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(Quatorze heures dix-sept minutes)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez vous asseoir.
Si vous voulez bien, nous allons prendre un petit moment de
recueillement.
Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
Communiqué conjoint et
résolution
du comité de coopération
interparlementaire Belgique-Québec
J'ai le plaisir de déposer le communiqué conjoint et les
résolutions du 16 au 20 février 1981, à Québec, de
la troisième session du comité mixte de coopération
interparlementaire entre le Conseil de la communauté française de
Belgique et l'Assemblée nationale du Québec.
M. le ministre délégué aux Affaires
parlementaires.
Rapport annuel de l'Office
franco-québécois pour la jeunesse
M. Charron: Mme la Présidente, j'aimerais déposer
le rapport annuel 1979 de l'Office franco-québécois pour la
jeunesse, section de Québec.
La Vice-Présidente: Le rapport est
déposé.
M. le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières.
Rapport du Surintendant des assurances
M. Johnson: Mme la Présidente, je dépose le rapport
du Surintendant des assurances du ministère sur la tarification en
assurance automobile au Québec pour 1980. Il s'agit évidemment de
la tarification dans le secteur privé pour les dommages
matériels.
La Vice-Présidente: Le rapport est
déposé.
Dépôt de rapports des commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
M. le leader du gouvernement.
Rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés
M. Charron: Mme la Présidente, j'aimerais donner un avis
à la Chambre, qui vient du greffier en loi, concernant le projet de loi
qui portait le numéro 207 et qui concerne la succession de Jean-Louis
Brissette. Il est conforme à l'avis et tous les avis ont
été publiés après le dépôt du projet
de loi au secrétariat des commissions.
De même, madame, si vous le permettez, je solliciterais la
permission de déposer un projet de loi qui apparaît en appendice
aujourd'hui, soit celui qui concerne la ville de Gatineau.
La Vice-Présidente: Consentement? M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, nous sommes
très heureux d'apporter notre collaboration. Mais, est-ce que le
ministre qui me demande cela le fait parce qu'il ne peut attendre à
mardi? Est-ce qu'il y a une urgence particulière?
M. Charron: Non, pas du tout. Si vous insistez, on le fera
mardi.
M. Levesque (Bonaventure): Mme la
Présidente, à la façon dont leader parlementaire du
gouvernement vient de répondre, je pense que nous pouvons tirer nos
conclusions et nous allons sûrement donner notre consentement afin que le
premier ministre ne change pas de nouveau d'idée et ne retarde pas de
nouveau les élections pour s'accrocher au pouvoir.
La Vice-Présidente: Alors, consentement. (14 h 20)
M. Charron: Madame, je lis les notes du greffier en loi. Projet
de loi 255, ville de Gatineau. Il est conforme à l'avis et celui-ci est
suffisant en nombre. Il a toutefois été déposé
après le jour d'ouverture de la session et plus de six mois se sont
écoulés depuis la publication des avis.
Je propose donc qu'on puisse déposer ce projet de loi avec cette
dérogation.
La Vice-Présidente: Adopté.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
M. Charron: Je demanderais, madame, de permettre de
déposer le projet de loi au nom du député de Papineau,
concernant la ville de Gatineau.
M. Levesque (Bonaventure): Mme la
Présidente, je pense que nous venons d'assister à une
dérogation de notre règlement. C'est à un
député et non à un ministre de proposer la première
lecture d'un projet de loi d'ordre privé.
M. Charron: Comme il est en appendice, je ne pouvais pas demander
à Mme la Présidente d'appeler l'article b) ou c) ou d). Il est en
appendice. Je demande à Mme la Présidente d'appeler le
député de Papineau pour présenter son projet de loi.
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, il est
coutumier que, dans un cas comme celui-là, le leader parlementaire du
gouvernement vous fasse parvenir copie du projet de loi et c'est à vous,
madame, de reconnaître celui qui doit présenter le projet de loi.
Cela ne doit pas être un ministre.
La Vice-Présidente: M. le député de
Papineau.
M. Gratton: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Mme la Présidente, si cela pouvait simplifier
les choses, il me fait plaisir de présenter le projet de loi au nom du
député de Papineau qui est absent.
M. Charron: Très bien.
Projet de loi no 225 Première lecture
La Vice-Présidente: Ce sera M. le député de
Gatineau au nom de M. le député de Papineau qui proposera la
première lecture du projet de loi privé no 255, Loi concernant la
ville de Gatineau. Adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Première lecture,
adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
M. Charron: Je tiens à rassurer le député de
Bonaventure, même si c'est le député de Gatineau qui vient
de déposer le projet de loi, que c'est tout conforme au
règlement. Il ne sera jamais ministre.
L'article c) du feuilleton, Mme la Présidente.
M. Gratton: Mme la Présidente, je m'excuse. Pourrais-je
demander, en vertu de je ne sais trop quel article, si le leader du
gouvernement nous annonce par là la possibilité de la nomination
du député de Papineau comme ministre?
Projet de loi no 207 Première lecture
La Vice-Présidente: M. le député de
Laprairie, au nom de M. le député de Sainte-Marie, propose la
première lecture du projet de loi privé no 207, Loi concernant la
succession de Jean-Louis Brissette. Adopté?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Première lecture,
adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement,
auriez-vous une motion pour une commission parlementaire?
M. Charron: Non, rien d'autre, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Questions orales des
députés
Une voix: Pour les trois premiers.
Renvoi à la commission des affaires
municipales
M. Charron: Oui, il faut les déférer en commission
effectivement. Alors, le premier projet de loi déposé, celui
portant le numéro 255, je propose qu'il soit déféré
à la commission des affaires municipales.
M. Caron: Toujours le 13 avril? M. Charron: Toujours le 13
avril.
La Vice-Présidente: Adopté, à la commission
des affaires municipales? Adopté.
Renvoi à la commission de la justice
M. Charron: Et que le projet de loi no 207 soit
déféré à la commission parlementaire de la
justice.
La Vice-Présidente: Proposition adoptée?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. Questions orales des
députés.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Mesures fiscales à l'égard des
entreprises
M. Lalonde: Mme la Présidente, je pense que le premier
ministre s'est réjoui trop vite du fait qu'on n'ait pas encore
posé de questions sur la SHQ. On aura toute la campagne
électorale pour en parler. Entre-temps, que le ministre fasse la
lumière sur la supposée offre de $50,000 qui avait
été faite par le gouvernement pour acheter le silence d'un
témoin et qu'il nous dise aussi qui sont les deux mystérieux
personnages qui se cachent sous le nom de code "Soleil levant" et "Soleil
couchant"? C'est peut-être beaucoup moins drôle dans la
réalité, M. le Président. Ma question s'adresse -
étant donné, naturellement, l'importance du budget et toute la
population qui en est affectée -au ministre des Finances. Plus on
regarde le budget, M. le Président, plus on s'aperçoit qu'il
s'agit d'une vaste opération de camouflage. On impose les charges
maintenant et on donne les allégements ou les bonbons plus tard, en
1982, par exemple.
Ainsi, le monde des affaires a réagi très
négativement à la réforme de la fiscalité des
entreprises. Il y en a qui l'appellent un désastre. Cela cadre
très mal avec le sommet économique sur Montréal pour
lequel le gouvernement a dépensé des centaines de milliers de
dollars, alors qu'on vient de donner un coup de massue justement sur la
tête des entreprises.
Ainsi, la contribution aux services de santé entre en vigueur le
1er avril, dans quelques jours, la taxe sur le capital le 1er juillet, mais
l'allégement de l'impôt sur les profits c'est le 1er janvier.
Êtes-vous si cassé que cela, M. le ministre? Réellement, le
bilan financier, M. le Président, que le ministre nous présente
me fait penser au bilan financier de feu le journal Le Jour. Vous vous en
souvenez? Le ministre pourrait-il nous dire pourquoi il est allé faire
un hold-up de cette envergure dans les poches des entreprises, au moment
où elles sont prises pour payer les charges maintenant mais qu'elles ne
pourront profiter de l'allégement que l'an prochain?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, après le soleil
levant, le soleil couchant et le jour, c'est la pleine lune. Le
député de Marguerite-Bourgeoys oublie dans sa question une chose
- elle a son importance - c'est que pour toutes les petites et moyennes
entreprises, au sens de la loi fédérale de ce terme,
l'allégement, le crédit d'impôt sur leurs profits, le taux
nominal tombe de 13% à 3% le 1er juillet.
Il est tout à fait clair que les mesures qui entrent en vigueur
à l'égard des entreprises commencent au 1er avril et se
terminent, pour l'année financière en cours, le 1er janvier.
C'est à ce moment que la dernière mesure est prise: c'est un
crédit de 5% d'impôt sur les grandes compagnies, et il y en a une
de prévue l'année suivante, un allégement encore de 2
1/2%. Pourquoi procédons-nous petit à petit comme cela? Pour une
raison très simple. C'est que pour les compagnies, dans leur ensemble,
la réforme que nous avons annoncée est très très
profitable. Une fois la réforme terminée, si on s'arrêtait
à un crédit d'impôt de 7,5% pour les grandes corporations,
elles paieraient à peu près $100 millions de moins que ce
qu'elles paient aujourd'hui, et, si on allait à 10%, elles paieraient
$185 millions de moins.
Le député de Marguerite-Bourgeoys me demande: Pourquoi
faites-vous entrer vos mesures les unes après les autres? Compte tenu
des avantages que cela représente pour les entreprises du Québec,
je fais ça par décence, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre veut dire que ces mesures vont
profiter aux entreprises maintenant? Et alors pourquoi la réaction si
négative du milieu des affaires et combien...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député. (14 h 30)
M. Lalonde: N'est-il pas vrai que, pendant ces trois mois pour
les petites et moyennes entreprises, et pour les neuf mois pour les autres
entreprises, elles vont payer des charges sans en avoir l'avantage? C'est une
question à laquelle le ministre devrait au moins apporter des chiffres;
n'est-il pas vrai qu'il va chercher là au moins quelques centaines de
millions dans les entreprises actuellement, sans qu'il y ait de retour,
c'est-à-dire sans que l'allégement ait pris effet pour tenter de
contrebalancer cet effet?
Le Président: M. le ministre. Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, lorsque le gouvernement
précédent, auquel appartenait le député de
Marguerite-Bourgeoys, a décidé lui aussi de doubler les
contributions d'employeurs aux services de santé, il n'a accordé
aucun allégement de quelque ordre
que ce soit, jamais. Et là, le député de
Marguerite-Bourgeoys me reprocherait d'attendre trois mois pour donner un
allégement? Le contraste est grand entre ceux d'en face, qui, quand ils
ont agi de la même façon, n'ont jamais accordé un
allégement d'impôt sur les profits, et nous, qui en donnons un
à partir des trois mois qui suivent la mesure et qui s'accentue avec le
temps. Mais que nous reproche-t-on?
Oui, évidemment, il y a certains représentants
d'associations d'affaires qui, à l'heure actuelle, ne sont pas
très contents. Je dois dire que compte tenu - comment dire? - des
positions politiques que nous leur connaissons, des déclarations qu'ils
font en public, celui qui est peut-être le plus vociférant
aujourd'hui parmi ces représentants de groupes d'hommes d'affaires
disait il y a quelques mois: Le principal rôle de notre association, ce
doit être de battre le gouvernement. On n'attendait quand même rien
d'autre de lui ce matin.
M. Lalonde: Pour l'information du ministre, c'est le
président de la Chambre de commerce, qui accompagnait les ministres, il
y a quelques jours, à un sommet économique, qui a dit que ce
budget est un désastre. Il s'agit de M. Lortie.
Une voix: Qui?
M. Lalonde: M. Pierre Lortie.
Des voix: Ah!
M. Lalonde: Alors, M. le Président, une autre question
additionnelle.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député.
M. Lalonde: Elle est étrange... M. Blank: ...
M. Lalonde: ...quand même, la remarque du
député de Roberval. Pourquoi trouve-t-on justement, dans le
milieu des affaires, tant de personnes qui veulent défaire ce
gouvernement? Il y a d'excellentes raisons.
M. le Président, comme dernière question, je voudrais
parler de l'allocation de disponibilité. Encore là, c'est une
promesse que le chef de l'Opposition a trouvée intéressante. Mais
dans le même cadre de camouflage...
Le Président: À l'ordre! M. le
député.
M. Lalonde: Dans la même tendance de camouflage de ce
budget, M. le Président, cette allocation de disponibilité
annoncée en grande pompe avant-hier va prendre effet quand? Pas cette
année, en 1982. Je voudrais demander au ministre de rassurer les femmes
qui ont réagi ce matin, entre autres, le Conseil du statut de la femme,
à savoir que cette mesure pourrait défavoriser la femme au
travail. Est-ce exact et a-t-il l'intention d'apporter des modifications
à sa décision?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, effectivement, il y a
quelques textes qui sont apparus dans les journaux ce matin et qui expriment
des craintes, à savoir que quelqu'un qui est au travail à l'heure
actuelle pourrait, avec l'allocation de disponibilité, en avoir moins.
Ces craintes sont basées simplement sur un calcul mal fait. J'ai
l'intention d'ailleurs d'intervenir auprès de certaines de ces
personnes, qui sont tout à fait de bonne foi, mais qui ne comprennent
pas très bien comment, sur le plan de l'impôt, cela
fonctionne.
L'exemption personnelle, à l'heure actuelle, pour chaque enfant,
est de $2000, mais l'exemption effectivement demandée est en moyenne de
$1200, ce qui n'est pas du tout la même chose. Dans ce sens-là, le
système que nous proposons est évidemment remarquablement
avantageux pour l'ensemble des femmes qui ont des enfants en bas âge,
pour une raison très simple. Nous y mettons dix fois plus d'argent que
ce que représentent les sommes des exemptions personnelles pour frais de
garde pour les enfants de moins de six ans. Dix fois plus d'argent, $185
millions au lieu de $19 millions. C'est évidemment très
avantageux.
Le Président: Question additionnelle, M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il y a une
précision que j'aimerais recevoir de la part du ministre des Finances.
Le ministre des Finances a annoncé qu'à partir du 1er avril la
contribution des employeurs au financement des programmes de santé
passera de 1,5% à 3%.
M. Lavoie: 100% d'augmentation.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, le ministre
dit un peu plus tard: Cependant, il y aura compensation. Un peu plus tard, il
parle de la compensation et cela aux employeurs qui sont incorporés. La
question que je lui pose est la suivante: Qu'est-ce qui arrive de la
compensation lorsque l'employeur n'est pas une corporation au sens de la loi
fédérale de l'impôt sur les corporations?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Ou au sens de la loi provinciale des
corporations.
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président! Je
lis ce que le ministre lui-même a dit. Je comprends qu'il a bien peur de
parler du fédéral mais c'est dans son texte qu'il dit " au sens
de la loi fédérale de l'impôt sur les corporations."
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Oui, l'expression "au sens de la loi
fédérale " a trait aux petites entreprises.
Une voix: Petites et moyennes.
M. Parizeau: II est évident que, pour une entreprise qui
n'est pas incorporée, elle n'a pas de profits au sens de cette loi et la
façon pour elle de profiter des avantages ou des soulagements que je
viens d'indiquer, c'est, effectivement, de s'incorporer. Ce n'est pas une
opération...
Il y aura... Il est évident que, sur ce plan, il y a toute une
série de dispositions dans nos lois qui font qu'à certains
moments il est un peu plus avantageux de s'incorporer, un peu moins avantageux
de s'incorporer. Là, il y a évidemment un choix à faire
sur un plan rigoureusement comptable: Quelle est la formule la plus
avantageuse? C'est tout.
Le Président: Dernière question additionnelle.
M. Levesque (Bonaventure): Simplement une nouvelle
précision. Le ministre nous dit: Les employeurs n'ont qu'à
s'incorporer. Je lui demande s'il n'y a pas d'autres lois du Parlement, de
l'Assemblée nationale, qui empêchent des groupes de
s'incorporer.
Le Président: M. le ministre.
M. Parizeau: J'attendais celle-là, M. le Président.
Il s'agit en particulier des ordres professionnels. Il y a certains ordres
professionnels qui, en vertu de nos lois, ne peuvent pas s'incorporer. Dans ces
cas, c'est-à-dire, par exemple, les bureaux d'ingénieurs ou
d'avocats - je n'en connais pas la liste complète, mais il y a un
certain nombre de ces bureaux de professionnels - ils seront placés
à peu près dans la même situation où nos amis d'en
face les avaient placés quand ils avaient doublé aussi la
contribution des employeurs aux services de santé.
M. Johnson: M. le Président, est-ce que je peux me
permettre d'ajouter, en réponse à la question du leader de
l'Opposition, que nous avons adopté, au mois de décembre dernier,
une nouvelle loi sur les corporations qui rend l'incorporation
extrêmement facile?
Le Président: Question principale, M. le
député de Saint-Laurent.
Mise en vigueur du nouveau droit de la famille
M. Forget: Après ces questions, dirigées vers la
pleine lune du gouvernement, j'en ai une qui s'adresse au premier croissant, le
ministre de la Justice.
M. Lavoie: Au premier croissant? Une voix: C'est le
dernier croissant!
M. Forget: Ce dernier a reçu récemment de Me
Blanchard, le bâtonnier du Barreau du Québec, une longue lettre
qui invitait le ministre à beaucoup de prudence dans la mise en vigueur
de la loi 89, la loi qui porte sur les modifications du Code civil au chapitre
du droit de la famille. Je me permet de citer une très brève
phrase de cette lettre, vers la fin, où Me Blanchard, au nom du Barreau,
dit au ministre: "Nous estimons qu'il est préférable que la
promulgation même partielle de la loi 89 soit différée
jusqu'à l'adoption des modifications nécessaires à cette
loi et au Code de procédure civile." (14 h 40)
En particulier, en annexe à cette lettre, on trouve la
description des différents chapitres de la loi 89 qu'il serait
absolument hors de propos ou hors d'ordre ou inopportun de promulguer. Je cite,
entre autres, au chapitre cinquième, Des nullités de mariage, les
articles 423 à 439; au chapitre huitième, De la séparation
de corps, les articles 525 à 537; au titre deuxième, Du divorce,
les articles 538 à 571, et au chapitre deuxième du titre
troisième relativement à l'adoption, les articles 595 à
632.
Effectivement, dans la publicité que le ministère de la
Justice a fait paraître dans plusieurs journaux du Québec il y a
quelques jours, on découvre que le ministre s'est rendu à l'avis
que le Barreau lui a donné et a omis, dans sa promulgation, ces
chapitres que le Barreau lui déconseillait absolument de promulguer.
Cependant, il faut retenir que ce n'est qu'un pis-aller. Le Barreau
attirait également l'attention du ministre sur l'inopportunité
d'une promulgation même partielle et il concluait sur cela en disant
qu'une promulgation trop rapide de cette loi pourrait entraîner la
société dans un chaos juridique, administratif et
constitutionnel, et produire l'effet contraire à celui recherché.
Effectivement, je crois qu'on produit, par cette promulgation partielle, une
situation de grande confusion; pour employer une expression chère au
premier ministre, une
situation dans laquelle une chatte ne retrouverait pas ses petits.
Je me demande si le ministre de la Justice pourrait nous indiquer une
seule raison, dans ce contexte-là, autre que celle que lui inspire le
calendrier électoral, pour avoir fait cette promulgation partielle
après avoir attendu jusqu'à deux ans pour donner suite aux
recommandations de l'Office de révision du Code civil.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, il me fait plaisir de
répondre au premier "décroissant rouge" de l'Opposition, et de
l'informer que la décision qui a été prise par le Conseil
des ministres concernant la mise en application de certaines parties du nouveau
Code de la famille, l'a été avant même que nous recevions
l'avis du barreau. C'est un décision que nous avons voulue prudente, qui
ne donne pas ouverture à des batailles juridiques ou constitutionnelles
et dans ce sens, je suis heureux que le barreau, pour une certaine partie, soit
d'accord avec le gouvernement. Le député me demande une raison
pour laquelle nous mettrons en vigueur dès le 2 avril les dispositions
annoncées concernant le Code de la famille. Je peux lui en donner au
moins trois qui me semblent de toute première importance.
Je tiens à dire que je ne céderai en aucune façon
aux pressions qui peuvent être faites par certains dirigeants du barreau
ou par les membres de l'Opposition libérale, à savoir de ne pas
mettre en pratique ou en vigueur certaines parties du Code civil dès le
2 avril. Je ne vois pas au nom de quel principe l'Opposition libérale
pourrait me demander d'adopter une attitude qui aurait comme effet que
persisteraient au niveau de la population des injustices, des
inégalités et qui empêcheraient, autrement dit, d'assurer
certaines protections qui étaient demandées depuis longtemps. Je
m'étonne de voir l'Opposition libérale me demander de retarder
l'application partielle du Code civil. Je vais vous donner les trois
raisons.
Premièrement, les mesures que nous mettrons en vigueur auront
pour effet de consacrer dans notre Code civil l'égalité juridique
de l'homme et de la femme dans la direction morale et matérielle de la
famille. Cette promulgation permettra de faire en sorte que les enfants soient
sur un pied d'égalité dès leur naissance, ce qui
n'était pas le cas auparavant à cause des critères de
légitimité et d'illégitimité. Également,
cette mise en vigueur permettra d'assurer ce qui était demandé
depuis longtemps par tous les groupes féminins et par une
société qui se respecte, à savoir, une protection de la
résidence familiale. Je pense que ces trois raisons majeures, M. le
Président, sont suffisantes pour m'étonner de cette demande de
l'Opposition qui aurait pour effet que persistent certaines
inégalités et certaines injustices qui ont déjà
été dénoncées dans le passé. Cette
application a déjà trop tardé et vous pouvez être
convaincus d'une chose, faites les pressions que vous voudrez, cela va entrer
en vigueur, le gouvernement a pris sa décision là-dessus.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, nous aurions tous aimé
- j'en suis sûr - que le ministre de la Justice fasse montre du
même zèle envers la suppression des injustices que celui qu'il
prétend soudainement avoir relativement à cette proclamation
partielle d'un projet de loi. Cela dit, n'est-il pas vrai qu'il condamne nos
concitoyens - pour qui, malheureusement, les problèmes de droit sont
déjà assez compliqués - à vivre dans le domaine du
droit familial avec deux codes civils qu'ils vont devoir essayer de comprendre
et de concilier parallèlement l'un à l'autre, créant ainsi
une confusion encore plus grande que celle que nous avons pu connaître
dans ce domaine jusqu'à maintenant?
Deuxièmement, le ministre de la Justice est incapable, à
l'heure actuelle, même de nous donner des indications sur le moment
où les dispositions encore plus importantes d'amendements au Code civil,
mais qui ne sont pas promulguées cette fois-ci, pourraient
éventuellement l'être. Les préparatifs en vue de les
promulguer supposent de très longs travaux, supposent l'amendement au
Code de procédure civile et supposent même, si on veut embrasser
la totalité du problème du droit familial, des ententes d'ordre
constitutionnel et la composition d'un tribunal de la famille. On est bien loin
du compte. Dans cet empressement maladif pour promulguer immédiatement
les dispositions mineures d'un projet d'ensemble, je pense que le ministre de
la Justice fait lui-même une injustice à nos concitoyens en les
plongeant dans une confusion encore plus grande que celle qui a entouré
toutes ces questions jusqu'à aujourd'hui.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, - je tiens à le
répéter - je me demande au nom de quel principe l'Opposition peut
se réclamer pour demander au ministre de la Justice d'empêcher la
mise en vigueur de certaines dispositions qui ont pour effet de corriger des
inégalités et des injustices et d'assurer une protection à
des citoyens et des citoyennes du Québec, entre autres - je le
dis et je le répète - l'égalité juridique de
l'homme et de la femme au niveau de la sécurité, de la direction
morale et matérielle de la famille, la protection de la résidence
familiale et l'égalité des enfants dès leur naissance. Il
n'y a absolument aucun principe dont peut se réclamer l'Opposition pour
me demander de faire une telle chose que nous ne ferons pas comme
gouvernement.
Ce qu'a dit tout à l'heure le député de
Saint-Laurent est complètement faux. Il faudrait quand même lire
comme il faut la lettre du Barreau à laquelle il fait allusion. Ce que
le Barreau dit explicitement, c'est que si nous avions mis en vigueur les
chapitres concernant le mariage, la séparation de corps et l'adoption,
à ce moment-là, il y aurait eu une confusion parce qu'il y aurait
eu des problèmes constitutionnels. Il aurait pu y avoir danger d'une
sorte de système parallèle au niveau du droit, soit deux
systèmes de droit. C'est justement ce que nous n'avons pas fait et c'est
ce que j'indiquais tout à l'heure au député de
Saint-Laurent. Nous avons pensé à l'application de cette loi en
faisant preuve de prudence de manière qu'il n'y ait aucune bataille
juridique et aucune bataille constitutionnelle. Dans ce sens, nous avons
justement donné suite à des recommandations du Barreau.
Concernant d'autres dispositions qui demandaient des amendements au Code
de procédure civile, encore là, nous avons été
d'une extrême prudence parce que nous ne les avons pas proclamées
et elles ne le seront pas tant que les amendements au Code de procédure
civile ne seront pas faits. Je suis en mesure de dire au député
de Saint-Laurent que cela ne pourra tarder puisque, déjà, nous
serions en mesure de déposer très rapidement des amendements au
Code de procédure civile qui nous permettraient de mettre en vigueur les
dispositions reliées à ces amendements. (14 h 50)
Je demanderais au député de Saint-Laurent de prendre
quelques instants pour me dire, encore une fois, quel principe il peut invoquer
pour me demander de ne pas mettre en vigueur des dispositions qui corrigent des
inégalités et des injustices qui durent depuis trop
longtemps.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Saint-Laurent, très brièvement.
M. Forget: M. le Président, il serait trop long de rouvrir
le débat sur l'ensemble de la loi, mais j'aimerais quand même
renouveler, à l'attention du ministre, l'affirmation qu'a faite le
barreau et qui est contraire à la sienne, à savoir que le barreau
s'oppose à une promulgation même partielle, et il le fait au nom
d'un principe qui est très clair, celui d'éviter de créer
une confusion plus grande pour le citoyen, dans les lois qui l'affectent
directement, que ce n'est déjà le cas pour la plupart des
citoyens moyens.
Je reviens à ma question à laquelle le ministre n'a pas
répondu tout à l'heure; il pourra répondre aux deux
éléments, s'il le souhaite. Il reste qu'en faisant cette
promulgation partielle, le gouvernement n'est absolument pas en mesure
aujourd'hui de nous dire à quel moment les autres parties de cet
ensemble de mesures et de changements au Code civil seront promulguées
parce que ça suppose énormément de travaux à faire
et énormément de modifications qui peuvent être
adoptées ici ou ailleurs. Cela indique très bien que cette
adoption partielle est dictée par un seul critère, celui de
l'imminence des élections dans le cadre desquelles on veut pouvoir dire
qu'on a fait enfin un peu quelque chose, le moindrement possible, et affirmer
qu'on n'a pas été totalement inactif en dépit de l'incurie
prolongée du gouvernement à cet égard.
Le Président: M. le député de la
Justice.
M. Bédard: M. le Président, je m'étonne
vraiment des propos du député de Saint-Laurent, qui a quand
même été très élogieux à l'endroit de
l'ensemble de cette loi, et le Barreau également. Vous pourriez
peut-être lire un autre petit paragraphe de la lettre adressée par
le Barreau et qui dit ceci: "Nous ne pouvons néanmoins que nous
réjouir de l'implantation d'une telle réforme du droit de la
famille."
Dans l'ensemble, le Barreau se réjouit de cette loi, mais il nous
met en garde contre le danger de promulguer certains chapitres, certains
articles qui pourraient ouvrir un débat constitutionnel ou un
débat juridique, ce que nous avons fait avant même qu'il ne nous
le demande. Il poursuit en disant que son opinion serait de ne mettre d'aucune
façon la loi en vigueur, même partiellement. Là-dessus, M.
le Président, je ne suis pas d'accord avec certains dirigeants - et je
dis bien certains dirigeants - du Barreau, parce que d'autres échos
beaucoup plus raisonnables sont venus à nos oreilles. Je ne suis pas
d'accord avec certains dirigeants du Barreau et je ne suis pas d'accord avec
l'Opposition officielle pour retarder la mise en vigueur des dispositions que
nous pouvons adopter sans problème. Vous n'avez évoqué
absolument aucun principe, aucune raison qui puisse permettre à un
gouvernement qui se respecte de retarder la correction de certaines injustices
qui durent déjà depuis trop longtemps.
