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(Dix heures quinze minutes)
Le Président: À l'ordre, messieurs! Un moment de
recueillement, s'il vous plaît.
Veuillez vous asseoir.
Nouveau diagramme
Avant de procéder aux affaires courantes, je voudrais
déposer le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale du
Québec.
Affaires courantes.
Période de questions orales des députés.
M. le député de Richmond.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
La situation dans l'industrie de l'amiante
M. Vallières: Ma question s'adresse au ministre de
l'Énergie et des Ressources. Compte tenu que plusieurs centaines de
travailleurs, dans le secteur de l'amiante, ont été mis à
pied dernièrement de façon permanente - plusieurs milliers de
façon temporaire - l'économie des régions d'Asbestos et de
Thetford Mines, en particulier, est fortement affectée par cette
situation. C'est par centaines que les jeunes doivent quitter ces
régions pour aller travailler ailleurs.
Je demanderais au ministre s'il a entrepris des démarches, et
à quel niveau, pour s'enquérir de la gravité de la
situation dans ce secteur; quelle action entend-il prendre pour éviter
que cette situation déplorable ne tourne en véritable catastrophe
financière? J'aimerais qu'il nous indique si son plan va s'inspirer de
celui qui a été annoncé dans le secteur du fer sur la
Côte-Nord et que nous attendons toujours et s'il reconnaît
l'urgence d'une action du gouvernement dans ce secteur au moment où on
se parle.
Le Président: M. le ministre.
M. Duhaime: II est bien certain que la question du
député, en ce qui a trait à l'amiante aujourd'hui, indique
bien que nous vivons une situation de mauvaise conjoncture. Ce que nous
constatons depuis un an surtout, possiblement même sur deux
années, règle générale, pour les compagnies
productrices, c'est une chute des marchés. Aux États-Unis,
principalement, pour certaines compagnies, cela s'est produit dans une
proportion qui pourrait atteindre jusqu'à un tiers de leurs ventes.
Par ailleurs, sur d'autres marchés plus faibles, il y a
progression. J'ai en tête, par exemple, un nouveau marché qui se
développe aux Indes et avec la Chine. Il n'y a pas de compensation sur
des niveaux équivalents. Cette mauvaise conjoncture est reliée
à deux facteurs. Le premier: la situation économique aux
États-Unis de façon générale, à cause de la
politique des hauts taux d'intérêt qui a un impact direct sur la
construction, non seulement la construction domiciliaire, mais la construction
en général. Vous admettrez avec moi que, sur le plan des
décisions qui pourraient se prendre à Washington au niveau des
hauts taux d'intérêt, je n'ai rien à voir.
Il y a un troisième élément aussi auquel nous
travaillons. C'est de faire en sorte que l'amiante et la fibre d'amiante
retrouvent en quelque sorte leurs lettres de noblesse non seulement sur le
continent nord-américain, mais sur tous nos marchés
d'exportation. En ce sens, les fonctionnaires de mon ministère, en
collaboration avec ceux de la Société nationale de l'amiante,
voyagent tant aux États-Unis qu'en Europe et font des démarches
auprès des autorités de la Communauté économique
européenne en particulier, de façon plus précise en
Allemagne, pour faire en sorte que ce qui était considéré
comme quelque chose d'inéluctable il y a peut-être quelques
années, à savoir que la fibre d'amiante pourrait être
bannie de certains marchés, ne se réalise pas. Je puis dire
là-dessus, M. le Président, que c'est avec optimisme que ce
dossier évolue. (10 h 20)
Est-ce qu'il y a dans l'immédiat des mesures à prendre
pour que les activités et les niveaux d'emploi dans les mines puissent
être non seulement maintenus et augmentés? Je répondrai
essentiellement, M. le Président, que nous vivons presque une
fatalité conjoncturelle. Bien sûr que le député ne
sera pas satisfait de ma réponse, mais je puis dire, M. le
Président, que dans les semaines qui viennent le gouvernement prendra
une décision majeure donnant suite à ce qui a déjà
été arrêté dans le dossier de l'amiante.
Plutôt que de maintenir de hauts niveaux d'exportation sur une
matière première, exportation à l'état brut, nous
pourrons commencer véritablement à envisager la transformation
chez nous d'une ressource naturelle et je pense que la création
d'emplois va être en proportion, c'est-à-dire
nécessairement à la hausse. Je pense cependant être
honnête en disant, M. le Président, que nous aurons à vivre
dans
les prochains mois et je dirais pour quelques années, deux ou
trois ans, des heures difficiles avec l'ensemble de ce dossier, non seulement
en ce qui a trait à Asbestos, mais avec l'ensemble des compagnies
productrices de fibre d'amiante qui sont essentiellement pour l'instant, pour
une qrande partie de leur production, tournées vers des marchés
d'exportation.
M. Vallières: Une question supplémentaire, M. le
Président.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Richmond.
M. Vallières: Question additionnelle, M. le
Président. Puisque le ministre nous parle de quelques semaines pour
l'annonce d'interventions et d'actions du gouvernement, je voudrais lui
indiquer que le 27 mai, en cette Chambre, je posais une question au même
ministre et c'est le ministre Landry qui a pris la relève pour nous
indiquer qu'aux environs du 15 juin, il y aurait un plan de relance pour la
région de Sept-Îles-Port-Cartier. On attend toujours ce plan de
relance.
Dans la réponse du ministre, ce que je constate - et il me
contredira si ce n'est pas le fait - c'est l'affirmation que nous allons
pendant deux ou trois ans, si nous sommes optimistes, peut-être quatre
ans, si on est pessimiste, peut-être cinq ans, laisser des régions
comme Thetford-Mines et Asbestos dépérir et mourir à petit
feu. M. le Président, je demande au ministre s'il est dans son intention
de mettre de l'avant un plan d'action qui va viser à créer de
l'emploi à court et à moyen terme dans les villes
amiantifères, en particulier dans le secteur de l'amiante, pour
éviter que ces régions ne se vident littéralement de leur
élément le plus dynamique, soit la jeunesse.
Le Président: M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, on peut préparer, au
gouvernement, des plans d'action. J'en prépare, bien sûr,
régulièrement. Dans les activités minières, en
particulier, il y a une espèce de fatalité. À partir du
moment où une mine commence des activités, elle est en quelque
sorte condamnée à mourir un jour, à partir du moment
où on arrive au fond du baril, et aussi ces activités sont
directement reliées à la conjoncture sur les marchés
internationaux. La situation du fer, en quelque sorte, représente
à peu près fidèlement ce que nous vivons sur les
marchés de l'amiante. C'est un effondrement, non seulement sur la
demande en volume, mais aussi quant au prix. Le minerai de fer du Québec
fait face, sur les marchés internationaux, à une concurrence qui
nous vient, entre autres, du Brésil où les teneurs sont plus
élevée. Les Brésiliens ont décidé d'avoir
une politique de prix qui nous place dans une situation hautement
difficile.
Est-ce que le député suqgère que le gouvernement
mette quelques millions de côté, pour qu'on entreprenne
systématiquement de faire tourner artificiellement ces opérations
en empruntant et en faisant une politique de stockage? Cela ne serait pas
réaliste.
Nous suivons de très près la situation. Est-ce qu'il y a
des formules de rechange? Nous avons répondu, oui. Lorsque mon
collègue, le ministre d'État au
Développement économique, sera prêt à faire
l'annonce du plan de relance pour la Côte-Nord, il le fera en temps
utile.
Pour ce qui est de l'amiante, je l'ai dit tout à l'heure, il est
évident qu'un plan d'action existe, et que ce plan d'action, avant
d'être mis à exécution, doit attendre que nous ayons
réglé de façon définitive le dossier d'Asbestos
Corporation. Le premier ministre indiquait, en juin dernier - vers la fin de la
session, je crois - que le dossier d'Asbestos Corporation serait
réglé cet automne. Je puis confirmer devant l'Assemblée
que le dossier d'Asbestos Corporation sera certainement réglé cet
automne.
Le Président: Le député de Richmond,
question additionnelle, sans préambule.
M. Vallières: Est-ce que le ministre, puisqu'il veut
donner l'exemple dans le monde entier de l'usage de l'amiante, irait aussi loin
qu'exiger que dans toutes les constructions gouvernementales au Québec,
l'on utilise ce produit?
Le Président: Brièvement, M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Duhaime: M. le Président, cela m'étonne qu'un
libéral sugqère à notre gouvernement d'intervenir
directement dans un champ de libre concurrence qui appartient à l'heure
actuelle au secteur privé, parce que le gouvernement s'apprête
à devenir propriétaire d'une mine d'amiante. Que nous puissions
privilégier cette mine en particulier, ce produit, qu'est-ce qu'on fait
des fabricants de fonte, par exemple, dans ma région de
Trois-Rivières? Cela n'a aucun sens. M. le Président, il est hors
de question...
Le Président: À l'ordre s'il vous plaît!
M. Duhaime:... que nous exigions de la part des
municipalités qu'elles contruisent leur réseau d'égout et
d'agueduc en utilisant l'amiante pour avoir droit à des subventions. Si
c'est ce que vous avez en tête, la
réponse, c'est non.
Cependant, il est de plus en plus démontré, et c'est
là qu'est la difficulté sur les marchés internationaux,
que l'amiante coûte cher, c'est certain, mais sa fiabilité et sa
durabilité sont là.
Nous pensons, de côté-ci, que les produits concurrentiels
à l'amiante, je pense au mica, par exemple, qui est en train de se
développer, ont le droit de vivre aussi, ils ont droit de cité.
Nous croyons devoir maintenir cette concurrence légitime entre
différents produits. Nous croyons, cependant, que l'amiante sera en
mesure de faire son chemin, de retrouver son marché au fil des
années. Je ne me fais pas d'illusion, M. le Président, je l'ai
dit tout à l'heure, si on sait le moindrement lire les chiffres, les
exportations sont à la baisse. C'est un effondrement sur les
marchés mais c'est conjoncturel. Je dis: Dans combien de temps? C'est la
question que j'ai posée à des experts à mon
ministère. Dans combien de temps on vivra le redressement? On m'a
répondu: Deux ans, trois ans, peut-être même davantage.
Je pense que c'est mon devoir de dire ces faits ici, à
l'Assemblée nationale. Jamais le gouvernement n'envisagera d'obliger qui
que ce soit à se porter acquéreur de la fibre d'amiante pour
avoir droit à quoi que ce soit. Je ne suis pas convaincu que, sur le
plan constitutionnel, nous aurions le droit de le faire.
Le Président: Deux dernières questions
additionnelles. M. le député d'Outremont, sans préambule,
et M. le député de Frontenac, sans préambule
éqalement. M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. le ministre, n'est-il pas vrai que la situation
que vous avez décrite comme une conjoncture est une situation qui va de
pis en pis, puisque de plus en plus d'États américains ont
décidé de bannir l'amiante et que les Européens l'ont fait
dans la même façon? N'est-il pas vrai que cette opposition puisse
s'apparenter un peu, beaucoup à l'opposition qu'on peut trouver à
l'énergie nucléaire et que, de fait, il aurait fallu que le
gouvernement intéresse les clients de ces États pour faire la
promotion de l'amiante? N'est-il pas vrai que le ministre retarde, au mois de
septembre de l'an prochain, l'organisation d'un séminaire dans ce sens
et que ce séminaire aurait dû avoir lieu bien avant cette
date?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, je dirais ceci avant de
répondre à la deuxième question. Le député
d'Outremont est en train de prendre des mauvaises habitudes avec le
compagnonnage qu'il vit depuis quelques années. Il dit: De plus en plus
d'États américains bannissent l'amiante. Vous rendez-vous compte
que vous êtes en train de dire, ce que je qualifierais de mensonge?
Voulez-vous me nommer un seul État américain, la date et le
numéro de l'arrêté en conseil, s'il y en a un, ou une seule
loi aux États-Unis qui a banni l'amiante, comme tel, celui que nous,
nous frabriquons au Québec? Quand vous répétez de
pareilles sornettes, vous êtes un de ceux qui, inconsciemment ou
consciemment, se font l'avocat de tous ceux qui travaillent pour qu'un
bannissement se fasse sur ce marché.
Pour ce qui est du séminaire sur l'amiante, M. le
Président, et sur la promotion...
Une voix: Les travailleurs de l'amiante. (10 h 30)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Duhaime: Chaque fois que quelqu'un se lève à
l'Assemblée nationale ou ailleurs sur d'autres tribunes et
répète de pareilles choses, cela signifie qu'à chaque
discours il y a des emplois à Thetford qui sont menacés. C'est ce
que cela veut dire. Les travailleurs... J'ajouterai ceci...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Duhaime: J'ajouterai ceci: Récemment, à
Genève, un des leaders syndicaux importants du Québec a dit
publiquement que, quant à lui, il se ferait désormais l'un des
promoteurs et l'un des défenseurs du dossier de l'amiante.
M. Fortier: Question de règlement.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Vous avez terminé votre réponse, M. le ministre?
Dernière question additionnelle, M. le député de
Frontenac.
M. Duhaime: M. le Président, pour l'information
complète du député d'Outremont qui a souvent besoin de
renseignements et, une fois qu'il les a, quitte l'Assemblée où se
déroulent les travaux je voudrais lui dire ceci: La "Environmental
Protection Aqency" aux États-Unis vient de recommander l'utilisation de
l'amiante par rapport à d'autres produits concurrentiels. Je mets le
député d'Outremont au défi de nous dire, soit demain ou
aujourd'hui, le nom d'un État américain où l'amiante a
été banni.
Le Président: M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, ma
question s'adresserait au premier ministre. Le ministre de
l'Énergie et des Ressources rappelait tout à l'heure la
déclaration du premier ministre au mois de juin dernier, ici à
l'Assemblée nationale, proclamant la décision ferme et
irrévocable du gouvernement d'acquérir la Société
Asbestos Limitée et ce, à l'automne. Or, nous y sommes à
l'automne. Après des arrêts de travail au mois de février
dernier ainsi qu'au mois d'août, et ce qu'il y a de plus important,
arrêts de travail qui se reproduiront à partir de lundi prochain
pour deux semaines, de nouveau deux semaines au mois de novembre et trois
semaines au mois de décembre à la Société Asbestos
Limitée. Le premier ministre pourrait-il préciser un peu plus la
date où, et cela au profit des syndiqués de l'Asbestos
Limitée... Les travailleurs de l'Asbestos voudraient savoir quand
exactement le gouvernement a l'intention de prendre possession de la
Société Asbestos Limitée pour remonter cette compagnie et
remettre les travailleurs au travail.
Une voix: Confiez cela au comité des fêtes
nationales!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense
que tout le monde peut comprendre le souci que peut avoir le
député de Frontenac de voir les choses aller rapidement, parce
qu'on sait les coups répétés sur la tête, les
épreuves qu'ont vécues les travailleurs de l'amiante, surtout
dans la région de Thetford, ce qui fait que je ne rappellerai même
pas au député que l'automne, cela va jusqu'au 21 décembre.
Mais je vais lui dire plutôt ceci: il y a un mémoire conjoint du
ministre de l'Énergie et des Ressources et du ministre des Finances qui,
je pense, est en chemin pour le Conseil des ministres et qui doit venir la
semaine prochaine au Conseil des ministres. J'ai comme l'impression que cela
devrait être décisif.
Le Président: Merci. Question principale, M. le
député de Laprairie.
Le dossier de la fête nationale
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au premier ministre. "La fête nationale du Québec doit
être - je cite ici le premier ministre - le moment particulier pour
célébrer la joie de notre appartenance à une
communauté vivante, riche et fière. "
Une voix: Très bien. Des voix: Riche!
M. Saintonge: Le gouvernement péquiste a mis sur place le
comité organisateur de la fête nationale et les comités
régionaux pour développer cette fierté, mais, depuis un
peu plus de deux ans, le gouvernement péquiste se serait servi de cette
structure pour mettre en place ce qui semble être un système de
patronage péquiste...
Une voix: C'est vrai.
M. Saintonge:... bien organisé. À titre d'exemple,
les principaux postes au comité régional de Montréal
auraient été détenus, cette année, par des membres
de l'entourage du ministre Charron.
De même, les employés du comité régional de
Montréal auraient travaillé ardemment à la
réélection du député de Saint-Jacques. Le directeur
général du comité régional et le contrôleur
auraient occupé tour à tour le poste de président du
PQ-Saint-Jacques. Également, l'attaché politique du ministre de
l'Immigration aurait bénéficié, en juin dernier, d'une
libération par le ministre pour aller organiser à Paris les
festivités de la fête nationale, toutes dépenses
défrayées...
Une voix: II est allé suspendre les cadres!
M. Saintonge:... et son salaire était
défrayé par le ministère à titre de vacances
anticipées pour l'an prochain. Également, les
propriétaires d'une agence de publicité, qui obtiendraient
annuellement d'importants contrats du Parti québécois,
recevraient depuis deux ans d'alléchants contrats du comité
organisateur de la fête nationale. Cette année, ils en auraient
obtenu pour plus de 180 000 $. Le gouvernement péquiste, par l'entremise
de certains ministres, aurait donc favorisé de ses largesses deux
catégories d'amis péquistes. Premièrement, les amis du
Parti québécois et les amis de certains ministres
péquistes auraient bénéficié d'avantages
pécuniaires. Le deuxième bénéficiaire serait le
Parti Québécois lui-même et le gouvernement
péquiste.
En effet, le comité référendaire du oui et le Parti
québécois lors de la dernière campagne électorale,
auraient reçu des avantages comme du personnel payé, du
matériel, des voitures dont les frais ont été
acguittés par le ministère des Travaux publics en nette
dérogation à la loi du financement des partis politiques.
Le Président: Question s'il vous plaît.
M. Saintonge: Voici ma question.
Comment donc, M. le premier ministre, allez-vous faire le nettoyage dans
ce dossier, alors que vous êtes vous-même en conflit
d'intérêts à titre de bénéficiaire et
à titre
de tordeur de bras ou de vendeur sous pression lors de
l'opération commandite des chars du défilé? N'y aurait-il
pas lieu de décréter une enquête publique
indépendante et complète pour faire toute la lumière sur
ce qui semble être un réseau de patronage politique?
A cet égard, l'Opposition, lors de l'étude des
crédits en commission parlementaire, avait demandé au ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche une enquête sur ces faits.
Cette demande d'enquête a également été
renouvelée par écrit auprès du ministre en appui à
une requête présentée par trente-sept comités
organisateurs de la région de Montréal. Cette requête,
appuyée par plus de 1500 signatures, a été remise au
député de Maisonneuve et au ministre du Loisir.
Le Président: Question s'il vous plaît.
M. Saintonge: C'est donc l'intégrité même du
gouvernement qui est mise en doute.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plait! M. le
député de Laprairie, vous savez que je vous permettrai des
questions additionnelles, je vous demanderais, s'il vous plaît d'adresser
vos questions. Le préambule a été passablement long. Le
président a été tolérant, et je vous
reconnaîtrai pour des questions additionnelles. Alors, votre question
s'il vous plaît.
M. Saintonge: Ma question est la suivante: Quand l'enquête
publique aura-t-elle lieu dans cette affaire, M. le premier ministre?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, les efforts
du député sont méritoires pour essayer de donner une
fresque, mais j'ai trouvé plus équilibré, malgré
que ce n'était pas très plaisant à lire, ce qui a paru
dans la presse depuis quelques jours. Cela donnait, je pense, un
éclairage un peu plus complet.
Dans un instant, je vais demander à mon collègue
responsable du dossier de la fête nationale, le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche de répondre plus précisément
à la question et de dire ses intentions.
Personnellement, je dirai simplement ceci. Premièrement, tandis
que, en public heureusement, la fête a été
extraordinairement réussie, elle a été une catastrophe au
point de vue administratif, au point de vue budgétaire. Cela nous
révèle une chose, c'est qu'on ne peut pas continuer comme cela,
il faut un nettoyage, et il faut aussi qu'il y ait des contrôles
extrêmement sévères à supposer qu'on doive encore
consacrer des fonds publics è l'organisation de la fête.
Pour ce qui est du rôle de vendeur sous pression que j'ai
joué avec d'autres, c'est très simple, ce qui est arrivé.
Environ trois semaines avant la fête on s'est fait dire tout à
coup que sur la quinzaine de chars allégoriques qui avaient
été préparés pour relancer le fameux
défilé, la grande parade, si on veut, de Montréal. Il y
avait quand même un million de gens dans les rues de Montréal, je
pense que c'a été un succès. Mais il reste que seulement
trois de ces chars avaient trouvé des commanditaires. (10 h 40)
C'est vrai, on a décidé de l'essayer. Cela voulait dire
500 000 $ de déficit de plus, possiblement. Il y a des gens, à
Montréal, à qui on a demandé de faire leur effort, de
trouver des commanditaires et de les trouver le plus vite possible, avant qu'il
ne soit trop tard. Cela a réussi. Il paraît que là-dedans
s'est glissé quelqu'un qui a eu une commission de 100 000 $, un
dénommé Cusson. Je vous avoue que l'avoir su - on n'imagine pas
ces choses tant qu'on ne les a pas vues - j'aurais probablement établi
certaines conditions à notre concours.
Pour résumer - je ne veux pas étirer trop ce que j'ai
à dire - ç'a été mon rôle, avec quelques
autres, et je dois vous dire que je recommencerais si on était aux
prises avec le même problème. Pour ce qui est de l'ensemble de
l'organisation de la fête, et surtout de ce qu'il faut faire, sans
compter qu'il faut faire la lumière sur ce qui s'est passé, je
demanderais au ministre responsable du dossier de vous répondre.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Question additionnelle?
M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Lessard: M. le Président, je pense, comme le soulignait
le premier ministre, qu'à cause d'un tournant, cette année,
à la fois le défilé et la fête du Vieux-Fort, la
fête nationale a été un succès. Cependant, il y a eu
des événements que nous reconnaissons et que nous devrons
corriger.
M. Rivest: II nous sauve de la catastrophe.
M. Lessard: Maintenant, M. le Président, il faut dire
ceci.
M. Fortier:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Lessard: M. le Président, il faut dire ceci. Le
Comité organisateur de la fête nationale est un comité
à but non lucratif,
autonome...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Lessard: M. le Président, ce comité est
d'ailleurs autonome dans sa gestion quotidienne vis-à-vis du
gouvernement. Ce Comité organisateur de la fête nationale n'est
pas, non plus, fermé à la participation populaire. Dans chacune
des régions du Québec, dans quinze régions du
Québec, toute la population est invitée, à l'occasion
d'une assemblée générale, à former les
comités organisateurs dans ces régions. Quel que soit le parti
politique, les gens sont invités à venir voter pour former leur
comité organisateur. Ce n'est donc pas un comité fermé, le
comité national vient de toutes les régions du Québec et
cinq membres sont nommés par l'ensemble des régions du
Québec. Les libéraux, comme les péquistes, comme les
rouges, comme les bleus ont le droit de participer à la nomination des
gens au niveau du comité régional.
Ce n'est pas notre faute, M. le Président, si les
péquistes s'intéressent a la fête nationale du
Québec pendant que les libéraux s'intéressent à la
fête de la Confédération. Ceci ne veut pas dire que des
faits qui ont été relatés dernièrement dans le
journal La Presse doivent être passés sous silence. Il y a des
choses que je n'accepte pas et chacun de ces faits sera scruté et est
actuellement scruté. Un vérificateur a été
nommé, un comptable a été nommé et j'attends, d'ici
à la fin d'octobre, le rapport comptable sur ces faits, rapport qui sera
déposé à l'Assemblée nationale, comme chaque
année un rapport financier de la fête nationale est
déposé à l'Assemblée nationale. Rappelons-nous que,
l'an dernier, nous avons eu un surplus de 347 000 $.
En ce qui concerne l'enquête... C'est exact, M. le
Président, qu'au mois de juin dernier, quelques jours avant la
fête nationale, j'ai reçu, de la part d'un comité
regroupant les comités locaux de Montréal, une demande de mise en
tutelle du comité organisateur de Montréal, du comité
régional de Montréal. À ce moment, je lui ai
demandé de me donner des faits m'indiquant qu'il y avait malversation.
Or, je n'ai jamais reçu de réponse à cette question.
Est-ce que le Parti libéral...
Une voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lessard:... voudrait que nous enquêtions chaque fois
qu'un comité mécontent ou qu'un groupe de personnes
mécontentes signe une requête sans nous donner de faits
précis? Soyez convaincus d'une chose - en collaboration avec le ministre
de la Justice - si des faits nous prouvent qu'il y a eu malversation, la
justice poursuivra son cours.
Certaines mesures ont déjà été prises et
d'autres viendront, en particulier l'engagement du directeur
général qui, cette année, se fera par concours.
Deuxièmement, et tout le monde...
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lessard:... toute personne pouvait se présenter, et 53
personnes se sont présentées au concours.
En terminant, M. le Président...
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre, vous pouvez continuer maintenant.
M. Lessard: En terminant, M. le Président, les
représentants libéraux, lors de la dernière commission des
engagements financiers, m'ont posé un certain nombre de questions et, en
collaboration avec le président du Conseil du trésor, nous nous
sommes entendus pour que, vers la fin d'octobre, lors de la prochaine
commission des engagements financiers, je sois présent et je pourrai...
parce qu'il y a un certain nombre de faits et il ne faut pas prendre tous ces
faits à la lettre. Il y a un certain nombre de faits sur lesquels on
fait des vérifications et, vers la fin d'octobre, M. le
Président, on pourra répondre à toutes les questions, sans
pour autant excuser un certain nombre de choses qui ont été
faites et qui, j'espère, ne se renouvelleront pas l'année
prochaine.
Le Président: Question additionnelle, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais adresser une
question additionnelle au premier ministre. Il ne se le rappellera
peut-être pas, mais, s'il consulte le journal des Débats de juin
et juillet 1977, il verra que je lui posais des questions sur de soi-disant
anomalies qui se seraient produites dans l'organisation des fêtes de la
Saint-Jean. On disait alors que des fonds des fêtes de la Saint-Jean
auraient servi à l'organisation d'un congrès du Parti
québécois.
C'étaient des rumeurs, j'en conviens, mais j'avais quand
même soulevé le problème à trois reprises avec le
premier ministre. Et les réponses - ce serait intéressant que les
membres de la Chambre les consultent -ressemblent étrangement aux
réponses qu'on a aujourd'hui: Il ne faut pas faire des
enquêtes pour le plaisir d'en faire et on va demander au
Vérificateur général de voir ça bien en
détail, après qu'on aura eu un autre rapport qui, en fait, est ce
rapport annuel dans lequel les gens se trouvent en conflit
d'intérêts, quand il s'agit de juger leur propre administration
des fêtes nationales, enfin, d'un domaine comme celui-là. (10 h
50)
Ce que je demande au premier ministre, c'est ceci. Entre 1977, alors
que, déjà, il y avait eu un signal - dans quelle mesure il
était sérieux, je ne suis pas en mesure d'y répondre;
c'est au gouvernement de répondre - et les années qui ont suivi,
est-ce qu'on s'est inquiété de la façon qu'étaient
administrés des fonds qui étaient consacrés à la
fête nationale, des fonds qui sont allés en augmentant et qui
servent non pas une cause qui est légitime et à laquelle nous
souscrivons, mais qui servent à des fins partisanes? Je pense qu'on ne
peut pas se contenter des réponses du ministre du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche, alors que ceci est un problème qui semble
continuer depuis quatre années. Je voudrais demander au premier ministre
et réitérer la demande de mon collègue de Laprairie:
Est-ce qu'on aura une enquête impartiale, que ce soit celle du
Vérificateur général ou d'un autre, où les gens ne
seront pas en conflit d'intérêts? Tant que ce sera le gouvernement
lui-même qui est un gouvernement du Parti québécois, je
pense qu'on ne peut dire qu'on peut se contenter de rapports comme
ceux-là pour rétablir des faits; on n'aura jamais vraiment la
vérité et on continuera sur la même voie dans laquelle on
avait commencé il y a déjà quatre ans.
Une voix: Très bien.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais
répondre très brièvement d'abord à Mme la
députée en lui rappelant, ce qu'elle n'ignore pas, que les
allégations sur des fonds du budget de la fête nationale qui
auraient pu servir à être détournés, à toutes
fins utiles, pour servir à un congrès du parti... Je pense
qu'elle doit se souvenir que ce qui avait été écrit,
à ce moment-là, est allé devant les tribunaux et le
journal a été condamné à une amende et cela a
été arrêté là parce que cela n'était
pas vrai.
Pour ce qui est de faire enquête, ce dont on parle, je ne peux pas
vous donner une réponse plus claire que celle qu'a donnée le
ministre tout à l'heure. Si vous admettez qu'à la fois, à
la fin d'octobre - il faudrait que ce ne soit pas plus tard - on aurait le
rapport comptable, enfin, le rapport de vérification qui sera
déposé et il y aura aussi toutes les réponses qui pourront
être fournies à la douzaine de questions que l'Opposition a
posées déjà là-dessus, à partir de
là, on verra. Je ne vois pas pourquoi on décréterait une
enquête tout de suite. D'ici trois semaines à un mois environ, on
va avoir ce qui sera disponible. S'il y a lieu après de faire une
enquête, en conscience, on verra et je ne vois pas pourquoi on
hésiterait le moindrement si cela paraît indiqué, sans
compter les procédures là où cela serait indiqué
aussi.
Mme la députée a également évoqué des
années qui ont précédé. Je pense qu'il serait
normal qu'on permette à celui qui était responsable du dossier
pendant ces années-là - c'est assez récemment que le
ministre actuel du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a
été chargé de l'organisation, enfin, de la surveillance,
si on veut, de ce qui se passe dans ce domaine - mon collègue, le leader
parlementaire, qui était en charge du dossier et qui tient à
répondre ou à évoquer certaines choses, de me
succéder.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je voudrais d'abord dire que
j'ai été ministre responsable de la fête nationale de 1978
et de 1979. Mais, pour celle de 1977, je réitère
Mme la députée a peut-être raison d'évoquer
ce qu'elle avait elle-même soulevé à l'Assemblée,
mais elle a peut-être oublié la conclusion - qu'à ce
moment-là, le premier ministre avait nié ces faits. On ne s'est
pas contenté de les nier ici. Nous avons poursuivi - je ne me rappelle
plus qui, exactement, a poursuivi, je pourrais apporter l'information ou mon
collègue qui est responsable du dossier maintenant pourra la fournir
très bientôt - devant les tribunaux parce que c'était faux;
nous avons gagné notre cause devant les tribunaux et le journal en
question a dû verser une amende.
Ceci dit, pour montrer qu'à l'occasion, il y a de
l'exagération dans des pseudoaccusations ou des liens qu'on fait, je ne
veux pas dire que l'article et la série d'articles actuels sont du
même ordre d'un bout à l'autre, quoique je sois en mesure de dire,
pour la période qui me concerne, qu'il y a effectivement eu aussi des
exagérations, même s'il y a des faits aussi très
réels qui sont examinés à mesure.
Ce que je peux dire, en ce qui me concerne - puisque cette formule de la
fête nationale organisée par les différentes régions
a été mise en pratique pendant que j'étais le ministre
responsable de la fête -c'est que, quand je suis arrivé dans ce
dossier, j'ai pris le président du comité organisateur qui
était là; je n'en ai pas nommé un autre. Il était
là depuis 1975; il avait été nommé par
l'administration précédente; il m'apparaissait compétent;
je
l'ai gardé. J'ai gardé les deux permanents qu'il y avait
à la fête nationale; je ne les ai pas changés. Les deux
années où j'ai été responsable, comme ministre, de
la fête nationale, je n'ai embauché personnellement personne. J'ai
mis en place un conseil d'administration, cinq personnes nommées par le
Conseil des ministres, des personnalités qui ont accepté d'y
aller. Le reste du conseil d'administration, par le mécanisme
même, n'était pas du tout notre choix. C'étaient des
délégués que différentes régions
choisissaient et nous déléguaient. Je les ai rencontrés au
conseil d'administration une fois, lors de leur première réunion,
pour leur souhaiter bonne chance.
Toutes les décisions administratives, par la suite,
c'est-à-dire l'embauche de personnel, non pas permanent parce qu'il y en
a très peu, mais occasionnel, dans les quatre ou cinq semaines qui
précèdent la fête, c'est ce conseil d'administration qui
les prenait, qui choisissait entre les différents candidats.
J'affirme de ma place que je n'ai jamais recommandé quiconque au
conseil d'administration. Je ne me suis aucunement mêlé de ceux
qui étaient embauchés, ni au niveau des régions, ni au
niveau de l'administration nationale. Que certains des membres de mon parti et
de l'association de comté de Saint-Jacques aient postulé ces
postes et aient été retenus par le conseil d'administration que
je n'avais pas nommé et que je ne contrôlais pas, oui, c'est vrai.
Mais je n'y peux rien. Je ne peux pas interdire à ces gens de postuler
un poste vacant et pour lequel ils se pensent aptes. Certains avaient tort de
penser qu'ils étaient aptes à le remplir, effectivement, je le
reconnais, parce que lorsqu'ils se sont trouvés à ces postes de
responsabilité, ils ont manqué à l'efficacité que
cela nécessitait et cela a causé le problème de cette
année.
Je ferai remarquer que pour les trois années
précédentes, 1978, 1979 et 1980, non seulement on n'a pas eu de
déficit, mais lisez le rapport financier que vous avez entre les mains
et vous verrez que nous avons terminé et clôturé nos
états financiers avec un surplus. C'est la première année
qu'il y a eu un tel relâchement. Il est plus que regrettable. Les gens
qui sont incompétents à ces postes doivent être
changés, qu'ils soient membres de l'association du Parti
québécois de Saint-Jacques, de n'importe quel parti politique ou
de n'importe quelle association. Je ne changerai pas d'avis sur cette
question.
Je veux soulever un dernier point à propos d'une
exagération dans l'article, en ce qui me concerne. Quand on dit que des
membres de l'association du Parti québécois de Saint-Jacques
auraient été payés par le comité organisateur de la
fête sur le territoire de Montréal et auraient travaillé de
façon permanente à mon organisation électorale en 1981,
à ma connaissance, c'est le contraire qui s'est produit. Je suis
prêt à faire des vérifications, mais je me souviens qu'un
de ces membres, employé par la fête nationale à
Montréal, était aussi dans le comité d'organisation de mon
comté. On lui donnait des responsabilités dans l'organisation de
notre parti. Il nous a demandé de le libérer de ses engagements
partisans, parce qu'il ne pouvait pas les remplir, étant surcharge de
travail dans l'organisation où il se trouvait. C'est donc le contraire;
plutôt que d'avoir quitté la fête pour s'en aller dans
l'organisation, il nous a demandé de le libérer de notre
organisation parce qu'il ne pouvait pas cumuler les deux jobs. Nous avons
accepté et nous avons demandé à un autre militant de
prendre sa place. C'est un souvenir très précis que j'ai.
Qu'on me dise que ce soit le contraire, j'aimerais bien qu'on m'en donne
la preuve au-delà de l'affirmation.
M. Forget: M. le Président...
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Saint-Laurent.
M. Godin: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: M. le ministre de l'Immigration, question de
privilège.
M. Godin: Puisque le député de Laprairie...
M. Lalonde: Encore!... Les antichambres de ministre, qu'est-ce
que...
M. Godin:... a mentionné le cas d'un membre de mon
cabinet. Je confirme qu'effectivement, il a eu des vacances anticipées,
ce qui est une coutume universelle que toute entreprise, publique ou
privée, pratique couramment.
Donc, par conséquent, il n'y a rien là. Que la presse en
fasse une demi-colonne, je trouve cela absolument aberrant.
Le Président: Dernière et brève question
additionnelle, M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Étant donné le développement dans
la réponse du leader du gouvernement, vous me permettrez une certaine
liberté dont je n'ai pas l'intention d'abuser.
Nous venons d'assister à un plaidoyer. Si c'est un plaidoyer pour
celui qui parle et pour les collègues du côté
gouvernemental, il cherche à se transformer en jugement. C'est
exactement ce que ma collègue de L'Acadie disait tout à
l'heure. Dans cette affaire-là, il est évident que les ministres
impliqués par les décisions qu'ils ont assumées au titre
de la fête nationale, successivement ou conjointement, sont à la
fois juges et parties.
Des propos qui viennent d'être tenus, on doit retenir qu'on est en
face d'un problème où il n'y a pas seulement de la fumée,
mais également du feu. Des faits ont été admis. Comment
peut-on interpréter ces faits? Je pense qu'il n'incombe pas actuellement
aux ministres de se disculper eux-mêmes. Ils pourront plaider leur cause
devant un corps indépendant, devant l'Assemblée nationale si tant
est qu'il y ait des choses répréhensibles. (11 heures)
Je pense qu'il est tout à fait indécent de nous dire
aujourd'hui qu'un organisme que le gouvernement a nommé, qui
reçoit du gouvernement l'ensemble de ses fonds était par
après entièrement autonome dans les décisions qu'il a
prises et les nominations qu'il a faites.
Une voix: C'est une question complémentaire!
M. Forget: Je crois que nous devons avoir - et c'est ma question
- une enquête publique ou, au moins, dans les plus brefs délais,
un rapport du Vérificateur général comme début
d'enquête qui soit soumis à la commission des comptes publics.
J'inviterais le leader du gouvernement à donner suite, dans les plus
brefs délais, aux promesses qu'il nous a faites récemment en
commission parlementaire de donner à la commission des comptes publics,
dans des dossiers comme celui-là, justement, les moyens
nécessaires pour faire un travail impartial et en profondeur.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je n'ai pas saisi le point
d'interrogation qu'il y avait à la fin, j'ai aussi eu l'impression
d'entendre un plaidoyer, et c'est normal. Je vais répéter
simplement ceci, et c'est le ministre responsable du dossier qui l'a dit: S'il
y a quoi que ce soit, tout de suite, demain ou dans les jours qui viennent, qui
semble demander l'intervention du ministère de la Justice, une
enquête sur des faits, cela va être fait. Deuxièmement,
d'ici la fin d'octobre, vous aurez les réponses à la douzaine de
questions que vous avez posées. Troisièmement, il est
évident qu'on va avoir aussi la vérification initiale comptable
de ce qui s'est passé au point de vue des chiffres.
M. Forget:... rapport.
M. Lévesque (Taillon): Oui, d'accord, qui a quand
même été commandé à un bureau
réputé, extérieur au gouvernement.
M. Forget:... payé...
M. Lévesque (Taillon): Règle
générale, ces gens-là ne travaillent pas comme
bénévoles. Je voudrais quand même terminer en disant ceci.
Je suis prêt à accepter d'avance, avec la seule condition que cela
semble vraiment indiqué, la suggestion que vient de faire - on s'est
déjà servi de ce moyen et je crois qu'il est normal - le
député de Saint-Laurent. Le moindrement que cela paraîtrait
indiqué, on pourrait commencer tout de suite, vers la fin d'octobre,
aussitôt qu'on verra clair un peu nous aussi dans tout cela, par le
Vérificateur général qui, en général, aussi,
comme vous le savez, ne ménage pas le gouvernement -c'est son
rôle, d'ailleurs - quand il s'agit de nous dire nos
vérités. On verra à ce moment-là.
Le Président: Fin de la période des questions.
Affaires du jour.
M. le leader du gouvernement.
Reprise du débat sur la motion réclamant
que le gouvernement fédéral
renonce à sa démarche unilatérale
concernant la constitution du Canada
M. Charron: M. le Président, conformément à
la motion adoptée hier, nous devons reprendre le débat sur la
motion du premier ministre. Je crois que la parole était au
député de Vachon.
Le Président: M. le député de Vachon avait
demandé l'ajournement du débat. M. le député de
Vachon.
M. David Payne
M. Payne: M. le Président, ce n'est pas avec un
enthousiasme exagéré qu'il y a 114 ans le Québec a
décidé de partager l'actuel système fédéral.
Il s'agissait effectivement d'un risque calculé. Il s'agissait d'un
geste de bonne foi de la part des Québécois. C'est un peu pour
cela qu'aujourd'hui on est appelé à condamner l'approche actuelle
du gouvernement fédéral à Ottawa. C'est pour cela que nous
reprochons au gouvernement fédéral de bafouer les droits des
Québécois, lui qui se foute des droits linguistigues des
Québécois, du développement culturel des
Québécois. Ce même gouvernement d'Ottawa a montré
dernièrement, il y a même guelgues jours à peine, du
mépris pour la Cour suprême du Canada en refusant d'admettre une
distinction dans notre système constitutionnel entre les lois et les
conventions constitutionnelles, d'une part, et,
d'autre part, la séparation des pouvoirs -mais le partage des
pouvoirs aussi - entre le gouvernement fédéral et les
gouvernements des provinces.
Il a montré également du mépris envers le parti
d'Opposition en face de nous, il a montré du mépris envers le
Parlement de la Grande-Bretagne lorsqu'il a dit que la meilleure chose
était de se boucher le nez et de passer vite, retourner cela au Canada,
le "BNA Act". Je dois dire, en passant, que ce n'était pas un geste tout
à fait poli. Je dis en passant que nous avons dans les tribunes en haut
quatre parlementaires de Grande-Bretagne, et je les salue. J'aimerais
particulièrement parler de ces conventions constitutionnelles parce que
c'est en Grande-Bretagne que nos institutions actuelles et notre constitution
de BNA Act trouvent leur inspiration. En Angleterre, il faut s'en souvenir, il
n'y a pas de constitution écrite. Nous avons là-bas des lois
comme nous en avons ici, mais là-bas comme ici, normalement, il y a une
grande tradition qui respecte les conventions constitutionnelles. Ces
conventions constituent parfois une force plus vigoureuse que ia loi
même. Notons en passant que c'est le lieutenant-gouverneur qui demande au
chef du parti qui a qagné les élections de former le
gouvernement, qui lui, par force, devient premier ministre, mais selon la loi
cela aurait pu être n'importe qui.
En ce qui concerne la formation du gouvernement, c'est bien sûr la
majorité, mais si la majorité qui forme le gouvernement se voit
battue en Chambre sur une question importante et de fond, par exemple, sur le
budget - on a vu ça dernièrement avec le gouvernement Clark -la
convention, pas la loi, veut et même exige que le gouvernement
démissionne. Ce qu'on voit ici, effectivement, c'est une rupture avec le
passé, un mépris pour les traditions d'où le gouvernement
d'Ottawa trouve son inspiration. Il n'est pas besoin d'aller plus loin que la
British Constitution, que j'ai eu le plaisir de lire le mois dernier. On peut y
trouver toutes sortes de conventions constitutionnelles qui sont plus fortes,
plus impératives que la loi. J'aimerais bien envoyer une copie à
notre gouvernement d'Ottawa; deux copies, parce que je suis sûr qu'elles
ne se trouvent pas dans la bibliothèque, même en payant s'il le
faut. C'est le même mépris qu'il a montré justement pour le
rapport Kershaw publié dernièrement. Ce rapport ne vient pas de
nous autres, pas du gouvernement du Québec. Le contenu est clair, M. le
Président, et la conclusion est d'autant plus claire parce que ça
saute aux yeux. Ça dit: Minute Ottawa!
C'est un petit peu comme si M. Trudeau, le premier ministre du Canada,
décidait de jouer aux cartes avec ses amis, les partenaires des
provinces. Il joue, sort les cartes, les brasse et les passe. Il voit sa main,
il n'aime pas sa main, il n'aime pas les cartes. Il décide de tricher.
Alors, il triche. Il voit ça. Tout le monde joue, l'argent est sur la
table. La convention veut, M. le Président, pas la loi, que, dès
que ton argent est sur la table, tu le laisses là. Ce qu'il fait, il
joue. Il passe les cartes. Il joue et triche un petit peu. Tout le monde dit:
On est un peu abasourdi. Qu'est-ce qui se passe? Il se lève,
fâché. Il perd. Il ramasse la cagnotte et se sauve avant qu'on ne
sache où il est, il est déjà rendu à la banque. Il
se tourne vers nous et dit: Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce que c'est votre
problème? Minute, minute! Nous avons un problème actuellement
parce que lui change les règles du jeu lorsqu'il ne peut pas tricher.
Lorsqu'il n'est pas permis de tricher devant nos yeux, qu'est-ce qu'il fait? Il
sacre le camp. Il va à Londres, comme il l'a promis ce matin. Il a dit:
Je vais discuter avec Mme Thatcher. Mme Thatcher sera au courant de tout ce qui
se passe au Québec actuellement. Lui se trouve sur une plage de Fidji,
je ne sais où. Qu'il vienne chez nous au moins pour quelques jours, pour
qu'on puisse se serrer la main.
Il y a aussi une autre bonne tradition chez nous en Angleterre. Je suis
en mesure de le dire parce que je suis Québécois, mais d'origine
britannique. Lorsqu'on était jeune -on était beaucoup dans la
famille - on avait l'occasion parfois d'être invité par d'autres
familles, dans leurs maisons. Il n'y avait pas de loi, mais la convention, qui
était drôlement forte, nous obligeait à rester
jusqu'à la fin, et c'était long, c'était fatigant,
c'était tannant, mais il fallait rester nous autres, les enfants. Il ne
fallait pas trop parler, il fallait écouter, il fallait manger. Parfois,
on n'aimait pas trop le menu, mais on mangeait. Ce n'était pas la
meilleure chose pour la constitution, je dirais. (11 h 10)
Des voix: Ah! Ah!
M. Payne: Ce qui arrive, c'est que tu dis: Mais mon Dieu! M.
Trudeau nous invite à manger. On s'assoit autour de la table. On
s'assoit avec lui. On mange. On n'aime pas tellement le menu. On mange mal,
franchement, mais il ne faut pas trop le dire, parce que notre cuisine
québécoise n'est pas tout à fait la même. Je
l'apprécie moi-même aussi davantage ces derniers jours, mais ce
qui arrive, c'est qu'on s'assoit à la table et lui, à un moment
donné, dit: J'ai fini de manger, le repas est terminé. Il fiche
le camp. Il retourne à Londres. Il appelle Mme Thatcher et dit: Mme
Thatcher, j'aimerais manger chez vous. Il n'a même pas fini de manger
chez nous.
Des voix: Ah! Ah!
M. Payne: C'est sérieux. Je pensais à cela hier
soir et, franchement, je préfère, je pense - là encore,
depuis les derniers jours -peut-être qu'un jour, ce serait mieux de
manger chez nous. C'est ce qu'on disait quand on était enfant. Parfois -
on disait cela entre nous, les enfants, pas devant nos parents - c'est mieux de
manger à la maison. On mange mieux. On peut être nous-mêmes,
chez nous, dans notre maison.
En tout cas, ce n'est pas cela, le sens de la proposition d'aujourd'hui,
mais cela montre un peu le mépris de M. Trudeau lui-même envers
les Québécois, qui a triché devant les
Québécois, qui a promis ici, à moins que je n'aie mal
compris la situation, qui a triché en disant: Je vais renouveler votre
affaire, mais qui négociait quelque chose pour renouveler quelque chose
en prenant et en diminuant les pouvoirs et les droits des provinces. Les
Québécois ne seront sûrement pas prêts à
accepter cela. À ce moment-là, je pense que M. Trudeau devrait
revenir chez nous et négocier avec nous, mais il faut, avant que je
passe quelques mots à mes collègues en anglais - c'est important
aussi - souligner particulièrement l'importance du fair play dans la
grande tradition britannigue de laquelle s'inspirent, comme je le disais,
beaucoup de nos traditions canadiennes, mais la motivation et le manque de fair
play du fédéral ont été démontrés -
je m'en souviens très bien - lors des plaidoyers devant la Cour
suprême. L'avocat de la couronne - si je me souviens bien, il s'appelait
M. Robinette - arrive là et dit quelque chose comme cela, je l'ai
même devant moi: II n'était pas désirable, disait-il, que
la cour se prononce sur la question de l'existence d'une convention
constitutionnelle. Je comprends donc! L'écriture était sur le
mur. Il était prêt à parler de lois, mais pas de
convention. Une convention, c'est un pacte entre les deux parties. Cela ne veut
pas dire que l'une des parties ne peut pas changer les règles du jeu,
mais, à ce moment-là, ce n'est plus la même partie. C'est
vrai, M. Trudeau, ce n'est plus le même "deal". Il n'y a pas de "deal",
parce que tu triches et tu triches davantage les Québécois. C'est
ce que je trouve comme Québécois anglophone, mais
Québécois avant tout. Je trouve cela dégoûtant et
peu acceptable en notre Chambre et nous, les Anglais, les francophones, on a
tout à perdre avec la proposition qui est sur la table à Ottawa
aujourd'hui. C'est pour cette raison que cela ne m'étonne pas qu'hier,
on a vu le début d'un consentement unanime pour passer le message
à Ottawa. Il y a un ministre de la Justice qui se fiche
prétentieusement de la constitution. II se fiche de la tradition
britannique.
Une voix: Le ministre de la Justice fédéral.
M. Payne: J'ai été vraiment intéressé
hier par un long entretien avec les parlementaires britannigues. Là,
c'est important, les conventions.
Because it was not with any enthusiasm that we got into Confederation in
Québec and the contempt recently demonstrated by the prime minister of
Canada to the Supreme Court's decision, refusing to admit a formal distinction
between constitutional agreements and conventions, on the one hand and, on the
other hand, law was to me, Mr Speaker, a clear indication of a lack of respect
for our institution. All the more important because, a couple of hours later,
what he said was, through the voice of the Minister of Justice: The Opposition
of course is going to sleep in the same bed as the PQ. Again, a disrespect for
our own institution, a disrespect also for the Parliament of Great Britain:
Hold your noses, boys, and just pass it back. I am not too sure that the
Government of Mrs Thatcher is so guickly going to say no to the recommendation
of the Kershaw report which I will not go into. I am not too sure also that she
is going to find it too easy to say: We have nothing to do with the problem.
The very fact that Canada itself recommended that it should not be brought back
in 1931, if I remember, means in fact that one of the parties to the pact is an
outsider who does not want to be a member but in fact is part of the problem;
that is the problem that faces Westminster at the moment. And I am not too sure
that the Westminster Government will not say: Mr Trudeau, are you sure you have
done your home-work? And if you want to change the very nature of the
constitution, will you not first, as a préambule, admit the fact that
there are two parts to that constitution? The traditional part, which is so
very clearly laid out, talked about, spelled out, discussed in Britain and in
Canada for many many years. And what does the minister of Justice say? And I am
not too sure that the same message coming from Ottawa will not be the same that
is coming from Québec today and came from the Supreme Court three days
ago. The same message: Minute Ottawa, just a minute, hold it, let us down and
see what we are changing because it is a very easy idea and speciously easy to
sell, the idea that the constitution and that the so-called chart of human
rights is something which is good for everybody: It is good for the poor, it is
good for the elderly, it is good for the handicapped.
