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(Quatorze heures quinze minutes)
Le Président: À l'ordre, messieurs! Un moment de
recueillement, s'il vous plaît.
Veuillez vous asseoir Affaires courantes. Déclarations
ministérielles. Dépôt de documents.
Avis de la Commission de la fonction publique sur des
règlements
Conformément aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la
fonction publique, je dépose copie des avis de la Commission de la
fonction publique au Conseil du trésor sur les règlements
suivants: neuf règlements de classification concernant les emplois des
agents de la paix, un règlement concernant les conditions de travail des
commissaires du travail et un règlement modifiant le règlement
concernant les emplois occasionnels et leurs titulaires.
M. le ministre de l'Agriculture.
Rapport annuel du ministère de
l'Agriculture
M. Garon: M. le Président, j'ai le plaisir de
déposer le rapport annuel 1978-1979 du ministère de l'Agriculture
du Québec.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Mme la députée de Dorion.
Étude du projet de loi no 14
Mme Lachapelle: M. le Président, qu'il me soit permis,
conformément aux dispositions de notre règlement, de
déposer le rapport de la commission élue permanente de la
présidence du conseil et de la constitution qui a siégé le
mardi 9 juin 1981 aux fins d'étudier article par article le projet de
loi no 14, Loi concernant le recensement des électeurs pour
l'année 1981 et modifiant la Loi sur la consultation populaire, et l'a
adopté avec amendements.
Le Président: Rapport déposé. M. le
député de Shefford.
Étude du projet de loi no 2
M. Paré: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de la commission élue permanente de
l'industrie, du commerce et du tourisme qui a siégé le lundi 8
juin 1981 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 2,
Loi sur la Société du Palais des congrès de
Montréal, et l'a adopté avec des amendements.
Le Président: Rapport déposé. M. le
député de Saint-Hyacinthe par le whip adjoint, le
député de Matapédia.
Étude du projet de loi no 8
M. Marquis: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de la commission élue permanente de la
protection de l'environnement qui a siégé le vendredi 5 juin aux
fins d'étudier article par article le projet de loi no 8, Loi modifiant
la Loi sur la qualité de l'environnement et l'a adopté sans
amendement.
Le Président: Rapport déposé. Mme la
députée de Johnson.
Étude du projet de loi no 10
Mme Juneau: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires
sociales, qui a siégé le jeudi 4 juin 1981 aux fins
d'étudier article par article le projet de loi no 10, Loi modifiant la
Loi sur la protection de la jeunesse, et l'a adopté avec des
amendements.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Période de questions orales des députés.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Le rapport du Vérificateur
général sur la SHQ
M. Lalonde: M. le Président, vendredi dernier, le rapport
du Vérificateur général pour l'année 1979-1980
était déposé en cette Chambre.
Vous vous souvenez, il y a quelques mois, j'ai posé quelques
questions au ministre délégué à l'Habitation et au
premier ministre concernant la gestion de la Société d'habitation
du Québec, en rapport avec la direction générale des
réparations majeures, construite autour d'un personnage, ami du
premier ministre, M. Luc Cyr, imposé par le bureau du premier
ministre, avec la complaisance du ministre délégué
à l'Habitation, sans concours, sans appel d'offres pour effectuer des
réparations d'environ 10 000 000 $.
J'ai porté à l'attention de l'Assemblée et du
gouvernement des cas de népotismes, des cas de contrats donnés
sans soumissions, des cas de mal administration, tous permis par l'ami du
premier ministre, avec la complaisance du président de la SHQ et du
ministre responsable devant cette Assemblée. (14 h 20)
En réponse à mes questions, le ministre m'a accusé
du crime le plus odieux qui soit, celui de culpabilité par association,
mais il n'a pas expliqué si je l'avais accusé d'être
associé avec le bureau du premier ministre ou avec l'ami du premier
ministre.
Le premier ministre, lui, approuvant tout ce qui s'était fait,
m'accusait de gonfler une balloune. Cela permettait de menacer l'Opposition
libérale de faire des enquêtes sur l'Opposition. Il se
retranchait, en fin de compte, derrière une enquête que le
ministre aurait confiée au Vérificateur
général.
Or, dans un chapitre du rapport du Vérificateur
général, déposé il y a quelques jours, ce dernier
fait un rapport accablant sur l'administration de la direction
générale des réparations majeures, dirigée par
l'ami du premier ministre, M. Luc Cyr.
Je pourrais le citer, mais vous me rappellerez à l'ordre car il y
en a environ 15 pages, M. le Président. Peut-être que le
résumé, fait par l'éditorialiste Gilles Lesage dans le
Soleil pourrait suffire. Il dit que les constatations de M. Larose sont
proprement dévastatrices. Je cite: "M. Cyr et/ou Transit n'ont pas
produit des pièces justificatives suffisamment détaillées
et normalement exigées de la part d'un contractuel qui a touché
des honoraires de 158 000 $. Le personnel contractuel engagé par M. Cyr
aurait touché 97 000 $ de plus qu'autorisé. La
réglementation gouvernementale n'a pas été
respectée en ce qui concerne l'attribution des contrats aux architectes.
Certains contrats ont été erronément
complétés, etc."
En somme, tous les doutes que nous avions soulevés, malgré
le tapage de l'autre côté, il y a quelques mois, ont
été confirmés. Alors, je demande au premier ministre,
responsable de l'intégrité de l'administration de son
gouvernement, si, devant maintenant l'évidence qui n'est plus une
"balloune libérale, il a l'intention de faire faire une enquête
publique, indépendante et complète sur l'administration de la
direction générale des réparations majeures.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je rappellerais simplement, M. le
Président, que dans le préambule du député de
Marguerite-Bourgeoys, il y a un adjectif qui n'est pas acceptable pour les
raisons qui ont été données en Chambre. C'est quand il dit
que le coordonnateur en question, M. Cyr, a été imposé. Il
a été suggéré parmi d'autres qui pouvaient
être considérés et c'est la Société
d'habitation du Québec, après examen des candidatures, qui l'a
choisi. Il n'a été imposé d'aucune façon.
Deuxièmement, le rapport accablant -je l'ai lu moi aussi - a
quand même cette particularité qu'il est basé
exclusivement, c'est vrai, de façon assez accablante, si on veut, sur
les normes et procédures régulières qui doivent
régir normalement les engagements publics. Seulement, je ferai remarquer
au député de Marguerite-Bourgeoys que même le rapport du
Vérificateur général dit bien qu'il s'agissait de faire
quelque chose parce qu'on avait un héritage catastrophique de nos amis
d'en face...
Des voix: Ah!
M. Lévesque (Taillon): Ce sont des toits qui coulent, qui
menacent de s'effondrer, des entrepreneurs qui ont fabriqué des choses
où, littéralement, cela devient invivable, et que personne n'a
vérifié en cours de route. On a découvert cela en 1977 en
arrivant. Il y avait un état d'urgence. Le rapport disait ceci et le
Vérificateur général le souligne: Dans les meilleurs
délais et aux moindres coûts il fallait faire quelque chose - qui
était vraiment une urgence - qui était impossible à
l'intérieur des directions générales de la
société dans le cadre des opérations courantes. Donc,
suivre les normes et procédures pour autant que faire se peut.
Cela étant dit, c'est évident qu'il y a des choses, au
point de vue des normes et procédures, dans le rapport du
Vérificateur général, qui ne sont pas exactement
régulières, c'est le moins qu'on puisse dire. Seulement, cela
implique aussi peut-être une chose que le ministre
délégué à l'Habitation, si le député
de Marguerite-Bourgeoys n'a pas d'objection, pourrait peut-être clarifier
avant qu'on parle de grande enquête publique parce qu'il y a des
vérifications à faire sur la vérification
générale si on ne veut pas être inéquitable.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lévesque (Taillon): II y a aussi, sur certains points,
je crois, en toute équité, un homme qui, à mon humble
avis, ne mérite pas d'être considéré d'une
façon qui pourrait découler d'une interprétation
hâtive de ce rapport, M. Couture, de la Société
d'habitation du Québec, qui devrait quand même avoir le loisir de
réagir. Peut-être que
le ministre délégué à l'Habitation et
à la Protection du consommateur pourrait au moins tracer l'ABC d'un
scénario pour les prochains jours en attendant qu'on ait à
décider sur la question beaucoup plus globale d'une enquête
générale, etc.
Le Président: M. le ministre délégué
à l'Habitation.
M. Tardif: Sur réception du rapport du Vérificateur
général, que j'ai lu avec beaucoup d'attention...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Tardif: ... je l'ai immédiatement transmis au
président de la Société d'habitation du Québec en
lui demandant ses commentaires, en lui demandant de faire diligence dans la
préparation de ses commentaires de façon d'être en mesure
de répondre à toutes les questions de l'Opposition et ce
dès jeudi de cette semaine lors de l'étude des crédits.
Pour l'instant, c'est tout ce que j'ai à dire sur cette question.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est un peu court, M. le Président. Est-ce
que vous avez envoyé le rapport à M. Luc Cyr aussi?
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lalonde: II arrive un moment où assez, c'est assez! On
a mis en doute notre bonne foi pendant des semaines, alors qu'on tentait
simplement de trouver la vérité. Maintenant, le
Vérificateur général, qui est le surveillant
indépendant des partis politiques, confirme tout ce que nous avons dit
et tout ce que vous trouvez, c'est de demander l'opinion de celui qui est
attaqué par le rapport.
Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire, tout d'abord, s'il
n'écarte pas la possibilité d'une enquête publique?
Deuxièmement, quand la décision sera-t-elle prise? Enfin,
accepterait-il de transférer immédiatement au ministère de
la Justice certains éléments soulevés par le rapport et
qui pourraient amener le gouvernement à demander, devant les tribunaux,
un remboursement ou des dommages en vertu des contrats? Car il semble que,
d'après le rapport du Vérificateur général, M. Cyr
ou sa compagnie aurait violé son contrat à divers
égards.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): La réponse,
premièrement, c'est non, on ne peut pas écarter une enquête
publique, mais on ne peut pas la décider comme ça sur la foi d'un
examen qui est encore préliminaire et qui porte essentiellement sur des
normes et procédures comptables. Il n'y a rien qui apparaît comme
illégalité ou comme criminalité là-dedans d'aucune
façon. Il y a des irrégularités, ça on le savait.
On l'avait dit, d'ailleurs. On ne peut pas commencer à dire qu'il va y
avoir une enquête publique même sur la foi d'un éditorial
dithyrambique dans le Soleil de ce matin, non. Première chose, c'est
qu'il va y avoir les crédits. Si le député de
Marguerite-Bourgeoys et d'autres, à ce moment, veulent aller le plus
loin possible - je ne me fais pas d'illusions; je ne pense pas que, pendant les
heures de crédits, on va pouvoir aller jusqu'au fond des choses -
premièrement, je pense que ce serait normal, sauf si purement et
simplement on veut faire de la partisanerie, de qratter avec le ministre
délégué à l'Habitation ce qu'on aura des deux
côtés comme faits.
Deuxièmement, le Vérificateur général
lui-même - normalement, et je pense que c'est connu, on peut dire, depuis
quelques années - M. Larose, veut quand même prendre sa retraite
d'ici très bientôt. Il est probable qu'on aura à
suggérer son remplacement. Non, ça, c'est un secret de
polichinelle. Par ailleurs, comme il a signé son dernier rapport de
vérification, il est sûr que, sous la forme d'une commission
parlementaire ou autrement, il y aura un examen approfondi, si on veut le
faire, de ce rapport du Vérificateur général, y compris
des petits chapitres qui intéressent le plus l'Opposition, comme les
citoyens, à l'occasion. Après, je pense que ce serait le moment -
et cela peut venir vite - de décider s'il y a lieu de faire une
enquête qui irait plus loin. Mais qu'on commence, me semble-t-il, par
jouer à travers des procédures normales.
M. Lalonde: M. le Président, le premier ministre n'a pas
répondu à la dernière partie de ma question, tout d'abord,
de faire examiner par le ministère de la Justice certains
éléments du rapport. Deuxièmement, est-ce que le premier
ministre ne se rend pas compte que l'Opposition a fait à peu près
le maximum avec les éléments et les moyens que nous avons depuis
quelques mois là-dedans et que c'est une enquête publique, un
enquêteur nommé en vertu de la Loi sur les commissions
d'enquête avec les pouvoirs d'assigner les témoins et les
pièces, qui peut faire la lumière qui n'est pas faite
complètement encore dans cette affaire dont les
irrégularités sont confirmées?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je reste exactement sur les
mêmes positions. C'est
vrai que, quant à la dernière partie, j'ai eu l'occasion
de demander indirectement au ministère de la Justice -
évidemment, c'était hier parce qu'on a eu le rapport du
vérificateur hier - s'il voyait des choses -c'est à lui de le
décider - qui méritaient des suppléments d'enquête -
parce qu'il y a déjà eu des enquêtes à partir de
rumeurs véhiculées par l'Opposition qui n'ont donné aucun
résultat - qui puisse mener à des poursuites quelles qu'elles
soient, si, dans le rapport du vérificateur, il semble y avoir des
choses, ou entre les liqnes, peu importe, qui pourraient amener la
nécessité pour le ministère de la Justice de
décréter une forme d'enquête qui lui appartient; la demande
a déjà été faite d'examiner cela. Je ne peux pas
aller plus loin pour l'instant. (14 h 30)
Le Président: Question principale...
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président, ce
n'est pas terminé ni pour l'un ni pour l'autre.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Tel que l'a expliqué M. le premier
ministre, - tout le monde s'en souvient - avant les élections, un
dossier spécifique avait été déféré
au ministère de la Justice. Effectivement, l'enquête a eu lieu et
les procureurs de la couronne en sont venus a la conclusion qu'il n'y avait pas
matière à poursuites criminelles dans ce dossier. J'avais
également donné toute latitude à la Sûreté du
Québec d'enquêter sur quoi que ce soit qui aurait pu lui
paraître irrégulier ou inacceptable, et je puis dire aux membres
de l'Opposition et à l'Assemblée nationale que le mandat
n'était limité en aucune façon.
Le député de Marguerite-Bourgeoys, entre autres, a
véhiculé à maintes et maintes reprises le fait que
certains pots-de-vin auraient été offerts à une personne
en particulier aux fins d'acheter son silence, auraient été
offerts par des individus au niveau des instances gouvernementales. Je pense
que le député de Marguerite-Bourgeoys sera heureux d'apprendre
qu'au cours de tous les interrogatoires qui ont été faits par la
Sûreté du Québec dans ce dossier, en aucune façon
quelque témoin que ce soit, et parmi les principaux, n'a fait
état d'une supposée manoeuvre aux fins d'acheter un silence pour
quelque somme que ce soit. Ce qui veut dire que la rumeur en ce sens que
véhiculait le député de Marguerite-Bourgeoys n'a
absolument aucun fondement en ce qui regarde le ministère de la
Justice.
Pour ce qui est du rapport tel qu'il a été
présenté, si d'autres cas sont portés à notre
attention, nous les évaluerons.
M. Lalonde: M. le Président, question additionnelle au
ministre de la Justice. Les enquêteurs ont interroqé tous les
témoins, y compris un certain M. Latouche et un certain M. Perreault.
L'enquête est-elle terminée actuellement?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Effectivement, M. le Président, je
n'avais pas cru bon de nommer de noms, mais M. Latouche, auquel vous faites
allusion, a effectivement été interroqé. C'était un
de ceux qui étaient les plus concernés et qui auraient
probablement été le plus en mesure de confirmer les rumeurs que
véhiculait le député de Marguerite-Bourgeoys. Or, il n'a
été aucunement question de sa part, aux officiers de la
Sûreté du Québec, de quelque élément que ce
soit qui ait pu confirmer les messages véhiculés par le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une courte
question additionnelle.
Le Président: Une courte et une dernière, M. le
leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): C'est simplement à la suite des
propos tenus par le premier ministre qui a évoqué la
possibilité de la tenue d'une commission parlementaire. Nous savons
l'importance du rôle que joue le Vérificateur
général, en l'occurrence M. Larose, qui est, autrement dit, le
grand comptable qui surveille les gestes du gouvernement. Je voudrais
simplement poser une question au premier ministre. Peut-être devrais-je
la poser au leader parlementaire du gouvernement, puisqu'il s'agit plutôt
de son domaine, mais le premier ministre a évoqué cette
possibilité.
Cette commission des finances et des comptes publics a tenu cinq
séances en 1974, cinq séances en 1975 et, depuis ce temps,
silence, d'après les renseignements que j'ai. Un sous-comité
avait même été formé pour planifier le
déroulement des travaux; je ne pense pas que le sous-comité ait
fait rapport à la commission. Je comprends qu'en 1976, il y a eu des
élections, je comprends que depuis ce temps, le gouvernement actuel est
au pouvoir. Est-ce qu'on peut s'attendre - ce serait peut-être la
première fois depuis 1975 - d'avoir la convocation de la commission des
finances et des comptes publics pour interroger le Vérificateur
qénéral? Le premier ministre indique que M. Larose partirait
peut-être dans un avenir assez rapproché. Est-ce que nous pouvons
compter avoir une commission parlementaire à brève
échéance sur le rapport du Vérificateur
général, particulièrement sur ces pages que
l'éditorialiste appelle dévastatrices, éditorial
qualifié un peu différemment par le premier ministre...
M. Lévesque (Taillon): Dithyrambique.
M. Levesque (Bonaventure):
Dithyrambique. Enfin, chacun a ses qualificatifs, chacun est dans une
situation un peu différente vis-à-vis du même objet.
M. le Président, puis-je demander très brièvement -
je sais que vous m'avez donné la permission d'avoir une question
additionnelle assez brève - soit au premier ministre, soit au leader
parlementaire du gouvernement, si nous aurons cette commission parlementaire
sur le rapport du Vérificateur général, quand nous
l'aurons et si M. Larose sera encore présent pour expliquer son rapport,
pour répondre aux questions très pertinentes que nous aimerions
lui poser sur l'administration gouvernementale. J'espère, M. le
Président -vous présidez souvent des réunions pour savoir
si oui ou non ça va être télévisé -que le
leader parlementaire du gouvernement va nous annoncer immédiatement que
cette commission parlementaire relativement aux comptes publics, relativement
au rapport du Vérificateur général sera vue par le plus de
citoyens possible dans la province de Québec.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, c'est vrai que le
gouvernement Bourassa, vers la fin de son mandat, avait abandonné
l'habitude de convoquer...
Des voix: Ah!
M. Charron: Je ne conteste aucunement les affirmations du
député de Bonaventure, c'est vrai que cela avait
été abandonné dans les derniers mois de son mandat et que
depuis 1977, que je sache, l'Opposition libérale a laissé passer
deux ou trois rapports du Vérificateur général sans
demander la convocation de la commission parlementaire pour entendre et
étudier avec le Vérificateur général. Il faut bien
comprendre que, si cela n'a pas été fait, c'est que l'abandon
avait été fait auparavant et que personne... Voilà que
pour la première fois, cinq ou six ans plus tard, l'Opposition
décide qu'elle doit demander à nouveau ce que le Parti
québécois réclamait quand il était dans
l'Opposition; je suis parfaitement d'accord. Nous aurons probablement cette
réunion après les vacances du mois de juillet, dans les
commissions parlementaires du mois d'août ou du mois de septembre.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader de l'Opposition. Question principale.
Il n'avait pas le droit à une question additionnelle.
M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Je souhaite aussi que M. Larose soit là, mais
cela fait tellement longtemps que n'a pas eu lieu cette commission des comptes
publics! Je rappellerai au député de Bonaventure, parce que moi
je l'avais fait guand j'étais dans l'Opposition, qu'à cette
occasion c'est non seulement le Vérificateur général gui
répond, mais très souvent, selon les dossiers qu'a choisi
d'appeler et d'isoler l'Opposition dans le rapport volumineux du
Vérificateur général, c'est l'analyste en guestion qui
répond aux guestions, plutôt que le Vérificateur
qénéral lui-même. Mais j'imagine que M. le
Vérificateur qénéral sera présent à cette
réunion.
Le Président: M. le député de Viau, question
principale.
Déficit de 625 000 000 $ au budget des
commissions scolaires
M. Cusano: M. le Président, le rapport du
Vérificateur général confirme que le fameux trou de 500
000 000 $ qui s'est creusé sous les pieds de l'ancien ministre de
l'Éducation et de l'ancien président du Conseil du trésor
dans le financement de l'enseignement primaire et secondaire des années
1977 à 1980 est maintenant passé de 500 000 000 $ à 625
000 000 $.
Le ministre de l'Éducation peut-il nous expliquer cette nouvelle
hémorragie de fonds publics et nous dire quand il mettra fin à
cette situation?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: M. le Président, étant donné que
le député se réfère à une histoire
déjà ancienne et qu'il s'agit d'une matière
financière qui découle des lois déjà
adoptées, je pense qu'il conviendrait que le ministre des Finances
réponde à cette question.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, si plutôt que de
vouloir faire de la finance-fiction, comme certains s'y sont livrés
depuis guelques jours, on voulait simplement lire le rapport du
Vérificateur général et les états financiers du
gouvernement, on se rendrait compte que le chiffre mentionné par mon
ami d'en face a trait d'une part à des déficiences pour
des années antérieures que nous avons fini par connaître,
et d'autre part, à des comptes à payer à un certain nombre
d'institutions d'enseignement au Québec, parce que leur année
financière ne finit pas le même jour que la nôtre. Alors,
j'imagine que les gouvernements ont chaque année des comptes à
recevoir et des comptes à payer. Eh bien, le montant qu'on vient de
mentionner inclut simplement des comptes à payer dans l'année
financière de l'institution d'enseignement et qui restent à payer
parce que l'année financière du gouvernement se termine quelques
mois précédemment. C'est tout. (14 h 40)
Le Président: M. le député de Viau, question
additionnelle.
M. Cusano: M. le Président, les explications qui sont
données sont un peu vagues. Est-ce que le ministre peut nous garantir
que nous sommes rendus à la fin de cette situation ridicule
d'incompétence administrative?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: En effet, M. le Président, on en termine avec
cette intervention, est-ce que je dois dire ridicule? Nous avons terminé
l'année 1980-1981 au 31 mars avec des budgets fermés pour les
commissions scolaires pour la première fois et des crédits
périmés, c'est-à-dire que nos crédits
étaient un peu plus élevés que ce qu'effectivement cela a
coûté, de 12 000 000 $. On avouera que, par rapport aux
années que nous avons connues avant, c'est un gros changement. Les
budgets ont été fermés et, effectivement, les
crédits utilisés sur ceux qui avaient été
votés par l'Assemblée nationale ont été de 12 000
000 $ de moins que ce qui avait été voté. Dans ce sens,
c'est une remarquable amélioration, M. le Président.
Le Président: Question principale, M. le
député de Nelligan.
Le projet Stablex à Blainville
M. Lincoln: Je reviens à une question pour le ministre de
l'Environnement sur le projet malheurs faveurs. Aujourd'hui, je vais laisser un
peu les faveurs pour un autre jour; je vais plutôt parler des malheurs.
Le ministre pourrait-il nous dire si le rapport que j'ai cité l'autre
jour et dont je lui ai donné le numéro - je suis sûr qu'il
l'a pris en bonne note - a été soumis au Conseil des ministres
avant que le Conseil des ministres prenne une décision en faveur de
Blainville?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Léger: M. le Président, en quelques mots, le
rapport que le député mentionne, avec le numéro qu'il
donne, porte le même numéro qu'un rapport préliminaire.
Donc, il parle de deux rapports. Une chose est certaine, pour répondre
précisément à sa question: ce n'est pas ce rapport, qui
est un rapport partiel, que nous avons présenté au Conseil des
ministres, parce que, dans toute l'étude du dossier - et le
député le sait fort bien - il y a eu 42 soit rapports, soit
énoncés de directives, soit lettres. Alors, on n'a pas
l'habitude, au Conseil des ministres, d'apporter une brouette pleine de
rapports; ce qu'on a l'habitude de faire, c'est d'amener le rapport final du
ministère, c'est-à-dire le rapport du sous-ministre de
l'Environnement, qui concilie l'ensemble des interventions à
l'intérieur du ministère.
Je dois quand même ajouter, pour le bénéfice du
député, que ce rapport qu'il mentionne a été fait
et signé par quatre membres d'un secteur du ministère, celui de
l'analyse des études d'impact, et qu'il n'est pas normal qu'on rende
publics des rapports internes - surtout quand il y en a plusieurs -dans un
ministère où il y a beaucoup de professionnels qui analysent
chacun des aspects du dossier; on rendrait même le travail très
difficile. Si différents professionnels divergent d'opinion avec
d'autres professionnels, il faudrait sortir autant les rapports qui donnent un
point de vue différent. C'est la raison pour laquelle il n'est pas
normal de le faire.
Cependant, à la suite d'une question du leader de l'Opposition
vendredi dernier, on m'a demandé pourquoi je voulais que le
député dépose le rapport en question. C'était pour
être bien certain qu'on comprenne de quoi il s'agit. La seule raison,
c'est qu'il circule actuellement, dans la région de Blainville, un
rapport qui a été falsifié et sur lequel est
indiqué "top secret", ainsi que "ne pas diffuser en ondes", "pour
citations vagues seulement", tous des termes pour essayer de créer un
climat de panique dans la région. J'aimerais bien que le
député ose déposer le rapport dont il parle et on pourra
comparer le rapport réel avec le rapport qu'il mentionne.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Comme d'habitude, M. le ministre de l'Environnement a
fait un beau discours pour éviter la question cruciale. Il y a
justement...
Une voix: M. le Président.
M. Lincoln: Excusez-moi, M. le Président, c'est ma...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Léger: M. le Président, je pense que le
député devrait avoir plus de rigueur dans ses explications.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Question additionnelle, M. le député de Nelligan.
M. Léger: M. le Président, question de
privilège.
Des voix: À l'ordre!
M. Léger: J'ai été mal rapporté. Le
député vient de...
Une voix: À l'ordre!
M. Léger: ...vient d'affirmer que je n'ai pas
répondu...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, je pense que l'attitude du
ministre parle par elle-même.
Une voix: Question.
Le Président: Question, s'il vous plaît, M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Oui, j'ai une question. Une voix: II est
nerveux, le patroneux.
M. Lincoln: Je sais que le ministre a joué entre deux
rapports. L'un est un rapport préliminaire; c'est vrai, il porte le
même numéro de dossier que le rapport final. Mais ce rapport final
et le rapport principal d'études qui contient 34 pages et qui est
signé par quatre...
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Lincoln: La guestion est celle-ci. Est-ce que je peux la poser
au premier ministre? En l'absence de ce rapport principal qui n'a pas
été déposé, est-ce que vous seriez prêt
à rouvrir toute cette question de Blainville, compte tenu des
conclusions du bureau des audiences publiques qui étaient
négatives, compte tenu de la pétition de 6500 citoyens de
Blainville, et compte tenu de ce rapport principal de 34 paqes qui est tout
à fait négatif? Est-ce que vous seriez prêt à
réétudier cette question?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Compte tenu, pour reprendre les
termes du député de
Nelligan, du fait qu'en ce qui concerne Blainville, si on lui donne
l'occasion, le député du comté a une communication du
conseil municipal de Blainville qui, littéralement, permet de qualifier
de pure et simple démagogie sans fondement l'espèce de spectacle
que donne le député de Nelligan depuis quelgue temps, la
réponse est non.
Des voix: Bravo!
M. Gratton: Question principale.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Fallu: M. le Président.
Une voix: À l'ordre!
M. Gratton: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Éducation.
M. Fallu: Question additionnelle.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Terrebonne.
M. Fallu: De Groulx, s'il vous plaît, M. le
Président.
Le Président: Excusez-moi!
M. Fallu: Sans un préambule trop long, M. le
Président, qu'il me soit permis de dire néanmoins qu'on est en
train, en cette Chambre, de faire d'une question technique un débat
politique.
Une voix: Question.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Des
deux côtés de cette Chambre, on sait qu'on doit poser, en
deuxième lieu, une question additionnelle. Mais je vois que, des deux
côtés de la Chambre, on semble enfreindre le règlement, on
semble ignorer son existence quand bon nous semble, et je le dis à tous
les députés de cette Chambre. Chacun accuse l'autre de
façon très facile, mais je pense que tout le monde devrait mettre
en pratique notre règlement, aussi bien à gauche qu'à
droite de cette Assemblée.
M. le député de Groulx, question additionnelle, s'il vous
plaît!
M. Fallu: J'aurai d'abord une directive à vous demander,
M. le Président, si vous me le permettez. Est-ce qu'il me serait permis
de déposer ou de faire lecture devant cette Chambre d'une missive que le
maire de Blainville me prie de communiquer.
Une voix: II n'en est pas question.
Une voix: Consentement.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Oui, pour autant que tous les membres
de cette Assemblée y consentent.
Des voix: II n'y a pas consentement.
Le Président: II n'y a pas consentement. Question
principale, M. le député de Gatineau.
Des voix: Ah!
M. Gratton: Question principale, M. le Président.
M. Fallu: M. le Président.
M. Gratton: Merci, M. le Président.
M. Fallu: Question supplémentaire. (14 h 50)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! La
présidence a entendu. Question principale, M. le député de
Gatineau.
M. Fallu: M. le Président, s'il vous plaît! Question
additionnelle.
M. Gratton: Mon collègue de Nelliqan a une question
additionnelle, M. le Président.
M. Bertrand: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader adjoint sur une question de
règlement.
M. Bertrand: On a bien entendu tantôt le
député de Groulx, député du comté où
ce problème se discute, paraît-il...
M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement.
M. Bertrand: Ma question de règlement est la suivante, M.
le Président. Le député de Groulx a demandé
l'autorisation de cette Chambre pour déposer un document et cela lui a
été refusé; il a tout de même le droit, je pense, de
poser une guestion additionnelle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
rèqlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition sur une
question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): En vertu de notre règlement, il
y a une période, dans une journée normale, où il est
possible pour un ministre de faire un dépôt de document. Il y a
quelques minutes, le ministre de l'Environnement, si tel avait
été sa volonté, aurait pu, au moment du dépôt
des documents, déposer tout document d'intérêt public qu'il
aurait jugé à propos de déposer. À ce moment-ci, il
s'agit d'un faux-fuyant; nous n'aurions pas - et justement, notre
règlement est fait comme ça - parce qu'un député
voudrait déposer un document maintenant, réussi à faire la
pleine lumière. Ce que le député de Nelligan demande,
c'est que le gouvernement fasse la lumière sur une situation
extrêmement troublante.
Des voix: Bravo!
Le Président: II est guand même permis à la
présidence de rappeler aux membres de cette Assemblée l'existence
de l'article 177 de notre règlement gui dit que lorsqu'un ministre cite
ne serait-ce qu'en partie un document, il peut être reguis, sans autre
formalité, de le déposer immédiatement, à moins
qu'il ne déclare qu'il est contraire à l'intérêt
public de le faire.
M. Fallu: Question de règlement, M. le
Président.
M. Gratton: Question principale.
Le Président: Question principale, M. le
député de Gatineau.
M. Charron: Question de règlement.
M. Fallu: Question de règlement, s'il vous
plaît.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Ce n'est pas possible,
je n'en reviens pas!
M. Charron: ... sur la question du dépôt de
document, mais je crois, M. le Président, que toute la tradition de
cette Assemblée est de dire que lorsque nous évoquons un
problème local - et il s'agit de cela - le membre de l'Assemblée
nationale qui représente cette circonscription a le droit de poser une
question à qui que ce soit.
Le Président: M. le leader du gouvernement, la
présidence était convaincue que le député de Groulx
voulait tout simplement solliciter un consentement et ne voulait pas, devant
l'absence de consentement, poser une question additionnelle. C'est dans ce
sens-là qu'elle a accordé la question principale au
député de Gatineau. Étant donné que j'ai
donné la parole au député de Gatineau, je vous assure que
demain je reconnaîtrai le député de Terrebonne sur le
même problème.
M. le député de Gatineau.
Nominations au cégep de l'Outaouais
M. Gratton: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre de l'Éducation et concerne des nominations au conseil
d'administration du cégep de l'Outaouais. On sait que depuis
plusieurs mois, voire même depuis plusieurs années, les
étudiants et parents de ces étudiants anglophones quelque 500 -
qui fréquentent le campus Héritage du cégep de l'Outaouais
réclament à hauts cris leur autonomie sinon complète, au
moins partielle.
On sait également que le 21 janvier dernier, dans une
assemblée générale des parents, trois représentants
de la communauté anglophone ont été dûment
élus pour siéger au sein du conseil d'administration de cette
institution. Or, depuis maintenant quatre mois, le ministre de
l'Éducation n'a pas daigné confirmer la nomination de ces trois
représentants de la communauté anglophone, les trois seuls
d'ailleurs et les premiers représentants de cette communauté au
sein du conseil d'administration. J'aimerais donc demander au ministre, comme
le lui ont demandé les parents dans un télégramme
daté d'il y a quelques jours, à quel moment il entend confirmer
la nomination de ces trois représentants. Je souhaite que ce soit fait
avant la réunion du conseil d'administration qui se tiendra demain
où, justement, selon les informations dont je dispose, le conseil
d'administration doit décider, de façon plus ou moins finale, de
l'autonomie du cégep anglophone du campus Héritage.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: Un incident de parcours a empêché que ce
dossier parvienne à mon bureau jusqu'à il y a une semaine. J'ai
reçu une lettre du député de Gatineau, il y a quelques
jours et dès que je l'eus reçue j'ai fait en sorte que ce dossier
parvienne à mon bureau; d'ailleurs, je profite de l'occasion pour
remercier le député de sa vigilante collaboration. Je peux lui
annoncer avec plaisir que j'ai signé immédiatement,
c'est-à-dire il y a quelques jours, l'acte de nomination des trois
parents anglophones qui fait l'objet de sa question.
M. Gratton: Question additionnelle.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je remercie le ministre d'avoir agi aussi
diligemment. Je m'interroge cependant; si j'ai bien compris, le ministre vient
de nous expliguer qu'il n'avait pas reçu le télégramme en
question avant la semaine dernière, mais sûrement avait-il
reçu l'ensemble du dossier; à la suite d'une assemblée
dûment convoquée tenue en fonction des lois et règlements
qui régissent les collèges du Québec, il connaissait le
résultat de cette élection. Cela a d'ailleurs fait l'objet de
nombreux reportages. Alors, quelles sont les explications que le ministre peut
nous donner pour le retard de quatre mois qu'on a connu entre l'élection
en bonne et due forme de ces trois représentants et leur nomination de
la semaine dernière?
Le Président: M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, on pourrait sûrement
invoquer des incidents que tout le monde connaît comme la conjoncture
électorale, ainsi de suite, mais je pense que, d'une façon plus
qénérale, seuls ceux qui n'ont jamais exercé de
responsabilités ministérielles pourraient ne pas contester
l'existence de problèmes internes qui parfois retardent la procession
des documents.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je dirai tout simplement au ministre que, si je n'ai
pas eu l'occasion d'exercer de fonctions ministérielles, ce n'est
sûrement pas moi qu'il faut blâmer. M. le Président,
très brièvement, j'aimerais demander au ministre de
l'Éducation s'il y a un lien quelconque entre cette situation incongrue
où des qens dûment élus n'ont pas été
confirmés dans leurs fonctions par le ministre pendant une
période de quatre mois et le fait que six représentants des
groupes socio-économigues ont été nommés le 28
avril dans cette même conjoncture préélectorale, alors
qu'il s'agissait de six personnes dont aucune ne représentait la
communauté anglophone.
Le Président: M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, avec autant de candeur que de
franchise, je dis non, il n'y a pas de lien.
Le Président: Question principale, M. le
député de Richelieu.
L'avenir de Marine Industrie
M. Martel: Ma question à deux volets s'adresse au ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le ministre pourrait-il informer
cette Chambre sur les moyens qu'il entend prendre pour assurer la reprise de
l'emploi aux 1500 travailleurs de Marine qui sont actuellement en
chômage, notamment par des moyens de concertation et de participation
avec la direction de la SGF et, évidemment, avec la direction de Marine?
De plus, le ministre peut-il informer cette Assemblée sur les intentions
maintes fois répétées depuis quelques semaines par les
médias concernant la fermeture de la division navale à Marine
Industrie, ce qui a pour effet de créer un climat d'incertitude
tant chez les travailleurs de Marine que chez les clients
éventuels de ce chantier naval qui est tout de même
considéré comme le sixième meilleur au monde selon la
revue l'Economics, de Londres?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, j'ai étudié avec
attention le problème de l'avenir de Marine et je dois vous dire qu'il
faut comprendre que les industries Marine sont beaucoup plus qu'un chantier
maritime aujourd'hui. Les industries Marine, pour nous, c'est devenu un vaste
complexe industriel dans lequel nous produisons des wagons de chemin de fer,
des turbines et d'autres pièces de machinerie ou d'équipement.
Marine, à l'heure actuelle, est en néqociation avec le
gouvernement d'Halifax pour la construction d'une cale sèche pour
laquelle nous sommes le deuxième soumissionnaire et il y a des
négociations à faire pour savoir la subvention que nous pourrons
obtenir du gouvernement fédéral sur cette cale sèche
à Halifax.
Je dois vous dire qu'il n'est pas du tout question de fermer, à
l'heure actuelle, les industries Marine. Au contraire, nous cherchons tous les
moyens possibles pour rentabiliser cette entreprise. Mais il ne faudra pas non
plus se compter des histoires en disant que Marine va redevenir un chantier
naval comme autrefois. Il semble que les équipements, à l'heure
actuelle, ne le permettent pas, de même que le marché mondial des
navires ne le permet pas non plus. (15 heures)
Depuis un an, nous avons donné environ une dizaine de
soumissions. Nous n'avons obtenu aucun contrat à cause, bien sûr,
du prix, le prix ne nous aidant pas, et, en particulier, il y a une subvention
du gouvernement fédéral qui existait il y a trois ou quatre ans
de 20% sur les navires. C'est maintenant 9%, ce qui pénalise les
constructeurs canadiens et québécois, en particulier. M. le
Président, nous entendons poursuivre la réparation des navires
à Marine et nous entendons aussi accentuer autant que possible par de
nouveaux investissements. C'était, d'ailleurs, compris dans le plan de
redressement de Marine qui a été déposé et
discuté l'automne dernier à cette Assemblée nationale et,
la semaine dernière, nous annoncions un investissement de 15 000 000 $
pour de nouveaux équipements, en particulier un tour horizontal et une
aléseuse pour nous aider à produire une meilleure qualité
dans le domaine des turbines et des wagons, en particulier.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Richelieu.
M. Martel: Question additionnelle. Le ministre a bien dit qu'il
n'était pas question de fermer Marine, mais ma question portait sur une
des trois divisions de Marine, c'est-à-dire la division navale.
J'aimerais également demander au ministre s'il est courant qu'on annonce
à travers le monde une reprise dans la construction navale pour
1982-1983 et que, de plus, cette semaine, entre autres, une revue
spécialisée dans le domaine maritime faisait part que la Chine
populaire était sur le point de passer des commandes pour environ 70
navires de type "marindus" que l'on fait à Sorel et cela, pour les dix
prochaines années. Le ministre a-t-il l'intention, à l'instar de
ce qui se fait à Hydro internationale, d'envoyer une mission dans ce
pays pour voir les possibilités de marché?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Biron: M. le Président, nous examinons tous les moyens
possibles de pouvoir faire fonctionner les industries Marine au maximum. Il
n'est pas du tout question que nous construisions des bateaux ou des navires
à perte comme cela a été fait dans le passé. Nous
envisageons aujourd'hui de soumissionner en tenant compte des coûts de
production à Marine et en particulier, nous envisageons de continuer la
réparation.
Dans la construction elle-même des navires, les dirigeants de
Marine surveillent à l'heure actuelle ce qui se passe à travers
le monde. Nous sommes conscients de l'avenir potentiel de la construction, mais
nous sommes aussi conscients de nos coûts de production et c'est en
fonction des coûts de production et du prix que nous pouvons recevoir
pour les navires que nous prendrons les décisions
appropriées.
Le Président: Dernière question, sans
additionnelle, M. le député de Laurier.
Déduction applicable aux frais de garde
d'enfants
M. Sirros: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
à la ministre d'État à la Condition féminine et
elle concerne surtout le dernier budget du ministre des Finances qui modifie le
système de déduction applicable aux frais de garde d'enfants.
On sait qu'auparavant une femme qui travaillait à
l'extérieur de la maison pouvait réclamer jusqu'à un
maximum de 2000 $ par enfant pour les frais de garde. C'est aboli et on se
trouve dans la situation où le travail de la femme à
l'extérieur de la maison est dévalorisé
financièrement, parce que maintenant ces mêmes femmes vont toucher
beaucoup moins avec le nouveau système
qu'avec l'ancien système. La question est la suivante: Qu'entend
faire la ministre par rapport à cela pour rendre au moins
équitable la condition de la femme sur le marché du travail par
rapport à celle qui choisit de rester au foyer et quel genre de
représentations compte-t-elle faire pour changer cette situation?
Le Président: Mme la ministre.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je pense que c'est une
façon de voir les choses. Si on prend la mesure qu'on retrouve
actuellement au budget concernant ce qu'on appelle l'allocation de
disponibilité, on sait qu'il y a un gain net pour l'ensemble des femmes
et des couples du Québec de l'ordre de presque 160 000 000 $. On sait
que la mesure coûte essentiellement près de 180 000 000 $ et le
ministre des Finances pourrait confirmer ces chiffres. Elle nous coûtait
autrefois, selon ce que vous soulignez, 19 000 000 $. Donc, il y a un gain net
pour l'ensemble des familles de 160 000 000 $.
D'autre part, il faut le voir aussi dans une perspective où c'est
quand même dans un système progressiste, c'est-à-dire
où, effectivement, les gens qui ont des revenus supérieurs sont
taxés davantage. Je pense que cela s'inscrit aussi dans l'ensemble du
projet social qu'on véhicule comme gouvernement. Cela répond-il
en partie à la question?
