon de le souligner. C'est un privilège qui est
donné par l'État pour s'assurer justement du développement
économique du Québec.
D'ailleurs, l'Alcan a toujours joué ce rôle depuis de
très nombreuses années.
Quelquefois, j'entends des gens et j'entends le gouvernement faire un
parallèle entre l'investissement de Pechiney et celui de l'Alcan,
suggérant que c'est du pareil au même. Ce n'est pas du pareil au
même. Il faut savoir que l'Alcan a son siège social à
Montréal. Il faut savoir que la direction de l'Alcan est
installée à Montréal. Il faut savoir que la recherche et
le développement de l'Alcan se font au Québec. Il faut savoir que
le marketing de l'Alcan se fait à Montréal également, y
inclus le marketing international. Il faut savoir que les activités
mondiales de l'Alcan sont dirigées à partir de Montréal et
que les finances sont dirigées de Montréal.
Si l'on compare cela à Pechiney, c'est bien sûr que ce
n'est pas du pareil au même. Le siège social de Pechiney est
à Paris. La recherche et le développement de Pechiney se font
à Paris. Le marketing de Pechiney international se fait à Paris.
La direction des activités de Pechiney se fait à Paris. Ce n'est
pas du pareil au même. Je crois qu'il y a une distinction
extrêmement importante à faire entre l'Alcan, qui est
installée ici, qui a toujours assuré notre développement
économique, et Pechiney, qui est venue s'installer ici puisque justement
on lui offrait des tarifs à bon marché pour lui permettre et pour
nous permettre de profiter de cette situation.
Il y a une autre différence très importante. C'est que
l'Alcan ne se contente pas de faire l'électrolyse de l'alumine ici
même au Québec, mais elle produit, en très grande partie,
cette alumine. Il faut savoir, M. le Président - peut-être qu'on
vous l'a déjà expliqué - que l'aluminium qui est produit
vient, dans un premier temps, d'un minerai qui s'appelle la bauxite. La bauxite
est cet oxyde d'aluminium qui nous provient de pays étrangers, que ce
soit de l'Amérique du Sud, de l'Afrique ou d'autres pays et qui est
amenée ici par bateau. Là, il faut en faire une transformation
chimique et c'est ce qui est produit qu'on appelle l'alumine. Une fois que
l'alumine est produite, on peut en faire l'électrolyse, il s'agit d'une
deuxième phase. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans le cas de l'Alcan,
ses immenses usines d'alumine sont au Lac Saint-Jean, à Jonquière
même, je crois. Je n'ai pas eu le plaisir d'ailleurs, comme le ministre,
d'aller visiter ces installations et j'espère que j'aurai l'occasion de
le faire prochainement. C'est une distinction importante parce que les autres
alumineries qui sont installées au Québec ne produisent pas
d'alumine ici même au Québec.
De fait, dans le cas de Pechiney, en particulier, l'alumine nous
parviendra, je ne sais pas, des États-Unis, ou d'Australie là
où Pechiney a des installations. Ceci est une distinction importante.
(16 h 20)
Dans le cas de l'Alcan, c'est une compagnie multinationale
installée au Québec. La direction étant au Québec
même, la recherche et le développement se faisant au
Québec, la direction du marketing au Québec et produisant de
l'alumine à partir de la bauxite qui est importée, c'est
là ce qui en fait une société tout à fait unique et
qui fait l'envie de bien des pays et de bien des provinces et qui fait la joie
et l'honneur des Québécois.
C'est donc pour cette raison, M. le Président, que l'Alcan est
une compagnie qui joue pleinement son rôle dans le développement
économique du Québec. Il est important, pour le gouvernement
québécois, de négocier avec elle une entente qui lui
permettra de continuer à jouer ce rôle qui est extrêmement
important pour l'avenir économique du Québec et pour sa
renommée dans le monde.
M. le Président, j'aimerais quand même évoquer
d'autres différences essentielles entre ce qui est fait par l'Alcan et
même par Reynolds et Pechiney. Il faut savoir que dans les
investissements que fera l'Alcan, le gouvernement du Québec n'aura pas
à investir. Bien sûr il y a cet invetissement indirect par le fait
qu'on donne un privilège à l'Alcan de continuer à
exploiter les ressources hydroélectriques pendant 75 ans. Mais il reste
que le gouvernement du Québec n'aura pas à investir un sou dans
les investissements que fera l'Alcan.
Dans le cas de Reynolds, la situation est à peu près la
même. Je crois que Reynolds a pu avoir des subventions, mais le
gouvernement du Québec n'a pas eu à intervenir en tant
qu'actionnaire. Ce qui n'est pas le cas de Pechiney puisque dans ce cas, comme
vous le savez, le gouvernement du Québec, par l'entremise de la
Société générale de financement, est intervenu,
à titre d'actionnaire ou à titre de partenaire, dans une
société en commandite pour un pourcentage d'environ 25% ou
30%.
Compte tenu de ces investissements qui sont très similaires, la
question qui se pose: les retombées économiques seront-elles les
mêmes pour les Québécois dans un cas comme dans l'autre? Je
suis allé aux sources, j'ai pris me renseignements. Il faut savoir que,
dans le cas de Reynolds, qui fait un investissement d'environ 500 000 000 $
à Baie-Comeau, le coût de la construction sera d'environ 215 000
000 $. Les équipements coûteront environ 200 000 000 $. Les
coûts indirects qui incluent les assurances, les honoraires
professionnels des ingénieurs, environ 75 000 000 $.
Dans le domaine des équipements proprement dits, des 200 000 000
$ sur un total d'environ 500 000 000 $, 60% seront achetés au
Québec même; 30% dans le reste du Canada. C'est donc dire que dans
le cas de Reynolds, 90% de ses équipements ont été
achetés au Canada et, dans une très forte proportion, au
Québec. Voilà donc, M. le Président, une
société qui a compris que non seulement c'était son
intérêt d'investir au Québec, mais qui a compris
également qu'elle devait engager des ingénieurs-conseils
québécois et qui a compris qu'elle devait utiliser la
main-d'oeuvre locale à Baie-Comeau, qu'elle devait utiliser des
entrepreneurs locaux, mais qu'elle devait également acheter son
équipement au Québec ou au Canada. Dans une proportion de 90%,
elle a acheté ses équipements au Québec et au Canada.
J'ai vérifié dans le cas de Grande-Baie, l'Alcan a fait
à peu près la même chose. Les pourcentages sont très
semblables. Ce sont donc deux sociétés: Reynolds et Alcan dans
lesquelles le gouvernement qui nous dirige n'est nullement actionnaire à
l'exception peut-être d'une participation de la Caisse de
dépôt - une participation mineure - mais ce n'est pas un
actionnaire actif. Dans ces deux cas, dans le cas de l'Alcan et dans le cas de
Reynolds, le contenu canadien ou le contenu québécois sont
extrêmement importants.
Qu'en est-il du cas Pechiney dans laquelle le gouvernement est
actionnaire? Je crois que vous vous attendiez que je dise que le contenu
québécois serait encore plus important étant donné
que le gouvernement québécois est actionnaire de Pechiney. Si
Reynolds a réussi à avoir le contenu québécois dans
le domaine de l'équipement à 60%, vous vous attendriez que je
dise que le contenu québécois, dans le cas de Pechiney, sera de
80% ou 90%.
Détrompez-vous, M. le Président! Avec le gouvernement qui
nous dirige, il faut s'attendre à tout, puisque, dans les deux
sociétés où le gouvernement n'est pas actionnaire, le
contenu québécois est très élevé et, dans la
seule société où il est actionnaire, le contenu
québécois va être de l'ordre d'environ 50% puisque le
gouvernement qui nous dirige... J'ai ici une manchette qui dit, et je cite M.
Lebel, dans le Devoir du 30 juin: "Entre partenaires, on s'est entendu pour que
des achats en matériel soient effectués en France pour un minimum
de 180 000 000 $ US." 180 000 000 $ US, c'est environ 250 000 000 $ et 250 000
000 $, c'est environ la moitié de l'équipement. Même dans
le domaine de la construction, j'ai appris que même la structure, dans le
cas de Reynolds, a été achetée au Canada, je parle de la
très grosse structure. Dans le cas de Pechiney, comme de raison, avec
les Français, on ne fait jamais cela de la même façon, le
contrat a été donné très récemment et ce
sont les Français eux-mêmes qui vont nous amener leur structure de
France.
Il faut le faire. Un gouvernement qui se dit nationaliste s'arrange pour
avoir une
participation dans une société dans laquelle le contenu
canadien ou québécois pour l'équipement et pour la
construction va être plus faible que dans le cas de Reynolds et va
être plus faible que dans le cas des projets de l'Alcan. C'est un monde
fou. C'est le monde à l'envers. Je ne comprends absolument plus rien.
C'est scandaleux! Comment peut-on penser qu'un gouvernement qui s'implique dans
un projet s'arrange pour que le contenu québécois ou canadien
soit moindre que dans les projets de l'Alcan et dans les projets de Reynolds?
Si vous pouvez me donner une réponse à cette question, je vous
donnerai certainement 100 $, parce qu'avec ce gouvernement, il faut s'attendre
à tout. Il faut savoir que ce gouvernement, bien sûr - et c'est
semblable au projet des ordinateurs - est prêt à tout donner aux
Français à condition qu'ils s'associent à nous. Il
faudrait bien penser que le gouvernement devrait se préoccuper des
Québécois et de la création d'emplois qui peut survenir
dans l'achat d'équipement au Québec et au Canada.
M. le Président, j'en ai assez dit sur le sujet. Ce gouvernement
a tardé à en arriver à une entente sur les droits
hydroélectriques de l'Alcan. C'est un problème qui existait
depuis 1976. Il l'a réglé huit ans plus tard et dans un cas
à côté - dans le cas de Pechiney - il s'est arrangé
pour que les retombées économiques soient les plus faibles
possible pour le Québec. Nous allons voter pour le projet de loi 70,
mais je peux vous assurer que ceci n'est pas un appui aux politiques
économiques du gouvernement qui nous dirige, parce que nous en avons
trop sur le coeur.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: Le représentant de l'Opposition peut
bien sourire après son intervention. Je pense qu'on a vraiment eu
là l'exemple du charriage auquel peut se livrer l'Opposition face
à un projet de loi aussi substantiel et aussi important que celui que
nous avons à étudier maintenant. Dans les dernières
minutes de son intervention, le député d'Outremont en
était rendu à dire qu'il ne comprenait plus rien, et cela
paraissait, à part cela. Je me demande s'il a bien pris connaissance du
projet de loi dont on parle. Dans la même lancée, il parlait de
projet scandaleux, etc., tout cela, de situation scandaleuse, mais je pense que
c'est plutôt le discours de l'Opposition qui était
incohérent dans les circonstances. Ce n'est pas le seul exemple qu'on
pourrait signaler de l'incohérence ou du manque de profondeur des
interventions de l'Opposition. Il y a quelques jours, l'Opposition essayait de
laisser entendre que cette fin de session où il y a de nombreux projets
de loi à étudier, projets à caractère
économique qui, pour la plupart, ne sont pas contentieux, manquait de
substance. Elle essayait de faire croire à la population que ces projets
de loi ne contenaient rien de substantiel. Ce n'est pas le but de mon propos,
mais j'ai été à même de démontrer à
partir de pas moins d'une dizaine de projets de loi à caractère
économique jusqu'à quel point la législation
économique du gouvernement au cours de cette fin de session était
très substantielle. Ce n'est pas parce que les projets de loi ne sont
pas contentieux, ne prêtent pas à des débats ou à de
l'agressivité qu'il faut en conclure qu'ils ne représentent pas
des éléments très importants pour l'ensemble du
développement économique du Québec. (16 h 30)
D'ailleurs, quand on assiste à un charriage tel que celui dont on
a été témoin par le député d'Outremont et
quand on l'entend terminer son intervention en disant qu'il va voter pour le
projet de loi, j'ai l'impression que ceux et celles qui nous écoutent
ont pu faire l'évaluation du rôle de l'Opposition qui consiste,
dans le cas de n'importe quel projet de loi - je ne dis pas que pour certains
projets de loi ce n'est pas nécessaire ou opportun de le faire -
à critiquer d'abord et ensuite à voter pour.
Un des meilleurs exemples du contenu substantiel des lois à
caractère économique que présente le gouvernement à
l'occasion de cette fin de session est bien le projet de loi 70 - que nous
avons à étudier présentement puisque, comme on le sait, il
représente des investissements importants, de l'ordre de 1 000 000 000
$, si on parle de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais encore
beaucoup plus si on parle d'engagements en fonction des trente prochaines
années, pas moins de 30 000 000 000 $.
C'est un projet de loi qui va permettre de concrétiser le projet
de construction d'une usine d'aluminium au Saguenay-Lac-Saint-Jean. La
construction, la mise en fonction, etc. vont dégager des
retombées très importantes, pas moins, selon les chiffres
mêmes de l'Alcan, de 250 000 000 $ de retombées économiques
au niveau de la construction seulement pour la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Si on peut parler d'une loi substantielle, c'est bien
celle-là.
Peut-être qu'elle n'est pas contentieuse, peut-être que le
projet de loi n'a pas 500 articles, mais c'est un peu normal quand il s'agit
d'une loi à caractère économique, parce que ce projet de
loi, avant de venir ici, avant d'être devant nous pour étude en
deuxième lecture - cela, l'Opposition se garde bien de le dire - a
représenté d'énormes efforts déployés par le
gouvernement, et d'une façon particulière par le ministre de
l'Énergie et des Ressources, pour
entreprendre et mener à terme des négociations qui ont
duré de nombreux mois avec les représentants de l'Alcan avant
d'aboutir à un heureux résultat.
Il est normal que ces négociations aient duré de nombreux
mois, étant donné l'importance de l'entente intervenue, qui
représente quand même des éléments importants
concernant nos richesses naturelles et des éléments importants au
niveau des retombées économiques. Cela, on ne le souligne
peut-être pas assez. Ce n'est pas que je veuille rendre un hommage
particulier, dithyrambique à mon collègue, le ministre de
l'Énergie et des Ressources, mais je pense, en toute
honnêteté, qu'il faut que ce soit dit: Un projet comme
celui-là n'arrive pas comme cela devant les membres de
l'Assemblée nationale sans qu'auparavant un membre du gouvernement, de
concert avec ses collègues, ait travaillé très fort au
niveau des négociations avec la compagnie impliquée,
c'est-à-dire l'Alcan. Cela nous permet aujourd'hui d'en arriver à
une conclusion heureuse.
J'entendais le représentant de l'Opposition tout à l'heure
citer des déclarations faites en 1976 et essayer de conclure que, dans
le dossier de l'Alcan, rien n'aurait été fait depuis ce temps. Il
n'y a rien de plus faux que cela. Je vous donnerai une vraie preuve
d'immobilisme, comme c'était le cas dans le temps du gouvernement
Bourassa, concernant ce projet en particulier. En 1977, non seulement le
gouvernement a bougé, contrairement à ce que dit l'Opposition,
mais lorsqu'il a été question de renégocier le dossier des
redevances de l'Alcan et leur renouvellement, en ce qui a trait à
l'utilisation de nos richesses naturelles, l'eau, il en a résulté
que de 0,15 $ que c'était auparavant, ce montant a été
augmenté à 0,50 $ du kilowattheure, plus l'indexation. Si on veut
une vraie preuve d'immobilisme, si on veut une vraie preuve d'argent perdu par
le gouvernement du Québec au niveau des redevances, c'est bien dans le
temps du gouvernement Bourassa, qu'on la trouve, puisque - la vraie preuve
d'immobilisme, elle est là - ces taux, ces redevances croyez-le ou non,
n'avaient pas fait l'objet de renégociations depuis 30 ans par les
gouvernements précédents. Le taux était demeuré
à 0,15 $ alors qu'en 1977, ces redevances ont augmenté à
0,77 $ le kilowattheure, plus indexation, ce qui veut dire actuellement autour
de 1,35 $. Le gouvernement a bougé sur ce plan. Il a bougé
également - on est à même de s'en rendre compte - sur la
concrétisation d'un projet extrêmement important pour notre
région, à savoir la construction de l'usine de l'Alcan à
Chicoutimi.
Ce projet de loi de quelques pages, comme on le sait, a pour objet la
location de forces hydrauliques de la rivières
Péribonca à Aluminium du Canada Ltée et permet des
retombées économiques majeures tant pour l'économie
québécoise que pour toute la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les retombées économiques sont presque
inversement proportionnelles à la longueur même du projet de
loi.
Tout à l'heure, le critique de l'Opposition essayait de faire
croire que, dans le domaine de l'aluminium, le gouvernement n'avait pas
bougé depuis 1976. Il n'y a rien de plus faux. La population se rend
compte jusqu'à quel point ces propos sont faux, parce que si le
gouvernement avait été aussi inactif, je ne vois pas comment il
aurait pu être réélu en 1981 avec une majorité
accrue. C'est sûrement parce qu'il a eu à ce moment-là,
durant ce premier mandat, une activité économique, une action sur
l'activité économique qui a été bienfaisante pour
l'ensemble de nos concitoyens qui lui ont renouvelé leur confiance.
Le député d'Outremont, en parlant de 1976 jusqu'à
maintenant, s'est fait un point d'honneur d'oublier tout le travail du
gouvernement dans des projets tels que Pechiney ou Reynolds, où l'action
du gouvernement a été déterminante par rapport à la
mise en place d'une politique énergétique qui soit de nature - ce
qui n'était pas le cas auparavant - à favoriser l'implantation
d'usines d'aluminium sur l'ensemble du territoire du Québec.
On parlait des retombées. Quant aux retombées
immédiates, on sait que la mise en chantier de l'usine de
Laterrière près de Chicoutimi nécessitera de la part de
l'Alcan des investissements de 1 000 000 000 $. Au niveau des retombées
à moyen et à long terme, l'usine de Laterrière à
Chicoutimi constitue le premier jalon d'un programme de modernisation des
installations d'électrolyse de l'Alcan au Québec. L'ensemble du
programme, il est bon de le redire, parce que cela fait partie des
conséquences du projet de loi, couvre une trentaine d'années et
va nécessiter et engendrer des engagements fermes de la part de l'Alcan
en fonction d'investissements non seulement de 1 000 000 000 $, dont on parle,
mais de 3 000 000 000 $ dans l'ensemble au cours des 30 prochaines
années.
En plus des investissements reliés au renouvellement des baux de
location de forces hydrauliques sur la rivière Péribonca, les
redevances - l'Opposition n'en a pas beaucoup parlé, mais le ministre de
l'Énergie et des Ressources l'a souligné à bon droit,
parce que cela représente des dividendes pour l'ensemble des citoyens du
Québec -hydroélectriques payables par l'Alcan pour l'utilisation
de l'eau prévoient - c'est inscrit dans le bail attaché au projet
de loi - que le taux de base 0,1913 $ par 1000 kilowattheures
d'électricité produite par les centrales de Chute-des-Passes,
Chute-du-
Diable, et de Chute-à-la-Savane, sera indexé en fonction
de l'évolution du prix de l'aluminium. Il est réaliste de penser
que le prix payé par Alcan pour un kilowattheure, en incluant les
redevances, se compare très avantageusement au prix payé par ses
concurrents québécois, ceux qu'on a mentionnés tout
à l'heure, Pechiney, Reynolds, etc. (16 h 40)
L'entente intervenue entre le gouvernement du Québec et Alcan,
qui prendra effet avec l'adoption de ce projet de loi, permet à la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean de maintenir sa position
stratégique dans la production d'aluminium par le biais des conditions
consenties à Alcan concernant la location des forces hydrauliques de la
rivière Péribonca.
Il s'agit d'un projet de loi avantageux pour le Québec, plus
particulièrement pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean. En plus de cette
conséquence substantielle pour l'avenir du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
notre région profitera des retombées de l'investissement de 1 000
000 000 $ nécessaire à la construction de l'usine
Laterrière, à Chicoutimi, autrement dit, des retombées -on
l'a dit tout à l'heure - de l'ordre de 250 000 000 $ pour le
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Comme l'a signalé - vous me permettrez de le citer, M. le
Président - M. Claude Chamberland, de l'Alcan: "En se
référant à l'expérience de construction de l'usine
de Grande-Baie, on estime que plus de 70% du milliard investi seront
injectés dans l'économie québécoise sous forme de
salaires et d'acquisitions de biens et services, dont 250 000 000 $ pour le
Saguenay-Lac-Saint-Jean. L'emploi généré - c'est
très important, surtout dans une période où on sait que le
chômage est à un niveau qu'il faut absolument, en tant que
gouvernement, essayer de diminuer par toutes les initiatives possibles du point
de vue économique - par la construction de l'usine Laterrière, de
Chicoutimi, sera de 2200 personnes-années directes. Cet investissement
viendra donc appuyer de façon substantielle la relance de notre
économie régionale au cours de l'année 1984-1985." Sans
oublier, M. le Président, une chose qui est très importante.