My contention, Mr Speaker, is that we have a better chart of rights
here, for example, and a better opportunity to protect all rights in
Québec than any federal government. But on the basis of the principle
itself, fine! Let us negociate it.
I am not too sure that Westminster too
will be too impressed by the fact that Mr Trudeau, first of all, in
scenario number 1, did not even want to go to the Supreme Court. And I am not
too sure that he will be impressed by the fact that the first reaction came one
hour after the judgment was brought down. I am not too sure that that same
Westminster Parliament should be impressed by the fact that they have walked
over the interest to the provinces to reach some kind of consensus, and a
consensus in a Confederation, according to the very notion implicit in the
idea, is that there is an agreement. If one party breaks that agreement, then
there is no longer, evidently, an agreement. But more important than that, it
is a different federalism under which we are living.
I was saying in French, a few minutes ago: It is like somebody that
shuffles the cards, plays the cards, puts some on the table, puts his money on
the table. That is a convention, there is no law that says you are going to
leave your money on the table until the end of the game. But that is what you
do, that is what a gentleman does, that is fair play, you play, you do not
cheat, you look at your hand and you play it. But not Mr Trudeau; he looks at
his hands, decides to cheat a little bit, he scoops the pool and he is off to
the bank before we had time to say bonjour. That is not the way - I suppose
they would say in Westminster: It is not cricket. And here we say: Gentlemen,
play ball. But be serious, play it seriously.
To conclude, I was telling the same idea, more seriously, but more
importantly also the fact that in Britain, a constitution is something other
than law. The very fact that the minister, for example, is named, in fact he is
named by the Crown, if I am not mistaken. There is no law. The leader of a
particular party is invited to form the government, just like he is invited the
resign if you get beaten on a question of principle, or the question of the
budget, like Clark was a few months ago, a year ago. That is constitutional
convention, and it is important. What the judges were saying the other day was:
Minute Ottawa! Hold it. Just a minute. Leave by that notion, that philosophy,
that spirit. It is more than a spirit, if you go against it, it is
unconstitutional. That is the crisis that we face. (11 h 20)
So, our recommendation to Mr Trudeau is that he should come home,
preferably not stop off in London on his way back, but should come back to
consult the provinces before he consults Mme Thatcher, before he tells her what
has been going on during his absence. We recommend that he sits down with us
and talks about some of the things contained in these important tomes because
they are not nursery rhymes, Mr. President. This is the basis of the
constitution that he intends to change. And I do not think that
Québécois, French or English, will be duped by that kind of
approach, because the result of that is one of two thinqs: Either we get
anarchy, in other words no basic constitution, or we get monarchy, Louis XIV.
"L'État, c'est moi", M. Trudeau. That is not really division because if
he wants to change something, well, we can live with it if it suits us as well.
We will settle for it.
We are becoming more and more incline to believe on all sides of this
House, I think, that Québec knows that its own way goes in a certain
direction, and we know best. I read and I read again this green paper or this
report from the Foreign Affairs Committee and all I can read is the same
message that the Québec Government has been putting out for the last two
years: Hold it, Ottawa, because the very nature of the constitution is its
risk. And if Quebecers feel gypped by the present situation, I wonder just to
what extent Westminster is going to say: It is the fault of Québec. Will
they not rather say: What is Québec's interest, what is Alberta's
interest, what is Manitoba's interest and what was the real interest 114 years
ago of those who wanted to develop this land? And we will answer for ourselves
here, in Québec, that we know who we are, what we are, where we are
going. We know what our aspirations are, we know what our hopes are. We know
what our potential is, and we have got some kind of humble feelings for the
future potential of Québec. We can do it, and we can do it with
ourselves, with the Opposition. We can discuss, we can build the Québec
that we know. But it cannot be discussed in Westminster and it cannot be
decided in Westminster. But Westminster can certainly do one thing, and I am
certain they will do it if ever, which I doubt, it will ever get to
Westminster, they will say: Just a minute, Ottawa. Have you really done your
homework, because we are not going to plunge Québec or the rest of
Canada into a worst mess than we presently have at the moment? Thank you.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
Question de privilège
Le dossier de la fête nationale
M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, je m'excuse auprès du
député de D'Arcy McGee; j'en ai pour une minute. C'est sur une
question de privilèqe. Je suis tout à fait malheureux d'avoir
très involontairement... Je tiens à m'excuser devant tous les
membres de l'Assemblée et, en particulier, auprès de
Mme Lavoie-Roux, à qui je viens de parler au
téléphone pour lui transmettre l'information que je
m'apprête à donner à la Chambre. Je me suis trouvé
à donner une mauvaise information tout à l'heure au sujet de la
poursuite qui avait été intentée par le Parti
québécois contre le journal La Presse, à la suite des
articles auxquels se référait Mme la députée de
L'Acadie. Il n'y a pas eu encore jugement en cette matière, il y a
toujours espoir d'un règlement hors cour. La poursuite est inscrite
depuis 1978, elle devrait donc être prochainement entendue devant la Cour
supérieure, c'est une poursuite en diffamation. Nous ne changeons pas
notre opinion, nous considérons toujours qu'il s'agit là d'une
diffamation, mais j'ai présumé, semble-t-il, et bien
involontairement, de la conclusion ou du tribunal, ou d'un éventuel
règlement hors cour en disant à la Chambre que c'était
terminé. Je m'en excuse.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee.
Reprise du débat sur la motion du premier
ministre
M. Hébert Marx
M. Marx: M. le Président, depuis le dépôt de
ce projet fédéral sur la constitution, en octobre 1980, j'ai
toujours dit, dans mon comté, à l'extérieur de mon
comté, à l'Assemblée nationale, partout, que ce projet est
invalide et inconstitutionnel. J'ai dit que le projet fédéral sur
la constitution contrevient au principe fédéral au Canada.
Ce principe est défini par le professeur Wreare, de
l'Université Oxford, dans son livre sur le fédéralisme
canadien. Il a écrit et je cite: "Dans un système
fédéral, chaque ordre de gouvernement est souverain dans sa
sphère de compétence, et un ordre de gouvernement ne peut pas
empiéter sur la compétence de l'autre ordre de gouvernement.
"
Cela veut dire, par exemple, que, si le service des postes au Canada
fonctionne mal, comme il fonctionne aujourd'hui, le Québec ne peut pas
établir de service postal, parce que celui-ci est de la
compétence fédérale exclusive. Dans un autre sens,
l'éducation est de la compétence exclusive des provinces, et le
gouvernement fédéral ne peut pas adopter de loi qui porte sur
l'éducation dans la province de Québec. Comme le gouvernement
fédéral suggère d'adopter des dispositions qui portent sur
l'éducation dans son projet constitutionnel, ces dispositions sont
inconstitutionnelles.
Dans leur jugement, les neuf juges de la Cour suprême ont
clairement dit que ce projet constitutionnel empiète sur les
compétences provinciales. Ils ont dit que ce projet
fédéral sur la constitution va réduire les pouvoirs des
provinces sans leur consentement. Les juges sont très clairs sur ce
point. J'aimerais citer un passage de leur jugement: "Le principe
fédéral est inconciliable avec un état des affaires
où l'action unilatérale des autorités
fédérales peut entraîner la modification des pouvoirs
législatifs provinciaux. Il irait vraiment à l'encontre du
principe fédéral qu'un changement radical de la constitution soit
décidé à la demande d'une simple majorité des
membres de la Chambre des communes et du Sénat canadien. "
Ce n'est pas la première fois que la Cour suprême du Canada
dit non à une action unilatérale du fédéral sur un
projet constitutionnel. En effet, en 1978, le gouvernement
fédéral a proposé dans un projet constitutionnel de
modifier le Sénat sans le consentement des provinces. À ce
moment, la Cour suprême a dit au gouvernement fédéral: Vous
ne pouvez pas procéder seul. Vous avez besoin du consentement des
provinces pour modifier la constitution canadienne dans ce sens. Il y a
quelques jours, la Cour suprême a dit: "C'est ce processus
unilatéral même qui va à l'encontre du principe
fédéral. "
La raison pour laquelle le projet fédéral est
inconstitutionnel est pour moi très simple. Si on veut modifier la
constitution, il faut respecter deux règles. Il y a,
premièrement, la règle qu'on trouve dans la loi écrite et,
deuxièmement, on a la règle qu'on trouve dans la loi non
écrite. Dans la loi écrite actuelle, il n'y a rien qui
empêche le fédéral de procéder comme il aimerait le
faire, et il n'y a pas non plus de disposition qui permette au
fédéral de procéder comme il aimerait le faire,
c'est-à-dire que la loi écrite est neutre. Mais la loi non
écrite, c'est-à-dire les conventions constitutionnelles,
empêche le gouvernement fédéral de procéder d'une
façon unilatérale dans la modification de la constitution. Cette
loi non écrite, qu'on appelle convention constitutionnelle, est, de
l'avis de la Cour suprême du Canada, parfois plus importante que la loi
elle-même, c'est-à-dire que la loi non écrite est parfois
plus importante que la loi écrite. (11 h 30)
Je vais vous donner deux exemples, M. le Président, pour vous
démontrer pourquoi la loi non écrite est parfois plus importante
que la loi écrite. Pour qu'un projet de loi devienne loi au gouvernement
fédéral, il faut que ce soit adopté, premièrement,
par la Chambre des communes, deuxièmement, par le Sénat et il
faut que le projet de loi soit signé par le gouverneur
général. Cela prend ces trois institutions avant de pouvoir avoir
une loi valide.
Mais supposons que le gouverneur
général se lève un jour et dise: Aujourd'hui, je ne
veux pas signer les projets de loi du gouvernement. Il n'y a rien dans la
constitution qui puisse le forcer à signer ces projets de loi. Les cours
ne peuvent pas ordonner au gouverneur général de siqner ces
projets de loi, mais il y a une convention constitutionnelle qui veut que,
quand un projet est présenté par la Chambre des communes et par
le Sénat, le gouverneur général signe toujours. Mais ce ne
sont pas les tribunaux qui administrent cette loi non écrite, c'est une
convention constitutionnelle qui est toujours respectée au Canada.
Un deuxième exemple. Supposons que le gouvernement
fédéral demande à la Cour suprême du Canada: Le
gouverneur général peut-il dissoudre le Parlement et prendre tout
le pouvoir pour lui-même et, en fait, peut-il agir en tant que dictateur?
La Cour suprême va vérifier la constitution canadienne, va
vérifier l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et la Cour
suprême va dire: Mais, dans la constitution canadienne, les règles
écrites veulent que ce soit le gouverneur général qui
détienne tout le pouvoir. C'est la règle écrite. Mais la
règle non écrite va dans le sens que le gouverneur
général ne détient en fait que très peu de pouvoir
et qu'il agit toujours sur l'avis du premier ministre.
Notre système démocratigue repose sur le respect des
conventions constitutionnelles. Je répète - je pense que cela
mérite d'être répété - que la Cour
suprême du Canada a statué que le projet fédéral est
inconstitutionnel. Six juges sur neuf étaient de cet avis et les trois
juges du Québec étaient de cet avis avec la majorité. Il
faut souligner qu'une convention constitutionnelle lie les deux ordres de
gouvernement; la convention constitutionnelle lie le gouvernement
fédéral et la convention constitutionnelle lie les gouvernements
provinciaux. Un de ces gouvernements ne peut pas dire: Aujourd'hui, j'ai
décidé que la convention constitutionnelle ne me lie pas.
En tant que professeur de droit constitutionnel, en tant que
député à l'Assemblée nationale, je ne peux que
m'opposer à ce projet fédéral, projet juqé
inconstitutionnel par la Cour suprême du Canada. Le peuple canadien, le
peuple québécois veut que ses leaders politiques s'entendent. Il
me semble que le gouvernement fédéral et les gouvernements
provinciaux doivent reprendre leurs discussions et ils doivent trouver une voie
commune, une voie pour rapatrier la constitution canadienne sans
délai.
Mr Speaker, the Supreme Court of Canada decided, by a six to three
majority, that the Federal Constitutional Package is unconstitutional. Why? The
Supreme Court said that to modify the Canadian Constitution, one has to respect
a double rule. There is the written rule and there is the unwritten rule. The
written rule, the law, does not permit, does not, I should say, prevent the
Federal Government from sending the constitutional package to London. The
written law however does not permit the gouvernment to send its contitutional
package to London. The written law is neutral on this point.
However, the unwritten rule, the constitutional convention that is in
force in Canada at this time prevents the federal government from acting in a
unilateral fashion to repatriate and modify the Canadian constitution.
The Supreme Court of Canada said that this constitutional convention is
more important than the written law, because if constitutional conventions are
not respected in our democratic system, really our whole system would fall
apart and we would be living in another type of system.
Let me give you two examples. There is nothing in the British North
America Act that says that the Governor General must sign a bill that has been
adopted by the House of Commons and the Senate. He could very well refuse. We
could wake up one morning and say: I am not signing any bills today; or he can
simply say: I do not like that particular bill, therefore I am not going to
sign and therefore that bill will never become law.
However, there is a constitutional convention which requires that the
Governor General sign a bill that has been adopted by the House of Commons and
the Senate. There is nothing in the BNA Act that says that he has to sign such
a bill, but a convention of the Constitution that has always been respected in
Canada requires that be so act.
Another example. Suppose that the federal government would ask the
Supreme Court whether or not the Governor General can dissolve Parliament and
exercise all government authority on his own. Well, if the government asks the
Supreme Court that question, the Supreme Court would look at the BNA Act and
would simply find that the head of government in Canada is the Queen or the
Governor General; it would find that in Canada, all power is exercised by the
Governor General. It would say: yes the Governor General can dissolve
Parliament, the Governor General can act as a dictator, the Governor General by
virtue of the BNA Act can be the dictator of Canada. But it would also have to
add that there is the constitutional convention in force in Canada, an
unwritten rule, stronger than the written rule which would prevent the Governor
General from acting in that fashion. We have to respect those unwritten
rules.
As the constitutional lawyer, as a professor of constitutional law and
as a
member of this House, I must oppose the federal constitutional package
judged inconstitutional by the Supreme Court of Canada. I am joining members in
seven other provincial Legislatures from all parties who have voted similar
measures. In fact, the Québec Liberal Party played a leading role and a
large part in drafting the motion that it is now before this House.
Both parties in this constitutional dispute must give a bit. The federal
government must make certain concessions and the provincial governments must
make certain concessions. There must be a compromise so that we can bring home
the Canadian constitution without undue delay.
Etant donné ce que je viens d'exposer, il va sans dire que je
voterai pour la motion devant la Chambre.
M. le député de Sauvé mon ancien collègue
à l'université de Montréal, vous avez posé la
question, mais en novembre 1980... D'aucuns peuvent se poser cette question;
Pourquoi le Parti libéral n'a-t-il pas voté avec le gouvernement
à cette épogue? La différence entre novembre 1980 et
aujourd'hui est très simple. En novembre 1980, le caucus, votre caucus
n'a pas voulu accepter les amendements à la résolution que le
premier ministre lui-même a acceptés.
Nous avons proposé les amendements, le premier ministre a
accepté ces amendements, votre caucus, vos radicaux n'ont pas voulu que
le premier ministre accepte nos amendements, donc c'était impossible
pour nous de voter pour une résolution sur laquelle nous n'étions
pas d'accord. (11 h 40)
Aujourd'hui, la situation est tout à fait différente parce
que ce n'est pas vous qui avez rédigé la motion qui est devant
cette Chambre, c'est plutôt nous qui l'avons rédigée, et
c'est pourquoi nous allons voter pour. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, je voulais vous interrompre parce qu'il y a une
interférence dans le micro. C'était dans ce but que je me levais,
non pas pour vous empêcher de terminer votre intervention.
M. Marx: Je vais reprendre seulement ma réponse au
député de Sauvé pour que ce soit très clair, parce
que le député de Sauvé m'a demandé: Pourquoi
n'avez-vous pas voté pour la motion en novembre 1980? Ma réponse
est bien simple, nous avons proposé des amendements à la
motion...
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a du boycottage.
M. le député, nous avons demandé de vérifier
d'où provient cette interférence, mais je vous permets de
continuer.
M. Marx: Pour la...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Pour le moment, nous
allons suspendre quelques instants pour essayer de trouver la source de ce
bruit.
(Suspension de la séance à 11 h 42)
(Reprise de la séance à 11 h 46)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît! Nous pouvons reprendre nos travaux, la source du bruit
étant maintenant découverte et arrêtée. M. le
député de D'Arcy McGee, si vous voulez bien terminer votre
intervention.
M. Marx: Oui, j'espère que cette fois ce sera possible de
compléter mon intervention.
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est réglé,
on a arrêté les travaux.
M. Marx: J'espère que le ministre des Travaux publics et
le ministre des Communications sont à leur travail.
Je veux répondre à une question qui a été
posée par le député de Sauvé. Il m'a demandé
pourquoi nous n'avions pas voté pour la résolution en novembre
1980. Ma réponse était bien simple mais, comme ce sont des
têtus, de l'autre côté de la Chambre, j'aimerais la
répéter.
En 1980, nous étions prêts à voter sur la motion
déposée par le gouvernement, mais nous avons apporté
certains amendements. Le premier ministre lui-même, ici, a dit au chef de
l'Opposition officielle: Je suis prêt à accepter ces amendements,
mais le soir il a eu une rencontre avec son caucus et les radicaux
d'arrière-ban ont dit: M. le premier ministre, ne faites pas ça.
Vous connaissez le résultat, le premier ministre est revenu le lendemain
et il a retiré les paroles qu'il avait dites la veille. Donc,
c'était impossible pour nous de voter sur une motion avec laquelle nous
n'étions pas d'accord.
Mais, cette fois-ci, ce n'est pas la motion du gouvernement, parce que
c'est l'Opposition officielle qui a rédigé en grande partie cette
motion. Donc, étant donné que c'est notre motion, c'est bien
facile de voter en faveur de cette dernière. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député. M. le ministre des Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je ne pourrai
malheureusement pas être en Chambre demain midi à l'occasion du
vote,
en raison de la conférence fédérale-provinciale des
ministres des Finances qui va se tenir à Ottawa. Cependant, en partie
à cause de ça, j'ai pensé dire quelques mots sur le
débat engagé autour de la proposition présentée par
le premier ministre.
Je dois dire d'ailleurs que je n'ai pas du tout de compétence
particulière dans le domaine du droit constitutionnel, comme celui qui
m'a précédé - lui en a une, et une sérieuse - ou
comme mon voisin de droite, le vice-premier ministre. J'aborde donc cette
question comme un non-instruit, peut-être, mais peut-être aussi au
nom de tous ceux qui ont été à l'école, ont appris
à l'école comment fonctionnait leur système politique. J'y
suis allé à l'école, moi, à un moment où le
Parti québécois n'existait évidemment pas, où on ne
parlait pas d'indépendance du Québec et où la
souveraineté, quand on en parlait, avait un sens bien particulier. On
nous disait, à tous ceux qui apprenaient l'histoire sur les bancs de
l'école, que, dans certains domaines, le gouvernement
fédéral était souverain. (11 h 50)
Dans ce sens-là, le terme "souveraineté" permettait
d'expliquer la constitution canadienne et notre système de gouvernement.
On nous disait: Dans la défense nationale, le gouvernement
fédéral est souverain; dans les affaires
étrangères, il est souverain. Au contraire, pour ce qui a trait
à la langue, aux écoles, au droit civil, ce sont les provinces
qui sont souveraines.
Depuis 1931, depuis le traité de Westminster, on se disait: Les
Britanniques n'ont plus rien à voir avec cela. D'autre part, ces
souverainetés dont je viens de parler sont, pour employer un mot
à la mode, enchâssées dans la constitution. Cela ne peut
pas changer autrement que par accord entre les participants.
Vous voyez, M. le Président, je ne cherche pas ici - comment
dire? - à entrer dans des termes très légaux. C'est cela
qu'on a appris. Nous, comme Québécois, on tenait pour acquis que
ce document qu'était la constitution, effectivement, nous
protégeait sur certains plans. Quand, de temps à autre, il y
avait des empiétements, comme on disait autrefois, du gouvernement
fédéral dans des champs de compétence et de
souveraineté provinciales, on comprenait tout naturellement que les
premiers ministres du Québec qui se sont succédé et que
l'Assemblée nationale protestaient en disant: Ce que vous faites est
illégal; vous n'avez pas le droit d'entrer dans ces champs puisque la
constitution nous les réserve. Encore une fois, le point de vue que
j'exprime ici, c'était le point de vue des non-instruits, si on veut,
sur le plan constitutionnel, mais on s'entendait à peu près tous
là-dessus.
C'est dans ce sens, M. le Président, que la décision de la
Cour suprême, lundi, personnellement, m'a bouleversé. J'ai appris,
lundi, des choses que je ne savais pas du tout. On m'a dit, lundi, dans un
premier temps, que, bien sûr, il y a des conventions constitutionnelles,
que ces conventions constitutionnelles ont une grande importance, que le
gouvernement fédéral, en violant ces conventions, se conduit
d'une façon abominable, mais on ajoute: C'est légal. À
partir du moment où j'apprends, lundi, comme beaucoup de citoyens, que,
légalement, le gouvernement fédéral a le droit de faire ce
qu'il veut faire, tout à coup, des perspectives complètement
nouvelles apparaissent. Ce n'est plus le pays dont on m'avait parlé
depuis que je suis petit gars. C'est tout à fait autre chose. À
la limite, on aurait donc vécu dans une sorte de
fédéralisme par inadvertance. C'est-à-dire que, si un
gouvernement fédéral, il y a dix ans ou quinze ans, avait voulu
procéder de la même façon et, pourquoi pas, abolir les
provinces...
Ce n'est pas aberrant ce que je dis. Un juge de la Cour suprême a
posé la question au procureur du gouvernement fédéral en
disant: Voulez-vous dire, dans votre démonstration, que, si le
fédéral voulait abolir les provinces, légalement, il
pourrait le faire? Oui, dit le procureur. Attention! Ce n'est pas du tout le
genre de fédéralisme qu'on nous avait raconté. Il a tenu
tant que les conventions étaient respectées et, un bon jour, un
gouvernement fédéral, pour les motifs qu'il a, décide
qu'il refuse d'obtempérer, qu'il refuse ces conventions et que,
légalement, il a le droit de changer cela. Je vous avouerai que j'ai eu
un choc et j'imagine que beaucoup de gens l'ont eu aussi.
Évidemment, on nous dit: Londres va peut-être arrêter
cela. Et beaucoup de gens souhaitent que Londres arrête cela. Mais,
là encore, je suis profondément bouleversé par une
conclusion comme celle-là. D'abord, c'est terriblement embarrassant, je
le reconnais, pour le gouvernement de Londres de s'immiscer dans ce genre de
processus; eux qui, depuis 32 ans, n'ont plus rien à voir avec l'usage
de la langue urdue aux Indes ou avec l'usage du swahili en Afrique orientale,
on leur demande, à la fin du XXe siècle, de déterminer
à quelles conditions la langue française sera utilisée au
Québec. Faut le faire.
J'avais pensé que le traité de Westminster nous
dégageait de l'intervention de ce qu'il faut bien appeler l'ancienne
puissance coloniale. Il y a probablement peu de gens, dans cette
Assemblée nationale, qui ont le degré de sympathie que je peux
avoir pour les Britanniques. Je pense les connaître pas mal, j'ai
vécu chez eux longtemps, mais de là à me faire dire en
1981 qu'ils pourraient refuser d'obtempérer à ce que le Parlement
canadien lui demande, ça me
paraît énorme.
Je comprends que c'est commode, mais c'est quand même
énorme. Ce qu'on nous dit, en somme, c'est que, comme
Québécois, nous pouvons, soit être manqés
grillés à Ottawa ou bouillis à Londres. Mais une chose
apparaît clairement, c'est que légalement, on n'est pas dans le
coup. Il y aurait donc des gens à Ottawa qui présenteraient des
propositions et des gens à Londres qui les accepteraient avec sympathie,
hésitation, en se bouchant le nez ou en le gardant ouvert.
Et nous, là-dedans? Le peuple du Québec...
L'Assemblée nationale, où est-elle là-dedans? Elle
passerait son temps à des jérémiades en disant: Mais c'est
affreux, il y a des gens qui ne jouent pas selon les règles, il y a des
gens qui refusent des conventions. Que c'est dommage! Parce que c'est dans
cette situation qu'on nous a placés. Ce ne serait plus, depuis lundi,
légalement, de la compétence du gouvernement du Québec de
déterminer un certain nombre de choses fondamentales à
l'égard de la langue et de l'éducation.
Je voudrais, à cet égard, M. le Président, revenir
sur une conversation que j'ai eue il y a quelques mois avec un journaliste
très connu de notre milieu, dont les allégeances politiques sont
aussi très connues. Il me disait: Mais c'est effrayant ce qu'Ottawa est
en train de faire. Je lui réponds: Enfin, cher ami, vous encensez Ottawa
depuis dix ans. Il dit: Oui, mais regardez les conséquences des qestes
d'Ottawa sur la loi 101. C'est insensé. J'ai dit: Cher ami, depuis trois
ans, vous dites dans tous vos éditoriaux que la loi 101, c'est une
ordure. Il dit: Oui, mais c'est notre ordure. C'est tout à fait
fondamental.
Cet homme, qui est un adversaire acharné du gouvernement au
pouvoir reconnaît cependant, ou reconnaissait jusqu'à lundi, que
la question d'utilisation de la langue française, que les écoles
sujettes aux limitations qui sont dans la constitution actuelle, que toutes ces
questions relevaient de l'Assemblée nationale du Québec.
Il rêvait sans doute au jour où son parti politique
prendrait le pouvoir. C'est parfaitement légitime. Il rêvait du
jour où son parti politique changerait la loi 101. C'est parfaitement
légitime. Mais dans son esprit, c'est ici que cela se faisait. Et,
depuis lundi, on nous dit que, légalement, ça pourrait se faire
ailleurs.
Dans ces conditions, M. le Président, il était
inévitable que l'Assemblée nationale se réunisse, soit
rappelée, il était inévitable qu'on ait devant nous la
proposition que nous avons. Nous ne pouvons pas perdre notre temps en
jérémiades. L'Assemblée nationale n'est pas un mur des
lamentations.
Nous avons à affirmer que nous n'accepterons pas cette
façon unilatérale de procéder. Nous avons, en somme,
à réaffirmer les pouvoirs des élus du peuple
québécois à l'Assemblée nationale du Québec
sur un certain nombre de dispositions, sur une façon de vivre, sur un
certain nombre de droits qui sont ceux du peuple québécois.
Il y en a qui nous disent maintenant: Retournez négocier. Des
négociations avec le gouvernement fédéral, M. le
Président, il y en a de tous les genres.
Je suis, par exemple, impliqué à l'heure actuelle dans des
négociations avec le gouvernement fédéral pour les
nouveaux arrangements fiscaux, qu'on traduit d'ailleurs parfois en
français par les accords fiscaux fédéraux-provinciaux.
Drôles d'accords! Il s'agit d'une loi fédérale. Le
gouvernement fédéral l'amende comme il veut. Les
négociations se poursuivent dans le cadre suivant. Nous, du gouvernement
fédéral, vous écoutons, les provinces. Nous sommes
prêts à recevoir vos suppliques et quand nous avons reçu
suffisamment de suppliques, nous nous considérons comme suffisamment
informés et nous présentons un projet d'amendement aux
arrangements fiscaux à la Chambre des communes. C'est une forme de
négociation avec Ottawa. (12 heures)
Si, sur le plan constitutionnel, c'est ce qu'on nous demande, il n'en
est pas question! Nous n'allons pas nous transformer en pleureuses pour aller
à Ottawa leur dire que, vraiment, ne pas respecter les conventions, ce
n'est pas qentil! Retourner négocier à Ottawa, dans le sens de la
proposition que nous avons devant nous, implique donc qu'Ottawa reconnaisse
l'existence de ces conventions et accepte de s'y soumettre, de continuer
à s'y soumettre comme il l'a fait jusqu'à maintenant. Autrement,
les demandes qu'on nous fait pour aller négocier sont des demandes de
bavardaqe.
Il est donc important, comme le dit la proposition que nous avons devant
nous, que le gouvernement fédéral accepte, dans ce cas, de
reconnaître que les conventions existent. Dans la mesure où,
effectivement, le gouvernement fédéral reconnaît cela, il
n'y a pas de raison qu'on n'accepte pas, dans un cadre connu, de poursuivre des
négociations dont on sait d'ailleurs à quel point elles sont
difficiles.
On nous suggère depuis quelques jours, de façon instante,
de faire des compromis. Mais entendons-nous. Il y a des choses sur lesquelles
on peut faire des compromis, comme toute personne raisonnable, mais il y a
d'autres choses sur lesquelles on ne peut pas faire de compromis. Il est
évident, par exemple, que sur le plan de la langue et des écoles
on ne peut pas nous demander certaines choses. On se trouve un peu dans la
situation du bonhomme dont le voisin convoite sa femme. On dit: Faites donc un
compromis. Le compromis serait: Je te la passe une fois par semaine. Ce n'est
pas un
compromis! Si c'est ce genre de compromis qu'on nous demande, la
réponse est claire, c'est: Non!
Demandons sérieusement au gouvernement fédéral s'il
respecte les conventions et, dans la mesure où il est prêt
à les respecter, bien sûr, il y a un certain nombre de choses qui
peuvent donner lieu à des explications ou, en tout cas, à une
amorce de négociation pour qu'on puisse voir si vraiment ça vaut
la peine. Je pense qu'il faut pratiquer l'exercice de bonne foi et, à
cet égard, ce paragraphe de la résolution ne me choque
aucunement.
Il est clair que dans l'état actuel des choses, devant ce danger,
à mon sens, critique que crée la décision de la Cour
suprême depuis lundi, nous avons une sorte de tâche sacrée:
Faire en sorte, comme représentants du peuple québécois,
qu'on prenne les mesures nécessaires pour que ce coup de force n'ait pas
lieu, pour que ce coup de force n'atteigne aucunement ces droits fondamentaux
du peuple québécois dont tous les Québécois ont
conscience et dont, jusqu'à maintenant, ils avaient tous
considéré que fondamentalement ils en étaient les
détenteurs, les propriétaires et cela, à vie.
Cette tâche, nous avons continué à l'assumer depuis
le débat d'hier soir. Je tiens à dire toute la profonde
admiration que j'ai eue hier soir pour le débat tel que
présenté d'abord par le premier ministre et, ensuite, par le chef
de l'Opposition. Il y a peu de moments, dans l'histoire de l'Assemblée
nationale, où nous pouvons laisser de côté nos luttes non
seulement légitimes, mais nécessaires, pour essayer de
défendre les intérêts fondamentaux de la patrie. Nous le
faisons actuellement et je pense que le peuple québécois peut
trouver dans son Assemblée nationale l'expression à la fois de
ses besoins et de ses aspirations les plus fondamentales. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Charlevoix.
M. Raymond Mailloux
M. Mailloux: Tantôt, j'écoutais les paroles
d'introduction de l'honorable ministre des Finances qui se plaignait de n'avoir
pas toute la compétence de son voisin de droite. Si je me
réfère aux difficultés qu'il doit surmonter en ce moment,
je me demande si je ne dois pas simplement penser à l'expérience
que la vie m'a apprise dans le but d'intervenir dans un débat aussi
vital pour le Québec. J'espère le faire avec le moins de
démagogie possible, m'en tenant strictement, non pas à des
attaques à l'endroit de l'un ou de l'autre, mais à la
connaissance que j'ai du problème. Au cours des 19 années que
j'ai siégé dans cette Chambre, j'ai pu me rendre compte de ce qui
se passait à travers l'ensemble des discussions qu'il y a eu, à
travers tous les régimes politiques qui ont présidé aux
destinées du Québec dans ce régime
fédéral.
M. le Président, depuis bientôt 20 ans, j'ai l'insigne
honneur de représenter dans cette Assemblée la population de
Charlevoix, citoyens québécois qui sans exception ou presque,
devrais-je dire, sont des parlant français. J'aurais souhaité que
mon action durant cette période fut plus bénéfique qu'elle
ne l'a été en fait. Ils en avaient tellement besoin. Je n'ai pas
la prétention de ne m'être jamais trompé. Loin de
là. Quand c'est arrivé, je présume, comme le disait
tantôt mon collègue de D'Arcy McGee, il devait y avoir des
circonstances atténuantes. Lors de la dernière campagne
électorale, dans Charlevoix comme à travers l'Est du
Québec et le Québec métropolitain, s'il y a un sujet sur
lequel je me suis particulièrement étendu, c'est celui du
problème constitutionnel et de la position du Parti libéral du
Québec d'aujourd'hui et de celle qui fut la sienne à travers les
deux dernières décennies ou presque, les quatorze ans dont j'ai
été particulièrement témoin.
Quand je constate, M. le Président, à travers le
Québec le plus typiquement français les résultats que nous
avons obtenus le 14 avril dernier, force m'est de constater que l'assurance que
nous donnions à nos concitoyens en tant que fédéralistes
de la défense que nous prendrions de nos droits face à toute
intrusion du gouvernement fédéral qu'on a mis en doute notre
capacité de nous démarquer. Et s'il y a sur la scène
fédérale des gens qui ont parié dans cette optique, ils
connaissent très mal la conception que sous-tend la politique du Parti
libéral du Québec, même partageant l'option
fédéraliste. C'est d'ailleurs de ces vues dont le
député d'Argenteuil a traité en partie dans son
intervention.
M. le Président, quelle fut depuis les années soixante
l'action du PLQ et d'un autre parti fédéraliste qui entre 1966 et
1970 ont présidé aux destinées du Québec? Je disais
durant la campagne électorale ma fierté d'être
libéral et la raison à l'appui de cette prétention. J'ai
alors donné des exemples de certaines actions qui dans le respect des
compétences de chacun se sont déroulées et des prises de
position que, face au gouvernement fédéral, il nous a fallu
prendre et qu'il a fallu que Daniel Johnson et Jean-Jacques Bertrand prennent.
En prenant mes notes, M. le Président, on me permettra en deux ou trois
minutes de faire quand même une rétrospective de ce régime,
en respectant les compétences de chacun, en dialoguant et parfois dans
des affrontements assez violents, gestes qui ont été posés
et qui aujourd'hui sont, je pense, assez bénéfiques pour
l'ensemble des Québécois de toute expression. Qu'il me suffise
de
mentionner qu'au moment où, tout de suite après soixante,
le régime de rentes fédéral a été
institué, le Québec lui-même s'est soustrait à cette
obligation et a mis en place son propre régime de rentes et la caisse de
dépôt qui a suivi. Qu'on se rappelle également dans les
débuts des années soixante toutes les formules d'"opting out" qui
ont été négociées avec le gouvernement central. Le
gouvernement du Québec a pu par cette formule aller de l'avant dans des
champs de compétence qui lui étaient reconnus par la
constitution. (12 h 10)
Je pense qu'on pourrait également se rappeler les
prémisses qui avaient été posées par l'honorable
Paul Sauvé précédemment, dans le domaine universitaire, et
que les gouvernements successifs ont améliorées par la remise de
points d'impôt qui ont permis au Québec, dans un domaine qui lui
était spécifique, de bien voir à ce que ces sommes qui
étaient accordées par le fédéral soient
dépensées de la façon déterminée, par le
gouvernement provincial. On se rappelle également le régime des
allocations familiales fédérales et on se rappelle le
régime d'allocations familiales typiquement québécois qui
a également été mis en place.
M. le Président, devrais-je rappeler également qu'au cours
de l'année 1970, je pense, l'assurance-maladie qui avait des normes
fédérales qui permettaient aux provinces... Je pense que les
critères qu'on a mis en place, à ce moment-là, ont permis
au Québec d'avoir à peu près le régime qui a
été qualifié, je pense, par un juge - je ne sais pas si
c'est le juge Hall - d'à peu près le meilleur régime
possible. M. le Président, sous le règne du dernier premier
ministre libéral, M. Bourassa, dans des circonstances qui auraient pu
être semblables à celles que l'on voit présentement, c'est
devant la possibilité ou l'éventualité d'un qeste
unilatéral qu'à Victoria, le premier ministre Bourassa a
apporté une fin de non-recevoir à un geste qui pouvait
compromettre les compétences du pouvoir provincial.
M. le Président, je pense que de tels exemples prouvent quand
même hors de tout doute que, quand deux ordres de gouvernement veulent
dialoguer dans le respect des compétences de chacun, il y a une
possibilité de faire progresser ce régime. Des exemples
récents avec l'Alberta et la Colombie britannique, dans des domaines
aussi importants que l'énergie, prouvent, tel que le disaient, à
la suite du jugement de la Cour suprême, certains analystes, que c'est
peut-être pièce à pièce qu'il nous faudra aller de
l'avant dans la réforme de la constitution et des ententes
fédérales-provinciales. Je pense que ce sont des exemples qui
prouvent quand même que, quand il y a un peu de bonne volonté des
deux côtés de la médaille, il y a possibilité
d'aller de l'avant.
M. le Président, j'en arrive au vote que nous serons
appelés à donner d'ici demain. La Cour suprême, le plus
haut tribunal du pays, que personne ne pourra cette fois qualifier de tour de
Pise, je pense, s'est prononcée et je ne sache pas que qui que ce soit
veuille mettre en doute sa compétence, la profondeur du jugement qui a
été rendu et le soin qu'on a mis à préparer ce
jugement. M. le Président, premièrement, la compétence des
provinces et leurs pouvoirs sont-ils affectés par ce rapatriement
unilatéral? La réponse qui fut donnée ne prête pas
à discussion, c'est neuf à zéro. Ce geste est-il
légal? Tantôt, le ministre des Finances, évidemment, l'a
peut-être gualifié, mais la réponse de la Cour
suprême, c'est oui. Est-il constitutionnel? La réponse est non. Il
est inconstitutionnel dans son ensemble, en vertu des conventions.
M. le Président, au moment où je serai appelé
à voter comme député du Québec, représentant
non pas uniquement une majorité de francophones de Charlevoix, mais
représentant, aussi à l'intérieur du Parti libéral,
une majorité de francophones en cette terre d'Amérique,
devrais-je être influencé par ce que j'ai déjà
appelé ma répugnance à faire lit commun avec une formation
politique dont l'option est à l'opposé de mes convictions?
L'honorable député de D'Arcy McGee a donné tantôt
une réponse. Je ne voudrais même pas donner une réponse
à cette interrogation. Cela donnera-t-il des arguments à l'option
de ceux que nous combattons et qui sont de l'autre côté de la
Chambre? Je pense que ce n'est pas le moment de me poser cette question comme
député représentant Charlevoix à la
Législature du Québec. M. le Président, les militants
n'admettront-ils pas une telle volonté d'unité dans la
résolution qui est présentée? Cette question ne me vient
pas à l'esprit présentement, face au problème que nous
avons a discuter. Est-ce que cela sera mal interprété? Il me
semble avoir déjà dit, au moment où je refusais, en
novembre de voter avec le Parti québécois, dans le même
souffle, si on veut relire le discours au cours duquel j'avais prononcé
ces paroles, j'avais affirmé de façon catégorique, comme
tous mes collègues qui étaient dans cette Chambre à ce
moment là, que jamais le Parti libéral du Québec ne se
soumettrait -c'est le même message que nous avons donné partout
à travers le Québec durant la campagne électorale - quelle
que soit l'action unilatérale que voudrait entreprendre le gouvernement
fédéral, à une telle volonté de la part du
gouvernement fédéral et que nous la combattrions de toutes nos
forces. C'est ce que nous avions dit à ce moment là
également.
M. le Président, je réponds malgré tout cela ayant
à ce moment et sans cesse
proclamé que nous n'accepterions jamais, comme Parti
libéral du Québec, un rapatriement unilatéral qui spolie
les pouvoirs du Québec. Comme la réponse qu'a donnée
Rourassa en 1971 à Victoria à une telle démarche, je dis
sans restriction, un non catégorique à une telle tentative de
réduire les attributions de cette Assemblée, comme l'affirme non
pas le premier ministre du Québec, non pas le premier ministre du
Canada, mais le plus haut tribunal du pays.
M. le Président, on me permettra en terminant de faire deux ou
trois constatations. On ne siège pas pendant près de vingt ans
dans une Assemblée à écouter et à
interpréter les paroles, les gestes et les actions de politiciens sans
regarder d'un oeil très critique, ce qui se passe sur la scène
politique. Après le jugement de la Cour suprême, je ne voudrais
pas tâcher de répondre à des arguments ou à des
déclarations qui furent faites par le ministre de la Justice du
gouvernement fédéral. C'est son droit d'avoir certaines
appréciations. Je ne voudrais pas forcément interpréter
les paroles qu'il a prononcées. J'ai écouté, comme la
plupart de tous les Québécois, d'aussi loin que la Corée,
le premier ministre du Canada qui, dans une circonstance assez grave, a
donné un message. Ce que je veux dire, je le dis comme politicien ayant
reqardé et analysé l'image qu'on veut donner,
l'arrière-scène et l'arrière-pensée. Je dis au
premier ministre du Canada que s'il est conscient du jugement qui fut rendu
à ce moment et de l'importance de ce jugement en dehors de ce qu'il veut
projeter comme image rassurante, qu'il aille plus loin que l'image et qu'il
fasse les concessions nécessaires qui respectent la compétence de
chacune des provinces du Canada. Qu'il aille plus loin.
D'un autre côté, je suis peut-être mal placé
pour donner des conseils au premier ministre du Québec. Quand je regarde
également l'image du premier ministre du Québec, je comprends
qu'il a peut-être des raisons de se réjouir du jugement qui lui
permet, étant donné que tout ceci est inconstitutionnel dans nos
conventions, il faudrait que le premier ministre du Québec prenne
éqalement, il a le droit d'avoir à la télévision
l'image qu'il veut donner, mais il faudrait également, dis-je, qu'en
arrière-scène, il fasse certains pas qu'il a promis de faire lors
de la campagne électorale, alors qu'il a promis de respecter et de faire
en sorte que son parti aqirait comme gouvernement respectant le cadre
fédératif tant et aussi longtemps que le Québec n'aurait
pas décidé autrement.
M. le Président, on a certaines raisons de douter de l'ensemble
de ce gui s'est fait dans le Canada depuis un certain temps. Je suis de ceux
qui croient même comme fédéraliste que quand le
gouvernement central a permis que l'Ontario soit soustrait de l'article 133,
c'est une iniquité inacceptable pour le Québec, le Québec
ayant toujours respecté ses minorités et leur ayant garanti des
droits à nul autre pareil dans le Canada. (12 h 201
Je pense que si on avait voulu réellement faire en sorte d'avoir
la plus grande crédibilité possible à travers le Canada,
ce n'était pas par des à-côtés semblables qui
incitaient la majorité d'une province à ne pas respecter les
droits de la minorité qui existe en Ontario. Ce n'est pas par des gestes
semblables qu'on peut faire progresser, je pense, le renouvellement de la
constitution. Si, par hasard, dans le Québec, la loi 101 va
au-delà de ce qu'elle aurait dû aller, il appartiendra, un moment
donné, au peuple de décider si le Québec a
outrepassé la volonté des concitoyens qu'il a à
administrer.
M. le Président, en conclusion, je dis ceci et sans restriction:
Des journalistes, des éditorialistes ont commenté la position du
député d'Argenteuil et chef du Parti libéral, dont on a
dit qu'il avait fait un virage à gauche; si on pense que c'est une
position nouvelle dans la défense des droits du Québec, ayant
siégé sous Jean Lesaqe, sous Daniel Johnson, sous Jean-Jacques
Bertrand et sous Robert Rourassa, j'ai toujours constaté une
continuité dans les actions du Parti libéral. Je souligne celles
de mon collègue de Ronaventure et d'autres avec lesguels j'ai
siégé à l'exécutif. Cela a toujours
été une continuité dans la défense des droits du
Québec, à l'intérieur du cadre fédératif,
mais dans le respect de la légalité, dans le respect des
conventions. C'est à ça qu'on appelle actuellement les deux
ordres de gouvernement, c'est dans ce sens qu'on les appelle à agir.
M. le Président, quoiqu'on dise de la position du Parti
libéral et de son chef, c'est la position que, dans les 20
dernières années, nous avons défendue. C'est la position
que nous défendons dans le moment, qui nous a été
indiquée par l'ensemble des militants, non seulement en conseil
général mais dans toutes les directives qui furent données
depuis 1960 et auxquelles j'ai participé. Je pense, M. le
Président, que c'est une continuité. On me permettra
peut-être, en terminant, de faire allusion à quelqu'un avec qui,
tantôt, j'étais au téléphone pour lui demander une
information, un personnage qui fut respecté à l'infini, dans le
Québec, et par ceux gui siègent de ce côté-ci de la
Chambre, et par ceux qui siègent de l'autre côté, que je ne
nommerai pas mais qu'on identifiera assez facilement. Il fut ministre pendant
une période de trois ou quatre années dans un des
ministères les plus importants, il est de la région
métropolitaine de Québec et, comme fonctionnaire, il fut
attaché à des institutions comme le Régime de
rentes et la Caisse de dépôt. Il ne se pose pas de question sur la
position du Parti libéral du Québec. Il n'y a qu'une seule voie
qui est tracée c'est de voter contre la tentative qui est faite
actuellement d'enlever les pouvoirs que le gouvernement fédéral
s'apprête à enlever à la Législature du
Québec. C'est pour cette raison que je voterai pour la
résolution.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Gilles Baril
M. Baril: M. le Président, nul n'est besoin de rappeler
l'état de crise majeure dans lequel nous plongerait la mise en
application du projet centralisateur du gouvernement fédéral qui
agirait, en quelque sorte, en se recroquevillant dans le tunnel étroit
et sordide, il faut bien le dire, de l'interprétation étroitement
légaliste de l'avis de la Cour suprême du Canada et ce, en
bafouant, en écartant du revers de la main toutes les pratiques et les
traditions qui ont prévalu depuis le début de la
Confédération. Cette crise que provoque le geste inqualifiable du
gouvernement Trudeau est d'autant plus grave, M. le Président, que ce
sont les jeunes de mon âge, de ma génération, la
première génération issue de la révolution
tranquille, qui auraient à porter une grande part du fardeau, advenant
le cas où ils auraient à se démêler dans
l'écheveau étroitement serré de ce nouveau Canada unitaire
dont rêve, bien sûr, M. Trudeau.
Laissez-moi, M. le Président, si vous le voulez bien, caricaturer
la situation dans laquelle se trouve le projet constitutionnel actuel de M.
Trudeau, suite à l'avis de la Cour suprême. C'est un peu comme si
vous conduisiez une auto et que vous arriviez à un feu vert. Vous avez
le droit de passer parce que le feu est vert, mais, par hasard, se trouvent
dans la rue des personnes qui traversent cette même rue. Que faites-vous?
C'est légal de passer, mais, dans le fond, c'est absurde et immoral. Le
projet Trudeau, c'est pareil. Ce dont il faut se servir dans cette situation,
c'est de son bon sens. Si vous me le permettez, le Québec d'aujourd'hui
est un chêne qui a qrandi depuis plusieurs siècles et qui tente,
de toute sa splendeur et de ses énergies, de résister à
l'anéantissement par la forêt érablière
canadienne.
Nous nous rappellerons tous que, lorsque le Québec accepta, et
ce, de justesse, par surcroît, de faire partie du Canada, il avait bien
pris soin de s'assurer que son Assemblée nationale, c'est-à-dire
celle-ci, aurait la souveraineté d'exercer des pouvoirs dans plusieurs
domaines, notamment et surtout dans le domaine de la langue d'usage et
d'enseignement. Cela constituait, à l'époque, un prérequis
essentiel et fondamental, une condition indispensable à
l'adhésion du Québec à la fédération
canadienne, et ce, parce que la langue du XIXe siècle, comme au XXe
siècle, est la racine qui va puiser dans l'identité et dans la
personnalité collective de notre société
québécoise. Voilà qu'une véritable tornade
centralisatrice se lève et tente de déraciner le Québec
pour ensuite le voir moisir et décrépir sous la force du temps.
En termes clairs, le projet Trudeau s'attaque à la racine même de
notre existence collective. C'est plus dangereux. C'est clairement une menace
à court, à moyen et à long terme pour l'ensemble de la
collectivité québécoise.
Vous savez, M. Trudeau prétend que son projet de charte
linguistigue va sauver les francophones habitant hors du Québec, que le
Canada sera maintenant vraiment bilinque, d'un océan à l'autre.
C'est faux. Nous nous devons de dénoncer ce mensonge de M. Trudeau.
D'ailleurs, M. Trudeau lui-même s'opposait et dénonçait le
caractère éphémère des protections légales
lorsqu'il disait, dans un livre très remarquable, Les cheminements de la
politique, qu'il écrivit en 1957, alors qu'il travaillait à
Cité libre: "Ni la Cour suprême, ni même une charte des
droits ne peut nous protéger contre les déficiences
démocratiques de nos élus qui nous gouvernent. " L'application de
l'article 133 qui qarantit le bilinguisme constitutionnel n'est imposée
qu'à trois provinces, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et le
Québec.
Tout d'abord, le Nouveau-Brunswick; j'y ai vécu quatre ans durant
lesquels je me suis lié solidairement avec le combat politique que
mènent actuellement les Acadiens pour une plus grande autonomie
collective. Le projet Trudeau ne leur accorde absolument rien de plus. Les
Acadiens du Nouveau-Brunswick ont déjà tous leur réseau
scolaire francophone, de l'élémentaire à
l'université, en passant par les collèges communautaires et les
écoles de métier. Je puis en témoigner pour y avoir fait
une partie de mes études à l'université acadienne,
à l'Université de Moncton. Le combat des Acadiens du
Nouveau-Brunswick a maintenant dépassé le stade de la lutte pour
l'éducation en français. Il se mène maintenant sur
d'autres fronts. Pour plusieurs et pour une bonne partie de ces gens, tout
particulièrement les Acadiens, il y en a même qui
réfléchissent sur la possibilité,
l'éventualité d'une onzième province acadienne à
l'intérieur même d'une confédération. Bref,
l'article 133 appliqué au Nouveau-Brunswick ne change absolument rien
à la situation qui y prévaut actuellement.