M. Sirros: Oui.
Mme Marois: D'autre part, ce qu'il faut ajouter aussi, c'est
qu'effectivement cette mesure vient toucher des salaires quand même
relativement élevés dans notre société, ce qui
confirme un peu ce que j'expliquais tout à l'heure.
Le Président: Fin de la période des questions.
Des voix: Ah!
Le Président: Motions non annoncées. Enregistrement
des noms sur les votes en suspens.
Avis à la Chambre.
M. le leader du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Charron: M. le Président, je voudrais indiquer
brièvement, pendant que l'Assemblée est attentive, le menu de la
journée d'aujourd'hui. Nous devrions entamer, d'une façon assez
sérieuse, jusqu'à ce soir, à une heure raisonnable mais
quand même avancée, le débat sur le projet de loi no 11 au
nom du ministre des Finances. Si nous n'avons pas terminé ce soir, nous
reprendrons ce débat demain soir. La journée de demain,
c'est-à-dire demain matin, après la période des questions,
et demain après-midi, sera consacrée à avancer à
nouveau dans le débat sur le budget pour une période d'environ
cinq heures, selon l'entente à laquelle nous sommes intervenus. Par la
suite, au cours de la semaine, lorsque nous aurons disposé en
deuxième lecture du projet de loi no 11, nous aborderons l'étude
des deux projets de loi au nom du ministre des Transports, soit le projet de
loi no 4 et le projet de loi no 5.
La semaine dernière, nous nous sommes quittés au moment
où le député de Marguerite-Bourgeoys me posait la
question, et j'avais promis une consultation, ce dont je vais faire état
devant la Chambre maintenant, quant à la possibilité d'entendre
un certain nombre de groupes, reliés de près ou de loin à
l'enseignement privé, qui requéraient d'être entendus,
à tout le moins, avant que l'Assemblée n'étudie les
articles du projet de loi no 11 qui les concernent. La consultation a eu lieu,
et je dois même dire que je l'ai étendue par la suite pour voir si
cela devait obtenir le consentement de l'Opposition, ce qui m'a
été accordé.
J'informe donc la Chambre que lors de l'étude article par article
du projet de loi no 11, il est tout à fait vraisemblable que nous
arrivions jeudi soir aux articles qui concernent ces citoyens et citoyennes en
particulier et qu'en conséquence, jeudi soir prochain, outre les deux
commissions déjà réservées pour l'étude des
crédits, il y aura audition d'un certain nombre de groupes qui avaient
demandé à être entendus par la commission parlementaire qui
sera mandatée pour faire l'étude article par article du projet de
loi no 11. Je ne mentionne pas les groupes inutilement, je dis simplement que
la liste que nous avions a été complétée avec des
gens que l'Opposition nous a demandé de recruter. À partir de cet
après-midi même -parce qu'il faut les prévenir au moins 48
heures à l'avance - nous allons leur faire parvenir une invitation pour
20 heures, jeudi soir, dans une des salles de commissions de cette
Assemblée.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): J'ai vu que le leader parlementaire du
gouvernement semblait avoir terminé cette partie de son prône.
Dans les circonstances, vous me permettrez de confirmer que nous avons
été consultés, en effet, sur des auditions qui seraient
incluses dans l'étude en commission du projet de loi no 11 relativement
à la
politique budgétaire du gouvernement. Mais, M. le
Président, je me demande s'il ne serait pas plus pratique, tout en
respectant l'entente intervenue, de commencer dès 20 heures à
entendre ces parties plutôt que de les faire attendre au moment, je ne
sais quand, où on serait arrivé à tel article pour leur
permettre de s'exprimer. Il me semble que ce serait beaucoup plus dans l'ordre
et selon la bonne hospitalité québécoise de leur dire:
Venez à 20 heures, on va vous entendre.
Deuxièmement, une heure trente, d'accord si c'est possible, mais
est-ce que ça ne pourrait pas être facultatif jusqu'à un
certain point ou, au moins, qu'on laisse une certaine latitude à la
commission pour que, s'il y avait une ou deux autres personnes à
entendre, on puisse les entendre. Je pense que c'est important. D'après
le nombre d'interventions que nous avons reçues de part et d'autre de
l'extérieur de cette Chambre, il y a là des questions
extrêmement importantes et qui méritent qu'on les regarde avec
autant d'attention que possible.
Troisièmement, le ministre voudrait-il nous dire quels sont les
orqanismes qu'il a retenus pour que ces organismes ou associations puissent
savoir, justement, que c'est à 20 heures, si le ministre retient ma
suggestion, jeudi soir, que nous pourrions les entendre? (15 h 10)
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, le leader de l'Opposition
m'oblige à donner le fond de ma pensée sur l'organisation des
travaux de cette semaine. Ce pourquoi je préviens les
députés que nous risquons de travailler tard en soirée sur
l'étude en deuxième lecture, c'est que mon souhait serait de
terminer la deuxième lecture de ce projet de loi ce soir, ou le plus
tôt possible, oui ce soir, de sorte que, demain soir, les membres de la
commission pourraient commencer l'étude article par article, jusqu'aux
articles concernés, et suspendre leurs travaux. Jeudi soir, à 20
heures, lorsqu'ils reprendraient le travail, ils seraient déjà
rendus aux articles qui concernent ces gens. Ces gens pourraient, dès ce
moment, être entendus à 20 heures, parce que je conviens avec le
député qu'il ne s'agit pas de les faire attendre inutilement.
Ce que je souhaite, c'est que nous nous arrangions pour être au
rendez-vous avec eux à 20 heures à l'endroit prévu pour
les rencontrer, c'est-à-dire aux articles qui les concernent.
Donc, je répète à nouveau: le plus possible, sinon
totalement la deuxième lecture ce soir; demain soir, le début de
la commission pour l'étude article par article de ce projet de loi et
puis jeudi les articles qui concernent ces personnes.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Comme nous ne savons pas, ni le leader
parlementaire du gouvernement ni celui qui vous parle, à quel moment
nous allons terminer la deuxième lecture de ce projet de loi, si je
comprends bien ce que vient de dire le leader parlementaire du gouvernement,
quel que soit le proqrès ou le non-progrès réalisé,
nous entendrons jeudi soir à 20 heures les personnes ou organismes qui
voudraient se faire entendre. Puis-je demander encore au ministre de nous
indiquer lesquels?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron J'indique tout de suite les groupes. Il s'agit du
président de l'Association des institutions d'enseignement secondaire,
l'AIES, l'Association des collèges du Québec, l'Association des
institutions privées du Québec - c'est parce que je n'ai que les
sigles ici - la CEQ, je la connais, c'est la Centrale de l'enseignement du
Québec, la Fédération nationale de l'enseignement du
Québec, l'Association des écoles juives et, à la demande
de l'Opposition, l'Association des parents catholiques du Québec et un
des collèges, le Collège Marie-Victorin qui a demandé
à être entendu également. Cette demande nous parvient de
l'Opposition.
Je vais ajouter que si nous sommes au rendez-vous à 20 heures,
c'est-à-dire rendus à ces articles à 20 heures jeudi, il
sera plus facile d'accorder plus de temps, comme le demande le
député de Bonaventure, que si l'ensemble des travaux en
dépendent. Je pense qu'à ce moment, s'il ne reste que ces
articles, les députés choisiront de poser les questions qui leur
conviennent et de réserver les dernières heures de la
séance à l'adoption des articles proprement dits.
J'indique tout de suite que pour faire ce compromis d'une manière
très honorable, je crois, parce que c'était aussi notre choix,
cela nous obligera toutefois à modifier le calendrier de l'étude
des crédits parce qu'à cette heure-là la commission de
l'éducation doit siéger. Il est évident que j'imaqine que
le ministre de l'Éducation et le critique de l'Éducation
souhaiteront être là. Ensemble, on s'entendra pour reporter les
heures de l'étude des crédits de l'Éducation qui devait
avoir lieu à ce moment-là.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, strictement sur la question
du choix des organismes, il est vrai que le leader nous a
soumis une liste et que nous avons fait quelques suggestions pour en
ajouter pour tenter de la faire la plus complète possible, mais ce n'est
pas exhaustif. Je ne veux pas non plus, parce que ce n'est pas notre
responsabilité de le faire, prendre la responsabilité d'avoir
refusé les autres.
C'est simplement pour essayer de la faire la plus complète
possible avec une institution et l'Association des parents catholiques.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: Je l'assume, cette responsabilité, M. le
Président, en m'excusant auprès de quiconque se trouverait
mentionné par le fait même, parce que le caractère
extraordinaire de cette consultation fait qu'on ne peut évidemment pas
l'étendre comme si nous avions tout le temps du monde devant nous. En ce
sens, il m'a semblé que les groupes qui sont là sont depuis
longtemps reconnus dans la société québécoise comme
étant les principaux porte-parole de ce secteur et que les
députés auront une vue d'ensemble assez complète,
même si elle n'est pas exhaustive.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cela va. M. le leader du
gouvernement, les motions de la journée.
M. Charron: Oui, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, en vertu de
l'article 34, M. le député de Mont-Royal.
Recours à l'article 34
M. Ciaccia: M. le Président, hier soir, il y a eu une
réunion à Outremont où il y avait une centaine de
personnes très préoccupées par les avis d'expulsion
qu'elles ont reçus à la suite de la conversion de leur
propriété et de l'utilisation du concept de la
propriété indivise qui est un contournement de la loi
actuelle.
À la suite d'une question que j'avais posée au ministre
délégué à l'Habitation, il s'était
engagé à déposer, à l'Assemblée nationale,
avant l'ajournement, un amendement à la loi pour effectivement
arrêter cette pratigue et avoir un moratoire sur la conversion et sur
l'utilisation du concept de la propriété indivise, afin que ces
locataires soient protégés.
Est-ce que le leader peut nous dire quand le gouvernement va
déposer en cette Chambre l'amendement nécessaire à la loi
pour protéger les locataires?
M. Charron: M. le Président, le sujet est à l'ordre
du jour du Conseil des ministres de demain et le député aura la
réponse à sa question et probablement la réalisation de ce
qu'il exprime comme souhait, dès la séance de jeudi matin.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de L'Acadie, en vertu de l'article 34.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander au
leader du gouvernement s'il serait possible qu'on dépose dans cette
Chambre les études que le gouvernement peut avoir entre les mains
touchant le projet de loi no 15 sur la retraite flexible ou, si on veut, le
projet de loi sur la retraite. On ne sait pas encore si ce sera appelé
ou non, mais c'est quand même complexe. Si, par hasard, le gouvernement a
des études - j'imagine qu'il n'aurait pas présenté un
projet de loi sans des données pour l'appuyer - est-ce qu'il pourrait
les mettre à la disposition des membres de cette Chambre?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader parlementaire
du gouvernement.
M. Charron: Sur ce sujet particulier, madame, le ministre
d'État au
Développement social et moi-même avons une suggestion
à faire à nos collègues du Conseil des ministres, demain,
sur le sujet de la loi dont vous parlez et qui concerne également les
documents dont vous parlez. Si notre suggestion est acceptée au Conseil
des ministres, demain, à la séance de jeudi matin aussi je lui
donnerai une réponse qui probablement la satisfera.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Verdun, en vertu de l'article 34.
M. Caron: M. le Président, ma question s'adresse au leader
du gouvernement. La semaine dernière, je demandais au ministre du
Travail s'il y avait d'autres programmes dans le but de stimuler l'embauche
pour les étudiants cet été, et je ne suis pas plus
avancé. Nous en sommes déjà à mardi, je ne sais pas
si le leader pourrait essayer de devancer, parce que déjà, en fin
de semaine, beaucoup de jeunes étudiants sont venus me voir; ils
déplorent ne pouvoir travailler, surtout quand il y a beaucoup de pertes
comme dans la Grande Passe et beaucoup d'argent qui se dépense
inutilement, alors qu'il pourrait être dépensé pour une
bonne cause.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: Je n'ai eu aucune communication de documents à
déposer à cet égard, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont, en vertu de l'article 34.
M. Fortier: J'aimerais poser au leader une question touchant la
Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec.
On nous a indiqué, à la fin de mai, que cette loi serait
déposée avant la fin de juin et le leader, en réponse
à une question du leader de l'Opposition, avait indiqué
également qu'il y aurait une commission parlementaire appelée
à ce sujet.
J'aimerais savoir quand le projet de loi sera déposé et
quand la commission parlementaire de l'énerqie et des ressources sera
appelée à siéger.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: Je m'en tiens toujours à la même
réponse, M. le Président, il semble tout à fait
vraisemblable que le projet de loi en question sera déposé avant
la prorogation de cette session. Si la consultation ouverte à
Hydro-Québec doit avoir lieu, ce sera après la période de
vacances de juillet, donc entre le 15 août et le mois de septembre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, vendredi dernier, j'ai voulu
poser une question au ministre de la Justice. Comme il était en mission
à Ottawa, j'ai posé ma question au premier ministre. J'ai
demandé au premier ministre de nous dire quelle est la position du
gouvernement face à l'infiltration des policiers dans les milieux
syndicaux et dans les milieux populaires. J'ai demandé au premier
ministre: Est-ce que le gouvernement est pour ou contre cette infiltration
policière? Mais le premier ministre...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, je suis prêt à vous entendre, mais pour
autant que vous respectez le règlement. En vertu de l'article 34, posez
votre question.
M. Marx: Le premier ministre a essayé de répondre
à cette question, mais il a vraiment évité de
répondre et il a dit: À son retour, le ministre de la Justice
donnera une réponse à la Chambre. J'aimerais savoir si le
ministre de la Justice va nous donner une réponse aujourd'hui, demain ou
quand.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: Je vérifierai, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Les motions, M. le leader.
(15 h 20)
M. Charron: Je voudrais proposer, M. le Président, que la
commission parlementaire des affaires sociales qui a déjà
commencé l'étude des crédits de ce ministère puisse
poursuivre son travail à la salle 81-A, à compter de maintenant
jusqu'à 18 heures et de 20 heures à minuit, et que l'autre
commission, celle du travail, de la main-d'oeuvre et de la
sécurité du revenu, qui reçoit actuellement des
témoignages sur le projet de loi concernant le fonds minier puisse
éqalement, aux mêmes heures, au salon rouqe, poursuivre son
travail.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Affaires du
jour. M. le leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'appeler le
projet de loi au nom du ministre des Finances.
Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 6?
M. Charron: C'est l'article 6 du feuilleton.
Projet de loi no 11 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Article 6, deuxième
lecture du projet de loi no 11, Loi modifiant certaines dispositions
législatives pour donner suite à la politique budgétaire
du gouvernement pour l'exercice 1981-1982. M. le ministre des Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, le projet de loi que nous
avons devant nous comporte des modifications à plusieurs lois existantes
et on a jugé préférable de procéder ainsi
plutôt que de présenter à l'Assemblée nationale une
douzaine de lois individuelles. Nous avons procédé de cette
façon puisque, en somme, le projet de loi que nous avons devant nous est
destiné à confirmer ou à consacrer les mesures qui avaient
été annoncées à l'occasion du discours sur le
budget. S'il y a une sorte de commun dénominateur entre ces lois, je le
reconnais, assez disparates, c'est cela. C'est, en somme, la mise en
application du discours sur le budget.
Je dois reconnaître, dès le départ, que cette loi
n'est pas complète. Un certain
nombre de dispositions qui découlent du discours sur le budget
donneront lieu à des lois spécifiques. C'est ainsi, par exemple,
ainsi que le leader en parlait tout à l'heure, que la loi modifiant la
Loi sur Hydro-Québec de façon à autoriser le paiement
d'une redevance ou d'un dividende sera présentée un peu plus tard
à l'occasion de cette session. D'autre part, les dispositions juridiques
autorisant le gouvernement à payer les allocations de
disponibilité pour les femmes qui ont des enfants d'âge
préscolaire, qui découlent aussi du discours sur le budget,
donneront lieu à la présentation d'un projet de loi au
début de l'automne, ce qui est, d'ailleurs, tout à fait
compréhensible puisque cette mesure entre en vigueur au début de
l'an prochain. Donc, toutes les mesures découlant du budget ne sont pas
dans le projet de loi que nous avons devant nous, mais la plupart s'y
retrouvent.
On me permettra de ne pas entrer dans le détail - ce n'est pas le
rôle d'un discours en deuxième lecture - de chacune de ces
dispositions, elles sont assez nombreuses, assez techniques, mais elles
reflètent un certain nombre de principes importants, je pense, qui ont
été présentés à l'occasion du discours sur
le budqet et sur lesquels je me permets de revenir.
D'abord, une fois de plus, nous consacrons, à l'égard de
l'impôt sur le revenu des particuliers, deux principes importants. Le
premier, c'est celui de la déclaration annuelle d'un pourcentage
d'indexation sur les exemptions personnelles. On se souviendra qu'en 1978 nous
avions, dans le cadre de la réforme fiscale de l'impôt sur les
particuliers, annoncé que chaque année le ministre des Finances
décréterait un pourcentage d'indexation applicable aux exemptions
personnelles. Ainsi que j'ai eu l'occasion de l'annoncer dans le discours sur
le budget, cette année - enfin, l'année qui va commencer au 1er
janvier 1982, l'année d'imposition - les exemptions personnelles seront
à nouveau haussées de 7,5%.
Notre formule d'indexation à Québec est assez
différente à cet égard de celle, par exemple, qui existe
à Ottawa ou dans les autres provinces canadiennes. Mais je rappellerai
que jusqu'en 1978, d'ailleurs décalée d'un an à cause de
la fameuse querelle de la taxe de vente avec Ottawa, cette indexation des
exemptions personnelles au Québec n'existait pas. Le Québec
était la seule province qui avait refusé d'indexer les exemptions
personnelles pendant plusieurs années et qui, donc, taxait l'inflation,
littéralement. Ce qui se produisait depuis un bon nombre
d'années, en fait, depuis le début des années
soixante-dix, c'est qu'on taxait l'inflation au Québec parce qu'on
n'indexait jamais les exemptions personnelles. Bien sûr, il est
arrivé, sous le gouvernement qui nous a précédé,
que des modifications à l'impôt soient apportées, que des
réductions d'impôt, pendant un an, soient amenées, mais il
n'y avait pas de formule. Le principe même de l'indexation n'avait jamais
été reconnu.
Ce que nous avons fait, c'est d'introduire un coefficient d'indexation
chaque année, qui n'est pas automatique, bien sûr, comme à
Ottawa, qui dépend, dans une bonne mesure, des ressources dont nous
disposons en même temps que du taux d'inflation lui-même, mais nous
cherchons quand même à taxer l'inflation le moins possible. C'est
un virage important, je pense, qui a été apporté par le
présent gouvernement et qui a des conséquences, bien sûr,
sur le fardeau fiscal des particuliers.
Le deuxième principe que nous consacrons à nouveau dans le
dernier discours sur le budqet, et qui paraît dans le projet de loi que
nous avons devant nous, c'est que de temps à autre le gouvernement
annonce une réduction de l'impôt sur le revenu au-delà de
l'indexation des exemptions personnelles. On se souviendra qu'en juillet
dernier nous avions annoncé une réduction de la table des
impôts de 3%. 3% pour tout le monde, quel que soit le revenu
gaqné. Nous récidivons cette année en indiquant
qu'à partir du 1er janvier 1982 il y aura une autre réduction de
la table générale des impôts sur le revenu de 2%, ce gui
fera 5% dans un an et demi.
Bien sûr, des réductions de la table d'impôt ainsi
amenées n'ont pas de caractère automatigue particulier, cela
dépend essentiellement des sommes dont le Trésor public dispose.
Il ne faudrait pas s'imaginer que tous les six mois ou tous les ans on va,
régulièrement et automatiquement, abaisser la table
générale des impôts. Cela ne peut se faire que dans la
mesure où, effectivement, on dispose des fonds nécessaires.
Je ferai remarquer cependant que 5% de réduction dans les tables
dans un an et demi, c'est quelque chose d'assez appréciable, d'une part
et d'autre part, que ça s'applique à tout le monde. Lorsque nous
avons modifié l'impôt sur le revenu des particuliers au
Québec, en 1978, on a, dans certains milieux, accusé le
gouvernement de Québec d'avoir introduit une échelle des
impôts trop progressive, taxant trop, en somme, les hauts revenus.
À ce moment-là, on avait indiqué clairement que, bien
sûr, la progressivité de la courbe des impôts au
Québec correspond à une certaine idée que le gouvernement
se fait de l'équité sociale mais que, néanmoins, quand on
commencerait à abaisser cette table d'impôt, on l'abaisserait d'un
pourcentage identique pour tout le monde, c'est-à-dire qu'en dollars,
bien sûr, la réduction des impôts pour les revenus plus
élevés serait plus importante
que pour les autres. C'est essentiellement ce principe que nous
consacrons une deuxième fois dans le projet de loi que nous avons devant
nous.
La combinaison de cette formule d'indexation que nous avons introduite
plus la réduction des tables d'impôt donne des résultats
qui sont assez étonnants. Je voudrais ici en montrer les exemples
suivants. Imaqinons que quelqu'un qui avait gagné 15 000 $ en 1979, en
gagne, en 1982, trois ans plus tard, 20 000 $. Qu'est-ce qu'il a payé et
qu'est-ce qu'il va payer, en pourcentage de son revenu sous forme d'impôt
au Québec? Je parle ici d'un contribuable taxé comme
marié. En 1979, il aurait payé à peu près 9% de son
revenu en impôt au Québec, et en 1982, sur un revenu
augmenté - parce que l'inflation a les conséguences qu'on
connaît - aussi à peu près 9%. Donc, le pourcentage n'a pas
changé grâce aux mesures gui ont été introduites.
(15 h 30)
Imaginons que cet individu ait vu augmenter son niveau de revenu de 15
000 $ à 20 000 $ et que l'ancien système de taxation, celui qui
existait avant que nous ne le changions en 1978, ait été
simplement poursuivi, qu'est-ce qui serait arrivé? Le même
individu aurait payé, en 1979, non pas 9% de son revenu en impôts,
mais 10,8%. Et en 1982, il ne paierait pas 9% de son revenu en impôts, il
en paierait 13,3%, presque 50% de plus, M. le Président. On comprend que
ces pourcentages n'ont pas l'air d'être très élevés,
mais c'est 50% de plus ou presque. Passons à un autre registre, à
des gens qui ont un revenu un peu plus élevé. Supposons que
toujours le contribuable taxé comme marié ait gagné 20 000
$ en 1979, et qu'en 1982 son revenu, à cause d'augmentations de salaire
correspondant à l'inflation, soit passé à 26 000 $. Avec
les impôts actuellement payables au Québec en pourcentage,
à 20 000 $ en 1979, il aurait payé à peu près 12%
de son revenu en impôts et en 1982, sur un revenu de 26 000 $, a peu
près le même pourcentage.
Sous l'ancien système d'impôt, celui que nous avons
modifié, celui qui existait avant nous, il aurait payé non pas
12% en 1979, mais 13,3%. Non pas 12% en 1982, mais 15,3%. C'est dans ce sens,
M. le Président, qu'en présentant ce projet de loi, j'ai
parfaitement conscience des modifications très profondes que le
gouvernement a apportées pour réduire le fardeau fiscal
extraordinairement élevé dont les Québécois avaient
hérité en vertu de l'ancien système fiscal qui
s'appliguait à eux. Bien sûr, il y en a qui diront: La chute n'est
pas assez rapide. Bien oui. On aimerait toujours avoir davantage. On aimerait
toujours que cela puisse se faire plus vite. Je ne disconviens pas que le
fardeau fiscal des Québécois reste très lourd, reste trop
lourd, mais on ne peut pas pratiquer un virage aussi rapidement qu'en deux ans
ou trois ans. Il faut le prendre graduellement. L'important, M. le
Président, dans ce domaine, ce n'est pas, comment dire, le geste
spectaculaire gui n'a pas de lendemain, mais la persistance qui fait que
d'année en année on cherche à corriger une situation
fiscale qui, jusqu'à maintenant, à l'égard du
contribuable, avait été indiscutablement beaucoup trop
lourde.
Il y a un impôt applicable aux particuliers que, malheureusement,
j'ai dû augmenter et gui est consacré encore par cette loi que
nous avons devant nous. Il s'aqit de l'impôt sur le tabac. On
s'était entendu, il y a déjà plusieurs années, pour
que le déficit olympique, le coût des installations olympiques,
soit financé, d'une part, par les recettes venant de Loto-Canada et,
d'autre part, par un impôt sur le tabac. Comme chacun le sait, les
recettes de Loto-Canada applicables à ce déficit olympique sont
venues à échéance à la date prévue par le
gouvernement fédéral, donc, il n'y a plus de versements en vertu
de ce poste. Mais là, il n'y a pas de surprise. C'était
prévu au départ de cette façon. Bien sûr, les
montants qui ont été payés par Loto-Canada ont
été très inférieurs aussi bien aux chiffres qui
avaient été présentés à la Chambre des
communes d'Ottawa qu'à l'Assemblée nationale ici, il y a
plusieurs années, il y a bien des années.
D'autre part, les rentrées de fonds venant de la taxe sur le
tabac aussi ont été inférieures. Le résultat, c'est
que le fonds olympique n'est pas équilibré. Donc on serait
menacé, si on laissait la situation se développer comme elle se
développe à l'heure actuelle, de ne jamais rembourser la dette
olympique et de faire en sorte qu'on refinance les emprunts au fur et à
mesure qu'ils viennent à échéance. La collectivité
québécoise paierait indéfiniment, sous forme
d'intérêts, et Dieu sait si à notre époque les
intérêts sont élevés, un stade olympique dont la
dette ne s'éteindrait jamais. Il est clair qu'une situation comme
celle-là ne peut pas durer, n'est pas acceptable. C'est en vertu de
cette constatation qu'aux fins de financer le déficit du stade
olympique, de la construction olympique, plutôt, j'ai demandé
l'autorisation de porter la taxe sur le tabac de 40% à 45%. Je l'avais
établi dans le discours sur le budget et c'est consacré par le
projet de loi que nous avons devant nous. Inutile de dire évidemment que
les taxes sur le tabac gui correspondent aux changements impliqués dans
la loi que nous avons devant nous ont été applicables dès
le soir du budget et que je n'annonce pas aujourd'hui une autre hausse sur le
tabac. Nous consacrons une hausse qui est applicable depuis minuit, le 10 mars
dernier. Voilà, M. le Président, à peu près ce
qu'on peut dire
des principales dispositions applicables dans ce projet de loi aux
particuliers.
Je voudrais maintenant dire quelques mots sur la fiscalité des
entreprises. Nous avons effectivement, à l'occasion du dernier budqet,
amené une transformation très profonde dans le régime de
fiscalité des entreprises au Québec. Je vous avouerai avoir
été un peu étonné de constater que, dans les
semaines qui ont suivi le discours sur le budqet le 10 mars et à travers
toute la campaqne électorale, on ait aussi peu traité de cette
transformation dans l'impôt sur les entreprises. Il faut croire qu'il y a
certains sujets qui intéressent beaucoup les observateurs et que,
dès qu'on touche à la fiscalité des entreprises, on entre,
je ne sais pas, dans une espèce de sorcellerie qui fait que personne ne
veut y toucher.
Je dois dire qu'après maintenant trois mois francs de
dépôt de ces dispositions sur la fiscalité des entreprises
je reste sidéré de voir à quel point il y a eu
relativement très peu de commentaires. Sauf erreur, le premier
commentaire que j'ai vu dans les journaux date d'il y a un mois et demi et le
premier commentaire en cette Chambre que j'ai entendu était celui du
député de Westmount hier, je pense, ou avant-hier en
réponse au discours sur le budget. Il y a eu encore très peu de
discussions là-dessus dans notre société. Je pense que
c'est dommage, parce qu'à toutes fins utiles il y a des orientations
majeures à prendre pour nous et pour les autres provinces canadiennes
dans les années qui viennent à l'égard de la
fiscalité des entreprises. J'ai donc l'intention d'en dire quelques
mots, de revenir sur cette question et d'être un peu plus explicite.
Nous avons traditionnellement trois types de taxes sur les entreprises
qui alimentent le trésor public du Québec. Je ne parle pas des
taxes foncières municipales, évidemment; c'est autre chose. Il y
a d'abord un impôt sur les profits dont, en gros, le
fédéral récolte les trois quarts et les provinces, un
quart, un peu plus, un peu moins. Chaque province, évidemment, peut
établir son taux d'imposition comme elle l'entend. Donc, il y a des
provinces qui prennent un peu moins que le tiers, si l'on veut, de ce que
ramasse le fédéral et d'autres, un peu davantaqe, mais en gros
les proportions sont de cet ordre.
D'autre part, une taxe sur le capital a un certain degré de
généralité au Canada. L'Ontario et le Québec, en
particulier, en ont depuis fort longtemps et nous avons eu l'occasion au
Québec, il y a deux ans, de moderniser un peu cette taxe sur le capital
qui était composée d'éléments fort disparates,
hérités de l'histoire et qui n'avaient plus vraiment de
justification autre qu'historique. On avait réorganisé cette taxe
sur le capital, un peu comme l'Ontario l'avait fait un an auparavant. C'est une
deuxième source de fonds qui vient des entreprises pour le trésor
québécois.
Troisièmement, nous avons depuis fort longtemps au Québec
une contribution des employeurs au régime de santé. Ce n'est pas
une taxe dans le sens propre du mot. Lorsque cette contribution des employeurs
a été établie, il y avait une contribution des
employés du même ordre. La RAMQ, la Régie de
l'assurance-maladie du Québec, pendant fort longtemps, a
été alimentée d'une contribution venant des
employés et d'une contribution venant des employeurs, un peu selon le
même principe que la Régie des rentes. À l'occasion de la
réforme fiscale de 1978, nous avions aboli la contribution des
employés à la Régie de l'assurance-maladie et
fusionné cela avec l'impôt sur le revenu. Il est donc resté
la contribution de l'employeur. Cette contribution de l'employeur avait
déjà connu, en 1975, je pense - sauf erreur, M. le
Président - ou peut-être au début de 1976, un premier
doublement. Elle était de 0,7% des feuilles de paie et elle avait
été portée à 1,5%.
(16 h 40)
Voilà, en somme, les trois canaux par lesquels, dans l'ensemble,
les entreprises collaborent au financement du gouvernement du Québec. Il
ne fait pas de doute qu'à bien des égards il est très
difficile de justifier le niveau de l'une ou l'autre de ces contributions par
rapport aux deux autres. D'autre part, on reconnaît volontiers que
l'impôt sur les profits des corporations présente des
problèmes majeurs d'administration dans un pays comme le Canada,
essentiellement parce qu'il est trop facile pour des entreprises oeuvrant dans
l'ensemble du Canada de déplacer leurs profits ou de déclarer
leurs profits à peu près n'importe où.
Bien sûr, les gouvernements provinciaux, depuis fort longtemps, se
sont entendus sur une formule en vertu de laquelle l'on partage les profits
entre les provinces à des fins de taxation en prenant la moyenne
arithmétique de la répartition des ventes entre les provinces et
de la répartition de la feuille de paie entre les provinces pour la
compagnie en question. C'est une sorte de règle empirigue, de "rule of
thumb", comme on dit en anglais, qui n'a pas de signification
particulière, mais qui, quand même, a évité des
problèmes de double taxation entre les provinces.
Il n'en reste pas moins qu'il est loisible, il est possible pour une
entreprise oeuvrant dans la province A de déclarer l'essentiel de ses
profits dans une autre province. J'ai déjà eu l'occasion de
donner à l'Assemblée nationale des exemples assez
étonnants de compagnies de pétrole disposant de raffineries au
Québec qui ne déclaraient plus aucun profit au Québec et
qui en étaient parfaitement ravies. Elles n'avaient
pas du tout l'intention de fermer les raffineries à cause de
cela, mais simplement, parce que des "resources companies" pouvaient être
ouvertes en vertu d'une loi de l'Alberta, elles répartissaient leurs
affaires de façon que, compte tenu des "resources companies" et compte
tenu du prix d'approvisionnement du brut dans leurs raffineries de
Montréal, elles ne déclaraient pas de profits et n'avaient pas
à en déclarer au moment même où, comme compagnies,
elles faisaient les plus hauts profits de leur histoire.
Il y a ainsi un certain nombre d'anomalies qui fait que l'impôt
sur le profit des corporations n'est pas nécessairement
considéré comme le plus facile à administrer. Dans ce
sens, j'ai eu l'occasion de lire dans les journaux - je ne sais pas si
ça correspond au fond de sa pensée - certaines remarques du
député de Westmount; je dois dire que, si ce que j'ai lu est
exact, je suis parfaitement d'accord avec lui: ce n'est pas un impôt
facile à administrer.
D'autre part, je reconnais qu'il n'y a pas vraiment de logique à
des taux aussi différents que ceux que nous avons toujours connus pour
les trois contributions dont je parlais tout à l'heure. Il doit quand
même y avoir moyen d'établir une taxation plus raisonnable, plus
intelligible. C'est dans ce sens que les propositions qui ont été
annoncées dans le discours sur le budget sont entérinées
dans le projet de loi d'aujourd'hui. Tout se passe comme si nous cherchions
à établir une taxe de 3% sur chacun des facteurs de production.
Cela, ce serait relativement intelligible. Sur chacun des facteurs de
production qui entrent dans une entreprise, son degré de contribution au
trésor public serait fixé à 3%. Vous me direz: Pourquoi
pas à 4%, pourquoi pas à 2%? À toutes fins utiles, il
faut, bien sûr, s'entendre sur un niveau, mais on se dit que les facteurs
de production qui entrent dans une entreprise auront le même genre de
contribution au trésor public.
C'est ainsi que s'explique pourquoi les contributions d'employeurs ont
été montées à 3%. On peut expliquer de la
même façon que, par exemple, si on considère que la
rentabilité des entreprises à un niveau moyen de 15%, pour celles
qui font des profits, n'est pas absolument anormale, 3% de 15%, ça fait
0,45%, c'est-à-dire le taux de la taxe sur le capital que nous avons
établi pour toutes les entreprises, sauf les institutions
financières où c'est un peu plus élevé. D'autre
part, l'impôt sur le profit des corporations se retrouve à quel
niveau? Pour toutes les petites et moyennes entreprises, à 3%. Pour les
très grandes entreprises, nous allons le réduire non pas de 13%
à 3%, comme dans le cas des petites, mais, dans un premier temps, de 13%
à 5,5%, parce que si on réduisait à 3%, cela ferait
vraiment trop riche. Il faut bien comprendre que cette réorganisation de
l'impôt sur les corporations au Québec et de leur contribution
d'employeurs, que cette réorganisation ne leur est pas
défavorable. Si, en fait, d'un seul coup, on avait réduit
l'impôt sur les profits des grandes corporations de 13% à 3%,
l'ensemble du paquet que je viens d'exposer serait très riche. Elles
feraient bien plus d'argent qu'elles n'en ont fait jusqu'à
maintenant.
Déjà, la formule que nous avons proposée est
très avantaqeuse pour les entreprises au Québec. C'est
peut-être pour cela d'ailleurs qu'en pleine campagne électorale on
a vu si peu de protestations. Elle est loin d'être défavorable, au
contraire. D'autre part, elle présente une caractéristique assez
intéressante, assez amusante. Il est certain que des compagnies dont
l'essentiel de leurs affaires se trouve au Québec avaient, depuis
quelques années, pour des raisons diverses, parfois techniques, parfois
peut-être moins techniques, ouvert par exemple en Ontario, dans d'autres
provinces, des "Sales companies" auxquelles on vendait la production à
un prix tel qu'on pouvait déclarer zéro profit au Québec
et déclarer tous les profits ailleurs.
Ce genre de procédure va devenir rapidement désuet. Il est
même possible qu'on voie des "Sales companies" apparaître au
Québec. Pourtant, il ne faut pas oublier que le taux, une fois tous les
ajustements que je viens d'indiquer finis, terminés, d'impôt sur
les profits des corporations au Québec est le plus bas au Canada et un
des plus bas en Amérique du Nord. Donc, ceux qui voudraient, pour des
raisons un peu artificielles, techniques, annoncer ou déclarer leurs
profits ailleurs vont avoir à s'expliquer devant leur assemblée
d'actionnaires, parce que cela va être coûteux pour eux. J'ai comme
vaguement l'impression, M. le Président, que l'on va voir des
déclarations de profits au Québec tout à fait
exceptionnelles. Si tant est que c'est le cas, je serai le dernier à
m'en plaindre.
Donc, on change l'optique selon une formule qui, comme j'ai eu
l'occasion de le dire, n'est pas très différente de celle qui
vient de s'établir dans l'État de Michigan et gui donne
déjà des résultats qui sont très
intéressants, à défaut, bien sûr, de pouvoir
établir une taxe à la valeur ajoutée.
Je ne cacherai pas, M. le Président, qu'en un certain sens, les
propositions que nous faisons là sont une sorte d'amorce de taxe
à la valeur ajoutée qui est bien plus juste, qui existe
maintenant à peu près partout en Europe, mais qu'un gouvernement
de province ne peut pas établir tant qu'il est un gouvernement de
province. La constitution en effet nous empêche d'établir une taxe
indirecte et il est indiscutable qu'une taxe à la valeur ajoutée
est une taxe indirecte, en
vertu de la constitution. Je me contente donc de quelque chose d'un peu
analogue qui est indiscutablement constitutionnel, qui permet au gouvernement
du Québec de tirer davantage d'argent des corporations, mais qui,
d'autre part, est avantageuse pour les corporations, bien sûr pour celles
qui font des profits, dans la mesure où une partie des charges
additionnelles qu'on leur impose sont déductibles de leur impôt
fédéral.
Dans ce sens, il y a là une sorte de vase communiquant avec
l'autre gouvernement qui s'avère être éminemment utile. Que
le gouvernement de Québec puisse tirer plus d'argent, que le fardeau
réel des entreprises, compte tenu de l'ajustement par l'impôt
fédéral, soit un peu moindre, cela me semble être pas loin,
M. le Président, de la quadrature du cercle. (15 h 50)
Ceci étant dit, il y a d'autres dispositions dans la loi que nous
avons devant nous qui ne sont pas de nature aussi directement fiscale. C'est
ainsi, par exemple, que c'est dans la loi 11 qu'apparaissent un certain nombre
de modifications au régime de financement des institutions
d'enseignement privé. Mon collègue, le ministre de
l'Éducation, aura, dans le cours du débat en deuxième
lecture, à faire une intervention à ce sujet. Je pense qu'il est
plus normal que je lui laisse cette intervention plutôt que d'en faire
une moi-même sur le sujet.
D'autre part, nous avons l'intention d'amender certaines dispositions de
la loi, soit dans le domaine social, soit dans le domaine du revenu, qui vont
permettre une bien meilleure administration de ce mouvement de fonds qui existe
entre le gouvernement et ses citoyens.
Là-dessus, je m'explique. Il arrive très
fréquemment que le gouvernement ait à réclamer,
très justement d'ailleurs, des sommes à certains particuliers
qui, d'autre part, reçoivent des remboursement d'impôt. Il n'y a
pas de raison de monter deux administrations parallèles, l'une pour
payer et l'autre pour collecter, quand on pourrait faire en sorte que les
premiers montants soient défalqués des seconds automatiquement.
Il s'agit là, je pense, simplement d'une question de saine gestion qui
n'était pas possible dans le cadre existant de nos lois jusqu'à
maintenant et qui maintenant, avec la loi 11, deviendrait faisable et
possible.
Finalement, je tiens compte, dans les dispositions de la loi 11, d'une
déclaration ministérielle que j'ai eu l'occasion de faire le 12
décembre dernier, relativement à un certain nombre de
dispositions relatives à des lois concernant la vente au détail
et qui m'amènent à conclure sur ces derniers changements
apportés aux taxes de vente au Québec.
On sera peut-être un peu étonné de constater que
dans le projet qu'on a devant soi on fait état du relèvement de
100 $ à 125 $, par exemple, de l'exemption de taxe de vente pour les
bottes, c'est un ajustement que j'ai fait pour tenir compte de l'inflation.
Mais on n'y trouve pas d'allusion au fait que, depuis le 10 mars dernier, les
cuisinières et les frigidaires, par exemple, sont exemptés de
taxe de vente, parce que ça se fait en fonction d'un règlement
dont mention apparaît dans la loi; c'est donc le règlement qui
sera changé plutôt que la loi.
Ces réductions de taxe de vente du dernier budget sont aussi dans
le prolongement de ce que le gouvernement fait depuis déjà un bon
nombre d'années. Ainsi, j'ai eu l'occasion de le dire dans le discours
sur le budget, nous avons cherché depuis quelques années à
éliminer les taxes de vente sur un certain nombre de produits qui nous
paraissent essentiels pour l'ensemble de la population.
Bien sûr lorsque, certaines années, on a davantage
d'argent, on réduit ou on enlève les taxes sur des
éléments importants; lorsqu'on a moins d'argent, on les
enlève sur des éléments moins coûteux. Cette
politique très systématique, que nous avons poursuivie depuis
quelques années, vient appuyer les réductions de l'impôt
sur le revenu des particuliers.
En conclusion, M. le Président, je pourrais dire ceci: Toutes ces
taxes à l'égard des particuliers, que nous avons réduites,
y compris les allocations de disponibilité, qui entreront en vigueur au
début de l'année prochaine, ça veut dire quoi comme
réduction du fardeau fiscal des particuliers? Si on tient compte de ce
qu'aurait coûté aux particuliers du Québec la structure de
l'impôt sur le revenu des particuliers dont nous avons
hérité de l'ancien gouvernement, mais que nous avons
changée en 1978, si on avait seulement prolongé cette structure,
si on avait pris les taxes de vente telles que nous les avons eues, au moment
où nous sommes arrivés au pouvoir, et qu'on avait prolongé
cela jusqu'en 1982, combien les particuliers au Québec paieraient-ils de
plus au titre de l'impôt des particuliers et au titre des taxes de vente?