C'est que cette construction - je l'ai dit tout à l'heure - permet
à la région de garder une place stratégique dans le
secteur de l'aluminium. Cette construction va permettre de consolider des
emplois dans ce secteur qui auraient pu être perdus et va même
pouvoir en créer d'autres dans ce secteur d'activité
économique.
Pour les prochaines années, les gens de la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean sont conscients que les efforts doivent être
orientés vers l'augmentation des emplois reliés à
l'aluminium. Je suis conscient que le plan de modernisation des installations
d'électrolyse de l'Alcan permet avant tout de consolider le niveau
d'emplois actuel dans ce secteur d'activité. Mais il est clair qu'il
faut penser en termes d'augmentation des emplois et non pas seulement en termes
de consolidation.
Le porte-parole de l'Opposition, tout à l'heure, a parlé
de la transformation comme si cette préoccupation n'existait pas au sein
de l'équipe ministérielle de la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Plusieurs rencontres ont eu lieu avec les
autorités de l'Alcan de manière à sensibiliser cette
dernière à cette revendication de l'ensemble de la population de
la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean de faire en sorte qu'il y ait de la
transformation de l'aluminium et non pas seulement de la consolidation
d'emplois, de manière à créer de nouveaux emplois, parce
que c'est là qu'est la source. On sait très bien qu'à
mesure que les usines se modernisent, il est évident qu'en fin de
compte, cela représente une conséquence qui est souvent des
pertes d'emplois. Donc, si on veut une augmentation des emplois, il faut
orienter nos préoccupations vers d'autres secteurs de
développement de l'aluminium, entre autres, la transformation. Le
député d'Outremont n'a rien inventé en disant cela. Il
fait reproche au gouvernement que le contrat n'ait pas prévu des
conditions ou des obligations, par Alcan, dans la transformation de l'aluminium
au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
M. le Président, j'ai parlé de tous les investissements,
de tous les emplois que cela allait créer, de l'activité
économique que cela allait générer. Entre vous et moi, ce
n'est pas un très grand reproche. S'il fallait comparer cela à
l'inactivité ou, encore, à l'immobilisme dont j'ai parlé
tout à l'heure, du gouvernement Bourassa dans notre région, du
point de vue économique, dans le temps de son régime... Dans ce
temps, non seulement il n'y avait pas de conditions attachées concernant
la transformation, il n'y en avait pas. Il n'y avait tout simplement pas
d'activités ou de contrats tels que celui dont on parle pour produire de
l'activité économique et de l'emploi.
Concernant la transformation, ce n'est pas le député
d'Outremont qui allume nos lumières dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Cela fait deux ou trois ans qu'on en parle. On a eu
des rencontres avec les autorités de l'Alcan. Je le disais tout à
l'heure: II y a plus que cela.
Il n'y a pas longtemps, nous avons eu un sommet économique et ce
sommet a permis au gouvernement d'illustrer d'une façon très
éloquente sa préoccupation pour la transformation de l'aluminium
en fonction de la création de nouveaux emplois puisqu'à
l'occasion de ce sommet économique, le gouvernement - ce n'était
pas à ce moment l'annonce d'un mince projet - a indiqué sa
volonté politique de faire en sorte qu'un centre de recherche de
l'aluminium au niveau de l'ensemble du Québec soit instauré dans
la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce centre de recherche, qui sera
national et même international, se penchera d'une façon tout
à fait particulière précisément sur ce
problème de la transformation parce qu'on est tous conscients que c'est
une des voies d'avenir si on parle de création d'emplois et de
développement à accélérer du point de vue
économique.
Je suis convaincu - et je termine là-dessus - que, sur la
transformation de l'aluminium, cela fait longtemps que l'Alcan est
présente dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Nous sommes
là depuis peut-être huit ans mais, avant nous, il y a de nombreux
gouvernements qui se sont succédé, entre autres celui de M.
Bourassa et on n'a même jamais entendu parler, de l'apport du
gouvernement Bourassa dans le temps, on n'a même jamais vu d'efforts de
réflexion pour essayer d'aller au fond des choses concernant la
transformation de l'aluminium comme source d'emploi et source d'augmentation ou
d'intensification de l'activité économique.
Je termine sur une note d'espoir qui nous est permise avec tout ce que
comprend ce projet de loi qui a été mené à terme
d'une façon brillante par mon collègue le ministre de
l'Énergie et des Ressources. Je termine en disant, sur une note
d'espoir, que le Saguenay-Lac-Saint-Jean doit devenir le berceau de la
transformation de l'aluminium après avoir été le berceau
de la production de l'aluminium. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Jonquière.
Mme Aline Saint-Amand
Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. En effet, le 10
avril dernier, Alcan annonçait un investissement de 1 000 000 000 $ au
Saguenay-Lac-Saint-Jean par l'implantation d'une nouvelle aluminerie qui serait
située à Laterrière. Je suis très heureuse de
souligner ici la présence d'Alcan dans ma région et, plus
particulièrement, dans Jonquière, où l'on retrouve les
plus vieilles installations de cette compagnie.
J'imagine qu'il y a diverses raisons qui ont justifié
l'installation d'Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je veux m'arrêter
à deux points en particulier qui, à mon avis, sont les plus
importants. Il y a tout d'abord nos cours d'eau, qui sont une ressource
hydroélectrique, et, deuxièmement, ce qui n'est pas à
négliger, notre immense bassin de main-d'oeuvre.
Il est bien évident que de telles installations
nécessitent une grande consommation d'énergie électrique.
Ces coûts doivent être absorbés en partie, soit par une
subvention directe ou des tarifs préférentiels comme d'ailleurs
Pechiney en bénéficiera de la part du gouvernement
péquiste ou, encore, comme l'a fait Alcan de son côté, en
implantant et en exploitant au Saguenay-Lac-Saint-Jean son propre réseau
hydroélectrique. C'est donc dire qu'Alcan assure intégralement le
financement de ses installations sans aucune subvention gouvernementale. En ce
qui concerne les travailleurs et travailleuses d'Alcan, et ils sont très
nombreux chez nous, ils sont le coeur même de ces alumineries. Ce coeur
qui bat maintenant depuis plus de deux générations afin d'assurer
la survie du développement économique de notre région. (16
h 50)
Chez nous, on dit que lorsque Alcan tousse, toute la région a la
grippe, car toute l'économie régionale et une grande partie de
notre population reposent directement ou indirectement sur Alcan. Le projet de
loi 70 que le gouvernement vient de déposer a pour objet, selon les
notes explicatives, de permettre à l'actuel gouvernement de louer une
partie des forces hydrauliques de la rivière Péribonca à
Aluminium du Canada Ltée. Par cette loi, le gouvernement est
autorisé à signer un bail de 50 ans, qui pourra être
prolongé de 25 années additionnelles sur un simple avis en ce
sens donné par la compagnie dans les douze mois qui
précèdent le 1er janvier de l'an 2033. Elle peut
également y mettre fin et dans les mêmes conditions.
Chose étonnante, et je le répète, dans le bail, le
gouvernement du Québec n'oblige pas Alcan à faire la
transformation et à s'assurer que des emplois ne seront pas perdus. Dans
la publication du gouvernement "Bâtir le Québec", le document
"L'électricité, facteur de développement au Québec"
précise en page 160 que, "malgré des frais de transport plus
élevés en raison de sa localisation éloignée des
matières premières et des marchés, l'entreprise Alcan
profite, néanmoins, d'une vente qui devrait, d'ailleurs, aller en
augmentant. Plusieurs sont d'avis qu'en contrepartie, le Québec n'a pas
obtenu de cette firme, jusqu'à présent, des retombées
suffisantes au niveau des activités de transformation."
Enfin, le document conclut en page 161: "Dans ce contexte, les
conditions d'allocation de l'électricité devraient pouvoir jouer
un rôle stratégique afin d'obtenir d'une entreprise qu'elle
enrichisse son projet en y greffant telle ou telle unité de
transformation en retour de la fourniture d'électricité à
des conditions avantageuses." Le paradoxe, c'est que toutes ces idées ne
sont appliquées ni à Alcan, ni à Pechiney. Aucune
condition de transformation n'est émise. Par conséquent, la
politique de transformation est tout simplement mise de côté.
En ce qui concerne les emplois, le
projet d'Alcan à Laterrière, malgré son importance,
n'occupera que de 700 à 800 personnes, et selon Alain Dubuc de la Presse
dans l'édition du 31 mai 1984, les nouvelles installations ne
créeront que peu ou pas de nouveaux emplois parce qu'elles serviront
à remplacer les installations vétustes de Jonquière.
De plus, le gouvernement du Québec n'a même pas
exigé, tout au moins, la consolidation des emplois actuels, comme le
rappelait mon collègue député d'Outremont. En 1975, M.
Parizeau s'est opposé à la construction d'une aluminerie à
Saint-Augustin. Même M. Jacques-Yvan Morin s'est opposé à
la possibilité d'accorder un tarif préférentiel à
l'entreprise qui voulait construire cette aluminerie à Saint-Augustin.
Nous savons tous que ce n'est pas sans raison que plusieurs s'inquiètent
du sort réservé tant aux travailleurs et travailleuses actuels
d'Alcan qu'aux installations d'Alcan à Jonquière. Quand on sait
que l'usine de Laterrière prendra à son compte une partie de la
production actuellement fabriquée à Jonquière et, par
conséquent, entraînera la partie d'un grand nombre de salles de
cuves des installations à Jonquière, on est en droit de demander
quelles garanties le gouvernement péquiste a exigé d'Alcan en
regard de ces travailleurs qui seront affectés.
Il est bien évident que les seuls emplois créés par
cet investissement pourtant important le seront pendant les travaux de
construction de l'usine. Sa mise en exploitation signifiera automatiquement une
diminution du nombre d'emplois dans les installations désuètes de
Jonquière. L'Alcan serait ainsi en mesure d'accroître sa
production sans devoir augmenter ou même consolider le nombre
d'emplois.
Tout en me réjouissant que le procédé mis de
l'avant par l'équipe du Centre de recherche de l'Alcan à
Jonquière ait été retenu pour les nouvelles installations
de Laterrière et tout en reconnaissant qu'il est essentiel pour l'Alcan
de demeurer concurrentielle et de suivre l'évolution de la nouvelle
technologie, je me dois d'insister, tant pour l'Alcan qui profite de nos
richesses naturelles que pour le gouvernement qui s'apprête à
signer ce bail, sur l'importance de protéger au maximum les travailleurs
et les travailleuses qui sont affectés par les changements
technologiques dans les entreprises.
Le projet de loi 70 confirme à l'Alcan qu'elle pourra continuer
de profiter des nombreux avantages énergétiques venant de nos
cours d'eau. Aussi, on est en droit de s'interroger au sujet des
retombées réelles sur l'économie et sur la création
d'emplois nouveaux ou, à la rigueur, sur la consolidation des emplois
existants. La politique changeante de l'actuel gouvernement en ce qui a trait
au secteur de l'aluminium, le fait de mettre de côté toute la
politique de transformation et enfin l'impact incertain du projet de l'Alcan
sur l'emploi nouveau sèment des craintes qu'il est permis de croire
justifiées.
Il est évident que ce projet de loi confirme la présence
de l'Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean. De même, il est évident que
l'implantation d'installations dotées de toutes les
caractéristiques de la technologie moderne, en remplacement des
installations existantes, aura également des répercussions sur la
main-d'oeuvre actuelle.
Jusqu'à quel point les travailleurs affectés pourront-ils
être recyclés? Dans quelle mesure nos jeunes, qui deviennent dans
certains cas des collectionneurs de diplômes, peuvent-ils espérer
que les retombées seront suffisantes sur l'économie
régionale pour qu'ils puissent eux aussi se trouver un emploi? Seul
l'avenir pourra répondre à cette interrogation.
Les négociations entourant la signature de ce bail constituent
une occasion rêvée pour le gouvernement péquiste de mettre
au point avec l'Alcan une politique de transformation de ses produits et de
consolidation des emplois. Si on se rappelle le moindrement les années
d'Opposition des députés péquistes, on s'aperçoit
que le langage qu'ils tenaient alors lorsqu'il était question des
privilèges qui étaient accordés à l'Alcan en regard
de nos ressources naturelles était bien loin et bien différent de
celui qu'ils nous servent aujourd'hui.
M. le Président, loin de moi l'idée de mettre en doute
l'importance de la présence de l'Alcan chez nous en ce qui concerne le
développement de notre économie régionale. Bien au
contraire, mais il faut également se rappeler que c'est grâce
à notre énergie hydroélectrique, grâce aussi et
surtout à la qualité de la main-d'oeuvre régionale que ce
développement a pu se faire.
Cela, M. le Président, il ne faut pas l'oublier lorsque l'on met
dans la balance les avantages comparatifs que notre région peut offrir
lorsqu'il s'agit de choisir le site d'implantation d'une entreprise. Si, pour
combattre les facteurs climatiques et l'éloignement des marchés,
notre seul avantage est de pouvoir fournir de l'énergie en abondance et
à moindre coût, notre région doit, au premier chef, en
retirer les profits et le gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour
implanter chez nous des entreprises à haut niveau de consommation
d'électricité et, ainsi, contribuer à combattre le
chômage chronique excessif qui accable le Saguenay-Lac-Saint-Jean. (17
heures)
Lorsque le gouvernement reconduira le bail qui cède des
privilèges à l'Alcan pour les 50 prochaines années,
puisque le ministre de l'Énergie et des Ressources n'a pas caché
que les forces énergétiques de la Péribonca
pourraient alimenter en électricité plusieurs autres
alumineries, qu'il me soit permis de lui rappeler que
l'hydroélectricité, cela se passe au Saguenay-Lac-Saint-Jean et
que la main-d'oeuvre spécialisée dans la fabrication de
l'aluminium, c'est aussi chez nous qu'elle se trouve. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Lac-Saint-Jean et whip du gouvernement.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, je voudrais d'abord, avant
d'aborder directement le projet de loi, vous faire part de mes réactions
à la suite du discours de la députée de Jonquière.
La députée de Jonquière se présente comme
étant la défenderesse des travailleurs de l'Alcan dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Elle prend fait et cause pour les
travailleurs de l'Alcan. Elle s'inquiète de leur sort. Elle
s'inquiète de leur avenir. Elle s'interroge sur les pertes possibles
d'emplois à la suite des investissements de l'Alcan. Elle se demande si
vraiment, il y aura consolidation des emplois. Cela me fait beaucoup sourire,
sinon rire, de l'entendre, parce que je vais vous dire une chose: nous n'avons
absolument pas, nous, du gouvernement du Parti québécois et de
l'équipe régionale du Parti québécois du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, de leçon à recevoir des libéraux
en matière de protection et de défense des travailleurs de
l'Alcan. Absolument pas.
Je vous rappellerai qu'en 1976, avant l'élection, ce que les
libéraux ont donné aux travailleurs de l'Alcan, ce qu'ils ont
envoyé aux travailleurs de l'Alcan, c'est un contingent de policiers
avec des matraques. C'est ce qu'ils ont donné aux travailleurs de
l'Alcan, à la demande du gouvernement et du ministre du Travail qui
était Gérald Harvey, à l'époque, le
député de Jonquière. C'est ce qu'ils ont donné aux
travailleurs de l'Alcan, les libéraux. Et maintenant, cela vient nous
faire la leçon pour la défense des travailleurs de l'Alcan?
Allons donc, M. le Président! Nous les avons défendus, nous, les
travailleurs de l'Alcan, non seulement en 1976, mais en 1979 également,
à l'occasion d'un autre conflit qui a eu lieu, alors que nous
étions au pouvoir. Et je vais vous citer un simple
télégramme signé de Jean Hallé. Ce n'est pas un de
nos amis. Il était candidat libéral en 1981, M. Jean
Hallé. À l'époque, il était président de la
Fédération des syndicats du secteur aluminium. Il écrit
à tous les députés du Parti québécois de la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il nous envoie un
télégramme à la suite de la prise de position ferme que
nous avions adoptée et rendue publique dans le cadre du conflit qui
sévissait à ce moment-là à l'Alcan: "Monsieur, au
nom des 770D syndiqués - c'est la teneur du télégramme -
de l'Alcan affiliés à la Fédération des syndicats
du secteur aluminium présentement en conflit - on est en juin 1979 -
nous tenons à vous manifester notre gratitude face au geste que vous
avez posé en reconnaissant les revendications des travailleurs comme
étant justes et légitimes." C'est ce qu'on avait fait à
l'époque, lors de ce conflit. Nous étions au pouvoir à ce
moment-là. "Cette déclaration a été fortappréciée, ajoute M. Hallé, d'autant plus que c'est la
première fois que des hommes politiques s'impliquent positivement dans
une lutte ouvrière. Nous vous assurons de notre volonté ferme
pour en arriver à un règlement le plus rapidement possible."
C'est ce qu'on a fait en 1979. On a pris position. On a pris fait et cause pour
les travailleurs de l'Alcan qui étaient en conflit à ce
moment-là. On les a soutenus. On les a appuyés. Le
président de l'époque, Jean Hallé, nous dit dans un
télégramme qui est très clair, qui est sans
ambiguïté: Vous nous avez appuyés et cela nous a
aidés à régler le conflit avec la compagnie Alcan. Alors,
je le répète, de la part de la députée de
Jonquière comme de la part des libéraux et de l'Opposition
libérale, en matière de protection et de défense vigilante
des travailleurs de l'Alcan de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
nous n'avons pas de leçon à recevoir, absolument pas.
Pour ce qui est des emplois et de tout ce débat qui tourne autour
des emplois qui vont être créés ou consolidés
à la suite de l'investissement de l'Alcan à Laterrière,
les déclarations de l'Alcan sont dans le sens qu'il n'y aura pas de
pertes d'emplois, mais qu'il y aura consolidation des emplois dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'est vrai qu'on aurait pu souhaiter
une augmentation, un accroissement des emplois, c'est tout à fait
légitime, on aurait préféré cela, mais quand on
parle de technologie nouvelle, d'augmentation de la productivité, il est
évident qu'il y a des risques, il y a des chances que les emplois
nouveaux ne soient pas nombreux; mais, à tout le moins, l'Alcan
déclare qu'il y aura consolidation des emplois. Cela a été
sa déclaration lors de son annonce d'investissement; les
représentants de l'Alcan ont parlé de consolidation de l'emploi
et non pas de perte de 800 emplois, comme l'a mentionné un certain
journal à l'époque.
Nous allons faire preuve de vigilance à cet égard comme
cela a été le cas en 1979, à l'occasion d'un conflit qui
sévissait dans les installations de l'Alcan et comme cela a
été le cas en 1976 également. Nous allons continuer
d'être vigilants. Comme équipe régionale, nous allons
continuer de défendre les intérêts des travailleurs de
l'Alcan en collaboration, en concertation, en coopération avec les
organisations de ces travailleurs.
J'écoutais tout à l'heure la députée de
Jonquière, et c'était comme si les travailleurs de l'Alcan
n'avaient pas d'organisation, n'avaient pas de syndicat, comme si
c'était elle qui prenait tout sur ses épaules pour la
défense des travailleurs de l'Alcan. Ce ne sont pas des enfants
d'école, les travailleurs de l'Alcan, ils ont une organisation, ils ont
des syndicats, ils sont syndiqués et ils sont capables de se
défendre eux-mêmes. Ils sont actuellement en négociation et
je peux vous assurer que s'ils ont besoin de notre appui, comme cela a
été le cas en 1976 et en 1979, on ne manquera pas de le leur
accorder, si leurs revendications, évidemment, sont légitimes et
raisonnables, ce qui a, jusqu'à maintenant, toujours été
le cas pour eux.