Il faut aussi parler des Franco-Ontariens. Comme vous le savez, mon
comté,
celui de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, est allongé le long
de la frontière ontarienne, la même où bon nombre de
Franco-Ontariens habitent. Je peux dire que leur survivance n'a rien de
très solide. Des 600 000 Franco-Ontariens, plus de la moitié des
francophones hors du Québec sont noyés dans une mer anglophone de
plus de 8 000 000 d'habitants en Ontario. Dans leur cas, le réseau
d'éducation est encore très embryonnaire; dans leur cas,
l'application de l'article 133 serait évidemment
bénéfique, mais M. Trudeau a reculé et la raison en est
bien évidente: un marchandage de plus bas niveau. (12 h 30)
Lorsque M. Trudeau dit que ce sont les provinces qui sont immorales en
tentant de marchander plus de pouvoir en retour de droits individuels, il
devrait peut-être commencer à regarder dans sa cour ce qu'il fait
lui-même.
En effet, comment expliquer, sinon par le marchandage, le fait que
l'Ontario, province où réside la plus grande minorité
francophone en nombre au Canada, ne soit pas soumis à l'article 133?
C'est clair, M. Trudeau a troqué, a mesquinement échangé
des droits linguistiques des Franco-Ontariens en retour de l'appui du
gouvernement de l'Ontario pour son projet. C'est clair et net que M. Trudeau
s'en prend vicieusement à cet effet au Québec. Non seulement le
fait-il sur le dos et au mépris des Franco-Ontariens, mais plus encore,
cela s'inscrit dans un dessein diabolique de minoriser à jamais le
Québec en nous rapetissant, en nous arrachant et en nous volant nos
droits, comme jamais aucun premier ministre canadien n'a tenté de le
faire dans toute l'histoire du pays.
M. le Président, la dernière fois que j'ai entendu M.
Trudeau dire "Just watch me", comme il l'a dit lors de sa conférence de
presse à partir de Séoul, lundi dernier, c'était peu de
temps avant de faire suspendre les droits fondamentaux de l'ensemble des
citoyens, des Canadiens en votant et en appliquant la Loi sur les mesures de
guerre au Québec.
Les projets tyranniques de cet homme sont une constante menace pour le
Québec. Qui ne se rappele ce mercredi soir fatidigue alors que M.
Trudeau a mis son siège et celui de ses 74 députés
libéraux fédéraux du Québec en jeu pour faire
croire aux Québécois et aux Québécoises qu'il
renouvellerait le fédéralisme? Quel marchand d'illusions!
N'est-ce pas, aujourd'hui, que nous devons subir la trahison fondamentale de
cet homme qui s'acharne à vouloir littéralement amoindrir et
exterminer le Québec?
M. le Président, à plusieurs reprises à l'occasion
de plusieurs tentatives de rapatriement de la constitution, les gouvernements
fédéraux successifs ont essayé de mettre les menottes au
Québec. Et maintenant, on essaie de passer le rouleau compresseur sur le
Québec. Il faut se rappeler qu'un peuple qui qrandit est un peuple qui
s'épanouit, qui se répand et non qui se referme.
M. le Président, dans le contexte exceptionnel qui nous
réunit à l'Assemblée nationale aujourd'hui, ma
démarche n'est pas seulement celle d'un simple député de
la majorité parlementaire, mais celle aussi d'un jeune qui se veut la
voie des générations montantes, car, dans ce contexte douloureux,
ce sont aussi les jeunes d'aujourd'hui qui auront à assumer
l'héritage d'un tel coup de force.
Vous savez, M. le Président, nous devons beaucoup à
l'éveil collectif des années soixante. Ces années, tout
particulièrement caractérisées par la révolution
tranquille, ont exercé une influence incontestable sur la
génération dont je suis issu. Elles ont doté le
Québec des moyens de s'appartenir et de s'exprimer et ont
inculqué aux jeunes du Québec une mentalité axée
vers l'avenir, vers l'affirmation collective de notre identité
culturelle.
M. le Président, tous les efforts de nos parents durant les
années soixante pour moderniser le Québec, pour en faire un pays
à notre image, toutes ces énergies, avons-nous le droit
aujourd'hui de les renier et de céder nos droits les plus vitaux et les
plus légitimes? Je dis non. Je crois que les Québécois et
les Québécoises sont aussi de notre avis. Nous n'avons pas
parcouru autant de chemin en tant que société, nous n'avons pas
préparé un lendemain aussi prometteur à notre jeunesse
pour nous résigner à un avenir de mendiants. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, M. le Président. J'ai l'intention de
voter pour la motion. Parce que je représente un comté anglophone
et que la majorité, je pense, des anqlophones ne sera pas d'accord avec
le geste que j'ai l'intention de poser, il s'impose que je vous donne la plus
qrande partie de mon discours dans la langue anglaise. Mais, avant de
commencer, je veux vous dire qu'il est compréhensible que les
anqlophones soient aujourd'hui pour la motion de M. Trudeau. Comme jamais
auparavant, ils sont isolés du gouvernement québécois.
C'est une situation un peu analoque à la situation dans laquelle les
francophones se trouvaient il y a quinze ans devant le gouvernement
fédéral. Nous sommes devant une discrimination cruelle quant
à l'emploi dans la fonction publique, il n'y a que 2% d'anglophones dans
la fonction publique. Nous sommes incapables d'avoir de
l'information, des communications dans notre langue. Il y a une
limitation dans l'accès à nos propres écoles. Même
maintenant nous sommes devant la nécessité d'effacer même
notre propre langue des affiches à l'extérieur de nos magasins et
de nos institutions.
Le député qui m'a précédé a dit: II y
a des gens en Acadie qui songent sérieusement aujourd'hui à la
création d'une onzième province francophone. Pour les mêmes
raisons, je peux vous dire qu'il y a des anglophones du Québec qui
pensent aujourd'hui sérieusement à la possibilité d'une
création d'une onzième province anglophone à
l'intérieur du Québec. Je dois vous dire que vous nous auriez
fourni beaucoup de vocabulaire pour notre dictionnaire, pour la
réalisation d'une telle affaire.
I am planning to vote yes to this motion and I think that the first
thing I had better try to do is tell you why. First of all, I would like to
read the motion that we are proposing because we are not voting for the Parti
québécois, we are voting for the words in this particular motion,
and it says: The Supreme Court of Canada having decided that the Federal
proposal respecting the Constitution of Canada decreases the powers of the
National Assembly of Québec and that unilateral action by the Federal
Government, although legal, is unconstitutional, being contrary to the
conventions, this Assembly demands that the Federal Government renounce its
unilateral course of action, is opposed to any action that could impair the
rights and affect the powers of this Assembly without its consent and requests
that the Federal and Provincial governments resume negotiations immediately
with full respect for the principles and conventions that must apply to any
modification of the Canadian Federal system.
In my opinion, that is a resolution that could have been presented by
the leader of any Liberal, Union Nationale, Social Credit government of this
province and could be just as easily presented by the Prime Minister of
Saskatchewan, New Brunswick, Nova Scotia or any other Canadian province. It has
been developed in collaboration between the two parties. It specifically states
that the negotiations should take place within the federal system and with
respect to the federal system, and I think we should respect it.
I must say that the members of my association do not agree with me.
Yesterday, sixteen of them meet in my office to discuss the matter at my
suggestion and when I received the results of the conversation by phone, they
told me that fifteen out of have the sixteen thought that I should vote, said
they would vote against the motion and the sixteenth had not made up his mind
yet.
But, they also said, and I greatly appreciate this, that they wanted me
to vote and speak in accordance with my own convictions and my own judgment. I
am very proud of that but the first thing I want to do, I think I owe it to the
English speaking people in my riding and in the rest of Québec, is to
say briefly what their arguments would be. What they say is: First of all, what
Mr. Trudeau wants is good. Rapatriation, a charter of human rights, some
reasonable language guarantees across the country, and they say you wanted too,
it is in your beige paper, that you, the Liberal Party, wanted. (12 h 40)
The second thing they say is: Yes, it may be unilateral, and now, maybe
the Supreme Court has said it is unconstitutional, but it is only going to
happen once because the new charter itself makes sure that this unilateral
action can never happen again.
The third thing they say is that Québec's Government already has
too many powers, and I think I have explained to you in the introduction why
they feel this way.
The fourth thing they say is that, in resisting Mr. Trudeau, you are
also helping the Parti québécois, a party which, for five years,
has demonstrated its disregard, its dislike, and often its hatred of this
English language community.
Finally, they say: In supporting the Parti québécois on
this motion, you are supporting a party which has demonstrated repeatedly and
openly that it does not even believe in federalism. They say: Do not look at
the worlds on the paper, look at the hand that wrote those words. Within the
face of all of those arguments, there are probably a few more too, but I think
that resumes the basis of their arguments, why should I vote the other way?
First of all, it is not because I am against the charter or
repatriation, and, secondly, it is not because I have any affection for the
Parti guébécois. For those of you who are not members of the
National Assembly, who have experiences with the Parti québécois
in your living rooms, on television and in the newspapers, I can assure you
that, spending four years face to face with them here in the National Assembly,
would not change our opinion on them one bit. So, I am not doing it because I
like the Parti guébécois, and I am not doing it because I do not
like Mr Trudeau. I am doing it because I think at vote in favor of this motion
is best for us as English Quebeckers, and is best for us as Canadians. I think
it is the right thing to do. In the brief time I have got, I would like to give
you four reasons.
The first reason is that, in my opinion, the realization of this project
to Mr Trudeau is not going to make things any better for the English in
Québec, and it will probably make them worse. First of all, let
us remember that the realization of the Charter of human rights in
general terms is not a matter of great urgency. This is not a country, and
Québec is not a province where basic human rights are denied on a daily
basis. We seldom even have appeals to the charter in the laws of Canada and
Québec which exist today. This is not a totalitarian State.
So, do not expect that the day the charter is implemented you will see
your life change importantly. It is a long term goal but it is not a matter of
vital importance. The main change that would take place is in the area of
language, English-speaking parents, from all over Canada would have the right
to send their children to schools here in Québec, provided that they
were citizens. It would mean another couple of thousand children a year
probably eligible to go to the English schools. But, in my opinion, it would
create a period of social turmoil between the people who were viscerally
opposed to this, for reasons that I do not agree with, and it would mean that
the constitution or the federal government would be imposing this rule on an
educational institution which is controlled entirely by the provincial
government.
I would think that for two, three, four years, you would see social
unrest and the creation of a climate, here in Québec, which would make
things very much more unpleasant and very much more difficult for the English
language community, and if it solved that problem, it is the only one it would
solve; it would not solve the problem at Dawson College or the problem of the
Ville-Marie social services, it would not change the laws on signs, it would
create a climate here in which English would be set against French which, in my
opinion, would not improve our situation. I may be wrong, but my judgment tells
me that that is what would happen.
The second reason is that I think the realization of this charter is not
going to strenghten Canada, it is probably going to weaken it. And, in this
respect, I would ask the English speaking people of Québec to think a
bit about the Supreme Court. The Supreme Court handed down a decision, this
week, which, in my opinion, should be read by the Canadian people, even if it
is 400 pages long. It is a magnificent document, it is a well-balanced
document, it is a document in which the judges respect the Canadian federal
principle. What they said essentially is that there is no legal reason why you
cannot do what you are doing, but it would be wrong to do it.
I want to quote just three short sentences from this majority opinion of
the Supreme Court judgment; they were talking about conventions, because it is
in terms of conventions that this act of Mr Trudeau's was wrong. They say: "It
should be more in mind that, while they are not laws, some conventions are more
important than some laws" - and they give examples. As you know, even the role
of the Prime minister is not defined by law. As you know, there is no law that
requires Westminster - the Government of England - to give us back our
constitution; if we ask, it will be done on the basis of a convention, a
convention that they do not interfere in our affairs. Conventions are very
important in the British system of law which governs this country and this
province. Then, they go on to say, and I quote again: "Constitutional
conventions, plus constitutional law, equal the total constitution of the
country". Therefore, if you try to repeal or change the constitution strictly
on the basis of law, it is unconstitutional. What is being proposed by Mr
Trudeau is unconstitutional.
Another and final quotation: "It is true that Canada would remain a
federation if the proposed amendment became law, but it would be a different
federation, made different at the instance of the majority of the Federal
Parliament acting alone. It is this process itself which offends the federal
principle. " I think anybody who has had the privilege of traveling across the
country -and certainly anybody who did it with the Pépin-Robarts
Commission, as I did, a few years ago - realizes that this huge country, as
large as Russia, with extreme diversity in its regions, cannot be held together
by a rigid central constitution. In my opinion, Canada can become a great
country, but Ottawa can never become a great country. It is going to have to be
a country made up of a kind of federation where important powers remain with
the provincial governments and where, above all, the Supreme Court respects
that delicate balance. That is what they have done there and I think that,
before we make up our minds on this thing, we should ask ourselves: If the
Supreme Court says it is wrong, should we not just say: Perhaps they have got
something there.
There are eight provinces, not just Québec, who are against this.
When I support this motion, I am not supporting Mr. Lévesgue. I am
supporting the Supreme Court and I am supporting a certain vision of Canada. I
am not supporting the Parti québécois Government. I am supporting
this institution, the National Assembly of Québec.
It is true there is a risk, our act may be exploited by the members of
the Parti québécois for their own purposes. Churchill and
Roosevelt trusted Stalin at Yalta and they were wrong. America trusted Germany
after the Second World War and put in effect the Marshall Plan and they were
right. But I think, when in doubt, do the right thing. And I personally prefer
to defend a position which, I think, is right even if the
people I find myself associated with are not those that I hope to be
associated with in many other issues. If the Parti québécois
exploits it and distorts our decision, I think the people of Québec are
sufficiently aware and intelligent to understand what is going on. (12 h
50)
A third reason for supporting this is that I think a negative vote by
the Liberal Party on this matter is going to make it impossible for our party
to remain credible with hundreds of thousands of French-speaking Quebeckers who
are committed to neither party, but who are deeply committed to the maintenance
of a strong provincial government which will defend their rights. In other
words, I think the chances are very strong that if we vote against this motion
we will be incredible with the people, the majority of the people, who live in
the 80 counties that the Liberal Party, at present, does not represent in this
National Assembly.
I think that there are hundreds of thousands of young Quebeckers,
Francophones mainly, who believe that a provincial representative, a person
appointed to this National Assembly is appointed to represent first and
foremost the interests of the provincial government. They are not interested in
a party really, unfortunately, which writes, beige papers which are highly
balanced and present visions of the perfect country. To the Québec
elector, that is a job for the political scientists. They expect to elect a
federal representative who will represent them at the federal government and a
Québec representative who will represent them at the Québec
Government, and they expect that the balance will be achieved in the
give-and-take and the debate between the two.
I happen to agree with that. If I had wanted to become a federal member
of Parliament, I suppose I could have worked in that direction, heaven only
knows whether I would have made it, but I chose the other. And long as I am
here, I am going to put the interests of Québec first. And I think
strongly, and after listening to my colleagues and after travelling widely
throughout the province of Québec, that is essentially what
French-speaking Quebeckers expect from their provincial representatives and I
hope that it is what the English-speaking population of Québec expects
as well.
In that light, I just do not think anyone can expect that a provincial
deputy can remain credible in suggesting that powers that are in the
constitution and belong to the provincial government be taken away without
their authority.
So, in my opinion, if we vote against this motion, we are not a credible
party with a very large segment of the population and we will have far too
little time and far too little credibility to point out the glaring errors, the
glaring weaknesses that are beginning every day to show themselves in the
administration of the present government.
And a fourth and final point, I think a negative vote in that sense is
going to create a climate in Québec here and in this National Assembly
where it is going to be extremely difficult for us to do what we want to do and
what we must do in the coming months. And that is point out these glaring
errors, the incompetence of the government in the area of public
administration, their inability to manage the economy, their disregard of
hundreds of thousands of citizens to whom they promised the moon over the last
five years and they are now in position of taking it away in a totally
disorganized way, incapable of pointing out the many examples of patronage of
the most classical kind that are begining to creep in all through this
government.
If every time we raise these issues, we have to face the charge that we
are simply a subsidiary of the federal government, I wish we were in a sense,
they have not done a single thing to help us in the last five years, but,
anyway, if we have to face the exagerated demagogic distortions based on a
negative vote in this motion, it is going to make it almost impossible for us
to talk credibly to the population of Québec about the economy.
So, these are my reasons, and I am not sure I am right, but my
experience, my judgment and my instincts all tell me that this course of action
is best for the English Quebeckers and best for all Quebeckers and best for
this institution, which is the National Assembly, best for my party and best
for Canada. And I have great faith that all Quebeckers are going to recognize
this gesture that the Liberal Party is posing today and, as I said earlier, I
have great faith that they are going to recognize and judge severely any
efforts by the Parti guébécois to exploit or distort the meaning
of what we are doing. I may be wrong, but I prefer to act today on the basis of
that faith and that optimism.
In conclusion, Mr President, on Friday night, when I get to the bus
terminal in Montreal, I do no know if the people from NDG are going to be there
with shot guns or whether I will have another 20 years as their deputy, but I
want to thank them sincerely for allowing me to speak my own opinion today and
I want to tell them that I am very proud to be their deputy. Thank you.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, compte tenu de l'heure, je
demanderais la suspension
du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Les travaux sont
suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance 12 h 57)
(Reprise de la séance à 15 h 07)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Reprise du débat sur la motion suivante: La Cour suprême du
Canada ayant décidé que le projet fédéral
concernant la constitution du Canada réduit les pouvoirs de
l'Assemblée nationale du Québec et que l'action
unilatérale du gouvernement fédéral bien que légale
est inconstitutionnelle parce que contraire aux conventions, cette
Assemblée réclame du gouvernement fédéral qu'il
renonce à sa démarche unilatérale, s'oppose à tout
geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs
sans son consentement, et demande au gouvernement fédéral et
à ceux des provinces qu'ils reprennent sans délai les
négociations dans le respect des principes et des conventions qui
doivent régir les modifications du régime fédéral
canadien.
La parole est au député de Joliette-Montcalm.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, qui aurait pu croire
qu'après 114 ans d'histoire, l'Assemblée nationale du
Québec serait forcée de se réunir d'urgence pour
réaffirmer sa détermination de conserver le minimum de pouvoirs
qu'elle détient? Il est vrai que ce n'est pas d'aujourd'hui, M. le
Président, que le Québec a à lutter pour conserver ses
pouvoirs. On n'a qu'à se rappeler le slogan de M. Duplessis: Jamais je
laisserai Ottawa nous voler notre butin! Tous les chefs politiques
québécois qui ont succédé à M. Duplessis ont
eu à livrer des batailles, à lutter pour rétablir
certaines situations, pour maintenir certains droits, mais, plus souvent
qu'autrement, c'était pour conserver les maigres pouvoirs que nous
détenons. Aujourd'hui, après 114 ans, nous revivons le
scénario de l'autodéfense. On est réuni d'urgence, non pas
pour se battre pour corriger des anomalies observées depuis des
années, mais bien pour dire au gouvernement d'Ottawa: Tu ne diminueras
pas les maigres pouvoirs que nous avons. Tu ne décideras pas seul du
nouveau partage des pouvoirs. Tu ne nous imposeras pas de nouvelles
règles du jeu qui risquent de modifier de fond en comble nos politiques
économiques, nos politiques sociales, nos politiques culturelles.
Une majorité de Québécois et de
Québécoises ont cru, M. le Président, à une
dernière chance en mai 1980. Bien sûr, ils se rappellent tous les
engagements solennels. Nos 74 libéraux fédéraux ont mis
leur sièqe en jeu, M. le Président, pour faire croire aux
Québécois qu'un non voulait dire un oui au changement en faveur
du Québec. Les Québécoises et les Québécois
se rappellent aussi, M. le Président, l'engagement solennel du chef du
Parti libéral fédéral, M. Trudeau. Rappelez-vous que sur
un ton solennel lui aussi, avant le 20 mai, M. Trudeau prenait l'engagement de
mettre son siège lui-même en jeu et, en plus, il donnait un
avertissement grave au reste du Canada. C'est à peu près dans ces
mots qu'il disait au reste du Canada: Messieurs les Anglais, tenez-vous-le pour
dit, il va falloir trouver un compromis acceptable pour les
Québécois. C'est sur ces promesses que les
Québécois ont voulu lui donner une dernière chance, M. le
Président, mais je vous dirai carrément que, malgré le
fait que la Cour suprême ait unanimement, neuf sur neuf, dit: C'est
vraiment inconstitutionnel, c'est vraiment illégitime, cela
enlève vraiment des pouvoirs aux provinces, M. Trudeau, fidèle
à lui-même, continue de faire fi de ses engagements
antérieurs. Ce n'est pas la première fois qu'il fait cela, M. le
Président. Ce n'est pas étonnant. Rappelez-vous qu'il a
défait l'équipe Stanfield sur le gel des salaires. Quelques mois
après, M. Trudeau gelait les salaires. Rappelez-vous qu'il a
défait le gouvernement Clark en promettant une hausse maximale de 0, 14
$ pour le pétrole. On est rendu à environ 0, 50 $
présentement. Fidèle à lui-même, pas longtemps
après, encore là, M. Trudeau a fait fi de ses engagements comme
il fait toujours fi de ses engagements. M. le Président, les
Québécoises et les Québécois ne sont pas dupes. On
peut tromper un certain nombre de personnes pendant un certain temps, mais on
ne peut pas tromper tout le monde tout le temps.
M. Trudeau est pressé d'agir, à part cela, et il faut
s'interroger sur le pourquoi de son empressement. Il est pressé d'aqir
pour diminuer les pouvoirs de tous les gouvernements provinciaux, mais en
particulier de celui du Québec. Il faut admettre que son empressement
est dû au fait que le Québec, depuis les années soixante, a
tenté de se donner des politiques dans tous les secteurs et d'une
façon encore plus particulière, depuis 1976, il faut bien
l'admettre, nous avons réussi à nous bâtir une politique
linguistique cohérente, à penser à un développement
économique à court, à moyen et à long terme, en
plus d'avoir en chantier des politiques de développement social qui
assureront aux Québécoises et aux Québécois une
plus qrande maîtrise dans tous les domaines. M. le Président, on
n'a qu'à penser à la loi sur la langue qui touche à la
fois la langue de travail et la langue
d'enseignement. On n'a qu'à penser au plan de redressement
économique, à l'aide aux pâtes et papiers et au
renouvellement de la machinerie dans le domaine du textile. On n'a qu'à
penser aux programmes d'aide aux petites et moyennes entreprises. On n'a
qu'à penser à la priorité d'emploi pour nos travailleurs
dans le domaine du bâtiment et de la construction. On n'a qu'à
penser à la politique d'achat chez nous. Toutes des mesures qui sont en
péril à cause du plan Trudeau.
C'est parce que nous désirons nous organiser pour un meilleur
développement qu'Ottawa veut agir vite et nous empêcher de
poursuivre ce développement cohérent. Qui aurait cru qu'en 1981,
le gouvernement du Québec serait forcé de convoquer
l'Assemblée nationale pour, une fois de plus, manifester sa
volonté de ne laisser personne empiéter sur ses pouvoirs
léqitimes? Les Québécois et les Québécoises,
de par nature, sont très conciliants. De par nature, également,
on est porté à toujours donner une chance additionnelle. De par
nature, on est patient, sauf que notre patience a des limites.
Quand je vois tout ce qui se passe, je suis porté à
comparer cette situation avec ce qu'on vit quotidiennement dans le monde du
travail. Je ne peux que me reporter dans le passé et comparer cette
situation avec la situation que vivent certains groupes de travailleurs qui, de
bonne foi, ont négocié des ententes, ont conclu des conventions
collectives, ont discuté ferme et, du jour au lendemain, verraient, par
exemple, un patron violer unilatéralement le contenu d'un contrat
collectif.
Je ne peux m'empêcher de penser à l'action d'un groupe de
salariés qui verrait son employeur changer la clause d'ancienneté
et dire: Dorénavant, le plus jeune entre avant le plus vieux, ou vice
versa. La patron qui dirait: Demain matin, je change unilatéralement les
bénéfices marginaux; au lieu d'avoir 10% de participation
à l'assurance collective, ce sera 5%; au lieu d'avoir trois semaines de
vacances après cinq ans, ce sera deux semaines après dix ans. On
comprendrait la réaction des salariés. Il faudrait
interpréter cette réaction comme en étant une de
légitime défense.
C'est un peu la situation qu'on vit présentement. On a une
entente négociée supposément entre deux peuples
égaux et, du jour au lendemain, on voit, unilatéralement, un
gouvernement qui veut changer les règles du jeu. Ces mêmes
travailleurs et travailleuses québécois qui ont arraché,
de peine et de misère, certains droits dans certains cas et, en
particulier, dans le secteur privé - dans le secteur privé, les
batailles furent encore plus dures comprennent aujourd'hui, peut-être
plus que toute autre personne au Québec, l'importance du sapin qu'on
tente de nous passer. Eux aussi, ce sera avec solidarité qu'ils
appuieront leur gouvernement, qu'ils appuieront leur Parlement. Et c'est avec
solidarité qu'ils agiraient, s'ils étaient confrontés
à de telles situations. C'est avec cette même solidarité
que, tous ensemble, nous pourrons empêcher le gouvernement d'Ottawa
d'agir, M. le Président. Il ne faut pas oublier que, sous des apparences
légales, mais combien illégitimes et inconstitutionnelles, c'est
à partir de cette apparence de légalité que M. Trudeau
veut aller vite. Il l'a dit lui-même en conférence de presse: Je
vais agir rapidement. Je vais agir rapidement pour changer, faire gober
à la vapeur des changements qui affecteront toute notre destinée,
et malgré que la plus haute cour du pays ait dit, à neuf sur
neuf, que ça enlevait des pouvoirs aux provinces et, à six contre
trois, que c'était inconstitutionnel.
M. le Président, est-ce que c'est parce que c'est légal...
Mon ami de Rouyn-Noranda-Témiscamingue disait ce matin: Est-ce que,
parce que le Code de la route prévoit que c'est légal de passer
à un feu vert, il est normal d'écraser l'enfant qui traverse la
rue? Est-ce que, parce que légalement je détiens un permis de
port d'arme, je peux en tout temps, M. le Président, faire chanter qui
je veux à la pointe du revolver? Est-ce que, parce que c'est
légal, je peux passer près d'un autobus scolaire qui n'a pas ses
clignotants allumés? Est-ce que je ne dois pas prendre des
précautions, même si ses feux ne sont pas clignotants, lorsque je
passe ou je double un autobus scolaire?
M. le Président, c'est un peu la situation; cela a
peut-être l'air un peu quétaine de l'exprimer de cette
façon, mais ce que je veux faire comprendre, c'est que, sous le couvert
de la légalité, on est en train de bouleverser la
normalité des choses, on est en train de faire gober aux
Québécois, sous le couvert de la légalité, que
c'est pour leur bien qu'on fait ça.
La légitimité, pour moi, M. le Président, prime
d'autant plus que cette léqitimité est appuyée par la plus
haute cour du pays.
M. le Président, trop souvent dans le passé, nous avons
entendu de la bouche de certains leaders politiques le slogan suivant: Nous
voulons bâtir un Québec fort dans un Canada uni. Ces mêmes
leaders politiques, qui ont crié ce slogan, sont en train d'affaiblir un
Québec dans un Canada déchiré. Il va falloir le leur dire,
à notre façon.
Quant à nous, c'est bien évident que nous nous battrons
avec la dernière des énergies pour faire échec à
cette conception totalitaire, à cette conception d'une politique
centralisatrice qui vise, à toutes fins utiles,
à diminuer nos pouvoirs et plus particulièrement au
Québec, qui risque de mettre en péril ce qu'on s'est donné
de peine et de misère, à savoir notre développement
économique, notre développement politique, notre
développement culturel, et qui risque aussi de porter atteinte à
notre identité de Québécois et de
Québécoises.
Depuis toujours, M. le Président, le gouvernement d'Ottawa tente
de s'approprier les avoirs des provinces. Depuis toujours également,
nous devons lutter et ce n'est pas aujourd'hui que nous cesserons, d'autant
plus que c'est dans un cas de légitime défense que nous le
faisons, en sachant que le geste posé - je le répète - est
inconstitutionnel et enlève des pouvoirs aux provinces. Pour ajouter
l'injure à l'insulte, ce sera Londres qui nous votera ce cadeau
empoisonné.
M. le Président, on n'est pas ici, contrairement à ce que
l'ont laissé entendre certains députés de l'Opposition,
pour agrandir notre maison. On n'est pas ici pour discuter si on fait une
allonge, si on pose une annexe. On est ici tout au plus pour sauver les
meubles. C'est cela le sens de la motion qui est présentée devant
nous. Pour sauver les meubles, nous avons besoin de la solidarité des
Québécoises et des Québécois. Je fais appel
à l'ensemble du monde du travail organisé en particulier pour
qu'il se solidarise derrière le gouvernement, derrière le
Parlement, pour qu'on puisse gagner cette bataille. (15 h 201
II est évident que l'Assemblée nationale du Québec
se doit aussi d'être solidaire. Je viens d'apprendre à l'instant,
avant de commencer à cette Assemblée, qu'il y en a
déjà un qui s'est désisté et qui votera contre.
J'ose croire que la très grande majorité, puisque maintenant
l'unanimité est impossible, se solidarisera autour de cette motion du
premier ministre du Québec et que nous pourrons assurer la sauvegarde de
nos droits en luttant tous ensemble. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoix-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir aujourd'hui d'intervenir sur la motion qui est devant nous et avec
laquelle je suis d'accord. Je reviendrai un peu plus en détail sur
certains des points.
Ce qu'il est intéressant de réaliser, c'est que la Cour
suprême déclarait, dans un vote unanime, que le projet
fédéral concernant la constitution réduit les pouvoirs de
l'Assemblée nationale du Québec et que l'action
unilatérale du gouvernement, c'est-à-dire une action qui se fait
sans le consentement des provinces, même si elle est légale, est
inconstitutionnelle parce que contraire aux conventions. Que de jargon! Je
dirai aux personnes qui nous écoutent ce qu'il m'a fallu faire; surtout
que je me vois devant l'ex-professeur de droit constitutionnel, je vais
être encore plus gênée d'exposer le cheminement que j'ai
fait pour essayer de comprendre cette distinction entre ce qui est légal
et ce qui est constitutionnel ou inconstitutionnel selon les conventions.
Si j'ai fait cet effort j'espère que peut-être je pourrai
aider un peu certains de mes concitoyens qui sont aussi profanes que moi dans
ce domaine constitutionnel.
Je pense que ce que la Cour suprême a établi... Je voudrais
faire une parenthèse à ce moment-ci, M. le Président, pour
souligner l'importance de nos institutions juridiques. C'est intéressant
de voir que la Cour suprême, qui, à plusieurs reprises, a
été contestée dans cette enceinte par le parti
ministériel, rend aujourd'hui une décision qui nie ce
qu'affirmaient souvent nos amis, à savoir que la Cour suprême
était comme la tour de Pise, qu'elle penchait toujours du même
côté, c'est-à-dire qu'elle était toujours
défavorable au Québec et aux provinces et toujours favorable au
gouvernement fédéral.
Je pense qu'on a à ce moment-ci l'exemple évident d'une
institution, la plus haute instance juridique du pays, qui a rendu un jugement
qui m'apparaît très sage, compte tenu des éléments
qui y sont contenus, devant un problème à caractère social
et politique que je dirais presque explosif.
Ce que la Cour suprême a voulu établir - je ne voudrais pas
que les qens pensent que c'est de mon cru, alors je ferai
référence tout à l'heure à une partie du jugement
proprement dit - c'est que la constitution a deux bases. C'est comme si elle
avait deux pieds. D'un côté elle a une base légale et, de
l'autre côté, elle a une base ou un pied qui repose sur les
conventions.
Quelle est cette base reliée aux conventions par rapport à
celle qui est dite légale? M. le Président, la position que je
prends aujourd'hui, je la prends en fonction de mes convictions personnelles,
mais aussi en fonction de ce que je juge bien humblement, à tort ou
à raison - j'espère que ce sera à raison - être
l'intérêt des Québécois et l'intérêt de
l'ensemble du pays pour lequel je me suis débattue beaucoup depuis cinq
ans.
Cette base légale, c'est une loi britannique qui remonte à
1867 et qui a été, à ce moment-là, établie
par un consensus, si je puis dira, entre un certain groupe d'hommes et le
résultat fut l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. À
ceci vient aujourd'hui s'opposer, je ne devrais pas dire
s'opposer, je devrais dire s'associer ce qu'on appelle la base des
conventions qui s'ajoute à cette base strictement juridique de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique qui remonte à 1867.
Quelles sont ces conventions? Je dirais que ces conventions ont
été créées par les ententes entre les Canadiens,
leur solidarité, leurs aspirations, leurs objectifs qui n'ont pas
toujours été convergents. Ces ententes, dans les faits, sont
beaucoup plus conformes aux consensus des Canadiens au cours des années.
Ce sont des consensus, ce sont des ententes, ce sont des liens qui se sont
tissés au fil des ans dans l'évolution de la constitution
canadienne. C'est tout récemment, il y a quelques jours, que la Cour
suprême du Canada, dans un vote de sept sur neuf, a reconnu que ces
conventions ont un rôle tout aussi important que l'aspect juridique.
À mon point de vue, ce qui est le résultat, comme je le
disais tout à l'heure, des ententes, des objectifs que les Canadiens ont
voulu réaliser ensemble, me paraît beaucoup plus important
aujourd'hui - c'est un jugement personnel; je pense qu'il ne faudrait
peut-être pas en parler en termes d'importance relative l'un à
l'autre - mais au moins tout aussi important que ce qui est strictement une
loi, du caractère légal de la constitution.
À cet égard, je voudrais simplement faire
référence à la page 14 du jugement de la Cour
suprême, ce tribunal dit qu'on devrait se rappeler que, bien qu'elles ne
sont pas des lois, les conventions peuvent être aussi importantes que
certaines lois. Leur importance dépend de la valeur ou du principe
qu'elles ont pour mission de sauvegarder. Aussi, elles forment une partie
intégrale de la constitution et du système constitutionnel. Elles
sont même dans le préambule de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique alors qu'on disait que les provinces du Canada, la
Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, avaient exprimé leur
désir d'être unies fédéralement ou être unies
dans une fédération avec une constitution similaire au principe
qui est à la base de celle de la constitution du Royaume-Uni. Je pense
que tout le monde ici a entendu dire à plusieurs reprises que la
constitution britannique n'est pas basée sur une loi, mais repose sur
des conventions. Même au moment de 1867, on accordait une importance
à cet aspect des conventions.
Ils ajoutent - ces sages juges - C'est pourquoi il est parfaitement
approprié ou raisonnable de dire que violer une convention est poser un
geste inconstitutionnel, bien qu'il n'entraîne pas de conséquences
légales directes. Mais les mots "constitutionnel" et "inconstitutionnel"
peuvent être utilisés dans un sens légal strict et les
juges résument en disant: "Les conventions constitutionnelles
ajoutées à la loi constitutionnelle sont égales à
la constitution totale de ce pays. " En d'autres termes, c'est que la Cour
suprême vient de dire: Les conventions et la loi sont les deux pieds de
la base de la constitution de notre pays et elles forment le tout de la
constitution canadienne. Mais, en revenant sur cette explication que j'ai
tenté de donner entre ce qu'étaient les conventions qui reposent
sur les ententes, la progression collective que les Canadiens ont faite entre
eux, leur solidarité, ceci m'apparaît extrêmement important.
(15 h 30)
Je trouve extrêmement dangereux que le gouvernement
fédéral veuille aller de l'avant uniquement en se reposant sur
l'aspect que la Cour suprême reconnaît comme la loi. Parce que la
loi, c'est la loi britannique dont je parlais tout à l'heure, mais les
conventions sont beaucoup plus collées à la vie des Canadiens,
correspondent beaucoup plus à ce qu'est vraiment la constitution et que
les Canadiens les ont eux-mêmes élaborées et
développées entre eux.
Dans ce sens, je pense que le gouvernement fédéral, d'une
certaine façon, en allant à l'encontre de ces conventions que les
Canadiens ont tissées entre eux, en se reposant uniquement sur une base
légale, une loi de 1867, il m'apparaît, pose un geste qui risque
d'avoir des conséquences extrêmement pénibles
évidemment pour le Québec, mais aussi pour l'ensemble du
pays.
Le deuxième élément, au-delà de
l'inconstitutionnalité ou de cette explication des conventions et de la
loi, élément qui pour moi est peut-être encore plus
important, et ça c'est une évaluation subjective, je le
reconnais, c'est la réduction des pouvoirs de l'Assemblée
nationale dont fait état le jugement de la Cour suprême. Je pense
qu'il faut rappeler que même l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique a institué deux ordres de gouvernement dont chacun est
souverain dans son domaine respectif et est investi en conséquence d'une
autorité exclusive et inviolable dans les matières
conférées à sa compétence. L'épanouissement
de la société québécoise, je dirais, de la culture
française au Canada et en Amérique du Nord, passe obligatoirement
par le respect intégral des prérogatives de l'Assemblée
nationale. Ceci ne veut pas dire que toute modification aux domaines respectifs
des pouvoirs fédéral et provincial ne puisse être faite,
bien au contraire, puisque cette redéfinition de pouvoirs entre les deux
ordres de gouvernement est à l'origine même de toute la question
constitutionnelle. Toutefois, ces modifications ne sauraient être
apportées sans le consentement des provinces et, dans le cas qui nous
préoccupe, sans le consentement explicite du Québec par la voie
de son Assemblée nationale. D'autres l'ont dit avant moi, les
gouvernements qui se sont
succédé au Québec n'ont cessé de combattre
des tentatives d'ingérence dans l'exercice des pouvoirs de
l'Assemblée nationale ou encore toute tentative de les modifier sans son
consentement. Je pense que c'est le geste que l'Assemblée nationale veut
poser de nouveau; elle demande au gouvernement fédéral, avant de
continuer d'agir dans la ligne où il se trouve, d'examiner
sérieusement les conséquences.
Je voudrais, sans vouloir refaire ici l'histoire du Québec et du
Canada - et c'est peut-être pour cette raison que, pour moi, venir
modifier, éroder ou diminuer les pouvoirs de l'Assemblée
nationale sans son consentement est inacceptable. Il faut rappeler que le
Québec forme à l'intérieur de l'ensemble
fédéral canadien une société distincte par la
langue, la culture et les institutions. Le Québec est le foyer principal
de l'épanouissement des citoyens de langue et de culture
françaises et le Québec doit pouvoir continuer de se reposer sur
l'autorité de l'Assemblée nationale, qui lui a permis de se doter
d'un cadre de vie et d'un réseau d'institutions qui sont l'expression de
sa culture distincte.
Là-dessus, je suis un peu en désaccord avec l'image que
j'ai senti qu'on voulait projeter chez certains de l'autre côté de
l'Assemblée nationale en disant qu'on était une petite
Assemblée nationale faible et pauvre et avec cela, en plus, qu'on va
disparaître. Je pense que la question est sérieuse, mais cela
vient un peu aussi en contradiction avec la reconnaissance du
développement et des pouvoirs que l'Assemblée nationale a
exercés en particulier depuis 1960. Je pense qu'il n'y a personne de
l'autre côté de l'Assemblée qui niera qu'au
Québec... Et, ici, je cite un paragraphe d'un document de ma formation
politique: "Au Québec, les lois, le système judiciaire, les
associations volontaires, les arts, les lettres et la culture, la presse et les
médias, les syndicats et les coopératives, le système
d'enseignement, le réseau des services hospitaliers, sociaux et
sanitaires, les institutions religieuses, les institutions municipales, les
institutions économiques - je ne les nommerai pas - financières
et industrielles sont autant d'expression de la personnalité propre des
Québécois qui ont pu prendre naissance et se développer
sous l'influence principale, voire souvent exclusive, du gouvernement
québécois et de l'Assemblée nationale. " Je ne voudrais
pas que de l'autre côté - ne leur imputerai pas de motifs, M. le
Président - peut-être pour faire avancer une certaine cause, on
essaie de diminuer même ce que nous avons réalisé. Si je
tiens à conserver les pouvoirs de l'Assemblée nationale, M. le
Président, c'est pour qu'on continue dans cette direction. Je pense
qu'on a avancé d'une façon extraordinaire depuis 20 ou 25 ans. Il
faudrait peut-être parler maintenant de 25 ans. Mais je ne voudrais pas
que, pour rendre l'image plus noire, on vienne diminuer, en fait, ce que notre
Assemblée nationale a été capable de faire.
Lorsque la population du Québec nous a mandatés pour la
représenter à l'Assemblée nationale - je pense qu'elle
n'en était peut-être pas tout à fait consciente - je pense
qu'elle nous a implicitement demandé d'être les gardiens et les
gardiennes des pouvoirs de l'Assemblée nationale et, par le truchement
de cette Assemblée, les gardiens et les gardiennes des droits de tous
les citoyens et citoyennes du Québec, quelle que soit leur origine. Il y
a, chez certains de nos concitoyens de langue anglaise et de diverses
communautés ethniques, un sentiment qui n'est peut-être pas sans
fondement; peut-être n'avons-nous pas toujours été aussi
vigilants à leur endroit que nous aurions dû l'être, pour
des raisons historiques que je ne veux pas développer. Ils ont une
tendance à penser que, peut-être, leurs droits, comme citoyens du
Québec et comme citoyens canadiens, même à
l'intérieur du Québec, peuvent être mieux
protégés par le gouvernement fédéral. Je comprends
très bien leur réaction d'inquétude de penser que, tout
à coup, nous mettons l'accent sur les prérogatives de
l'Assemblée nationale; il n'y a pas contradiction entre les deux.
Je veux leur dire qu'ils sont ici des citoyens, des citoyennes à
part entière et qu'ils participent à l'enrichissement du
Québec, au développement du Québec. On ne pourrait pas,
ici, citer tout ce qu'ils ont contribué, au Québec. De la
même façon que l'Assemblée nationale doit défendre
les droits de ceux qui sont - c'est l'ancien ministre de l'Immigration qui les
appelait ainsi - les Québécois de vieille souche; elle a les
mêmes responsabilités à leur endroit, que celles qu'elle
assume à l'endroit de ceux qui sont ici depuis plusieurs
générations.
M. le Président, en terminant, je voudrais simplement dire un mot
sur peut-être la propension du gouvernement à une certaines
propagande. Le premier ministre nous a dit qu'il n'y avait aucune
exagération là-dedans, je vais prendre sa parole. Il reste que,
quand même, quand on parle, par exemple, de tous les désavantages
de la mobilité de la main-d'oeuvre - je ne prendrai que cet exemple
compte tenu du temps - je ne suis pas sûre qu'on n'exaqère pas un
peu. Si on pense qu'il y a au moins 200 000 Québécois qui sont
allés qagner leur pain en Alberta durant les dernières
années - peut-être même davantage, j'essaie de ne rien
exagérer - je pense que, probablement, les Albertains qui ont
donné de l'emploi à leurs gens, sont aussi capables de donner de
l'emploi à d'autres. Je pense que ceci ne s'est pas fait au
détriment du Québec. Le même raisonnement pourrait valoir
à l'égard d'autres provinces.
Avant de s'enfermer dans une position où, finalement, il y aurait
une frontière entre les provinces quant à la mobilité de
la main-d'oeuvre, je demanderais au gouvernement d'y réfléchir
deux fois et d'être prudent dans ce genre de propagande. Le reste, je ne
l'ai pas examiné parce que ça demande beaucoup de données
et je ne les ai pas. Mais je ne voudrais pas que le gouvernement pense que, par
un vote positif à la motion qui est devant nous, nous souscrivons
à quelque propagande que ce soit qui n'aurait pas pour objectif
principal de défendre les enjeux qui sont en cause dans la motion que
nous discutons aujourd'hui, mais qui aurait pour objet indirect, avoué
ou non avoué, de promouvoir la cause de l'indépendance ou de la
souveraineté du Québec. (15 h 40)
M. le Président, je voudrais dire à mes électeurs,
qui, je le sais, pour un certain nombre, veulent qu'aucune atteinte ne soit
portée ni au Québec ni au Canada, mais qui ont de la
difficulté à concilier les deux dans un débat comme
celui-ci, que mon vote n'est pas un vote pour un homme ou pour un parti; c'est
un vote de principe. C'est dans ce sens que j'appuie la motion qui est devant
nous. Je sais que les électeurs, qui peuvent avoir quelque
inquiétude, pourront se rassurer quand ils sauront que nous serons
extrêmement vigilants pour voir quelle utilisation le gouvernement
pourrait faire de cette unanimité ou quasi-unanimité que nous
aurions dans cette Chambre à l'égard de la motion.
M. le Président, comme Québécoise et comme
Canadienne, j'ai toujours défendu, à l'intérieur du
Québec, dans la mesure où j'occupais des fonctions plus ou moins
importantes ou dans mes activités professionnelles, les droits de tous
les citoyens et citoyennes du Québec et j'ai toujours voulu leur assurer
que ces droits puissent leur permettre de vivre comme citoyens libres à
l'intérieur du Québec, mais aussi à l'intérieur du
Canada.
Et à ceux qui s'inquiètent - je termine là-dessus,
M. le Président - du fait que nous appuyons cette motion, que nous
soyons peut-être contre une charte des droits, je dirai que nous sommes,
comme formation politique, en faveur d'une charte des droits à
être insérée dans une constitution, mais je pense qu'on ne
pourra pas insérer dans une constitution une charte des droits qui ne
rencontrerait pas l'assentiment des gens qui devront l'appliquer.
Ici, je veux revenir sur, une exagération, à mon point de
vue, du ministre de la Justice qui, hier, évidemment dans un élan
oratoire, disait: On piétinerait les droits et libertés, parce
qu'on a une charte - qui va être perfectionnée encore, d'ailleurs;
ça demande toujours du perfectionnement - et que, tout à coup,
cette autre charte viendrait en contradiction avec celle que nous avons. Je
pense qu'on peut établir dans une constitution une charte de droits
fondamentaux sur lesquels on peut s'entendre, si on est de bonne volonté
de part et d'autre. Ceci n'exclut pas pour le Québec la
possibilité d'ajouter à cette charte ou même d'avoir sa
propre charte qui ajoute aux droits fondamentaux qui seraient
déjà définis dans une constitution canadienne.
M. le Président, encore une fois, je suis heureuse de voter pour
cette motion. J'ai l'impression de faire ce que la population attend de nous.
Pour certains, c'est difficile, peut-être de le juger à court
terme, mais je pense que, à moyen et long terme, c'est le seul geste que
nous puissions poser aujourd'hui pour assurer l'épanouissement du
Québec, pour assurer la paix et la quiétude mais, surtout et
également, pour assurer l'avenir de ce grand pays pour lequel, ici, de
ce côté de l'Assemblée nationale, nous n'arrêterons
pas de nous battre. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril (Arthabaska): J'essaierai, à l'intérieur
du temps qui m'est alloué, M. le Président, de vous expliquer les
raisons pour lesquelles je me dois, au nom de tous les Québécois
et Québécoises du comté d'Arthabaska, de m'opposer
à tout geste qui pourrait porter atteinte aux droits du Québec et
affecter nos pouvoirs sans notre consentement. J'essaierai de le faire avec
calme, mais ça ne sera pas facile, surtout après avoir
écouté, avec quelle répugnance, le ministre
fédéral de la Justice commenter le jugement de la Cour
suprême.
D'abord, je vous dirai que, depuis lundi, le 28 septembre dernier, des
gens de tous les coins de mon comté appellent à mon bureau, tout
indignés d'avoir entendu - comme je le disais tout à l'heure -
les commentaires de l'honorable ministre de la Justice fédéral et
Solliciteur général du Canada, M. "Johnny" Chrétien, comme
il y a de plus en plus de gens qui l'appellent.
À la suite des commentaires que M. Chrétien faisait sur le
jugement de la Cour suprême, quelqu'un me disait: Un grand rideau noir
vient de tomber sur les provinces. Jamais, M. le Président, je n'aurais
imaginé que le ministre fédéral de la Justice aurait pu
avoir l'audace d'interpréter à son avantage le jugement de la
plus haute cour du Canada.
En effet, M. Chrétien se vantait, tout époumoné
même, d'avoir amené tout son gouvernement à appuyer le
projet de M. Trudeau parce que, disait-il - je cite à peu
près ses paroles - Je le savais, moi, ministre
fédéral de la Justice et Solliciteur général du
Canada, que nous avions le droit d'adopter ce projet.
Pourtant, ce n'est pas tout à fait ce que le jugement dit. Le
jugement dit: Aucune loi ne requiert le consentement des provinces, mais, par
contre, aucune loi ne permet au gouvernement fédéral de changer
quelque chose. Vous voyez dans quel cul-de-sac on se retrouve.
Le jugement va plus loin. Le jugement parle d'une convention. Une
convention, c'est un accord, une entente qui existe entre partenaires. Sur ce
point, le jugement dit que le consentement des provinces du Canada est
constitutionnellement nécessaire à l'adoption du projet de
résolution portant adresse commune à Sa Majesté la reine
relativement à la constitution du Canada et que l'adoption de cette
résolution sans ce consentement serait inconstitutionnelle au sens
conventionnel, soit au sens de l'entente qui existe. Mais M. Chrétien
s'en fout, il s'en qarde bien.
Comment expliquer ce geste? Comment croire en cet homme qui a fait
miroiter toutes sortes de belles choses pour le Québec? Quand ce dernier
se moque du jugement de la plus haute instance judiciaire au Canada, comment
croire que ce gars-là va défendre les droits des
Québécois?
Je me réjouis énormément de constater que, pour une
des rares fois, nos collègues d'en face, à cause d'une situation
dramatique, s'opposent majoritairement avec le gouvernement du Québec
à ce projet fédéral. Je pense que nous pouvons dire que
c'est le début de la fin de l'empiétement du gouvernement
fédéral sur le pouvoir des provinces, mais il ne faut pas se
laisser avoir pour autant. Au référendum du 20 mai 1980, vous
vous rappelez ce que les Trudeau, Chrétien et compagnie nous avaient
promis. Je ne vous rappellerai aucune de ces promesses parce que j'aime bien
respecter le droit des personnes qui les avaient crues et je ne veux surtout
pas tourner le fer dans la plaie.
Mais j'aimerais quand même mettre la population en garde parce que
les députés fédéraux, pour se défendre de
leur geste illégitime, disent ceci: "II faut faire vite, les gens sont
tannés d'entendre parler de constitution et, lorsque cela sera fait, on
pourra passer à autre chose et s'occuper d'économie. "
J'entendais ces mots prononcés par votre député
fédéral, M. Claude Tessier. C'est vrai que le monde est
tanné. Moi aussi, je suis tanné d'en parler et d'en entendre
parler, mais il ne faut quand même pas se laisser avoir. Je demanderais
à nos 73 supposés Québécois élus à
Ottawa: Qu'avez-vous fait pour redresser l'économie du Québec? On
vous connaît, on connaît votre rengaine, mais cela ne poigne plus,
cela ne poigne plus tellement, votre affaire. Vous êtes
conséquents dans vos qestes. Après les dossiers de Ford, de
Chrysler, de Massey Ferguson, de LaPrade, de F-18 et j'en passe, voilà
que nos 73 défenseurs du Québec laissent rouler de nouveau le
dossier Volkswagen vers l'Ontario. (15 h 50)
Que faites-vous pour les taux d'intérêt excessifs?