Le Président: Question principale, M. le
député de Nicolet-Yamaska.
Accession à la propriété
M. Fontaine: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Finances. Cela fait quatre ans et demi que le gouvernement est au
pouvoir, et ça fait presque aussi longtemps qu'il y a une baisse dans le
domaine de la construction. On nous dit que depuis 1976 la construction a subi
une baisse d'à peu près 50% dans le domaine de l'habitation.
Également, il faut tenir compte de la diminution du nombre d'emplois
à Hydro-Québec pour les prochaines années, ce qui cause un
taux de chômage très important dans le domaine de la
construction.
On connaît les difficultés qu'ont les jeunes couples
à acquérir des maisons et ce, bien sûr, à cause des
hauts taux d'intérêt et également, à cause, du
coût très élevé des maisons. Nous, de l'Union
Nationale, avons pensé, dans notre programme politique, à mettre
sur pied un programme d'accès à la propriété dont
le but sera de fournir une aide directe de l'État pour couvrir la
différence entre un taux d'intérêt de base fixé par
l'État et le taux réel du marché hypothécaire.
M. le Président, le ministre délégué
à l'Habitation, le 17 novembre 1980, alors qu'il était devant
l'Association des constructeurs du Québec, parlait d'un programme
d'accès à la propriété en disant: "Une politique
globale de l'habitation n'est pas pour demain. Les constructeurs devront, au
préalable, se contenter d'autres mesures, a la pièce, comme un
programme provincial pour favoriser l'accession à la
propriété, ce qu'entend réaliser, pour le printemps
prochain, le ministre Guy Tardif, délégué à
l'Habitation."
On continuait, un peu plus loin: "Pourtant, le ministre Tardif s'est
contenté de leur expliquer les bases de son programme d'accession
à la propriété, tout en avouant qu'il n'en connaissait pas
les modalités. Il aura aussi l'argent nécessaire, même s'il
ne peut dire combien, ni d'où il viendra. Il a, en somme, demandé
aux constructeurs de faire confiance à sa réputation de ministre
qui livre sa marchandise."
M. le Président, comment se fait-il qu'à la veille des
élections - il ne faut pas se conter d'histoires, c'est pour demain
-dans le discours sur le budget du ministre des Finances, cette semaine, il n'y
ait aucune mention qui soit faite d'un programme d'accession à la
propriété, qui avait été publicisé par le
ministre délégué à l'Habitation?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je pense qu'il n'y a aucun
mystère autour du fait que le gouvernement actuel a manifesté son
intérêt pour un programme d'accession à la
propriété, il y a déjà quelques mois.
Effectivement, nous avons fait un bon bout de chemin dans l'examen des formules
d'un programme d'accès à la propriété et je pense
qu'à l'heure actuelle on s'approche du point où on va savoir
exactement dans quoi on s'engage et qu'est-ce qu'on peut faire.
Je pense qu'il serait tout à fait normal...
Une voix: Quand c'est mûr...
M. Parizeau: ...à partir du moment où un tel
programme est à peu près mis sur pied et est mûr,
qu'à un moment donné on ait, d'une part, à l'annoncer, et,
d'autre part, à en indiquer le rythme d'exécution. J'imagine que
d'ici peu de temps on aura l'occasion d'en reparler.
M. Fontaine: M. le Président, j'aimerais poser une
question additionnelle au ministre des Finances et je me reporte, encore une
fois, au texte qui citait le ministre Tardif: "Le ministre entend tout mettre
en oeuvre, il dit avoir le feu vert du premier ministre Lévesque pour
que ce programme ait force de loi avant la prochaine reprise du marché
de l'habitation qui coïncidera avec la fin de l'hiver."
M. le Président, comment concilier la déclaration du
ministre des Finances aujourd'hui, qui nous annonce qu'il y aura quelque chose
de dévoilé bientôt à ce sujet, et celle du ministre
délégué à l'Habitation qui nous dit que ça
prend un projet de loi déposé devant l'Assemblée nationale
pour mettre en vigueur un tel programme? M. le Président, comment croire
à la crédibilité de telles annonces qui nous seront faites
en pleine campagne électorale, alors que le ministre a
déclaré que ça prenait une loi?
La Vice-Présidente: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Mme la Présidente, puisque le
député de Nicolet-Yamaska fait référence
spécifiquement à une déclaration de mon collègue,
le ministre d'État à l'Aménagement et
délégué à l'Habitation, je pense qu'il serait
plutôt normal qu'on lui passe la réponse.
La Vice-Présidente: M. le ministre
délégué à l'Habitation.
M. Tardif: Mme la Présidente, cela me fait plaisir que le
député de Nicolet-Yamaska me donne l'occasion de lui rappeler un
certain nombre de faits, puisque, au mois de décembre, en effet, j'ai
déposé ici, dans
cette Chambre, le projet de loi 13 et que l'Opposition - puisqu'on en
était quand même en fin de session, on avait besoin d'un
consentement de l'Opposition - a refusé de donner son consentement pour
que ce projet de loi soit adopté. Il n'a donc pas été
adopté.
Mme la Présidente, je pense que les obstacles législatifs
qui pouvaient se poser, vous en portez l'odieux.
La Vice-Présidente: M. le député de
Nicolet-Yamaska. (15 heures)
M. Fontaine: Mme la Présidente, lorsque le ministre et le
leader parlementaire du gouvernement ont décidé d'ajourner la
Chambre, il n'y avait rien qui les empêchait de nous faire siéger
plus vite pour faire adopter les projets de loi qu'ils voulaient faire adopter.
Deuxièmement, je voudrais demander aujourd'hui au ministre
délégué à l'Habitation à quel endroit
précis, dans le budget qui nous a été
présenté cette semaine par le ministre des Finances, on trouve
les crédits nécessaires à l'application du programme qui
va être annoncé demain ou dans les prochains jours.
M. Tardif: À aucun endroit, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Mme la Présidente, puisque la question du
député de Nicolet-Yamaska m'était d'abord envoyée
et que cela faisait allusion à mon collègue, le ministre
d'État à l'Aménagement, je lui ai remis une partie de la
réponse, mais je voudrais maintenant la terminer. Tout à coup
que, effectivement, le financement d'un programme comme celui-là
n'impliquerait pas de crédits budgétaires pour 1981-1982! Il y a
bien des façons de financer un programme. Si ce n'est pas dans les
crédits budgétaires, cela ne pourrait-il pas, par exemple,
être dans les crédits extra-budgétaires? Il y a un surplus.
J'entends le député de Laval dire: Ou dans les déficits!
Il tombe mal. Dans les crédits non budgétaires, il y a un surplus
de $1 milliard. Je m'excuse.
Le Président: Question principale. Mme la
députée de L'Acadie.
Aide aux handicapés visuels
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires sociales. Il était ici il y a quelques instants.
Je pourrais toujours la poser au premier ministre. Il est arrivé.
Le 16 février dernier, une lettre était adressée
à tous les députés de l'Assemblée nationale par le
Regroupement des aveugles et des semi-voyants du Québec, et était
intitulée: 15,000 handicapés visuels demandent justice. En fait,
ce que ce regroupement demandait, c'était que s'applique enfin
l'extension du programme de réadaptation avec les aides
mécaniques et autres pour les handicapés visuels. Le ministre des
Affaires sociales avait annoncé un échéancier en trois
étapes. La dernière étape devant s'adresser aux personnes
de 35 ans et plus devait débuter en novembre 1979. Depuis ce temps, on
n'a pas de nouvelle. Le regroupement s'inquiète, puisque ce sont des
personnes plus âgées et dont le fonctionnement est diminué
à cause de problèmes visuels.
Je voudrais demander au ministre des Affaires sociales de nous dire la
raison pour laquelle il n'a même pas accusé réception de la
lettre que lui envoyait le regroupement, et deuxièmement, quelles sont
ses intentions. Veut-il remplir la promesse qu'il avait faite, probablement en
novembre 1979, selon laquelle les handicapés visuels de 35 ans et plus
feraient partie de ce programme de réadaptation?
Le Président: M. le ministre.
M. Lazure: Non, M. le Président. Je dois dire d'abord que
j'ai rencontré les porte-parole du regroupement il n'y a pas longtemps,
lors d'une visite à l'Institut Nazareth et Louis-Braille, situé
à Longueuil, dans la région de Montréal. J'ai
répondu en personne à la requête, si vous voulez, qui
était arrivée au ministère, qui n'est pas en soi une
nouvelle requête. Il est bien entendu que les handicapés visuels
souhaitent que ce programme, qui était commencé par
étapes, depuis un certain temps, couvre l'ensemble de tous les
handicapés visuels, de la même façon que tous les
handicapés souhaitent que les services soient multipliés.
Cependant, l'échéancier qui avait été
élaboré à l'époque était un projet et nous
comptons toujours pouvoir, dans un avenir prochain, étendre cette aide
financière aux handicapés visuels qui ont besoin d'aide
mécanique ou d'autres sortes d'aide.
Je dois dire, M. le Président, que, dans le budget du
ministère des Affaires sociales, il y une somme de $1 million d'argent
nouveau, en plus des fonds, des programmes qui existent déjà et
qui ont été augmentés d'environ 11%, qui a
été affectée au budget de l'Office des personnes
handicapées. Nous étudions actuellement la possibilité
d'affecter à même les fonds de l'Office des personnes
handicapées, en partie en tout cas, des montants qui permettraient de
mettre en vigueur la troisième et dernière phase de ce programme
pour handicapés visuels.
Le Président: Question additionnelle,
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais avoir une
réponse plus directe du ministre. Il parle d'intention d'affecter de
l'argent à l'office et on sait qu'il y a une foule d'organismes pour
personnes handicapées qui font appel à l'office et les
prévisions budgétaires sont quand même restreintes, quand
le ministre nous parle de $1 million. C'est ce groupe qui est
particulièrement affecté, dont le fonctionnement social et
économique est diminué dès que ces gens sont atteints de
cécité ou deviennent, comme on les nomme maintenant, des
demi-voyants.
Je voudrais demander au ministre si, pour l'année 1981-1982, les
handicapés visuels seront retenus en priorité par l'Office des
handicapés et, si c'est son intention, de l'indiquer dans ce sens
à l'office ou, sinon, si ces personnes doivent penser qu'elles devront
attendre peut-être 1982, 1983 ou 1984. Elles attendent depuis 1979 et
elles voudraient avoir une réponse ferme de la part du ministre.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: M. le Président, la réponse, c'est que
nous allons faire l'impossible pour que cela se réalise au cours de
l'année budgétaire 1981-1982. Je dois dire que les
handicapés visuels, à part ce programme d'aide mécanique,
reçoivent déjà de notre gouvernement des subventions
importantes. Au chapitre du transport, par exemple, en 1976, quand nous sommes
arrivés au pouvoir, le transport adapté aux handicapés
n'était pas défrayé du tout par le gouvernement du
Québec. Depuis quatre ans, nous avons appuyé, subventionné
les commissions de transport métropolitain dans toutes les
régions du Québec. Ensuite, nous avons établi des centres
de travail adaptés pour les handicapés de toutes sortes, y
compris les handicapés visuels. Il y a actuellement 35 centres de
travail adaptés, au Québec, pour handicapés physiques et
mentaux - quand on dit "physique", cela inclut les handicapés visuels -
où ces milliers de personnes handicapées touchent le salaire
minimum, au lieu de toucher, comme elles le faisaient auparavant, $20 par
semaine.
M. le Président, la députée de L'Acadie aborde un
problème très précis. Il est urgent de régler ce
problème, j'en conviens, mais, durant tout ce temps, nous avons pris des
mesures pour aller à l'essentiel. Il faut d'abord que les personnes
handicapées puissent se déplacer et qu'elles puissent aussi
trouver du travail.
Finalement, si on revient aux handicapés visuels, je rappelle
à cette Assemblée qu'il y a environ deux mois, nous avons
accordé une subvention à une école de dressage de
chiens-guides pour handicapés visuels. C'est la première fois que
nous aurons, au Québec, des chiens-guides dressés en
français pour les handicapés visuels de langue
française.
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous vous plaît!
M. Lazure: M. le Président, puisque l'Opposition semble
faire des gorges chaudes et trouver cela très drôle - je vois le
député de Rouyn-Noranda arborer un grand rire - il faut dire que
les handicapés visuels, du Québec, jusqu'à il y a deux
mois, devaient se rendre aux États-Unis et y passer trois ou quatre mois
pour obtenir un chien guide qui était entraîné en anglais
dans une école de formation américaine. Nous avons pensé
qu'il était temps que les handicapés visuels, puisqu'ils sont des
citoyens à part entière, aient un chien guide
éduqué, au Québec, en français, dans la langue de
la personne qui est aveugle. (15 h 10)
Une voix: C'est moi qui ai suggéré cela.
Le Président: S'il vous plaît! Fin de la
période des questions. À l'ordre! M. le député de
Gouin, j'essaierai de vous reconnaître mardi prochain.
M. Tremblay: Merci!
Le Président: Motions non annoncées.
M. Charron: M. le Président, je vous avais donné
avis...
Le Président: Effectivement, j'ai été
informé qu'il y avait deux compléments de réponse, l'une
de la part du ministre du Travail à une question du député
de Portneuf et une autre du ministre de l'Environnement à une question
du chef de l'Opposition officielle.
M. le ministre du Travail.
Grève à la Reynolds, antibriseurs et
permis de coupe de bois
M. Marois: M. le Président, on se rappellera que j'ai pris
avis hier d'une double question du député de Portneuf. L'une
portait sur des plaintes concernant des antibriseurs de grève, plaintes
logées par des travailleurs syndiqués dans le conflit qui oppose
les travailleurs forestiers à certaines entreprises. Le deuxième
volet portait sur des droits de coupe additionnels qui auraient
été accordés à certaines entreprises.
En ce qui concerne le premier point, le
député comprendra que je suis parmi ceux qui se sont
couchés au soleil levant, attendant et suivant de très
près ce qui se passait au Cap-de-la-Madeleine dans le conflit de la
Reynolds, cette nuit. En passant, je suis heureux d'annoncer que les
travailleurs syndiqués ont accepté, par un vote de 62%, le
rapport des médiateurs et que la compagnie l'a aussi accepté.
Ceci étant dit, je m'excuse auprès du député. Il
comprendra, M. le Président, j'en suis sûr, que je n'ai
malheureusement pas eu le temps, ce matin de prendre connaissance du rapport de
l'enquêteur, mais je vais le faire dans les meilleurs délais
possible.
En ce qui concerne le deuxième point, les droits de coupe
prétendument additionnels accordés à certaines
entreprises, nous avons une réponse très précise à
donner au député et je vais laisser mon collègue, le
ministre de l'Énergie et des Ressources, lui communiquer cette
réponse. Allez-y.
M. Bérubé: M. le Président,
brièvement. En fait, pour tous les permis de coupe accordés
à l'industrie forestière, il y a une destination des bois qui est
spécifiée et aucun industriel ne peut, sans l'autorisation du
ministère, transférer des bois à une autre usine qui
serait, par exemple, en grève et qui ne pourrait pas
bénéficier de ces approvisionnements. Aussi, dès que les
représentants du syndicat m'ont contacté pour se plaindre de
certains transferts supposés, puisqu'ils n'en avaient pas la preuve, et
qu'ils m'ont demandé de faire enquête, nous avons fait
enquête, plus particulièrement dans le cas d'un transfert de bois
entre la société Kruger et la société CIP de
manière à pouvoir vérifier. Il est bien évident
qu'il est passablement difficile, après coup, de s'assurer que du bois
dans la cour d'une usine vient d'un parterre de coupe qui n'était pas
destiné à une usine en particulier mais à une autre.
Toutefois, j'ai immédiatement demandé a mes fonctionnaires
de surveiller tous les transferts de bois et, effectivement, nous avons pu
saisir un transfert de bois entre la société Reed et la
société Québec North Shore qui devait impliquer 25,000
cordes et nous l'avons bloqué. Il ne s'est pas fait plus qu'un transfert
d'à peu près 300 cordes et, en fait, je peux dire que,
présentement, c'est sous contrôle.
Le Président: Dernière question, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Une question additionnelle au ministre de
l'Énergie et des Ressources. Vous évoquez que vous avez
vérifié les transferts de droits de coupe entre les compagnies
Kruger et CIP. Est-ce que vous avez vérifié les transferts entre
les compagnies Consolidated-Bathurst et CIP?
Le Président: M. le ministre.
M. Bérubé: Oui, M. le Président, ils ont
tous été vérifiés. Mais, comme je le disais dans ma
réponse initiale, il est très difficile, une fois que les
transferts ont été faits, s'ils ont effectivement
été faits, d'identifier le bois dans une cour et d'avoir une
preuve absolument irréfutable qu'il y a effectivement eu violation de la
loi. Toutefois, à ce moment, j'ai demandé à mon
ministère de surveiller de très près les entreprises pour
qu'il ne s'en reproduise plus, s'il s'en était produit.
M. Pagé: Une dernière question additionnelle au
ministre du Travail. La loi 45, ça va bien? La loi "antiscabs",
ça va bien, oui, avec cela?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Marois: M. le Président, on est en train de
procéder, après plus de deux ans de rodage, à une
première nord-américaine, les mesures antibriseurs de
grève au Québec. Le député de Portneuf sait fort
bien que c'est une première nord-américaine et, si je comprends
bien ce que le député de Portneuf insinue par sa question,
peut-être qu'il y aurait lieu maintenant de procéder à une
évaluation rigoureuse, à la suite de l'expérience
née de cette mesure et je comprends que nous aurions l'accord de
l'Opposition officielle, quand on se retrouvera, qu'elle sera encore
l'Opposition officielle pour, le cas échéant, prendre les mesures
qui s'imposeraient pour faire en sorte que sur la base de l'évaluation
et de l'expérimentation menées, on puisse, le cas
échéant, resserrer le tout.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement,
brièvement, s'il vous plaît.
Assainissement des eaux
M. Léger: M. le Président, je voudrais donner une
réponse aux trois questions que le chef de l'Opposition a posées
mardi concernant les programmes d'assainissement des eaux pour la grande
région de Montréal. On relit le texte aux pages 2050 et 2054 du
journal des Débats.
Les trois questions portaient sur les sujets suivants. On reprochait au
gouvernement d'avoir fait des engagements financiers au-delà de la
période des élections pour rembourser les paiements de
l'assainissement des eaux. Deuxièmement, le gouvernement du
Québec n'allait pas assez vite dans ce domaine. Et,
troisièmement, on aurait favorisé des amis dans les comtés
de Taillon, Chambly et Terrebonne.
Premièrement, M. le Président, je dois dire que les
engagements pour les paiements
de l'assainissement des eaux, c'est selon la même procédure
que celle que le gouvernement libéral avait, c'est-à-dire le
remboursement, dans une période de vingt ans, pour la dette que les
municipalités ont contractée. Mais nous avons apporté deux
améliorations. Nous, nous remboursons aussi l'intérêt,
chose que le Parti libéral du temps ne faisait pas. Deuxièmement,
nous avons augmenté la subvention à 90%, alors que les ententes
signées par le gouvernement libéral n'étaient qu'à
66%.
On a reproché aussi au gouvernement de ne pas aller assez vite
dans ce domaine. Je dois quand même dire que nous avons pour
$1,300,000,000 de protocoles signés et $600 millions de
dépensés. On peut dire que les quinze ans de retard que le
Québec avait dans l'assainissement des eaux, sous le gouvernement
libéral précédent, ont été repris
rapidement. Je ne comprends pas que le chef de l'Opposition puisse nous dire
qu'on ne va pas assez vite là, alors qu'il voudrait avoir un moratoire
pour les éleveurs de porc dans la Yamaska, chose qu'il a
prétendue lors de l'élection partielle. Il a deux façons
un peu incohérentes de voir la situation.
Troisièmement, le chef de l'Opposition a parlé de
favoriser des amis au niveau des contrats dans Taillon, Chambly et Terrebonne.
J'aimerais lui dire que les contrats qui ont été donnés
à la firme qui a été choisie, ce sont des contrats qui
sont passés par le fichier central et, mieux que cela, le maire de
Boisbriand, candidat libéral du parti de M. Ryan, a lui-même
choisi, comme maire de la ville, la même firme pour faire les travaux
à Boisbriand.
Le Président: À l'ordre! La période des
questions est terminée.
Motions non annoncées.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Avis à la Chambre.
M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Aucun, M. le Président.
Le Président: Aucun avis. Affaires du jour. M. le leader
de l'Opposition officielle, de même que les membres de
l'Assemblée, j'aimerais que vous m'informiez de la question avec
débat qui sera discutée le vendredi 20 mars 1981.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous avons
pensé demander au leader parlementaire du gouvernement si, à
l'occasion de la commission qui sera appelée le 13 avril, nous ne
pourrions pas avoir en même temps la question avec débat.
M. Charron: C'est une très bonne idée, mais en
soirée seulement.
M. le Président: Je vous prierais d'appeler la reprise du
débat sur la motion de M. Parizeau.
Débat sur le discours sur le budget
Le Président: La reprise du débat sur la motion de
M. Parizeau, proposant que l'Assemblée approuve la politique
budgétaire du gouvernement.
M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, c'est un peu dommage que nous
abordions un sujet aussi grave dans une atmosphère aussi
survoltée de préoccupations électorales. Le gouvernement
ayant fait l'effort de présenter un budget sans qu'on sache s'il aurait
le courage de pousser jusqu'au bout le débat qui doit suivre la
présentation du budget, il faut quand même procéder
à l'examen minutieux du document, et nous allons le faire avec le plus
d'objectivité possible. (15 h 20)
Étant donné qu'il s'agit du cinquième budget
présenté par le ministre actuel des Finances, il est normal qu'on
profite de l'occasion pour faire en même temps un bilan de la performance
économique et financière du gouvernement actuel.
Quand il a accepté sa tâche, le ministre des Finances
s'engageait d'abord à stimuler par des mesures législatives et
autres le dynamisme de l'économie. Il avait pris l'engagement
répété à maintes reprises d'exercer un
contrôle plus serré sur le mouvement des dépenses
publiques, et il s'était enfin engagé formellement à
assainir les finances de l'État, prétendant les avoir
trouvées, à son arrivée au pouvoir, dans un état
lamentable.
Il s'engageait enfin - il l'a répété souvent -
à répartir les charges fiscales et les obligations
financières que la vie en commun fait peser sur les citoyens dans un
esprit de justice et d'équité.
C'est à la lumière de ces critères
généraux que nous examinerons ensemble ce qui s'est effectivement
produit au cours des quatre dernières années. Je voudrais
commencer par un examen général de la performance du gouvernement
au plan de l'économie. L'économie constitue, évidemment,
la toile de fond sur laquelle on doit essayer d'interpréter et
d'analyser la performance plus limitée du gouvernement en matière
de fiscalité et de finances publiques.
Les porte-parole du gouvernement actuel aiment se vanter d'avoir fait
fonctionner l'économie du Québec à un rythme dynamique au
cours des quatre dernières années. On se demande souvent sur quoi
ils s'appuient pour formuler de
semblables prétentions. Mais, aujourd'hui, l'occasion est
très propice pour procéder à un examen rigoureux de ces
prétentions gouvernementales. À première vue, on cite
souvent un chiffre familier. On affirme - et je trouve ces chiffres dans le
dernier discours du budget que nous avons entendu avant-hier - que le produit
intérieur brut du Québec aurait progressé, au cours des
cinq dernières années, à peu près au même
rythme que le produit national brut pour l'ensemble du pays.
De fait, les statistiques, pour la période de 1976 à 1980,
indiquent que le produit national brut a progressé, au Canada, de 10,8%
par année, en moyenne, tandis qu'au Québec il a progressé
de 10,4% par année. C'est un décalage de quatre dixièmes
de point qui ne manque pas d'importance, étant donné les ordres
de grandeur avec lesquels nous traitons. Mais, quand même, disons
qu'à ce seul point de vue le gouvernement aurait partiellement raison de
se vanter de sa performance, si ce n'était pas un ensemble de
circonstances qu'oublient toujours de rappeler les porte-parole
gouvernementaux. En effet, pendant cette période, il s'est produit au
Canada une conjoncture économique difficile qui a
particulièrement frappé l'Ontario et qui, par conséquent,
n'a pas procuré dans l'ensemble du pays le rythme d'accroissement
économique auquel on était habitué pendant les
périodes précédentes.
Il y a eu, de plus - je ne dis pas qu'on oublie de le mentionner,
j'affirme qu'on omet sciemment d'en faire état - des politiques de
protection du gouvernement fédéral à l'endroit de
certaines industries implantées au Québec, en particulier les
politiques de contingentement en matière de textile et de vêtement
qui ont contribué à maintenir en santé ces industries qui
étaient jusque-là déclinantes.
Il y a eu des politiques de taux de change de l'État
fédéral qui ont donné un coup de pouce très
important aux exportations du Québec, surtout dans le domaine des
pâtes et papiers. Il y a eu enfin - et ceci explique la faiblesse du
décalage à ce seul chapitre - le gonflement extraordinaire des
déficits et de l'endettement qui a produit de l'activité à
court terme, mais également des obligations très lourdes pour
l'avenir.
C'est pour ça que si l'on veut se faire une juste idée des
progrès accomplis il ne faut pas s'en tenir à ce seul indicateur
très général pour procéder à une analyse
précise. C'est ce que je vais faire en invoquant un certain nombre de
critères ou d'indicateurs qui sont très familiers au ministre des
Finances, même s'il en parle de manière plutôt succincte ou
à la volée, par les temps qui courent.
Parlons d'abord de la croissance de la population. La ressource la plus
importante d'une société, c'est sa population. Cela passe avant
tout le reste. Cela passe avant le pétrole, avant
l'électricité, avant l'agriculture. Les ressources humaines sont
l'actif le plus important dont dispose une société. Or, que
s'est-il produit au Canada et au Québec, à ce chapitre, de 1976
à 1980? Pendant que la population augmentait de 82,000 unités
dans les provinces atlantiques, de 306,000 en Ontario, de 295,000 dans les
provinces des Prairies et de 170,000 en Colombie-Britannique, elle augmentait
seulement de 69,000, en quatre ans, dans la province de Québec. Le taux
d'augmentation pour les provinces atlantiques a été de 9%, pour
la province de l'Ontario, sur laquelle s'apitoyait l'autre soir le ministre des
Finances - je vais lui en reparler dans un instant - de 33%, pour le
Québec, de 7,5%.
Le ministre nous disait l'autre jour que, quand nous parlons des
mouvements migratoires qui ont été tellement nocifs pour le
Québec, nous avons perdu net, au cours des quatre premières
années du régime péquiste, 123,933 personnes.
C'est-à-dire que le nombre de personnes qui ont quitté le
Québec pour aller vers d'autres provinces a été
supérieur de 123,933 au nombre des personnes qui sont venues s'implanter
au Québec, alors qu'entre 1971 et 1976, le rapport avait
été infiniment plus favorable. Il y avait eu une année
difficile en 1970, c'était l'année des troubles d'octobre, et
cela se comprend, 40,000 personnes. Il y a eu un déficit net de 40,000
cette année-là. Mais, si vous regardez les cinq années qui
ont suivi, vous arrivez à un déficit net d'à peu
près 6000 ou 7000 par année. Tandis que, pour les quatre
années dont j'ai parlé, le déficit net était de
31,000 contre un déficit net de 7000 sous le régime
libéral précédent.
Le ministre s'apitoyait l'autre jour sur l'Ontario. Il nous disait: On
parle des personnes qui ont quitté le Québec, on ne parle pas de
celles qui ont quitté l'Ontario. J'allais dire comme la fable de La
Fontaine: Quittez ce souci qui vous honore mais qui ne répond à
rien de réel. L'augmentation de la population, au cours des dix
dernières années, a été en Ontario de 844,000,
tandis qu'au Québec, elle a été de 273,000,
c'est-à-dire un taux d'augmentation en Ontario, pour cette
période, la dernière décennie, de 10,9%, tandis qu'au
Québec, le taux d'augmentation a été de 4,5%.
