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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Monday, June 16, 1980 - Vol. 21 N° 113

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures dix-sept minutes)

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Avis de la Commission de la fonction

publique sur le règlement modifiant le

règlement concernant la rémunération de

certains fonctionnaires

Conformément aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la fonction publique, je dépose l'avis de la Commission de la fonction publique au Conseil du trésor, sur le règlement modifiant le règlement concernant la rémunération, les avantages sociaux et autres conditions de travail de certains fonctionnaires.

M. le ministre de la Justice.

Rapport annuel de la Société québécoise d'information juridique

M. Bédard: M. le Président, je dépose le rapport annuel de la Société québécoise d'information juridique.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre de la Justice.

Rapport annuel de la Commission de police

M. Bédard: Avec votre permission, je dépose le rapport annuel de la Commission de police du Québec.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre d'Etat au Développement culturel.

Enoncé d'orientation et plan d'action pour

la mise en oeuvre d'une politique québécoise de la recherche scientifique

M. Laurin: M. le Président, à titre de ministre d'Etat au Développement culturel et scientifique, il me fait plaisir de déposer l'énoncé d'orientation et le plan d'action du gouvernement pour la mise en oeuvre d'une politique québécoise de la recherche scientifique dans son texte français et sa version anglaise qui, je l'espère, sera lue ces jours-ci par M. John Roberts.

Le Président: Document déposé. M. le leader parlementaire du gouvernement au nom de M. le ministre d'Etat à l'Aménagement.

Rapport annuel de l'OPDQ

M. Charron: M. le Président, au nom de mon collègue de l'Aménagement, je voudrais déposer le rapport annuel 1978-1979 de l'Office de planification et de développement du Québec.

Le Président: Rapport déposé.

M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

Rapport annuel de SOQUEM et rapport annuel de la SDBJ

M. Bérubé: M. le Président, j'aimerais déposer, à l'attention de l'Assemblée nationale, le rapport annuel pour l'année 1979-1980 de SOQUEM et également le rapport annuel de la Société de développement de la Baie James pour l'année 1979.

Le Président: Merci, rapport déposé. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Rapport annuel de la SGF

M. Duhaime: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel du groupe SGF.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôts de rapports de commissions élues. Vous en avez un autre, M. le ministre.

Rapport annuel du Centre de recherche industrielle

M. Duhaime: Oui, M. le Président, je voudrais déposer le rapport annuel 1979-1980 du Centre de recherche industrielle du Québec.

Le Président: Merci, rapport déposé.

Au dépôt de rapports de commissions élues. M. le député de Champlain. (15 h 20)

Audition de témoins et étude du projet de loi no 92

M. Gagnon: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dipositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente de la protection de l'environnement qui a siégé le 13 juin 1980 aux fins d'entendre les organismes intéressés par le projet de loi no 92, Loi sur la Société québécoise d'assainissement des eaux, puis a procédé à l'étude article par article dudit projet de loi, lequel a été adopté avec des amendements.

Le Président: Merci, M. le député de Champlain.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

M. le leader parlementaire du gouvernement, vous avez la parole.

Projet de loi concernant la ville de Chicoutimi

M. Charron: Oui, M. le Président, j'ai une note qui m'est remise par le greffier en loi qui m'indique que le projet de loi, qui porterait le no 268 et qui concerne la ville de Chicoutimi, est conforme à l'avis et l'avis est suffisant en nombre; toutefois, il a été déposé au secrétariat des commissions après le jour d'ouverture de la session. Il s'agit donc d'une première dérogation que je dois demander; de même, la publication des avis entourant ce projet de loi a débuté, m'informe-ton, le 7 juin 1980 et se continue actuellement. Les autorités municipales de la ville de Chicoutimi souhaitent quand même que ce projet de loi soit adopté avant même la fin du processus de publication des avis parce qu'il serait important qu'il le soit avant la prorogation de cette session.

Je fais donc motion pour que ces deux dérogations soient permises.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président: Adopté.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le leader parlementaire.

M. Charron: Je vous prierais d'appeler le projet de loi qui paraît à l'article c) du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi no 108 Première lecture

Le Président: M. le ministre de la Fonction publique propose la première lecture du projet de loi no 108, Loi modifiant la Loi sur le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, la Loi sur le Régime de retraite des enseignants et la Loi sur le Régime de retraite des fonctionnaires.

M. le ministre de la Fonction publique.

M. François Gendron

M. Gendron: Ce projet de loi propose des modifications à la Loi sur le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, à la Loi sur le Régime de retraite des enseignants et à la Loi sur le Régime de retraite des fonctionnaires pour donner suite à la dernière ronde des négociations dans les secteurs public et parapublic. Il a notamment pour objet d'octroyer aux syndiqués une participation au sein de la commission administrative du Régime de retraite en portant le nombre de membres de cette commission de sept à douze, d'introduire un mécanisme de nomination par le gouvernement d'un actuaire-conseil qui devra se prononcer sur la pertinence des hypothèses utilisées par la commission lors des évaluations actuarielles du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, de prévoir qu'un employé puisse prendre sa retraite dès l'âge de 60 ans selon les modalités de réductions actuarielles prévues à la loi, de prolonger jusqu'au 30 juin 1981 la possibilité pour un employé assujetti au Régime de retraite des enseignants ou au Régime de retraite des fonctionnaires de demander d'être assujetti au régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics et, enfin, de prolonger jusqu'au 31 juin 1982 la possibilité pour un employé assujetti au régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics de racheter du service antérieur non contribué.

Le Président: Merci. Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je voudrais solliciter le consentement pour avoir la permission de déposer deux projets de loi qui figurent en appendice actuellement, celui qui est au nom du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, ainsi que celui qui est au nom du ministre des Affaires municipales.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, avant d'aborder la question du consentement, puis-je demander au leader parlementaire du gouvernement quelles sont les intentions du gouvernement relativement au projet de loi que vient de déposer en première lecture le ministre de la Fonction publique?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Bien sûr, M. le Président. Ce que je souhaite, c'est que l'Opposition puisse, dans les heures à venir, prendre connaissance de ce projet de loi et je m'engage, à ce moment-là seulement — et je ne peux pas le faire tant que le projet de loi n'est pas public — à m'entendre avec elle pour ou obtenir son consentement pour l'adopter

avant la fin de la présente session ou alors le laisser tout simplement au feuilleton. Mais, comme le député en conviendra, il s'agit d'un projet de loi très technique et qui en modifie d'autres. Je crois qu'il faut le temps de le regarder et mesurer la conséquence des modifications qui sont annoncées à cet endroit.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je n'ai aucune objection à ce que nous déposions, afin d'en prendre connaissance, certains projets de loi qui sont prêts. Par contre, je suis un peu étonné, pour dire le moins, que lors de la réunion des leaders, la semaine dernière, c'était jeudi dernier, on n'ait pas indiqué les intentions du gouvernement par rapport à certains projets de loi qui nous arrivent un peu par surprise aujourd'hui. C'est le cas du projet de loi que je viens d'évoquer, comme c'est le cas d'au moins un des deux projets de loi que l'on retrouve en appendice.

Alors, pour résumer, nous désirons offrir notre collaboration dans le sens suivant: nous allons permettre au gouvernement de déposer les projets de loi mais on comprendra qu'à ce moment-ci nous ne voudrions pas disposer de ces projets de loi à la vapeur, à la toute dernière minute. Nous devrions cependant être en mesure de communiquer avec le leader parlementaire du gouvernement une fois que nous aurons pris connaissance de ces projets de loi.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: C'est aussi ce que je souhaite, M. le Président. C'est pour cette raison qu'avant de nous rendre une décision finale, mieux vaut prendre connaissance des projets de loi eux-mêmes. Je remercie l'Opposition de consentir qu'on dépose ces projets de loi. Alors, le projet de loi au nom du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, M. le Président.

Projet de loi no 109 Première lecture

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre propose la première lecture du projet de loi no 109, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et concernant la représentativité de certaines associations représentatives.

M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: M. le Président, le projet de loi 109 vise à ajouter une nouvelle association à celles qui ont droit de se faire reconnaître comme associations représentatives lors d'un vote d'allégeance syndicale des salariés tenu conformément à la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction. Ce projet prévoit en outre, comme mesure transitoire, la tenue d'un scrutin secret parmi les salariés actuellement représentés par des associations affiliées au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction, en vue de déterminer, jusqu'au prochain vote d'adhésion syndicale prévu à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, la représentativité du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et de la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ-Construction. Ce scrutin sera tenu par les associations affiliées sous la surveillance de l'Office de la construction du Québec.

L'Office de la construction du Québec établira ensuite la représentativité du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction et la Fédération des travailleurs du Québec, FTQ-Construction, en répartissant le degré de représentativité actuellement attribué au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction sur la base de la majorité obtenue au sein de chacune des associations affiliées lors de ce scrutin. L'office délivrera ensuite, sur la même base, à chaque salarié concerné, une carte indiquant son adhésion syndicale.

Le Président: Cette motion de première lecture sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Le projet de loi au nom du ministre des Affaires municipales, M. le Président.

Projet de loi no 112 Première lecture

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales propose la première lecture du projet de loi no 112, Loi concernant la Communauté urbaine de Montréal.

M. le ministre des Affaires municipales.

M. Guy Tardif

M. Tardif: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le projet de loi 112, Loi concernant la Communauté urbaine de Montréal.

En résumé, ce projet de loi précise le pouvoir que possède actuellement la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal d'acquérir le capital-actions ou les biens des compagnies Métropolitain Provincial (1967) Inc. et Autobus Trans-Urbain Inc., en lui permettant notamment de n'acquérir qu'une partie des biens de cette dernière. Il prévoit également les modalités d'intégration à la Commission de transports de la

Communauté urbaine de Montréal des employés de ces compagnies qui pourraient être touchés par l'acquisition éventuelle de celles-ci par la commission.

Par ailleurs, ce projet de loi remplace l'actuel Conseil des arts de la région métropolitaine de Montréal par un nouveau Conseil des arts qui relèvera, cette fois, de l'autorité de la Communauté urbaine de Montréal plutôt que de la ville de Montréal. Ce nouveau conseil aura essentiellement les mêmes pouvoirs et attributions que son prédécesseur. (15 h 30)

Ce projet accorde à la communauté urbaine le pouvoir de constituer une compagnie en vertu de la nouvelle partie IA de la Loi sur les compagnies. L'activité principale de cette compagnie sera de fournir à autrui des services que la communauté est elle-même autorisée à fournir en matière de construction, d'opération, de surveillance et d'administration de système de transport en commun.

Enfin, ce projet de loi propose de clarifier certains pouvoirs du secrétaire de la Communauté urbaine de Montréal à l'égard d'une municipalité sise sur le territoire de la communauté.

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Les projets de loi au nom des députés, M. le Président.

Le Président: Présentation de projets de loi au nom des députés.

M. Charron: L'article e) du feuilleton.

Projet de loi no 208 Première lecture

Le Président: M. le député de Dubuc propose la première lecture du projet de loi privé no 268, Loi concernant la ville de Chicoutimi.

Des Voix: BravoI

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: L'article f) du feuilleton, M. le Président, s'il vous plaît!

Le Président: Puis-je vous suggérer une motion de renvoi?

Renvoi à la commission des affaires municipales

M. Charron: Oui, M. le Président. Le projet de loi qu'on vient d'adopter en première lecture, puis-je faire motion pour en déférer l'étude à la commission des affaires municipales, s'il vous plaît?

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président: Adopté. M. Charron: L'article f) du feuilleton.

Projet de loi no 187 Première lecture

Le Président: M. le député de Laprairie propose la première lecture du projet de loi no 187, Loi concernant BNP Canada Ltd. Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Renvoi à la commission des consommateurs, coopératives et institutions financières

M. Charron: Ce projet de loi pourrait-il être déféré à la commission parlementaire des consommateurs, coopératives et institutions financières, M. le Président?

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

Le Président: Adopté.

Temps des questions orales.

M. le chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

La politique constitutionnelle du gouvernement

M. Ryan: M. le Président, ma question fait suite à la réunion du Conseil national du Parti québécois qui a eu lieu samedi dernier. Depuis que le référendum a clairement établi qu'une solide majorité de la population québécoise veut que le

Québec continue à se développer à l'intérieur du cadre fédéral, nous essayons de savoir ce que sera la politique du chef du gouvernement, suite à ce référendum. On pensait qu'à l'occasion du conseil national de son parti, tenu en fin de semaine, on obtiendrait certaines précisions. Tout ce qu'on constate, en prenant connaissance d'une déclaration qui a été soumise au conseil national du Parti québécois par l'exécutif du parti et adoptée par le conseil national, est que dans le texte, à huit endroits différents, le conseil national réaffirme, avec force, que la voie de la souveraineté-association est la seule que ce parti-là soit intéressé à rechercher comme voie d'avenir pour le Québec.

On dit, par exemple, dès le début: "Nous entendons donc poursuivre notre action, en tant que parti, dans la voie unique de cette perspective." Plus loin: "La démocratie commande que nous persévérions avec toutes nos énergies dans la voie de la souveraineté-association qui nous est essentielle et si chère." Plus loin: "Le conseil national proclame et reste convaincu, à la lumière, d'ailleurs, de la campagne référendaire — c'est étonnant, mais ça ne fait rien — qu'il n'y a d'avenir réel pour le Québec et pour le Canada que dans une formule politique conforme à la souveraineté-association." On continue comme ça. Il y en a quatre ou cinq autres du même genre.

Cela crée un climat d'ambiguïté et d'équivoque politique au Québec, qui commence à laisser beaucoup de monde perplexe. Je voudrais demander au premier ministre aujourd'hui s'il entend continuer à se promener avec deux chapeaux différents: le chapeau du souverainiste plus ou moins repentant ou résigné qui accepte, suite à un référendum qu'on recherche loyalement et activement, le renouvellement du fédéralisme canadien, et celui du chef de parti qui, lorsqu'il va retrouver ses troupes, leur présente un texte comme celui-ci, l'endosse avec elles, et s'engage lui-même, comme les autres personnes présentes, j'imagine, puisque ceci a été adopté à l'unanimité, à poursuivre avec toutes ses énergies, dans la voie unique de cette perspective péquiste, l'avenir politique du Québec.

Je ne sais pas combien de temps le premier ministre entend essayer d'installer le Québec dans un climat de contradictions et d'ambiguïté comme celui-là.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ferais remarquer au chef de l'Opposition, d'abord, que si j'ai bien suivi les comptes rendus de sa conférence de presse, reportée pendant deux jours, la semaine dernière, il y a une certaine incertitude dans la démarche politique, un peu partout, y compris chez nos amis d'en face, de ce temps-ci. Tout ce que je voudrais ajouter, c'est ceci: si le chef de l'Opposition, qui a déjà été victime des citations tronquées, s'était donné la peine — je pense qu'il a dû se donner la peine — de lire toute cette déclaration qui était celle de notre conseil national de parti, il aurait vu que cette dé- claration, comme il dit, adoptée à l'unanimité, appuie également la démarche du gouvernement que j'ai annoncée, c'est-à-dire de poursuivre de bonne foi...

Avec le livre beige vous avez deux, trois chapeaux incertains aussi et vous ne savez pas exactement où vous allez avec cela. Ce que je veux dire, c'est ceci: C'est qu'on a annoncé à plusieurs reprises, et c'est ratifié également par cette décision qui a été votée à notre conseil national, qu'on poursuivrait les négociations de bonne foi dans le cadre que les électeurs nous ont imposé le 20 mai dernier. D'autre part, cela répète peut-être aussi ce que j'ai déjà dit, c'est que l'option politique de notre parti est une option légitime qui n'a pas de raison de se cacher nulle part et qu'il n'y a pas de raison non plus d'en changer.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Le premier ministre dit que dans la déclaration adoptée en fin de semaine on fait aussi mention de cette volonté du gouvernement de chercher, tant qu'on est dans le régime fédéral à négocier. Inutile de dire que cela passe vite dans la déclaration comme une petite remarque de passage pour souligner — écoutez l'expression, M. le Président — qu'une fraction importante de l'électorat a tenu à donner au fédéralisme canadien une chance supplémentaire. Une fraction importante, c'est une majorité importante, pas une fraction, M. le Président.

Plus loin, il y a une chose qui est bien claire dans tout ce qu'a dit le premier ministre en fin de semaine, c'est son attachement au pouvoir. Cela il l'a dit bien clairement. Il a dit qu'il était pour se battre. Le goût du pouvoir, il a dit qu'il était pour le donner à ses troupes. Je demande une chose au premier ministre, qui a affirmé également qu'il est convaincu que son parti est le seul capable de défendre une option à laquelle il ne croit pas. Je lui demande de nous dire quand il va donner au public du Québec, aux citoyens de cette société la chance de se prononcer sur le parti qui est le plus apte à agir conformément à la volonté exprimée par la population le 20 mai.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, j'ai parlé du goût du pouvoir, M. le Président, c'est vrai, en évoquant ce qui est au fond la règle de la démocratie, c'est que tout parti sérieux qui fait de l'action politique et qui a les assises d'un parti reconnu, à plus forte raison s'il est un parti ministériel, doit non pas avoir spécialement, passionnément le goût du pouvoir, mais il doit avoir en tout cas très fort le goût de la lutte démocratique pour voir si on peut donner des choix convenables aux citoyens. Pour ce qui est du goût du pouvoir passionné, la façon dont le chef de l'Opposition a terminé sa question donne l'impression qu'il devrait se regarder un petit peu parce que c'était vraiment quelque chose de presque

passionnel. Je comprends cette nostalgie et je crois aussi qu'en temps et lieu on aura l'occasion de voir qui peut le mieux, soit les gens de ce côté-ci, soit les gens d'en face, soit d'autres formations de l'Opposition, dans le jugement des citoyens décider de la défense, enfin, encadrer la défense des intérêts du Québec et le progrès de la société. Pour ce qui est de la date, puisque la question avec laquelle le chef de l'Opposition a terminé sa dernière intervention, était extrêmement émotive, j'ai été obligé de redire en fin de semaine ce que j'ai dit déjà à quelques reprises, qu'il est impossible de dire quant à moi, en tout cas, pour l'instant, si ces élections générales viendront en 1980 ou en 1981. De toute façon, ce que j'ai simplement souligné, c'est qu'en fonction de cette règle démocratique qui est de se préparer le mieux possible pour aller porter aux citoyens les meilleures options possible, il faut commencer à se préparer le plus vite possible. Je n'apprendrai rien à personne en cette Chambre.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je signalerai d'abord au premier ministre que depuis le référendum l'Opposition officielle a fait preuve d'une grande modération et d'une grande retenue dans l'interprétation des résultats. Je ferai un aveu au premier ministre, c'est vrai que je suis passionné quand je vois que dans un comté comme celui de Johnson il y a une vacance depuis six mois. Le premier ministre nous a promis à combien de reprises au cours des dernières années qu'on ne traînerait pas pour combler ces vacances? Cela traîne encore. Nous n'avons aucune espèce d'indication quant au délai qui devra continuer d'intervenir avant que ces gens soient représentés. Je pense que si nous n'avions pas un peu de passion quand nous évoquons des situations comme celle-là qui font voir le gouvernement en pleine contradiction avec les déclarations antérieures de son chef, ce serait qu'on n'a pas de conscience. (15 h 40)

Maintenant, je reviens au premier ministre avec ma première question à laquelle il n'a pas du tout répondu: Combien de temps va-t-il continuer à se promener dans la province de Québec et à travers le pays, éventuellement, avec deux chapeaux sur la tête? Lequel utilisera-t-il, quand, et dans quelle situation?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Pour ce qui est du comté de Johnson et aussi des autres qui sont vacants depuis quatre à six mois, je croyais que l'Opposition avec la modération et la retenue que le chef de l'Opposition vient de souligner avait quand même accepté la logique fondamentale de la raison pour laquelle on veut attendre un peu. C'est qu'après trois élections ou trois consultations générales en moins d'un an, il nous a paru logique de ne pas précipiter des élections au mois de juin ou au mois de juillet, mais cette fois-ci d'attendre avec la garantie que j'ai donnée au chef de l'Opposition qui est que ces comtés et peut-être d'autres si on dégarnit d'autres banquettes en face, ces comtés et d'autres éventuellement auront des représentants à l'Assemblée nationale pour la prochaine session de l'Assemblée nationale.

Maintenant, pour ce qui est du retour du chef de l'Opposition sur sa première question, je dois dire ceci, et je me contenterai de le répéter: L'option que véhicule notre parti depuis treize ans est une option légitime qui n'a pas été acceptée ni sous forme de mandat, ni sur le fond, je crois bien, jusqu'à nouvel ordre en tout cas, par l'électorat québécois majoritairement. Partant de là, elle demeure légitime, elle peut demeurer et, quant à moi, elle va demeurer, si tout le monde est d'accord — on était d'accord en fin de semaine — l'option fondamentale de notre action politique comme parti.

D'autre part — je l'ai déjà dit — des gens qui demandent le plus ont peut-être des chances de mieux défendre les intérêts du Québec dans le contexte actuel que des gens qui commencent par en demander moins. Je ne vous ferai pas de dessin.

Pour ce qui est des négociations qui s'engagent à nouveau, non seulement en commission parlementaire, mais aussi avec tous les rapports qu'on fera périodiquement de ce qui se passe, l'Opposition, comme d'ailleurs tous les citoyens, pourront juger de notre bonne foi; on s'est engagé à les faire de bonne foi et on va les faire de bonne foi.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre vient de dire qu'il demande le plus. C'est justement, est-ce que le premier ministre se rend compte que la décision rendue par le peuple le 20 mai dernier, c'est justement non à ce plus-là? Deuxièmement, c'est un non à la souveraineté-association.

Est-ce que le premier ministre se rend compte dans quelle situation il se trouve, lui et son gouvernement présentement? Est-ce qu'il se rend compte que dans un autre Parlement, simplement pour avoir voulu augmenter de $0.18 le gallon le pétrole, le gouvernement a été renversé par la Chambre et il a dû aller aux élections. Présentement, on a devant nous un gouvernement qui n'a pas été renversé par la Chambre, il a été renversé par la population du Québec qui lui a donné un vote de non-confiance sur l'élément essentiel de sa politique. Comment peut-il aujourd'hui, le premier ministre de ce gouvernement, se prétendre le chef négociateur d'une option qu'on a rejetée et qu'on continue de rejeter?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je dois dire d'abord que je regrette, pour le député de Bonaventure, que sa passion à lui aussi, dont je connais d'ail-

leurs l'intensité depuis longtemps, l'ait amené à oublier la règle fondamentale d'un gouvernement ou d'un Parlement dans un régime parlementaire qui est que tant que la confiance de la Chambre existe, la confiance de la Chambre existe.

Deuxièmement, je rappellerai aussi à nos amis d'en face...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon):... à commencer par le député d'Argenteuil lui-même, Dieu sait à quel point ils se sont acharnés tant qu'ils n'étaient pas sûrs à dire: Ce qui compte, ce n'est pas le référendum, ce sont les élections. Le jupon a dépassé pendant si longtemps. Troisièmement, je dirai ceci. C'est vrai que dans un référendum, si on n'obtient pas le mandat qu'on demandait, on n'a pas le droit de poursuivre, comme gouvernement, dans cette ligne-là, mais je répète pour la nième fois — je peux bien le répéter souvent parce que cela vient de la plus profonde conviction et de l'action politique que j'ai faite et de notre parti — qu'on va maintenir notre option légitime qui, peut-être un jour, deviendra pour tout le monde une branche du choix à laquelle on reviendra, mais entre-temps, on va faire de bonne foi le travail que les électeurs, au référendum, nous ont confié jusqu'à nouvel ordre.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent. Les travaux de la commission Keable

M. Forget: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Vendredi matin, la commission parlementaire de la Justice a débattu, pendant près de deux heures, ce qu'il faut appeler l'affaire Keable. La discussion qui s'est déroulée en commission parlementaire a fait ressortir des oublis, à moins qu'il ne s'agisse d'omissions volontaires, troublants de la commission d'enquête dans la poursuite de son mandat et, en outre, elle a fait ressortir également des comportements sans précédent et — il faut bien le dire — scandaleux de la part de son président.

Est-ce que le ministre de la Justice n'est pas d'avis que le temps est venu pour lui de réviser non pas surtout le mandat de cette commission mais l'opportunité de laisser M. Keable continuer à en assumer la présidence?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le président, tout d'abord, il n'y a pas d'affaire Keable. Il y a une commission Keable qui est une commission indépendante, qui a toute latitude pour la poursuite de ses travaux et des règlements qui doivent être suivis dans la poursuite même de ces travaux et qui, à un moment donné, aura à tirer les conclusions.

Ce qu'a évoqué le député de Saint-Laurent en commission parlementaire n'était en aucune façon des oublis troublants. Le député s'est interrogé sur certains des aspects des travaux de la com- mission Keable qui, à l'heure actuelle, on le sait, est paralysée par des procédures, judiciaires qui sont devant la Cour d'appel. Lorsque ces procédures judiciaires seront terminées, à ce moment-là, la commission Keable pourra continuer ses travaux.

Les interrogations du député de Saint-Laurent... Je l'inviterais peut-être à un respect un peu plus grand de ce qu'est le processus judiciaire que représentent les commissions d'enquête, ce qui fait que celles-ci ont toute la latitude et doivent avoir les possibilités de mener à bien leur enquête... Lorsque cette commission d'enquête tirera ses conclusions, à ce moment-là, tant du côté gouvernemental que du côté de l'Opposition, chacun pourra y aller de son appréciation concernant les travaux ou les conclusions de cette commission.

Pour ce qui est de ce que qualifiait tout à l'heure le député de Saint-Laurent de conduite inacceptable du commissaire Keable, M. le Président, encore là, c'est vraiment y aller d'insinuations qui, à mon sens, sont inacceptables puisque l'essentiel des questions du député de Saint-Laurent tournait autour de certaines dépenses qui ont été effectuées dans le cours des travaux de cette commission aux fins d'interrogatoires d'un témoin principal dans le cours du huis clos normal de cette commission. Les détails — il n'y a tellement rien de secret là-dedans, M. le Président — ces dépenses auxquelles se référait le député de Saint-Laurent ont été dûment approuvées par le Conseil du trésor et sont conformes aux règles de la fonction publique et la demande de renseignements additionnels qui m'a été faite par le député de Saint-Laurent vendredi, je m'en suis occupé et dès aujourd'hui nous sommes en mesure de déposer en cette Chambre les renseignements ou les détails additionnels qui étaient demandés concernant ces dépenses qui, on sera à même de le constater, sont tout à fait justifiées dans le cadre d'une commission d'enquête telle que la commission Keable ou toute autre commission. Il n'y a aucune cachette là-dedans et je dépose les renseignements demandés. S'il y a d'autres interrogations additionnelles, c'est avec grand plaisir que je répondrai, M. le Président. (15 h 50)

Le Président: Y a-t-il consentement au dépôt?

M. Forget: Consentement.

Le Président: II y a consentement. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, tant mieux si le ministre a enfin, à la suite de deux heures de questions et de débats, consenti à être plus candide et à présenter tous les faits. Nous examinerons avec soin...

M. Bédard: Question de privilège, M. le Président!

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: II me semble, M. le Président, qu'il y a dans notre règlement un article 168, je crois, qui ne permet pas à un collègue d'y aller d'imputation de motifs. Je sais que c'est un article que ne connaît pas ou qu'ignore continuellement le député de Saint-Laurent. Je ne lui en ferai grief en aucune façon, mais il vient de le faire encore une fois, M. le Président. Puisque le député de Saint-Laurent parle d'attitude candide, en aucune façon il n'y a quelque attitude candide que ce soit. On nous a demandé des renseignements qui étaient, je pense, suffisamment détaillés et il nous fallait au moins un certain délai pour les fournir. Je les fournis à la première occasion, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je parcours rapidement ces données et ce que l'on peut remarquer de ces données, c'est qu'elles sont très concises. Elles ne contiennent guère autre chose que ce que nous avons nous-même souligné à l'attention du ministre à partir des ordres de paiement qu'il a signés, mais dont il avait eu garde de nous parler avant qu'on ne les découvre nous-mêmes.

M. Bédard: M. le Président, une autre question de privilège!

M. Lavoie: Qu'y a-t-il? Un instant! M. Forget: M. le Président... Le Président: Bon, bon!

M. Bédard: Je n'accepte pas que le député de Saint-Laurent fasse toutes sortes d'allusions...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il s'agit d'une période de questions.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de la Justice! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de la Justice, vous aurez votre temps pour répondre à M. le député de Saint-Laurent. Je vous suggère de vous conformer aux dispositions de notre règlement. Je vous signale que la présidence a toujours été généreuse avec les préambules, notamment pour la première question, mais quand on est à la deuxième et à la troisième, c'est différent.

M. Bédard: M. le Président, je tiens à ma question de privilège parce que le député de Saint-Laurent laisse entendre, encore une fois, dans son préambule à sa sous-question, que le ministre de la Justice a caché quelque chose. Il n'en est pas question. Nous n'avons absolument rien caché concernant les interrogations que pouvaient se faire les membres de l'Opposition. Au contraire. Je l'ai dit, toute la procédure a été faite selon les règles de la fonction publique. Des explications nous ont été demandées en commission parlementaire et je les fournis à la première occasion. J'ai dit tout à l'heure que si le député de

Saint-Laurent voulait d'autres renseignements additionnels, c'est avec plaisir que je lui répondrais.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je sais que le ministre va probablement faire d'autres questions de privilège, mais j'espère avoir au moins le loisir de compléter mes questions. Vous aurez l'occasion de répondre.

J'ai des raisons sérieuses de croire, M. le Président, que les données que le ministre vient de déposer sont concises au point de déguiser la vérité et je me demande si le ministre qui a signé des ordres de paiement, qui a autorisé ces dépenses à titre de responsable du ministère de la Justice, n'accepterait pas de se raviser et de nous donner, comme nous l'avons demandé en commission parlementaire, le tableau complet de ce qui s'est fait, le tableau complet des dépenses qui ont été encourues relativement au témoignage de Mme Devault.

Le tableau qu'on vient de nous remettre n'est pas un tableau complet. Je crois que le ministre de la Justice, au lieu de se réfugier derrière la prétention d'indépendance de cette commission d'enquête — une commission qu'il prolonge de trois mois en trois mois lorsqu'il reçoit les rapports d'étape — devrait plutôt se rendre compte que sa responsabilité et celle de ses collègues sont liées par le comportement inacceptable auquel le président de la commission se livre et auquel lui-même se livre en signant ces ordres de paiement. Le ministre n'est-il pas prêt à faire toute la lumière sur une situation inacceptable et scandaleuse?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, le député de Saint-Laurent sait très bien qu'il fait une utilisation abusive des adjectifs concernant l'ensemble de sa question, parce qu'il n'y a absolument rien d'inacceptable ou de scandaleux concernant les ordres de dépenses qui ont été signés par moi concernant la commission Keable, des dépenses effectuées soit par le commissaire Keable ou encore par le témoin ou le procureur qui assistait toujours le commissaire Keable lors des rencontres qu'ils ont eues avec le témoin important. Au contraire, ces dépenses ont été signées comme cela va de soi. J'espère que le député de Saint-Laurent ne veut pas aller jusqu'à insinuer qu'un ministre de la Justice pourrait, à partir de l'acceptation ou de la non-acceptation des dépenses, essayer d'influencer directement ou indirectement le comportement d'une commission, tant au niveau des méthodes de travail qu'au niveau des conclusions auxquelles cette commission pourrait en venir, à un moment donné. Alors, ces ordres de paiement ont été dûment acceptés par le Conseil du trésor parce qu'ils représentaient des dépenses qui ont été effectivement faites et qui devaient être payées selon les règles de la fonction publique.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, une dernière question.

M. Forget: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre de la Justice n'est pas d'accord que, de toute manière, qu'il signe ou qu'il ne signe pas des ordres de paiement, chaque fois, il doit porter un jugement sur la façon dont la commission exerce ses responsabilités et qu'en choisissant, comme il le fait maintenant, d'accepter sans condition toutes les dépenses et toutes les façons de procéder de la commission, de se prêter à toutes les manoeuvres de cette commission, y compris, dans un autre ordre d'idées, le chantage auquel la commission s'est livrée face à certains témoins, en refusant à certains la protection de la police et en donnant à d'autres la protection policière, le ministre de la Justice ne se rend-il pas compte qu'il devient, à ce moment-là, le complice de méthodes d'activité et de méthodes d'enquête absolument inacceptables?

M. Bédard: M. le Président.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Cela n'a aucun sens, ce que dit le député de Saint-Laurent. Il me semble, M. le Président, qu'il y a quand même un article dans notre règlement qui fait qu'il faut traiter des sujets concernant les commissions d'enquête ou des sujets qui sont sous enquête avec... Cela ne veut pas dire de ne pas en parler. Je suis très à l'aise, que le député de Saint-Laurent en parle et je suis toujours là pour répondre aux questions, mais il faut quand même le faire avec une certaine déférence par rapport aux enquêtes qui sont en cours, par rapport aux tribunaux ou par rapport aux commissaires qui ont à effectuer un travail d'enquête qui n'est pas facile. On sait que le travail d'enquête de la commission Keable, qui a justement à enquêter sur des actes criminels prétendument commis par des policiers, est un travail extrêmement difficile parce que la commission d'enquête, son commissaire et ses procureurs ne peuvent compter sur la collaboration constante de tous les policiers, de tous les corps policiers au niveau de cette enquête.

C'est une enquête de toute première importance, M. le Président, puisque les actions policières constituent un des éléments importants lorsqu'il s'agit de parler, mais véritablement, de la défense des droits et libertés individuels. Alors, les travaux de la commission Keable et de son commissaire sont extrêmement difficiles. Le député de Saint-Laurent sait cela. A l'heure actuelle, je ne comprends vraiment pas son comportement inacceptable de se faire, d'une certaine façon, l'écho — je ne dirais pas le complice — de personnes qui non seulement n'ont pas aidé les travaux de la commission Keable, mais qui ont tout fait pour essayer d'entraver les travaux de la commission Keable, entre autres, les deux personnes auxquelles se réfère le député de Saint-Laurent.

Si ces personnes n'ont pas eu la protection, c'est qu'elles n'ont jamais accepté de collaborer avec la commission Keable aux fins de savoir la vérité. La société a le droit de savoir la vérité sur des agissements de ces policiers, surtout lorsqu'on parle, à un moment donné, d'actes criminels prétendument commis. Ces personnes n'ont pas eu la protection policière, premièrement, parce qu'elles n'ont pas voulu collaborer avec la commission Keable et, deuxièmement, parce qu'elles ne l'ont demandée en aucune façon. Lorsque la protection a été accordée au témoin Devault, c'est à la suite de la demande faite par la commission et les commissaires. Cette protection s'imposait.

Je rappelle le député de Saint-Laurent a un minimum de sens des responsabilités. Il devrait savoir qu'un témoin, pas seulement à la commission Keable, mais également quand il s'agit du crime organisé — à toute occasion, lorsqu'il s'agit d'aller au fond des choses — qui décide de se mettre à table est un témoin qui risque gros et qui est en butte à bien des chantages auxquels se réfère le député de Saint-Laurent et à bien des risques souvent même pour sa sécurité, la sécurité de sa vie. Le député de Saint-Laurent devrait être un peu plus respectueux de ce processus et un peu plus responsable.

Des Voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M. le député de Saint-Laurent.