Qu'attendez-vous pour apporter de l'aide aux propriétaires de maisons?
Que faites-vous pour la famille qui voit monter son remboursement
hypothécaire de 500 $ à 750 $ par mois, M M. les
députés fédéraux?
Sacrifiez donc une journée de vos loisirs pour faire du bureau de
comté, ça vous ramènera peut-être à la
réalité. Vous calculerez, avec un chômeur, comment il peut
faire pour vivre et payer sa maison. Cela vous permettra ainsi d'exiger des
programmes d'aide de votre gouvernement pour les plus démunis.
C'est curieux, depuis le temps où le projet d'Ottawa était
devant les tribunaux, vous auriez pu, messieurs, et vous auriez dû
trouver le temps pour aider l'économie du Québec. Vous l'avez
pris ce temps pour encore aider l'économie de l'Ontario au
détriment de celle du Québec.
Le ministre de l'Agriculture fédéral, M. Eugene Whelan,
député de l'Ontario, a trouvé le temps, lui, pour donner
80 000 000 $ aux producteurs de céréales à cause des
pertes qu'ils avaient supposément subies à cause de l'embargo sur
la livraison des grains en Russie. Pourtant, à la suite de la
grève des manutentionnaires de grains, il y a environ deux ans, les
producteurs québécois ont payé jusqu'à 50 $ la
tonne de plus pour leur moulée. Le fédéral n'a pas
dédommagé.
M. Whelan, je l'admets, est un bon ministre. Il pense aux siens et il
les aide. Pourquoi nos 73 élus ne font-ils pas un peu comme s'ils
étaient des Québécois d'abord? Imaginez-vous ce que le
Québec ferait avec une petite partie de ces sommes.
Je m'arrêterai ici, M. le Président, pour demander à
tout le monde de toute allégeance politique de s'opposer au projet
fédéral. Je demanderai à tout le monde du comté
d'Arthabaska et du comté fédéral de Lotbinière
d'écrire, de téléphoner ou de rencontrer notre
député fédéral, M. Jean-Guy Dubois. Je suis certain
qu'il aura une oreille attentive à nos revendications; nous serons plus
nombreux à lui faire comprendre que, pour l'avenir du Québec, il
doit voter contre son chef. Il reste deux semaines pour
réfléchir. Je sais que ce n'est pas toujours facile, mais il vaut
mieux se plier à la volonté de ceux et celles qui nous ont
élus.
C'est évident que ce n'est pas facile pour nous de retourner
à la table négocier un vieux système démodé,
mais tant que nous n'aurons pas obtenu de la population le
pouvoir de faire autre chose, nous respecterons les règles du
jeu.
Quant à moi, M. le Président, j'ai été
élu par et pour les Québécois. Si le gouvernement
fédéral veut nous enlever des pouvoirs durement acquis par nos
ancêtres, il faudra qu'il me passe sur le corps parce que moi, je ne me
laisserai pas avoir.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak M. Polak: M. le Président...
Une voix: J'espère qu'il va nous réveiller.
M. Polak:... comme les péquistes, je crois beaucoup dans
les sondages. Depuis deux jours, j'ai fait un sondage avec le
député de Verdun en parlant avec beaucoup de personnes dans la
belle ville de Québec, qui, d'ailleurs, ont massivement voté
péquiste la dernière fois.
On nous a dit: II y a un débat extraordinaire, d'urgence. Est-ce
qu'il s'agit du problème économique, est-ce qu'il s'agit de
discuter les coupures budgétaires? Nous sommes tous pour cela, c'est
parfait. On a dit: Non, non, ce n'est pas pour cela que nous sommes venus, nous
sommes ici pour discuter des problèmes constitutionnels. Ils ont dit:
Encore une fois, un drapeau pour couvrir la marchandise. C'est juste un petit
sondage, mais je pense que c'est significatif de quelque chose.
Avant d'aborder la discussion sur le contenu de la résolution qui
est devant l'Assemblée, il faut d'abord que la population soit au
courant de ce que je considère être la vraie raison de la vitesse
extraordinaire avec laquelle le gouvernement procède. Ayant
déjà attendu 54 ans, une semaine ou deux de plus n'auraient pas
fait une grande différence, surtout si, d'une manière objective,
on voulait se placer au niveau des vrais intérêts du
Québec.
Je suis convaincu que le gouvernement tente, par cette rapidité,
cette semaine, d'exploiter une certaine division au sein des libéraux, y
inclus nos militants. Cependant, la vraie division existe dans le Parti
québécois: on n'a qu'à voir les différents courants
d'opinion qui y existent. C'est bon de se le faire rappeler. Il y a à
peine une semaine, une résolution était adoptée par
l'association locale péquiste d'un comté bien
représenté ici par un ministre du sexe féminin. Ce
comté réclamait la déclaration immédiate par le
gouvernement de la souveraineté du Québec au cas où le
jugement de la Cour suprême déciderait 100% en faveur du
fédéral. Je me demande comment cette députée, qui
représente cette association et est appuyée par ses militants, va
voter vendredi, en conscience.
Un deuxième courant existe, dans de nombreux comtés
péquistes, de gens qui demandent au Parti québécois dans
beaucoup de résolutions, de ne plus faire campagne à l'avenir,
sur la souveraineté-association, mais purement et simplement sur la
souveraineté, en laissant tomber le mot "association". J'aimerais savoir
comment les députés qui représentent ces comtés
voteront, en toute conscience, vendredi. Que la presse pose des questions
à nos députés qui sont, à certains points de vue,
déchirés, d'accord, il y en a plusieurs. Mais je pense que c'est
à peu près le temps que la presse commence à poser des
questions de l'autre bord pour connaître leurs vraies opinions et leurs
problèmes de conscience. Cela existe.
Il y a un troisième groupe, parmi les péquistes, qui croit
encore en la formule de la souveraineté-association. Quelle que soit la
manière d'analyser toutes ces formules, il y a une chose que toutes les
formules ont en commun, c'est le bris du pays.
M. Landry: Et l'indépendance du Québec!
M. Polak: Pour tous les députés libéraux et
pour tous nos militants, ceci n'est pas négociable. Jamais! Il n'y a
aucun doute que le Parti québécois, avec la rapidité avec
laquelle il exige un vote vendredi, a bien pensé à son
congrès qui se tiendra en fin de semaine à Jonquière. Je
suggère au premier ministre - je suis content de savoir qu'il est venu
m'écouter - que le seul mandat que la résolution de notre
Assemblée lui confie est d'avoir, dans le plus bref délai, des
négociations entre le fédéral et les provinces. On demande
que M. Lévesque y aille non pas pour y faire échec, mais pour
trouver une formule acceptable aux parties en cause.
L'opinion publigue, après la résolution qui sera
acceptée sans doute vendredi, suivra les paroles et les gestes du
gouvernement. Nous, de notre côté, nous serons ici, à
l'Assemblée, pour vous rappeler continuellement le vrai sens de la
résolution qui, d'ailleurs, dans son texte final - je pense que le
public n'a pas encore compris cela - est présentée, à
toutes fins utiles, par les libéraux. Je vous expliquerai plus tard
pourquoi et comment.
Une voix: Comme cela, vous votez contre? (16 heures)
M. Polak: Non, je ne vote pas contre du tout, je vote pour, mais
vous votez pour notre résolution.
Maintenant, il faudrait parler d'une façon objective de la
décision rendue par la Cour suprême. C'est bizarre que le chef
du
Parti québécois, le premier ministre, M. René
Lévesque, qui a toujours déclaré que la Cour suprême
était une tour de Pise qui ne penche que dans une direction, fasse
maintenant l'éloge de la sagesse de six juges sur neuf quant à la
réponse à certaines questions. En toute objectivité, le
jugement donne raison aux deux parties, c'est-à-dire au
fédéral sur le plan légal et aux provinces sur le plan des
conventions constitutionnelles, ce que le public nomme l'immoralité du
geste.
Il ne faut pas sous-estimer la force des conventions. Savez-vous, M. le
Président, quand ils commencent à rire de l'autre
côté, c'est parce qu'ils ont peur de ce que je dis. Continuez
à rire; moi, je continue à parler. Je parle de la force des
conventions constitutionnelles que les six juges déclarent et je cite le
jugement: Le principe fédéral est irréconciliable avec un
état des affaires où l'action unilatérale des
autorités fédérales peut entraîner la modification
des pouvoirs législatifs provinciaux. Je suis d'accord avec ça.
Si jamais, M. le Président, le temps est propice et le moment est venu
de négocier d'une manière positive, c'est maintenant. Une partie,
c'est-à-dire le fédéral, a un argument légal en sa
faveur qui l'autorise même à procéder
unilatéralement et l'autre partie, c'est-à-dire les provinces, a
l'argument essentiel de la convention constitutionnelle.
D'ailleurs, MM. Favreau et Trudeau comprenaient la pesanteur de cet
argument quand ils ont dit en 1965 dans un livre blanc: "Le Parlement du Canada
ne devrait pas modifier la constitution en touchant aux rapports
fédératifs sans avoir auparavant consulté les provinces et
obtenu leur assentiment". Sans doute, ce sont justement ces paroles qui ont
inspiré M. Trudeau de réagir au jugement de la Cour suprême
pendant sa première conférence de presse quand il s'est
montré conciliant au point de vue des négociations finales. Je
crois beaucoup dans ces négociations et je ne vois dans la
résolution devant nous qu'un geste positif d'amener M. Trudeau à
cette table de négociations. Je doute fort, cependant, que M.
Lévesque ait la vraie intention de négocier de bonne foi et,
ultérieurement, il ne désire que le bris du pays. Une telle
attitude est un autre pas dans la stratégie étapiste qui va se
terminer au moment où M. René Lévesque sera
président de la république du Québec.
Personnellement, je ne pourrai jamais renoncer au principe du
fédéralisme canadien. Mais ça ne voudrait pas dire du tout
que nous sommes la cinquième roue du carrosse de M. Trudeau. Si c'est
vrai, ce que j'ai lu dans les journaux, à savoir que M. Chrétien,
le ministre fédéral de la Justice, aurait appelé M. Ryan
un fou, je n'accepte pas une telle remarque et je suis certain qu'aucun membre
de cette Assemblée n'accepte une telle remarque. Je crois que M.
Chrétien, lui, commettrait - et je vais être poli - un acte de
folie en refusant de néqocier avec les provinces. Moi, j'ai
été élu pour représenter ici à
l'Assemblée nationale, M. le Président, les intérêts
des Québécois et Québécoises et je suis autant
capable que M. Lévesque de le faire d'une manière objective,
mais, pour moi, en souscrivant entièrement à une position prise
il y a à peine deux semaines à notre conseil
général où nous avons affirmé que nous sommes
d'abord élus pour représenter les intérêts du
Québec, mais ceci toujours dans le cadre d'une fédération
canadienne.
When it comes to protecting the rights of minorities, I assure you that
those minorities are very vocal and well represented in the Liberal party, that
we understand and that we live their fears and anxieties and that we shall
fight for a better Québec and all of its citizens. We shall never
renounce, not one of us, to the Canadian federalism. That, to all of us, is
simply not negotiable. In my view, the breaking up of our country shall never
become acceptable to the majority of all Quebeckers. However, Mr. Trudeau must
also realize that the population wishes him to sit down with the premiers and
negotiate. If Mr. Lévesque torpedoes any such successful and positive
negotiations, the public opinion will judge him and will praise us for having
requested such negotiations by not only supporting the present resolution but
by being instrumental, us, the Liberal Party of Québec, in drafting the
final and real text.
M. le Président, en relisant maintenant le texte de la
résolution qui est devant nous, ce texte ne veut aucunement dire que
nous votons avec le PQ, mais que nous votons -et c'est le vrai sens de ce texte
- pour les intérêts du Québec en demandant à M.
Trudeau et aux provinces de négocier immédiatement. On pourrait
peut-être appeler cela tordre le bras de M. Trudeau, mais c'est
d'ailleurs le message qui ressort clairement du jugement de la Cour
suprême.
En ce qui concerne le texte même de la résolution, c'est
maintenant rendu public dans les journaux et dans les médias que notre
parti, le Parti libéral, a apporté des amendements substantiels
au projet de résolution qui a été soumis en premier lieu.
Le projet de résolution disait, et je cite, c'est le premier projet qui
a été soumis, la vraie pensée du Parti
québécois: "Que l'action unilatérale du gouvernement
fédéral est inconstitutionnelle. " Le texte s'arrête
là. Mais les mots de ce texte soumis par le gouvernement péquiste
sont malhonnêtes, parce que ce texte a omis une partie aussi importante
du jugement de la Cour suprême qui a décidé que M. Trudeau
avait raison sur le plan légal.
M. le Président, c'est tricher la population que de se servir
d'une manière
partisane d'une partie seulement de la conclusion essentielle du
jugement de la Cour suprême. C'est le Parti libéral ici, de ce
côté de la Chambre, qui a réussi à faire
insérer dans le texte de la résolution qui est devant nous que
l'action du gouvernement fédéral était aussi
légale.
C'est le premier changement d'importance. De plus, - deuxième
changement - le texte original du projet devant nous, qui a été
publié dans les journaux et qui nous a été soumis, disait
clairement, et je cite: "Que cette Assemblée refuse - c'est le mot qui
était dans le texte - tout geste qui pourrait porter atteinte à
nos droits. "
Une telle terminologie est totalement inacceptable parce que la
conséquence logique de ce raisonnement amènerait à la
seule conclusion que le gouvernement serait prêt à aller
jusqu'à la désobéissance civile.
C'est le Parti libéral, c'est nous, de ce côté-ci de
la Chambre, qui avons réussi à faire amender ce texte en
changeant le mot "refuse" par le mot "s'oppose". J'espère, et je le
répète, que M. Lévesque a bien compris le sens de cet
amendement. Hier soir, pendant son discours, il est allé assez loin en
spéculant sur les conséquences et dans son esprit, le mot
"refuse" primait peut-être encore, mais le mot est là maintenant,
"s'oppose". Il y a une différence. (16 h 10)
Finalement, M. le Président, le grand changement, le point
essentiel de la résolution, c'est l'amendement et l'insertion d'un texte
et d'un troisième paragraphe qui ne se trouvaient aucunement dans le
texte original. Le troisième paragraphe, c'est notre paragraphe, c'est
le paragraphe du Parti libéral, et j'en suis fier. On l'a accepté
et il est là. Il est important qu'on lise ce texte - parce que ce n'est
pas tout le monde, parmi le public, qui le connaît - qui a
été suggéré par nous et qui fait partie de la
résolution. Pour la première fois, nous avons réussi
à le faire insérer. Cela ne vient pas de vous, c'est notre
résolution. Voici ce texte: "... et demande au gouvernement
fédéral et à ceux des provinces qu'ils reprennent sans
délai les négociations dans le respect des principes et des
conventions qui doivent régir les modifications du régime
fédéral canadien. " C'est fort, mais c'est là-dedans!
Ce texte est clair. Il ne donne aucun mandat à M. Lévesque
de briser le pays, mais lui dit de demander des négociations
immédiates. Il serait préférable d'expliquer cela à
vos militants, en fin de semaine, au congrès de Jonquière.
Le premier ministre a parlé, hier, dans son discours, d'un petit
livret qui s'appelle Minute Ottawa! Je l'ai, ici, devant moi. D'ailleurs, il
est distribué dans les magasins de la Société des alcools,
selon les ordres du gouvernement; j'en ai eu un quand j'ai acheté une
bouteille de vin il y a trois jours, alors que j'étais nerveux. Je peux
dire aux péquistes que le vin était bon, je suis d'accord
là-dessus. Mais je considère que ce texte est incendiaire; c'est
une déclaration de guerre. C'est vrai que ce petit livre a
été distribué avant le jugement de la Cour suprême,
et peut-être le premier ministre du Québec était-il
convaincu d'une victoire totale de M. Trudeau devant la Cour suprême.
Donc, le livre, c'est la guerre. Maintenant, on a le jugement, et M.
Lévesgue en cite une page avec grande appréciation pour la
sagesse des juges.
Peut-être est-il temps, s'il reste encore de l'argent dans les
coffres de l'État, de publier à nouveau ce même livre en
prenant en considération, cette fois, la décision de la Cour
suprême et, ce qui est le plus important, en prenant en
considération le texte de la résolution qui est devant nous,
lequel a été amendé par le Parti libéral, comme je
l'ai expliqué, d'une telle manière qu'il est devenu un texte,
à toutes fins utiles, soumis par nous, ne l'oublions pas. Le nouveau
petit livre devrait s'intitulier comme suit: "Minute Ottawa! j'arrive, il faut
se parler. " Cela, ce serait objectif.
M. le Président, je ne ferai pas trop de commentaires sur le
contenu du livre, le temps manque. Mais quand on affirme, dans ce petit livre,
que la position de M. Trudeau sur la mobilité de la main-d'oeuvre aurait
des effets absolument néfastes sur la situation de l'emploi pour les
travailleurs du Québec et que les chantiers du Québec seraient
envahis, je suggère que ceci, encore une fois, est une approche
partisane de petite politique. On a oublié de dire qu'il y a des
milliers de travailleurs québécois qui gagnent très bien
leur vie sur les chantiers d'une autre province et qui en sont fiers. Ils sont
souvent allés travailler là parce que le présent
gouvernement, par la ruine économique de notre province, n'a pas
réussi à créer des emplois pour eux. Ce sont les raisons
pour lesquelles ils sont là.
Je termine, M. le Président, en vous expliquant le vrai sens de
la résolution que je suis prêt à accepter. Je suis fier que
ce soit nous qui ayons rédigé le texte final que vous avez
accepté. Je suis prêt à l'appuyer, mais nous vous
reparlerons, à l'avenir, et à toutes les occasions possibles, du
contenu et du vrai sens de cette résolution. Que les journaux
arrêtent de nous considérer comme ayant voté avec les
péquistes. On ne votera jamais avec les péquistes, mais on vote
pour une résolution libérale dans l'intérêt du
Québec et du Canada.
D'ailleurs, c'est le seul sens et la seule interprétation qu'on
puisse donner à ce texte en toute objectivité. Lisez-le. Ceux qui
ont ri, lisez-le pour vous rappeler le contenu du
texte. Nous ne sommes pas dans le même lit que les
péquistes, mais nous sommes dans le lit - j'apprécie ça de
temps en temps être dans un lit, mais pas avec vous autres - de presque
toutes les provinces canadiennes en cherchant une formule équitable pour
les provinces, pour le Québec et pour un fédéralisme
renouvelé. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Taschereau.
M. Richard Guay
M. Guay: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de
ramener le débat à un ton un peu plus serein, comme il
était auparavant.
Une voix: Plus sérieux aussi.
M. Guay: Plus sérieux, me dit-on.
Je pense que la population sait déjà et est à
même de comprendre que le texte qui a été
rédigé a fait l'objet de négociations entre les deux
partis. De là à dire que c'est un texte libéral, c'est
quand même complètement ridicule.
Par contre, si le député de Sainte-Anne est heureux du
chanqement qui fait que le mot "refuse" a été remplacé par
le mot "s'oppose", je l'invite à consulter un dictionnaire; il
constatera sans doute que le mot "s'oppose" est tout aussi fort, pour ne pas
dire plus, que le mot "refuse".
M. Polak: S'objecte.
M. Guay: II est très énervé, le
député de Sainte-Anne, aujourd'hui!
M. le Président, nous sommes donc réunis en session
d'urqence, en session exceptionnelle. Pourquoi? Parce que, malgré le
jugement de la Cour suprême qui lui est, somme toute, défavorable,
le gouvernement d'Ottawa, le gouvernement de M. Trudeau a décidé
d'aller de l'avant - c'est ce que le ministre de la Justice a annoncé,
c'est ce que le premier ministre fédéral a annoncé -avec
un coup de force constitutionnel qui siphonnerait, sans leur consentement, les
pouvoirs des Assemblées législatives des provinces et, en ce qui
nous concerne, de l'Assemblée nationale du Québec.
C'est curieux que, dans la situation actuelle, au moment où tous
les Canadiens -et par conséquent tous les Québécois - sont
confrontés à des problèmes économiques d'une
gravité telle qu'il faut remonter à la crise des années
trente pour y trouver un rapport, à des taux d'intérêt de
18% et 20%, à des hypothèques qui sont tellement
élevées que des Canadiens et des Québécois sont
obligés de vendre leur maison, à un taux d'inflation de 13% qui
fait que les ménages, les familles ont de la difficulté à
joindre les deux bouts, à un chômage anormalement
élevé, au moment où le Canada - le Québec, par
conséquent - est en pleine crise économique et au moment
où on aurait pensé, du gouvernement d'Ottawa, puisque c'est sa
responsabilité...
L'Acte de l'Amérique du Nord britannique, que M. Trudeau veut
faire modifier, est très clair là-dessus. Les pouvoirs exclusifs
du gouvernement d'Ottawa sur la monnaie, sur les banques, sur
l'intérêt sont clairement énoncés dans l'article 91.
La crise économigue actuelle qui confronte tous les Canadiens, c'est la
responsabilité du gouvernement fédéral.
On aurait pensé, dans une situation comme celle-là, que le
gouvernement fédéral se serait empressé de chercher
à remédier à la situation. Mais non, on fait comme s'il
n'y en avait pas. Le ministre des Finances fédéral tantôt
rencontre les banques, on "parlotte", on "jasouille", mais, finalement, les
problèmes concrets que vivent les familles québécoises et
les familles canadiennes au jour le jour ces temps-ci, on s'en moque comme de
l'an quarante. Non seulement on ne règle pas les vrais problèmes,
mais on a décidé d'en créer un et de plonger le pays dans
la pire crise constitutionnelle qu'il ait jamais vécue. Et ça,
c'est le gouvernement fédéral, le gouvernement d'Ottawa qui l'a
décidé.
Appelé à porter un jugement sur la question, le plus haut
tribunal du pays, la Cour suprême, déclare que la façon de
procéder unilatérale d'Ottawa, sans le consentement des provinces
impliquées, est inconstitutionnelle au sens des conventions. Mais la
cour ajoute que la constitution du pays est formée à la fois de
conventions et du droit constitutionnel et que le gouvernement d'Ottawa devrait
agir en vertu des deux et non pas uniquement en vertu de la moitié, si
l'on veut, en vertu de la stricte légalité du droit
constitutionnel. Il doit aussi agir en vertu des conventions, parce que ces
conventions font partie de ce qui nous gouverne quotidiennement et, le jour
où on abandonne ces conventions, où on les balance par-dessus
bord, c'est tout l'édifice administratif, toute la confiance des
citoyens dans leur gouvernement qui s'estompe. (16 h 20)
Sait-on seulement, M. le Président, à titre d'exemple de
ces conventions, que dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
notre constitution, il n'est nulle part mentionné le poste qu'occupe M.
Trudeau? Le poste de premier ministre n'existe pas dans la constitution. Il
n'existe pas en droit. C'est une convention. Les pouvoirs, en fait, sont
plutôt conférés au gouverneur général, le
représentant de la reine, mais s'il fallait qu'il les exerce, ce serait
un scandale. Pourquoi? Parce que, en vertu d'une autre convention, le
gouverneur général a cédé ses
pouvoirs depuis longtemps au premier ministre.
Sait-on même que si M. Trudeau est au pouvoir aujourd'hui à
Ottawa, c'est en vertu d'une convention, celle qui a fait que quand M. Clark
était premier ministre, ayant été battu en Chambre sur son
budget, il a démissionné et il y a eu des élections? Il
n'y a rien, nulle part dans la constitution, qui obligeait M. Clark à
faire cela, ni à démissionner ni à déclencher des
élections. C'est purement une convention, importante, on en convient. M.
Trudeau devrait le reconnaître. C'est grâce à elle s'il est
revenu au pouvoir plutôt que d'être à la retraite
aujourd'hui. Pourtant, aujourd'hui, M. Trudeau nous dit: Les conventions, vous
savez, il faut s'adapter.
Les conventions n'existent pas seulement dans le domaine
constitutionnel. C'est une chose qui, quotidiennement, régit nos vies.
Quand on rencontre quelqu'un, on lui serre la main. Il n'y a pas de loi qui dit
cela, il n'y a pas de règlement qui l'oblige ou l'interdise. C'est une
convention qui fait qu'on serre la main à quelqu'un quand on le
rencontre. Demain matin, on peut balayer les conventions et dire: II faut
s'adapter, il faut s'ajuster et on peut changer, on peut même à la
place lui cracher dessus. Ce serait un comportement assez curieux et, pourtant,
c'est le comportement qu'a choisi M. Trudeau, de cracher sur les provinces au
moment où, constitutionnellement, d'après la Cour suprême,
il faudrait que le fédéral, Ottawa et les provinces se serrent la
main pour en arriver à un accord. Au contraire, M. Trudeau fait fi de
l'accord des provinces et, manifeste une fois de plus son mépris pour
les provinces.
On nous dit - c'est un argument du très raffiné M.
Chrétien - qu'il y a urqence dans la demeure. Cela fait 54 ans,
paraît-il, que cela dure. La population du Canada en a soupé. Elle
est tannée, elle est excédée. C'est d'une urgence
épouvantable d'agir; la dignité du Canada fait qu'on ne peut plus
attendre une seule journée avant que sa constitution soit à
Ottawa.
Les gens qui m'en ont parlé dans mon comté m'ont dit:
L'Acte de l'Amérique du Nord britannique ne fait manger personne. Je
pense qu'ils ont raison. Il me semble que, si on a réussi à vivre
jusqu'à maintenant pendant 113 ans avec un Acte de l'Amérique du
Nord britannique qui n'était pas ici, on peut continuer, 114, 115 ans,
enfin, jusqu'à temps que le problème se règle par
consensus, avec le consentement des parties impliquées. Où est
l'urgence? Si l'on veut vraiment rapatrier - le premier ministre l'a
indiqué hier dans son discours - si c'est uniquement une question de
rapatriement et de formule d'amendement, M. Trudeau n'a qu'à signer
l'accord des huit provinces et le problème va être
réglé sans qu'il y ait crise, sans qu'il y ait tout ce
bouleversement, et le gouvernement fédéral va peut-être
s'occuper des problèmes des citoyens au jour le jour. Non. La
vérité, c'est qu'on veut profiter, sous le couvert du
rapatriement contre lequel personne n'est, au fond, de cette situation pour
demander à Londres de siphonner les pouvoirs des provinces. En d'autres
mots, ce qu'Ottawa ne peut pas faire directement, il demande à Londres
de le faire.
La Cour suprême, là-dessus, a un passage qui est
intéressant et qui rappelle la nécessité de respecter les
conventions lorsqu'elle dit: "Le but de cette règle conventionnelle -
celle d'avoir l'accord des provinces - est de protéger le
caractère fédéral de la constitution canadienne et
d'éviter l'anomalie par laquelle la Chambre des communes et le
Sénat pourraient obtenir, par simple résolution, ce qu'ils ne
pourraient validement accomplir par une loi. " En d'autres mots, ils ne peuvent
pas le faire par la loi s'ils le font directement. Ils font une
résolution et ils demandent à Londres de faire "la sale job" pour
eux et puis de leur envoyer cela. Voilà la situation. L'urgence de M.
Chrétien et de M. Trudeau, ce n'est pas pour rapatrier. Ce n'est pas
vrai. C'est qu'on a décidé d'aller siphonner les pouvoirs des
provinces et d'affaiblir, par le fait même, l'Assemblée nationale
du Québec.
On invoque, pour justifier cela, l'appui de la population, les pressions
populaires pour que la constitution soit rapatriée. Mais c'est mentir
à la population. C'est mentir effrontément à la
population. Le gouvernement Trudeau n'a jamais sollicité de mandat pour
faire ce qu'il fait et il ne l'a jamais obtenu. Lors des dernières
élections fédérales, il n'a jamais été
question, de la part du Parti libéral fédéral que l'on
pose ce geste pendant le mandat qui vient. Il n'a aucun mandat pour agir de la
sorte.
Quand on lui dit: Allez donc chercher un mandat, faites un
référendum, faites une élection générale, il
dit: Non, non, non, non. Oh! Que non! Et on sait très bien pourquoi. La
population n'en veut pas, ça me semble assez clair.
Quels sont les analystes qui n'ont pas, au lendemain du 13 avril
dernier, attribué en partie à l'attitude du gouvernement Trudeau
le résultat du vote des Québécois qui voulaient ici un
gouvernement qui défendrait le Québec contre ce coup de force? Et
si ce n'était pas assez clair, reportons-nous aux élections
fédérales complémentaires de Joliette et de Spadina, cet
été Spadina, M. le Président, c'est l'Outremont de
Toronto, pour le Parti libéral fédéral. Cela ne se perd
pas. Pourtant, ils l'ont perdu, ils ont réussi à le perdre.
Dans Joliette, M. LaSalle, qui avait été élu avec
500 voix la dernière fois, a eu une majorité écrasante,
cette fois-ci, de 13 000 voix. Il me semble que si c'est ça l'appui
de
la population au gouvernement Trudeau, c'est un drôle d'appui.
De toute façon, tous les sondages sont très clairs. La
population n'en veut pas et le gouvernement du Québec et
l'Assemblée nationale du Québec sont pleinement justifiés
aujourd'hui d'étudier une résolution s'opposant à ce coup
de force absolument inadmissible, illégitime et contraire aux
règles constitutionnelles du pays.
Au fond, ce à quoi nous assistons, M. le Président, et
c'est dommage, c'est qu'au moment où le Canada vit une crise
économique, au moment où les Canadiens ont besoin de nouvelles
politiques économiques, d'une nouvelle direction économique, pour
créer de l'emploi, pour abaisser les taux d'intérêt pour
pouvoir payer leurs hypothèques, pour diminuer le taux d'inflation pour
que les familles puissent joindre les deux bouts, au moment où c'est
ça que devrait faire le gouvernement fédéral, parce que
c'est sa responsabilité, on voit plutôt un gouvernement soumis aux
obsessions d'un homme, M. Trudeau, qui, depuis longtemps, a
décidé qu'il allait mettre le Québec au pas. Peu importe
que ce soit une priorité ou non, peu importe que ça corresponde
aux besoins et aux désirs de la population, cela n'a aucune
importance.
Entre-temps, celui-ci, comme on le sait, voyage de par le vaste monde.
Le dialogue Nord-Sud, comment construire entre les pays industrialisés
et les pays sous-développés un nouvel ordre économique,
c'est très bien, je suis tout à fait pour ça, je n'ai rien
contre, sauf qu'il me semble assez curieux qu'on consulte et qu'on conseille
les autres sur un nouvel édifice alors que la maison brûle ici
même au pays.
Je n'ai rien contre le fait que le premier ministre
fédéral ait des rencontres avec ses homologues, mais je me dis
qu'il pourrait peut-être revenir à Ottawa de temps à autre,
parce que, en lisant les journaux, on apprend qu'il était en Arabie
Saoudite, en Europe, en Algérie, au Kenya, en Corée, d'où
il a daigné s'adresser à nous, en Australie, à l'heure
actuelle, aux États-Unis. Quelqu'un pourrait peut-être lui dire,
lorsqu'il passera à Ottawa pour changer de valise, qu'il y a des
problèmes sérieux ici au Canada et que la constitution et le coup
de force constitutionnel, ça ne répond pas d'une part à ce
que les Canadiens et les Québécois veulent sur le plan
constitutionnel, et que c'est créer un problème, alors qu'on ne
règle pas le problème de l'heure, qui est du domaine
économique et qui est de la responsabilité du gouvernement
fédéral.
Si M. Trudeau peut agir ainsi, hélas, mon collègue
d'Arthabaska l'a souligné, c'est avec la complicité passive,
béate, des 72 ou 73 anonymes invertébrés qui constituent
le caucus libéral fédéral du Québec, dont on entend
rarement parler, qui, de toute évidence, ne défendent pas les
intérêts du Québec, mon collègue l'a souligné
tantôt, dans le dossier Volkswagen et dans combien d'autres dossiers! Eux
qui sont élus par la population pour défendre les
intérêts du Québec à Ottawa, ils sont en train de se
rendre complices de ce que le député de Saint-Laurent, de l'autre
côté de cette Chambre - et je pense qu'il a raison - a
appelé un coup d'État, l'usurpation, carrément
l'usurpation du pouvoir par le gouvernement d'Ottawa, par le premier ministre
Trudeau.
On peut se demander à quoi sert d'élire ces gens pour
défendre nos droits à Ottawa, si tout ce qu'ils savent faire,
c'est ça. (16 h 30)
En tout cas, M. le Président, si jamais ça devait passer,
ce coup de force unilatéral d'Ottawa, il faudra sûrement modifier
en même temps l'hymne national parce que, vous le savez, celui-ci se
termine ainsi, parlant du Canada: "Ta valeur, de foi trempée,
protégera nos foyers et nos droits". C'est la version
canadienne-française du Ô Canada: Le Canada protégera nos
foyers et nos droits. Avec les taux d'intérêt en vigueur et avec
le coup de force du gouvernement fédéral, il faudra changer cela
pour: Nous évincera de nos foyers et violera nos droits.
Pour ma part - et je termine là-dessus - à titre de simple
député et de représentant des électeurs de
Taschereau, fier de l'être, honoré du mandat qu'ils m'ont
confié à une deuxième reprise, sans me prendre pour un
autre - un député, c'est un député, sans plus sans
moins - je puis vous dire, pour employer une expression anglaise bien connue,
que le coup de force de M. Trudeau, il va passer "over my dead body". Je puis
vous dire que quant à moi, tant que je siégerai en cette Chambre,
jamais je ne m'y soumettrai. Je pense qu'en cela je me fais le fidèle
reflet de la volonté des citoyens de Taschereau, ce comté
où se trouve le berceau de la Nouvelle-France, soit le
Vieux-Québec, Notre-Dame-des-Victoires, les quartiers de Saint-Sauveur,
Saint-Roch et Saint-Jean-Baptiste, le centre-ville de notre capitale nationale.
Je vous dis que jamais, au grand jamais, pour ma part, je ne m'y
soumettrai.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est encore une fois, comme
membre de la fournée du 13 avril des nouveaux députés en
cette Chambre, un privilège toujours renouvelé d'assister, de
façon presque répétée et, je dirais, quotidienne,
à des moments historiques. Je présume que nous sommes
choyés, nous, les nouveaux députés, d'avoir connu d'abord
une mini-session maxi
complète et maxi pleine de toutes les interventions et toutes les
actions qu'un gouvernement doit faire et entreprendre. Nous avons eu droit
à un re-discours du rebudget dès notre arrivée, à
des moments historiques parce que je pense que c'était la
première fois - je ne veux pas m'étendre là-dessus - que
de l'avis même du premier ministre un budget était
présenté en catastrophe. Je crois que c'était un
précédent historique que, bien tardivement, onze membres du
gouvernement se soient joints, avec retard, je le dis, à la motion de
blâme que j'avais le plaisir de présenter en cette Chambre.
M. Lalonde: Ils avaient voté contre.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ils n'avaient pas,
effectivement, voté avec nous à l'époque, mais
l'intersession leur a peut-être porté conseil.
Je suis heureux de voir que des ralliements peuvent s'effectuer à
l'Assemblée nationale, des ralliements partiels ou tardifs, mais des
ralliements quand même. C'est assez surprenant, finalement, de voir le
ralliement des gens qui sont ici, aujourd'hui, devant les
événements que nous connaissons, alors qu'on est parfaitement en
droit de demander: Où étiez-vous, messieurs du gouvernement,
depuis treize ans maintenant, je crois, que votre parti existe? Depuis 1968,
alors que les partis du Québec tentaient, tous, de renouveler la
fédération canadienne, où étiez-vous? Vous fondiez
un parti qui était voué à la séparation politique,
à l'indépendance politique du Québec.
Où étiez-vous, alors que le Parti libéral du
Québec, plus particulièrement depuis quatre ans, est devenu le
seul parti politique canadien qui a proposé un modèle de
révision globale de la fédération canadienne? Vous
qualifiiez alors nos efforts de torchons. Où étiez-vous, à
ce moment-là? Que disiez-vous des institutions fédérales
comme la Cour suprême, lorsqu'elle rendait des décisions qui
n'avait pas l'heur, évidemment, d'aller dans le sens de la promotion de
votre option d'indépendance politique du Québec? J'aime autant,
par respect pour l'institution de la Cour suprême, grâce à
qui, d'ailleurs, nous sommes ici aujourd'hui, grâce à laquelle
nous pouvons constater ou être les témoins d'un ralliement dans
cette Chambre, j'aime autant ne pas répéter ce que nous
entendions de l'autre côté de la Chambre à propos de la
Cour suprême.
Mais aujourd'hui nous avons devant nous, de façon plus
particulière, une manifestation des démarches d'un gouvernement
fédéral. Il ne faut pas confondre et je pense qu'il est
extrêmement important que tous les électeurs, toute la population
du Québec, voient la distinction qui peut exister entre le régime
fédéral lui- même et les manifestations auxquelles il peut
donner lieu. Nous avons devant nous aujourd'hui une motion qui émane des
deux côtés de la Chambre finalement, qui nous appelle à
nous prononcer sur une démarche précise, non pas à faire
un jugement de valeur quant au régime fédéral dans lequel
les Canadiens et les Québécois vivent.
Nous avons demandé tous, et nous les premiers, aux tribunaux de
constater si, oui ou non, comme nous le prétendions, la façon
canadienne de régler les choses pour l'avenir et de rebâtir
ensemble était la marque de la démarche du gouvernement
fédéral actuel et c'est de ça qu'on parle. Cette
institution fédérale qu'est la Cour suprême, qui regroupe
des juristes de toutes les parties du Canada, a décidé que la
démarche du gouvernement fédéral actuel n'est pas conforme
à la façon canadienne de faire les choses. Nous nous sommes
opposés, dès le départ, nous du Parti libéral du
Québec, à la façon de faire, à la faveur d'un
ensemble de circonstances que nous connaissons trop bien surtout depuis cinq
ans, du gouvernement fédéral actuel. Nous nous y sommes
opposés avec d'autres gens, encore des conversions tardives dans le cas
de M. Broadbent qui n'est pas péquiste, je pense, de M. Clark et de ses
troupes, qui ne sont pas péquistes et des gouvernements unanimes, par le
biais de leur Législature, de sept autres provinces canadiennes.
Nous avons donc devant nous une manifestation, peut-être pour des
raisons purement politiques et ponctuelles, à laquelle peut se livrer
à un moment donné un parti politique dans l'histoire. Mais je
pense que c'est faire bien peu de cas de cette distinction extrêmement
importante entre la démarche du gouvernement libéral
fédéral, disons-le, et, par ailleurs, la façon
éventuelle dont nous pourrons régler les choses entre Canadiens
à l'intérieur d'un régime fédéral. Quand je
vois, malheureusement, cette confusion qui est entretenue par le gouvernement
du Québec, je déplore vivement qu'on tente de confondre dans
l'esprit de la population le régime fédéral lui-même
qui permet à des intérêts divers de coexister avec la
démarche devant laquelle nous sommes aujourd'hui et d'invoquer,
étrangement d'ailleurs, graphiquement le drapeau britannique qui
constitue finalement un des remparts derrière lesquels nous pouvons,
nous de la Législature ici au Québec, nous réfugier.
Nous faisons appel en ce moment à Londres. La Cour suprême
a fait appel à des traditions britanniques que nous avons
adoptées, nous les Canadiens, afin de faire évoluer notre
système. Il ne faut pas confondre. (16 h 40)
Je trouve extrêmement malheureux que le gouvernement de ces
temps-ci utilise la
propagande, peut-être pour répondre à de la
propagande, propagande qui émane des gens qui sont chargés de la
démarche de l'autre côté, qui ont réussi eux aussi
à entretenir peut-être pas de la confusion, mais de la
sursimplification des véritables enjeux, à tel point qu'on est en
train de nous expliguer que ce n'est pas tellement l'auto de la constitution
canadienne qui sera changée, mais simplement la plaque qui se lit
aujourd'hui "Grande-Bretagne" et qu'on transformera, selon le gouvernement
fédéral, en plaque canadienne sans changer la carrosserie ou quoi
que ce soit. Après, on ira apparemment au garage. Ce n'est pas le cas.
On est en train de changer l'auto. On est surtout en train, entre autres,
d'empêcher l'Assemblée nationale du Québec de changer les
pièces dans la voiture et d'y inclure peut-être un manuel
d'instructions en français, à certains égards.
Devant cette manifestation ponctuelle aujourd'hui, nous avons l'occasion
comme parlementaires ici, à Québec, de nous prononcer sur une
motion qui doit, à mon sens, satisfaire à trois conditions: nous
permettre, à mes collègues et à moi-même, tous
ensemble ici, de réaffirmer que nous vivons en régime
fédéral et que ce régime fédéral a bien
servi les Canadiens et les Québécois, mais peut encore mieux les
servir. Je ne vois rien dans cette motion qui m'empêche de
réaffirmer constamment que je crois que le fédéralisme
canadien constitue la meilleure garantie de notre prospérité et
de notre liberté à nous tous, Québécois et les
autres Canadiens.
Je pense qu'il est important également que, pour l'avenir, cette
résolution, cette motion, si elle était appuyée par un
parlementaire qui siège ici, lui permette de continuer à explorer
les façons de changer la fédération canadienne sans pour
autant l'abolir bêtement et simplement. Cette motion me permet à
moi, pour l'avenir, de continuer à travailler dans le sens où
j'ai toujours travaillé. Troisièmement, cette motion ne doit
certainement pas me donner l'occasion de me déclarer péquiste. Je
ne vois rien de particulier dans cette motion tout de même
qénérale qui permette à quiconque de prétendre que
je suis devenu membre du Parti québécois ou sympathisant
péquiste ou, de toute façon et de façon plus
générale, un des adeptes de la souveraineté du
Québec. Je me permettrai à ce moment-ci de faire un peu comme
notre collègue, le député de Vachon, et réaffirmer
ces principes pour nos concitoyens de langue anglaise.
What this motion really does is enable all of the Members who sit here,
certainly myself and my colleagues on this side of the House, to reaffirm that
we believe that the Canadian federation and federalism constitute the best way
for Quebeckers and Canadians to prosper and to maintain their freedom and
liberties. I think, secondly, that for the future, it should enable us to keep
on working to improve the Canadian federation and thirdly, most certainly, this
motion should not enable anyone in his right mind to claim that I am now a
member of the PQ. I think what is central to the whole issue is that the
Supreme Court has told all Canadians that the way the present federal
government is behaving is not the Canadian way. I happen to support the
Canadian way and I happen to believe that this particular motion before the
House enables me to state that quite clearly.
Avec une réserve extrêmement importante, c'est que l'appui
à cette motion doit s'accompaqner d'une vigilance afin que
l'Assemblée nationale ne se retrouve pas un jour en face d'une situation
où le gouvernement, s'en prévalant ou l'invoguant, puisse
prétendre poser des actions ou prendre des initiatives qui font
progresser la thèse du parti que le gouvernement représente, le
Parti québécois. Des observateurs ont souligné qu'il est
bien beau de s'opposer à ce à quoi la Cour suprême nous
justifie de nous opposer, mais il faut encore y donner du contenu, et le
contenu, du côté ministériel, laisse grandement à
désirer si on recherche une solution au renouvellement de la
fédération canadienne. C'est donc notre rôle d'être
vigilants.
Par ailleurs, j'inviterais également les membres de la presse
à diffuser les expressions de notre vigilance. Je trouve proprement
invraisemblable qu'on puisse écrire qu'un appui à cette motion
nous met tous dans une situation extrêmement difficile, tous, autant que
nous sommes, ici, des deux côtés de la Chambre, et nous rend
incapables de nous soustraire à des initiatives du gouvernement afin de
faire promouvoir, par référendum ou élection
référendaire, la souveraineté du Québec. Ma
réponse à cela est fort simple: Toute initiative du gouvernement
invoguant cette motion afin de faire progresser par référendum ou
voie référendaire son option de souveraineté sera
combattue, comme nous l'avons toujours fait, par nous du Parti libéral
du Québec.
Il me semble clairement et nettement que notre obligation, comme
parlementaires, c'est de dire: La manifestation à laquelle nous
assistons de la part d'un gouvernement aujourd'hui au pouvoir à Ottawa
doit être contrée par cette Chambre. On réduit nos
pouvoirs, on réduit notre champ d'action traditionnel, ce qui serait -
on verra un jour - acceptable si nous pouvions y consentir. Mais nous n'y
consentons point, et il me semble que, en toute logigue, on doit, à ce
moment-là, s'y opposer. Vous me permettrez, M. le Président,
d'annoncer tout de suite que, lors du vote, j'entends appuyer cette motion de
la Chambre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Affaires intergouvernementales.
M. Claude Morin
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne
sais pas si c'est le hasard qui fait bien les choses, mais il faut, avant
d'aller plus loin, que je signale un fait qui m'est plus proprement personnel,
ce sont vraiment les circonstances qui m'y amènent. II y a exactement
dix ans, aujourd'hui, 1er octobre, à cinq heures de l'après-midi
- non pas à 4 h 50, donc, je suis dix minutes en avance - je
démissionnais de mon poste de sous-ministre des Affaires inter-
gouvernementales, à l'époque où M. Bourassa était
au pouvoir. Je me souviens tout particulièrement de l'heure qu'il
était et, alors que je pensais un peu à l'avenir, je me disais:
Dans dix ans, dans vingt ans, où est-ce que je serai? Qu'est-ce que je
ferai? Quand on démissionne d'un poste comme celui-là, on se
demande toujours, évidemment, ce que l'avenir nous réserve.
Ce que je n'avais jamais pensé qu'il se produirait, c'est
exactement ce qui arrive aujourd'hui non pas que je sois ici comme
député ou ministre, on ne sait jamais, mais qu'on se trouverait,
à l'Assemblée nationale, dans une situation pire, et de loin, que
celle qui, à l'époque, m'avait décidé à
quitter le poste que j'occupais. Il y avait deux raisons: d'une part, je
n'étais pas d'accord avec le gouvernement en place à ce
moment-là et, d'autre part, j'en étais venu à la
conclusion, après trois ans de régime de M. Trudeau à
Ottawa, qu'avec un bonhomme comme lui, avec ses attitudes, on n'arriverait
à rien. J'avais décidé, par la suite, d'opter pour la
formation politique à laquelle j'appartiens, ce que je n'avais pas
décidé, bien sûr, au moment où j'ai
démissionné, parce que j'avais l'intention de quitter tout ce qui
se rapprochait de près ou de loin de la vie politique. (16 h 50)
Donc on est rendu ici, aujourd'hui, en session spéciale,
extraordinaire et urgente de l'Assemblée nationale, pour décider
ensemble, au-delà des partis, d'une motion qui, au fond, est
élémentaire et qu'on n'aurait même pas, dans des
circonstances plus normales, besoin de présenter à qui que ce
soit.
Si on a besoin de la présenter, si on a besoin de se
réunir ici, si on a besoin de passer par tout ce processus assez
spectaculaire, quand même, de réunir l'Assemblée nationale,
c'est qu'il y a des choses qui se sont produites et qui nous ont incités
à agir de la sorte.
J'ai plutôt l'intention - parce que je ne suis pas un grand
orateur comme certains que j'ai écoutés tout à l'heure, et
je pense même à certains de nos collègues d'en face chez
qui je vois des qualités que je n'avais pas vues jusqu'à
maintenant - de m'arrêter à une couple de choses, avec preuves
à l'appui, pour montrer que non seulement les choses n'ont pas
changé, mais que c'est pire qu'il y a dix ans et pire quant à la
méthode d'action du gouvernement fédéral. Tout ce que je
vais avancer est facile à prouver, j'ai les preuves devant moi.
Je viens de dire que ça fait dix ans que j'ai quitté mon
poste de sous-ministre. J'ai toujours en main un éditorial très
élogieux de M. Ryan que je citerai à un moment donné, mais
je ne pense pas que ça s'impose dans les circonstances.
La première chose que je veux mentionner, M. le Président,
c'est qu'il y a eu depuis un tas d'années des négociations
constitutionnelles. Il y a une série de ces négociations
constitutionnelles qui a commencé littéralement le lendemain du
référendum, qui s'est poursuivie l'été dernier,
jusqu'au mois de septembre, et dont on connaît maintenant la suite.
Je veux caractériser ce qui s'est passé
l'été dernier. Je dis carrément - vous verrez tantôt
pourquoi - que nous avons tous ensemble été témoins, nous
l'avons su après coup, d'une tricherie politique permanente de la part
du gouvernement fédéral actuel. C'est ça qui nous
amène ici aujourd'hui.
Tricherie permanente, pourquoi?
D'abord, premier élément au dossier. Là, je prends
une coupure du journal La Presse du 15 mai 1980, où il y avait une
phrase célèbre, qui va peut-être finir par devoir
être appliquée: "Nos sièges en jeu. Trudeau".
C'est-à-dire: Nous promettons une réforme constitutionnelle si
les Québécois disent non; si les Québécois disent
non, ça voudra dire oui, si les Québécois disent oui,
ça voudra dire non. Vous vous souvenez de la logique circonstantielle de
l'époque. Tout le monde a compris, à ce moment. Moi le premier,
je me souviens d'avoir entendu ça ce soir-là et de m'être
dit: Peut-être est-il arrivé une conversion, un chemin de Damas.
Au moins la tenue du référendum aura servi à ça,
peut-être arrivera-t-il avec des idées que je n'ai jamais vues
jusqu'à maintenant, qu'on n'a jamais vues au Québec et que,
partiellement, on va améliorer le système dans le sens qui a
été celui que les Québécois ont
désiré depuis toujours. C'est ce qu'on a pensé, c'est ce
que beaucoup de Québécois ont pensé à
l'époque. Premier élément, promesses faites au mois de
mai. La suite des événements montre que les promesses, non
seulement n'ont pas été tenues, mais qu'on a été
collectivement -ceux qui étaient pour le oui comme ceux qui
étaient pour le non - victimes passives d'un mensonge de taille.
II y a donc eu des négociations qui ont été
entreprises l'été dernier et qui ont duré tout
l'été, auxquelles mon ami Claude Charron de même que
Marc-André Bédard
ont participé, qui se sont poursuivies pendant tous les mois
d'été, à chaque semaine, pendant trois jours. Je ne sais
pas si on s'imagine ce que c'est trois jours par semaine à discuter de
constitution pendant l'été, alors qu'il y a d'autres occupations.