Un gouvernement qui vient se vanter de sa performance devant des
résultats comme ceux-là, c'est un gouvernement qui a besoin de
retourner à l'école pour apprendre autre chose que des discours
de rhétorique, pour apprendre à compter pour le vrai.
On s'est fait rebattre les oreilles, à maintes reprises, au cours
des derniers mois, par le ministre d'État au Développement
économique et par le ministre des Finances -
qui a été plus discret cependant, je dois le
reconnaître, il est plus modeste et plus sobre en général -
au chapitre des investissements. On nous affirme, on nous chante sur tous les
tons que les investissements vont très bien au Québec. Ainsi que
le soulignait mon collègue de Laval, hier, depuis le
référendum, M. le Président, c'est vrai qu'il y a eu un
progrès des investissements, c'est vrai qu'à Montréal les
travaux de construction ont repris ces derniers mois, parce que les
investisseurs se sont dit: Les Québécois ont fait un choix clair
pour le fédéralisme canadien, ils confirmeront ce choix
très bientôt à l'occasion de l'élection
générale qui s'en vient. Après avoir perdu quatre ans, on
comprend qu'ils ne veuillent pas attendre davantage et qu'ils aient
commencé à mettre en chantier des projets qui, souvent,
attendaient depuis longtemps.
Mais, regardons ce qui s'est produit en matière d'investissements
au Canada et au Québec, au cours des cinq dernières
années, toujours les années de la gestion péquiste. Au
chapitre des investissements totaux, l'accroissement des immobilisations a
été de 10,9% par année, pour l'ensemble du Canada. Pour le
Québec, il a été de 6,6%. Pour l'Ontario, sur lequel
s'apitoyait le ministre des Finances, il a été de 8,8%. Pour les
provinces atlantiques, il a été de 8,1%. Pour les provinces des
Prairies, il a été de 15,6% et pour la Colombie-Britannique, de
15,3%. Par conséquent, le Québec a traîné
derrière toutes les autres provinces, toutes les autres régions
en matière d'investissements. (15 h 30)
Maintenant, regardons seulement les investissements privés.
Grâce surtout à une décision majeure prise par le
gouvernement libéral précédent et qu'avaient vivement
dénoncée, dans le temps, le ministre actuel des Finances et le
premier ministre du gouvernement péquiste, si ce n'avait
été de cette décision qui a permis de poursuivre à
la Baie James des travaux très importants, le Québec aurait
été encore beaucoup plus en retard en matière
d'investissements. Notre retard a été quelque peu soutenu par
l'ampleur des investissements publics. Mais si vous regardez seulement les
investissements privés, M. le Président, le rythme annuel de
croissance, pour l'ensemble du Canada, a été de 11,8%; au
Québec, de 1976 à 1980, il a été de 4,5%; dans les
provinces atlantiques, 7,9%; en Ontario, 8%; évidemment, dans les
provinces de l'Ouest, ça a été entre 15% et 16%. Par
conséquent, au chapitre des investissements privés, quand nous
vous disions que les entreprises ne faisaient pas d'investissements, quand nous
vous disions que la construction ne fonctionnait pas au Québec et qu'on
entendait, de l'autre côté de la Chambre, des ricanements, c'est
qu'on ne connaissait même pas l'évolution de la véritable
réalité économique, on se nourrissait de chiffres
abstraits, tirés on ne sait d'où, et je défie qui que ce
soit, de l'autre côté de la Chambre, de contredire ces chiffres
qui sont puisés à des sources incontestables.
Nous avons souvent parlé de la construction domiciliaire, je ne
veux pas m'y attarder longuement; c'est la même chose, c'est une chute
pénible d'année en année. La construction
résidentielle a connu au Québec, depuis cinq ans, un
déclin lamentable. En 1976, le nombre d'unités de logement mises
en chantier avait été de 68,000; en 1977, ça baisse
à 57,000; en 1978, à 43,000; en 1979, à 41,000 et, en
1980, à 29,000.
Nous étions autrefois, en 1975-1976, à peu près
à 25% de l'ensemble canadien; pour l'année 1980, nous aurons
été à 18,3% de l'ensemble canadien, alors que tout le
monde sait que notre proportion de la population est d'un peu plus de 26%, ce
qui veut dire que nous sommes bien en deçà de la part qui nous
reviendrait logiquement.
Parlons maintenant de l'emploi: on va prendre tous les critères,
les uns après les autres.
Prenons la création nette d'emplois au Québec, par rapport
à l'ensemble du Canada: De 1973 à 1976, le Québec a eu
22,1% de tous les emplois nouveaux créés au Canada. De 1977
à 1980, 17,9% seulement.
On se vante souvent des résultats obtenus pendant l'année
1979, qui fut une année particulièrement favorable, mais ce que
nos amis du gouvernement oublient toujours de souligner, c'est qu'ils passeront
à l'histoire comme les spécialistes de la création
d'emplois à temps partiel. Si nous prenons seulement les emplois
à temps plein, nous constatons que la performance du Québec, au
cours des quatre dernières années, a été bien
inférieure à ce que voudraient nous faire croire les
prétentions du gouvernement. Je donne quelques chiffres rapides.
Entre 1961 et 1976, nous avons créé au Québec
63,000 emplois à temps plein en moyenne par année, et 6000
emplois à temps partiel. Entre 1977 et 1980, 30,250 emplois à
temps plein, deux fois moins d'emplois à temps plein,
créés par le gouvernement péquiste au cours des quatre
dernières années, par comparaison avec la performance du
gouvernement qui l'avait précédé.
Évidemment, le nombre des emplois à temps partiel - je
vais vous en dire un mot tout de suite - lui, a grimpé de 6000 par
année à 22,500. Il y en a qui se satisfont de ça, c'est
leur droit, mais je pense que le public exige davantage; le public sait
très bien qu'un emploi à temps plein, ce n'est pas comme ces
emplois à temps partiel généralement passagers et
transitoires dont on se satisfait, faute d'autre chose.
On a beaucoup parlé du programme
OSE. Mon collègue de Laval faisait remarquer, hier, qu'il n'en
était pas question dans le discours du budget. Je ne veux pas insinuer
qu'il y aurait le moindre désaccord entre le ministre d'État au
Développement économique, qui est chargé de ce programme,
et le ministre des Finances, qui est resté très discret au sujet
du programme OSE, mais je voudrais profiter de la circonstance pour
rétablir certains faits.
Le programme OSE, au cours des trois dernières années,
1978, 1979 et 1980, a permis de créer, d'après les
prétentions du gouvernement, 20,311 emplois permanents au total. De ce
nombre, 12,433 ont été créés en 1978, 5077 en 1979
et seulement 2801 en 1980. C'est une chute lamentable. Les emplois à
temps partiel, les emplois temporaires: 14,000 en 1978, 14,700 en 1979 et
13,800 en 1980, pour un total de 42,910, c'est-à-dire deux emplois
temporaires ou à temps partiel pour un emploi à temps plein.
C'est cela, en deux mots, le bilan du programme OSE. Si l'on faisait
l'estimation du coût de chacun de ces emplois, on s'apercevrait que, pour
faire, très souvent, travailler des amis du régime à temps
partiel, cela coûte plus cher que s'ils avaient un travail ordinaire dans
le secteur privé.
Nous porterons à l'attention de nos concitoyens, pendant la
campagne électorale, un bon nombre de ces projets de paille, ces projets
enveloppés dans de belles boîtes de carton, mais qui n'ont
apporté aucun accroissement véritable de l'économie, sinon
des sursis de revenu souvent à des personnes qui étaient
très proches du gouvernement.
Maintenant, si on a encore des doutes du côté
gouvernemental, je vais ajouter une nouvelle statistique qui peut être
intéressante: la création d'emplois à temps plein au
Québec par rapport à l'ensemble du Canada. Peut-être
pourrait-on affirmer que, tout compte fait, ce n'est pas l'idéal, ce
n'est pas aussi bien qu'en 1971 et 1976, mais que c'est aussi bien que le reste
du Canada. On a entendu ce refrain souvent de l'autre côté de la
Chambre. Regardons ce qui s'est passé du côté de l'ensemble
du Canada.
Le taux annuel de création d'emplois à temps plein a
été substantiellement supérieur dans l'ensemble du Canada
à ce qu'il a été au Québec. Il a été,
pour l'ensemble du Canada, de 2,39%, c'est-à-dire que, chaque
année, le nombre d'emplois à temps plein a augmenté de
2,39% pour l'ensemble du Canada, tandis que pour le Québec il a
augmenté de 1,30%.
Une chose particulièrement significative, M. le Président,
la création d'emplois à temps plein pour les hommes a
été particulièrement faible, soit 40,000 emplois pendant
quatre ans, à peine 10,3% du total canadien correspondant pour les
emplois qui vont généralement à des responsables de
famille sous notre régime économique et social actuel. On s'est
beaucoup vanté. À entendre pérorer le ministre
d'État au Développement économique, on penserait que
l'industrie secondaire a accompli au Québec, ces dernières
années, des bonds extraordinaires. En réalité, le nombre
d'employés dans ce secteur a plafonné de 1976 à 1979. Il a
décliné de près de 8000, au cours de la dernière
année, pendant que dans l'ensemble du Canada il augmentait
sensiblement.
Tout le monde a remarqué que dans son discours du budget le
ministre des Finances a glissé très vite sur la question du
chômage, une question au sujet de laquelle il aimait beaucoup, autrefois,
quand il était dans l'Opposition, donner de brillantes
conférences de presse. Mais maintenant ce sont de brillants raccourcis.
On va regarder quand même les chiffres; je pense que c'est important
qu'on les présente en toute objectivité, encore une fois, et sans
aucune espèce de coloration.
Le taux de chômage au Québec, entre 1973 et 1976, fut en
moyenne de 7,6% par année. Au cours des quatre années de la
gestion péquiste, cette moyenne s'est élevée à
10,2% par année, c'est-à-dire une augmentation de 2,6%.
J'entendais le ministre s'étonner l'autre jour de ce que les allocations
sociales ont coûté plus cher en 1980-1981 qu'il ne l'avait
prévu. Il avait oublié d'ajouter un certain nombre de
chômeurs de plus qui sont venus se greffer au contingent
déjà trop nombreux de chômeurs que nous avons au
Québec. Le nombre de chômeurs était en moyenne de 196,000
personnes de trop entre 1973 et 1976. Or, aujourd'hui, il est de 296,000
à 300,000, c'est-à-dire une croissance de l'ordre de 48% à
50%. Je n'ai pas vu ça dans le discours du budget l'autre soir, c'est
une chose sur laquelle on a glissé très vite, encore une fois.
(15 h 40)
En outre, l'écart du taux de chômage entre le Québec
et l'Ontario s'est agrandi d'une façon très significative depuis
que le Parti québécois est au pouvoir et ce, même si le
taux de chômage ontarien s'est accru d'une manière plus rapide, en
raison particulièrement des difficultés de l'industrie
automobile. Cet écart était de 2,3 points de pourcentage entre
1973 et 1976. Il est maintenant de 3,3, c'est-à-dire une augmentation
d'un point de pourcentage. Cette augmentation signifie un chômage
déguisé d'environ 15,000 unités de plus. Si l'on
considère le nombre considérable de personnes qui ont
quitté le Québec pendant la même période, ça
veut dire une augmentation réelle de chômage, par rapport aux
données démographiques de 1975, encore plus élevée,
M. le Président.
On remarque que le taux de chômage est particulièrement
élevé au Québec chez
les hommes de 15 à 24 ans. Le Parti québécois
excelle à faire porter des drapeaux aux jeunes de 15 à 24 ans,
à leur faire signer des pétitions, et parfois ils sont trop
jeunes pour comprendre vraiment la signification profonde des engagements qu'on
leur demande. Des fois ce sont des parents qui signent ça pour tout le
monde. On ferait mieux de leur trouver des emplois, on ferait mieux de leur
procurer des emplois. Au Québec, en 1980, le taux de chômage, chez
les jeunes âgés de 15 à 24 ans, est de 17%. En Ontario de
11,2%. Et, pour l'ensemble du Canada, de 12,1%. Le taux de chômage chez
les jeunes âgés de 15 à 24 ans est en constante progression
depuis trois ans et il est plus élevé au Québec,
évidemment, que dans tout le reste du pays.
Un dernier indice. Le ministre des Consommateurs, Coopératives et
Institutions financières m'écoute, je l'apprécie beaucoup.
Il a été ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre pendant une
bonne partie du mandat du gouvernement péquiste. Souvent il a voulu nous
faire croire que le dossier du Québec, sous sa gestion, avait connu une
impressionnante amélioration.
Malheureusement, quand on prend les chiffres dans une perspective plus
large, ils tiennent un tout autre langage. C'est vrai qu'à d'autres
périodes le Québec a eu le championnat des jours de travail
perdus en raison de grèves, de lock-out ou d'arrêts de travail
d'une forme ou de l'autre.
Entre 1974 et 1976, on dit souvent que le Québec avait le
championnat, ce n'était pas vrai, c'était la Colombie-Britannique
qui l'avait. Elle avait perdu, pendant cette période, en moyenne 238,000
jours par année, 238 jours par 100 salariés, et le Québec
199. En 1977, nous reprenons le championnat, 60 jours perdus au Québec
par 100 travailleurs, contre 34 en Ontario, 16 en Colombie-Britannique, 27 dans
les provinces atlantiques, 9 dans les Prairies. En 1978, nous perdons
brièvement notre avance, nous avons 84 jours perdus, l'Ontario 88, la
Colombie-Britannique 49, les provinces atlantiques 87 et les Prairies 67. En
1979, nous reprenons la tête du peloton avec 133, l'Ontario 74, la
Colombie-Britannique 69, les Prairies 29, les provinces atlantiques 31.
Pour les trois années 1977 à 1979, la moyenne
s'établit ainsi: Le Québec, 92 jours perdus par 100
salariés, l'Ontario 65, la Colombie-Britannique 45, les Prairies 35 et
les provinces atlantiques 48.
En chiffres absolus, il y a eu moins de grèves à travers
tout le Canada, entre 1976 et 1981, qu'il n'y en avait eu pendant la
période précédente. C'est un phénomène
général qui se constate également aux États-Unis.
Que le Québec ait participé à ce mouvement
général, il n'y a personne qui doive s'en frotter la bedaine
d'aise. C'est un phénomène général auquel nous
avons participé comme tout le monde. Ce qu'il importe de souligner,
c'est que comparativement, quand on met les données d'une province en
regard de celles des autres provinces, le Québec a conservé et
même accentué, pendant les années de la gestion
péquiste, ces années de gestion imprégnées d'un
soi-disant préjugé favorable à l'endroit des travailleurs,
son championnat et sa position en tête du peloton.
Je pense en avoir dit assez à ce sujet pour faire voir clairement
que ce que nous soutenons de ce côté-ci, depuis quatre ans, est
confirmé par les statistiques les plus fiables, les plus abondantes,
c'est-à-dire que sous la gestion du Parti québécois et de
l'actuel ministre des Finances le Québec, au plan économique, a
reculé sur à peu près tous les fronts. Quand il a
réussi à ne pas reculer, c'est à peine s'il a
réussi à se maintenir laborieusement en place.
Il n'est pas étonnant, sur une toile de fond comme
celle-là, que la performance du Québec en matière de
finances publiques n'ait pas été spécialement reluisante;
elle a même été la plus lamentable, très
probablement, de toute l'histoire politique du Québec depuis les
débuts de la Confédération. Cela commence,
évidemment, par un phénomène que vous connaissez. Le
gouvernement actuel en est un à tendance fortement interventionniste
dont le programme politique est rempli à tous les paragraphes, à
toutes les pages de propositions recommandant une intervention plus forte du
gouvernement dans les affaires des citoyens et, en particulier, dans
l'économie.
Malgré une conversion tardive à un certain respect envers
l'entreprise privée, la préférence profonde de nos amis
d'en face va vers une économie de type socialisée où les
agents étatiques exerceront une influence prépondérante.
Ce n'est pas étonnant, dans ces conditions, que la part de la production
de biens et de services au Québec qui est accaparée par
l'État québécois et ses nombreux organismes ait
continué d'augmenter au cours des dernières années.
En 1976-1977, la part du revenu personnel de chaque citoyen, pour chaque
dollar gagné par chaque citoyen, la part qui allait au gouvernement en
1976-1977 était de 27,4%; en 1980-1981, elle sera de 30,1%, une
augmentation de près de trois points de pourcentage. La part du produit
intérieur brut qui allait au gouvernement était de 23,2% en
1976-1977; elle sera, en 1980-1981, de 25,7%. Je signale qu'en Ontario la part
de la production absorbée par le secteur public provincial est de
l'ordre de 16% comparativement à 25,7% au Québec,
c'est-à-dire une différence de neuf points de pourcentage.
Nous avons souvent parlé de la performance budgétaire du
gouvernement. Je
pense qu'il est bon de faire le point avant que nous nous quittions
probablement pour des affrontements plus décisifs que celui de cet
après-midi et de ces jours-ci. Sous les six années dont fut
responsable le gouvernement précédent, les déficits
gouvernementaux atteignirent chaque année en moyenne la somme de $450
millions. Chaque année, $450 millions de déficit. Les
déficits pour les cinq années de gestion du gouvernement
péquiste - M. le Président, j'ai de la peine à mentionner
ce chiffre parce que je me demande si je ne souffre pas d'une quelconque manie
des grandeurs, parce qu'il me semble qu'il est impossible qu'on ait
progressé à ce point; si je me trompe, j'invite mes amis d'en
face à me corriger immédiatement - auront été,
ensemble, de $10 milliards, c'est-à-dire une moyenne de $2 milliards par
année. C'était $450 millions entre 1970 et 1976; là, c'est
de $2 milliards par année, c'est-à-dire plus de quatre fois plus.
(15 h 50)
Pour comprendre ce que cela veut dire, il faut se mettre les pieds sur
la terre, se demander ce que cela représente pour chaque citoyen, M. le
Président. Faisons des calculs rapides. Quand c'était un
déficit de $450 millions par année, cela représentait un
déficit, pour chaque famille de quatre personnes, d'environ $300 par
année. Cela veut dire que chacun d'entre nous, comme chef de famille,
était plongé dans le déficit par son gouvernement de $300
par année. On pouvait continuer de fumer des cigarettes bien
tranquillement. On disait: On réussira à "revaucher" cette
affaire. Ce n'était pas la fin du monde.
Savez-vous qu'au cours des cinq dernières années la charge
qui vient s'ajouter aux obligations de chaque famille a monté à
$1333 par année à partir de $300 que c'était il y a
à peine cinq ans? Inutile de vous dire que la dette du Québec a
monté en conséquence. La dette du Québec, quand nos amis
du Parti québécois ont pris le pouvoir, était de l'ordre
d'à peu près $5 milliards. Là je donne des chiffres ronds
parce que je ne veux pas m'attarder dans les détails. Elle était,
dis-je de l'ordre d'à peu près $5 milliards.
Or, quand on aura terminé l'exercice fiscal dont le ministre des
Finances a assumé la responsabilité morale en déposant un
budget l'autre soir, la dette directe du Québec sera de $15 milliards,
c'est-à-dire trois fois plus, M. le Président, qu'elle ne
l'était lorsque le Parti québécois a pris le pouvoir. Et
ramenons cela encore au niveau d'une famille pour qu'on se comprenne
très clairement. Cela veut dire que, quand l'exercice 1976-1977 s'est
terminé... Là, je donne six mois de grâce au gouvernement
actuel, je les impute au gouvernement précédent; il a besoin de
ce petit crédit de six mois, parce que la performance qui a suivi a
été tellement mauvaise, M. le Président. Au 31 mars 1977,
la dette directe était d'à peu près $3300 par famille.
Savez-vous de combien elle sera au 31 mars 1982? Même quand nous aurons
pris le pouvoir, nous ne pourrons pas renverser la vapeur du jour au lendemain,
j'en parlerai tantôt, cela va prendre un petit peu de temps, mais c'est
une fausseté qu'on a corrigée. C'est de valeur que vous n'ayez
pas été là pour écouter. Savez-vous combien la
dette va représenter par famille de quatre personnes au 31 mars 1982, et
ça, c'est à supposer que le déficit ne soit pas
supérieur à ce qui a été annoncé,
c'est-à-dire qu'il soit seulement de $3 milliards et non pas de $3,5
milliards ou de $4 milliards comme nous le prédisons dès ce soir
si ce gouvernement allait rester en place? Cela veut dire que la dette sera de
$10,000 par famille, M. le Président. Elle était de $3,300 au
moment où le ministre actuel des Finances a pris la
responsabilité des finances publiques de la province de
Québec.
Est-il surprenant que, dans ces conditions, le coût de la dette
ait monté de manière spectaculaire? Vous savez, si vous allez
emprunter à une caisse populaire pour vous acheter une maison, elle va
vous donner l'argent, cela paraît très bien, vous avez un beau
chèque pour payer la personne de qui vous achetez la maison. Mais,
après cela, on vous dit: Tu vas payer des intérêts
maintenant. Et vous constatez, quand vous payez vos intérêts, que
vous remboursez très peu de capital et que vos versements, c'est un peu
partout la même chose, représentent 80%, 90%, 95%, parfois, des
déboursés que vous faites seulement pour l'intérêt.
Alors, au Québec, le coût de la dette, le coût des
intérêts était à peu près de $500 millions au
31 mars 1977, pour l'exercice 1976-1977. Savez-vous de combien il sera dans le
prochain budget? Au-delà de $1.5 milliard, trois fois plus. Mais $1,5
milliard par année, cela veut dire que, chaque jour qui passe, M. le
Président, c'est $4 millions que le Québec doit envoyer
strictement pour payer les intérêts sur sa dette.
Je reviens à ma comparaison des familles tantôt, c'est un
fardeau fiscal de $1000 par famille de quatre personnes qui découle de
cette dette, chaque année, du point où elle en est rendue
actuellement. C'est par conséquent $1000. Chaque famille, au
début de la journée, doit mettre $3 de côté pour
payer les intérêts sur la dette du ministre des Finances du
Québec. C'est seulement la dette directe. Je ne parle pas de la dette
indirecte, de toutes les obligations qui ont été assumées
par ailleurs par le gouvernement. Chaque jour qui passe, ça, c'est le
fardeau réel que nous devons supporter pour justifier la manie des
grandeurs d'un gouvernement qui n'a pas été
municipalités aussi. Mettons donc dans le même contingent
les responsables de commissions scolaires, embarquez donc les hôpitaux
aussi, embarquez Hydro-Québec. Je voudrais donc me couvrir
derrière tout ce monde pour que mon mal apparaisse moins grave.
M. le Président, on peut faire la compilation pour l'ensemble si
cela peut satisfaire le ministre des Finances ou le réconforter quelque
peu dans sa situation extrêmement désagréable. Vous
constatez encore ici que la part du produit intérieur brut,
c'est-à-dire de l'ensemble des biens et services que nous produisons par
notre travail, tout le monde, au cours d'une année, la part du produit
intérieur brut qui allait pour la dette publique consolidée au
Québec était de 37% en 1976. La dette représentait 37% de
tout ce que nous produisions dans une année. Savez-vous combien elle
représente à la fin de 1980? C'est passé à 44%, une
augmentation de près de 20%, M. le Président.
Le ministre des Finances nous dit: C'est vrai, tout cela, mais j'ai
hérité d'une succession terrible. J'ai hérité d'une
succession extrêmement hypothéquée. Il faut que vous me
compreniez. Mon travail a consisté, depuis que je suis en poste,
à réduire les dépenses du gouvernement, à ramener
les dépenses à un niveau raisonnable. Je n'ai cessé de
multiplier les directives dans tous les sens et j'ai reçu une magnifique
coopération de mes collègues. Il nous répète cela
chaque année depuis déjà cinq ans maintenant. Que disent
les chiffres, M. le Président? Des compilations ont été
faites par le Conference Board, un organisme de recherche indépendant du
gouvernement, sur les dépenses encourues par les différents
gouvernements canadiens en 1980 et 1981. Cette étude du Conference Board
établit que les dépenses publiques provinciales sont
substantiellement plus élevées au Québec qu'ailleurs au
Canada et plus particulièrement qu'en Ontario, et cela après les
quatre années de gestion du ministre des Finances. C'est le diagnostic
auquel en arrive le Conference Board. Les dépenses provinciales par
personne étaient au Québec, en 1980-1981, de $2721. En Ontario,
savez-vous de combien elles étaient, M. le Président? $1948,
c'est-à-dire à peu près 50% de moins. Je ne le croyais pas
moi-même tant que je ne me suis pas mis à analyser ces chiffres
avec mon crayon et ma petite calculatrice. En éducation, cela nous
coûte $709 par tête; en Ontario, $483. Pour la santé, $622,
en Ontario, $550. Je veux rendre hommage à ce sujet à la
Régie de l'assurance-maladie du Québec dont les autorités
ont fait un effort magnifique pour contenir la croissance des dépenses.
C'est un des secteurs au Québec, la Régie de l'assurance-maladie,
où le taux d'accroissement des dépenses, surtout des
dépenses administratives, a été le mieux contenu depuis
quelques années. C'est probablement parce qu'il s'agit d'un organisme
qui échappe au contrôle direct du gouvernement et qu'il a
été doté par la loi d'une relative autonomie.
Je pourrais continuer. Je pense que c'est assez clair de ce
côté-ci. Le ministre des Finances a reconnu lui-même dans
son budget de 1979-1980 qu'il en coûtait alors $500 de plus par
élève au Québec qu'en Ontario pour des fins
d'éducation seulement.
Il y a une chose plus intéressante. Là, c'est Statistique
Canada. Statistique Canada a fait des études sur le mouvement des
dépenses dans le secteur de l'éducation et dans les autres au
cours des années. Ils ont publié récemment des
statistiques sur l'évolution comparative des coûts en
éducation. Ils ont pris deux critères: le coût des services
d'éducation en dollars par personne et le coût des services
d'éducation en dollars par personne de 5 à 20 ans,
c'est-à-dire, d'un côté, ce que cela coûte à
chaque citoyen pour financer l'éducation et, de l'autre, ce que cela
coûte pour chaque citoyen qui est aux études. Dans le premier cas,
en 1976, ça coûtait $723 par personne pour faire fonctionner toute
l'éducation au Québec; en Ontario, ça coûtait $647.
C'est-à-dire qu'au Québec ça coûtait $1.17 pour
chaque dollar qu'on dépensait en Ontario. Nous, qui avons une production
annuelle d'au moins 10% à 15% inférieure à celle de
l'Ontario, dépensions $0.17 de plus par dollar que nos amis de
l'Ontario. C'étaient probablement les fruits des théories
lumineuses de M. Gaulin et d'autres personnes qui ont toujours
été très proches du gouvernement actuel; ils font semblant
de s'opposer, mais, au fond, ils vous appuient, ils vont voter pour vous encore
la prochaine fois. Ce ne sont pas les enseignants, les enseignants sont
capables de beaucoup plus de discernement. (16 heures)
En 1980 - ce sont des chiffres de Statistique Canada - $1133 par
personne au Québec contre $881 en Ontario, c'est-à-dire une
différence de 40%. Cela nous coûte $1.40 par personne au
Québec, en 1980, alors que ça coûte $1 en Ontario,
c'est-à-dire $0.40 de plus, et c'était $0.17 de plus il y a cinq
ans. Il n'est pas étonnant qu'on arrive avec des déficits comme
ceux des deux dernières années, M. le Président, quand on
a une performance comme celle-là en matière d'évolution
des coûts.
Le ministre nous a dit souvent qu'il avait réduit les taxes au
Québec. C'est une affirmation très intéressante, et on
souhaiterait tous qu'elle fût vraie. Ce que le ministre a fait, ça
a été autre chose. Cela a été un jeu de jonglerie
avec certaines modalités de la fiscalité. Il a donné
certains avantages ici, certains avantages là; il s'est
repris de telle manière, il s'est repris de telle autre. Dans
l'ensemble, nous affirmons, de ce côté-ci de la Chambre, que le
fardeau fiscal a augmenté sous le gouvernement actuel au lieu de
diminuer. Pour chaque tranche de $100 de revenu encaissé par les
Québécois, la part qui va à l'impôt sur le revenu
est plus grande aujourd'hui qu'elle ne l'était au début du mandat
du gouvernement actuel. Pour la première année de son mandat, le
gouvernement avait réussi une performance convenable, il avait
réussi a diminuer cette part de chaque tranche de $100 qui allait
à l'impôt. Mais, au cours des quatre années suivantes, cela
a été un vrai renversement de l'affaire, et aujourd'hui, sur la
foi de chiffres que nos services de recherche ont établis ces jours
derniers, j'affirme que la tranche de $100 de revenu doit sacrifier une portion
plus importante que jamais à l'État québécois sous
forme d'impôt.