Deuxième remarque des députés de l'Opposition et de
la députée de Jonquière en particulier, qui porte sur la
transformation. Le député d'Outremont, pour une bonne partie de
son discours, en a aussi parlé: Vous avez négligé la
transformation, pourtant, c'est important, etc. ont-ils dit. Mais eux,
qu'ont-ils fait, lorsqu'ils étaient au pouvoir, en matière de
transformation de l'aluminium? Absolument rien. Le gouvernement libéral,
le gouvernement Bourassa n'a absolument rien fait pour augmenter le niveau de
transformation de l'aluminium dans la région ou au Québec,
à l'époque où il était au pouvoir. Là aussi,
en cette matière, ma foi, les libéraux sont assez mal
placés pour nous faire la leçon, d'autant plus, comme le disait
tout à l'heure le leader du gouvernement et député de
Chicoutimi, que cela nous préoccupe grandement, la transformation de
l'aluminium chez nous.
Donc, ce sont les remarques que m'a inspirées l'intervention de
la députée de Jonquière. Nous sommes bien conscients que
les travailleurs de l'Alcan se posent des questions, s'interrogent - et c'est
parfaitement légitime - sur leur avenir, dans le cadre de ce vaste
programme d'investissements annoncé par l'Alcan. C'est parfaitement
légitime de se poser des questions et d'essayer d'avoir des
réponses et des garanties, mais cela doit se faire normalement, dans le
cadre de négociations avec l'employeur, avec la compagnie, et c'est ce
qui se fait présentement, à l'occasion du renouvellement de la
convention collective.
En matière de transformation, ma foi, cela nous préoccupe
beaucoup aussi et des efforts seront faits dans ce sens également.
Le projet de loi que nous avons devant nous est un projet de loi - on
l'a maintes fois souligné - d'une grande importance sur le plan
économique, sur le plan du développement économique. Vous
savez, l'Alcan est ce qu'on peut appeler une multinationale, qui a des
installations et des activités sur presque tous les continents; mais
c'est chez nous, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, un pilier de
l'économie régionale, aussi bien en termes d'emplois qu'en termes
d'investissements et de production. (17 h 10)
Pourquoi la région est-elle devenue une terre de
prédilection pour l'aluminium et plus particulièrement pour la
compagnie Alcan? C'est très simple, on l'a mentionné à
plusieurs reprises, ce n'est pas parce que nous avons de beaux yeux, ce n'est
pas parce que nous sommes accueillants. C'est vrai que nous sommes
accueillants, mais ce n'est pas pour cela qu'ils sont venus. Ce n'est pas parce
que nous sommes une population hospitalière. C'est vrai que nous sommes
hospitaliers, mais ce n'est pas pour cela qu'ils sont venus. L'Alcan est venue
chez nous parce que nous avions des rivières magnifiques comportant
plusieurs sites hydroélectriques importants, majeurs.
Dès le début du siècle, on s'est
intéressé à ces sites hydroélectriques et on les a
même achetés. À l'époque, au début du
siècle, le gouvernement vendait les sites hydroélectriques. Il ne
les louait pas, comme cela a été le cas sur la rivière
Péribonca; il les vendait. Il les vendait pour pas cher, en plus. Les
sites hydroélectriques sur la rivière Saguenay et la Grande
Décharge qui traverse Alma, la ville où je demeure, ont
été vendus 15 000 $. Pour 15 000 $, on a acheté tous les
sites hydroélectriques du Saguenay et de la Grande Décharge.
Dans les années vingt, on a commencé à construire
des barrages sur ces sites et on a aussi commencé à construire
des usines utilisant l'énergie produite par ces barrages. C'est ainsi
que Alma est passée du petit village qu'elle était à une
ville d'importance à la suite de la construction du barrage
d'Isle-Maligne; c'est ainsi que Arvida a littéralement surgi de terre,
surgi du sol, à la suite de la construction des usines et des salles de
cuve de l'Alcan à Arvida.
Par la suite, dans les années cinquante, il y a eu une nouvelle
expansion: on a construit trois barrages sur la Péribonca, à
Passes-Dangereuses, à Chute-du-Diable et à
Chute-à-la-Savane. C'est très clair, c'est l'évidence
même, M. le Président, les succès de l'Alcan, sa
solidité financière aussi, sa position hautement concurrentielle
dans le secteur de l'aluminium, tout cela repose en très grande partie
sur l'utilisation d'une ressource naturelle renouvelable chez nous à des
coûts extraordinairement compétitifs. Il était donc normal,
il est tout à fait normal qu'en contrepartie nous recevions comme
État, comme gouvernement, au nom de la société, des
redevances pour l'utilisation de cette ressource naturelle.
Pour ce qui est des redevances, c'est nous, du gouvernement du Parti
québécois qui avons touché, en 1978, à ces
redevances pour
la première fois depuis 1946. Cela commence déjà
à faire quelques années. Comme le mentionnait tantôt le
député de Chicoutimi, l'Alcan ne payait à peu près
rien en termes de redevances statutaires. Cela lui coûtait 0,15 $ les
1000 kilowattheures. On a, nous, en 1978, exigé 0,50 $ les 1000
kilowattheures. On a plus que triplé la redevance et on a introduit un
système d'indexation. On l'a indexée de sorte qu'aujourd'hui,
l'Alcan paie 1,25 $ pour 1000 kilowattheures en termes de redevances
statutaires en vertu de la Loi sur le régime des eaux. On est
passé de 0,15 $ les 1000 kilowattheures en 1978 à 1,25 $ les 1000
kilowattheures en 1984. C'est une évolution considérable.
Donc, pendant tout le régime Bourassa, de 1970 à 1976, le
gouvernement n'a pas touché au système de redevances, pas du
tout. C'est resté à 0,15 $. Avec nous, c'est maintenant à
1,25 $ les 1000 kilowattheures. L'Alcan investit quand même. Cette
augmentation des redevances n'affecte pas du tout la position concurentielle de
l'Alcan. Ces redevances statutaires rapportent actuellement un peu plus de 16
000 000 $, soit exactement 16 600 000 $.
Avec la loi actuelle, on renouvelle les baux de location pour les trois
sites de la Péribonca, Passes-Dangereuses, Chute-du-Diable,
Chute-à-la-Savane pour 50 ans. On augmente également la redevance
contractuelle. De 0,15 $ les 1000 kilowattheures qu'elle était, elle va
être portée à un plus de 0,19 $ les 1000 kilowattheures
avec indexation basée sur le prix de l'aluminium. Une augmentation qui
est raisonnable et qui, elle aussi, n'affecte pas du tout la position
concurrentielle de l'Alcan.
Il y a un lien direct entre cette loi de quelques articles seulement et
des investissements massifs qui vont être faits au Québec,
particulièrement dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y
a un lien direct. Ce ne sont pas uniquement les ministres du gouvernement du
Parti québécois qui l'affirment. C'est le président de
l'Alcan. J'ai le rapport annuel 1983 de l'Alcan. Dans le message du
président, on peut lire ce qui suit: "À la suite d'une entente de
principe intervenue en décembre 1983, la société et le
gouvernement du Québec poursuivent les discussions relativement au
renouvellement des baux sur l'utilisation et le contrôle des eaux d'un
bassin hydrographique au Québec." Il s'agit de la rivière
Péribonca. "Cette entente de principe est intimement liée -c'est
le président de l'Alcan qui parle - à la réalisation du
programme de modernisation des usines d'électrolyse d'Alcan au
Québec dont le premier jalon sera la construction d'une nouvelle usine
à Laterrière qui a été annoncée
récemment." Donc, il y a un lien direct entre ce projet de loi qui porte
sur le renouvellement des baux et l'augmentation des redevances, du loyer en
quelque sorte, et un programme majeur, massif d'investissements annoncé
par l'Alcan, à commencer par 1 000 000 000 $ pour construire une usine
à Laterrière.
Le ministre disait, à juste titre, que ce milliard fait partie
d'un plus vaste programme de 3 000 000 000 $ pour en arriver à
renouveler précisément toutes les usines qui commencent à
devenir désuètes, parce qu'elles datent des années vingt.
C'est un investissement de 3 000 000 000 $; c'est énorme. Il faut
s'arrêter pour y penser. Comme le disait le ministre de l'Énergie
et des Ressources, c'est 3000 millions. On est toujours très fiers quand
une entreprise de notre comté annonce, par exemple, 1 000 000 $
d'investissements. On pavoise, on saute de joie quand une entreprise de notre
comté, soit nouvelle, soit déjà existante, annonce 1 000
000 $ d'investissements. On fait une conférence de presse. C'est
évident qu'il faut faire une conférence de presse. Il faut
annoncer cela, 1 000 000 $ d'investissements. Mais là c'est 3000
millions. Il faudrait quasiment 3000 conférences de presse, mais on n'en
finirait pas. On pourrait commencer...
Une voix: Dix par jour. M. Brassard: Combien? Une
voix:Dix par jour.
M. Brassard: Dix par jour. Cela prendrait un autre mandat pour
terminer.
Une voix: C'est le déficit du Québec.
M. Brassard: Cela prendrait un autre mandat pour terminer. C'est
un investissement de 3000 millions. C'est évidemment, M. le
Président, considérable.
À cela, il faut ajouter et il faut se rappeler - je pense que
c'est aussi important l'investissement déjà fait de près
de 1 000 000 000 $ dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean depuis
1976. À Grande-Baie, cela a provoqué des investissements de 540
000 000 $. Ils ont construit un centre de calcination pour 70 000 000 $.
Ils ont également construit une usine de fluorure pour 125 000 000 $.
C'est 835 000 000 $ d'investis déjà, depuis 1976. J'insiste, M.
le Président, sur la date: depuis 1976. Cela veut dire presque 1 000 000
000 $, plus 1 000 000 000 $ à Laterrière. C'est donc presque 2
000 000 000 $ qui sont déjà investis ou qui vont être
investis dans les mois et les années qui viennent dans la région
du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
C'est la meilleure réponse à ceux qui, comme M. Bourassa,
le chef du Parti libéral,
ont repris la vieille rengaine usée et n'arrêtent pas de
radoter le vieux cliché selon lequel le Parti québécois,
à cause de son option, ralentit les investissements, freine les
investissements. C'est la vieille rengaine qu'a reprise le chef du Parti
libéral. Un engagement ferme de 1 000 000 000 $ pour construire une
usine à Laterrière, des investissements déjà faits
depuis 1976 de 835 000 000 $, ma foi, cela commence à faire beaucoup!
Avec le service des relations publiques et des communications de l'Alcan, je
peux vous assurer qu'ils connaissent très bien les convictions du
député de Lac-Saint-Jean. Ils connaissent très bien les
convictions du député de Saint-Maurice et du député
de Chicoutimi. Ils savent très bien que nous sommes des souverainistes,
qu'on travaille pour la souveraineté du Québec, qu'on la
souhaite. Ils le savent très bien. Ils sont fort bien informés
à ce sujet et cela ne les dérange pas du tout quand même
d'investir des milliards de dollars dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean et ailleurs au Québec. (17 h 20)
Cela ne gêne pas beaucoup non plus d'autres investisseurs parce
que les investissements manufacturiers, comme on le sait, vont augmenter cette
année, en 1984, de 38%. C'est un record dans tout le Canada. Dans
certaines provinces, les investissements baissent. Ici, les investissements
manufacturiers vont augmenter de 38%.
C'est la preuve qu'une volonté d'affirmation nationale
légitime, véhiculée de façon démocratique
par un parti, qu'il soit au pouvoir ou non, cela ne gêne pas les
investissements, cela ne les dérange pas, cela ne les empêche pas
d'augmenter à des vitesses de croisière absolument
extraordinaires.
M. le Président, nous sommes évidemment très
heureux que ce projet de loi soit devant l'Assemblée nationale. Son
adoption va avoir des retombées économiques extraordinairement
importantes dans la région. Cela va avoir des retombées
importantes pour les PME de la région en matière de contrats, de
sous-traitance. J'aurais aimé parler aussi du volet "protection de
l'environnement", que ces nouvelles usines... Il y a tout un volet "protection
de l'environnement" qui est important puisque ces nouvelles technologies
affectent beaucoup moins l'environnement que les anciennes.
M. le Président, je suis très heureux pour la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et j'espère cependant que les
prochains investissements vont être orientés vers le Lac
Saint-Jean, Alma en particulier, parce qu'on a l'habitude de dire à Alma
qu'on fournit l'électricité puisque les barrages sont
situés sur la Péribonca. Il serait peut-être important que
l'Alcan songe à orienter les investissements majeurs du
côté du Lac-Saint-Jean.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: C'est seulement pour vous rappeler que le
député de Notre-Dame-de-Grâce devait prendre la parole.
Malheureusement, il est retenu en commission et il ne sera pas
présent.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, M. le ministre, dans
votre droit de réplique.
M. Yves Duhaime (réplique)
M. Duhaime: M. le Président, nous en sommes à la
dernière étape du débat de deuxième lecture. Pour
vous dire honnêtement, je me serais attendu que les grands cerveaux
économiques du Parti libéral remplissent les banquettes en avant
et viennent nous expliquer quelle est leur vision de l'avenir, leur politique
tarifaire en matière d'hydroélectricité afin de se servir
au maximum de cette ressource pour le développement économique du
Québec.
Je me rends compte que mon bon ami, le député d'Outremont,
est seul à tenir le fort. On dira à l'Assemblée nationale
que le député aura fait son devoir jusqu'au bout puisque, je
pense, il est sur le point de laisser son siège à son chef que
nous attendons tous ici avec beaucoup d'impatience, avec hâte. Soyez
assuré que nous allons l'accueillir chaleureusement.
Je voudrais relever deux des affirmations qui ont été
faites par le député d'Outremont, la première disant que
le gouvernement s'est traîné les pieds et la deuxième qui a
trait au dossier de Pechiney quant au contenu. La première interrogation
mérite qu'on s'y arrête. Le député d'Outremont vient
de nous affirmer cet après-midi - quand l'Opposition parle en cette
Chambre, j'imagine que c'est pour dire des choses sérieuses, du moins,
c'est la présomption de départ - qu'on règle en 1984 un
problème qui traîne depuis huit ans. C'est bien ce que j'ai
entendu.
Une voix: C'est vrai.
M. Duhaime: On vient de répéter que c'est vrai. M.
le Président, la question qu'il faudrait retourner au
député d'Outremont: À quel moment le groupe Alcan a-t-il
demandé au ministère de l'Énergie et des Ressources
d'ouvrir une négociation sur les baux de la rivière
Péribonca? Nous sommes en 1984. Je lui répondrai ceci: Moins de
18 mois. Que faisions-nous entre 1976 et 1983? Il y a eu, bien sûr, des
épisodes un peu rocambolesques où l'Opposition libérale,
le gouvernement à l'époque, s'était timidement
contenté de
redevances, je dirais, non indexées. Mon collègue, M.
Joron, dès notre arrivée au gouvernement a convoqué une
commission parlementaire. Les travailleurs ont été entendus, leur
syndicat a été entendu, la compagnie Alcan a été
entendue. Notre gouvernement, comme cela a été souligné
tout à l'heure, a rehaussé à un niveau raisonnable les
redevances qu'Alcan paie aujourd'hui et qui servent de
rémunération de base pour l'utilisation des eaux de la
rivière Péribonca. C'est la première chose que nous avons
faite. Est-ce que cela a dérangé Alcan? Cela n'a pas
dérangé Alcan. Je dirais que cela l'a encouragée. En 1976,
1977, 1978, 1979, 1980, 1981, 1982 et 1983, pendant toutes ces années,
le groupe Alcan construisait l'usine de La Baie. L'usine de La Baie
représente quelque 750 000 000 $ d'investissements. Si les relations
étaient si mauvaises, si tendues et si nous étions si en retard,
est-ce qu'on va s'imaginer que Alcan aurait accéléré son
projet?
Une deuxième question se pose. Premièrement, Alcan n'a pas
demandé la reprise, la réouverture des négociations. Pour
une raison très simple, elle n'en avait pas besoin. Je suis à peu
près certain, même si la confirmation ne viendra jamais, que
l'aiguillon qui a décidé Alcan à enclencher ce programme
de 3 000 000 000 $ a été les négociations fructueuses que
nous avons conduites avec le groupe américain Reynolds et avec le groupe
français Pechiney pour amener un peu de concurrence sur ce marché
international. Le gouvernement n'a pas à être blâmé.
Il n'y a eu aucun retard dans ce dossier. Au contraire. Je dirais que
l'équipe régionale du Parti québécois, mes
collègues de Chicoutimi, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Roberval, de
Desbiens, du comté de Dubuc, m'ont, en quelque sorte,
littéralement harcelé pendant des mois pour que nous tenions
réunion sur réunion. Il y a eu des discussions avec le maire de
Laterrière, avec le maire de Chicoutimi, avec la direction
régionale d'Alcan, avec mes collègues réunis dans leur
caucus régional pour en arriver à établir une chose sur le
plan de l'équité fiscale dans cette région: II fallait,
bien sûr, que les retombées économiques d'un pareil projet
sur l'aluminerie de Laterrière-Chicoutimi puissent
bénéficier à l'ensemble de la population
régionale.
Il fut donc décidé, après discussion, après
accord entre les mairies et les conseillers municipaux qu'une annexion serait
faite. Un projet de loi a été déposé à
l'Assemblée nationale et a été adopté. Si c'est
cela un retard, il faudra sûrement changer la définition des mots
dans le dictionnaire. Si on se posait la question: Que faisaient les
libéraux, eux, lorsqu'ils étaient au gouvernement, de 1970
à 1976, dans le dossier de l'aluminium? Vous savez, Bourassa me fait
penser à ces revenants qui se promènent et qui disent à
peu près n'importe quoi. Le député d'Outremont est en
train de prendre son habitude parce que, hier soir, en commission parlementaire
sur l'étude d'un projet de loi concernant REXFOR, le critique officiel
de l'Opposition en matière d'énergie et ressources nous annonce
tout de go qu'il n'engage pas sa formation politique par son discours, mais
qu'il parle en son nom personnel. Un jour, un député de
l'Opposition fait un discours, le lendemain, un deuxième dit le
contraire et, la fin de semaine qui suit, Bourassa fait la synthèse. En
1974, nous étions là. Nous n'étions pas présents
ici à l'Assemblée nationale, mais, dans nos régions, nous
suivions les affaires politiques.
Je me souviens très bien de la "balloune" de National South Wires
pour Saint-Augustin. Nous nous étions opposés avec virulence
à cet investissement. Je me rappelle très bien le dossier. La
subvention que Bourassa offrait à National South Wires était plus
élevée que le budget total du ministère de l'Agriculture
en 1974: 185 000 000 $ de subvention. Rien en retour. Nous nous sommes
opposés à ce projet. Les gens de la communauté
économique de la région de Québec se sont opposés.
Le milieu des affaires s'est opposé à un tel point que le
gouvernement libéral a retraité. Si cet investissement de
National South Wires était si bon, Bourassa, avec 102
députés sur 108 à l'Assemblée nationale aurait
très bien pu adopter un projet de loi et faire voter sa majorité.
Cela aurait été d'une facilité vraiment navrante. Il ne
l'a pas fait parce qu'il s'est rendu compte d'une chose: que le dossier de
National South Wires n'était pas la bonne approche. (17 h 30)
M. Bourassa se targue aujourd'hui, se vante en tirant la couverture de
son côté, en disant que si Pechiney et Reynolds font des
investissements cela dépend de lui. Franchement, il faut aller chercher
cela pas mal fort.
M. le Président, de 1970 à 1976, pendant sept ans, combien
d'alumineries ont été installées au Québec? La
réponse: zéro. Durant les trois dernières années,
malgré la crise économique, malgré une conjoncture
internationale difficile, notre gouvernement a réussi, d'un, avec
Reynolds, de deux, avec Pechiney, de trois, avec l'Alcan. Savez-vous que, comme
moyenne au bâton, M. le Président, ce n'est pas si mal? Cela fait
une aluminerie par année. J'espère qu'on va maintenir la moyenne
au bâton et qu'on pourra s'assurer d'une quatrième aluminerie l'an
prochain. Comme Québécois, on doit en être fiers.
On a maintenant dans le secteur de l'aluminium au Québec des
Canadiens et des Québécois, des Américains et des Japonais
qui viennent d'entrer dans le consortium de l'aluminerie de
Bécancour.