Franchement, il faut avoir un transistor mental de travers pour aimer
ça! Mais, que voulez-vous, c'est ce qu'il fallait faire, c'était
ce qu'on appelle notre devoir d'État. D'accord, on l'a fait.
On trouvait que le gouvernement fédéral avait quand
même des attitudes d'une rigidité surprenante, compte tenu des
promesses référendaires. Même que les autres provinces
aussi étaient surprises de ça. Par conséquent, cela a
été assez facile, au cours de l'été, sur les douze
ou treize sujets qu'il y avait à l'ordre du jour, de réunir la
plupart des provinces - ou même toutes dans certains cas - ensemble dans
une position commune qui s'opposait à celle d'Ottawa. Pourquoi? Parce
qu'on n'avait jamais été témoin d'une rigidité
comme celle-là. On aurait dit, pendant l'été, qu'ils
faisaient exprès pour que le processus avorte - pour que tout le monde
comprenne ce que je veux dire - pour que l'entreprise "s'effoire".
Voici que cependant, à la fin de l'été -plus
exactement au début de septembre - on me remet un document, qui est
devenu célèbre par la suite et qui est un document secret du
gouvernement fédéral, marqué "ministers' eyes only",
seulement pour les yeux des ministres. Comme j'étais ministre, à
l'époque, je me suis dit: Cela s'applique à moi! C'était
un rapport au cabinet sur les discussions de l'été et la
perspective qui s'ouvre devant soi. Incidemment, ce document finit par une
citation de Machiavel. Ce n'est pas moi qui invente cela; c'est là et
c'est disponible, je le montre. Quand j'ai vu cela, j'en ai parlé
à M. Lévesque. Sa réaction, comme la mienne, a
été: Êtes-vous sûr que vous n'êtes pas en train
de vous faire embarquer dans une affaire qui n'a pas de bon sens? Cela ne se
peut pas. Eh bien, cela se pouvait. C'est vrai, il existe. C'est le document du
gouvernement fédéral dans lequel on dit: Si vous voulez gagner
tel point, il faudra séparer telle province de l'autre, promettre telle
chose à X pour que Y soit mal pris, etc., briser le front commun des
provinces. C'est tout cela qui est écrit là-dedans où on
planifiait, à toutes fins utiles, l'échec qui est arrivé
et où on planifiait aussi le coup de force qui est survenu par la suite.
Ce coup de force, je ne sais pas pourquoi, mais peut-être que j'avais eu
une intuition, parce que j'ai découvert, en fouillant dans mes papiers,
que le 13 mai 1980, déjà, il y avait une citation de moi,
évidemment, qui disait: "Claude Morin dénonce le coup de force du
fédéral. " C'était le début de l'iceberg. Je ne
sais pas si vous vous en souvenez, à l'époque, on en avait
parlé.
Pendant le référendum, il y avait une résolution
à Ottawa sur le rapatriement de la constitution et on avait
été surpris que cela arrive. On a vu par la suite que
c'était quand même quelque chose qui avait une certaine base
puisque cela s'est réalisé par la suite, comme tentative en tout
cas. Donc, c'était planifié, le document est là.
Ensuite, on a assisté à toute une évolution des
événements qu'on n'avait jamais vue où là,
vraiment, on a été tous ensemble - je vais vous donner des
preuves -victimes de mensonges. C'est le coup de force qui est arrivé.
Je vous donne l'exemple d'un mensonge. Encore la semaine dernière,
à l'émission Politique provinciale de Radio-Canada - je pense que
cela a passé à une heure du matin; j'étais là, mais
j'espère que pas trop de gens l'écoutaient ou encore beaucoup de
gens auraient dû écouter - c'est M. Chrétien qui a dit
ceci, à peu près textuellement - je mets au défi
Radio-Canada de nous sortir la bobine, pas au défi parce que ce n'est
pas Radio-Canada qui est en faute dans ce cas-là, mais j'aimerais qu'on
l'écoute tous ensemble - Nous voulons, par la charte des droits, faire
que dans les autres provinces les Canadiens francophones aient les mêmes
avantages que les Québécois anglophones ont au Québec et
préserver au Québec les droits qu'on va accorder aux francophones
des autres provinces. En d'autres termes, traiter les deux sur le même
pied. C'est un mensonge absolu. Pourquoi? Parce que le projet
fédéral, vous le savez, vous vous en souvenez - cela a même
insulté certains de nos amis libéraux -n'applique pas le coup de
force à l'Ontario, en ce sens qu'il n'applique pas à l'Ontario
l'imposition du bilinguisme. "Chrétien se refuse à imposer le
bilinguisme à l'Ontario, mais s'en prend toujours à la loi no
101"; c'est dans la Presse. Et ainsi de suite: "Trudeau avoue qu'il
ménage Davis par crainte de perdre son appui. " Si cela n'est pas du
cynisme, je me demande ce que c'est. "Trudeau ne peut se passer de l'appui de
Bill Davis. " "Il serait impensable de vouloir imposer le bilinguisme en
Ontario, soutient Trudeau. " C'est dans la Presse.
Deux poids deux mesures. Le projet que le fédéral pousse
de l'avant est injuste pour nous parce qu'il veut nous couper la loi 101 et
injuste pour les francophones de l'Ontario parce qu'il ne leur donne rien en
échange. De toute façon, ce sont eux-mêmes que j'ai vus il
y a deux ou trois semaines qui, publiquement, ont pris position pour dire que
c'était inacceptable comme projet et que cela ne leur donnait rien en
Ontario. Vous le voyez encore dans leur propagande; je suis sûr que nos
amis fédéraux réunis en caucus au mont Orford vont encore
nous en sortir la semaine prochaine pour nous dire qu'ils protègent les
francophones des autres
provinces. Mensonge.
S'ils se contentaient de mentir de cette façon, ce serait
déjà inacceptable, mais ils sont en train d'exporter le mensonge
aussi. Autre preuve ici. Là, ils se sont enferrés de plus en
plus. Au début de l'année, je ne sais pas si vous vous en
souvenez, en 1981, il y a eu un commencement de débat, à savoir:
est-ce que la Grande-Bretagne va accepter éventuellement, si jamais M.
Trudeau va de l'avant, le projet fédéral de résolution?
Tout à coup, dans le Globe and Mail - cela ne venait pas de nous autres
- a commencé à sortir une série de documents montrant que
le gouvernement fédéral disait à Londres des choses qu'il
ne disait pas ici et ici des choses qu'il ne disait pas à Londres.
C'est-à-dire qu'il mentait à Londres et mentait ici aux Canadiens
et aux Québécois. Ici, "L'Opposition à Ottawa accuse
Trudeau d'avoir caché une partie de ses intentions à Mme
Thatcher. " C'est dans le Devoir du 12 février 1981. Donc, l'Opposition
l'accuse d'avoir menti à Mme Thatcher. Mais cela ne suffit pas. Ce sont
les Anglais maintenant qui, dans le Globe and Mail, disent: "British denies
Trudeau's assertions of blanket approval on patriation. " Ce sont les Anglais
qui nient ce que M. Trudeau a dit en ce qui concerne leur approbation
automatique. Ici, c'est à Ottawa qu'on dit à M. Trudeau: Vous
n'avez pas dit la vérité à Mme Thatcher, et ainsi de
suite. (17 heures)
Le Parlement britannique, le gouvernement britannique s'est
trouvé pris dans une situation où on lui disait des choses comme,
par exemple, que le projet avait été promis aux
Québécois au moment du référendum. Des
représentants britanniques m'ont dit: "Qu'est-ce que vous avez à
chialer? C'est ça que M. Trudeau vous a promis au
référendum. "
Je défie qui que ce soit dans cette salle, et ceux qui nous
écoutent aussi, de me montrer à quel endroit M. Trudeau nous
aurait promis qu'il arriverait avec ça au référendum.
Mais, en Grande-Bretagne, il leur disait... M. Chrétien y est
allé, M. Roberts, ministre de l'Environnement, qui s'occupait de
l'Environnement en Grande-Bretagne, j'imagine, est allé dire la
même chose: C'est une promesse faite lors du référendum
qu'on procéderait de la sorte. Je pense que tout le monde a compris que,
là aussi, il y avait un mensonge.
Finalement, on nous a dit que Mme Thatcher avait promis que le
rapatriement se ferait - je ne sais pas si vous vous souvenez, c'était
vers Noël l'année dernière où on disait que cela
allait venir - dans les jours qui viennent. Tout à coup, Mme Thatcher
dit: Thatcher n'a rien promis, et ainsi de suite. J'en ai trop long pour que
ça dure plus longtemps, mais mensonges ici, mensonges en
Grande-Bretagne, mensonges qui continuent plus officiellement, ça, ce
sont des discussions.
J'écoutais cet après-midi à la
télévision dans mon bureau, parce que je suis ça avec une
grande attention, et je voudrais en passant remercier nos amis libéraux,
cela nous pose un petit problème et je vais faire la même chose
qu'eux. Ils ont montré la brochure Minute Ottawa! à tel point,
d'ailleurs, que là on n'en a plus, il va falloir en faire
réimprimer d'autres. Je vais la faire réimprimer, si je suis
capable de placer ça dans la maquette, avec la citation maintenant de la
Cour suprême qui dit: Chers messieurs du Québec, tout ce que vous
avez dit là, c'est bien, mais c'est encore pire. Nous, nous n'avions pas
dit - puisqu'on n'était pas sûrs, on attendait un peu le jugement
- comme le jugement le dit, que ça pouvait remonter jusqu'à
détruire des lois québécoises même d'avant la
Confédération. On va mettre cette citation si on est
capables.
Je reviens à mon sujet, on nous a reproché d'avoir
publié ça, alors que la Cour suprême n'avait pas encore
donné son avis. On avait des avis juridiques de tout le monde et les
avocats fédéraux avaient dit devant la Cour suprême, au
mois d'avril dernier, qu'eux-mêmes acceptaient que ça changeait
les compétences des provinces et que ça affectait la juridiction
du Québec. Ils l'avaient dit et tout le monde était d'accord
là-dessus au mois d'avril. Donc, on a le droit de le dire
là-dedans. D'accord.
Mais les fédéraux n'ont pas attendu le jugement de la Cour
suprême. Ils ont préparé, je ne sais pas si vous vous en
souvenez, au moment où la Cour suprême était saisie du
dossier, une brochure qui s'appelle: Le rôle du Royaume-Uni dans la
modification de la constitution canadienne; en anglais: The Role of the United
Kingdom in the Amendment of the Canadian Constitution.
Pourquoi ça? C'est pour répondre à un fameux
rapport que vous avez certainement noté dans les journaux, le rapport
Kershaw, qui disait que ça n'avait pas de bon sens, le projet
fédéral. Ils disent des choses comme celles-ci. Il faudrait quand
même aujourd'hui manquer totalement de sens de l'humour pour ne pas
apprécier ce que je vais vous lire. Il est clairement dit ici, à
la page 3, dans le résumé des conclusions: "II n'existe aucun
principe constitutionnel fondé soit sur les conventions, soit sur la
nature du fédéralisme, soit sur quoi que ce soit d'autre - on ne
prend pas de chance - qui puisse exiger que le gouvernement et le Parlement du
Canada doivent obtenir le consentement des provinces pour des modifications de
l'ordre de celles qui sont actuellement proposées. "
En somme, on affirme là-dedans qu'on n'a pas besoin du
consentement des
provinces, qu'il n'y a pas de principe constitutionnel qui l'exige. Cela
a été publié par le gouvernement fédéral
pour distribution en Grande-Bretagne et usage ici, à l'intérieur
du Canada, alors que la Cour suprême vient de dire le contraire. Ils
n'ont pas attendu le jugement. J'aimerais que certaines des critiques
prématurées qu'on nous fait des fois s'adressent aussi à
nos amis fédéraux.
On dit aussi, deuxièmement, une autre chose. On parle des
modifications qui sont apportées par le projet fédéral et
on dit -cela n'est presque pas croyable, mais je vous le lis, page 3,
25ème ligne: "Si elles touchent à la structure
fédérale du pays, aux relations
fédérales-provinciales - tenez-vous bien! - c'est seulement en
vue d'accroître le pouvoir législatif des provinces en
matière de ressources naturelles. "
Il y a les paragraphes 43 et 44 qui en discutent plus longuement et la
citation antérieure, c'est le résumé des paragraphes 63
à 71. Cela a été publié par nos amis
fédéraux en réponse au rapport Kershaw,
c'est-à-dire qu'on affirme là-dedans des choses qui sont des
mensonges. Peut-être qu'à l'époque ils ne savaient pas que
ce ne serait pas vrai. D'accord, très bien, mais ils l'ont fait avant la
Cour suprême, eux autres, et ils continuent de le dire aujourd'hui.
Dans un discours de M. Chrétien, l'année passée, on
retrouve cette affirmation à la page 7, le 6 octobre: "Les propositions
constitutionnelles du gouvernement fédéral ne modifient pas le
partage des pouvoirs au Canada. " C'est catégorique. Or, c'est ce qui a
été refusé par la Cour suprême, qui a dit tout
à fait le contraire.
Ce qui est amusant, c'est qu'en Grande-Bretagne, ils ont dit aux
Britanniques: Ce qui importe, c'est que rien ne nous empêche, sur le plan
constitutionnel au Canada, d'agir de la sorte. Il n'y a rien qui nous en
empêche. Des conventions, il n'y en a pas, etc. Ils ont expliqué
cela pendant un an aux Britanniques. Et là, la Cour suprême vient
dire: Minute Ottawa! les conventions vous empêchent d'aller de l'avant.
Qu'est-ce qu'ils font? Ils disent: Les conventions, ce n'est pas important,
c'est la légalité qui importe. Je n'ai pas besoin de vous dire
façon Grande-Bretagne, ils ne sont pas capables de suivre cette logique
qui s'apparente à la logique du oui qui veut dire non et du non qui veut
dire oui du mois de mai 1980.
Mensonges pendant toute cette négociation dont on a
été témoin. Le dernier et le plus récent, je ne
peux pas encore dire que ce soit un mensonge, on va le voir prochainement, mais
je vous dis que l'expérience nous rend pour le moins prudents, M.
Trudeau s'exprime plus poliment que son ministre de la Justice lundi dernier,
évidemment, ce n'est pas un critère, mais, qu'est-ce que vous
voulez que je vous dise?
On prend les unités de mesure qu'on a! Cela ne faisait pas une
demi-heure qu'on avait entendu à la télévision - et,
"entendu", il faut être optimiste pour utiliser cette expression, avec le
son qu'on avait - la décision de la Cour suprême. Une demi-heure
après ou quelque chose comme cela, une heure au plus, alors qu'il a dit
qu'il n'avait pas lu le jugement, M. Chrétien était à la
télévision, déjà, disant qu'il n'avait pas lu le
jugement, disant aussi que c'était légal et qu'il fonçait
dans le tas, le tas étant l'Angleterre, en l'occurrence!
Le soir, message "extrême-oriental" qui dit la même chose et
dans lequel, aussi, on retrouve cette volonté d'aller de l'avant, mais
avec une mention qui disait à peu près ceci: Si les provinces ont
quelque chose à dire, c'est sûr que je suis bien prêt
à les écouter, pourvu que ça ne change rien. C'est ce que
voulait dire le message. Il y en a qui ont vu dans cette politesse relative
quasiment l'aube d'un temps nouveau. Je pense que c'est vrai que l'être
humain a besoin d'espoir, parce que la moindre apparence d'espoir chez
certaines personnes engendre une euphorie inexplicable.
Avec tout ce qui s'est passé, alors que ça fait maintenant
dix ans et cinq minutes que j'ai démissionné de mon poste, la
situation est pire aujourd'hui qu'avant. On a été témoin
de mensonqes avec des preuves à l'appui. J'en ai bien d'autres, je n'ai
pas eu le temps de toutes les ramasser. À part cela, cela aurait
ennuyé tout le monde que je répète la même chose,
c'est toujours cela. Dix ans après, on se retrouve où? On se
retrouve ici, réunis, alors que - vous aviez un peu raison de le dire
hier - on aurait tellement d'autres choses à faire! Qu'est-ce que vous
voulez? Ce n'est quand même pas notre faute! Mais ce serait notre faute,
si on n'agissait pas.
Devant cela, justement, qu'est-ce que le Québec a fait? Ce n'est
pas aujourd'hui qu'on s'est réveillé, on a vu venir, on a
déjà vu neiger. On s'est réuni avec les autres provinces
et il y en a qui ont dit l'année passée: Vous ne serez jamais
capables d'avoir l'accord des autres provinces, ce n'est pas possible, cela
fait partie des impossibilités constitutionnelles. D'accord, mais cela a
marché. Moi-même, j'étais surpris. Des fronts communs,
ça ne dure pas longtemps, c'est éphémère par
définition. Celui-là, cela va faire un an bientôt. C'est un
autre anniversaire qu'on va célébrer, il y a bientôt un an
qu'il dure: six provinces d'abord, sept ensuite et finalement, huit. À
tout bout de champ, quelqu'un venait me dire: Penses-tu que ça va se
maintenir, le front commun? Chaque fois que quelqu'un avait le malheur de dire
quelque chose qui était un peu différent dans une autre province,
parce qu'ils font affaires avec des populations qui n'ont pas
nécessairement les mêmes priorités
que nous, on disait: Grave danger au front commun! On m'interviewait
à la radio et à la télévision, on me demandait:
Pensez-vous que ça va se maintenir?
Quand M. Lougheed a signé l'autre jour son accord
pétrolier, grande rumeur de dissension au sein du front commun. Il a
signé l'accord pétrolier, il était donc d'accord avec
Ottawa sur le reste. Bien non, il l'a dit le soir même, cela n'a rien
à voir avec la constitution. Donc, l'accord est maintenu, mais pourquoi
est-il maintenu? Il n'y a rien d'éternel dans la vie, mais il y a des
choses solennelles. Le 15 avril dernier, deux jours après nos
élections, on est allé à Ottawa. Comme d'autres, on aurait
peut-être voulu se reposer, mais on est allé à Ottawa. On y
est allé mettre fin à une ronde de négociations
interprovinciales pour signer ce qu'on appelle un accord constitutionnel. J'ai
ici, dans la pochette qui nous a été donnée à
l'époque, le document: Accord constitutionnel. Constitutional
Accord.
Lors de cet accord constitutionnel -vous avez eu la
cérémonie à la télévision, une heure de
temps, le 15 avril, de 11 heures à midi - huit premiers ministres du
Canada ont apposé leur signature à un plan pour mettre fin
à la menace qui pesait sur tout le monde. Leurs signatures sont ici. Ces
gens-là sont sérieux, ils ont signé cet accord. On est
sérieux, nous aussi. On y tient. C'est pour ça qu'on prend
l'attitude qu'on prend aujourd'hui. (17 h 10)
J'en parlais hier chez le leader de l'Opposition qui disait: Est-ce que
vous avez averti les autres provinces que vous réunissiez
l'Assemblée nationale? Cela avait l'air qu'on faisait quelque chose
d'illégal ou de non conventionnel. Voyons donc! Cela fait des mois
qu'ils savent que si c'est nécessaire, on va la réunir,
l'Assemblée nationale, parce qu'on ne prend pas de chance au
Québec. On ne l'aurait peut-être pas réunie seulement
à la suite de la décision de la Cour suprême, mais à
la suite de l'attitude d'Ottawa, je pense que ça s'imposait. Notre
attitude est gouvernée par ça. Nous tenons à ça et
nous allons continuer. Cette semaine, justement, lors de la réunion que
j'aurai avec mes collègues, ce sera notre base d'entente et on aura le
temps d'en parler. Le chef de l'Opposition, dont j'ai bien aimé le
discours hier - même s'il y avait des passages sur lesquels je
n'insisterai pas - tenait à ce qu'on ait une discussion à un
moment donné sur la nature de cet accord et qu'on le compare à
autre chose. Rien oui! C'est sûr qu'on pourra en parler. Le débat
n'a pas pu avoir eu lieu jusqu'à maintenant, c'est évident. On a
signé ça le 15 avril, au mois de juin on a eu les crédits,
après ça il y a eu l'été et on est réuni en
catastrophe à cause de ce qui se passe à Ottawa.
On y reviendra. Mais nous, nous tenons à notre parole et les
autres provinces ont confiance en nous. C'est une chose aussi qu'on oublie de
noter des fois que les autres provinces ont confiance en nous parce qu'on n'a
jamais procédé par la tricherie, qui est devenue la marque de
commerce d'Ottawa. Je voulais dire ces deux choses. Je ne suis pas un grand
orateur, je l'ai dit tantôt. Il y a des gens qui peut-être
s'expriment mieux que moi. Je voudrais terminer par une citation et une
interrogation. La citation: "J'ai beaucoup réfléchi et j'ai
compris qu'il fallait un homme nouveau", citation du 26 novembre 1979 de M.
Pierre Elliott-Trudeau. Ma réflexion, mon interrogation c'est:
Peut-être qu'il avait raison. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, j'ai écouté le
ministre des Affaires intergouvernementales nous dire que ça fait dix
ans et quinze minutes - si j'ai bien compris - qu'il est convaincu qu'il n'y a
absolument rien à faire, qu'on est dans un cul-de-sac, que ça
fait dix ans et quinze minutes qu'il simule de faire quelque chose, et je me
demande bien pour quelles raisons on se trouve ici aujourd'hui. Le chef de
notre parti a dit hier, je crois qu'il faut le souligner, que le Parti
québécois n'avait pas encore un début de programme de
rénovation ou de changement de la constitution du Canada. Ce n'est pas
surprenant en entendant mon collègue d'en face nous dire qu'on est dans
un cul-de-sac, qu'il n'y a rien à faire, qu'il est allé là
pour la frime et de nous dire maintenant que tout ça c'est la faute du
gouvernement à Ottawa. M. le Président, que si nous avons des
problèmes, dans le moment, il se peut que nos gens d'Ottawa en aient
créé, mais il faut dire que nos amis d'en face en ont
créé pour lonqtemps.
M. le Président, je crois qu'en démocratie il est
important non seulement de prendre des décisions démocratiques,
mais également important de les justifier à nos électeurs
et à la population qui nous a élus. Chacun d'entre nous, chacun
à sa manière, essaie dans ses propres mots de décrire la
situation à laquelle nous faisons face, d'expliquer la conjoncture, la
démarche que cette Assemblée est en train de faire, la motion sur
laquelle nous devons voter et d'expliquer son vote. Pour ma part, je le dis
maintenant, je voterai pour cette résolution parce que je crois qu'il
est important d'affirmer les droits traditionnels du Québec.
Pour une fois - je crois qu'il faut le souligner - la motion qui est
devant nous est une motion que, pour ma part, j'ai appréciée
parce qu'elle est simple dans la façon dont elle est
rédigée. Vous savez, nos électeurs nous disent souvent que
nos textes sont ditryrambiques, compliqués, complexes, mais je crois que
quiconque se donne la peine de lire le texte de la motion peut comprendre que
la démarche que l'on propose est honnête, déterminée
et juste. Que demande-t-on dans cette motion? On demande, premièrement,
que le gouvernement fédéral renonce à sa démarche
unilatérale. Nous l'avons dit de ce côté-ci de la Chambre
depuis longtemps et nous le redisons aujourd'hui. Nous demandons au
gouvernement fédéral de ne pas procéder d'une façon
unilatérale. Nous nous opposons à tout geste qui pourrait porter
atteinte à nos droits et affecter les pouvoirs de cette Assemblée
sans notre consentement. Finalement, nous demandons au gouvernement
fédéral et aux provinces de reprendre sans délai les
négociations dans le respect des principes et des conventions.
Voilà essentiellement les trois objectifs que nous nous proposons
ensemble sur lesquels cette Assemblée doit voter demain et qui exigent
notre acquiescement.
Je crois que ce pourquoi nous sommes ici aujourd'hui est
extrêmement important et, pour moi, ce l'est pour deux raisons. Non
seulement il faut préserver ce que nous avons - j'entendais le
député de Joliette tout à l'heure parler de sauver les
meubles - mais je crois que cela va beaucoup plus loin que cela, parce qu'il
s'agit également, M. le Président, de préserver le genre
de fédération que nous voulons ici au Canada. Je reviendrai un
peu plus longtemps tout à l'heure là-dessus.
La conjoncture, quelle est-elle? Il ne faut pas sous-estimer la
gravité de la situation; c'est que la démarche
fédérale, éventuellement, affectera substantiellement les
pouvoirs et les droits de l'Assemblée nationale du Québec.
Lorsque nous disons ceci, il faut bien comprendre qu'il s'agit des droits et
pouvoirs de la population du Québec et cela, c'est chacun d'entre nous,
c'est tous et chacun, Québécois et Québécoises,
Canadiens vivant au Québec. Ce sont nos droits. Ce sont les pouvoirs que
nous avons et je crois qu'il faut le souligner. Ce sont des droits et des
pouvoirs que nos ancêtres ont acquis souvent à la suite de chaudes
luttes pour préserver notre héritage culturel et les pouvoirs
dont nous avons besoin pour nous épanouir au Canada. Je crois, M. le
Président, que, quel que soit le genre de fédération dans
laquelle nous vivrons dans l'avenir, il est essentiel que le Québec
possède les leviers nécessaires pour permettre aux Canadiens
vivant au Québec, aux Québécois et aux
Québécoises de s'épanouir dans cette province.
Quant à nous du Parti libéral du Québec, nous
sommes convaincus qu'aucun changement aux droits et pouvoirs de cette
Assemblée ne peut se faire sans notre consentement. Cette position n'est
pas nouvelle. Elle a toujours été défendue par les chefs
de notre parti depuis de nombreuses années, comme l'a si bien
illustré ce matin mon collègue de Charlevoix. Nous ne permettrons
pas, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons ou de mauvaises
intentions, que l'on puisse toucher aux droits traditionnels du Québec
sans notre consentement, d'autant plus - la Cour suprême l'a
souligné - que dans le passé, lorsqu'il s'est agi de faire des
modifications à la constitution canadienne qui affectaient les droits et
pouvoirs du Québec ou d'autres provinces, le consentement des provinces
avait toujours été acquis. Alors qu'aujourd'hui la proposition du
gouvernement fédéral pourrait modifier les droits et pouvoirs de
cette Assemblée d'une façon encore plus substantielle que tous
les changements qui ont été effectués dans le
passé, cette fois-ci, ces changements pourraient se faire d'une
façon unilatérale sans notre consentement; cela ne peut se faire.
Il est donc normal, M. le Président, que l'Assemblée nationale du
Québec se prononce, que le Parti libéral du Québec se
prononce et que moi-même, en tant que député, j'appuie
cette proposition et cette motion.
On a dit que le jugement de la Cour suprême était complexe
et j'en conviens. Personnellement, j'ai parcouru les nombreux textes qu'on nous
a remis, mais je crois, comme plusieurs l'ont dit dans cette Chambre, qu'on
peut quand même simplifier le jugement et le ramener à des
éléments essentiels. On a dit que, d'une part, la constitution
reposait sur des lois et, d'autre part, sur des conventions. Pour ma part,
lorsque j'ai à parcourir un texte aussi complexe, j'aime bien aller
directement aux conclusions et je crois que la réponse donnée par
la Cour suprême est très simple. (17 h 20)
La question était celle-ci: "Y a-t-il une convention
constitutionnelle au terme de laquelle la Chambre des communes et le
Sénat du Canada ne peuvent, sans le consentement préalable des
provinces, demander à Sa Majesté la reine de déposer,
devant le Parlement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande, un projet
de modification de la constitution du Canada qui a une effet sur les relations
fédérales-provinciales ou les pouvoirs, les droits ou les
privilèges que la constitution du Canada accorde ou garantit aux
provinces?" Réponse de la Cour suprême: Oui, il existe une
convention. C'est une réponse toute simple, et tout le monde peut la
comprendre.
Deuxième question: "La constitution canadienne habilite-t-elle,
par convention, le Sénat et la Chambre des communes du Canada à
faire modifier la constitution
canadienne sans l'assentiment des provinces?" Réponse encore
toute simple et toute claire: Non.
On n'a pas besoin d'être expert, et la députée de
L'Acadie, tout à l'heure, le soulignait, plusieurs d'entre nous ne
sommes pas des experts en constitution, mais il me semble, M. le
Président, que cette réponse du oui et du non fait que chacun
d'entre nous et que chacun des citoyens de cette province peut comprendre que
le jugement qui a été rendu par la Cour suprême, lundi
dernier, est extrêmement important et mérite le plus grand
respect.
Au sujet des conventions, plusieurs députés ont
donné des exemples pour démontrer que tout le régime
fédéral dans lequel nous vivons est imprégné de
conventions. À titre d'exemple, à la page 8 du même
document, on souligne justement: "Selon une exigence fondamentale de la
constitution, si l'Opposition obtient la majorité aux élections,
le gouvernement doit offrir immédiatement sa démission. " Il y a
plusieurs autres exemples qu'on pourrait souligner et qu'on donne dans le
texte. Je n'en cite qu'un autre: II y a une convention fondamentale, dont on a
parlé ci-dessus - à la page 13 - où on offre un autre
exemple du conflit entre droit et convention. Si, après une
élection générale où l'Opposition a obtenu la
majorité des sièges, le gouvernement refusait de donner sa
démission et s'accrochait au pouvoir, il commettrait par là une
violation fondamentale des conventions.
Il faut donc rendre hommage à l'intégrité, au
sérieux, au prestige de la Cour suprême, et reconnaître que
cette fois-ci, comme plusieurs fois dans le passé, une institution
fédérale nous aide grandement à préserver nos
droits et nos pouvoirs. Je crois qu'il faut le souligner, plusieurs l'ont
souligné avant moi et je veux le souligner personnellement. Bien
sûr, je l'ai dit tout à l'heure, la reconnaissance qui est faite
par la constitution repose sur le droit et sur les conventions. Il s'agissait,
comme mon collègue de Saint-Laurent l'a dit hier, d'un animal à
deux pattes. On peut ne pas aimer cette conclusion de la Cour suprême,
mais il faut quand même reconnaître que notre constitution a deux
pattes et qu'il faut absolument respecter ces deux données sur
lesquelles elle repose.
Le plus haut tribunal s'est prononcé et il faut respecter son
jugement. Mais que nous dit-il en pratique? Qu'est-ce que cela veut dire? Cela
veut dire qu'il est légal pour le gouvernement fédéral de
procéder comme il a l'intention de le faire, avec l'appui de la Chambre
des communes et du Sénat, et qu'ainsi, sur le plan légal, nul ne
peut prendre d'injonction pour éviter ce qui pourrait arriver si le
gouvernement fédéral procédait. Mais la plus haute cour du
Canada nous dit également, en ce qui a trait aux conventions, qu'il n'y
a pas de recours légal possible puisque c'est une convention et que, par
définition, il s'agit là d'un recours qui n'est que
politique.
De fait, M. le Président, à la page 42, on dit: "Les
conventions, de par leur nature, s'élaborent dans l'arène
politique et il revient aux acteurs politiques, et non à cette cour, de
fixer l'étendue du consentement provincial nécessaire. " C'est
donc dire - c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui - que la
seule façon pour nous, de cette Assemblée, d'indiquer notre
désaccord à une démarche unilatérale d'Ottawa ne
peut se faire que par une manifestation politique de cette Assemblée.
C'est ce qui explique justement la motion qui est devant nous et la raison pour
laquelle le Parti québécois et le Parti libéral du
Québec appuieront cette motion. Bien sûr, l'objectif que nous
poursuivons est de dire au gouvernement fédéral de ne pas
procéder d'une façon unilatérale et de faire en sorte que
les changements qu'il a l'intention de faire soient appuyés par les
provinces et par le gouvernement lui-même.
J'ai dit au début que la raison pour laquelle je voulais
m'exprimer dans ce débat, M. le Président, c'est que non
seulement il s'agit de préserver ce que nous avons, mais qu'il s'agit
également de poser un geste qui pourra influer sur le genre de Canada,
sur le genre de fédération dans laquelle nous vivrons à
l'avenir.
Il faut bien le souligner, il y a deux philosophies en jeu. Notre chef,
M. Ryan, le député d'Argenteuil, l'a souligné, hier, il y
a une première philosophie qui veut que les conventions ne sont pas
contraignantes et que, se plaçant d'un strict point de vue légal,
le gouvernement fédéral pourrait procéder dans cette
démarche. Mais ceci dit davantage, parce qu'il signifie également
que, selon cette philosophie, le gouvernement fédéral aurait un
rôle prépondérant à jouer dans la
fédération canadienne, alors que, jusqu'à maintenant,
chacun des gouvernements, disions-nous - c'est ce que nous avons appris et que
le ministre des Finances a souligné ce matin - ce que nous avons tous
appris, c'est que les provinces, d'un côté, le gouvernement
fédéral, de l'autre côté, sont souverains chacun
dans son domaine respectif.
Alors, la démarche unilatérale d'Ottawa non seulement
affecterait nos droits et nos pouvoirs, mais elle signifierait d'une
façon marquée que le genre de fédération dans
laquelle nous vivrions à l'avenir serait une fédération
différente de celle dans laquelle nous avons vécu jusqu'à
maintenant.
Pour ma part, ce n'est pas le genre de fédération que je
désire, ce n'est pas le genre de fédération que les
Québécois désirent pour eux, je crois, et ce n'est pas
le genre de fédération que le Parti libéral du
Québec désire instaurer et qui est définie dans son livre
beige.
L'autre philosophie, celle de notre parti, c'est celle qui désire
instaurer une réelle fédération canadienne où
chaque ordre de gouvernement est souverain dans ses domaines respectifs bien
précis, dans des sphères de juridiction respectives.
Ceux qui prétendent que le Parti libéral du Québec
devrait appuyer le gouvernement fédéral parce que la
démarche fédérale répond aux objectifs du livre
beiqe se trompent grandement, soit qu'ils ne l'aient pas lu, soit qu'ils soient
mal informés.
M. le Président, je dois de plus vous avouer que, pour certains
de nos concitoyens surtout pour ceux qui favorisent un système
fédéral - l'appui à donner à une philosophie ou
à l'autre ne serait d'après eux qu'un simple concours de
beauté ou de popularité entre le chef du Parti libéral du
Canada et le chef du Parti libéral du Québec.
Je ne peux comprendre que, sur un sujet aussi sérieux, on
ramène la discussion à des données aussi frivoles,
lorsqu'il s'agit de l'avenir d'une nation. Je crois qu'il faut aller
au-delà des chefs de parti qui nous dirigent dans le moment, il faut
aller au-delà des politiciens qui sont dans cette Chambre et dans la
Chambre fédérale. Il faut constater que les politiciens
passeront; les politiciens qui sont ici retourneront un jour à la vie
privée, mais la constitution que nous aurons à l'avenir, pour
régler nos faits et gestes et pour déterminer le régime
fédéral dans lequel nous vivrons, restera.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je dois appuyer
cette motion et que nous devons, nous du Parti libéral du Québec,
voter pour cette motion, puisque nous voulons que le Québec et le Canada
vivent encore pendant des années. C'est là le voeu le plus
sincère que j'exprime et c'est la raison pour laquelle je voterai pour
cette motion. Je vous remercie. (17 h 30)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la ministre
d'État à la Condition féminine.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: M. le Président, je dois dire, en
commençant mon intervention, que je suis bien consciente que ce
débat vient bousculer un peu, sinon beaucoup, nos concitoyens et nos
concitoyennes qui ont, tant à cause des taux d'intérêt que
de l'inflation et de la valeur du dollar, bien d'autres priorités en ce
moment. Je dois même avouer que, comme députée, comme
membre de ce gouvernement, je voudrais bien avoir d'autres
préoccupations aujourd'hui que la motion qui nous occupe.
Mais parce que je représente ici des citoyens et des citoyennes
du Québec, parce que je suis Québécoise, je ne peux pas
laisser Ottawa piétiner les droits et les intérêts du
Québec. Je ne veux pas, M. le Président, que des
générations de Québécoises et de
Québécois nous reprochent de ne pas avoir clamé
très fort que la véritable faillite, c'est ce pays tout entier
qui y sera bientôt plongé. Moi, j'ai le goût du
Québec, un Québec dont nous portons l'héritage à
travers notre langue, notre accent, notre écriture, notre folklore.
Je ne peux pas non plus passer sous silence le rôle primordial des
femmes du Québec dans notre histoire. Elles ont été les
gardiennes de notre culture. Elles l'ont transmise de génération
en génération, que ce soit par l'enseignement, que ce soit par la
création. Comment ignorer ces oeuvres remarquables qui sont nées
de leurs mains en réponse aux besoins de la vie quotidienne et qui
constituent les fondements mêmes de nos arts et de notre tradition
populaire?
Je n'ai pas lu l'histoire de ce peuple; je n'ai pas vu mes parents, mes
grands-parents se battre, défendre ce que nous sommes avec
dignité, fierté, acharnement, pour faire en sorte que mes enfants
soient empreints de la culture des autres, de la culture de nos voisins, de la
culture de l'assimilation. Je veux que mes enfants, comme tous les enfants du
Québec, partagent notre héritage, nos traditions, nos racines les
plus profondes, et notre différence aussi.
Je vais me permettre de citer un passage qui introduisait notre livre
blanc sur la politique culturelle québécoise. On disait ceci: "Le
plus grave désastre qui puisse menacer un peuple n'est pas
l'anéantissement militaire. C'est l'indifférence de ses membres
à la forme de son avenir. " Je répète: "C'est
l'indifférence de ses membres à la forme de son avenir. "
Nous sommes-nous bien demandé quelle forme prendra effectivement
notre avenir si le projet Trudeau aboutit? Quels seront ses effets à
long terme? Ce qui agace, ce qui choque profondément dans la
démarche unilatérale d'Ottawa, c'est, bien sûr, qu'on
veuille nous priver de pouvoirs essentiels, de droits fondamentaux, mais c'est
surtout que, ce faisant, on cherche à rapetisser le peuple du
Québec, et avec un mépris parfois tellement inconscient qu'il
n'est que plus haïssable; profond mépris pour notre tradition,
notre culture, notre développement, notre combativité. Car c'est
bien de cela dont il s'agit, un acharnement inlassable qui nous a permis de
prendre en main nos affaires, notre développement économique, nos
affaires culturelles, nos richesses collectives, une maturité de plus en
plus grande qui s'est exprimée dans "l'entrepreneurship"
québécois, dans nos institutions, dans notre ouverture sur le
monde.
II y a, du côté d'Ottawa, une panique de plus en plus
grande dû au fait que nous pourrions assumer et que nous assumons notre
différence, notre refus de rentrer dans le moule du tout à
l'égalité canadienne. Est-ce cette même crainte qui pousse
Ottawa à vouloir nier les droits de l'Assemblée nationale. Cette
Assemblée solennelle qui représente notre culture politique,
c'est la seule de nos institutions politiques qui appartienne en propre
à l'ensemble des Québécois et des
Québécoises, la seule qui a pour rôle exclusif de
défendre nos droits, nos aspirations et nos intérêts.
Quels sont encore ces droits fondamentaux, nos pouvoirs que le projet
fédéral va bafouer? J'en rappelle quelques-uns, pas pour tourner
le fer dans la plaie, mais pour évoquer ce que serait pour nous l'avenir
si ce projet constitutionnel prenait force de loi une fois ratifié au
Parlement de Londres.
Cet avenir qu'on nous propose, il n'est même pas garant de notre
passé puisque même notre législation actuelle pourrait
être remise en cause. L'adoption de la constitution Trudeau nous
amènera nécessairement à reculer de façon
importante sur la langue de travail et d'enseignement, sur l'aide
apportée à la petite et à la moyenne entreprise, sur la
politique d'achat, sur la protection du territoire agricole. Le soin jaloux,
j'allais dire l'entêtement que nous avons mis, depuis des siècles,
à protéger notre langue, nos institutions, nos valeurs
mêmes s'arrêterait donc ici dans quelques mois? Il est à peu
près certain que cette érosion de notre identité, cette
mutation de notre culture va se passer tout doucement et, pour longtemps,
très longtemps, les raz-de-marée constitutionnels ne pourront
plus nous atteindre et les velléités de changement non plus.
Est-ce bien là le fruit empoisonné que nous voulons
léguer à nos enfants et aux générations à
venir? Oui, j'ai le goût du Québec. Un Québec qui innove,
qui va de l'avant, qui s'est donné des instruments pour occuper sa
place. Un Québec qui se distingue par ses ressources naturelles, par son
potentiel humain, par son imagination collective. Aujourd'hui, j'ai aussi le
goût d'un Québec qui se souvient, qui serre les rangs quand sa
volonté propre est en danger, quand sa survie est menacée.
Pour ne pas trahir ce Québec, ne pas trahir ce que je suis, je
demande aux parlementaires des deux côtés de cette
Assemblée de dire bien fort à Ottawa qu'ensemble nous nous
opposons à toute démarche qui vise à entraver notre
avenir, à violer nos traditions au sens constitutionnel comme au sens
plus viscéral du terme.
Une fois de plus nous sommes à la merci d'Ottawa. Il ne s'agit
plus de régler un différend passager ou des difficultés
économiques conjoncturelles, si importantes soient-elles. C'est de
l'essence même de notre peuple qu'il est question. Et là-dessus,
parce que nous sommes Québécois, parce que nous sommes
Québécoises et ne serait-ce que pour cette raison, nous devons
refuser de toutes nos forces, par tous les moyens démocratiques, les
desseins d'Ottawa. Nous devons résister, M. le Président, avec ce
bel acharnement qui nous a permis au cours des siècles de devenir ce que
nous sommes. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Matapédia.
M. Léopold Marquis
M. Marquis: M. le Président, c'est un geste très
important que je suis appelé à poser à ce moment-ci en
prenant la parole devant mes collègues de l'Assemblée nationale
du Québec à l'occasion du débat sur la motion du premier
ministre, motion qu'il vaut la peine de répéter: "La Cour
suprême du Canada ayant décidé que le projet
fédéral concernant la Constitution du Canada réduit les
pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que l'action
unilatérale du gouvernement fédéral bien que légale
est inconstitutionnelle parce que contraire aux conventions, cette
Assemblée réclame du gouvernement fédéral qu'il
renonce à sa démarche unilatérale, s'oppose à tout
geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs
sans son consentement et demande au gouvernement fédéral et
à ceux des provinces qu'ils reprennent sans délai les
négociations dans le respect des principes et des conventions qui
doivent régir les modifications du régime fédéral
canadien. "
C'est un geste important parce que ce débat passera
sûrement à l'histoire à cause des événements
qui ont obligé le gouvernement à convoquer cette session
extraordinaire. Ces événements, ce sont, d'une part, le jugement
de la Cour suprême du Canada et, d'autre part, les premières
réactions du ministre de la Justice, Jean Chrétien, du premier
ministre Trudeau et de nos députés et ministres à Ottawa,
membres de l'équipage du bateau fédéral qui, à
l'exemple du Titanic, ne craint rien et file droit sur un iceberg. Le Titanic
fédéral avec, comme capitaine, le premier ministre Trudeau, comme
second, un certain Jean Chrétien, comme apprenti timonier, un M. Joyal,
se lance, plein de confiance et de suffisance, sur l'océan du
fédéralisme sans se soucier des mises en garde
sévères de l'amirauté, personnifiée par la Cour
suprême du Canada, ni de l'opinion éclairée d'autres
membres importants de l'équipage que sont les premiers ministres des
huit provinces qui voient venir l'écueil et supplient le capitaine
de les écouter avant qu'il ne soit trop tard.
Cet écueil, cet iceberg qui attend le navire
fédéraliste, c'est le mépris à l'égard des
conventions constitutionnelles que l'ensemble de la population du Canada, et du
Québec en particulier, ne pourra accepter de la part de ceux qui nous
dirigent à Ottawa. Cet exemple du Titanic illustre bien ce qui attend le
régime fédéral si le rapatriement unilatéral, avec
la formule d'amendement et la charte des droits telle que prévue dans le
projet de loi fédéral, se concrétisait au cours des
prochains mois. Peu importe que la Cour suprême ait jugé que le
projet fédéral n'est pas illégal, ce qui est important,
c'est qu'il est inconstitutionnel.
Je cite un passage du jugement de cette cour: "Sans exprimer d'opinion
sur son degré, nous en venons à la conclusion que le consentement
des provinces du Canada est constitutionnellement nécessaire à
l'adoption du projet de résolution portant adresse commune à Sa
Majesté la reine relativement à la constitution du Canada et que
l'adoption de cette résolution sans ce consentement serait
inconstitutionnelle au sens conventionnel", (page 48 du jugement).
M. le Président, le Parlement de Londres fonctionne uniquement
à partir de conventions et cela a déjà été
démontré dans cette Chambre. Le Parlement fédéral
fonctionne en grande partie selon des conventions. L'Assemblée nationale
du Québec fait constamment appel à des conventions, à des
traditions, à des précédents dans son fonctionnement
quotidien et c'est tellement vrai que nous, les nouveaux députés,
ça nous prend quand même quelques années avant de nous
habituer réellement à tous ces précédents et
à toute cette tradition qui existent dans cette Chambre.
De plus, j'ajouterais que, dans chacune de nos institutions
paroissiales, dans chacun de nos organismes régionaux, je dirais
même dans chacune de nos familles, il existe des conventions, des
règles de conduite, des traditions qui n'ont aucun aspect légal,
mais que chacun des membres se fait un devoir de respecter en sachant
très bien que les transgresser leur amènerait la
réprobation générale, ce qui est beaucoup plus difficile
à supporter qu'une simple sanction légale. M. le
Président, le jugement de la Cour suprême est connu et mes
collègues en ont cité de larges extraits. Nous respectons ce
jugement. Mais permettez-moi quelques commentaires un peu imagés sur les
attitudes de MM. Chrétien et Trudeau au cours des heures qui ont suivi
ce jugement. M. Chrétien a enfourché un bronco. M. Trudeau, quant
à lui, a plutôt monté un chameau. Le premier, comme vous le
connaissez bien, est parti en coup de vent, un saut par ci, un saut par
là. Une déclaration irresponsable par ci, un commentaire farfelu
par là.
Ceci avant même d'avoir lu le jugement et d'en avoir compris le
sens et évalué les conséquences. Comme résultat, et
vous le voyez dans les derniers jours, il s'est retrouvé
complètement désarçonné. Le deuxième, moins
pressé, a pris le temps de dormir et de faire reposer sa monture car,
vous le savez, le voyage est long de Séoul à Melbourne. Il s'est
donc présenté à nos yeux, lors de sa conférence de
presse, frais et dispos, mais légèrement endormi. Un journaliste
m'en a d'ailleurs fait la remarque. Monté sur son chameau, il nous
regarde de haut. Assis entre les deux bosses, il n'en voit qu'une, celle de la
légalité. Il oublie l'autre, celle de
l'inconstitutionnalité du geste qu'il s'apprête à poser.
Mais, voulant quand même être bon prince, il nous tend un rameau
d'olivier. Il est pressé, mais pas autant que Chrétien. Il est
même prêt à écouter les réactions des
provinces, pas à négocier. Il veut bien condescendre à
arrêter temporairement sa monture, mais il n'est pas disposé
à descendre sur le plancher des vaches, pardon! sur le plancher des
chameaux afin de discuter d'égal à d'égal avec ce pauvre
populo. Tant pis si on n'est pas d'accord avec lui, notre maître et
seigneur file vers Westminster!
M. le Président, je m'excuse de paraître traiter avec
léqèreté un sujet aussi sérieux que
celui-là, mais nos amis du fédéral, nous de l'Est du
Québec sommes habitués à ne pas les prendre au
sérieux. Rappelons-nous les aventures rocambolesques que nous avons
connues depuis plusieurs années et vous comprendrez que les promesses de
ces gens nous laissent complètement indifférents. Voici quelques
exemples. Le port de Gros-Cacouna, aventure en sept volumes et dont la parution
du prochain tome coïncidera probablement avec la date de la prochaine
élection fédérale. Les gens de Rivière-du-Loup en
savent quelque chose. Deuxième exemple, le sel des Iles-de-la-Madeleine,
ou l'art de noyer le poisson, dont une édition revue et corrigée
est patiemment attendue par les Madelinots quelque part avant la fin des
années quatre-vingt. La papeterie de la vallée de la
Matapédia pour laquelle Pierre de Bané a manqué d'argent
pour respecter ses engagements. Le tome I ne paraîtra donc jamais; on dit
que le tome II est en préparation. (17 h 50)
Un dernier exemple, le gazoduc dans l'Est du Québec. Cette
aventure pourrait sans doute être aussi captivante que la conquête
de l'Ouest. Malheureusement, les auteurs Lalonde et MacEachen craignent les
Indiens du Bas-Saint-Laurent qui pourraient les empêcher de poser leurs
tuyaux pour se rendre plus rapidement à Canso. On nous promet
là-dessus une édition résumée de ce grand projet
sous forme de fascicule, car
l'Est du Québec ne mérite pas la version originale.
Vous croyez, M. le Président, que les gens de ma région,
après tous ces cauchemars, après toutes ces promesses sans
lendemain, après toutes ces duperies à saveur électorale
ou référendaire, ont encore confiance dans la bonne foi de ceux
qui nous dirigent à Ottawa? Eh bien, non. Nous avons cependant confiance
dans le geste qui sera posé par les membres de cette Assemblée
nationale qui, nous l'espérons tous, unanimement, vont voter pour la
motion présentée par le premier ministre du Québec. Ce
sera pour nous infiniment plus rassurant que toutes les branches d'olivier qui
nous sont régulièrement tendues par nos élus à
Ottawa. Nous commençons à savoir chez nous quoi faire avec nos
branches de sapin et d'épinette. Nous ne saurions comment transformer en
papier ces trop nombreuses branches d'olivier. Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, je demande la suspension du
débat, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il
consentement?
Des voix: Oui, consentement.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Consentement. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 52)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
M. le député de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: M. le Président, je m'adresse à mes
électeurs du comté de Huntingdon. Vous tous qui avez
supporté le renouvellement de mon mandat lors de la dernière
élection générale, vous méritez d'emblée que
la confiance que vous m'avez témoignée vous soit aujourd'hui
rendue. Défendre les intérêts supérieurs du
Québec, dans un cadre fédératif canadien, est et demeurera
le mandat que vous m'avez confié et que je respecterai. Je me sens donc
très à mon aise en me portant, ce jour-même, à la
défense de l'intégrité de nos institutions politiques
canadiennes qui incluent infailliblement le maintien de nos coutumes, de nos
conventions, de nos droits et de nos pouvoirs qui, depuis 113 ans, font partie
intéqrante de notre constitution. Dans cet ensemble canadien, repose la
raison d'être de notre Assemblée nationale provinciale.