M. Charbonneau: Question additionnelle, M. le Président.

M. Forget: M. le Président.

Une Voix: Consentement. (16 heures)

M. Forget: M. le Président, le ministre de la Justice m'impute abondamment — ça fait peut-être cinq ou six fois, mais, finalement, je vais intervenir parce que c'est un procédé qui est disgracieux et qui se répète — toutes sortes de sentiments ou une absence de sens des responsabilités. Or, M. le Président, je crois qu'il n'est pas irresponsable, soit pour le ministre de la Justice ou pour le critique de l'Opposition, de soulever un problème, le problème qui se pose lorsque, de propos délibéré, le président d'une commission d'enquête, en prenant l'initiative de dévoiler ce qu'il assume être le statut d'informateur de police d'un témoin non coopératif, le prive de protection policière. A ce moment, il le condamne effectivement, sans l'entendre et sans lui permettre de se défendre.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Bédard: M. le député de Saint-Laurent sait très bien qu'il n'est pas question, en aucune façon...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: M. le Président, je peux répondre?

Le Président: Très brièvement, s'il vous plaît, M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Le député de Saint-Laurent sait très bien, tout en essayant de se justifier que le témoin auquel il se réfère ne fait l'objet d'aucune menace à l'heure actuelle. S'il avait voulu demander la protection policière, il n'avait qu'à le faire et, à ce moment, elle lui aurait été accordée. Mais, M. le Président, de là à ce qu'une commission d'enquête prenne l'initiative pour accorder une protection policière à des gens qui non seulement ne veulent pas collaborer avec la justice, mais qui veulent entraver le cours de la justice, je pense que le député de Saint-Laurent devrait être assez responsable pour ne pas cautionner une telle attitude.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

Le rapatriement de la constitution

M. Le Moignan: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales. On peut lire dans les journaux de fin de semaine un titre comme celui-ci: "Le "brouillon" peut être amélioré, reconnaît Trudeau". M. Trudeau ajoute: "C'est pourquoi nous nous sommes donné plusieurs semaines au cours desquelles le ministre de la Justice et ses collègues vont essayer d'améliorer ce brouillon." La question que je voudrais poser au ministre étant donné qu'il doit agir, comme il l'a prétendu, lui, et ses collègues, en bon gouvernement soucieux de défendre l'autonomie du Québec, comme tous les gouvernements antérieurs l'ont fait, surtout l'Union Nationale, est la suivante: Est-il dans son intention de prendre l'offensive et cela, dès demain, le 17 juin, pour exiger comme une des premières modifications à faire qu'on enlève de la liste des points soumis par le premier ministre du Canada la question du rapatriement de la constitution, qui, de l'avis de tous les partis politiques en cette Chambre, devrait être la dernière des choses à discuter, pour la raison que ça implique, dans son essence même, une formule de rapatriement? Il ne s'agit pas de l'enlever; il s'agirait peut-être de la placer la dernière sur la liste parce que je pense qu'il y a d'autres choses plus importantes. Je voudrais savoir si c'est l'intention ferme du ministre de travailler dans ce sens-là.

Le Président: M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Effectivement, demain, nous aurons, à Ottawa, la première d'une série de réunions qui vont se continuer une bonne partie de l'été. Au cours de cette réunion, le travail va surtout consister à établir, justement, l'échéancier et les séries de sujets qui vont être abordés d'une fois à l'autre. C'est donc dire qu'au moment où je vous parle je ne sais pas à quel moment pendant l'été viendra tel ou tel point qui a été retenu à l'ordre du jour suggéré la semaine dernière par le premier ministre du Canada.

Effectivement, il y a un de ces points à l'ordre du jour qui s'appelle rapatriement. En ce qui concerne le rapatriement, je connais l'opinion de l'Union Nationale et, bien sûr, je connais celle du gouvernement. Je connais maintenant aussi celle du Parti libéral, telle qu'elle a été exprimée la semaine dernière et j'en ai déduit — j'aimerais, si je me trompe, qu'on me corrige, parce que j'ai l'intention d'en faire état — que pour personne ici, dans cette Chambre, il ne s'agissait d'une priorité telle qu'elle doive venir avant que d'autres sujets aient été clarifiés et avant qu'il y ait eu entente sur d'autres sujets. Donc, j'en ai conclu que le rapatriement est une question qui doit venir après les autres, en dernier lieu. J'avais l'intention de le signaler demain, au cours de cette réunion, ne serait-ce qu'en passant, puisqu'encore une fois, demain, ce n'est pas chacun des sujets qui sont pris les uns après les autres; c'est simplement la liste des sujets qui viendront au cours de l'été. Mais j'avais l'intention de le faire, ayant compris qu'il n'y a personne ici qui était d'accord pour qu'on mette comme priorité le rapatriement de la constitution; pas parce que le rapatriement cause en soi un problème, mais à cause du symbole que cela représente et à cause aussi des conséquences que cela pouvait avoir sur l'ensemble de la révision constitutionnelle, si on commençait, en quelque sorte, par la queue.

J'avais l'intention, j'espère ne pas me tromper, de m'appuyer sur ce qui m'a paru être, jusqu'à maintenant, une sorte de façon unanime de voir les choses, au moins quant à cette question, pour en faire état demain. De la même façon, si vous me permettez de compléter, que j'ai compris qu'il n'y avait personne qui s'opposait ici, à l'Assemblée nationale du Québec, au fait qu'il existe au Québec une société ou une communauté nationale distincte qui a son droit à l'autodétermination, j'ai l'intention, l'occasion s'en présentant, — d'ailleurs je pense qu'il s'en doute un peu, il en a été fait mention dans les journaux et autrement — j'ai l'intention, en passant, de mentionner que, pour nous, il s'agit là cependant d'une priorité qui doit, s'il doit être amélioré, faire partie des corrections que M. Trudeau peut apporter à son brouillon.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: Question additionnelle, M. le Président. A la suite d'une entrevue ou à une émission radiophonique donnée par le premier ministre du Canada à une station française, je voudrais savoir du ministre s'il croit, lui, — ce n'est pas une question d'opinion, quand on analyse les gestes du gouvernement du Canada — que le gouvernement fédéral semble avoir l'intention de se servir de cette question du rapatriement pour créer cet affrontement majeur entre le gouvernement fédéral et aussi entre les partis politiques du Québec, à un tel point qu'avant même les discussions on fasse brandir la menace d'un référendum canadien si on ne réussit pas à s'entendre entre le Québec et le fédéral?

Le Président: M. le ministre des Affaires intergouvemementales.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je n'ai pas entendu cette émission de télévision ou de radio du premier ministre du Canada. J'ai vu des titres de journaux qui, je pense, y réfèrent. J'ai aussi remarqué, dans les éditoriaux qui ont été publiés depuis trois ou quatre jours, la semaine dernière notamment, que beaucoup d'éditorialistes, qui ne sont pas nécessairement des souverainistes, bien au contraire, s'interrogent sur le sens, la portée et les intentions précises de M. Trudeau en ce qui concerne l'opération qui va commencer demain. Par conséquent, on a même pu découvrir dans ces éditoriaux que certaines personnes se demandaient si, au fond, ce qui était l'intention fédérale n'était pas d'en arriver à une sorte de situation d'affrontement pour permettre des gestes fédéraux unilatéraux. C'est ce que j'ai vu dans les journaux. Au moment où je vous parle, je n'ai aucune preuve que ce soit le cas puisque je n'ai pas encore eu de rencontre avec les fédéraux et j'en aurai demain. Mais s'il s'avérait que l'intention du gouvernement central est de provoquer un affrontement pour ensuite s'en servir comme un double prétexte, d'abord prétendre que nous sommes de mauvaise foi et, deuxièmement, s'en servir aussi pour engager un processus d'action unilatérale, je pense, comme nous avons dit que toute la population du Québec serait constamment informée de ce qui se passe, je pense que les citoyens verraient qu'il s'agit derrière tout cela d'une manoeuvre et prendraient leur décision en conséquence.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale, dernière question.

M. Le Moignan: Dernière question, M. le Président. A la suite de certaines questions que j'ai déjà posées en cette Chambre et aussi de certaines discussions que nous avons tenues en commission parlementaire, est-ce que le ministre des Affaires intergouvernementales peut nous rassurer sur le fait qu'au cours de toutes ces discussions qui auront lieu au cours de l'été, le ministre va apporter une attention très particulière au partage des pouvoirs? Je crois que ceci est très important, évidemment, sans entrer dans rénumération de la liste. Il en manque peut-être, c'est peut-être à compléter, mais je crois que c'est fondamental pour le Québec avant de réussir une entente. J'aimerais savoir si le ministre va tenir à cette idée du partage des pouvoirs qui va nous aider à nous acheminer de façon vraiment constructive dans les négociations?

Le Président: M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je vais accorder une attention prioritaire à deux séries de sujets. La première, c'est celles qui sont déjà mentionnées dans le projet de déclaration de principe que le premier ministre du Canada avait présenté à l'ensemble des premiers ministres des provinces, la semaine dernière, et qui a été rejeté par plusieurs d'entre eux. Donc, première priorité, le texte de cette déclaration de principe que le chef de l'Opposition a qualifié de brouillon. Deuxième priorité, c'est justement le partage du pouvoir parce que le partage du pouvoir a été, au cours des années, au fond, la question qui a intéressé davantage le Québec pour une raison très simple, c'est que le partage des pouvoirs, tel qu'il se présente dans le système constitutionnel actuel, permet le chevauchement entre gouvernements, par exemple, entre Québec et Ottawa, et permet aussi au gouvernement fédéral, lorsqu'il le juge opportun, d'intervenir dans des champs de compétence provinciaux. (16 h 10)

C'est le plus ancien problème fédéral-provincial ou le plus ancien problème Québec-Ottawa, celui du partage des pouvoirs. Je pense aussi bien à la fiscalité qu'à tout le reste. Par conséquent, ce sera aussi ma deuxième priorité. Il n'y a aucun doute que, de ce côté, cela me permet d'être d'accord avec le chef intérimaire de l'Union Nationale lorsqu'il considère que le rapatriement de la constitution c'est une chose qui vient après ces questions fondamentales que je viens de mentionner, c'est-à-dire la déclaration de principe que M. Trudeau a proposée et toute la question du partage des pouvoirs.

Cependant dans la liste qui nous est soumise, il faut bien se rendre compte que le partage des pouvoirs n'est pas terriblement développé. Il y a bien des sujets, comme le disait d'ailleurs la semaine dernière avec raison le chef de l'Opposition, qui ne sont pas là. Il faudra juger en cours de route, pendant l'été, peut-être au cours de la commission parlementaire dont on a déjà parlé, s'il faut de notre part, c'est-à-dire du côté du Québec appuyé par tout le monde, ajouter des sujets importants de sorte que ce soit résolu pour la conférence du mois de septembre. Mais cela demandera qu'on s'entende ensemble, parce que ce n'est surtout pas le moment actuellement, devant certaines appréhensions qu'on peut nourrir face aux intentions fédérales, de se montrer divisés. Je pense que l'époque qu'on commence à vivre exige que les partis ici au Québec, quels qu'ils soient, s'entendent sur un minimum vital que nous aurons tous ensemble à défendre.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce, qui était ici tantôt mais qui est absent. Je peux l'adresser aussi au ministre de la Justice qui était ici, mais qui est absent, au premier ministre, qui est absent ou au ministre de l'Agriculture, qui est absent. Avez-vous des...

Le Président: Le ministre de l'Industrie et du Commerce et du Tourisme est revenu.

L'industrie du cidre

M. Scowen: M. le Président, les deux plus grandes cidreries du Québec, Cidrobec et Lubec, risquent d'être obligées de fermer leurs portes

d'ici quelques mois à cause d'une chute énorme de la vente causée par la vente des vins dans les épiceries. Elles ont proposé un programme de relance au gouvernement qui est, en effet, un programme du développement de nouveaux produits, les apéritifs, qui pourraient être vendus dans les épiceries. Ce projet nécessite un amendement à la Loi de la Société des alcools pour permettre la vente des vins de pomme avec un pourcentage d'alcool au-dessus de 13%, ce qui est maintenant permis dans la loi. Si cet amendement, d'après les compagnies, n'est pas apporté à la loi d'ici la fin de la session, elles ne seront pas en mesure de faire ces apéros avec la récolte des pomiculteurs de cette année, ce qui peut mettre en danger, non seulement les compagnies, mais la récolte de pommes.

La question est de savoir au nom de ces compagnies et des pomiculteurs si le gouvernement a l'intention d'ici la fin de la session de proposer un amendement à la loi pour permettre la production et la vente de ce nouveau produit dans les épiceries.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce et du Tourisme.

M. Duhaime: M. le Président, je vais répondre très clairement à la question. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire que nous ayons à amender la loi actuelle pour donner suite aux demandes des deux grands producteurs de cidre et de vins de pomme au Québec. Je crois plutôt que nous pouvons régler cette situation en modifiant la réglementation et nous pourrons le faire par arrêté en conseil. Je soumettrai un projet d'arrêté en conseil au Conseil des ministres probablement cette semaine. Je suis très heureux que le député attire l'attention de l'Assemblée nationale sur cette question, parce que nous avons fait le suivi de ce dossier depuis plusieurs semaines. Sa question vient à point nommé, puisque c'est probablement dans quelques jours que nous serons en mesure d'annoncer une modification à la réglementation qui ne satisfera pas à toutes les exigences des deux producteurs, mais qui devrait leur permettre à tout le moins de faire leur mise en marché de ce nouveau produit comme apéritif.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Est-ce que le ministre peut décrire brièvement les demandes de ces compagnies qui ne seront pas acceptées par le gouvernement? Est-ce qu'il peut dire à l'Assemblée s'il a reçu des représentations de la part de la Société des alcools ou des représentants ou du personnel qui vont à rencontre des demandes de ces compagnies? Est-ce que les représentations faites par la société avaient pour effet de demander au gouvernement de ne pas accepter toutes les demandes faites par les compagnies? Avant tout, quelles sont les demandes des compagnies que vous n'avez pas l'intention d'accepter?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Duhaime: Les consultations normales ont été faites avec les autorités de la Société des alcools du Québec de même qu'avec mon sous-ministre adjoint et responsable de cette société d'Etat d'une façon particulière. Des fonctionnaires de mon ministère ont rencontré également M. Jean-Denis Côté, de Cidrobec, et M. Lussier, de Lubec; des gens de mon cabinet ont également fait le point sur tout ce dossier.

Je disais tout à l'heure que si nous modifiions la loi pour faire en sorte que le taux d'alcool de 13% soit haussé à 20%, nous ferions de cette catégorie d'apéritif une catégorie privilégiée. L'arrêté en conseil signifierait que cet apéro continuerait d'être vendu chez les épiciers et dans les présentoirs tels que faits actuellement par la Société des alcools du Québec. Il est possible également que la taxe de vente d'applique à ce nouvel apéro; cependant, le taux d'escompte de 16 1/2% actuellement en vigueur serait maintenu. Je pense que nous devrions retenir cette proposition pour l'instant, d'autant plus que le calendrier des travaux parlementaires ne nous permettrait pas d'aller de façon réaliste au-delà. Nous sommes convaincus, après analyse au ministère, que cet arrêté en conseil devrait permettre non seulement la mise en marché, mais le succès des ventes de ce nouvel apéritif.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je veux que le ministre vérifie auprès de l'Assemblée parce que l'article 2.7 de la Loi sur la Commission de contrôle des permis d'alcool donne une définition très claire du cidre: boisson de fermentation alcoolique faite avec des pommes. Il est certain que l'arrêté en conseil peut accorder le droit nécessaire à ces compagnies et qu'un amendement à cette loi n'est pas indispensable.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Duhaime: J'ai des avis de mon contentieux et diverses opinions nous indiquent que nous pouvons procéder par arrêté en conseil.

Le Président: M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Une question additionnelle parce que cela concerne également des producteurs de pomme, ceux de mon comté. Est-ce que vous pouvez nous indiquer si les appellations kir et vermouth, qui pourraient être utilisées dans le cas de ces deux nouveaux produits à base de cidre, seraient autorisées par la réglementation que vous prévoyez?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Duhaime: Ma première réaction à la question du député de Verchères serait une réponse affirmative, mais j'aimerais quand même vérifier tant auprès des gens de la SAQ qu'au contentieux de mon ministère parce que nous sommes vraiment dans la plomberie, c'est hautement technique.

Motions non annoncées Le Président: Aux motions non annoncées. M. Marcoux: M. le Président... Le Président: M. le député de Rimouski.

M. Marcoux: ... j'aurais à faire la motion non annoncée suivante: Que l'Assemblée nationale demande au chef de l'Opposition officielle de remettre au trésor public...

Des Voix: Non, non, non!

M. Marcoux:... les sommes d'argent obtenues pour sa caisse électorale...

Des Voix: Non, non! A l'ordre!

M. Marcoux: ... à même des contrats réalisés par certaines firmes lors des Jeux olympiques de 1976. Je suis convaincu, M. le Président...

Le Président: M. le député de Rimouski, il n'y a pas consentement. Vous n'avez pas le droit de plaider.

DesVoix:Oh,oh!

Le Président: A l'ordre! Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

M. Gratton: M. le Président, j'ai une motion non annoncée.

Le Président: M. le député de Gatineau, aux motions non annoncées.

M. Gratton: J'aurais une motion non annoncée qui touche de beaucoup plus près les vrais intérêts des citoyens que celle du député de Rimouski.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: Au moment où on se parle, les autorités du centre hospitalier de Saint-Joseph-de-Maniwaki sont en conférence de presse pour annoncer qu'à compter du 1er juillet les services d'urgence devront être suspendus la nuit faute de médecins. Je sollicite donc le consentement unanime de l'Assemblée nationale pour que cette motion soit adoptée sans débat: "Que cette Assemblée invite le ministre des Affaires sociales à prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour éviter que les autorités du centre hos- pitalier de Saint-Joseph-de-Maniwaki ne soient forcées de discontinuer les services d'urgence la nuit à compter du 1er juillet prochain, comme annoncé cet après-midi à Maniwaki."

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la présentation de la motion?

Alors il n'y a pas consentement à la présentation de la motion.

Nous en sommes à l'enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Recours à l'article 34

M. Forget: En vertu de l'article 34, M. le Président.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous en sommes aux avis à la Chambre. M. le député de Saint-Laurent voudrait poser une question en vertu de l'article 34. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, l'Assemblée nationale va étudier cet après-midi la deuxième lecture du projet de loi no 183. Je sais que les délais, d'ici la suspension ou l'abrogation de nos travaux, ne sont pas longs mais, malgré tout, avec un peu de collaboration de part et d'autre, ne serait-il pas possible au leader du gouvernement de prévoir une séance, soit ce soir ou demain après-midi, pour entendre différents groupes féminins qui ont peut-être des propos à tenir aux députés de cette Assemblée relativement à ce projet de loi?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je consens à discuter de nouveau, au cours des minutes qui vont suivre. Cela ne devrait pas empêcher toutefois que ce projet de loi soit adopté en deuxième lecture puisque, s'il devait y avoir comparution, ce serait juste avant l'étude article par article, j'imagine, demain. Alors, s'il y a des représentations nouvelles à faire, je m'en enquerrai tout à l'heure, M. le Président.

Le Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie: La commission parlementaire des Affaires municipales doit étudier, demain, le projet de loi no 105 article par article. Nous avons pris connaissance d'un télégramme envoyé par l'Union des municipalités du Québec qui se déclare déçue du projet de loi, mais qui sollicite une mesure exceptionnelle, soit d'être entendue par la commission parlementaire avant que cette commission n'aborde le projet de loi article par article, procédure d'ailleurs qui se produit au niveau du projet de loi no 92, je crois. Est-ce que le gouvernement serait d'accord pour permettre une telle audition?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Pendant tout le week-end, M. le Président, comme on m'en a informé, le signataire de ce télégramme que j'ai également reçu et le ministre des Affaires municipales ont été en contact et, encore cet après-midi, me dit-on. On ne pourra me faire savoir que vers la fin de l'après-midi si, à la suite des explications données par le ministre des Affaires municipales au président de l'Union des municipalités du Québec, celle-ci sollicite encore de comparaître avant l'étude article par article.

Si tel est le cas et si le gouvernement décide d'y donner suite, j'en informerai la Chambre vers la suspension des travaux, à 18 heures.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, jeudi dernier, en commission parlementaire, le directeur général des élections s'était engagé à déposer pour les membres de la commission copie de l'avis juridique qu'il avait reçu et de la directive qu'il avait lui-même émise aux directeurs de scrutin locaux au cours du référendum, quant à la preuve de citoyenneté qui serait exigée ou non pour certaines personnes qui se voyaient refuser le droit de vote. Est-ce que le leader du gouvernement peut nous indiquer à quel moment on déposera ces documents?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, nous avons espoir d'avoir ces documents qui émaneraient du directeur général des élections ce soir. Je les déposerai donc demain matin.

Le Président: Aux avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: M. le Président, c'est aujourd'hui que nous mettons fin à l'étude des crédits des différents ministères. Donc, les avis que je donne à cet égard devraient nous permettre de recevoir, dès demain, le rapport de toutes ces commissions réunies et de suivre le processus que prévoit notre règlement afin de l'adopter.

Avec la collaboration de l'Opposition en ce qui concerne particulièrement les séances de la commission de la présidence du conseil et de la constitution, à cause du grand nombre de porte-parole, de part et d'autre, nous pouvons organiser plusieurs semi-séances à la fois de cette commission.

Je donne donc les avis suivants: Cet après-midi, tout de suite, jusqu'à 18 h 30, je voudrais faire motion puisque la Chambre va siéger cet après-midi. Ma motion est la suivante, M. le Président, et toutes les heures indiquées — je le signale tout de suite pour que chacun les prenne en note — sont le résultat d'une négociation entre les bureaux des leaders des différents partis re- connus qui accommodait tout le monde. De 16 h 30 à 18 h 30, au salon rouge, présidence du conseil et de la constitution; c'est le ministre d'Etat au Développement économique qui défendra ses crédits. De 16 h 30 à 17 h 30, à la salle 81-A, c'est votre serviteur, M. le Président, qui défendra les crédits de la Régie des installations olympiques. Et de même succédera, de 17 h 30 à 18 heures, la même commission pour entendre les crédits de l'aménagement et, de 18 heures à 18 h 30, les crédits de la réforme électorale.

Ma motion est aussi pour que ce soir, de 18 h 30 à 19 h 30, au salon rouge, se réunisse la commission du développement pour étudier les crédits du développement social et que, de 20 heures à 24 heures, ce soient les crédits du premier ministre. En même temps, ce soir, à la salle 81-A, de 20 heures à 21 h 30, la commission de l'agriculture se réunira pour mettre fin à l'étude des crédits en ce qui concerne les pêcheries, en particulier, donc, de 20 heures à 21 h 30, et lui succédera à 21 h 30, à 81-A, la commission des corporations professionnelles afin d'étudier article par article le petit projet de loi de trois articles portant le numéro 98 qui a déjà été déféré à cette commission.

Le Président: En faites-vous motion? M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Président: Je tiens pour acquis qu'il y a consentement unanime pour permettre l'adoption de cette motion.

M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Le leader parlementaire du gouvernement pourrait-il me dire ce qui se passe exactement à la salle 81-A? On a parlé d'agriculture. De quelle heure à quelle heure?

M. Charron: De 20 heures à 21 h 30, une heure trente sur les pêcheries.

M. Levesque (Bonaventure): Bon! Et à 21 h 30?

M. Charron: Lui succède la commission des corporations professionnelles pour l'étude article par article de la loi 98. C'est une loi de trois articles...

M. Levesque (Bonaventure): Et que fait-on...

M. Charron: ... qui a déjà été adoptée par l'Assemblée.

M. Levesque (Bonaventure): ... du revenu? M. Charron: Demain.

M. Levesque (Bonaventure): Les quatre projets de loi demain?

M. Charron: Demain.

M. Levesque (Bonaventure): On semble avoir rempli les commissions pour mardi matin.

M. Charron: Oui.

M. Levesque (Bonaventure): Ce ne serait pas demain dans la matinée, dans ce cas.

M. Charron: Ce ne serait pas quoi, demain dans la matinée?

M. Levesque (Bonaventure): L'étude article par article des lois du revenu.

M. Charron; Oui, ce serait pour demain dans la matinée parce que, lors de la réunion à laquelle faisait allusion le député de Bonaventure jeudi dernier, nous avions convenu de faire démarrer les trois commissions parlementaires quand même demain dont le revenu tout de suite après la période des questions, consentant à ce que la Chambre étudie la deuxième lecture du projet de loi sur la Communauté urbaine de Montréal qui ne devrait prendre que quelques minutes.

M. Levesque (Bonaventure): Au programme — je m'excuse auprès du leader parlementaire du gouvernement — qui nous a été remis, à partir de 11 heures, aux trois endroits, salon rouge, 81-A et 91-A, il y aurait — c'est vrai — trois commissions, mais cela toucherait uniquement aux projets de loi privés, d'après les renseignements qui nous ont été fournis. Comment pourrait-on ajouter encore une quatrième commission si la Chambre siège?

M. Charron: Non... Je comprends que c'est toujours un peu compliqué, M. le Président... Au salon rouge, demain matin — je vous en donne avis tout de suite pour que chacun puisse organiser son travail même si, évidemment, je le répéterai demain — il y aurait d'abord les projets de loi privés de la justice, puis l'étude article par article des projets de loi qui vont être déférés dès aujourd'hui. Donc, en conséquence, la commission de la justice va travailler toute la journée au salon rouge demain. De même, la salle 81-A va être réservée à la commission des affaires municipales puisqu'il y aura à ce moment-là les projets de loi privés et l'étude article par article du projet de loi 105 et du projet de loi 112 de la Communauté urbaine de Montréal. C'est à la salle 91-A que deux commissions vont se succéder, d'abord, consommateurs, coopératives et institutions financières demain pour les projets de loi privés qui lui ont été déférés et dès que celle-ci aura fini son travail — on prévoit 15 heures — ce sera la commission du revenu pour l'étude article par article de ses projets de loi. Cela va? Ma motion est-elle adoptée?

Le Président: Sur la base du consentement unanime pour diviser la commission de la prési- dence, je demande si la motion du leader parlementaire du gouvernement sera adoptée.

Des Voix: Adopté. (16 h 30)

Le Président: Adopté. Aux affaires du jour maintenant.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Ici, M. le Président, à l'Assemblée, ce sont trois projets de loi au nom du ministre de la Justice, qui seront successivement appelés aujourd'hui et possiblement le projet de loi au nom du ministre de la Fonction publique, qui a été déposé aujourd'hui, si nous avons le consentement de l'Assemblée, s'ajouterait au menu. Pour le moment, j'appelle uniquement les trois projets de loi au nom du ministre de la Justice en vous demandant, M. le Président, d'appeler d'abord l'article 10 du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 183 Deuxième lecture

Le Président: Aux affaires du jour, j'appelle maintenant la deuxième lecture du projet de loi no 183, Loi pour favoriser la perception des pensions alimentaires. Pour votre discours de deuxième lecture, M. le ministre de la Justice, vous avez maintenant la parole.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, il me fait plaisir de procéder à la deuxième lecture de ce projet de loi pour favoriser la perception des pensions alimentaires.

Comme vous le savez, M. le Président, à l'heure actuelle, très nombreux sont les créanciers de pensions alimentaires qui éprouvent des difficultés à percevoir ces pensions. On doit le dire, parce que c'est la réalité, cette situation représente d'énormes difficultés pour un très grand nombre de femmes au Québec.

Dans son rapport sur le tribunal de la famille publié en 1975, l'Office de révision du Code civil évaluait à 25% seulement la proportion des créanciers alimentaires qui percevaient régulièrement la pension fixée par le tribunal. Par ailleurs, une évaluation faite en 1979 au ministère des Affaires sociales, à partir d'études de population, dès déclarations de revenus et du fichier de l'aide sociale, indique qu'au maximum 41,5% des personnes qui se déclarent divorcées ou mariées et séparées, de fait ou légalement, et qui, par ailleurs, reconnaissent directement ou indirectement être débitrices d'une pension alimentaire, déclaraient acquitter leur pension.

De plus, M. le Président, le problème ne peut qu'augmenter en raison du nombre toujours plus élevé de divorces et de séparations de corps au Québec. En effet, le nombre de jugements en divorce est passé de 6400 en 1971 à 15 200 en 1976, alors que celui des séparations de corps passait, durant la même période, de 2900 à 3500.

Nous pouvons également souligner, M. le Président, le fait suivant. Selon une autre analyse effectuée par le ministère des Affaires sociales en 1975, dans la région 03, 35,5% des jugements prononçant un divorce ou une séparation comportaient des dispositions relatives au paiement d'une pension alimentaire, alors qu'un autre tiers des jugements réservaient les droits des parties à cet égard. Dans la très grande majorité des cas, 86%, la pension est accordée au bénéfice de la femme et des enfants alors que, dans 13% des cas, elle est octroyée directement aux enfants. C'est pour cela, M. le Président, que nous pouvions dire tout à l'heure que ce projet de loi va surtout dans le sens d'apporter un correctif à des difficultés énormes qui sont subies surtout par un très grand nombre de femmes au Québec.

M. le Président, les causes de ce non-paiement de pensions alimentaires sont variées et nombreuses. Certaines sont dues à des facteurs psychologiques et sont souvent liées à la procédure entourant l'établissement des pensions. Elles feront l'objet d'une attention particulière dans le cadre d'autres dossiers relatifs à la réforme du droit de la famille.

Le non-paiement des pensions alimentaires a également pour cause les difficultés juridiques entourant la perception elle-même de ces pensions. Les principaux problèmes soulevés, reliés au domaine juridique, concernent notamment le fait que les saisies exercées ne sont effectives que pour les arrérages dûs et non pour les termes de la pension à venir; deuxièmement, que le recours à l'avocat pour obtenir les brefs de saisie est très coûteux; troisièmement, que les recours actuels entraînent de nombreux délais, que certains revenus sont insaisissables, dont plusieurs pensions de retraite, ou encore que les règles relatives à la prescription des recours ne sont pas certaines.

A cause de ces obstacles judiriques — les principaux que je viens d'énoncer, M. le Président — de nombreuses personnes renoncent tout simplement à faire exécuter leur jugement et vont même jusqu'à renoncer carrément à leurs droits à une pension. Par ailleurs, ces difficultés incitent certains débiteurs à ne pas respecter leur engagement, puisqu'ils savent que leur créancier, dans certains cas, préférera abandonner son droit à la pension plutôt que de s'engager dans des procédures coûteuses, incertaines et très longues, dans bien des cas.

La non-perception des pensions alimentaires a aussi des conséquences importantes en matière d'aide sociale. Elle a pour effet d'augmenter considérablement la clientèle de l'aide sociale. Celle-ci devient, pour le créancier alimentaire, un bon substitut à la pension qu'il ne reçoit pas. Plusieurs bénéficiaires ne le deviennent que parce qu'ils ont dû renoncer à percevoir une pension alimentaire, en raison des difficultés liées à la perception, lesquelles présentent trop d'inconvénients en regard des bénéfices espérés par la perception de cette pension. Ainsi, le budget de ce ministère des Affaires sociales se trouve grevé en conséquence, alors qu'il ne dispose pas des moyens juridiques et administratifs qui lui permettraient de diminuer ses coûts. Les chiffres compilés par le ministère des Affaires sociales indiquent qu'en 1979, environ 27% des ménages bénéficiant de l'aide sociale étaient séparés, de fait ou légalement, ou divorcés et que 90% de cette clientèle déclarait ne recevoir aucune pension alimentaire, soit parce qu'il n'y avait aucune ordonnance à cet effet ou soit parce qu'elle n'était pas exécutée.

Or, les prestations versées à ces personnes pour juin 1979 représentaient 30,8% du budget total de l'aide sociale pour ce mois de juin que je mentionne, ce qui est, on peut le constater, très considérable. Une telle situation est aussi injuste, puisqu'elle fait porter sur tous les contribuables un fardeau que, dans de nombreux cas, le débiteur est en mesure d'assurer, sinon en totalité, du moins en partie.

M. le Président, la Loi sur l'aide sociale contient également certaines dispositions qui amènent des situations difficiles. Dès que les prestations sont versées, en vertu des articles 13 ou 26 de cette loi, selon le cas, le gouvernement, comme on le sait, est subrogé dans les droits du créancier alimentaire, lequel perd alors tous ses recours contre son débiteur. On ne peut donc l'inciter à exercer ses droits sans refuser ou discontinuer l'aide sociale, ce qui, pour des raisons humanitaires, paraît difficilement acceptable, étant donné les difficultés que présente la perception des pensions alimentaires et également la situation toujours très pénible, du point de vue financier comme à d'autres points de vue, dans laquelle se trouvent les personnes qui sont frappées par le fait qu'elles ne peuvent percevoir les pensions alimentaires qui leur sont dues. (16 h 40)

L'augmentation des cas de désunion et l'appauvrissement qui en résulte, à partir du moment où l'aide sociale sera obligée d'abandonner le versement de ces prestations à la suite du fait que le débiteur veut percevoir cette pension, les difficultés qui résultent de la procédure de perception actuelle et de ses conséquences pour les créanciers alimentaires, ainsi que les coûts afférents à l'utilisation de l'aide sociale comme substitut à la pension alimentaire, eh bien, tout cela justifie, à mon avis, l'intervention du législateur dans ce domaine.

Dans le but d'assurer un meilleur équilibre entre les parties et, également, se fondant sur une liberté plus responsable, il est proposé dans ce projet de loi que l'exercice de ce principe soit assorti de contraintes nouvelles lorsque le débiteur refuse ou néglige de remplir les obligations qui sont dues.

Enfin, l'Etat — et c'est un principe important dans ce projet de loi — n'interviendrait que s'il est sollicité, respectant ainsi la bonne foi et la volonté des parties et respectant également les situations qui s'arrangent d'elles-mêmes où les deux conjoints en sont venus à une entente concernant la pension alimentaire et où les obligations de part et d'autre sont respectées. A ce moment, je pense que l'Etat ne doit pas intervenir.

Le projet, M. le Président, que je soumets à cette Assemblée repose sur ces principes. En premier lieu, il prévoit la simplification de certaines règles de droit et de procédure civile, causes des difficultés juridiques actuelles. Il prévoit également la mise en place d'un mécanisme de perception par une tierce personne, en l'occurrence le protonotaire de la Cour supérieure, et il apporte, enfin, des modifications à la Loi sur l'aide sociale de façon à s'assurer du remboursement par les débiteurs en défaut des prestations versées aux créanciers alimentaires.

En ce qui concerne la procédure et le droit civil, je propose, premièrement, de modifier le Code de procédure civile de façon à ce qu'il soit clairement indiqué que, malgré toute disposition incompatible d'une autre loi, les pensions de retraite accordées à des employés soient saisissa-bles à 50% pour dette alimentaire. Je propose également de modifier le Code de procédure civile de façon à prévoir que les saisies-arrêts de traitement demeurent tenantes pour les versements à échoir que pour les arrérages jusqu'à ce que mainlevée soit accordée par le protonotaire.

Cette mainlevée ne pourra pas être accordée avant que les arrérages n'aient été payés. Ceci éviterait, Mme la Présidente, de recommencer les procédures à chaque défaut du débiteur, soit souvent à chaque semaine ou, dans certains cas, tous les quinze jours. La mainlevée de la saisie-arrêt serait accordée à la demande du débiteur ou du créancier un an après que les arrérages auront été payés. Afin de mettre un terme aux problèmes découlant du principe qui veut que les aliments ne "s'arréragent" pas, je propose de modifier le Code civil afin que soit fixée à trois ans la perception des arrérages de pension alimentaire. Je propose également que ce code soit modifié de façon que soit prévu explicitement le droit à l'indexation des pensions alimentaires. Ainsi, le tribunal qui décide d'une pension alimentaire pourra, même en l'absence d'une demande à cet effet au niveau des procédures, ordonner l'indexation de la pension alimentaire selon un indice préétabli par décret, à moins que la situation des parties ne justifie la fixation d'un autre indice.