Je voudrais en dire un mot de l'aluminerie de Bécancour. C'est
peut-être parce que c'est français que le député
d'Outremont s'acharne sur ce dossier; peut-être parce que c'est Paris
plutôt que Richmond, Virginie ou Montréal, Québec. Vous
faites des affirmations très dangereuses. J'ai communiqué tout
à l'heure avec la direction de la Société
générale de financement pour vérifier le contenu et on va
s'en parler.
M. le Président, pour mettre en route le dossier Pechiney, il
fallait d'abord avoir une politique tarifaire, une volonté politique
d'utiliser l'électricité. Deuxièmement, nous avons
annoncé, nous avons dit à nos partenaires... Nous n'avons pas
attendu une offre, nous avons exigé une participation dans le capital de
risque pour un tiers de la mise. Par la suite, notre placement était
tellement bon, tellement bien placé comme on dit... Imaginez-vous que
des Américains de New York et des Japonais de Tokyo, ont trouvé
que notre placement était tellement bon qu'ils ont dit: Si vous voulez
nous en vendre une partie, on serait intéressé à
l'acheter. Il n'y a rien comme faire des affaires. On a dit à Pechiney:
Voulez-vous vous départir d'une partie de vos intérêts?
Elle a dit: oui, nous aussi sommes prêts à diluer notre part. Les
Français ont réduit de 66 2/3% à 50,1%. Nous avons
réduit notre participation du tiers à 25%. C'est comme cela
qu'aujourd'hui l'aluminerie de Bécancour regroupe des
Québécois, des Français, des Américains et des
Japonais. Mon Dieu! Si cela ne marche pas, il n'y a rien qui va marcher sur
cette planète, M. le Président. Je suis très fier de cela.
C'est un investissement de 1 200 000 000 $ en dollars américains.
Que nous ont dit les Français? On va se parler clairement, M. le
député d'Outremont. Ils ont dit: Nous avons un problème.
Nous avons en France huit alumineries. Il faut les moderniser. Nous avons des
intérêts aux États-Unis. Nous sommes un peu
embarassés de construire une aluminerie au Québec. Les
Français ont décidé de céder leurs
intérêts américains à d'autres, de rapatrier au
Québec ces capitaux et de former la société en commandite
avec nous, avec les Américains et les Japonais et de mettre de l'avant
cette aluminerie. Ils ont dit: On souhaiterait que ce soit notre technologie.
Je comprends: la technologie Pechiney est reconnue dans le monde entier comme
l'une des meilleures. Mais les Français nous ont dit: On voudrait
cependant avoir la garantie que nous pourrons au moins placer pour 180 000 000
$ US à l'intérieur du projet total de 1 200 000 000 $. On a dit:
Parfait! Pour n'importe quelle personne qui compte vite, cela veut dire 200 000
000 $ sur 1 200 000 000 $; cela veut dire un sixième, donc 16%, 17%.
Cela m'est confirmé aujourd'hui par M. Lefebvre de la
Société générale de financement. Le contenu
canadien de l'aluminerie de Bécancour sera de 85% et le contenu
québécois sera entre 65% et 70% de l'investissement de l'Alcan
dans l'usine de Laterrière, à Chicoutimi, de même que les
70% de Reynolds à Baie-Comeau que me confirmait, il n'y a pas plus tard
que trois semaines, le président de Reynolds Metals du Canada, M. de
Jong.
M. le député d'Outremont, vous devriez changer vos livres
de lecture et au lieu de lire votre ancien nouveau chef, vous devriez
peut-être prendre le téléphone et au lieu de calomnier les
gens qui viennent au Québec avec des centaines de millions de dollars
d'investissements, avec des technologies qui vont créer des emplois
structurants - une aluminerie, cela ne tourne pas seulement pendant 30 ou 40
ans... Il y en a une qui tourne à Shawinigan, cela fait 83 ans et elle
est en excellente santé. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est la même
chose. Les investissements dont on parle vont maintenir des emplois dans nos
régions pendant 40, 50 et 60 ans, et voici tout ce que le
député d'Outremont trouve à nous redire: Ce sont des
mensonges, M. le Président. Ce sont des faussetés.
Je le mets au défi de communiquer, ou bien avec M. Lebel à
Montréal, à la SGF, ou avec M. Lefebvre ou encore avec M. Charton
à Paris. On va payer son appel téléphonique. Si vous
voulez le vérifier avec M. Verret, du cabinet du ministre de l'Industrie
de France, M. Fabius, faites-le. J'étais à Paris, il y a deux
semaines. Les gens de M. Fabius, en France, m'ont dit: M. le ministre, on est
inquiet parce qu'on pense que nos 180 000 000 $, on ne pourra pas les placer;
les entreprises du Québec soumissionnent à des prix hautement
concurrentiels que nous n'avions pas prévus. Mettez cela dans votre
pipe. Avant de faire des affirmations à l'Assemblée nationale,
vous devriez vous informer davantage.
M. le Président, je termine en disant ceci. Ce succès que
nous avons connu dans le secteur de l'aluminium, nous l'avons étendu au
secteur de l'électrométallurgie, de la chimie minérale, de
l'électrochimie et nous allons continuer de le faire. Au sujet du petit
commercial du député d'Outremont annonçant que le 7
septembre 1982 il avait fait une grande déclaration - qui était
une suggestion - si vous relisez votre calendrier, vous allez vous rendre
compte qu'il était au moins deux fois 365 jours en retard, que la
politique tarifaire de l'aluminium est adoptée au Conseil des ministres
depuis - mon Dieu! - 1979. Mes premières conversations avec Pechiney
remontent à 1979. Mes premières discussions avec Reynolds
remontent à 1981. Mes premières discussions avec l'Alcan - je
l'ai indiqué tantôt - remontent à 1983. Les
très savants et laborieux conseils du député
d'Outremont, nous pouvons amplement nous en passer. Vous êtes toujours,
au minimum, un an, sinon deux, en retard.
Bien sûr, je me souviens du genre de questions tendancieuses qu'on
me posait, à moi et à d'autres de mes collègues. On nous
disait: Coudon, l'investissement de Reynolds à Baie-Comeau, quand cela
commencera-t-il? Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce que le gouvernement exige?
Avant de partir pour Paris l'année dernière, on nous disait: Ah!
mais qu'est-ce qui va se passer avec les Français? D'après nous,
cela ne marchera pas. Ce que l'Opposition aurait souhaité, c'est que
Reynolds, à Baie-Comeau, ce soit un échec, que Pechiney ne
s'embarque pas et que notre gouvernement se chicane avec l'Alcan. Là,
l'Opposition se serait levée en hurlant et en disant: Voyez ce genre de
gouvernement! II n'est même pas capable de s'entendre avec les grandes
compagnies qui veulent s'installer! Je le disais ce matin: On pourrait faire
des reproches à notre gouvernement sur ses options politiques, mais au
moins, c'est clair. Quand je discute avec M. Culver ou encore avec M. Reynolds,
ils n'essaient jamais de me vendre une carte du Parti libéral, du Parti
conservateur ou du NPD ou de me demander si je suis fédéraliste.
Ils savent que je suis souverainiste. Reynolds fait affaires dans 52 ou 53 pays
du monde. Alcan doit vendre des lingots d'aluminium dans 80 pays, même
aux Chinois de Chine. Alcan vend des lingots aux Chinois de Chine...
Une voix: Des communistes.
M. Duhaime: ...des communistes, à de grands pays comme
à de petits pays. Ce qui est curieux, c'est que quand ils se font payer,
j'imagine qu'ils se font payer en devises américaines ou en livres
sterling ou encore par des jeux d'écriture d'une banque à
l'autre, mais dans quelque pays que l'on retrouve Reynolds, Pechiney ou Alcan,
ce sont des pays souverains. Moi, cela ne me fait pas mal au sein de
répéter que je suis souverainiste et que nous avons ici une
main-d'oeuvre hautement qualifiée, une technologie très
avancée dont nous sommes fiers. (17 h 40)
Quand des bateaux voguent sur le Saguenay et sur le fleuve Saint-Laurent
vers toutes les destinations du monde à partir des grandes alumineries
du Québec et qu'on peut lire dessus - je l'espère un jour - "made
in Quebec", je suis très fier de cela. Cela veut dire que nous pouvons,
que nous avons été en mesure, au fil des années, de mettre
au point un scénario et une structure tarifaire qui garantissent aux
investisseurs non seulement un climat politique stable, mais une
économie en progrès, une économie qui avance; mon
collègue des Finances en parlait cet après-midi. Je pense que ce
sont tous ces éléments qui ont fait que ces compagnies ont
préféré venir au Québec plutôt qu'aller
à Rio de Janeiro ou en Australie.
Le Parti libéral devrait refaire ses classes de A jusqu'à
Z dans le dossier de l'aluminium. J'aurais aimé entendre le
député de Notre-Dame-de-Grâce nous faire un savant discours
là-dessus; j'espère qu'on aura l'occasion de se reprendre.
Un dernier mot pour remercier à nouveau mes collègues du
Saguenay-Lac-Saint-Jean qui ont suivi ce dossier de très près et
qui ont fait les ponts avec les gouvernements municipaux, avec la direction
régionale de l'Alcan, avec les travailleurs également pour que ce
projet, en phase I, de l'expansion et de la modernisation de l'Alcan se
concrétise. Nous parlons de 3 000 000 000 $: un premier milliard va, de
façon concrète et tangible, sortir de terre d'ici quelques
semaines. À la prochaine décennie, il y aura une seconde
aluminerie et, ensuite, une troisième. À la fin du siècle,
le Québec sera le troisième plus grand producteur mondial
d'aluminium grâce à notre gouvernement.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Le principe du projet de
loi...
M. Fortier: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Je crois que le règlement me permet d'adresser
une question au ministre afin d'éclairer ma lanterne.
Une voix: Non.
M. Fortier: J'aimerais savoir pourquoi...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, il n'y a pas de consentement. S'il vous plaît, M.
le député d'Outremont.
Est-ce que le principe du projet de loi 70, Loi sur la location de
forces hydrauliques de la rivière Péribonca à Aluminium du
Canada, Limitée est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Des voix: Non.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Non?
M. Blouin: Je m'excuse.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse.
M. Blouin: Conformément à l'article 216 de notre
règlement, je propose que nous reportions ce vote à demain,
à la fin de la période des affaires courantes.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II sera donc
reporté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Sur ce, devant l'attitude de l'Opposition, à la
fois silencieuse et approbatrice face à tous ces projets de loi
économiques, je suggère que nous suspendions nos travaux
jusqu'à ce soir, 20 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Suspension de nos travaux
jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 44)
(Reprise de la séance à 20 h 1)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez prendre place. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Bonsoir, M. le Président. Nous parlons ce soir
de distribution de boissons gazeuses et de bière. À cet effet, je
vous demande d'appeler l'article 18) de notre feuilleton, s'il vous
plaît!
Projet de loi 87 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Rancourt): Ce soir, nous allons
parler sur le principe du projet de loi 87, Loi sur les permis de distribution
de bière et de boissons gazeuses. M. le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, je suis heureux ce soir de
présenter ce projet de loi sur les permis de distribution de
bière et de boissons gazeuses. Le projet de loi 87 est relié
directement au projet de loi 86 présenté il y a quelques jours
par mon collègue le ministre de l'Environnement. Ces deux projets de loi
permettront de mettre en circulation au Québec des contenants de
boissons gazeuses et de bière fabriqués entièrement
d'aluminium avec une technologie nouvelle.
Je dois dire qu'à l'heure actuelle, il y a déjà
deux usines, l'une en production et une autre tout près de la
production, construites au Québec à la fin de l'an dernier 1983.
Une première a commencé sa production il y a quelques mois en
période de rodage et une deuxième devrait commencer sa production
au cours des prochains mois. Ces deux usines ont suscité respectivement
des investissements de 22 000 000 $ et de 20 000 000 $ et nous nous attendons
qu'un troisième investissement à peu près du même
ordre soit fait au cours des prochains mois, sans compter les investissements
requis pour les compagnies d'embouteillage de boissons gazeuses ou de
bière qui représenteront au total, vis-à-vis de tous ceux
et celles intéressés dans ce domaine, quelques autres dizaines de
millions de dollars. Cela veut dire que la fabrication au Québec de
canettes faites entièrement d'aluminium avec une technologie nouvelle
représente tout près de 100 000 000 $ d'investissements et la
création de plusieurs centaines de nouveaux emplois.
Ce qui est intéressant, c'est que le Québec, avec la
fabrication de canettes d'aluminium, est véritablement à
l'avant-garde des autres provinces canadiennes, puisqu'il est la
première province canadienne à fabriquer, à l'aide de
cette technologie nouvelle, des contenants entièrement faits
d'aluminium. Nous remplaçons donc de plus en plus au Canada les canettes
d'acier, faites avec l'acier de l'Ontario, par des canettes d'aluminium
fabriquées avec l'aluminium du Québec. On sait que le
Québec est reconnu comme le pays de l'aluminium. Dans ce sens, je pense
que tous les produits qui peuvent être faits en aluminium feront en sorte
que nous développions davantage notre industrie
québécoise.
C'est pour moi un plaisir, M. le Président, de présenter
ce projet de loi puisque non seulement nous développons une industrie
québécoise avec une technologie nouvelle, mais, en plus, nous
faisons en sorte que les entreprises du Québec et les consommateurs, les
citoyens, soient encore plus responsables vis-à-vis de la protection de
l'environnement. Je suis d'autant plus heureux que le projet de loi 86 de mon
collègue, le ministre de l'Environnement, et le projet de loi 87 du
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme font en sorte que nous
joignons au développement économique la protection harmonieuse de
l'environnement québécois. Dans ce sens-là, je pense qu'on
a un signe de ce qui se passe dans un gouvernement responsable, dans les
différents ministères - qui, habituellement, font quelque peu
chemin à part - qui travaillent ensemble, qui collaborent pour
réaliser des projets pour le mieux-être des citoyens et des
citoyennes du Québec.
Le projet de loi 87 s'inscrit dans cette perspective,
particulièrement dans une triple perspective; il tient compte de la
popularité grandissante du contenant uniservice, de l'objectif du
ministère de l'Environnement de ne pas laisser les déchets se
multiplier et de
la volonté du gouvernement de trouver de nouveaux
débouchés pour les produits des alumineries. Depuis quelques
mois, des investissements se multiplient dans le secteur des alumineries. Qu'il
suffise de mentionner Reynolds Aluminium, 500 000 000 $ d'investissements au
Québec; Pechiney, 1 500 000 000 $ d'investissements au Québec -
c'est l'aluminerie de Bécancour -et Alcan qui a annoncé tout
récemment 1 000 000 000 $ d'investissements au Québec.
Ces alumineries se sont bâties parce que la volonté du
gouvernement du Québec, ce n'était pas d'exporter notre
électricité vers les États-Unis, tel que
préconisé par le Parti libéral ou par son chef, mais de se
servir de la richesse naturelle du Québec, l'électricité,
pour faire travailler des hommes et des femmes du Québec, pour faire
travailler du monde au Québec. C'est là qu'on voit le
sérieux d'un gouvernement qui veut exploiter les richesses naturelles
pour faire travailler les gens, pour enrichir les Québécois et
les Québécoises. Pendant que nos amis d'en face ne font que de la
démagogie et du salissage, salissent des citoyens
québécois et profitent de leur immunité parlementaire pour
le faire, nous travaillons au mieux-être des citoyens du Québec.
Nous travaillons à créer des emplois, à enrichir les
citoyens et non pas à exporter à vil prix nos richesses
naturelles, mais bien à les transformer sur la terre
québécoise.
Le député de Laporte, en face, a l'air de rire, de trouver
cela drôle l'attitude de l'Opposition, mais je vous rappelle, M. le
Président, qu'il y a environ un an, à ce temps-ci de
l'année, nous adoptions la loi 10 sur l'aluminerie de Bécancour
pour permettre à la Société générale de
financement d'intervenir comme partenaire dans l'aluminerie de Bécancour
pour transformer l'électricité au Québec en aluminium.
Les gens d'en face ont voté contre. Les gens d'en face ont tout
fait pour faire battre ce projet de loi. Ils ne l'ont pas battu; ils ne sont
pas assez nombreux à l'Assemblée nationale. Mais ils ont
voté contre. Ils ont voté contre l'aluminerie de
Bécancour, contre la création de 2500 emplois dans la
région de la Mauricie: 800 emplois directs à l'aluminerie et, le
restant, des emplois indirects dans des PME de la région de
Bécancour, dans la région de la Mauricie.
Les gens de la Mauricie, les gens de Bécancour, les gens de tous
les comtés autour se souviennent de l'attitude de l'Opposition qui a
voté contre l'aluminerie de Bécancour en disant: Ce n'est pas
crédible, cela ne fonctionnera jamais, c'est un projet politique.
Pourtant, quelques mois plus tard, la vision du gouvernement du Parti
québécois s'est révélée juste puisqu'une des
plus grandes sociétés mondiales, la société
Alumax, des États-Unis, qui est composée à 50% de
la société Amax, société américaine, et
à 50% de deux société multinationales japonaises. Mitsui
et Nippon Steel, s'est unie à la Société
générale de financement et à Pechiney dans l'aluminerie de
Bécancour, à tel point qu'aujourd'hui nous avons
déjà assisté à la signature de quelques centaines
de millions de dollars de contrats qui sont déjà donnés.
Déjà les gens travaillent sur le terrain pour commencer la
construction de l'aluminerie de Bécancour qui sera en production vers le
milieu de 1986. Il s'agit d'un montant de 1 500 000 000 $, ou tout près,
d'investissements faits au Québec à cause de la vision du Parti
québécois de développer l'électricité et de
produire de l'aluminium avec cette richesse naturelle du Québec.
Les gens d'en face ont voté contre la transformation au
Québec de notre richesse naturelle. J'espère que devant ce projet
de loi, ils vont voter pour la création de quelques centaines d'emplois
et, surtout, pour permettre à des entreprises installées au
Québec de produire des canettes d'aluminium pour les expédier non
seulement au Québec mais partout ailleurs dans les autres provinces
canadiennes. C'est un projet économique que nous présentons ce
soir, et je suis très fier et très heureux de le faire.
D'autres projets concernant des alumineries sont également
à l'étude. Encore une fois, l'Opposition sourit mais il y a quand
même d'autres projets. Il y a quelques semaines, j'ai annoncé que
nous avions signé une entente de principe, une entente de collaboration
pour une étude de préfaisabilité sur une aluminerie avec
la société Kaiser Aluminum des États-Unis. L'objectif du
gouvernement c'est de faire en sorte que si c'était faisable -
l'étude de faisabilité va nous le dire; c'est dû surtout
aux tarifs de l'électricité - nous puissions installer une
aluminerie sur la Côte-Nord. Et l'objectif, c'est aussi d'en avoir une ou
deux autres au cours des prochaines années. Le gouvernement du Parti
québécois veut faire du Québec le pays de l'aluminium et
nous avons les richesses naturelles pour le faire.
La semaine dernière j'étais en mission en Chine et au
Japon; au Japon, j'en ai profité pour voir des alumineries. Des gens qui
avaient de grandes alumineries de taille mondiale les ont fermées il y a
quelques années. Pourquoi? À cause des tarifs de
l'électricité trop élevés là-bas. Au
Québec, on peut leur garantir des tarifs d'électricité sur
une période de 25 ans avec les tarifs les meilleurs au monde.
Finalement, on va, je pense bien, en venir à d'autres ententes avec
d'autres sociétés mondiales dans le domaine de l'aluminium pour
éventuellement investir au Québec et créer davantage
d'emplois chez nous.
D'autres projets sont à l'étude
présentement pour des alumineries possibles. Les alumineries
trouvent, au Québec, une énergie disponible et peu
coûteuse: l'électricité. Nous profitons donc d'un avantage
concurrentiel de première importance et il n'en tient qu'à nous
d'en profiter.