La réponse, pour 1982, M. le Président, c'est presque 2 000 000
000 $. L'effort que nous avons fait pour réduire l'impôt sur le
revenu des particuliers, que nous allons faire pour les allocations de
disponibilité, que nous avons fait pour exempter des produits de la taxe
de vente, ça représente en 1982, dans l'année qui va
commencer, à peu près 2 000 000 000 $. Ce n'est pas rien, M. le
Président; c'est le résultat d'un effort systématique d'un
gouvernement qui s'était rendu compte que, le fardeau fiscal des
Québécois étant trop élevé, il fallait
commencer à le réduire de façon aussi
systématique que possible. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je me lève seulement
sur une question de règlement. Le ministre des Finances a passé
sous silence les dispositions du projet de loi no 11 concernant l'enseignement
privé expliquant que ce serait le ministre de l'Éducation qui
parlerait au nom du gouvernement à ce sujet. S'ils sont d'accord,
l'autre côté, M. le Président, on suggérerait que le
ministre de l'Éducation fasse son intervention maintenant pour que nous
obtenions les explications nécessaires et que nous fassions nos
interventions après coup.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: II n'y a rien qu'on ne ferait pas pour vous faire
plaisir.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Camille Laurin
M. Laurin: M. le Président, les modifications que nous
proposons d'apporter à la Loi sur l'enseignement privé dans le
cadre du projet de loi no 11 s'expliquent et sont justifiées par
l'analyse que nous pouvons tous faire d'une même situation. Au moment
où nous devons effectuer, dans tous les secteurs de l'enseignement
public, un ensemble de compressions budgétaires, il n'est que juste,
selon nous, que le secteur de l'enseignement privé participe
également à cet effort, à cet effort collectif de
réaménagement de nos priorités et aussi en même
temps de rationalisation de nos ressources disponibles.
Dès le mois de février dernier d'ailleurs, le
sous-ministre de l'Éducation et le sous-ministre adjoint responsable de
ce secteur d'enseignement informaient les représentants des quatre
principales associations d'institutions privées des restrictions
budgétaires qu'elles devraient supporter dès l'année
1981-1982. Ainsi donc, M. le Président, à partir du 1er juillet
1981, les compressions budgétaires auxquelles devront se soumettre
toutes les institutions publiques et parapubliques s'appliqueront
également aux institutions du secteur privé d'enseignement.
Afin de mieux ajuster le rythme d'évolution des deux secteurs
d'enseignement, le mode de financement du secteur privé sera donc
modifié. Il ne sera plus basé sur le coût moyen du secteur
public de l'année qui précède. Les subventions aux
institutions privées seront désormais versées à
partir d'un montant per capita, fixé selon le niveau d'enseignement et
selon le type de permis détenu par chaque institution. Ces montants per
capita seront, par la suite, annuellement indexés, ajustés en
tenant compte de l'évolution du secteur public.
Je crois, M. le Président, que, si ce nouveau mode de financement
avait été effectué dans un contexte d'opulence, il aurait
été reçu avec grande satisfaction par les milieux
concernés gui, à maintes reprises et non sans raison, ont
décrié le mode de financement basé sur le coût moyen
du secteur public de l'année précédente. Car, il faut bien
le dire, la notion même de coûts moyens est tellement complexe,
imprécise, et elle a connu de si nombreuses variations depuis dix ans
que personne ne sera réellement déçu de la voir
disparaître. Nous la remplaçons maintenant par des montants
fermes, des montants précis. Ces mécanismes d'allocation
garantiront que, d'année en année, les fluctuations
observées dans le secteur public se répercuteront très
exactement et au même moment sur le secteur privé. C'est
là, incidemment, un heureux résultat du nouveau mécanisme
ou de la nouvelle formule de budget fermé qu'a instituée notre
gouvernement pour le secteur public. (16 heures)
La plupart des institutions privées nous ont déjà
signifié leurs points d'accord et de désaccord avec cette
nouvelle formule. Elles auront l'occasion à nouveau, publiquement cette
fois, d'exposer leurs inquiétudes lors de l'étude de ce projet de
loi en commission parlementaire. J'expliquerai moi-même alors la
réelle dimension de ces contraintes budgétaires. J'aurai aussi
l'occasion d'expliquer probablement plus en détail notre position lors
de la défense des crédits de mon ministère.
Les conséquences des modifications que nous soumettons porteront
non seulement sur les montants de subventions qui seront versées aux
institutions privées, mais également sur les frais de
scolarité que celles-ci seront dorénavant autorisées
à percevoir près de la clientèle. Dans le cas
d'institutions déclarées d'intérêt public, ces frais
pourront être portés jusqu'à la moitié du montant de
la subvention per capita. Dans le cas d'institutions reconnues pour fins de
subventions, ces frais pourront être égaux au montant de ces
mêmes subventions. Il s'agit d'une mesure gui permettra aux institutions
de compenser pour la diminution de la portion de leurs revenus gui leur venait
antérieurement, jusqu'ici, de l'État.
La question est sans doute délicate, mais elle mérite
qu'on s'y arrête. Nous sommes, en effet, conscients qu'il existe un point
critique au-delà duquel une mesure, bénéfique en soi,
cesse de l'être et particulièrement, en l'occurrence, du fait
que
cette mesure pourrait entraîner une baisse éventuelle de
clientèle et, par voie de conséquence, une perte de revenus pour
l'institution. Mais nous sommes, en pareille matière, dans un domaine
conjectural, aléatoire et fluctuant qui relève davantage de la
motivation des intéressés que de facteurs économiques bien
précis. Les perspectives qu'ouvrent ces modifications à la loi
nous paraissent à cet égard aussi opportunes que
réalistes; il reviendra aux institutions de s'en prévaloir
à bon escient.
Indépendamment des montants précis en cause, un principe
auquel tiennent beaucoup les institutions privées demeure: les citoyens
désireux de se prévaloir d'un enseignement privé mis
à leur disposition en parallèle avec le secteur public dans
lequel ils pourraient, d'ailleurs, trouver place pourront continuer à le
faire par une participation pécuniaire accrue. Dans le contexte
économique global du Québec et face à la situation
démographique actuelle, face à cette baisse de clientèle
que nous connaissons depuis plusieurs années dans le secteur scolaire,
il nous a paru juste d'associer le secteur privé d'enseignement aux
mesures de ralentissement des dépenses publiques. Ces modifications ne
remettent, par ailleurs, aucunement en cause le droit à
l'éducation. Elles ne restreignent pas, non plus, l'accessibilité
des enfants à l'école québécoise. Elles n'affectent
en aucune façon notre patrimoine culturel. Cependant, et nous le
concédons volontiers, ces modifications rendront pour les parents le
choix du secteur privé d'enseiqnement un peu plus astreignant, mais sans
doute mieux éclairé. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de
l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Je ne veux pas m'étendre longuement sur les
mesures de caractère fiscal qui ont été
évoquées tantôt par le ministre des Finances, sauf pour
rappeler certains points inhérents à la critique fondamentale que
l'Opposition a faite du dernier budget du ministre des Finances, en particulier
les points suivants. En ce qui touche l'impôt sur le revenu des
particuliers, j'ai noté les observations du ministre des Finances et je
conviens qu'elles contiennent une part de vérité. Je tiens
à rappeler, cependant, qu'avec l'indexation seulement partielle que nous
avons toujours au Québec le gouvernement continue de s'enrichir plus
vite que les particuliers parce que sa part de revenus à même la
croissance générale de l'économie augmente plus vite que
la part de revenus nets qui reste aux particuliers après qu'ils ont
acquitté leurs charqes fiscales.
En ce qui touche la taxe de 3% sur les entreprises, nous avons
formulé à maintes reprises, même avant le
déclenchement de la campagne électorale, les réserves que
nous inspirait l'augmentation de 1,5% à 3%. Les
prélèvements qui sont faits à même le livre des
salaires dans les entreprises pour les fins du financement du gouvernement - et
je tiens à rappeler brièvement les critiques fondamentales que
nous avons à formuler à ce sujet - sont une augmentation de taxe
véritable. Qu'on l'appelle du nom qu'on voudra, c'est une auqmentation
de taxe. On augmente la taxe sur le livre des salaires de 1,5% ce qui est
considérable. C'est une taxe qui est auqmentée d'une
manière cachée parce que l'individu, le particulier ne s'en
aperçoit pas. Finalement, nous devons tous convenir que c'est une
augmentation qui est refilée au contribuable, dans la très qrande
majorité des cas, sous la forme d'un prix accru pour les services ou les
biens qu'il veut se procurer.
C'est également une auqmentation de taxe qui risque d'être
peu économique à bien des points de vue parce qu'elle incitera
plusieurs entreprises à mettre l'accent sur les achats et les
renouvellements d'équipement et de machinerie plutôt que sur le
capital humain. On va s'apercevoir que ça coûte moins cher, dans
certains cas, de mettre l'accent sur la multiplication des équipements
plutôt que sur l'engagement de la main-d'oeuvre et il en résultera
fort possiblement, au bout de la ligne, une réduction des chances
d'emploi pour les Québécois qui sont déjà
résidents de l'une des provinces où le taux de chômage est
le plus élevé à travers tout le Canada. Nous avons vu, ces
jours derniers, que notre taux de chômage est actuellement de 10%. C'est
le taux de chômage avoué, connu. Je pense que tout le monde
convient qu'il faut ajouter une marge de 2% ou 3% pour connaître le taux
de chômage réel, tel qu'il existe dans la vie des citoyens.
C'est également une auqmentation de taxe qui frappe
indistinctement les entreprises marginales, les entreprises très
profitables. Je faisais des calculs moi-même pour une entreprise dont
j'ai eu la charge autrefois, qui pouvait avoir un total de salaires, chaque
année, de 3 000 000 $ à 4 000 000 $; cela a évolué
depuis que je suis parti, évidemment. Si vous calculez des emplois
à un salaire moyen de 20 000 $ pour une entreprise qui a un budget de
salaires de 3 000 000 $, cela fait à peu près 150 emplois, et si
vous multipliez par 1,5% les charqes qui sont ajoutées par le ministre,
cela fait 45 000 $. Cela veut dire que c'est l'équivalent de deux
emplois et une fraction qui sont atteints dans cette entreprise, qu'on le
veuille ou non. Mes calculs peuvent peut-être comporter une part
d'erreur. Je les fais à mesure que je parle. Mais vous voyez tout de
suite la marge. Je
vous assure que quand on dirige une entreprise de taille moyenne ou
petite, quand des charges supplémentaires viennent s'ajouter sous forme
de redevances fiscales plus élevées, cela se traduit très
souvent, au bout de la ligne, par une coupure d'un ou deux postes pour qu'on
soit capable de continuer à équilibrer les livres à la fin
de l'année. On ne peut pas générer des revenus aussi
facilement que se l'imagine peut-être le ministre des Finances, quand on
est dans une situation aussi serrée.
Ce mode de financement du gouvernement est évidemment beaucoup
plus sûr pour le gouvernement parce qu'il va puiser à la source
même des déboursés premiers d'une entreprise. C'est
beaucoup plus intéressant que de dépendre principalement des
profits des entreprises, surtout quand ces profits sont très
aléatoires ou très variables d'une année à l'autre.
Je pense que ça traduit, de la part du gouvernement, un refus, du moins
partiel, de s'associer aux risques qui vont avec la conduite des entreprises.
Il me semble que c'est un élément essentiel de notre
système, ça. Cette augmentation de taxe cachée nous
inspire de nombreuses réserves. J'ai écouté les
explications du ministre des Finances avec intérêt tantôt,
mais je dois lui dire qu'après l'avoir entendu, j'éprouve
l'obligation de lui faire part quand même des réserves que nous
nourrissons à ce sujet.
J'ajoute aussi que les mesures que décrit le projet de loi no 11
ne feront rien pour diminuer l'ampleur du problème budgétaire, en
particulier du déficit qui nous est annoncé dans le budget. Ces
mesures contribueront à procurer les rentrées de revenus que
prévoit le ministre, mais elles ne nous donnent évidemment aucune
garantie que le déficit non seulement ne sera pas inférieur
à celui qui a été annoncé, mais ne sera pas de
beaucoup supérieur, comme cela a été le cas sous les cinq
années de gestion du ministre des Finances. Nous anticipons, de ce
côté-ci de la Chambre que le déficit à la fin de
l'exercice devrait être supérieur à 3 500 000 000 $
comparativement aux 3 000 000 000 $ qui ont été annoncés
par le ministre. J'ai bien hâte de voir les résultats de
l'exercice qui s'est terminé le 31 mars pour voir si on est
déjà engagé dans cette voie. On les attendra avec beaucoup
d'intérêt. (16 h 10)
Je voudrais, dans ces remarques qu'il m'est donné de faire sur le
projet de loi, souligner d'une manière spéciale les lourdes
conséquences des coupures budgétaires que le ministre des
Finances a imposées d'une manière qui nous paraît, de ce
côté-ci de la Chambre ainsi qu'à des milliers de
responsables d'institutions sociales et éducatives à travers le
Québec, éminemment arbitraires et déplorables dans leurs
conséquences. Fn matière de services sociaux, je recevais ces
jours derniers une pétition signée par des centaines et des
centaines de citoyens associés à la gestion de services sociaux
dans la région de l'Estrie. Ils sont unanimes, M. le Président,
à déplorer les effets lamentables que ces coupures auront sur la
qualité des services sociaux offerts aux catégories de citoyens
qui en ont le plus besoin dans notre société. Je recevais ces
jours-ci également des représentations d'un organisme gui
m'intéresse d'une manière toute spéciale. C'est le Centre
des services sociaux de la région Laurentides-Lanaudière dont
font partie, je crois, le comté que représente le ministre des
Finances et le comté d'Argenteuil. Les responsables de ce centre de
services sociaux constatent que la région Laurentides-Lanaudière
est l'une des plus mal pourvues de tout le Québec en matière de
services sociaux et sanitaires. Si l'on compare la proportion de la population
que contient cette région, environ 8%, et la proportion que la
région reçoit sous forme de budgets affectés à des
services sociaux et sanitaires, l'écart est considérable et
particulièrement aigu dans le cas du comté d'Argenteuil en ce qui
touche les services aux personnes âgées, les soins à
domicile et les services de cliniques externes au Centre hospitalier de
Lachute. Évidemment, les coupures que nous impose le ministre des
Finances ne contribueront aucunement à réduire cet écart
qui existe et qui est déploré par tous ceux qui sont
engagés dans l'action sociale ou sanitaire dans la région. Au
contraire, elles contribueront peut-être à l'accentuer. En tout
cas, elles contribueront sûrement à priver les citoyens de cette
région de services auxguels ils ont un droit rigoureux. C'est une
égalité de traitement à laquelle leur droit est absolument
incontestable.
Dans le domaine de l'enseignement, nous allons parler
particulièrement, à l'occasion du débat sur le projet de
loi no 11, des coupures qui sont infligées dans le secteur de
l'enseignement privé, pour une raison assez évidente, c'est qu'il
en est question de façon explicite dans le projet de loi 11 et qu'on ne
traite pas dans ce projet des coupures qui sont imposées dans le reste
du secteur de l'éducation. Je voudrais cependant souligner avec force
que les secteurs que le ministre et son collègue, le ministre de
l'Éducation, ont choisis comme centres d'intérêt pour les
coupures qu'ils ont décrétées ne nous apparaissent pas
spécialement judicieux. Les coupures que l'on fait dans le secteur de
l'éducation des adultes, en particulier, provoquent à travers
tout le Québec une protestation que je qualifierais de très
générale, sinon d'unanime. Il me semble que nous avons fait un
effort immense depuis une quinzaine d'années pour
donner à l'éducation des adultes et à
l'éducation permanente la place qui leur revient dans un système
d'éducation moderne. Aujourd'hui, c'est par douzaine et douzaine de
milliers que les adultes participent non seulement aux cours de formation
professionnelle, mais aux cours d'éducation populaire et de
développement personnel et social mis à leur disposition par des
commissions scolaires, des cégeps également et les
universités. Avec les coupures très importantes qui sont faites
de ce côté par le gouvernement, je pense que le Québec
risque d'enregistrer des reculs lamentables qu'il aurait pu éviter
facilement. Je suis d'accord avec le ministre sur la nécessité
d'effectuer des coupures dans le secteur des affaires sociales. Mais il me
semble que son souci d'économie était moins prononcé quand
il signait des conventions collectives avec les syndicats avant le
référendum. Il me semble qu'on a fait à ce
moment-là des concessions très importantes et très
coûteuses et qui ne semblaient pas arracher au ministre des Finances les
mêmes cris de désespoir que ceux qu'on a entendus depuis un mois
ou deux en particulier. Il me semble que, si on veut procéder de
manière rationnelle et avec des résultats durables et
justifiés, il faudra qu'on reprenne le problème à la
source, c'est-à-dire là où les conséquences
budgétaires sont énormes et très difficiles à
justifier. Qu'on prenne le problème à la source,
c'est-à-dire en réexaminant certaines dispositions de nos
conventions collectives qui créent, sans que les
intéressés l'aient voulu systématiquement ou
délibérément, des coussins artificiels dans certains
secteurs de l'appareil public au Québec qui sont les vraies sources de
dépenses excessives.
Quand on va chercher des coupures sur le dos des élèves
qui suivent des cours d'éducation des adultes, sur le dos de certaines
communautés culturelles, les enfants de certaines communautés
culturelles qui avaient accès aux classes d'accueil et qu'on prive de
cet accès sous prétexte qu'ils n'appartiennent pas à telle
ou telle catégorie très étroitement et même
mesquinement définies par le ministre, quand on prive les enfants de
certaines régions des soutiens pédagogiques ou de services
sociaux dont ils ont besoin pour avoir une participation pleinement fructueuse
à la vie scolaire, il me semble qu'on commet une action très
grave, une action extrêmement déplorable, surtout quand elle vient
d'un gouvernement qui se fait un point d'honneur de promouvoir la justice
sociale et les objectifs d'égalité des chances pour tous. Il me
semble que ces trois domaines dans lesquels on a effectué des coupures
n'étaient pas ceux qu'on aurait dû choisir. Je crois que, si le
gouvernement avait consulté beaucoup plus systématiquement et
beaucoup plus loyalement les organismes intéressés, il aurait pu
les amener à formuler des propositions qui auraient permis de trouver
des secteurs plus indiqués pour ces coupures nécessaires.
Quand on a une situation où nos coûts d'enseignement -
là-dessus, je souscris tout à fait à certaines choses qu'a
déjà dites le ministre des Finances - sont beaucoup plus
élevés que ceux de la province voisine, alors que la province
voisine a un revenu per capita plus élevé que le nôtre par
une marge sensible, c'est évident qu'il y a des ajustements à
faire au bout de la ligne, qu'on ne peut pas continuer comme cela
indéfiniment. Mais je trouve que les secteurs qu'on a choisis ont
été très mal choisis et, avant qu'il soit trop tard, il
faudrait procéder à des révisions importantes de ce
côté-là. Je pense que ces révisions pourraient
être envisagées dans un esprit de bonne foi. Nous, l'Opposition,
serions prêts à collaborer à cette fin, et il me semble
qu'avant de laisser tomber le couperet sur tous ces services qu'on menace
actuellement de réductions, encore une fois, arbitraires et
extrêmement regrettables on devrait procéder à un nouvel
examen.
Je voudrais aujourd'hui, étant donné l'importance que le
projet de loi no 11 consacre à cette question, m'arrêter de
manière plus élaborée aux parties du projet de loi qui
traitent des subventions à l'enseignement privé. Ainsi que nos
concitoyens le savent, l'enseignement privé a toujours occupé,
dans l'histoire éducative et culturelle du Québec, un place
très importante. Autrefois, il occupait toute la place dans le secteur
secondaire et dans le secteur universitaire. Avec la grande réforme
effectuée par les gouvernements libéraux au début des
années soixante, l'accent a été mis de plus en plus sur le
développement d'institutions publigues. À tous les niveaux de
l'enseignement, on constate aujourd'hui que les institutions du secteur public
jouissent d'une très grande prépondérance par rapport
à celles du secteur privé.
Lorsqu'on a créé le ministère de
l'Éducation, vers 1962, si mes souvenirs sont exacts, le
législateur avait beaucoup insisté à l'époque pour
inscrire, dans le préambule même de la loi qui créait le
ministère de l'Éducation, des dispositions précises
garantissant le droit des parents à une certaine liberté de
choix. On a beaucoup insisté pour inscrire dans ce préambule
même le droit de tout enfant de bénéficier d'un
système d'éducation qui favorise le plein épanouissement
de sa personnalité, le droit des parents de choisir les institutions
qui, selon leurs convictions, assurent le mieux le respect des droits de leurs
enfants. (16 h 20)
On a aussi garanti, toujours dans le préambule de la loi
créant le ministère de l'Éducation, le droit des personnes
et des
groupes "de créer des institutions d'enseignement autonomes et,
les exigences du bien commun étant sauves", le droit de ces personnes et
de ces groupes "de bénéficier des moyens administratifs et
financiers nécessaires à la poursuite de leurs fins."
J'entendais tantôt le ministre de l'Éducation nous dire que
le droit d'accès à l'éducation demeure
intégralement reconnu par le gouvernement. Nous savons tous que ce sont
des protestations platoniques qui ne veulent rien dire tant qu'on ne descend
pas au niveau des voies et moyens, tant qu'on ne vérifie pas
concrètement la gualité et l'ampleur des moyens mis à la
disposition des uns et des autres pour favoriser le développement des
enfants suivant le choix qui a pu être fait par les parents.
Par rapport au projet de loi qui a été
déposé, le ministre de l'Éducation disait tantôt sur
le ton onctueux qu'on lui connaît: II y a des gens qui nous ont
signifié leur accord sur certains points du projet de loi. Il y en a
d'autres gui nous ont signifié leur désaccord sur d'autres points
et, ensuite, on passe à autre chose, le problème est
réglé. Le problème n'est pas réglé, M. le
ministre. Je vais vous donner seulement communication d'un certain nombre de
messages que nous avons reçus du côté de l'Opposition ces
derniers jours pour vous montrer que c'est une situation beaucoup plus
aiguë que vos propos de tantôt pouvaient le laisser entendre
à la population. Je donne lecture d'un certain nombre de messaqes, parce
que c'est bon que ces gens sachent qu'au moins leurs messages ont
été reçus, lus et considérés avec attention
et respect.
Copie d'un télégramme adressé à M.
René Lévesque: "Contestons projet de loi 11. Demandons commission
parlementaire pour discuter projet. Population québécoise n'a
jamais demandé politique nuisible à l'école privée.
546 000 signatures ont déjà demandé maintien loi 56.
Diminution des élèves de l'école privée
égale augmentation des dépenses publiques, surplus de
dépenses pour le ministère des Finances. Jeanne-D'Arc Desmarais,
parent à l'École progressive Inc."
Un autre message ici au sujet du projet de loi no 11. "Nous refusons la
loi qui par doubles coupures - nous en parlerons tantôt -veut
écraser l'enseignement privé. Nous avons participé
à une pétition contenant 546 000 signatures demandant le maintien
de la loi 56 - j'en dirai un mot tantôt - nous refusons cette loi injuste
pour les parents du Québec. L'Association des parents du Collège
Notre-Dame de Montréal, par Maurice et Monique Blake."
Un autre message ici - cela va intéresser spécialement le
ministre des Finances, il a dû le recevoir celui-là aussi. Il
vient d'un M. Yvon Rivest, président de l'Association des parents des
étudiants du
Collège de L'Assomption. Cela se lit comme suit: "Nous sommes
extrêmement déçus, M. le ministre - c'est un message qui
était adressé au ministre des Finances, d'ailleurs -des
modifications à la Loi sur l'enseignement privé contenues dans le
projet de loi no 11. Lors d'une rencontre récente, vous nous avez
pourtant affirmé qu'il n'était pas guestion de coupures dans les
subventions à l'enseignement privé." Cela devait être
pendant la campagne électorale. "Ces modifications, qui signifieraient
pour notre collège seulement une perte supérieure à 130
000 $, sont inacceptables pour plusieurs raisons. En voici quelques-unes." Je
pense, d'ailleurs, que c'est le collège où le ministre de
l'Éducation a fait ses études aussi. Il vient de ce
côté, de même que mon collèque, le
député de Jean-Talon. "L'enseignement privé coûte
moins cher à l'État que l'enseiqnement public. Cela a
été formellement reconnu par vous-même lors de notre
rencontre. Deuxièmement, nous devons déjà payer en frais
de scolarité une forte part des coûts de l'enseignement.
Troisièmement, les dépenses sont déjà plus
comprimées dans le secteur privé que dans le secteur public et
cela pour une éducation qui est en général de meilleure
qualité qrâce au dévouement de nos administrateurs et de
nos professeurs. Nous espérons fortement que l'injustice de ces
modifications ne sera pas léqalisée et que le gouvernement
abandonnera définitivement toute velléité de diminuer les
subventions à l'enseignement privé."
Un autre ici: "Nous devons faire connaître notre désaccord
total face à votre politique concernant les maisons d'enseiqnement
privées. Comité de parents du Collège Sainte-Anne de
Lachine."
Un autre ici gui vient de la présidente de l'Association des
parents du Collège Mont-Saint-Louis à Montréal. "M. le
chef de l'Opposition, nous avons été informés d'un projet
mis de l'avant par le gouvernement pour réduire le financement
gouvernemental des institutions privées. Le montant équivalent au
pourcentage des coûts réels non défrayés par la
subvention gouvernementale est déjà très
élevé et représente un fardeau financier important pour
les parents. Au lieu de chercher à réduire les subventions
à ces institutions, il faudrait plutôt les augmenter de
façon à ne pas rendre l'enseignement privé prohibitif pour
trop de parents et risquer de perdre cette voie complémentaire
essentielle au secteur public. "L'Association des parents du Collège
Mont-Saint-Louis vous exhorte à vous opposer à ce projet de
réduction du financement des institutions privées et vous
suggère de recommander une augmentation légère du
pourcentage de financement actuel." C'est de Mme Lucille Albert.
Il y en a un autre de la même veine
ici, de M. Jean Leclerc, président de l'Association des parents
du Collège Sainte-Marcelline, à Montréal. Je ne peux pas
tous les lire, parce que ça prendrait toute la période qui m'est
accordée, M. le Président, et je voudrais revenir sur les
arguments fondamentaux que nous voulons porter à l'attention du ministre
et du gouvernement.
Il y en a un qui me paraît important parce qu'il vient des membres
du conseil d'administration d'un des collèges les plus importants et des
plus respectés de la région de Montréal, le Collège
des Eudistes: "Les membres du conseil d'administration vous demandent d'user de
votre autorité - je pensais que c'était adressé au
ministre et non à moi, ils auraient dû mettre "de votre peu
d'influence auprès du gouvernement", mais en tout cas! - pour
arrêter l'acheminement du projet de loi no 11 concernant l'enseignement
privé et faire en sorte qu'une commission parlementaire soit
établie - ce n'est pas seulement une petite audition de passage qu'ils
demandaient, c'est beaucoup plus que ça - afin d'entendre les
différents groupes de la population concernés par ce projet."
Le comité de parents de l'école secondaire Marie-Rose de
Montréal. L'Association des parents de l'école Marie-Clarac. Les
membres de la Fondation Jean-Eudes. Les parents du Collège des
Eudistes.
Le président de l'Association des parents du Collège de
Montréal: "Nous protestons vivement contre le projet de réduction
des subventions aux écoles privées et exigeons le respect de la
loi 56..." Et ça continue, il y en a encore un bon nombre d'autres. Je
voudrais vous en lire seulement une couple pour finir, parce qu'ils
m'apparaissent plus significatifs encore.
Je reçois une lettre du directeur général du
Séminaire de Saint-Georges-de-Beauce: "M. le député, le
projet de loi no 11, s'il est adopté, mettra en danger la survie de
plusieurs institutions privées au Québec. C'est le sort qui
attend le Séminaire de Saint-Georges si ce projet n'est pas
retiré ou amendé considérablement. Il est donc primordial,
dans les circonstances, qu'une commission parlementaire soit tenue et que
toutes les parties impliquées puissent se faire entendre avant qu'on ne
statue sur leur sort. Je vous demande donc, au nom du Séminaire de
Saint-Georges, de faire toutes les démarches nécessaires pour que
les partisans de l'enseignement privé obtiennent la convocation de la
commission qu'ils réclament." Et c'est signé par M. Jean-Marie
Derouin, prêtre, directeur général du Séminaire de
Saint-Georges.
L'autre lettre me vient de tout le personnel de soutien, personnel
enseignant et personnel cadre du Collège d'Arthabaska, situé
évidemment à Arthabaska, lettre qui a été
adressée au ministre de l'Éducation et dont copie m'a
également été adressée: "Depuis la prise du pouvoir
par le Parti québécois, en 1976, on nous promet une
révision de la Loi sur l'enseignement privé et on nous renvoie de
Caïphe à Pilate, et voilà que, sous le couvert de
décisions administratives et budgétaires, la montagne accouche
d'une souris ou ne serait-ce pas d'un caméléon? La
présente veut vous souligner notre profond désaccord avec le
projet de loi no 11, dans ses aspects touchant l'enseignement privé.
Nous ne pouvons accepter que les droits fondamentaux des parents quant au libre
choix de l'école de leur enfant, soient emportés dans le
même coup de balai qui double la contribution d'employeurs à la
Régie de l'assurance-maladie du Québec et qui augmente le prix du
tabac. Nous ne pouvons accepter que l'arbitraire devienne le principe de base
du financement de l'enseignement privé, en laissant un tel pouvoir
discrétionnaire au gouvernement dans la détermination du montant
de base."
On pourrait continuer indéfiniment. Je pense que d'autres
messages vont continuer à nous parvenir ces jours prochains, mais
l'énumération, comme on le dit, en bonne logique, est suffisante
pour justifier et démontrer l'existence d'un problème très
sérieux.
Ce qu'il y a de non moins grave dans ce qu'on nous annonce, c'est que
les nouvelles normes dont on prétend se servir pour réduire les
contributions gouvernementales à l'enseignement privé
entraînent des conséquences extrêmement inégales
d'une institution à l'autre et d'un type d'institution à
l'autre.
J'ai sous les yeux des notes qui ont été
préparées par l'Association des collèqes du Québec,
ça comprend les institutions privées de niveau collégial.
On nous dit, dans ces notes, que les collèges privés, qui
dispensent l'enseignement professionnel, subissent des conséquences
beaucoup plus lourdes que les collèges qui dispensent uniquement
l'enseignement général. C'est tout de même assez paradoxal
parce que, pendant longtemps, les adversaires de l'école privée
lui ont reproché de ne pas s'intéresser à l'enseignement
professionnel, de s'adonner à l'enseignement général qui
était beaucoup plus facile. (16 h 30)
II y en a qui ont fait des efforts très importants de ce
côté-là - nous aurons l'occasion de citer un certain nombre
de ces institutions - et voici qu'elles se font dire: Ce n'est pas de ce
côté-là que Sa Majesté le ministre de
l'Éducation et son collègue, le ministre des Finances, voulaient
que vous alliez. Ils veulent que vous restiez confinés dans
l'enseignement général pour que peut-être l'on puisse vous
dire dans dix ans: Vous êtes seulement dans l'enseignement
général;
évacuez donc la place complètement.
Dans le secteur de l'enseignement professionnel, je pense que certains
de mes collègues qui interviendront à d'autres stades du
débat pourront faire la démonstration des coupures énormes
qui vont être encourues dans le secteur de l'enseignement professionnel
si le projet de loi s'applique dans sa conception actuelle.
J'ai sous les yeux l'exemple d'une institution et je pense que cela vaut
la peine de le mentionner. Je ne nommerai pas l'institution à ce
stade-ci parce qu'il est fort possible qu'elle soit appelée à
comparaître plus tard ou qu'on en parle de manière plus
détaillée. Je reqarde les chiffres de ses états financiers
et ses prévisions budgétaires pour la dernière
année et l'année qui s'en vient. Si elle avait dû financer
l'année 1981-1982 sous l'empire de la loi no 56, Loi sur l'enseignement
privé, comme elle existe, c'est-à-dire 80% du coût moyen
par élève pour l'exercice précédent, elle aurait eu
droit à des subventions de l'ordre d'environ 8 000 000 $. Sous le
régime qu'annonce le projet de loi no 11, elle aura droit à des
subventions de 7 000 000 $, c'est-à-dire une coupure de 1 000 000 $.
Alors, 1 000 000 $ sur 8 000 000 $, si je compte bien, cela fait près de
14%. En tout cas, le calcul est facile à établir. Mais si vous
estimez que le budget total de l'institution est de l'ordre d'environ 10 000
000 $, cela fait une perte sèche de 1 000 000 $ qui arrive de
manière très imprévue. Il y a peut-être eu un
avertissement général comme celui dont parlait le ministre de
l'Éducation tantôt, mais cela arrive de manière très
imprévue au moment où cette institution - et les autres sont
également dans la même situation - est liée par des
contraintes budgétaires découlant des conventions collectives qui
ont été signées il y a un certain temps et par d'autres
contraintes découlant du fait qu'elle a déjà
procédé à l'inscription des élèves pour la
prochaine année et du fait aussi qu'elle doit subir les augmentations de
coûts qui interviennent dans les achats de services et de biens dont elle
a absolument besoin pour fonctionner. Il faut qu'elle se procure des biens de
toutes sortes dont le prix augmente au moins au taux annuel de l'inflation. Ce
qu'on lui propose comme solution à son problème, c'est une
réduction considérable. Les responsables de cette institution
assurent que dans le contexte où on va les obliger à fonctionner,
cela va entraîner des conséquences très graves pour le
fonctionnement de l'institution. Il restera à voir ce que seront ces
conséquences. Mais je pense qu'on doit se rendre compte qu'un bon nombre
d'institutions privées sont dans une situation déjà
très serrée. Il y a un seuil marginal dans ces choses-là
qu'on ne peut pas dépasser impunément. On peut toujours dire
qu'on va couper encore un peu, mais il arrive un moment où vous
n'êtes plus capable de couper sans rogner les services essentiels et,
à ce moment, c'est souvent la survie même d'une institution qui
est mise en cause, comme le disait tantôt le directeur du
Séminaire de Saint-Georqes-de-Beauce.
Je crois que le gouvernement n'a pas mesuré soigneusement les
conséquences de sa politique. J'ai été très
étonné, en écoutant le ministre de l'Éducation
tantôt, de voir la pauvreté des explications qu'il a fournies sur
les barèmes qui sont présentés dans le projet de loi. Le
ministre nous considère peut-être comme des supergénies de
ce côté-ci de la Chambre. Il pense peut-être que nous
pouvons comprendre seulement quand il nous donne des assurances. Mais nous
voulons savoir avec précision d'où sont venus ces montants qui
sont inscrits dans le projet de loi et comment ils peuvent se justifier de
manière rationnelle. Nous voulons d'autant plus le savoir qu'on nous dit
que, pour l'avenir, ces montants seront sujets à révision par le
gouvernement, à révision annuelle, sous l'empire de
critères qui nous en promettent de belles s'ils devaient être
appliqués intégralement. Le gouvernement se garde des portes de
sortie qui lui permettront de faire à peu près n'importe
quoi.
Je pense que c'est une politique tout à fait inacceptable et qui
l'est d'autant plus, M. le Président, qu'elle survient dans un contexte
où l'on s'attendait à tout autre chose de la part du
gouvernement. Je tiens à dire que de ce côté-ci de la
Chambre, nous ne voulons en aucune manière défendre une
catégorie particulière de citoyens. Si l'école
privée était, à nos yeux un type d'institution qui
s'adresse de manière exclusive ou privilégiée aux enfants
qui ont été favorisés par la fortune, par le milieu
familial dans sa dimension matérielle, nous aurions de très
sérieuses réserves. Quand nous étions au pouvoir, nous
avons indiqué à maintes reprises que telle était notre
conception des choses, mais des enquêtes abondantes ont
démontré qu'au moins les 4/5 de la clientèle des
institutions privées se recrutent aujourd'hui parmi les enfants des
milieux de classe moyenne, de classe ouvrière, des milieux très
ordinaires qui sont largement représentatifs de la société
québécoise dans son ensemble.
Si nous tenons à l'enseignement privé, notre programme est
clair de ce côté-là, il n'y a pas d'ambiguïté
dedans, on n'est pas obligé de prendre les versions qui se
succèdent une année après l'autre, suivant les
intérêts du parti; nous avons une position nette. Si nous croyons
à la nécessité de l'enseignement privé, c'est parce
que nous croyons important d'avoir dans notre système d'enseignement un
certain élément d'émulation. Je dirai tantôt, de
manière plus
précise, quelle est la politique de notre parti dans ce secteur.
Nous croyons à la nécessité d'un élément
d'émulation. Nous gardons la priorité au secteur public; il n'est
pas question, dans notre esprit, qu'on ouvre un régime de libre
concurrence parfaite en vertu duquel un jour l'enseignement privé
pourrait en venir, en principe du moins, à supplanter l'enseignement
public; pas du tout, nous voulons que l'enseignement privé continue
à prospérer à l'intérieur de certaines limites qui
aident à préserver la priorité du secteur public.
Cela étant dit, nous voulons, par exemple, qu'il ait une chance
véritable et, surtout, que les parents qui veulent pour leurs enfants un
type d'éducation comme celui que peut procurer l'enseiqnement
privé aient la chance d'y envoyer leurs enfants sans avoir l'impression
d'être pénalisés doublement et triplement pour avoir commis
l'erreur de ne pas penser comme M. Tout-le-Monde ou comme ces messieurs et
dames du gouvernement. C'est parce que nous croyons à la
nécessité d'une certaine liberté de choix, d'une certaine
émulation dans notre système d'enseignement que nous croyons
qu'il faut accepter un secteur privé dans notre système
d'enseignement et nous le croyons d'autant plus facilement que
déjà ce système d'enseignement privé a fait ses
preuves dans notre histoire. C'est un des éléments qui ont
contribué au développement du peuple québécois
d'aujourd'hui et qui contribuent encore très précieusement
à bâtir des hommes et des femmes d'ici qui joueront, plus tard, un
râle très important dans notre société. Par
conséquent, il n'est pas question de diminuer l'importance du secteur
public, il n'est pas question de favoriser une classe particulière de
citoyens, ce sont des valeurs plus profondes encore qui sont impliquées
là-dedans. Nous croyons que nous avons tout intérêt, pour
la qualité de notre démocratie, à avoir de ce
côté-là une politique franche, juste et vraiment
démocratique.
Ceci est un projet de loi déguisé; c'est cela. Les
paragraphes consacrés à l'enseignement privé, dans le
projet de loi no 11, sont un amendement déguisé à la loi
56. On a eu la loi 56 il y a déjà plusieurs années. Si mes
souvenirs sont bons, c'était au temps de l'Union Nationale; il y avait
eu beaucoup de discussions dans la population; l'enseignement privé
avait été laissé, par la réforme de
l'éducation du début des années soixante, dans une
situation plutôt incertaine. En 1968, les députés de cette
Chambre, à l'unanimité, adoptaient un projet de loi qui
consacrait la place de l'enseignement privé dans notre système
d'enseignement québécois. Cela s'appelait la loi 56 et on
garantissait des subventions raisonnables aux institutions d'enseignement
privées suivant trois catégories différentes sur
lesquelles il n'y a pas lieu de s'attarder présentement.
Le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir en 1976, dans un
climat d'ambiguïté profonde. D'un côté, il voulait
plaire parce que, pour gagner des élections, il paraît qu'il faut
chercher à plaire; d'un autre côté, il avait un programme.
Dans ce programme, il était dit en toutes lettres qu'il fallait se
débarrasser des institutions privées d'enseignement, que cela
nuisait, que ce n'était pas bon; il fallait se débarrasser de
cela le plus vite possible. Il a fallu essayer de trouver un compromis entre
ces deux attitudes: plaire au public pour rester solidement accroché au
pouvoir et, deuxièmement, essayer de réaliser ses convictions. On
a fait avec l'enseignement privé un peu ce qu'on a fait avec la
souveraineté-association, on a joué avec. On a essayé de
mêler les esprits, on a confondu les choses, on a tergiversé, on a
tourné autour du problème sans jamais faire face de front.
Je pense que certains de mes collègues pourront rappeler de
manière plus détaillée toutes les
valses-hésitations de l'ancien ministre de l'Éducation qui a
passé son temps à promettre, mois après mois, semestre
après semestre, année après année, qu'un livre
blanc sur l'enseignement privé s'en venait. Il répétait
cela partout à travers le Québec. Que de fois il l'a dit dans
cette Chambre ici, en réponse à des questions qui lui
étaient posées par les députés de l'Opposition:
Cela s'en vient! À un moment donné, on était rendu presque
au sommet. Imaginez que le livre était rendu à l'examen de
l'ancien ministre du Développement culturel. C'est lui qui était
le vrai ministre de l'Éducation dès ce temps, nous disait-on. Il
est devenu le ministre de l'Éducation en titre depuis ce temps et il n'a
pas davantage accouché. On n'est pas plus avancé quant à
la politique de fond du gouvernement en ce qui touche l'enseignement
privé. Mais là, le jupon vient de dépasser avec le projet
de loi no 11. Ce qu'on nous annonce dans le projet de loi no 11, c'est bien
plus important que toutes les belles phrases lénifiantes qu'on aurait pu
mettre dans un beau livre blanc enrubanné de belle rhétorique
comme est capable de nous en présenter le ministre de
l'Éducation.