Le projet de loi prévoit également que le débiteur pourra opposer à une demande alimentaire des changements survenus depuis le jugement dans sa condition ou celle de son créancier afin d'être libéré du paiement. Il devra, cependant, démontrer qu'il ne pouvait exercer ses recours en révision au moment où ceci lui était indiqué. Ces propositions concordent avec les propositions déjà comprises dans le projet de loi no 89 portant réforme du droit de la famille, que j'ai d'ailleurs déposé au début de cette année.

Mme la Présidente, en troisième lieu, pour faciliter la recherche des débiteurs alimentaires, problème qu'il me paraît essentiel de régler, je propose que le Code de procédure civile soit modifié de façon à accorder à un juge de la Cour supérieure, dans certaines circonstances, le pouvoir d'autoriser la divulgation d'informations sur la résidence ou le lieu de travail d'un débiteur, afin de permettre de le retracer et, effectivement, de recouvrer la pension alimentaire due.

Enfin, le présent projet — et c'est là sa réforme essentielle, je crois — met à la disposition des créanciers alimentaires une procédure simplifiée d'exécution forcée des jugements qui remplacerait en cette matière la procédure habituelle. Ces procédures seront exécutées à la demande du créancier, lorsque le débiteur fera défaut de remplir son obligation. Ces procédures seront exécutées par le protonotaire de la Cour supérieure qui agira en qualité de saisissant pour le créancier, comme le fait le greffier pour le bénéficiaire d'un jugement de la Cour provinciale en matière de petites créances.

Le créancier, directement ou par son procureur, fera sa demande au protonotaire du district où le jugement a été rendu ou à celui du district où il réside. Le protonotaire pourra procéder à la saisie des meubles ou des immeubles, et notamment aux saisies-arrêts de salaire. Il pourra également servir d'intermédiaire pour l'application de la loi sur l'exécution réciproque d'ordonnance alimentaire. La saisie de salaire ainsi que les arrérages de pension auront été payés.

Cependant, afin d'atténuer la rigueur de cette procédure pour le débiteur, celui-ci pourra, en fournissant certaines garanties, obtenir de la part du protonotaire qu'il suspende la saisie pour un certain temps. Le débiteur fera alors lui-même les paiements au protonotaire qui se chargera de les faire parvenir au créancier de la pension alimentaire.

Si le débiteur ne respecte pas son engagement, la saisie redeviendra exécutoire et l'employeur devra recommander à envoyer au protonotaire la partie saisissable du salaire du débiteur. La décision du protonotaire...

M. Forget: Mme la Présidente, je m'excuse auprès du ministre, mais je ne suis pas sûr que nous ayons quorum.

La Vice-Présidente: Nous allons vérifier immédiatement, M. le député de Saint-Laurent.

Nous avons quorum M. le député de Saint-Laurent.

M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Mme la Présidente, la décision du protonotaire de suspendre ou non la saisie pourra être révisée par un juge à la demande du débiteur ou du créancier qui ne serait pas satisfait de la décision initiale.

Mentionnons aussi que le projet de loi prévoit qu'une opposition à une saisie en matière d'aliments sera instruite et jugée d'urgence de façon à éviter que les oppositions ne soient employées pour des fins dilatoires seulement, ce qui est le cas présentement.

Enfin, autres points importants concernant les saisies, le Code de procédure sera modifié afin d'accroître, dans les cas où plusieurs réclamants sont au dossier, la part du créancier alimentaire dans la saisie à 50%. La recherche des débiteurs,

le cas échéant, sera effectuée par le Service des réclamations du ministère de la Justice qui exerce à l'occasion des fonctions similaires pour les différents ministères du gouvernement et qui possède, je crois, on peut le dire, une certaine expérience dans ce domaine.

Enfin, en ce qui touche la loi sur l'aide sociale, il me semble nécessaire d'assouplir les règles relatives à l'exercice de la subrogation qui est prévu en faveur du ministre des Affaires sociales. (16 h 50)

Le présent projet de loi prévoit donc qu'une aide peut être accordée à un créancier, dont un créancier alimentaire, en attendant le versement d'une somme qui doit lui provenir de la réalisation d'un droit, y compris de l'exécution d'un jugement, mais sans que ceci entraîne une subrogation automatique en faveur du ministre des Affaires sociales. On nous a, en effet, souligné que cette subrogation pouvait entraîner la perte de certains recours pour le créancier.

Le projet prévoit également une disposition spécifique dans les cas où une personne qui reçoit de l'aide sociale reçoit aussi une pension alimentaire. Le texte actuel du projet de loi prévoyait que dans ces cas le ministre pouvait, là aussi, choisir d'être subrogé; toutefois, des représentations nous ont été faites récemment à l'effet que cette manière de procéder pouvait entraîner des difficultés pour les créanciers. Aussi, ai-je l'intention d'apporter un amendement à cet article pour y prévoir une subrogation de plein droit, sauf au créancier à choisir d'exercer ses propres recours.

Enfin, il est également prévu que, dans les cas où le ministre est subrogé à un créancier alimentaire, il puisse utiliser la nouvelle procédure d'exécution et s'adresser au protonotaire; ceci devrait faciliter l'exercice de ces subrogations et permettre la récupération des sommes versées à la suite du défaut d'un débiteur alimentaire, puis le créancier, lorsqu'il n'y aura pas de subrogation en faveur du ministre, pourra autoriser le protonotaire à verser directement au ministre une partie des sommes qui seront perçues par ce créancier.

En résumé, ce projet de loi offre donc aux créanciers de pension alimentaire des moyens efficaces et peu coûteux de percevoir leur créance et il donne au ministre des Affaires sociales la possibilité de récupérer une partie des sommes qui ont été versées en remplacement de cette pension alimentaire. Pour toutes ces raisons, je crois que ce projet de loi doit être accepté, j'espère à l'unanimité. En terminant, Mme la Présidente, avec votre permission, tout au long de l'élaboration de ce projet de loi, qui est extrêmement complexe quand même, je voudrais souligner d'une façon tout à fait particulière l'aide continue qu'il m'a été donné de recevoir du ministre d'Etat à la Condition féminine qui, du début à la fin, a travaillé dans ce dossier et qui a eu l'occasion, comme moi, de rencontrer des groupes afin que ce projet de loi puisse représenter vraiment un correctif, sinon parfait, une amélioration très importante à une situation qui devait être corrigée depuis fort longtemps. Pour toutes ces raisons, je crois que le projet de loi devrait être adopté en deuxième lecture. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: Mes remarques sur ce projet de loi se divisent en deux parties. J'aimerais m'attarder en particulier aux principes qui sous-tendent ce projet de loi pour bien faire ressortir l'importance mais aussi le sens de la décision qu'a prise le gouvernement et que le gouvernement demande maintenant à l'Assemblée nationale de ratifier. En deuxième lieu, j'aimerais prendre quelques minutes pour faire quelques observations quant au cheminement de cette question à la fois au niveau du gouvernement et à l'Assemblée nationale.

Pour ce qui est des principes en jeu, je crois qu'il y en a essentiellement deux dont il faut tenir compte aujourd'hui. Le premier est celui de réaffirmer dans le contexte de 1980 le caractère obligatoire, le caractère absolu de la notion d'obligation alimentaire qui lie les conjoints. Dans le contexte de la société moderne dans laquelle le Québec évolue, il faut bien se rendre compte que par cette loi nous affirmons à nouveau que le mariage crée des liens économiques permanents entre les conjoints et cette affirmation va à rencontre d'une conception qui est probablement de plus en plus généralisée, à savoir que le mariage est une espèce d'épisode temporaire auquel, malheureusement, de plus en plus de ménages peuvent choisir de mettre fin pour se replacer, en quelque sorte, dans la situation antérieure au mariage. Mais il n'en est pas ainsi tout à fait.

Cette conception, même si elle est générale, même si la séparation et de plus en plus le divorce constitue une issue pour un nombre malheureusement élevé, trop élevé, de mariages, cette notion du mariage comme épisode temporaire qui ne laisse pas de trace est une notion fausse et ce projet de loi vient réaffirmer l'obligation alimentaire reconnue par le Code civil il y a 100 ans. Cette affirmation renouvelée que nous faisons aujourd'hui montre qu'il y a quelque chose d'erroné dans cette conception générale. Il est d'autant plus important de faire cette affirmation que, depuis le Code civil de 1866 sous lequel nous vivons encore, la sécurité sociale a fait irruption dans nos vies et a permis à un certain nombre de personnes de croire qu'effectivement la société dans son ensemble pourrait un jour, si elles décidaient de rompre les liens du mariage, se substituer à elles dans les obligations alimentaires qu'elles contractent face à l'autre conjoint. A moins d'apporter des modifications législatives dans le sens de celles apportées par le ministre de la Justice aujourd'hui ou dans un sens un peu différent, des modalités un peu différentes mais qui vont dans la même direction, qui ont la même orientation, il est évident que cette façon de considérer le mariage comme un lien temporaire qui ne laisse pas de trace et cette présomption que la société va en assumer les con-

séquences, quelles qu'elles soient, par l'aide sociale, par exemple, ce sont deux hypothèses qu'il faut mettre en doute et que nous mettons en doute effectivement par ce projet de loi. C'est à cause du principe que nous y retrouvons, c'est-à-dire la réaffirmation du caractère absolu de ce lien économique qui lie les conjoints de façon définitive, de façon permanente, c'est à cause de la réaffirmation de ce principe que nous allons, bien sûr, souscrire à l'adoption de ce projet de loi.

En effet, même si le Code civil a toujours reconnu l'obligation alimentaire, il faut bien se rendre compte, particulièrement de nos jours alors que le problème résulte le plus souvent soit de la séparation, soit du divorce, que les difficultés de procédure semblent avoir fait trop souvent échec aux tentatives des créanciers, c'est-à-dire de l'un des conjoints, pour obtenir satisfaction et pour obtenir l'exécution de cette obligation alimentaire dont il est, en théorie au moins, le bénéficiaire. Même si le droit demeure absolu, son exercice étant devenu en quelque sorte un peu capricieux, un peu imprécis, erratique, le droit lui-même a fini par revêtir aussi un caractère faussement facultatif, faussement secondaire ou relatif.

Mme la Présidente, le ministre a fait allusion à l'importance que cette mesure aura pour soulager le budget de l'Etat d'une obligation qu'il assume maintenant au lieu et à la place des débiteurs de l'obligation alimentaire. Il a mentionné le chiffre de 30% du budget de l'aide sociale qui, dans un mois donné, le mois de juin 1979, a été versé à des personnes qui, normalement, auraient dû bénéficier d'une partie ou de toute cette somme par le biais de la pension alimentaire. C'est donc dire, si l'on parle de 30% du budget de l'aide sociale — il n'y a pas de raison de soupçonner que le mois de juin soit particulier à cet égard — que peut-être 30%, jusqu'à 30% du budget total de l'aide sociale, c'est-à-dire une somme d'environ $300 000 000, représente effectivement la prise en charge par l'ensemble des contribuables d'obligations qui sont celles de certains particuliers, de certains individus. (17 heures)

II est donc impératif, non seulement sur le plan des principes, mais également sur un plan strictement de bonne gestion de l'Etat, de s'assurer que ceux qui sont débiteurs de cette obligation s'acquittent effectivement de cette obligation et cessent d'utiliser les subterfuges de la procédure pour se dérober à ce qui est en droit et ce qui est aussi, quant à la réalité des choses, une obligation morale et juridique qui ne devrait souffrir absolument aucune exception. Si l'on peut être d'accord avec l'affirmation renouvelée et plus efficace du principe que l'obligation alimentaire est un lien économique permanent entre les conjoints, quels que soient les aléas de leur vie conjugale, le deuxième principe que l'on retrace dans ce projet de loi est évidemment un principe dont l'acceptation sera beaucoup moins unanime, du moins peut-on le croire.

En effet, ce deuxième principe, à mon avis, consiste dans le choix qu'a fait le gouvernement d'emprunter la voie d'une procédure élective, d'une procédure facultative pour l'exécution ou la mise en vigueur de l'obligation alimentaire. Que veut-on dire par une voie ou une route facultative? C'est tout simplement la démarche qui est choisie dans ce projet de loi de présumer que, dans l'ensemble, les débiteurs des obligations alimentaires s'acquittent volontairement et régulièrement de leurs obligations envers leur créancier ou leur créancière, dans la plupart des cas, et on doit donc présumer que, dans la plupart des cas, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, si on peut dire, et que l'Etat ou que les mécanismes administratifs du gouvernement, du ministère de la Justice ou des cours n'ont pas besoin d'intervenir, sauf dans les cas d'exception et à la demande des créanciers alimentaires qui constatent que les obligations qu'on a à leur égard ne sont pas respectées. C'est donc un choix que le gouvernement fait de dire: Nous allons mettre sur pied une procédure, mais la procédure ne s'enclenchera pas automatiquement, par exemple, dès qu'il y a un jugement en Cour supérieure octroyant ou déterminant le montant d'une pension alimentaire. Cela ne s'enclenchera pas automatiquement. Il n'y aura pas un mécanisme ou une régie, comme certains groupes l'avaient demandé, qui va automatiquement se charger de voir à ce que cela s'applique sans autre forme de procès — je pense que l'expression est tout à fait appropriée dans ce cas — mais, au contraire, on va présumer que tout va bien aller et c'est seulement à la demande de la créancière que l'on va intervenir. C'est le deuxième principe que l'on nous invite à approuver dans ce projet de loi. C'est une différence substantielle, Mme la Présidente, avec ce que certains groupes ont demandé. Effectivement, je crois que tous les groupes féminins ont pris l'habitude, dans leurs représentations auprès du ministre de la Condition féminine et du gouvernement dans son ensemble quant à cela, qui était de dire: En principe, nous voulons une application universelle, obligatoire des obligations alimentaires. Dès que la cour a rendu son jugement, il faut que cela entre dans un processus administratif de perception et que la femme — puisque c'est à 99,9% des cas d'une femme dont il s'agit — la créancière de l'obligation alimentaire n'ait aucune démarche à faire, aucune requête à présenter, aucune dépense à encourir pour s'assurer que ce droit lui soit reconnu.

Le gouvernement en décide autrement. Il décide autrement pour des raisons que le ministre n'a pas vraiment longuement expliquées, si ce n'est qu'on doit conclure que selon les données qui sont à sa disposition, il est satisfait que, dans l'ensemble, les pensions alimentaires sont effectivement versées conformément au jugement de la Cour supérieure, etc. Ce sont des données que nous aimerions bien partager avec le gouvernement parce que des groupes qui ont demandé que le principe contraire soit adopté, ont prétendu, par exemple, que jusqu'à 75% des pensions alimentaires n'étaient pas versées régulièrement.

Je ne sais pas et je ne crois pas qu'il existe un relevé administratif ou que le greffe de la Cour supérieure ait fait quelque relevé que ce soit de ces

statistiques. C'est une affirmation qui vient de je ne sais trop où, mais si elle est vraie — sûrement que le gouvernement est en position de savoir si elle est vraie ou si elle est fausse — il faudrait bien conclure que l'hypothèse de base que fait le gouvernement, en choisissant la route d'une procédure élective, d'une procédure facultative, doit être sérieusement remise en question. Nous n'avons malheureusement pas accès à ces données du côté de l'Opposition. Nous avons noté l'affirmation des groupes féminins et nous aimerions bien savoir, du côté gouvernemental, quelle est la version officielle des faits, s'il y en a une.

De toute façon, Mme la Présidente, la différence est substantielle entre cette voie qu'a choisie le gouvernement et la voie de principe que choisissaient les regroupements féminins, y compris le Conseil consultatif sur le statut de la femme. Pourquoi dis-je que c'est une différence substantielle? Il me semble qu'il est assez évident que si nous devions constater que l'hypothèse de base que fait le gouvernement, à savoir que la plupart des pensions alimentaires sont payées volontairement et régulièrement, était fausse et que, dans l'immense majorité des cas, 75% ou 80% ou même 65% seulement des jugements accordant une pension alimentaire, il fallait enclencher le mécanisme prévu par cette loi, même s'il représente une amélioration par rapport au Code de procédure civile — nous reviendrons à cela un peu plus tard — si on devait se rendre compte que dans presque tous les cas on y a recours, ce ne serait même pas utile d'avoir développé l'approche actuelle que propose le gouvernement. C'est-à-dire que s'il fallait adopter, au contraire, la voie d'une régie administrative, il est bien clair qu'on n'aurait absolument plus besoin du mécanisme qu'on est sur le point de mettre sur pied par l'entremise du protonotaire, du bureau du protonotaire des Cours supérieures, et par l'entremise du ministère de la Justice. C'est une solution administrative plutôt qu'une solution judiciaire qui s'imposerait à ce moment-là et il faudrait, par une nouvelle loi, instaurer ce nouveau processus, cette question de régie à laquelle on a fait allusion, et démanteler le mécanisme que le projet de loi no 183 s'apprête à créer.

Ce n'est donc pas une première étape que l'on pourra poursuivre ou que l'on pourra améliorer si on en constate la nécessité; c'est un essai que l'on fait basé sur une hypothèse que cela sera suffisant et que cela sera, en définitive, ce qui contentera tout le monde. Mais si c'était vrai, alors il faudra démolir ce qu'on est en train de mettre sur pied et partir dans l'autre direction, celle qui correspond à ce qu'un certain nombre d'organismes féminins avaient envisagé.

Mme la Présidente, je ne sais pas si, sur le plan des principes, si on adoptait cette demande de plusieurs organismes féminins, l'établissement d'un mécanisme administratif universel et obligatoire, il serait nécessaire de mettre sur pied pour cette seule fin une régie qui n'aurait que cette fin-là, que cette justification-là. On peut imaginer que des mécanismes administratifs existants pour- raient, avec une addition fort modeste de leur effectif, mais aussi de leurs pouvoirs, assumer une telle responsabilité. On envisage, par exemple, assez facilement que par certaines modifications à sa loi constitutive la Régie des rentes, qui a déjà des relations avec tous les employeurs du Québec, pourrait se voir impartir l'obligation d'appliquer les jugements accordant des pensions alimentaires et que ceci pourrait se faire d'ailleurs en collaboration avec le ministère du Revenu de manière qu'il n'y ait absolument aucune espèce de possibilité d'y échapper, mais le tout à un coût fort modeste, fort raisonnable, par rapport à la création d'une régie entièrement autonome. C'est, de toute façon, une hypothèse qui mériterait d'être retenue, si jamais on en venait à la conclusion que la voie sur laquelle on s'engage aujourd'hui n'est pas la meilleure, n'est pas la plus efficace, ne sera pas satisfaisante malgré tout.

Je voudrais signaler, Mme la Présidente, que même si le mécanisme pris en lui-même, le mécanisme que le projet de loi no 183 aménage par des modifications au Code de procédure civile était satisfaisant, devait s'avérer satisfaisant dans les cas où on y a recours, il faudra quand même réévaluer cette loi avec un peu de recul pour voir si, effectivement, on y a recours dans tous les cas ou dans presque tous les cas de pension alimentaire. A ce moment-là, je pense qu'on essaierait de faire indirectement ce qu'il serait beaucoup plus simple et moins coûteux de faire directement. (17 h 10)

J'espère encore une fois que, dans sa réplique, le ministre de la Justice ou son collègue, la ministre responsable de la Condition féminine pourra nous donner des indications, à savoir si cette hypothèse est véritablement justifiée ou non.

Mme la Présidente, pour ce qui est de ce deuxième principe, nous allons y souscrire, puisqu'on ne peut pas souscrire au projet de loi sans souscrire aussi à ce principe d'emprunter la voie du processus électif, facultatif, sur demande. Cependant, c'est avec une certaine réserve quant aux hypothèses qui l'ont justifié, et c'est de toute manière un pas dans la bonne direction, même s'il fallait un jour recommencer avec une autre procédure, je pense qu'on aura inévitablement, à la suite de l'application de ce projet de loi, énormément plus de données du Québec, relativement aux problèmes des pensions alimentaires et qu'il sera possible, dans une deuxième étape, de faire beaucoup mieux en se basant sur une connaissance beaucoup plus concrète du problème, plutôt que sur une connaissance disons un peu vague, impressionniste ou générale de la question des pensions alimentaires au Québec.

J'aimerais maintenant faire quelques commentaires sur des problèmes pratiques, seulement deux problèmes pratiques, que le projet de loi soulève au moins dans mon esprit. Il y en a probablement d'autres de caractère un peu plus spécialisé. Il y a en particulier des problèmes que soulèvent certaines dispositions de la loi eu égard à la constitution actuelle, etc., mais ce sont des problèmes très spécialisés que je pourrais laisser

à certains de mes collègues. Il reste qu'il y a des problèmes pratiques qui vont toucher les gens et qu'il me semble important de souligner à ce moment. Le premier de ces problèmes pratiques a trait à la conservation dans la Loi de l'aide sociale du pouvoir discrétionnaire qu'a le ministre des Affaires sociales d'exiger la subrogation ou de ne pas l'exiger. Le ministre a dit qu'il nous amènerait certaines modifications, mais je pense que ça ne vise pas tellement cet aspect, cela vise surtout le cas où un bénéficiaire reçoit à la fois l'aide sociale et une pension alimentaire, il y a un cumul de revenus et il veut permettre — si je comprends bien — que l'on fasse la distinction entre les deux et que la subrogation relativement à l'aide sociale n'entraîne pas nécessairement, si j'ai bien compris, la prise en charge de la perception de la pension alimentaire quant à l'excédent.

Il demeure que, quoi qu'il en soit là-dessus, le gouvernement propose de conserver au ministre des Affaires sociales la décision de se substituer ou non au créancier alimentaire, à qui il verse par ailleurs des prestations d'aide sociale. C'est la situation actuelle et, là-dessus, le projet de loi ne change rien de fondamental. Cela continue d'être un pouvoir que le ministre des Affaires sociales peut exercer, mais qu'il peut aussi choisir de ne pas exercer.

Or, dans le passé — je pense que c'est un secret de polichinelle — on sait que le ministre des Affaires sociales a largement choisi de ne pas exercer le recours en subrogation. En ce faisant — il avait pour ça des raisons fort valables, puisque lorsqu'il s'agit d'une discrétion administrative, la décision de se subroger doit être prise dans chacun des cas — et dans chacun des cas, on peut toujours faire objection au ministre qui se propose de se substituer au créancier alimentaire qu'il intervient ainsi dans la qualité de la relation entre les conjoints ou les ex-conjoints, qu'il force la femme, par exemple, à poursuivre son mari, qu'il porte ainsi atteinte aux perspectives de réconciliation, qu'il précipite ce couple un peu plus loin, à un cran plus loin dans sa séparation, en rendant, si vous voulez, irrémédiable ce qui pourrait ne pas l'être. Autrement dit, et pour cette raison, la discrétion administrative laissée au ministre a toujours été exercée avec une discrétion fort louable, mais une discrétion presque absolue, tellement de discrétion que, finalement, le pouvoir de subrogation n'a pas été exercé.

Il me semble que, si la loi ne fait pas obligation au ministre de le faire dans tous les cas, au moins dans une très grande catégorie de cas, à l'exception de certains cas types, de certaines situations bien caractérisées pour lesquelles il pourrait y avoir des préoccupations d'intérêt public fort générales, il me semble qu'on va encore perpétuer la situation où le ministère des Affaires sociales, le ministre des Affaires sociales va s'abstenir d'exercer un recours parce qu'à ce moment, il va devoir en utiliser, en justifier l'utilisation dans chacun des cas. L'aide sociale va continuer à fournir cette raison aux couples qui songent à une séparation, celle de croire que la société peut effectivement se substituer aux obligations du débiteur alimentaire. Je pense qu'il y a là une responsabilité sociale à exercer, mais une responsabilité qu'il est difficile d'exercer dans des cas précis parce que, finalement, le ministre ne veut pas devenir une espèce de tierce partie dans chaque couple et être obligé de prendre cette décision basée sur une évaluation forcément sommaire des circonstances propres à chacun des couples. Ou il y a une règle générale appliquée à tout le monde ou, en pratique, on verra que la subrogation ne s'exerce pas.

Deuxième problème pratique, Mme la Présidente, relativement à cela, c'est la disposition relative à l'indexation. Nous sommes, je m'empresse de le dire, entièrement d'accord avec la notion que le pension alimentaire une fois fixée soit majorée en fonction de l'évolution normale des choses, sans obliger le créancier ou la créancière alimentaire à se représenter devant les cours pour des requêtes en révision. Ce principe est tout à fait acceptable. Il faut cependant prendre garde. La précision avec laquelle on veut faire l'indexation peut produire des situations exactement à l'inverse de celles que l'on veut corriger. En effet, un certain nombre de débiteurs alimentaires, un certain nombre de maris divorcés, si vous voulez, qui ont à payer une pension alimentaire bénéficient eux-mêmes de l'indexation de leurs revenus. A ce moment, l'indexation de la pension alimentaire ne fait que perpétuer à travers le temps le partage initial des revenus.

Il n'y a aucune objection, aucune difficulté, mais il y a probablement, dans notre société, malheureusement, des cas assez nombreux où il y a, non pas indexation des revenus, mais quand même un retard qui s'accumule, qui peut s'accumuler pendant plusieurs années, attribuable à toutes sortes de raisons. Je pense que, si l'on précise l'indexation en fonction du coût de la vie de la pension alimentaire, on peut ainsi créer une situation qui est contraire à celle qui était voulue à l'origine. On sait qu'avec les taux d'inflation actuels, il ne s'agit pas d'attendre 20 ans pour que cela se produise; après quelques années, on peut se trouver dans une situation difficile qui va forcer les parties à revenir devant la cour.

Il me semble, Mme la Présidente, qu'il y a une solution plus facile qui s'offrirait, qui est d'indexer les pensions alimentaires, bien sûr, mais à un des deux taux suivants et au moins élevé des deux, soit l'indexation en fonction du coût de la vie ou l'indexation égale au taux d'accroissement du revenu à même lequel est prélevée la pension alimentaire. Dans ces cas, je pense qu'on aurait à la fois un minimum et un maximum à l'intérieur desquels le quantum de la pension alimentaire pourrait varier sans entraîner de difficultés ni pour l'une ni pour l'autre des parties.

Pour terminer, Mme la Présidente, j'aimerais dire quelques mots relativement au cheminement de cette loi et de cette question des pensions alimentaires. J'ai dans mes notes ici, qui faisaient partie de mon dossier personnel sur le sujet, une note de service échangée entre le ministère de la

Justice et le ministère des Affaires sociales relativement aux pensions alimentaires en 1975, puisque les deux ministères étaient déjà à cette époque en discussion au niveau des fonctionnaires pour élaborer un avant-projet de loi.

D'ailleurs, au début de 1976, une consultation fut entreprise par la direction de la recherche du ministère de la Justice à la demande conjointe du ministère des Affaires sociales et du ministère de la Justice de l'époque. On se situe, Mme la Présidente, sous l'ancien gouvernement. L'on remarque que les commentaires qu'a faits le Barreau, à la fin d'octobre ou début de novembre 1976, sur cette première esquisse d'un document de travail de la direction de la recherche du ministère de la Justice, on se rend compte que les commentaires du Barreau, qui datent de la fin d'octobre, du début de novembre 1976, se traduisent essentiellement, dans un ensemble de recommandations que le projet de loi no 83, le projet original qui a été déposé le 15 mars 1980 contient presque sans exception. (17 h 20)

On avait donc à la fin de 1976 essentiellement toutes les idées que le gouvernement a utilisées dans la rédaction de ce projet de loi. Il est assez curieux de constater qu'il a été nécessaire d'attendre trois ans et demi pour rédiger sous forme de projet de loi et le déposer à l'Assemblée nationale un ensemble de sept ou huit concepts qui étaient déjà dans le dossier au tout début, à la fin de novembre ou la mi-novembre 1976.

Je m'empresse de dire que ce projet initial était sans aucun doute insatisfaisant quant à ses modalités, mais qu'il était au moins valable par la reconnaissance qu'il constituait de l'existence du problème et de la nécessité d'y trouver des solutions. Encore une fois, je m'empresse de dire que les suggestions, les recommandations et les commentaires formulés par certains groupes sur ce premier projet de 1975 ou 1976 se retrouvent presque en entier dans le projet de loi déposé en mars 1980.

Ce qu'on a pu constater, c'est que, même après ce délai de trois ans et demi, les groupes féminins sans exception qui, depuis des années, réclamaient la préparation et l'adoption d'un tel projet de loi n'ont pas été d'un enthousiasme délirant. C'est le moins qu'on puisse dire. Après le 15 mars dernier, on a vu des articles dans les journaux et des mémoires préparés par différents groupes qui disaient: II y a là un effort qui n'est décidément pas à la hauteur de nos espoirs. J'ai mentionné tout à l'heure la notion d'un service de perception universelle et automatique que ces groupes défendaient, mais que le projet de loi laissait de côté. Même sur le plan technique, il y a eu un bon nombre de commentaires et de suggestions, de critiques, si l'on veut, du projet de loi initial.

Les façons de procéder du gouvernement — je regrette d'avoir à le mentionner — tenant compte de ces consultations de dernière heure, comme si les trois ans et demi qui avaient précédé le dépôt du projet de loi en 1980 n'avaient pas suffi, ont permis au gouvernement de déposer seulement jeudi dernier un projet de loi révisé qui porte le numéro 183, puisqu'il incorpore certaines dispositions entièrement nouvelles, au moins sur le plan de la procédure.

Les consultations qui ont été faites durant le week-end sur ce deuxième projet révisé ne permettent pas d'affirmer que tous les groupes sont entièrement satisfaits, que toutes les questions ont trouvé des réponses. Dans ce contexte, contexte d'un long retard dans la préparation du projet de loi et d'une précipitation soudaine pour arriver à la dernière minute, selon une méthode qui est bien connue du gouvernement du Québec actuel, avec des choses qui sont mal digérées, mal connues même des groupes auxquels elles s'adressent et qui sont présentées tellement tard que l'on ne sait pas très bien s'il sera possible, avant même l'adoption en troisième lecture, de prendre connaissance en public des différentes réserves, des 'différents commentaires de ces différents groupes, il me semble qu'on est en face d'un procédé qui est probablement volontaire de la part du gouvernement. On nous arrive à la dernière minute en voulant en quelque sorte nous indiquer que, comme il reste deux jours ou deux jours et demi de séances à l'Assemblée nationale, si on a le malheur de soulever la moindre objection ou de demander la moindre expression d'opinion de la part des groupes intéressés, l'on va compromettre irrémédiablement l'adoption de ce projet de loi qui, autrement, entrerait en vigueur, du moins le croit-on probablement dans certains milieux, le 1er juillet ou le 1er août.

Mais il n'en est rien. Le projet de loi — je pense important de le signaler — n'entrera en vigueur que le 1er janvier 1981. Ce délai de deux jours ou d'à peine 48 heures que nous avons avant la levée ou la fin de nos travaux, c'est un délai complètement artificiel. Effectivement, le gouvernement, lui, va se laisser à peu près sept mois pour engager une quarantaine de personnes et mettre en route des modifications au Code de procédure qui pourraient, si on le voulait absolument, se mettre en route dans un délai beaucoup plus court de quelques mois, de quelques semaines même.

Evidemment, la hâte dans l'adoption de ce projet, je pense qu'elle obéit visiblement à une intention politique, à un objectif politique. On voudrait bien sortir d'ici, dans quelques jours, en disant: Voyez, nous avons adopté, sans que personne ne puisse en public dire quoi que ce soit contre ce projet de loi, quelque chose pour régler le problème des pensions alimentaires. Et peut-être avoir cela à se mettre sous la dent au moment d'une campagne électorale qu'on nous annonce, dans certains milieux, pour l'automne. Mais il ne faudrait pas croire pour autant que le gouvernement va mettre cela en vigueur tout de suite; ce n'est pas pressé, la mise en vigueur, on a beaucoup de temps pour cela, on se donne la moitié d'une année et même un peu plus.

Il me semble que, sans mettre en danger l'application du projet de loi, le ministre aurait très bien pu prévoir des commissions parlementaires pour permettre aux différents groupes de venir

nous dire si elles ont abandonné ce principe qu'elles ont défendu d'une perception universelle et obligatoire des pensions alimentaires par une régie gouvernementale. Il serait intéressant de savoir si le Conseil du statut de la femme a abandonné cette prétention et si les différents groupes l'ont abandonnée également, et de le dire non pas dans le bureau du ministre, entre quatre murs et entre quatre yeux, mais de le dire en public pour savoir si oui ou non le gouvernement est à la hauteur des attentes des groupes les plus directement intéressés.

Le ministre pourrait accepter une consultation publique en commission parlementaire là-dessus sans mettre en danger sa date d'application parce qu'il a amplement le temps, d'ici l'automne, de faire une commission parlementaire qui durera, au plus, une journée et, au moment de la session d'automne, de revenir pour adopter le rapport de la commission — c'est une question de quelques minutes — et faire la troisième lecture. Mais, évidemment, le gouvernement n'est pas sûr de ses intentions quant au fait de savoir si nous allons siéger une deuxième fois durant 1980 ou pas. Voulant présumément aller en campagne électorale, si jamais c'est ce qui se passe, avec cette réalisation sous le bras, il nous invite à approuver sans aucun délai une mesure que, par ailleurs, il n'a pas l'intention d'appliquer avant l'an prochain.

Bon, il est le maître du jeu, ce gouvernement décide à la fois de la date des élections et du moment où l'Assemblée nationale est saisie d'un projet de loi et, finalement, du moment où le projet de loi entre en application; nous n'avons rien à dire là-dedans, sauf d'observer ces étranges coïncidences de calendrier. Mais au moins allons-nous demander au ministre, en lui offrant d'avance notre collaboration pour franchir toutes les étapes, au mépris même de notre règlement qui prévoit que jamais plus d'une étape ne peut être franchie chaque journée de séance, en lui promettant que nous serons d'accord, à l'avance, pour franchir toutes les étapes le même jour s'il le veut, nous allons malgré tout demander au ministre un délai de 48 heures afin que, d'ici là, nous puissions entendre, en commission parlementaire, les différents groupes intéressés. Cela pourrait se faire, par exemple, ce soir, mais le délai est peut-être un peu court; cela pourrait se faire demain après-midi ou demain soir, ce qui, je pense, serait suffisant pour convoquer tous les groupes intéressés qui, après tout, ne demeurent pas au Kamtchatka ou à Tombouctou, mais à Montréal ou à Québec. Par téléphone, on peut sans aucun doute leur demander d'être ici, c'est une question de quelques heures, après quoi il serait possible à la commission de siéger aussi tard qu'on le veut bien pour faire l'étude article par article et, mercredi, on pourrait adopter, de consentement, à la fois le rapport de la commission, la prise en considération du rapport et la troisième lecture, ce qui ne sera qu'une affaire de quelques minutes.

(17 h 30)

Motion de report

Mme la Présidente, j'aimerais présenter une motion de report à 48 heures pour amener le gouvernement à nous donner une réponse sans équivoque sur l'opportunité que nous voyons, nous, de faire siéger une commission parlementaire pour avoir, en direct, sans tamisage, l'expression d'opinions des différents groupes féminins, motion de 48 heures qui, évidemment, se lirait comme nos collègues le savent très bien, en remplaçant "maintenant" dans la motion de deuxième lecture par "dans 48 heures". Ceci nous permettrait, encore une fois, de consentement, de franchir toutes les étapes et s'en aller en vacances aussi heureux qu'on puisse l'espérer avec, sous le bras du ministre d'Etat à la Condition féminine ou du ministre de la Justice — je ne sais pas lequel des deux va réclamer la paternité morale et politique de ce projet — le même projet avec peut-être quelques modifications si jamais cette discussion devait nous faire réaliser l'importance et la nécessité même de certaines modifications mais, surtout, après avoir entendu les intéressés de manière que tout le monde soit bien conscient que, tout en reconnaissant un principe, c'est-à-dire le caractère absolu de l'obligation alimentaire, le gouvernement tourne malgré tout le dos à un autre principe auquel la plupart de ces groupes tenaient beaucoup, c'est-à-dire la perception obligatoire et universelle des pensions alimentaires.