Nous constatons également une autre chose très
significative. Quand on regarde l'évolution des dépenses
gouvernementales, on se dit: Si toutes ces dépenses avaient
augmenté pour stimuler l'économie, par exemple, si on avait
augmenté le volume des dépenses pour multiplier l'activité
économique dans tous les domaines, cela aurait été un
moindre mal, ça aurait été quand même un mal pour un
bien, à tout le moins. Quand on regarde les statistiques, on est
amené à des constatations qui sont assez déroutantes. On
constate que la mission économique est peut-être, de toutes les
missions gouvernementales, celle qui a été la plus mal
traitée par le gouvernement actuel au cours des cinq dernières
années.
Entre 1970 et 1971, la mission économique avait connu un taux
d'accroissement annuel de son budget de l'ordre de 19,7%. Entre 1977 et 1982,
le taux d'accroissement aura été de 9%, c'est-à-dire moins
de deux fois moins, deux fois plus bas qu'au cours de ces années.
Inutile de vous dire que, dans l'ensemble du budget gouvernemental, le
même phénomène est constaté: la mission
économique occupait 14,2% de l'ensemble du budget en 1976-1977,
dernière année budgétaire du gouvernement
précédent. En 1981-1982, d'après les chiffres
déposés par le ministre des Finances mardi soir, 11%; la part de
la mission économique dans l'ensemble du budget gouvernemental est
tombée à 11%, de 14,2% qu'elle était. Si vous voulez
savoir où est allée la différence, vous devez regarder
surtout du côté de la mission gouvernementale, c'est-à-dire
la bureaucratie, la paperasse, les superstructures, les voyages, la propagande
de toute sorte, qui s'est enrichie aux dépens des dépenses de
véritable nature économique.
Un autre indice le confirme d'ailleurs, M. le Président, on
mesure la santé d'une entreprise à la qualité des
investissements qu'elle fait. C'est la même chose pour une famille. Si le
père de famille a un revenu convenable, qu'il épargne
raisonnablement, vous le voyez s'acheter une maison, vous le voyez s'acheter
une voiture, vous le voyez s'acheter un camp d'été, etc., quand
il n'a pas d'argent ou quand il fait beaucoup d'argent mais qu'il
dépense tout cet argent, il reste locataire, il n'a jamais aucun des
biens qu'il envie souvent chez les autres.
Chez les entreprises, on prend une partie des revenus de chaque
année pour procéder à des améliorations
d'équipement, pour renouveler les bâtisses, pour faire des
installations nouvelles, pour accroître, en somme, la capacité de
production de l'entreprise. Or, que s'est-il passé sous le gouvernement
actuel? Sous le gouvernement précédent, les dépenses en
capital, c'est-à-dire les dépenses d'immobilisation, de
construction d'immeubles publics, de construction de routes, de construction de
ponts, de construction d'infrastructures nécessaires à la bonne
marche de la collectivité, représentaient 5,8% du budget total.
C'est en 1976-1977 et c'est une moyenne qui avait été assez bien
conservée pendant les années précédentes. La part
du budget qui allait aux dépenses d'immobilisation augmentait de 13% par
année, c'était un taux d'augmentation inférieur au taux
d'augmentation des dépenses publiques en général, mais
quand même très convenable.
Or, qu'est-ce qui est arrivé sous le gouvernement
péquiste? J'hésite encore à le dire, parce qu'on se
demandera où j'ai puisé ces statistiques. Or, c'est dans les
états financiers du Québec, M. le Président, et dans les
documents budgétaires déposés par le ministre des Finances
lui-même. Sous le gouvernement péquiste, la part des
dépenses en immobilisation est tombée de 5,8% à 2,8%.
Savez-vous quel a été le taux annuel d'augmentation? moins 1,6%;
moins 1,6%; c'est honteux. Les équipements du Québec sont en
train de vieillir sous le gouvernement actuel. Je vois ces gens essayer de se
rattraper en multipliant les promesses dans toutes les directions. Je vais vous
en parler tantôt. Mais sous les cinq années du régime
péquiste, il faudra accuser un vieillissement, une
détérioration du stock de capital public au Québec dont le
ministre des Finances devra porter la responsabilité principale.
Cela est particulièrement évident dans le domaine routier.
Dans le domaine routier, les budgets pour la construction de routes, dans les
années de 1971 à 1976, étaient, en moyenne, de
$500,000,000 par année, parfois un peu moins, parfois un peu plus; en
1975-1976, on avait même un budget de $747,000,000, mais depuis ce temps,
on est descendu à une moyenne à peine supérieure à
$500,000,000, ce qui veut dire, quand on tient compte d'une inflation d'au
moins 35% qui est survenue pendant cette période, qu'il
y a eu une diminution des dépenses consacrées à
l'amélioration de notre stock routier au Québec.
Je pourrais continuer, M. le Président, sur ce chapitre, mais je
pense que j'en ai dit assez pour que l'on comprenne mieux. J'ai encore un
aspect à traiter qui est très important, je m'excuse de revenir
là-dessus. Un jour, j'ai dit au responsable de nos services de
recherche: Moi, il y a quelque chose que je ne comprends pas, les budgets
augmentent de manière spectaculaire, les déficits deviennent
astronomiques, ça nous coûte de plus en plus cher, le ministre des
Finances nous dit qu'il a diminué les effectifs de la fonction publique.
Là, il y a quelque chose que je ne comprends pas, il y a soit un miracle
qui se fait quelque part ou une espèce d'absence de compréhension
quelque part. J'essaie de comprendre ça depuis quelques mois. (16 h
10)
J'avais demandé au service de recherche de notre groupe
parlementaire de me fournir des éclaircissements là-dessus. J'en
arrive à certaines constatations que je vous livre pour votre
information et celle de nos concitoyens. J'ai l'impression qu'il y a
méprise quelque part. J'ai l'impression, quand le ministre des Finances
nous dit qu'il a réussi à réduire les effectifs de la
fonction publique et du secteur public et parapublic, qu'il parle toujours de
ce qu'on appelle dans le jargon administratif du gouvernement "des postes
autorisés".
C'est vrai qu'en ce qui touche les postes autorisés, il y a eu
diminution dont peut faire état avec raison le ministre des Finances.
Mais ce qui compte, ce ne sont pas les postes autorisés, ce sont les
postes à occuper, ce sont les postes pour lesquels il y a des noms sur
les listes de paie. Je peux bien autoriser 200 emplois pour les services de
recherche du Parti libéral du Québec, si j'ai un budget pour 25
emplois, cela ne change absolument rien.
Vous regardez les effectifs réels, les effectifs qui sont sur les
listes de paie et vous constatez ceci: quelque 7000 personnes de plus
apparaissaient sur les listes de paie des ministères en 1980 qu'en 1976,
d'après une étude faite par Statistique Canada et publiée
sous le numéro 72,007 et 72,005. En plus, si l'on ajoute à cela -
j'ai parlé des listes de paie des ministères - les listes de paie
des organismes gouvernementaux directement supportés par le
gouvernement, ce qui inclut les sociétés d'État, c'est
probablement 13,000 personnes de plus qu'il faut compter à l'emploi du
gouvernement du Québec.
La rémunération brute de l'ensemble des fonctionnaires est
passée de $1,200,000,000 en 1976 à $2 milliards en 1980, soit un
taux d'augmentation de près de 13% par année. Autre constatation
très préoccupante, la rémunération par
employé a augmenté de $5800 en quatre ans, soit 9,2% par
année, alors que, pour l'ensemble de l'économie du Québec,
la progression n'était que de $4000 ou ou de 7,6% par année. En
1980, avec l'entrée en vigueur de la dernière convention
collective dans le secteur public, l'augmentation moyenne aura
été de près de 15,7% par employé en comptant tous
les avantages qui ont été concédés, en plus des
augmentations salariales.
Enfin, nous avons un tableau ici que nous publierons au cours des
prochaines semaines, et dans lequel il est clairement établi que,
pendant la même période, le gouvernement ontarien est parvenu
à geler les effectifs de sa fonction publique, pour un taux de
croissance de six dixièmes pour cent par année. La fonction
publique du Québec n'est inférieure en effectifs à celle
de l'Ontario que de 8%, alors que la population du Québec est
inférieure de 36% à celle de l'Ontario. En plus, la
rémunération moyenne des fonctionnaires ontariens était de
$16,280 par employé en 1980, soit $3250 de moins qu'au Québec. Il
n'est pas étonnant dans ces conditions que, pour la première fois
en 1980, l'ensemble des salaires et rémunérations payées
pour la fonction publique québécoise ait dépassé
l'ensemble des rémunérations payées par le gouvernement
ontarien pour sa fonction publique.
Je regarde l'évolution des postes autorisés, des postes
d'employés figurant effectivement sur les listes de paie du
gouvernement. Je trouve la confirmation de ce que je vous disais tantôt.
Pour les ministères, c'est passé de 62,283 en 1976 à
69,330 en 1980. Pour les autres secteurs du gouvernement ajoutés
à la fonction publique, c'est de 89,609 à 102,409.
Je crois avoir terminé cette partie de mon exposé. Il est
encore très clair que l'objectif d'assainissement des finances publiques
que s'était fixé le ministre des Finances et qu'il avait
semblé devoir atteindre au cours de sa première année de
gestion a été perdu de vue par la suite et nous nous retrouvons
aujourd'hui avec la situation désastreuse que tous connaissent,
c'est-à-dire un deuxième budget consécutif comportant un
déficit de $3 milliards, avec la probabilité d'un déficit
qui s'élèvera à $3,5 milliards ou $4 milliards à la
date du 31 mars 1982, si le gouvernement actuel devait rester en place.
Les mesures fiscales annoncées par le gouvernement vont-elles
améliorer la situation des contribuables au point que s'est vanté
de réaliser le ministres des Finances? Ils nous a présenté
un ensemble de mesures qui, d'après lui - je comprends qu'il ait
intérêt à présenter toutes ces mesures sous leur
jour le plus favorable - sont de nature à aider les contribuables.
Prenons ces mesures
l'une après l'autre. Je vais procéder très vite,
parce qu'il n'y en a pas beaucoup de vraies.
Prenons l'indexation des exemptions d'impôt sur le revenu, et non
pas de tout l'impôt. Cela comporte une grosse différence, M. le
Président. Bien des gens ne sont peut-être pas au courant que,
partout ailleurs au Canada, on indexe les tables d'impôt, mais qu'au
Québec, on indexe seulement les exemptions. Cela veut dire que pour la
dernière année on a payé, seulement à cause de
cela, $125 millions de plus au Québec que les contribuables des autres
provinces, en tenant compte des différences de population et de revenu.
C'est une différence de l'ordre de $125 millions. Remarquez bien que la
nouvelle indexation qu'annonce le ministre des Finances s'appliquera à
compter de 1982 et aussi que le taux d'inflation pour la dernière
année a été d'à peu près 10%. On
prévoit, pour l'année 1981, un taux d'inflation qui sera encore
de l'ordre de 9,5%, 10%, peut-être 10,5%. Il n'y a personne qui peut le
prédire avec assurance, mais ici, on prédit 7,5% seulement, ce
qui veut dire qu'encore l'année prochaine, encore cette année, le
gouvernement va s'enrichir aux dépens des contribuables. Les
contribuables vont souffrir d'une réduction de leur pouvoir d'achat
pendant que le ministre des Finances et ses collègues vont continuer de
s'engraisser.
Le ministre des Finances nous annonce une nouvelle réduction de
l'impôt de 2%. Il nous avait déjà fait beaucoup de tapage
publicitaire avec une réduction de 3% annoncée l'an dernier. Il
annonce toujours ses réductions huit mois, un an d'avance pour pouvoir
les publiciser deux, trois, quatre fois, un peu à l'image du ministre de
l'Environnement chez qui c'est cinq ou six fois.
Une voix: Des milliards.
M. Ryan: Lui parle de milliards. Ici, il est bien important que
tout le monde sache que les 2% ne vont s'appliquer qu'au 1er janvier 1982,
c'est-à-dire qu'on va vivre les neuf premiers mois du nouvel exercice
sans bénéficier d'aucune espèce d'avantage, comparé
à ce qui avait déjà été annoncé et
décidé dans le budget antérieur.
Le ministre des Finances nous annonce une allocation pour les
mères de famille qui ont charge d'enfants âgés de 0
à 6 ans. J'applaudis avec force, M. le Président, à toute
l'initiative de quelque gouvernement que ce soit qui vise à soulager le
fardeau fiscal des familles. Notre fiscalité n'a pas suffisamment tenu
compte de la dimension familiale. Tout ce que nous pourrons faire dans cette
direction au cours des prochaines années sera l'accomplissement d'un
devoir élémentaire de justice. Mais mieux vaut ne pas se
réjouir trop vite dans ce cas-ci. C'est encore une autre de ces mesures
"across the board", comme on les appelle, des mesures qui s'appliquent à
tout le monde indistinctement. On choisit une tranche de la population; on
applique la mesure à tout le monde indistinctement. Que les gens aient
de gros besoins, des ressources abondantes ou qu'ils n'en aient point, on dit
à tout le monde: On va vous donner un beau boni de $400, de $500 ou de
$600. Voyez comme nous sommes généreux! En pratique, M. le
Président, je considère qu'il aurait été plus
judicieux d'offrir une allocation de cette nature aux mères de famille
qui ont charge d'enfants de 0 jusqu'à douze ou quinze ans, mais à
celles qui en ont véritablement besoin. Je pense qu'on en viendra
à des mesures judicieuses, dans ce domaine, le jour où un
gouvernement aura assez de force et de courage pour examiner tout l'ensemble du
problème, les exemptions au titre des charges familiales, les
allocations familiales, les nouvelles formes d'allocations qu'envisage le
ministre. Je ne dis pas que nous favorisons ceci ou cela; nous ferons des
propositions à la population pendant la campagne électorale. (16
h 20)
Je dis au ministre que de vouloir procéder d'une manière
"piecemeal", à la pièce détachée, comme il l'a fait
dans son budget, ce n'est pas digne de son intelligence. Je remarque, en outre,
que ces allocations ne seront versées - et je serais ravi d'être
contredit sur ce point par le ministre des Finances - les allocations promises
aux mères de famille chargées d'enfants de zéro à
six ans ne seront touchables, à toutes fins utiles, qu'après la
clôture du prochain exercice financier. Si je comprends bien, les
allocations que vous annoncez aux mères de famille, M. le ministre des
Finances, ne seront versables qu'en 1982 et à une date assez
avancée en 1982, c'est-à-dire en même temps que le
remboursement ou l'accusé de réception du rapport d'impôt.
Si je m'étais trompé et si ces passages de votre discours
étaient moins clairs que les autres - et je ne veux pas vous imputer
quelque intention que ce soit -et si les allocations devaient être
versées dès cette année, je souffrirais très
joyeusement d'être contredit sur-le-champ.
Le ministre des Finances ne s'est point vanté; et je vois qu'il
est très silencieux, j'apprécie le respect qu'il porte à
l'orateur, mais je lui donnais la permission de me contredire là-dessus,
j'en aurais été très heureux.
Je continue, M. le Président. Le ministre des Finances n'a pas
parlé de la taxe sur l'essence. Les 20% qu'il nous a refilés la
dernière fois dans son budget était un truc ingénieux,
mais si mes calculs sont exacts, ça rapportera $100 millions de plus au
gouvernement en 1981. Il n'en a pas parlé de celui-là. Inutile de
vous dire que cette
taxe est plutôt régressive et que les petits, qui doivent
financer leurs voyages d'automobile et leur chauffage, seront appelés
à payer beaucoup plus au titre de cette taxe qui va rapporter, encore
une fois, $100 millions de plus au cours de la prochaine année.
La taxation des entreprises maintenant. L'impôt de 3% sur les
salaires, c'est du joli, savez-vous; j'ai fait des calculs et, encore une fois,
je serais très heureux... Oui.
Le Vice-Président: M. le ministre, je pense que, sur
l'invitation du chef de l'Opposition, vous voulez prendre la parole.
M. Parizeau: M. le Président, je remercie le chef de
l'Opposition de m'avoir demandé si j'avais un commentaire sur une de ses
phrases. Je cherchais le passage pertinent dans le discours sur le budget.
Maintenant que je l'ai trouvé, est-ce que je peux garder son
autorisation de confirmer? Page 32. On dit clairement, au sujet de ces
allocations de disponibilité, page 32, qui seront versées
à toutes les femmes qui ont des enfants de moins de six ans, que cette
allocation sera payée en un seul versement annuel, sur demande, en
retournant un court formulaire inclus dans l'envoi des chèques
d'allocations familiales de février prochain. C'est donc très
clair, il n'y a pas d'ambiguïté.
Le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Ryan: En 1982, c'est bien ça. M. le Président,
je n'ai pas davantage compris en écoutant le ministre le lire. On va
continuer. Il aura l'occasion... C'est 1982.
M. Lavoie: Vous aviez raison. Février prochain, c'est
1982. Le chef avait raison.
Le Vice-Président: À l'ordre.
M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Ryan: C'est très juste, mais je ne savais pas à
quelle date ce discours avait été écrit. Cela fait bien
des fois qu'il y a des élections avortées. Alors, je me disais:
peut-être qu'il y a une erreur de calendrier de la part du ministre.
C'est 1982, par conséquent. Encore une fois, beaucoup de vent,
beaucoup de bruit pour peu de choses. Pour les neuf premiers mois de
l'exercice, rien de nouveau sous le soleil pour les contribuables à ce
titre.
Maintenant, passons aux entreprises. Je comprends le ministre, avec le
déclin qu'a connu l'économie québécoise sous sa
gouverne, de ne plus faire confiance à l'impôt sur les profits des
sociétés pour financer le gouvernement. Je le comprends. Il s'est
dit: on va aller les prendre à la source, on va les taxer à la
feuille de paie, on va les taxer dans le journal même des salaires pour
ne pas qu'elles puissent se sauver, pour attraper tous, sans rémission,
ceux qui font des profits, ceux qui n'en font pas, les gros, les petits. On va
les attraper à la source. Une taxe à l'emploi, M. le
Président, chose très odieuse, qu'on n'emploie que dans des
circonstances et pour des besoins très spéciaux. Et je donne des
exemples.
On a cela depuis longtemps pour la Commission des accidents du travail.
On comprend parce que c'est une fin de financement de tout le traitement des
accidentés du travail directement reliée au travail. On comprend
que pour cette raison exceptionnelle, il y ait un impôt relié
directement au journal des salaires.
On l'a fait pour l'assurance-maladie, parce qu'on s'était dit: On
va la mettre contributoire 50-50, l'employeur-l'employé, quand cela a
été institué. Encore là, cela se comprenait. Mais
je me souviens des discussions qui ont eu lieu dans le temps. On s'était
dit: II faut garder cela au plus bas niveau possible, parce que c'est
très dangereux pour la santé des entreprises. On l'avait mis
à huit dixièmes pour cent à ce moment-là, des deux
côtés. Ensuite, on l'a passé à 1,5%. Cela a
été une augmentation importante. Mais là, on le passe
à 3%.
J'ai fait des calculs, à la lumière des documents de la
Régie de l'assurance-maladie, qui sont disponibles. J'en suis venu
à la conclusion qu'on n'avait pas besoin de cette augmentation pour
financer l'assurance-maladie en 1981. Quant à l'assurance-maladie, avec
la contribution de 1,5%, avec la part qui vient du gouvernement
fédéral, sous forme de points d'impôt et de remboursement
et avec le paiement des honoraires qui sont versés par d'autres
ministères du gouvernement en vertu de contrats passés avec la
régie, la régie pouvait très bien financer toute son
activité pour l'exercice 1981-1982.
Quand le ministre nous présente cette taxe nouvelle de 1,5%, il
nous présente cela comme un fonds de santé. Il va accrocher
l'assurance-hospitalisation. C'est très habile. Mais finalement, il
crée l'impression, dans le public que c'est parce que
l'assurance-maladie, cela coûte bien cher et qu'il faut faire quelque
chose, parce que, autrement, on s'en va chez le diable. Ce n'est pas vrai. Ce
n'est pas vrai, M. le ministre. Je viens de faire la démonstration du
contraire. Et je crois que le ministre des Finances qui connaît ces
choses-là peut-être mieux que vous, serait heureux de me le
confirmer.
Je dis que ce genre de taxation est un genre de taxation dangereux,
auquel il ne faut recourir que pour des motifs graves. Cette fois-ci, le
gouvernement y recourt pour des motifs reliés à la bonne
santé du fonds
général du revenu plutôt qu'à la bonne
santé du régime d'assurance-maladie en propre. S'il voulait
créer un fonds distinct pour l'assurance-hospitalisation, il pouvait
présenter une loi en conséquence et nous dire: On a besoin d'un
fonds distinct, autonome, etc. Mais ce n'est pas cela. On va chercher dans le
journal des salaires des impôts qui s'en vont directement au
trésor, dans le fonds consolidé du revenu et dont on pourra faire
ce qu'on voudra. C'est bien beau de dire que cela va être "earmarked",
que cela va être indiqué pour les fins de santé, mais une
fois que c'est rendu là, on en fera ce qu'on voudra.
Je dis que ce genre de taxation est dangereux parce que d'abord, cela
frappe davantage les secteurs et les genres d'entreprises qui ont une forte
concentration de main-d'oeuvre. L'industrie du textile, par exemple, n'est pas
une industrie qui prend une capitalisation très poussée, des
équipements les plus coûteux, mais c'est une industrie qui a
beaucoup de main-d'oeuvre. Par conséquent, il ne faut pas être
grand clerc pour se rendre compte qu'elle va être touchée plus
lourdement qu'un autre type d'industrie qui a moins de personnel et plus
d'équipements très coûteux.
Les petites entreprises qui sont sur le bord de la rentabilité
vont payer la même chose que les grosses entreprises à ce point de
vue. Elles vont payer la même chose que les grosses entreprises. Toutes
les entreprises vulnérables, cela fait des charges additionnelles qu'on
vient leur imposer à ce moment-ci. Et tout cela, inutile de vous dire
que le coût en sera refilé éventuellement par tous ceux qui
ont les reins assez forts pour le faire: aux contribuables, aux consommateurs.
Ceux qui n'ont pas les reins assez forts pour le faire débarqueront de
la circulation; ils se feront éliminer par le jeu de la concurrence.
Ceux qui ont les reins assez forts vont le refiler aux contribuables.
Moi, je dis au ministre des Finances qu'il aurait été
mieux d'avoir la franchise d'aller le chercher directement dans la poche du
contribuable plutôt que de se servir des entreprises, pour taxer les
contribuables. Qu'il taxe les entreprises pour les bénéfices
qu'elles font, c'est normal, c'est compréhensible. Mais s'il veut taxer
les salaires, qu'il ait le courage de dire aux citoyens: Nous allons chercher
tel pourcentage sur votre feuille de paie, pour que vous preniez votre charge
des impôts et des frais de fonctionnement du gouvernement.
L'effet sur l'emploi risque d'être désastreux. C'est
évident qu'en logique élémentaire, une taxe comme
celle-là incitera les entreprises à recourir davantage à
des équipements modernes, à diminuer la main-d'oeuvre, à
éliminer le plus possible de main-d'oeuvre, pour la remplacer par des
équipements qui ne tomberont pas sous le coup de cette taxation,
soi-disant pour les fins de la santé. (16 h 30)
La taxe sur le capital, j'en dirais la même chose. C'est une taxe
dont l'effet ne peut être que de désinciter ceux qui seraient
normalement inclins à investir. Il me semble qu'au moment où nous
devons ranimer des investissements privés à la suite de la
période d'anémie que nous venons de traverser, ce n'est pas le
moment pour faire une chose comme celle-là.
Le ministre nous dit: C'est vrai que je vais taxer d'un
côté. Je vais aller piger dans le journal des salaires pour
être bien sûr d'être très proche de la caisse des
entreprises. Il se rapproche de la caisse des entreprises. Il dit, d'autre
part: Je vais vous réduire vos impôts sur les profits. Mais ces
réductions-là sur les profits, ça ne vient qu'en janvier
1982, alors que la taxe sur la santé entre en vigueur dès le 1er
avril 1981, c'est-à-dire neuf mois avant l'autre.
Il n'est pas étonnant, dans ces perspectives, que le ministre
anticipe des revenus supplémentaires de plusieurs centaines de millions
de dollars au cours de la période de neuf mois qui va s'écouler
du 1er avril jusqu'au 1er janvier prochain. En somme, M. le Président,
tout ce qui est avantage apparent pour le contribuable est reporté au
1er janvier 1982, à toutes fins utiles, et tout ce qui est charge
nouvelle entre en vigueur immédiatement. C'est ça le génie
de notre ministre des Finances et de son gouvernement. On donne l'impression
d'alléger le fardeau fiscal des contribuables et des entreprises, mais,
pendant les quelques mois où on espère s'accrocher encore au
pouvoir, on augmente les charges pour essayer d'améliorer une
performance dont la qualité générale a été
singulièrement lamentable.
En ce qui regarde les municipalités, ce n'est pas tellement
mieux. Le ministre des Finances et le ministre qui est maintenant chargé
de l'aménagement du territoire et qui a été longtemps aux
Affaires municipales avaient promis solennellement que les "en-lieu" de taxes
commencés avec la loi 57 portant sur la réforme de la
fiscalité municipale allaient se continuer et atteindre le seuil de 100%
au cours des cinq prochaines années.
Après être si bien parti, on s'attendait à de
nouveaux allégements cette année, mais c'est tout le contraire.
Il n'y a absolument rien cette année de ce côté-là.
Tout ça est renvoyé au prochain gouvernement. Je pense que vous
ne faites pas erreur là-dedans, mais je vous signale que vos promesses
auront été de courte durée.
En plus, le ministre ajoute des charges additionnelles de $15 millions
à $20 millions aux municipalités découlant de la taxe de
la santé. C'est tout le monde qui va payer la
taxe de la santé: Hydro-Québec, les municipalités,
les commissions scolaires, tout le monde. Alors, ici, non seulement ne leur
donne-t-il pas de revenus nouveaux, mais il leur ajoute des obligations
fiscales. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que le
président de l'Union des municipalités, M. Maurice O'Bready, le
maire de Sherbrooke, ait publié une déclaration dans laquelle il
s'inquiète beaucoup du resserrement des ressources financières
des municipalités qui va découler de cette politique plutôt
chiche du gouvernement pour le prochain exercice. Certaines indications
budgétaires - je cite M. O'Bready ici - "laissent actuellement croire
que plusieurs administrations locales ont déjà utilisé
toute la marge de manoeuvre que leur accordait la réforme
effectuée sous l'empire de la loi 57. Sans transferts
supplémentaires, ces villes se retrouvent donc en
difficulté."
Je voudrais ajouter à ces propos du président de l'Union
des municipalités un commentaire encore beaucoup plus grave, c'est
qu'actuellement, c'est par milliers et par milliers qu'on compte les
contribuables qui reçoivent des comptes de taxes très
substantiellement accrus par rapport à l'année
précédente. C'est peut-être un des problèmes les
plus aigus que traverse actuellement le Québec et auquel le ministre des
Finances, dans son budget, paraît être demeuré
complètement indifférent.
Les sociétés d'État, maintenant. On dit que les
sociétés a caractère concurrentiel paient des impôts
comme les autres dans la mesure où elles deviennent rentables. Pas
d'objection. Je pense que c'est quelque chose de raisonnable. Ce que je
comprends moins, c'est qu'on fixe arbitrairement un taux de 20% sur les
dividendes à payer, alors que, dans tous les cas, il s'agit
d'entreprises dont la rentabilité est toute récente. Dans les
entreprises dont la rentabilité est récente, une règle de
bon sens élémentaire, de prudence minimale indique qu'en
général, les petits surplus qu'on commence à faire, on les
garde pour l'amélioration de l'entreprise et non pas pour
l'engraissement du principal actionnaire.
J'aurais souhaité que cette mesure ait fait l'objet, de l'aveu
explicite du ministre, d'une consultation avec les responsables de ces
entreprises et avec la commission parlementaire de l'industrie et du commerce.