Là, on a les intentions véritables du gouvernement. Quand
on veut connaître les intentions d'un gouvernement, on regarde de quel
côté vont ses préférences en matière
financière, en matière budgétaire, en matière de
partage des ressources et des fonds publics. Avec ceci, on procède avant
la lettre, avant même que le gouvernement ait annoncé sa politique
sur l'enseignement privé, à des réductions
budgétaires, à des coupures qui vont bien au-delà de ce
qu'on avait annoncé et qui contribuent déjà à
amorcer cette espèce de réduction de l'espace occupé par
l'enseignement privé qu'on soupçonne le
gouvernement de vouloir instituer, au fond.
Vous savez, M. le Président, cela fait déjà cinq
ans que ne peut pas se créer une institution d'enseignement
privée au Québec. On a décrété un moratoire
là-dessus. Il n'y a pas de pire manière d'étouffer petit
à petit un secteur que de lui dire: Vous ne pourrez plus innover, vous
ne pourrez plus créer d'institutions, vous ne pourrez plus bouger. Les
anciens, on nous dit: Trésors historiques, trésors
accumulés au cours des âges. On ne touchera pas au Collège
de Montréal, les Sulpiciens, peut-être au petit séminaire
de Québec. Il paraît que cela fait partie de notre histoire et des
belles courbettes qu'on doit faire de temps à autre à
l'autorité religieuse. Cela paraît bien, mais ce n'est pas cela,
le respect de l'enseignement privé.
Ce n'est pas seulement d'aller faire des pèlerinages au petit
séminaire. C'est de reconnaître la liberté de créer
des institutions pourvu qu'on réponde à des normes, à des
critères objectifs définis clairement et explicitement dans une
loi. Cela fait cinq ans qu'on leur dit: Pas d'affaire, "no trespassing", comme
on dit, pas droit de passage ici pour vous autres. Faites ce que vous voudrez,
vous êtes libres, mais ne traversez pas la rue et ne venez pas nous
créer d'institutions parce qu'au conseil général du Parti
québécois cela ne fera pas l'affaire d'une bonne bande de gens
qui veulent se débarrasser de ces institutions. Là, on les
entretient actuellement en leur disant: Vous savez, on ne peut pas sortir cela
tout de suite parce que c'est dangereux, c'est explosif. Mais au moins,
consolez-vous, on ne leur permet pas de se développer trop. On les garde
en laisse. Avec le temps, elles vont finir par se fatiguer de ça et on
finira par avoir le dessus.
M. le Président, je demande au gouvernement de se rendre compte
que ce n'était pas la place dans ce projet-ci pour nous présenter
un projet comme celui qu'on nous soumet en matière de réduction,
des subventions aux institutions privées. Il aurait au moins fallu avoir
la décence, me semble-t-il, de présenter un projet de loi
distinct qui aurait été l'objet d'une discussion en bonne et due
forme qui aurait permis d'aborder tout le problème de la politique
gouvernementale à l'endroit des institutions privées au lieu de
la dissimuler là dans les trois ou quatre dernières pages d'un
projet de loi extrêmement technique. Comment, en vertu de quelle logique,
peut-on nous présenter ce problème dans ce projet-ci où on
nous parle de la taxation des entreprises dans ses dimensions les plus
hautement techniques, de la réduction de la taxe de vente sur certains
produits comme les chaussures, par exemples, et ces choses-là?
Il me semble que les choses de l'éducation devraient être
traitées dans un tout autre contexte que celui-là. Ou bien cela
témoigne, de la part du ministre des Finances, d'une emprise beaucoup
plus grande qu'on ne le pensait sur l'ensemble de l'appareil gouvernemental.
C'est une vraie démission de la part du ministre de l'Éducation
de venir se présenter en deuxième, avec un petit couplet
d'à peu près dix minutes après le ministre des Finances.
Ou cela témoigne, je ne sais pas, d'une inconscience du
côté du gouvernement du niveau auquel il faut aborder ces
questions extrêmement graves pour la qualité de notre vie
collective.
M. le Président, je voudrais terminer cette intervention en vous
disant, encore une fois, que, du côté de l'Opposition, nous tenons
par-dessus tout à la qualité de l'enseignement pour tous les
enfants, pour les citoyens de tous les milieux sociaux du Québec. S'il
existe des régions et des milieux - et il y en a beaucoup - gui n'ont
pas le même niveau de revenus, de prospérité ou de chances
que les citoyens d'autres régions ou d'autres milieux, nous voulons
qu'il y ait des programmes d'égalisation des chances - cela a toujours
été la politique libérale - qui permettent à chacun
d'avoir accès à des chances optimales de développement de
sa personnalité.
Cela étant dit, nous croyons que notre système
d'enseignement privé est un rouage dans cet ensemble de services que
nous voulons mettre à la disposition de nos concitoyens, un rouage
important, un rouage essentiel qui contribue à l'amélioration du
secteur public. On en voit souvent, dans le secteur public, qui disent: Si cela
n'existait donc pas, le secteur privé, on pourrait avoir tout ce monde
dans l'enseignement public! Avec l'existence du secteur privé, cela
oblige au moins les responsables du secteur public à s'interroger. Cela
les oblige à se demander si, parfois, ils ne pourraient pas
améliorer les normes de qualité de ce côté-là
aussi et, éventuellement, la solution au problème logique qui se
pose - en logique, j'admets qu'il y a un problème auquel on ne peut pas
trouver de solution parfaite - viendra du relèvement des normes de
l'enseignement public. Plus l'enseignement public atteindra à des normes
exigeantes, plus la tendance des citoyens à se tourner vers les
institutions privées pour la formation de leurs enfants sera
contrebalancée par des avantages considérables qu'ils trouveront
du côté du secteur public, ne serait-ce qu'au point de vue de leur
portefeuille et de leur budqet familial. Aussi longtemps que nous n'en sommes
pas rendus là et vu la très grande rapidité avec laguelle
nous avons procédé au développement du secteur public au
Québec, c'est très sain et même nécessaire qu'il
continue d'exister un secteur privé et je voudrais, s'il continue
d'exister, qu'on le traite avec équité, de manière
raisonnable, de même avec une générosité comme
celle
dont est capable le Québec et, en particulier, son
gouvernement.
Je vous le dis encore une fois, si on avait dit: II faut une
réduction, par exemple, de l'ordre des réductions qu'on effectue
dans d'autres secteurs du gouvernement - on a parlé de 4%, par exemple -
si on avait dit: II faut une réduction de cet ordre, si on avait
rencontré des responsables du secteur pour discuter avec eux des points
d'application possible d'une politique comme celle-là, je pense qu'il y
aurait eu moyen de s'entendre. Je ne viens pas recommander ici qu'on continue
de traiter le secteur privé exactement comme s'il n'y avait pas de crise
budgétaire et financière dans le gouvernement du Québec -
il faut tenir compte de ces contraintes - mais je dis que la manière
dont on procède, comme celle avec laquelle on a procédé
à l'endroit des secteurs vitaux du domaine public dont j'ai parlé
tantôt, est inacceptable.
Dans le cas de l'enseignement privé -je termine par ceci, M. le
Président - c'est une coupure à deux niveaux qu'on fait.
Déjà, quand ils étaient autorisés, en vertu de la
loi 56, à toucher 80% des dépenses moyennes encourues par
étudiant l'année précédente dans le secteur public,
tout de suite il y a 10% d'augmentation qui viennent de l'inflation, à
tout le moins, des charges accrues qu'ils n'auraient pas imputées. Ce
n'est pas 80% sur les frais de l'enseignement public cette année. C'est
80% sur les frais de l'enseignement public l'année
précédente. Par conséquent, c'est peut-être quelque
chose qui est de l'ordre de 75% à 76%, mais là, en venant ajouter
une deuxième coupure à celle-là, on réduit les
subventions réelles à l'enseignement privé de je ne sais
pas quel pourcentage exact. On va avoir l'occasion de l'établir en
commission parlementaire, le peu de commissions parlementaires qu'on aura.
Certains de mes collègues en parleront avec plus de précision,
mais c'est sûrement un pourcentage qui va être supérieur
à 10%, dans l'ensemble.
Or, encore une fois, je le dis: Avec les obligations accrues qu'ils ont,
ils ont des conventions collectives comme les autres. Allez demander à
un syndicat d'enseignants ou d'employés de soutien s'il va accepter une
coupure de 10% dans le budqet des salaires pour l'année prochaine, il va
dire non. Le Québec est peut-être mal pris, mais nous ne pouvons
accepter cela. Et ils auront raison, M. le Président. Cela veut dire
qu'on les oblige à effectuer des coupures de personnel. Jusqu'où
peut-on aller dans cette voie? Je pose la question, encore une fois, au
ministre des Finances et à son collègue - j'allais presque dire
son sous-ministre, en l'occurrence le ministre de l'Éducation, parce que
le ministre de l'Éducation s'est comporté comme un
véritable ministre subordonné, dans ce débat,
jusqu'à maintenant, et dans la manière dont on a conçu
toute l'opération -je leur demande à tous les deux d'examiner
cette affaire à tête reposée. Je leur offre la
collaboration loyale de l'Opposition pour les aider à découvrir
certains aspects, certaines conséquences de ce programme auxguels,
apparemment, ils sont demeurés étrangers, indifférents ou
absents jusqu'à maintenant. Je vous remercie, M. le Président.
(16 h 50)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: M. le Président, la présente
année financière, qui a commencé le 1er avril 1981 pour se
terminer le 31 mars 1982, sera sous le signe de l'efficacité. Je
m'explique. Il faudra faire en sorte de donner les mêmes services
essentiels, et même en améliorer un certain nombre, avec un budget
qui augmente moins vite que le coût de la vie.
Le gouvernement avait plusieurs choix. Premièrement, il aurait pu
décider d'augmenter les impôts et les taxes soit pour
accroître les services et/ou diminuer le déficit, ce qui nous a
paru impensable puisque les Québécois paient déjà
trop d'impôt et que l'inflation vient déjà gruger une
partie de leurs revenus.
Deuxièmement, il aurait été possible aussi
d'augmenter le déficit pour investir davantage en diminuant les
impôts et les taxes. C'est ce que nous avons fait au cours des
dernières années afin de stimuler l'économie, encourager
le développement et combattre le chômage. Les résultats
témoignent de la justesse de notre décision. Mais cette
année les choses se présentent différemment. En premier
lieu, la relance économique semble démarrer. Que l'on pense
à la construction commerciale à Montréal qui bat tous les
records, aux investissements majeurs de la Reynolds au Lac-Saint-Jean, à
Pétromont sur la rive sud, pour n'en nommer que quelques-uns, à
nos exportations qui ont doublé depuis trois ans et à notre
agriculture qui progresse sans cesse.
Donc, il nous apparaît évident que le secteur privé
est maintenant en meilleure position et, dans bien des cas, grâce
à l'intervention du gouvernement du Québec. Il nous
apparaît aussi évident que les nôtres se sont pris en main,
se développent rapidement et que nous savons comment utiliser au maximum
nos avantages économiques, par exemple, l'électricité. De
plus, l'augmentation constante et effarante du taux d'intérêt sur
leguel, malheureusement, le Québec n'a aucun contrôle, a aussi
fait que nous ne pouvions retenir ce second choix.
Troisièmement, on aurait pu maintenir les impôts et les
taxes au niveau de mars
1981 et garder le déficit à 3 000 000 000 $, mais, comme
je l'ai dit précédemment, cette solution aurait eu pour effet de
diminuer le pouvoir d'achat des contribuables, principalement les plus
démunis, et de ralentir l'économie.
Nous avons donc choisi la solution suivante qui consiste à
plafonner le déficit à 2 900 000 000 $ et, en même temps,
à baisser les impôts et les taxes pour permettre à la
population d'en avoir un peu plus pour faire face à l'inflation, mais,
en même temps, à imposer des restrictions budgétaires
partout où c'est possible. Il ne faut surtout pas oublier que plus de la
moitié du budget du Québec est utilisée en salaires et ne
peut être diminuée, sans compter que ces salaires sont
indexés. Il nous faut donc économiser là où c'est
possible dans les secteurs compressibles seulement. Il faut surtout se rappeler
que nous travaillerons en priorité au développement
économique au cours des prochaines années. Il est donc
indispensable de favoriser des dépenses à caractère
économique, d'où la nécessité d'améliorer
notre système.
Déjà, il est décidé de diminuer le nombre de
fonctionnaires dans la fonction publique tout en respectant, bien entendu, les
conventions collectives. Nous ne remplacerons pas ceux qui partent, quand c'est
faisable, bien entendu.
Évidemment, tous les services essentiels seront maintenus et
même améliorés où l'on peut le justifier. M. le
Président, il ne faut pas oublier que le gouvernement du Québec a
tout de même un budget de plus de 20 000 000 000 $ pour l'année
financières 1981-1982. L'important consiste à les dépenser
de la façon la plus efficace possible, en tenant compte de
l'augmentation des coûts, des priorités gouvernementales et des
besoins de la population, besoins qui changent constamment.
Si dans les années soixante-dix l'âge de la population et
les retards exigeaient un effort constant dans l'éducation, il est
à prévoir que les années quatre-vingt se
caractériseront par l'économie, l'aide aux personnes
âgées et l'encouragement à la natalité. C'est tout
à fait normal, puisque la population vieillit, les besoins ont
chanqé mais, par contre, il faut prévoir la relève et
l'avenir.
À ceux qui nous reprochent de couper dans l'éducation et
les affaires sociales, je réponds deux choses: premièrement, les
restrictions budgétaires s'appliquent à tous les
ministères; deuxièmement, si cela paraît plus et pire dans
les secteurs de l'éducation et des affaires sociales, c'est que ces deux
ministères à eux seuls comptent pour près de 60% du budget
du Québec. Je suis certain qu'il est possible d'obtenir la même
qualité dans les écoles malgré une progression des revenus
moins élevé que prévu. Il s'agit pour les commissions
scolaires de couper dans les dépenses qui n'affectent pas
l'étudiant directement. Chez nous, des écoles seront
fermées et je crois sincèrement que cela n'affectera pas la
qualité de l'enseignement.
Ici, j'aimerais un peu faire l'historique de l'éducation des
adultes ou des cours parascolaires qui sont présentement
dispensés par les commissions scolaires. Alors que certains cours, au
début, étaient donnés par des groupes sociaux ou des
organismes privés, à cause du fait que les commissions scolaires
pouvaient facilement réclamer des budgets pour différents
programmes, ces dernières se sont approprié ces cours. Ainsi,
elles se sont substituées à d'autres qui, souvent, le faisaient
de façon bénévole ou à des coûts moins
élevés. Il me semble aussi facilement acceptable que, pour
réduire l'effet des restrictions budgétaires pour les cours aux
adultes, l'on augmente le nombre d'élèves par classe. Si l'on
accepte que dans les classes régulières le jour il y ait entre 25
et 30 élèves, il serait normal que l'on demande la même
chose pour les adultes, le soir. Surtout quand on sait que ceux qui suivent des
cours le soir le font librement et avec intérêt. Je peux parler
par expérience parce que j'en ai suivi au moins pendant cinq ou six ans
de suite.
De plus, en ce qui concerne les classes d'accueil de
prématernelles anglophones, non seulement je trouve normal qu'elles
soient arrêtées, mais j'estime qu'elles auraient dû
l'être bien avant puisqu'elles vont à l'encontre de la loi 101,
alors qu'on n'en a même pas du côté francophone. Je crois
qu'il sera possible de passer à travers la période de
décroissance dans le domaine de l'éducation, d'augmentation du
nombre de personnes gui atteignent l'âge de la retraite, sans trop de
difficulté majeure et sans pénaliser les plus démunis
comme tentent de le faire croire les membres de l'Opposition, cela, grâce
aux engagements électoraux du Parti québécois, qui
prouvent que, pour le gouvernement actuel, c'est pour les plus démunis
qu'on veut bien travailler. À preuve, la loi sur d'accessibilité
à la propriété, qui sera en vigueur bientôt, et le
choix pour le travailleur de décider du moment de prendre sa retraite
et, bien entendu, de lui en donner les moyens; le bon de 3000 $ pour nos jeunes
diplômés qui ont de la difficulté à se trouver un
emploi; la poursuite, déjà commencée depuis quelques
années, de la baisse des taxes et des impôts, pour les
années à venir, pour les plus bas salariés; les
prêts de 50 000 $ sans intérêt aux nouveaux agriculteurs et,
ce, pour assurer une relève agricole québécoise. (17
heures)
Tout ceci sans compter tout le train de mesures qui seront
appliquées par le gouvernement pour développer de plus en
plus nos industries, afin de combattre le chômage, comme le temps
partiel permanent, et aussi, la mesure ouvrant le marché des actions
à la petite et à la moyenne entreprise et, dans le même
souffle, donnant la possibilité aux employés d'acheter des
actions de leur employeur en profitant d'exemptions fiscales.
Il y a aussi toutes les politiques en relation avec l'environnement, qui
nécessitent d'énormes déboursés et qui
créeront de nouvelles entreprises. Ces politiques viendront aussi
améliorer notre façon de vivre.
Pour réaliser ces objectifs, il faut prendre les moyens
nécessaires. Le budqet actuel en est un; un budqet de compression dans
les domaines jugés moins prioritaires, pour les consacrer à
d'autres évalués plus importants. Ce budget, la population en a
été informée et elle l'a approuvé le 13 avril
dernier.
Nous allons donc l'appliquer et aussi tenir nos engagements. Ce n'est
certainement pas en parlant de marasme, en rapportant les mêmes arguments
tous les jours, en remettant la cassette que nous allons travailler plus
efficacement au développement du Québec, mais c'est en continuant
à développer de nouvelles activités prometteuses et
ouvertes sur l'avenir. Pour ce faire, il faut mettre en valeur notre potentiel
humain, utiliser nos richesses naturelles.
M. le Président, je me permets d'inviter tous mes concitoyens du
Québec, principalement ceux qui ont un rôle important à
jouer, tant au niveau gouvernemental, financier, industriel, syndical que
social, à collaborer pour que les prévisions budgétaires
actuelles soient respectées.
Il est certain que nous devrons être plus modérés
dans nos demandes et, dans certains cas, plus patients dans la
réalisation de nos objectifs. Nous en sortirons tous plus forts
collectivement, si nous agissons de façon responsable.
En terminant, M. le Président, je voudrais vous rappeler que
l'avenir se bâtit aujourd'hui. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, l'avenir se bâtit
aujourd'hui? Il semble que le Parti québécois ne soit pas
très fort en construction. Il se bâtit aujourd'hui en coupant dans
l'éducation. C'est en effet à titre de critique en matière
d'éducation pour l'Opposition officielle que j'aimerais dire quelques
mots à propos du projet de loi no 11, non pas en ce qui concerne le
train de mesures fiscales nécessitées par le budqet
présenté il y a quelques mois à l'Assemblée
nationale, mais relativement aux dispositions du projet de loi no 11 qui
tendent à modifier la loi no 56, Loi sur l'enseignement Drivé. On
pourrait parler des coupures. En fait, on peut même parler des coupures
en matière d'éducation dans le secteur public puisque le nouvel
article 14.1, tel que proposé par l'article 32 du projet de loi, nous y
donne ouverture, mais je laisserai à mes collègues le soin de le
faire. En ce qui me concerne, étant donné que le projet de loi
veut modifier spécifiquement la Loi sur l'enseignement privé,
j'aimerais expliquer quelles sont les conséquences des coupures
proposées par le ministre des Finances.
Tout d'abord, ce qui a peut-être surpris un certain nombre de
députés, c'est la réaction que nous avons eue des milieux
intéressés immédiatement, directement par l'enseignement
privé. On aura des raisons, des motifs, des explications à cette
réaction absolument catégorigue contre le projet de loi no 11. Il
y a deux raisons: les conséquences sur la qualité de
l'enseignement au Québec, en particulier, de l'enseignement
privé, et la méthode hypocrite utilisée par le
gouvernement pour en arriver à ses fins.
Tout d'abord, pour ceux qui l'ignorent, il serait bon de rappeler
quelques statistiques, quelques chiffres concernant l'enseignement
privé. Ainsi, vous avez des institutions privées au niveau
prématernel, quelques-unes seulement, au niveau de la classe
régulière de la maternelle, à peine 1600
élèves; au primaire, nous montons à 8085
élèves - je parle des chiffres de 1979-1980, ils sont,
évidemment, un peu dépassés dans la classe
régulière, pour les institutions subventionnées, et 5700
pour celles gui ne sont pas subventionnées.
Au secondaire, il y a un saut important. Nous retrouvons 63 750
élèves dans les institutions subventionnées et seulement
2600 dans celles qui ne sont pas subventionnées. Donc, on a un total
précollégial de 74 000 élèves dans les
écoles subventionnées et de 10 000, environ 11 000, dans les
écoles non subventionnées. C'est pour 1979-1980. Cela se compare
à environ 85 000 en 1975-1976. C'est à peu près le
même nombre, sauf que dans les écoles subventionnées il y
en avait 70 000 en 1975-1976 et, maintenant, il y en a 74 000. En 1975-1976, il
y en avait 15 000, maintenant on est rendu à 10 000.
Donc, nous avons affaire à un important groupe d'enfants,
d'adolescents et, par voie de conséguence, de parents
intéressés à l'enseignement privé. Il y a un
important groupe d'enseignants aussi, de gens responsables, de directeurs, de
directrices, de gens qui ont consacré leur vie à I'enseiqnement.
Nous retrouvons aussi, dans ces institutions, des monuments historiques. Nous
retrouvons ce qui a construit le Québec
d'avant 1960 et même d'après 1960 parce que l'enseignement
privé, s'il s'est fait doubler par l'enseignement public depuis lors, a
toujours continué à contribuer à éduquer nos
jeunes.
On parle donc d'un groupe important de la population. Ce ne sont pas
seulement des millionnaires, 74 000 enfants. Au niveau collégial, on
parle de 14 747 enfants pour cette année-là. Donc,
clientèle régulière, clientèle stable,
contrairement à la clientèle publique qui diminue à cause
de la dénatalité, et clientèle importante en nombre et en
tradition qui mérite, comme tous les autres citoyens, d'être
traitée justement et équitablement par le gouvernement. (17 h
101
Mais pourquoi cette levée de boucliers contre le projet de loi no
11 alors qu'il y a des coupures partout? Il y a des coupures dans
l'éducation dans le secteur public; on sait jusqu'à quel point
ça fait mal dans le secteur de l'éducation des adultes, par
exemple. On y reviendra lors de l'étude des crédits du
ministère de l'Éducation. Il y a même un débat
public, apparemment, qui sera tenu bientôt à ce sujet. Alors,
pourquoi ne pas couper aussi de la même façon dans le secteur
privé? La première raison, je l'ai donnée: Oui, coupez.
Comme le chef de l'Opposition le disait, on accepterait sûrement des
coupures. S'il faut se serrer la ceinture à cause de l'incurie
administrative de ce gouvernement depuis cinq ans, bien oui, tout le monde doit
se la serrer. Mais il faut remarquer, tout d'abord, que la clientèle du
secteur privé ne diminue pas. Donc, l'argument de réduction de la
clientèle que le ministre de l'Éducation invoque pour le secteur
public - le ministre des Finances aussi - n'existe pas dans le secteur
privé.
Autre conséquence c'est ce que ça va créer dans
chacune des institutions. Par exemple, il y a un communiqué de presse
qui a été publié par l'Association des collèges du
Québec très récemment, à la suite du
dépôt du projet de loi no 11. Le titre est: "Le gouvernement du
Québec met en péril l'enseignement colléqial
privé." C'est assez sévère comme jugement. Ce n'est pas
nous, de l'Opposition, qui le portons, ce jugement; c'est un organisme
responsable, un organisme qui regroupe les collèges privés de
tout le Québec. Il explique qu'au niveau professionnel, de
l'enseignement collégial professionnel... C'est très important de
souligner cet aspect parce que, comme le chef de l'Opposition le disait, les
tenants de l'exclusivité pour le secteur public, c'est-à-dire
ceux qui veulent voir disparaître le secteur privé, ont toujours
accusé ce dernier de ne pas consacrer assez de ressources à
l'enseignement professionnel. Or, c'est celui qui est le plus touché, le
plus blessé par les coupures du ministre des Finances.
Ainsi, dans les matières biologiques, la subvention par
étudiant en 1980-1981, montant de base et valeur locative moyenne, est
de 4511 $; avec le projet de loi no 11, 3592 $, c'est-à-dire une
diminution de 20%. 15% dans les matières physiques, 15% dans les
sciences humaines. On parle de baisse chaque fois, de réduction nette,
sans tenir compte de l'inflation, en dollars constants. 16% dans les
matières administratives et 16,59% dans les arts et lettres. Donc, on
enlève de l'argent à ces secteurs. On ne leur dit pas:
Réduisez votre rythme de croissance. On ne leur dit pas:
Ralentissez-vous. On leur dit: Enseignez moins, coupez les salaires des
professeurs ou bien augmentez, jusqu'à les doubler, les frais de
scolarité.
Vous avez la même chose pour les collèges reconnus pour
fins de subvention. Ce que je viens de vous donner, c'était pour les
collèges déclarés d'intérêt public.
L'Association des collèges du Québec explique dans son
communiqué que les collèges privés sont doublement
pénalisés. En effet, la subvention, d'après la loi 56,
pour l'année courante est établie d'après le coût
moyen de l'enseignement public du même niveau de l'année
précédente. Déjà, il y a un décalage de 10%
parce qu'ils reçoivent de l'argent seulement un an plus tard alors que
l'inflation a augmenté les coûts.
Mais dans le cas du projet de loi no 11, pour l'année qui s'en
vient, 1981-1982, qui commence en septembre pour l'enseiqnement, on prend
encore comme année de base non pas 1980-1981 qu'on vient de terminer,
mais 1979-1980. Il y aura donc deux années d'inflation gui ne sont pas
reflétées dans les subventions, dans les chiffres de base
proposés par le projet de loi no 11; donc, ils sont doublement
pénalisés.
Le communiqué continue: En 1981-1982, les collèqes
privés doivent faire face à une augmentation des traitements de
leur personnel d'environ 18%, selon les échelles de salaires
néqociées par le gouvernement, etc. Il conclut que le
gouvernement du Québec brime effectivement le droit des personnes et des
groupes, force les collèges privés à ne pas respecter les
engagements déjà pris à l'endroit de leur personnel et de
leurs étudiants pour 1981-1982.
Effectivement, pour l'année qui commence en septembre, les taux
de frais de scolarité ont été établis. Maintenant,
ils devront soit exiger des taux plus élevés, jusqu'à les
doubler dans certains cas, ou à couper le salaire des professeurs ou les
augmentations ou faire des déficits, mais ils n'ont pas les moyens de
faire des déficits. Comment voulez-vous qu'ils les paient? Leur
principale source de revenus, c'est encore la subvention.
M. le Président, l'inconséquence pour l'enseignement
collégial privé, je prends celui-là, c'est la même
chose ailleurs, prenons le Collège Marie-Victorin. Le Collège
Marie-Victorin est un collège très important, comme
plusieurs autres, 2446 étudiants, dont 1135 à l'enseignement
professionnel, et 1311 à peu près également divisé
- à l'enseignement général. La réduction, la perte
totale de subventions pour ce collège, en 1981-1982, comparativement
à l'année gui se termine, est de 16% de moins. 16% parce que le
Collège Marie-Victorin, répondant à l'appel, à
l'invitation de certains, avait investi davantage de ses ressources dans le
professionnel, et comme c'est le professionnel gui est pénalisé,
le Collège Marie-Victorin est encore plus pénalisé. Il en
va ainsi pour à peu près tous les collèges, à peu
près dans les mêmes proportions.
Il y a un autre cas, une autre conséquence sur laguelle
j'aimerais attirer l'attention des députés du Parti
québécois en particulier. J'aimerais qu'ils lisent le
communiqué de presse de l'Association des institutions de niveaux
pré-scolaire et élémentaire du Québec qui dit ceci:
"L'Association des institutions de niveaux pré-scolaire et
élémentaire du Québec dénonce les coupures
budgétaires décidées par le gouvernement du Québec
dans le secteur de l'enfance inadaptée et qualifie d'inhumaines les
conséguences de ces coupures pour fins de chacune des onze institutions
privées spécialisées en enfance inadaptée. On
gualifie même de triste farce les prétentions
sociales-démocrates du gouvernement guébécois actuel.
L'association tient en particulier à informer le premier ministre, M.
René Lévesgue, que ses référeuses fréguentes
aux plus démunis de nos concitoyens - j'entendais le
député de Shefford tout à l'heure dire que c'est le plus
démuni que le gouvernement veut favoriser, ceux gui ont acheté
des maisons de 40 000 $ et plus - demeureront lettre morte ou pire, cynisme de
politiciens aux yeux de milliers de citoyens si son gouvernement devait
maintenir ces coupures dans le secteur de l'enfance inadaptée. "En
effet, les onze institutions privées gui, au Québec, sont
spécialisées en enfance inadaptée reçoivent au
total environ 1500 enfants et adolescents gui, tous, présentent,
à des degrés divers, des troubles d'apprentissage ou de
comportement. Ces difficultés d'apprentissage ou de comportement vont de
perturbations socio-affectives jusqu'à la déficience mentale
grave." Il s'agit donc d'enfants parmi les plus démunis de tous les
enfants du Québec, M. le député de Shefford. "Pourguoi
sont-ils regroupés dans ces institutions privées? Pourguoi ces
enfants ne sont-ils pas accueillis au secteur public? La réponse est
tragiquement simple, poursuit le communigué. L'immense majorité
de ces enfants est amenée à ces onze institutions par des
organismes de toutes sortes, généralement des organismes publics.
Les contribuables guébécois, les députés et
ministres et la population doivent savoir, en effet, que ce sont des
commissions scolaires incapables de dispenser les services
spécialisés requis par l'état de ces enfants qui les
réfèrent aux institutions privées d'enfance
inadaptée. Ce sont aussi des hôpitaux qui réfèrent
ces enfants à ces institutions. Ce sont des directions de la protection
de la jeunesse gui réfèrent ces enfants à ces institutions
privées. Ce sont des travailleurs sociaux, des centres de services
sociaux qui réfèrent ces enfants, les plus démunis, dans
ces institutions privées. On peut donc constater que l'existence
même de ces onze institutions privées spécialisées
en enfance inadaptée, loin d'être un luxe, constituent un service
public absolument irremplaçable." Et le communiqué -
j'espère que tous les députés gui l'ont reçu l'ont
lu - poursuit en disant que les coupures vont donner un coup mortel aux
services que ces institutions rendent à la population. (17 h 20)
M. le Président, l'enseignement privé fait partie de notre
histoire. C'est le rapport Parent gui, après une situation où ce
sont les institutions privées gui assuraient presque exclusivement
l'accès aux universités, a changé, grâce à la
révolution tranguille, cette situation, mais en décembre 1968, la
loi 56 qu'on veut amender avait été adoptée unanimement,
reconnaissant le secteur privé comme étant un
élément, un actif précieux pour tous les
Québécois.
En 1973, il y a eu des variations dans l'occupation, la
fréguentation de ces institutions. En 1976, le Parti
québécois arrive au pouvoir et il a dans son programme: "Un
gouvernement du Parti québécois s'engage à consacrer aux
seules institutions publigues les sommes actuellement dépensées
pour l'enseignement élémentaire, secondaire et collégial."
Est-ce assez clair? Cela a pris un peu temps, mais on a commencé
à les étouffer. Là, c'est le premier geste, sauf qu'en
1977, ils ont changé un peu et là, ils parlent
d'intégration progressive du secteur privé au secteur public dans
le respect du choix libre garanti par la diversité des écoles.
Qu'est-ce que cela veut dire? On intègre et ensuite on peut choisir
entre les deux? C'est tellement obscur que personne ne peut dire si le Parti
québécois, actuellement, est en train d'appliquer son programme
ou simplement de poursuivre une idéologie imposée par certains de
ses éléments les plus radicaux. Il y a eu un moratoire pendant
cette période. On n'a pas accordé de nouveaux permis et il y a eu
une pétition de 546 000 signatures de parents gui a été
remise au premier ministre du Québec en 1977. Elle demandait à
l'État de respecter la liberté des parents d'envoyer leurs
enfants à l'école de leur choix.
En 1977, le gouvernement du Québec
annonçait son intention de revoir la loi et depuis ce temps, il y
a eu une farce tragique: 19 mai 1977, décembre 1977, 18 mai 1978, 19 mai
1978, 15 décembre 1978, 14 février 1979, 25 avril 1979... Je n'ai
pas le temps de vous donner toutes les citations. À toutes ces dates,
c'est le ministre de l'Éducation qui nous annonce une politique, mais
une vraie politique de l'enseignement privé. Je vais vous en lire une,
celle du 14 février 1979. Le ministre de l'Éducation, M.
Jacques-Yvan Morin, disait: "Nous aurons devant nous un document qui suivra le
cheminement qu'ont connu, par exemple, le livre vert sur l'enseignement
primaire et secondaire ainsi que l'énoncé politique sur les
collèqes." C'est-à-dire que c'est un document qu'on rend public,
dont on discute et pour lequel on fait des commissions parlementaires où
on invite les gens à venir dire ce qu'ils en pensent. Or, le
gouvernement a décidé de procéder autrement. Il l'a
décidé en fin de session, quelques jours avant l'ajournement,
à la fin d'un projet de loi qui parle de taxe sur le tabac et de toutes
sortes de choses semblables, présenté non pas par le ministre de
l'Éducation, - il n'est pas là, le ministre de
l'Éducation; tout à l'heure, il nous a chanté une petite
chanson de quelques minutes seulement, comme si ce n'était pas de ses
affaires et il est parti - mais par le ministre des Finances qui coupe dans
l'enseignement privé. Le ministre de l'Éducation n'est pas
là. Fin de session, fin d'un projet de loi, aucune consultation. Il a
fallu arracher une petite commission parlementaire d'une heure et demie, deux
heures, jeudi prochain, pour faire quoi? Pour étudier toute la question
de l'enseignement privé au Québec, toute la politique de ce
gouvernement sur l'enseiqnement privé, promise depuis cinq ans sous
forme d'un livre vert, avec consultation.
M. le Président, on pourra toujours, pour une raison ou pour une
autre, être pour ou contre l'enseignement privé. En ce qui
concerne le Parti libéral, nous croyons que c'est un acquis pour
diverses raisons expliquées tout à l'heure par le chef de
l'Opposition. Mais au moins, qu'on ait le courage d'en discuter franchement, de
convoquer les gens et de ne pas les tromper. Cessons le mépris. J'invite
le gouvernement à cesser le mépris dont il a fait preuve dans ce
projet de loi pour tenter d'escamoter le débat qui mérite
d'être fait et que chacun des Québécois mérite
d'obtenir. J'invite donc le gouvernement à y songer à nouveau
d'ici jeudi.
Nous allons, comme le chef de l'Opposition l'a dit - je termine
là-dessus -offrir notre collaboration, mais rappelez-vous, messieurs les
députés péquistes, que, si vous réussissez ce que
vous vous proposez de faire, vous allez faire du secteur privé un
secteur de privilégiés que seules les personnes fortunées
auront le droit d'utiliser. C'est cela, quand on prend des décisions en
fonction d'une idéoloqie, quand on essaie d'imposer à une
société un système tout fait d'avance. Cessez de
mépriser la population dans votre façon de procéder,
faites preuve de franchise et remettez à plus tard, à l'automne,
donnez à la population les quelques mois qui viennent, le temps de faire
le débat sur l'enseignement privé et vous aurez, à ce
moment-là, la collaboration de l'Opposition; autrement, vous ne l'aurez
pas.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président, j'ai trouvé assez
étonnant de voir les interventions du chef de l'Opposition et du
député de Marguerite-Bourgeoys porter presgue uniguement sur la
question de l'enseignement privé. On a devant nous un projet de loi qui
vise à accorder au gouvernement les crédits de tous les
ministères pour l'année financière en cours, y compris le
ministère de l'Éducation, et je pense qu'à
l'intérieur du budget du ministère de l'Éducation il y a
énormément de secteurs dont on aurait pu parler. Si, comme le dit
le chef de l'Opposition, son principal objectif est l'égalité des
chances, je pense qu'il y a d'autres sujets dont on aurait pu discuter.
Puisque le chef de l'Opposition a fait porter les trois quarts de son
discours sur l'enseiqnement privé, je pense que cela mérite que
nous précisions le plus clairement possible notre position face au
financement de l'enseignement privé au cours de la prochaine
année. Tout d'abord, sur le plan des principes, nous reconnaissons aux
citoyens le droit à l'enseignement privé, le droit de mettre sur
pied des écoles privées et de les faire fonctionner, le droit d'y
envoyer leurs enfants. Ce n'est aucunement le principe du libre choix qui est
en cause. D'ailleurs, dans la plupart des pays du monde, et dans huit provinces
canadiennes sur dix, il n'y a aucune subvention aux écoles
privées, ce qui n'empêche pas ces provinces et ces pays de
reconnaître à leurs citoyens le droit à l'enseignement
privé.
À ce point de vue, il n'est pas du tout scandaleux que par cette
loi, dans un contexte de compressions budgétaires
générales gui affectent tous les ministères du
gouvernement et tous les secteurs dans le domaine de l'éducation, le
financement, par exemple, des institutions d'enseignement
déclarées d'intérêt public passe de 80% à
76%. Je pense qu'il n'y a rien de scandaleux quand on se rend compte
qu'à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, à
l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, la
province voisine, au Manitoba et en
Colombie britannique ce n'est pas 76% des frais de l'enseignement
privé qui sont subventionnés par le gouvernement, c'est 0%.
Ce qu'il y a dans ce projet de loi, ce n'est pas une question de
principe, ce n'est pas une question de libre choix ou non à
l'enseignement privé, c'est une question d'unité du
système scolaire. (17 h 30)
En 1966, dès le début de la réforme de
l'enseignement des années soixante, la commission Parent
énonçait le principe suivant, et je vais vous citer un extrait du
rapport de la commission Parent qui disait ceci: "La contribution de
l'enseignement privé à tous les niveaux doit désormais se
situer dans le cadre d'un système scolaire cohérent,
structuré, organique, elle doit obéir aux règles de la
planification du développement scolaire, aux exigences de la
coordination de l'enseignement dont est responsable le ministre de
l'Éducation pour le secteur public et le secteur privé. Le
système d'enseignement ne peut plus se passer par pièces
détachées, par secteurs plus ou moins étanches. Nous avons
suffisamment plaidé en faveur de l'unité du système pour
qu'il ne soit pas nécessaire d'y revenir, sinon pour souligner que c'est
dans cette perspective d'ensemble que la place et le rôle de
l'enseignement privé doivent être envisagés."
M. le Président, il serait paradoxal qu'au moment où, dans
la foulée de l'école québécoise, nous
réduisions les cloisonnements à l'intérieur des
écoles publiques par l'élimination des voies au secondaire, par
l'intégration des enfants handicapés dans les classes
régulières, nous considérions qu'il y a au Québec
deux systèmes scolaires, un système public et un système
privé qui seraient soumis à des normes différentes de
financement.
Il y a plusieurs études du ministère de
l'Éducation, je pense, et nos amis de l'Opposition doivent être au
courant, j'imagine, de ces études, qui démontrent très
clairement que, jusqu'à maintenant, le secteur privé était
avantagé, simplement par le mode de financement basé sur les
coûts moyens du secteur public de l'année
précédente. Bien sûr, cet avantage peut être
différent d'une institution à l'autre. Mais si on regarde
l'ensemble au niveau secondaire -et j'ai ici les chiffres pour quatre
années, mais la tendance s'est continuée par la suite - là
où se trouve concentrées la plupart des institutions
d'enseignement privé, on retrouve que les subventions per capita, par
étudiant, au secteur public, en 1970-1971, étaient de 517 $ et,
dans le secteur privé, de 607 $. En 1971-1972, c'était 554 $ au
public et 736 $ au privé. En 1972-1973, c'était 688 $ au public
et 774 $ au privé. En 1973-1974, c'était 744 $ au public et 838 $
au privé.
La tendance se continue et s'est continuée depuis ce temps. Ce
qui veut dire que non seulement il y a une liberté de choix de principe,
ce que personne ne va mettre en cause, non seulement il y a un financement du
secteur privé plus adéquat, plus grand, puisé à
même les fonds publics au Québec, quand on sait qu'il y a huit
provinces sur dix où il n'y a aucun financement à l'école
privée, mais, en plus, nous subventionnons, par étudiant,
davantaqe le secteur privé que le secteur public. Il y a une raison
assez simple à cela; je pense que, dans les institutions privées,
tout le monde sait que les options professionnelles, par exemple, sont
nettement sous-représentées. Ce sont les enseignements les moins
coûteux qui s'y donnent. Bien sûr, en basant le financement des
institutions privées sur le coût moyen des institutions publiques,
même si on tient compte de certains facteurs - ce n'est pas aussi simple
que cela, la formule de financement - il est assez normal que, sur une telle
base de financement, les institutions privées soient financées de
façon plus élevée que les institutions publiques.
M. le Président, ce n'est donc pas une question de principe et,
si on veut parler d'égalité des chances, je trouverais tout
à fait injuste que l'on continue à subventionner des enfants au
secteur public à un taux moins élevé que des enfants au
secteur privé. Je trouverais scandaleux que le secteur privé soit
le seul à ne pas être affecté par la
dénatalité qui affecte tout le monde de l'enseignement. Je
trouverais scandaleux que ce soit seulement dans le secteur public, où
nous avons tous investi collectivement dans les équipements, par nos
taxes, par l'intermédiaire de notre gouvernement, depuis le début
des années soixante, que nous soyons obligés de fermer des
écoles, de déplacer des élèves continuellement
chaque année d'une école à l'autre. Je trouverais
scandaleux que ce soit seulement le secteur public qui fasse les frais de la
dénatalité; si on veut parler d'égalité des
chances, il faut que l'égalité s'applique à tout le
monde.