Ayant appris ce que tout le monde en pense, nous pourrions adopter le projet de loi comme étant soit une première étape ou comme un essai de règlement de ce problème. Nous verrons, dans quelques années, si à l'expérience soit les propos rassurants du ministre se vérifient ou si les inquiétudes et la déception de certains groupes se vérifient plutôt que les hypothèses du gouvernement. Et il sera temps, dans quelques années, à ce moment-là, de faire le point et de modifier ces mesures. Mais, au moins, tout le monde serait publiquement "on the record", en quelque sorte, serait mis à contribution dans l'étude du projet de loi que, encore une fois, nous n'avons reçu que jeudi dernier. Il me semble que ce n'est pas uVi délai déraisonnable que de demander 48 heures pour entendre tous les intéressés. Je suis presque sûr que le ministre de la Justice voudra appuyer cette motion de report de 48 heures. S'il le fait, encore une fois, je lui dis d'avance, au nom de mes collègues de ce côté de l'Assemblée nationale, que nous allons oublier toutes les autres dispositions de notre règlement et collaborer avec le gouvernement dès après cette commission parlementaire pour l'adoption, avant la fin de nos travaux de cet été, du projet, dans l'état où le ministre voudra bien le faire adopter suite à cette commission parlementaire.

La Vice-Présidente: En vertu de l'article 121 de notre règlement, je me verrai dans l'obligation d'entendre les intervenants maintenant sur la motion d'amendement de M. le député de Saint-

Laurent à la motion du ministre de la Justice, visant à changer le mot "maintenant" pour "dans 48 heures".

M. Forget: Je m'excuse, Mme la Présidente. De consentement, si personne n'a d'objection, il serait peut-être approprié que le présent porte-parole de l'Union Nationale puisse faire son intervention de deuxième lecture avant d'aborder le débat de cette motion. Cela s'est très fréquemment fait, je pense.

M. Bédard: Je n'ai pas d'objection.

La Vice-Présidente: Y a-t-il consentement?

M. Bertrand: Oui, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Consentement. M. le député de Nicolet-Yamaska, sur la motion de deuxième lecture, après quoi nous entendrons les interventions sur la motion d'amendement. Alors, c'est bien sur la motion de deuxième lecture, M. le député de Nicolet-Yamaska. Consentement.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente. Je remercie mes collègues des autres formations politiques qui ont bien voulu accepter de faire une petite entorse à notre règlement pour me permettre de parler sur le fond du problème, peut-être même ajouter un petit mot sur la motion d'amendement si...

La Vice-Présidente: M. le député, vous pourrez toujours intervenir sur la motion d'amendement, mais...

M. Fontaine: Merci.

La Vice-Présidente: ... pas sur la motion de deuxième lecture.

M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente. Alors, ce projet de loi, bien que peu volumineux dans sa composition, est quand même un projet de loi majeur. Le fait qu'il soit présenté à ce stade-ci de nos travaux peut être déploré du fait que nous ne puissions avoir tout le loisir qui nous serait laissé normalement pour l'étudier de façon plus approfondie. Ce projet de loi donne suite aux travaux de comité interministériel chargé d'étudier la question et veut répondre, entre autres, aux demandes d'associations féminines et aux recommandations, bien sur, du conseil du statut de la femme.

Rappelons quelques données au sujet des problèmes reliés à la perception des pensions alimentaires. Parmi l'ensemble des couples obtenant un jugement de divorce ou de séparation, une minorité seulement, soit 37,5%, utilise son droit à une pension alimentaire. Les ordonnances prévoyaient en moyenne $316.98 par mois en 1975 et cela, sans indexation. Pour la très forte majorité des cas, soit 86%, l'épouse et les enfants sous sa garde en sont les bénéficiaires. Des pensions ordonnées par la cour, seulement 41,5% sont payées en tout ou en partie régulièrement ou occasionnellement. On constate donc par ces données que la perception d'une pension alimentaire constitue en soi l'une des plus mauvaises créances qu'il nous soit donné de rencontrer dans notre société; les chiffres que je viens de mentionner font suite à une étude qui a été réalisée par le ministère des Affaires sociales de la région de Québec. Actuellement, le recours en cas de non-paiement est la procédure habituelle, soit la saisie sur les biens mobiliers et immobiliers ainsi que les poursuites en refus de pourvoir qui doivent être reprises à chaque défaut du débiteur de se conformer au jugement. Si ces procédures sont coûteuses en temps, démarches et frais d'avocat, elles ne sont pas non plus assurées de succès. Les créanciers — je parle des créancières parce que dans la grande majorité des cas il s'agit de femmes — doivent en effet s'assurer de posséder certains renseignements au sujet du débiteur. Les revenus de ce dernier doivent également être saisissables et, si le débiteur a accumulé d'autres dettes, la pension alimentaire n'est pas prioritaire dans le remboursement.

Les pensions sont en général payables au domicile de la créancière, de personne à personne ou par courrier. L'attente de la visite de l'ex-mari, le retard apporté mois après mois au paiement rendent souvent cela humiliant et même frustrant. Les enfants, leur garde ainsi que les droits de visite de l'ex-conjoint sont autant de prétextes aux coupures et aux menaces. La fréquence des ruptures légales s'accentue et, malheureusement, les femmes en assument en grande partie les frais. D'une part, l'éloignement du marché du travail durant le mariage les obligent à accepter des emplois à plus faible rémunération, à vivre de l'aide sociale et des pensions versées par l'ex-époux. D'autre part, elles ont généralement, après la séparation, la garde des enfants et doivent en assumer la charge. Enfin, elles assument aussi le coût du recouvrement des pensions alimentaires auxquelles elles ont droit.

Le Conseil du statut de la femme a formulé plusieurs recommandations au chapitre des pensions alimentaires ainsi que pour l'ensemble du droit familial. Le service de perception des pensions alimentaires se rattache à divers autres services comme la conciliation, l'accueil, etc., gravitant autour d'un éventuel tribunal de la famille. Cette réforme vise d'abord l'assainissement et la déjudiciarisation du processus de l'éclatement du mariage. Toutefois, malgré l'urgence de la situation, il faut souligner la lenteur du gouvernement à agir dans ce dossier puisque l'Union Nationale, en décembre 1978, par la voix de son chef, réclamait une telle réforme. Le ministre de la Justice avait alors répondu qu'il étudiait, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales et le Conseil du statut de la femme, l'ensemble du problème de la perception des pensions alimentaires. Le gouvernement a donc pris 18 mois pour accoucher de

son projet de loi en toute fin de session. Je pense que cela démontre le peu de sérieux que le gouvernement y a mis, surtout sur un sujet aussi vital et aussi important pour les femmes dans le besoin. (17 h 40)

C'est encore moins sérieux quand on sait que le juge en chef de la Cour supérieure, l'honorable juge Jules Deschênes, avait suggéré la création d'une caisse de recouvrement des pensions alimentaires lors d'un colloque sur la justice et la famille qui s'était tenu plusieurs mois avant l'intervention du chef de l'Union Nationale devant cette Assemblée.

Enfin, si l'on tient compte que nous approchons du niveau de 33% d'échecs dans les unions matrimoniales, que des milliers d'enfants sont affectés par cette situation, que les problèmes familiaux constituent une des plus importantes crises de la santé mentale pour les années prochaines, on ne peut qu'être heureux de constater que le gouvernement ait décidé de procéder, enfin, à l'adoption de ce projet de loi avant la période estivale et malgré l'horaire chargé de cette fin de session.

Par ailleurs, on s'étonne du fait que les projets de loi nos 183 sur la perception des pensions alimentaires et 89 qui porte sur la réforme du droit de la famille n'aient pas été présentés en même temps. En déposant à l'Assemblée nationale, au début de mars, le projet de loi no 89 qui modifiera éventuellement le Code civil du Québec, le ministre de la Justice a déclaré que le Conseil du statut de la femme avait réagi de façon prématurée au projet de loi no 183 sur la perception des pensions alimentaires déposé le 18 décembre 1979. Il ajoutait que ce projet de loi avait fait l'objet d'interprétations fausses, sans toutefois préciser lesquelles, et que sa complexité appelait des explications additionnelles. Le ministre n'a cependant pas fourni ces explications réservant ses arguments dans des discussions privées qu'il aurait eues avec le Conseil du statut de la femme. Mais les citoyens et les citoyennes ne sont pas nécessairement tous et toutes branchés sur le Conseil du statut de la femme. Les premières concernées, par exemple, les associations de familles monoparentales et les créancières qu'on dit vouloir aider, profiteraient assurément d'explications sur la place publique, non point en coulisse ou en vase clos. C'est pour cette raison, M. le Président, que je disais tout à l'heure à Mme la Présidente qui était au fauteuil avant vous, que j'aborderais probablement la motion de report qui a été présentée par le député de Saint-Laurent, puisque je disais que l'Assemblée nationale y gagnerait à entendre les femmes intéressées au projet de loi en question.

Je profite donc de l'occasion, aujourd'hui, pour demander des éclaircissements à ce sujet au ministre de la Justice et aussi, je pense qu'il est nécessaire que le ministre de la Justice nous indique clairement quels sont les amendements qui font suite à ces discussions, à la suite des représentations qu'il a eues avec le Conseil du statut de la femme.

Le projet de loi no 183 réglera donc en bonne partie les problèmes des créancières alimentaires. Dans certains cas, les délais seront allongés par les démarches judiciaires pour l'obtention de renseignements, par la possibilité nouvelle qu'a le débiteur de remettre en cause les montants dus et par la subrogation facultative du ministère des Affaires sociales à l'égard des bénéficiaires de l'aide sociale. Cependant, je pense que, dans l'ensemble, les propositions qui sont faites sont des améliorations notables sur la situation que les femmes ont à vivre actuellement.

Cette dernière mesure législative est d'autant plus insidieuse qu'il s'agit de femmes et d'enfants fort démunis financièrement. De plus, le chantage exercé par le mari sera amplifié par celui du ministère des Affaires sociales, cependant, qui, selon toute apparence, pourra également faire pression auprès des créancières pour recouvrer les pensions. Alors, si on améliore la situation d'un côté, il faudrait peut-être repenser la solution qui est proposée en ce qui a trait à l'implication du ministère des Affaires sociales dans le dossier, afin de faire les recouvrements.

Les femmes auront donc encore la responsabilité de l'application de leur droit à une pension alimentaire et continueront de recourir aux avocats pour les défendre en maintes occasions. Elles ne sortiront pas de la dépendance de l'aide sociale, ni encore de l'état de pauvreté dans lequel elles se trouvent. Les mesures introduites sont également peu coûteuses pour l'administration publique, puisqu'on prévoit le remboursement des services du protonotaire et que les bénéficiaires de l'aide sociale feront eux-mêmes exécuter l'ordonnance des pensions alimentaires.

L'ampleur des difficultés vécues par les créancières n'aura pas réussi à délier un tant soit peu les cordons de la bourse du ministère de la Justice et, par conséquent, du ministre responsable du don de l'argent que nous payons en taxes.

Enfin, ce projet de loi modifie le Code civil, afin de permettre l'indexation des pensions alimentaires. Cette modification a une importance capitale et il était nécessaire qu'elle soit adoptée avant la fin de la présente session. Il s'agit là d'une demande majeure du Conseil du statut de la femme et nous ne pouvons que nous réjouir de voir que le gouvernement en a tenu compte. En définitive, le projet de loi no 183 est satisfaisant dans sa version actuelle, mais nous nous inquiétons au sujet du projet de loi no 89 sur la réforme du droit de la famille. Je m'explique, Mme la Présidente. Ainsi, pour avoir modifié le projet de loi sur la perception des pensions alimentaires de façon à le rendre satisfaisant pour l'ensemble des intervenants, nous constatons que le gouvernement n'a pas l'intention de procéder avec célérité à l'adoption du projet de loi no 89. Nous soupçonnons aussi le gouvernement de ne pas vouloir entendre de nouveau en commission parlementaire les intéressés à ce sujet et j'aimerais vous faire remarquer qu'en fin de semaine, Mme Claire Bo-nenfant a réclamé une nouvelle étude du projet de

loi sur la réforme du droit de la famille en commission parlementaire.

Le projet de loi sur la réforme du droit de la famille a une importance telle qu'on doit procéder à son adoption le plutôt possible, mais, en pratique, cela irait à l'automne. Toutefois, vu son ampleur, il est souhaitable que ce projet de loi fasse l'objet d'une rencontre en commission parlementaire, comme le demandait Mme Bonenfant. Je pense que tous les intéressés, dans ce domaine, seraient heureux de pouvoir se prononcer à nouveau sur ce sujet. A ce chapitre, l'Union Nationale s'engage à tout mettre en oeuvre, afin d'améliorer ce projet de loi qui est le premier résultat tangible de l'oeuvre entreprise, il y a déjà plusieurs années sous le gouvernement Duplessis, soit la réforme du Code civil.

Mme la Présidente, j'aimerais, en terminant, ajouter quelques mots concernant la mise en vigueur de ce projet de loi. Si on regarde la fin du projet de loi, on s'aperçoit que le projet de loi entre en vigueur sur proclamation, c'est-à-dire que certains articles pourront entrer en vigueur lors d'une première proclamation et d'autres articles pourraient entrer en vigueur lors d'une proclamation ultérieure, ce qui veut dire que nous ne savons pas quand le projet de loi sera effectivement en vigueur.

Je pense que les organismes qui ont consulté le projet de loi et qui n'ont pas eu l'occasion de manifester leur point de vue quant à l'application de cette loi seraient fort intéressés à venir demander au ministre de la Justice pourquoi il ne met pas le projet de loi en vigueur à compter du 1er août, par exemple, ou à compter du 1er septembre. Si on ne met pas de délai fixe dans la loi, nous avons bien peur que le projet de loi, bien qu'acceptable par la grande majorité des citoyens concernés, reste lettre morte comme l'a été par exemple le projet de loi sur la réforme électorale, le projet de loi no 9, qui est déjà adopté depuis plusieurs mois, mais que le ministre en question, le même ministre d'ailleurs, n'a pas demandé de faire proclamer et qui n'est pas en vigueur, ce qui fait en sorte que les amendements qui sont adoptés par l'Assemblée nationale, les lois qui sont adoptées par l'Assemblée nationale, quand tout le monde y concourt, que tout le monde trouve que c'est valable, que cela peut améliorer la situation des citoyens, ces projets de loi sont adoptés mais restent sur les tablettes et ne sont pas mis en application. (17 h 50)

Si les personnes concernées, les mouvements concernés, les femmes concernées, les hommes également, ne demandent pas au ministre de la Justice de mettre une date précise dans la loi afin de savoir quand elle sera mise en vigueur, tous ces groupes sont en train de se faire passer un sapin. On va arriver à l'automne, à l'hiver, et le projet de loi ne sera pas mis en application. Il y a des élections générales dans l'air, on ne sait pas si le gouvernement actuel pourra être encore là pour appliquer son projet de loi. On ne sait pas non plus si le prochain gouvernement a l'intention de le conserver comme tel. Cela veut dire que le projet de loi en question peut demeurer lettre morte et on ne verrait pas d'application avant peut-être quelques années alors qu'on y ferait d'autres modifications. Si les mouvements concernés sont intéressés à ce que le projet de loi entre en vigueur à une date précise, je pense qu'il serait important que la motion que le député de Saint-Laurent a présentée tout à l'heure, soit adoptée pour que les groupes concernés fassent des pressions auprès du ministre de la Justice et que le projet de loi soit applicable à une date fixe. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-Louis, sur la motion d'amendement.

Sur la motion de report M. Harry Blank

M. Blank: Mme la Présidente, je vais appuyer la motion du député de Saint-Laurent pour retarder l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture pour 48 heures pour presque la même raison qu'il a donnée, mais je veux dire quelques mots de plus. On arrive maintenant à la fin d'une session et le public, je vais dire comme on dit en anglais, le "public at large", ne sait même pas qu'on siège. Il n'y a pas autant de publicité sur la session qu'il y en a maintenant sur une foule d'autres choses. Les femmes de Québec qui sont les plus intéressées par cette loi ne sont même pas au courant de la nouvelle loi qui a été déposée pour remplacer le projet de loi no 83 par le projet de loi no 183.

Quand le projet de loi no 83 a été déposé, il y a eu une publicité; elles ont su qu'il y avait un projet de loi devant la Chambre, mais elles attendent des nouvelles. Maintenant, qu'est-ce qu'on va faire avec ce projet de loi? Est-ce qu'on va avoir une discussion, on va regarder cela à la télévision, on va voir nos députés discuter de la loi et on va avoir une idée de quoi il s'agit?

Maintenant, on arrive avec ce nouveau projet de loi, avec des articles qui sont peut-être améliorés. Je peux dire cela, il y a des articles qui sont améliorés, mais le projet de loi ne va pas assez loin et des groupements de femmes ont déjà envoyé un message au gouvernement, je suis certain, et aux membres de l'Opposition. Ces femmes n'ont jamais eu la chance de discuter de ce projet de loi avec nous. Peut-être ont-elles eu la chance d'en discuter avec le gouvernement, parce que Mme la ministre est responsable de la condition féminine, ou le ministre de la Justice, je ne le sais pas, je le présume, j'espère au moins qu'il y a eu des discussions.

Mais nous, du côté de l'Opposition, on n'a jamais eu la chance de rencontrer ces femmes en présence du ministre. Oui, on a eu des discussions et les discussions ont mal tourné pour le gouvernement. Le groupement des femmes n'était pas satisfait du projet de loi no 83. Peut-être qu'elles seront satisfaites de ce projet de loi no 183. Je ne le sais pas, mais, au moins, donnez une chance à

ces femmes de venir ici et donnez la chance à tous les membres de cette Chambre de discuter avec elles de leurs problèmes et des problèmes de ce projet de loi.

Le fait qu'on doit l'adopter immédiatement, à toute vitesse, je ne comprends pas. Je vais vous dire franchement, j'ai été bien impressionné par les dernières paroles du député de Nicolet-Yamaska qui a dit que le fait qu'il n'y ait aucune date dans ce projet de loi, cela veut dire que ce projet de loi peut demeurer sur les tablettes jusqu'à on ne sait jamais. Cela dépend quand le gouvernement aura l'argent pour mettre en place toutes ces structures, cela dépend s'il y a une élection, cela dépend si le même parti revient, si un autre parti viendra. On ne le sait pas. Au moins, les femmes du Québec qui ont besoin de ce projet de loi ou d'un projet semblable peuvent nous dire si elles veulent l'avoir immédiatement, ou si elles n'en veulent pas, ou si elles veulent l'avoir dans deux ans. Au moins, on serait au courant, on saurait quand ce projet de loi viendra en vigueur.

As I was saying, this bill is a new bill which was deposited just the other day, last Thursday to be exact, to replace a bill 83. When bill 83 was deposited in this House, there was a certain publicity and people had an idea or knew that the government was putting forth a bill to assist women in trying to collect their alimentary pension from husbands who would rather run off and not pay. They had all kind of notions about this bill, but when the bill was explained in the newspapers and explained to women's group, they were rather disappointed and disappointment was shown by the various briefs that were submitted both to the government and to the Members of the Opposition.

Bill 183 came along just the other day with amendments; some of them are good, some of them modify the bill, but some of them do not go far enough, and I am sure that they do not go far enough. When I get the chance to speak on the motion of second reading, I will give you my reasons why I think this bill does not go far enough, why this bill is just superficial. It does not solve the problem at all; it just shifts the collection from one place to another but does nothing really to help women collect these debts or men in some cases. It happens occasionally that men are the recipients of alimentary pensions.

But what I am getting at is that there are many women's group in this province who are doing a great job in protecting women's right and in seing that women have all the rights that a law can give them, that they can be looked after by the society to look after themselves and their children in particular in maintenance because it becomes the job of the State to maintain these wives and children if their husbands do not. Nobody wants to be award of the State and if they cannot collect from their husbands. This bill is a start of a method of perhaps aiding these women, but let us hear from them, let us see if they are happy with the way it is done. Perhaps they have other ideas, perhaps they have other messages, perhaps they are satisfied with the bill.

We, on the Opposition side, are prepared to cooperate with the government. We have enough time, even if the session is to finish on Wednesday. Normally, according to our regulations, we can go right until the end of the week. But let us take for granted that we are going to finish Wednesday, which is quite possible, there is still enough time to have these women's groups come before the National Assembly committee on justice and be heard and we can have an open and frank discussion. We are not here to block this bill; it is quite the contrary. The basic overall principle, everybody is in agreement with it. Nobody is against motherhoodandnobodyisforsin. lt is the same thing with this bill.

We are not against the fact that it is a method of looking after women and children whose husband do not want to look after them, but we would like to do it properly. And the only way to do it properly is to find out from the customer, what does the customer want. The customer here is, in most cases, the women and children. Let them come here and tell us what they want. It is not up to us to impose a system that is not going to work, that is going to cause more aggravation, more headaches. As I say, I am fort the principle of this bill — although I am not supposed to be talking about it, Madam Speaker — but I am telling the reasons why I think that we should put this bill off for 30 to 48 hours, have these ladies come to us. It would be a pleasant end of a session to have a group of ladies appear before us. I think it would be very pleasant. Sexist?

Une Voix: Yes, sexist. Mme Payette: ... est sexiste.

M. Blank: Well, I think that women are beautiful; that is sexist? I with you tell that to my wife.

Mme Payette: Oui, Mme la Présidente, on m'a posé une question et je vais y répondre. Quand on fait allusion à une fin de session agréable parce qu'il y aurait des groupes de femmes qui viendraient ici, oui, c'est sexiste.

M. Blank: Mon Dieu! Mon Dieu! On va loin, on ne veut pas voir de belles femmes ici, en Chambre; on a de belles fleurs aussi. Si je dis que les fleurs sont belles, vous m'accuserez de quoi, à ce moment-là?

Une Voix: Sexiste.

M. Blank: Mme la ministre veut donner une récompense à ses fameuses Yvettes, elle fait tout. Mais cela n'aidera pas. Mme la Présidente, je vois qu'il est 18 heures, mais je veux seulement dire que c'est dans l'intérêt des femmes du Québec, et si parler dans l'intérêt des femmes du Québec, c'est d'être sexiste, d'accord, je suis sexiste. Mais, dans l'intérêt des femmes du Québec, on doit reporter ce projet de loi à 48 heures pour donner la chance à ces femmes de venir ici et discuter de ces problèmes qui sont couverts par ce projet de loi, devant la commission de la justice. (18 heures)

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Je demande l'ajournement du débat, Mme la Présidente, mais je voudrais, si vous me permettez...

La Vice-Présidente: Vous demandez l'ajournement ou la suspension, M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Bertrand: La suspension, Mme la Présidente. Mais il y a un avis que je voudrais vous donner avant que nous ne suspendions nos travaux. La commission parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution, qui devait siéger à 20 heures pour entendre les crédits du premier ministre, siégera plutôt à 20 h 30 parce que les députés intéressés par le sujet des pêcheries, le député de Bonaventure et le député de Gaspé, veulent participer aux travaux de cette commission, à 20 heures. Alors la commission pour étudier les crédits du premier ministre siégera à 20 h 30.

La Vice-Présidente: Cette Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 1

Reprise de la séance à 20 h 14

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Cette Assemblée en était au débat sur la motion de M. le ministre de la Justice proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 183. A cette motion, M. le député de Saint-Laurent avait proposé une motion d'amendement visant à changer le mot "maintenant" pour "dans 48 heures". Sur la motion d'amendement, M. le leader adjoint du gouvernement et député de Vanier, vous avez la parole.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: Mme la Présidente, nous ne sommes guère surpris de ce côté-ci d'avoir à débattre une motion d'amendement de l'Opposition officielle pour surseoir à l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi no 183 sur la perception des pensions alimentaires.

Il y a plus de 100 000 femmes au Québec, Mme la Présidente, qui attendent de l'Assemblée nationale l'adoption d'une loi que l'Opposition officielle, lorsqu'elle était au gouvernement, aurait pu déposer à cette Assemblée nationale pour ainsi rétablir la justice pour des femmes qui n'ont pas obtenu satisfaction avec des jugements de cour et qui sont obligées d'attendre des mesures administratives que seul un gouvernement peut mettre en place pour corriger de telles injustices. Voilà qu'après plusieurs années d'attente l'Opposition officielle libérale, qui aurait pu, pendant ses six années de gouvernement, donner suite à ces demandes, nous dit tout à coup: Vous, le gouvernement du Québec qui enfin passez à l'action, on vous demande maintenant de prendre 48 heures de plus pour refaire un travail que, de toute façon, vous avez déjà mené au cours des derniers mois. Je veux bien, Mme la Présidente, que l'Opposition officielle cherche à se faire une image auprès de la clientèle féminine en particulier...

Mme Lavoie-Roux: Ah, ah!

M. Bertrand:... celle qui est affectée par cette mesure administrative. On veut bien qu'elle se refasse une crédibilité après avoir échappé à ses responsabilités pendant plus de six ans comme gouvernement, mais le gouvernement actuel, qui a rempli son mandat de répondre aux attentes de cet important secteur de la population, passe enfin, aujourd'hui, aux actes, remplit ses promesses électorales, redonne justice à plus de 100 000 femmes qui attendent de nous ces mesures administratives, et voilà que tout à coup, on nous dit: Prenez 48 heures de plus.

Une Voix: C'est trop vite.

M. Bertrand: Mme la Présidente, il faut se rappeler que déjà sous le gouvernement libéral de M. Bourassa où le ministre Jérôme Choquette présentait un livre blanc sur la justice contemporaine, un document imposant, important, qui faisait le tour d'à peu près toutes les questions où le ministère de la Justice et l'ensemble de la justice québécoise pouvaient apporter des améliorations à la qualité de vie des Québécois. Dans ce document, à la page 236, il y a un chapitre spécial consacré à l'instauration d'un service de perception des pensions alimentaires. C'était en 1975 au moment où les gens d'en face avaient la possibilité comme gouvernement de prendre leurs responsabilités dans le domaine de la perception des pensions alimentaires. Nous sommes en 1980, cinq ans après. Le travail de réflexion a été fait depuis longtemps. Un gouvernement a eu la possibilité d'agir, il ne l'a pas fait. Il nous dira pourquoi, mais aujourd'hui, après de très nombreuses consultations, le gouvernement prend ses responsabilités et a l'intention de les prendre aujourd'hui même. Le dossier a déjà trop traîné, les femmes du Québec attendent de ce gouvernement des décisions et les femmes du Québec sont contentes dans l'ensemble des mesures que prend aujourd'hui le gouvernement au moyen du projet de loi no 183.

Mme la Présidente, on nous dit qu'il n'y a pas eu de consultation. Je voudrais rappeler aux députés libéraux que c'est le printemps dernier, au moment de l'étude du rapport de l'Office de révision du Code civil sur le droit de la famille, qu'une commission parlementaire de l'Assemblée nationale, avec des représentants de toutes les formations politiques, entendait des groupes sur plu-

sieurs questions dont celle de la perception des pensions alimentaires. Devons-nous leur dire aussi que depuis qu'un front commun s'est constitué regroupant plus de 30 organismes féminins du Québec, un groupe a réussi à faire valoir auprès du ministre de la Justice et du ministre d'Etat à la Condition féminine un certain nombre de représentations pour améliorer ce qui était jusqu'à maintenant le projet de loi qui proposait un certain nombre de mesures administratives pour percevoir les pensions alimentaires. (20 h 20)

II faut se rappeler, Mme la Présidente, que le projet de loi est déjà connu depuis décembre 1979, que des groupes se sont réunis dans un front commun pour faire valoir leurs droits, leurs intérêts, qu'ils ont été entendus, reçus par le ministre de la Justice, par le ministre d'Etat à la Condition féminine et que sur l'ensemble des demandes et des revendications formulées par ce front commun, aujourd'hui, on retrouve les réponses attendues à l'intérieur de la loi 183.

Est-il besoin de souligner simplement quelques exemples qui sont révélateurs, Mme la Présidente, de l'écoute attentive qu'ont eue les interlocuteurs gouvernementaux aux demandes du front commun? Par exemple, on disait: II n'y a aucun mécanisme de recherche du débiteur qui a été prévu dans ce projet de loi. Maintenant, Mme la Présidente, avec les modifications apportées, c'est fait.

On parlait de la gratuité du service, qui n'était pas assurée pour les créancières. Maintenant, avec ce projet de loi, c'est fait. On parlait du droit de subrogation du ministère des Affaires sociales, qui pouvait être plutôt facultatif qu'obligatoire. Le ministre de la Justice a déjà annoncé qu'il apporterait des amendements en commission parlementaire; donc, c'est fait. On disait que ce projet de loi ignorait tout des recommandations visant l'indexation. Suite à la rencontre, des améliorations étaient apportées. C'est fait.

Je ne cite que quelques exemples. Je pourrais en citer bien d'autres qui étaient autant de revendications apportées par le front commun d'une trentaine d'organismes féminins du Québec auxquels le ministre de la Justice a donné raison positivement, de telle sorte qu'aujourd'hui, le projet de loi no 183, dans l'ensemble, est la bonne réponse aux demandes formulées par les représentantes du front commun.

Donc, Mme la Présidente, dans un tel contexte, nous avons le sentiment d'avoir fait notre travail. Nous avons écouté, nous avons consulté, mais nous avons décidé. Puisque les femmes du Québec attendent depuis des années qu'un gouvernement, enfin, décide, aujourd'hui, je ne pense pas qu'elles feront le jeu d'une Opposition qui, tentant de se refaire une crédibilité auprès d'une population féminine du Québec qui, depuis des années, demande à son gouvernement d'agir, quand elle sait que cette Opposition, avait, elle, l'occasion, il y a plus de cinq ans, de poser les gestes qui s'imposaient, quand aujourd'hui, cette population féminine voit son gouvernement capa- ble, enfin, de prendre des décisions qui s'imposent, je pense qu'elle est justifiée de nous demander, à nous, le gouvernement, de refuser la motion dilatoire de l'Opposition, de refuser de prendre 48 heures de plus pour prendre des décisions qui auraient dû être prises depuis des années. Elle nous demande et c'est justement pour répondre à cette demande que nous dirons non à l'amendement formulé par l'Opposition officielle.

Que cette Opposition officielle, plutôt que de nous inviter à surseoir encore de quelques jours à une décision attendue depuis des années, accepte donc de dire clairement qu'elle favorise le principe que nous devons voter en deuxième lecture sur la perception des pensions alimentaires et qu'avec nous, en commission parlementaire, à l'étude article par article, elle accepte de contribuer positivement à l'amélioration de la loi, si telle amélioration est nécessaire, et que sur l'essentiel elle dise donc aujourd'hui ce qu'elle aurait dû dire il y a cinq ans: Nous sommes favorables à ce principe, nous l'appuyons, nous encourageons le gouvernement à aller de l'avant. Les femmes du Québec ont trop attendu. Nous allons agir pour donner une réponse qui convienne à leurs aspirations et à leurs besoins. Merci, Mme la Présidente.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Sur la motion d'amendement, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je voudrais dire simplement quelques mots sur cette motion d'amendement qui sollicite du gouvernement la tenue d'une commission parlementaire qui serait très brève et nous lui donnons à l'avance l'assurance que nous travaillerons avec diligence pour que le projet de loi soit adopté avant la fin de la session.

Je trouvais fort amusant d'entendre le cheminement que décrivait le député de Vanier. Il dit: Vous savez, cela fait déjà un an qu'on en parle et nous en avons fait de la consultation. Nous avons eu des auditions parlementaires touchant à la révision du Code civil et, à la suite de ceci, nous avons produit le projet de loi no 83 en décembre dernier. Mais si c'est le genre de consultations qu'ils ont faites, cela a produit un tel résultat, un résultat si piètre, Mme la Présidente, que vous avez vu une liste de groupes et organismes signataires du front commun, et il y en a au moins de 20 à 25, qui ont dit: La loi 83, c'est du pareil au même, c'est comme si rien se passait et ils ont protesté énergiquement. Ils ont demandé une commission parlementaire et comme le député de Vanier disait: On connaissait le projet de loi au mois de décembre, il a été déposé au début de mars, on aurait eu amplement le temps, à ce moment, de tenir une commission parlementaire.

Toujours est-il que le gouvernement a décidé qu'il n'en tiendrait pas de commission parlemen-

taire. Il aime mieux procéder en catimini avec quelques groupes et faire cela sans que les membres de l'Assemblée nationale en aient connaissance. C'est un peu la façon dont ils procèdent trop fréquemment, malheureusement. Toutefois, à la suite de ces rencontres en catimini avec quelques personnes, on arrive avec le projet de loi 183, qui fait suite à cette consultation. On doit dire qu'il est mieux que le projet de loi no 83. Mais, encore une fois, au moment du discours de deuxième lecture, le ministre de la Justice nous apporte immédiatement des amendements, comme si cette deuxième consultation n'avait pas encore été suffisante. Pourquoi cette dernière consultation que nous proposons ne contribuerait-elle pas à apporter d'autres amendements qui amélioreraient encore le projet de loi?

Il ne faut pas oublier qu'en dépit du fait — nous sommes bien prêts à l'admettre — que le projet de loi no 183 soit amélioré par rapport au projet de loi no 83, il reste que les principes fondamentaux que demandaient les femmes, à savoir qu'il y ait un régime de perception universelle et automatique n'ont pas été retenus. Pas plus tard que vendredi matin, alors que j'étais à la commission parlementaire qui étudiait les crédits —et vous y étiez, Mme la Présidente — du Conseil du statut de la femme, j'ai demandé à la présidente si elle était d'accord avec le nouveau projet de loi. Elle a répondu: "J'ai pris connaissance hier soir très rapidement du projet de loi no 183. J'y ai trouvé une nette amélioration. La position du conseil au sujet de l'automatisme demeure toujours la même, mais c'est évident que, lorsque cette nouvelle loi est assortie de beaucoup plus de facilité pour les femmes... Oui, c'est sûr que c'est une question de principe pour nous, mais cela devient moins important, par exemple, si, par contre, beaucoup de démarches sont facilitées. Si cela demeure la seule chose, cela devient moins important, mais la position du conseil est toujours la même. Nous avons encore réclamé que ce soit une mesure automatique."

Ce que les femmes réclamaient avant qu'elles ne rencontrent le ministre d'Etat à la Condition féminine entre autres — je ne sais pas si elles ont rencontré de nouveau le ministre de la Justice — c'était également un véritable régime de perception des pensions alimentaires simple, efficace, gratuit et universel.

Mme la Présidente, si nous demandons aujourd'hui cette commission parlementaire qui ne retardera pas l'adoption de la loi — et là-dessus, je suis d'accord avec le député de Vanier, les femmes ont assez attendu qu'il ne faudrait pas retarder l'adoption de ce projet de loi même si comme le signalait le député de Nicolet-Yamaska, on peut se demander quand l'application en viendra, surtout à un moment où on parle d'élections à l'automne, de toute façon, la loi sera adoptée et ce ne sera certainement pas nous qui en retarderons l'adoption — c'est que nous pensons qu'à la suite de cette commission parlementaire... Il y a d'ailleurs des gens qui se sont adressés au ministre de la Justice pas plus tard que le 16 juin: Je lis: "M. le ministre, suite au redépôt du projet de loi destiné à favoriser la perception des pensions alimentaires, projet de loi 183, le Réseau d'action et d'information pour les femmes désirerait qu'une commission parlementaire rapide, sans lourdes formalités, soit convoquée pour exposer nos réclamations qui ne sont certes pas uniques à notre mouvement."