Depuis trois ans maintenant je multiplie les démarches pour
ajouter la canette d'aluminium aux nombreux produits de cette industrie. Le
seul remplacement de la canette actuelle qui n'est pas recyclable
économiquement peut amener des investissements d'environ 100 000 000 $,
susciter un marché pouvant aller jusqu'à un chiffre d'affaires
annuel de 80 000 000 $ et amener la création de plusieurs centaines de
nouveaux emplois. 80 000 000 $ au Québec par année, ça
commence à faire une entreprise ou des entreprises avec un chiffre
d'affaires appréciable. Si nous y ajoutons le marché
d'exportation, le marché que nous pourrions avoir à
l'extérieur du Québec dans les autres provinces canadiennes et
possiblement en Nouvelle-Angleterre, nous allons assez facilement doubler ce
chiffre d'affaires annuellement.
Les seules canettes d'aluminium utilisées par des compagnies de
bière sont actuellement fabriquées aux États-Unis. Nous
avons tout un marché à conquérir puisque nous envisageons
que la production de canettes sera d'environ, pour la première
année, 400 000 000 à 500 000 000 pour éventuellement, au
cours des prochaines années, augmenter jusqu'à possiblement 1 000
000 000 de canettes par année comme production. L'avantage de la canette
d'aluminium c'est qu'elle peut être recyclée de façon
économique. C'est pourquoi nous poursuivons, avec le ministère de
l'Environnement, l'Association des fabricants de boissons gazeuses,
l'Association des embouteilleurs du Québec et les brasseurs, d'intenses
négociations pour mettre au point un système de
récupération qui permettra de maximiser les retombées
économiques de ce produit tout en minimisant ses effets négatifs
en termes de multiplication de déchets.
Le projet de loi 87 doit être considéré comme un
complément en quelque sorte du projet de loi 86 de mon collègue
le ministre de l'Environnement, qui vise à la mise en place d'un
système cohérent et économique de
récupération et de recyclage des contenants uniservice de
bière et d'eaux gazeuses.
Le projet de loi 87 obligera toute l'industrie à se conformer
à ce qui fait déjà un large consensus parmi les membres de
l'Association des fabricants d'eaux gazeuses. Pour obtenir un permis de mon
ministère, les utilisateurs des contenants uniservice devront avoir
signé un protocole d'entente avec le ministère de
l'Environnement. Il s'agit ici d'aider ceux qui veulent participer à la
mise en place d'une industrie construite à partir de produits
fabriqués au Québec et, en même temps, de contribuer au
renforcement de l'industrie du recyclage, qui protège les ressources,
diminue les déchets et provoque là encore de nouveaux
investissements et la création d'emplois nouveaux.
Nos partenaires de l'industrie sont impliqués depuis le
début dans la progression du dossier des canettes d'aluminium. Nous
avons convenu au gouvernement que l'introduction de ce nouveau produit doit se
faire de façon graduelle et ordonnée. La canette d'aluminium est
destinée à occuper une part de plus en plus importante du
marché, dans la mesure où l'expérience de la
récupération et du recyclage sera réussie. Il n'est pas
question d'introduire la canette d'aluminium et de la laisser aller partout
dans le décor. C'est en ce sens que mon collègue, le ministre de
l'Environnement, a proposé le projet de loi 86, qui met en place le
système de récupération et le projet de loi 87, qui
prévoit la délivrance des permis aux gens qui vont pouvoir vendre
et, après cela, récupérer les canettes d'aluminium.
Déjà les tendances du marché indiquent ici, comme
dans les autres pays de même niveau économique, la faveur
grandissante auprès des consommateurs du contenant uniservice.
Grâce à la collaboration de tous les intervenants, nous voulons
tirer le maximum d'avantages de cette nouvelle exploitation tant sur le plan
économique que sur le plan de l'environnement.
La fabrication au Québec de la canette d'aluminium peut commencer
dans un très court délai, puisqu'une entreprise est
déjà en période de rodage et qu'une autre devrait ouvrir
ses portes au cours des prochains mois, en attendant un troisième
investissement majeur.
Le projet de loi 87 constitue un moyen d'assurer à ce produit des
chances de réussite. Nous travaillons, depuis déjà
plusieurs mois, à la mise au point de ce dossier. Malgré les
étapes importantes que représentent les projets de loi 86 et 87,
nous aurons à attendre quelques années avant que le
système soit véritablement au point. Je pense que personne ne
s'attendra qu'on puisse récupérer 90% des canettes après
six mois ou un an. Il faudra que les gens s'habituent à rapporter les
canettes et que tout le système de récupération soit
véritablement au point. Nous prétendons, comme l'ont fait
d'autres pays ou d'autres États américains, que nous pourrions le
faire dans un espace de temps qui sera de quelques années. Il ne faut
pas s'en étonner si l'on considère les efforts
déployés aux États-Unis en particulier pour trouver une ou
des solutions aux milliards de contenants qui s'additionnent chaque
année dans l'environnement. On peut également penser à
l'Ontario qui discute de
cette question depuis aussi longtemps que nous et qui n'est pas encore
prêt à présenter des solutions. Le marché potentiel
de la canette d'aluminium qui, dix ans après son introduction sur le
marché américain, a complètement ou à peu
près remplacé la canette que nous connaissons ici,
c'est-à-dire la canette d'acier, sera à qui peut le prendre etreprésente un débouché important pour nos alumineries,
en plus d'être un débouché important pour les entreprises
qui sont déjà dans la fabrication de telles canettes. Comme je
l'ai dit tout à l'heure, étant donné que le Québec
est à l'avant-garde de cette technologie de fabrication et que,
déjà, deux usines sont quasi en production, nous pensons que nous
sommes en excellente position pour conquérir à peu près
complètement le marché canadien.
Aux États-Unis, plus de 22% de l'aluminium produit va à
l'emballage. Au Canada, le secteur n'est pas entamé. On estime les
besoins à 15 000 tonnes d'aluminium pour le Québec et 50 000
tonnes pour le Canada. Du côté de l'industrie du recyclage,
soulignons que les prix offerts sont, chez nos voisins américains, de
900 $ la tonne pour l'aluminium récupéré, alors qu'ici,
à l'heure actuelle - parce que le système n'est pas encore en
marche, mais il le sera dans quelques mois - les prix ne sont que de 50 $ la
tonne pour les canettes récupérées. Cela veut dire qu'il y
a de l'argent dans la récupération, beaucoup d'argent. La
récupération devrait avoir chaque année au Québec,
bon an, mal an, d'ici à deux ou trois ans, à peu près 10
000 000 $ de métal de rebut disponible par la vente de canettes
déjà employées, ce qui pourra créer beaucoup
d'emplois chez des récupérateurs régionaux qui pourraient,
s'ils ne sont pas déjà installés et s'ils ne sont pas
déjà formés, se lancer en affaires et
récupérer, au niveau de chacune des régions du
Québec, les canettes disponibles chez les marchands, dans les quelque 20
000 points de distribution. Et à peu près 10 000 000 $
exclusivement de main-d'oeuvre, c'est encore beaucoup d'emplois seulement dans
la récupération du métal de rebut. Ce seront des
expériences extraordinaires pour certaines formes de coopératives
de travailleurs, des gens qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas eu la
chance de se valoriser, parce que le système ne le leurpermettait pas. Nous avons maintenant un peu partout au Québec des
groupes de gestion qui aident les coopératives de travailleurs à
se lancer en affaires.
Encore cet après-midi, j'avais une réunion avec le Conseil
de la coopération, avec certains groupes de gestion de
coopératives de travailleurs qui font la promotion des
coopératives. Dans ce sens, la récupération,
particulièrement, est un autre secteur intéressant où des
hommes et des femmes pourraient se regrouper en coopératives, devenir
propriétaires de leur propre entreprise, maîtres chez eux,
indépendants dans leur propre commerce et ainsi participer à la
récupération de ces canettes d'aluminium disponibles au
Québec. Donc, tout en protégeant l'environnement, ils pourraient
toucher un salaire raisonnable en travaillant à leur propre compte.
On s'aperçoit que le fait de mettre en marché des canettes
d'aluminium non seulement encourage la production, fait travailler des gens
dans des grandes villes comme Montréal, avec les industries
productrices, ou des gens dans les alumineries, mais fait en sorte aussi que
dans toutes les régions du Québec des citoyens et des citoyennes
qui veulent participer à la récupération puissent en
profiter. (20 h 20)
C'est le 6 janvier 1982 que le Conseil des ministres décidait que
le gouvernement allait permettre l'utilisation de la canette d'aluminium si,
d'une part, il y avait une consigne et si, d'autre part, il y avait un
système de récupération. Cette décision du 6
janvier 1982 me confiait aussi le soin de préparer un rapport pour que
l'entente entre le gouvernement et le secteur des boissons gazeuses soit
modifiée afin de permettre l'utilisation d'un nouveau contenant.
Deux autres décisions furent prises par le Conseil des ministres
après un travail conjoint entre les fonctionnaires de mon
ministère et ceux de l'Environnement durant le printemps 1982. En plus
des idées de consigne pour chaque contenant et ce service de
récupération, les principaux points de ces nouvelles
décisions furent d'abord que le ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme travaille conjointement avec le ministère de
l'Environnement pour procéder par entente dans le secteur des boissons
gazeuses de même que dans le secteur de la bière; qu'un quota de
production et de mise en marché total soit établi; que la
récupération vise un objectif de 90% après trois ans; que
les emplois en dehors de Montréal, chez les embouteilleurs en
particulier, soient conservés et que la publicité et la promotion
soient permises, mais pas à la télévision.
L'imposition d'une consigne sur un contenant et l'obligation de la
récupération est un problème très complexe. Il est
vrai qu'au Québec on s'est habitué à des contenants qui
peuvent être utilisés plusieurs fois. Les fabricants de
bière et de boissons gazeuses ont imposé une consigne sur leurs
contenants et ont habitué les consommateurs à les retourner. Cela
se fait toutefois à des coûts de plus en plus
élevés, coûts qui doivent non seulement tenir compte des
étapes de nettoyage des contenants chez les fabricants et du tri chez
les détaillants qui
récupèrent les contenants, mais aussi des pertes de
productivité que permettraient les nouveaux contenants quant au
remplissage et à la distribution.
Ces coûts et le désir des consommateurs ont exercé
une pression si forte que tôt ou tard il fallait ouvrir le marché
aux contenants à remplissage unique: bouteilles de plastique, bouteilles
de verre enrobées de plastique, canettes d'aluminium, etc. Le malheur,
c'est que ces contenants ne sont pas biodégradables. Il n'est pas
possible de les enfouir durant de nombreuses années. On va manquer
d'espace pour le faire. Le ministère de l'Environnement soutient avec
justesse que ces contenants doivent être recyclables.
Par ce projet de loi, le gouvernement exprime sa volonté de
mettre sur pied une politique de récupération et de recyclage des
contenants et emballages que l'industrie des boissons gazeuses et les brasseurs
ne seront plus les seuls à partager et permet l'atteinte des objectifs
environnementaux reliés à l'introduction des canettes
d'aluminium.
Ce projet de loi accélère également le processus de
conclusion d'entente, parce que lesdits permis ne seront délivrés
qu'après la conclusion d'une entente avec le ministère de
l'Environnement. Une telle entente est d'ailleurs l'objet de discussions au
moment même où je vous parle. Mes fonctionnaires et ceux du
ministère de l'Environnement et les représentants de l'industrie
des boissons gazeuses et des embouteilleurs travaillent à la conclusion
d'une entente afin que la canette d'aluminium consignée puisse
être utilisée à compter, si possible, du 15 juillet 1984.
Nous sommes donc sur le point de trouver un dénouement à ce
dossier qui démontrera la possiblité d'allier le
développement économique à la protection de
l'environnement.
Voilà, M. le Président, un résumé rapide
d'un dossier qui a nécessité, tant de la part des
représentants du gouvernement que de la part des représentants de
l'industrie, des heures et des heures de travail, de multiples réunions
et même à plusieurs reprises, des discussions au Conseil des
ministres. L'enjeu, pensions-nous, en valait le coup, tant du point de vue
économique de l'utilisation de l'aluminium -un produit bien
québécois - et le développement d'une industrie de
recyclage, que du point de vue de l'environnement pour protéger celui-ci
et éliminer le gaspillage.
Le projet de loi que nous présentons est l'aboutissement de
discussions entre les membres d'une industrie qui comprennent leur rôle
social face à l'environnement et qui se disent prêts à
faire pleinement ce qu'ils ont à faire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en sommes ce
soir à l'étude du projet de loi 87, Loi sur les permis de
distribution de bière et de boissons gazeuses. Ce projet de loi, ainsi
que nous l'apprennent les notes explicatives, introduit un régime de
permis applicable à la mise en marché de la bière et des
boissons gazeuses distribuées en contenants à remplissage
unique.
Nous avons fait une étude exhaustive des articles de ce projet de
loi - il y en a 12, ce n'est pas un projet de loi très volumineux - et,
essentiellement, il contient deux séries de mesures. On établit
tout d'abord un régime de permis au terme duquel le ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme émettra des permis à ceux
qui voudront utiliser les canettes, mais uniquement à la condition
qu'une entente préalable ait été signée avec le
ministre de l'Environnement, entente qui, nous le présumons, traitera
des questions d'écologie et de recyclage, bien que ce ne soit pas inclus
ou déclaré dans le projet de loi.
Il y a également un autre volet dans ce projet de loi et c'est
l'article 5 qui traite de la réglementation. Nous y reviendrons tout
à l'heure.
Ce qui nous frappe dans ce projet de loi en ce qui concerne l'article 3,
c'est qu'il semble y avoir - et il y a effectivement -une contradiction. Je ne
sais pas si le ministre est au courant, mais il y a une contradiction entre le
texte de l'article 3 du projet de loi et les notes explicatives. En effet, le
texte de l'article 3 dit qu'un permis ne peut être délivré
que si le requérant est partie à une entente conforme aux
règlements adoptés en vertu de la présente loi et conclue
avec le ministre de l'Environnement. Il semble donc, selon l'article 3, que le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ne peut délivrer un
permis que si le requérant est partie à une entente, mais on ne
dit pas que le ministre doit émettre un permis si le requérant a
conclu une entente avec le ministre de l'Environnement. On dit qu'un permis ne
peut pas être délivré sans qu'il y ait eu entente. Donc, on
ne sait pas si le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme se
réserve un droit de refuser un permis même s'il y a eu entente
avec le ministre de l'Environnement. Cela nous apparaît assez
discrétionnaire comme formulation.
Or, dans les notes explicatives, ce n'est pas cela qu'on dit. Dans les
notes explicatives, on dit: Ce permis est délivré par le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à tout requérant qui a
conclu une entente. Donc, selon les notes explicatives, il n'y a aucune
latitude
d'accordée au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
pour refuser ou non un permis. On dit que le permis est accordé à
tout requérant qui a conclu une entente. Cela semble automatique.
Hélas, ce n'est pas ce que le projet de loi dit. On sait fort bien que,
dans un projet de loi, ce ne sont pas les notes explicatives qui
prévalent, mais c'est le texte lui-même du projet de loi. Je pense
qu'il y aurait lieu...
Je vois que les deux ministres sont présentement en train de se
consulter, le ministre de l'Environnement et le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme. J'espère qu'on va clarifier cette situation,
parce que je ne voudrais pas qu'on se retrouve encore devant une situation de
fait où le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
décidera d'accorder un permis à certains individus et refusera
d'en accorder un à d'autres pour des raisons qui différeraient de
celles prévues au projet de loi. Connaissant le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme, on peut s'attendre à tout. Il pourrait y
avoir des conditions additionnelles d'imposées qui n'auraient absolument
rien à voir avec l'environnement. Il faudra jeter un coup d'oeil
là-dessus et tenter d'y amener un peu plus de cohérence.
Il y a également l'article 5 du projet de loi qui nous laisse
très perplexes. Cet article prévoit que le gouvernement peut
adopter des règlements. Évidemment, cela n'aurait pas
été un bon projet de loi péquiste s'il n'y avait pas eu la
ribambelle normale des règlements. Qu'est-ce qu'on dit pour les
règlements? On dit que les règlements pourront prescrire la
durée ainsi que les modalités de délivrance et de
renouvellement des permis. On dit également, à l'article 5,
paragraphe 39 que ces règlements pourront fixer - je pense qu'il est
intéressant ici de lire le texte - "les principes et les limitations qui
devront être appliqués dans le cadre d'une entente visée
à l'article 3 -c'est l'entente avec le ministère de
l'Environnement - à l'égard des canaux de distribution, de la
vente, du transport et de la livraison de bière ou de boissons gazeuses
en contenants à remplissage unique et de l'utilisation de tels
contenants."
M. le Président, je ne sais pas si vous avez compris ce que cela
veut dire. J'ai de la difficulté à comprendre. J'en ai
parlé à des intervenants du milieu et eux non plus ne
comprenaient pas ce que signifie l'article. Je pense que cela vaut la peine de
recommencer et je vous saurais gré d'être très attentif. Le
gouvernement peut adopter des règlements pour fixer les principes et les
limitations qui devront être appliqués dans le cadre d'une entente
à l'égard des canaux de distribution, de la vente, du transport
et de la livraison de bière ou de boissons gazeuses. (20 h 30)
M. le Président, vous avouerez avec moi que c'est assez
hermétique comme phrase et que cela veut dire à peu près
n'importe quoi et aussi à peu près rien du tout. C'est le genre
de formulation qu'on ne nous explique pas. Le ministre n'a pas dit un mot
d'explication tout à l'heure sur le sens de cet article. Nous aimerions
bien savoir de ce côté-ci ce que le gouvernement entend faire avec
ces règlements qu'on ne connaît pas, qui ne sont pas
promulgués et qui vont fixer les principes et les limitations à
l'égard des canaux de distribution.
Je ne sais pas si quelqu'un ici pourrait me donner une explication
logique de ce que cela signifie.
M. Biron: Tout à l'heure.
M. Bourbeau: M. le ministre me dit qu'il va nous le dire
tantôt. Si le ministre sait ce que cela veut dire, pourquoi ne le dit-il
pas en langage ordinaire de façon que tout le monde puisse comprendre?
Actuellement, il y a à peu près seulement le ministre qui peut
comprendre ce que cela veut dire, ou peut-être ses fonctionnaires qui ont
écrit l'article pour lui. M. le Président, ce projet de loi n'est
donc pas très clair. Je dirais même qu'à l'égard de
l'article dont je viens de parler, il est assez confus.
On sait que le projet de loi mettait en conflit les deux
ministères représentés par les deux honorables ministres
que nous avons l'honneur d'avoir avec nous ce soir. D'une part, il y a le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui voudrait bien faire la
promotion des produits d'aluminium et faire en sorte que les usines de chez
nous puissent tourner et produire des canettes d'aluminium, et nous l'appuyons
entièrement dans cet objectif. D'autre part, il y a le ministre de
l'Environnement qui, lui, ne veut pas que les canettes viennent polluer le
décor. Étant donné que les canettes d'aluminium...
D'ailleurs, les canettes d'acier ne sont pas biodégradables; c'est bien
évident que si on les laisse dans la nature, si les gens les
déposent comme cela dans les bois un peu partout, cela va polluer et
cela va continuer à polluer pendant des siècles et des
siècles. C'est évident qu'on ne peut permettre la
prolifération des canettes d'aluminium dans la nature comme cela. Donc,
il y a évidemment un conflit entre les deux ministères.
La solution qui est proposée, c'est de fabriquer des canettes de
façon à promouvoir l'emploi et le développement des
produits de l'aluminium, mais de mettre sur pied un système de
récupération de façon que les canettes ne polluent pas. Le
système qu'on a adopté et qui est proposé par le projet de
loi veut qu'on établisse ce qu'on appelle une consigne. C'est donc dire
que, lorsque les épiciers vendront des canettes à l'avenir,
ils
devront exiger une somme additionnelle de cinq sous par canette, somme
qui sera ajoutée à ce que cela coûte déjà et
qui sera remboursée...
Une voix: ...
M. Bourbeau: Qui ne sera pas ajoutée... Vous allez baisser
le prix de la canette de cinq sous, je présume. Que nous sachions, et
j'espère que le ministre va me corriger si je n'ai pas raison, le
montant de cinq sous va être ajouté au prix normal de vente de la
canette et va être perçu par les épiciers. Lorsque
l'utilisateur ou le consommateur viendra éventuellement retourner sa
canette, on lui remettra ses cinq sous.
Cela a l'air très facile, mais il se pose de sérieux
problèmes parce que l'épicier ne conservera pas les cinq sous.