M. le Président, je pense qu'il est significatif que le chef de
l'Opposition ait consacré les trois quarts de son discours sur la loi
octroyant les crédits du gouvernement à l'enseignement
privé, et que le député de Marguerite-Bourgeoys y ait
accordé la totalité de son temps. Je pense que c'est une position
idéologigue. Nos amis de l'Opposition ont toujours tendance à
dire: Nous, on ne fait pas d'idéologie et c'est seulement vous qui en
faites. C'est vrai qu'on a une certaine philosophie politique qui dit: Nous
allons développer d'abord le secteur public; nous allons redonner de
l'autonomie aux écoles; nous allons leur donner des moyens; nous allons
décentraliser le système scolaire; nous allons en
améliorer la qualité
et les possibilités d'accès et, après, nous verrons
comment les écoles privées peuvent s'insérer dans ce
système scolaire décentralisé où les écoles
sont autonomes, où les parents contrôlent leurs institutions
scolaires.
Je réponds tout de suite au député de
Marguerite-Bourgeoys: La raison pour laguelle la politique de l'enseignement
privé a été retardée - il a parfaitement raison
là-dessus - à deux ou trois reprises dans le passé, c'est
que plus nous approfondissions cette politique, plus nous nous rendions compte
qu'avant de définir une politique de l'enseignement privé il
fallait se pencher sur les problèmes de l'école publique. Il
fallait se pencher non seulement sur les problèmes de philosophie
d'aménagement de réqimes pédagogiques, comme nous l'avons
fait avec l'école québécoise, mais également au
niveau des structures scolaires et de la décentralisation qu'il faut
appliquer à notre système scolaire.
Je vous assure, M. le Président, que si on peut en arriver
à faire des écoles publiques autonomes, qui disposent de moyens
financiers et de pouvoirs de décision, le problème de
l'école privée va se poser dans une optique
différente.
Pour ma part, ça m'est totalement indifférent que
l'école soit gérée par une corporation publique, une
corporation privée ou une coopérative; ce qui m'intéresse,
c'est qu'elle fasse face à ses responsabilités sociales, qu'elle
s'insère dans un seul système d'éducation où il y a
une certaine coordination d'ensemble - les écoles ne fonctionnent pas en
vase clos - où chaque école, quelle que soit son
étiquette, quel que soit son statut juridique, a les moyens pour fournir
aux enfants une qualité de l'enseignement leur permettant de
s'épanouir.
Voilà pourquoi nous avons décidé de reporter la
politique de l'enseignement privé. Les mesures contenues dans le budget
n'ont rien à voir et ne préjugent aucunement de la politique sur
l'enseignement privé qui sera adoptée, une fois que nous aurons
terminé la consolidation et le développement de l'enseignement
public gui touche 85% des élèves du Québec. Voilà
la priorité! Pour le moment, ces mesures budgétaires visent
simplement à appliquer le principe qui veut que toutes les écoles
soient traitées sur le même pied et prennent leur part des
compressions budgétaires. (17 h 40)
M. le Président, j'avais commencé à dire qu'il
était significatif de voir le temps que l'Opposition a mis sur cette
question; je disais qu'elle avait pris une position idéologique.
Dès que ces messieurs et ces dames voient quelque part, dans un projet
de loi, quelque chose qui met en cause une institution, un service, une
entreprise privée, M. le Président, cela devient une
espèce de fétiche, une espèce de tabou: la liberté
de choix est en danqer et il faut combattre. Je pense qu'on ne peut pas avoir
une telle attitude et dire en même temps que notre principale
préoccupation est l'égalité des chances parce que
l'éqalité des chances, c'est d'abord donner à tous les
enfants, quels que soient les revenus des parents, des services publics de
qualité, une école qui ait des moyens. Dans ce contexte, M. le
Président, il est tout à fait normal que l'école
privée prenne sa part rie la dénatalité, sa part de la
situation financière difficile, serrée, dans laquelle se situe ce
budget.
Je voudrais terminer, M. le Président, en parlant de l'ensemble
du budget, très brièvement. J'aurai oeut-être l'occasion
d'y revenir à d'autre moments. Je pense que, si on veut parler
d'égalité des chances, c'est bien sûr que la situation
économique difficile où on est placé met en cause le
projet de société que nous défendons de ce
côté-ci de la Chambre, c'est-à-dire une certaine
idée de la social-démocratie. Ce que nous poursuivons, c'est la
plus grande égalité possible dans les rapports humains, la plus
grande démocratie possible, la plus grande égalité de
moyens entre les citoyens, non pas parce que nous pensons que tous les citoyens
sont identiques, au contraire, nous nous opposons à l'uniformité,
mais parce que nous pensons que les citoyens doivent avoir, dès leur
naissance, tout le long de leur vie, des chances égales de se
définir comme ils le veulent, comme ils l'entendent et de réussir
leur vie dans tous les domaines qui les intéressent. Ce n'est pas un
défi qu'on peut atteindre en quelques années. C'est, bien
sûr, un projet à long terme et tout ce que peut faire un
gouvernement qui croit en l'évolution sociale, c'est définir des
directions qui vont aller dans le sens d'une plus grande égalité,
d'une plus grande justice sociale. C'est l'objectif que nous poursuivons, M. le
Président.
Cependant, il y a des contraintes. Il y a une contrainte qui est celle
que nous fonctionnons dans des institutions démocratiques. Donc, lorsque
nous avons des politiques à proposer, il faut convaincre la
majorité de la population, il faut avoir un support suffisant de nos
concitoyens. Une deuxième contrainte, c'est le régime
fédéral dans lequel nous vivons qui nous a soutiré, dans
ce budget, entre 400 000 000 $ et 500 000 000 $ et qui risque de nous soutirer,
dans le budget de l'année prochaine, encore plus parce que le
fédéral, pendant quelques années, faisait croître
ses paiements de transfert aux provinces à un rythme de 18% et,
l'année dernière, c'était rendu à 5%. Autrement
dit, les paiements de transfert que le gouvernement fédéral nous
fait ont augmenté de 5% alors que l'inflation a augmenté de 12%.
C'est bien clair qu'une
bonne partie des contraintes budgétaires viennent de
là.
Finalement, il y a, bien sûr, la conjoncture économique
dans le monde occidental qui nous pose des contraintes puisque, la croissance
économique étant moins rapide, il est plus difficile pour
l'État d'augmenter ses revenus.
Je ne vous cacherai pas que, dans ce budqet, il y a plusieurs
éléments gui me paraissent remettre en guestion notre projet de
société sociale-démocrate. Je ne les passerai pas en
revue, j'aurai peut-être d'autres occasions de le faire. Beaucoup plus
que les coupures dans l'enseignement privé -j'aurais aimé que nos
amis d'en face parlent d'autres choses que de cela - les compressions
budgétaires ou parfois les coupures dans des domaines comme
l'éducation des adultes, les garderies et l'aide sociale peuvent
peut-être paraître inévitables dans le contexte où
nous sommes placés actuellement, mais ne peuvent se poursuivre
indéfiniment sans remettre en péril cet idéal de justice
sociale et d'égalité des chances qui nous anime.
Je pense que nous allons devoir, dans les semaines et dans les mois qui
viennent, en préparation des prochains budgets, faire un effort de
réflexion collectif. Je souhaite que tous nos concitoyens prennent
d'abord connaissance des faits, se rendent compte des contraintes dans
lesquelles le gouvernement est placé, et déterminent les lignes
d'action gui nous permettront, je l'espère, de faire en sorte que la
situation financière dans laguelle nous sommes soit temporaire et que
nous puissions, le plus rapidement possible, nous remettre en marche vers cet
idéal d'égalité des chances gui constitue l'essentiel de
notre programme politigue.
M. le Président, je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: S'il était besoin d'illustrer d'une
façon ou de l'autre les différents points de vue gui animent le
parti ministériel, le discours du député de Rosemont vient
de l'illustrer, lui-même gui reconnaît, contrairement à son
collègue le député de Shefford, qu'à bien des
égards les présentes coupures budgétaires contredisent
l'affirmation et les convictions sociales-démocrates du gouvernement
actuel. Au même titre, on me permettra, comme député de
Jean-Talon et également comme député de la région
de Québec, de souligner la très vive inquiétude que nous
ressentons en ce gui a trait à l'enseignement privé. À cet
égard, d'ailleurs, les commentaires du député de Rosemont
illustrent - il l'a présentée, je pense, d'une façon
franche - une des tendances, une des opinions gui ont cours dans le parti
ministériel et gui, sans doute, prennent leurs racines dans la
résolution adoptée par le congrès du Parti
québécois qui proposait, comme on le sait, et qui propose encore
la disparition progressive de l'enseiqnement privé, c'est-à-dire
son intégration au secteur public.
Ce qui est bien dommage pour le député de Rosemont, c'est
que même si les coupures budgétaires vont à l'encontre des
préoccupations sociales-démocrates prétendues, à
tout le moins, du Parti guébécois, son collègue le
ministre des Finances coupe les budgets gui rejoignent, dans le domaine de
l'éducation, les secteurs les plus défavorisés de notre
société. De la même manière, en ce gui concerne
l'enseignement privé, les réserves, que je sais sincères,
de la part du député de Rosemont ne sont manifestement pas
majoritaires puisgue cette fois ce n'est pas son collègue, le ministre
des Finances, mais bien le premier ministre du Québec lui-même,
chef du Parti québécois, gui déclarait en cette
Assemblée, le 15 décembre 1978, en réponse au
député de Gaspé, M. Le Moignan: "... c'est qu'il n'est pas
question, ni de près ni de loin, d'empêcher l'enseignement
privé de fonctionner et de fonctionner le plus efficacement possible.
Quand viendront les énoncés de politique, s'il y a lieu, disait
le premier ministre, ce sera pour améliorer la situation, mais
certainement pas pour brimer des gens qui ont un droit fondamental au
système d'éducation qu'ils préfèrent." Quand le
député de Rosemont faisait reproche à mes collègues
et au Parti libéral de s'inquiéter, dès lors que l'une des
libertés, une des facultés de choisir entre le secteur public et
le secteur privé... je pense qu'il aurait eu avantage à prendre
connaissance de la déclaration même du chef du Parti
québécois, du premier ministre du Québec qui, en 1978,
l'appliquait spécifiquement au problème de l'enseignement
privé, disait sa conviction personnelle du maintien de l'enseignement
privé.
Le député de Rosemont est sans doute mal venu de reprocher
au Parti libéral de transmettre au niveau de l'Assemblée
nationale la préoccupation que nous avons à cet égard,
depuis toujours, d'ailleurs, depuis le début des années soixante,
depuis la réforme scolaire. Devons-nous rappeler que cette
réforme a été l'oeuvre, une des grandes oeuvres, la grande
réalisation du Parti libéral du Québec? Je pense qu'on n'a
pas à recevoir de leçon de confiance du député de
Rosemont dans le secteur public de l'éducation, dans la mesure où
ce sont les libéraux du Québec qui ont bâti le secteur
public de l'éducation en passant à travers bien des
difficultés. (17 h 50)
M. le Président, notre préoccupation dans le
présent débat est beaucoup plus une préoccupation
d'affirmer, de nous assurer que les parents, parce que c'est à ce niveau
que doit être posée la véritable question, conservent le
libre choix dans le domaine de l'éducation. C'est ça qui est le
droit fondamental. Droit fondamental, d'ailleurs -puisque dans ce domaine, on
n'en est pas à une contradiction près du côté du
Parti québécois - qui a été reconnu en 1974 dans la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui a
été adoptée par l'Assemblée, à
l'époque avec le concours sans réserve aucune du Parti
québécois qui alors était dans l'Opposition. Ce droit,
vous l'avez reconnu dans la charte, et les dispositions budgétaires
actuelles du ministre des Finances le remettent en cause. Tous les porte-parole
de l'enseignement privé nous l'indiquent et des milliers et des milliers
de parents au Québec nous le font savoir à nous, chacun des
députés.
Très souvent, M. le Président, je le signale
immédiatement lorsque l'on parle de l'enseignement privé, on
oublie de siqnifier que les élèves, quand on parle en termes
d'égalité de chances, de classes, de milieu social ou de milieu
socio-économique, que la très grande majorité des enfants
qui actuellement fréquentent les institutions privées au
Québec, loin d'être de la catégorie des citoyens les plus
privilégiés de notre société, appartiennent aux
classes moyennes. Je pense qu'il faut affirmer et reconnaître ici
très sereinement l'effort financier considérable que font
certains parents pour pouvoir effectivement exercer ce choix, des parents qui
se privent sur d'autres dépenses, sur d'autres biens qu'ils pourraient
se procurer pour permettre à leur enfant de fréquenter nos
institutions privées d'enseignement. C'est un fait indéniable et
indiscutable.
Comme le soulignait le député de Marguerite-Bourgeoys, ce
que le gouvernement va effectivement faire avec sa mesure budgétaire,
c'est de forcer - parce qu'il pénalise, il restreint les
disponibilités financières des institutions privées
d'enseignement - les institutions privées d'enseignement à
diminuer la qualité des services offerts, ce qui, dans l'esprit des
éducateurs qui oeuvrent dans ce milieu, est tout à fait
inacceptable; ou bien ils vont devoir hausser les frais de scolarité et
les hausser à un niveau tel qu'il sera vrai -c'est là qu'est le
danger - qu'il sera peut-être vrai, avec les dispositions du ministre des
Finances, que seuls les plus nantis de notre société pourront
envoyer leurs enfants dans les institutions privées. Effectivement -et
on s'engage sur cette voie et c'est dans ce sens que l'Opposition croit de son
devoir d'insister sur cette question - avec les contraintes financières
qui sont imposées actuellement aux institutions d'enseignement, on aura
une éducation d'élite. Seuls les gens fortunés,
dorénavant, pourront exercer ce droit fondamental de choisir
l'école de leur choix, droit fondamental que tout le monde a reconnu,
comme le rappelait le chef de l'Opposition, puisque, dans le préambule
même de la Loi du ministère de l'Éducation dans les
années soixante, on trouve cette disposition - c'est le droit
fondamental des parents - comme je l'indiquais, qui a été
confirmée par la Charte des droits et libertés de la personne. Et
tout le monde sait dans cette Assemblée qu'il ne suffit pas et ce n'est
pas notre responsabilité -d'affirmer un droit. Cela reste
complètement aléatoire d'écrire cela dans nos statuts si,
effectivement, on ne s'assure pas que la population dispose des moyens
financiers, des moyens matériels d'exercer et de tirer avantage des
droits que l'on accorde dans cette Assemblée et que l'on
reconnaît, en l'occurrence les droits des parents.
M. le Président, j'interviens dans ce débat pour le
souligner. Comme je le disais tantôt, comme député de
Jean-Talon, j'ai de très nombreuses institutions privées dans mon
comté et je suis le seul porte-parole de l'Opposition dans la
région de Québec. Il y a des institutions privées
d'enseignement dans la région de Québec dont tout le monde doit
se soucier parce qu'elles appartiennent non seulement au patrimoine culturel et
au patrimoine éducationnel du Québec, mais qu'elles ont rendu et
continuent de rendre à l'ensemble de la collectivité
québécoise des services éminents. Qu'on pense simplement,
comme Québécois, puisque c'est de cela, au fond, qu'il s'agit,
à une institution comme le Séminaire de Québec; qu'on
pense simplement à une institution comme le collège
Jésus-Marie ou le collège des Ursulines, le collège des
Jésuites, toutes ces institutions qui sont actuellement dans la
région de Québec et qui nous appartiennent. Le parti d'en face a
souvent cette mentalité. On a, dans le passé, fait face à
un problème complet, on a fait un peu tabula rasa de tout ce qu'on avait
et on a eu à le regretter très souvent.
C'est simplement le message que je voulais livrer cet après-midi
au ministre des Finances. Le député de Rosemont parlait
tantôt de l'incapacité du gouvernement d'en arriver à
s'entendre pour développer une politique concernant l'enseignement
privé, quelle que soit cette politique. On connaît les tendances,
les divisions et les tensions qui existent dans le parti ministériel,
mais il ne faudrait pas que ce soient les institutions privées qui en
paient la note. Ce que je trouve le plus condamnable, finalement, dans la
démarche actuelle du ministre des Finances, c'est qu'on se sert d'une
mesure fiscale pour régler ou orienter d'une façon
irréversible la solution d'un problème sérieux celui de
l'existence d'un secteur privé de
l'enseignement à côté d'un secteur public et celui
de l'instauration d'une meilleure et d'une plus grande
complémentarité entre l'un et l'autre des systèmes.
M. le Président, je m'oppose à la façon dont le
gouvernement procède, parce que tout y est traité d'une
façon uniforme. Or, tout le monde sait que, pour les institutions
reconnues d'intérêt public, le problème de l'enseignement
privé - et les mesures fiscales en témoignent - n'a pas la
même portée pour une institution par rapport à l'autre, et
il faut l'examiner au mérite de chacun. Quand on parle de la
complémentarité entre le secteur public et le secteur
privé de l'enseignement, il faut introduire une
complémentarité au niveau du contenu, il faut s'interroger
là-dessus. Est-ce que nous pouvons le faire à l'intérieur
d'une simple mesure fiscale? Non, M. le Président, nous ne pourrons le
faire qu'à l'intérieur d'une loi sur l'enseignement privé.
Le contenu, cela veut dire quoi? On a parlé du problème des
handicapés. Or, si les handicapés, actuellement,
fréquentent des écoles privées, c'est parce que,
très souvent, les commissions scolaires ne sont pas en mesure de fournir
localement l'enseignement à ces enfants ou un traitement adéquat.
On ne peut pas, à l'intérieur d'une mesure fiscale, examiner une
telle question.
Deuxième élément: complémentarité
territoriale. Dans certains coins, le service public peut fournir à
l'ensemble de la population, peut répondre presque en totalité
aux besoins. Mais je connais une région comme celle, par exemple, de
L'Assomption, où on a évoqué le collège de
l'Assomption pour lequel j'ai, évidemment, beaucoup de sympathie et
d'affection dans la mesure où c'est mon alma mater. Il y a une
population qui s'est développée, toute la région de
Repentigny. Le collège de L'Assomption est une institution privée
gui va fêter dans guelgues années son 150 anniversaire de
fondation. Cela répond à un besoin de la population locale gui
est coïncée entre l'est de Montréal, où il y a des
institutions, et la région de Joliette où il y a un
collège. Cette institution a sa raison d'être. Est-ce que l'on
peut apprécier l'existence d'une telle institution, son
développement et son ambition, par une mesure simplement fiscale? Non,
M. le Président. On doit pouvoir l'apprécier à
l'intérieur d'un débat et d'une loi générale sur
l'enseignement privé. C'est la même chose pour l'apport
pédagogigue relatif qui peut exister entre différentes
institutions privées.
Après cela, on pourrait reqarder la Loi sur l'enseignement
privé, si le gouvernement avait le courage de prendre toutes ses
responsabilités à ce titre. Il y a des choses dans cette loi qui
datent de 1968, la loi 56. Il y a eu un moratoire, le gouvernement a pris la
peine... Il y a des choses à revoir dans le domaine de l'enseignement
privé. Qu'il s'agisse simplement de la définition même des
institutions, les catégories d'enseignement, la place de l'enseignement
général par rapport à l'enseignement professionnel, toute
cette question des cours, des institutions gui sont moins fondamentales et qui
appartiennent moins au patrimoine éducatif et culturel. (18 heures)
II y a des solutions à prendre. Ces solutions - et c'est
là le vice fondamental dans lequel le projet de loi du ministre des
Finances nous place - cette réflexion qu'on doit avoir n'a pas qu'une
seule dimension fiscale et elle ne peut être étudiée,
à mon avis, raisonnablement au niveau de l'Assemblée nationale
simplement à l'occasion et dans un contexte de coupures
budgétaires. D'autant plus que ces coupures, d'après ce que les
institutions nous disent, frappent plus lourdement l'enseignement
privé.
M. le Président, le point fondamental -et c'est là le sens
de mon intervention et de celles de mes collègues - que nous demandons
au gouvernement, nous disons au gouvernement: Vous avez des difficultés
entre vous, à savoir si l'enseignement privé a une place au
Québec et, s'il en a une, guelle place il doit avoir par rapport au
secteur public. Les problèmes du secteur public dans le domaine de
l'éducation, on les connaît; tout le monde fait des efforts pour
les examiner, les étudier au mérite et il faut faire porter
l'effort sur le secteur public, c'est bien sûr. Mais nous disons au
gouvernement: N'essayez pas, parce que ce sera au détriment même
de l'éducation, de régler les questions de fond - que,
malheureusement, vous êtes incapables de régler compte tenu des
convictions divergentes que vous avez entre vous - ou de leur donner une
direction, comme je le disais, irréversible à l'occasion d'un
projet de loi financier. Je pense qu'à ce moment vous faites un tort
considérable à l'enseignement privé, vous faites un tort
également à l'enseignement public que vous dites vouloir
défendre, parce qu'on n'est pas en mesure, à l'intérieur
du débat, présentement, d'apprécier la
complémentarité qui doit exister entre le secteur public et le
secteur privé dans le domaine de l'éducation. On ne peut pas,
à l'intérieur d'une simple mesure fiscale, en discuter d'une
façon exhaustive. Surtout, M. le Président - et je termine
là-dessus - on ne peut absolument pas, à l'intérieur d'une
mesure fiscale comme celle-là, affirmer notre foi, notre croyance, se
faire une idée précise et dire où nous allons sur le plan
du droit fondamental des parents d'exercer un choix quand il s'agit de
l'école que leurs enfants doivent fréquenter. On ne peut avoir ce
type de discussion parce que, dans le contexte présent, la discussion
est limitée à des mesures fiscales qui, à bien
des égards, autant pour les institutions, pour les
éducateurs, pour les administrateurs que pour les étudiants et
surtout pour les parents, sont tout à fait odieuses et vont mener, je le
répète, effectivement à faire de l'enseignement
privé ce qu'il n'est pas actuellement: une éducation qui ne sera
accessible qu'aux bien nantis de notre société.
Là-dessus, M. le Président, je trouve que la façon
dont le gouvernement procède, c'est un geste qui méprise, enfin
qui iqnore certainement l'effort considérable que des milliers et des
milliers de parents font actuellement pour envoyer leurs enfants dans les
institutions privées. C'est pourquoi, comme député de
Jean-Talon et comme député de la région de Québec
où il y a tellement d'institutions privées qui ont rendu des
services éminents à la collectivité, qui en rendent en ce
moment et qui, j'espère, pourront continuer d'en rendre, j'ai voulu
apporter mon témoignage. En effet, comme député et comme
tous les autres, j'ai reçu beaucoup de représentations
là-dessus et, s'il fallait un enjeu électoral, je dois rappeler
à nos amis d'en face que, lors de l'élection partielle de
Jean-Talon, j'ai défendu cette thèse. Ce fut un thème
majeur de ma campagne et, en plein milieu de campagne, mon adversaire d'alors
s'est ralliée pour dire qu'elle était favorable à
l'enseignement privé et la population a jugé. Ce n'est pas
simplement faire de la démaqogie ou essayer de faire de la
démagogie. Elle s'est rendu compte, et je pense que le Parti
québécois s'est rendu compte alors qu'il y avait un besoin
à ce titre-là, et cela, c'est la lettre, et cette
lettre-là, quant à l'enseignement privé... Je rappelle, en
terminant, que le premier ministre du Québec, en 1978, chef du Parti
québécois, disait: "II n'est pas question, de près ni de
loin, d'empêcher l'enseignement privé de fonctionner et de
fonctionner le plus efficacement possible." Quand nous interviendrons, disait
le premier ministre, ce sera pour améliorer la situation. Je demande si
le ministre des Finances et le nouveau ministre de l'Éducation
améliorent la situation de l'enseignement privé. Ils
l'amènent sur la voie de la disparition et ce, au détriment des
droits des parents.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Groulx, je vous donnerai la parole à 20 heures. Comme il est 18
heures, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures et vous
aurez le droit de parole.
M. Fallu: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous suspendons
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 05)
(Reprise de la séance à 20 h 08)
Le Président: M. le député de Groulx,
à vous la parole.
M. Elie Fallu
M. Fallu: Merci, M. le Président, de m'avoir reconnu sous
mon titre. Il est évident, d'après ce que nous avons entendu cet
après-midi, que pour nos auditeurs, et même pour nous de
l'Assemblée nationale, nous étions en train d'oublier un peu
qu'il s'agit d'un débat sur le projet de loi no 11 modifiant certaines
dispositions législatives faisant suite au budget, car
l'intérêt a été placé sur l'un des
éléments du programme budgétaire, à savoir
certaines compressions budgétaires, voire même une qestion de
décroissance, dans les écoles privées.
J'aimerais prendre le débat d'une façon plus large au
départ avant d'arriver à certains éléments plus
précis, à certains principes sous-tendus dans cette loi.
J'aimerais rappeler à cette Chambre qu'en 1969 le budget voté
à l'Assemblée nationale pour l'État du Québec
n'était même pas de 2 000 000 000 $; il n'était même
que de 1 900 000 000 $. Or, le dernier budget Garneau, en 1976, lui,
était déjà de 11 000 000 000 $. Qu'est-ce à dire?
En six ans, le budqet s'était multiplié par plus de cinq. Le
rythme de croissance budgétaire au Québec était devenu
exponentiel. Constatons que depuis 1977 jusqu'à ce jour, en cinq ans, il
ne s'est même pas multiplié par deux. Or, au rythme de croissance,
au rythme de croisière où les budqets étaient en train
d'aliqner leur cap, nous aurions eu normalement, avec un gouvernement Bourassa
d'épogue, s'il eut continué, un budget de quelque 45 000 000 000
$.
(20 h 10)
Qu'est-ce gui s'est passé entre-temps? Comment se fait-il que ce
budget de l'État du Québec, qui s'était multiplié
plus de cinq fois en six ans, ne s'est même pas multiplié par deux
pendant les six années qui ont suivi? II est arrivé que, comme
chacun, nous avions constaté le très lourd fardeau fiscal des
Québécois, le plus lourd au Canada. Il était de quelque
20% supérieur à celui de l'Ontario en 1976; il est toujours, en
1981, de 12% supérieur à celui de l'Ontario, mais il n'est pas
comme il était en train de le devenir de l'ordre de 30% ou 35% comme le
mouvement était parti sous les budgets Garneau. Il est en fait,
actuellement, quelque 2% à "5%, pas tout à fait, supérieur
à la plus lourde charge fiscale d'une province autre que le
Québec. C'est donc dire qu'il y a eu restriction de croissance. Cette
restriction était faite, pourtant, à des moments où la
finance allait relativement bien, où la croissance de l'économie
se faisait à un
rythme quand même convenable de près même de 4%. Il y
avait un enrichissement collectif. Le gâteau grandissait encore et nous
avions choisi de restreindre.
Nous avions choisi des objectifs sociaux, notamment, en pensant à
la famille. Voilà que cette année - c'était
déjà un peu prévisible l'an dernier mais la croissance
était encore là - voilà que cette année avec une
croissance 0 qui est déjà énorme, c'est peut-être
scandaleux de le dire, mais ce qui est déjà énorme dans
les pays occidentaux puisque qui n'a pas zéro, n'a pas plus 1, mais a
toutes les chances d'avoir moins 1 et moins 2 de croissance, cette
année, il nous faut encore faire un effort de décroissance
fiscale. Nous le faisons en indexant à nouveau. C'est d'ailleurs le
résultat de cette indexation, c'est d'ailleurs le résultat de la
baisse générale des tables d'impôt qui a permis
d'empêcher le budget de l'État du Québec de passer de 11
000 000 000 $ à quelque 30 000 000 000 * ou 35 000 000 000 $ ou 40 000
000 000 $ ou 45 000 000 000 $. Au moment où nous sommes, au moment
où nous continuons encore d'alléger le fardeau fiscal, au moment,
par ailleurs, où l'économie roule moins fort, donc, il faut selon
les bonnes vieilles théories s'endetter un peu plus pour
accélérer la marche de l'économie, il nous faut en
même temps, puisque la croissance de l'assiette fiscale est moindre ou
n'a pas une augmentation substantielle, à ce moment, vraiment couper la
croissance.
Vous vous souvenez, d'ailleurs, M. le Président, qu'au lendemain
du discours sur le budget on disait un peu partout: Baisse d'impôt de 2%;
indexation des tables d'impôt à 7,5%, c'est-à-dire moins
que la compensation que les citoyens recevaient par le simple accroissement de
l'inflation. Mais on indiquait également: Aucun nouveau programme de
dépenses dans le budget. Il faut s'arrêter un court instant pour
bien voir pourquoi les choses se passent actuellement telles qu'elles nous
apparaissent et telles qu'on doit, d'ailleurs, les gérer. Il fallait
faire des compressions budgétaires. On sait que, d'une part,
l'augmentation du fardeau de la dette, avec, notamment, du refinancement ou du
financement à un taux d'intérêt aussi élevé,
nous amène à être prudents. Il fallait - je l'ai dit -
faire un effort de réduction du fardeau fiscal. Il fallait un peu brimer
la croissance de la masse salariale qui, elle, par l'indexation et le
vieillissement, a tendance à s'élargir et de ce point de vue - le
ministre des Finances ne s'en est pas caché, d'ailleurs, un jour en
Chambre - le résultat net de l'opération des dernières
négociations dans les secteurs public et parapublic été
pour l'État du Québec une économie de 800 000 000 $.
Au moment où des décisions importantes doivent se prendre
puisque les accords fiscaux arrivent à échéance, il
fallait être prudent. On a bien dit que le renouvellement des accords
fiscaux devait se faire, mais on n'a pas suffisamment insisté sur la
place que ces accords fiscaux occupent dans les restrictions budqétaires
qui contraignent cette Assemblée. M. le Président, je me suis
amusé, comme historien, à relever ce qu'est la jungle fiscale
entre les provinces et le fédéral depuis 1867. De mémoire,
j'ai aligné cet après-midi sur un bout de papier époque
par époque pour ceux qui connaissent l'histoire du Québec,
uniquement par un mot bien frappé, le mot clé qui nous indique le
débat du moment, comment, depuis 1867, ces accords fiscaux ont
été une véritable jungle fiscale revenant maintenant
à périodicité de cinq ans.
Souvenez-vous, au tout début de la Confédération,
on l'appelait la querre des subsides, puis, les subsides conditionnels, puis,
les programmes à frais partagés, puis, le secours direct - il ne
s'agissait pas d'assistance sociale, notez bien - transfert sans condition, et
puis on l'a appelé l'effort de querre et, par la suite, la
conférence du Rétablissement qui, d'ailleurs, n'en fut pas une
et, ensuite, les paiements de péréquation, les transferts de
points d'impôt. Pour ceux qui connaissent un peu l'histoire fiscale du
Québec, cela vous rappellera des dates très précises,
c'est de 1867 à nos jours.
Qu'est-ce que cela a donné? Cela a donné que ces
transferts ont tendance maintenant à ralentir. Pour l'année
financière 1980-1981, 60 000 000 % de moins que prévu sont
tombés dans les coffres du Québec, c'est-à-dire que
l'augmentation du transfert fiscal d'Ottawa n'a été que de 3,8%,
alors que la croissance du budget de l'État ou, très
bêtement, la croissance du taux d'inflation était de 9,9%. Il y
avait là un manque à gagner de 60 000 000 $. Vous savez, M. le
Président, c'est important, ces transferts fiscaux, cela
représente, bon an, mal an, selon les ententes, des pourcentages
très appréciables du budget.
Il y a quelques mois, j'avais fait un relevé, en pourcentage, de
1907 à 1978, de l'importance de ces transferts fiscaux dans les budgets
du Québec. C'est ainsi qu'en 1907 - 1908, ça donnait 30% du
budget du Québec, et puis c'a baissé et baissé, en
1947-1948, ça ne donnait plus que 1%. Vous savez ce qui est
arrivé en 1956, sous Duplessis, et les conséquences que cela a eu
avec 10% de transfert de l'impôt direct, et croissance par la suite
jusqu'à 24,9% pour le budget de 1977-1978. Cela donnait, je crois -je le
dis de mémoire et sous toutes réserves - dans le budget de l'an
dernier, assez près de 30%.
Voilà un manque à gagner. Nous n'avons pas ici, dans cette
Assemblée, de capacité
juridique, n'ayant pas pleine souveraineté, pour aller arnaquer
un budget à Ottawa et exiger la croissance normale. Nous n'avons pas ce
pouvoir, nous sommes dépendants. Faut-il le rappeler, M. le
Président? (20 h 20)
Que fait-on dans de telles situations, lorsque nos alliés,
dit-on, ne paient même pas leurs dettes? Ce sont les
Québécois qui doivent ramasser les pots cassés. Le
résultat, ce sont les compressions budgétaires, et les
compressions budgétaires estimées à environ 800 000 000 $
cette année, c'est-à-dire l'absence de croissance, le
fédéral à lui seul en sera responsable pour une
très large partie, sans doute plus de 100 000 000 $; de 15% à 20%
à lui seul, comme mauvais citoyen corporatif.
Malgré tout, M. le Président, vous aurez observé
comme nous tous, et très certainement tous les citoyens le soir du
budget, que malgré les compressions, il y avait guand même un
gouvernement gui tentait de voir au mieux-être des gens, notamment au
mieux-être des familles, car cette indexation d'impôt, cette baisse
générale des tables, évidemment, touche ceux gui sont les
moins fortunés en priorité, parce que pour eux ce sont les biens
essentiels, le boire, le manger, l'habitation, qui sont de première
nécessité gui seraient touchés directement sans
décroissance de l'impôt. Mais en plus, dans un sens de justice
distributive, et cela, en toute honnêteté, je dois le rappeler, M.
le Président, car cela fait partie de l'un des grands principes de ce
projet de loi no 11, il y avait également, notamment pour la famille,
dans ces derniers budgets où nous avions tenté de détaxer
au maximum les objets de première utilité, il y avait encore,
dis-je des éléments de décroissance budgétaire de
l'État en faveur -donc des transferts - des plus démunis, par
exemple, fournitures de classe, chaussures, sacs à main, bretelles,
ceintures, cravates, fichus et lunettes de sécurité, non pas les
montures un peu mondaines, mais ce dont les travailleurs ont besoin, des
mesures gui touchent vraiment tout le monde. Évidemment, ça ne
couvrait pas les carpettes, les moquettes et les tapis et ça ne couvrait
pas les vêtements dont le prix unitaire de vente au détail est de
plus de 500 $, ça ne couvrait pas les chaussures dont le prix de vente
au détail est de plus de 125 $ la paire. On trouve guand même
à se chausser, M. le Président, pour 65 $ ou 70 $ chez les petits
marchands chez moi.
Cela touchait également certaines industries, notamment les
industries artisanales, comme ces mesures qui sont prises dans cette loi que
nous sommes appelés à voter, à l'égard des
pêcheurs, la vente de filets, les agrès de pêche, les
navires de moins de 500 tonnes brutes, tout navire servant au transport des
personnes, au dragage, etc., mais de petit tonnage. C'est ça aussi le
budget, c'est ça aussi la loi 11, M. le Président.
On aurait dit, cet après-midi, que la loi 11 c'était
uniquement et essentiellement les 4 $ par mois que les parents auront à
payer en sus cette année pour envoyer leur enfant à
l'école privée au niveau secondaire. On aurait dit que
c'était le drame universel en cette Chambre; 4 $ par mois en sus, M. le
Président! C'est un effort fiscal que des parents auront à faire,
je ne le nie pas, je ne veux pas nécessairement en minimiser la
portée, mais je veux néanmoins en indiquer le coût
réel pour le citoyen et, d'ailleurs, pour quelques citoyens.
M. le Président, nous aurons à parcourir dans quelques
jours ce projet de loi article par article. Il est évident que
l'Opposition va quand même passer très rapidement sur certains
articles, notamment sur l'article 24, qui porte sur l'impôt sur la vente
au détail; très certainement qu'elle aura peu de questions, parce
que le bon peuple du Québec, ça n'a pas l'air de
l'intéresser trop trop.
À l'article 25, sans doute n'aura-t-elle aucune question, c'est
à l'avantage des pêcheurs.
À l'article 26, va-t-elle gloser, c'est l'article de la taxe sur
les tabacs!
M. le Président, le libre choix des fumeurs de payer les
impôts olympiques que nous ont laissés les incuries de six ans de
gouvernement libéral de 1970 à 1976, est-ce qu'ils vont le
reprocher? Ils n'oseront même pas soulever le débat. Je me
souviens qu'en cette Chambre, en 1978, le ministre des Finances avait
également fait un petit redressement de l'impôt sur les tabacs.
L'Opposition libérale du temps avait été remarquablement
coite. Ils craignaient trop que les somptuaires Olympiques puissent revenir
à la surface.
M. le Président, j'arrête. Je cède,
évidemment, la parole, en conséquence, à quelqu'un de
l'Opposition. Qu'est-ce que ces qens vont nous dire? Est-ce qu'ils vont encore
nous parler des écoles privées, M. le Président? Nous
verrons. Est-ce qu'ils vont nous parler de l'impôt sur le tabac, M. le
Président, pour nous dire que ces impôts, plus on les augmente,
moins les gens fument? Ils ont même une vertu sociale. Je les incite
plutôt à nous parler de l'article 24 et de l'article 25, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Westmount.
M. Richard French
M. French: M. le Président, la politigue budgétaire
incorporée dans le projet de loi no 11 gui est devant l'Assemblée
ce soir est manifestement le produit d'un gouvernement
qui n'a plus d'option ni de marge de manoeuvre dans la qestion de la
chose publique. Bien sûr, on sait que c'est un gouvernement qui se voit
social-démocrate, il nous le dit constamment, mais on se demande s'il
n'insiste pas trop là-dessus, surtout quand on examine de près sa
politique budgétaire.
Comment un gouvernement social-démocrate peut-il implanter une
taxe sur l'emploi comme le prélèvement de 3% sur la feuille de
paie? On sait que les économistes sont tous d'accord pour dire que
l'effet d'une telle taxe frappe ultimement les salaires et le niveau d'emploi
même si, techniquement, elle est imposable aux employeurs.
Le ministre des Finances n'a pas commenté l'impact sur le niveau
d'emploi du prélèvement, dans ses commentaires, cet
après-midi. Mais il me semble tout à fait évident que si
on crée une taxe payable par l'employeur sur toute la masse salariale,
bon an, mal an, il y a là une incitation à la
mécanisation, une incitation au remplacement de la main-d'oeuvre par le
capital. Il y a aussi une incitation, pour le nouvel investissement
privé dans les industries à forte intensité de
main-d'oeuvre, de se localiser ailleurs qu'au Québec. (20 h 30)
J'ai trouvé utile, cet après-midi, d'avoir
été présent pour entendre parler le ministre des Finances
qui nous a rappelé que ce prélèvement sur les
chèques de paie, au titre de l'assurance-maladie, a connu une croissance
exponentielle depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement. Le ministre
des Finances a fait état de son étonnement que les
sociétés québécoises, que les entrepreneurs
québécois ne lui aient pas fait de représentations au
sujet de cette taxe, cette véritable taxe à l'emploi. Il a
dû oublier la présentation soumise à son intention par le
Conseil du patronat du Québec, qui a estimé le coût de
cette mesure à quelque 360 000 000 $ par année.
C'est aussi possible que si les entrepreneurs, les hommes d'affaires
québécois ne viennent pas à Québec pour faire
état de leurs soucis auprès du ministre, c'est parce qu'ils
savent, d'après une longue expérience, que c'est un gouvernement
si rigide, si borné que ça n'en vaut pas la peine. Tôt ou
tard, ce sont les travailleurs québécois, déjà les
plus lourdement taxés en Amérique du Nord, qui vont payer la note
de la taxe sur l'emploi. C'est un drôle de cadeau pour les travailleurs
québécois.
Un autre exemple: Comment un gouvernement social-démocrate
peut-il planifier d'utiliser Hydro-Québec comme une autre main du
ministère du Revenu, comme encore une autre façon cachée
d'aller chercher les revenus publics dans les poches des
Québécois? Comment peut-il envisager d'utiliser la consommation
de l'électricité comme véhicule d'imposition? C'est une
étrange et régressive mesure qui va sans aucun doute
pénaliser les gagne-petit des comtés comme Rosemont ou
Saint-Henri parce que c'est pour les gagne-petit que
l'électricité représente une grande partie du budget
personnel.
J'ai appris d'un de mes collègues d'en face qu'il était
très satisfait que le ministre des Finances ait l'intention d'aller
redistribuer la richesse - selon ses mots -par le biais d'Hydro-Québec.
Quelle erreur! Hydro-Québec, ce n'est pas Christian Dior, ce n'est pas
Mercedes-Benz, ce n'est pas une compagnie gui vend du luxe aux riches, c'est la
seule source de courant électrique pour les Québécois. Les
besoins du Trésor public québécois ne devraient jamais
entrer en ligne de compte dans la tarification de son produit.
Comment un gouvernement social-démocrate peut-il songer au ticket
modérateur, marque de commerce des gouvernements conservateurs? Encore
une fois, un virage inattendu et peu expligué par le Conseil des
ministres qui se montre de moins en moins enclin à suivre ses soi-disant
principes économigues. Encore une fois, un silence remarguable de la
part des députés d'arrière-ban du parti
ministériel, ils ne sont plus obligés de participer à la
mise en veilleuse de l'indépendantisme, mais ils n'ont apparemment pas
eu le feu vert pour commenter une autre mise en veilleuse, celle de la
social-démocratie. Comment un gouvernement social-démocrate
peut-il couper les budgets des services sociaux et de l'éducation?
Comment peut-il passer sur le dos des plus démunis, de ceux qui ont le
plus besoin des services de l'État, les conséguences de sa
politique budgétaire? Après avoir réduit de façon
significative durant le premier mandat la proportion du budget alloué
à la mission économigue, il semble maintenant que ce soit le tour
des services sociaux et de l'éducation.