J'ai eu d'autres appels téléphoniques et les gens m'ont demandé: Est-ce qu'il y aura une commission parlementaire? Parce que nous croyons qu'en dépit des améliorations qui ont été apportées à la loi 83, nous pensons qu'il y aurait lieu d'examiner de nouveau. On pourrait peut-être penser à un mécanisme qui soit plus universel et plus automatique que celui que nous propose la loi 183. (20 h 30)

Je voudrais bien dire, comme le député de Vanier, que le problème des 100 000 femmes auquel il faisait allusion serait résolu par le projet de loi no 183; je pense que nous aurions pu l'adopter, un, deux, trois nous en aurions été fort heureux, mais c'est justement parce qu'il sera loin de résoudre le problème des 100 000 femmes auquel il faisait allusion que nous réclamons du gouvernement, dans un esprit de collaboration, que nous entendions ces personnes qui veulent venir faire valoir certains points de vue. Je suis certaine que toute autre amélioration apportée à ce projet de loi serait véritablement dans l'intérêt non seulement des femmes, mais de plus en plus dans celui de certains hommes qui devront se réclamer de telles dispositions pour faire valoir leurs droits.

Je regrette, Mme la Présidente, que le Conseil du statut de la femme, qui nous avait dit en commission parlementaire: "pour nous, c'est encore un principe, nous voulons que ce soit une mesure automatique", reste coi sur une question aussi importante que celle-ci. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Sur la motion d'amendement, Mme la ministre d'Etat à la Condition féminine.

Mme Lise Payette

Mme Payette: Sur la motion d'amendement, Mme la Présidente. Je m'opposerai à ce rapport de 48 heures de l'adoption du projet de loi no 183 et je vais vous expliquer pourquoi. C'est en effet un projet de loi qui a été déposé le 18 décembre dernier dans son premier jet, sa première formule et, effectivement, il n'était pas, à mon avis, satisfaisant, ce qui nous a empêchés de l'adopter avant les vacances de Noël. Il fallait d'autres consultations, d'autres explications et nous avons fait ces consultations.

Je pense que tous les groupes sont d'accord pour dire que le projet de loi no 183 qui est devant nous est un projet de loi aussi complet qu'un projet de loi sur la perception de pensions alimentaires puisse l'être à l'heure actuelle. J'ai eu l'occasion de rencontrer le front commun il y a quelques jours seulement. Les chiffres dont nous disposons ne sont pas des chiffres officiels. On a

souligné tout à l'heure, du côté de l'Opposition, qu'il était extrêmement difficile de savoir quel pourcentage, par exemple, de ces pensions alimentaires était payé de façon régulière et quel pourcentage ne l'était pas. C'est le député de Saint-Laurent qui y a fait allusion. C'est, en effet, vrai, nous disposons de peu de données dans ce domaine, mais les chiffres que nous avons, sans être officiels, nous permettent cependant d'en arriver à ceci. Il semble qu'il y ait actuellement au Québec environ 51% des pensions alimentaires qui soient payées de façon régulière, sans qu'il n'y ait aucun problème entre les ex-conjoints. Il y a donc 49% des pensions alimentaires qui ne sont pas payées de façon régulière ou qui ne sont pas payées du tout.

Il nous apparaissait que dans le mot "universelle" qu'utilisaient les groupes au début, lorsqu'ils ont commencé à faire des représentations, il y avait quelque chose d'odieux à penser que nous allions appliquer automatiquement une mesure comme celle qui est préconisée dans le projet de loi no 183 à 51% — permettez-moi de les appeler ainsi — de bons ex-maris. 51% des hommes, en effet, se comportent comme de bons citoyens, de bons ex-maris, de bons pères de famille et paient de façon régulière leurs pensions alimentaires. Donc, ce qu'on appelait la perception universelle des pensions alimentaires aurait placé, selon les conseillers juridiques, ces 51% d'hommes — parce que c'est évidemment une majorité d'hommes — sous une sorte de saisie permanente, ce qui n'était pas souhaitable parce que c'était véritablement une injustice à leur égard.

Ce que nous avons cherché à faire, c'est un moyen de perception des pensions alimentaires qui soit universel pour celles qui en ont besoin. Et celles qui en ont besoin, c'est bien ces 49% dont je vous ai parlé. Dans ce sens, je peux dire qu'au moment où nous nous parlons, avec l'amendement qui a été annoncé aujourd'hui par le ministre de la Justice et qui concerne particulièrement le droit de subrogation du ministre des Affaires sociales, je crois que toutes les demandes du front commun et du Conseil du statut de la femme ont été remplies et que nous pouvons annoncer que nous avons entre les mains un moyen, un outil de perception qui soit facile, qui soit rapide, qui soit efficace, qui soit gratuit et qui est universel pour celles qui en ont besoin. Je pense que c'était important de retenir cet aspect, que ce soit universel, mais que ce ne soit pas automatique au point où 51% des maris qui sont de bons maris étaient pénalisés comme les autres.

Nous avons été très prudents dans cette action pour ne pas pénaliser de bons citoyens et ne pas non plus ternir la réputation de ces 51% de la population mâle — parce qu'elle est en majorité mâle — qui paient des pensions alimentaires de façon régulière. Donc, la demande qui était faite par les organismes de femmes au Québec et par le Conseil du statut de la femme, avec les amendements qui ont été apportés du projet de loi 83 au projet de loi 183 plus l'amendement présenté aujourd'hui par le ministre de la Justice donnent comme résultat, Mme la Présidente, que le ministre des Affaires sociales sera automatiquement subrogé aux droits de la créancière vis-à-vis du débiteur, à moins que la créancière elle-même n'en décide autrement. Nous avons, là aussi, respecté la liberté de choix des individus, pensant que certaines femmes voudraient exercer elles-mêmes leur droit de recours et ne souhaiteraient pas être subrogées dans leur droit par le ministre des Affaires sociales. C'est dans ce sens que nous avons permis non pas une situation inverse, mais permis que des femmes qui voudraient elles-mêmes exercer leur droit de recours puissent le faire, mais si elles ne désirent pas le faire, le ministre des Affaires sociales exercera automatiquement ces droits à leur place. Avec cet amendement, les demandes qui avaient été faites par tous les organismes de femmes du Québec sont remplies, si bien qu'il n'y a aucune raison de recommencer les consultations qui ont eu lieu.

Je m'étonne que la députée de L'Acadie nous dit que ce serait une commission parlementaire qui pourrait aller très vite, parce que je ne vois pas comment elle fait pour annoncer cela, Mme la Présidente. Quand on fait une commission parlementaire de façon démocratique, on ouvre cette commission à tous les groupes qui voudraient s'exprimer, et il peut bien s'agir d'une commission parlementaire qui durerait dix, douze ou quinze jours, qu'en sait-on? Dans ce sens, cela me paraît être une mesure absolument dilatoire que de demander un report de 48 heures, et cela me paraît, en plus, presque antidémocratique que d'annoncer que cette commission parlementaire pourrait durer quelques minutes ou quelques heures. S'il y a une commission parlementaire, ce sera une vraie commission parlementaire avec tout ce que cela représente et, à mon avis, ce serait faire perdre le temps de cette Chambre parce que les consultations ont eu lieu et, à ma connaissance, le front commun, Mme la Présidente, attend que nous ayons adopté cette loi en deuxième lecture pour émettre son communiqué pour demander aux membres de cette Assemblée de procéder à la troisième lecture.

La Vice-Présidente: Sur la motion de report à 48 heures, M. le député de Maisonneuve.

M. Georges Lalande

M. Lalande: Mme la Présidente, ce projet de loi intitulé "Loi pour favoriser la perception des pensions alimentaires" s'inscrit à l'intérieur de modifications au Code de procédure civile. C'est grosso modo, mais si nous allons un peu plus loin que le titre, Mme la Présidente... Oui?

La Vice-Présidente: Parlez-vous sur la deuxième lecture du projet de loi...

M. Lalande: Non, non.

La Vice-Présidente: ... ou sur la motion de report?

M. Lalande: Non, je parle sur le report, Mme la Présidente.

Une Voix: Alors, parlez sur le report.

M. Lalande: Je parle sur la motion de report, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Sur la motion de report visant à remplacer "maintenant" par "dans 48 heures", M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: Oui. Je disais que si nous allons un peu plus loin que le titre, Mme la Présidente, nous devons constater que ce projet de loi, dans sa structure, fait appel à la procédure mais, au fond, il touche à la substance d'une réalité sociale à laquelle le ministre d'Etat à la Condition féminine a fait appel tout à l'heure. Le député de Vanier en a aussi parlé. Il nous a dit: Comment se fait-il que vous ne soyez pas d'accord pour procéder immédiatement à l'étude de ce projet de loi, alors qu'on vous offre, à l'heure actuelle, un véritable service de perception? Il nous a même cité la page 236 du livre blanc de M. Choquette, à savoir que l'on préconisait alors un service de perception. Mais c'est justement le fond du problème, Mme la Présidente. Il n'y a pas de véritable service de perception à l'heure actuelle. On essaie de fonctionner par le même service, de la même façon qu'au niveau de la structure judiciaire. (20 h 30)

C'est pour cette raison que nous croyons qu'à l'heure actuelle les principaux intervenants, les créanciers — les créancières, de façon plus précise — devraient avoir le droit d'être entendus avant qu'un projet aussi important — c'est pour cette raison que je faisais référence à la substance de ce projet de loi — soit adopté. C'est statuer sur des biens sur lesquels les femmes, en grande majorité, ont des droits parce que c'est à la suite d'un jugement de la Cour supérieure se prononçant sur des pensions alimentaires que ces droits seraient réalisés par un véritable service de perception des pensions alimentaires. Mais ce n'est pas le cas, à l'heure actuelle. Je pense que nous aurions intérêt à entendre, encore une fois, toutes les parties puisque quand même, dans sa réimpression, le projet de loi no 83 a été changé pour le projet de loi no 183. On inclut, à l'intérieur de ce projet de loi, l'indexation des pensions alimentaires.

Ne serait-ce qu'à ce seul niveau, il y aurait nécessité d'entendre tous les intervenants et les intervenantes à l'extérieur de cette Chambre qui auraient à se prononcer sur ce projet de loi.

Mme la Présidente, ce projet de loi touche à la substance non seulement parce qu'il modifie le Code civil — on l'a dit dans l'indexation des pensions alimentaires — mais parce qu'il touche, encore une fois, à la réalisation d'un droit fondamental concernant des biens nécessaires à la vie. En effet, à quoi sert d'avoir sa chambre ou sa maison complète tapissée de jugements si on n'est pas capables de réaliser ces jugements, si on n'est pas capables de les exécuter? Comment peut-on faire davantage confiance? Comment pouvons-nous rendre l'officier de justice plus habile à exécuter ces jugements qu'un avocat à l'heure actuelle et même dans la nouvelle éventualité du nouveau projet de loi? C'est le fond de la question sur lequel nous devons avoir l'occasion d'entendre encore tous les intervenants et les intervenantes qui auront à se prononcer sur ce projet de loi puisque ce sont eux et elles qui auront à vivre avec les effets sur lesquels nous allons nous prononcer aujourd'hui en toute précipitation.

Le député de Vanier a dit qu'il était pénible de constater qu'on puisse faire obstruction et objection à ce qu'on adopte, à toute vitesse et en toute précipitation, après bientôt quatre ans de participation de ce gouvernement à la gestion des affaires de l'Etat, ce projet de loi. Je pense que j'ai la réponse à ceci; quand on est sérieux, quand on veut véritablement corriger un problème qui est avant tout social et qui n'est pas judiciaire, plutôt qu'on essaie de le corriger par un processus qui demeure encore judiciaire, cela vaut la peine d'écouter tous les intervenants qui ont à se prononcer sur une réalité sociale. C'est pour cette raison qu'après quatre ans il est fort curieux de constater qu'on décide de débouler, en fin de session, à la dernière minute, sous l'effet de la pression, encore une fois, un projet de loi qui est susceptible de toucher, comme nous l'a démontré un des députés, plus de 100 000 femmes au Québec. C'est pour ça que nous croyons que nous devons reporter ce projet de loi au moins à 48 heures pour permettre aux principales intervenantes d'intervenir à ce moment-ci du débat.

Mme la Présidente, il faut le répéter, cette histoire, cette affaire qui est traitée devant nous, c'est un problème social que nous essayons d'attaquer de façon juridique. Je pense que le problème est social et qu'il doit être résolu de façon sociale. Encore une fois, pour répondre aux arguments du député de Vanier, je lui dirai qu'on est très loin d'être dans un service de perception à l'heure actuelle. C'est la même organisation qui continue de fonctionner, et plus que ça, on enlève en partie du décor les services d'un avocat pour permettre au protonotaire d'agir seul. Or, je me demande, Mme la Présidente, à ce stade, comment on pourrait en arriver à croire que le protonotaire et l'avocat qui agissent dans un nouveau système... Comment, si le protonotaire agit seul, peut-on améliorer la situation?

Là-dessus, il faudrait prendre le temps d'entendre ceux qui auront à penser, qui auront à vivre avec ça, les créanciers actuels et les créanciers éventuels qui devront vivre avec les conséquences d'un projet de loi que nous adopterions à toute vapeur à ce moment-ci. C'est pour ça qu'il ne faut pas s'énerver et prendre le temps. Ça fait déjà près

de quatre ans que nous attendons, nous sommes bien capables d'attendre encore 48 heures pour entendre les principaux intervenants et intervenantes à l'intérieur de ce dossier. Ce n'est sûrement pas par l'adoption de ce projet de loi dans la précipitation que nous allons régler un problème qui est véritable et difficile à résoudre. Comment pourrait-on, dans une espèce de projet de loi qu'on nous lance comme ça, ramener à la raison les maris récalcitrants, pour nommer une bonne partie de ceux qui sont débiteurs des créances alimentaires, les maris récalcitrants ou ceux qui essaient de se soustraire volontairement et systématiquement à leurs obligations?

Mme la Présidente, après quatre ans d'inaction dans ce domaine, je trouve que le gouvernement est bien pressé de nous passer à l'anglaise — si vous me permettez l'expression — un projet de loi qui touche aux nécessités de la vie de plusieurs personnes dans notre société. Si le gouvernement-La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît

M. Lalande: ... veut faire preuve de limpidité, s'il veut faire preuve de transparence, comme il le proclame très souvent, il doit surseoir à l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture et permettre sans précipation, sans énervement, à tous les intéressés de se faire entendre.

C'est pour ce motif principal, Mme la Présidente, que je suis d'accord avec la motion du député de Saint-Laurent, d'autant plus qu'il faut se rappeler que la législation dans ce domaine, notamment, doit s'ajuster à la réalité sociale. Cette réalité sociale est susceptible, Mme la Présidente, de se révéler en partie par l'apport d'informations additionnelles qui nous seraient données par les gens du milieu, soit les créanciers et les créancières actuels et éventuels. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Je voudrais ajouter seulement un mot, Mme la Présidente, sur la motion d'amendement. Les groupements intéressés — plus particulièrement Mme Claire Bonenfant qui prenait la parole en fin de semaine concernant ces amendements — disaient qu'après un premier regard sur la loi 183 qui venait d'être déposée à l'Assemblée nationale, ils pouvaient dire que le projet de loi dans l'ensemble leur paraissait satisfaisant. Je pense qu'à ce moment, Mme Bonenfant notamment n'avait peut-être pas jeté l'oeil attentif qu'on lui connaît sur ce projet de loi, puisque si on se reporte au dernier article du projet de loi, on s'aperçoit que la loi qu'on nous demande d'adopter ce soir est peut-être valable dans son ensemble, mais on ne sait pas quand elle entrera en vigueur. Je pense qu'on veut tout simplement faire un maquillage de l'inaction du gouvernement, comme on l'a vu dans d'autres domaines. On nous fait adopter un projet de loi à l'Assemblée nationale, alors qu'on sait fort bien qu'il ne sera pas mis en application avant plusieurs mois, parce que le ministre qui le présente n'a pas l'intention de le mettre en application, il n'a même pas les fonds nécessaires pour le faire.

On a eu un exemple frappant lorsqu'on a adopté la loi 9, la Loi électorale, qui a été sanctionnée le 13 décembre 1979. Cette loi doit entrer en vigueur à la proclamation du gouvernement, parrainée par le même ministre de la Justice. Mme la Présidente, cette loi n'est pas encore en vigueur six mois après son adoption.

Si on se reporte au projet de loi no 183, je demanderais aux intéressés dans ce domaine de bien vérifier si le gouvernement n'est pas en train de nous faire la même chose, si le ministre de la Justice n'est pas en train de leur passer le même sapin qu'au sujet de la loi 9. La loi ne sera probablement pas mise en vigueur avant nombre de mois. Si le ministre de la Justice veut se lever tout à l'heure et me dire, à moi, et en faire un engagement du gouvernement, qu'il a l'intention de mettre ce projet de loi en application à une date précise, 1er juillet, 1er août, 1er septembre même, je serai contre la motion proposée par le Parti libéral. Mais si le ministre ne se lève pas et ne donne pas une date précise d'application, j'appuierai la motion d'amendement. (20 h 50)

Rejet de la motion

La Vice-Présidente: La motion d'amendement de M. le député de Saint-Laurent sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Rejeté.

Mme Lavoie-Roux: Vote enregistré.

M. Bertrand: Mme la Présidente, s'il vous plaît. Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Est-ce qu'on me demande le vote enregistré?

M. Bertrand: Non.

La Vice-Présidente: La motion est-elle adoptée?

Des Voix: Rejeté.

La Vice-Présidente: Rejeté. Sur la motion principale de M. le ministre de la Justice, soit la loi 183, Loi pour favoriser la perception des pensions alimentaires. Sur la motion principale...

M. Lalande: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Maisonneuve, sur la motion principale.

M. Lalande: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Maisonneuve a demandé la parole sur la motion principale.

M. le député.

Reprise du débat sur la deuxième lecture M. Georges Lalande

M. Lalande: Soyez respectueux.

Mme la Présidente, ce projet de loi évidemment procède de bonne foi, c'est un problème grave que celui de la perception des pensions alimentaires. Il suffit d'avoir été dans le milieu judiciaire pour le constater à sa face même. Cependant, force nous est de constater que ce projet de loi manque de rigueur et manque de lucidité aussi. En fait, ce projet de loi qui est bien intitulé pour favoriser la perception des pensions alimentaires ne favorise pas beaucoup la perception de ces pensions alimentaires. C'est simplement un réaménagement mineur dans la façon de percevoir une pension alimentaire. Chose curieuse, il complique même, sous certains aspects, davantage cette perception en instaurant une espèce de chevauchement ou de dédoublement de deux ministères, celui des Affaires sociales et celui de la Justice, dans l'organisation à traiter de cette affaire. Il alourdit davantage le processus qu'il ne l'est à l'heure actuelle.

En plus de cela, dans ce projet de loi, on alourdit la perception en demandant à la créancière... Dans la majorité des cas, c'est la femme qui doit avoir la garde des enfants et qui doit, pour subvenir au besoin de la famille, bénéficier d'une pension alimentaire qui lui est d'ailleurs octroyée par un jugement de la Cour supérieure. Dans les conditions qu'on nous propose dans le projet de loi, on demande à la créancière de préparer elle-même son dossier, de se présenter devant le protonotaire de la Cour supérieure pour demander la réalisation et la constatation de son droit. Or, dans la préparation du dossier, il y a une technicité qui est évidente. Qu'arrivera-t-il dans les cas où justement le mari, le débiteur est absent, voyage, change d'endroit et d'adresse à tous les six mois? Qu'arrivera-t-il dans les cas de ces maris récalcitrants qui veulent absolument se pousser de leurs obligations, s'en éloigner? En quoi le problème sera-t-il réglé véritablement pour les femmes qui sont bénéficiaires de ces pensions alimentaires? En quoi l'aura-t-on changé?

Je reviens encore à l'argument bien superficiel du député de Vanier tout à l'heure qui nous disait qu'on a mis en place un véritable service de perception, tel que décrit par M. Choquette, à la page 236 de son livre blanc. Mais il n'y en a pas de service de perception. C'est cela le drame de ce projet de loi, à l'heure actuelle. On n'aura rien changé au lendemain de l'adoption de ce projet de loi, sinon que compliquer davantage, sinon qu'alourdir davantage la tâche que la créancière aura à assumer.

Si le ministre et le ministère de la Justice ont la responsabilité de la perception des pensions alimentaires en vertu de ce projet de loi, il n'en demeure pas moins — et c'est là un côté qui n'est véritablement pas clair à l'intérieur de ce projet de loi et que le ministre devra nous expliquer davantage. Ce n'est pas véritablement le ministère de la Justice ou le ministre de la Justice qui aura à faire les frais, à assumer le fardeau, c'est plutôt l'officier de justice qui émane du pouvoir judiciaire qui aura à assumer cette responsabilité.

Me semble-t-il, on devrait comprendre qu'il y a une distinction importante à faire entre un membre de l'exécutif, un fonctionnaire de l'exécutif et un officier de justice qui doit constater et établir le droit. Ce n'est pas le travail, la tâche d'un officier de justice d'être le prolongement du bras de l'exécutif; il devrait respecter les règles de l'impartialité, constater le droit, émettre des brefs de saisie, s'il le faut, mais, de là à exécuter, c'est là un précédent dangereux. C'est un précédent dangereux, quand on joue avec les droits fondamentaux, avec les nécessités de la vie que constitue au fond une pension alimentaire. Peut-être le ministre de la Justice nous dira-t-il: Mais ceci existe à l'heure actuelle en ce qui a trait au dépôt volontaire. Mais non, cela n'existe pas en ce qui a trait au dépôt volontaire, puisque le dépôt volontaire n'oblige le protonotaire, ne lui crée l'obligation que d'administrer des entrées d'argent et de les redistribuer; il ne lui est pas demandé d'avoir un rôle actif au niveau administratif et au niveau de l'exécutif. Au contraire, le protonotaire ou le greffier de la Cour provinciale, dans le cas du dépôt volontaire, n'a qu'à rendre, qu'à exécuter des décisions judiciaires et il ne s'implique pas à l'intérieur du processus exécutif.

Le ministre parlera peut-être aussi des petites créances où, justement, le greffier de la Cour provinciale, qui est un officier de justice, doit agir, doit prendre part pour le mandat et exécuter, mais il me semble que ce ne devrait pas être un exemple à nous proposer à l'heure actuelle quand on sait que, dans l'exécution forcée des jugements aux petites créances, plus de 60% ne sont justement pas réalisés, ne sont justement pas faits. On peut toujours jongler avec $500, $400 ou $300, mais il me semble que c'est drôlement plus important, quand on est rendu à la Cour supérieure, dans le domaine des pensions alimentaires, de ne pas se fier à un mécanisme qui, à ce jour, n'a pas fait ses preuves d'être sérieux et d'être adéquat.

Comment, dans ce projet de loi, le protonotaire pourra-t-il rechercher le débiteur qui déménage de six mois en six mois, encore une fois, alors qu'il n'a même pas le droit, en vertu du projet de loi — il n'a pas de pouvoir, rien n'est dit dans la loi — d'ordonner une enquête par le service d'enquête qu'à la dernière minute le ministre de la Justice est venu nous proposer en annexe? Comment pourra-t-il saisir judiciairement et officiellement? Comment pourra-t-il faire les recherches de domicile, de nom du débiteur dans des endroits? Ceci n'est pas prévu à l'heure actuelle. On reste encore une fois dans le labyrinthe des procédures judiciaires où seulement, dans bien des cas, les avocats sont

capables de se démêler à l'intérieur de cela. On va essayer de nous faire croire qu'une créancière qui a un problème social, qui ne devrait pas avoir besoin de s'adresser à la justice, devra, elle, constituer son dossier, le préparer, faire des recherches pour savoir où son mari est rendu, calculer les arrérages, établir tout cela, monter un dossier, le présenter à l'officier de justice qui, lui, refusera d'agir si le dossier n'est pas complet. Comment penser régler véritablement un problème de cette façon-là?

Ce n'est pas encore dans cette direction qu'il faille aller. Je comprends, encore une fois, que le ministre est de bonne foi, qu'il pense pouvoir régler certains problèmes, mais c'est jusqu'à un certain point embarquer dans un carrousel. On nous dit: Essayons, on verra comment cela se passera un peu plus tard! Il faudrait démontrer un peu plus de sérieux dans un problème de fond comme celui-là. Je comprends très mal la ministre d'Etat à la Condition féminine de laisser débouler ce projet de loi à l'heure actuelle. Si elle a le problème des femmes à coeur, comment peut-elle embarquer dans un processus qui donne très peu? Comme le dirait Cyrano de Bergerac: "Voilà qui est bien petit, monsieur." C'est la souris qui accouche de la montagne. Mais oui, c'est une souris, c'est déjà quelque chose, mais ce n'est donc pas beaucoup! On aurait été en droit de s'attendre, si on s'était fié au programme du Parti québécois de 1976, à beaucoup plus que ce qu'on nous donne. En fin de session, à la dernière minute, il me semble que c'est manquer de respect, c'est manquer à ses obligations que de nous débouler un projet de loi de cette nature aux dernières minutes, aux dernières heures d'une session.

Une enquête du ministère des Affaires sociales démontre que 59% des pensions alimentaires accordées par les tribunaux restent impayées, parce que le débiteur — celui ou celle qui doit payer, c'est la définition du débiteur — reste introuvable ou est insolvable. Comment va-t-on régler ce problème? Comment ceci est-il expliqué, quel article du projet de loi nous explique comment régler ce problème? (21 heures)

Un service d'enquête nous arrive en annexe et on nous dit: II y aura tant de personnes qui agiront. Mais, le protonotaire aura-t-il le pouvoir de signer? Un enquêteur? Rien n'est prévu à l'intérieur du projet de loi. On laisse cela un petit peu à la va-comme-je-te-pousse et on pense que, peut-être, le protonotaire va communiquer avec l'exécutif, lui qui est un officier de justice va communiquer avec un fonctionnaire de l'exécutif pour demander: Voudrais-tu faire une enquête pour essayer de trouver monsieur, à tel endroit et tel endroit? Rien n'est dit là-dedans et ce n'est sûrement pas seulement une mesure administrative à l'heure actuelle qui va nous aider à répondre à ce problème et à le résoudre véritablement.

Par quel mécanisme — ceci n'est pas précisé dans le projet de loi — prévoit-on rechercher le débiteur qui déménage régulièrement? On crée un fardeau sur les épaules du protonotaire à l'heure actuelle; on le rend responsable de ce dossier. Mais, aucun pouvoir, véritablement, ne lui est donné pour assumer la nouvelle tâche qu'on lui propose. C'est dangereux — il faut le souligner à ce stade-ci — quand on crée une obligation sur les épaules du protonotaire, quand on essaie de faire accroire aux femmes qu'elles pourront maintenant facilement récupérer d'un mari qui essaie de se soustraire à ses obligations. C'est là créer des attentes qui se réaliseront difficilement dans l'avenir, si on prend le projet de loi dans son esprit et sa rédaction actuels.

Ceci ne répond pas véritablement; il eût été beaucoup plus clair, beaucoup plus facile de créer ce fameux mécanisme, ce fameux service de perception, de le faire préparer par des spécialistes du milieu qui auraient fait des recherches et auraient finalement présenté le dossier complet au protonotaire qui aurait vu à le faire exécuter. Voilà qui aurait été beaucoup plus logique, qui aurait répondu davantage aux attentes des créanciers et créancières qui ont eu à vivre dans ces milieux, avec ces problèmes, depuis plusieurs années. On a mis cela de côté; on a dit, encore une fois, que les cours de justice se débloquent avec cela. Si cela ne va pas, c'est parce que les juges, les officiers de justice ne font peut-être pas leur travail comme ils devraient le faire. C'est le danger actuel de ce projet de loi qu'on nous propose.

Je pense qu'il faut souligner, il faut rappeler aux membres de cette Assemblée, comme au public de façon générale, qu'il n'y aura pas grand-chose à sortir de cela. Ce n'est pas nécessairement mauvais; in se, comme disent les juristes, encore une fois, en soi, ce n'est pas mauvais; mais, en pratique, cela ne donne pas grand-chose, Mme la Présidente.

Je pense qu'un projet de loi concernant la perception des pensions alimentaires doit s'inscrire beaucoup plus dans le sens d'une action sociale, d'une action curative, d'une action de remède plutôt que dans le processus de sanction et dans le processus judiciaire. On n'a pas encore compris cela, de l'autre côté de la Chambre. Les problèmes sociaux, on ne les règle pas en changeant des projets de loi, en faisant des lois, en menaçant tout le monde; on les change plutôt avec des mesures sociales. On n'apporte pas véritablement de mesure sociale à l'intérieur de ce projet de loi.

Encore une fois, ce projet de loi, qui est beaucoup plus une affaire sociale, n'est pas traité selon sa valeur, il n'est pas traité au mérite ou dans l'espèce. On impose à la créancière, en pratique, l'obligation de s'adresser, encore une fois, aux officiers de justice, dans un palais de justice, avec toute la technicité et même l'austérité qui caractérisent bien souvent l'administration de la justice. Ce n'est sûrement pas là une approche sociologique du problème. On va demander, encore une fois, on va laisser seule une créancière se présenter devant le protonotaire et se débattre dans les dédales de la justice, devant les lenteurs normales,

à part cela, parce qu'on est dans une procédure judiciaire, parce que les règles de la preuve doivent être...

Je comprends que, de l'autre côté de la Chambre, souvent, on fait fi de la règle de l'audi alteram partem, que les deux parties doivent être entendues avant d'exécuter, mais qu'arrivera-t-il dans les cas de contestations de saisie? Qui saisira, qui viendra plaider pour défendre l'opposition, si elle est bien fondée? Encore une fois, on le voit très bien, on est à l'intérieur du processus judiciaire le plus pur et le plus procédural possible. Pourquoi ne pas avoir pensé à un organisme spécial ou même à la suggestion de coller cette réalité au bureau d'aide sociale? Me semble-t-il, ces bureaux collent de beaucoup plus près à la réalité sociologique d'une femme seule qui souhaite se prévaloir des nécessités de la vie que lui donne une pension alimentaire évaluée par le tribunal. Elle se retrouvera, encore une fois, seule devant l'appareil judiciaire pour essayer de faire exécuter un jugement auquel elle a droit.

C'est là, Mme la Présidente, encore une fois, une affaire beaucoup plus sociale que judiciaire et — je terminerai là-dessus — le gouvernement, encore une fois, récidive — mais oui, le terme n'est pas trop fort puisqu'on est en plein processus judiciaire, Mme la Présidente — en négligeant d'opérer une division essentielle entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif.

Ce projet de loi confie le poids de l'exécution de la tâche de perception au ministère de la Justice, donc, à l'exécutif, mais de façon plus précise —et c'est la façon obscure de ce projet de loi — au tribunal, c'est-à-dire au judiciaire. On demande au protonotaire, le premier officier de la Cour supérieure, un officier de justice qui, dans le cours normal de ses fonctions, agit comme arbitre, ne doit pas prendre parti — ce serait contre son éthique professionnelle et contre le sens de la loi — celui qui, en termes absolus, prend 75% des actions qui sont prises devant la Cour supérieure au cours de l'année, on demande à cet officier de justice d'agir comme agent percepteur du gouvernement. Mme la Présidente, c'est là un danger, un précédent qu'il faut rappeler au ministre de la Justice. Il devrait comprendre ce danger. Au moment où le pouvoir judiciaire est de plus en plus érodé, de plus en plus contesté, pourquoi faudrait-il l'affaiblir davantage en confiant au premier officier de la Cour supérieure la tâche de percevoir et d'agir comme agent percepteur du gouvernement? Encore une fois, au niveau du dépôt volontaire, Mme la Présidente, le protonotaire ou le greffier de la Cour provinciale n'a pas ce rôle actif. Il rend le droit, il dit le droit, il émet des brefs d'exécution, mais, à partir de là, c'est le travail d'autres, de la police, le travail du huissier, le travail du shérif. Dans les ventes où il doit administrer les sommes d'argent, par exemple, dans les ventes immobilières ou dans les ventes mobilières où le shérif ou le huissier agit, encore une fois, le protonotaire ne fait qu'administrer ces biens, cet argent. Il ne fait que les administrer. Il ne prend jamais parti. C'est une tradition dans nos institu- tions démocratiques de ne pas demander à l'officier de justice, à l'officier de droit ou au juge de prendre parti à l'intérieur pour l'une ou l'autre partie. C'est ce que demande, à l'heure actuelle, sans s'en rendre compte le projet de loi. J'y reviens. La bonne foi m'apparaît assez évidente à sa face même dans ce projet de loi, mais il y a tellement de lacunes vers le fond que cela nous rend un peu sceptiques quant à la façon de penser de ce gouvernement.

Encore une fois, aux petites créances où on demande au greffier de la Cour provinciale, à un officier de justice d'agir comme saisissant, j'en mentionnais un mot tout à l'heure, les résultats ne sont vraiment pas conciliables avec ce qu'on essaie de faire à l'heure actuelle, alors que plus de 60% de ces jugements ne sont justement pas exécutés.

Il me semble, Mme la Présidente, que le rôle du pouvoir judiciaire, de l'officier de justice comme du juge, c'est de constater, de dire le droit et non pas d'agir comme un agent du pouvoir exécutif. Qu'on s'adresse au tribunal pour exécuter un jugement, fort bien, mais qu'on ne demande pas à l'officier de justice ou au tribunal de prendre parti dans l'exécution du jugement ou même de jouer un rôle actif dans la recherche du débiteur. C'est demander au protonotaire, à l'officier de justice de se départir de son rôle d'arbitre. C'est là, encore une fois, Mme la Présidente, éroder la fonction judiciaire. Le rôle fondamental de l'officier de justice est d'être impartial, juge et non pas juge et partie en même temps dans une même cause. Cette façon de voir les choses est absolument incompatible avec l'esprit d'un Etat démocratique.

Pourtant, Mme la Présidente — c'est ce que je ne comprends pas à l'heure actuelle — après quatre ans, le programme du Parti québécois, même dans l'édition de 1980, à la page 32, nous parle de créer un organisme public de perception et de distribution. Qu'en est-il de cela? Je voudrais que le ministre de la Justice nous explique où en est son organisme public de perception et de distribution. (21 h 10)

Donc, pour ces motifs, Mme la Présidente, à cause de l'enchevêtrement, de la lourdeur qui sera provoquée, notamment par le chevauchement entre deux ministères, le ministère des Affaires sociales et le ministère de la Justice, par le manque de dispositions véritables susceptibles d'amoindrir la lourdeur et le fardeau qu'a à assumer la créancière dans l'exécution des pensions alimentaires, par le fait que ce projet de loi devrait plutôt s'inscrire dans une mission sociale que dans une mission judiciaire. Ce projet de loi, insidieusement, Mme la Présidente, confond le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, encore une fois, et confirme l'officier de justice dans un rôle qui n'est véritablement pas le sien. Cependant — encore une fois, j'y reviens — du fait que l'esprit dans lequel ce projet de loi a été rédigé et le fait de faire un essai qui, à mon avis, n'apportera pas grand-chose, mais tout de même de faire un essai en vue d'améliorer un peu la perception sans véritablement aller au fond des choses, c'est

véritablement, Mme la Présidente — moi qui n'ai pas beaucoup d'expérience — m'apparaît-il, un projet de loi de fin de régime, un genre de testament de "on n'est pas capable de faire mieux, mais on va essayer de vous faire cela à la dernière minute et on va essayer de vous lancer cela." Avec l'expérience, peut-être aurais-je d'autres jugements à ce sujet, mais dans ces conditions-ci, je serai d'accord sur le principe de ce projet de loi, mais en réservant...

Des Voix: Ah!

M. Lalande: Sur le principe, sûrement. Mais lors de l'étude du projet de loi article par article, nous aurons l'occasion de converser avec le ministre de la Justice, sinon de l'informer de certaines lacunes dangereuses que comporte ce projet de loi.