Quand il aura vendu sa canette, il devra envoyer les cinq sous à un
centre, un fonds central qui, lui, percevra les sommes d'argent. Quand le
consommateur se présentera pour avoir le remboursement de ses cinq sous
en retournant sa canette, l'épicier lui remettra ses cinq sous et fera
une réclamation au fonds central pour se faire rembourser ses cinq sous,
et cela commencera à se compliquer. Cela se compliquera parce que les
détaillants ne sont pas particulièrement intéressés
à devenir des gestionnaires de poubelles. Les épiciers ont
déjà pas mal de réglementations et de travail à
faire dans leur commerce et ne sont pas intéressés à
devenir des recycleurs de déchets en plus de tout le travail qu'ils ont
déjà à accomplir.
M. le Président, on n'a qu'à lire les journaux pour voir
comme c'est mal reçu par le milieu. Nous avons eu l'occasion de parler
personnellement avec plusieurs épiciers. Il ne semble pas y avoir
unanimité - loin de là -dans le désir des épiciers
de participer au système. Voyons ce que disent certains d'entre eux. Je
voudrais citer ici le journal Le Soleil du 18 février 1984 qui traite
précisément de ce sujet. L'article de M. Raymond Gagné
dit: "Le commerce de détail n'est pas disposé à participer
au système s'il ne reçoit pas au préalable l'assurance
qu'il sera rémunéré et n'aura pas à se charger du
tri." Ce qu'il faut bien savoir, c'est que dans le projet de loi on demande aux
épiciers de recevoir les canettes, de faire payer la consignation, de
rembourser les 0,05 $ et on ne prévoit aucune compensation
financière pour les épiciers qui sont chargés de faire le
tri et de faire le service. On demande aux épiciers de faire tout ce
travail pour l'État sans être rémunérés. Ce
serait bien les seuls dans la société qui auraient à
travailler sans être rémunérés. De continuer
l'article, "M. Guy Poirier, du Conseil québécois du commerce au
détail, est explicite. Idéalement, déclare-t-il, les
détaillants préféreraient ne pas avoir à reprendre
les contenants en aluminium. S'ils le font, ce sera après avoir acquis
la conviction qu'ils seront rémunérés." Un peu plus loin,
on dit que M. Jean-Paul Pellerin de l'Accommodation Careau, 1041 avenue Royale
à Beauport, "déclare pour sa part avoir peu entendu parler de la
consigne sur la canette et du rôle qu'il pourrait avoir à jouer
dans sa récupération. Ce qu'il en sait lui vient de la lecture
des informations parues dans le Soleil (...) M. Pellerin ne pose pas
d'objection de principe quant à la protection de l'environnement qui
représente l'un des objectifs poursuivis par les autorités
gouvernementales. Il en aurait toutefois en ce qui touche la participation
qu'on attend de lui. Il est assuré, dit-il, que j'exigerais d'être
payé pour le travail que le système ne manquerait pas de
m'occasionner". On ne saurait pas lui en vouloir.
Un autre commerçant, M. Jean Bouchard de l'Accommodation
Concordia, à Québec, "rejette toute participation au
système de la consigne et de la récupération. Jamais,
rétorque-t-il immédiatement!
Jamaisl Si on m'y oblige, je mets tout dehors. M. Bouchard n'est pas
content du tout d'avoir été tenu dans l'ignorance du projet. Ils
ne nous disent rien, reprend-il, puis ils nous amènent ça sans
s'interroger sur la capacité du petit détaillant à le
prendre. Les entrepôts de nos magasins sont saturés de bouteilles,
de canettes, de caisses de toutes sortes! D'autant plus que cela nous
occasionne un surplus de dépenses. Je ne marche pas."
Voilà la réaction de certains des épiciers à
qui on demande un travail, mais qu'on ne voudrait pas rémunérer.
Qu'est-ce qui arrivera avec ce fameux fonds? On estime, au Québec, qu'il
y a actuellement 400 000 000 de canettes utilisées, de sorte que si on
doit faire payer 0,05 $ par canette, on pourra parler d'un fonds qui se
chiffrerait aux alentours de 20 000 000 $ par année d'après nos
informations. Si on réussissait à obtenir un pourcentage de
récupération de 60%, ce qui serait, je pense, extrêmement
intéressant et qui se rapprocherait de ce qui se fait en Ontario ou aux
États-Unis, cela veut dire qu'il y aurait des réclamations contre
le fonds d'environ 60% de 20 000 000 $, soit 12 000 000 $. Il resterait donc
dans le fonds 8 000 000 $ par année non réclamés. Cette
somme s'accumulerait d'année en année. Si la quantité de
canettes consommées augmente, le fonds sera encore plus important, plus
les intérêts qui s'accumuleront. Qu'arrivera-t-il de ce fonds?
Est-ce qu'on le sait? Qui gérera le fonds? Est-ce que dans le projet de
loi on en parle? On n'en parle absolument pas. On ne dit pas qui va
gérer le fonds. On ne dit pas ce qui va arriver avec les fonds
excédentaires. Si c'est dans la réglementation, elle n'est pas
connue. Si
c'est dans l'entente que le ministre de l'Environnement veut signer avec
les requérants, l'entente, M. le Président, l'Opposition n'a pas
eu le droit de la voir.
Aucun de mes collègues ne l'a eue. Nous n'en avons pas pris
connaissance, on ne nous l'a pas fournie. Comment pouvons-nous juger de la
pertinence de la mesure si le gouvernement ne nous informe pas? Qu'on ne soit
pas surpris après cela que l'Opposition ait des réticences sur le
sujet. On constate dans l'industrie que l'utilisation de la canette diminue.
Prenons, par exemple, le cas de la bière. Actuellement, au
Québec, une proportion de 4,7% de la bière est vendue en canette,
le reste étant vendu en bouteille. La proportion des canettes
utilisées, il y a six ans, était de 7,6%, en 1977, il y a sept
ans plutôt, et cela a décliné d'année en
année régulièrement jusqu'en 1983 où on avait 4,7%
seulement de la bière vendue en canette. (20 h 40)
Pourquoi l'usage de la canette diminue-t-il pour celui de la
bière? La raison est simple, c'est qu'on doit vendre la canette plus
cher que la bouteille, étant donné que la bouteille peut
être réutilisée à de nombreuses reprises. On estime
que les bouteilles en général sont réutilisées
jusqu'à 20 fois en moyenne, que chaque bouteille de bière est
utilisée 20 fois, après avoir été évidemment
lavée chaque fois. La canette n'est utilisée qu'une seule fois,
après quoi elle est détruite ou elle sera recyclée. Sa
proportion a diminué, parce qu'on doit la vendre plus cher.
Actuellement, on vend 24 canettes de bière 3,65 $ plus cher que 24
bouteilles. C'est la raison pour laquelle, surtout en période de crise,
les gens boivent de moins en moins de bière en canette et de plus de
plus de bière en bouteille.
Or, si on doit ajouter un montant additionnel à la canette pour
la consigne, si l'utilisateur doit débourser 0,05 $ de plus ou un
montant de plus, même si c'est moins que 0,05 $, on doit prévoir
que le consommateur va se comporter comme un consommateur normal. Il va choisir
ce qui lui coûte moins cher. Donc, la glissade de la canette va continuer
à se maintenir et va s'accentuer. On risque donc, avec ce projet de loi,
de se retrouver avec la situation inverse de celle qu'on recherche, celle
où la canette sera de moins en moins utilisée, parce qu'elle
coûtera de plus en plus cher. Dans ce sens, le ministre risque de ne pas
atteindre les objectifs prévus. On veut faire la promotion de
l'aluminium au Québec, mais si la canette est moins utilisée
parce qu'elle coûte plus cher, on va atteindre exactement l'objectif
opposé. Je pense qu'il y a de sérieuses questions à se
poser à ce point de vue.
M. le Président, j'ai parlé tantôt de la
réglementation. Or, la réglementation n'est pas connue. Le projet
de loi contient un article important sur la réglementation. On demande
à l'Opposition encore une fois d'adopter un projet de loi sans
connaître l'essence même de ce que sera la réglementation.
On voudrait qu'on donne encore au gouvernement un autre chèque en blanc
afin de mettre sur pied une réglementation dont le gouvernement a le
secret, qui sera probablement tatillonne et qui imposera des contraintes
additionnelles à une industrie qui est déjà gavée
de réglementations. On n'a qu'à prendre note que cette industrie
est déjà surréglementée. J'ai ici des notes en ce
sens que l'industrie est déjà affectée par une très
grande quantité de lois et de réglementations, et on ajoute
encore à cette charge.
M. le Président, en ce qui concerne le recyclage, bien sûr,
c'est intéressant de recycler des canettes d'aluminium. Si, par exemple,
on réussit, par une méthode quelconque, à faire en sorte
que les canettes soient retournées, il semble que, sur le marché,
une compagnie comme l'Alcan est intéressée à payer
jusqu'à 900 $ la tonne pour des canettes d'aluminium. Cela prend environ
50 000 canettes pour une tonne. Évidemment, une fois que l'Alcan aura
une tonne d'aluminium de canettes... On nous dit que cela prend à peu
près 5% d'électricité pour refaire des canettes avec du
recyclage alors que pour faire des canettes à partir de la bauxite, cela
prend 100% d'électricité. Il a donc une économie
importante d'électricité en faisant du recyclage. Nous sommes
entièrement d'accord avec le principe du recyclage des canettes.
Je reviens à l'entente de tout à l'heure et je ne
comprends par la raison pour laquelle le ministre n'a pas rendu publique
l'entente ou le projet de l'entente qu'il entend signer avec les
requérants, avec les gens de l'industrie. Comment se fait-il que le
ministre fait circuler sous la table des ententes ou des projets d'entente
alors que l'Opposition n'en a pas encore été mise au courant?
Pourquoi le ministre souhaite-t-il la collaboration de l'Opposition s'il la
tient dans l'ignorance? Qu'on ne se surprenne pas, M. le Président, que
nous soyons réticents.
Nous pensons que ce projet de loi est prématuré.
L'industrie n'a pas été consultée. Nous avons
discuté avec un grand nombre de gens de l'industrie et ils
prétendent qu'on n'a pas suffisamment consulté les intervenants
du milieu. Une commission parlementaire avait été
réclamée. Le ministre n'a pas voulu convoquer une commission
parlementaire pour entendre ce que ces gens avaient à dire.
L'Opposition est pour le développement des produits de
l'aluminium et l'Opposition est contre la pollution. Ma collègue la
députée de Chomedey en a fait assez état dans ses discours
pour qu'on en soit convaincu, mais nous sommes pour des solutions logiques et
des solutions cohérentes
et nous nous posons de sérieuses questions sur la façon de
procéder qui est envisagée présentement par le ministre.
Ce qu'on nous propose, c'est une solution technocratique, une solution de
fonctionnaires où on va mettre au travail quelque chose comme une
vingtaine de milliers de commerces québécois qu'on ne
rémunérerait même pas pour le travail qui devrait
être effectué.
Le ministre sait sans doute que d'autres solutions ont été
proposées, entre autres la solution qu'on a appelée la solution
SACS, suggérée par l'industrie privée. Justement, elle
avait le tort d'être proposée non pas par le gouvernement, mais
par l'industrie privée. Quand on connaît le préjugé
défavorable de ce gouvernement à l'égard de la libre
entreprise, on n'est pas surpris que cette solution ait été mise
de côté. Or, c'était une solution qui avait de grands
avantages, parce qu'elle ne mettait pas l'obligation sur le dos de tous les
épiciers qui, de toute façon, ne sont pas
intéressés. Elle se basait sur d'autres critères et
j'aimerais lire un extrait du Devoir du 24 février 1984 qui traite
justement de cette solution. L'article a été signé par M.
Gilles Gamache, qui a été conseiller pour la
société Alcan dans la préparation du programme de
recyclage des déchets triés à la source. Ce document a
été rendu public le 20 septembre 1983.
Une voix: Quel journal?
M. Bourbeau: C'est dans le journal Le Devoir. On y lit que, le 13
septembre 1983, des représentants de la Société d'aide
à la collecte sélective multiproduits... C'est un projet qui
visait à faire la collecte, non seulement des canettes d'aluminium, mais
de toute une foule d'autres produits qui sont de nature à causer de la
pollution. C'est donc un projet qui allait beaucoup plus loin que la
récupération des canettes, mais également du papier, du
verre et de toues sortes d'autres objets polluants. Ce projet, d'après
l'article ici, a été présenté aux fonctionnaires du
ministère de l'Environnement, "un projet de collecte sélective
multiproduits, fruit de la concertation d'intervenants très
diversifiés qui s'étaient tous mis d'accord sur la
nécessité de passer à l'action. Sous le leadership de la
compagnie Alcan - qui n'est quand même pas la plus petite compagnie du
Québec - le programme SACS regroupait la majorité des
intervenants de l'industrie productrice de boissons gazeuses et de
bière, de contenants en verre, en métal, en plastique, en carton,
etc., et plusieurs groupes communautaires déjà impliqués
dans la récupération résidentielle. "La proposition
demandait au gouvernement de jouer un rôle au sein du conseil
d'administration et de reporter après la tenue du sommet
économique la décision d'imposer la consigne sur la canette
d'aluminium nouvellement produite au Québec et de plus en plus
utilisée par les compagnies de bière et de boissons gazeuses." Un
peu plus loin, on disait: "Lors du lancement de la SACS - qui est la
Société d'aide à la collecte sélective - à
l'hôtel Reine Elizabeth, M. Pierre Laurin invitait le gouvernement
à ne pas manquer ce rendez-vous historique où l'industrie
privée, les groupes communautaires et plusieurs municipalités
avaient exprimé leur intention de s'unir au gouvernement pour mettre en
place sur l'ensemble du territoire québécois des entreprises de
récupération rentables grâce à la quantité
des produits récupérés par une collecte sélective
multiproduits. À cause de sa grande valeur de rachat sur le
marché du recyclage, la canette d'aluminium non consignée
assurerait la rentabilité de l'ensemble de l'opération." (20 h
50)
Ce qu'il y avait d'avantageux dans ce système, c'est qu'à
cause de la rentabilité de la canette d'aluminium en termes de
recyclage, on pouvait effectuer, sans coût pour la société,
le recyclage des autres produits qui ne seront pas recyclés par le
projet du gouvernement. "Jamais, continue l'article, nous n'avions
rencontré un tel consensus sur la démarche proposée. Le
grand public réagissait très positivement après la
conférence de presse du 21 septembre. Pourtant, les opposants au tri
à la source et à la collecte sélective font encore souvent
remarquer que les Québécois sont indisciplinés et que
c'est là une raison qui fait que la collecte sélective ne peut
s'implanter ici. Pourtant, en Wallonie, la même remarque circulait, mais
la différence, c'est que, là, on a expérimenté la
collecte sélective et la population répond très bien."
C'est extrait du rapport d'une mission en Belgique, en septembre 1982,
rédigé par MM. Jean-Louis Chamard et Michel Lesage.
Finalement, dans cet article très bien documenté, on
conclut en parlant de la solution de l'avenir: "Cette proposition,
sérieusement discutée, amendée et prise en charge par les
intervenants sous le leadership du ministère de l'Environnement,
pourrait devenir la voie privilégiée pour atteindre efficacement
leurs objectifs. Ainsi, le Québec se doterait de la meilleure solution
d'avenir comme étape essentielle à une gestion globale des
déchets domestiques. "Nos poubelles sont pleines de ressources. En
période de crise, donnons-nous la peine de les ramasser. Mis en place,
ce projet est susceptible de créer 1400 emplois régionaux et
permanents. L'impact de cette solution, dans les trois à cinq prochaines
années, donnerait au ministère de l'Environnement le temps, en
prolongeant la vie des sites d'enfouissement, d'implanter des usines
complémentaires et intégrées soit de
compostage, si souhaitable pour notre agriculture, soit de recouvrement
d'énergie; nous en avons un immense besoin (voir les réflexions
des gens de la Communauté urbaine de Montréal). "Ces usines
pourraient être munies d'un système de tri mécanique moins
sophistiqué et moins coûteux (voir l'expérience de l'Essex
County of New Jersey). La conjugaison des efforts des citoyens par la
participation massive à la collecte sélective et des efforts des
autorités municipales, selon les compétences, par l'implantation
d'industries de transformation des déchets non recyclables renversera
totalement la situation." Et de conclure: "Les coûts d'aujourd'hui seront
transformés en profits financiers et nous aurons protégé
notre environnement."
C'était une solution intéressante, qui n'était
peut-être pas parfaite, je l'avoue, mais qui aurait pu être
améliorée avec la collaboration du ministère de
l'Environnement. Or, le ministère de l'Environnement, plutôt que
de tenter d'améliorer une solution proposée par l'industrie
privée et qui aurait eu des effets intéressants puisqu'elle
n'aurait pas mis sur pied le fameux système de la consigne, avec les
dangers que cela comporte pour l'usage de la canette, comme je le disais tout
à l'heure, parce que les utilisateurs les utiliseraient moins à
cause des coûts additionnels, ce projet n'aurait pas eu à imposer
une surtaxe de 0,05 $ sur les canettes et aurait eu l'avantage de mettre
à profit l'industrie privée, l'entreprise privée. Cela
n'aurait pas donné lieu à toute cette nouvelle
réglementation, ces nouveaux permis que nous impose encore une autre
fois le gouvernement.
Malheureusement, comme je l'ai dit tout à l'heure, le
désavantage de la solution est qu'elle ne venait pas des fonctionnaires,
elle venait de l'industrie privée et de l'Alcan. Cela ne correspondait
évidemment pas à la philosophie de ce gouvernement.
Une voix: Gouvernement socialiste!
M. Bourbeau: On se pose de sérieuses questions de ce
côté-ci de la Chambre. Le projet de loi que nous avons devant nous
va-t-il promouvoir ou plutôt tuer le marché de la canette? Je ne
sais pas si le ministre s'est posé la question. Les commerçants
vont-ils accepter de devenir des gestionnaires de déchets sans
être indemnisés? Qui va contrôler? Est-ce que ce sera le
ministère de l'Environnement ou le ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme avec les permis qu'il pourra accorder ou non, selon
l'article 3 qui vient en conflit avec les notes explicatives, comme je l'ai dit
tout à l'heure, notes explicatives qui disent que le ministre doit
émettre un permis et projet de loi qui dit que le ministre peut
émettre un permis?
Une voix: C'est de la propagande.
M. Bourbeau: On se pose de sérieuses questions
également à savoir si l'arbitraire va s'installer. Est-ce que le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme va encore émettre
les permis selon des normes mieux connues dans le monde du patronage ou selon
des normes objectives? Il y a lieu de se poser la question.
Nous pensons que la meilleure façon de procéder serait de
convoquer une commission parlementaire, même après la
deuxième lecture, si le ministre veut bien le faire, de façon
à entendre tous les gens, à entendre l'Alcan, les gens du milieu,
les épiciers, pour savoir si vraiment ils sont intéressés
à participer au projet. Qu'est-ce que cela vous donnera de mettre un
projet sur pied si les épiciers n'y participent pas?
Une voix: Ils sont contre le monde.
M. Bourbeau: Nous aimerions voir étudier davantage le
principe de la collecte sélective multiproduits qui permettrait de
recycler non seulement la canette d'aluminium, mais également d'autres
produits...
Une voix: Oui.
M. Bourbeau: ...tels que les canettes de carton, les canettes
d'acier, toutes les autres canettes. Nous aimerions voir le gouvernement porter
plus d'attention à ces solutions.
Le système qu'on nous propose est un système
technocratique qui ajoute encore de la réglementation. Nous aimerions
que le système fasse plutôt confiance à l'entreprise
privée. Si le gouvernement décide de convoquer une commission
parlementaire et d'entendre les intervenants, les Québécois
seront en mesure de porter un jugement sur le projet de loi et sur ce que veut
faire le gouvernement. Mais tant que le gouvernement va décider de nous
tenir dans l'ignorance, de ne pas nous mettre au courant de la
réglementation, de ne pas nous donner copie des ententes qu'il entend
signer avec l'industrie, comment pouvons-nous porter un jugement sur un projet
de loi qui n'est que confusion en ce qui nous concerne, parce qu'il n'y a rien
à comprendre?