Alors quel est l'objectif principal de la politique budgétaire du
gouvernement? Ce n'est certes pas la social-démocratie. Ce n'est certes
pas non plus une orientation particulièrement positive de l'entreprise
privée. De fait, le gouvernement ne peut se permettre le luxe ni de l'un
ni de l'autre. Après cing ans de dépenses, après cinq ans
pendant lesquels le gouvernement semblait croire pouvoir être
dispensé des règles de prudence les plus
élémentaires en matière de fiscalité, il se trouve
coincé. Accablé par une dette sans précédent pour
le Québec et sans parallèle ailleurs en Amérique du Nord,
le gouvernement se trouve aujourd'hui sans marge de manoeuvre, sans aucune
flexibilité. J'entends mes amis d'en face dire que la dette du
gouvernement fédéral est proportionnellement aussi grande que la
dette du Québec. Ils oublient évidemment, M. le
Président, que la dette du gouvernement du Canada est la dette de
tous les Québécois comme celle de tous les Albertains et de tous
les gens de la Colombie britannique...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. French: Ayant ignoré les réalités
économiques pendant cinq ans, le gouvernement ne peut que jouer au
responsable et prêcher l'austérité. Mais si le gouvernement
avait été le moindrement consciencieux pendant ces cinq
années, l'ajustement serait plus facile, moins pénible qu'il ne
l'est aujourd'hui. Le ministre des Finances se félicite d'avoir
diminué cette année le taux de croissance des dépenses
publiques du Québec à 12% ou 13%. Mais le gouvernement de
l'Ontario fonctionne actuellement à un taux de croissance de 8%.
Voilà le résultat d'une planification s'étalant sur
plusieurs années. Voilà un résultat qu'un gouvernement
vigilant aurait pu accomplir pour le Québec. Bien sûr, M. le
Président, les problèmes du fisc québécois ont
été compliqués par les décisions prises à
Ottawa, à Washington, à Tokyo, à Genève. Mais ces
problèmes ont été créés ici dans la ville de
Québec par le Conseil du trésor et par le Conseil des ministres
du gouvernement péquiste.
L'héritage de cinq années de ce gouvernement est un
déséquilibre structurel croissant dans les finances publiques
québécoises. L'héritage de cinq ans né de ce
gouvernement est une politique budgétaire sans aucune philosophie
cohérente, sauf, bien sûr, la protection et l'augmentation du
revenu de l'État et, tout récemment, la réduction des
dépenses d'une façon qui, étant donné la profondeur
de l'incurie, est nécessairement arbitraire et injuste.
Prenons, à titre d'exemple, l'effet de la situation fiscale et de
la politique budgétaire qui en découle sur les jeunes du
Québec. Premièrement, il faut constater que la dette publique
massive est d'abord et avant la dette de nos jeunes, une véritable taxe
sur l'avenir, puisqu'ils seront appelés à la rembourser pendant
leurs années productives. Notre dette publique ne sert plus à
soutenir l'investissement public. Notre dette publique péquiste est un
instrument pour transférer le fardeau de la consommation d'aujourd'hui
sur le dos des travailleurs de demain. Deuxièmement, le chômage
chez les jeunes est sérieusement aggravé par un salaire minimum
trop élevé et par les politiques gouvernementales qui ont eu
comme résultat un taux d'investissement privé relativement faible
par rapport à celui que l'on retrouve ailleurs en Amérique du
Nord.
Troisièmement, ce sont les jeunes du Québec qui sont
uniquement visés par ce que le ministre de l'Éducation,
frappé d'un soudain excès de franchise, a baptisé un
ralentissement dans la progression des crédits de
l'Éducation.
Considérons le secteur universitaire. Voilà un des
secteurs clés pour l'avenir du Québec, un des instruments
essentiels pour notre développement culturel et économique. Parmi
les institutions qui protègent et transmettent ce qui est unique dans la
société québécoise, les universités prennent
une place majeure. De plus, les universités jouent un rôle de
première importance dans la mobilité sociale. Les
universités ne sont plus les institutions de l'élite de la
société comme autrefois. Elles constituent une espèce
d'ouverture par laquelle les étudiants de milieux sociaux
économiques modestes peuvent réaliser leurs aspirations,
pratiquer une profession ou gérer une entreprise. La politique
budgétaire du gouvernement, que réserve-t-elle aux
universités sur les plans recherche, culture, économie,
mobilité sociale où ils sont si importants? (20 h 40)
M. le Président, le ralentissement dans la progression des
crédits du secteur universitaire se traduit par une augmentation
budgétaire de 6,7%, soit moins de la moitié du taux d'inflation
gui affecte les universités cette année. Voilà un
ralentissement qui a bien l'air d'un recul ou d'une retraite. L'annonce de ces
mesures a réussi à créer l'unanimité parmi les
divers intervenants du monde universitaire; les étudiants, les
professeurs, les administrateurs sont tous d'accord pour dire qu'il s'agit de
coupures qui ne peuvent que nuire à la qualité et à
l'accessiblité à l'éducation universitaire. À titre
d'exemple, je cite le recteur de l'Université Laval et président
de la Conférence des recteurs, M. Jean-Guy Paquet, qui a dit, et je
cite: "Si on peut demander aux réseaux universitaires de gérer
l'austérité, on ne peut, en revanche, leur imposer de
gérer l'absurdité."
Quels seraient les effets de cette politique de ralentissement, de
recul, d'austérité, voire d'absurdité dans la politique de
financement universitaire? Ce n'est pas très compliqué. On
constaterait l'annulation et la remise de cours, y compris les cours
obligatoires dans certains programmes d'études, l'élimination de
postes de professeurs, l'élimination de programmes entiers, la mise
à pied des employés qui n'ont pas la sécurité
d'emploi, le prolongement des cours des étudiants déjà
dans le système, avec tous les coûts financiers et sociaux que
cela occasionnerait, la suspension des admissions, au mois de janvier, par
l'Université du Québec à Montréal, la seule
université qui le permettait au Québec, le financement des
universités par des déficits de l'ordre de plusieurs millions de
dollars et le contingentement des admissions.
II ne faut pas s'illusionner, M. le Président, il ne s'agit pas
de phénomènes marginaux, il ne s'agit pas de petites privations
que pourrait entraîner un ralentissement dans la progression des
crédits. Il s'agit d'un changement dramatique dans la gestion et la vie
des universités, d'un virage fondamental dans le développement du
système universitaire. D'après M. Jean-Guy Paquet, recteur de
l'Université Laval "si la situation financière n'était pas
corrigée, elle conduirait les universités à prendre des
mesures irresponsables comme l'adoption de budgets largement
déficitaires ou encore l'abolition des quelque 2500 postes de toute
catégorie dans l'ensemble des universités."
On peut apprécier davantaqe l'effet de la politique
budgétaire sur les universités en examinant l'Université
du Québec à Montréal et l'Université Concordia. Ce
sont les deux universités vouées à la mobilité
sociale et à l'égalité des chances. Ce sont les
universités d'études à temps partiel, ce sont les
universités à forte participation d'étudiants qui sont de
la première génération de leur famille à
bénéficier de la scolarité avancée. Ce sont les
universités de la deuxième chance. Inévitablement, ces
deux institutions, déjà les moins coûteuses par
étudiant pour le contribuable québécois, sont les plus
durement frappées par les restrictions du gouvernement face à
l'éducation universitaire. L'Université du Québec à
Montréal et l'Université Concordia prévoient chacune un
déficit de l'ordre de 12 000 000 $ pour la fin de l'exercice actuel.
L'UQAM serait forcée de contingenter les admissions dès le mois
de septembre 1982.
Il ne reste que deux questions à poser aux ministres de
l'Éducation et des Finances. Premièrement, combien de temps
pensent-ils que le réseau universitaire peut se financer par des
déficits? Deuxièmement, quelles mesures vont-ils entreprendre
afin d'informer les étudiants des cégeps et des écoles
secondaires que le diplôme d'études collégiales ne garantit
plus l'accès à l'éducation universitaire? Je pense que les
membres du Conseil des ministres doivent être les seuls dans cette
Assemblée à avoir oublié la nécessité de
réduire progressivement l'écart entre le taux de participation
à l'éducation universitaire des Québécois
francophones et celui plus élevé de nos concurrents a
l'extérieur du Québec. Le retrait du gouvernement en ce qui a
trait à l'éducation universitaire n'est guère la
façon d'atteindre cet objectif fondamental pour notre avenir.
J'ai parlé, M. le Président, de la situation dans les
universités. On pourrait parler aussi facilement des coupures qui
frappent l'éducation des adultes, les gens du troisième
âge, les classes d'accueil et ainsi de suite. Aujourd'hui, pour la
jeunesse au
Québec, les résultats de la perte du contrôle des
dépenses publiques depuis cinq ans sont honteux et désastreux. Je
suis convaincu que les effets sur les enfants ou sur les gens de l'âge
d'or sont aussi pénibles. C'est la social-démocratie du lendemain
de la fête. On commence à payer une espèce de
pénalité à retardement à cause de la perte de
contrôle en matière de fiscalité qui a affligé le
gouvernement à compter de 1977. Personne ne sait où cela nous
conduira mais, chose certaine, ce n'est pas avec un Trésor public
affaibli, une politique budgétaire improvisée, des budgets de
services essentiels sabrés et sans plan de redressement
systématique que nous allons retrouver et créer pour l'avenir un
Québec fort.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: M. le Président, je pense que le moment est
bien choisi, en marge du débat devant conduire à l'adoption du
projet de loi no 11, pour rappeler à l'ensemble de la population du
Québec et également à certains membres de cette Chambre
que le rôle du gouvernement, face à la gestion des deniers
publics, est un rôle, une responsabilité particulière de
juste répartition en fonction des priorités qu'il s'est
fixées.
En effet, M. le Président, il est permis de comprendre - et les
gens de tout le Québec le comprendront très facilement -qu'en
période de forte croissance économique - et tout à
l'heure, mon collègue de Groulx le rappelait à cette Chambre - il
est possible de penser, pour un gouvernement, à une extension des
services qu'il donne à la population. On peut penser créer de
nouveaux services. On peut penser développer. Mais si ce principe est
vrai, le principe contraire est là également, à savoir que
lorsqu'un gouvernement doit administrer dans un contexte
particulièrement difficile - et c'est le cas présentement - il
faut penser à certaines restrictions, il faut penser à faire des
choix. Non seulement on ne pense pas développer de nombreux services,
mais on pense à faire des choix parmi ceux qui nous semblent les plus
essentiels, les plus prioritaires.
Et pour bien me faire comprendre sur ce point, tout le monde, dans le
Québec, doit administrer un budget familial. On sait fort bien - et
toutes les mères de famille, tous les chefs de famille savent - que
lorsqu'on administre un budqet familial à partir des rentrées
d'argent dont on bénéficie, on fait un certain nombre de choix.
Lorsque les rentrées d'argent sont bonnes, on se permet du luxe, on se
permet une maison d'été, on se permet de changer la voiture. Mais
Dieu
sait si, en période d'inflation - et nous la vivons tous
très durement actuellement - on doit faire des choix et mettre l'argent
là où on pense que c'est prioritaire, que c'est
préférable de le faire.
Quelle est la situation que vit le gouvernement du Québec actuel?
Dans le contexte nord-américain comme dans l'ensemble du contexte
mondial, le peu de croissance économique qu'il nous est permis
d'observer, les difficultés d'approvisionnement en source
d'énergie, enfin les problèmes de chômage qui sont a
l'échelle mondiale très graves nous placent dans une situation
où le gouvernement du Québec comme les gouvernements d'ailleurs
font face à une rentrée d'argent qui est beaucoup moins
importante dans les coffres de l'État qu'on aurait pu le prévoir,
il y a quelques années.
Face à cela, le gouvernement du Québec adopte une attitude
que je trouve responsable et que l'ensemble de la population du Québec a
jugée responsable, le gouvernement du Québec fait des choix. En
faisant des choix, ce même gouvernement accepte les implications pas
toujours agréables de ses choix. (20 h 50)
II y a une chose qu'on comprend mal cependant, c'est l'attitude de
l'Opposition libérale dans cette Chambre, qui est sûrement
empreinte d'une très grande naïveté ou d'une
malhonnêteté tragique. Je m'explique. Depuis le début de ce
débat, on condamne les restrictions budgétaires gouvernementales.
Toutes les raisons sont bonnes pour crier alerte a chaque fois que le
gouvernement a réduit la croissance du budget d'un ministère.
Dans la même veine, on condamne également le déficit du
Québec, qu'on dit astronomique, qu'on dit épouvantable.
L'intervenant précédent vient de nous donner un exemple de cette
attitude.
Mais comment peut-on penser logiquement - et la population du
Québec ne s'est pas laissée tromper, M. le Président
-condamner un déficit, d'une part, et condamner toutes les coupures
budgétaires, d'autre part, quand, durant la campagne électorale,
ces mêmes personnes promettaient l'accroissement des services dans bien
des domaines? La seule avenue possible qui s'offrirait à un gouvernement
qui serait formé de ces gens serait une hausse absolument fantastique
des impôts des Québécois. Or, on sait que les gens sont
suffisamment accablés par les problèmes de l'inflation sans
supporter de hausses d'impôts aussi extraordinaires que cela
supposerait.
Mais comment le gouvernement du Québec veut-il vivre cette
période difficile pour l'ensemble des gouvernements du monde
occidental?
Enfin, le gouvernement a donné, depuis quelques années,
des preuves, des preuves de saine gestion. On a commencé, dans les
services gouvernementaux, à réduire graduellement l'accroissement
du nombre des fonctionnaires. Également, le gouvernement a entrepris des
restrictions budgétaires dans l'ensemble de ses services. Mais nous
voilà rendus - c'est ce qui scandalise, semble-t-il, l'Opposition -
à demander à tout le réseau du parapublic: les
hôpitaux, les commissions scolaires, tout le domaine des affaires
sociales, certaines restrictions dans leurs dépenses. Qu'y a-t-il de si
scandaleux à ce que le gouvernement demande à son réseau
parapublic de faire les mêmes efforts que lui-même fait depuis
quelques années?
On assiste, M. le Président, à deux attitudes face
à cette exigence gouvernementale. La première est une attitude
responsable; il y a des gestionnaires dans le système parapublic qui
acceptent difficilement, il faut le dire, mais qui acceptent cette situation
temporaire de restrictions budgétaires. II y a éqalement,
malheureusement, une seconde attitude - on en voit parfois qui font de la
politique avec une situation aussi sérieuse que celle que l'on vit - une
attitude de rejet total, une attitude que je qualifierais d'irresponsable face
à la situation que l'on vit. Dans le réseau scolaire ces deux
attitudes se traduisent par deux discours bien différents. Le premier
discours, il est non voulu, c'est sûr, mais il est désiré
fondamentalement par l'ensemble de la population qui vit durement cette
période; ce premier discours, il est responsable. Le deuxième
discours fait plaisir à tous ceux qui sont affectés quelque peu
par des demandes de restrictions de la part du gouvernement, mais c'est
fondamentalement le discours qui inquiète la population du Québec
et c'est le discours que nous nous efforçons de condamner de ce
côté-ci de cette Chambre.
Dans le réseau scolaire il m'a été donné,
durant la période électorale, puisque ces restrictions
budqétaires étaient annoncées à ce moment, de
rencontrer - j'étais accompagné alors du ministre de la Justice -
des directeurs généraux de commissions scolaires. Il y a un
directeur général, entre autres, qui me disait: - il
n'était pas particulièrement réputé être
péquiste, croyez-moi - Les restrictions budqétaires vont me
permettre de mettre de l'ordre dans mon administration; ça va me
permettre de faire ce que j'aurais dû faire depuis quelques
années, ce que j'aurais dû entreprendre. Avec la baisse sensible
de ma clientèle, j'aurais dû réduire mon personnel
administratif, mais je ne l'ai pas fait et le gouvernement, en me mettant
certaines restrictions dans mon budget, m'oblige à prendre mes
responsabilités. Je pense que le discours de cet administrateur scolaire
était des plus responsables et il mérite d'être
mentionné en cette Chambre.
Également, la semaine dernière, j'ai
rencontré un autre directeur général de commission
scolaire avec qui j'ai discuté des problèmes budgétaires
causés par nos restrictions. Il me disait qu'avec quelques
réaménagements à l'interne il envisageait être
capable de boucler son année financière avec un surplus de
quelque 30 000 $. Il s'agit d'une commission scolaire dont le budget total
s'élève à quelque 4 000 000 $. Je pense qu'il y a des
gestionnaires dans le système parapublic gui, en ayant une attitude
responsable, une attitude positive face à cette exigence qu'on a de
freiner l'augmentation de nos coûts, réussiront. Ils ont
réussi, à l'heure actuelle - on peut déjà le dire
puisque les budqets des commissions scolaires sont des budgets fermés -
à passer à travers cette première année de
restrictions.
Il y a certaines conditions gui peuvent permettre à des
gestionnaires d'organismes parapublics de passer à travers une
période budgétaire difficile. Ces conditions, je me permets d'en
donner quelques-unes. Il faut que nos gestionnaires soient capables d'une
réflexion profonde. Il faut qu'ils soient capables d'un retour aux
objectifs fondamentaux de l'organisation.
Deuxièmement, il faut qu'ils soient capables d'envisager
positivement une réorganisation interne des ressources dans un contexte
de restrictions budgétaires. La troisième condition, il faut
être capable d'accepter dans le système parapublic d'être
peut-être un peu moins perfectionniste et un peu plus efficace.
M. le Président, bref, il faut accepter, il faut être
capable - je m'adresse aux gestionnaires du système parapublic - de
s'inscrire dans cet effort collectif gui est exigé de nous pour les
années quatre-vingt. Cet effort collectif, il nous appartient à
tous. Il appartient à tous les travailleurs des systèmes public
et parapublic. Il appartient également aux instances syndicales. Il
appartient aussi aux gestionnaires, aux administrateurs responsables. Il
appartient aux gens de cette Chambre qui doivent donner les grandes
orientations budgétaires pour le Québec. Il appartient enfin aux
usaqers qui doivent accepter certaines contraintes, gui doivent accepter
certaines difficultés, mais comme ils le font si bien quand il s'agit de
leur budget personnel où ils doivent couper sur des choses qui sont
essentielles, d'accord, mais qu'on peut réussir à enlever en
fonctionnant quand même.
Enfin, je pense que c'est tous ensemble que nous devons prendre le
collier. C'est tous ensemble que nous devons assumer cette
responsabilité collective. C'est tous ensemble que nous devons
dégager cette marge de manoeuvre suffisante pour nous permettre de faire
face à nos grands objectifs, à nos grandes priorités.
Enfin, M. le Président, je pense que l'ensemble des
députés de cette Chambre accepteront, après mûre
réflexion, comme les gestionnaires des systèmes public et
parapublic, comme les clients visés, comme les travailleurs et les
syndicats, tous ensemble, dans un geste responsable et digne de louange, de
faire face à nos responsabilités et, de cette façon, les
citoyens du Québec seront bien gérés. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Nous avons à
étudier ce soir le projet de loi no 11, un projet de loi qui nous
semble, au premier abord, bien inoffensif. Le ministre des Finances disait
d'ailleurs, cet après-midi, en le présentant que c'est une
procédure nécessaire parce que le projet est destiné,
disait-il, à consacrer les mesures annoncées dans le discours sur
le budget. Au passage, vous me permettrez, avant d'arriver au fond du
problème et du sujet que je veux traiter ce soir, de déplorer
certaines coupures dont les plus démunis de la société
devront payer le prix. (21 heures)
Je veux parler d'abord de l'agriculture. Il y a des coupures
draconiennes dans le domaine du drainage, dans les travaux
mécanisés et, principalement, dans le programme de soutien
à l'emploi. C'est vraiment très déplorable au moment
où ce programme était apprécié, rendait service aux
cultivateurs et réussissait également à abaisser
sensiblement, pour ne pas dire considérablement, le taux de
chômage dans le secteur de l'agriculture.
Dans le domaine des transports, le projet de loi consacre
également des coupures. Du côté du gouvernement, on
n'appelle pas ça des coupures; on trouve des termes très
élégants, on appelle cela des mesures de ralentissement des
dépenses publiques. On semble vouloir dorer la pilule pour qu'elle
s'avale mieux. On prend soin de bien l'enrober pour en cacher le
véritable effet, mais l'effet est là, ce sont des coupures.
J'ai vu, dans le domaine de la construction et de l'entretien du secteur
routier, des coupures qui sont pratiquement -si on ajoute l'inflation au taux
de coupures -égales à un tiers de ce qu'on connaissait dans les
années passées. Quand on connaît l'état pitoyable du
réseau routier de nos régions rurales, je dis que c'est
indécent, que c'est tout à fait inacceptable dans une
société soi-disant évoluée de laisser le
réseau comme il l'est dans le moment. Il arrive encore dans nos
régions, dans vos régions, mesdames et messieurs aussi, j'en
suis
persuadé, que des autobus d'écoliers ne peuvent circuler
sur des routes secondaires, des camions de livraison de moulée, des
camions qui doivent également faire la cueillette du lait, des choses
absolument essentielles. Vous avez des récoltes qui se perdent et on
essaie de nous faire accroire, par les discours des membres du parti au
pouvoir, que c'est une chose bénéfique, que c'est une chose
souhaitable. Je dis que c'est une chose qu'on doit dénoncer avec la
dernière énerqie.
Je voudrais traiter brièvement, puisque le projet s'y prête
bien, du domaine des affaires sociales. L'article 77 de cette loi soi-disant
anodine qui ne fait qu'entériner les mesures annoncées lors du
discours sur le budget, vient faire des chanqements assez profonds et assez
radicaux au chapitre de l'aide sociale. Je voudrais d'abord dénoncer la
politique tracassière, la politique de harassement qu'a
développée le gouvernement à l'égard d'un secteur
très démuni de notre population, nos assistés sociaux. On
a appliqué une politique de coupure de 25$ par mois. Vous savez comme
moi, M. le Président, que, sous les pressions, cette politique fut
remise de mois en mois jusqu'après les élections. Là, on
nous dit: On coupe seulement les cas où il y a eu fraude, mais qui
décide qu'il y a eu fraude?
J'ai reçu à mon bureau des individus victimes de ces
coupures, disons-le, de ces poursuites arbitraires. Il y a un fonctionnaire ou
un groupe de travail quelque part qui décide que monsieur ou madame a
retiré par fraude des prestations auxquelles il n'aurait pas eu droit.
Et voilà qu'on fait payer par l'assisté social, par le plus
démuni, souvent des erreurs administratives des aqents de l'État.
Je veux m'élever avec la dernière énerqie contre cette
pratique qui s'est développée depuis plusieurs mois,
principalement au sein du ministère des Affaires sociales. Je demande au
ministre des Affaires sociales de tâcher de donner des instructions pour
que cette loi, la Loi sur l'aide sociale, s'applique avec le plus
d'humanité possible, M. le Président. Qu'on cesse d'imposer des
tracasseries souvent outrancières à nos assistés sociaux.
Ils ont droit à leur dignité, ils ont droit au respect. La
faible, la maigre pitance qu'on leur laisse, quand vous arrivez avec des
coupures additionnelles, les met de beaucoup en dessous du seuil de la
pauvreté, leur cause des anqoisses, leur cause toutes sortes de
troubles, de tracasseries. C'est inacceptable. Les citoyens sont
écrasés, M. le Président, par l'appareil
gouvernemental.
Un autre secteur de coupures au sein du ministère des Affaires
sociales: les compressions ou les mesures de ralentissement, comme diraient les
gens du gouvernement, que l'on impose à nos hôpitaux. Je
déplore que, dans un domaine aussi crucial, l'on applique des
ralentissements, des coupures sans consultation. Il va de soi et j'accepte, M.
le Président, qu'il peut être nécessaire, dans un secteur
ou un autre, qu'il y ait un ralentissement, qu'il y ait une compression, mais
cela devrait se faire après des consultations avec les principaux
intéressés. Donc, nos hôpitaux, nos centres d'accueil
subiront les conséquences, se ressentiront longtemps des politigues
qu'on est en train d'appliquer.
Dans le domaine de l'éducation, notre société a le
privilèqe d'avoir deux secteurs d'éducation, deux réseaux:
un réseau public et un réseau privé. Je crois que tous
reconnaîtront que notre réseau public est un réseau dont
nous sommes fiers, et nous voulons tous qu'il demeure prioritaire dans nos
intentions de développements futurs. Si l'on reqarde, M. le
Président, sous quel gouvernement le réseau d'enseignement public
a pris l'envergure considérable qu'on lui connaît maintenant et
qui en fait l'orgueil de notre population, c'est sous un régime
libéral, le régime du gouvernement Lesage. Cela demeure un
fleuron de ce gouvernement. Maintenant, en ce qui concerne le réseau
privé, nous sommes d'accord que le réseau privé doive
compléter, doive offrir une émulation au secteur public, les
parents doivent avoir la liberté d'envoyer leurs enfants au
réseau privé, et les étudiants ont ce droit
également. Je crois qu'aucune personne, à venir à ce jour,
ne discutait de ce droit, de ce choix, M. le Président. Maintenant, sous
des apparences bien anodines, je le disais tout à l'heure, on est en
train de mettre en péril le secteur privé de l'enseignement.
M. le Président, je vous lirai guelques lignes d'un
communiqué que j'ai reçu, que vous avez sans doute reçu
également, qui provient de l'Association des institutions d'enseiqnement
secondaire, daté du 8 juin 1981. On dit, notamment: "Ne nous
méprenons pas sur le sens véritable de cette démarche - de
la démarche du gouvernement. Elle met en péril l'existence de
l'enseignement privé et elle pénalise les contribuables, les
électeurs et amende, à toutes fins utiles, les données
fondamentales du contrat social et scolaire du Québec." (21 h 10)
M. le Président, est-ce que l'on ne verrait pas la pointe de
l'iceberg, de l'intention du Parti québécois? L'on sait que le
Parti québécois n'est pas très favorable au réseau
d'enseignement privé. Le programme du parti contenait, il y a quelques
années, une mesure claire. Maintenant, on l'a un peu diluée, mais
en écoutant le député de Rosemont cet après-midi,
M. le Président, on ne doit pas se leurrer. On sait que le gouvernement
du Parti québécois n'est pas du tout favorable au réseau
d'enseignement
privé et désire même sa disparition. Mais, M. le
Président, pourquoi alors ne pas avoir engagé un débat de
fond en donnant les avis, les préavis, en écrivant des livres? Le
Parti québécois a écrit des livres: des jaunes, des verts,
des blancs, des arc-en-ciel, toute la gamme y a passé. Peut-être
en a-t-il même écrit des rouges. Je ne suis pas sûr, par
exemple, mais il faudrait vérifier. À tout
événement, pourquoi ne pas engager un débat de fond au
lieu d'y aller par le biais d'une mesure hypocrite au sein d'un petit projet de
loi anodin, quelque chose de banal qu'on doit entériner sans de longues
discussions?
M. le Président, qu'a à faire l'enseignement privé
avec une loi qui relève du ministre des Finances? L'enseignement
privé relève du ministre de l'Éducation, or, on vient y
faire un changement de fond à l'occasion de l'étude anodine d'un
projet de loi qui relève du ministre des Finances. On intègre le
secteur privé, M. le Président. On fait un effort
supplémentaire, on l'étouffe et on fait cela en fin de session.
Quelle est la réaction? L'unanimité des agents du réseau
de l'enseignement privé est à l'indignation et à
l'inquiétude, M. le Président. Vous avez sûrement
reçu comme moi des protestations, des lettres et des
télégrammes. Je vous en épargnerai la lecture, parce que
je sais que vous en avez sûrement pris connaissance et il en fut fait
état cet après-midi par le chef de l'Opposition
lui-même.
M. le Président, on doit laisser l'école privée
accessible à tous. Il doit y avoir une émulation
créée par l'existence des deux réseaux, le réseau
public et le réseau privé. Cela constitue une richesse pour notre
collectivité québécoise et nous sommes fiers, à
juste titre, de cette richesse de notre patrimoine.
Maintenant, M. le Président, pourquoi le gouvernement
s'acharne-t-il à démolir le réseau privé, alors
qu'il lui coûte moins cher que le réseau public? Pourquoi
l'étranqler, s'il nous coûte moins cher? J'ai ici quelques
chiffres, M. le Président. Un étudiant du collégial public
général coûte à l'État environ 4400 $. Un
étudiant du colléqial privé coûte 2680 $, soit 1720
$ de moins s'il fréquente une institution privée. Un
étudiant au secondaire public coûte à l'État environ
3600 $. Un étudiant au secondaire privé coûte environ 2100
$ à l'État, soit 1500 $ de moins. Un étudiant du primaire
public coûte à l'État environ 2400 $ par année. Un
étudiant du primaire privé coûte à l'État
environ 1445 $ par année, soit 955 $ de moins. Le secteur privé
coûte environ 60% à l'État de ce que lui coûte le
secteur public. Va-t-on vouloir nous faire croire, M. le Président, que
c'est pour épargner, que c'est pour économiser que l'on s'attaque
ainsi subrepticement au secteur privé? Ce n'est pas une question
d'économie, M. le Président. Il faudrait également vous
faire mention de la double coupure que l'on impose au secteur privé.
En 1980-1981, les collèqes privés ont été
financés en prenant comme base de calcul, comme le prévoyait la
loi 56, le coût moyen par étudiant du seul budget de
fonctionnement des collèges publics pour 1979-1980. En 1981-1982, les
subventions proposées par le gouvernement sont encore basées sur
le même coût moyen par étudiant des collèges publics
pour 1979-1980 avec une légère hausse de 4,58% en enseignement
qénéral et une très forte diminution de près de 17%
en enseignement professionnel. Le barème est le suivant; quand on
calcule le coût de l'aide que le gouvernement apporte au secteur
privé, on dit: Le secteur public, l'an passé, coûtait tant,
on vous accorde 80% de ce montant. Vu qu'une année est
déjà écoulée, l'inflation est venue gruger et on
peut équilibrer cela à environ 70%, et ainsi de suite.
La conclusion, en 1981-1982, les collèges privés doivent
faire face à une auqmentation de traitement de leur personnel - je crois
qu'on ne peut nier cela, c'est une chose normale - d'environ 18% selon les
échelles de salaires négociés par le gouvernement et la
hausse prévue de l'indice des prix à la consommation. De plus,
ils sont obligés de doubler leur contribution à la Réqie
de l'assurance-maladie du Québec, article 34 du projet de loi no 11 que
nous étudions présentement.
En conséquence, les collèqes privés devront, ou
bien assurer l'augmentation du traitement promis à leur personnel en
doublant tout au moins les frais de scolarité de leurs étudiants,
ou bien maintenir les frais de scolarité déjà fixés
pour les étudiants inscrits et réduire presque à
néant l'augmentation du traitement promis à leur personnel. Dans
les deux cas, la situation serait inacceptable. C'est une décision
inéquitable; le sort qu'on réserve actuellement au secteur
privé est injuste.
Je voudrais vous faire lecture, puisque j'ai la chance d'avoir dans mon
comté une institution privée dont je suis fier et qui s'appelle
le Séminaire de Saint-Georges, d'une lettre que j'ai reçue du
directeur général du séminaire datée du 8 juin
1981: "M. Hermann Mathieu, député de Beauce-Sud, Assemblée
nationale, Québec. Monsieur. Le projet de loi no 11 déposé
en Chambre le 27 mai 1981 créera de très grandes
difficultés d'ordre financier aux institutions privées et mettra
en danger la survie de plusieurs d'entre elles. Ce projet de loi frappe
très durement le Séminaire de Saint-Georges-de-Beauce, il
crée un nouveau mode de subvention gui défavorise grandement les
institutions gui dispensent de l'enseignement professionnel. C'est le cas du
Séminaire de Saint-Georges où 45% de sa clientèle, au
niveau collégial, suit des cours
du secteur professionnel. Je vous prie donc, M. le député,
de vous faire l'interprète auprès du gouvernement de tous ceux
qui réclament la tenue d'une commission parlementaire sur le projet de
loi no 11. Veuillez agréer mes meilleurs sentiments. Jean-Marie Drouin,
directeur général."
M. le Président, il ne faudrait pas que l'on fasse miroiter la
solution d'une commission parlementaire comme étant le remède
à tous les maux, comme on le fait souvent. Les camionneurs artisans sont
en grève à la porte du parlement, on leur promet la tenue d'une
commission parlementaire dans deux ou trois mois. Ils ne savent pas trop ce que
c'est, ils remontent dans leur camion et s'en retournent chez eux et, souvent,
on n'en entend plus parler. Dans différents domaines, c'est
déjà arrivé. Jeudi soir prochain, on tiendra une
mini-commission parlementaire pendant à peu près une heure et
demie pour recevoir tous les groupes intéressés de la province et
pour tâcher de faire une étude valable. Mais ce n'est pas
sérieux. C'est détourner l'attention, c'est agir sous de fausses
représentations. (21 h 20)
Quelles sont les conséquences pour le Séminaire de
Saint-Georges des coupures que l'on s'apprête à appliquer? Le
Séminaire de Saint-Georges reçoit 485 étudiants au
secondaire, 632 au collégial. Le manque à gagner à cause
des restrictions budgétaires serait de l'ordre de 400 000 $. Alors, on
vient modifier les règles du jeu en cours de route. Lorsque le
Séminaire de Saint-Georges a fait ses prévisions
budgétaires, il croyait que le gouvernement allait respecter non
seulement sa parole, mais la loi 56. Et, en cours de route, le gouvernement
fait fi de sa parole et de la loi 56. Quelle sera la conséquence pour
les élèves? Il faudra augmenter de 400 $ les frais de
scolarité. Dans le moment, le Séminaire de
Saint-Georges-de-Beauce est accessible à tous les étudiants de
condition modeste ou issus de parents de condition modeste. Augmenter de 400 $
cette année, l'année prochaine de combien et, cela va devenir la
caste des privilégiés. Vu que la population n'est pas tellement
considérable comme dans les grands centres, le séminaire sera
obligé de fermer ou il devra diminuer les services ou abaisser le nombre
de professeurs. M. le Président, où vont aller les
étudiants du collégial pour le secteur professionnel?
Est-ce que vous me permettrez de conclure, M. le Président, en
une minute, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Une minute, s'il vous
plaît.
M. Mathieu: Je voudrais dire que cette institution est un joyau
pour la Beauce, une fierté pour la population; elle a été
établie et maintenue par la générosité du
clergé. Je demande au gouvernement en conclusion d'assurer l'excellence
du secteur public et son développement. Je lui demande de ne pas
pénaliser, mais bien de favoriser de la même façon le
secteur privé et, en troisième lieu, de se prononcer franchement
sur l'avenir de l'enseignement privé dans un débat en bonne et
due forme convoqué à cette fin.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Rousseau.
M. René Blouin
M. Blouin: Merci, M. le Président. D'abord, regardons un
peu comment s'y est pris le gouvernement pour poser les gestes et prendre des
décisions dont nous discutons aujourd'hui. Le gouvernement a fait
finalement un peu comme les éducateurs -c'est ce que je faisais avant -
font lorsqu'ils sont aux prises avec un problème et qu'ils veulent
trouver la solution la plus juste et la plus efficace pour régler le
problème d'un enfant. Ils se réunissent, ils font ce qu'on
appelait une étude de cas et ils identifient, selon leurs connaissances
et selon leur juqement, quels sont les moyens les plus efficaces qui leur
permettront d'apporter les corrections les plus justes et plus efficaces aussi
envers l'enfant dont ils ont à s'occuper.
Le gouvernement a suivi un peu la même procédure. Il a
étudié les moyens qu'il devait utiliser pour faire en sorte que
la situation financière du Québec soit la meilleure possible
compte tenu des contigences dont il devait tenir compte. Il a d'abord
décidé de réutiliser un moyen qu'il utilisait
déjà depuis trois ans. Il a donc décidé de
continuer à diminuer le fardeau fiscal, c'est-à-dire les
impôts des citoyens à moyens et à faibles revenus. Cela a
été la première décision que le gouvernement a
prise et le premier moyen qu'il a décidé d'utiliser. Ce
n'était pas pour rien. Si le gouvernement a décidé de
continuer à diminuer le fardeau fiscal des citoyens à faibles et
à moyens revenus, c'était essentiellement pour la raison
suivante: c'était pour leur permettre d'avoir un pouvoir d'achat accru,
ce qui leur permettait, par voie de conséquence, d'injecter davantage
d'argent dans l'économie et de permettre, en cette période
difficile que nous connaissons, à l'économie de continuer
à tourner. Cela a été le premier moyen qu'a utilisé
le gouvernement.
D'autre part, malgré la situation difficile que nous avions
à vivre et les augmentations de dépenses dans certains secteurs
qui sont incompressibles, le gouvernement a dû essayer de racler tout ce
qu'il trouvait dans les coins de tiroirs et de faire le budqet le plus
équilibré possible. Cela a donné, malgré tout, un
déficit de
près de 3 000 000 000 $. Tout en décidant d'abaisser les
impôts donc de réinjecter de l'argent dans l'économie; qu'a
dû faire le gouvernement pour maintenir le déficit à ce
niveau? Il a dû prendre une autre décision qui était
logique, M. le Président, c'est celle de compresser ses dépenses
également et c'est ce dont on parle beaucoup aujourd'hui.
Je trouve dans les propos du parti de l'Opposition un certain nombre
d'incohérences, voire même de contradictions. Pendant la campaqne
électorale, et même avant, lorsque le budget a été
présenté, les députés de l'Opposition se sont
plaints amèrement du déficit de 3 000 000 000 $ qu'il y avait
à l'intérieur du budget, et ils s'en plaignaient, même
s'ils savaient que ce déficit représentait la moitié du
déficit du gouvernement fédéral, qu'ils ne cessent de
louanger, M. le Président. Ils se plaignaient de ce déficit de 3
000 000 000 $, alors qu'auraient-ils fait pour l'éviter?
Ils ont déjà suggéré d'augmenter les
impôts. Cela n'a pas été notre choix. Notre choix
n'était pas d'appauvrir les plus démunis de la
société, mais de diminuer encore leur fardeau fiscal et de leur
donner un plus grand pouvoir d'achat. Ce n'était pas notre choix.
Certains députés de l'Opposition, à l'époque, l'ont
pourtant suggéré. Ils n'auraient certainement pas non plus, je
présume, augmenté le déficit. À supposer, par
exemple, que l'Opposition ait décidé de ne pas abaisser les
impôts et de diminuer le déficit, il aurait donc fallu qu'ils
s'astreignent à une politique de restrictions budgétaires eux
aussi. Ou bien il fallait augmenter le déficit ou bien il fallait
augmenter les impôts ou ne pas les diminuer. Alors qu'auraient-ils fait?
Quelle aurait été leur solution, M. le Président? Les
avenues ne sont pas très larges et, lorsqu'ils critiquent aujourd'hui
les restrictions budgétaires du gouvernement, je voudrais leur demander
de nous indiquer ce qu'ils auraient fait, eux, pour maintenir la situation
financière du Québec dans des balises raisonnables et quels
moyens ils auraient utilisés pour pouvoir contrôler la situation
financière du Québec de façon décente.
Quant à nous, M. le Président, je le répète,
nous avons choisi d'abaisser les impôts et de compresser les
dépenses publiques. Et ces compressions dont on a fait grand état
aujourd'hui ne touchent pas que l'enseignement privé, elles touchent
tous les ministères du gouvernement et, notamment -puisgue je
participais à la commission du ministère des transports, vendredi
dernier -les compressions s'attaquent au ministère des Transports. Ce
n'est pas toujours facile, parce qu'il y a des projets, dans nos propres
comtés et dans nos propres régions, dont nous comptions la
réalisation dès cette année et qui devront être
reportés d'un an. Mais nous avons accepté ces contraintes parce
que nous avons décidé qu'il était préférable
de diminuer le fardeau fiscal des citoyens et de faire certains sacrifices sur
les projets que nous avions prévus au cours de cette année. C'est
vrai au ministère des Transports.
Si je suis la logique de l'Opposition, qui parle de l'enseignement
privé comme si l'enseignement privé allait disparaître
demain matin, je m'y retrouve assez difficilement. Tellement qu'en
écoutant le député de Beauce-Sud, tout à l'heure,
celui de Marguerite-Bourgeoys, cet après-midi, ainsi que celui de
Jean-Talon, qui a été vibrant cet après-midi et qui,
à un moment donné, m'a un peu bousculé et m'a presque fait
trébucher, lorsqu'il a parlé de la disparition éventuelle
et même à court terme de l'enseignement privé, on avait
l'impression que, demain matin, les enfants n'entreraient plus dans les
écoles privées. Il a brandi le spectre de la disparition
imminente du secteur de l'enseignement privé. Cela m'a
inquiété, M. le Président, alors je me suis levé,
je vous ai salué respectueusement et je suis allé rencontrer le
ministre de l'Éducation, pour qu'il me rassure d'abord, s'il pouvait le
faire, et qu'il m'explique quelles étaient les conséquences
pratiques des compressions budgétaires ou des coupures
budgétaires auxquelles sont astreintes aussi les institutions
privées. (21 h 30)
On peut prendre, comme certains députés l'ont fait, des
cas isolés. Mais prenons un exemple global, c'est-à-dire un
exemple qui fait la moyenne des incidences réelles sur l'enseignement
privé des restrictions auxquelles seront soumises les institutions
privées.