Ma position dans ce débat est tout à fait cohérente
avec le verdict prononcé par la Cour suprême du Canada qui,
elle-même, a établi clairement que les conventions, les droits,
les pouvoirs et privilèges conférés par la constitution du
Canada aux provinces en sont affectés. Pareillement pour sept autres
provinces canadiennes fédéralistes rejetant la proposition
Trudeau et faisant front commun pour dénoncer sa démarche
unilatérale.
Pour moi, l'héritage le plus précieux et le plus cher,
contrairement aux responsables du gouvernement actuel, c'est bien ces 113
années de coexistence dans ce pays qui est le mien, qui nous ont permis
d'accéder, comme peuple, au premier rang mondial au chapitre de la
tolérance et des droits et libertés individuelles.
Je confesse, cependant, ma répugnance à avoir à
voter conjointement avec les membres péguistes sur cette question, car
les intérêts et les valeurs que nous défendons de part et
d'autre sont diamétralement opposés. Sachez bien que je n'ai
aucune affinité avec les représentants du Parti
québécois qui, eux, se servent illégitimement de cette
situation pancanadienne pour mieux mousser leur option indépendantiste.
Il faudrait être borné pour penser autrement.
Le grand paradoxe sous nos yeux, c'est de voir l'ennemi d'un
système se porter à la défense de ce même
système. M. le Président, aussi bien préciser tout de
suite que ce gouvernement séparatiste tente, depuis cinq ans, de diviser
pour mieux régner. Il en ressort clairement que sa démarche
précipitée dans cette Assemblée nationale a pour but,
entre autres, de nous éliminer, nous qui formons la seule
Opposition.
À première vue, je serais tenté de rejeter toute
forme d'association venant des destructeurs de mon pays. Il est bien
évident qu'ils voudraient nous faire tomber dans un piège et que
ce micmac nous soit fatal.
M. le Président, leurs combines et leurs manigances ne
m'effraient guère. C'est en me tenant debout, toujours conscient,
respectueux et honnête envers moi-même et aussi envers tous ceux
qui sont profondément Canadiens que je vais accomplir dignement la
tâche qui m'échoit. Mon geste d'aujourd'hui s'inscrit dans le
respect des valeurs fondamentales auxquelles je crois profondément.
Jamais je n'échapperai à mon devoir de citoyen canadien et membre
de cette Assemblée nationale.
Mr Speaker, the motion being presently debated in this House gives me an
opportunity to express my gratitude to the residents and electors of
Huntingdon, who
have honoured me by giving me their trust and support.
Based on this mutual respect, and also on the mandate given to me as
defender of your rights and liberties at the Québec Government level, I
have today duties and responsabilities to exercise, which go far beyond simple
politics. In fact, our constitutional conventions, our powers, our riqhts and
our unwritten laws are being endangered by the Federal Government's decision to
modify unilaterally the powers of the Québec National Assembly, as well
as those of all provincial Legislatures in Canada.
Seven other provinces have also strongly objected in their own way. The
Supreme Court has rendered a clear decision in which nine out of nine judges
declared that provincial powers and rights will be affected. The essence of the
resolution is to ask the Federal Government to stop its unilateral action and
also to let them know that we are opposed to any decision that would adversely
affect our powers and rights. Furthermore, we are asking the Federal Government
to resume negotiations with the provinces.
Being, as you know, a strong federalist, respectful of the 113 year old
Constitution of Canada, it is my duty and responsibility to defend our most
precious heritage, which is the actual federal framework. Although I must admit
my reluctance to voting in the same direction as will be the PQ members, my
vote goes strictly in support of the Supreme Court decision and well in line
with the action of seven other provincial governments.
Mr Speaker, more than ever I distrust the members of the separatist
Lévesgue Government and their hypocritical practices. I know they want
to discard our party from the provincial scene, they want to trap us
constantly. I know they are the ennemy of my country, I know they want to
divide our people to better strengthen their hold on the people. I know they
are separatists dedicated to the destruction of Canada. I know they are playing
a vicious game, trying to defend something in which they do not believe. But,
Mr Speaker, those schemes and booby traps will sooner or later blow up in their
face.
Mr. Speaker, the actual resolution being debated is what we drafted and
I wonder how this PQ Government can, in fact, ask Ottawa to stop its unilateral
action while the pequistes themselves often talk of unilaterally taking
Québec out of Canada.
Let us review together the lack of judgment and the incoherence of this
Government. The long established conventions and rights protecting Anglophones
and ethnic groups have vanished. This was all done unilaterally by the present
Government. The actual Government wants to abolish our present school system as
well as private schools.
Mr Speaker, how can this Government ask that Québec rights be
upheld when the same Government withdraws rights from its own citizens? I also
could stress the fact that huge spendings and deficits was a way of life up
until the April 13th election. Thev built up a 10 000 000 000 $ deficit in
order to get elected and we know who will pay to cover this deficit. It is you
and I.
Maintenant, M. le Président, je termine en indiquant que
j'appuierai cette motion puisque je crois sincèrement, contrairement
à ce façon pensent les gens d'en face, que la
fédération canadienne et toutes ses institutions, notre
Confédération, l'Assemblée nationale du Québec et
toutes les Législatures provinciales méritent mon attachement,
mon respect et ma volonté de les conserver intacts dans un cadre
fédératif uni.
Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Voilà
maintenant près de cinq ans que je siège dans cette
Assemblée comme député de Verchères, comme
représentant de cette circonscription électorale. Je dois vous
dire que je n'ai pas vu souvent le premier ministre actuel et le chef de
l'Opposition actuel faire front commun, particulièrement contre Ottawa.
Je n'ai pas l'impression, après avoir entendu le député de
Huntingdon, qu'on va voir ça souvent dans l'avenir. (20 h 20)
Je n'ai pas non plus entendu souvent les deux mêmes chefs
politigues utiliser le même langage pour dénoncer le gouvernement
fédéral. Pourtant, hier soir, c'est exactement ce qui est
arrivé ici dans ce Parlement. J'ai vu, comme des milliers de
Québécois et de Québécoises, ces deux hommes,
adversaires irréconciliables à bien des égards, partager
le même point de vue sur une question de fond.
J'ai entendu, comme des milliers de gens, hier soir, René
Lévesque et Claude Ryan qualifier le projet Trudeau et la
démarche du gouvernement fédéral d'immoraux et
d'illégitimes. Ce sont des termes que d'abord a utilisés le
premier ministre et qu'a ensuite utilisés le chef de l'Opposition. Ce
sont des mots graves, ce sont des accusations sérieuses que ces deux
dirigeants politiques québécois ont proférées hier
soir.
J'aimerais prendre le peu de temps qui m'est attribué, M. le
Président, pour approfondir les raisons pour lesquelles le premier
ministre et le chef de l'Opposition ont parlé à la fois
d'immoralité et
d'illégitimité. À mon avis, il y a trois raisons
principales qui justifient l'emploi de ce vocabulaire particulièrement
dur. La première raison est la suivante: Ottawa agit
inconstitutionnellement. On s'en doutait un peu, maintenant c'est clair. Et
même en le sachant maintenant, le gouvernement fédéral
entend mener à terme son projet envers et contre tous.
D'abord il agit inconstitutionnellement parce qu'il brise l'une des
conventions les plus fondamentales qui régissent le fonctionnement de
notre système politique. Cette convention - on l'a dit, et je pense que
c'est important de le répéter - c'est la nécessité
d'obtenir l'accord des provinces, des gouvernements provinciaux et des
Parlements provinciaux pour modifier les responsabilités et les pouvoirs
que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique leur a attribués en
1867. Cette convention n'a pas force de loi parce qu'elle n'est pas
écrite, mais elle fait partie intégrante de la constitution. En
effet, contrairement à ce que beaucoup de gens croyaient jusqu'à
lundi, jusqu'au jugement de la Cour suprême, la constitution, cela ne
comprend pas uniquement le texte de la loi anglaise de 1867; cela comprend
aussi plusieurs conventions, c'est-à-dire plusieurs règles non
écrites fondées sur la coutume, fondées sur des
précédents. Même si ces règles ne sont pas
écrites, ne sont pas incluses dans le texte de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, ces conventions sont importantes,
à tel point que la Cour suprême elle-même a dit qu'elles
étaient plus importantes que beaucoup de lois.
À ce propos, je pourrais citer un passage du jugement de la Cour
suprême qui dit: "II faut garder à l'esprit, toutefois, que, bien
qu'il ne s'agisse pas de lois, certaines conventions peuvent être plus
importantes que certaines lois. Leur importance dépend de la valeur ou
du principe qu'elles sont censées protéger. En outre, elles
forment une partie intégrante de la constitution et du régime
constitutionnel. " La Cour suprême ajoute: "II existe un consensus
général qu'une convention se situe quelque part entre un usage ou
une coutume, d'une part, et une loi constitutionnelle écrite, d'autre
part. Il y a un consensus général que si on cherchait à
fixer cette position avec plus de précision, on placerait la convention
plus près de la loi que de l'usage ou de la coutume. II existe
également un consensus général qu'une convention est une
règle que ceux à qui elle s'applique considèrent comme
obligatoire. " "C'est pourquoi il est tout à fait juste de dire,
poursuit la Cour suprême, que violer une convention revient à
faire quelque chose d'inconstitutionnel, même si cela n'a aucune
conséquence juridique directe. "
On pourrait se demander, dans le cas qui nous concerne, pourquoi
l'accord des provinces est-il devenu partie intégrante de la
constitution canadienne? À cela aussi, la Cour suprême a voulu
apporter une réponse non équivoque. "Le but de cette règle
conventionnelle est de protéger le caractère
fédéral de la constitution canadienne et d'éviter
l'anomalie par laquelle la Chambre des communes et le Sénat pourraient
obtenir, par simple résolution, ce qu'ils ne pourraient validement
accomplir par une loi. "
Le caractère fédéral c'est d'abord et avant tout
l'existence, dans notre système de fonctionnement politique de deux
ordres de gouvernement. Ici, il faut rappeler que le caractère
fédéral de la constitution et l'existence d'une province
distincte, la nôtre, ayant un parlement propre, jouissant de
l'entière souveraineté, dans différents domaines
individuels et collectifs des gens d'ici étaient déjà,
pour les gens du Québec, du moins pour une majorité, selon tous
les historiens, un compromis en 1867. Le chef de l'Opposition l'a
rappelé à juste titre hier, l'idée première du
principal promoteur du projet constitutionnel en 1867, John Macdonald, qui fut
le premier premier ministre du Canada, était à toutes fins utiles
de réunir ensemble les colonies britanniques du Canada sous
l'autorité d'un seul gouvernement. Face à cette volonté
non pas d'avoir un système fédéral, mais d'avoir un
système unitaire où les francophones seraient minoritaires,
à peine 40 ans après la défaite du parti des patriotes de
Louis-Joseph Papineau et de l'abolition de l'autonomie politique du
Québec, qu'on appelait alors le Bas-Canada, les leaders
québécois d'alors, les leaders canadiens-français d'alors
ont bataillé ferme pour obtenir un système de gouvernement
où notre peuple retrouverait au moins une partie de l'autonomie qu'il
avait perdue 40 ans auparavant.
Beaucoup de gens, comme le chef du Parti libéral de
l'époque, Antoine-Aimé Dorion, auraient
préféré avoir une autre formule de gouvernement, un autre
système que le système fédéral, beaucoup plus de
pouvoirs. Comme nous, du Parti québécois, aujourd'hui, on ne
cache pas nos couleurs, ces gens croyaient à l'époque -
Antoine-Aimé Dorion et tous ceux qui le secondaient -qu'il y avait
beaucoup mieux pour le Québec et le Canada que le système
fédéral de gouvernement. Mais, dans le contexte de
l'épogue, avoir gagné une constitution à caractère
fédéral était déjà un progrès
énorme et, par la suite, nos dirigeants ont dû aussi batailler
ferme pour consolider d'abord ces minces acquis et obtenir que l'on reconnaisse
d'abord leur souveraineté limitée, qu'on accepte de ne pas
modifier ces pouvoirs limités sans leur consentement et qu'on
évite aussi, de cette façon, d'ouvrir la porte à
l'abolition plus ou moins progressive des provinces, c'est-à-dire de
mettre en cause le caractère fédéral de la
constitution.
Cinq fois, M. le Président, on a changé la constitution en
modifiant les pouvoirs législatifs des provinces, dont le Québec.
Cinq fois, le Québec avec d'autres a réclamé et obtenu
d'Ottawa qu'il obtienne son approbation d'abord avant de le faire. C'est cette
règle du jeu, c'est cette convention qui n'a pas été
écrite, mais qui est devenue tellement fondamentale, tellement
importante, qui a amené la Cour suprême à préciser,
et je le rappelle, que "certaines conventions comme celles-là sont plus
importantes que bien des lois". Voilà pourquoi il faut parler et on peut
parler d'illégitimité du projet fédéral.
On aurait pu croire qu'après le jugement de la Cour
suprême, le gouvernement fédéral se serait amendé un
peu, aurait reconnu ses torts et aurait accepté de respecter comme c'est
son devoir, comme on nous l'aurait demandé à nous, comme on nous
l'a déjà demandé à nous, comme le soulignait le
chef de l'Opposition hier, de respecter, dis-je, la constitution dans sa
globalité. MM. Trudeau et Chrétien ont
préféré choisir la voie de l'inconstitutionnalité.
Ils ont préféré continuer à "bulldozer" envers et
contre tous. Ils ont préféré choisir la voie du coup
d'État. Le terme est très fort, mais il a été
employé par la Cour suprême elle-même dans son jugement.
Cela était grave. Il faut se rendre compte, et je pense que les
citoyens et les citoyennes qui nous écoutent doivent se rendre compte
que ce que le gouvernement fédéral fait actuellement serait
inacceptable dans d'autres pays. En Angleterre, par exemple, un premier
ministre qui irait malgré la constitution et malgré les
conventions serait amené à quitter ses fonctions. C'est la
première raison pour laquelle, M. le Président, on peut parler
d'illégitimité et d'immoralité. La seconde raison tient au
fait que, depuis le début de ce coup de force, depuis plus d'un an et
même depuis le jugement de la Cour suprême du Canada, lundi
dernier, le gouvernement fédéral a camouflé et continue de
camoufler systématiquement les conséquences véritables de
son projet. (20 h 30)
À ce propos, le jugement de la Cour suprême est aussi
très explicite et aussi très révélateur, parce que,
contrairement à ce qu'on pensait nous-mêmes de ce
côté-ci de la Chambre, cela va beaucoup plus loin que tout ce
qu'on a pu dire, que toutes les interventions qui ont pu être faites dans
cette Chambre, notamment lors du débat de l'automne dernier.
La Cour suprême dit: "Si le projet de charte des droits devenait
loi, chacun des chefs de compétence législative provinciale
pourrait être touché. En outre, la charte des droits aurait un
effet rétrospectivement de même que prospectivement, de sorte que
les lois édictées par une province à l'avenir, de
même que celles édictées dans le passé, même
avant la Confédération, seraient susceptibles d'être
attaquées en cas d'incompatibilité avec les dispositions de la
charte des droits. Cette charte, poursuit la Cour suprême, diminuerait
donc l'autorité législative provinciale sur une échelle
dépassant l'effet des modifications constitutionnelles
antérieures pour lesquelles le consentement des provinces avait
été demandé et obtenu. Concrètement, M. le
Président, cela veut dire quoi? Cela veut dire que des centaines de
lois, des centaines de règlements qui ont été
adoptés par ce Parlement depuis des générations,
même avant 1867, pourront devenir illégaux, inconstitutionnels,
pourront être contestés devant les tribunaux. Les tribunaux
pourront ordonner leur modification sinon leur abolition pure et simple. C'est
ce que cela veut dire, M. le Président, et c'est ce que la Cour
suprême confirme. Est-ce que le gouvernement Trudeau a expliqué
cela aux gens? Est-ce qu'il a parlé des conséquences de son
projet politique? Sur la politique d'achat préférentielle du
gouvernement du Québec, est-ce qu'il a dit aux gens que 71 programmes
québécois d'aide aux entreprises du Québec seront
attaqués éventuellement? Est-ce qu'il a dit aux agriculteurs du
Québec que tous les régimes d'assurance-stabilisation en vigueur
seront affectés? Est-ce qu'il a dit aux consommateurs du Québec
que ceux-ci perdront des droits et des protections que leur donnent
actuellement des lois du Québec, des lois provinciales du Québec?
A-t-il dit aux Québécois que les programmes de francisation des
entreprises oeuvrant chez nous devront être éventuellement
abolis?
Le ministre des Affaires intergouvernementales cet après-midi a
fait allusion à un mémo interne du cabinet fédéral,
du gouvernement fédéral, mémo qui a été
rendu public il y a un an et qui faisait voir la stratéqie
particulière du gouvernement fédéral. En fait, ce qu'il
faut savoir, c'est qu'il y a eu trois documents qui, à des moments
donnés, ont été rendus publics en l'espace de quelques
semaines par des journalistes.
J'aimerais vous citer, M. le Président, quelques phrases qui
n'ont pas été citées par le ministre cet après-midi
et qui sont particulièrement significatives de l'intention du
gouvernement fédéral. On disait, dans les textes
stratégiques du gouvernement fédéral, textuellement ceci:
II faut mettre la pression sur les gouvernements provinciaux et bien
préparer l'opinion publique à ce qui va suivre. Il faut mettre
les provinces sur la défensive et utiliser les gouvernements provinciaux
les uns contre les autres. Il faut éviter qu'on puisse dire que le
gouvernement fédéral a voulu délibérément
l'échec des
négociations constitutionnelles pour mieux agir à sa
guise. Il faut préparer le terrain des idées à un
rapatriement unilatéral ou à un référendum le cas
échéant. Il faut également parler abondamment des droits
de la personne, vu l'émotivité des gens face à ce sujet.
Il faudra aussi jouer avec les options d'opposition de façon à
répandre l'image d'une lutte saine entre des partenaires d'affaires
finalement unanimes à bâtir ensemble un grand pays. Et il faudrait
finalement une campagne publicitaire prolongée destinée
uniquement au Québec et aux francophones hors Québec. Or, on
apprenait dans les journaux, pas plus tard qu'hier, qu'effectivement M.
Chrétien s'apprête à lancer cette campagne publicitaire
uniquement pour les Québécois et uniquement pour les francophones
hors Québec. On me dit même que c'est commencé. On cherche
en somme, M. le Président, à nous faire croire à nous et
même aux autres que les francophones hors Québec auront plus de
protection, alors qu'en réalité c'est faux. On cherche à
nous faire croire qu'on veut sauver les Canadiens français ailleurs au
Canada, alors que c'est faux. On cherche à nous faire croire, à
nous ici au Québec, qu'on aura plus de possibilités d'emplois par
la suite; pourtant, c'est faux. Tout cela, M. le Président, est immoral.
C'est immoral parce qu'un gouvernement élu n'a pas le droit de camoufler
les véritables conséquences de ses projets, surtout quand ces
conséquences sont aussi lourdes que celles qui sont décrites par
le jugement de la Cour suprême.
La troisième raison pour laquelle on doit parler
d'immoralité et d'illégitimité -c'est peut-être la
plus importante et celle qui a été le moins abordée par le
premier ministre et le chef de l'Opposition, hier -c'est que le comportement
d'Ottawa est profondément antidémocratique. Le gouvernement
Trudeau a-t-il demandé aux gens un mandat spécifique pour faire
ce qu'il fait? A-t-il obtenu ce mandat? A-t-il procédé à
un référendum? A-t-il posé une question? A-t-il
consulté les gens lors des dernières élections? En 1979,
M. Trudeau a perdu les élections et, quelques semaines après, il
a déclaré qu'il n'était plus l'homme de la situation. Les
revirements politiques étant ce qu'ils sont, quelques semaines plus
tard, il s'est retrouvé en pleine campagne électorale à la
tête de son parti et, à aucun moment pendant la campagne
électorale fédérale de l'hiver 1980, il n'a
été question de constitution.
Qu'est-ce qui a suivi la campagne électorale? La campagne
référendaire. C'était là peut-être une
meilleure occasion, plus spécifique, pour le premier ministre
fédéral, d'indiquer ses intentions, ses projets
véritables. Tous les gens qui nous écoutent, tous les hommes et
les femmes du Québec, tous les citoyens et les citoyennes qui ont
voté en mai 1980 et qui ont participé, vécu la campagne
référendaire, comme nous et comme tous les gens de cette
Assemblée l'ont vécue, savent que M. Trudeau n'a pas
spécifié ses intentions. Non seulement n'a-t-il pas
spécifié ses intentions, mais il a plutôt laissé
entendre le contraire de ce qu'il fait actuellement et de ce qu'il veut
faire.
En démocratie, M. le Président, il y a une autre
convention fondamentale. Le vice-premier ministre, qui est un expert en droit
constitutionnel, me disait cet après-midi: C'est plus qu'une convention,
celle-là; c'est un principe de base: pour effectuer des changements
majeurs, il faut obtenir auparavant un mandat clair. Est-ce qu'on aurait
accepté que le Parti québécois et que René
Lévesque procèdent unilatéralement, changent les
règles du jeu et imposent la souveraineté-association aux
Québécois sans un mandat spécifique? Est-ce qu'on aurait
accepté ça? Est-ce que M. Trudeau aurait accepté
ça? Est-ce qu'il serait prêt maintenant à accepter
ça? Pourtant, lui qui donne des leçons de démocratie aux
dirigeants politiques de son pays et d'un peu partout dans le monde, sans
mandat se propose de changer le système politique actuel.
Il est vrai, disait la Cour suprême, que le Canada resterait une
fédération si les projets de modification devenaient loi. Mais ce
serait une fédération différente, devenue telle à
la demande d'une majorité des Chambres du Parlement
fédéral agissant seule. Ce serait une fédération
qui a été refusée par tous les gouvernements du
Québec depuis 1867. M. Trudeau n'a pas le mandat d'agir, M. le
Président, mais nous -et je termine sur ça - nous avons le mandat
d'intervenir. Tous les membres de cette Assemblée nationale, du simple
fait qu'ils soient députés ici, ont le mandat implicite de
s'opposer à ce coup de force. Plus spécifiquement les gens de ce
côté-ci, les députés du Parti
québécois ont non seulement un mandat implicite; ils ont
même obtenu un mandat explicite parce que cette question était sur
la table des enjeux électoraux, il y a à peine quelques mois. Les
Québécois se sont prononcés et ils nous ont donné
ce mandat de nous opposer. M. le Président, jusqu'au bout, nous nous
opposerons parce que ce coup de force est illégitime, parce que ce coup
de force est immoral et qu'il ne doit pas passer. Merci.
Le Président: M. le député de Rousseau. (20
h 40)
M. René Blouin
M. Blouin: M. le Président, je dois dire, et cela n'arrive
pas souvent dans cette Assemblée, que l'unanimité ou la
quasi-
unanimité qui est en train de se faire autour de ce débat
fondamental a quelque chose non seulement d'important, mais d'émouvant
aussi, parce que par-delà nos divergences politiques et par-delà
les diverses solutions que proposent nos partis politiques respectifs quant
à l'avenir du Québec, tous, au moins -c'est cela qui est
fondamental, et voilà ce dont nous discutons - s'entendent pour dire que
l'Assemblée nationale, en aucun cas, ne devra devenir moins forte
qu'elle ne l'est actuellement. Cette solidarité que nous sommes en train
de faire est un premier pas, est un exemple qui indique aux citoyens et aux
citoyennes du Québec à quel point l'heure est grave et à
quel point il est temps de resserrer les rangs et, plus que jamais, de se tenir
debout devant le gouvernement d'Ottawa.
Beaucoup de citoyens et de citoyennes du Québec et de partout au
Canada ont été surpris d'apprendre ce que contenait ce jugement
de la Cour suprême, surpris parce que beaucoup ne s'attendaient surtout
pas que la Cour suprême confirme que le projet d'Ottawa consistait
effectivement à diminuer les pouvoirs et les droits du Québec et
de toutes les provinces du Canada. Beaucoup furent surpris parce que la version
fédérale, M. Trudeau, en particulier, avait toujours soutenu le
contraire. Devons-nous vraiment être surpris de cette attitude de M.
Trudeau? Je ne crois pas. En effet, est-ce la première fois que M.
Trudeau se livre à ce genre de pratique qui, le moins qu'on puisse dire,
se rapproche davantage - il faut bien l'admettre - du mensonge que de la
franchise? Cette attitude de la part du premier ministre fédéral
n'est pas nouvelle.
Pour illustrer cette attitude du premier ministre Trudeau, nous allons
revenir un peu en arrière, au début des années
soixante-dix, et analyser un peu quelle avait été l'attitude du
premier ministre fédéral lors des élections
fédérales au cours desquelles le Parti conservateur, pour essayer
de stopper un peu l'inflation qui galopait encore à cette époque,
avait proposé aux citoyens et aux citoyennes du Canada tout entier un
programme de contrôle des prix et des salaires. Pendant toute la campagne
électorale, le premier ministre Trudeau avait utilisé toutes les
tribunes qui étaient mises à sa disposition pour traiter de
simpliste et d'absurde ce projet. Il avait, avec tout le talent qu'on lui
connaît, convaincu les citoyens et les citoyennes du Canada que le
contrôle des prix et des salaires, cela n'avait pas de bon sens. Il a
été élu. Quelques mois seulement après son
élection, c'était lui qui imposait le contrôle des prix et
des salaires à tous les citoyens et citoyennes du Canada. M. Trudeau
s'était-il vraiment trompé, ou avait-il plus simplement
trompé la population?
Un peu plus près de nous, en 1979, le
Parti libéral fédéral dirigé par M. Trudeau
défait en Chambre les conservateurs sur un point bien précis. Les
libéraux fédéraux dans leurs discours, avec leur chef en
tête, prétendaient que l'auqmentation de 0, 18 $ le gallon
d'essence que proposaient les conservateurs était proprement immorale.
Ils ont défait les conservateurs qui, évidemment, comme cela doit
toujours se faire, ont respecté ce que nous venons d'apprendre, qui
s'appelle une convention constitutionnelle. Ils ont donc abandonné le
pouvoir et sont retournés en élection générale.
Encore une fois, au cours de toute la campagne électorale, le premier
ministre Trudeau se promenait partout pour expliquer aux gens à quel
point 0, 18 $ d'augmentation d'essence, cela ferait mal à tout le monde.
Il y avait dans les journaux - je m'en rappelle comme si c'était hier -
des annonces pavées par le Parti libéral du Canada dont M.
Trudeau est le chef. On voyait un chauffeur de taxi qui disait: Pas 0. 18 $ de
plus par gallon d'essence! Je ne serai plus capable d'arriver! Votez
libéral!
Que s'est-il passé après? M. Trudeau a encore une fois
convaincu les citoyennes et les citoyens que 0. 18 $ le qallon, c'était
trop. On se demande si cette capacité de M. Trudeau de convaincre les
citoyennes et les citoyens est un talent ou plutôt un vice. Encore une
fois, quelle a été son attitude après, lorsque la campagne
électorale a été terminée et que les
électeurs et les électrices canadiens lui eurent redonné
le pouvoir? En moins de 18 mois, ce n'est pas de 0. 18 % qu'a augmenté
le gallon d'essence, mais bien d'au-delà de 0. 52 $.
Cette volte-face, qui pouvait ressembler à une erreur dans le
dossier du contrôle des prix et des salaires, lorsqu'on connaissait moins
le comportement politique de M. Trudeau, ressemble de plus en plus à une
tromperie consciente et calculée.
Ce qui est encore plus grave, c'est que, depuis bientôt quatorze
ans, si ce n'est pas au-delà, M. Trudeau traîne avec lui un
profond et prolongé mensonge. Il prêche en effet, depuis 14 ans
que nous l'écoutons, le renouvellement du fédéralisme
canadien. Ce débat, comme c'était normal, est devenu très
vif, particulièrement lors de la période
référendaire au Québec, en mai 1980. Les plus ardents
acolytes des deux thèses qui s'opposaient et qui étaient
proposées aux citoyens lors du référendum allaient
irrémédiablement dans le sens de la consolidation des droits et
des pouvoirs du Québec. Voilà ce qui se dégageait des
thèses avancées ou, du moins, des discours que nous entendions
dans les deux camps, que ce soit celui qui sollicitait le non au
référendum ou
celui qui sollicitait le oui.
Quant à nous, est-il utile de le répéter, nous
recommandions que les lois, les impôts et les relations
extérieures dépendent du Québec et qu'une association
économique soit établie entre le Québec et le Canada ayant
comme principe l'égalité des peuples. Mais, à la fin de ce
débat qui a duré près de deux mois, à la toute fin,
le mercredi précédant le vote du 20 mai, M. Trudeau vint enfin.
Lui qui avait suivi le débat d'assez loin jusque là
décidait de plonger au coeur du débat. Il s'est rendu au centre
Paul-Sauvé assister et participer à un rassemblement des
partisans du non. C'est alors qu'il a expliqué à tous ceux qui
avaient mené cette lutte, quel que soit le côté de la
clôture où ils se situaient pour essayer de défendre ou
à tout le moins d'augmenter un peu les droits et les pouvoirs du
Québec, c'est alors qu'il a dit à ceux-là avec, dans la
voix, les trémolos qu'on lui connaît: Je vous donne ma parole,
dites non et fiez-vous à moi, ce sera oui. Tous ceux et celles qui ont
entendu ce message, M. le Président, et qui, encore une fois, se sont
laissé envoûter par les mensonges cyniques de M. Trudeau se
rappellent ces moments.
Est-il possible et imaginable qu'on se moque ainsi des gens en abusant
de leur bonne foi, eux qui se fiaient, comme c'est normal, à la parole
donnée? Le non qui devenait soudainement un oui au renouvellement du
fédéralisme est devenu, dans les jours qui ont suivi le
référendum, un oui à une diminution des pouvoirs du
Québec et à un abandon des principes mêmes du
fédéralisme. Il faut le faire. Personne n'avait compris que ce
non signifiait: Oui, nous allons diminuer les droits et les pouvoirs du
Québec. Tous ceux et celles qui veulent comprendre davantage - parce que
c'est très compliqué - où le Québec serait
touché en particulier peuvent se procurer une petite brochure qui est
très instructive à cet égard et qui s'intitule: Minute
Ottawa! (20 h 50)
Qui pouvait prévoir cette fourberie? Personne ne l'avait
prévue. Il a fallu, récemment, que la Cour suprême
confirme, à neuf juges sur neuf, que le projet Trudeau diminue
effectivement et expressément les droits et les pouvoirs du
Québec pour que cessent enfin les mensonges. Le projet d'Ottawa vise
essentiellement à arracher des pouvoirs aux provinces et, notamment,
à affaiblir celles-ci dont, évidemment, le Québec. C'est
finalement la Cour suprême du Canada qui aura identifié les
menteurs dans ce débat. Avait-on le droit d'abuser ainsi de la bonne foi
des gens en leur mentant en plein visage? Aucune loi ne l'interdit, il est
légal de mentir. Mais les conventions humaines interdisent un pareil
comportement. Elles interdisent à M. Trudeau, à peine quelques
semaines après le référendum, de bluffer
systématiquement les dix premiers ministres des provinces et les
populations qu'ils représentent en les invitant soi-disant à
négocier une dernière fois.
M. le Président, on a appris très rapidement que cette
conférence constitutionnelle n'était, en fait, qu'une farce, un
coup monté, puisqu'un document, dont on a abondamment parlé,
émanant des bureaux du gouvernement fédéral et rendu
public à la suite d'une fuite, montre à quel point M. Trudeau et
ses acolytes avaient soigneusement orchestré l'échec de cette
conférence pour justifier son désir d'agir
unilatéralement, c'est-à-dire, comme l'a jugé la Cour
suprême, inconstitutionnellement.
Je m'arrêterai très rapidement sur quelques exemples, en
fait, de ce qu'il y a derrière les mensonges de M. Trudeau,
c'est-à-dire derrière le projet d'Ottawa. Il faut savoir que le
projet du gouvernement fédéral pourrait rendre illégale la
politique québécoise d'aide aux industries, de même que la
politique d'achat chez nous, qui maintient et crée des milliers
d'emplois chaque année au Québec. Il faut savoir que le projet
Trudeau abolirait les règlements favorisant les professionnels et les
fournisseurs québécois. Il faut savoir que le mensonge d'Ottawa
cache le fait que les privilèges d'emplois pour les grands chantiers
d'ici, tels que la Baie-James, ne pourraient plus s'appliquer et que notre
main-d'oeuvre ne serait donc plus protégée. En tout, plus de 100
lois visant à avantager les Québécois et les
Québécoises pourraient être directement touchées par
ce projet d'Ottawa, et, sur le plan économique, pourrait nous faire
perdre des plumes en centralisant les politiques économiques encore
davantage à Ottawa, ce qui, évidemment, contribuerait à
favoriser encore plus l'Ontario.
On a assez insisté, au cours de ce débat, sur les dangers
du projet Trudeau en ce qui concerne le projet linguistique. S'il est un
domaine où le Québec ne cédera jamais un pouce, c'est bien
celui de la langue. Tous doivent se rappeler que l'Assemblée nationale
du Québec est le seul Parlement francophone d'Amérique et que
toute diminution des pouvoirs du Québec à cet égard serait
proprement immorale.
Oui, M. le Président, nous avons été trop souvent
et trop fortement trompés par M. Trudeau, trompés depuis 14 ans,
avec une accélération tactique du mensonqe depuis deux ans. C'est
comme si - je termine sur cet exemple - sachant les effets que cela peut avoir
sur notre santé collective, M. Trudeau nous disait: J'ai l'intention
d'isoler les dix maisons provinciales, et particulièrement celle du
Québec, avec de la mousse d'urée formaldéhyde
constitutionnelle. M. Trudeau sait que cette mousse constitutionnelle aura des
effets négatifs certains sur la population québécoise.
Il
connaît les effets toxiques de son projet sur notre santé
collective, mais que le Québec s'affaiblisse et s'étouffe ne le
bouleverse pas.
Maintenant que la Cour suprême a reconnu que le projet d'Ottawa
est toxique pour le Québec, qu'Ottawa se le tienne pour dit, M. le
Président: la mousse d'urée formaldehyde constitutionnelle, non
merci!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je crois de mon
devoir, à titre de député de Beauce-Sud en cette
Assemblée nationale, d'apporter mon humble contribution à ce
débat historique. Je désire profiter de l'occasion pour
réfléchir brièvement sur les questions suivantes.
Premièrement, pourquoi sommes-nous réunis aujourd'hui?
Deuxièmement, quels sont les véritables enjeux du
débat? Troisièmement, quelle est la position constitutionnelle du
Parti libéral du Québec. Quatrièmement, de quelle
manière voter face à cette motion?
Pourquoi sommes-nous réunis ici aujourd'hui? À la suite du
jugement de la Cour suprême du Canada rendu il y a trois jours, le
gouvernement a décidé de convoquer en catastrophe
l'Assemblée nationale pour entériner la motion
présentement débattue. Y a-t-il vraiment urgence à ce
point? Sans doute la situation est importante, mais le gouvernement aurait pu
attendre au moins le retour au pays de M. Trudeau. Si l'on veut parler
d'urgence, que l'on parle d'urgence dans la relance économique,
d'urgence dans le règlement des déficits, l'endettement du
Québec, le chômage surtout chez les jeunes, les coupures de budget
en agriculture, en affaires sociales, surtout de la faillite des producteurs de
porcs, pour lesquels le gouvernement n'a rien fait et qui tombent comme des
mouches; et je pourrais continuer.
Cependant, revenons à la motion présentement à
l'étude. Celle-ci fait suite au jugement de la Cour suprême,
jugement d'une extrême importance qui stipule, premièrement, que
le projet fédéral affecte les droits des provinces;
deuxièmement, que le projet fédéral est constitutionnel au
sens de la loi, mais anticonstitutionnel au sens des conventions qui ont
toujours prévalu depuis la Confédération;
troisièmement, qu'il existe une convention non écrite selon
laquelle le consentement des provinces est nécessaire pour affecter
leurs droits.
Est-il besoin de rappeler les trois principaux éléments du
projet fédéral qui sont: rapatriement de la constitution,
insertion d'une formule d'amendement et imposition d'une charte des droits?
Quels sont les véritables enjeux de ce débat? Il appert
des déclarations d'à peu près tous les gouvernements
provinciaux que les notions de rapatriement et de formule d'amendement ne
causent pas de problèmes majeurs invincibles. Cependant, l'imposition
unilatérale, dans la constitution canadienne, d'une charte des droits
qui dépouille le Québec d'une partie de ses pouvoirs
législatifs et constitutionnels est purement inacceptable.
Ai-je besoin de rappeler que nous sommes, nous du Parti libéral
du Québec, en faveur du principe d'une charte des droits? Mais, comme
les droits des provinces sont sacrés, nous ne pouvons comme membres de
l'Assemblée nationale accepter l'imposition d'une charte qui
enlève des pouvoirs aux provinces, sans l'accord de celles-ci. Nous
préférons un Canada sans charte qu'une charte sans Canada. Le
véritable enjeu, ce n'est pas d'appuyer Trudeau ou Lévesque, mais
de défendre les pouvoirs législatifs et constitutionnels du
Québec menacés par le projet fédéral, selon les
termes mêmes de la Cour suprême ci-dessus évoqués.
(21 heures)
Depuis la conquête de 1760, les Canadiens français ont
conquis de haute lutte les pouvoirs que détient actuellement
l'Assemblée nationale du Québec, que ce soient les étapes
de 1763 avec le Traité de Versailles, 1774 avec l'Acte de Québec,
1791 avec l'acte constitutionnel, 1840 avec l'Acte d'union et 1867, la
Confédération. Et nous, élus à l'Assemblée
nationale, en 1981, sommes les dépositaires, les fiduciaires des
pouvoirs du Québec. En tant que membres de cette Assemblée,
pouvons-nous accepter que les pouvoirs du Québec soient diminués
sans le consentement de l'Assemblée nationale ou du peuple du
Québec?
Je suis conscient, comme membre de la collectivité
québécoise, que le vote que j'aurai à donner
dépasse mon humble personne, qu'il dépasse même mon parti.
C'est l'institution suprême des Québécois qui est
affectée. Par mon vote, je dois m'élever au niveau des
intérêts supérieurs du Québec, comme le commande le
serment que j'ai prêté après mon élection.
Quelle est la position constitutionnelle du Parti libéral du
Québec? Notre parti a démontré, par sa riche tradition,
qu'il est résolument québécois, attaché au
Québec. N'est-il pas l'instigateur du réveil de la conscience
québécoise depuis 1960, en particulier? La foi au Canada
constitue, cependant, le second volet de la position de notre parti. Enfin,
notre parti croit en l'existence du fédéralisme et affirme que le
Québec doit continuer à s'épanouir au sein d'un Canada
fédéral.
L'on me permettra de demander aux autorités
fédérales compétentes de bien prendre conscience de la
gravité du geste
qu'elles s'apprêtent à poser. Je leur demande d'imaginer le
scénario qui se déroulera si les étapes d'Ottawa et de
Westminster sont franchies sans modification. Les conséquences seront
d'une extrême gravité et pour l'avenir du Québec et pour
l'avenir du Canada. Il est impérieux pour les autorités
fédérales de retourner avec les provinces à la table de
négociation et de respecter les conventions et les règles du jeu
établies depuis le début du Canada.
De quelle manière voter? Pour la bonne intelligence de nos
téléspectateurs, il est bon de faire lecture de la motion
présentement à l'étude. "La Cour suprême du Canada
ayant décidé que le projet fédéral concernant la
constitution du Canada réduit les pouvoirs de l'Assemblée
nationale du Québec et que l'action unilatérale du gouvernement
fédéral, bien que légale, est inconstitutionnelle parce
que contraire aux conventions, cette Assemblée réclame du
gouvernement fédéral qu'il renonce à sa démarche
unilatérale, s'oppose à tout geste qui pourrait porter atteinte
à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement et demande
au gouvernement fédéral et à ceux des provinces qu'ils
reprennent sans délai les négociations dans le respect des
principes et des conventions qui doivent régir les modifications du
régime fédéral canadien. "
Est-il nécessaire de rappeler que cette motion porte l'empreinte
de notre parti? Elle aurait été certainement endossée par
les Lesage, Johnson, Bertrand et, aujourd'hui même, M. Robert Bourassa,
ex-premier ministre, a mentionné qu'il était de notre devoir
également de l'entériner.
En conclusion, M. le Président, le 20 mai 1980, dans le but de
sauver le Canada, j'ai dit non au projet de séparation en indiquant au
Parti québécois que mon non était québécois.
Dans un esprit de continuité, toujours pour sauver le Canada, je dis non
au projet fédéral et, aujourd'hui encore, mon non est tout aussi
québécois. C'est pourquoi je voterai en faveur de la motion et
mon vote n'est pas en faveur du PQ, mais en faveur du Québec et,
à longue échéance, en faveur du Canada.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vimont.
M. Jean-Guy Rodrigue
M. Rodrigue: M. le Président, dans les remarques qu'il
nous a faites à l'ouverture de cette session, le leader de l'Opposition
a soulevé des doutes à l'instar d'un certain nombre de ses
collègues par la suite, sur l'opportunité et l'urgence de la
convocation de l'Assemblée nationale pour débattre de la motion
qui nous est soumise.
Il est vrai que la convocation de l'Assemblée nationale en de si
courts délais et la présentation d'une motion du type de celle
que nous débattons présentement sont exceptionnelles, mais c'est
que nous sommes dans une situation tout à fait exceptionnelle, M. le
Président.
La Cour suprême du Canada vient de rendre un jugement où
elle stipule que le projet de réforme constitutionnelle d'Ottawa
réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et
que ce projet est inconstitutionnel selon les conventions admises dans le
régime parlementaire que nous connaissons, même si, à
strictement parler, il n'est pas illégal, pour la simple et bonne raison
que ces conventions sont distinctes du droit et que leur application ne
relève pas des tribunaux. C'est ça que nous a dit la Cour
suprême dans son jugement et c'est ce que le ministre de la Justice nous
a expliqué hier dans son discours sur la motion qui est devant nous.
Or, à la suite de ce jugement, le premier ministre et le ministre
de la Justice du gouvernement d'Ottawa ont déclaré qu'ils iraient
de l'avant avec leur projet de réforme constitutionnelle sans se soucier
de l'accord des provinces et ce même si le tribunal suprême a
déclaré dans son jugement que "le consentement des provinces du
Canada est constitutionnellement nécessaire à l'adoption de ce
projet. "
Devant l'attitude du gouvernement d'Ottawa, qui bafoue sans vergogne
toutes les règles constitutionnelles, nous ne pouvons pas et ne devons
pas rester muets. Notre rôle, comme députés de
l'Assemblée nationale du Québec, est de défendre et de
sauvegarder les pouvoirs que nous a confiés le peuple du Québec.
Nous devons le faire avec fermeté et tout de suite.
M. le Président, la motion qui est devant nous déclare que
cette Assemblée s'oppose à tout geste qui pourrait porter
atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement.
Une telle déclaration apparaîtra à plusieurs comme une
évidence. Ils auront l'impression que cela va de soi et ils se
demanderont pourquoi, diable, sonner le branle-bas de combat, puisque c'est si
évident.
Mais, M. le Président, c'est que jamais les pouvoirs de
l'Assemblée nationale du Québec et, par voie de
conséquence, les pouvoirs du peuble du Québec lui-même
n'ont été menacés de la sorte. Le projet constitutionnel
d'Ottawa nous attaque dans ce qui est essentiel pour assurer notre survie et
notre épanouissement comme peuple, c'est-à-dire le droit de
prendre nous-mêmes les décisions qui conditionnent notre
présent et orientent notre avenir. (21 h 10)
Quand on examine attentivement le projet d'Ottawa, on se rend compte que
la charte des droits et la formule
d'amendement qu'il contient, que MM. Trudeau et Chrétien veulent
introduire dans la constitution canadienne, permettrait à Ottawa
d'annuler des lois présentes ou futures adoptées par cette
Chambre. Elle permettrait également à Ottawa de compromettre les
programmes que s'est donnés et que se donnera le Québec à
l'avenir pour assurer son développement économique, social et
culturel. Elle placerait le Québec dans une position où il lui
serait impossible de planifier son avenir en fonction de ses besoins et de ses
aspirations propres. Je crois que cela a été abondamment
illustré par les collègues qui m'ont précédé
dans ce débat et, à l'instar du député de
Sainte-Anne qui lui a fait une très belle publicité, j'invite les
personnes qui nous écoutent et qui aimeraient avoir des informations
plus détaillées à ce sujet à lire la brochure
Minute Ottawa; qui donne de nombreux exemples de ce que j'affirme.
Cette charte des droits et la formule d'amendement qui l'accompagne,
à cause de leurs effets, sont inacceptables pour le Québec, mais
il y a pire. En plus des menaces qu'elle laisse planer sur les pouvoirs de
cette Assemblée, cette charte des droits est, à mon sens,
pernicieuse. Quand on la lit attentivement, on se rend compte que c'est une
charte des droits sélective. Dans le domaine linguistique, elle
imposerait des contraintes au Québec, mais pas à l'Ontario.
Pourtant, à ce qu'il me semble, la minorité anglophone du
Québec, qui contrôle déjà toutes ses institutions
socioculturelles, n'a pas besoin d'une charte des droits pour durer et
prospérer. Pourtant, elle serait couverte par une telle charte, mais
cette même charte des droits laisserait sans protection réelle les
francophones de l'Ontario et d'ailleurs qui sont victimes, eux, d'une
assimilation lente et insidieuse, mais qui n'en demeure pas moins réelle
pour autant.
C'est ce qui me fait dire que la charte des droits d'Ottawa, ce n'est
pas une véritable charte des droits. La charte des droits d'Ottawa,
à mon sens, c'est une charte des passe-droits. En plus d'enlever des
pouvoirs au Québec, ce qui est déjà inacceptable en soi,
elle ne protège même pas ceux qui en auraient le plus besoin, du
moins sur le plan linguistigue. Le premier ministre Trudeau nous dit: Acceptez
cela et on discutera après. Quand on sait de quelle façon cet
homme discute, à coup de diktats, quand on connaît la
volonté de centralisation à outrance qui l'anime, on ne peut
s'empêcher d'être renversé par le cynisme d'une telle
proposition. Si c'est cela que le leader de l'Opposition a qualifié
d'ouverture de Trudeau, lors de l'inauguration de ce débat, il a fait
preuve, je pense, d'une grande naïveté.
M. Levesque (Bonaventure): Merci.
M. Rodrigue: Mais celui qui s'est surpassé dans tout cela,
c'est le ministre fédéral de la Justice, M. Jean Chrétien.
M. Chrétien a trouvé le moyen, au cours de la même
conférence de presse, de dire qu'il fallait être légaliste
pour la partie du projet constitutionnel d'Ottawa qui doit se jouer au Canada
et constitutionnaliste pour la partie qui devra se jouer à Londres par
la suite. Il faut vraiment le faire! Cela se passait lundi après-midi,
soit quelques heures à peine après la divulgation du jugement de
la Cour suprême. Voici d'ailleurs ce que le Journal de Montréal
nous en rapporte dans son édition du mardi 29 septembre: "Quelques
minutes seulement après la publication du jugement de la Cour
suprême, le ministre Jean Chrétien a annoncé que le
gouvernement poursuivra son offensive unilatérale pour rapatrier la
constitution et y enchâsser une charte des droits. "
Une heure plus tard, en conférence de presse, le ministre
fédéral de la Justice a déclaré que le projet
constitutionnel serait ramené devant le Parlement dès la
rentrée, puis acheminé vers le Sénat avant de l'envoyer
à Londres. Pour M. Chrétien, le projet fédéral est
légal. Rien d'autre ne compte. M. Chrétien avait oublié un
petit détail, qu'il juge sans doute sans importance, à savoir que
la Cour suprême, quelques heures plus tôt, avait
déclaré que le projet d'Ottawa est inconstitutionnel parce que
contraire aux conventions.
Mais, lorsqu'il se retourne vers Londres, là, tout à coup,
M. Chrétien découvre qu'il existe des conventions
constitutionnelles en régime parlementaire de type britannique qui
parfois sont aussi sinon plus importantes que des lois. En réponse
à une question d'un journaliste qui l'interrogeait sur ce qui allait se
passer à Londres, voici ce qu'a dit M. Chrétien. Cela se passait
au cours du même après-midi, à la même
conférence de presse et je cite le même article. M.
Chrétien dit ceci en réponse à la question: "Et là
les Britanniques devront respecter la convention qui a fait qu'à 22
reprises en 54 ans ils ont répondu favorablement à la
requête d'Ottawa les yeux fermés. "
Mais si c'est vrai à Londres, comment se fait-il que ce ne le
soit pas à Ottawa? Nous sommes toujours en régime parlementaire
britannique, que je sache. Comment peut-on soutenir que les conventions
constitutionnelles doivent s'appliquer à Londres, mais pas à
Ottawa? Chrétien nage en pleine contradiction. Ce n'est, d'ailleurs, pas
la première fois. Je n'en suis pas surpris outre mesure, M. le
Président, mais enfin, il me semble qu'il y a des limites aux pirouettes
qu'un homme politique peut se permettre. Quant à moi, M. le
Président, le ministre de la Justice d'Ottawa a largement
dépassé cette limite et depuis longtemps.
M. le Président, devant la situation dans laquelle nous place le
projet de réforme constitutionnelle d'Ottawa et devant la volonté
nettement exprimée par MM. Trudeau et Chrétien d'aller de l'avant
coûte que coûte et sans l'accord des provinces avec ce projet, il
est plus que jamais nécessaire que les Québécois et les
Québécoises et en particulier les membres de cette
Assemblée parlent d'une façon unanime et avec force.
Dans ces circonstances, que nous n'avons pas voulues, mais qui nous sont
imposées, il est indispensable que les députés de cette
Assemblée défendent les pouvoirs que le peuple du Québec
leur a confiés. C'est ce que j'ai l'intention de faire, M. le
Président, en votant pour la motion qui est devant nous et j'invite tous
mes collègues de cette Chambre à faire de même.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. Nous sommes
appelés ici, à l'Assemblée nationale, afin de prendre
position concernant le projet constitutionnel fédéral, à
la suite de la décision de la Cour suprême il y a trois jours.