Dans les circonstances, nous aimerions entendre le ministre nous dire
qu'il va se rendre à cette demande, qu'il va consulter davantage le
milieu. Après que le milieu aura été consulté,
là seulement pourrons-nous savoir si le projet de l'entreprise
privée était préférable au projet technocratique
que nous propose le gouvernement. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre de
l'Environnement.
M. Adrien Ouellette
M. Ouellette: Merci, M. le Président. Le
député de Laporte vient de terminer son allocution sur une grande
vérité. Il vient d'admettre candidement qu'il ne comprenait rien.
S'il ne l'avait pas fait, je lui aurais posé la question, parce que je
dois vous dire qu'on pilote depuis quelques jours deux projets de loi jumeaux.
L'un, conduit par le ministre de l'Environnement, porte le numéro 86 et
touche en partie au problème de la récupération des
canettes d'aluminium et l'autre, dont on parle ce soir, porte le numéro
87 et est piloté par mon collègue de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme.
Le député de Laporte semble un peu étonné de
voir que deux ministères - à vocation parfois contradictoire,
dit-il puissent s'entendre sur un sujet donné. Mais au fur et à
mesure qu'il expliquait sa compréhension du document ou du projet de loi
en question, il me démontrait clairement qu'il n'avait
littéralement rien compris. Il n'y a aucun étonnement de ma part,
remarquez bien, puisque cela fait deux jours que je suis en présence de
l'Opposition sur le projet de loi jumeau, le mien, et que je constate
exactement la même chose.
Par exemple, le député de Laporte dit que ce que mon
collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme préconise par
ce projet, c'est une espèce de fin de non-recevoir à l'endroit de
l'industrie privée, ce qui démontre que le gouvernement actuel
est un gouvernement socialiste qui honnit l'industrie privée et qu'il
préconise plutôt une solution technocratique. Il n'a rien compris,
absolument rien compris, puisque le projet de loi vise exactement à
l'instauration d'un système complètement à
l'extérieur du gouvernement et entièrement entre les mains de
l'entreprise privée. (21 heures)
Je voudrais que vous m'écoutiez parce que je souhaiterais que
vous compreniez quelque chose lorsque j'aurai terminé. Je vais vous
expliquer cela de long en large. La problématique est fort simple: un
nouveau produit fait son apparition sur le marché
québécois, c'est la canette d'aluminium. Elle présente,
cette canette, des choses très intéressantes, des
intérêts économiques. Ah tiens! cela doit être dans
les goûts de l'Opposition. Mon collègue de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme a donné, tout à l'heure, un certain
nombre d'explications allant dans ce sens. Il a dit, par exemple, que cela
avait suscité l'investissement de plus de 50 000 000 $, que cela avait
créé quelques centaines d'emplois dans la région de
Montréal, que cela allait faire en sorte que nos alumineries allaient
pouvoir écouler plus facilement une partie de leur production dans ce
secteur. Tout cela, c'est très économique, c'est très
industriel et c'est très privé. Exactement le contraire de ce que
soutenait, tout à l'heure, le député de Laporte. Mais cela
présente aussi certains dangers: dangers économiques et dangers
environnementaux. Je pense qu'il était du devoir du ministre de
l'Environnement de prévenir les coups et de mettre en place une
structure qui sauvegarderait l'environnement tout en permettant à
l'aspect économique de se faire valoir.
C'est pourquoi nous avons conçu conjointement ces deux projets de
loi. L'un vise à permettre la répétition d'une structure
existant depuis plusieurs années au Québec à partir de la
consigne qui a favorisé depuis toujours le retour et la
réutilisation des contenants de bière et de boissons gazeuses en
verre pour atteindre un sommet - qui est sans doute un record mondial au
Québec - de 98% de réutilisation. Je ne sais pas si le
député de Laporte prétend que le procédé
SACS aurait pu atteindre un tel niveau de succès, mais il a
lui-même donné des chiffres trop hauts, à mon avis, de 60%
et 40%. Donc, il nous reproche de ne pas avoir utilisé le
procédé SACS qui aurait eu un taux de rendement se situant entre
40% et 60% alors qu'on met en place un système qui devrait se rapprocher
des 98% d'efficacité.
Il reproche à ce système d'être gouvernemental.
C'est faux. Il ne sera précisément pas gouvernemental. C'est
pourquoi, dans le projet de loi 87, le ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme s'apprête à délivrer des permis à des
organismes qui en font la demande après s'être entendus entre eux
et avec le ministère de l'Environnement. C'est exactement la formule qui
est utilisée depuis peut-être 50 ans au Québec, formule de
la consignation des contenants de bière et de boissons gazeuses en
verre. Ce système n'a jamais été pensé par le
gouvernement. Il s'est instauré de lui-même lorsque les
intervenants dans le secteur ont vu des intérêts
économiques dans cette façon de procéder.
Comment est-il né? C'est fort simple. Les embouteilleurs
régionaux de boissons gazeuses ont jugé qu'il leur était
préférable économiquement de voir revenir la bouteille, de
la laver et de la réutiliser, et, - on le disait tout à l'heure -
cela fonctionne tellement bien que la même bouteille de boissons gazeuses
ou de bière au Québec est réutilisée 20 fois.
L'environnement est protégé et l'économie des intervenants
aussi.
Pourquoi alors ne pas traiter la canette d'aluminium sur la même
base, c'est-à-dire de la consigner pour s'assurer que le consommateur la
rapporte à l'épicerie, que de là elle est acheminée
vers le recyclage et que, finalement, elle est réutilisée sous
forme de contenant neuf créé à partir du
même matériau? C'est ce qu'est le projet de loi 87.
Pourquoi avons-nous choisi cette méthode? Il y a plusieurs
raisons. Il y a des raisons écologiques; je viens d'expliquer pourquoi.
Imaginez-vous qu'au cours de l'an prochain, il se pourrait qu'on retrouve sur
le territoire québécois environ 1 200 000 000 de canettes. Tout
à l'heure, il nous parlait de 400 000 000. C'est plus que cela. C'est 1
200 000 000 de canettes. Jamais le ministre de l'Environnement ne se serait
permis de laisser flotter cette quantité terrible de canettes sans
s'être préalablement assuré qu'elles reviendraient à
bon port et qu'elles seraient réutilisées plutôt que de
traîner dans le paysage, dans nos lacs, dans nos rivières, en
bordure de nos chemins ou même enfouies dans nos lieux d'enfouissement
sanitaire. Cela aurait été un gaspillage inqualifiable et
l'Opposition nous aurait reproché de ne pas avoir prévu les coups
et de ne pas avoir mis en place les structures pour protéger
l'environnement. C'est exactement ce que nous faisons en passant par
l'entreprise privée.
Le député de Laporte nous dit: Ah! les... Je pense qu'il
utilisait le mot "sapré", en tout cas en voulant dénigrer la
réglementation, en disant qu'un projet de loi péquiste ne pouvait
jamais se passer sans réglementation. Pourtant, depuis trois jours,
l'Opposition réclame le dépôt des règlements. Depuis
trois jours, je lui dis qu'il n'y aura pas de règlements. Cela la
surprend mais elle insiste pour qu'on lui donne des règlements.
Où sont les règlements? C'est fort simple. C'est simplement le
résultat des ententes qui interviendront entre les différents
intervenants, à partir des franchiseurs, des embouteilleurs
régionaux et des détaillants. C'est là que va être
la réglementation. Elle ne sera pas gouvernementale. C'est le
résultat d'ententes entre différents intervenants du secteur
privé. Pourquoi s'entêter à demander la
réglementation? Il n'y en aura pas. C'est clair. Depuis trois jours
qu'on nous demande la réglementation et qu'on répond qu'il n'y en
aura pas. Donc, ne l'attendez pas. Il n'y en aura vraiment pas.
Il nous dit aussi que le fait de consigner une canette d'aluminium peut
avoir pour effet d'augmenter le coût auprès du consommateur. Il
oublie qu'au mois de novembre dernier le ministre des Finances a annoncé
que dès qu'un contenant uniservice ferait l'objet d'une consigne, la
taxe disparaîtrait, taxe qui était à deux cents et qui
allait croître jusqu'à cinq cents. On l'élimine
complètement alors que la consigne, elle, a un mérite
fondamental, c'est qu'elle est remboursée au consommateur qui se donne
la peine de rapporter son contenant après usage. Il n'y a donc pas
d'augmentation de coût là-dedans.
La seule augmentation de coût prévisible serait sur le
coût d'une canette par rapport au coût d'une bouteille. C'est
là la responsabilité non pas des détaillants mais des
fournisseurs: Coca-Cola, les différentes compagnies de bière,
Seven-Up, etc. Si ces compagnies choisissent la canette d'aluminium, c'est leur
décision. Si elle leur coûte plus cher qu'une bouteille de verre
retournable, c'est leur décision, et si elles demandent un coût
supérieur au consommateur, c'est encore leur décision. Cela n'a
rien à voir avec l'État puisque tout le système est un
système privé.
Maintenant, pourquoi n'avons-nous pas choisi le procédé
SACS dont le député de Laporte s'est fait l'ardent
défenseur tout à l'heure? Là encore, c'est fort simple.
C'est parce que le procédé SACS disait ceci: En ce qui a trait
à la canette d'aluminium, ne la consignez pas. Faites en sorte que les
citoyens la jettent à la poubelle et nous, l'Alcan entre autres, allons
mettre en place un système de récupération-recyclage dans
les 1550 municipalités du Québec et nous vous garantissons que,
dans les 50 ou 60 prochaines années - je ne le sais pas, ils n'ont
jamais avancé de chiffres - on pourrait récupérer un
certain pourcentage de la canette d'aluminium. Jamais, on n'aurait
accepté cela à l'Environnement, alors qu'il était si
facile de s'assurer que, par une consigne qui a fait ses preuves, il
était possible d'aller chercher au moins 90% de
récupération au cours des trois prochaines années.
Le député de Laporte nous pose aussi des questions sur le
fonds et sur la méthode de gestion. C'est clair et net. C'est clair, on
l'a expliqué combien de fois, et à l'Opposition, et dans les
journaux, et dans les différents médias. Il s'agit là
d'une structure privée qui va regrouper des représentants des
franchiseurs, des embouteilleurs régionaux, des brasseurs et aussi des
détaillants. À ce comité se trouveront également
des représentants du ministère de l'Environnement. Le rôle
de ce comité sera de percevoir la consigne, de l'accumuler dans son
fonds, de rembourser la consigne lorsque les canettes reviendront et de
gérer le résidu, parce qu'on sait très bien qu'en
première année, si on atteint un taux de
récupération de 50%, sur 1 200 000 000 de canettes, il y aura un
résidu de 30 000 000 $. Ce résidu de 30 000 000 $ sera
géré par ce groupe d'individus dont je viens de parler et il
servira exclusivement à des fins environnementales. Cela signifie que
des groupes qui s'intéressent à la protection de l'environnement
pourront adresser des demandes à ce groupe responsable du fonds et
obtiendront des subventions ou de l'aide pour les aider
précisément à aller de l'avant dans leurs projets à
caractère environnemental. On pourra profiter aussi de ces sommes
d'argent
pour faire de l'éducation populaire, pour multiplier
l'information et pour faire avancer la cause de l'environnement.
Donc, j'espère que ces quelques explications permettront non
seulement au député de Laporte mais à l'ensemble des gens
de l'Opposition de comprendre que le projet de loi 86 est un système
gouvernemental et que le projet de loi 87 est un système privé.
J'espère qu'ils comprendront que nous favorisons le projet de loi 87
parce qu'il établit précisément un système
privé comparable à celui qui existe déjà depuis
plusieurs années dans le domaine des contenants de verre pour la
bière et les boissons gazeuses et que le projet de loi 86 n'est qu'une
marge de sécurité que se donne le ministre de l'Environnement
pour s'assurer que dans le cas où des ententes n'interviendraient pas
nous puissions pallier les difficultés que créerait la venue de
cette canette d'aluminium dans l'environnement québécois. (21 h
10)
J'espère qu'ils ont compris quelque chose. J'espère qu'au
lieu de dénigrer ce que fait le gouvernement dans ce dossier, ils
essaieront de comprendre notre point de vue, qu'ils essaieront de voir
clairement que nos intentions sont à la fois économiques et
environnementales et qu'ils verront là la preuve qu'il est possible,
dans un même dossier, de défendre ces deux valeurs et de
démontrer que l'environnement, contrairement à ce que pensent les
libéraux, ce n'est pas uniquement une source de dépenses pour
protéger l'environnement, mais que cela peut être également
une source de développement économique.
Lorsque les différents intervenants, les franchiseurs, par
exemple, les détaillants, les distributeurs régionaux se seront
entendus, nous déposerons ces ententes. Ne demandez pas au gouvernement
de déposer des documents du secteur privé puisqu'ils ne lui
appartiennent pas. Ils prendront un caractère gouvernemental le jour
où le ministre de l'Environnement les aura, lui aussi, signés, ce
qui permettra à mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme d'émettre les fameux permis. Tant et aussi longtemps que ces
ententes ne seront pas terminées entre les intervenants du secteur
privé, ce sont des documents qui ne nous appartiennent pas.
Aussitôt qu'on les aura vus, qu'on les aura entérinés et
qu'on y aura ajouté nos signatures, là, ça deviendra des
documents publics et nous nous ferons un plaisir de les déposer
publiquement pour que vous puissiez réaliser à quel point vous
étiez dans les pommes de terre tout au long des discussions qui auront
eu lieu autour des projets de loi 86 et 87. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Groulx.
M. Élie Fallu
M. Fallu: Merci. Vous me permettrez, en commençant, de
prendre une liberté d'abord avec la langue française. En
entendant tout à l'heure le ministre de l'Environnement, après le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, parler de la loi 86 que
nous débattions récemment en cette Chambre et ce soir de la loi
87, l'une portant sur l'écologie et l'autre sur l'économie, vous
me permettrez de créer un nouveau mot qui serait "l'éconologie",
c'est-à-dire cette jonction entre l'économie et
l'écologie: "l'éconologie". Je crois que ce mot, à lui
seul, regroupant ces deux fonctions sociales, représente exactement ce
que le gouvernement désire faire en cette Chambre. Rappelons-nous que le
Club de Rome, en 1970, a sonné une très grave alerte à
l'univers entier à propos des richesses renouvelables et non
renouvelables de la planète. Ce fut l'alerte à l'eau potable. Ce
fut l'alerte à l'énergie, notamment aux énergies non
renouvelables. Ce fut l'alerte générale également aux
matières premières non réutilisées. Les
mentalités se sont ajustées. Les courants d'idées ont fait
place à cette société qui dépensait sans limite
pour aller vers une société plus économique, plus
écologique, plus "éconologique".
Quant à nous, nous avons, il y a à peine quelques
semaines, très précisément les 28, 29 février et
1er mars derniers, réuni ce que l'on a appelé un sommet sur la
récupération et le recyclage. Il semble que le Parti
libéral ignore complètement cet événement qui s'est
passé au Québec. Pourtant, ce sommet a été
télévisé en direct. De nombreux reportages journalistiques
ont été faits. Au lendemain, de nombreux chroniqueurs et
éditorialistes en ont parlé. Bref, tout le monde dans le milieu
semble le connaître, sauf le Parti libéral dans cette Chambre. Un
certain nombre de décisions ont été prises dans notre
société à propos de la récupération et du
recyclage. J'entendais tout à l'heure le député de Laporte
dire qu'il n'y avait pas de consensus dans notre société ou qu'il
y avait des consensus à sa façon. Il aurait dû assister
à ce sommet ou il pourrait lire les reportages ou les conclusions qui
ont été tirées de ce sommet économique sur la
récupération et le recyclage. Il aurait appris qu'il y a des
consensus dans la société, mais ce ne sont certainement pas ceux
qu'il a constatés.
Le premier consensus qui s'est dégagé, c'est que les
vidanges, pour les appeler par leur nom, appartenaient aux
municipalités, mais qu'en contrepartie, il fallait rapidement arriver
à la récupération et au recyclage du papier et du verre,
puisque le sommet portait précisément sur ces deux
matières, et tout le monde donnait son accord pour la
récupération des canettes d'aluminium.
Or, il est précisément question de ce volet ici ce soir
dans le projet de loi 87 préconisant l'obtention d'un permis pour vendre
ou livrer de la bière ou des boissons gazeuses en contenants à
remplissage unique. C'est l'esprit du projet de loi.
Regardons, M. le Président, ce qui se passe concrètement
sur le terrain. Deux choses. La première, c'est qu'il y a deux usines au
Québec prêtes à passer à la fabrication de canettes
d'aluminium alors qu'on sait que les canettes d'aluminium vendues actuellement
au Québec sont importées des États-Unis. Il y a deux
usines qui sont prêtes à fonctionner. C'est la Continental, comme
on l'appelle dans l'Est de la ville, la Continental Can, et l'American Can,
connue sous son nom officiel de CANCO. On voit s'ouvrir un marché, d'une
part. Il y a des emplois; il y a du métal à utiliser que nous
transformons par le biais de notre électricité. Il y a un
recyclage à faire de ce produit qui peut être indéfiniment
réutilisé par la refonte, dans un système
"éconologique", c'est-à-dire en économisant non seulement
la matière première et l'énergie, mais aussi en
réutilisant la matière par le recyclage pour permettre à
la canette de retourner canette ou moteur d'aluminium, peu importe.
D'autre part, il y a le marché, celui des brasseurs, celui des
franchiseurs ou des embouteilleurs franchisés ou des embouteilleurs
locaux. Les brasseurs, on les connaît, ce sont les grands de la
bière. Les franchiseurs, on les connaît, ce sont les grandes
compagnies de boissons gazeuses. Permettez-moi sans faire de publicité
d'en nommer quelques-uns, afin qu'on se comprenne bien, que ce soit Coke, Cott,
Pepsi, Crush, Kik ou n'importe quel.
Quant aux embouteilleurs, ce sont nos embouteilleurs régionaux
qui sont des franchisés de ces franchiseurs. Comment cela se passe-t-il
de leur côté? Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en
1976, 85%... Je le dis autrement, 15% de ces boissons gazeuses étaient
en canette ou dans des contenants non recyclables. Maintenant, il n'y en plus
que 12%. Il y a une diminution, alors qu'aux États-Unis 75% sont en
canette et, en Ontario, chez nos voisins, 50%. On voit un
phénomène de société. Dans le secteur de la
bière, il y en avait 3% en 1976, il n'y en a plus que 2% maintenant,
mais une pression est exercée - je vais la décrire rapidement
-pour utiliser des contenants non recyclables. Il y a, disons-le, d'abord la
canette d'aluminium qui, du fait qu'elle soit uniquement en aluminium, peut
être facilement recyclée, à condition d'être
consignée. Il y a la canette d'acier qui n'est pas recyclable, puisque
le pourtour est en acier, mais les deux bouchons, les deux bouts, le fond et le
dessus sont en aluminium. Un tel mélange de métaux ne peut pas
être recyclé. Il a communément ce qu'on appelle le "pet" -
l'expression est là, M. le Président, je n'y peux rien -
c'est-à-dire cette bouteille non consignable entourée d'un
isolant, mais je dis bien non consignable. Elle doit dont prendre le
côté de vidanges. Il y a le "plastishield", c'est-à-dire
tous ces contenants en plastique moulé, en plastique fait d'intrusion de
plastique, qui ne sont pas biodégradables, qui ne sont pas recyclables
et qui prennent eux aussi le côté des vidanges, donc de
l'enfouissement sanitaire ou encore des incinérateurs. (21 h 20)
On sait que, du côté des franchiseurs, des embouteilleurs
et des brasseurs, il y a unanimité, ce que semble ignorer encore une
fois l'Opposition. Il y a unanimité parce que c'est à leur
demande que ce projet de loi 86 et, ce soir, ce projet de loi 87 sont
étudiés. Ils ont des problèmes entre eux, ils veulent
régler et ils sont en train de régler. Les projets de loi 86 et
87 ne font que régulariser les consensus qui se sont déjà
établis entre eux. C'est le problème de la régularisation
du marché. On sait qu'historiquement, ils l'ont fait d'une façon
extraordinaire dans le domaine des bouteilles. La preuve est - je l'ai dit
tantôt - que les bouteilles de boissons gazeuses sont
réutilisées à 87% et les bouteilles de bière,
à 98%. Ce n'est pas parce que le gouvernement fait des lois. C'est parce
qu'ils se sont entendus. Actuellement, ces industries nous demandent de faire
un mouvement dans le même sens pour leur permettre de nouvelles ententes.