La Vice-Présidente: M. le ministre de la Justice exercera-t-il son droit de réplique? Alors, cette motion de deuxième lecture...

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais dire seulement quelques mots sur le projet de loi lui-même. Tout à l'heure, Mme la députée de Dorion nous est tout à coup arrivée avec un chiffre de 51% de personnes qui s'acquittent de leur obligation de payer des pensions alimentaires à leur conjoint et à leurs enfants, dans d'autres cas. Je trouve assez étonnant que, tout à coup, on nous sorte du chapeau 51% alors que, d'après les études du ministère des Affaires sociales, on dit que seulement 37,5% des ruptures légales font l'objet d'une ordonnance de pension alimentaire. Mais ce qu'il y a encore de plus incroyable, c'est qu'on estime que 59% des pensions alimentaires accordées par les tribunaux restent impayés.

Je veux bien croire, Mme la Présidente, que 40% des personnes s'acquittent de leur obligation quant au paiement des pensions alimentaires, qu'elles le fassent d'une façon régulière et qu'on n'ait pas de question à se poser à leur sujet. J'imagine qu'il y a une proportion de personnes responsables qui s'acquittent de leur obligation d'une façon responsable. Je pense cependant qu'on ne peut pas déduire que du fait qu'on retrouve 40% des personnes qui, soi-disant, s'en acquittent, ceci se fait dans les meilleures conditions possible. Il faut avoir travaillé un peu dans le domaine pour comprendre toutes les tracasseries dont sont souvent victimes même les conjoints qui reçoivent des pensions alimentaires. Tous les prétextes sont bons pour les donner une semaine, ne pas les donner l'autre semaine, les payer pendant un mois, pendant deux mois, arrêter de les payer le mois suivant. Pourtant, je pense que ces personnes tombent dans ces 40%. Au dire de Mme la députée de Dorion, ce serait même 49% de ces heureuses personnes qui reçoivent sans problème leurs pensions alimentaires.

C'est dans ce sens-là que les réclamations des femmes ont été faites, à savoir qu'on établisse un organisme de perception des pensions alimentaires qui garantisse pour tous la perception de la pension alimentaire et que, de plus, l'indexation soit automatique.

Je vais revenir au chiffre du ministre d'Etat à la Condition féminine. Des 51% qui recevraient fidèlement leur pension alimentaire, combien reçoivent une indexation automatique? Je suis certaine que, pour un certain nombre, c'est le cas. Le conjoint est suffisamment responsable. Sa situation économique évolue et lui permet d'avoir une vue d'ensemble et peut-être d'accorder cette indexation. Mais on n'a pas de statistiques là-dessus. La seule certitude que nous ayons, c'est qu'il y a des femmes qui reçoivent des pensions alimentaires qui n'ont jamais été indexées depuis plusieurs années. Je pense que tout le monde, ici, autour de la Chambre, en est fort conscient.

Le ministre de la Justice, ce matin ou cet après-midi, disait: Comment se fait-il qu'il y a si peu de femmes qui ne reçoivent pas leurs pensions alimentaires? Il a parlé de facteurs juridiques et psychologiques. Pourquoi les femmes n'ont-elles pas davantage recours, même dans l'état de chose actuel, aux tribunaux ou à des avocats pour faire valoir leurs droits? Les effets juridiques, j'en laisse le soin à ceux qui, peut-être, sont plus versés dans le domaine que je ne le suis. Mais, au plan psychologique, Mme la Présidente, vous savez fort bien que, quand il ne s'agit pas d'une perception automatique, ceci crée beaucoup d'appréhension et de résistance chez le conjoint qui veut se prévaloir de son droit d'intervenir devant un tribunal quelconque ou par les moyens judiciaires pour faire valoir ses droits. Très souvent, les enfants se trouvent en quelque sorte l'espèce de tampon entre le père et la mère. Pour la mère, par exemple, de tenter de faire valoir ses droits, ceci est vu, par l'enfant, comme une espèce d'injustice envers le père. On sait fort bien tous les conflits familiaux que ceci crée. C'est là une raison fondamentale, peut-être, pour que le régime soit automatique et ne soit pas laissé simplement à la bonne volonté ou à la possibilité et aux ressources personnelles des gens de se prévaloir eux-mêmes.

Je pense que le projet de loi qui est devant nous va sans doute permettre le paiement d'un nombre passablement plus considérable de pensions alimentaires. Je pense que personne, ici, de ce côté, n'a contredit ça ou n'a tenté de mettre ceci en doute. Mais dans quelle mesure corrigera-t-on, pour la majorité, la situation difficile dans laquelle ils se trouvent présentement? C'est vraiment ça le point d'interrogation qui reste chez les membres de l'Opposition — cela a peut-être moins d'importance — et chez la population en général. Dans quelle mesure, même avec les mécanismes que l'on met en place, qui demeurent

des mécanismes non automatiques qui dépendront de l'initiative de chacun de s'en prévaloir? Le fardeau de la preuve, de la démarche incombe encore au conjoint qui veut se prévaloir du service qui sera mis en place. C'est dans ce sens, Mme la Présidente, que je dis encore une fois au ministre de la Justice: Vous n'êtes pas allé vraiment jusqu'au bout des principes que vous défendiez, que ce soit dans votre programme politique, ou que ce soit selon les revendications des conjoints concernés, et, comme tout le monde l'a dit dans cette Chambre, particulièrement des femmes.

Il y a un autre point que les organisations féminines ou quelques-unes d'entre elles ont fait valoir. C'est la question de la revalorisation des pensions alimentaires qui sont présentement payées. On sait fort bien qu'un grand nombre n'ont jamais été revalorisées, même si elles ont obtenu un jugement de cours, il y a trois, quatre, cinq, six ans et peut-être même davantage. Elles savent fort bien que si ces personnes avaient tenté de faire une démarche supplémentaire, en plus de créer tous les conflits familiaux auxquels je faisais allusion tout à l'heure, les enfants pensant que le père est injuste envers la mère ou inversement, ces démarches risqueraient fort, d'abord, de ne pas atteindre leur objectif. Sans compter les appréhensions qu'ont ces personnes de perdre le peu qu'elles ont obtenu, la petite pension qu'elles ont obtenue il y a quatre ou cinq ans, que peut-être elles reçoivent plus ou moins fidèlement. (21 h 20)

II y a toutes ces choses qui ne sont pas dites, que ne voient peut-être pas les membres de l'Assemblée nationale, mais que les gens vivent quotidiennement. C'est, je pense, l'esprit de la demande des associations, particulièrement des associations féminines, que ce mécanisme d'abord d'indexation, de revalorisation et de prélèvement ou de paiement des pensions alimentaires soit universel et automatique. Il y a une foule d'exemples que l'on pourrait donner d'abus. Par exemple, il y a des conjoints qui exhortent leur conjoint à se prévaloir de l'aide sociale. En retour, il ou elle promet de payer un petit supplément à la condition que tout ceci se passe en silence.

Est-ce que le ministre de la Justice peut nous garantir que ces situations vraiment anormales vont être corrigées? Peut-être en partie. Je le souhaite, mais je pense qu'il sera intéressant de voir dans quelques mois et peut-être même dans un an, parce que, apparemment, tout ceci ne sera pas mis en oeuvre avant 1981, peut-être que dans un an on pourra voir que c'était largement insuffisant comme correctif à apporter à ce grand problème de la perception des pensions alimentaires.

Mme la Présidente, si j'insiste sur ce point, c'est simplement pour rappeler qu'on ne saurait aller trop loin quand on réalise que le problème de la pauvreté touche particulièrement les femmes non seulement au Québec, mais au Canada. Les études récentes qui ont été faites par le Conseil de développement social canadien indiquent que la majorité des femmes qui sont divorcées sont pauvres et que dans la majorité des cas elles ne perçoivent pas leurs pensions alimentaires d'une façon adéquate. La plupart doivent se replier sur l'aide sociale, surtout quand on sait que les prestations d'aide sociale les plus basses au Canada sont celles du Québec. Le gouvernement qui est devant nous crie pourtant très fort sur tous les toits ses préoccupations sociales, mais il n'a jamais trouvé l'occasion de corriger ou de relever les barèmes de l'aide sociale en dépit des recommandations du Conseil des affaires sociales, en dépit des recommandations du Conseil du statut de la femme et d'un grand nombre d'autres organismes. Tout ce qu'il a fait, et il l'a fait avec parcimonie, on se le rappellera, l'an dernier, il a indexé, tel que le lui ordonnait la loi, les prestations de l'aide sociale.

Mme la Présidente, au moment où chacun dit qu'il veut vraiment améliorer la condition des personnes les plus démunies de notre société, des personnes qui dépendent de la bonne volonté d'un autre ou d'une autre pour satisfaire à leurs obligations familiales, ou même pour ne pas vivre elles-mêmes dans un état de complète pauvreté, je pense qu'on ne peut aller trop loin. S'il n'est pas trop tard, je fais appel au désir sincère du ministre de la Justice de tenter de corriger au moins en incluant dans son projet de loi une indexation automatique des prestations de l'aide sociale. Qu'il tente au moins de corriger un peu plus que ne le fait le projet de loi qui est devant nous.

Je voudrais relever un tout dernier point qui est en relation avec ce projet de loi. Le projet de loi est silencieux là-dessus. Cela est peut-être normal, nous aurons probablement l'occasion de le voir en commission parlementaire, mais je voudrais quand même le soulever au niveau du principe. C'est la question de la fixation des pensions alimentaires, Mme la Présidente. Je ne vois pas dans le projet de loi... peut-être ceci viendra-t-il dans les règlements, je l'ignore, j'en doute toutefois.

A l'heure actuelle, comment sont fixées les pensions alimentaires? Il me semble que ceci est laissé à la soi-disant bonne volonté et bonne foi de tout le monde. De plus en plus, au fur et à mesure qu'on assiste à une augmentation du taux de divorces, de séparations, etc., il y a des gens qui font appel et qui tentent d'obtenir des pensions alimentaires. Je pense que ce n'est accuser personne de quoi que ce soit, mais on sait fort bien qu'il y a beaucoup de facteurs subjectifs qui interviennent dans cette fixation des pensions alimentaires.

Peut-être que le ministre de la Justice, en réplique, pourra nous répondre. Pourra-t-il nous dire s'il a l'intention d'examiner cette question pour établir ce que j'appellerais une série de critères objectifs selon lesquels les pensions alimentaires pourraient être fixées? Cela me paraît une autre dimension de tout le problème dont nous traitons à l'occasion de la présentation de ce projet de loi.

En terminant, je voudrais ajouter ce dernier élément. Le projet de loi qui est devant nous touche strictement tout ce problème de la perception des pensions alimentaires. Peut-être devrait-on songer aussi à y ajouter un service connexe qui serait celui d'une assistance quelconque aux familles ou aux individus qui doivent avoir recours à ce service de pension alimentaire, peut-être à l'occasion d'aide plus personnelle qui serait accordée à ces bénéficiaires ou à ces demandeurs; on pourrait peut-être diminuer le nombre de personnes qui, dans notre société, doivent se prévaloir de ce type de service et peut-être à plus long terme travailler davantage pour le mieux-être, non seulement physique, mais aussi psychologique et moral des familles du Québec. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Mme Payette: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Mme la ministre d'Etat à la Condition féminine.

Mme Lise Payette

Mme Payette: II y a longtemps que la question de la perception des pensions alimentaires préoccupe les groupes de femmes au Québec. Au cours des dernières années, elles ont été confrontées avec tout ce qu'il y a de concret dans ce problème, tout ce qu'il y a de quotidien et c'est bien des femmes qu'il s'agit.

Elles ont réclamé l'appui de l'Etat dans leurs démarches, à plusieurs reprises, c'est-à-dire elles ont essayé de faire reconnaître une fois pour toutes la priorité de la créance alimentaire et la particularité de cette obligation par rapport aux autres, et obtenir la mise sur pied d'un service dispensé par l'Etat qui assurerait la perception des pensions alimentaires plus facilement, plus efficacement et à moindre coût pour le créancier, la créancière en l'occurrence, que la procédure actuelle, qui est d'ailleurs la même pour toutes les créances.

Le secrétariat à la Condition féminine a collaboré étroitement avec les ministres de la Justice et des Affaires sociales à améliorer un projet de loi qui comporte l'adoption de mécanismes rapides, efficaces et simples pour la perception des pensions alimentaires. D'autres avant nous ont fait des tentatives en ce sens. L'Ontario, par exemple, est allé vers un système dit universel, système qui n'a tellement pas donné de bons résultats que l'Ontario s'apprête à reculer. La France également a fait une expérience dite universelle pour constater l'échec de cette loi et être obligée maintenant de faire un retour en arrière. Je pense que nous avons agi avec prudence. Il vaut mieux commencer par une chose que nous savons être en mesure de contrôler, quitte à l'améliorer par la suite, que de commencer par l'idéal et de devoir y renoncer un peu plus tard.

Il importait pour les femmes que cessent ces démarches répétées, coûteuses et souvent inutiles auxquelles elles étaient acculées trop souvent pour percevoir des sommes minimes dont elles ont besoin pour leur subsistance à elles et celles de leurs enfants. Il nous a semblé que c'est à celles-là, celles qui sont vraiment les plus démunies, celles qui doivent littéralement courir après des montants presque ridicules qu'il fallait penser et que, même s'il ne faut pas arrêter aujourd'hui de se poser des questions sur l'obligation alimentaire et sur ses modalités, ce qui importe d'abord, c'est de faire en sorte que les pensions qui ne sont pas payées actuellement le soient. (21 h 30)

Pour parvenir à cette fin, les dispositions du projet de loi no 183 me semblent répondre à presque toutes les revendications des groupes qui se sont exprimés sur le sujet. On a soulevé à maintes reprises, et beaucoup de femmes m'en ont parlé, la lourdeur et la lenteur du processus de mise en branle des mécanismes actuels de perception, ce qui avait pour effet d'inciter les femmes à attendre aussi longtemps que possible, à s'adresser à l'aide sociale plutôt que d'exercer leurs propres recours. Il fallait contacter un avocat, attendre son rendez-vous pour qu'il fasse faire la saisie; celle-ci devait d'ailleurs être reprise chaque fois que des montants devenaient dûs parce que la loi ne permettait pas une continuation de la saisie jusqu'à complet paiement des arrérages de pension.

On se serait découragé à moins, Mme la Présidente, d'autant plus que ce processus, on l'imagine, entraînait des coûts importants pour les créanciers alimentaires qui ne pouvaient bénéficier de l'aide juridique. Si on ajoute à cela tout l'odieux que comporte l'obligation de quémander sans cesse son dû auprès d'un débiteur qui a toujours de bonnes raisons pour ne pas payer ou pour verser des montants moindres que ceux prévus au jugement, il ne faut plus se surprendre du fait que beaucoup de créanciers alimentaires préféraient laisser tomber et s'adresser à l'Etat pour les aider à subvenir à leurs besoins.

Que fait le projet de loi no 183 pour améliorer la situation? D'abord, il met sur pied un mécanisme auquel la créancière alimentaire, en majorité des femmes, a directement accès sans aucun intermédiaire. En effet, le protonotaire aura les pouvoirs, sur simple demande, de mettre en branle les procédures de saisie; plus d'attente, plus d'intermédiaires. De plus, un simple retard dans le paiement d'un versement suffira pour permettre au créancier le recours immédiat; plus d'avis, plus de délai, mais une saisie immédiate par le protonotaire. Celui-ci aura également tous les pouvoirs qu'a le créancier et il pourra, à la place de ce dernier, exercer toutes les mesures utiles pour favoriser la perception: interrogatoire, recherches et tout ce qu'il faudra d'autres. Ces pouvoirs s'étendront, sans qu'il soit nécessaire de faire quelque démarche que ce soit, à tous les biens saisissables du débiteur, tant meubles qu'immeubles.

A ce chapitre, il faut souligner que le projet de loi rend saisissables tous les biens et sommes d'argent antérieurement déclarés insaisissables par une loi québécoise spéciale. Je pense qu'il est essentiel de dire que sont spécifiquement visées

par cette disposition les pensions des fonctionnaires provinciaux et des travailleurs du secteur parapublic. Toutes ces améliorations seraient peut-être inutiles ou au moins atténuées si elles n'étaient accompagnées de la disparition complète de toute forme de coût ou de frais pour le créancier alimentaire. Mais la plus importante de toutes les améliorations apportées à la procédure actuelle me semble celle qui vise à faire continuer la saisie tant que la totalité des arrérages n'a pas été payée et même seulement lorsque le protonotaire en vient à la conclusion, au bout d'un an à peu près, que le débiteur alimentaire a laissé des motifs sérieux de croire qu'il s'acquittera, à l'avenir, de son obligation de façon normale. Voilà le changement important et tellement attendu. Le débiteur ne pourra se sauver du mécanisme, à toutes fins utiles, que lorsque la saisie aura duré environ un an. Cette disposition me semble également exhorter les débiteurs à des paiements réguliers. Il est fini le temps où on payait ses arrérages d'une semaine ou deux alors que les créancières, les femmes, se retrouvaient après dans la même situation, aux prises avec la seule solution possible: recommencer!

Il me semble important pour les femmes qu'on souligne également l'importante modification faite à la Loi de l'aide sociale. On sait en effet, et on me l'a suffisamment souligné dans les nombreuses rencontres que j'ai eues avec des groupes de femmes, qu'un grand nombre de bénéficiaires de l'aide sociale sont justement des femmes chefs de famille monoparentale qui doivent faire face sans arrêt à ce problème de perception de la pension alimentaire. Le projet fera en sorte que celles-ci n'aient plus à multiplier leurs démarches pour recevoir ce à quoi elles ont droit puisque le ministre des Affaires sociales se chargera automatiquement de percevoir lui-même la totalité de la pension impayée, à moins, bien entendu, que la créancière ne préfère exercer elle-même son recours et s'adresser elle-même au protonotaire.

Avec ce dernier amendement, il me semble que le projet comporte les dispositions qui devraient en faire un service efficace, simple, rapide et gratuit, dans la perspective du projet de loi no 89, le projet de loi qui amende le Code civil, le chapitre II du Code civil, où la pension alimentaire au conjoint est perçue comme une mesure transitoire — c'est le député de Saint-Laurent qui y faisait allusion cet après-midi, en nous accusant d'incohérence. Il n'y a pas là d'incohérence. Dans le projet de loi no 89, la pension alimentaire au conjoint est perçue comme une mesure transitoire pour permettre au créancier de se rendre autonome le plus rapidement possible. Il m'apparaît d'autant plus important que les pensions qui sont et qui seront octroyées par jugement soient versées de façon assidue. Ce sera le rôle du nouveau service de perception; il faudra évidemment faire par la suite les évaluations qui s'imposent pour s'assurer qu'il le remplit vraiment. Mais j'ai pour ma part la certitude que le projet de loi no 183 tel que devant cette Chambre sera un outil de justice pour les femmes et surtout les plus démunies de notre société, ainsi que pour leurs enfants. C'est pourquoi j'ai hâte qu'on puisse dire que cette loi est adoptée.

La Vice-Présidente: Cette motion... exercerez-vous votre droit de réplique, M. le ministre de la Justice?

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: Je veux simplement ajouter quelque chose, Mme la Présidente, avec votre permission, pour constater avec plaisir que l'Opposition officielle est d'accord avec la question de principe qui est à la base du projet de loi. J'ai pris bonne note des remarques et des suggestions d'amélioration possible; nous aurons amplement l'occasion, je pense, lors de l'étude du projet de loi article par article d'en discuter et de voir les décisions les plus adéquates que nous aurons à prendre à ce moment-là.

La Vice-Présidente: Cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 183, Loi pour favoriser la perception des pensions alimentaires, sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

M. Bédard: Mme la Présidente, je fais motion pour que ce soit déféré à la... c'est-à-dire que nous voulons un vote enregistré sur ce projet de loi, quitte à le prendre demain matin. Nous demandons la déférence du projet de loi en commission parlementaire pour étude article par article. Ce vote enregistré, Mme la Présidente, nous le demandons.

M. Forget: Mme la Présidente, question de règlement. Vous avez demandé si la motion a été adoptée; il y a eu consentement pour qu'elle soit adoptée. Je pense qu'on ne peut pas revenir là-dessus.

M. Bédard: Mme la Présidente, s'il fallait employer cette méthode, je pense qu'il y aurait de longues discussions à chaque occasion. Nous demandons un vote enregistré; nous sommes prêts à ce que ce vote soit pris demain...

M. Forget: Mme la Présidente, je regrette mais...

M. Bédard: ... et nous demanderons de déférer le projet de loi en commission parlementaire.

M. Forget: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: A l'ordre!

M. Forget: M. le ministre soulève une question qui a déjà été tranchée par l'Assemblée nationale; il n'y a plus lieu de demander un vote enregistré.

M. Lamontagne: Vous le demanderez en troisième lecture.

M. Forget: D'ailleurs, on pourrait consulter le procès-verbal. On a demandé, de votre chaise, si c'était adopté; ç'a été adopté, la motion n'a donc plus besoin d'être votée.

M. Fontaine: Mme la Présidente, si le ministre de la Justice demande un vote enregistré, cela veut dire qu'on reporte le tout à demain et le ministre aura sans doute besoin de notre consentement pour faire adopter son projet de loi parce qu'on va arriver à la fin de la session et il ne sera pas adopté.

M. Bédard: Vous prendrez vos responsabilités.

La Vice-Présidente: M. le ministre, je pense que vous ne vous êtes pas levé suffisamment rapidement. On m'avait déjà dit — et j'avais compris — que le projet de loi était adopté; je l'avais d'ailleurs dit avant que vous ne souleviez la question. Vous auriez pu me demander un vote enregistré, vous aviez suffisamment de temps. Je pense que votre réplique avait été trop courte, vous n'avez pas eu le temps de vous asseoir.

M. Bédard: Mme la Présidente, je n'en ferai quand même pas un débat. Je...

La Vice-Présidente: Alors, cette motion est quand même adoptée.

M. Bédard: ... respecte la décision de la présidence. Je regrette également que les Oppositions ne désirent pas s'exprimer dans un vote enregistré, je le déplore.

La Vice-Présidente: Alors, la motion est adoptée.

M. Bédard: Elles trouvent le moyen de critiquer deux heures mais elles ne sont pas capables de faire un vote enregistré.

La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire du gouvernement. Ah! nous avions une motion à l'effet de déférer cette...

M. Duhaime: Avant la motion de déférence, Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Duhaime: ... j'étais présent à l'Assemblée nationale tout à l'heure et je voudrais revenir sur la question de règlement que vient d'évoquer le député de l'Opposition et vous dire honnêtement qu'il est dans l'habitude de nos travaux parlementaires, des deux côtés de l'Assemblée nationale, après un débat de fond de deuxième lecture sur un projet de loi aussi important et... comme vient de le suggérer le député de Nicolet-Yamaska, chaque député en cette Chambre pourra prendre ses responsabilités, mais je pense que mon collègue de la Justice, un peu comme moi d'ailleurs, ne pourrait être accusé d'être parmi les plus familiers avec les débats de procédure... (21 h 40)

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente!

M. Duhaime: ... et je vous demanderais, Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement...

M. Duhaime: Oui.

La Vice-Présidente:... nous avons déjà disposé de la question.

M. Duhaime: Je vais essayer d'être bien clair.

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente!

M. Duhaime: J'ai moi-même soulevé une question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: La question était déjà réglée.

M. Duhaime: Non, non.

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente.

M. Bédard: II soulève une question de règlement.

M. Gratton: J'en soulève une autre, Mme la Présidente.

M. Duhaime: J'ai moi-même soulevé une question de règlement, Mme la Présidente et ce que je vous demande...

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente.

M. Chevrette: II a déjà soulevé une question de règlement.

La Vice-Présidente: A moins que je ne m'abuse, M. le leader du gouvernement...

M. Lamontagne: Adjoint, leader adjoint. M. Chevrette: Tam-tam, tais-toi!

La Vice-Présidente: ... vous intervenez sur une question... A moins que votre question de

règlement ne s'applique à quelque chose d'autre que la question dont nous venons de disposer, je vous demanderais de passer à la motion de déférence à la commission parlementaire, M. le leader adjoint.

M. Duhaime: Mme la Présidente, je vous rappellerais tout simplement que vous ne vous abusez pas, effectivement. Je suis exactement sur la question de règlement qui vient d'être soulevée pour vous dire tout simplement...

Une Voix: ...

M. Duhaime: Me permettez-vous de terminer mon intervention? Je voudrais dire tout simplement, Mme la Présidente, qu'on ne devrait pas profiter en cette Chambre d'une espèce de temps de suspense quelconque...

Une Voix:... Michèle Tisseyre! M. Duhaime: ... et je voudrais...

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente! Question de règlement, Mme la Présidente! Question de règlement!

M. Duhaime: Mme la Présidente, si vous me permettez de terminer, je voudrais demander le consentement...

Une Voix: Vous...

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint, je vous demandais de faire votre motion de déférence, mais j'ai une question de règlement de la part de M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Mme la Présidente, j'aimerais indiquer au leader adjoint qu'il est en train d'invoquer une question de règlement que vous avez déjà tranchée. Vous avez déjà décidé que la deuxième lecture est terminée. D'ailleurs, le secrétaire adjoint de l'Assemblée nationale était debout et a dit: "Deuxième lecture de ce projet de loi, second reading...

La Vice-Présidente: M. le député de Gatineau, s'il vous plaît!

M. Gratton: Mon Dieu, que vous êtes rapide!

La Vice-Présidente: Oui, un peu plus rapide que M. le ministre de la Justice, M. le député de Gatineau. M. le député de Gatineau, je me devrai de vous faire remarquer que je rappelais au leader adjoint du gouvernement que nous avions déjà disposé de la question. Vous soulevez la même question de règlement, à mon avis, M. le député. De toute façon, j'avais déjà demandé à M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement de proposer sa motion.

M. Duhaime: Avant de vous faire...

La Vice-Présidente: Votre motion de déférence à la commission, M. le leader adjoint.

M. Duhaime: Oui, oui. Si vous me permettez, Mme la Présidente, avant de formuler...

Une Voix: ...

M. Duhaime: Non, non.

Une Voix: Mon doux!

M. Duhaime: Avant de formuler la motion de déférence à la commission permanente de la justice, Mme la Présidente, je voudrais simplement solliciter de l'Assemblée nationale un consentement qui va être accordé — j'en suis convaincu — pour que nous puissions enregistrer nos voix sur la deuxième lecture du projet de loi no 183.

Des Voix: Non, non!

M. Duhaime: Vous ne voulez pas?

M. Chevrette: ...

Une Voix: No, thank you.

M. Duhaime: Non, merci?

M. Chevrette: La vraie voix de Michèle Tisseyre!

M. Duhaime: Continuez comme cela et vous allez rester assis exactement là où vous êtes pendant de longues années. C'est ce qu'on vous souhaite.

Renvoi à la commission de la justice

Mme la Présidente, je ferais motion pour que le projet de loi no 183 soit déféré à la commission permanente de la justice.

La Vice-Présidente: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Une Voix: Vous voulez un vote enregistré? Vous en aurez un!

La Vice-Présidente: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Une Voix: ... enregistré à la troisième lecture. La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Duhaime: Mme la Présidente, je voudrais vous demander d'appeler l'article 7) de notre feuilleton.

M. Lamontagne: ... un congé pour...

La Vice-Présidente: M. le député de Roberval, s'il vous plaît, vous aussi! S'il vous plaît!

Projet de loi no 96 Deuxième lecture

M. le ministre de la Justice propose que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 96, Loi modifiant diverses dispositions législatives.

M. Bédard: Mme la Présidente, concernant ce projet de loi qui a pour but d'apporter des modifications d'ordre purement technique à des lois déjà existantes, je crois qu'il y a une entente ou un consentement de la part de mes collègues de l'Opposition, à savoir que la deuxième lecture soit adoptée et que le tout soit déféré à la commission parlementaire pour l'étude article par article du projet de loi.

C'est le propre même d'un projet de loi omnibus, puisque ce sont seulement des amendements techniques.

La Vice-Présidente: Cette motion de deuxième lecture du projet de loi...

M. Fontaine: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je pense qu'en vertu de l'article 118 de notre règlement le leader du gouvernement devrait faire une motion pour l'application de cet article et déférer le projet de loi en commission parlementaire.

La Vice-Présidente: Et sans débat. Deuxième lecture, M. le député?

Une Voix: II faut que tu l'adoptes.

M. Duhaime: II faut adopter la deuxième lecture avant.

Une Voix: Vote enregistré. Non? Une Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 96 est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: Commission de la justice.

Renvoi à la commission de la justice

M. Duhaime: Je fais motion, Mme la Présidente, pour que ce projet de loi soit déféré à la commission permanente de la réforme électorale.

Une Voix: La justice.

M. Duhaime: Je m'excuse, Mme la Présidente. On m'avait indiqué que c'était la réforme électorale. Devant la commission permanente de la justice.

La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: II s'agit de l'autre projet de loi.

M. Duhaime: Je vous demanderais d'appeler l'article 9), Mme la Présidente.

Projet de loi no 111 Deuxième lecture

La Vice-Présidente: Celui-ci est un projet de loi émanant de M. le ministre d'Etat à la Réforme électorale. Il s'agit de la deuxième lecture du projet de loi no 111, Loi modifiant diverses dispositions électorales. Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Bédard: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le ministre, votre intervention.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: ... avec votre permission, seulement quelques remarques puisque ce projet de loi contient seulement trois articles qui ont quand même leur importance. Entre autres, le premier article de ce projet de loi a pour effet de modifier l'article 7 de la Loi électorale qui établit qu'un électeur, pour avoir le droit de voter, doit être inscrit sur la liste électorale du bureau de vote de la section de vote où est situé son domicile le jour où se termine la révision des listes. Etant donné qu'il peut être difficile de vérifier le lieu du domicile d'un électeur le jour où se termine la révision de la liste, la modification proposée prévoit de reporter au jour de l'émission du décret le moment fixé pour inscrire l'électeur sur la liste électorale. Je pense que cette disposition sera de nature à favoriser encore de plus en plus l'expression du vote lors d'élections générales.

Concernant l'article 2, on sait que la Loi sur la représentation électorale prévoit la tenue d'un recensement pour l'établissement de nouvelles listes électorales pour les circonscriptions électorales qui ont été établies par la Commission de la représentation. Cette loi a également prévu l'annulation de ce recensement si des élections partielles étaient décrétées dans la circonscription électorale. Alors, en conséquence, et également afin de remédier à un problème semblable en vertu des

articles 93 et 126 de la Loi sur les listes électorales, la modification que nous proposons donne la possibilité au directeur général des élections de tenir un recensement aussitôt qu'il sera possible de le faire après qu'une élection partielle aurait pu avoir lieu.

L'article 3 propose de tenir toute élection partielle d'ici la dissolution de la présente Législature en se servant des listes électorales du 20 mai dernier. Cet article permettra de faire de telles élections sans être obligé de faire un nouveau recensement dans les circonscriptions électorales qui sont concernées. (21 h 50)

II me semble qu'à partir du moment où des élections partielles sont déclenchées, il y a lieu de faciliter le travail du directeur général des élections et je dirais même d'accepter cet amendement qui permettra au directeur général des élections de se servir du dernier recensement, celui qui a été fait lors du référendum, comme base aux fins des élections partielles. Alors, ce sont les trois modifications que nous proposons, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Gatineau. M. Michel Gratton

M. Gratton: Mme la Présidente, il serait peut-être utile de rappeler très brièvement que ce projet de loi no 111 qui vient modifier notre loi électorale modifie, en fait, une loi électorale qui n'est pas encore en vigueur. On se rappellera qu'en décembre 1979, l'Assemblée nationale adoptait unanimement le projet de loi no 9, qui constituait un nouveau code électoral pour le Québec. Ce nouveau code électoral s'inspirait généralement du désir des législateurs de l'Assemblée nationale de faciliter, autant que possible, l'accession et l'exercice du droit de vote à l'ensemble des citoyens québécois.

Mme la Présidente, étant donné que nous devions tenir un référendum le 20 mai dernier, étant donné également que certaines élections partielles étaient déjà prévues au moment de l'adoption de ce projet de loi no 9, le gouvernement, à juste titre, à notre avis, a cru bon de ne pas promulguer l'entrée en vigueur de la nouvelle loi électorale avant la tenue de la prochaine élection générale, sauf pour quelques articles que, de consentement avec l'Opposition, le gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale pour qu'ils s'appliquent au moment du référendum. M. le Président, ce référendum aura servi, en quelque sorte, à roder certains des articles de ce nouveau projet de loi ou de ce nouveau code électoral. Il en est ainsi, par exemple, de la façon de marquer le bulletin, qui, de l'avis de tous, devait éliminer le trop grand nombre de bulletins rejetés à chaque élection, bulletins qui étaient rejetés parce que la façon de marquer le bulletin pouvait prêter à interprétation ou à conclure à la possibilité de violer le secret du vote.

M. le Président, il est assez intéressant de constater que le nombre de bulletins rejetés au référendum du 20 mai dernier a été à peu près le même qu'à l'élection de 1976, alors que cette facilité n'existait pas. On peut donc conclure une de deux choses: soit que les améliorations contenues dans le projet de loi no 9 n'ont pas atteint l'objectif visé, ou soit que le zèle de certains officiers d'élection, au moment du référendum, ont fait qu'on a fait la contrepartie des améliorations, en étant un peu trop sévère quant à l'interprétation des directives émanant du bureau du directeur général des élections. Quoiqu'il en soit, nous sommes toujours, au moment où nous nous parlons, dans une espèce de limbes, puisque le ministre d'Etat à la Réforme électorale ne nous a pas encore indiqué à quel moment entrera en vigueur ce nouveau code électoral. Il nous a bien dit, autant ici, à l'Assemblée nationale, qu'en commission parlementaire, que les élections générales de l'automne ou du printemps prochain seront tenues à partir de la nouvelle loi électorale. Mais, ni le ministre d'Etat à la Réforme électorale, ni le leader du gouvernement, ni le premier ministre n'ont réussi encore à nous dire à quel moment le gouvernement promulguera l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi et pour quel moment elle entrera en vigueur.

M. le Président, l'on constate que l'article 314 de ce nouveau code électoral dit ce qui suit: "La présente loi entrera en vigueur à la date qui sera fixée par proclamation du gouvernement, à l'exception des dispositions exclues par cette proclamation, lesquelles entreront en vigueur en tout ou en partie à toute date ultérieure qui pourra être fixée par proclamation du gouvernement".

On se rend compte à la lecture de cet article, M. le Président, que le gouvernement peut promulguer ce qu'il veut, au moment où il le veut bien. C'est pourquoi j'insiste encore une nième fois auprès du ministre d'Etat à la Réforme électorale pour qu'il saisisse l'occasion que nous fournit l'étude en deuxième lecture de ce projet de loi no 111 pour nous donner les meilleures indications possible sur la date de proclamation et aussi la date d'entrée en vigueur de cette nouvelle Loi électorale de façon que les partis politiques, bien entendu, et surtout les citoyens sachent tout de suite à partir de quels articles de quelle loi les élections autant partielles dans quatre comtés privés de députés présentement que la prochaine élection générale seront tenues.

Quant à nous, M. le Président, le projet de loi no 111 est tout à fait acceptable dans ce qu'il contient car, comme l'a indiqué le ministre d'Etat, il s'agit d'amendements tout à fait techniques qui ne viendront changer rien au fond, c'est-à-dire à la substance de la nouvelle Loi électorale. Ce qui nous inquiète, M. le Président, c'est bien plus ce que l'on ne retrouve pas dans le projet de loi no 111. Nous aurions voulu, par exemple, que l'on facilite l'accession des électeurs à la liste électorale. On sait que toute personne qui a la qualité d'électeur ne peut exercer son droit de vote à moins d'être inscrite sur une liste électorale. Or, la campagne référendaire qui s'est terminée le mois dernier nous a permis de constater que des centaines de personnes, sinon des milliers, qui ont

demandé, soit d'être inscrites sur des listes électorales durant la période de révision, soit de radier d'autres personnes d'une liste électorale quelconque, n'ont pas eu gain de cause.