Il me semble que ça aurait été bon de procéder au
préalable à des explorations. Mais, tout en admettant le
principe, je trouve que le contexte des circonstances dans lesquelles on
introduit cette mesure prête beaucoup à discussion.
Je voudrais maintenant parler du cas d'Hydro-Québec.
Actuellement, c'est le contribuable qui bénéficie de l'avantage
dont jouit le Québec au titre des ressources hydroélectriques.
Nous payons moins cher pour notre approvisionnement en énergie
hydroélectrique, parce que nous sommes les propriétaires de nos
réserves d'énergie hydroélectrique et de la grande
entreprise qui a le mandat d'assurer leur exploitation rationnelle. On dirait
que le gouvernement veut maintenant s'approprier cet avantage à ses fins
à lui. On dirait que le gouvernement est malheureux parce que c'est le
contribuable qui jouit de cet avantage. Il voudrait que ce soit lui, le
gouvernement. Je commence à penser que c'est vrai que c'est le
gouvernement et non pas la population qui est propriétaire
d'Hydro-Québec. Au lieu que ce soit l'ensemble de la population qui
continue à jouir de cet avantage, il semble que le gouvernement
préférerait - le ministre des Finances l'a presque dit - que les
tarifs soient augmentés au prix international des autres formes
d'énergie. Le ministre de l'Énergie et des Ressources nous a
déjà dit pratiquement en toutes lettres que le Québec
était capable, il se brassait les bretelles, on y va avec l'Alberta
à fond de train. Moi j'aime mieux la politique sur ce point qui consiste
à répartir sur l'ensemble des Canadiens les avantages d'une
richesse que nous avons comme celle-là. Je dis au gouvernement - j'ai
parlé du pétrole, ne vous trompez point...
M. Lavoie: Arrêtez donc d'interrompre.
M. Ryan: Non, ils ont été bien corrects,
franchement.
M. le Président, il n'y a pas beaucoup de monde de l'autre
côté, ils sont occupés à préparer les
élections. Mais les quelques-uns qui sont là sont très
aimables et très courtois.
Je vous signale, M. le Président, qu'ils sont à peu
près six ou sept et que nous, nous étions au complet pour
écouter le ministre des Finances, l'autre soir. C'est la
différence entre l'attitude libérale et l'attitude
péquiste.
Une voix: II ne doit plus rester grand...
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ryan: II reste beaucoup de votants, ne vous inquiétez
pas. Il reste bien des votants de notre côté.
Le Vice-Président: S'il vous plaît!
M. Ryan: II en arrive d'autres, cela change à chaque
heure.
Je m'aperçois que, déjà, on a commencé
à procéder à un siphonnage des ressources
d'Hydro-Québec qui est rendu pas mal loin. Les "en-lieu" de taxes vont
déjà chercher à peu près $60 millions à
Hydro-Québec. Le ministre a-t-il voulu laisser entendre que dans dix ans
les "en-lieu" de taxes devront être payés dans les deux mois
qui suivent la clôture de l'exercice financier,
qu'Hydro-Québec devra payer deux fois la somme de $60 millions au cours
de la prochaine période? C'est une question sur laquelle il pourra
fournir des précisions. Mais comme la proposition est formulée
actuellement, je pense qu'il est dangereux qu'on aille faire un autre
siphonnage de $60 millions du côté d'Hydro-Québec.
L'application de la taxe sur le capital à Hydro-Québec
pourrait entraîner des déboursés annuels de l'ordre de $90
millions, suivant les estimations qui m'ont été fournies par des
personnes familières avec ces choses. Déjà le gouvernement
se sert d'Hydro-Québec pour aller chercher $100 millions dans les poches
des contribuables sous forme de taxe de vente. Sur chaque facture
d'électricité que nous payons il y a une petite taxe de vente de
8% qui est ajoutée. Cela fait au bas mot $100 millions par année.
Hydro-Québec va devoir payer la taxe de santé comme les autres.
Déjà, M. le ministre des Finances, je vous suggère de vous
rappeler que le siphonnage est pas mal avancé et qu'avant d'imposer ce
que vous appelez une redevance, il faudrait y penser deux fois et se demander
s'il n'est pas préférable, plutôt que de satisfaire
l'orgueil ou la fierté de l'actionnaire principal, de continuer de
fournir à Hydro-Québec la marge de souplesse administrative dont
elle a besoin pour conserver l'excellente cote dont elle a joui sur les
marchés financiers depuis longtemps et qui a contribué à
mettre, dans l'économie du Québec, une santé plus grande
que celle que nous aurions eue autrement. (16 h 40)
Un autre point dont je dois parler, parce que la vérité
l'exige, c'est le chapitre où le ministre des Finances, dans son
discours, a traité des revenus en provenance du fédéral.
Je pense que c'est la première fois depuis longtemps qu'on voyait un
ministre des Finances avouer franchement et explicitement que, dans l'ensemble
de ses revenus, il y en a environ 30% qui viennent de paiements de transfert du
gouvernement fédéral. Mais le ministre des Finances commet une
omission que je voudrais porter à son attention, pour qu'il ne la
répète point pendant toute la campagne électorale; surtout
que, je pense, lui n'a pas trop d'inquiétudes, mais il y a de ses
collègues qui pourraient être enclins à des attitudes plus
superficielles.
Quand le ministre des Finances nous dit que les revenus de paiements de
transfert, en provenance du fédéral, n'ont augmenté que de
3,8% l'an dernier, il oublie de préciser qu'il parle alors uniquement
des paiements en espèces qui sont faits par le gouvernement
fédéral. Il ne parle pas du tout du rendement des points
d'impôt qui ont été transférés au
Québec en vertu des mêmes ententes fiscales, sous l'empire
desquels des paiements en espèces sont faits au Québec.
Si l'on tient compte de l'ensemble des revenus qui dérivent des
ententes fiscales, on s'aperçoit que le taux d'augmentation, pour la
dernière année, a été supérieur à 10%
et non pas de 3,8%; ça, c'est différent. Je pense qu'il est
important de dire tous les faits.
Encore une fois, on pourrait continuer là-dessus, mais je pense
que la leçon est claire, la conclusion est nette; les avantages que
prétend procurer le ministre des Finances aux contribuables sont des
avantages à retardement, dont les effets ne se feront sentir que dans
l'année très hypothétique, dans son cas et dans le cas du
gouvernement actuel, de 1982, tandis que la plupart des charges nouvelles qui
découlent du budget présenté par le ministre des Finances
l'autre soir auront effet et grèveront les contribuables et les
entreprises à compter des mois prochains et, en général,
à compter soit du 1er avril ou du 1er juillet prochain.
Quelles sont les priorités de ce gouvernement pour 1981-1982? Je
devrai passer vite là-dessus, Mme la Présidente - il y a pourtant
énormément de choses à dire, mais je pense que ça
ne vaut pas la peine de nous étendre trop là-dessus ici, parce
que c'est le sujet dont nous allons discuter principalement pendant la campagne
électorale - car il y a tellement peu de chances que nos amis d'en face
soient encore là après l'élection, que tout ceci pourrait
passer pour avoir été une discussion assez vaine.
Il y a cependant un certain nombre de sujets sur lesquels je voudrais
retenir très brièvement l'attention.
D'abord, le ministre nous parle de coupures budgétaires. Si je me
souviens bien, il y a à peu près deux ou trois paragraphes
consacrés aux coupures budgétaires. C'est un effet spectaculaire,
$1 milliard; Imaginez, il coupe, avec son grand couteau d'argentier
général, $1 milliard et il a trouvé à peine deux ou
trois paragraphes pour nous en parler dans son budget.
Je signale à l'attention du ministre des Finances que le
gouvernement Reagan, aux États-Unis, a été plus
responsable; quand M. Reagan a présenté tout un programme de
coupures budgétaires, il a eu au moins la décence de donner toute
la liste des programmes, d'indiquer les coupures précises
proposées pour chaque programme et de dire en quoi devraient consister
ces coupures. Le New York Times, il y a environ deux semaines, publiait une
section de six pages dans laquelle on donnait toutes les informations
présentées par le président des États-Unis au
Congrès, au moment où il lui demandait de consentir à ces
coupures budgétaires.
Nous, tout ce à quoi nous avons eu droit, ça a
été les quelque deux ou trois
paragraphes contenus à la page 28 du discours sur le budget, et
qui ne nous éclairent pas beaucoup sur la nature des coupures
envisagées ou imposées. Pour savoir à quoi s'en tenir, il
faut aller aux sources. Par exemple, on va prendre l'Éducation et les
Affaires sociales, ce sont les deux domaines les plus importants.
Dans le domaine de l'Éducation, il semble qu'on ait
décidé de sabrer dans des activités qui sont
considérées comme très importantes par toutes les
personnes le moindrement versées dans les questions d'éducation,
c'est-à-dire dans des programmes comme les programmes de classes
d'accueil, les programmes d'éducation des adultes, les programmes visant
le développement accéléré des milieux
défavorisés, etc. Je remarque que, de manière très
générale, la réaction des milieux compétents en
matière d'éducation a été très
négative devant ces mesures. Le président du Conseil
supérieur de l'éducation n'est quand même pas une nouille.
Le président du Conseil supérieur de l'éducation a
été, pendant quatre ans, l'adjoint principal de l'ancien ministre
de l'Éducation. Ce serait bien...
Une voix: ...
M. Ryan: Cela vous a pris du temps à vous en apercevoir.
Il y en a d'autres que vous avez éloignés pas mal plus vite que
celui-là.
Une voix: La vieille méthode de rouge...
La Vice-Présidente: M. le député, s'il vous
plaît!
M. Ryan: Écoutez ce que dit M. Jacques Benjamin,
président du Conseil supérieur de l'éducation et titulaire
d'une fonction qui garantit son impartialité, Mme la Présidente,
et une fonction dont l'impartialité a toujours été
respectée depuis qu'elle existe, à ma connaissance: "Les
compressions budgétaires qui auraient été
réclamées par le Conseil du trésor seraient d'une telle
envergure que la réalisation du plan d'action gouvernemental serait
compromise. Déjà, en 1980-1981, les compressions
budgétaires n'ont pas manqué d'avoir des effets sur les
politiques d'éducation en milieu défavorisé et les
politiques d'éducation des enfants en difficulté
d'apprentissage.
Mme Lavoie-Roux: Cela est grave.
M. Ryan: "La réalisation de ces deux politiques pourrait
être encore davantage compromise en 1981-1982. Les compressions
budgétaires qui frapperont le secteur de l'éducation en 1981-1982
risquent, nous semble-t-il, de sonner le glas du renouveau de
l'éducation auquel avait souscrit le Conseil supérieur de
l'éducation car elles ont pour effet non pas de s'attaquer au superflu,
mais de s'attaquer à l'essentiel, et plus particulièrement
à bon nombre des priorités d'actions que le gouvernement
lui-même s'est engagé à réaliser à compter de
1979."
J'ai eu l'occasion de rencontrer, l'autre jour, des personnes qui sont
responsables des services d'éducation des adultes dans les commissions
scolaires du Québec. Je n'arrive pas à comprendre que le
gouvernement ait décidé de sabrer de manière aussi
radicale dans les programmes d'éducation des adultes, en particulier
dans la part, somme toute, plutôt mineure que le gouvernement provincial
fournit au financement des programmes d'éducation des adultes. Vous
savez que, encore actuellement, la majorité des budgets de ce
côté provient de subventions fédérales, mais la part
du gouvernement québécois qui était à peine de $50
millions est coupée de plus de la moitié. Je tire d'un document
qui a été porté à ma connaissance les conclusions
suivantes. De 40,000 à 50,000 usagers des services de formation
professionnelle à temps partiel des commissions scolaires seront
privés de services. Cette clientèle regroupe des travailleurs
industriels, des employés de bureau, des travailleurs autonomes qui
souhaitent améliorer leurs qualifications professionnelles. Seront
également affectés près de 50,000 usagers de la formation
générale à temps partiel. Ce sont des gens qui veulent
recevoir un complément d'étude, qui veulent se qualifier en ayant
accès à un diplôme d'études secondaires qui leur
ouvrira ensuite l'accès à des fonctions plus intéressantes
dans la vie ou d'études plus avancées. Seront également
affectés plus de 150,000 usagers de la formation socioculturelle,
lesquels seront privés de services. Cette clientèle regroupe des
usagers défavorisés et favorisés, etc. Je tiens toutes ces
données d'un organisme qui regroupe toutes les personnes ayant la charge
des services d'éducation des adultes dans les commissions scolaires.
Je recevais, ces jours derniers, une lettre du comité des parents
et des autorités de la Commission scolaire des Montagnes -pas des
Deux-Montagnes, des Montagnes -située dans la magnifique région
de Témiscouata, dans la ville de Dégelis. Je suis obligé
de vous donner lecture d'une bonne partie de cette lettre parce qu'elle parle
abondamment, elle parle très éloquemment. "Nous, membres du
comité de parents de la Commission scolaire des Montagnes - je pourrais
vous citer beaucoup d'autres lettres reçues de source semblable à
travers tout le Québec - avons appris avec stupéfaction les
intentions de coupures budgétaires annoncées par le gouvernement.
Notre déception est vive et très grande et nous entendons
bien
démontrer notre désapprobation face aux mesures
draconiennes employées par le gouvernement. Considérant que le
ministère de l'Éducation nous situe dans un milieu
économiquement faible, qu'étant une petite commission scolaire
ayant plusieurs écoles à desservir et un minimum de personnel de
support à fournir aux élèves et aux parents, que les
services éducatifs essentiels ne sont pas diminués, mais
éliminés de façon radicale, considérant que vos
restrictions budgétaires éliminent tous les supports dans
l'application des programmes de français et d'éducation. De
français et d'éducation; mettez un peu moins de français
dans votre propagande politique, mettez-en un peu plus pour le bon
apprentissage du français dans les écoles et vous servirez bien
mieux le Québec.
Je continuerais, Mme la Présidente, mais le temps se fait court.
"Comment croire, concluent ces parents déçus, que le gouvernement
du Québec a pour objectif, selon le livre orange, de vieille
mémoire, d'adapter le système scolaire en fonction des besoins
propres des milieux défavorisés, de personnaliser l'école,
son organisation et son fonctionnement? "Comment croire le ministère de
l'Éducation lorsqu'il prend dans le livre orange l'engagement
écrit de fournir aux commissions scolaires en milieu
défavorisé les fonds pour l'engagement d'une personne ressource
pour la participation des parents au primaire, lorsqu'il n'assure même
pas le maintien de cette intervention? Comment entrevoir une cohésion
entre ce que ces gens disent et ce qu'ils font?"
Inutile, Mme la Présidente, de rappeler que, depuis la conclusion
de l'entente collective l'an dernier, un malaise profond n'a cessé de se
creuser entre les commissions scolaires et le gouvernement quant aux
répercussions budgétaires de certaines concessions qu'a faites le
gouvernement lors de la négociation et dont le coût a
été transféré suivant une méthode
hélas trop familière de l'autre côté de la Chambre
aux commissaires d'écoles qui n'avaient pourtant rien eu à voir
dans la décision qui a consisté à accorder ces
concessions.
Maintenant, en matière d'affaires sociales, on ne peut pas se
fier aux estimations qui sont présentées par le gouvernement et
je voudrais signaler que les personnes âgées risquent de souffrir
très sérieusement des compressions et des coupures
budgétaires imposées par le ministre des Finances dans son
budget. Sur le taux d'accroissement des budgets consacrés aux services
à domicile, nous sommes tous d'accord que la meilleure façon de
réduire à long terme les coûts des services aux personnes
âgées consiste à fournir une aide plus tangible aux
familles qui acceptent de prendre la responsabilité de garder chez elles
des personnes âgées. Or, les budgets, de ce
côté-là, vont diminuer ou augmenter d'une manière si
minime que, finalement, on n'augmente aucunement l'effort qui est mis de ce
côté par la communauté.
Le programme de soutien aux familles d'accueil, les familles qui
acceptent de recevoir des vieillards chez elles, même si ce ne sont pas
des membres de la famille, accuse lui aussi une baisse de crédits. On
sait que ce service des familles d'accueil constitue une ressource
supplémentaire pour l'hébergement d'adultes en institution, cela
va de soi. On diminue.
Au chapitre des foyers d'hébergement, situation plus confuse
encore. Dans son discours d'ouverture lors de l'étude des crédits
de 1980-1981, le ministre des Affaires sociales annonçait l'ouverture de
3507 places pour le 31 mars 1981. Vérification faite, c'est seulement
2000 places, soit 57% du total annoncé, qui étaient ouvertes au
moment où nous nous parlons actuellement.
D'ailleurs, dans la Presse du 26 février dernier, on s'est
chargé de contredire le ministre et de lui réapprendre à
compter, Mme la Présidente.
Je dois terminer sur ce chapitre-ci, parce que j'ai d'autres choses non
moins importantes à dire. Il me semble qu'après avoir
souligné tous ces points, il est important de rappeler brièvement
ce qu'ont été certaines caractéristiques de ce que
j'appellerai la méthode péquiste de gestion des affaires
publiques. Première caractéristique: augmentation du fardeau
fiscal réel imposé aux contribuables. J'illustre ceci par le
chiffre suivant que je prie le ministre des Finances de noter: Pour chaque
tranche de $100 de revenu, un contribuable payait, en 1976-1977, $13.41 en
impôts et redevances de toutes sortes à l'État provincial:
$13.41. Pour l'exercice 1981-1982, d'après nos calculs, ces redevances,
ces charges seront de $13.95, c'est-à-dire une augmentation de $0.54
pour chaque tranche de $100. Là, on ne joue pas avec telle exemption ou
telle petite catégorie, on prend l'ensemble du paquet. C'est ça
que ça donne en réalité. Premier point. Deuxième
point. Les écarts de prévisions dans les calculs
présentés par le ministre des Finances ont été
constants, ce qui nous amène à mettre en doute
sérieusement la crédibilité du témoin par ailleurs
très agréable et très sympathique qu'a toujours
été pour nous, de ce côté de la Chambre, le ministre
des Finances.
En 1977-1978, l'écart entre le déficit qu'il avait
annoncé et celui qu'il a dû avouer a été de 38%. Le
déficit réel a été de 38% plus élevé
que ce qu'il avait entrevu. En 1978-1979, il a été de 42% plus
élevé que ce qu'il avait entrevu. En 1979-1980, il a
été de 25% plus élevé. En 1980-1981, il le sera
d'au moins 30%, peut-être un peu plus, parce qu'il
reste encore deux mois pour lesquels nous devons connaître le
détail des opérations financières, ce qui vous donne un
record, un dossier assez peu reluisant en matière de précisions
conjecturelles.
Troisième point. La négociation des conventions
collectives. On a négocié les conventions collectives trop vite,
l'an dernier, et on s'est trop pressé de régler ces conventions
avant le référendum. Dans bien des secteurs, on doit payer
aujourd'hui le prix de concessions qui ont été faites sans
examen. Le ministre lui-même a déjà confessé dans
cette Chambre qu'il avait accordé à la CEQ 1600 postes de trop
sans justification lors de la négociation de la convention collective.
Aujourd'hui, des commissions scolaires, partout dans la province de
Québec, se lamentent de devoir porter elles-mêmes le fardeau
financier découlant de certains engagements qui ont été
pris au niveau de la convention provinciale.
Autre caractéristique de la gestion péquiste: la
prolifération des contrôles, de la réglementation et de la
bureaucratie. Je pense que c'est le directeur de la Chambre de commerce de la
province de Québec qui a relevé qu'en 1980 seulement on avait
publié dans la Gazette officielle du Québec plus de 7000 pages de
législation et de réglementation de toute sorte. 7000 pages! Dans
les neuf premier mois de 1980, on a publié plus de 300 nouveaux textes
législatifs et réglementaires.
Autre caractéristique de votre gestion, M. le ministre des
Finances: l'appauvrissement déplorable du stock de capital public au
Québec. Je l'ai souligné tantôt, je n'y reviens pas, mais
je vous préviens tout de suite que les administrations qui suivront
celle-ci, qui auront la tâche de ranimer l'économie, devront faire
du rattrapage, parce que nous avons perdu du terrain au cours des
dernières années, comme nous en avions perdu sous une ancienne
administration que le gouvernement péquiste a très souvent eu
tendance à imiter à mesure qu'il avançait dans le
goût du pouvoir.
Accroissement des budgets de propagande, perte de pouvoir d'achat pour
les assistés sociaux. Pendant qu'on multiplie et qu'on gonfle les
budgets consacrés à la propagande, c'est drôle que pour les
assistés sociaux on trouve le moyen d'être chiche et
extrêmement calculateur. En 1978, pendant que l'inflation était de
9,5%, les allocations sociales étaient augmentées de 8,3%, ce qui
entraînait une perte de pouvoir d'achat pour des gens qui
n'étaient pas capables de la subir. En 1979 et 1980, les deux ensemble,
inflation de 10%; augmentation des allocations sociales, 7%. Nouvelle perte
d'achat de 3% pour les bénéficiaires des allocations sociales.
Là, on a fait un ajustement au début de l'année parce
qu'on voyait venir l'élection; on a appris à comprendre ce
qu'était le taux réel d'augmentation du coût de la vie, on
ne voulait pas faire face à des manifestations partout au Québec.
Mais pendant les trois années qui ont précédé,
j'affirme, en m'appuyant sur des chiffres dûment vérifiés,
que le pouvoir d'achat des assistés sociaux a été
sacrifié à d'autres décisions qui entraînaient
souvent des avantages démesurés pour des catégories plus
favorisées de la population.
Augmentation des coûts de fonctionnement de l'État
québécois. J'en ai fait la démonstration tantôt.
Tendance à faire financer certaines dépenses de
l'État par d'autres organismes qui n'en sont pas responsables. Je vous
donne deux preuves. D'abord, les municipalités. Vous connaissez le
programme d'assainissement des eaux. Qu'est-ce qu'on a essayé de faire?
On a dit aux municipalités: On vous accorde une subvention de tant, on
vous la versera dans six mois ou un an, on ne le sait pas pour l'instant. Allez
emprunter, payez les intérêts vous-mêmes et on vous donnera
la subvention plus tard, quand vous aurez payé les intérêts
et que l'argent aura perdu de son pouvoir d'achat à cause de
l'inflation. Je ne sais pas si cela a été corrigé depuis.
II y a eu beaucoup de représentations de la part des autorités
municipales. C'est une façon de procéder qui est absolument
inadmissible. (17 heures)
J'ai une lettre ici d'un administrateur d'hôpital. Je m'excuse,
Mme la Présidente, c'est un administrateur d'hôpital anglophone.
Peut-être qu'il n'a pas droit de cité auprès de certaines
gens du gouvernement de nos jours, à voir la propagande
dégoûtante qu'on fait circuler sur le Parti libéral dans la
région de Québec, essayant de faire croire que le Parti
libéral serait un parti anglophone parce que nous aurons sept candidats
anglophones dans la prochaine élection. Sept candidats, ça c'est
terrible, vous n'êtes pas capables d'en avoir un qui a du bon sens, de
votre côté. Il nous dit: II y a une directive qui a
été envoyée aux hôpitaux leur disant: Arrangez-vous
avec vos déficits. Allez voir la banque. Trouvez-vous des emprunts. Nous
autres, on va vous garantir ça moyennant bonne conduite. On vous dit:
Si, au bout d'un an, deux ans ou trois ans, vous avez eu bonne conduite,
après ça, on vous financera ces déficits. Ce n'est pas une
manière de procéder pour un gouvernement qui respecte les
institutions. C'est une manière à peine voilée de les
mettre en tutelle, Mme la Présidente, mais il y a pire que ça
encore.
On se dépêche de lancer des projets de travaux publics. De
ces temps-ci, il y en a un peu plus. On fait venir les entreprises, on demande
des soumissions, on dit: Dépêchez-
vous. Il faut que le premier ministre puisse aller présider
à un vernissage, à une bénédiction ou à un
lancement. Il faudrait que M. le ministre Untel ou M. le député
Untel puisse être présent. On dit: Vous allez commencer les
travaux, on va vous payer, nous autres, seulement après le 1er avril.
Ils ne seront même plus là, Mme la Présidente. Je vais vous
citer un extrait d'un contrat qui a été imposé à un
entrepreneur par les négociateurs du gouvernement. La partie de
première part - c'est un projet qui a fait la manchette des journaux ces
derniers temps -soit le ministre des Transports, ne sera responsable que du
remboursement d'une somme maximale de $100,000 pour les travaux
exécutés, même si leur valeur est supérieure, et
ceci jusqu'au 31 mars 1981. Savez-vous quand cela a été
signé, ce contrat? Pas la semaine dernière, le 24 novembre 1980.
Cela fait longtemps que vous jouez ce jeu. Vous ne nous aviez pas dit cela. Il
n'était pas question de ça dans le discours sur le budget, Mme la
Présidente. C'est un projet d'une valeur de $15 millions à $18
millions, ce n'est pas des "peanuts", comme on dit. L'entrepreneur est
obligé de financer le gouvernement pour avoir accès au
privilège d'effectuer des travaux publics.
On dit, d'autre part: La partie de seconde part convient que ce montant
de $100,000 représente un montant de fiducie applicable à ce
contrat jusqu'au 31 mars 1981 et qu'elle ne pourra exiger de paiement
d'intérêts ou réclamer des dommages en compensation
à la partie de première part sur tous les montants en
excédent de celui de la fiducie qui pourraient devenir dus avant le 31
mars 1981. On a déjà posé des questions là-dessus,
mais il n'y a personne qui comprenait de l'autre côté. Mais
là, on vous donne le dossier, on vous le met sur la table. Il y en a
plusieurs qui viennent se plaindre à nous. Il y a bien des
entrepreneurs, Mme la Présidente, qui ne veulent plus transiger avec ce
gouvernement à cause de choses comme celle-ci, à cause de comptes
qui prennent tellement de temps à être acquittés que
finalement on est acculé à la faillite ou à des
difficultés sérieuses.
Maintenant, autre tendance très caractéristique de ce
gouvernement, surtout dans la mesure où nous approchons de
l'échéance électorale, tendance à engager l'avenir
en faisant des promesses inconsidérées dans toutes les
directions. Je vous écoutais, M. le ministre des Finances, avec beaucoup
d'intérêt. Vous signaliez, l'autre jour, que pour les travaux
routiers vous n'en mettriez pas trop encore l'année prochaine. Vous avez
une politique de ce côté que je n'accepte pas mais que je
comprends. Votre collègue, le ministre des Transports, il a des
transports joliment plus généreux que les vôtres. II a
commencé à publier des brochures. Il n'y en a que deux qui sont
sorties. Je pense, Mme la Présidente, que les autres, n'ont pas
osé parce qu'ils savaient qu'ils feraient rire d'eux. Ce serait un
éclat de rire général à travers le Québec.
Là, dans l'une, pour la région de Québec - cela va
compenser pour la propagande mensongère du Parti québécois
dans cette région, nous autres, c'est de la vraie; on la dénonce
- pour trois ans, ils ont donné à peu près $65 millions de
travaux. Savez-vous combien il en promet pour deux ans? $180 millions. J'en ai
un autre ici, c'est la région de l'Outaouais. Mon collègue, le
député de Gatineau, serait intéressé à
savoir ce qui nous attend dans cette région. Une mince pitance de $85
millions en trois ans. À peu près $28 millions par année.
Mais là, pour les deux prochaines années, pour sauver le
siège de Mme la députée de Hull, pour essayer de
récupérer le député de Papineau, pour essayer
d'avoir un petit peu de votes dans le comté d'Argenteuil, c'est $186
millions pour deux ans, Mme la Présidente. $93 millions par année
à la veille des élections, alors que ce sont $28 millions par
année depuis trois ans. Des farces, des plaisanteries. Il me semble que
le ministre des Finances est plus sérieux que cela. J'ai fait compiler
une liste et si vous vous promenez tous... J'allais dire tous, mais il n'y en a
encore que six ou sept. Les questions de chiffres ne les intéressent
pas. Ils ne comprennent pas grand-chose. Ils mettent $1 million à
côté d'un autre, Mme la Présidente, c'est tout pareil.