Voilà donc: d'un côté, il y a les fabricants avec un
marché à prendre, à condition qu'il soit
"éconologique" et de l'autre, il y a les brasseurs, les franchiseurs et
les embouteilleurs qui sont prêts à faire un effort conjoint pour
amener également cette société à être plus
"éconologique".
Pourquoi, actuellement? Souvenons-nous des discours sur le budget qui
ont précédé et de la pression que le gouvernement
exerçait pour empêcher la prolifération des canettes. Il
avait été dit à l'époque que cette surtaxe
disparaîtrait dès que les ententes seraient conclues pour faire en
sorte qu'on ne laisse pas dans le paysage du Québec des millions de
canettes à la traîne, mais qu'on vive vraiment d'une façon
différente ou d'une façon plus moderne. Les ententes sont faites
et maintenant, on régularise par des lois. Il faut le permettre. Il faut
vraiment les libérer de la taxe et leur permettre de faire vraiment le
recyclage, en l'occurrence, car il y a un marché qui peut être
considérable et ce sont les lois du marché pour le reste qui
diront si la canette fera ou non fortune. Si la canette est plus chère,
les boissons gazeuses en bouteille se vendront davantage et si c'est l'inverse,
les lois du marché agiront, mais néanmoins, un objectif
précis,
un objectif d'une société moderne sera respecté; il
y aura dans les deux cas, dans l'un, récupération et dans l'autre
recyclage, c'est-à-dire cette société - vous me permettrez
de répéter l'expression ou mon néologisme de tout à
l'heure - "éconolo-gique".
On nous demande de déposer des règlements. Bon! D'abord,
j'en ai marre d'entendre l'Opposition faire de telles demandes puisque jamais,
lorsqu'ils ont été au pouvoir, ils n'ont déposé une
seule fois des règlements au moment de débats de deuxième
lecture ou encore au moment de l'étude en détail en commission
parlementaire, jamais, alors que comme gouvernement, nous avons toujours
énoncé les principes généraux à l'appui des
règlements, voire même déposé les projets de
règlement quand ils avaient à exister, mais comme on leur a dit
tantôt, de règlements, "niet" pour le projet de loi 86 et ici, de
simples règlements de balisage pour l'émission de permis,
c'est-à-dire des choses qu'on transporte d'une loi à l'autre ou
d'un règlement à l'autre. Qu'ils ne viennent pas nous chanter des
chansons ici ce soir.
Pour le reste, c'est inquiétant comme société
d'entendre les libéraux parce que c'est la contradiction la plus
parfaite dans ce parti. D'une part, on entend la députée de
Chomedey nous parler d'un projet de société, d'un projet de
qualité de vie dans lequel il faudrait inclure l'ensemble des
ministères, mais dès que nous parlons de faire la moindre chose
qui va dans le sens d'une société écologique, ils
s'insurgent. Mais ce n'est pas madame. Ah non! C'est quelqu'un d'autre. C'est
leur cohérence. L'un dit blanc et l'autre dit noir. C'est quelqu'un qui
vient nous dire: Attention, vous risquez de faire des choses. On ne sait trop
quoi, d'ailleurs. Parce qu'il faudrait parler d'économie, justement,
nous parlons d'économie et ils nous parlent d'environnement. J'aimerais
qu'ils se branchent, un de ces jours.
Aujourd'hui même, en commission, nous avons débattu et
finalement accepté un projet de loi contre lequel ces
députés ont voté; ils s'apprêtent, encore ici ce
soir, nous annoncent-ils, à voter contre le projet de loi 87. J'aimerais
qu'une fois pour toutes ils finissent par établir une certaine
cohérence entre deux discours. Quant à nous - et je
répète mon expression pour la dernière fois en m'assoyant
- par la loi 86, cet après-midi, en commission parlementaire, et par la
loi 87, ce soir, à l'Assemblée nationale, nous bâtissons
vraiment cette société "éconologique". Je vous remercie,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay, votre droit de réplique, je
crois?
M. Dussault: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous m'aviserez de ce que
vous ferez, d'une façon ou d'une autre.
M. Roland Dussault (réplique)
M. Dussault: Je vais exercer mon droit de parole, mais cela
constituera aussi le droit de réplique.
C'est avec un grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui sur le
projet de loi 87, Loi sur les permis de distribution de bière et de
boissons gazeuses, un projet de loi de portée économique. Depuis
que je suis député et que je représente la circonscription
électorale de Châteauguay à l'Assemblée nationale,
il m'est arrivé souvent de prendre la parole en cette Assemblée.
Il m'est arrivé cependant rarement de prendre la parole dans des
conditions aussi intéressantes. Je ne fais pas allusion à la
présence de nos collègues d'en face; on s'est
évertué, depuis quelques minutes, à essayer de leur faire
comprendre le vrai sens du projet de loi, ils n'ont pas écouté et
ils sont maintenant partis.
Comme député, évidemment, certaines choses me
tiennent à coeur, certaines plus que d'autres. Parfois,
l'intérêt est plus grand parce qu'il est possible de concilier des
choses qui, au premier abord, paraissent inconciliables. Beaucoup de gens
disent qu'il est difficile, sinon impossible de concilier les
préoccupations économiques et les préoccupations
environnementales. Par exemple, aujourd'hui, nous avons affaire à un
projet de loi qui concilie des préoccupations de type environnemental
avec d'autres préoccupations de type économique. C'est vrai qu'il
n'est pas facile de concilier des préoccupations environnementales avec
des préoccupations économiques, mais qui veut faire l'effort de
chercher peut arriver à des résultats en ce sens.
En fait, que vise ce projet de loi 87? Comme le disent les notes
explicatives du projet de loi, il vise à introduire un régime de
permis applicable à la mise en marché de la bière et des
boissons gazeuses distribuées en contenants à remplissage unique.
C'est une préoccupation économique. Ensuite, les notes
explicatives disent que le permis est délivré par le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à tout requérant qui a
conclu une entente avec le ministre de l'Environnement concernant la
consignation, la récupération et le recyclage de ces contenants.
La base même de ce propos est effectivement environnementale.
Pour que ces deux objectifs se retrouvent dans le projet de loi 87, il a
fallu beaucoup de travail, beaucoup de concertation, beaucoup de volonté
de s'entendre de la part de tous les intervenants
de l'industrie de l'embouteillage. Il en fut de même pour les
autorités gouvernementales dans les différents ministères
concernés, c'est-à-dire au ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme et au ministère de l'Environnement.
Pour que les objectifs puissent être atteints du côté
de l'environnement, il a d'abord fallu faire des changements à la loi
sur l'environnement et c'est le but du projet de loi 86, Loi modifiant la Loi
sur la qualité de l'environnement, dont l'un des objets est la
reconnaissance par le gouvernement d'un organisme qui aura pour fonction, d'une
part, d'administrer des consignes perçues en vertu d'un règlement
ou d'une entente - ce dont on a parlé tout à l'heure et ce que
les gens d'en face ont de la difficulté à comprendre -et, d'autre
part, de promouvoir, notamment à l'aide des revenus et des surplus
provenant de l'administration de ces consignes, la conservation des ressources.
On a donc des préoccupations complémentaires et nous avons
là une politique vraiment complète. (21 h 30)
Cette voie à préoccupation environnementale étant
ouverte, il devenait possible d'envisager la mise sur pied d'un régime
de permis applicable à la mise en marché de la bière et
des boissons gazeuses distribuées en contenants à remplissage
unique. Le débat est déjà commencé à
l'Assemblée nationale relativement à ce préalable
environnemental. Un des grands avantages d'une entente de principe entre les
différents intervenants concernés, c'est qu'il sera possible
maintenant de mettre à profit pour le Québec le
développement fort prometteur au Québec du secteur de
l'aluminium. Évidemment, nos amis d'en face ont bien pris garde de
parler de cette question puisque, autant que possible, il faudrait ramener
cette question qu'on discute aujourd'hui à des proportions très
peu considérables, en faire des questions de peu de perspective, alors
que, pour nous, le développement du secteur de l'aluminium au
Québec, c'est important.
L'avenir de l'aluminium, comme celui d'autres secteurs, est prometteur
au Québec. Le gouvernement a raison de tabler sur le
développement de celui-ci. L'une des fonctions importantes d'un
gouvernement est de planifier, de faire en sorte que soient utilisées
harmonieusement les ressources que nous avons, de faire en sorte que ces
ressources soient mises à la disposition des secteurs qui peuvent
être développés de façon pertinente. L'aluminium est
un secteur où le présent gouvernement est en train de
démontrer que des résultats extraordinaires peuvent être
atteints en utilisant la ressource hydroélectrique comme levier
important de développement de certains secteurs, en l'occurrence celui
de l'aluminium.
Non seulement le gouvernement aura-t-il mis à des coûts
moins considérables la ressource hydroélectrique au service
d'entreprises productrices d'aluminium, mais il aura en plus fait en sorte
qu'une partie de la production d'aluminium s'écoule sur le marché
québécois. Si nous avions affaire à un gouvernement
à courte vue, peut-être que nous ferions ce que nous recommande le
chef du Parti libéral, M. Bourassa, qui se cache, qui n'a pas le courage
de se présenter à l'Assemblée nationale, et, à ce
moment-là, nous irions vendre nos surplus d'électricité
à n'importe quel prix aux États-Unis. Nous avons fait le choix
d'abord et avant tout d'utiliser nos surplus d'électricité pour
le développement du Québec, pour permettre aux
Québécois de travailler grâce à leurs ressources et
non pas de faire travailler les autres à l'extérieur du
Québec avec nos ressources, ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas
intéressant de vendre nos surplus d'électricité, mais il
est surtout intéressant de les vendre à un prix qui soit
avantageux pour le Québec. Cela veut donc dire qu'il ne faut pas
s'effaroucher, qu'il ne faut pas se mettre à courir. Il s'agit de faire
les choses au rythme convenable pour que notre électricité se
vende à un prix qui soit convenable pour les
Québécois.
La politique d'intervention que l'on retrouve dans le projet de loi 87
et qui a été demandée par les intervenants de l'industrie
aura cet effet certain - et on ne peut que s'en réjouir - de permettre
le développement de l'aluminium au Québec. Pour bien se
comprendre, il faut d'abord dire qu'il y a présentement au Québec
un usage répandu de la canette de métal, canette qui se
prête présentement à la récupération, mais
qui ne se prête pas au recyclage. Il est bien important de saisir cette
différence. En effet, ces canettes sont partiellement faites
d'aluminium. Depuis quelques années seulement, il existe au
Québec un système de récupération de ces canettes
avec consigne qui permet à ceux qui les retournent de
récupérer un certain montant d'argent. Le volet manquant de cette
politique déjà fort intéressante est celui du recyclage,
et c'est ce que nous visons maintenant. Si les canettes étaient
entièrement fabriquées d'aluminium, ce volet pourrait enfin
être exploité avec profit.
À la suite des longs mais fructueux échanges entre le
ministère de l'Environnement, le ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme et l'ensemble de l'industrie de l'embouteillage, il est
maintenant possible d'assurer ce volet du recyclage. Puisque 80% de l'industrie
de l'embouteillage s'est montrée fort sympathique à la mise en
marché de la bière et des boissons gazeuses distribuées en
contenants à remplissage unique, il faut maintenant faire en sorte que
les 20% qui ne
se sont pas mis d'accord avec les autres se rallient. C'est l'industrie
concernée qui a demandé que le gouvernement fasse en sorte que ce
régime soit possible et applicable à l'ensemble de l'industrie.
Que 80% des gens concernés dans cette industrie de l'embouteillage en
soient venus à demander au gouvernement de mettre en place un
régime qui deviendrait la règle générale dans
l'industrie démontre bien qu'une grande évolution s'est faite au
Québec à ce sujet.
Puisque c'est en se comparant qu'on réalise le mieux notre
degré d'avancement, il sera peut-être utile de rappeler que notre
province voisine, l'Ontario, est loin d'être arrivée au point
où le Québec est rendu maintenant. En Ontario, on discute de
cette question depuis plusieurs années, mais, au moment où on se
parle, il n'y a pas encore de solution d'arrêtée. Au
Québec, non seulement la solution a été identifiée,
mais encore les compagnies fabriquant des canettes ont commencé à
investir d'une façon fort significative dans l'équipement
nécessaire à la production de canettes d'aluminium. Au printemps
1983, la compagnie Continental était la première à
annoncer un investissement de plus de 20 000 000 $. La compagnie American Can
n'a pas tardé à suivre la même voie avec un investissement
de 22 000 000 $. Le ministre disait tout à l'heure qu'une
troisième compagnie s'apprête à investir de façon
substantielle dans la même voie.
Bien sûr, la solution identifiée n'est pas l'idéal
sur le plan de la fonctionnalité de la récupération. Cette
solution idéale ne serait possible, de toute façon, que dans cinq
et peut-être même dix ans. Il s'agirait de la cueillette
sélective. Cette solution fonctionnelle idéale de
récupérer les canettes d'aluminium sans devoir passer par un
système de consigne, c'est une solution intéressante, mais la
preuve est faite qu'on n'est pas prêt pour une telle solution. Cela
impliquerait qu'au moment où le consommateur se débarrasse de ses
déchets, il mette à part ses canettes d'aluminium et tous autres
contenants d'aluminium utilisés sur le marché. Cette solution
exigerait une articulation sur le plan de la cueillette des déchets pour
laquelle le monde municipal et les éboueurs ne sont pas prêts
présentement. Mais, sur le plan environnemental, la solution que nous
préconisons est la meilleure. C'est celle qui a fait ses preuves. Pour
plusieurs années, c'est celle qui va assurer le maximum de retour des
canettes, donc celle qui va donner le maximum de sens à la
récupération.
Le système actuel de consigne et de récupération
voit apparaître ses limites; on en est conscient. Quand ce système
a été instauré, le nombre de contenants retournables
n'était pas aussi considérable qu'il l'est devenu aujourd'hui, et
les coûts de manutention pour cette activité ont maintenant
atteint des proportions importantes. Il en coûte maintenant de 0,06 $
à 0,08 $ par bouteille pour la récupération et la
manutention.
Il est évident qu'il faudra trouver une solution plus
complète aux problèmes que pose l'obligation de la manutention et
de la récupération. C'est dans l'esprit de l'entente intervenue
entre les différentes parties impliquées, les
représentants de l'industrie de l'embouteillage et les deux
ministères du gouvernement, que les trois prochaines années
soient utilisées à rechercher une solution plus satisfaisante.
Mais, pour le moment, il y a tout lieu d'être fier du résultat des
pourparlers entre les différentes parties concernées, le
gouvernement et les représentants de l'industrie.
Il est maintenant acquis que tous les contenants à remplissage
unique seront consignés, qu'ils devront être recyclables, qu'un
système de cueillette des contenants utilisés sera prévu,
que la publicité ou la promotion des contenants à remplissage
unique ne se fera pas à la télévision, qu'un quota de
production devra être accepté et, finalement, qu'un seul organisme
administrera toutes les consignes. Sur le dernier point, les intervenants sont
particulièrement formels. Comme le disait le ministre tout à
l'heure, les quatre cinquièmes de l'industrie des boissons gazeuses sont
prêts à signer de telles ententes portant sur ces principes
fondamentaux.
Les franchiseurs de marque nationale comme Coca-Cola - on me permettra
d'en nommer - Pepsi-Cola et Seven-Up ont donné leur consentement. C'est
une très grande partie de l'industrie qui est concernée. Il y a
tout lieu de croire que les franchiseurs de marque nationale moins importants
quant à leur part de marché se rallieront à cette
position.
Au-delà de ces objets qui ont fait consensus, il est important
d'ajouter que la collaboration entre les intervenants a permis de faire en
sorte que les emplois existants en région dans le secteur de
l'embouteillage soient au maximum protégés. C'était un des
aspects qui rendaient difficile de concilier la préoccupation non
seulement économique, mais socio-économique, et la
préoccupation environnementale.
Grâce à ces ententes prévues entre le
ministère de l'Environnement et ces grands franchiseurs, le
Québec fera un grand pas dans la direction d'un effort concerté
pour débarrasser l'environnement des fruits non souhaités du
développement moderne. Le présent gouvernement du Québec a
souvent répété qu'il est possible de tirer
d'énormes avantages d'une concertation entre les différents
intervenants dans un secteur donné. La preuve est en train de se faire
encore que cet objectif gouvernemental
s'appuie sur un sain réalisme dans ce secteur comme dans tous les
autres secteurs où il y a eu travail de concertation. (21 h 40)
Tout à l'heure, le député de Laporte a parlé
de réglementation. Il est maintenant devenu automatique chez nos amis
d'en face qu'à chaque projet de loi on parle de réglementation en
disant qu'il y a encore de la réglementation, il ne devrait pas y avoir
de réglementation, la réglementation est de trop. M. le
Président, c'est un automatisme qui n'a aucun bon sens. Parfois la
réglementation s'impose, parfois on n'en a pas besoin. Dans ce cas-ci,
nous sommes sûrs que la réglementation sera pertinente puisque
cette réglementation sera le fruit d'un travail avec nos partenaires.
Cela sera le reflet de ce que veut l'industrie à ce sujet. Or, je ne
vois vraiment pas en quoi, lors de ce projet de loi, on vienne nous dire
encore: Encore de la réglementation. Je ne suis pas inquiet. Nous allons
vraiment avoir une réglementation qui soit très pertinente.
Pour conclure, le projet de loi 87, Loi sur les permis de distribution
de bière et de boissons gazeuses, complément parfait du projet de
loi 86, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et,
particulièrement, son aspect concernant la reconnaissance par le
gouvernement d'un organisme qui aura pour fonction d'administrer les consignes,
ne nous offre, à toutes fins utiles, que des raisons de nous
réjouir. Il est l'occasion de constater qu'avec de la bonne
volonté tout est possible.
Ces deux projets de loi, plus particulièrement les aspects
concernant la récupération, la consigne et le recyclage, sont le
gage d'un avenir prometteur pour tous les dossiers qui exigent que le joint se
fasse entre les personnes qui se préoccupent de la protection de
l'environnement et toutes celles qui se préoccupent du
développement économique dont nous sommes. Parce que le projet de
loi 87 ouvre la porte à une entente souhaitée par la très
grande majorité des parties concernées, je demande à mes
collègues de l'Assemblée nationale de voter pour le principe de
ce projet de loi 87. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le droit de parole de
l'adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
constituant la réplique, l'adoption du principe de ce projet de loi
est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté, sur
division. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Blouin: M. le Président, je propose donc que nous
envoyions ce projet de loi à la commission de l'aménagement et
des équipements qui sera, dans les circonstances, présidée
par un président de séance.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette double motion
est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
M. Blouin: M. le Président, vu que 22 heures approchent,
je propose donc que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10
heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, M. le leader de
l'Opposition.
M. Gratton: Avant que nous n'ajournions, est-ce que leader
adjoint du gouvernement pourrait nous confirmer que demain nous
étudierons les projets de loi 75, Loi sur les assurances et d'autres
dispositions législatives; ensuite, le projet de loi 83, Loi modifiant
le Code de procédure civile et d'autres dispositions
législatives. Cela étant que...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: Très probablement, M. le Président.
Également, aurons-nous l'occasion, le temps, je crois bien, d'aborder le
projet de loi 80, Loi sur l'Ordre national du Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Gratton: Oui. M. le Président, en supposant qu'on
disposerait de ces trois projets de loi, on sait que concernant le projet de
loi 80, les indications étaient que ce serait étudié
vendredi. Est-ce que cela voudrait dire, vu le début du congrès
du Parti québécois cette journée-là, que
l'Assemblée ne siégerait pas? Quelles sont les indications que le
gouvernement peut nous donner quant à la journée de vendredi pour
le moment?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: Comme convenu, nous allons effectivement siéger
vendredi jusqu'à 13 heures. Nous pourrons communiquer le menu
législatif dès demain au leader de l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Gratton: Dois-je comprendre, M. le Président,
qu'effectivement, vendredi, l'Assemblée s'ajournera au plus tard
à 13 heures?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: J'espère que je n'erre pas mais je pense que
oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, votre motion, M. le
leader.
M. Blouin: Sur ce, M. le Président, je propose à
nouveau que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos
travaux sont ajournés à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 45)