Pour la plupart de nous, Canadiens québécois et Canadiennes
québécoises, toutes ces discussions semblent confirmer, j'ai
l'impression, un sentiment qu'on retrouve souvent exprimé par nos
concitoyens à l'égard des politiciens, soit que nous sommes
peut-être les seuls à nous comprendre et qu'on parle pour se faire
écouter nous-mêmes. Il y a plusieurs de nos concitoyens et
concitoyennes qui sont finalement, M. le Président, tannés
d'entendre parler de constitution depuis des années. Moi aussi, j'aurais
de beaucoup préféré être ici à
l'Assemblée nationale pour parler de choses qui nous touchent tous dans
le quotidien de la vie: les taux d'intérêts, l'effritement de nos
services sociaux et de santé à la suite des coupures que je
qualifierais d'irresponsables et d'insoucieuses de ce gouvernement. (21 h
20)
Tout au moins, j'aurais souhaité que cette session soit
prolongée après l'adoption de cette motion pour qu'on puisse
traiter de ces choses qui nous concernent directement dans notre vie
quotidienne. Malheureusement, il ne dépend pas de l'Opposition de
convoquer la Chambre et de décider du menu législatif. Il est
donc clair que nous sommes consignés pour cette courte session à
un menu composé uniquement de constitution. Il arrive pourtant qu'en
dépit de cette manoeuvre du gouvernement afin d'éviter de faire
face à ses responsabilités et à l'Assemblée
nationale, en dépit de cela, la question demeure vitale pour
l'Assemblée nationale, pour le Québec et le Canada tout
entier.
Je voudrais donc, M. le Président, exposer devant mes concitoyens
et les électeurs de Laurier les raisons qui me motivent à voter
pour cette résolution. Je le fais en étant très conscient
que la qrande majorité des fédéralistes comme moi ont une
méfiance profonde envers le Parti québécois. Il est
évident qu'il y a une contradiction fondamentale quand un gouvernement
dont le but principal est de démanteler le pays est appelé
à intervenir dans un processus qui vise essentiellement à
renouveler la fédération canadienne. Notre chef, M. Ryan, a
souligné cette contradiction hier d'une manière que je
qualifierais d'éloquente et avec une qrande clarté d'esprit.
Le gouvernement actuel nous appelle à l'Assemblée
nationale afin de protéger les pouvoirs légitimes de
l'Assemblée nationale dans le cadre de l'esprit fédéral
tandis qu'il y a des ministres de ce même gouvernement qui apportent leur
appui à des motions du Parti québécois visant à la
déclaration unilatérale de l'indépendance.
Il y a là, j'en conviens, non seulement de quoi se méfier,
mais aussi, je le crois sincèrement, de quoi être
dégoûté sur le plan de la sincérité qu'ont
ces gens quant au respect de la volonté populaire et des conventions, un
mot qui est devenu d'un très grand usage ces jours-ci. Au moment
même où le premier ministre du Québec nous incite, et je
cite la motion "à demander au gouvernement fédéral et aux
provinces, -donc, à lui-même - de reprendre sans délai les
négociations dans le respect des principes et des conventions qui
doivent régir les modifications du régime fédéral
canadien -entre parenthèses, je n'ai jamais entendu tant parler de la
bouche des députés du gouvernement du Canada et de la
fédération qu'hier et aujourd'hui - le même premier
ministre parle à ses militants en les exhortant à promouvoir plus
que jamais leur option fondamentale, la souveraineté du
Québec.
Au moins, la députée ministre de La Peltrie a eu le
courage - peut-être pas à l'Assemblée nationale, mais
à une réunion du Parti québécois - de se lever pour
voter en faveur d'une motion pour que le gouvernement déclare
unilatéralement l'indépendance du Québec. Il y a là
de quoi y penser. Au moins, cette personne a eu le courage intellectuel de se
lever et de s'afficher clairement et je dirais même plus
l'honnêteté de le faire, même si elle était
cachée dans un petit coin de la salle, semble-t-il, selon les
journaux.
On a fait grand état ces jours-ci de la situation dans laquelle
se trouve le Parti libéral du Québec, le Parti libéral
québécois. On entend dire que nous nous embarquons dans un bateau
avec le Parti québécois et
que nous sommes tiraillés. C'est vrai. C'est tout à fait
vrai que nous sommes tiraillés et c'est tout à fait vrai que nous
nous trouvons dans une situation difficile. Nous ne pouvons pas en toute
légitimité accepter le projet constitutionnel qui
réduirait les pouvoirs de l'Assemblée nationale de façon
unilatérale, un projet que le plus haut tribunal du pays, la Cour
suprême, a décrit comme inconstitutionnel au sens des conventions,
conventions qui ont d'ailleurs régi 22 autres modifications de la
même constitution, un projet qui est désavoué par sept
autres provinces tout à fait fédéralistes, un projet qui
est désavoué par l'Opposition officielle à Ottawa et un
projet qui, depuis lundi, a même perdu l'appui du Nouveau Parti
démocratique à Ottawa.
Le Parti québécois n'a pas de programme de réforme
du système fédéral canadien. Il a uniquement un programme
de séparation du Québec du reste du Canada. Depuis quelques
jours, depuis le budget, il n'a même pas un programme
social-démocrate. Il a réussi en mettant en veilleuse,
c'est-à-dire en camouflant ses vraies intentions pour une période
donnée, une période qui a duré jusqu'au 13 avril,
cyniquement, la croyance fondamentale, et cela en dit beaucoup sur
l'intégrité morale de ce parti qui a réussi pourtant
à se faire réélire. Il est donc aujourd'hui le
gouvernement légal et, en dépit de moyens illégitimes, le
gouvernement légitime du Québec. C'est cela qui nous place dans
une position difficile, effectivement, mais nous ne sommes pas venus à
l'Assemblée nationale seulement pour porter le titre de
député, M. le Président. Nous sommes élus pour
donner une direction à une société, à une
collectivité que nous représentons, et pour affronter de
façon responsable et surtout honnête des situations
difficiles.
La motion que nous étudions aujourd'hui exprime des choses que le
Parti libéral du Québec défend depuis plus de vingt ans et
véhicule depuis plus de vingt ans. On retrouve dans chacun de ses
paragraphes les thèses que nous, du Parti libéral du
Québec, nous défendons et mettons de l'avant. Le Parti
québécois ne peut pas en dire autant. Il accepte pourtant encore
une fois de prétendre et de feindre la sincérité. On a
tellement parlé de l'autre côté, de la façon dont le
gouvernement fédéral feint la sincérité et des
gestes que M. Trudeau est capable de poser à la télévision
de Séoul! Mais le Parti québécois accepte encore une fois
de prétendre et de feindre la sincérité dans l'espoir
qu'il pourra encore une fois manipuler le public dans sa démarche vers
la séparation du Québec. Comment s'explique autrement son
acceptation à reprendre sans délai les négociations dans
le respect des principes et des conventions qui doivent réqir les
modifications au système fédéral canadien? N'importe
quelle interprétation le moindrement moralement honnête du texte
ne peut que conduire à la conclusion que cela veut dire qu'on accepte de
travailler de bonne foi à renouveler la fédération
canadienne dans son ensemble. C'est clair que l'interprétation
truquée du texte peut dire: Oui, on va modifier le système
fédéral sans le Québec. Ce n'est pas cela le Canada.
La position du Parti libéral du Québec, c'est de
travailler de bonne foi avec une croyance profonde dans l'ensemble canadien,
afin de construire un pays, avec sa propre constitution, avec sa propre charte
des droits et libertés, un Canada pleinement respectueux de la
réalité d'aujourd'hui et un Canada dans lequel le Québec
peut continuer à s'épanouir davantage.
En écoutant les discours des chefs, hier, je me sentais
profondément fier de la sincérité, de la dignité et
de l'éloquence du chef du Parti libéral du Québec. Il
n'avait aucunement besoin de chercher des mots pour faire correspondre ses
paroles avec ses croyances. Il n'avait pas besoin de chercher des mots qui
laissaient entendre deux ou même trois choses à la fois pour
être bien couvert de tous les côtés. Il était d'une
grande conviction intellectuelle et surtout d'une intégrité
morale absolue. Est-ce que les députés du Parti
québécois peuvent en dire autant de la position dans laquelle ils
se trouvent? C'est-à-dire avoir à travailler de bonne foi
à rebâtir le Canada tout en voulant sortir le Québec de la
fédération, eux qui se lèvent souvent durant ce
débat, un après l'autre, pour essayer de reprendre le
débat référendaire, le débat qui a
été terminé le 20 mai 1980 avec le résultat qu'on
connaît tous.
Pour ce qui est de M. Trudeau, je le considère comme un grand
homme, un homme qui également a des convictions qu'il véhicule
d'une manière éloquente et même élégante. Je
lui reproche pourtant une intransigeance, dans ce dossier, qui a soulevé
un opposition presque unanime à travers le pays de la part des
institutions politiques que sont les provinces et les partis politiques. Le
Canada a une très courte histoire dans l'histoire de l'évolution
du monde, et au cours de cette période nous avons appris que la voie de
notre survie et de notre épanouissement, c'est le dialogue et la
négociation de bonne foi. Un homme d'État comme M. Trudeau doit
donc aussi faire, à mon point de vue, preuve de souplesse, de
sensibilité et ne pas se laisser aveugler par le manque évident
de bonne foi du Parti québécois. (21 h 30)
La position exprimée par la motion pour laquelle je voterai est
bonne. Nous, ici, à l'Assemblée nationale du Québec, de ce
côté-ci de la Chambre, Canadiens et fiers de l'être et
profondément attachés au Québec,
nous avons un devoir. C'est celui de travailler avec tout notre coeur
à donner au peuple québécois l'occasion de
s'épanouir pleinement, avec fierté, en progressant au sein de
cette fédération canadienne. Pour ce faire, j'en suis plus
convaincu que jamais, notre premier devoir est, et doit toujours être de
démasquer, finalement, le Parti québécois dans ses vraies
intentions parce que, eux, ils n'ont pas le courage de le faire
eux-mêmes.
Nous avons tenu un référendum, il y a un an et demi,
à la suite duquel la population du Québec a répondu
clairement non au Parti québécois. Ce dernier avait choisi un
référendum parce qu'un référendum lui donnait une
occasion de plus de s'accrocher au pouvoir à une élection
ultérieure où il camouflerait sa vraie conviction. On dirait
presque qu'il avait honte de son option tellement il en a peu parlé
durant son élection.
Les membres du parti ministériel ont beaucoup parlé des
propos de M. Trudeau, le 20 mai dernier, qu'il mettait son siège en jeu.
Si les membres du Parti québécois ont le courage de leurs
convictions, qu'ils mettent leur siège en jeu en faisant face à
la population avec la vraie question, de façon honnête et claire
sur cette affaire. Qu'ils arrêtent de prendre des airs de
sincérité, empruntés des meilleures écoles de
comédiens, qu'ils confrontent le peuple québécois en toute
honnêteté et qu'ils nous laissent en finir une fois pour toutes
avec ces histoires qui nous empêchent d'aller véritablement de
l'avant.
I would also like to say a few words in English, partly because there
is, I suppose, a tradition that if you want to be understood, you speak in the
language that people understand you in. And I want some people to understand
this. I want to speak to those of you who are sitting there watching what
normally are 122 Members of the National Assembly talking once more about the
constitution. You may will be saying: Enough! Let us get it over with, let us
finish and get on to talking about the things that are really there to talk
about: the economy, what is happening to our social services, that kind of
thing. I basically agree. I would much rather be here dealing with the
government about what they are doing in terms of the progress that we are
supposed to be seeing in Québec. The present government however, has
chosen to call this National Assembly in an emergency session to deal with what
I have to acknowledge is an urgent matter and has refused to let us deal with
other matters that are equally important and urgent.
This is an urgent matter even if it is not something that we can touch,
that we can see and that we can put a dollar sign to. We are before a situation
today where a separatist government has found a legitimate federalist objection
to the resolution of the constitutional impasse in this country. The Supreme
Court of Canada has declared that the federal package is unconstitutional,
although there is no legal obstacle to Mr. Trudeau proceeding with his package.
It is a typical Canadian situation. Only in Canada can something be both
unconstitutional and legal at the same time. And certainly only in Canada can
we find a separatist government using the supreme federal institution which the
Supreme Court is to give its objections a certain legitimacy, but that is
Canada, you know. We are also very keenly aware, on this side of the House,
that in front of us, on the other side, are sitting 80 Members, Mr. Speaker,
79, if we impute an objectivity to your part, that are devoted fundamentally to
one and only one basic principle when it comes down to the crunch. And that is
the declaration of independence of Québec at some point down the
line.
We know that just as we know that there is very little within, I hope
and I believe, I think, a legal framework that they will not do to get there.
And we also know that we have a duty to fight that end with every legal and
legitimate means at our disposal. You know, it shocked me a bit to hear
somebody saying early today, on the other side of the House: Over my dead body
will this get there! That certainly is not the kind of talk that we need to
hear at this point, Mr. Speaker.
Today, we are debating a motion which would have this House raise its
voice in objection to the unilateral action which results in diminishing the
rights of this Assembly. The same motion calls on the federal and provincial
governments to find a negotiated settlement and to sit down and talk. In a
framework that is respectful of the constitutional traditions of Canada, which
the Supreme Court of Canada has declared would be violated, we, of the Liberal
Party of Québec, have a profound belief in the future of Canada and a
fundamental attachment to Québec within Canada. We want Canada to have
its constitution brought home, and we agree that it must be brought home from
England with an amending formula and something, in other words, that will allow
us, once it is here, to adapt it to over modern day as a nation. We also
fundamentally believe that a charter of human rights should be included in our
constitution.
That, in a sense, is the essence of a liberal philosophy, a philosophy
on which there is a fundamental difference with the Government, who refuses to
accept a charter of human rights. We want a Canadian Constitution and we want a
united Canada. These two elements are what leads us today, as paradoxical as it
may seem, to vote in favour of the motion presented by the Parti
québécois, because Canada is not united on this. Seven
other provinces, as well as Québec, object to the Federal Government
deciding unilaterally what form the charter of human rights will take. The
Supreme Court of Canada stated on Monday that they have reason to object. The
essence of our country in one of compromise and negotiation in good faith.
The federal NPD, since Monday, has withdrawn its support from the
package. The Progressive Conservatives think it is wrong. Seven provincial
governments other than Québec think it is wrong. Yet, and it is true
that we have all probably had our fill of constitution talk, If we all must
exercise our responsibilities and tell people what we believe on an issue as
fundamental as this. We all must find room in our hearts and in our minds to
solve this issue in a spirit of compromise and serenity. I do not believe for
one moment in the sincerity of the Parti québécois in this
matter. Despite that, however, we have a responsibility, as Quebeckers and as
Canadians, to recognize that the charter of human rights, which is really the
central issue in this problem, cannot be something that is decided unilaterally
by one institution and one man. It is an essential element of a constitution
for the future of Canada.
The Québec Liberal Party position on that is clear and quite
different from the PQ's. It must, however, be a unifying force which must be
written with the consent of the federalist forces of Canada.
Il est important, M. le Président, que nous puissions avoir
prochainement au Canada une constitution canadienne avec une charte des droits
et libertés. Il est aussi important, pourtant, que le Québec et
les forces fédéralistes dans tout le Canada et le Québec
puissent être d'accord sur le contenu de cette charte. Je vote donc pour
cette résolution, parce que je crois que les intérêts du
Québec et du Canada seront mieux servis en cherchant une
résolution négociée à ce problème et parce
que je crois que l'intérêt du Québec est également
l'intérêt du Canada dans ce dossier. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre
d'État au Développement culturel.
M. Jacques-Yvan Morin
M. Morin (Sauvé): M. le Président, une chose me
frappe, tandis que j'écoute ces débats. Il me semble les avoir
déjà entendus plusieurs fois.
Ce n'est pas la première fois que, dans cette Assemblée et
à l'extérieur, nous sommes affrontés aux desseins
d'Ottawa. Ce n'est pas la première fois que nous nous trouvons dans cet
état de légitime défense, dans cet état d'urgence,
a-t-on dit pour justifier cette motion. Notre mémoire collective - j'en
vois plusieurs ici qui se souviendront des événements que
j'évoquerai - est pleine de crises comme celle que nous vivons
actuellement dans cette Assemblée. (21 h 40)
Contentons-nous, si vous le voulez bien, de remonter en arrière,
20 ans ou 30 ans peut-être - on pourrait aller au-delà et trouver
des crises même pires que celle-ci -à l'époque qui suit la
seconde guerre mondiale, à l'époque des tentatives de
centralisation des pouvoirs par la bureaucratie fédérale et le
pouvoir fédéral. Ou retournons simplement à
l'époque où cette Assemblée commençait à
prendre ses responsabilités, où le gouvernement du Québec,
à l'époque de la révolution tranquille, voulait faire en
sorte que les Québécois s'occupent de leurs affaires,
développent ce pays pour les Québécois, par les
Québécois. Dès cette époque, les crises ont
commencé à se multiplier.
Je n'ai pas besoin de retourner avant 1964, à l'époque
où le pouvoir fédéral avait concocté un mode
d'amendement constitutionnel que d'aucuns ici auront encore à l'esprit:
la fameuse "formule Fulton-Favreau" qui avait pour effet, notamment, de bloquer
l'évolution du Québec, de soumettre son évolution au veto
du gouvernement fédéral ou d'un groupe d'autres provinces. Il
était sans doute inévitable que les affrontements deviennent de
plus en plus systématiques, de plus en plus durs aussi. Ce n'est pas par
hasard que cette première tentative, d'après la guerre, d'imposer
au Québec un mode d'amendement constitutionnel rigide, a
été conçue en 1964 et dans les années qui ont
précédé. C'était une réponse politique
à la révolution tranquille, une réponse au grand dessein
de l'équipe gouvernementale de l'époque d'affirmer les droits du
Québec, de lutter contre la centralisation et de nous donner ici,
à nous-mêmes, les grands moyens de notre développement
collectif. Ce n'était donc pas par hasard.
Mais, à cette époque-là, il faut bien constater que
la lutte ne s'était pas déroulée dans cette
Assemblée. De fait, en catimini, le gouvernement du Québec de
l'époque avait, pour ainsi dire, consenti, pas tout à fait
officiellement, à accepter cette formule d'amendement constitutionnel.
Il a fallu qu'à l'extérieur de l'Assemblée les citoyens se
mobilisent pour faire échec à ce projet. Évidemment, ce
n'était que partie remise et, tant que nous serons minoritaires, ce sera
toujours partie remise. Il s'en est fallu de très peu qu'à cette
époque le Québec accepte l'espèce de camisole de force
qu'on a voulu nous faire enfiler. Daniel Johnson et l'Opposition de
l'époque ont joué un rôle important, mais ne perdons pas de
vue que c'est l'opinion publique qui, à cette époque-
là, a fait échouer la manoeuvre.
Deux ans plus tard, M. Trudeau apparaissait sur la scène
politique. C'était vers 1967 ou 1968. Dès son apparition, on a vu
recommencer les manoeuvres. À peine la formule Fulton-Favreau
était-elle bien morte, au début de 1966, à peine
avait-elle été écartée que M. Trudeau remettait la
question à l'honneur. Bientôt on voit apparaître, deux ans
plus tard ou trois ans plus tard à peine, le projet qu'on a
appelé la charte de Victoria, la pseudo-charte de Victoria. Celle-ci
était peut-être plus souple, quant au mode d'amendement, en tout
cas, que la formule Fulton-Favreau, mais elle avait quand même pour effet
- et on aurait pu voir les couleurs de M. Trudeau dès ce moment - de
soumettre l'évolution constitutionnelle du Québec au bon vouloir
d'Ottawa et des autres provinces, d'une majorité qualifiée
plutôt que de l'unanimité. C'était une tentative de freiner
le Québec, d'empêcher qu'il ne puisse remettre en question le
vieux système vermoulu dont on nous avait dotés en 1867.
M. le Président, nous l'avons échappé belle cette
fois aussi. Cependant il y a eu un certain progrès. Cette fois, cette
Assemblée a été mêlée à l'affaire,
alors qu'auparavant tout s'était passé à
l'extérieur et sous la pression de l'opinion publique. Vous vous
souviendrez du soir où le premier ministre de l'époque, un
premier ministre libéral, est entré dans cette Chambre et, de
cette place, a annoncé que le gouvernement du Québec refusait le
projet de charte de Victoria. Ce soir-là - j'ai été
témoin de la chose - toute cette Assemblée s'est levée
debout, jusqu'au dernier député, pour applaudir le premier
ministre, parce qu'il reflétait la légitimité profonde du
Québec.
Ce n'était encore que partie remise. Tant que nous serons
minoritaires dans ce pays, nous aurons à faire face à des
tentatives de cette sorte. Bien sûr, ça devait se produire
à nouveau. Que voulez-vous? Le Québec continue de grandir, le
Québec mûrit, les Québécois, de plus en plus, ont
confiance en eux-mêmes; de plus en plus, ils veulent développer ce
pays par eux-mêmes, pour eux-mêmes, s'occuper de leurs propres
affaires. De surcroît, en 1976, quel sacrilège aux yeux de M.
Trudeau: le Parti québécois arrive au pouvoir avec un programme
précis de changements constitutionnels à soumettre à la
population.
M. le Président, peu importe le contenu du programme,
l'essentiel, c'est que nous étions prêts à le soumettre
à la population et à accepter le verdict parce que la
légitimité des institutions de ce pays l'exige. Avez-vous
remarqué que c'est à ce moment-là que M. Trudeau commence
à parler de solution unilatérale? On dirait que chaque fois que
le Québec fait mine de prendre ses affaires en main, chaque fois qu'il
devient clair qu'il va agir, il faut juguler ses efforts, l'empêcher de
remettre en question le vieux régime et, si c'était possible, lui
tordre le bras une fois pour toutes et qu'on n'en parle plus, qu'il accepte
d'être une province comme les autres dans l'ensemble canadien!
M. Trudeau a engendré la crise avec ses menaces
d'unilatéralisme. J'entendais le chef de l'Opposition qui disait
hier: D'où vient cette crise? Comment cela a-t-il commencé?
Eh bien, c'est une très vieille histoire, ça n'a pas
commencé avec la formule Fulton-Favreau. Je ne vais pas ce soir la
refaire dans son entier, je me contente de constater que, chaque fois que le
Québec a voulu remettre en question les vieilles institutions, les
vieilles manières de faire et qu'il a voulu moderniser le gouvernement,
chaque fois, il s'est heurté à des tentatives de le
refréner, de le comprimer, de le réduire à merci, si la
chose eût été possible. La chose évidemment a fini
par tourner au drame. Il fallait bien qu'on en vienne là, puisque la
logique de M. Trudeau est exactement le contraire de la logique de cette
Chambre, des deux côtés, semble-t-il, enfin presque.
Après le référendum, après un semblant de
négociation, ce qu'on pourrait appeler quasiment un avortement
planifié - c'est le document Kirby, le fameux document de
stratégie secrète qui nous l'apprend - le naturel est revenu au
galop et, alors que, pendant le référendum, on n'avait pas
parlé d'unilatéralisme, au contraire - je ne reviens pas sur tout
ce que mes collègues ont dit là-dessus - nous sommes
retombés dans les solutions unilatérales et inconstitutionnelles.
(21 h 50)
Cette fois, il était pressé d'aboutir, le premier ministre
fédéral, parce qu'il savait bien que le résultat du 20 mai
avait été obtenu avec des mensonges. Avant que les
Québécois n'aient le temps de se réveiller, il fallait
agir vite, régler l'affaire, pendant que le Québec était
dans un état de quasi-prostration, en tout cas dans une posture
délicate, en profiter pour lui régler son cas une bonne fois pour
toutes. Bien sûr, il fallait aussi frapper le Parti
québécois qui, bientôt, allait faire face à des
élections, tenter de le déloger. Mais c'est bien pire que cela,
ce que M. Trudeau a tenté de faire depuis le référendum,
ç'a été essentiellement de réduire le
Québec, ses pouvoirs économiques, culturels, linguistiques, pour
assurer le vieux rêve de John A. Macdonald, dont il s'est fait
l'héritier. Le chef de l'Opposition citait hier un discours de l'an
dernier, qui était tout à fait caractéristique: Mr.
Trudeau veut y assurer la prépondérance d'Ottawa dans tous les
domaines qui ont de l'importance et même dans certains domaines qui
relèvent de la compétence exclusive du Québec et des
provinces.
Voici donc le Québec une fois de plus sur la défensive. Ce
n'est pas la première fois et il ne faut pas s'en étonner: quand
on n'arrive pas à se dire oui à soi-même, il faut bien
s'attendre un peu à avoir à dire non, de temps à autre,
à ceux qui essaient des entreprises contre vous ou de vous dire quel
sera votre avenir, de gré ou de force.
Cette fois-ci, cependant, je pense que nous avons fait quelques pas en
avant. C'est la première fois, à ma connaissance - et je pense
avoir vécu les quinze ou vingt dernières années assez
intensément sur ce plan - que l'Assemblée nationale traite
officiellement et solennellement de la question. C'est la première fois
également que, des deux côtés de la Chambre, il semble y
avoir une identité de vues non pas sur les objectifs ultimes - chacun
conserve son programme - mais au moins sur le péril immédiat, sur
cette tentative de diminuer le Québec. Enfin, nous allons
peut-être nous retrouver presque unanimes.
Il y a aussi autre chose, M. le Président. C'est la
première fois que nous ne sommes pas seuls. Je vous rappellerai qu'au
temps de la formule Fulton-Favreau et au temps de la charte de Victoria, nous
étions radicalement seuls. Nous ne le sommes plus. Pourquoi? Parce que
M. Trudeau, pour venir à bout du Québec, a été
obligé de s'en prendre à toutes les provinces. C'est là
que les choses ont commencé à aller vraiment mal pour lui. Bien
sûr, pour abaisser le Québec, il ne pouvait, en toute logique,
faire autrement que couper tout ce qui dépassait, et dans toutes les
provinces.
Nous ne sommes plus seuls. Nous avons constitué un front commun
avec sept provinces et nous avons même convenu d'un mode d'amendement
constitutionnel avec ces provinces. Qu'on ne vienne pas nous dire, comme le
disait le chef de l'Opposition hier, que nous n'avons rien fait, que nous
n'avons pas négocié. Nous y avons consacré des semaines,
des mois. J'ai des collègues qui en ont perdu leurs cheveux! M. le
Président, ce n'est pas une allusion à quiconque en particulier.
C'était simplement pour dire qu'on ne peut nous accuser de n'avoir pas
fait d'efforts. J'en connais qui ont passé l'été à
la table de négociation.
Il y a deux provinces, bien sûr, qui ne sont pas d'accord. Je n'ai
pas besoin de les nommer; tout le monde les connaît. Ce sont celles qui
profitent le plus du régime actuel. L'Ontario, en particulier, pour qui
le régime a littéralement été pensé, qui
est, en quelque sorte, le centre de l'empire commercial et industriel canadien,
l'Ontario pour qui le Québec, l'Ouest, l'Est, sont à la fois des
réservoirs de matières premières pour ses industries et
des marchés pour ses produits finis. Il ne faut pas s'étonner que
l'Ontario soit de mèche avec le pouvoir fédéral. C'est
cette province qui profite du système. C'est elle qui domine la fonction
publique fédérale. J'ai eu l'occasion d'en être deux fois
membre et je sais ce dont je parle. Au fond, il ne faut pas s'étonner:
Ottawa et Toronto sont un peu comme les deux faces d'une même tête.
On ne sait plus très bien, d'ailleurs, à certains moments
laquelle des faces nous parle. Et, de surcroît, c'est l'Ontario qui, dans
les projets actuels de M. Trudeau, échappe aux obligations de
bilinguisme qu'on impose au Québec. On voit bien, M. le
Président, à qui tout cela profite; on voit bien à qui le
crime profite. Il ne faut pas s'étonner, donc, que nous ne soyons pas
dix provinces contre les projets de M. Trudeau. Il fallait bien que tout ce
système profitât à quelqu'un.
S'en prendre à huit provinces, néanmoins c'est tout un
programme et le faire en faisant fi des règles conventionnelles, des
règles fondamentales du fédéralisme, c'est,
évidemment, jouer avec le feu. Voilà ce qui est en train, je
pense, de perdre M. Trudeau. Il veut tellement avoir raison du Québec
qu'il est obligé de s'en prendre aux autres provinces et de le faire en
foulant aux pieds littéralement les principes qui servent de fondement
au système politique canadien. Cela est d'une extrême
gravité parce que, quand on s'en prend de la sorte aux fondements d'une
société et d'une société démocratique, on
joue littéralement avec le feu.
Il ne faut pas s'étonner que le projet de M. Trudeau ait abouti
devant les tribunaux, ça devait se produire tôt ou tard. Il a tout
fait pour l'éviter. Je pense bien qu'étant juriste lui-même
il se doutait bien de ce qui allait arriver.
M. le Président, je vois que déjà le temps
achève. Je voudrais m'étendre sur une idée qui sous-tend
la décision de la Cour suprême et qui me paraît
extrêmement importante, c'est l'idée de légitimité.
Me permettez-vous quelques propos là-dessus?
Qu'est-ce que c'est que la légitimité? Ce sont de grands
mots et beaucoup de gens se demandent le sens de cela. Eh bien, la
légitimité, c'est ce que chaque être humain estime
être correct et juste, au fond de lui-même, quant à la
façon dont est gouvernée la société. Pourquoi, par
exemple, la monarchie rèqne-t-elle en Grande Bretagne? Parce qu'elle est
légitime, parce qu'elle est profondément acceptée et, je
dirais même, qu'elle va de soi, pour ainsi dire, pour les Britanniques.
Pourquoi la république a-t-elle remplacé la monarchie, en France?
Parce qu'elle est devenue une nouvelle légitimité, parce que,
à travers la Convention, elle a affirmé la démocratie,
nouveau principe fondamental. La monarchie avait tout simplement cessé
d'être légitime, à leurs yeux. Ce sont ces sentiments
profonds qu'il y a dans chacun de nous qui justifient l'existence des
sociétés, qui font que nous
avons la paix sociale, que nous acceptons de vivre dans tel ou tel
régime de gouvernement. Il y a un auteur du siècle dernier ou du
début de ce siècle qui a appelé cela "les génies
invisibles de la Cité". On ne les voit pas, mais ils sont là, au
fond des institutions.
On peut, dès lors comprendre la gravité exceptionnelle des
gestes de M. Trudeau. Il s'en prend au fondement même de la
société à la légitimité des institutions.
Comme l'écrivait tout récemment un ancien collègue de
l'Université de Toronto, le professeur Peter Russell, dans le Globe and
Mail, il y a quelques jours, "les conventions constitutionnelles constituent
l'aspect moral de nos rapports politiques. " C'est fort bien dit, mais la cour
a ajouté que ces conventions ne sont pas seulement morales, elles sont
constitutionnelles. Autrement dit, la moralité politique informe et
fonde les institutions et quand on touche à cela, eh bien, on risque
d'ébranler tout l'édifice, jusque dans ses fondements.
La démarche d'Ottawa est donc contraire à la morale
politique, elle est illégitime, puisque M. Trudeau n'a aucun mandat, que
je sache, pour agir de la sorte et elle est, en conséquence,
inconstitutionnelle aux yeux des juges. Je dirais, sans jeu de mots, que c'est
une condamnation sans appel du comportement de M. Trudeau. (22 heures)
J'espère que ce sera notre dernier geste de légitime
défense mais je n'en suis pas sûr. Tant que nous serons
minoritaires dans ce pays, il nous faudra bien faire face à de sinistres
projets à notre endroit. Nous aurons probablement l'occasion d'en
reparler, des deux côtés de cette Chambre. Je suis heureux que,
cette fois-ci, nous voyions les choses du même oeil. Cela m'a
rappelé certains combats avec le chef de l'Opposition, à
l'époque de la formule Fulton-Favreau et de la charte de Victoria.
En attendant - ce sera ma conclusion -nous sommes disposés
à négocier, mais pas à n'importe quelles conditions. M.
Trudeau doit renoncer à l'unilatéralisme. Il doit renoncer
à empiéter sur les pouvoirs du Québec et des autres
provinces. Il doit enfin écouter ce que nous avons à lui dire,
puisque nous nous sommes mis d'accord avec les autres provinces et il y a
même unanimité des provinces sur une dizaine de points.
M. le Président, nous irons négocier, mais, au fond, nous
le ferons par devoir et parce que nous avons pris l'engagement de le faire.
Nous tenterons d'obtenir des résultats, mais ce sera, de toute
évidence, très difficile. En tout cas, je veux que vous sachiez
une chose, en ce qui nous concerne de ce côté-ci de la Chambre, et
j'espère, de l'autre côté, de façon permanente
désormais, nous sommes prêts à lutter contre toutes les
formules Fulton-Favreau, contre toutes les chartes de Victoria, tous les
projets illégitimes par lesquels on prétendrait amoindrir le
Québec et diminuer ses pouvoirs si modestes et pourtant si essentiels au
développement de notre peuple. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, comme on l'a maintes fois
répété, il est maintenant d'ores et déjà
assuré que, malgré le jugement de la Cour suprême qui
affirme, comme plusieurs l'ont dit avant moi, très clairement que le
projet unilatéral d'Ottawa viole expressément ce qu'on
connaît maintenant de plus en plus, les conventions constitutionnelles
établies, le gouvernement d'Ottawa a remis en marche le rouleau
compresseur centralisateur qu'il avait momentanément arrêté
en attendant justement ce jugement de la Cour suprême. Il se
prépare avec une arrogance méprisante à l'égard des
gouvernements des provinces et des Parlements des provinces, et avec
l'élégance du bulldozer, à réduire de façon
substantielle l'autonomie et les pouvoirs pourtant déjà
insuffisants de cette Assemblée, de ce Parlement.
Il est assez déconcertant, M. le Président, de constater
que ce sont ceux-là mêmes qui se sont toujours affichés
comme les défenseurs patentés du régime
fédéral, les Trudeau, les Chrétien, qui s'apprêtent
à perpétrer une action que la cour elle-même qualifie
d'irréconciliable avec le principe même du régime
fédéral. En somme, à Ottawa, actuellement, M. le
Président, on assiste à ce spectacle assez invraisemblable: les
héroïques missionnaires, les grands prêtres du
fédéralisme sont en train d'apostasier leur foi en foulant aux
pieds les fondements mêmes du régime fédéral,
situation qui peut apparaître comme étant pour le moins
inusitée, situation, toutefois, qui est loin d'être nouvelle, car,
lorsqu'on examine l'histoire du régime fédéral, M. le
Président, on se doit de faire la constatation suivante: Ottawa a non
seulement toujours manifesté des intentions très claires et
constantes d'accaparer soit des pouvoirs nouveaux qui n'étaient pas
prévus en 1867, soit des pouvoirs qu'on avait réservés
parfois exclusivement aux provinces, mais il a également, effectivement
et très concrètement, à de nombreuses reprises,
procédé à des empiétements dans des domaines qui
sont sous la juridiction des provinces. On pourrait ici longuement
énumérer toute la série des empiétements d'Ottawa,
depuis 1867, dans les domaines
fiscal, culturel, social, des communications, etc. Je vous ferai
grâce de cette énumération.
Je soulignerai que, face à ces empiétements, face à
ces intrusions d'Ottawa, face à cet envahissement d'Ottawa dans des
champs de juridiction provinciale, face à tout cela, tous les
gouvernements qui se sont succédé au Québec ont toujours
considéré la résistance à ces offensives,
l'opposition à ces manoeuvres centralisatrices comme étant un
devoir national. C'est ainsi que de Mercier à Bourassa, en passant par
Taschereau, Duplessis, Lesage, Johnson, les divers gouvernements successifs du
Québec ont toujours défendu l'autonomie du Québec,
c'est-à-dire les droits et les pouvoirs du Québec,
déjà trop limités, déjà trop insuffisants,
prévus par la constitution de 1867.
C'est parfois à cause des circonstances ou de la conjoncture,
comme les guerres, par exemple, que les gouvernements du Québec se
révélaient impuissants, incapables d'empêcher dans les
faits un empiétement d'Ottawa, incapables d'arrêter ou de stopper
une offensive centralisatrice. Ils se refusaient, en tout cas,
énergiquement à consacrer dans la constitution par des
amendements appropriés tel ou tel empiétement, telle ou telle
intrusion d'Ottawa, de sorte que si le gouvernement du Québec a dû
parfois se résigner à des empiétements d'Ottawa, par
exemple, dans le domaine de la culture ou dans le domaine de l'éducation
- pensons à la querelle autour des subventions aux universités
à l'époque de Duplessis - jamais il n'a consenti à ce que
soient reconnus au fédéral et inscrits dans la constitution des
pouvoirs nouveaux ou des transferts de pouvoirs, par exemple, en matière
de culture ou en matière d'éducation. C'est dans cette
perspective que se situe le projet constitutionnel d'Ottawa. Incapable de faire
accepter par les provinces, et surtout, bien sûr, par le Québec,
sa vision centralisée, uniformisée du Canada, incapable de faire
accepter par la voie de la négociation une réduction des pouvoirs
des provinces, Ottawa a décidé d'imposer sa vision des choses et
sa conception du Canada et de procéder, de son propre chef et sans leur
consentement, à une diminution substantielle des pouvoirs et des droits
des provinces. Comment? De quelle façon? Par quels moyens? Par le biais,
comme vous le savez, d'une charte des droits.
La charte des droits devient ainsi entre les mains d'Ottawa un
instrument de centralisation, un outil de centralisation, un moyen de
confiscation des pouvoirs des provinces. Reconnaissons l'habileté de la
manoeuvre, à condition, cependant, que cela se fasse vite, ce qui n'est
pas le cas. Reconnaissons la manoeuvre, car, de prime abord, personne n'est
porté naturellement à s'opposer à une charte des droits.
Qui est contre la liberté de la presse? Qui est contre la liberté
de parole? Qui est contre l'égalité devant la loi? Qui est contre
la liberté de culte? Personne, évidemment, n'est contre ces
libertés fondamentales. Telle est la première réaction
spontanée de sympathie du citoyen face à une charte des droits.
Les fédéraux ont voulu profiter et se servir de ce
préjugé favorable des citoyens à l'égard d'une
charte des droits pour atteindre d'autres fins que celle de protéger les
droits et libertés individuelles. Au fond, posons-nous la question.
Pourquoi est-on si pressé à Ottawa d'adopter une charte des
droits, tellement pressé qu'on entend procéder de façon
unilatérale, sans le consentement des provinces? (22 h 10)
Cela semble tellement urgent, tellement pressant qu'on piétine
sans vergogne les principes de base de la plus élémentaire
démocratie, à commencer par les Parlements élus des dix
provinces. Est-ce que, par hasard, les droits fondamentaux, les libertés
individuelles seraient menacés au Canada ou dans les dix provinces, au
Québec? La liberté de parole, la liberté de conscience, la
liberté de la presse serait-elle violée systématiquement
actuellement par les provinces, au Québec? Est-ce que les droits
individuels sont actuellement suspendus par l'une ou l'autre des dix provinces?
Bien sûr que non; tout le monde le sait. Au contraire même, le
Québec, par exemple, comme d'autres provinces, dispose
déjà d'une Charte des droits et libertés de la personne
d'une ampleur et d'une précision tout à fait remarquable et qu'on
s'apprête à améliorer. Pas plus tard que la semaine
prochaine, il y aura une commission parlementaire sur le sujet.
Alors, pourquoi est-ce donc si urgent d'adopter une charte des droits?
La réponse est maintenant très claire et très simple.
C'est que c'est l'instrument choisi par Ottawa pour enlever au Québec
des pouvoirs que l'on convoite, que l'on convoitait depuis fort longtemps et
que l'on n'avait pas réussi à accaparer par d'autres moyens. Par
exemple, Ottawa n'a jamais accepté que le français devienne la
seule langue officielle du Québec. Il n'a jamais accepté que le
Québec assure vigoureusement sa sécurité collective,
culturelle en restreignant efficacement l'accès à l'école
anglaise. Trudeau ne s'est jamais gêné pour le dire. Ottawa n'a
jamais digéré la loi 101, tout le monde le sait. Alors, il a tout
simplement décidé de mettre la hache dans la loi 101 par le biais
de la charte des droits dont l'effet de l'article 23 sera d'ouvrir les
écoles anglaises à tous les immigrants anglophones, d'où
qu'ils viennent, dès le moment où ils deviendront citoyens et
d'enlever au Québec les pouvoirs exclusifs en matière de
langue
d'enseignement. C'est cela, un effet de la charte.
Autre exemple tout aussi significatif: le gouvernement d'Ottawa,
prétendant que trop d'obstacles entravent ce qu'il appelle l'union
économique canadienne, s'est donné comme mission - je cite un
texte fédéral - "de garantir dans la constitution la
liberté de mouvement et le droit d'établissement des citoyens,
ainsi que leur droit de gagner leur vie et d'acquérir des biens dans
toutes les provinces, quelle que soit la province où ils sont. " C'est
un texte fédéral. On peut lire plus loin dans le même
texte: "II est essentiel, pour mieux fonder l'union économique dans la
constitution, d'interdire, dans les lois, règlements et pratiques
pertinents, la discrimination fondée sur la province de résidence
des personnes", ce qu'on appelle nous dans beaucoup de nos programmes la
préférence accordée à nos concitoyens
québécois en matière d'achat, de biens et de services pour
les professions, les travailleurs de la construction. Ce qu'on appelle la
préférence à nos concitoyens, à Ottawa, ils
appellent cela de la discrimination et ils sont contre cela. On retrouve ce
principe dans l'article 6 de la charte des droits. À première
vue, c'est un beau et c'est un grand principe, n'est-ce-pas, la liberté
de mouvement et d'établissement. Mais ce qu'il faut bien savoir, c'est
que cette clause rendrait inapplicable toute la politique d'achat du
Ouébec considérée par Ottawa comme étant une
pratique restrictive, répréhensible.
Ceux qui disent et ceux qui disaient que nous exagérions en
affirmant que la politique d'achat du Québec serait inapplicable si la
charte des droits s'appliguait n'ont qu'à suivre la logique même
d'Ottawa, son raisonnement. C'est dans les textes d'Ottawa; c'est un texte de
juillet 1980: "Document de travail soumis par le gouvernement du Canada sur les
pouvoirs touchant l'économie". D'abord, on y dit très clairement
que la politique d'achat des provinces - plusieurs autres provinces ont une
politique semblable - c'est de la discrimination répréhensible.
On indique ensuite que l'un des moyens d'éliminer ces politiques d'achat
et cette discrimination, c'est de garantir la liberté de mouvement et
d'établissement, et on retrouve, dans l'article 6 de la charte, une
clause sur la liberté de mouvement et d'établissement.
Or, il n'est pas inutile, M. le Président, de donner quelques
renseignements sur notre politique d'achat, qui donne la
préférence - à Ottawa, on dit la discrimination - aux
fournisseurs et aux entreprises du Québec en matière d'achat de
biens et de services par le gouvernement. Et on verra que la question
constitutionnelle, c'est aussi une question de pain et de beurre, quoi qu'en
disent certains.
Depuis 1977, la part des achats gouvernementaux effectués
auprès d'entreprises guébécoises est passée de 55%
à 75%. Cet accroissement représente guelque 400 000 000 $
réinjectés dans l'économie et des centaines d'emplois pour
les chômeurs du Québec. On estime que, pour chaque tranche de 100
000 000 % d'achats par le gouvernement, l'État contribue à
créer ou à maintenir de 2000 à 3000 emplois permanents.
À Hydro-Québec, où on appligue une telle politique depuis
des années, on a contribué à la prospérité
et souvent même à la création d'un millier d'entreprises
fournissant des pylônes, des fils, des transformateurs, toutes sortes
d'appareils.
En 1979, à Hydro-Québec, 557 000 000 $ d'achats à
77% québécois. En 1980, 750 000 000 $ d'achats, seulement pour
les huit premiers mois, à 81% québécois et, avec son plan
de 55 000 000 000 $ et plus d'investissements pour les dix prochaines
années, on estime qu'Hydro-Québec va générer
près de 75 000 emplois directs et indirects.
Le Québec s'est donc donné, avec sa politique d'achat - le
Québec et ses sociétés d'État - un outil efficace
de développement et de croissance économique qui
génère des milliers d'emplois au Québec.
Or, tout cela est désormais mis en cause et risque d'être
anéanti si la charte des droits vient à s'appliquer. Le projet
Trudeau a donc pour effet de priver le Québec des rares instruments de
développement économique dont il dispose et, entre nous, quand on
connaît le caractère néfaste des décisions
économiques d'Ottawa, le chantier de LaPrade, Ford qui s'installe en
Ontario, Volkswagen qui suit, Gros Cacouna qu'on oublie, le F-18 qui favorise
d'abord l'Ontario, etc., quand on connaît les décisions
économiques néfastes prises par Ottawa, ce n'est sûrement
pas aux fédéraux qu'il faut se fier pour développer
l'économie du Québec. C'est nous qui sommes les mieux
placés pour assurer le développement économique du
Québec. Or, par la charte des droits, on nous enlèverait les
quelques instruments, les quelques outils de développement
économique dont on dispose.
M. le Président, le projet Trudeau a été
déclaré inconstitutionnel par la Cour suprême. Cette
dernière a également reconnu que le projet d'Ottawa
opérait un chambardement dans la juridiction des pouvoirs et, cela, au
détriment des provinces. Malgré cela, malgré le jugement
sévère de la cour sur la démarche fédérale,
Ottawa persiste à vouloir imposer unilatéralement, tout seul,
sans l'accord des provinces, cette réduction désastreuse des
pouvoirs de ce Parlement. Si l'expression "coup de force" a un sens, c'est bien
maintenant, qu'elle en a
Vous vous souvenez que certains, il y a quelques mois, nous reprochaient
d'exagérer en parlant de coup de force fédéral. Avec le
jugement de la Cour suprême, jugement sévère sur la
démarche unilatérale d'Ottawa, on ne peut pas parler d'autre
chose que d'un coup de force et il est évident et il est triste de voir
que ce coup de force est dirigé par celui qui se prétendait le
champion de la démocratie dans les années cinquante. Devant un
pareil coup de force, sans précédent dans l'histoire du
régime fédéral, le Québec est dans un état
de légitime défense et cette Assemblée nationale et tous
ses membres se déshonoreraient s'ils n'exprimaient pas, de façon
solennelle, leur volonté inébranlable de défendre avec
acharnement ses propres pouvoirs menacés, les seuls pouvoirs qui
appartiennent réellement et véritablement au peuple
québécois. Comme le disait le premier ministre, lundi soir,
"à condition qu'on serre les rangs et qu'on se montre solidaires tout le
long du chemin qui reste à parcourir, nous demeurons convaincus que cela
ne passera pas". Merci, M. le Président. (22 h 20)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Henri.
M. Roma Hains
M. Hains: M. le Président, la Cour suprême du Canada
a déclaré légale la démarche de M. Trudeau sur le
rapatriement de la constitution tout en la déclarant, cependant,
contraire aux conventions constitutionnelles.
De l'avis des juges, il y aurait là des conséquences
importantes sur le partage des pouvoirs et, par conséquent, sur
l'équilibre des relations fédérales-provinciales au
Canada. Donc, toute solution aux problèmes actuels doit tenir compte de
ces deux dimensions, légale et conventionnelle, dont l'existence a
été rappelée et démontrée dans le jugement
du plus haut tribunal canadien.
Devant cette décision de la Cour suprême, pris d'une
hâte fébrile, le gouvernement du Québec a convoqué
l'Assemblée nationale pour déposer une motion de
résistance aux visées et aux desseins de M. Trudeau concernant le
rapatriement unilatéral de la constitution et l'insertion d'une charte
des droits.
Notre chef et notre leader parlementaire ont dénoncé avec
force cette précipitation frénétique du gouvernement qui
procède avant même d'attendre les réactions politiques
à travers les provinces et le pays tout entier.
Dans une première rencontre, les députés
libéraux ont examiné la motion du gouvernement dont l'approbation
était l'objet de la session spéciale. Elle avait l'air innocente,
mais elle ne faisait aucune mention de reprise de négociations et
n'offrait aussi aucune ouverture d'entente possible, se réfugiant dans
un rejet formel et catégorique.
Dans un ultime effort pour réaffirmer nos positions devant cette
attitude négative du Parti québécois, nous avons
passé au crible la résolution gouvernementale. Nous avons
amendé le texte proposé par une formule qui est devenue la motion
officielle du gouvernement. Nous y avons ajouté, entre autres, le
dernier paragraphe de la résolution où on fait état d'une
reprise des négociations entre Ottawa et les provinces.
C'est donc sur une motion libérale que nous allons voter. Ce
n'est pas M. Ryan qui est monté dans le bateau de M. Lévesque,
comme disait aujourd'hui un journaliste, mais c'est bien le premier ministre
qui est monté à notre bord avec son équipaqe. Nous n'avons
pas étendu, cependant, le tapis rouqe. Evidemment, et c'est là
notre drame, nous sommes dans le même paquebot, en route vers Ottawa,
mais nous avons chacun nos cabines privées, ne voulant point attraper le
virus séparatiste contre lequel, pourtant, nous sommes
considérablement vaccinés.
Une voix: Immunisés.
M. Hains: Notre messaqe voguera donc vers la capitale
fédérale pour demander à M. Trudeau de rouvrir les
négociations et de chercher, avec les provinces, un terrain d'entente
dans une dernière tentative et dans une dernière chance de
conciliation des droits et des privilèges de chacun.
Cette motion que les libéraux ont amendée et
corriqée est, en tout, conforme à notre programme et aux
décisions du conseil général de notre parti politique lors
de nos assises des 19 et 20 septembre dernier. "Il est résolu - disait
la motion - que le Parti libéral du Québec exprime clairement son
opposition à toute démarche unilatérale d'Ottawa et
demande au gouvernement fédéral de reprendre les
négociations avec les provinces. "
Nous savons - et c'est là peut-être notre
déchirement - que des électeurs à travers la province et
aussi, peut-être, de mon comté nous reprocheront d'être
montés dans cette galère avec nos adversaires, mais, pour suivre
notre programme et les résolutions de notre conseil
général et pour sauver notre province et notre pays, nous
n'avions pas d'autre choix.
Notre option fédéraliste n'en sera pas
ébranlée, ni amoindrie. Nous voulons plus que jamais vivre dans
notre Canada, défendre nos droits et lutter contre le
séparatisme. On dit que l'adversité grandit les convictions ou
bien les détruit. Dans notre cas, cette période cruelle et
difficile ne fera qu'aviver
notre patriotisme canadien et décupler notre détermination
de vaincre les visées indépendantistes du Parti
québécois.
Il n'y a aucune antinomie, aucune contradiction entre notre
démarche actuelle et notre attachement le plus profond à notre
pays. Nous aimons notre Canada et nous aimons aussi notre Québec. Ce
sont deux amours que nous ne voudrons jamais voir séparés.