Savez-vous combien ils ont contracté d'endettement au cours des
derniers mois en se promenant à gauche et à droite, tellement ils
ont peur du sort qui les attend quand ils vont avoir à affronter le
candidat libéral à l'élection? Je suis rendu à $694
millions. Je comprends que ce sont des gars qui veulent s'accrocher au pouvoir
longtemps, mais ce sont des plaisanteries incroyables, Mme la
Présidente. C'est un autre trait caractéristique de cette
administration. Je le regrette profondément parce que j'ai toujours
beaucoup aimé... Je pourrais vous nommer des entrepreneurs qui ont
été "approchés" par des ministres, pas par vous, parce
qu'il n'y a personne qui veut parler avec vous.
Mme la Présidente, je termine rapidement. Le budget que nous a
présenté le ministre des Finances l'autre jour est un budget de
toute évidence à tendance inflationniste qui va contribuer
à accentuer la spirale de l'inflation, vu la très large part de
ce budget qui aboutira à un déficit et à un nouvel
accroissement de l'endettement public. C'est un budget de camouflage où
les bonnes choses qu'on annonce aux contribuables ne se réaliseront
qu'en 1982 et où les charges nouvelles qu'on leur inflige s'appliqueront
à compter du 1er avril. C'est un budget détourné - je
n'ose pas employer une expression plus forte - parce que ce
qu'on n'ose plus aller chercher dans la poche du contribuable, on veut
continuer de faire croire qu'on a réduit les impôts, on va
maintenant le chercher auprès des entreprises et des régies
d'État, de la Régie de l'assurance-maladie, de la régie
qui s'appelle Hydro-Québec, etc. Ce sont des moyens
détournés pour éviter de dire franchement aux
contribuables: Vous ne donnez pas assez, il nous en faut un peu plus pour
arriver à réduire le déficit. C'est un budget malsain pour
les entreprises, éventuellement aussi pour les contribuables et
l'économie. Un budget malsain pour les sociétés
d'État. Un budget détaché de la réalité
concrète. J'ai cherché en vain dans tout le discours du budget
les pronostics du ministre sur le taux de l'accroissement de l'économie
pour la prochaine année. D'habitude, l'an dernier, il était
toujours très assuré: Je prévois. Cette année,
aucune prévision de ce côté. Je comprends sa modestie
devant les résultats de la dernière année.
C'est un budget qui porte aussi la marque de l'option fondamentale du
Parti québécois. Le ministre n'a pas eu peur de dire que lui, il
demeure franchement séparatiste et souverainiste. Il a dit qu'il
continuait, à toutes fins utiles, à poursuivre cet objectif.
J'espère qu'il aura le courage ainsi que les députés d'en
face de le dire ouvertement à la population au cours de la prochaine
campagne électorale, que vous ne camouflerez pas votre objectif et vos
intentions véritables pendant encore quatre ans.
Voilà les chiffres que nous devrons tous retenir de ce que
j'appellerai l'ère Parizeau, cette époque qui s'annonçait
brillante, qui avait été accueillie dans un climat d'euphorie qui
nous portait à croire qu'enfin nous étions peut-être
arrivés à la Terre promise.
Ce que nous retiendrons de cette période sera d'abord le chiffre
de $10 milliards de déficit accumulé pendant cinq ans,
c'est-à-dire deux fois plus que n'en avaient jamais accumulé tous
les autres gouvernements ensemble au cours des 114 années qui se sont
écoulées depuis les débuts de la
Confédération. C'est absolument vrai.
Deuxièmement, nous retiendrons le chiffre de l'augmentation de la
dette publique. La dette publique était de $5 milliards au 31 mars 1977.
Au 31 mars 1982, à moins de changements majeurs, elle sera de $15
milliards, ce qui veut dire une dette moyenne, comme je l'ai dit plus
tôt, de $10,000 par famille. Une famille moyenne de quatre personnes doit
porter une partie de la dette fédérale. Elle doit porter une
partie de la dette de Québec. Elle doit porter une partie de la dette
municipale, une partie de la dette des hôpitaux, une partie de la dette
d'Hydro-Québec aussi. Ajoutez tout cela ensemble. Seulement pour le
gouvernement du Québec, pour ses dettes et ses emprunts dont est
directement responsable le gouvernement du Québec, cela va être
rendu à $15 milliards, alors que c'était à peine $5
milliards, il y a cinq ans. Cela ne vous énerve pas du tout, et
j'espère que le public va vous dire que vous seriez très
dangereux, si vous aviez à rester davantage au pouvoir. Il est temps que
nous revenions à une plus grande sobriété. (17 h 10)
Mme la Présidente, nous, du Parti libéral, voulons que les
Québécois cessent d'être les chômeurs les plus
nombreux au Canada. Nous voulons qu'ils cessent d'être les contribuables
les plus lourdement taxés. Nous voulons qu'ils cessent d'être les
contribuables les plus lourdement endettés de tout le Canada. Nous
voulons qu'ils soient fiers de leur gouvernement, de leurs finances publiques
et qu'ils acceptent leur part de responsabilités sans avoir toujours
l'impression d'être écrasés par un État en constante
expansion et qui s'engraisse à leurs dépens. C'est pourquoi nous
offrirons à nos contribuables une politique qui reposera d'abord sur
l'objectif d'une discipline véritable, et non pas apparente ou
artificielle, dans les dépenses publiques. Deuxièmement, une
politique de croissance de l'économie axée sur la mise en valeur
des ressources inépuisables du secteur privé, et de cet
accroissement de l'économie, dériveront des revenus accrus qui
permettront à l'État de financer plus confortablement ses
dépenses sans être obligé d'augmenter continuellement la
dette ou les impôts.
Troisièmement, quand on nous accuse de faire des promesses qui
vont entraîner des dépenses faramineuses, je pense qu'on
déforme la réalité parce que, dans le livre rouge que nous
avons publié, nous avons bien veillé à éviter des
promesses comme celles que j'ai énumérées tantôt,
des promesses de $700 millions seulement au titre des routes, comme vous les
avez multipliées à travers le Québec au cours des
dernières semaines. Nous promettons à nos concitoyens,
également, une politique de fiscalité franche et limpide. Il n'y
a rien de plus malsain pour la bonne qualité des finances publiques que
ces politiques détournées, ces accroissements indirects de
charges fiscales qui portent le contribuable à s'endormir en pensant
qu'on allège son sort alors qu'au fond il continue de caler dans l'eau
sans encore avoir la chance de toujours s'en apercevoir.
Finalement, nous offrirons également une politique de
défense originale, créatrice et vigoureuse des
intérêts du Québec dans les prochaines négociations
fiscales avec les autres gouvernements du Canada, qui seront peut-être
les plus importantes qui soient survenues depuis très longtemps. Le
ministre des Finances y a fait allusion, et c'est très bien. Je voudrais
rappeler, à ce sujet, que tous les gains importants qui ont
été faits en
matière de partage fiscal au Canada l'ont été
généralement sous des gouvernements libéraux à
Québec. C'est sous un gouvernement libéral que la formule de
l'"opting out" et que des formules très originales de partage des
revenus fiscaux ont été mises au point, et c'est sous un
gouvernement libéral que nous arriverons à mettre au point de
nouveaux arrangements qui respecteront les prérogatives propres du
Québec, qui mettront en valeur nos capacités, notre aptitude
à diriger nous-mêmes nos affaires au Québec.
Motion de blâme
Sur la foi du dossier accablant que nous avons examiné ensemble
cet après-midi, je propose en conclusion que cette Assemblée
blâme sévèrement le gouvernement du Parti
québécois pour avoir présenté un budget qui, en
raison d'un nouveau déficit d'au moins $3 milliards et d'une politique
fiscale incohérente, hypothèque dangereusement l'avenir des
Québécois, compromet gravement l'équilibre des finances
publiques et la santé de notre économie particulièrement
au chapitre de la création d'emplois, et le considère donc inapte
à conduire les affaires du Québec.
La Vice-Présidente: M. le député de
Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. À l'aube d'une
élection générale, le gouvernement du Parti
québécois noue présente un budget qui se voudrait
être en même temps le couronnement de plus de quatre ans et demi de
pouvoir et le fer de lance d'une nouvelle campagne électorale qui
s'annonce pour bientôt, même pour les prochaines heures.
Est-ce que la population se laissera séduire par un budget
électoraliste? Il faut bien admettre que, traditionnellement, les
gouvernements ont toujours eu tendance à nous présenter un budget
tape-à-l'oeil en prévision d'une élection prochaine.
Celui-ci ne fait pas exception. Mais les temps ont changé et le Parti
québécois aussi, il faut bien l'admettre, Mme la
Présidente.
Élu en 1976 sous l'étiquette d'un bon gouvernement, le
Parti québécois allait, pour justifier son qualificatif de bon
gouvernement, multiplier les interventions de l'État dans
l'économie: commissions d'enquête, agences de contrôle,
augmentation de la paperasse, augmentation de la réglementation,
augmentation des taxes des entreprises, etc., etc. Son préjugé
favorable aux syndicats, surtout - on se le rappellera -après les
grèves du secteur public de 1976, était un élément
sécurisant pour la population. La réalité, comme on a pu
le constater, est tout autre. Nous avons encore vécu des moments
pénibles et nous gardons toujours le championnat des grèves et
des lock-out.
Le déficit de $1 milliard en 1976, pour un bon gouvernement - on
se le rappellera -était, semble-t-il, inacceptable, tout comme le taux
élevé de nos taxes, tout comme le taux élevé du
chômage. Pourtant, la réalité de 1981 est encore pire que
celle de 1976. Ce bon gouvernement nous a donné, en
réalité, des déficits toujours croissants, un taux de
chômage encore croissant, un fardeau fiscal des plus élevés
au Canada et aussi une perte de notre pouvoir d'achat.
J'admets volontiers que le gouvernement a fait des efforts pour diminuer
notre fardeau fiscal, mais ces efforts étaient plutôt timides si
on les compare à l'effort fiscal des Québécois.
On aurait pu croire que le dernier budget du gouvernement actuel
apporterait des remèdes aux malaises dont souffre le Québec:
chômage, ralentissement de l'économie, réduction du pouvoir
d'achat, etc., mais, malheureusement, madame, il n'en est rien dans ce
budget.
Est-ce que c'est là le bilan d'un bon gouvernement? Tout le
climat négatif qu'a provoqué le Parti québécois
avant la tenue du référendum, dans le but de faire accepter son
option indépendantiste, n'a eu comme effet que du chômage accru,
une faible création d'emplois, une faiblesse dans les investissements et
dans la croissance économique.
Le budget que nous présente le ministre des Finances aujourd'hui,
le cinquième de ce gouvernement, ne corrige aucunement les erreurs
passées. Au contraire, on a même réussi à faire
passer son message indépendantiste à l'intérieur de ce
budget. Un parti politique qui veut défendre l'autonomie du
Québec à l'intérieur du Canada et qui, en même
temps, préconise la souveraineté, je me demande où est sa
logique. Où est la cohérence entre la pensée et l'action?
Comment un gouvernement peut-il défendre les intérêts du
Québec dans le fédéralisme et défendre, en
même temps, son option indépendantiste? C'est tromper la
population que d'agir ainsi et c'est aller à l'encontre de la
volonté du Québec de rester dans la
Confédération.
En fait, on pourrait résumer les années du gouvernement du
Parti québécois en une détérioration du pouvoir
d'achat des consommateurs, à cause, bien sûr, de la politique
fiscale qui prévaut au Québec, de l'escalade du déficit
provincial, de l'instauration d'un climat peu propice aux investissements et
aussi d'une croissance économique peu justifiée justement
à cause de cette option indépendantiste.
Encore en 1981, le Conference Board
nous promet un taux d'inflation qu'on n'avait pas connu depuis les
années trente; 11,7% est prévu pour l'année en cours. La
situation pour le consommateur québécois sera d'autant plus
pénible puisqu'il devra y faire face avec un pouvoir d'achat
réduit, un pouvoir d'achat qui n'a cessé de diminuer parce que le
gouvernement québécois a toujours refusé d'indexer
complètement l'impôt sur le revenu des Québécois. En
effet, en période inflationniste, me dis-je, le gouvernement du Parti
québécois a augmenté considérablement ses revenus
en n'indexant que partiellement l'impôt sur le revenu des particuliers.
Pourquoi? Parce que l'impôt sur le revenu est progressif. Plus le revenu
est élevé, plus le taux d'imposition est élevé. Le
revenu d'un individu peut augmenter à la suite d'un ajustement de
salaire, tenant compte du coût de la vie. Si l'impôt n'est pas
indexé, cet individu fera face à un taux d'imposition plus
élevé, même si son pouvoir d'achat n'a pas augmenté
à la suite de la hausse de ce revenu. Le résultat net
après impôt sera une perte de pouvoir d'achat. (17 h 20)
Bien sûr, le Parti québécois nous promet des
réductions d'impôt, dans ce discours du budget. Il faut se
rappeler que ces réductions d'impôt ne seront applicables
qu'après le 1er janvier 1982, c'est-à-dire presque dans un an.
Donc, pour ce qui est de 1981, ce budget ne donne rien. Pendant ce temps, en
1981, durant l'année en cours, on verra encore une réduction du
pouvoir d'achat des contribuables québécois. Pourtant, on se
rappellera que le premier ministre du Québec nous avait bien dit qu'il
allait préserver ce pouvoir d'achat des contribuables
québécois.
L'Union Nationale trouve inacceptable que le Parti
québécois profite de l'inflation pour augmenter les revenus de
l'État, le même parti qui, avant les élections de 1976, on
se le rappellera, était un fervent partisan de l'indexation de
l'impôt sur le revenu des particuliers. Ce qui me fait dire que plus les
gouvernements passent, plus c'est pareil!
Encore là, le gouvernement ne tire pas tous ses revenus des
impôts des particuliers. Il y a tout le lot des taxes indirectes qui
touchent les citoyens tous les jours. H y a les impôts des
sociétés, les droits successoraux, etc. Le gouvernement du Parti
québécois est très subtil. On l'a vu lors des derniers
budgets, le ministre des Finances a indexé sommairement nos exemptions
personnelles. Je dis bien "sommairement" parce que, lorsque le ministre des
Finances nous annonce que, dans un an, on indexera vos exemptions personnelles
de 7,5% et que le taux d'inflation est de plus de 12% ou est prévu pour
plus de 12%, on se retrouve avec plus de 4,5% dans le trou. Voilà ce que
nous propose l'actuel ministre des Finances.
D'un autre côté, il modifiait la forme de taxation sur
l'essence pour la mettre au pourcentage du montant, ce qui a pour effet
qu'à chaque augmentation du prix du carburant qui, soit dit en passant,
ne cessera d'augmenter - en tout cas, cela augmente à tous les jours -
le gouvernement du Québec ajoutera cette augmentation, 20%, sous forme
de taxe directe. Donc, le consommateur qui vient juste de subir une
augmentation du prix de l'essence aura également à subir une
augmentation de taxe. Pour $0.10 d'augmentation, le gouvernement ajoute $0.02,
donc le consommateur paiera $0.12 de plus pour son essence au lieu de $0.10.
N'est-ce pas là une augmentation de taxes?
Il en va de même pour la taxe sur les repas. Comment se fait-il
que nous devions payer une taxe de 10% - non pas de 8% comme sur tous les
autres articles, que ce soit essentiel ou pas pour l'individu - sur les repas
excédant $3.25, repas pris à l'extérieur de la maison?
Premièrement, on le sait, pour $3.25, les repas sont de moins en moins
copieux, surtout qu'on prévoit pour le secteur d'alimentation cette
année des augmentations de prix de l'ordre de 15%. Donc, on peut
prévoir moins de choses dans nos assiettes. Deuxièmement, vous
savez comme moi que manger est essentiel à la vie des êtres
humains, alors pourquoi une taxe supérieure à l'ensemble des
produits sur le marché? Pourquoi 10% au lieu de 8%, comme c'est le cas
pour les autres produits? Je trouve que c'est injustifié et
injustifiable que de taxer les repas de cette façon.
N'aurait-il pas été plus justifiable d'accorder une
réduction de taxes sur les repas plutôt que sur certains autres
biens de consommation, des biens que l'on achète une fois tous les
quinze ou vingt ans et qui profiteront surtout aux manufacturiers ontariens,
parce que c'est là où se trouve la majorité de
l'industrie? Cette mesure n'aura d'autre effet que de créer ce que
j'appelle des "jobs" dans une province voisine qu'on appelle l'Ontario, quand
on aurait pu stimuler ici l'industrie touristique de la restauration et
créer également des emplois dans cette industrie. Pourtant, la
table au Québec est associée étroitement, depuis toujours,
à sa culture, une culture si chère au Parti
québécois et, du même coup, si mal servie par lui.
Dans son discours, le ministre des Finances nous annonce une
augmentation de taxes sur les cigarettes d'environ $0.04 le paquet de 25. Le
but premier de cette mesure, bien sûr, étant d'éponger la
dette olympique. Soit, c'est un produit non essentiel à la vie des
citoyens et je suis d'accord avec cette forme de taxe. À un moment
donné, il faut que les gouvernements aillent chercher des fonds et je
pense que la cigarette est un bien moins essentiel que la nourriture, non pas
pour le premier ministre, mais pour l'ensemble des citoyens du
Québec.
Mais où je ne suis pas le ministre, c'est qu'il ne taxe pas les
boissons alcooliques. Pourtant, ce sont deux produits - la publicité
nous le rappelle - dont le danger croît avec l'usage, non essentiels
à la vie des citoyens. Mais il est vrai, on se le rappellera, que la
Société des alcools est un monopole qui appartient à
l'État dont les profits sont versés à part entière
à l'État. Donc, toutes mesures qui ont pour effet de
réduire la vente de ses produits ont un effet négatif sur la
rentrée d'argent dans les coffres de l'État. Et comme le dit si
bien le ministre des Finances: II y a assez de recettes inférieures
prévues à la Société des alcools, dû en
particulier aux changements apportés par le gouvernement
fédéral à la taxation des vins et des spiritueux. Il ne
faut donc pas toucher à la vache à lait de l'État. Le
ministre est passé complètement à côté.
Taxons, dit-il, comme il le fait dans son budget, plutôt l'entreprise
privée.
Des taxes, des taxes, toujours des taxes, un peu plus et, si cela
continue, je pense qu'on va même taxer l'air que nous respirons. On vous
taxe de la naissance jusqu'à la mort, puis on taxe à nouveau ce
que vous laissez à vos enfants, parce qu'il faut bien dire en passant
que nous sommes la seule province au Canada où nous avons encore
l'impôt sur les successions.
Une voix: C'est vrai.
M. Goulet: Et cette année encore, le gouvernement
n'apporte aucune modification à la situation présente. Il est
vrai que ce n'est pas une mesure électoraliste. Il faut se le dire, ce
ne sont pas tous les Québécois qui reçoivent un
héritage pendant l'année.
On n'a qu'à regarder certains titres de journaux pour se rendre
compte de l'ampleur de ce phénomène des taxes: "Deux jours par
semaine - je dis bien: Deux jours par semaine - vous ne travaillez que pour
payer vos impôts et vos taxes." "Les impôts grimpent deux fois plus
vite que le produit intérieur brut." "Les taxes ont augmenté de
302% en 18 ans au Canada. Pendant ce temps, vos revenus n'augmentaient que de
231%". Dans le fond, les Québécois qui entendent le ministre des
Finances leur donner des réductions de taxes sont victimes en
réalité - il faut se le dire bien franchement entre nous - d'une
illusion fiscale.
J'ai parlé tout à l'heure de la taxe sur l'essence
où le gouvernement vous accordait une réduction de taxe d'un
côté puis ajoutait une taxe progressive de l'autre. Plus l'essence
va augmenter, plus on paiera de taxes. Je vais vous donner un autre exemple
où les Québécois subissent une illusion fiscale. Je parle
naturellement des déficits du gouvernement qui atteindront les $3
milliards pour l'année financière qui se termine et, quant
à l'année budgétaire que nous entreprendrons
prochainement, le ministre a prévu $3 milliards et ce ne sera pas loin
de $4 milliards.
Financer les déficits par des emprunts n'est qu'une façon
de reporter à plus tard l'augmentation d'impôts. Il faudrait que
les Québécois soient bien conscients de cela. C'est reporter
à plus tard l'échéance où le gouvernement devra
rembourser ses dettes. Et qui devra payer ces dettes que nous contractons
aujourd'hui? Ce nos enfants; ce sont vos enfants; ce sont les enfants de tous
les Québécois. (17 h 30)
Or, certains vont m'accuser de jouer avec les sentiments et de toucher
aux cordes sensibles des gens, mais n'est-ce pas là une question
d'équité? Nous devons nous poser la question: Avons-nous le droit
de faire payer par d'autres qui sont absents du débat les frais des
services publics que l'on consomme actuellement? Voilà la question
fondamentale que nous devons nous poser à l'aube de cette
élection générale.
On se rappellera le débat qui a entouré les
dépenses publiques, l'automne dernier. On se le rappellera. La
principale critique que l'on formulait alors était que le gouvernement
finançait ses dépenses courantes par des emprunts à long
terme, bien sûr, ce que le ministre des Finances a finalement admis lors
du fameux débat qui opposait le député de Gouin au
ministre des Finances, on se rappellera ce débat, un certain vendredi
matin. Cela signifie, madame, en d'autres termes, que le gouvernement utilise
sa carte de crédit, comme le ferait n'importe quel individu pour faire
ses achats, mais a la différence que l'individu, à la fin du
mois, paiera son compte de dépenses pour ne pas accumuler de dettes,
tandis que le gouvernement, lui, contractera un prêt à long terme
pour payer ces mêmes dettes. C'est là la différence,
madame, entre la carte de crédit utilisée par le consommateur et
la carte de crédit utilisée actuellement par le gouvernement du
Québec.
On trouverait normal, madame, qu'un gouvernement emprunte pour financer
ses immobilisations de même qu'un individu puisse emprunter pour financer
l'achat d'une maison. C'est normal que le gouvernement emprunte pour financer
ses immobilisations comme je pourrais emprunter pour l'achat d'une maison.
Mais, madame, ce qui se produit actuellement, c'est que le gouvernement
emprunte à long terme pour financer ce qu'on pourrait appeler ses biens
de consommation, pour financer - comme je le disais avant hier - sa commande
d'épicerie, et ça, c'est illogique, c'est tout à fait
illogique, c'est inacceptable.
Le ministre des Finances nous annonce maintenant qu'il s'est
trompé dans ses
prévisions. Cela, ce n'est pas nouveau, c'est la cinquième
fois. Notre grand argentier peut se targuer de maintenir un coefficient
d'erreur de plus de 30% dans ses prévisions de déficit. Le
ministre des Finances actuel, lors du budget de l'an dernier, prévoyait
$2,3 milliards de déficit. C'est de l'argent, $2,3 milliards de
déficit. J'avais dit, à ce moment, suivant les tendances
passées, que nous allions atteindre les $2,8 milliards de
déficit. Je vous invite, madame, à consulter le journal des
Débats; un an jour pour jour, je faisais une telle affirmation en
Chambre. Je m'excuse aujourd'hui auprès de la population d'avoir
été trop optimiste parce qu'après seulement dix mois nous
sommes rendus à $2,975 milliards. Est-ce possible de constater une telle
chose? Bien oui, le ministre l'a affirmé avant-hier: $2,975 milliards,
c'est-à-dire $3 milliards, prochainement, de déficit. Incroyable!
Tout à fait incroyable!
Cette année, l'honorable ministre des Finances prévoit
$2,97 milliards. Il n'a pas osé dire $3 milliards, parce que $2,97
milliards, ce n'est pas loin de $3 milliards. Le ministre prévoit $2,97
milliards de déficit. Moi, je dis que ce déficit sera d'au moins
$3,8 milliards. Je vous le dis en passant, je ne mets pas de maximum, je n'ose
plus mettre de maximum parce qu'avec ce gouvernement on ne sait pas où
on peut s'arrêter. Je le prédis; malheureusement, cette
année, si le passé est garant de l'avenir, nous aurons, avec ce
gouvernement, tout près de $3,8 milliards à $4 milliards de
déficit. En plus d'être les gens les plus taxés au Canada,
on sera également les plus endettés.
Pourtant, on se rappellera que, au début du mandat du
gouvernement du Parti québécois, le ministre des Finances clamait
à qui voulait l'entendre qu'il fallait effectuer un redressement des
finances du gouvernement. Comme il le disait si bien, il faut siffler la fin de
la récréation. Le ministre disait qu'il fallait réduire le
déficit avant de penser à accorder une réduction de taxes
pour les contribuables. Cela fait cinq fois qu'il aurait pu le faire, madame,
cinq occasions qu'il a eues. Le déficit a commencé à $1
milliard la première année et on sera rendu, à la fin de
l'année, à tout près de $4 milliards.
J'admets volontiers que ces bonnes intentions furent
reflétées lors du premier budget de 1977-1978, qui a
sûrement aidé par la mesure imposant une taxe de 8% sur les
vêtements d'enfants, on se le rappellera, mais, "perd rien qui sait
attendre", on peut dire que les autres budgets, par l'ampleur croissante des
déficits, nous donnent un peu l'image que le gouvernement a d'une bonne
gestion des fonds publics.
Le ministre des Finances justifie ces déficits croissants par la
conjoncture économique, alléguant que le gouvernement ne doit pas
appliquer un frein lorsque l'économie tourne au ralenti. C'est la
façon dont s'y prend le ministre des Finances pour expliquer ses
déficits. Cette explication, je le dis franchement, est pleine de bon
sens, pourvu que les déficits encourus servent effectivement à
stimuler l'économie et à créer des emplois. Mais qu'en
est-il en réalité?
Les budgets précédents confirment la tendance
sociale-démocrate du gouvernement actuel. On constate avec tristesse,
pour nos nombreux chômeurs, que les dépenses en capital du
gouvernement, qui créent justement de l'emploi, ont diminué
depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti
québécois.
En 1976-1977, elles représentaient environ 5,8% du budget. En
1980-1981, elles ne représentent plus que 3,4%, et cette année
encore, il y a une diminution de $581 millions à $555 millions par
rapport au budget précédent. La mission économique par
laquelle on peut stimuler l'emploi et l'économie générale
ne représentait plus que 11,7% en 1980-1981, alors qu'elle était,
on se le rappellera, de 14% en 1976-1977. Cette année, Madame, 10,9%.
Devinez où sont allés les crédits? À la mission
éducative, à la mission culturelle, à la mission sociale?
Je me demande s'ils ne sont pas allés à la mission
publicité, Mme la Présidente.
Pourquoi des déficits aussi considérables pour le
gouvernement du Québec? Parce que le Parti québécois a
perdu complètement le contrôle des dépenses publiques.
Que penser du fameux trou de $500 millions en éducation? Que
penser du coût de $500 plus élevé pour éduquer son
enfant au Québec comparativement à l'Ontario? Que penser de
l'aveu même du ministre des Finances, qui dit que les contribuables
québécois sont surtaxés? Il l'a avoué encore cette
semaine. Que penser des chiffres que le ministre nous a distribués,
où il admet que par $100 de revenu personnel, les contribuables
versaient $13.03 d'impôt en 1976-1977 contre $13.13 en 1980-1981? Et on a
diminué les impôts? Que penser de la dette du gouvernement, qui
représentait environ $5 milliards en 1977-1978 et qui
représentera, à la fin de l'exercice financier 1981-1982, plus de
$15 milliards? Cela commence à faire des sous. Ceci veut dire que cela
coûte au contribuable, l'endettement du gouvernement actuel, je l'ai dit
l'autre soir, entre $5 millions et $7 millions par jour. Imaginez-vous ce qu'on
pourrait faire avec $5 millions à $7 millions d'intérêt par
jour, dans nos comtés. Imaginez cela un instant. Cela vous fait sourire?
De $5 millions à $7 millions par jour, à 110 comtés, on
aurait notre tour au moins trois fois par année. Imaginez-vous ce que
cela représenterait. Incroyable!
Pourtant, avec une augmentation du
déficit, on devrait voir une diminution de taxes, une diminution
du fardeau fiscal, des mesures pour relancer l'économie. Mais, il n'en
est rien, comme les chiffres le démontrent et comme le démontre
le dernier budget, parce que justement - c'est malheureux de le constater - le
Parti québécois a perdu le contrôle des dépenses du
gouvernement.
En cette période de stagnation de l'économie où on
prévoit un taux de croissance pour le Québec inférieur
à 1%, n'aurait-il pas été plus opportun d'amener des
mesures pour stimuler l'économie?