J'en prends à témoin une lettre qui a paru dans le journal La Presse du 10 juin qui est signée d'une Mme Marie-Marthe Prévost, de Hull, qui dit essentiellement: "J'entends exprimer ici ma vive indignation suite à l'expérience quelque peu pénible que j'ai vécue le jour du référendum. Malgré mon obstination à me prévaloir de ces droits supposément essentiels au bon fonctionnement de notre démocratie, je n'ai pu voter et voici pourquoi". Elle nous explique qu'elle a quitté un comté pour aller s'inscrire dans une autre circonscription électorale, celle de Hull, qu'elle a selon les dispositions de la loi fait une demande en inscription durant la période d'ouverture du bureau de dépôt, qu'elle a reçu le reçu officiel du bureau de dépôt à savoir qu'elle avait fait sa demande d'inscription, et le jour du scrutin elle s'est présentée au bureau de votation de sa section de vote pour se faire dire que son nom n'était pas inscrit sur la liste. M. le Président, c'est ce à quoi nous tenterons de remédier par un amendement que nous proposerons à la commission parlementaire qui étudiera ce projet de loi no 111 article par article.

Nous proposerons que toute personne qui fait une demande d'inscription ou qui fait l'objet d'une demande de radiation au moment de la révision soit avisée par écrit par les officiers d'élection, concernés de la demande soit d'inscription ou de radiation et qu'elle ait à sa disposition une période de 48 heures au cours de laquelle elle pourra aller se faire entendre devant la commission de révision. Il est tout à fait inacceptable, M. le Président, qu'une personne qui a la qualité d'électeur, qui a le droit de vote, qui prend la peine, conformément aux dispositions de la loi, d'aller faire une demande en inscription se retrouve, pour des raisons inexplicables, privée de pouvoir exercer son droit de vote pour des raisons qu'on peut difficilement s'expliquer, mais que, dans certains cas, on peut deviner. (22 heures)

On voudrait également, en commission parlementaire, faire certaines autres suggestions. Par exemple, on a encore un trop grand nombre de bulletins qui sont rejetés à cause de la façon dont la croix ou la marque indiquant le vote est faite, si on dépasse, par exemple, le cercle prévu pour voter.

Le directeur général des élections en commission parlementaire, la semaine dernière, a admis qu'il sera nécessaire d'émettre des directives très claires aux directeurs de scrutin locaux afin que ceux-ci avisent les scrutateurs responsables de chaque section de vote de la nécessité de ne jamais exclure, de ne jamais rejeter un bulletin de vote parce qu'il y a un léger dépassement. D'ailleurs, je pense que le député de Laval fera lui-même une motion d'amendement demain en commission parlementaire de façon à ne laisser aucun doute sur ces dispositions, de façon à s'assurer qu'il n'y ait plus possibilité de rejeter un bulletin de vote pour un simple dépassement.

Quant aux constables qui, de par la loi, sont prévus pour chaque bureau... il est prévu, dans chaque endroit où il y a un certain nombre de bureaux de scrutin, que le parti au pouvoir peut désigner un constable. Nous avons eu là aussi une expérience, au cours de la campagne référendaire, qui nous a convaincus de la nécessité d'améliorer notre projet de loi no 9. Trop souvent, et c'était le cas à l'école où j'ai moi-même voté, le constable prenait sur lui-même de faire en sorte que les gens ne puissent s'aligner à la table du bureau de scrutin où ils devaient voter. On les faisait plutôt languir dans les corridors qui menaient à un gymnase où étaient situés une dizaine de bureaux de scrutin. Cela avait pour effet que, lorsqu'un électeur venait voter, il se retrouvait en ligne derrière une centaine de personnes. Il devait au préalable s'enquérir du numéro de son bureau de scrutin et le charivari qui en résultait faisait que plusieurs personnes quittaient les lieux, se disant: On reviendra plus tard alors qu'il y aura moins de monde, alors qu'en définitive il y avait peut-être seulement deux ou trois personnes qui devaient voter au même bureau de scrutin. Mais parce qu'on a laissé tout le monde s'entasser dans les corridors, il en est résulté une situation qui m'a fait dire que, quant à moi, trop d'officiers d'élection partent de la prémisse que le droit de vote est un privilège qu'on accorde à l'électeur.

Je dois dire que c'est malheureusement un peu typique de ce gouvernement de considérer que l'on doit contrôler la façon dont les électeurs exercent leur droit de vote. On parle continuellement de télégraphes, de la nécessité de faire en sorte que les gens qui n'ont pas le droit de vote ne puissent pas voter, alors qu'à notre avis c'est du contraire qu'il faudrait parler. Il faudrait parler de la nécessité de faire en sorte que toute personne qui a le droit de vote ne soit pas brimée, ne soit pas privée de pouvoir l'exercer. C'est un peu ce qui s'est produit trop souvent au cours du référendum. C'est d'ailleurs cette même philosophie qui fait qu'on voit un si grand nombre de bulletins rejetés depuis quelques années, en tout cas aux élections partielles qu'on a connues depuis 1976 et au référendum. Des bulletins sont rejetés souvent — je le dis en connaissance de cause — délibérément par un scrutateur, par exemple, qui va trouver le moyen de faire une marque sur le bulletin pour ensuite le rejeter le soir au moment du recomptage sous prétexte qu'on pourrait identifier ou violer le secret du vote.

Par exemple, des scrutateurs, sachant que la loi prévoit qu'on ne peut voter avec autre chose qu'un crayon à mine, vont remettre à l'électeur un crayon à l'encre, sachant fort bien que le soir même ils pourront rejeter ce bulletin.

On peut se demander pourquoi un officier d'élection procède ainsi? C'est assez facile. Certains officiers d'élection, connaissant les allégeances politiques ou les intentions de vote des personnes qui se présentent, en profitent pour utiliser ce stratagème et pour invalider leur vote. Encore là, on proposera en commission parlementaire, demain, qu'il soit possible de voter aussi bien avec un crayon à bille qu'avec un crayon à

mine. L'argument qui avait prévalu à la commission parlementaire voulant qu'on pourrait utiliser des crayons à l'encre de toutes les couleurs, à notre avis, ne justifie pas que l'on prive de leur droit de vote des centaines sinon des milliers de citoyens québécois.

Les amendements que nous proposerons en commission parlementaire demain, je suppose, seront tous dans le but de faciliter l'exercice du droit de vote des électeurs québécois. Il n'est pas dans notre intention de faire quelque amendement que ce soit qui viendrait permettre à quiconque n'a pas le droit de vote de l'exercer. Mais je me dois de faire remarquer à cette Assemblée que lors d'élections fédérales, la plus grande latitude possible existe, on peut même voter à une élection fédérale sans être inscrit sur la liste, moyennant certaines dispositions. On peut voter par procuration aux élections fédérales, alors qu'ici, lors d'élections provinciales du Québec, cela devient presque un privilège pour un citoyen de pouvoir voter.

Quant à nous, ce n'est pas la façon d'envisager la réforme de notre droit électoral et nous profiterons de cette occasion que nous fournit l'étude du projet de loi no 111 pour faire des propositions d'amendement en conséquence à la commission parlementaire.

M. Serge Fontaine

Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Pour ceux qui doutaient encore que l'élection puisse venir cet automne, je pense qu'ils seront rassurés immédiatement étant donné que nous savons que le recensement électoral, cette année, a été quelque peu devancé et aura lieu les 3, 4 et 5 septembre, et qu'il doit se terminer pour le 4 octobre 1980. Ce fait nous donne une bonne indication que le gouvernement a bien l'intention d'appeler le vote général dès cet automne. Le projet de loi no 111, que nous sommes en train d'étudier présentement, nous donne une autre indication que le gouvernement se prépare à la période électorale, dès cet automne.

Je voudrais également souscrire aux arguments du député de Gatineau, surtout en ce qui concerne le vote des personnes qui ne sont pas inscrites sur la liste électorale. Nous avons eu différentes expériences au cours de la campagne référendaire qui nous ont permis de constater que beaucoup de citoyens du Québec, qui avaient la qualité d'électeurs, n'ont pu exercer leur droit de vote, parce qu'ils n'étaient pas inscrits sur la liste électorale. Parce que la révision a été tellement mal faite, des personnes en quantité innombrable ont été ignorées. J'ai vu, par exemple, dans une paroisse de mon comté, une rue au complet qui avait été omise de la liste électorale. Or, ces gens n'ont pas pu voter lors du référendum. C'est quand même important. Si on applique un principe voulant faciliter le plus possible, à tous les citoyens du Québec, leur droit de vote — ce n'est pas un privilège, c'est un droit — qu'on amende la Loi électorale pour que des oublis du genre puissent être corrigés afin que tout le monde qui a la qualité d'électeur le jour de l'élection puisse, par un procédé ou par un autre, exercer son droit de vote.

On sait que dans les campagnes, par exemple, dans les milieux ruraux, les gens sont connus, les gens demeurent au même endroit depuis nombre d'années; ils se présentent au bureau de votation et ils s'aperçoivent que leur nom n'est pas sur la liste électorale et qu'ils ne peuvent pas exercer leur droit de vote. Ce n'est pas agréable pour un citoyen de se voir refuser un tel droit. A cet égard, je pense qu'on devra apporter des amendements. (22 h 10)

J'aimerais également attirer l'attention du ministre sur l'amendement qu'il propose à l'article 7 de la loi de 1979. En passant, je vous ferai remarquer qu'on amende la Loi électorale de 1979 alors que la loi 9 qu'on a adoptée à l'Assemblée nationale n'est même pas encore proclamée. Je pense que c'est un peu ridicule de voir la façon avec laquelle le ministre dirige son dossier dans cette affaire. La Loi électorale a été adoptée à l'unanimité, si je ne me trompe — la loi 9 — et il aurait été intéressant de voir ces articles mis en vigueur bien avant aujourd'hui. Encore aujourd'hui, on ne sait même pas si le ministre va les faire proclamer par le Conseil des ministres; on ne sait pas non plus dans quel délai il va le faire.

Je vous ferai remarquer qu'à l'article 7 qu'on veut amender, on nous dit qu'une personne doit posséder la qualité d'électeur le jour du scrutin et être inscrite sur la liste électorale de la section de vote où elle a son domicile le jour de l'émission du décret. C'est donc dire, à moins que je ne me trompe, qu'une personne qui ne serait pas inscrite sur une liste électorale le jour de l'émission du décret ne pourrait plus se faire inscrire sur la liste électorale et perdrait son droit de vote. Ce qui veut dire que la période de révision qu'on retrouve normalement après l'émission du décret n'aurait aucun effet. Je ne sais pas si j'interprète mal l'article en question, je pense que le ministre pourra nous éclairer là-dessus et nous expliquer quelle gymnastique intellectuelle il fait pour réussir à expliquer cet article.

J'aimerais également que le ministre nous dise pourquoi l'article 1 en question, qui modifie l'article 7, n'entrera en vigueur que sur proclamation alors que les deux autres articles entrent en vigueur le jour de la sanction du projet de loi.

Ce sont les quelques remarques que j'avais à faire concernant le projet de loi no 111. Bien sûr, lors de l'étude article par article en commission parlementaire, j'aurai l'occasion, avec mes autres collègues de l'Union Nationale, de proposer divers amendements à ce projet de loi, qui nous permettront de bonifier la Loi électorale que nous avons adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale.

Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: M. le Président, je veux ajouter quelques remarques à propos du principe de ce "bill" qui est d'amender la Loi électorale. Comme le député de Gatineau l'a dit, les amendements qu'on a ici règlent en plus un peu la situation électorale qu'on a connue durant la période référendaire.

Franchement, je ne suis pas un amateur quand il s'agit de parler d'élections. Cela fait six élections que je fais, durant des périodes vivantes et durant des périodes tranquilles. J'ai fait ma première élection et la deuxième avec la machine "duplessiste", si on peut dire. C'était le temps des réfrigérateurs à ce moment-là, maintenant c'est le temps des tables de billard. Cela n'a pas tellement changé. Mais je vais vous dire franchement, ce qui s'est passé dans mon comté la journée et la période précédant la journée du scrutin, du référendum. Je n'ai pas vu cela depuis cette période de Duplessis. C'étaient des tactiques électorales pour empêcher les gens de voter librement. C'était écoeurant! C'est le seul mot que je peux utiliser.

Je donne des exemples. C'est une des raisons pour lesquelles le député de Gatineau suggérait cet amendement. Dans mon comté, environ 1400 personnes ont été privées de leur droit de vote par des tactiques électorales, politiques, partisanes. J'ai vu environ 6500 personnes aller au bureau de dépôt pour se faire inscrire sur la liste. C'est-à-dire que la liste électorale n'était pas la meilleure, pour commencer. C'est un comté très difficile parce qu'il y a beaucoup de gens en transit, des maisons d'appartements, des maisons de chambres, ainsi de suite. Cela explique pourquoi il y a 6500 personnes qui ont dû se faire inscrire sur la liste, qui ont changé d'adresse, des raisons semblables.

On a trou vé sur la Iiste électorale seulement 5035 de ces personnes. Il y a environ 1400 à 1500 personnes qui ont perdu leur droit de vote. Vous vous demandez comment? C'est très facile.

Ces gens ont rempli les formules 16 et 17, c'est-à-dire consistant à demander de se faire inscrire sur la liste, ou par un parent, par la formule 17. Un grand nombre de ces formules ont été remplies au bureau de dépôt avec un reçu aux personnes qui ont fait l'inscription mais ne sont jamais parvenues au bureau du président, au bureau de révision. On les a perdues en route. C'est très facile de faire perdre le droit de vote à ces gens, peut-être à la moitié ou peut-être même à la majorité de ces personnes. La liste est arrivée au bureau de révision. Savez-vous ce qui s'est passé dans deux des six bureaux de révision de mon comté? Dans quatre bureaux, cela a très bien marché mais, par hasard, dans deux bureaux où le parti au pouvoir avait deux réviseurs et l'Opposition un seul, on attendait que celle-ci aille manger — parce qu'elle ne pouvait pas siéger toute la journée, cela commence à 8 heures du matin jusqu'à 22 heures le soir. Elle devait donc aller manger à un moment donné. Pendant ce temps, on étudiait les demandes d'inscription et on les rejetait sans avis.

Oui, c'est dans la loi. Elles sont rejetées sans avis. Quand il s'agit de radiation, au moins, on doit envoyer un avis de 24 heures à la personne pour lui dire qu'il y a une demande de radiation. Mais ces pauvres gens, les 1400 personnes qui ont fait une demande d'inscription, se sont trouvées rejetées sans raison, sans cause. Tous leurs droits d'électeurs ont été rejetés sans avis. Si vous aviez vu le bureau du président des élections le jour du scrutin, c'était une "mob scene". Il y avait des centaines et des centaines de personnes qui s'étaient rendues là avec leurs formules 16 et 17. Oh oui! On regarde cela et on dit: Vous êtes rejeté. Pourquoi? Cela est arrivé même dans la même famille. Madame a eu le droit de voter, monsieur n'a pas eu le droit ou l'enfant, oui, la mère, non. Toute la famille avait demandé d'être inscrite sur la liste électorale. Cela a été fait comme par hasard à environ 1400 personnes. Et c'est la raison pour laquelle on demande cet amendement pour qu'on donne au moins la chance à ces gens d'être avisés qu'on veut rejeter leur nom. Et je vais aller plus loin, en demandant même qu'on leur donne un avis de 48 heures.

Le système qu'on utilise à l'heure actuelle, c'est d'envoyer une lettre recommandée, mais la lettre recommandée arrive trop tard. On envoie un messager livrer une lettre à une personne. Il arrive et frappe à la porte. Si la personne n'est pas là, que fait-il? Il laisse la lettre sur le plancher ou dans le lobby de l'édifice. Ces personnes ne savent jamais que quelqu'un a demandé un avis de radiation à leur sujet ou, si cet amendement est accepté, une demande du rejet de l'inscription. Il y a une façon très facile d'éviter cela et on a proposé cet amendement, à savoir qu'on avise tous les candidats qu'on veut radier ou rejeter cette personne, c'est-à-dire qu'à ce moment-là, cela devienne, pour le parti politique, c'est-à-dire le gouvernement, l'Opposition, les tiers partis ou le parti indépendant, la tâche d'aller aviser ces personnes par un autre moyen, un coup de téléphone ou même de frapper à la porte jusqu'à ce que la personne réponde, pour lui expliquer qu'elle perdra son vote à moins d'aller au bureau de révision. Avec le système qu'on a actuellement, du moment qu'il y a une demande de radiation ou de rejet, il y a 75% à 90% de risques que la personne ne soit pas sur la liste électorale. Quand on revient au système qui a déjà été employé dans certains comtés où il y a beaucoup de gens de groupes ethniques ou des gens qui viennent pour signer des affidavits "at large", pour radier 10 à 15 noms d'un coup parce qu'ils sont d'origine étrangère, on leur dit qu'ils ne sont pas des citoyens et que ce n'est pas vrai. Même si ces gens reçoivent un avis officiel, ils ont peur d'aller au bureau du président, ils ont peur. Voilà la machine gouvernementale. On va faire quelque chose. Ces personnes ont besoin de cet avis au candidat qui peut leur expliquer dans leur propre langue de quoi il s'agit et leur donner une chance de se faire inscrire sur la liste électorale.

C'est une partie de la tactique qui a été employée dans mon comté. Quand je dis que 1400

personnes ont été privées de leur droit de vote, je suis très conservateur quand je donne ce chiffre. Tout est arrivé comme par hasard dans mon comté, quand on a fait la nouvelle liste électorale pour le 20 mai, on a copié la liste qu'on avait préparée au mois d'octobre ou novembre. (22 h 20)

Comme par hasard, 80% des noms anglophones et ethniques étaient mal écrits. Les noms francophones étaient bien écrits, pas de problème. Je ne sais pas si c'est parce que les gens ne savent pas écrire les noms étrangers et les noms anglophones, mais il est difficile de faire une erreur quand le monsieur s'appelle Brown et qu'on retrouve Bront ou une autre façon de l'écrire. Si c'est un monsieur Hykenberg, je comprends qu'il peut y avoir des erreurs. Mais un nom comme Brown, Smith ou Jones, où on trouve des erreurs, je trouve qu'il y avait un peu d'organisation dans cette affaire. Je dis que, dans mon comté de Saint-Louis, je n'ai jamais vu une affaire comme celle-là. Même en 1960, la pire élection que j'ai vécue durant ma vie politique... Cette fois-ci, le 20 mai était la pire que j'ai jamais vue. Nonobstant cela, cela a été 73% de votes pour le non.

M. Ciaccia: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Je voudrais ajouter aussi quelques remarques au sujet du projet de loi no 111, spécifiquement quand il se réfère à la liste électorale qui a été utilisée pour le scrutin du 20 mai. On se propose maintenant, par ce projet de loi, d'utiliser la même liste pour les comtés où il y aura des élections partielles.

C'est une chose de rédiger un projet de loi, mais c'est une autre chose de l'appliquer et de l'appliquer d'une façon juste, équitable et démocratique. Les pratiques que mon collègue, le député de Saint-Louis, vient de décrire se sont produites aussi dans le comté de Mont-Royal. Je voudrais vous mentionner, Mme la Présidente, le genre de pratiques qu'on a subies dans le comté de Mont-Royal lors du référendum du 20 mai.

Vous vous souviendrez, Mme la Présidente, qu'il y a eu une liste électorale préparée l'automne dernier. Voici l'expérience que nous avons vécue dans le comté de Mont-Royal. Depuis que ce gouvernement est au pouvoir, dans les comtés où le gouvernement juge que ce n'est pas un comté où les gens vont voter pour les propositions du gouvernement, on a des omissions, on a des noms de rues qui ne sont pas inclus, on a des erreurs dans la liste quant aux noms qui sont à consonnance ethnique ou anglophone. L'automne dernier, nous nous sommes assurés, avec les bénévoles que nous avions, de faire le tour du comté et d'ajouter, sur la liste électorale, les noms qui avaient été omis à la compilation de la première liste. Durant la période de révision, nous avons aussi apporté des amendements, des changements et des demandes pour corriger des erreurs.

Quand la liste a été rendue publique pour le référendum, cela aurait dû être seulement une copie de la liste avec les révisions de l'automne dernier. Ce qui est arrivé, c'est qu'il manquait des milliers de noms dans le comté de Mont-Royal. Le gouvernement peut-il nous expliquer comment le fait de copier une liste qui a déjà été préparée peut résulter en une erreur pour des milliers de noms omis de la liste? Nous, qui avons déjà eu l'expérience de l'automne dernier, nous nous sommes préparés et nous avons, avec l'aide des bénévoles du comté, parcouru le comté. Nous avons littéralement frappé de porte en porte dans tout le comté de Mont-Royal pour nous assurer que les gens sur la liste étaient tous inclus et que les gens qui habitaient le comté étaient tous inscrits sur la liste.

Mme la Présidente, vous seriez surprise d'apprendre que nous avons ajouté à la liste électorale, soit par des omissions, des erreurs flagrantes dans l'épellation des noms, 5309 noms qui n'étaient pas inscrits sur la liste électorale. Je voudrais savoir du gouvernement comment il explique cela. Nous avions, dans le comté de Mont-Royal, un président d'élection jusqu'à tout dernièrement. Cela faisait des années et des années qu'il occupait cette fonction. Il avait l'expérience de la Loi électorale et on a jugé bon de le remplacer. Je voudrais savoir du gouvernement comment un officier — c'est un officier public, un officier du gouvernement qui a été nommé par le gouvernement— pouvait permettre le genre de pratiques qui se sont produites dans le comté de Mont-Royal.

Je vais vous donner un autre exemple. Il ne s'agit pas seulement de la liste électorale. C'est honteux, Mme la Présidente, de dire qu'on a été obligé d'ajouter 5309 noms. Il y a seulement 36 000 électeurs dans tout le comté; c'est presque 20% du comté.

Une autre pratique qu'on a constatée — et on voudrait avoir des réponses du ministre sur ce qui va se produire aux prochaines élections — c'est le choix des lieux de votation. C'est bien facile, Mme la Présidente, d'identifier les comtés où les gens vont voter majoritairement contre le gouvernement. Mais, vous le savez, nous sommes dans une démocratie. Le droit de vote est un droit individuel. Ici, nous voyons l'importance des droits individuels. On ne parle pas de droits collectifs. Une collectivité ne vote pas. Les individus votent et le total de tous les individus dans la province, au Québec, ça fait partie de toute la société québécoise. Mme la Présidente, il faut admettre que chaque individu a le même droit qu'un autre individu, sans égard à ses vues politiques, à ses origines ethniques ou linguistiques.

Mais, quand on veut faire de l'obstruction, il y a beaucoup de pratiques qu'on peut adopter. Une des pratiques qu'on peut adopter — c'est la première fois que je l'ai vue — c'est le choix des lieux de votation. Dans plusieurs endroits, on a choisi des lieux où c'était impossible, presque,

d'entrer. Il y avait une porte pour entrer. Il fallait monter une trentaine de marches. Pour descendre au sous-sol de cet édifice, il fallait descendre une autre trentaine de marches. Pour ressortir, il n'y avait pas une porte de sortie. Imaginez-vous, Mme la Présidente, s'il y avait eu un feu ou quelque malheur à cet endroit ce qui serait arrivé. Alors, il fallait que les gens montent l'escalier; il fallait qu'ils le redescendent. Après avoir voté, il fallait qu'ils remontent du sous-sol, presque au deuxième étage, et ressortir. A cet endroit — le gouvernement le sait, parce que ça se voit par la liste électorale; l'âge des personnes est inscrit — majoritairement, c'étaient des personnes âgées.

Mme la Présidente, je vous dis que, le matin, à 10 h 30, quand je suis arrivé — on m'avait appelé pour aller voir ce qui se passait — à ce lieu de votation sur la rue Barclay, c'était pitoyable de voir les gens qui avaient attendu là depuis une heure ou une heure et demie, des personnes âgées qui ne pouvaient pas entrer, qui étaient toutes bloquées à l'entrée. Les quelques-unes qui étaient en dedans ne pouvaient pas sortir, parce que les personnes qui voulaient aller voter étaient toutes bloquées à l'entrée. C'était vraiment quelque chose d'incompréhensible, quelque chose d'injuste et quelque chose dont on pourrait dire que, si on avait voulu mettre des obstacles pour empêcher les gens de voter, pour causer de l'obstruction systématique, on n'aurait pas pu faire pire que ce qui s'est produit à Mont-Royal, le 20 mai 1980. On ne voit pas ça dans la loi, ici.

Malheureusement, l'impression que ce gouvernement nous donne, c'est qu'il y a l'apparence et la réalité. L'apparence, c'est qu'on veut donner le droit de vote à tous les gens. On dit: Tout le monde est important. Mais, dans la réalité, Mme la Présidente, avec les pratiques qui se sont produites le 20 mai, malheureusement, on a essayé systématiquement d'empêcher un grand pourcentage de la population de certains comtés — je ne dis pas de tous les comtés — de voter. J'ai eu aussi l'expérience d'autres comtés où il y avait beaucoup de gens de groupes ethniques. Les histoires que ces gens me contaient, franchement, c'étaient des choses qui ne devraient jamais se produire dans une démocratie dans l'Amérique du Nord ou dans n'importe quelle autre démocratie. Des gens qui avaient obtenu leur feuille rose — la feuille rose quand on faisait l'application pour être révisé — et qui n'étaient pas sur la liste électorale, des gens qui avaient déjà fait une application l'automne dernier pour s'inscrire sur la liste ou pour corriger les erreurs dans leur nom qui avaient été mal inscrits. Encore, la nouvelle liste du mois de mai avait complètement changé ça ou les avait omis. C'était systématique dans les comtés du nord de la ville de Montréal. Dans les comtés de l'ouest de la ville de Montréal. Je n'ai pas eu de plaintes, je n'ai pas entendu dire que ces choses-là s'étaient produites ailleurs. (22 h 30)

Mme la Présidente, c'est très sérieux. Les affirmations que je fais sont très sérieuses et je ne les fais pas sans avoir eu personnellement connaissance de causes, sans avoir vu moi-même personnellement ce qui s'est produit. Je ne voudrais pas que ces choses se répètent, que ce soit dans des élections partielles ou des élections générales. Je pense que ces moeurs, si elles ont déjà existé au Québec, ce sont les moeurs du passé. Elles ne devraient pas se répéter. Nous avons tous le droit de voter, c'est un droit sacré. Ce n'est pas un privilège, c'est un droit. Et de viser certains comtés, d'empêcher les gens d'exercer leur droit le plus fondamental dans une société démocratique, le droit de vote, je pense, Mme la Présidente, que ce n'est pas pardonnable.

Je voudrais demander au ministre s'il va s'assurer que les présidents d'élection, dans chaque comté, vont respecter le processus démocratique parce que je vous dis, Mme la Présidente, que le président d'élection du comté de Mont-Royal ne l'a pas respecté. Nous avons fait des plaintes maintes et maintes fois durant la période de révision, durant la journée nous avions un comité juridique, Mme la Présidente, à peu près une quarantaine de personnes, pour tous les bureaux de vote, et les plaintes que nous avons eues, les plaintes que nous avons faites au président, cela ne devrait pas se produire dans une démocratie. Je voudrais demander au ministre de nous dire, dans sa réplique, s'il va s'assurer que les présidents d'élection qui sont nommés par le gouvernement vont s'assurer que le processus démocratique sera respecté. Je voudrais aussi demander au ministre s'il va nous assurer que le droit de vote de tous les Québécois sera respecté et protégé et quelles mesures concrètes il va prendre pour s'assurer que les abus que nous avons connus le 20 mai ne se reproduiront pas.

Ce sont des abus qui ne sont pas acceptables. Quel que soit le gouvernement au pouvoir, nous avons tous le droit de voter, d'exercer notre droit de vote. Cela se peut bien qu'on ait des différences d'opinions. Peut-être que je ne suis pas du même avis que les membres du Parti québécois, mais je vais toujours respecter leur droit de s'exprimer, que ce soit dans cette Chambre, que ce soit en dehors de cette Chambre ou que ce soit par le droit de vote. C'est quelque chose de sacré. C'est la seule façon dont nous allons garantir une démocratie saine. Je voudrais, Mme la Présidente, que le ministre nous assure, assure cette Chambre, assure la population et spécialement si on parle de la liste du 20 mai, assure les comtés dans lesquels cette liste va être utilisée peut-être pour les élections partielles, nous assure que toutes les mesures seront prises pour que le droit de vote de tous les Québécois soit respecté et protégé. Merci, Mme la Présidente.

M. Lavoie: Mme la Présidente, j'aimerais ajouter quelques mots.

La Vice-Présidente: M. le député de Laval. M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: Avant la réplique du ministre responsable de la réforme électorale, dont l'absence est très remarquée, Mme la Présidente,

parce qu'on s'attendait normalement à ce qu'il soit ici durant les interventions des députés de l'Opposition, je remarque que le député de Gatineau, le député de Nicolet-Yamaska, le député de Saint-Louis et le député de Mont-Royal sont intervenus sur cette question durant l'absence du ministre d'Etat à la Réforme... Je remarque son arrivée.

M. Bédard: Le député de Laval, comme à son habitude, essaie de laisser planer l'idée qu'on est absent des débats et qu'on ne peut entendre ce que disent les députés. On sait très bien qu'il y a une habitude, en cette Chambre et qu'un député, tout en n'étant pas à son banc, peut suivre les débats. C'est ce que nous faisons. Je demanderais au député de Laval d'être au moins correct.

M. Lavoie: Ce n'était pas mon intention d'insulter le ministre, d'ailleurs, je venais de souligner sa présence il y a quelques instants alors qu'il était quand même absent durant les quatre interventions de l'Opposition. Mme la Présidente, j'espère également, et je voudrais garder ce débat au-dessus de la partisanerie politique le plus possible même si, avec les exemples que nous avons vécus lors du dernier référendum, il s'agit d'un défi assez difficile de garder cela au-dessus de la partisanerie politique.

Parce que nous avons des choses à faire connaître au ministre. C'est quand même le ministre responsable de l'application de la loi 9, la Loi électorale, et du projet de loi qu'il nous soumet actuellement, qui modifie partiellement cette loi. C'est le ministre responsable de la réforme électorale, et je pense que c'est notre rôle, comme députés de l'Opposition et même comme députés ministériels, d'apporter toutes les lumières voulues pour que le droit de vote et la démocratie s'exercent le plus normalement au Québec.

Ce n'est pas une insulte, le député de Châteauguay a présidé pendant un an ou deux un comité de travail dont faisaient partie des députés ministériels et des députés de l'Opposition, tant de l'Opposition officielle que de l'Union Nationale; il a travaillé — et je l'en félicite d'ailleurs — au-delà d'un an ou un an et demi à la refonte de la Loi électorale, qui a suscité d'ailleurs la loi 9. Je crois que sa contribution à l'étude du projet de loi que nous étudions est tout à fait profitable aux travaux de cette Assemblée.

Mes remarques seront assez brèves, ce n'est pas sur les deux articles qui se retrouvent dans le projet de loi actuel; mais je pense bien qu'en vertu de la coutume parlementaire, si on présente un projet de loi qui modifie entre autres la Loi électorale, c'est l'endroit tout à fait désirable pour apporter d'autres améliorations à cette Loi électorale. Je pense que cela a été une bonne chose que nous ayons eu cette pratique générale, lors du référendum, où, à la suite de la proclamation partielle de certains articles de la loi 9, on rodait pour la première fois la nouvelle Loi électorale, du moins tout à fait partiellement.

Je ne reviendrai pas sur les remarques qui ont été faites par le député de Saint-Louis, notamment sur les lacunes dans le processus de la révision des listes électorales que j'ai expérimentées moi-même dans le comté de Laval. Dans le courant de la journée du référendum — je ne vous dis pas qu'il y en a eu des milliers comme dans le cas de Saint-Louis ou dans le comté de Mont-Royal — j'ai eu l'expérience du cas d'une dizaine de personnes qui avaient leur formule rose qu'on appelle, formule 16 ou 17. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de la voir, c'est comme un reçu. Une personne s'était déplacée pour aller au bureau de dépôt faire une demande pour ajouter son nom; on lui remet un genre de récépissé, une formule rose. La personne, de bonne foi, croyant que... Il était d'ailleurs citoyen canadien depuis de nombreuses années, il occupait cette maison depuis une quinzaine d'années et il était assuré qu'en ayant ce récépissé son nom serait sur la liste électorale, mais à sa surprise, lors de l'élection, son nom n'était pas du tout sur la liste électorale. Je l'ai rencontré au bureau du président d'élection; le président d'élection a sorti les dossiers, les délibérations de la commission de révision et on ne trouvait même pas de décision dans son cas, si sa demande avait été acceptée ou rejetée, aucune décision de la commission de révision. Cette personne, comme une dizaine d'autres que j'ai rencontrées la journée du référendum, était privée de son droit de vote. Je trouve que cela est complètement inacceptable; des gens qui ignoraient que leur nom n'était pas là allaient faire une demande et se retrouvaient non inscrites sur les listes électorales.

Le point sur lequel je voudrais vraiment insister pour sensibiliser le ministre, député de Chicoutimi, c'est le rejet des bulletins le soir, lors du décompte. On avait vécu déjà cette expérience partiellement lors de deux élections partielles et je l'avais soulevé ici à l'Assemblée nationale; dans Jean-Talon, au-delà de 3% des bulletins de vote avaient été rejetés et dans le comté d'Argenteuil, lors de l'élection du chef de l'Opposition officielle, au-delà de 5% des bulletins avaient été rejetés. Cela avait fait l'objet de représentations à l'Assemblée nationale et même, lors de la loi 9, il y a eu une tentative du ministre, on a modifié la loi 9 à la suite de la suggestion du directeur général des élections. Au lieu de limiter l'expression du vote par un X, ce qui est une coutume centenaire au Québec, cette fois-ci, justement dans le but d'éliminer des rejets de vote, on permettait des marques: soit le X, soit un crochet, soit une barre ou quoi que ce soit.

Même en apportant cette amélioration, il est quand même étrange et incompréhensible de voir que lors du dernier référendum — j'ai eu le résultat aujourd'hui — il y a eu 65 012 bulletins rejetés, ce qui fait en pourcentage — d'ailleurs, je vais l'expliquer — 1,75% alors que l'expérience, depuis une trentaine d'années au Québec, il est vrai, est d'environ 2%. Cela veut dire qu'il y a eu une légère amélioration.

Mais il faut continuer cette analyse, et j'ai eu l'occasion de faire une analyse. Si on prend la grande moyenne des 110 circonscriptions électorales lors du dernier référendum, je dirais 85% des circonscriptions électorales, c'est à peu près 1% de bulletins rejetés, uniquement mais, chose

étrange, dans 10 ou 15 circonscriptions électorales, ce taux moyen d'environ 1%, on le retrouve au-delà de 2 1/2%, 3%, 4% et jusqu'à 4,6%. Près de 5% dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce, 4,6%! J'ai quatre exemples ici. Dans le comté de Bourassa, 3,2%, 1100 bulletins rejetés sur 34 000 bulletins exprimés. C'était deux pour un en faveur du non. On remarque cela, c'est constant dans les exemples que je vais vous donner. Dans ces comtés, il y a une majorité énorme en faveur du non. Dans le comté de Hull, 1087 bulletins rejetés sur 32 000, soit 3,3%. Dans le comté de Mont-Royal, 1208 bulletins rejetés sur 35 000, soit 3,4%. Dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce, là, c'est vraiment le gros lot, le bouquet, comme dit le député de Laviolette, 1534 bulletins rejetés sur 33 000 votes exprimés, soit 4,6%. Je vous dis — et je prends la responsabilité de mes déclarations — qu'une machination a exité dans certains comtés. Des directives ont été données à des scrutateurs nommés par le Parti québécois, ils ont eu des instructions de rejeter délibérément, sciemment des bulletins fort valides, tout à fait valides, qui auraient été reconnus tout à fait valides devant les tribunaux. D'ailleurs, je vais vous donner un exemple, un cas où on poursuit l'enquête. Dans le poil 74, dans le comté de Mille-Iles, dans la ville de Laval, dans une seule boîte il y a eu 78 bulletins rejetés, 78!