Aujourd'hui, nous combattons pour le respect mutuel de nos droits et de nos
privilèges dans un esprit d'ouverture à la
négociation.
En déposant cette résolution, M. le Président,
entre les mains du gouvernement péquiste, nous leur remettons une arme
dangereuse pour leur crédibilité et leur efficacité. Nous,
du Parti libéral, tous nos électeurs et tous les
Québécois, nous allons suivre les démarches et les actions
de ce gouvernement et nous serons les juges de leurs actions et de leur agir
comme de leur bonne foi et de leur intégrité. Nous ne les
envoyons pas à Ottawa pour une confrontation, mais bien pour une
négociation. C'est une lourde tâche que nous leur confions,
connaissant bien leurs intentions et leurs menées
antifédéralistes. Ils ont accepté de prendre notre motion
et toutes les conséquences qu'elle comporte. Ils ont accepté
cette résolution et cette arme pourra devenir leur instrument de
destruction s'ils font preuve de mauvaise foi et de rejet systématique
de toute entente et de tout compromis.
En terminant, M. le Président, puis-je dire que les membres du
Parti québécois sont sur notre bateau, avec notre
résolution et, s'ils brisent notre entente, pas nécessairement
cordiale, mais indispensable, nous les passerons vite par-dessus bord, essayant
autant que possible de noyer à tout jamais le séparatisme
à qui nous aurons fourni gracieusement le bateau et les armes de sa
propre destruction. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Marquette.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: M. le Président, j'aimerais profiter de ces
quelques minutes qui me sont accordées pour expliquer à la
population du Québec et plus spécialement à mes
électeurs du nouveau comté de Marquette les raisons qui nous
justifient, en tant que membres de l'Assemblée nationale du
Québec, de voter, des deux côtés de cette Chambre, en
faveur de la motion qui est présentement devant nous à cette
Assemblée.
Premièrement, j'aimerais insister sur le fait que, lorsque nous
voterons sur la résolution, ce ne sera pas un vote contre le
fédéralisme canadien, mais, bien au contraire, un vote pour que
l'on respecte les principes même du fédéralisme canadien.
En effet, nous avons au Canada deux ordres de gouvernement, soit un
gouvernement fédéral qui est souverain dans ses domaines
respectifs de compétences léqislatives et des gouvernements
provinciaux qui, eux aussi, sont souverains dans leurs domaines respectifs de
compétences.
Je me souviens, lorsque j'étais à l'université,
qu'il y avait un professeur très célèbre,
constitutionnaliste, historien, bibliothécaire, on ne savait pas comment
l'intituler, M. Jean-Charles Bonenfant. J'ai suivi quelques cours avec M.
Bonenfant et, s'il vivait encore, ce cher M. Bonenfant, je suis certain qu'il
serait de notre avis et voterait lui-même pour cette motion. (22 h
30)
La résolution que nous voterons demain a comme principal objectif
de faire comprendre au gouvernement fédéral que sa
démarche de modification de la constitution n'est pas la bonne et que
l'on s'oppose à ce que des pouvoirs législatifs nous soient
enlevés comme entités provinciales. Nous demandons
également dans cette motion que le gouvernement fédéral
convoque dans les plus brefs délais une conférence
fédérale-provinciale afin qu'on puisse s'entendre et mener
à bien toutes nos orientations.
Nous ne sommes pas la seule province à s'opposer au projet de
résolution constitutionnelle du gouvernement fédéral
puisqu'il y a déjà la majorité des provinces qui ont
adopté des motions et que deux formations politiques, au niveau
fédéral, soit le NPD, tout récemment, et le Parti
conservateur, qui ne sont pas du tout des partis voués à
l'indépendance du Québec, sont éqalement en opposition, au
même titre que nous, au projet de résolution
fédéral.
Encore récemment, soit lundi, la Cour suprême du Canada,
qui est le plus haut tribunal du pays, déclarait légal le geste
fédéral, mais inconstitutionnel sur le plan des conventions
reconnues par la cour elle-même.
Lorsque je me suis présenté en politique provinciale, mon
but ultime était naturellement de faire progresser le Québec
à tous les niveaux à l'intérieur du Canada, mais pas du
tout d'attendre de se faire enlever des pouvoirs législatifs. En tant
que membres de l'Assemblée nationale, c'est évident qu'on ne peut
l'accepter.
Le Parti libéral du Québec, lors de son dernier conseil
général à Québec, a adopté une
résolution présentée par la commission jeunesse du parti
et a adopté à l'unanimité ladite résolution.
Étant responsable du dossier jeunesse dans ma formation, je peux dire
qu'il y a eu unanimité dans toute la province, chez tous ceux que j'ai
rencontrés, pour proposer cette résolution que M. Ryan nous a lue
hier soir et que mon collègue de Saint-Henri vient de mentionner. Sans
vous les lire de nouveau - puisqu'on les a
entendues deux fois, je ne vous les répéterai pas - il
faut que la population sache cependant - et c'est très clair dans mon
esprit et dans celui de mon parti - que ce vote n'est pas pour le Parti
québécois, c'est un appui au Québec, à la
population du Québec et à son Assemblée nationale.
Avant de terminer, il faut dire aujourd'hui au gouvernement du
Québec qu'il devra employer tous les efforts pour renouveler le
fédéralisme canadien s'il veut respecter le vote
référendaire du 20 mai 1980 et également par respect pour
la démocratie. Même si nous avons certaines réticences
à voter avec le gouvernement actuel, personnellement, je n'ai pas
d'autre choix que de voter pour la motion qui nous est présentée,
vu la gravité de la situation.
Si vous me permettez, M. le Président, je vais dire seulement
quelques mots en anglais.
My dear friends of the English language, as you know, the government has
called us into an emergency session not to try and resolve the serious economic
problems which we face, but rather to discuss the constitution.
However, the federal government, by its act, has placed us in a very
difficult situation. As you know, the Supreme court has decided that the
federal plans have reduced the powers of the provinces and this, without their
consent. As a Member of the National Assembly, I cannot accept the federal
package. But I assure you that my vote is not a vote for the "Parti
québécois" or for independence, but a vote for Québec
within Canada. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Prévost.
M. Robert Dean
M. Dean: M. le Président, j'ai été
élu par la population de Prévost, le 13 avril dernier,
fondamentalement et primordialement, à la suite du
référendum du 20 mai, pour défendre et promouvoir les
droits, les intérêts et les pouvoirs du Québec. Le
gouvernement du Parti québécois détient ce mandat clair et
net du peuple québécois dans ce sens, parce que cette question a
été discutée clairement et longuement au cours de la
campagne électorale et, aujourd'hui, devant le coup de force d'Ottawa,
le Québec est en état de légitime défense contre ce
coup de force et n'importe quel membre de l'Assemblée nationale digne de
ce nom se doit de voter pour la résolution qui est la résolution
peut-être la plus sérieuse que l'Assemblée nationale ait eu
à adopter dans toute son histoire dans le sens de défendre
l'existence même du peuple québécois et de son
Assemblée nationale.
Après des siècles de refus acharné de mourir, le
peuple francophone du Québec a lutté depuis 50 ans, sous la
direction des premiers ministres successifs, Duplessis, Lesage, Johnson,
Bertrand et Bourassa, chacun à son époque, chacun à sa
façon et quel que soit son parti politique; les gouvernements du
Québec ont lutté pouce par pouce, pièce par pièce
pour arracher la reconnaissance, pour faire valoir la promotion et la
défense des droits du Québec, de son statut de
société unique en Amérique du Nord, parce que francophone,
et pour faire reconnaître et développer les droits de
l'Assemblée nationale du Québec comme premier instrument
politique de la population du Québec.
Voilà que le coup de force du gouvernement Trudeau vient balayer
les acquis de plus de trois siècles de présence française
en Amérique du Nord et 114 ans de pacte confédératif,
mais, à la suite de ce coup de force, voilà qu'on aboutit
à la décision de la Cour suprême du Canada qui, à
neuf contre zéro, dit que, oui, les droits et pouvoirs des provinces,
dont et surtout le Québec, sont diminués par le coup de force
d'Ottawa et, à six contre trois, oui, que la tradition, les conventions
et le principe même du fédéralisme sont violés et
brimés par ce coup de force.
On voudrait nous faire croire que cette question n'a aucune importance,
que cela fatigue le monde, que ce n'est pas important, que les problèmes
économiques, le chômage et l'inflation sont importants. Bien
sûr, M. le Président, les problèmes économiques sont
importants, mais je voudrais réfléchir avec les gens de mon
comté de Prévost et avec toutes les Québécoises et
tous les Québécois qui leur ressemblent sur les
conséguences de ce coup de force d'Ottawa, justement tel que vu par la
Cour suprême du Canada par surcroît, réfléchir
justement sur les questions qui touchent la masse de la population de
près, leur dignité et leur identité même comme
francophones, leur inquiétude face aux problèmes de travail, de
chômage, de main-d'oeuvre, de sécurité du revenu contre les
difficultés de la vie. Le comté de Prévost est à
forte majorité ouvrier, avec un taux tragiquement élevé de
chômage et d'assistance sociale avec sa part ou son pourcentage
approprié de petits commerçants et de propriétaires de
petites entreprises de tous les âges. En cela, ces gens ressemblent
à toute la population du Québec. Je demande aux personnes,
Québécoises et Québécois de l'âge d'or, qui
ont vécu les années trente, quarante et cinquante, qui, dans le
travail et, M. le Président, dans les forces armées à la
défense du Canada, ont connu l'humiliation et le mépris parce que
francophones, ont connu l'humiliation et le mépris parce qu'ils ne
parlaient pas ou pas assez bien l'anglais,
qui ont vécu les promotions refusées, les postes
refusés, les emplois refusés ou perdus parce que pas bilingues,
et il fallait comprendre que "bilingue" égalait "francophone qui parle
l'anglais". Le contraire n'était pas vrai et ne tombait pas dans la
définition de "bilingue"... (22 h 40)
Une voix: Ce n'est pas vrai, ça. C'est faux!
M. Dean: Je fais appel aux travailleurs de General Motors, de
Pratt and Whitney et de tant d'autres qui ont lutté sans succès
sur des lignes de piquetage pour pouvoir parler français à leur
travail. Je fais appel aux francophones qui peuvent maintenant accéder
à des postes de cadres dans les compagnies où,
traditionnellement, ils étaient maintenus dans des emplois subalternes,
sans égard à leur compétence, parce qu'ils étaient
francophones. Tous ces gens, les travailleurs et les travailleuses d'hier et
d'aujourd'hui, qui partagent la fierté collective grâce à
la loi 101, tout en respectant les droits acquis de la minorité
anglophone, les Québécoises et Québécois à
forte majorité francophone, peuvent maintenant parler français au
travail, dans le commerce, dans l'administration et dans toute la vie.
À ce pas en avant, à neuf contre zéro, les juges de
la Cour suprême ont dit que les pouvoirs de l'Assemblée nationale
du Québec de légiférer ce genre de législation
étaient diminués. Depuis cinq ans, le gouvernement du
Québec a une stratégie de développement économique
axée sur les petites et moyennes entreprises. Il favorise dans ses
subventions et dans ses politiques les entreprises québécoises
qui créent des emplois et qui, effectivement, ont créé des
milliers d'emplois à un niveau qui dépasse depuis quelques
années les six ou sept principaux pays industriels au monde dans la
création d'emplois.
Un groupe d'hommes d'affaires québécois, francophones et
anglophones, qui, il y a quatre ans, ont pris en main une usine fermée
à Waterville, dans les Cantons de l'Est, par une multinationale et l'ont
transformée en entreprise rentable, sauvant par le fait même 350
emplois, ont fait le coup une deuxième fois à
Saint-Jérôme en prenant en main l'ancienne usine d'Uniroyal, une
autre multinationale, en sauvant encore 350 emplois, avec la possibilité
de faire de deux petites entreprises une moyenne et, avec les investissements
qui s'en viennent, de permettre à cette entreprise d'occuper une partie
importante du marché. La Cour suprême du Canada, à neuf
contre zéro, a décidé que le pouvoir du gouvernement du
Québec d'adopter de telles politiques serait diminué par le coup
de force de Trudeau.
Le gouvernement a légiféré pour protéger et
donner priorité aux Québécois et aux
Québécoises pour des emplois au Québec dans
différents domaines. Les travailleurs de la construction de la
Baie-James, par exemple, financée par nos taxes où on dit: Les
Québécois et Québécoises vont travailler d'abord.
Dans le secteur public, chez les fonctionnaires du gouvernement, à
HydroQuébec, dans les hôpitaux, les centres d'accueil, on donne
priorité à l'embauche des Québécoises et des
Québécois. À neuf contre zéro, la Cour
suprême du Canada nous dit que le pouvoir du Québec de favoriser
l'emploi chez nous de notre monde est diminué. C'est comme si on
obligeait un père qui veut que son enfant tonde le gazon à
demander des soumissions des enfants du voisin sur une base égale
à ses enfants pour tondre le gazon chez lui.
Création d'emplois. Par les programmes OSE et d'autres, le
gouvernement du Québec a favorisé la création d'emplois
pour les jeunes pour les assistés sociaux aptes au travail et pour
d'autres groupes défavorisés de notre société,
selon nos méthodes, selon nos priorités. Encore neuf à
zéro, la Cour suprême du Canada a dit que le pouvoir du
gouvernement du Québec de créer des programmes comme cela est
diminué par le coup de force d'Ottawa.
Mais il y a une chose encore plus qrave, M. le Président. J'ai eu
l'honneur et le privilège d'assister tout récemment à une
conférence fédérale-provinciale dans le domaine de la
main-d'oeuvre, de la création d'emplois et du chômage. À
cette conférence et à d'autres conférences, il y a des
siqnes partout que, parallèlement au coup de force constitutionnel
d'Ottawa, il y a un coup de force financier et, dans le domaine des politiques
de main-d'oeuvre qui s'en viennent d'Ottawa, une politique qui vise à
étouffer le Québec financièrement et les autres provinces,
à leur laisser de moins en moins de marge de manoeuvre avec les taxes
que paient les citoyens de chacune de ces provinces pour que le gouvernement
d'Ottawa puisse imposer ses politiques et ses priorités en
matière de travail et de main-d'oeuvre, de chômage, de
sécurité du revenu et de sécurité sociale et cela
est axé sur une politique pour les années quatre-vingt de
mobilité de la main-d'oeuvre "from coast to coast", bilingue s'il vous
plaît!
M. le Président, on a déjà un taux de chômage
plus élevé au Québec qu'ailleurs dû à des
politiques du gouvernement d'Ottawa à travers des gouvernements et
à travers des partis politigues différents, depuis des
années, qui favorisent l'Ontario surtout au détriment du
Québec. La ligne Borden poussait le développement des raffineries
de pétrole vers l'Ontario au lieu de l'Est de Montréal.
L'industrie automobile: 25% à 30% du marché; 8% des
emplois au Québec dans le montage, 1% dans les pièces et encore,
pour
comble de malheur, la récente expérience de Volkswagen. Si
on avait seulement notre juste part de l'emploi dans l'industrie automobile au
Canada, M. le Président, on verrait la création de plus de 20 000
emplois. Il y le F-18, les avions ADAC où on vient encore de favoriser
Uplands au lieu de Gatineau, le gazoduc et j'en passe.
Devant ce chômage chronique qui afflige des
Québécois et des Québécoises, M. le
Président, la réponse au coup de force du gouvernement d'Ottawa
dans le domaine de la politique de main-d'oeuvre pour les années
quatre-vingt, c'est de dire: Au lieu de créer des emplois au
Québec, que les Québécois aillent ailleurs pour
travailler. Pour des projets de construction, peut-être; ce sont des
postes temporaires et, si on parle anglais et on possède le
métier qui est en demande ailleurs, il y a des possibilités pour
des Québécois de travailler temporairement ailleurs, "from coast
to coast", toujours en anglais s'il vous plaît.
Mais si on parle d'emplois permanents, je demande aux chômeurs et
aux chômeuses, du comté de Prévost, de la Côte-Nord,
de la Gaspésie ou de n'importe quel comté de n'importe quelle
région du Québec si c'est ce qu'ils désirent, aller
travailler ailleurs, en dehors du Québec.
Les travailleurs de Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick,
depuis toujours, subissent cet arrachement humain; à défaut
d'emplois, ils sont obligés d'aller en Ontario et dans l'Ouest pour
travailler, avec tout ce que ça représente de déchirement
de leur coin de terre, des difficultés personnelles, familiales, des
changements de mode de vie et, pourtant, ils parlent anqlais.
Mais si on parle français, en plus de cet arrachement de son coin
de terre, de tout ce qu'on a de plus cher, de nos villaqes, de nos villes, de
nos quartiers d'origine, le francophone qui s'expatrie dans les autres
provinces, en vertu d'une politique de mobilité de main-d'oeuvre "from
coast to coast", en plus de perdre toutes ses valeurs humaines fondamentales,
perd ce qu'il a de plus profond dans son être, son identité, sa
langue et sa culture. (22 h 50)
Ce coup de force constitutionnel d'Ottawa, plus la mobilité "from
coast to coast", ce beau pays bilingue dont on rêve, ça donne
quoi? Cela donne, en vertu des décisions de la Cour. suprême, que
l'anglophone du reste du Canada qui viendrait au Québec - selon
l'opinion à neuf à zéro des juges de la Cour
suprême, parce que la loi 101 ne compte plus - aurait ses écoles
anqlaises, ses hôpitaux, ses services sociaux et, par dessus le
marché, il continuerait à travailler en anglais. Parce c'est ce
qui va arriver, dès que la loi 101 sera affaiblie. Mais le francophone
qui va ailleurs, aura-t-il des hôpitaux français? Aura-t-il des
services sociaux en français? Aura-t-il du travail en français?
Non, il va travailler en anqlais.
Il y en a qui se leurrent avec la possibilité que s'il y a assez
de francophones regroupés, on va avoir des écoles
françaises. Qu'est-ce que ca donne? Je connais des francophones qui ont
quitté le Québec ou la partie francophone du Nouveau-Brunswick
pour aller en Ontario ou ailleurs et, en dix ans, ils ne sont plus francophones
parce que leurs enfants, qui sont complètement anglicisés, ont
honte de parler français, ils sont intéqrés dans le
milieu, parce que toute la vie qui les entoure est en anglais. C'est normal, il
s'agit de provinces anglophones.
M. le Président, la politique des années quatre-vingt, et
ce coup de force économique et humain qui s'ajoute au coup de force
constitutionnel, la politique "bilingual from coast to coast", à mon
avis, représentent une deuxième dispersion des Acadiens. Au lieu
de fourrer les gens sur un bateau pour les écraser, on va les attirer
par ordinateur à des postes bien payants dans ce pays bilingue "from
coast to coast" si illusoire. Pour moi, une telle politique, avec les
conséquences du coup de force constitutionnel, c'est, à
très courte échéance, la mort du dernier foyer de
francophones de l'Amérique du Nord qu'est le Québec.
Pourtant, les juges de la Cour suprême, à 9 contre 0,
disent que les pouvoirs qu'a actuellement, tant bien que mal, dans un contexte
actuel très limité, l'Assemblée nationale du Québec
d'établir les politiques de main-d'oeuvre, les politiques de
création d'emplois, les politiques de sécurité sociale
sont diminués. Du peu qu'on a, on aura encore moins, M. le
Président.
Devant ce coup de force constitutionnel d'Ottawa, légal, bien
sûr, mais tellement immoral et illégitime, j'ai confiance que les
Québécois et les Québécoises feront bloc. La
solidarité, cela nous connaît.
Les personnes âgées qui ont formé des groupes de
l'âge d'or pour se défendre et se faire valoir dans notre
société, les travailleurs et travailleuses qui se sont
syndiqués pour défendre leurs droits léqitimes, les
simples citoyens, locataires, assistés sociaux, groupes de
handicapés qui ont fondé des associations et des comités
pour revendiquer et défendre leurs droits légitimes, les
employeurs et hommes d'affaires québécois qui se sont
également regroupés pour concurrencer les multinationales et leur
faire face, sont capables de s'unir dans un mouvement de solidarité sans
limite, plus solidaires que jamais derrière l'Assemblée nationale
qui, tout le monde le souhaite, va à l'unanimité, adopter une
résolution de défense de nos droits individuels et collectifs et
des droits de l'Assemblée nationale comme instrument politique
primordial du peuple québécois. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, l'Assemblée nationale
est de nouveau réunie aujourd'hui en session spéciale ou
extraordinaire pour discuter d'une résolution qui, je pense, cherche
à traduire les préoccupations de la société
québécoise comme les préoccupations également de
très nombreux Canadiens, en dehors du Québec, face à la
proposition fédérale de changement de l'ordre constitutionnel
canadien.
Bien des gens se demandent pourquoi cette résolution, pourquoi
tout ce branle-bas constitutionnel, dans la mesure où, pour la
première fois depuis de très nombreuses années
improductives de discussions constitutionnelles, on nous dit qu'enfin nous
aurons rapatrié chez nous notre constitution canadienne qui est depuis
plus de 100 ans sous l'autorité du Parlement britannique, qu'enfin nous
aurons une formule pratique d'amendement constitutionnel et qu'enfin nous
aurons une charte des droits qui consacrera dans la constitution quelques-unes
des grandes libertés humaines et démocratiques auxquelles nous
attachons tous le plus grand prix.
Je pense, M. le Président, qu'en essayant de répondre
brièvement, forcément, ce soir, à cette interrogation de
tant de gens, je pense, dis-je, qu'il est extrêmement important de placer
en première ligne la donnée fondamentale du problème et
cette donnée fondamentale n'est pas ailleurs et ne peut pas être
ailleurs que de l'exprimer et de la ramener à celle même de la
notion du fédéralisme.
D'ailleurs, les passages sans doute les plus éloquents du
jugement de la Cour suprême, les difficultés que la Cour
suprême a identifiées au coeur même de la résolution
fédérale, mettent en cause, au dire même de la Cour
suprême, la pratique et les principes mêmes du
fédéralisme canadien.
Le régime fédéral canadien, de par sa nature
même, et les gens le comprennent très bien, comprend
essentiellement l'instauration de deux niveaux de gouvernement, le gouvernement
fédéral et le gouvernement des provinces à qui la
constitution confie, pour le mieux-être de l'ensemble des citoyens, des
responsabilités précises. La pratique même de ce
fédéralisme a amené, comme question de fait, depuis de
très nombreuses années, les deux niveaux de gouvernement à
chercher à harmoniser, toujours en fonction du mieux-être de
l'ensemble des citoyens du pays, les actions respectives de l'un et de l'autre
niveau de gouvernement, bien sûr, en trouvant des harmonisations qui,
parfois, malheureusement, n'ont pu se faire dans un certain nombre de domaines
et, en particulier, dans le domaine économique.
En discutant, au niveau de cette Assemblée, la proposition
fédérale et en la situant de la seule manière qu'elle doit
être située, c'est-à-dire dans la perspective, du
fédéralisme et du fédéralisme canadien, cette
volonté que tous mes collègues de ce côté-ci de la
Chambre partagent, cette détermination qui fait sans doute la
première raison d'être du Parti libéral du Québec,
de chercher à moderniser et à améliorer notre
fédéralisme canadien, je pense qu'on peut honnêtement faire
une analyse complète des éléments de la résolution
fédérale, sans se faire d'illusion - cela est très
important -sur les discours qui, dans le contexte actuel, peuvent se recouper -
ceux des qens d'en face comme ceux de ce côté-ci - sans se faire
la moindre illusion, dis-je, sur la différence fondamentale qui
caractérise l'action politique du Parti libéral du Québec
et du Parti québécois, dans la mesure où le Parti
québécois est voué à la séparation politique
du Québec, à l'indépendance politique du Québec
exprimée sous le vocable variable dans le temps et selon les
circonstances de la souveraineté-association. (23 heures)
La chose est tellement vraie que quelques heures seulement après
le vote que nous prendrons demain, ces gens d'en face qui, à les
écouter, semblent avoir à coeur le fédéralisme
canadien, ces mêmes personnes iront à Jonquière endosser et
raffiner leur option de la souveraineté politique du Québec. Je
pense bien qu'aucun Québécois ne peut et ne doit être
trompé par l'attitude ambiguë du gouvernement du Parti
guébécois. Les circonstances et seulement les circonstances
peuvent lui permettre pour un temps limité de jouer un jeu qui, sur le
plan du courage et de la franchise, comporte énormément de
failles, de jouer double jeu, c'est-à-dire de faire semblant de
s'intéresser au maintien et à l'amélioration du
fédéralisme canadien d'une part et, en même temps, en
s'adressant à ses militants, d'évoquer la souveraineté et
l'indépendance politique du Québec.
D'un autre côté, M. le Président, lorsque nous
étudions tous les éléments de la proposition
fédérale, lorsque nous soulignons les difficultés et les
problèmes que cette résolution pose, nous le faisons dans la
perspective unique du fédéralisme canadien. Cette démarche
que nous entreprenons tient à notre volonté
déterminée d'apporter une contribution à
l'amélioration du fédéralisme canadien pour le
mieux-être des Québécois et le mieux-être de
l'ensemble des Canadiens. En cela, M. le Président, nous ne vous
cacherons pas que nous sommes beaucoup plus à l'aise, lorsque nous
souligqnons ces difficultés de la résolution
fédérale, pour rejoindre les premiers ministres des provinces
qui eux-mêmes contestent certains éléments de la
résolution fédérale, parce que nous savons que des hommes
comme MM. Lougheed, Peckford et Bennett partagent avec nous la même
ambition de franchir, de surmonter les obstacles présents pour assurer
la pérennité du régime fédéral canadien. Et
les gens du Parti québécois, le gouvernement actuel du
Québec, ne peuvent avoir cette prétention, parce que le
gouvernement est voué à la séparation politique du
Québec.
M. le Président, parce que nous croyons au
fédéralisme, parce que le régime fédéral, de
par sa nature même, comporte deux niveaux de gouvernement, lorsque nous
évoquons le caractère unilatéral de la démarche
fédérale, il me semble que ce caractère unilatéral
pose, simplement en termes de fédéralisme, un problème au
sujet duquel nous ne pouvons être indifférents. Qu'on cherche
à modifier la constitution canadienne, fort bien, et nous en sommes,
mais nous plaidons et nous allons continuer de plaider que cette modification
à la constitution canadienne doit se faire en accord avec le
gouvernement fédéral et avec les gouvernements des provinces. En
cela, la Cour suprême a confirmé cette attitude historique du
Parti libéral du Québec et c'est cette attitude que nous allons
continuer de défendre en cette Chambre.
Au sujet du rapatriement de la constitution. Le Parti libéral du
Québec est favorable au rapatriement de la constitution. Nous voulons,
comme tous les Canadiens - et je doute fort que les gens de l'autre
côté soient intéressés à la chose - et nous
tenons, comme Canadiens, à ce que le Canada puisse disposer de sa
constitution, que le Parlement britannique n'ait plus aucune espèce
d'autorité, mais lorsque nous le disons, nous ne le disons pas
simplement du bout des lèvres, comme les gens d'en face, nous le disons
parce que c'est une conviction profonde et une orientation de fond du Parti
libéral du Québec. Lorsque nous parlons de la formule
d'amendement, lorsque nous examinons les implications que cette formule
d'amendement a pour le Québec, lorsque nous exigeons un droit de veto
pour le Québec sur les amendements constitutionnels, nous ne le faisons
pas, comme les gens d'en face, simplement du bout des lèvres, nous le
faisons parce que nous croyons que, dans la perspective du renouvellement du
fédéralisme, c'est une chose essentielle pour protéger les
droits des Québécois et des Québécoises.
M. le Président, lorsque nous parlons de la charte des droits,
nous ne faisons pas - et je ne le ferai pas - que souligner les
difficultés considérables que cette charte pose aux pouvoirs des
provinces. Nous reconnaissons également, nous lisons... J'ai
écouté les discours de nos amis d'en face, mais pas un seul n'a
souligné que, dans la proposition fédérale, il y a toute
une série de dispositions au titre de la charte des droits qui ne posent
aucun problème au titre des pouvoirs des provinces. Pensez simplement
à l'article 2, aux libertés fondamentales: la liberté de
conscience et la liberté de religion, la liberté de pensée
et de croyance, la liberté de réunions pacifiques, la
liberté de presse, la liberté d'information. Cela ne pose
strictement aucun problème. Quand le Parti québécois
dénonce les aspects de cette charte, il doit au moins reconnaître
que, dans la perspective de la construction d'un Canada meilleur et pour la
protection même des citoyens du Québec, c'est une valeur
incontestable dans la résolution fédérale.
Même chose pour les droits démocratiques qui sont inscrits
dans la proposition fédérale. Cela ne pose aucun problème
constitutionnel et la Cour suprême l'a confirmé. J'aimerais bien
que, du côté du gouvernement péquiste, on ait au moins
l'honnêteté de le dire à nos concitoyens, parce qu'ils ont
droit à cette information et, depuis le début, vous ne cessez de
le taire.
Les difficultés que mes collègues ont soulignées et
que le chef du Parti libéral a soulignées ne tiennent pas non
plus aux droits judiciaires. On évoque la décision de la Cour
suprême neuf contre zéro disant que les droits des provinces
seraient diminués -je vais en dire un mot dans quelques instants - mais
la même question aurait pu être posée: Est-ce que la charte
des droits porte atteinte aux droits du fédéral? Quand on parle
des droits judiciaires contenus actuellement dans le Code criminel, les mandats
de perquisition, le droit pour un inculpé d'obtenir un procès
juste, ce sont des compétences que le gouvernement fédéral
abandonne. La charte limite, au sujet des droits judiciaires, les pouvoirs et
les responsabilités du gouvernement fédéral. De l'autre
côté, on n'en parle jamais. Mais cela, non plus, ne pose pas de
problème aux Québécois et aux provinces.
Là où le problème existe - regardez l'ensemble du
dossier, nos concitoyens ont droit à l'ensemble de la
vérité - c'est au niveau de la liberté
d'établissement et de la liberté de circulation. Là, il y
a des problèmes sérieux et les gens l'ont évoqué.
En particulier lorsque l'on pense aux politiques de main-d'oeuvre, les
données concrètes et objectives de la réalité
québécoise au titre de la main-d'oeuvre, de la formation
professionnelle et de la mobilité, rendent difficilement acceptable et,
à mon avis, totalement inacceptable, certainement pas imposé
d'une façon unilatérale ce qui est dans la charte
fédérale. Il y a d'autres exemples que je vais donner, mais,
comme on l'a signalé, au niveau des programmes d'aide à nos
entreprises qui ont comme critères selon nos
lois et nos règlements, le critère de résidence, le
critère de la participation québécoise, au niveau des
programmes de stabilisation dans le domaine agricole, au niveau de la politique
d'achat, lorsque nos corps publics accordent une préférence aux
Québécois, je pense que ce sont des politiques légitimes
pour le Québec. (23 h 10)
Tel que rédiqé, c'est cela le sens du jugement de la Cour
suprême et c'est là le coeur des difficultés que la charte
fédérale pose. Cela va certainement mettre en cause les droits
des provinces, et c'est cela que la Cour suprême affirme. Mais des
dispositions analogues, contrairement à ce que le discours
péquiste semble laisser croire, à savoir que ce ne serait
dirigé que contre le Québec... Il faut le dire à nos
concitoyens pour qu'ils comprennent pourquoi des premiers ministres des autres
provinces, comme M. Lougheed, M. Peckford, M. Bennett et les autres s'opposent.
Les autres provinces du Canada ont des dispositions analogues également.
Quand on en parle de l'autre côté, c'est comme si le premier
ministre du Canada avait fait ce projet de charte pour frapper seulement
l'Assemblée nationale du Québec. Les aspects inacceptables de la
charte du premier ministre du Canada frappent l'ensemble des provinces et c'est
pour ça que les provinces ont tellement de réticences à ce
titre et, ça, ce sont des points.
Mais ce que je veux souligner finalement, M. le Président - nous
devons nous prononcer en ce moment, parce que le gouvernement, pour toutes
sortes de raisons stratégiques, nous demande de le faire à ce
moment-ci - c'est que M. Bennett, actuellement, parcourt le pays, consulte les
provinces. M. Bennett, est du qroupe des dissidents et il accepte - fait
extrêmement significatif - de rencontrer le premier ministre de l'Ontario
et le premier ministre du Nouveau-Brunswick, qui approuvent à ce jour la
résolution fédérale, qui ne sont même pas des
provinces dites dissidentes comme le Québec et les sept autres
provinces. Qu'est-ce que M. Bennett va aller faire, si ce n'est d'essayer de
recueillir un consentement? Pour ma part, je le dis le plus franchement
possible, à la suite de la tournée de M. Bennett je souhaite que
l'on pourra obtenir un consensus des provinces et je souhaite que le
gouvernement du Québec, cette fois-là, oubliera son chapeau
souverainiste et indépendantiste et qu'il ira jusqu'au bout de la
logique dans laquelle il s'est inscrit, à l'encontre de bien des
militants du Parti québécois que la chose inquiète.
J'espère que le gouvernement du Québec sera logique avec
lui-même, si on peut s'entendre au Canada, et que le premier ministre du
Canada pourra accepter qu'il y ait le rapatriement de la constitution, qu'il y
ait la formule d'amendement et la charte des droits. Si le premier ministre du
Canada insiste pour inclure les dispositions qui, actuellement, posent les
problèmes considérables que j'ai évoqués et que
plusieurs de mes collègues ont évoqués, qu'on emprunte la
technique de ce qu'on appelle "l'opting in", c'est-à-dire que les
dispositions pourront être maintenues dans la charte, mais que les
provinces n'y seront soumises que par leur décision propre, la
décision propre de leur Assemblée nationale. J'ajoute que
j'espère que jamais l'Assemblée nationale du Québec
n'acceptera ça sans qu'il y ait eu au préalable une discussion,
des accords avec les autorités fédérales pour dire: Tel
type de disposition au titre de la mobilité de la main-d'oeuvre nous
pose tel problème; nous y tenons; nous avons telle affaire, et discuter
avec des dossiers. J'évoque cette possiblité et, au fond, presque
d'une façon sceptique, parce que je suis convaincu, tous mes
collègues libéraux sont convaincus, que le gouvernement du Parti
québécois, ce gouvernement dont on connaît l'orientation,
ne souhaite qu'une chose et ne recherche qu'une chose: trouver à
empêcher toute possibilité de progrès du
fédéralisme canadien. C'est la situation objective dans laquelle
ces gens sont placés. Vous êtes contre le
fédéralisme canadien. La chose ne vous intéresse plus.
Vous avez déjà accepté de renoncer au Canada. Alors, les
discours que vous tenez sur le texte de la résolution, en public, les
discours que vous allez tenir en fin de semaine face à vos militants
péquistes et souverainistes... J'ai bien hâte de voir dans quelle
mesure vous recevrez ce gouvernement qui dit participer de bonne foi aux
discussions constitutionnelles, dans quelle mesure il pourrait, M. le
Président, simplement obtenir un accord tacite - je n'en demande pas
beaucoup - simplement chercher à obtenir un accord tacite des militants
péquistes pour négocier de bonne foi le renouvellement de la
fédération canadienne. Cela, vous le savez très bien et la
population du Québec le sait très bien, vous n'en voulez pas.
Vous profitez actuellement d'une conjoncture politique qui vous est
favorable.
Bien sûr, profitez-en, sauf qu'en fin de compte, il ne faudra
jamais oublier que la décision des Québécois et des
Québécoises de dire: Nous voulons ou non rester à
l'intérieur du Canada, vous ne pourrez pas l'éviter tout le
temps. Vous allez arriver, à un moment donné, au jour fatidique,
à cette minute de vérité. Je n'ai aucun doute,
personnellement, quelles que soient les difficultés actuelles, que la
population du Québec va continuer, comme le Parti libéral
l'invite à le faire depuis tellement d'années, à affirmer
sa fierté québécoise et aussi à affirmer sa
fierté d'appartenir à un pays qui, sur le plan international,
jouit d'une réputation
exceptionnelle. C'est un pays extraordinaire et ce pays-là
s'appelle le Canada.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nicolet.
M. Yves Beaumier
M. Beaumier: Je pense, M. le Président, qu'il y aurait
beaucoup de choses à dire en réponse aux propos du
député de Jean-Talon. J'aimerais tout simplement faire remarquer
qu'en ce qui concerne la charte des droits, ce à quoi on s'oppose, au
fond, ce n'est pas à ce que la charte nous donnerait et que nous avons.
La liberté d'expression, la liberté religieuse, nous l'avons. Ce
à quoi on s'oppose, c'est ce que la charte nous enlèverait et
ça on s'y oppose.
Cela dit, M. le Président, il m'aurait fallu beaucoup
d'imagination et passablement de cynisme pour prévoir qu'en
accédant à cette Chambre, je serais appelé à
défendre comme une dernière chemise des droits et des pouvoirs
depuis toujours reconnus au peuple québécois et bien
gardés dans cette Assemblée, la seule où, d'ailleurs, ce
peuple est réellement chez lui.
Toutefois, on n'a vraiment pas à se surprendre de ce qui arrive,
quand on sait qui est l'homme qui a fomenté un tel complot. J'aimerais
rappeler ici, et c'est le temps ou jamais d'avoir de la mémoire, que cet
homme, l'actuel premier ministre d'Ottawa, agit et entend agir encore en
fonction de motifs qui sont toujours les siens, toujours les mêmes et
toujours aussi clairs.
Permettez-moi dans ce sens de porter à votre attention un texte
que M. Trudeau écrivait en 1967 en préface à son propre
livre Le fédéralisme canadien et la société
canadienne-française. Préface où, d'ailleurs, selon son
habitude, M. Trudeau se faisait largement éloge à lui-même.
Il écrivait qu'après avoir travaillé au syndicalisme
ouvrier de 1952 à 1960, il le quittait parce que "ce mouvement avait
commencé à lui inspirer des inquiétudes quand un trop
grand nombre de ses cadres se sont mis à véhiculer le
nationalisme". Il écrivait - toujours dans cette même
préface - qu'il était entré en politique en 1965 parce que
- écoutez bien -"le gouvernement Lesage et l'opinion publigue
québécoise - ça fait quand même beaucoup de monde -
avaient fait de l'autonomie un absolu. "
Il écrivait éqalement qu'il avait tourné le dos au
Parti NPD parce que - je le cite encore - "un trop grand nombre de ses
adhérents dans le Québec exigeaient de troquer le socialisme
contre le nationalisme. "
Tout cela pour vous dire, M. le Président, que ce n'est pas par
hasard, ce n'est pas non plus un accident de parcours, si c'est le même
homme qui, aujourd'hui, directement d'Ottawa ou de Londres, selon le cas, fait
une ultime tentative pour atteindre en son coeur même la
collectivité québécoise, c'est-à-dire son
Assemblée nationale. M. Trudeau n'a jamais accepté quelque
affirmation que ce soit de la collectivité nationale
québécoise et il continue. Mais ce n'est pas tout, cet homme est
également capable de fonctionner sans mandat et parfois même
à l'encontre de ses mandats. On l'a vu en 1974, on l'a vu en 1979, on
l'a vu en 1980. Je me demande où le premier ministre du gouvernement
d'Ottawa a trouvé la légitimité de l'action qu'il a
entreprise unilatéralement. (23 h 20)
J'ai suivi, comme bien d'autres, la dernière campagne
électorale fédérale qui a fait ressortir M. Trudeau.
Jamais il n'avait été question, durant cette campagne, de
constitution. C'était le tabou complet, la tombe, comme on dit. Le seul
mandat qu'il a reçu - et c'est de notoriété publique - a
été un mandat de pétrole et non pas un mandat de
constitution. Il a été élu sur une question de mazout tout
simplement. Au fond, ce fut l'élection peut-être la plus
bitumineuse de l'histoire du Canada. En ce sens, je pourrais dire qu'il a
été élu beaucoup plus pour ses pompes que pour ses
oeuvres, avec un succès tel que les 0, 18 % de M. Clark sont devenus les
0, 52 $ de M. Trudeau.
Que cet homme soit fondamentalement contre la nation
québécoise, soit, qu'il fonctionne sans mandat, passe encore,
mais il y a encore pire. Je me rappelle - et vous vous rappelez sans doute, M.
le Président -que, lorsque nous étions jeunes, l'un de nos jeux
d'enfants consistait à apprendre le mot que l'on disait le plus long de
la langue française. Ce mot, au singulier, était:
anticonstitutionnellement. Quand on apprenait à le baragouiner, les plus
vieux riaient de nous et nous, on riait des plus jeunes. On avait appris le
mot, non le sens. Nous ne savions ni ne pouvions imaginer à quel moment
ni à quel endroit ce mot pourrait bien nous être utile.
Aujourd'hui, nous l'apprenons et nous l'apprenons durement. C'est ce
même mot qui fonde le droit et le devoir de cette Assemblée
d'opposer une fin de non-recevoir à la démarche d'Ottawa. Dans
cette optique, il importe qu'au travail fait par cette Chambre, et qui va quand
même, semble-t-il, malgré quelques torsions, malgré
quelques tortures de quelques-uns, dans le sens d'un large consensus, que
s'ajoute également le refus de tous les Québécois et de
toutes les Québécoises à toute diminution du pouvoir de
notre et de leur Assemblée.
Dans ce sens et en tant que président des députés
de la région Mauricie-Bois-Francs, je demande instamment aux
députés libéraux de ma région de se ressaisir et
d'arrêter ce train fatal. J'aimerais dire à
MM. Lajoie, Leduc, Yanakis, Veillette et Dubois - vous remarquerez que
je laisse de côté M. Chrétien - qu'ils sont
éminemment concernés par la décision qui sera prise et
leur siqnaler, si besoin est et en tout bon conseil, que ce plan s'apparente,
comme disait le fabuliste, à la peste dont nous risquons tous
d'être atteints; mais nous, nous n'en mourrons point, parce que cela ne
passera pas.
Vous savez, M. le Président, les vacances parlementaires nous ont
permis de contacter bon nombre de nos concitoyens et de nos concitoyennes et je
puis vous assurer que nos gens et que mes gens, ceux qui ont une histoire et un
métier qui les ont enracinés profondément au territoire
québécois et à ses valeurs, n'accepteront pas pareille
chose non seulement par conviction, mais parce que c'est une atteinte à
leur propre économie. À titre d'exemple, j'aimerais tout
simplement signaler que le projet de M. Trudeau menace pas moins de 24
programmes agricoles et que si la charte fédérale passe, des lois
comme celle de la protection de nos terres agricoles, des régimes comme
ceux de l'assurance-stabilisation devront être revus en profondeur. Cela,
les gens de mon comté ne le prendront pas, M. le Président.
Je crois que bien d'autres choses pourraient être dites, mais
permettez-moi de conclure en vous disant que je m'apprête le plus
rapidement possible - et j'inviterais tous les Québécois et les
Québécoises à le faire -à apprendre à mon
tour à nos enfants ce mot toujours le plus long, mais devenu le plus
dangereux de notre langue française, le mot "anticonstitutionnellement",
en attendant de pouvoir apprendre enfin à nos enfants un mot
peut-être plus court, plus simple et tellement plus profond. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: M. le Président, à titre de
député membre de l'Assemblée nationale du Québec,
je me dois de dénoncer le coup de force d'Ottawa. Ce geste aurait pour
effet de réduire notre Parlement au statut de gouvernement
régional.
Nous serions en effet incapables de protéger raisonnablement le
peuple québécois, puisque nous serions amputés de toute
autonomie, limités dans nos pouvoirs, restreints dans nos actions, et
surtout contrôlés de façon inacceptable.
Députés présents dans cette enceinte, nous sommes la
continuité du pouvoir législatif du Québec. Depuis le
début, les élus de l'Assemblée nationale ont lutté
pour protéger les droits et les pouvoirs du Québec.
Aujourd'hui, ce qui est dangereux, c'est que, si Ottawa
réussissait son coup de force, les députés du
Québec seraient soumis à Ottawa au lieu d'être au service
des Québécois et des Québécoises. Il serait
impossible de voter des lois pour le peuple du Québec sans l'accord d'un
pouvoir extérieur à très grande majorité
anglophone. C'est ce pouvoir à Ottawa qui veut nous imposer des
amendements extrêmement graves. Il veut le faire sans tenir compte des
conventions. Pourtant, ce sont ces conventions qui sont à la base
même de cette constitution qui nous régit.
Les juges de la Cour suprême le mentionnent d'ailleurs avec
insistance lorsqu'ils déclarent, et je cite: II faut garder à
l'esprit toutefois que, bien qu'il ne s'agisse pas de lois, certaines
conventions peuvent être plus importantes que certaines lois.
Lundi dernier, M. Chrétien, ministre de la Justice à
Ottawa, déclarait à peu près ceci: Maintenant que ce n'est
pas déclaré illégal, nous allons poursuivre le plus
rapidement possible notre projet. Je me pose une question sur l'utilisation que
les gens d'Ottawa font de la justice, à savoir si la justice s'applique
toujours de la même façon dans des circonstances politiques
différentes.
Revenons un peu en arrière, plus précisément en
décembre 1979. M. Joe Clark, alors premier ministre du Canada, est battu
lors d'un vote sur le budget. M. Clark déclenche alors des
élections. Mais, pourtant, rien dans la loi ne l'y obligeait; seule la
convention reconnue dans la constitution. Je me demande ce qu'aurait fait M.
Chrétien, surtout M. Trudeau, advenant que M. Clark, à l'exemple
de nos fédéralistes d'aujourd'hui, décide de ne pas suivre
la convention et de se réfugier derrière la
légalité. Je suis curieux de le savoir. J'ai l'impression qu'ils
auraient contesté et exigé le respect de la convention et de la
moralité, car sans ce respect, ne l'oublions pas, M. Trudeau ne serait
pas premier ministre; il ne serait même plus député
puisqu'il avait déclaré qu'il n'était plus l'homme de la
situation.
Revenons maintenant à la présente session spéciale.
Certains nous reprochent de procéder trop rapidement. Je ne vais pas
répéter tout ce qui a été dit; par contre, je vais
apporter un commentaire personnel. Je crois que les citoyens et les citoyennes
du Québec doivent être satisfaits et rassurés de voir que
leur gouvernement est efficace. On constate à quel point il
connaît bien la situation, ce qui témoigne du travail assidu
effectué depuis près d'un an. À preuve, la brochure Minute
Ottawa! qui est tout à fait compatible avec l'esprit de la Cour
suprême. J'invite tous les Québécois et toutes les
Québécoises à la lire attentivement.
Étant donné l'importance et la gravité du
débat actuel, il aurait été dangereux d'attendre et de
laisser l'initiative à Ottawa.
De plus, comme la session réqulière doit commencer
bientôt, il est normal que ce problème important soit
discuté indépendamment d'autres préoccupations, car
n'oublions pas que c'est le fonctionnement même de cette Assemblée
nationale qui est menacé. (23 h 30)
Je tiens aussi à adresser une mise en garde à ceux qui se
complaisent à parler d'effritement du consensus des huit provinces
opposées au coup de force d'Ottawa. Ce consensus ne peut être que
renforcé, puisque le jugement de la Cour suprême leur donne raison
sur presque tous les points. Premier point: le jugement reconnaît que la
démarche unilatérale des libéraux fédéraux
porte atteinte aux droits et aux pouvoirs des provinces, ce que les
libéraux fédéraux n'ont jamais admis, jusqu'à ce
qu'ils se présentent devant la cour.
Le deuxième point. La Cour suprême reconnaît que le
coup de force est inconstitutionnel.
Le troisième point. Le jugement admet que le coup de force n'est
pas illégal, mais renchérit et ajoute pour affirmer que ce coup
de force, c'est ce processus même qui va à l'encontre du principe
fédéral.
J'aimerais maintenant prendre quelques minutes pour voir quelles
seraient les principales conséquences, pour les citoyens et les
citoyennes du Québec, à ce coup de force d'Ottawa.
Il y a, bien sûr, les effets sur notre vie culturelle. On
reviendrait aux vieilles chicanes linguistiques, qui ont été si
pénibles dans le passé, sans parler de l'incertitude dans
laquelle on plongerait la majorité francophone, la formule d'amendement
attaquant la loi 101 dans plusieurs de ses règlements. Elle touche
même le secteur de l'éducation, pourtant réservé
exclusivement au pouvoir provincial. Mais ce que je trouve scandaleux, c'est
qu'Ottawa veuille imposer le bilinquisme au Québec, mais
évidemment pas à l'Ontario. Encore une fois, deux poids, deux
mesures.
Dans un souci d'homoqénéité, de canadianisation, le
Québec deviendrait vite un Nouveau-Brunswick culturel, dont M.
Chrétien a déjà parlé d'ailleurs.
Non seulement dans le domaine culturel, mais dans le domaine
économique Ottawa met en péril tous les instruments
économiques que le Québec s'est si chèrement donnés
depuis 1960. Les risques, pour les Québécois et les
Québécoises, sont énormes. Que l'on pense seulement
à la politique d'achat du gouvernement, qui favorise les petites et les
moyennes entreprises québécoises. Plusieurs dizaines d'entre
elles vivent directement de leurs contrats avec le gouvernement et les
sociétés d'État. Des milliers d'emplois en
dépendent. Mais, avec la formule d'amendement fédérale,
une simple plainte de quiconque, au Canada, se sentirait lésé
viendrait faire en sorte que nos taxes serviraient à développer
les autres provinces, ce qui ferait augmenter le chômage au
Québec, encore une fois. La priorité accordée à nos
travailleurs sur les chantiers de construction pourrait être
illégale.
Notre politique d'autosuffisance alimentaire serait
définitivement compromise. On constate vite qu'il ne serait plus
possible de bâtir un Québec fort et un Québec à
notre goût. Le tout serait pensé en fonction de l'ensemble
canadien. On voit vite ce que cela signifie. On comprend plus facilement
maintenant l'intérêt pour l'Ontario de supporter sinon de diriger
Ottawa dans son projet unilatéral de centralisation.
Par contre, je suis heureux de constater qu'il semble se dégager
une unanimité de cette Assemblée pour s'opposer au coup de force
d'Ottawa. Je considère, de toute façon, qu'il s'agit simplement
d'un geste normal. C'est notre dignité de Québécois et de
Québécoises qui en dépend, autrement nous serions indignes
de siéger ici.
Advenant la réussite d'Ottawa dans son projet odieux, il n'y
aurait plus de Québécois, mais des Canadiens français de
l'Est.
Je vais conclure en disant qu'il faut répondre à un coup
de force semblable par la solidarité. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Westmount.
M. French: M. le Président, je vous demande la suspension
du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire.
M. Charron: M. le Président, je propose que la Chambre
ajourne ses travaux à demain, dix heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): La
Chambre ajourne ses travaux à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 36)