Que nous donne ce budget pour créer de l'emploi? Rien. Au
contraire, on coupe le budget des rentes, on coupe les dépenses en
capital, on coupe donc la création d'emplois. J'aurais aimé voir
dans ce budget une mesure d'accès à la propriété,
qui aurait eu pour effet de stimuler la construction et permettre à des
gens d'accéder à la propriété ou de la
conserver.
L'Union Nationale, dans son document de travail, dans son programme
officiel, est consciente de l'importance de la construction; pour 10,000
unités de logement au Québec, on créerait 20,000 emplois
directs. C'est là une mesure pour stimuler l'emploi et
l'économie. On l'a, la solution là-dedans. Il s'agit de
l'appliquer tout simplement.
Le gouvernement nous dit également qu'il nous accorde une
réduction d'impôt. Il faut faire quelques petits calculs. D'un
côté, on remarque que ses revenus vont augmenter de plus de 16% et
que ses dépenses vont augmenter de 13%. C'est donc dire qu'il ira
chercher encore plus d'argent dans nos poches et réduira du même
coup notre pouvoir d'achat qui est considérablement amoché par
les temps qui courent.
On nous annonce dans ce budget une indexation de 7,5% de nos exemptions
de base, non pas pour 1981 - et l'année 1981 débute - mais pour
1982, quand on sait en plus que l'inflation sera d'environ 12% en 1981. On
vient de se faire jouer encore de 4,5% rien qu'à ce niveau, Mme la
Présidente. (17 h 40)
Le gouvernement actuel a tellement confiance dans l'entreprise
privée qu'au lieu de taxer les profits, on est rendu qu'on taxe son
capital. On est rendu qu'on taxe ses dépenses et qu'on taxe ses
emprunts. S'il fallait qu'on décide de taxer les emprunts du
gouvernement - je vous l'ai dit l'autre jour -ce serait la catastrophe au
Québec. On double la contribution de l'employeur au régime de
santé, la faisant passer de 1,5% à 3% de la fiche de paie de
l'entreprise. Imaginez l'effet sur l'entreprise. Plus tu engageras du
personnel, plus cela te coûtera cher vis-à-vis de l'État.
Plus tu emprunteras pour financer l'expansion de ton entreprise, plus tu seras
taxé.
Est-ce que ce sont des mesures pour stimuler l'économie? Voyons
donc! J'ai plutôt l'impression qu'on vient de donner à
l'économie un autre coup d'épée dans le dos. On
connaît maintenant le vrai visage du gouvernement actuel: prendre
toujours plus de place dans l'économie aux dépens de l'entreprise
privée, Mme la Présidente. Voilà ce que ce gouvernement a
fait depuis quatre ans et demi. Encore une fois, le budget de cette
année nous en apporte la preuve.
Je vous ai mentionné tout à l'heure que le gouvernement ne
taxait pas les boissons alcooliques, de peur de diminuer ses revenus.
Maintenant, à la place de ça, il veut faire payer une redevance
à Hydro-Québec. Pourquoi? Il faut se poser la question. Parce
qu'il veut utiliser Hydro-Québec, fierté des
Québécois, qui, on se rappellera, a été
fondée par le gouvernement de l'Union Nationale en 1944,
nationalisé, ensuite, par un autre gouvernement, pour payer ses dettes
et augmenter le capital-actions des autres sociétés
d'État, pour augmenter l'emprise de l'État sur l'économie
et étouffer, tant qu'on peut, l'entreprise privée. C'est
ça un gouvernement qui proclame la souveraineté? Voyons! Cela n'a
aucun bon sens.
Le gouvernement actuel a tellement confiance, également, dans
notre jeunesse qu'il lui coupe les vivres. En effet, en plus d'effectuer des
coupures aux universités, on aura des coupures qui auront pour
conséquence probable de diminuer la recherche qui se fait actuellement,
une recherche essentielle au développement du Québec. Le Parti
québécois vient de diminuer pour environ $10 millions les bourses
aux étudiants. On a l'impression que le gouvernement veut limiter
l'accès à l'université. En tout cas, on a raison de se
formuler des questions à cet effet. Peut-être à cause du
fait qu'il vient de couper les vivres aux universités? Cela se comprend.
De ce côté-là, il peut y avoir une certaine logique. Il y
aura eu beaucoup d'autres endroits, M. le Président, où il aurait
été préférable de couper. Au chapitre de la
propagande, par exemple, et au chapitre de la publicité, on aurait pu
couper et laisser ça aux étudiants au niveau de leurs bourses
d'études. On a dépensé $10 millions dans pas grand temps
au niveau de la publicité et de la propagande.
Le gouvernement, M. le Président, a tellement perdu le
contrôle des dépenses qu'il est obligé d'ordonner à
l'ensemble de ses ministères de couper leurs dépenses pour un
total de $1 milliard pour l'aider à préparer son budget. Le chef
du Parti libéral disait tout à l'heure - là-dessus, il
avait raison -qu'aux États-Unis, le président Reagan a dit, lui,
à quel endroit il coupait. Mais, ici, on ne savait tellement plus
où l'argent coulait qu'on a ordonné à tout le monde de
couper. Alors, c'est la preuve flagrante qu'on avait perdu complètement
le contrôle des dépenses
du gouvernement.
M. le Président, l'évolution des comptes publics
québécois suit des tendances inquiétantes et c'est
malheureux de le constater. Le choix des structures administratives
entraîne une diminution constante du contrôle des dépenses
publiques par le peuple et ses représentants. On a, par exemple, la
Caisse de dépôt et placement qui a été
créée par l'État provincial pour servir à
différer les taxes de deux façons. Premièrement, dans la
mesure où l'État ne lui paie pas sur ses emprunts le plein taux
d'intérêt du marché, il taxe les futurs retraités
dont les rentes seront moins élevées ou bien les futurs
contribuables devront verser la différence. On n'a pas le choix, M. le
Président. Deuxièmement, lorsque le gouvernement finance ses
activités à même la caisse, il évite l'imposition de
nouvelles taxes. Ainsi, l'extension du secteur public peut se poursuivre sans
que n'intervienne la sanction de l'électorat qui sera mis devant le fait
accompli à l'occasion du discours sur le budget de l'année
suivante et même peut-être dans deux ans. Encore une fois cette
année, le gouvernement péquiste compte puiser
énormément dans les coffres de la Caisse de dépôt,
soit plus de $1 milliard.
De plus, les organismes parapublics et sociétés
d'État du gouvernement sont largement autonomes, ils n'ont donc pas
à défendre leur budget devant l'électorat ce qui fait
qu'il y a encore moins de contrôle de l'État. C'est pourquoi
l'Union Nationale réclame depuis tant d'années une commission
parlementaire qui aurait justement le mandat d'étudier l'autonomie
financière et administrative des sociétés d'État et
d'y avoir accès et d'y avoir un contrôle plus serré.
Actuellement, on reporte malheureusement aux générations
futures une part de plus en plus importante de nos dépenses. Cependant,
on risque de créer du même coup des difficultés sociales du
fait que la population du Québec est vieillissante. Il y aura donc de
moins en moins de gens pour payer ces dettes et les rentes des
retraités.
On risque même en plus de voir le fardeau de la dette publique
augmenter plus rapidement que ne laisse supposer le montant de la dette. Tout
simplement parce que les emprunts dont l'échéance
s'échelonne de deux à cinq ans augmentent très rapidement.
Ils devront donc être renouvelés fréquemment. Ceci aura
pour conséquence deux choses: d'abord, le coût de la gestion de la
dette publique qui va augmenter considérablement; également si
les taux d'inflation demeurent élevés, l'État devra en
assumer le coût parce que les renouvellements entraîneront un
ajustement des taux d'intérêt.
Sans compter que les emprunts effectués sur les marchés
étrangers risquent d'être coûteux, dans les prochaines
années, parce qu'ils comportent un risque de variation des taux du
change. Cette année encore on compte emprunter pour plus de
$1,200,000,000 sur les marchés internes et étrangers, donc un
risque encore plus important d'accroître le coût de la dette
réelle.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, et bien d'autres,
l'Union Nationale propose de revenir à un budget
équilibré. Bien sûr, cela ne se fera pas du jour au
lendemain, mais c'est possible et cela prend beaucoup de bonne volonté,
cela prend surtout de la volonté politique.
Le premier ministre du Québec peut bien rétorquer qu'un
budget équilibré, c'est absurde, comme il l'a si bien dit
à Roberval, il y a quelque temps. Je lui dirai simplement: Est-ce que
c'est si absurde que cela pour un ménage, pour une famille
d'équilibrer son budget familial? Est-ce que c'est si absurde que cela
d'ajuster ses dépenses en fonction de ses revenus et non faire le
contraire, d'ajuster les revenus en fonction des dépenses, comme le fait
le gouvernement actuel?
Le ministre des Finances, de son côté, va sûrement
nous dire qu'en période de ralentissement économique, le
gouvernement ne doit pas réduire ses dépenses.
J'ajouterai à cela qu'il ne doit pas hausser les taxes non plus,
parce qu'un tel geste a pour effet de réduire le pouvoir d'achat des
contribuables, ça, on le sait, donc baisse du niveau d'activité
économique d'une région ou d'un peuple. Ce que notre grand
argentier n'a malheureusement pas fait cette année. Les chiffres sont
d'ailleurs là pour le prouver: $13.03 par $1000 de revenu personnel que
les contribuables payaient en impôts en 1976-1977, contre $13.13 en
1980-1981. Ce sont là les chiffres que le ministre nous a lui-même
donnés. On se rappellera que l'annonce des réductions n'est que
pour l'année 1982, M. le Président; le cadeau n'est pas pour tout
de suite et probablement que ce n'est pas ce gouvernement qui aura à
l'administrer, alors, vous voyez où on en est rendu.
Quant au déficit que le gouvernement doit encourir pour stimuler
l'économie, permettez-moi d'être un peu sceptique à cet
égard. Premièrement, les dépenses ont été
faites surtout au niveau des dépenses courantes et non en
immobilisations qui sont des dépenses créatrices d'emplois et que
les fortes hausses salariales consenties en 1976 aux employés du secteur
public, ainsi que - il faut l'admettre malheureusement - une faible
productivité des employés de l'État sont les principales
explications du niveau actuel des dépenses gouvernementales. (17 h
50)
Deuxièmement, j'aimerais que le ministre des Finances puisse dans
sa réplique
nous chiffrer l'impact de tels déficits sur l'économie et
sur l'emploi. On nous dit: On ne doit pas fermer les valves quand
l'économie est en stagnation, mais j'aimerais qu'on nous donne des
chiffres à savoir comment on a pu stimuler l'économie et l'emploi
et justifier de tels déficits. N'oublions pas, M. le Président,
que, depuis que le gouvernement péquiste a pris le pouvoir, le taux de
chômage est passé de 8% en 1976 à 10% en 1980 et que les
déficits n'ont cessé de croître. N'oublions pas non plus
que l'économie du Québec est une économie ouverte, ce qui
a pour effet que les dépenses sortent des limites géographiques
de la province, les fuites entre les économies des régions
canadiennes sont très fortes. Donc si, par exemple, l'Ontario ou
même les États-Unis, nos voisins américains, appliquent des
restrictions budgétaires, comme c'est le cas actuellement aux
États-Unis, on risque de créer des emplois à
l'extérieur. C'est comme si, avec un budget expansionniste, le
gouvernement du Québec donnait des coups d'épée dans
l'eau, M. le Président. Bien sûr, il va attraper un poisson de
temps en temps, mais sûrement pas à tout coup.
Encore là, par sa réduction de la taxe sur les
cuisinières et les réfrigérateurs, il va créer
certains emplois chez nous, mais il risque d'en créer davantage en
Ontario. Il aurait mieux valu appliquer cette mesure aux repas, ce qui aurait
stimulé notre industrie de la restauration et notre industrie
touristique, domaine qui est extrêmement important pour l'économie
du Québec.
J'aimerais bien que le ministre des Finances me donne des chiffres sur
l'impact qu'ont eu ces milliards de dollars de déficits accumulés
sur l'économie interne d'emploi et de relance économique au
Québec, je serais curieux de connaître ces chiffres.
Pour ma part, je ne suis pas économiste, mais je me rends compte
que le principe d'un déficit au compte courant, lorsque ce ne sont pas
des dépenses créatrices d'emplois, ce principe de déficit
au compte courant est difficile à accepter même dans un contexte
d'inflation et de chômage. Pourquoi? Tout simplement parce qu'il est
difficile à administrer. Le principe du déficit accru ne dit pas
non plus à quels niveaux de chômage et d'inflation un
déficit au compte courant devient acceptable ni pendant combien de temps
il doit être maintenu. Voilà le problème, M. le
Président, pour expliquer ces déficits. À partir du moment
où on accepte des déficits au compte courant, il faut savoir
qu'on diminue d'autant plus la marge de manoeuvre du gouvernement pour l'avenir
et c'est un danger.
L'Union Nationale a fait son choix là-dessus. Elle veut que
l'État revienne au principe du budget équilibré et cela de
façon graduelle, en réaménageant les crédits de
façon à favoriser les mesures visant à stimuler
l'économie et en limitant le taux de croissance des dépenses de
l'État au taux de croissance de l'économie. Malheureusement,
cette année encore, le gouvernement prendra plus d'importance dans
l'économie en accroissant ses dépenses à un taux plus
élevé que celui de l'économie. Cela n'est pas bon d'agir
ainsi.
Cela est faisable, le ministre des Finances l'a prouvé en
ordonnant des coupures de l'ordre de $1 milliard dans divers ministères;
cela est faisable en augmentant la productivité et l'efficacité
de l'appareil gouvernemental. Pouvoir fonctionner et offrir le même
rendement et les mêmes services avec des ressources moindres, une bonne
gestion des fonds publics passe par là et je pense que personne ne peut
contredire une telle affirmation.
Je vais vous donner un seul exemple du manque de coordination des
différents ministères qui entraîne l'inefficacité
et, par le fait même, ce déficit toujours grandissant. Un peu
avant Noël, je voulais obtenir des informations concernant le nombre de
grèves et de jours-hommes perdus durant l'année pour le secteur
privé et le secteur public. Alors, je téléphone au Bureau
de la statistique du Québec pour l'information. Ce qu'on a pu me donner
comme information n'était malheureusement pas à jour ni complet.
De plus, M. le Président, on m'a avisé que, de toute
façon, l'information était puisée dans Statistique Canada.
N'ayant pu obtenir les renseignements désirés, je m'adresse alors
au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec
où, par son service de la statistique, j'ai pu obtenir l'information
complète, à jour et par secteurs d'activité.
Je me suis donc demandé comment il se fait que le Bureau de la
statistique du Québec prend ses informations à Statistique Canada
alors que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre du
Québec a toutes les informations pertinentes, toutes les informations
requises à ce sujet. Manque de communication et manque de coordination
entre les ministères. Je vois sourire mes collègues. Ici, nous
pourrions vous citer des exemples comme celui-là pendant des heures. Ce
n'est qu'un exemple parmi tant d'autres mais qui illustre assez bien le travail
qu'il y a à faire dans ce domaine-là. C'est pourquoi l'Union
Nationale croit qu'il est possible de revenir à un budget
équilibré. On tend à cela aux États-Unis et c'est
possible également de le faire au Québec. L'adoption de ce
principe accordera bien sûr la primauté de l'individu du secteur
privé sur l'État. On se doit d'arrêter la croissance du
secteur public aux dépens du secteur privé, et ça, M. le
Président, c'est un engagement de notre formation politique.
Il faut que le gouvernement maintienne
une croissance contrôlée de la dette publique
également. Il ne faut pas oublier que la dette totale du secteur public
québécois se situe actuellement à $15,000 par famille, en
1980, selon un prospectus publié par HydroQuébec. Et si on ajoute
à ça les $3 milliards de déficit de cette année, je
vous demande de faire le compte, c'en est apeurant.
Il est donc urgent, extrêmement urgent de mettre un frein à
un endettement sans cesse croissant. Il ne serait pas sage pour l'État
d'utiliser entièrement son pouvoir d'emprunt, car en période
économique difficile, il ne disposerait d'aucune marge de manoeuvre et
ne pourrait favoriser la reprise. Ainsi, il n'est pas sage d'emprunter à
long terme afin de financer des dépenses courantes. Il n'est pas sage
d'agir ainsi.
Si le gouvernement préfère un déficit et des
emprunts croissants, c'est qu'il espère cacher à
i'électorat le coût réel de ses services, de crainte qu'il
soit jugé trop sévèrement et surtout à l'aube d'une
élection générale.
Pourquoi la population ne connaîtrait-elle pas les coûts
réels des services qu'elle obtient du gouvernement? Vous avez compris,
je fais allusion ici à la Régie de l'assurance automobile, par
exemple. Ainsi, les citoyens pourraient juger du coût d'un accident
d'automobile et juger s'il y a lieu d'étendre ce système ou de le
réduire. N'est-il pas raisonnable de lier le prix de l'assurance
à son coût au Heu d'en camoufler une partie et de le faire payer
sous d'autres formes de taxes? Un conducteur qui cause plus d'accidents que le
conducteur moyen ne devrait-il pas payer une prime plus élevée et
ne pas recevoir une subvention des autres conducteurs plus prudents?
Pour un parti qui se veut social-démocrate, n'est-il pas curieux
que tous les conducteurs, quel que soit leur revenu, paient une même
prime d'assurance à la Régie de l'assurance automobile quand on
sait que ces mêmes conducteurs ne recevront pas la même
indemnité lors d'un accident d'automobile car ils n'ont pas tous les
mêmes revenus? Tout le monde paie la même prime d'assurance, mais
personne ne reçoit la même indemnité parce qu'on est
payé par le biais de notre chèque de paie. Il y a là une
incohérence totale, une incohérence flagrante.
J'aimerais maintenant toucher un sujet d'importance capitale,
particulièrement dans les comtés à vocation agricole. Je
veux dénoncer aujourd'hui les normes gouvernementales dans tous les
secteurs qui s'appliquent sans distinction à une population urbaine ou
rurale et qui ont comme conséquence de priver de services la population
d'un milieu agricole ou d'un milieu rural, tel celui que j'ai l'honneur de
représenter, ou encore d'imposer à cette même population
des coûts exorbitants pour un même service, pour un service
comparable à ce qu'on peut retrouver dans une ville.
Je pense sincèrement qu'il doit y avoir changement et je demande
que l'on assure à nos concitoyens des milieux ruraux - cela devrait
être un engagement de la part des partis politiques lors d'une campagne
électorale comme celle que nous amorcerons dans les prochaines heures -
des services égaux et sans coût exorbitant. Il faut comprendre que
c'est le gouvernement, par sa législation, qui fixe le genre
d'économie qui peut s'épanouir dans une région
donnée. Prenons l'exemple du zonage agricole, une mesure collectivement
nécessaire. Si vous vous souvenez bien, M. le Président, notre
principale critique, au moment de l'étude de cette loi, était
celle-ci et elle demeure: Nous faisons et nous ferons porter par une
minorité, soit les agriculteurs ou les gens qui habitent les
régions rurales, le coût d'une mesure utile à l'ensemble
des Québécois. C'est vrai et cela se confirme tous les jours. (18
heures)
Je vais essayer de vous faire comprendre la simple réalité
qu'affrontent nos gens qui habitent en milieu rural. Par la politique de zonage
agricole, par exemple, le gouvernement a dit: À partir de maintenant,
l'essentiel de l'économie de telle ou telle région sera
l'agriculture. On n'a plus le choix, c'est le gouvernement qui a
décidé. Il faut prévoir pour nourrir notre population et
le gouvernement a décidé que dans telle région la
principale économie sera dorénavant l'agriculture.
Première conséquence directe pour ces régions: Cela
pénalise les populations à l'intérieur de ces
régions. Je m'explique. Si on regarde les chiffres depuis l'adoption de
la loi sur le zonage agricole, on s'aperçoit que la progression de la
population en milieu rural est soit en régression ou
arrêtée, tout simplement. Il n'y a pas eu d'augmentation.
Là est tout le mobilisme, M. le Président. Toutes les politiques
gouvernementales sont établies en fonction d'une norme de population et
ne tiennent absolument pas compte de l'espace géographique.
On met un compas. On va chercher 30,000, 50,000 ou 60,000 habitants et
on prend une décision. C'est ça la différence fondamentale
entre la ville et le milieu rural: en ville, il y a du monde et les
technocrates gouvernementaux ne veulent pas comprendre cette différence.
Ils veulent maintenir l'application en milieu rural de normes qui ne devraient
être valides que pour le milieu urbain et c'est là le
problème majeur que nous vivons, M, le Président, dans nos
régions rurales.
À la ville, le travailleur peut occuper un espace aussi restreint
que 50 ou 100 pieds carrés pour remplir son emploi; en milieu rural, de
par la loi, l'emploi principal, c'est une terre, pour produire au
bénéfice de toute la société
québécoise; ça fait pas mal moins
de monde et les Québécois doivent être conscients de
la discrimination que subit la population du milieu agricole. Dans un mille
carré, pour cultiver une terre, M. le Président, bien sûr
qu'il y a moins de travailleurs que dans une usine à Montréal
pour gagner le même salaire familial.
Vous voulez d'autres exemples de cette discrimination? Je vais vous en
donner, M. le Président.
On va prendre l'école. En ville, vous en avez au moins une par
quartier et même deux ou trois par quartier. En milieu rural, M. le
Président, on ne compte plus les écoles primaires qui sont
fermées et le mouvement en est rendu au niveau secondaire où on
vit actuellement des fermetures d'écoles secondaires, où il faut
maintenant regrouper trois, quatre, cinq et même six villages pour
pouvoir maintenir une école secondaire ouverte. Les
élèves, M. le Président, en sont rendus - je ne parle pas
d'élèves au niveau universitaire, je parle d'élèves
au niveau primaire et au niveau secondaire, premier cycle - on le vit
actuellement à faire 50,75 et même 100 milles par jour pour
recevoir l'enseignement et, en plus, ils sont limités dans le choix de
leur option.
M. le Président, moi je dis: II me semble que c'est assez; il
faut que la décision ne soit pas uniquement prise en fonction de
critères économiques, mais tienne compte également des
facteurs sociaux qu'implique l'économie d'une région,
économie imposée souvent par un gouvernement.
Par exemple, la norme, je donne un exemple, est d'un professeur par 24
ou 25 élèves, mais cette norme pourrait en milieu rural
être modifiée en tenant compte de la densité de la
population en milieu rural. Mais la question demeure: Pourquoi un
étudiant de milieu rural n'aurait-il pas droit au même
éventail, à la même quantité d'options, aux
mêmes services, aux mêmes droits que ceux d'un étudiant
demeurant en zone urbaine, et je parle toujours aux niveaux primaire et
secondaire. Pourquoi, M. le Président, un élève de niveau
primaire ou secondaire, premier cycle, chez nous, n'aurait-il pas droit aux
mêmes services parce que son père est agriculteur, parce qu'il y a
moins de densité de population dans un milieu? Pourquoi cet
élève n'aurait-il pas droit aux même services que
l'élève de Montréal ou de Québec? A-t-on besoin de
l'agriculture ou si on n'en a pas besoin? Si on en a besoin, qu'on le
démontre clairement. Il faut absolument trouver une formule pour
décentraliser ces décisions et ne pas appliquer de normes au
niveau provincial, mais être conscient que cela prend une formule pour
calculer le coût d'un service en milieu urbain et que cela prend une
autre formule pour calculer le coût d'un service en milieu rural.
Vous avez le commissaire d'écoles, par exemple, à qui le
gouvernement impose de prendre des décisions seulement en fonction de
critères économiques. Ce commissaire d'écoles est
obligé de prendre ce genre de décisions et de fermer des
écoles, comme on le voit chez nous actuellement, et de condamner les
élèves à faire la route à tous les jours puisque -
il faut se le rappeler, M. le Président - les autobus jaunes ne
relèvent pas de son budget. Donc, c'est mieux pour le commissaire de
décider que l'élève fera 50 ou 75 milles par jour pour
aller suivre des cours plutôt que de prendre un professeur, l'amener dans
le village, et dire à l'élève : Toi, on va te donner des
cours ici. On en est rendu à ce genre de décisions, M. le
Président. Il ne faut pas en vouloir aux commissaires d'écoles.
Ils n'ont pas le choix. Ils sont obligés d'appliquer les normes
gouvernementales. C'est là qu'est le problème fondamental, un
problème que l'on vit tous les jours.
Un autre exemple, la protection contre les incendies. On peut vous en
donner, des exemples, en quantité. Lorsqu'un village, seul, veut se
doter d'un camion d'incendie, il n'est subventionné qu'à 25%, et
si deux ou trois municipalités se groupent pour avoir le même
camion qui va peut-être être à dix, douze ou quinze milles
du lieu de l'incendie, le gouvernement dit: On va donner 75% de la subvention.
Ainsi un individu à la campagne, pour une maison qui a la même
évaluation qu'une maison en ville, risque de voir brûler sa
propriété parce que le camion d'incendie est à dix milles
du lieu de l'incendie tandis qu'en ville, parce qu'il y a la densité de
population, le camion d'incendie est collé sur la maison. Ce sont des
exemples réguliers. Et le problème...
Une voix: ...
M. Goulet: Non, ce n'est pas cela, mais quand vous dites: On
subventionne un camion d'incendie pour tant de population, chez nous, un camion
d'incendie va servir pour quatre villages, tandis qu'en ville, il va servir
pour un coin de rue. C'est facile à comprendre.
Une voix: ...
M. Goulet: Oui, mais ce sont des choix politiques à faire.
On ne fera pas de l'agriculture dans la ville de Westmount et on n'en fera pas
autour du parlement ici. Si un agriculteur cultive 150 ou 200 hectares, vous
comprenez que, dans un mille carré, il y aura moins de population que
dans la ville de Québec. Quand vous déterminez vos normes, si
vous dites: C'est un service pour tant de population, vous voyez que ça
ne tient plus debout dans le milieu rural. Le problème, c'est que, chez
nous, dans un mille carré, il y a beaucoup moins de monde pour payer ces
25% que dans la ville de Québec où l'achat d'un camion à
incendie va être
réparti peut-être sur 550 contribuables, tandis que, chez
nous, il sera réparti sur 75 contribuables. Au lieu de coûter,
disons, $100 de plus d'augmentation de taxe par contribuable durant
l'année, cela va en coûter $400 de plus. Les municipalités
n'ont pas le choix.
D'autres exemples, la grille d'évaluation et de
pondération du ministère des Transports tient toujours compte de
la densité de la population et de la densité de la circulation.
Est-ce qu'on devra être condamné à manger de la
poussière le restant de nos jours parce que nous vivons dans des milieux
ruraux et qu'on ne répond pas aux normes de densité de la
population? Il faut se poser la question: Est-ce qu'on veut des agriculteurs ou
si on n'en veut pas? On veut continuer de nourrir notre population ou on ne
veut pas? Est-ce que, parce qu'un type a choisi la profession d'agriculteur, il
va manger de la poussière toute sa vie, contrairement à celui qui
est en ville et qui, parce qu'il travaille dans une manufacture, va
bénéficier de tous ces services? Je ne pense pas. M. le
Président, ce n'est pas acceptable.
Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que les normes de
population, quand on parle de densité de population, on ne les
rencontrera à peu près plus jamais dans nos régions. Du
fait que la vocation principale de nos régions est l'agriculture,
ça prend pas mal plus de place que de gens.