En général, M. le Président, les parents doivent
débourser, chaque année, pour envoyer un de leurs enfants dans
une institution privée, environ - plus ou moins, cela dépend des
cas - 300 $. Or, pour maintenir la qualité actuelle du réseau
privé d'enseignement, quelle devrait être la participation
supplémentaire des parents? Ceux qui, par exemple, envoient un enfant
dans une institution privée et qui déboursent 300 $, au moment
où on se parle, combien devraient-ils débourser de plus l'an
prochain pour que l'institution puisse être assurée d'avoir les
mêmes services? Réponse: environ 75 $. C'est-à-dire plus ou
moins 7,50 $ par mois sur les dix mois de classe que compte l'année
scolaire. Partir avec cette donnée fondamentale qui est une
donnée réelle et conclure que les institutions privées
sont sur le bord du précipice, du marasme, pour employer une expression
chère au député de Beauce-Sud, qu'elles sont sur le point
de fermer et de mettre le cadenas sur la porte, c'est berner la population et
c'est inquiéter délibérément les parents qui ont
des enfants dans ces institutions privées. Ce n'est pas cela qui
arrivera. Le jeu auquel se livre
l'Opposition aujourd'hui, qui est un jeu démagogique qui a pour
but d'inquiéter ces parents, m'inspire le commentaire suivant.
Le chef de l'Opposition, M. le Président, avant le début
des travaux parlementaires de cette session, a dit un peu candidement devant
les journalistes et les caméras de télévision que, dans
certaines circonstances, il était préférable, pour
l'Opposition, d'exagérer dans ses propos que de ne pas tenir de
débat du tout. Je crois qu'aujourd'hui ses membres ont nettement
exagéré dans leurs propos et qu'ils suivent la consigne de leur
chef.
Lorsqu'on regarde les conséquences réelles des mesures sur
les institutions privées d'enseignement et qu'on suit la logique de
l'Opposition, c'est un peu - pour reprendre l'exemple des transports que
j'utilisais tout à l'heure - comme si on se disait que parce qu'il faut,
dans un comté, sacrifier un projet routier et le reporter à l'an
prochain on partait sur cette logique de catastrophe et qu'on disait:
Étant donné qu'il faut commencer à restreindre les projets
sur le plan des transports, dans quelques années, mesdames et messieurs,
surveillez-vous, il n'y aura même plus de construction de routes au
Québec et, dans quelques années, on fermera les routes et on
abolira les automobiles. C'est un peu cette logique descendante que suivent
aujourd'hui les députés de l'Opposition, qui dépasse
nettement la réalité et qui induit la population en erreur.
Je rappelle, M. le Président, que l'intention du gouvernement a
été de réduire - c'est ce qui a été fait
effectivement - les impôts des citoyens à faible et à moyen
revenu pour la quatrième année consécutive et
également d'éviter que le déficit ne gonfle trop en
compressant les dépenses publiques. Je crois qu'il faudrait,
plutôt que de faire appel à des comportements qui gonflent la
réalité, dégonfler les ballons, revenir à la
réalité et faire appel au sens des responsabilités des
administrateurs publics et de la population du Québec pour que les
finances publiques demeurent saines. Plutôt que de les charrier d'un
ballon à l'autre il faudrait parler des choses telles qu'elles existent
afin que le débat que nous tenons aujourd'hui soit un débat qui
devienne davantage éclairé et conforme au fait et à la
réalité financière du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: M. le Président, je vais parler des
écoles privées et du projet de loi no 11.
I am going to speak very briefly on the principle of the way in which
the government is acting in reqard to the private schools. I want to tell you
and I want the public to know that I deplore the underhanded and what I
consider the totally irresponsible manner in which the government is acting in
relation to private schools. I deplore the way in which decisions are beeinn
taken, decisions which have a clear policy impact. Major policy decisions on
the part of the government are beeing taken in a back door fashion through what
are, in effect, that changes in the budgetary rules which appear in the bill
11.
We have been waiting a long time for a clear and direct clarification of
policy on the private schools in this province. In 1977, a petition of 546 000
plus signatures of parents was submitted to the Prime Minister of Québec
demanding the respect of the government for the liberty of choice of parents to
send their children to the school of their choice.
Depuis 1977, le gouvernement du Québec retarde d'année en
année l'annonce de sa politique à l'égard de
l'enseiqnement privé. On attend encore. Quelques mois après la
pétition des parents, le gouvernement du Québec annonçait
son intention de revoir la Loi sur l'enseiqnement privé et les
règlements s'y rapportant. Nous sommes maintenant en 1980, le
gouvernement du Québec n'a toujours pas fait connaître sa nouvelle
politique à l'égard de l'enseignement privé. Cependant,
une analyse des propos tenus, des positions prises par le ministre de
l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, à cette époque, dans
ce débat nous permet de dégager les orientations suivantes.
En 1979, Jacgues-Yvan Morin a dit: en commission parlementaire, le 11
mai, "Je pense qu'on peut dire clairement que la décision du
gouvernement est de maintenir l'enseignement privé." Je crois que c'est
clair. Trois semaines après, Jacques-Yvan Morin a dit à
l'Assemblée nationale: "II y a une très grande
variété d'institutions. Il y en a, par exemple, qui sont des
écoles spéciales destinées à des clientèles
spéciales. Il y en a qui sont des établissements qui font
quasiment partie de notre patrimoine du Québec. Nous devons
évidemment faire des distinctions entre tous les établissements
dans l'énonciation d'une politique".
Un peu plus tard, encore le ministre de l'Éducation à
cette époque, M. Morin, disait: "Les écoles privées seront
subventionnées dans la mesure seulement où elles seront
complémentaires du secteur public." Qu'est-ce que ça veut dire,
complémentaire? On n'a jamais défini ce mot dans ce contexte. (21
h 40)
We have been waiting, Mr. Chairman, for a policy on private schools for
a long time. Now, the government, instead of having the courage to face the
issue, is introducing what is in fact a policy by the
back door of virtual destruction of the private schools, except,
perhaps, for a handful of people who will be able to afford them in the future
in our society. Instead of having the courage to face the guestion honestly and
openly and tell the public whether or not the government believes in the public
support of private schools, instead of having the courage to face the question
as to whether the government believes or not that parents should have a choice
of education between public and private, maybe the government does not really
want to tell us what it believes and, in fact, what it is introducing is a
choice for some and no choice for others. This was a principle that was
endorsed by the government at the time of Bill 101.
Instead of facing the issue and telling the public what ists real
philosophy is - indeed, perhaps it is obvious by its actions without telling us
what its philosophy is -the government is introducing precipitously and without
sufficient consultation what is, in effet, a major policy change. This
afternoon, the Minister characterized the amendments as simply "un
réaménagement de nos priorités", a realignment of our
priorities. What I would like to know is what are the government's priorities.
The Minister of Education did not tell us. What does the government believe
regarding the right of parents to have a choice between public and private
education? What obligation does the government believe it has or has not to
facilitate the choice of schooling between private and public on the part of
parents?
Another question which we have not had answered yet: As taxpayers, what
rights do parents have to their share of public monies for education so that
they can finance their choice? What alternatives has the government examined?
Has the government ever examined the vaucher system for instance which is, in
effect, in many other places in recognition that every child has the right to
be financed with public monies to some sort of education publically financer?
Is that something that the government has examined or perhaps should examine? I
think we need an answer on that question. Has the government made up its mind
on these things? Perhaps, and the government is just not telling us.
It looks as though the government is avoiding the whole issue by
introducing Bill 11 in the hope that the private schools will gradually die off
and perhaps the whole issue will go away. Is this change really motivated by
the need to save money, as claimed by the government? If it is, why has the
private sector been hit more than the public sector? I suggest that the whole
thing has nothing to do with money, as claimed by the government, because after
all, every time a child moves from the private sector to the public sector,
which is going to be the natural result of Bill 11, then the government is
actually going to spend more money. I do not think their argument about money
holds any water and the public will see through that very quickly. I think that
the introduction of the new rules of the game in relation to private schools in
bill 11 is just another example of the kind of hypocrisy and irresponsibility
of the government in this whole affair. This afternoon, the deputy for Rosemont
underlined the fact that in the other provinces of Canada, private schools are
not financed at all and that public monies go to public education and that is
an accepted principle. Therefore, we should adopt the same rules of the game,
because after all, in the other provinces, the private schools are schools for
the rich and that is not something...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Rosemont.
Mme Dougherty: ...that we can accept.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Rosemont, s'il vous plaît.
M. Paquette: Question de privilège, M. le
Président. Je pense que la députée de Jacques-Cartier -
c'est bien cela? - me cite incorrectement. Je n'ai pas dit qu'il fallait imiter
les sept autres provinces canadiennes et ne pas financer du tout l'enseignement
privé. J'ai dit que sept des autres provinces canadiennes ne
finançaient pas du tout l'enseignement privé et que, dans ce
contexte, il n'était pas scandaleux que le Québec réduise
ses subventions à l'enseignement privé de 80% à 76%.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Jacques-Cartier, s'il vous plaît.
Mme Dougherty: Thank you.
I think that in Québec, through the public financing of a large
proportion of private education, we have in fact managed to do something quite
special here. We have in fact managed to create a choice in which a broad
sector of the public can take part and instead of making private schools
exclusive domains of those who are more privileged economically, we have
managed to create a healthy and competitive choice for a broad sector of
parents and I think that is something that we should be proud of and it is not
something at this point that we should be about to destroy for false
egalitarian arguments.
If the government is worried - and if this is part of their motivation
in moving to destroy the private sector gradually - about
more and more people choosing private schools which is in fact the case,
then I think we should look honestly at the reasons for that and not use the
private sector as a scapegoat for the problems in the public sector. You know,
there are many problems in the public sector that are driving people to private
schools. Parents are looking for a climate of discipline, a climate of
tranquillity which is not continually broken by hassles with the government and
hassles around negotiations, strikes and disputes with staff. Parents are
looking for a climate where there is a solid and continual supervision. Parents
are looking for a follow-up and homework. Parents are looking for personal care
and caring for their children and they find this kind of a climate in many
private schools. The fact that private schools seem to be able to offer this
kind of climate and this kind of service, makes this the worst time perhaps to
think about eliminating or putting pressure on the private schools. Let us,
instead, turn our attention to the public system and see how we can reproduce
some of those fine things that appear in the private sector that parents,
legitimately, want very much for their children. (21 h 50)
My major concern in relation to Bill 11 is its effect on a number of
special education schools. In the private sector, there are eleven special
education schools that provide a very unique service to about 1500 children. I
think that, again, I was alerted particularly to what may be a problem by the
remarks of the député de Rosemont this afternoon, when he
sugqested that, after all, the public policy of the government is integration
of special education children.
This is a beautiful theory. I personally was part of the COPEX committee
which prepared the COPEX report on special education, which advised the
government on their integration policy. Integration is a theory, it is a goal
that I deeply believe in, but integration for all children is not realistic,
and I would invite the député de Rosemont and anybody else to
visit some of these schools, that are involved in Rill 11, as private schools.
Just see what kinds of children are there, and what chances do you think those
children would have if they were integrated into regular schools or regular
classes? I would invite anybody to visit the oral school for the deaf and see
what is going on there. I would invite anybody to visit a Miriam home and see
the disturbed children there and the kind of specialized care that they are
getting.
Let us ask ourselves if there is a classroom in the public sector that
can duplicate those special services. I think not. These are the schools that
are going to get hit. The children in these schools, there may not be many, but
education is a personal affair, and we cannot just deal in numbers. These
children are referred by school boards who do not have the facilities and the
personnel for look after these children. They are referred by social workers by
people who are working with juvenile protection. They are referred by the
hospitals. These are serious and grave cases that need special care to
eliminate the possibility of these children being educated in the specialized
institutions is unthinkable because these parents have no choice. They have
only one choice, and it is these schools. Are we going to take that choice away
from them? I hope not.
You know, for a government that has prided itself on being a good
government and a humane government, I think that this single, I would call it,
sneaky act of introducing budgetary changes which, in a fact, are a major
policy philosophical change in relation to education in this province, for a
government that has prided itself on caring so much about parents and what
parents think... We heard enough in Bill 71, about parent participation and
hour schools, must respond to parent needs, it is very important!
Yet, we have thousands of parents out there and many thousands of
children who are going to be betrayed by this bill, because parents have made a
choice that they believe is the best for the future of their children. And now
the government is going to say: You cannot have that choice, it is not valid,
only if you can find another thousand dollars for reach of these children, or
whatever can you have that choice. There is a price on that choice now. I think
that the government is showing its disregard and its total lack of respect for
parents by the way it is introducing this bill. I would hope that the
government recognizes...
Des voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Consentement?
Mme Dougherty: I am going to finish, one more second. I would
hope that the government recognizes the importance of this issue and that it is
not good enough just to give a token hearing in an hour and a half this week
for a few groups of parents who happened to have heard about this change in the
bill. I think it is time that the government concern itself with the future of
thousands of parents and of thousands of children and that the government face
the music on this issue. Thank you.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Fabien Bélanger
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Il semblerait
qu'on manque de combattants. Est-ce que le parti ministériel serait
déjà épuisé? De toute façon, on va en
profiter.
Une voix: Fabien, ne commence pas.
M. Bélanger: C'est avec beaucoup d'intérêt
que j'exerce mon droit de parole en deuxième lecture sur le projet de
loi no 11 qui en quelque sorte est très technique, mais qui comporte
quand même certains passaqes beaucoup plus faciles que d'autres à
interpréter. Je pense, entre autres," à la Loi sur l'aide sociale
en vue de permettre certaines compressions résultant de la politique
budgétaire du gouvernement." Toujours dans les notes explicatives, nous
retrouvons "l'augmentation de la taxe sur le capital des corporations." On est
tellement convaincu que les entreprises au Québec ne feront plus
d'argent qu'on ne veut plus les taxer sur leurs profits; on veut les taxer sur
leur capital-actions. C'est donc dire qu'une compaqnie peut fonctionner au
Québec à perte et en même temps remplir les coffres du
ministre des Finances. "Imposition de certaines sociétés
d'État québécoises à la taxe sur le capital." Les
sociétés d'État, on le sait il y en a deux ou trois qui
sont rentables; les autres sont continuellement en déficit. Vous avez
Hydro-Québec qui est la seule société d'État
vraiment rentable à tous les ans. Donc, on veut augmenter les profits
d'Hydro-Québec en lui permettant de hausser ses tarifs tout simplement,
encore une fois, pour remplir les coffres du ministre des Finances qui semble
très gourmand. "La Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du
Québec est modifiée concernant l'augmentation du taux de la
contribution de l'employeur à la création d'un fonds des services
de santé." Enfin, "la Loi sur l'aide sociale est modifiée afin de
préciser le pouvoir réglementaire du gouvernement en cette
matière, et de favoriser le remboursement des prestations d'aide sociale
versées à titre d'avances ou perçues sans droit."
Si nous voulons résumer le projet de loi, je crois qu'on devrait
l'appeler le projet de loi autorisant les coupures budgétaires à
la suite du budget présenté par M. Parizeau le 10 mars dernier.
Parfois, il m'arrive de penser que nous sommes privilégiés, nous,
membres de cette Assemblée nationale, d'entendre ces ténors du
Parti québécois nous énoncer qu'au Québec tout va
bien, une explosion économique. J'ai même entendu le
député de Lac-Saint-Jean nous dire qu'un directeur d'école
était heureux de faire couper son budget; il pourrait, dit-il, apporter
une meilleure administration. Je n'ai pas à vous dire qu'il était
sûrement endoctriné et je laisse le soin à la population du
Québec de savoir pour quel parti.
Nous pouvons, non seulement nous pouvons, mais nous devons nous demander
pourquoi ce gouvernement en arrive à imposer à tous les
Québécois des coupures aussi draconiennes. Je vais tenter
d'apporter quelques éclaircissements ou si, vous préférez,
quelques constatations à ce qui fait que le gouvernement est dans une
situation aussi précaire. (22 heures)
Nous savons que toute l'administration d'un budget, que ce soit
personnel, que ce soit un budget d'une petite corporation, que ce soit un
budget d'une municipalité ou même d'une province, demande beaucoup
d'attention et de surveillance. Et un budget de l'importance de celui de la
province de Québec, cela demande également une certaine
compétence, chose dont semble totalement dépourvu le gouvernement
actuel. Pour administrer le budget d'une province comme le Québec, il
faut d'abord de vrais administrateurs pour stimuler les entrées de fonds
et surveiller, par la suite, les dépenses perçues à
même les taxes et les impôts des contribuables
québécois.
Alors, que fait le gouvernement à cet égard? D'abord, il
ne favorise certainement pas l'entrée de fonds car il sème
constamment l'incertitude au Québec par son idée
d'indépendance ou, si vous préférez, de
souveraineté-association, sauf, naturellement, durant les campagnes
électorales. Nous nous souvenons de la compagne électorale du 13
avril dernier où cette option souverainiste était
censément en veilleuse. Pourtant, nous retrouvons, en date du 5 juin
dernier, dans la Presse de Montréal, en gros titre : Le Parti
québécois tentera de relancer la lutte pour
l'indépendance. Donc, encore une fois, il crée certaines
incertitudes au Québec, empêche certaines réalisations de
se concrétiser, empêche également la venue de capitaux
étrangers, donc prive par le fait même le gouvernement d'une
recette fiscale très importante. Plus que cela, M. le Président,
dès que nous, de l'Opposition, nous tentons de mettre le gouvernement en
garde contre de telles déclarations, on nous accuse, nous, de semer la
panique au Québec, on nous empêche même de voir le vrai
problème en face.
Si nous reprenons maintenant le contrôle des finances de
l'État, nous nous apercevons que, si le gouvernement avait eu un suivi
dans ses dépenses au cours de ces cinq dernières années,
nous ne nous retrouverions pas aujourd'hui avec de telles mesures de
compression budgétaire, qui font que le gouvernement se voit dans
l'obligation de doubler la prime d'assurance-maladie du Québec, bien
sûr la part de l'employeur seulement. Là encore, on avait un
électorat à respecter. J'aimerais vous apporter un
exemple de cette augmentation de la prime d'assurance-maladie au
Québec. Prenons l'exemple d'une entreprise ou d'une usine qui emploie
425 employés avec des salaires moyens de 18 000 $ par année. Ce
n'est quand même pas énorme. La prime qui était de 1,5%
auparavant nécessitait un déboursé annuel, de la part de
l'employeur, d'environ 115 000 $. Avec ces coupures ou cette auqmentation -
dans ce cas, il s'agit plutôt d'une augmentation que d'une coupure;
j'aurais préféré une coupure remarquez bien, messieurs -
le montant passe donc à 230 000 $. C'est donc dire que cette manufacture
ou cette usine doit faire porter cette augmentation sur chaque
Québécois tout simplement en augmentant les produits finis. Donc,
encore une fois, indirectement, un impôt camouflé pour nos
travailleurs du Québec.
Que penser, M. le Président, de la Loi sur l'aide sociale qui
favorise le remboursement des prestations d'aide sociale versées
à titre d'avance où le gouvernement prenait déjà
des mesures harcelantes et très rigoureuses dans la perception de ses
comptes envers les moins bien nantis du Québec. Cette loi, M. le
Président, veut tout simplement donner davantage de pouvoirs
réglementaires au gouvernement en cette matière. Il est
évident que nous, de l'Opposition, nous nous devons de voter contre ce
projet de loi et d'informer les Québécois, tel que je l'ai
mentionné auparavant, que si un suivi avait été fait
durant les cinq années du gouvernement PQ, nous ne serions certainement
pas devant des coupures aussi scandaleuses. M. le Président, on nous
dira: Est-ce qu'on devra augmenter le déficit? À ceci je
réponds immédiatement: Non, messieurs. Nous devons, par contre,
faire une saine administration des fonds publics. Nous avons vu avec le rapport
du Vérificateur général du Québec, de quelle
façon on dépensait les fonds publics.
Une voix: Du gaspillage!
M. Bélanger: On nous a démontré très
clairement qu'on se souciait très peu de l'argent des contribuables.
À titre d'exemple, prenons le cas de la Société
d'habitation du Québec où nous avons engagé un très
bon ami du premier ministre, M. Lévesque...
M. Marx: Du patronage!
M. Bélanger: ...sur sa recommandation personnelle
d'ailleurs, M. Luc Cyr, pour la coordination des réparations de
propriétés de la Société d'habitation du
Québec.
M. Marx: Du patronage transparent!
M. Bélanger: Jusque là, rien
d'irréprochable. C'est un ami du ministre, on l'accepte. Mais nous avons
payé à ce M. Cyr, durant son mandat de coordonnateur, pour moins
de deux ans de travail, des honoraires de 158 300 $.
M. Marx: Ah bon!
Une voix: C'est payant!
M. Marx: Caisse électorale du PQ!
M. Bélanger: M. le Président, mon expérience
dans le domaine de l'habitation m'amène à vous affirmer que
beaucoup de travailleurs compétents de la construction qui ont
mené à bien divers projets auraient pu faire le même
travail avec un salaire annuel variant entre 30 000 $ et 40 000 $. Nous aurions
donc pu économiser là tout près de 100 000 $. Comme vous
pouvez le constater, le patronage, ça coûte cher.
Une voix: Ils vont faire payer cela par Régis Trudeau!
M. Bélanger: Nous aurions pu croire, M. le
Président, que, face à une situation aussi difficile, le
gouvernement en place aurait changé son orientation, mais non. Pour la
fête des Québécois, le 24 juin prochain, nous allons encore
une fois investir plus de 3 000 000 $. Actuellement, ?5 personnes travaillent
en permanence à l'organisation de cette fête nationale. Il ne
faudrait pas croire que je suis contre cette fête populaire, mais, dans
une période difficile comme celle que connaît actuellement le
Québec, lorsque le gouvernement coupe dans des classes d'accueil, dans
les prématernelles, dans l'enseignement aux adultes, dans les services
sociaux, dans l'aide sociale, il doit tout au moins s'attendre qu'on lui
demande des comptes sur ce genre de dépenses. Nous sommes là pour
quelque chose, messieurs.
Comme je l'ai mentionné au tout début, M. le
Président, l'administration du budqet d'une province diffère peu
de l'administration d'un budqet personnel. Nous verrions mal un jeune couple
célébrer son 10e anniversaire de mariage en s'endettant pour les
cinq années à venir. Je crois que cette comparaison peut
s'appliquer au gouvernement.
Nous de l'Opposition sommes prêts à collaborer avec le
gouvernement en vue de restreindre les dépenses gouvernementales, mais
pas avec de telles mesures envers les plus démunis de la
société, les vieillards, les étudiants, les personnes
handicapées, les assistés sociaux, l'enfance
inadaptée.
M. Marx: Bon gouvernement!
M. Bélanger: Nous sommes prêts, messieurs, à
couper dans le gras, mais nous ne sommes pas prêts à arracher des
membres.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: M. le Président, à l'occasion de ce
premier discours que j'ai l'honneur de prononcer à l'Assemblée
nationale, à titre de député de la circonscription de
Laporte, sans doute me permettrez-vous, dans un premier temps, de remercier les
électeurs de mon comté qui m'ont confié le mandat de les
représenter en cette Chambre. Je voudrais aussi exprimer ma profonde
gratitude envers les centaines de bénévoles qui ont
travaillé sans compter pendant les semaines qui ont
précédé le scrutin du 13 avril dernier. Soyez
assuré, M. le Président, que les citoyens du comté de
Laporte s'attendent que leur député soulève toute question
qui se rapporte de près ou de loin à leurs préoccupations
et c'est bien ce que je compte faire. (22 h 10)
Mr. Speaker, I would like to take this opportunity to express my most
sincere thanks to the population of the county of Laporte for their show of
confidence on April 13th last. I wish to assure them as well as the hundreds of
volunteers who worked so hard during the campaign that I am most grateful and
that I will devote all my energies through the discharging of my
responsibilities.
J'aimerais également, M. le Président, telle que le veut
la tradition, vous féliciter de votre élection et vous assurer de
mon entière collaboration comme, d'ailleurs, de celle de mes
collègues au cours des mois et des années à venir.
Le projet de loi no 11, que nous avons devant nous pour étude en
deuxième lecture aujourd'hui, traite, entre autres choses, de coupures
dans le secteur des écoles privées. J'aimerais m'adresser pendant
quelques instants aux parents qui ont des élèves dans les
écoles privées et dans les écoles publiques afin de leur
présenter certaines considérations personnelles sur le sujet. Je
pense que l'école privée est une excellente façon de
maintenir dans le système scolaire une saine concurrence. Il y aurait
lieu de conserver l'école privée afin de permettre de maintenir
la compétition entre les deux systèmes. Si on permettait à
l'État d'abolir complètement les subventions au système
privé, ce serait à court terme la mort du système
privé et on mettrait en place un monopole, le monopole de l'école
publique qui ferait en sorte que les parents n'auraient pas le choix, dans les
années à venir, et devraient nécessairement envoyer leurs
enfants à l'école publique.
Or, je pense que personne d'entre nous n'aimerait se retrouver devant un
seul fournisseur quel qu'il soit et dans quelque domaine que ce soit.
L'expérience, je pense, prouve que quand on est devant un seul
fournisseur de services ou de biens, rapidement, on perd la qualité dans
les services rendus ou les biens fournis. En définitive, c'est le
consommateur qui paie. Je pense que la même chose se reflète ou se
retrouve dans le système d'éducation. La meilleure façon
de garantir l'excellence est de maintenir les deux systèmes, le
système privé et le système public, de façon
à obliger les professeurs et les élèves - surtout les
professeurs - à se surpasser afin de maintenir l'excellence. Si on
continue à diminuer les subventions aux écoles privées,
comme on tente de le faire présentement, on causera
inévitablement la mort du système privé puisque les
parents ne pourront plus continuer à payer les frais de plus en plus
élevés que nécessiteront les écoles privées.
Je sais que mes prédécesseurs en ont parlé amplement, mais
je pense qu'il faut se souvenir qu'à chaque fois qu'un
élève passe du système public au système
privé il n'y a pas de perte pour qui que ce soit, et surtout pas pour
l'État.
En effet, le gouvernement paie 100% des frais de scolarité des
élèves qui sont au système public alors qu'il ne paie
qu'une proportion de 80% des frais de ceux qui sont au sytème
privé. Encore là, les calculs sont faits sur la base des chiffres
de l'année précédente, ce qui fait qu'en
réalité un élève au système privé ne
coûte que 70% du coût d'un élève au système
public. Si on prend un exemple, celui d'un groupe de 3000 qui coûterait
10 000 $ par élève - je prends un chiffre tout à fait
arbitraire - cela ferait 30 000 000 $ au système public. Si ces
élèves étaient au système privé,
étant donné qu'on ne paie que 70% - 80% de l'année
précédente - le coût ne serait que 21 000 000 $ pour le
même nombre d'élèves, donc une économie, dans ce
cas, de 9 000 000 $ pour le même nombre d'élèves qui
seraient à l'école privée.
Donc, on peut affirmer qu'en aucun cas il n'y a des coûts
additionnels de créés lorsqu'on maintient le système
privé. Je pense qu'au contraire il y a des avantages certains à
maintenir la concurrence entre les deux systèmes de façon que les
professeurs et tous ceux qui sont dans le milieu soient obliqés de se
surpasser. Je pense qu'en définitive ce sont les élèves
qui bénéficient de cette situation.
En résumé, on peut dire que ce qu'on doit rechercher dans
ce milieu, c'est l'excellence par la concurrence de la même façon
qu'on doit la rechercher également dans les autres sphères
d'activité. Maintenant, pourquoi le gouvernement cherche-t-il à
couper les subventions au système privé? On peut évoquer
plusieurs possibilités, plusieurs raisons, mais je pense que la
principale raison c'est que,
effectivement, le gouvernement doit nécessairement trouver des
fonds quelque part parce que, pour employer l'expression courante, il est rendu
au fond du baril. Le gouvernement n'a plus d'argent et doit en trouver quelque
part.
À titre d'exemple, M. le Président, je voudrais vous dire
que j'ai eu une expérience récente. En tant que nouveau
député dans cette Chambre, j'ai eu l'occasion, la semaine
dernière, de faire l'étude des crédits du ministère
des Transports. Alors, j'ai procédé à une étude
aussi sérieuse que possible du budget du ministère des Transports
de façon à pouvoir me présenter en commission
parlementaire et faire un travail honnête. Ma première
constatation a été que le budget qu'on nous présentait -
c'est un budget important, puisqu'il s'agit d'un budqet de 1 343 000 000 $,
soit le troisième plus important budget des ministères du
gouvernement - ce budget était une véritable farce et est encore
aujourd'hui une véritable farce. On a augmenté la masse
monétaire du ministère des Transports de 4%, alors qu'on sait que
le coût de la vie augmente d'au moins 10%. Je ne blâme pas le
gouvernement d'avoir voulu, évidemment, restreindre l'augmentation des
dépenses. C'est une préoccupation dont on doit le
féliciter. Mais, étant donné que les salaires, quant
à eux, sont incompressibles et qu'il a fallu augmenter les salaires du
ministère des Transports d'au moins 10%, il en est résulté
que tous les autres postes du budget du ministère des Transports sont
demeurés exactement, ou à peu près, au même montant
qu'ils étaient l'année précédente.
Le budget du ministère des Transports, M. le Président,
est une photocopie du budget de l'année précédente. On a
repris, à presque tous les postes, les montants qui étaient au
budget de l'année précédente et on les a recopiés
dans le budget de l'année courante. Jamais un particulier ou une
corporation dans le secteur privé n'aurait pu procéder de cette
façon et s'en sortir sans critiques. Je vois mal des administrateurs
dans le secteur privé se présenter devant le conseil
d'administration et lui dire: Nous avons voulu couper les dépenses -
c'est un objectif, comme je le disais tout à l'heure, tout à fait
louable - nous avons fait une photocopie du budget de l'an dernier, et le
budget est le même que celui de l'an dernier, donc nous n'avons pas
augmenté le montant du budget. On aurait répondu: Écoutez,
ça n'a pas de bon sens, le coût de la vie augmente, il faut quand
même que vous justifiiez cette reproduction de chiffres qui sont les
mêmes que l'an dernier. Il y a des postes qui sont incompressibles, tout
le monde le sait. On ne fera pas croire à qui que ce soit, enfin
à personne d'intelligent, que le coût de la vie n'augmente pas,
que le coût des fournitures n'augmente pas, que le coût des loyers
n'augmente pas.
Or, c'est ce qu'on fait, on reproduit les mêmes chiffres que l'an
dernier. Je soumets respectueusement que n'importe quel élève de
douzième année aurait pu faire le budqet du ministère des
Transports en trente minutes, M. le Président. Ce n'était pas
compliqué, c'est un budget de 1 343 000 000 $. On n'avait qu'à
recopier le budget de l'an dernier, sauf au poste des salaires où on
n'avait qu'à multiplier par environ 10% les montants de l'année
précédente.
Je vais vous donner quelques exemples. J'aimerais simplement souligner
quelques postes. Par exemple, au poste des communications. Au début du
budget, dans les notes explicatives, on parle, à ce poste, des frais de
déplacement des individus, des frais de poste et de messagerie,
également des dépenses de communication, de publicité et
d'information. Qui va me faire croire ici que les frais de poste ou de
messagerie n'augmenteront pas au cours de l'année? Les messagers, que je
sache, sont des individus payés par salaire indexé, les frais de
déplacement, c'est la même chose, ça comprend des frais qui
sont nécessairement sujets au coût de la vie.
Dans le budget du ministère des Transports, il y a neuf
programmes. Ces programmes comportent des éléments. Or, sur les
vingt-trois éléments du poste des communications, vingt
éléments ont reproduit les même chiffres que l'an dernier
et dans deux cas, on a diminué les coûts. Dans un seul cas on les
a augmentés. (22 h 20)
Je parlerais d'un autre poste, par exemple, les loyers. On nous a dit
lors de la commission parlementaire que dans le cas des loyers, il s'agit de la
location de matériel ou d'équipement. On parle de photocopieuses,
de dactylographes, d'entretien de dactylographes, d'entretien de
photocopieuses, etc. Tout le monde sait que pour l'entretien de ces appareils,
cela prend des hommes de service, cela prend des contrats de services. Ces gens
ont également des salaires indexés. Or, dans le cas des loyers,
sur les 23 postes qui sont répartis à travers les neuf
programmes, il y a seize postes qui ne subissent aucune augmentation et dans
les sept autres cas il y a des diminutions. Aucune augmentation! Donc, on tente
de nous faire croire qu'on va réussir au cours de l'année
à maintenir ces postes aux mêmes coûts que l'an dernier et
que dans un tiers des cas on va même diminuer les dépenses en
dépit de l'inflation qui a sévi au cours des douze derniers
mois.
À un autre poste, celui des fournisseurs, on nous dit que cette
catégorie regroupe les achats de biens de consommation courante. S'il y
a quelque chose qui est sujet à l'inflation, c'est bien les biens de
consommation courante. Or, dans
la catégorie fourniture, sur les 24 postes, il y en a quatorze
qui ne subissent aucune augmentation, deux subissent des diminutions et huit,
soit un tiers seulement, des augmentations. Donc, dans la très grande
majorité des cas, encore, on tente de nous faire croire que les
fournitures n'augmenteront pas et qu'elles vont même diminuer dans
certains cas. En plus, on ne tient pas compte de l'inflation.
Finalement, il y a un autre poste qu'on appelle "autres
dépenses". "Autres dépenses", c'est tout ce qui ne se trouve pas
dans les autres, évidemment. C'est la réserve qu'on doit
nécessairement avoir dans tout budget. Là, on a battu tous les
records. Sur seize postes, il y en a quinze qui ne subissent aucune
augmentation et dans le seizième cas il y a une diminution.
Je pense qu'il n'y a personne de sérieux qui connaît un peu
les budgets qui pourra croire que ce budget est un budget réaliste. On a
beau vouloir comprimer les dépenses, on n'a fait aucun effort
sérieux pour tenter de trouver des endroits où on pourrait les
justifier. Or, il y a des endroits où on pourrait les justifier. Il y a
tout le secteur, par exemple, de la publicité gouvernementale où
on pourrait sabrer énormément dans les dépenses. Il y a le
secteur des contrats de services donnés à des professionnels amis
du gouvernement où on pourrait également sabrer
énormément dans les dépenses. Non, ce qu'on cherche
à faire, c'est faire croire à l'Opposition et aux citoyens du
Québec qu'on réussira, au cours de l'année qui vient,
à faire en sorte que dans le budget du ministère des Transports
et, je présume, dans tous les autres budgets des autres
ministères, on va réussir à faire baisser le coût de
la vie de 10%, on va réussir à comprimer les dépenses qui
sont proprement incompressibles, ce qui est tout à fait impossible et
que personne ne peut croire.
M. le Président, je crois que ce qu'on devrait faire dans ce
budget, c'est un effort minimum pour que le budget soit réaliste. Vous
savez que j'ai été, avant d'être ici, maire d'une
municipalité, que j'ai contribué a préparer des budgets.
J'affirme qu'aucune municipalité n'aurait pu se permettre de
préparer un budget comme celui-là et de le faire parvenir au
ministère des Affaires municipales sans se le faire retourner en se
faisant dire de recommencer le budget, parce que cela n'a pas de sens. Je pense
que tous les observateurs avertis qui feront la moindre étude de ce
budget en concluront que cela n'a pas de sens. On ne peut pas agir de cette
façon et quand on comprime, on doit comprimer à des endroits
où c'est compressible.
Or, je dis, après avoir regardé ce premier budget que j'ai
eu à étudier, que c'est un budget irréaliste, qui ne tient
absolument pas compte de la réalité et que, dans quelques mois,
le gouvernement n'aura pas d'autre choix que de revenir devant cette Chambre
demander des crédits additionnels, ce que nous avions dit avant les
élections et ce qu'on fera sûrement, M. le Président - je
vous en donne ma parole -dans quelques mois, quand on aura
réalisé qu'on a compressé ce qui était
incompressible.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc: M. le Président, le Québec, tout comme
l'ensemble de l'économie occidentale, est dans un creux de la vague. Je
veux mentionner quelques éléments tels que le rythme d'inflation
de 12% que l'on connaît, la croissance lente, sinon nulle, de
l'économie évaluée à 0,3%, les taux
d'intérêt qui n'ont jamais été aussi
élevés. Malgré tout, le Québec, avec une croissance
de 0,3%, fait toutefois mieux que l'Ontario dont l'activité
économique a dégringolé de 1% en termes réels.
Malgré tout, les Québécois connaîtront cette
année une baisse d'impôt de 2%, et mentionnons que, depuis 1976, 2
300 000 000 $ sont retournés dans les poches des contribuables
grâce aux mesures fiscales du gouvernement actuel.
Bien sûr, on pousse un peu partout au Québec les hauts cris
en s'indignant devant les coupures budgétaires. Mais comme le signalait
Michel Nadeau, dans le Devoir de mars dernier - je pense que ses propos sont
encore d'actualité - la plupart de ceux qui poussent les hauts cris
proposent très rarement des solutions de rechance, chacun ne regarde que
le côté du bilan qui fait son affaire. J'entendais le
député de Laporte et bien d'autres qui se lamentent des coupures
budgétaires, qui lancent des récriminations, pour ne pas dire qui
versent des larmes de crocodile, en particulier sur le système
privé d'éducation, à ce point qu'on peut se demander si le
système public d'éducation a de l'importance à leurs
yeux.
Mais ce qui me semble plus grave, c'est l'attitude de l'Opposition qui
prétend que les contribuables n'ont pas les services qu'ils
méritent, du moins du côté des ministères dont la
vocation est de fournir les services aux citoyens. Je pense en particulier au
député de Saint-Laurent qui se place dans la peau du simple
citoyen qui regarde, impuissant, la grosse machine gouvernementale. Selon lui,
selon aussi plusieurs autres membres de l'Opposition, le citoyen ordinaire a
raison de juger que les services qui lui sont destinés ont
été négligés par le gouvernement, et on
énumère un certain nombre de ministères qui ont
été négligés.
On peut reprendre l'argumentation de
l'Opposition et se poser la question suivante: Qu'est-ce qu'a
rapporté au simple citoyen l'action gouvernementale dans les
ministères qui, selon le député de Saint-Laurent, ont
été négligés depuis quatre ou cinq ans? Je veux,
profitant du temps qui m'est alloué, reprendre un certain nombre
d'exemples dans les ministères qui ont été visés
par l'Opposition.
Parmi les ministères en cause, il y a celui de l'Agriculture.
S'il y a un ministère qui a rendu service aux citoyens, c'est bien
celui-là, et je pense en particulier à la Loi sur la protection
du territoire agricole qui a mis un terme à la spéculation
foncière sur les sols. Cela faisait longtemps que les agriculteurs et la
population attendaient ce service du gouvernement, et le gouvernement a eu le
courage politique de faire de l'agriculture un secteur de développement
économigue. Bien sûr, on n'a pas rendu service aux
spéculateurs. C'est peut-être à eux qu'on pensait lorsqu'on
prétendait que ce ministère ne rendait pas service aux citoyens.
(22 h 30)
Je pense aux travaux mécanisés à la ferme. Le
gouvernement a mis fin à l'ingérence politique dans ce secteur
et, dorénavant, l'agriculteur choisit son entrepreneur. C'est sûr
qu'avec une telle mesure, on ne rend pas service aux amis du régime, et
c'est peut-être à eux que pensait le député de
Saint-Laurent lorsqu'il attaquait ce ministère. Allez parler seulement
de ces deux mesures à l'agriculteur pour voir si leur gouvernement les a
négligés, comme le soutient l'Opposition.
Je veux mentionner un autre ministère, celui de l'Énergie
et des Ressources qui, prétend-on, aurait négligé la
population. L'Opposition n'est pas gênée de nous dire que le
ministère de l'Énergie et des Ressources a négligé
le simple citoyen, et de le dire avec l'assurance que confère à
l'Opposition une ignorance feinte ou réelle. Qu'est-ce que le
gouvernement libéral de l'époque a fait pour l'industrie des
pâtes et papiers qui s'affaiblissait graduellement, qui laissait vieillir
les usines, dont 175 000 emplois directs et indirects dépendent?
Le député de Saint-Laurent et les autres devraient se
rappeler qu'en collaboration avec le milieu, c'est le gouvernement actuel qui
s'est enfin décidé d'investir des centaines de millions dans un
programme de modernisation grâce auquel 47 usines sur 52 seront
modernisées sur tout le territoire du Québec. Que l'Opposition
aille donc en parler aux 175 000 citoyens qui dépendent de ce
secteur.
Les citoyens de la région de l'amiante ne comptent sans doute pas
pour l'Opposition qui devrait se rappeler que c'est elle qui a fait le
"filibuster" pour empêcher le gouvernement d'aller plus avant dans sa
politique de l'amiante. Le gouvernement actuel fut le premier gouvernement
à prendre ses responsabilités dans ce dossier. La population
locale et les organismes du milieu demandaient au gouvernement depuis des
années d'agir dans ce secteur. Le gouvernement du Parti
québécois a su être à leur écoute et
répondre à leur attente. Si on avait écouté
l'Opposition, on n'aurait pas aujourd'hui, au moment où on parle,
triplé le taux de transformation de l'amiante et créé des
centaines d'emplois dans le secteur de la transformation.
Prenons un autre ministère qui fait l'objet d'accusations, celui
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. L'Opposition mentionnait que les
ministères à vocation économique ont été
néqliqés par le gouvernement. Faudrait-il lui rappeler la
création record de 200 000 emplois au cours des années 1978,
1979, 1980? Qu'on ne vienne pas accuser ce gouvernement de négligence
quand on pense que le gouvernement Bourassa, dont a fait partie le
député de Saint-Laurent, en plein boom olympique, en 1974, 1975,
1976, n'a créé que 125 000 emplois. Le gouvernement actuel,
malgré un contexte économigue canadien et international fort
difficile, aura contribué à la création de plus de 200 000
emplois.
Mentionnons un autre service à la population, la vente du vin
dans les épiceries. Offrir d'un seul coup aux citoyens consommateurs
9000 points de vente supplémentaires aux quelque "550 succursales de la
SAQ, voilà un exemple concret d'amélioration du service au
consommateur, en plus de consolider la position financière des petits
épiciers.