Une Voix: Sur combien?

M. Lavoie: II y a eu 50 oui, 30 non, 78 bulletins rejetés et — je prends la responsabilité de mes déclarations — au moins 78 bulletins étaient pour le non. Cela va aller plus loin, d'ailleurs, et probablement que cela va se ramasser devant les tribunaux parce que le scrutateur lui-même maculait les bulletins, il faisait des marques sciemment. En donnant le crayon et le bulletin, il s'arrangeait pour faire une petite marque à l'endos du bulletin. Il s'est vanté qu'il connaissait très bien son bureau de scrutin pour avoir fait trois fois le porte-à-porte dans ce comté-là; il connaissait tout à fait le pointage de liste. Je pense, mes chers amis, que cela ne devrait plus exister. Je vois des députés ici qui ont connu les années soixante. J'ai connu les années soixante où, pour se faire élire — je sais qu'il y en a qui ont écrit des volumes à ce moment-là — il fallait avoir 60% ou 65% de l'appui de la population pour se retrouver avec 51% le soir du scrutin. Il y avait toutes sortes de machinations, les bureaux de scrutin changeaient de place, c'était incroyable! Est-ce qu'on va revenir, vingt ans après, à ces stratagèmes scandaleux et honteux?

Je suis sûr que le premier ministre et la plupart des députés et des ministres qui siègent devant nous, s'ils connaissaient ce qui s'est passé, n'accepteraient pas cela aujourd'hui au Québec. Mais à des zélés et à des fanatiques qui existent dans des comtés, on devrait mettre le holà. C'est malheureux, je dois le dire, on retrouve cela depuis trois ou quatre ans. Je ne sais pas si c'est parce que nous avons devant nous un parti qui soulève l'émotivité des gens, un genre de parti doctrinaire ou dogmatique, mais cela se transmet parmi les militants et ces derniers deviennent des fanatiques enragés.

Une Voix: C'est vrai.

M. Lavoie: On a fait une semence pour cela et on la récolte; voilà l'expérience qu'on a retrouvée dans certains comtés. Toutes sortes de petits trucs — je l'ai vécu dans ma propre circonscription — le scrutateur, pour certains bulletins majoritairement pour le non, on le sait, dans certains secteurs peut-être où les électeurs ne sont pas des francophones, les 20 premiers bulletins du matin étaient marqués au stylo à bille au lieu du crayon à mine; maculer des bulletins, le rejet des bulletins — cela a été systématique dans plusieurs comtés — les manques et les faiblesses qu'il y a eu dans la révision des listes électorales... C'est bien beau, on va parler de la moralité publique, on va en parler des substitutions de personne, parlez-en de tout cela. Il y a 20 ans que c'est pas mal terminé au Québec, ce système qu'on a connu jadis. Et si vous avez des preuves de substitution de personne, prenez les procédures voulues et corrigez la loi; nous serons entièrement en faveur de cela. On n'a pas besoin de cela. Je pense bien que quelqu'un qui est en politique ces années-ci n'a pas besoin de stratagèmes qui datent du début du siècle pour se faire élire.

Par contre, on ne permettra pas, c'est 100 fois pire, de priver quelqu'un du droit de vote, d'un vote valide de citoyens à cause d'un scrutateur qui a le dernier mot le soir du scrutin et qui est sans appel. C'est lui qui a le dernier mot, il dit: C'est moi qui suis le patron dans le bureau de vote et, selon mon jugement, le bulletin n'est pas bon. Or, personne n'a d'appel sur cela. Vous allez me dire: même dans ces cas, même dans Notre-Dame-de-Grâce... on ne peut même pas aller devant les tribunaux, parce que si vous avez étudié la loi 92, il est dit qu'on peut demander un décompte judiciaire uniquement si cela peut changer substantiellement le résultat du référendum. Ecoutez, ce n'est pas parce que... je suis convaincu, j'ai eu le résultat final aujourd'hui du directeur général des élections. Je vais vous donner en primeur, si vous voulez, le dernier calcul officiel. C'est 40,44% pour le oui et 59,56% pour le non, avec 1,74% de bulletins rejetés. Pensez-vous qu'on va demander un décompte judiciaire à l'échelle du Québec, même si on est assuré que le oui n'a pas — c'est facile de faire un calcul avec les bulletins rejetés — eu 40% lors du dernier référendum? On n'a qu'à changer 18 000 voix et 65 000 bulletins rejetés et cela place le Parti québécois en bas de 40%.

Mme la Présidente, cela mériterait une enquête publique et, d'ailleurs, nous allons nous pencher sur cette question, parce que je pense bien que ceux qui... je vous inviterais à ne pas intervenir, parce que j'ai confiance que les députés qui m'écoutent actuellement sont contre de telles manoeuvres. Mais, quand même, il va falloir que cela arrête. On ne retournera pas 25 ans en arrière

pour ranimer des moeurs électorales pires que celles qu'on avait à ce moment-là. La moralité publique, parlez-en. La vertu, on va en parler. Mais, les expériences qu'on a depuis quatre ans sont vraiment honteuses. Si vous avez quelque chose à dire, à nous reprocher, levez-vous et intervenez dans le débat comme je le fais ici actuellement. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Chauveau.

M. Louis O'Neill

M. O'Neill: Mme la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vient de dire M. le député de Laval et je crois qu'il ne faut pas prendre à la légère ses propos. On pourrait peut-être s'interroger sur l'interprétation qu'il donne ou laisse entendre, à savoir qu'il y aurait eu telle ou telle proportion de bulletins rejetés qui auraient été plutôt pour telle tendance que telle autre. Mais, enfin, globalement, je pense qu'il a indiqué là des proportions qui ont quelque chose d'étonnant. Je voudrais simplement lui dire ceci, c'est qu'il y a aussi des plaintes qui peuvent venir d'autres gens. (22 h 50)

J'ai travaillé de près, comme tous ceux qui sont ici, avec les militants de la base, avec les gens qui ont fait la journée et il y a d'autres genres de doléances, évidemment, qui existent. Je vais vous donner deux cas. Nous avons pu constater, par exemple, que la méthode consistant à ce qu'on appelle passer des télégraphes — sans faire allusion à qui que ce soit — n'est pas révolue. Je ne dis pas que cela atteint une proportion catastrophique. Ce que l'on peut quand même relever comme nombre prouvé de gens qui sont venus, par exemple, pour voter et quelqu'un était venu à leur place, etc., c'est quand même quelque chose d'encore assez significatif et même assez étonnant. J'avoue, pour ma part, mon étonnement en ce sens que dans les directives qui sont données aux représentants dans les bureaux de scrutin, on essaie de faire en sorte qu'ils puissent bloquer la mécanique le plus possible et ils ne réussissent pas entièrement. Ce n'est pas général dans tous les coins d'un comté. Cela peut, par exemple, être plus facile chez des militaires, pour que les choses se comprennent bien. Il nous est arrivé des cas où les gens étaient à Chypre et ont voté. Je trouve que c'est un peu loin pour venir voter la journée du référendum et je ne dis pas non plus que c'est nécessairement à la suite d'une sorte de stratégie. Il y a le zèle individuel qui entre en jeu dans cela. Il y a des gens qui le font aussi parce que cela représente pour eux un défi ou des choses comme cela, mais cela existe à ce point de vue. Je pense que tous ceux qui sont ici pourraient peut-être se poser des questions concernant la carte d'électeur ou reprendre ce débat pour s'assurer que les droits de chacun soient respectés.

Il y a aussi une autre chose qui a été déplorée, un autre cas. C'est une certaine façon de se comporter à l'égard de catégories d'électeurs plus dépendants que les autres. Je pense, pour ma part, inacceptable que dans les bureaux de scrutin où on vote par anticipation, on aille, par exemple, chercher en autobus scolaire 30 ou 40 personnes âgées dont certaines ne savaient même pas exactement pourquoi elles votaient cette journée-là, qu'on les garde dans un autobus en pleine chaleur durant trois heures de temps dans des conditions pénibles que je n'oserais même pas vous décrire ici pour en arriver, d'ailleurs, à un moment donné, à être forcé de demander à un certain nombre de ces personnes de retourner chez elles pour revenir le lundi suivant parce que c'est très clair qu'elles n'avaient pas le droit de voter. L'autobus en question a été nolisé par une organisation électorale en collaboration très directe, d'ailleurs, avec la direction d'une institution. J'ai raconté cette histoire à certains de mes collègues qui m'ont dit qu'ils avaient constaté des phénomènes similaires dans leur coin.

Je dis simplement, Mme la Présidente, d'une part, qu'il faut réfléchir sur les remarques de M. le député de Laval et sur des excès de zèle ou certaines méthodes qui pourraient être employées, comme il nous le décrit, ce qui semble bien porter au moins à discussion et au moins à réflexion. Encore une fois, je ne dis pas qu'il n'y a rien de fondé dans cela. Au contraire. Il est sûr que les proportions comme celles qu'il nous mentionne sont des proportions pour le moins étonnantes, mais je voudrais simplement signaler que le problème ne se pose pas simplement là. Ce qui me frappe, c'est qu'une grande partie de l'énergie dépensée dans la préparation de nos représentants, par exemple, dans les bureaux de scrutin dans les jours qui précèdent une élection ou un référendum, consiste à les aider à dépister les cas et faire en sorte que les gens qui votent sont vraiment les gens qui ont le droit de voter. C'est pour vous dire qu'il n'y a pas qu'un volet au problème. Il y en a plusieurs.

Je pense que M. le député de Laval a parfaitement raison de souligner ce volet et, encore une fois, certains chiffres qu'il nous donne ne peuvent pas — je dirais — ne pas attirer notre attention. Je voudrais simplement signaler qu'il y a aussi des méthodes, des techniques d'autre nature qui occupent encore une place assez surprenante dans notre vie électorale. Encore une fois, je déplore qu'une grande partie du temps qui est dépensé à former nos représentants porte, justement, sur une série de conseils qu'on doit leur donner en leur disant, par exemple: Surveillez le début, le matin, c'est la période un peu plus stratégique à partir de 9 h 30 jusqu'à 11 heures; surveillez la fin de l'après-midi avec beaucoup plus d'attention.

Malgré toutes ces précautions, on apprend, à un moment donné, qu'il y a des gens non existants, par exemple, qui ont voté. Je pense que nous pourrions là-dessus peut-être mettre ensemble nos expériences. M. le député de Laval a sûrement vécu une expérience particulière. Il a eu les rapports d'autres députés. Nous avons aussi des expériences. De toute façon, nous avons tous intérêt à ce que la mécanique électorale fonc-

tionne de la façon la plus objective et la plus rigoureuse possible. Pour ma part, encore une fois, je suis loin de rejeter du revers de la main ce que nous dit le député de Laval, mais je voudrais simplement porter à son attention le fait que des doléances d'autres sources et portant sur d'autres types de méthodes ou de tactiques nous sont communiquées et j'aimerais qu'il accorde aussi de l'attention à celles-là. A ce point de vue, je pense que M. le député de Laval sera sûrement d'accord avec moi et que nous aurions tous intérêt désormais à nous dire que le temps est venu d'en arriver à une Loi électorale, d'en arriver à aborder des problèmes comme la carte de l'électeur, d'en arriver, si vous voulez, à un système perfectionné, à des méthodes nettement meilleures qui feront en sorte que le principe un homme un vote ou un citoyen un vote soit vraiment respecté si vous voulez que les droits de chacun des citoyens soient bien respectés dans le processus électoral. Merci, Mme la Présidente.

M. Gratton: Mme la Présidente, est-ce que le député de Chauveau me permettrait une question, car je voudrais élucider un point qu'il a touché et que je n'ai pas bien compris?

La Vice-Présidente: Est-ce que vous permettez la question, M. le député de Chauveau?

M. O'Neill: Oui, Mme la Présidente, oui.

M. Gratton: Le député de Chauveau a mentionné que, dans certains cas, des personnes âgées ou pas — cela a peu d'importance — s'étaient présentées au bureau de scrutin spécial, c'est-à-dire ce qu'on peut appeler le bureau avancé, pour voter et qu'on avait dû leur demander de retourner chez eux et de revenir la journée du scrutin. Dois-je comprendre des propos du député de Chauveau... D'abord, est-ce que le député sait qu'il y avait une disposition qui permettait justement, maintenant, à toute personne qui désirait voter par anticipation de le faire?

M. O'Neill: A certaines conditions.

M. Gratton: J'aimerais que le député nous explique cela, parce que...

M. O'Neill: C'est-à-dire que le texte de la loi prévoit que les personnes handicapées, d'une part, pouvaient profiter du vote par anticipation, et les personnes qui ne seraient pas à leur résidence cette journée-là. C'étaient les deux exigences de la loi. Ce sont les deux qui ont été appliquées. Ce n'est pas n'importe qui, autrement dit, qui pouvait voter de cette façon. Il fallait y avoir des raisons ou certaines fonctions qu'elles devaient remplir. Mais il n'était pas dit que tous ceux qui avaient envie de voter le vendredi et le samedi pouvaient dire: Nous votons, nous, de préférence, vendredi et samedi, plutôt que mardi, parce que cela nous fait plaisir. Ce n'est pas le sens du texte de la loi.

M. Gratton: Mme la Présidente, je me permets de vous donner mon interprétation, qui est celle...

La Vice-Présidente: M. le député.

M. Gratton: Je pense bien que je peux m'adresser au député de Chauveau. Merci, M. le...

La Vice-Présidente: M. le député, vous avez déjà posé une question à M. le député de Chauveau. Je pense que vous êtes déjà intervenu dans le débat et il ne faudrait pas que votre intervention prenne l'allure d'une nouvelle intervention. S'il vous plaît, M. le député.

M. Gratton: II n'y a pas...

La Vice-Présidente: Est-ce que c'est une nouvelle question?

M. Gratton: Mme la Présidente, si vous me permettez une phrase à peine pour dire au député de Chauveau que, quant à moi, l'interprétation que je fais de la phrase "toute personne qui considère et qui a des raisons de croire qu'elle ne pourra voter le jour du scrutin", c'est une décision personnelle que l'électeur fait. Il peut craindre de ne pas être-La Vice-Présidente: M. le député.

M. Gratton: ... en état de santé la journée du scrutin-La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! M. Gratton: ... et c'est la façon, en tout cas...

La Vice-Présidente: A l'ordre, M. le député! S'il vous plaît, M. le député! Je pense que vous faites une intervention. Il y a une protestation. Vous seriez en dehors du règlement, M. le député, à moins que nous n'ayons un consentement. Il me ferait plaisir, M. le député, de vous donner la parole si nous avions un consentement unanime de cette Assemblée.

Une Voix: II ne l'a pas.

M. O'Neill: Est-ce que je pourrais répondre. Ah bon! Il y a une réponse à cela, mais, enfin.

Une Voix: Mme la Présidente est pressée. La Vice-Présidente: M. le ministre... M. Lamontagne: Mme la Présidente. La Vice-Présidente: M. le député de Roberval. M. Robert Lamontagne

M. Lamontagne: Quelques mots seulement, Mme la Présidente, pour rappeler à la bonne

attention du ministre certains propos qui ont été tenus par le député de Laval tout à l'heure et qui prennent une signification considérable dans le cadre du dernier scrutin, à l'occasion du référendum du 20 mai dernier. (23 heures)

Au cours des dernières années, je pense qu'on a essayé, tant avec le rapport Dussault qu'avec le bon travail de la majorité des parlementaires ici, d'améliorer, d'une façon substantielle, la Loi électorale au Québec.

Or, comme le député de Laval l'a dit tout à l'heure, lorsqu'on a l'occasion, la chance d'avoir des données bien concrètes devant nous, il nous paraît, quant à nous du moins, que nous devrions prendre certaines dispositions pour aller scruter véritablement ce qui s'est produit dans certains cas spécifiques.

Comme le député de Laval le rappelait, la loi référendaire ne permettait pas de recomptage judiciaire, à moins que cela n'ait une signification appréciable sur le résultat du référendum lui-même. C'est pour cela que, du côté des tenants du non, il n'a pas été demandé de recomptage judiciaire, mais je pense que c'est notre devoir le plus strict, tant individuellement que collectivement, de nous interroger. Comment peut-on arriver, dans des comtés comme Mont-Royal, Notre-Dame-de-Grâce, avec des bulletins rejetés de 4,6% et de 3,4%; 3,3% et 3,2%?

Il me paraît que les parlementaires, soucieux comme ils l'ont prouvé de l'amélioration de nos lois électorales, devraient demander au président des élections d'aller lui-même faire enquête dans quatre comtés pour constater, pour lui et pour nous, ce qui a bien pu se produire pour qu'autant de bulletins puissent être rejetés dans ces comtés.

Il faut se rappeler que, cette année, au référendum, on pouvait voter de quatre manières différentes. L'expérience que vous avez, et celle que nous avons tous ici, même si cela ne fait pas cinq ou six élections que nous faisons, le nombre d'élections auxquelles nous avons pu participer nous convainc très facilement que c'est impossible qu'il y ait autant de bulletins rejetés dans un comté sans qu'il y ait eu une détermination d'un scrutateur ou de scrutateurs donnés qui ont malheureusement, à mon avis du moins, trop de pouvoir pour l'annulation d'un bulletin.

Mme la Présidente, savez-vous que, ni vous ni moi ne savons si notre bulletin de vote personnel n'a pas été rejeté? Dans un bureau chez moi, à Saint-Félicien — le comté n'a pas voté non dans le comté de Roberval, mais on savait que c'était non dans ma ville; je le sais, parce que les deux partis en ont convenu — j'ai 26 bulletins "non " qui ont été rejetés d'un bloc. Je pense qu'on doit faire quelque chose pour améliorer une telle situation. Il me paraîtrait logique et je me demande pourquoi on n'y souscrirait pas — on ne changera pas le résultat du référendum, mais on pourrait améliorer grandement nos moeurs électorales pour l'avenir — de demander au président général des élections — voeu unanime de l'Assemblée nationale — que, dans quatre comtés seulement — ce soir, à 18 heures, nous apprenions que le référendum allait nous coûter, à nous Québécois, $15 000 000, $16 000 000, $17 000 000 ou $18 000 000 — ne pensez-vous pas qu'il serait sage et sain à la fois qu'avec peut-être quelques milliers de dollars de plus, et avec le personnel des gens en place, nous apprenions ce qui s'est véritablement passé dans ces quatre comtés?

Je ne le demande pas pour le mien, ni pour celui de Saint-Louis, mais nous présentons à la bonne attention du président des élections quatre comtés: Notre-Dame-de-Grâce, Mont-Royal, Hull et Bourassa, deux comtés du parti ministériel et deux comtés du parti de l'Opposition. Dans ces quatre comtés — et je les répète, parce que c'est bien important: Notre-Dame-de-Grâce: 1534 bulletins annulés pour 4,6%; Mont-Royal: 1208 bulletins annulés pour 3,4%; Hull: 1087 bulletins annulés pour 3,3%; Bourassa: 1100 bulletins annulés pour 3,2% — il est évident que cela n'a pas de maudit bon sens! Il s'agit de le reconnaître collectivement et de dire au ministre responsable de la réforme électorale: M. le ministre, nous vous chargeons ce soir de demander au président général des élections de nous faire rapport dans un certain délai — parce que ces gens ont toutes les boîtes en main — de bien vouloir faire l'inventaire et de nous expliquer comment il se fait que, dans ces quatre comtés, autant de bulletins ont pu être annulés.

Cela ne changera pas le résultat du référendum. Le résultat officiel paraît le 19 juin prochain, jeudi de cette semaine, après qu'on sera parti, évidemment, il va paraître officiellement. Je pense que notre discussion serait considérablement enrichie pour l'avenir. Mme la Présidente, cela ne me fait pas... Evidemment, je n'ai pas été maire de Laval, de Chomedey, etc., je n'ai pas connu les moeurs électorales de 1960, mais j'ai participé activement, par exemple, à plusieurs des élections partielles. Je me souviens comment dans Jean-Talon, ici, parce que j'étais passablement lié à cette élection, c'était compliqué de faire voter le monde le matin, et plus les personnes étaient âgées, plus on ralentissait considérablement le vote. Ce n'est pas des inventions. Tout le monde a vécu cela, on le sait bien. Pourquoi se cacher la vérité? Ici, par la télévision, on s'adresse directement à des gens de Jean-Talon. Eux et elles savent la difficulté qu'elles ont eue ou qu'ils ont eue à aller voter dans les différentes écoles le matin de l'élection partielle dans Jean-Talon.

Pourquoi ne pas essayer ensemble... On dit: Parlons de la vertu, envoyons et faisons de longs discours, mais à l'occasion on pourrait peut-être également la pratiquer. Ce serait le plus simple. Mme la Présidente, le ministre député de Chicoutimi, sait, lui, plus que tout autre, les pouvoirs considérables et même exorbitants qui sont entre les mains d'un scrutateur. Vous savez de part et d'autre comment le vote du référendum prenait une signification considérable. Il y a 65 000 personnes au Québec qui sont sûres que leur vote était très important pour elles, et il n'a pas été bon leur vote. Aimeriez-vous cela vous autres vous

faire dire que votre vote n'était pas valide, le soir du référendum? Moi, je n'aimerais pas cela. 65 000 Québécois et Québécoises ont vu leur vote annulé au référendum. Il y a certainement quelque chose dans notre système... Il paraît qu'on est, en tout cas, soi-disant intelligents, collectivement. Il doit y avoir quelque chose qu'on devrait faire d'une façon additionnelle. Mais est-ce que c'est partisan de dire cela de part et d'autre? Est-ce que c'est parce que c'est vous autres qui nommez les scrutateurs que vous ne voulez pas que cela change? Si vous n'avez pas peur parce que vous nommez les scrutateurs, faites-en donc la preuve ce soir. Demandez, avec nous, collectivement, d'aller scruter quatre comtés au Québec, pas les 110, mais quatre comtés pour voir pourquoi ces bulletins ont été rejetés.

En tout cas, il me semble que c'est tellement pétant de clarté qu'on ne devrait pas avoir de problème à avoir un tel assentiment. Mme la Présidente, si on laisse passer cela et qu'on se quitte comme cela cette semaine, j'aurai des doutes sur la vertu dont ils parlent, de l'autre côté, Si vous voulez véritablement parler de la vertu, on va la pratiquer ensemble.

Mme la Présidente, je souhaite que le ministre responsable demande au nom de ses collègues, au président des élections — et je répète en terminant — au président général des élections que dans quatre comtés, Notre-Dame-de-Grâce, Mont-Royal, Hull, Bourassa, où le nombre de bulletins rejetés est en haut de 3%, soit 3,2%, 3,3%, 3,4% et 4,6% totalisant à eux seuls dans les quatre comtés près de 5000 bulletins rejetés, nous, comme bons législateurs, nous demandions d'ici un mois de faire rapport à l'Assemblée nationale ou publiquement sur ce qui a bien pu se passer, de manière à apporter les corrections nécessaires en vue de la prochaine élection, les élections partielles ou l'élection générale. Il me semble que c'est une demande raisonnable. Si on apprend des choses à l'occasion d'un scrutin, également il faut apprendre à corriger des choses qui n'ont pas bien fonctionné.

Mme la Présidente, on est là encore à passer des amendements, mais cela en est un tout cuit qui pourrait apporter des changements considérables dans nos moeurs électorales au Québec. Je voudrais appuyer le voeu qui a été proposé par le député de Laval et le faire d'une façon plus officielle en souhaitant qu'un député parlementaire ministériel seconde — il y a deux ministériels, deux députés de l'Opposition — afin que nous sachions tous ensemble la vérité et que nous apportions ensemble par la suite tous ensemble les corrections nécessaires.

La Vice-Présidente: M. le ministre d'Etat à la Réforme électorale exercera-t-il son droit de réplique?

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: Vous me permettrez, Mme la Présidente, quelques observations. (23 h 10)

J'essaierai de garder le débat au-dessus de la partisanerie que nous avons remarquée un peu trop du côté de l'Opposition, malgré les précautions oratoires prises par les membres de l'Opposition disant qu'ils garderaient ce débat au-dessus de la partisanerie politique.

Aux exemples qui ont été évoqués par les membres de l'Opposition se sont ajoutés beaucoup d'autres exemples qui ont été portés à mon attention par tous les membres de l'Assemblée nationale, que ce soit d'un côté ou de l'autre de cette Chambre. Il est clair que l'intention de tous les parlementaires c'est d'essayer de faire en sorte que le droit de vote, et non pas le privilège de voter, du citoyen soit respecté et soit le plus favorisé possible.

Je pense que le gouvernement actuel s'est conduit dans ce sens avec cette philosophie en faisant adopter la Loi électorale qui, on le sait, je l'ai dit et je le redis, sera en vigueur lors des prochaines élections partielles, pour toute élection partielle à venir, comme toute élection générale à venir, qui aura effectivement et qui a effectivement comme but de favoriser le droit de vote et de respecter encore mieux l'électeur et le droit de vote de l'électeur que ce n'était le cas auparavant.

Cette loi sera en vigueur. Le gouvernement actuel... Je pense que les accusations fortuites de la part de l'Opposition par rapport au gouvernement actuel n'ont pas grand fondement puisque c'est ce gouvernement qui a trouvé le moyen de mettre en place et qui mettra en vigueur pour toute élection partielle à venir ou élection générale à venir une nouvelle loi électorale qui a justement pour but de favoriser le droit de vote et non de le contraindre de quelque façon que ce soit. Je pense que le directeur général des élections, si on veut garder le débat au-dessus de la partisanerie politique, je suis convaincu, prendra note et portera une grande attention — de la même façon que moi — nous porterons une grande attention à toutes les représentations qui ont été faites ici par les membres de l'Assemblée nationale qui se sont exprimés pour voir les améliorations qu'il y aurait lieu d'apporter.

Déjà, nous avons des indications de la part du directeur général des élections dans ce sens. Par exemple, on a parlé du nombre de bulletins de vote qui ont été rejetés lors du référendum. L'Opposition crie d'une façon partisane au scandale, essaie d'une façon partisane d'imputer au gouvernement actuel la responsabilité des bulletins de vote rejetés et en même temps cette même Opposition admet que lors du référendum il y a eu moins de bulletins de vote rejetés que lors des dernières élections générales, alors que vous étiez le gouvernement et que vous nommiez tous les scrutateurs.

M. Blank: Dans les comtés anglophones...

M. Bédard: Vous venez justement de faire la preuve dans vos propos...

M. Blank: Faites l'enquête comme on le demande.

Une Voix: Faites donc une enquête. La Vice-Présidente: A l'ordre! A l'ordre!

M. Bédard: M. le député de Saint-Louis, on vous a laissé parler. Avez-vous peur que les autres parlent à leur tour.

M. Blank: ...

M. Bédard: De vos propos mêmes, sans aller plus loin, on peut conclure — c'est vous-même qui l'avez fait — qu'il y a déjà une amélioration, pas assez sensible, qu'il faut peut-être encore essayer de trouver les moyens d'y aller d'une amélioration encore plus grande — je suis parfaitement d'accord avec vous — mais par rapport à ce qui existait lors des dernières élections générales, alors que c'était le gouvernement libéral qui nommait tous les scrutateurs, on s'aperçoit que lors du référendum la situation s'est quand même améliorée. Ceci ne veut pas dire que nous ne ferons pas les efforts. Je pense que cela est une préoccupation au-dessus de la partisanerie que doivent avoir chacun des membres de l'Assemblée nationale, faire en sorte que cette situation s'améliore. Nous allons faire en sorte qu'il en soit ainsi.

Par exemple, on a mentionné, tout à l'heure, le nombre de bulletins de vote rejetés parce que des scrutateurs ont cru bon, à la suite de directives qui leur avaient été données en ce sens, d'annuler des votes alors que la croix dépassait un peu l'endroit où on doit apposer son intention de vote. Cet élément a déjà été porté à l'attention du directeur général des élections, vous le savez, en commission parlementaire et le directeur général des élections s'est engagé à donner des directives à ces présidents d'élection afin que cette situation ne se répète pas, de manière qu'on n'annule pas un vote parce qu'il y a un léger dépassement de la croix au niveau du bulletin de vote. Je pense que là-dessus tous les membres de la commission parlementaire étaient unanimes, nous avons même fait une recommandation, dans un consensus, au président général des élections pour qu'il nous donne l'assurance qu'une directive en ce sens serait donnée à l'occasion des prochaines élections partielles ou lors de toute élection à venir. Le président général des élections s'est engagé à le faire.

Non seulement les députés de l'Opposition, mais également les députés de ce côté-ci de la Chambre ont évoqué plusieurs situations qui méritent une attention particulière de manière que les citoyens ne soient pas privés de leur droit de vote ou que des tactiques ou des moyens ne soient pas employés pour annuler une intention clairement exprimée par un électeur. Je pense que cela fait partie de nos préoccupations fondamentales.

Il y a également l'ensemble — je ne veux pas être trop long non plus — des difficultés; pas toutes les difficultés qu'on a soulignées ce soir, mais une grande partie des difficultés qu'on retrouve, que ce soit au niveau du recensement, que ce soit au niveau de la révision, tout cela pourrait être corrigé en grande partie par l'adoption, une fois pour toutes, d'un registre qui permettrait d'avoir un numéro par électeur...

Des Voix: Un numéro!

M. Bédard: ... pour permettre le traitement informatique. Je pense qu'il va falloir trouver le moyen, tout en utilisant l'informatique...

Des Voix: ...

M. Bédard: J'entends les députés de l'Opposition protester. Ce soir même — il y a de l'hypocrisie de l'autre côté de la Chambre de la part de l'Opposition — nous étions à étudier les crédits du ministère d'Etat à la Réforme électorale et le président général des élections nous a dit, d'une façon claire, je pense, qu'il n'était pas en mesure de promettre un registre qui soit de nature à corriger beaucoup des problèmes que vous avez mentionnés si nous n'acceptons pas qu'il y ait un traitement informatique, par exemple, où il faudrait naturellement prendre garde à certaines difficultés de manière que les droits et libertés individuels des citoyens soient respectés. Nous allons continuer — je l'ai dit ce soir en commission parlementaire — notre recherche, notre réflexion pour en arriver à l'établissement d'un seul moyen, de l'un des seuls moyens qui est à notre disposition pour corriger ces problèmes que nous rencontrons au niveau de la confection des listes électorales, à savoir en arriver à des listes permanentes et à un système de registre tel que nous le préconisons dans la loi 3, auquel se sont opposés les membres de l'Opposition.

Des Voix: Oui, oui!

M. Bédard: A un moment donné, vous prendrez vos responsabilités.

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Me permettez-vous... M. le député de Saint-Louis, s'il vous plaît! M. le député de Laval, M. le député de Gatineau! M. le député de Duplessis! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! M. le député! M. le député de Gatineau, s'il vous plaît! (23 h 20)

Puis-je demander aux membres de cette Assemblée leur collaboration? Je vous ferai remarquer que les interventions se font beaucoup plus nombreuses pendant la réplique de M. le ministre de la Justice que pendant les interventions précédentes. Je vous demanderais... Je vous demanderais votre collaboration, M. le député de Laval, s'il vous plaît!...

M. Bédard: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le ministre de la Justice, j'étais déjà debout au moment où j'ai entendu M. le député de Laval. Alors, je crois que ses commentaires ne seront pas inscrits au journal des Débats. Si cela peut suffire à vous permettre

de continuer votre intervention, M. le ministre de la Justice.

M. Perron: ... de son parti.

La Vice-Présidente: M. le député de Duplessis, s'il vous plaît!

M. Bédard: Avec cette assurance de votre part, Mme la Présidente, je vais continuer. Je ne m'étonne pas des interruptions que vous avez mentionnées de la part des membres de l'Opposition depuis que j'essaie d'intervenir en mettant de côté la partisanerie. Mais les députés de l'Opposition, justement, vous avez été à même de le constater, ne sont pas capables d'accepter de régler une fois pour toutes la plupart de ces problèmes par la mise en place d'un registre qui permettrait, avec un numéro d'électeur, le traitement informatique qui réglerait ces problèmes.

C'est bien beau, comme l'ont fait les députés de l'Opposition, de crier au scandale, d'accuser, de faire n'importe quelle insinuation envers le parti gouvernemental. Mais une fois cela fait, quand on en vient au niveau des solutions, on s'aperçoit que l'Opposition n'est jamais capable de prendre ses responsabilités et d'accepter les véritables moyens qui sont mis à notre disposition pour en finir une fois pour toutes avec ces problèmes auxquels nous faisons face et qui sont de nature, comme on l'a mentionné, à ne pas favoriser le droit de l'électeur, son droit de voter, son droit de s'exprimer. Soyez donc logiques avec vos critiques et acceptez donc de réfléchir avec nous, en mettant votre orgueil de côté, sur la possibilité d'en arriver à une solution pratique dans ce domaine.

Quand vous aurez fait ce travail non partisan, quand vous aurez fait cette réflexion non partisane, quand vous aurez fait des efforts, justement, pour mettre de côté votre partisanerie, à ce moment-là, je croirai, je commencerai à croire à certaines des critiques et des insinuations que vous avez faites tout au long de vos interventions. Mais, au moins, posez les premiers gestes. Vous parlez de problèmes, vous parlez de situations à corriger, mais, dès qu'on en vient au domaine des solutions, on ne vous voit plus, vous n'êtes plus dans le décor. Quand cela fait votre affaire, vous parlez des droits et libertés individuels et quand cela ne fait pas votre affaire, vous passez outre aux droits et libertés individuels. Deux manières de voir les choses.

Alors, M. le Président, je pense que s'il y a un gouvernement qui a fait quelque chose, pas seulement des critiques comme fait l'Opposition, pas seulement des insinuations comme l'a fait l'Opposition tout au cours de ce débat, mais qui a posé des gestes pratiques pour essayer de favoriser le vote de l'électeur, c'est bien le gouvernement actuel avec l'adoption de la loi électorale.

Le Président: S'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Louis, puis-je solliciter votre collaboration? Merci de me l'accorder aussi gentiment, aussi courtoisement.

M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: On voit l'objectivité des membres de l'Opposition qui demandent que cette Chambre se penche simplement sur trois, quatre ou cinq exemples qu'ils ont portés à notre attention. Je vais plus loin qu'eux. Je pense qu'à partir de toutes les remarques qui ont été faites ici, que ce soit du côté de l'Opposition ou du côté du gouvernement, tant le directeur général des élections que nous, comme membres de l'Assemblée nationale, devons y porter une attention tout à fait particulière, de manière que nous puissions atteindre notre but, à savoir favoriser véritablement le vote des électeurs et le respect de l'intention de vote des électeurs. Merci, M. le Président.

Le Président: J'appelle maintenant le vote de deuxième lecture du projet de loi no 111, Loi modifiant diverses dispositions électorales. Je demande si cette motion de deuxième sera adoptée.

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Renvoi à la commission de la présidence du conseil et de la constitution

M. Duhaime: M. le Président, je ferais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution.

Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Oui, adopté.

Le Président: Adopté, M. le ministre.

M. Duhaime: Je propose l'ajournement de nos travaux, M. le Président, à demain, 10 heures.

Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, le 17 juin, 10 heures.

Fin de la séance à 23 h 26

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