M. le Président, je termine là-dessus; je pense que je
peux parler jusqu'à 18 h 15 ou 18 h 20. Un exemple assez facile à
comprendre dont j'ai discuté, d'ailleurs, à plusieurs reprises
avec le ministre des Affaires municipales, c'est au niveau du réseau -
je ne ferai pas le même lapsus que le chef du Parti libéral -
d'aqueduc et d'égouts qui est subventionné actuellement à
75% par le gouvernement provincial. Le problème, c'est que ça
coûte pas mal plus cher en milieu rural qu'en ville parce qu'il y a moins
de citoyens pour se partager la facture. Un réseau d'aqueduc, chez nous,
dans un mille, peut desservir peut-être 300 clients, tandis que, dans les
régions rurales, il va desservir peut-être 100 clients. La clause
75-25, c'est que les 25% qui seront payés par l'usager, en ville,
ça peut représenter environ $100 et dans, des milieux ruraux,
comme chez nous, ça peut représenter $400. La norme 75-25 n'est
pas applicable en milieu rural uniquement parce que la population est moins
dense. (18 h 10)
Pourquoi un travailleur résidant en milieu rural devrait-il payer
$400 pour avoir droit à l'eau potable alors que le travailleur de la
ville paie $60, $70 ou $100 pour y avoir droit. Comment se fait-il, par
exemple, que la pomme de terre qui est cultivée chez nous soit
subventionnée à $1 du sac pour l'envoyer aux consommateurs
à Montréal? Pourquoi, en retour, chez nous, est-ce qu'on ne nous
aiderait pas davantage pour avoir de l'eau potable de façon que
ça ne nous coûte pas $400 par usager, mais plutôt $100? La
fameuse pomme de terre qu'on envoie à Montréal, qui coûte
$1 de moins du sac, parce qu'elle est subventionnée, quand on
l'achète chez nous, elle est cultivée chez nous, on n'en
bénéficie pas de ce dollar. Il devrait y avoir un échange
et c'est là que je dis que les calculs ne devraient pas se faire de la
même façon, parce que nous n'avons pas la même
densité de population.
M. le Président, l'économie du comté, pour
plusieurs comtés ruraux, l'économie rurale repose sur
l'agriculture, bien sûr; de toutes les régions, on nous demande de
les comprendre. Pour ma part, j'entends bien me porter à la
défense de leurs préoccupations, la préoccupation du monde
rural, M. le Président, parce que ces préoccupations sont vraies,
tout simplement.
D'autres exemples, au niveau des foyers d'hébergement, la norme
provinciale est de 6%, c'est-à-dire 6 places dans un foyer
d'hébergement par cent personnes âgées dans la
région. La majorité des gens du troisième âge, chez
nous, doivent quitter leur milieu naturel, c'est-à-dire leur village,
doivent se déraciner de leur communauté où ils ont
passé 50 ans ou 60 ans de leur vie et s'expatrier à deux ou trois
villages plus loin. Ils n'ont pas le transport en commun, ils n'ont pas les
mêmes services qu'en ville. En ville, 6 places pour 100 personnes
âgées, vous pouvez avoir un foyer d'hébergement dans le
quartier et même s'il est dans le quartier voisin, souvent, c'est un coin
de rue à côté.
Notre personne âgée qui a passé 50 ans ou 60 ans de
sa vie dans ce quartier pourra, en prenant sa marche, retourner dans son
quartier ou encore prendre le métro ou l'autobus et tout simplement
aller faire une petite tournée. Chez nous, M. le Président,
partir d'un village du bas du comté pour aller dans un village du centre
du comté, il faudra faire peut-être 30 milles, 40 milles ou 50
milles. Il n'y a pas de service de transport en commun à toutes les
heures, comme ça. Il y en a pour relier les grands centres, bien
sûr, un bon service, mais il n'y en a pas entre villages.
Cela veut dire que notre bon monsieur, notre bonne madame devra
s'expatrier dans deux ou trois villages plus loin et finir ses jours là,
c'est inacceptable. Encore là, toujours justifiées par la
densité de la population, ces normes ne sont pas applicables chez
nous.
Je pense que l'aide gouvernementale doit être calculée
différemment, que la demande vienne d'un milieu rural ou d'un milieu
urbain. Il y a certainement possibilité de trouver une formule empirique
quelconque de redistribution plus équitable. Nous croyons qu'une formule
devrait être mise sur pied qui
permettrait l'égalisation des coûts. C'est là le
problème entre un citoyen du monde rural et un citoyen de la ville, le
même coût pour le même service. Bien sûr, je ne
demanderai pas que l'Université Laval ou l'Université de
Montréal déménage à Saint-Germain-de-Bellechasse.
Non, ce n'est pas ce qu'on demande. Entre cela et des services de base comme un
service d'aqueduc et d'égouts, comme un foyer d'hébergement,
comme un HLM, comme le droit à l'éducation de nos enfants aux
niveaux primaire et secondaire, je pense que ce n'est pas
exagéré. Qu'on dépasse la norme arbitraire et injuste et
qu'on partage le coût réel. Il y a certainement moyen de trouver
une formule pour partager le coût réel entre les citoyens de la
ville et les citoyens des milieux ruraux. Le citoyen rural veut être
traité avec justice et, selon le langage que vous connaissez bien, vous
autres, il veut être traité d'égal à égal
avec son concitoyen de la ville. D'égal à égal, vous savez
ce que cela veut dire? Cela fait quatre ans et demi que je vous entends dire
cela.
D'un autre côté, nous imposons l'utilisation du territoire
et consacrons un certain espace géographique à une vocation
agricole. De l'autre, nous demandons à ces populations de s'astreindre
à des normes auxquelles elles ne peuvent faire face puisque ce sont des
normes de densité de population que nous ne retrouvons que dans les
grands centres, que dans les grandes villes.
La justice, ce n'est pas la norme. La justice, c'est le coût du
service, c'est le coût égal pour un service égal.
Voilà la justice que nous devrions trouver en milieu rural. Les
régions rurales joueront au cours des prochaines décennies un
rôle primordial afin d'assurer la subsistance de notre peuple. En effet,
chez nous, en milieu rural, c'est avec nos agriculteurs que nous pourrons
fournir à toute la population cette nourriture essentielle à la
survie de tout être humain. J'invite le gouvernement à en
être conscient. Vous autres, vous le faites, mais vous ne le dites pas,
c'est ce qui est votre problème. Un lapsus, M. le Président;
Les péquistes l'ont dit depuis quatre ans et demi, ils l'ont dit
avant d'être au pouvoir, mais ils ne l'ont jamais fait. Nos concitoyens
qui nous écoutent ce soir dans leur salon avaient compris, sauf quelques
ministres en face qui étaient découragés de voir ce qui se
passait, mais le monde ordinaire avait compris.
J'invite le gouvernement à en être conscient et ainsi
à arrêter de considérer les populations rurales comme des
gens de deuxième classe. Notre raison d'être est aussi importante
que celle de n'importe quel citoyen des villes, M. le Président. Notre
raison d'être en milieu rural est aussi importante que celle de n'importe
quel citoyen, qu'il vienne de Westmount ou qu'il vienne de Bellechasse.
Motion de blâme
En terminant, à la suite de la lecture de ce cinquième
budget déficitaire présenté par ce gouvernement... Mon
collègue de Nicolet me dit le sixième. Un budget n'a pas
été déficitaire, c'est celui de l'an I qui n'a jamais
été administré, mais les autres ont tous été
administrés. Là, on a vu que ce n'était pas la même
chose dans la réalité. Dans le concret, ils ont tous
été déficitaires. M. le Président, cela
mérite...
Une voix: 31%.
M. Goulet: ... que cette Assemblée blâme
sévèrement le gouvernement d'avoir augmenté le
déficit des opérations budgétaires à un taux
inacceptable au lieu de consacrer les ressources financières et
administratives de l'État à des mesures concrètes et
imaginatives en vue de relancer l'économie du Québec et de
créer des milliers d'emplois pour venir en aide au nombre croissant de
chômeurs dans toutes les régions du Québec. Voilà,
M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le ministre d'État au
Développement économique.
M. Landry: M. le Président, je demande la suspension du
débat jusqu'à 20 h 30.
Le Vice-Président: Je m'excuse, cette suspension est-elle
adoptée?
M. Lamontagne: À 20 h 15.
M. Landry: À 20 h 30.
M. Lamontagne: Un instant!
Le Président: M. le ministre.
Une voix: 20 heures.
Une voix: Cela va.
Le Vice-Président: Oui, ne vous inquiétez pas. De
la part du ministre d'État au Développement économique,
j'ai tenu comme acquis qu'il demandait la suspension du débat.
Une voix: Oui.
Le Vice-Président: La suspension du débat est-elle
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Oui. Le Vice-Président:
Adopté.
M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Je propose la suspension de la Chambre jusqu'à
20 h 15.
M. Levesque (Bonaventure): On m'a dit 20 h 30.
M. Charron: 20 h 20, M. le Président.
Le Vice-Président: Cette motion de suspension des travaux
jusqu'à 20 h 20 est-elle adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Il y a donc suspension
des travaux jusqu'à 20 h 20.
(Suspension de la séance à 18 h 19)
(Reprise de la séance à 20 h 22)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir. M. le ministre d'État au Développement
économique.
M. Bernard Landry
M. Landry: M. le Président, je constate que l'Opposition
officielle est virtuellement absente de cette Chambre. Ils sont allés
courir Dieu sait où; il y a exactement trois députés de
l'Opposition officielle.
Des voix: Quatre.
M. Landry: Quatre. Je les comprends, cependant, parce que s'ils
savaient d'avance ce que j'ai l'intention de dire d'eux, à votre face et
à celle du public québécois, ils ne seraient pas venus,
pas un.
Nous avons entendu, au cours de ce débat sur le budget et
à ce stade, un certain nombre d'orateurs de l'Opposition officielle. Je
ne les relèverai pas tous, il y en a qui ont été
carrément fantaisistes. De ceux-là, je n'en dirai rien, sauf
d'un, car c'est mon voisin, le député de Laval, qui a dit des
choses extrêmement drôles, qu'on peut lire au journal des
Débats d'hier, que tout le monde a entendues et auxquelles je voudrais
quand même brièvement répondre, ne serait-ce que pour faire
ressortir la pensée cohérente du Parti libéral du
Québec.
Le député de Laval a dit hier en cette Chambre que
même le sommet de Montréal était une opération
séparatiste. Remarquez que je n'en aurais pas parlé, du sommet de
Montréal. Ceux qui en ont fait l'éloge l'ont fait tellement
abondamment qu'il n'était plus nécessaire pour le gouvernement
d'en parler, justement pour n'en pas faire une opération politique. Mais
dans le même souffle, après avoir dit que le sommet de
Montréal était une opération séparatiste, le
député de Laval m'a reproché de ne pas l'avoir
invité. Nous aurions eu un fait historique fantastique: le
député de Laval à une opération
séparatiste.
Voyons le sérieux de cet homme, voyons ce qu'il en est. Je vais
vous citer un certain nombre de séparatistes notoires sur le sujet du
sommet de Montréal. M. Pierre DesMarais II, ancien président du
Conseil du patronat du Québec, président de la Communauté
urbaine de Montréal dit, en terminant le sommet: "M. le
Président, alors que j'avais mentionné publiquement et
malheureusement, au mois de novembre, que j'avais certaines craintes quant au
succès de ce sommet, je dois tout de suite corriger et dire -
d'ailleurs, je l'ai mentionné il y a à peu près une
semaine -que je sentais que ce serait un succès énorme, et je
pense que cela l'a été, avec la collaboration des intervenants
non seulement de l'extérieur, mais des intervenants du gouvernement qui
ont été présents à pratiquement toutes les
sessions".
Un autre séparatiste, le professeur Pierre Laurin, directeur des
Hautes études commerciales, dit: "Alors moi, je n'hésite pas en
tout cas à affirmer que le présent sommet constitue un
succès retentissant et je pense qu'on peut affirmer qu'il n'y a aucune
ville de grande taille au Canada qui, actuellement, connaît un dynamisme
aussi grand que celui de Montréal."
Et, autre séparatiste que je pouvais vous citer, mais que tout le
monde a déjà entendu, toujours le député de Laval,
en bon voisin, dit une autre chose extrêmement drôle. Il laisse
entendre que le gouvernement a sacrifié, dans le présent budget,
une de ses opérations les plus vitales et les plus importantes, qui a
donné du travail à des milliers et des milliers de
Québécois et de Québécoise, l'opération
solidarité économique. Il disait hier: On ne veut plus oser, on
n'ose plus maintenant. Or, les crédits, comme chacun le sait, sont
partie intégrante du discours sur le budget. La grande opération
solidarité économique est continuée dans le présent
budget pour $118 millions. Le député de Laval est un notaire,
c'est une profession de rigueur et d'exactitude, c'est bien la première
fois que je vois passer un notaire à côté de $118 millions.
Mais c'est ce qu'il a fait hier!
Ceci dit, d'un des meilleurs fantaisistes, mon voisin le
député de Laval, passons maintenant à d'autres
intervenants: le chef de l'Opposition.
Lui, il n'était pas drôle durant ses deux heures cet
après-midi, mais il était assez réjouissant pour le
gouvernement. En effet, il a mis deux heures à prouver trois choses
inestimables pour l'information de la population et pour le gouvernement,
surtout en cette période préélectorale.
J'ai entendu le chef de l'Opposition,
avec beaucoup d'émotion, faire la preuve, assez involontairement,
mais d'une façon forcément sincère, de l'efficacité
du gouvernement en matière économique, comme jamais personne ne
l'a faite au cours des quatre dernières années. La
démonstration est simple, M. le Président, il a levé le
nez, vous vous en souvenez, sur 12,000 emplois permanents créés
par l'opération solidarité économique dans une seule
année. Il a parlé d'emplois à temps partiel, d'emplois
permanents, minimisant les 12,000 emplois permanents.
Savez-vous que cette année-là, qui était une
année moyenne, il s'était créé, dans l'ensemble de
l'économie du Québec, 48,000 emplois? Or la seule
opération solidarité économique, une des opérations
du gouvernement, en crée 12,000, le quart. Depuis des années que
je m'intéresse aux questions économiques, au cours de toutes les
réflexions qui se font dans les facultés d'économie, on se
demande encore comment un gouvernement pourrait hausser de 25% le nombre des
emplois en un an. Le chef de l'Opposition officielle, d'une façon
admirable, a fait la preuve que c'est ce que nous avions fait avec la grande
Opération solidarité économique.
Le chef de l'Opposition officielle nous a également rendu un
autre service inestimable dans une période préélectorale.
C'est d'avoir prouvé par ses erreurs grossières... Je vais les
reprendre une par une, pas toutes parce que j'en ai relevé 17, mais je
vais en citer trois ou quatre. Il nous a fait la preuve, par ses erreurs
grossières, lui qui est son propre critique financier, qu'il ne
connaissait guère ni l'économie ni les finances.
Première erreur. Le chef de l'Opposition officielle a dit, cet
après-midi, en parlant de la taxe sur les produits pétroliers:
"Inutile de vous dire que cette taxe est plutôt régressive et que
les petits qui doivent financer leurs voyages d'automobile et leur
chauffage..." Le critique officiel de son propre parti ne sait pas que l'huile
à chauffage n'est pas et n'a jamais été taxée.
Des voix: Ah!
M. Landry: C'est une erreur de débutant pour quelqu'un qui
ambitionne la direction de l'ensemble des affaires du Québec.
Le chef de l'Opposition a fait une autre erreur grossière
carrément contraire au texte du discours sur le budget, à croire
qu'il ne l'a pas lu. Il a dit: "Les réductions d'impôt sur les
profits des corporations, cela vient seulement en janvier 1982 alors que la
taxe sur la santé entre en vigueur dès le 1er avril,
c'est-à-dire neuf mois avant l'autre." S'il avait simplement lu le
discours sur le budget, il y aurait vu qu'effectivement, à partir du 1er
juillet, l'impôt sur les profits de toutes les petites et moyennes
entreprises, au sens de la loi fédérale, sera réduit d'un
crédit d'impôt de 10%. 80% des entreprises du Québec vont
bénéficier de cela à partir du 1er juillet. C'est une
baisse du taux de l'impôt de 13% à 3%, ce qui fait de
l'impôt sur les petites et moyennes entreprises le plus bas de tout ce
continent. On ne peut pas prétendre connaître les finances
publiques et passer à côté de cela. (20 h 30)
Autre erreur grossière, la troisième. Rassurez-vous, je ne
mentionnerai pas les 17 ou 20 que j'ai relevées. Le chef de l'Opposition
dit que pour chaque tranche de revenu de $100 un contribuable payait, en
1976-1977, $13.41 en impôt et, pour l'exercice 1981-1982, "d'après
nos calculs, dit-il - on a bien vu qu'ils étaient faux par la suite -
ces redevances seront de $13.95". La réalité est tout autre. De
1970 à 1976, dans un gouvernement dont faisait partie un certain nombre
de nos amis d'en face, le taux a augmenté de $12.37 à $13.03 par
$100. Or, de 1977 à 1980, sous notre gouvernement, le taux a
baissé de $13.72 à $13.15. Erreur grossière dans la
lecture des événements.
Le chef de l'Opposition s'est également trompé sur la
création d'emplois dans le secteur manufacturier, et là, s'est
trompé au point de poignarder dans le dos l'économie du
Québec. Il a dit en particulier: " En réalité, le nombre
d'emplois créés dans ce secteur, l'industrie secondaire, a
plafonné de 1976 à 1979 et il a décliné de
près de 8000 au cours de la dernière année". Or, qu'est-il
arrivé en 1979? 32,000 emplois nouveaux dans ce secteur, l'année
record de tous les temps. D'aucune manière on ne peut parler de
plafonnement. Jamais, dans l'histoire des statistiques, il ne s'était
créé autant d'emplois.
Quand on interprète la réalité économique
d'une façon aussi erronée, on devrait avoir la décence de
ne pas prétendre être son propre critique financier, car celui qui
a comme critique financier le chef de l'Opposition officielle lui-même a
un très mauvais critique financier.
Le chef de l'Opposition nous en a dit plus long, et pour ça aussi
je lui suis extrêmement reconnaissant. En cette période
particulièrement, il dit d'avance, à vous, M. le
Président, aux parlementaires et à l'ensemble de la population,
que sous son gouvernement, il aurait augmenté les taxes et il va
augmenter les taxes.
Dans le Devoir d'hier, M. Ryan a laissé entendre qu'il
augmenterait les taxes. Disons que le Devoir n'est plus aussi bien
dirigé, il a pu se tromper, mais la Presse d'hier, elle, dit: " II
aurait fallu avoir le courage - citant M. Ryan - de demander aux contribuables
de payer les dépenses de l'État." Qu'est-ce que
cette périphrase, si ce n'est pas pour dire: Nous aurions et nous
allons augmenter les taxes? De toute façon le journaliste poursuit: "
Hausser les impôts?" "No answer" a répondu le chef libéral
agacé - je comprends - à la question posée en
français.
Déjà, l'an dernier, sur ce point, la pensée
libérale est cohérente. Déjà l'an dernier, ce brave
M. André Raynauld qu'on regrette déjà beaucoup, avait dit
à une question, en conférence de presse où le chef de
l'Opposition assistait en opinant du bonnet: " Oui, c'est cela, il faut hausser
les impôts, c'est cela." Nous sommes avertis, la population est avertie,
l'obsession de l'Opposition officielle, c'est de hausser les impôts et de
hausser les taxes, alors que nous, on s'évertue à faire le
contraire depuis quatre ans et demi.
Revenons maintenant aux points positifs de ce budget après avoir
écouté les propos fantaisistes qu'on a entendus au cours du court
débat jusqu'à maintenant. D'abord, un budget pour les familles.
Ce gouvernement, qui ne s'est jamais caché de ses intentions, a eu,
dès le départ, un préjugé favorable aux classes
moyennes, aux couches populaires, et il l'a montré en indexant les
exemptions de base, c'est-à-dire en mettant fin à un "hold-up"
systématique et secret que le gouvernement libéral
antérieur avait perpétré pendant des années en
indexant les exemptions de base de 7,5%, en réduisant les impôts
d'une façon continue, mais en particulier sur deux ans, de 5% dans les
deux derniers budgets. Quatre ans de baisse de suite. Cela ne s'est pas vu
depuis le début de la révolution tranquille. Des gens qui
rêvent jour et nuit d'augmenter les taxes seront comparés avec des
gens qui, depuis quatre ans et demi, les baissent.
Sans compter, d'ailleurs, l'abolition de la taxe de vente sur les
cuisinières et sur les réfrigérateurs, qui s'ajoute aux
exemptions et à l'abolition à jamais de la taxe de vente sur les
textiles, sur les vêtements, les chaussures et les meubles. On se
souvient que, récemment, les libéraux ont versé des larmes
de crocodile sur les secteurs traditionnels, mais quand nous aidions les
secteurs traditionnels, on entendait les théoriciens d'en face,
naguère, nous parler de "phasing out". Pour nos textiles,
vêtements et chaussures, à cause des centaines de milliers de
travailleurs qui y sont, ce sont des emplois et des industries qui doivent
être puissamment aidés et c'est exactement ce que nous avons
fait.
Nous avions aussi fait campagne en 1976 sur la triple couronne où
nous avaient conduit les gouvernements antérieurs. Une de ces couronnes
était l'impôt sur le revenu des particuliers où les
Québécois étaient écrasés sous les taxes.
Maintenant, nous sommes heureux de dire que, pour la première fois cette
année, un contribuable marié avec deux enfants et gagnant
jusqu'à $23,000, $23,000 et moins - on est probablement rendu à
80% de la population du Québec - ne sera pas le champion des
taxés au Canada; il paiera moins cher de taxes qu'en Ontario en
particulier, une province à laquelle on se compare souvent.
On a fait grand état du déficit aussi. On va en parler
brièvement pour comparer d'abord au fédéral, ceux que le
chef de l'Opposition officielle appelle le "boss". Le "boss", c'est lui qui va
dire s'il était élu: "Boss, come back to the negotiation table".
Qu'est-ce qu'il fait, le "boss"? Le "boss", il a 25% de son budget en
déficit, tandis que le gouvernement du Québec en a 15% dans le
budget Parizeau de cette année. Si les libéraux étaient
élus, ils auraient le choix entre imiter le "boss" dans le
déficit, c'est-à-dire le doubler, ou ne pas, pour une fois,
imiter le "boss" et écraser le peuple sous le fardeau des taxes.
Voilà la logique qu'on a entendue durant deux heures, cet
après-midi.
Si vous n'aimez pas les comparaisons avec votre "boss" d'Ottawa, on va
vous comparer avec vos devanciers et le ministre des Finances de vos
devanciers, d'ailleurs, que le chef de l'Opposition officielle, je dois le
reconnaître humblement, n'a pas en affection particulière. Le
dernier budget Garneau était de $10 milliards. Son déficit total
était de $2 milliards. Si notre collègue, le ministre des
Finances, avait administré comme les libéraux, dont plusieurs ont
fait partie du précédent gouvernement, sur un budget de $20
milliards, cette année, notre budget, si nous avions suivi les traces du
devancier Garneau, aurait un déficit de $4 milliards, alors que dans la
réalité, nous avons moins de $3 milliards. Comparez-vous, les
libéraux. Comparez-vous au "boss", comparez-vous à vos
devanciers.
Les emprunts, maintenant. Chacun sait, M. le Président, que l'on
juge un niveau d'emprunt suivant ses capacités de payer. Celui qui gagne
un salaire de $25,000, il peut emprunter plus que celui qui gagne un salaire de
$12,000, cela va de soi. Or, quelle est la comparaison salaire pour un peuple,
pour une nation, pour une économie? C'est la production
intérieure brute. En 1976, les libéraux nous avaient
endettés pour 12% de la production intérieure brute, emprunt par
rapport à notre salaire collectif. En 1980, on a très sagement
ramené cela à 8%. On emprunte suivant nos moyens et sur le
fantastique produit national brut québécois, bien sûr, mais
sans dépasser les normes de la sagesse que les administrations
précédentes avaient mises au rancart depuis longtemps. En fait,
cette année, en 1981-1982, le gouvernement du Québec empruntera,
même si notre PNB a continué à monter, pour $500 millions
de moins que l'an dernier. (20 h 40)
Inutile, M. le Président, de repasser en
détail tout ce qui a été dit par le chef de
l'Opposition et tout ce qui a été dit dans le discours sur le
budget par mon collègue des Finances. Adoptons une vieille maxime en
termes d'économie et de finances et en termes de sagesse de vie: On juge
un arbre à ses fruits. Je vais vous soumettre quelques-uns de ces
fruits, M. le Président, et quelques appréciations. Je vous cite
un texte: "C'est un fait que l'économie du Québec a
progressé plus rapidement que celle de l'Ontario au cours des trois
dernières années à la suite de la victoire du Parti
québécois en novembre 1976." Quelle publication? Publication
officielle du Parti québécois ou de la SNQ? Le Financial Times de
1979, au mois de décembre, reconnaît à la face de tout le
Canada que, pour la première fois dans l'histoire économique, de
Halifax à Vancouver, le Québec et son économie ont
progressé plus rapidement que l'Ontario, et il souligne que c'est sous
un gouvernement du Parti québécois.
D'ailleurs, le Conference Board avait déjà noté que
de 1976 à 1980, alors que le PNB ontarien montait de 6,5%, celui du
Québec montait de 10%, presque le double. 212,000 emplois nets de plus
au Québec en quatre ans; 10,000 emplois de plus créés par
année que de 1970 à 1976, alors qu'on s'en faisait promettre
100,000, si chacun a la mémoire assez aiguisée. En 1980, le
Québec, de toutes les provinces du Canada, est la province - et c'est un
autre précédent historique, ce n'est jamais arrivé - qui a
créé le plus d'emplois, 68,000 emplois en 1980, plus que
l'Ontario et plus que l'Alberta également. Jamais un tel record n'a
été atteint précédemment.
Quant à la région de Montréal, à laquelle on
a fait quelques allusions, déjà, en 1979 et en 1980,
Montréal a été le champion de toutes les régions
avec la création de 70,000 emplois. J'ai entendu nos amis d'en face
faire des gorges chaudes en disant hier que tout cela était survenu
après le référendum. Rien n'est plus faux, ce sont les
chiffres de 1979 et 1980. Surtout, toute la population a pu entendre, au sommet
économique de Montréal, le COPEM, c'est-à-dire Chambre de
commerce et Board of Trade, proclamer à la face de tout le monde que le
virage, à Montréal, s'est produit en 1979. Le président du
comité exécutif de la ville de Montréal a fourni des
statistiques significatives sur la construction. Alors que les taux
d'intérêt limitent la construction dans l'ensemble du continent,
Montréal, en 1979, a battu tous ses records, sauf dans le secteur
institutionnel pour les Olympiques, pour la construction résidentielle,
commerciale et industrielle.
Le budget, c'est le support de la politique économique. La
politique économique, je viens de vous résumer, hors de tout
doute, M. le Président, ses fruits qui sont manifestes. Alors que notre
continent connaît sa pire crise économique depuis 1929, depuis la
vraie crise, alors que notre continent n'a jamais, depuis 1929,
été à ce point perturbé sur le plan
économique, nous avons la fierté de dire à la population
qu'il n'y a pas un autre espace économique sur l'ensemble de ce
continent qui a aussi bien résisté à l'averse en pleine
période de crise et qui s'est développé que le
périmètre du Québec, parce que bien gouverné, bien
géré et bien administré autant sur le plan
économique que sur le plan financier.
Nos amis d'en face, s'ils veulent jamais comprendre quoi que ce soit
à la gestion et au développement, devraient d'abord s'enlever de
la tête le vieux préjugé qu'il n'y a que les autres qui
peuvent nous développer, comme j'entendais le député de
Notre-Dame-de-Grâce le dire à la télévision, lors
d'une entrevue où il disait qu'il faut ouvrir les frontières et
que, notre développement repose sur le fait que les autres viendront
nous développer. Rien n'est plus faux. Cette théorie est fausse
au Québec comme ailleurs.
Dans le domaine linguistique comme dans le domaine social, comme dans le
domaine économique, il n'y a qu'une seule philosophie de
développement, c'est celle que nous avons pratiquée et qui est
dans le discours sur le budget. Pour bâtir le Québec, il vaut
mieux le faire, comme nous l'avons fait depuis quatre ans et demi, debout
plutôt qu'à genoux.
Dissolution de la Législature
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, si j'ai le
consentement et en vue du 13 avril prochain, pour la première fois, sauf
erreur, cette Assemblée nationale et aussi, grâce à la
télévision, nos concitoyens qui suivent les débats seront
les premiers au courant du message que M. le lieutenant-gouverneur a
signé tout à l'heure et que j'ai maintenant l'honneur de vous
remettre.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): J'espère que vous n'allez pas
nous enlever ce qu'on espère, M. le Président.
Le Président: Chers collègues, j'ai pris
connaissance de la proclamation du lieutenant-gouverneur. Ce message est
très simplement la proclamation en vertu de laquelle la 31e
Législature est maintenant dissoute.
Merci.
(Fin de la séance à 20 h 47)