Enfin, signalons l'installation du guichet unique pour les entreprises,
ce qui fait en sorte qu'elles n'auront plus qu'une porte où s'adresser
pour avoir accès aux programmes gouvernementaux. Si l'Opposition ne veut
pas reconnaître que ces mesures rendent service aux citoyens, il faut se
demander dans quel monde l'Opposition vit. Est-ce que ces gens ont les deux
pieds sur terre? Je pense que la population, le 13 avril dernier, a reconnu que
le gouvernement actuel savait bien répondre aux besoins de ses
citoyens.
Je continue en mentionnant le ministère des Transports. N'est-ce
pas ce ministère qui a mis en place la carte d'autobus-métro dont
bénéficient les quelque 300 000 citoyens du territoire de la
CTCUM et les milliers d'autres citoyens de Laval qui utilisent leur
laisser-passer à coût réduit.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... je m'excuse auprès du
député. Je l'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt, mais il me semble qu'il est en train de nous
faire son discours sur le budget ou sur le débat sur le discours
inaugural. Je lui demanderais, tout simplement, de nous parler du projet de loi
no 11. Nous sommes très intéressés à savoir ce
qu'il a à dire là-dessus.
M. Marcoux: Question de règlement, M. le Président.
J'ai écouté attentivement le député de Fabre et je
suis convaincu que, dans le cadre de ce projet de loi qui concerne la mise en
oeuvre du budget, on peut aborder l'ensemble des réalisations et de la
politique budgétaire. Je maintiens que le député est
pertinent.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Fabre, vous pouvez continuer votre discours en fonction
du projet de loi, s'il vous plaît.
M. Leduc: Merci, M. le Président. Je vais donc reprendre
ce que j'ai commencé à dire au sujet du ministère des
Transports, un des ministères qui ont le plus rendu service aux citoyens
grâce à la carte autobus-métro dont
bénéficient les quelque 300 000 citoyens du territoire de la
CTCUM qui utilisent leur laisser-passer à coût réduit. Ces
citoyens savent ce que cela veut dire un gouvernement qui encourage ceux qui
prennent le transport en commun, car cette carte mensuelle de transport urbain
permet aux citoyens d'économiser 40% du coût habituel. Sans doute
que le député de Saint-Laurent et ses collègues ne
prennent pas l'autobus ni le métro souvent, mais ils devraient quand
même reconnaître l'initiative gouvernementale dans ce domaine.
Et je continue en mentionnant le ministère des Affaires sociales.
Le député de Saint-Laurent nous a donné l'exemple du
simple citoyen dont les vieux parents voudraient bien être placés
dans un foyer, mais reçoivent la réponse qu'il n'y a pas de
place. On comprend que le rôle de l'Opposition, c'est de critiquer, mais
il ne faudrait quand même pas charrier et cela, de façon
démagogique, car c'est bien le gouvernement du Parti
québécois qui a construit, depuis 1976, 69 nouveaux centres
d'accueil, entraînant l'ouverture de 6183 nouveaux lits, soit 26 fois
plus que sous le gouvernement Bourassa. C'est le plus grand programme de
services gouvernementaux jamais entrepris au Québec. Et pour ceux, entre
autres, qui n'ont pu trouver une place en centre d'accueil, car pour
répondre à la demande il aurait fallu en construire
peut-être dix fois plus, le gouvernement a presque doublé
l'importance des soins et services à domicile pour être en mesure
de répondre plus efficacement aux gens qui sont chez eux et qui
requièrent aussi des services. Je veux mentionner qu'en 1976-1977 le
budget était de 22 000 000 $ et qu'en 1980-1981 il est passé
à 55 000 000 $ pour les soins et services à domicile.
On pourrait allonger la liste des services mis en place par le
gouvernement actuel. Mentionnons seulement la gratuité des
médicaments et du transport ambulancier pour les personnes
âgées, l'extension des soins dentaires jusqu'à quinze ans,
l'augmentation fantastique des places en garderie qui, depuis 1976, sont
passées de io 000 à 20 000 places.
Je continue en parlant du ministère de l'Éducation qui,
lui aussi, est remis en cause. Mentionnons, quant à ce ministère,
la mise sur pied de services de garde pour les enfants d'âge scolaire
dans les écoles. À première vue, cela peut paraître
anodin comme mesure, mais, pour les parents qui travaillent ou qui sont dans
l'obligation de faire garder leurs enfants en dehors des heures de classe, cela
veut dire quelque chose, ce service à l'école. (22 h 40)
Parlons du programme des prêts-bourses. Depuis 1976, les montants
consacrés aux bourses sont passés de 38 000 000 $ à 71 000
000 $, soit une augmentation de 87%. Pour les prêts, M. le
Président, c'est une augmentation de plus de 50% des montants
alloués. En plus de l'assouplissement des modalités de
remboursement, le gouvernement prend maintenant à sa charge le
remboursement du prêt de l'étudiant sans emploi. L'Opposition veut
nous faire croire que ces ministères ont négligé le
citoyen.
Mentionnons le ministère de la Justice qui, quant à lui, a
vu à l'amélioration de l'accessibilité à une
justice efficace, humaine et personnalisée, ce qui a toujours
été un objectif majeur du gouvernement.
Mentionnons également les services des tribunaux
itinérants pour les populations autochtones, la création des
districts judiciaires de Laval et de Longueuil afin de décongestionner
le district de Montréal, la hausse automatique des centres
d'admissibilité à l'aide juridique. M. le Président, on
aurait pu aussi parler plus longtemps de l'action d'un ministère qui
touche directement les citoyens: celui du Revenu. Ce ministère a mis sur
pied un véritable service au public et aux entreprises en rendant les
formules d'impôt de cette année plus simples et plus courtes. Des
services publics plus humains, voilà un des objectifs premiers du
gouvernement. C'est dans cette optique que le gouvernement s'est engagé,
lors de la dernière campagne électorale, à faire en sorte
que l'administration publique soit vraiment au service des citoyens. Pour
atteindre cet objectif, le gouvernement s'est engagé,
premièrement, à appliquer aux salles d'urgences dans les
hôpitaux une politique
d'admission qui donne priorité absolue aux malades
hospitalisés d'urgence; deuxièmement, à établir un
système de pilotage des dossiers afin que chaque citoyen qui s'adresse
à l'administration traite avec un seul correspondant qui s'occupera de
l'ensemble de son dossier; et, troisièmement, à simplifier les
règlements gouvernementaux et à en réduire le nombre.
M. le Président, la population sait que le gouvernement actuel
respecte ses engagements. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles
l'équipe gouvernementale a été reportée au pouvoir.
Cet engagement, comme les autres que nous avons énoncés durant la
campagne, nous les respecterons. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: M. le Président, nous sommes ici aujourd'hui
pour discuter, en deuxième lecture, du projet de loi no 11: Loi
modifiant certaines dispositions législatives. Mais ce n'est pas une loi
pour bouleverser tout le système! Cet après-midi, on a entendu le
ministre des Finances, M. Parizeau, parler, évidemment en premier, de ce
projet de loi. La semaine dernière, quand j'ai fait une intervention sur
le discours sur le budget, j'ai dit que M. Parizeau était comme un
magicien financier et aujourd'hui, il est devenu peintre parce qu'il nous a
rassurés cet après-midi. Il nous a dit: Voici, vous ne comprenez
rien, cela va très bien et tout est bien organisé. Je vais vous
expliquer exactement ce que ce projet de loi no 11 veut dire pour que vous, la
population, compreniez une fois pour toutes. En raison de la critique qu'il a
eue, il y a une, deux ou trois semaines, il est obligé d'expliquer la
situation encore une fois. Il a peint, il a dessiné un portrait rose,
pas de doute. Mais, il a oublié de dire que cela se trouve dans un
encadrement noir et très épais.
Une voix: C'est cela la différence.
M. Polak: Le ministre a dit, à l'Assemblée, cet
après-midi: Voici, il y a tout de même dans ce projet de loi no 11
des principes importants. Principe no 1 - je cite le ministre car
j'étais ici quand il a parlé, je prenais des notes: Le
système d'indexation est différent à Québec parce
que nous, à Québec, voulons taxer l'indexation le moins possible.
Il a oublié de dire que, dans les autres provinces canadiennes, tout est
enlevé au point de vue de l'indexation, à 100%.
M. Rivest: C'est cela.
M. Polak: Quand il a dit que le système est
différent à Québec, je tiens à dire, M. le
ministre, que le système est moins bon que dans les autres
provinces.
Une voix: C'est la faute du PQ.
M. Polak: II ne faut pas oublier qu'à la fin de chaque
année tout contribuable finit avec moins d'argent dans sa poche au point
de vue de la valeur réelle de l'argent. Tout le monde est d'accord
là-dessus, mais il a aussi oublié de le dire.
Ensuite, il a parlé de l'impôt sur le tabac. Là, je
suis d'accord avec M. Parizeau, il fume beaucoup. Il fume, le premier ministre
fume, le ministre de l'Éducation fume et même moi, je fume. Donc,
là, je n'ai pas objection à dire: De 40% à 45%, bon. C'est
possible, c'est une sorte de luxe et je suis d'accord là-dessus. Dans
l'Opposition, on ne peut pas toujours critiquer, il faut aussi dire de temps en
temps: Vous faites quelque chose de bon, on vous félicite.
Ensuite, le ministre des Finances a parlé des entreprises. Il a
dit: Voici, personne n'a parlé des entreprises parce que c'est une
affaire un peu compliquée. Il n'y en a pas beaucoup qui connaissent
cela; donc, je vais vous expliquer une fois de plus de quoi il s'agit.
Qu'est-ce qu'il a dit? Il a dit: Dans les entreprises, il y a tout de
même une caractéristique intéressante, en ce qui a trait
aux impôts. Je cite le ministre: "Le taux sur le profit des entreprises
au Québec sera désormais le moins élevé de toutes
les provinces du Canada." Bravo, M. le ministre, mais il a oublié de
dire que les employés qui travaillent dans ces entreprises au
Québec paieront plus d'impôts que ceux de toutes les autres
provinces du Canada. Savez-vous - les statistiques sont là, M. Parizeau
doit le savoir - que l'impôt sur le revenu des individus ici, dans notre
belle province, au Québec, est de 30% à 35% de plus que la
moyenne des autres provinces? Il n'a pas parlé de cela.
Une voix: C'est honteux!
M. Polak: Là, après que le ministre nous a
annoncé la bonne nouvelle qu'il va réduire la taxe sur les
profits - là, il y a un autre chiffre magique. Il y a toujours le
chiffre magique, le chiffre 3-Il dit: Je prends encore mon chiffre magique de 3
et, pour réduire l'impôt sur les profits, il faut que je cherche
l'argent ailleurs. Il est très honnête de le dire. Qu'est-ce qu'il
fait? Il auqmente la taxe sur le "payroll" de 1,5% à 3%. C'est quand
même une taxe d'auqmentation de 100%, il ne faut pas oublier cela. Il la
double.
Il faut maintenant regarder les conséquences de ce doublement de
la taxe
sur le "payroll", 1,5% à 3%. Qu'est-ce qui arrive? Le fardeau de
la taxe va se déplacer et va tomber sur les moyennes entreprises. On a
des moyennes entreprises au Québec qui ont beaucoup de main-d'oeuvre,
qui travaillent avec 200 et 300 employés. Elles sont maintenant
obligées de payer 3% au lieu de 1,5%; c'est beaucoup sur le salaire de
quelqu'un qui gagne de 15 000 $ à 20 000 $ par année. Au lieu de
payer 150 $ ou 200 $, ce sera le double; au lieu de payer 300 $, l'employeur va
payer 600 $. Beaucoup de ces entreprises ne paieront jamais la taxe sur les
profits parce qu'elles sont tout juste capables d'arriver et n'ont pas de gros
profits. On a beaucoup de ces moyennes entreprises qui donnent beaucoup
d'emplois aux Québécois et qui n'arrivent pas à faire de
gros profits. Donc, on réduit la taxe sur les profits, mais qu'on
augmente la taxe sur le "payroll", ça ne règle rien. Probablement
que cela va, comme je l'ai dit, mettre le fardeau sur les épaules des
moyennes entreprises.
Une voix: Et des travailleurs. (22 h 50)
M. Polak: Le ministre a mentionné le cas des "sales
offices"; les bureaux des ventes sont allés en Ontario, par exemple,
ceux de Montréal, de la province de Québec. Il a dit: Là,
ils vont revenir dans la province de Québec, parce qu'il y a moins de
taxes sur les profits à payer. Je ne suis pas tellement certain de cela.
Savez-vous ce qui peut arriver avec les entreprises? Elles vont dire: On va
fabriquer nos produits, par exemple l'Ontario, pour éviter cette
augmentation de taxe de 1,5% à 3% - tout de même une augmentation
de 100% - on va faire beaucoup de ventes au Québec et on va payer moins
de taxes sur les profits. Donc, ces compagnies-là auront le meilleur des
deux mondes.
Donc, quand le ministre a dessiné son portrait rose, il a
oublié de dire des choses qui existent, des chiffres qui sont vrais. Il
a toujours donné l'aspect positif, mais il n'a jamais renseigné
la population sur l'aspect négatif, que j'indique maintenant et qui
existe. II y en a même qui disent que cette taxe de 1% à 3%
d'augmentation devient comme une taxe sur le chômage. Je ne
l'espère pas, mais c'est possible.
Maintenant, j'ai continué à écouter le ministre des
Finances; après tout, c'est son projet de loi. À un moment
donné, il dit: J'arrive à un autre point et je suis mieux de
laisser ça au ministre de l'Éducation. Je me disais: Je trouve
ça drôle tout de même, ça s'appelle une loi modifiant
certaines dispositions législatives sur le budget. Le ministre des
Finances avait dit: Cette loi no 11, pour moi, c'est une loi de mise en
application du budget. Soudainement, il se tait, il ne parle plus, il
tranfère ca au ministre de l'Éducation.
S'il s'agissait seulement d'une mise en application du budget, pourquoi
le ministre Parizeau n'aurait-il pas continué son discours? Il parlait
de chiffres sur les impôts, sur les revenus, sur toutes sortes de choses;
donc, continuer de parler de l'enseignement privé, c'est juste un
ajustement budgétaire, ce n'est pas grave. Mais il ne l'a pas fait parce
qu'il savait très bien qu'il s'agissait en vérité d'une
refonte totale de la loi qui existe.
Des voix: D'accord, c'est ça.
M. Polak: La loi sur l'enseignement privé, il a
tranféré ça à son confrère, le ministre de
l'Éducation, parce que, évidemment, ça touche un sujet qui
est vraiment du domaine du ministre de l'Éducation. Mais, M. Parizeau,
vous n'auriez jamais dû insérer ça dans le projet de loi no
11. Dans ce cas-là, le ministre de l'Éducation aurait dû
présenter un projet de loi spécial pour changer fondamentalement
la loi sur l'enseignement privé.
Savez-vous, M. le Président, que j'ai entendu le
député du gouvernement dire que nous, les libéraux,
défendons toujours les intérêts des écoles
privées. Ce n'est pas vrai du tout parce que, dans mon comté, par
exemple, Sainte-Anne, les gens ne vont pas aux écoles privées.
Dans Rosemont, il y a plus d'élèves aux écoles
privées que dans mon comté; je puis vous en assurer. Donc, quant
à savoir s'il y a priorité du système public ou du
système privé, évidemment, il y a des arguments pour et
contre. Quant à moi, personnellement, j'étais dans une commission
scolaire publique et je crois beaucoup au système public. Mais tout de
même, je voudrais parler sur le principe de prendre la loi no 11 et d'y
insérer, par quelques paragraphes, un changement, une refonte totale
d'une loi qui existe et c'est contre ça que je m'oppose.
Je ne veux tout de même pas être interprété
comme étant en faveur du système privé parce que j'ai tout
de même des opinions différentes là-dessus, mais le
principe, la manière de le faire, ce n'est pas acceptable. Qu'est-ce
qu'a dit M. Parizeau? Parce que, maintenant, c'est M. Laurin qui parle, le
ministre de l'Éducation, toujours sur le même projet de loi. Il
dit: C'est vrai, il y aura une baisse de clientèle et une perte de
revenus pour ces institutions, mais qu'elles s'arrangent. Il n'a pas dit
"qu'elles s'arrangent", mais c'est moi qui fais le sommaire de ce qu'il a dit.
Il dit, et là je cite le ministre de l'Éducation: Les citoyens
qui veulent que leurs enfants aient ce type d'enseignement privé
pourront continuer à le faire par une contribution pécuniaire
accrue. C'est bien beau, M. le ministre de l'Éducation. J'aimerais bien
savoir combien de ministres envoient leurs enfants aux
écoles privées; ils peuvent payer ça. Mais, quant
aux contribuables, je connais des personnes, des familles, où la femme
et le mari travaillent tous les deux, justement pour que leurs enfants soient
capables de recevoir l'enseiqnement d'une école privée. Ces
gens-là se privent même de vacances. Mais le ministre n'a pas
pensé à ça.
Donc, quant à moi, c'est bien beau de dire ça, M. le
ministre de l'Éducation, mais, ce qui arrive, c'est que ce sont les
riches qui pourront continuer à payer, non pas ceux qui ont besoin de
recevoir cette méthode d'enseignement privé. On n'est plus
capable de le faire. Le ministre de l'Éducation poursuit. Il dit, et je
cite le ministre de l'Éducation qui parle encore sur le projet no 11 de
M. Parizeau; c'est encore lui qui parle, je cite: "L'accessibilité n'est
pas affectée." Donc, il dit: Le grand principe, nous le tolérons,
nous acceptons le système des écoles privées. On n'a rien
contre cela, nous sommes tous en faveur. Donc, l'accessibilité n'est pas
affectée, le choix est un peu plus astreignant, mais mieux
éclairé. Cela devient plus dur, un peu plus cher et un peu plus
difficile. Il n'a pas dit: Si je veux tuer graduellement, c'est ce qui
arrivera. Je fais la comparaison avec un citoyen à qui on dirait: Vous
avez le droit de conduire, d'acheter et d'être propriétaire d'une
automobile, mais désormais, moi, le ministre, je dis: Tu ne peux plus
acheter une automobile japonaise ou même une petite Lada, on vend
seulement des Cadillac. Si telle est l'intention du gouvernement, pourquoi ne
pas avoir le courage de le dire carrément, directement et ouvertement
à la population? Je cite un document de notre premier ministre, c'est
vrai que c'est en 1977, mais tout de même, il l'a dit...
Une voix: En 1978.
M. Polak: Non, c'est en 1977. Lors de la remise d'une
pétition de plus d'un demi-million de signataires au salon rouge du
parlement, M. René Lévesque déclarait aux quelque 500
délégués de différents mouvements qui sont en
faveur du secteur d'enseignement privé - je cite M. le premier ministre
Lévesque - "Je peux vous assurer que ni de près ni de loin il
n'est de l'intention du gouvernement de brimer de quelque façon que ce
soit les droits des citoyens." C'est parfait. Il l'a dit.
Mais, M. Lévesque, le premier ministre, M. Parizeau, M. le
ministre de l'Éducation, si c'est le cas, pourquoi ne le dites-vous pas
honnêtement et directement? Pourquoi présenter un amendement
caché dans la loi no 11 et ne pas dire directement: On veut faire une
refonte, on veut couper le secteur privé, c'est moins important, on y
croit beaucoup moins qu'avant? Donc, on vient avec un projet. S'il avait dit
cela, j'aurais dit: Voilà du courage. Au moins, vous voulez en parler,
on en parlera. Il y a des avantages et des désavantages. Je suis
d'accord. Mais qu'ont-ils fait? Ces gens viennent avec cet amendement dans la
loi, avec ce texte dans la loi no 11. Maintenant, vous savez que c'est
arrivé.
On a décidé d'avoir une commission parlementaire qui
durera peut-être une heure et demie ou, si on est chanceux, deux heures.
On aura des intervenants et je peux voir déjà ce qui arrivera, si
je peux prédire un peu l'avenir. Évidemment, vont venir les
représentants syndicaux, des enseignants du secteur public qui vont
dire: II faut les couper, ce n'est pas bon, parce qu'évidemment, leurs
jobs, sont là. Je comprends très bien, mais pour moi, il faut
aller plus loin. Il aurait fallu dire: II s'agit d'une refonte de la loi, voici
ce qui doit arriver. Les enseignants du secteur public ont le droit
d'être là, tout à fait d'accord, mais invitez ceux qui
enseignent au secteur privé. Invitez aussi les institutions
privées. Il y a tout de même toute une masse de noms très
importante qui a été mentionnée cet après-midi. Ces
institutions existent depuis une centaine d'années dans certains cas.
Invitez les parents, les associations. Il y a beaucoup de gens qui ont quelque
chose à dire sur le principe, mais dans une heure et demie au cours
d'une commission parlementaire, on va faire cela très vite et tout sera
réglé. Je ne suis pas d'accord avec cela.
En terminant, je note, M. le Président, que je m'améliore
un peu, parce que je parle déjà depuis 23 heures et, l'autre
jour, c'était 23 h 30. Tout ce que je voulais dire, c'est sur le
principe, la manière de nous traiter, de traiter la population, comme on
l'a déjà fait quand on a parlé de changement à la
loi sur l'accessibilité à la propriété. C'est le
même principe. On vient ici avec une déclaration
ministérielle et, pour le reste, on verra le programme. Je ne crois pas
à cela. Si vous avez quelque chose à dire, ne le cachez pas.
Venez nous le dire directement, à nous, à la population, à
tous, et là on va en discuter. Donnez-nous le temps de le faire, mais
pas de cette manière, en cachette. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vachon. (23 heures)
M. David Payne
M. Payne: M. le Président, je n'avais pas l'intention de
prendre la parole ce soir, mais lorsque j'écoute les propos au sujet de
l'enseignement privé, un sujet qui semble obséder les membres de
l'Opposition, je commence à comprendre pourquoi le parti de l'Opposition
a perdu les dernières élections, je commence à comprendre
davantage
pourquoi et comment il a perdu dans Vachon. Ce n'est pas seulement parce
que nous n'avons pas d'écoles privées chez nous, ce qui est le
cas, mais c'est peut-être aussi parce que les gens de Vachon ont un
esprit, une habitude, une habileté à voir l'ensemble d'un
problème. Dans Vachon, nous sommes vraiment habitués à
faire le ménage dans notre maison, à faire des économies,
à faire dans nos familles des compressions budgétaires. Nous
sommes vraiment habitués à analyser ce qu'est une période
de récession économique.
Nous avons entendu durant toute la soirée, à tour de
rôle, le chef de l'Opposition, le député de
Marguerite-Bourgeoys, le député de Jean-Talon, la
députée de Jacques-Cartier, le député de Laporte
et, finalement, le député de Sainte-Anne se plaindre au sujet de
l'enseignement privé. Je pense, M. le Président, qu'il s'impose
d'apporter certains éclaircissements à ce sujet. Il y a
très peu d'électeurs québécois qui ne savent pas
qu'ici, au Québec, nous avons un système d'enseignement
privé qui dépasse de loin, en termes de
générosité d'esprit, tout ce qui se fait dans la plupart
des autres provinces du Canada.
Il serait très intéressant que les membres de l'Opposition
prennent connaissance de quelque chose que la plupart des
Québécois savent déjà: sept des neuf provinces du
Canada n'accordent aucune subvention à l'enseignement privé. Nous
ne voulons pas suggérer qu'il s'agit là d'un idéal de
perfection ou d'un modèle à suivre; au contraire, nous avons un
système dont nous sommes très fiers. Mais il serait
peut-être important que je porte à l'attention des membres de
cette Assemblée que nous avons décidé de couper de 4%,
soit de 80% à 76%, nos subventions, ce qui n'est pas tout à fait
un vol envers l'enseignement privé. S'agit-il là d'un vrai
scandale, M. le Président? Pourquoi l'obsession de l'Opposition ce soir
à ce sujet?
Nous savons aussi que la dénatalité ne frappe pas dans le
même sens les institutions d'enseignement privées au Québec
qu'elle frappe les institutions publiques. Nous avons vu dans toute la province
de Québec la fermeture d'écoles dans des quartiers très
pauvres. On n'a pas constaté tout à fait le même
phénomène pour ce qui est des institutions privées. Nous
avons aussi entendu parler de ce qu'on appelle en anglais "the special
schools", les écoles spéciales pour les handicapés, pour
ceux qui sont, d'une façon ou d'une autre, moins gâtés ou
qui sont handicapés. C'est très important qu'on souligne le fait
qu'elles sont subventionnées à 100% et c'est clair que le
gouvernement va continuer dans le même sens.
Nous savons que c'est le gouvernement du Parti québécois
qui a imposé le droit - il s'agissait là d'un droit fondamental -
pour un étudiant, un jeune garçon ou une jeune fille, de
fréquenter une école ordinaire, normale. Nous avons tous et
chacun soit un frère, une soeur, un cousin handicapé ou
monqolien. N'est-ce pas un droit fondamental inaliénable pour un enfant
de fréquenter l'école de son choix? Le gouvernement du Parti
québécois a-t-il jamais proposé d'abolir les écoles
spéciales pour les enfants handicapés? C'est dommage que la
députée de Jacques-Cartier soit prête à induire
cette Chambre en erreur en disant que nous menaçons ces institutions
privées. Jamais je ne participerai aux activités d'un
gouvernement qui proposerait un tel geste. Ce n'est pas le cas.
Nous avons entendu parler aussi des classes d'accueil, cela nous a
coûté une fortune, à peu près 24 000 000 $ par
année, mais souvenons-nous de la période où une classe
d'accueil devait faciliter, après adoption de nos lois linguistiques qui
sont nécessaires, les lois qui s'imposaient pour le bien-être du
français ici au Québec. Il s'agissait là d'un
système pour avoir une classe d'accueil pour accélérer et
faciliter l'intégration dans les écoles françaises de nos
jeunes immigrants venant des autres provinces ou venant d'autres pays du monde.
Ce qui est arrivé, c'est que nos écoles anglaises ont
décidé, je dirais par un truc, d'ouvrir dans les écoles
anglaises des classes françaises faisant en sorte que nous avons deux
systèmes uniques et séparés dans la même institution
scolaire. Avec les doublures et les chevauchements budgétaires que cela
imposait, il y a eu aussi socialement l'impact et l'effet de diminuer le taux
d'occupation de nos écoles françaises.
Lorsqu'on parle, par exemple, de l'Ouest de Montréal, on peut
commencer à voir la nature du problème, parce que nos
écoles françaises n'y sont pas énormes, ne sont pas
remplies de Québécois francophones. Cela pose un drôle de
problème d'intégration pour ceux qui viennent dans les
écoles anglaises, mais dans les classes françaises. Un enfant qui
veut justement apprendre le français peut prendre son "break" dans la
langue anglaise. Quelle sorte d'intégration est-ce? C'est une
façon de court-circuiter effectivement la loi, ce qui était la
loi 22 de l'époque et maintenant la loi 101.
Nous avons proposé, par une formule qui est tout à fait
accessible, tout à fait raisonnable, d'accorder 12 000 000 $, ce qui va
avoir l'effet d'aider énormément l'enseignement de la langue
française dans les écoles anglaises. C'est une
préoccupation majeure de notre gouvernement de continuer dans ce sens.
Mais je ne nierai pas que c'est une façon très habile et
très judicieuse de faire en sorte que nous ayons le meilleur
enseignement que possible à un coût raisonnable pour le
gouvernement du Québec.
Je pourrais parler aussi durant quelques
minutes des entreprises et la réforme de la fiscalité.
C'est vrai, à mon avis, que nous encourageons les compagnies les plus
rentables. On a vu, par exemple, que les budgets pour l'aide aux entreprises et
aux industries secondaires grimpent de 24%, que les entreprises
forestières auront droit à des subventions en hausse de 21%. On a
fait en sorte ici au Québec - et je répète ce qu'on a
entendu dire à plusieurs reprises - que l'année passée,
à titre d'illustration, on a dépassé l'Ontario en termes
de croissance économique de pas plus que 50%. Si c'est bien cela la
stagnation, je dirais: Vive la stagnation! Parce qu'ici au Québec, les
Québécois sont fiers de leurs produits. Cela n'intéresse
pas tellement l'Opposition, parce qu'ils sont ce soir intéressés
et obsédés à discuter de l'enseignement, ce qui est tout
à fait bon en soi, mais les institutions privées. (23 h 10)
Je reviens à Vachon, là où nous sommes très
intéressés à développer nos petites ou moyennes
entreprises par un système de fiscalité qui nous aide beaucoup,
mais nous savons fort bien qu'on est prêt, que le gouvernement du
Québec est prêt à voir l'ensemble du problème
économique, de la récession économique qui frappe le monde
entier. On peut ajouter aussi que, dans l'ensemble du Québec, les
investissements dans les entreprises privées ont connu une hausse de 15%
qui dépasse, on le sait fort bien, le taux d'inflation.
Dans le domaine des exportations, un domaine très important dans
une période de récession économique, on a vu un taux de
croissance de combien? 24,9%, pour les trois premiers trimestres, M. le
Président, de 1980. C'est vrai aussi qu'il y a un déficit, c'est
vrai aussi que le gouvernement du Québec a décidé de ne
pas hausser les impôts, et c'est vrai aussi - et messieurs et mesdames de
l'Opposition le savent fort bien - que, proportionnellement, c'est beaucoup
moins élevé que l'augmentation proposée par le
gouvernement fédéral.
On se souvient aussi des déclarations du minstre des Finances, M.
MacEachen, qui a dit dernièrement qu'il faut réduire
substantiellement nos dépenses. Nous commençons à faire
quelque chose qu'Ottawa va suivre d'ici peu. Les mêmes propos, si ma
mémoire est fidèle, étaient avancés par le ministre
Fox à Ottawa qui a dit dernièrement qu'il fallait resserrer les
contributions d'Ottawa. Nous attendons avec beaucoup d'intérêt le
début des discussions fédérales-provinciales sur les
accords fiscaux qui s'en viennent. On sait fort bien qu'il va y avoir quelques
discussions ici et là pour informer la population des priorités
économiques et budgétaires.
J'aimerais attirer aussi l'attention de cette Chambre sur quelque chose
qui se passait hier à New-York. Il y avait là un espèce de
séminaire, une discussion très importante entre des hommes
d'affaires sur la situation des rapports entre Québec et les
États-Unis. On y a parlé de l'"entrepreneurship",
c'est-à-dire de l'entreprise locale du Québec, la
représentant comme une situation de boom, d'augmentation extravagante
ici au Québec. Je cite quelqu'un qui est bien connu aux
États-Unis, qui s'appelle Steven Blank, je présume qu'il n'a pas
de rapport avec le député d'en face. Il discute aussi de la
question de l'augmentation et de l'amélioration du climat
économique au Québec depuis cinq ans. C'est lui qui est le
consultant responsable pour l'entreprise multinationale Stratégie. Il
dit: Je ne crois pas que le gouvernement actuel au Québec ait fait en
sorte que la situation des investissements étrangers se soit
détériorée. Il dit: Au contraire, cela s'est
amélioré. Il dit aussi, je m'excuse, je traduis, parce que c'est
en anglais: "I see a trend in Quebec to encourage US investments." Je vois une
orientation au Québec qui aura comme effet d'aider et d'encourager
l'investissement. Il finit par applaudir le gouvernement du Québec
d'encourager davantage, et maintenant plus que jamais, les rapports
économiques avec les États-Unis. Il encourage aussi le fait
qu'ici au Québec nous faisons en sorte d'augmenter la fabrication des
produits de l'amiante, d'augmenter la production de quelque chose qui est fait
chez nous.
Nous avons aussi discuté cette semaine des entreprises, des
initiatives comme le Palais des congrès de Montréal. On a dit ici
qu'une telle initiative aurait comme effet qu'à un moment donné
on pourra avoir jusqu'à 10 000 congressistes qui viendront ici
dépenser en moyenne par jour 100 $ avec leur femme, avec leurs enfants?
Ils viendront ici et ils voyageront l'année suivante.
L'industrie du tourisme vient de commencer une nouvelle ère au
Québec. On a discuté aussi, la semaine dernière, des
stations de ski comme le Mont-Tremblant. On a dit aussi que les
Québécois ont de plus en plus intérêt à
connaître le beau pays du Québec. Nous avons vu comment le
Québec devient comme une espèce de porte d'entrée en
Amérique du Nord pour ceux qui viennent de tous les pays du monde.
Nous avons vu, durant les quatre ou cinq dernières années,
les débuts d'un système de concertation entre nos entreprises,
l'entreprise privée et le gouvernement, dont le Palais des
congrès est un excellent exemple. Mais cela prend le gouvernement du
Québec pour donner un coup de pouce, pour encourager, au tout
début, une telle initiative avec un investissement de l'ordre de 80 000
000 $ pour que, plus tard, l'entreprise privée puisse s'associer avec le
gouvernement pour aider à
relancer davantage le tourisme au Québec. Oui, M. le
Président, l'entreprise privée.
J'aimerais terminer avec quelques propos sur le comté de Vachon
parce que je pense que c'est un bel exemple de concertation économique.
Nous allons sentir les effets du budget dans le comté de Vachon. On va
comprendre aussi, dans le comté de Vachon, pourquoi les compressions
budgétaires sont nécessaires. Nous sommes prêts à
comprendre que c'est important de ne pas augmenter les impôts. Nous
sommes aussi un peu habitués, dans le comté de Vachon, à
comprendre ce qu'est un déficit. Cela n'est pas anormal dans une
période d'inflation flagrante. Il y a eu la situation, dans le
comté de Vachon, où on était zoné à environ
40%, il y a deux ans. Avant cela, on était assujetti à un
système de spéculation. Nous avons maintenant, dans les champs
qui ne sont pas exploités, qui ne sont pas développés, la
possibilité d'utiliser ces meilleures terres au Québec pour des
fins agricoles. Cela m'a fait grand plaisir d'être le premier
député qui a pu vraiment aider, dans ce petit coin, le
développement agricole en concertation avec le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cela n'avait jamais
été essayé dans le passé. Nous sommes actuellement
dans une situation où il faut utiliser au maximum toutes nos terres, et
spécialement les bonnes terres que nous trouvons à Saint-Hubert,
dans le comté de Vachon.
C'est un petit exemple de la concertation et nous comprenons très
bien pourquoi c'est nécessaire que le gouvernement dépense ou
consacre ses énergies au renouvellement des programmes, mais dans un
système où on est prêt à se serrer la ceinture. Nous
comprenons cela dans notre comté, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: M. le Président, les institutions
privées d'enseignement ont, pendant longtemps, assuré seules la
formation de la jeunesse québécoise. En ce sens, elles font
partie de notre patrimoine culturel et social. Il me semble loqique qu'un
gouvernement responsable aurait dû tenter, depuis les cinq
dernières années, de les conserver. La population attend, depuis
longtemps, la politique du gouvernement. Estelle prête cette politique?
Sera-t-elle présentée prochainement ou est-elle cachée
parmi les différents articles du projet de loi que nous étudions
présentement? (23 h 20)
Certains articles du projet de loi devant nous semblent clairement
indiquer que le gouvernement a l'intention d'étouffer et d'abolir
complètement ce secteur qui comprend même onze institutions
privées spécialisées dans l'enfance inadaptée.
Examinons un peu la logique du financement de l'école
privée. Celle-ci a été traditionnellement
déterminée à partir des coûts de l'année
précédente établis dans le secteur public; mais à
cause des coupures présentes dans ce secteur, on coupe leurs subventions
non pas une fois, mais deux fois. Quel est l'effet à moyen terme? Ces
institutions n'auront pas d'autre recours que d'accroître
exagérément la contribution des parents ou de fermer purement et
simplement leurs portes.
Faisons un tour dans le secteur public où on peut remarquer la
même logique ou, devrais-je dire, le manque de logique. Si on voyait un
petit groupe, ici et là, se plaindre des coupures, on pourrait
peut-être dire que le gouvernement a agi avec raison, mais quand
l'ensemble de la population réagit collectivement, elle ne peut pas se
tromper, elle n'a pas tort. Pour la première fois depuis longtemps, les
commissions scolaires, les syndicats, les parents et un bon nombre de corps
intermédiaires intéressés à l'éducation se
sont réunis en front commun pour dénoncer les coupures
gouvernementales. Ces coupures ont un caractère particulièrement
odieux en ce qu'elles dépouillent les écoles des services utiles
à l'enfant, mais ne dérangent pas trop l'appareil bureaucratique
éléphantesque du ministère de l'Éducation.
Le gaspillage de fonds publics, ce n'est pas dans les écoles
qu'il se fait, c'est dans l'existence même d'un appareil bureaucratique
énorme qui nuit bien plus souvent qu'il n'aide les écoles
à fonctionner. Ni les parents, ni les enfants, ni les directeurs
d'école n'ont besoin de concepteurs de documents, de directives ou de
règlements qui décident des choses souvent inapplicables dans le
milieu scolaire; mais ils ont besoin d'autonomie et de ressources pour
décider eux-mêmes des actions et des dépenses qui seraient
plus profitables au milieu. Ils ne seraient plus alors inondés de
dépliants, de statistiques, de résultats d'enquêtes qui
occupent peut-être beaucoup de gens ici, pas très loin, au
complexe J, mais qui coûtent affreusement cher et ne servent pratiquement
pas à aider l'enfant qui ne sait pas encore lire à l'âge de
dix ans, ou qui n'a comme milieu affectif que sa classe.
On a dit dans cette Chambre que c'était dans le gras qu'on
coupait. On acceptera de couper ce gras, mais jusqu'à présent,
personne n'a pu l'identifier. Comment effectuer ces coupures? On ne peut pas
toucher le salaire des professeurs, c'est compréhensible; il faut
respecter les ententes collectives. On ne peut pas couper
le papier de toilette, le savon, l'eau de javel; on pourrait couper la
cire, mais pour l'information de mes collègues d'en face, ça fait
longtemps que la cire a été coupée dans les
écoles.
Ces coupures ont un caractère arbitraire et illogique. Par
exemple, on a indexé de 5% seulement le budget de l'huile à
chauffage alors que l'inflation, dans ce secteur, a été
l'année dernière de plus de 15%. Le ministère de
l'Éducation dit aux commissions scolaires que les budgets sont
transférables et que les commissions ont la liberté totale; c'est
à peu près le seul droit de gérance qu'il reste aux
commissions scolaires.
Celles-ci devront financer le coût réel du chauffage en
réduisant certains services éducatifs comme les
bibliothèques et le matériel éducatif. La plasticine, la
gouache, les tambours, les tourne-disques, les magnétophones et les
projecteurs peuvent être considérés comme du gras par le
ministre des Finances. Mais pour l'enfant en difficultés
d'apprentissage, l'enfant qui a des problèmes auditifs, qui a des
problèmes de langage et des problèmes sociaux, ces outils sont
aussi et même plus importants que le crayon, le cahier et le livre.
Il y a deux ou trois ans, cette Assemblée a adopté la loi
71. Je me demande si, en un sens, on n'a pas induit la population en erreur car
la loi a créé des comités d'orientation, au niveau de
l'école, pour orienter le programme de l'école vers son milieu.
Est-ce qu'il y a quelqu'un ici, dans cette Chambre, qui pourrait me dire
précisément ce qu'il restera à orienter dans une
école?
Je me demande si ces enfants qui sont touchés seraient
traités de la même façon s'ils étaient
syndiqués? Permettez-moi, M. le Président, de faire un autre
tour, pour un instant, dans le domaine de l'éducation des adultes.
Là aussi, il y a eu des coupures logiques, je devrais peut-être
dire illogiques. On nous a dit de belles phrases de l'autre côté
de la Chambre. Je cite: Un système éducationnel doit permettre
d'acquérir des connaissances et d'intégrer des attitudes et des
habiletés en vue de se développer selon ses talents particuliers
et ses ressources personnelles, de s'épanouir comme personne autonome,
créatrice et responsable.
C'est beau! Mes chers amis d'en face, allez prononcer ces belles paroles
aux 3000 usagers du programme des services à la collectivité du
cégep de Rosemont. Pour ceux qui ne connaissent pas le programme du
cégep de Rosemont, qu'est-ce qu'on a fait? On a pris les ressources
matérielles et éducatives et on les a mises à profit par
des programmes visant le troisième âge. On n'y enseigne pas, M. le
Président, comment jouer au golf devant un miroir, mais on y enseignait
la préparation à la retraite pour le troisième âge.
On donnait des cours sur le logement, les médias communautaires, le
théâtre, l'artisanat populaire, etc.
Le ministère a coupé le budget de ce programme, de 900 000
% à 200 000 $. Quel choix reste-t-il? Augmenter les frais d'inscription
de 15 $ par couple à 95 $, M. le Président? C'est une
augmentation d'au-delà de 600%. L'autre choix, c'est de l'abolir
complètement. Pour mieux comprendre le dilemme auquel font face ces
personnes du troisième âge, à Rosemont, permettez-moi de
citer une des usagers de ce service, Mme Cécile Saint-Jean. Elle dit: En
partant de notre cuisine pour suivre les cours, on ne pensait pas avoir autant
de potentiel. L'argent qui sera économisé, avec les coupures, va
maintenant se dépenser en médicaments.
M. le Président, où est la logique? Nos amis d'en face
disent depuis longtemps que l'école privée est l'école des
riches. Mais s'ils s'étaient donné la peine de faire un examen
profond, ils se seraient aperçus qu'au-delà des trois quarts des
élèves viennent de familles à revenu moyen. Si l'on
applique les coupures mentionnées dans le projet de loi no 11, le peu
d'écoles privées qui pourront survivre, M. le Président,
seront vraiment les écoles pour les riches.
Merci.
Une voix: C'est beau.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Hull.
M. Rocheleau: Je demande l'ajournement du débat, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée, M. le leader?
M. Charron: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. Charron: M. le Président, je propose l'ajournement de
la Chambre à demain 10 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion d'ajournement
est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Ajournement
jusqu'à demain 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 30)