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(Quinze heures dix-sept minutes)
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Moment de
recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Avis de la Commission de la fonction
publique sur le règlement modifiant le
règlement concernant la
rémunération de
certains fonctionnaires
Conformément aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la
fonction publique, je dépose l'avis de la Commission de la fonction
publique au Conseil du trésor, sur le règlement modifiant le
règlement concernant la rémunération, les avantages
sociaux et autres conditions de travail de certains fonctionnaires.
M. le ministre de la Justice.
Rapport annuel de la Société
québécoise d'information juridique
M. Bédard: M. le Président, je dépose le
rapport annuel de la Société québécoise
d'information juridique.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
de la Justice.
Rapport annuel de la Commission de police
M. Bédard: Avec votre permission, je dépose le
rapport annuel de la Commission de police du Québec.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
d'Etat au Développement culturel.
Enoncé d'orientation et plan d'action
pour
la mise en oeuvre d'une politique
québécoise de la recherche scientifique
M. Laurin: M. le Président, à titre de ministre
d'Etat au Développement culturel et scientifique, il me fait plaisir de
déposer l'énoncé d'orientation et le plan d'action du
gouvernement pour la mise en oeuvre d'une politique québécoise de
la recherche scientifique dans son texte français et sa version anglaise
qui, je l'espère, sera lue ces jours-ci par M. John Roberts.
Le Président: Document déposé. M. le leader
parlementaire du gouvernement au nom de M. le ministre d'Etat à
l'Aménagement.
Rapport annuel de l'OPDQ
M. Charron: M. le Président, au nom de mon collègue
de l'Aménagement, je voudrais déposer le rapport annuel 1978-1979
de l'Office de planification et de développement du Québec.
Le Président: Rapport déposé.
M. le ministre de l'Energie et des Ressources.
Rapport annuel de SOQUEM et rapport annuel de la
SDBJ
M. Bérubé: M. le Président, j'aimerais
déposer, à l'attention de l'Assemblée nationale, le
rapport annuel pour l'année 1979-1980 de SOQUEM et également le
rapport annuel de la Société de développement de la Baie
James pour l'année 1979.
Le Président: Merci, rapport déposé. M. le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Rapport annuel de la SGF
M. Duhaime: M. le Président, il me fait plaisir de
déposer le rapport annuel du groupe SGF.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôts de rapports de commissions élues. Vous en
avez un autre, M. le ministre.
Rapport annuel du Centre de recherche
industrielle
M. Duhaime: Oui, M. le Président, je voudrais
déposer le rapport annuel 1979-1980 du Centre de recherche industrielle
du Québec.
Le Président: Merci, rapport déposé.
Au dépôt de rapports de commissions élues. M. le
député de Champlain. (15 h 20)
Audition de témoins et étude du projet
de loi no 92
M. Gagnon: M. le Président, qu'il me soit permis,
conformément aux dipositions de notre règlement, de
déposer le rapport de la commission élue permanente de la
protection de l'environnement qui a siégé le 13 juin 1980 aux
fins d'entendre les organismes intéressés par le projet de loi no
92, Loi sur la Société québécoise d'assainissement
des eaux, puis a procédé à l'étude article par
article dudit projet de loi, lequel a été adopté avec des
amendements.
Le Président: Merci, M. le député de
Champlain.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
M. le leader parlementaire du gouvernement, vous avez la parole.
Projet de loi concernant la ville de
Chicoutimi
M. Charron: Oui, M. le Président, j'ai une note qui m'est
remise par le greffier en loi qui m'indique que le projet de loi, qui porterait
le no 268 et qui concerne la ville de Chicoutimi, est conforme à l'avis
et l'avis est suffisant en nombre; toutefois, il a été
déposé au secrétariat des commissions après le jour
d'ouverture de la session. Il s'agit donc d'une première
dérogation que je dois demander; de même, la publication des avis
entourant ce projet de loi a débuté, m'informe-ton, le 7 juin
1980 et se continue actuellement. Les autorités municipales de la ville
de Chicoutimi souhaitent quand même que ce projet de loi soit
adopté avant même la fin du processus de publication des avis
parce qu'il serait important qu'il le soit avant la prorogation de cette
session.
Je fais donc motion pour que ces deux dérogations soient
permises.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président:
Adopté.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le
leader parlementaire.
M. Charron: Je vous prierais d'appeler le projet de loi qui
paraît à l'article c) du feuilleton, M. le Président.
Projet de loi no 108 Première lecture
Le Président: M. le ministre de la Fonction publique
propose la première lecture du projet de loi no 108, Loi modifiant la
Loi sur le Régime de retraite des employés du gouvernement et des
organismes publics, la Loi sur le Régime de retraite des enseignants et
la Loi sur le Régime de retraite des fonctionnaires.
M. le ministre de la Fonction publique.
M. François Gendron
M. Gendron: Ce projet de loi propose des modifications à
la Loi sur le Régime de retraite des employés du gouvernement et
des organismes publics, à la Loi sur le Régime de retraite des
enseignants et à la Loi sur le Régime de retraite des
fonctionnaires pour donner suite à la dernière ronde des
négociations dans les secteurs public et parapublic. Il a notamment pour
objet d'octroyer aux syndiqués une participation au sein de la
commission administrative du Régime de retraite en portant le nombre de
membres de cette commission de sept à douze, d'introduire un
mécanisme de nomination par le gouvernement d'un actuaire-conseil qui
devra se prononcer sur la pertinence des hypothèses utilisées par
la commission lors des évaluations actuarielles du Régime de
retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, de
prévoir qu'un employé puisse prendre sa retraite dès
l'âge de 60 ans selon les modalités de réductions
actuarielles prévues à la loi, de prolonger jusqu'au 30 juin 1981
la possibilité pour un employé assujetti au Régime de
retraite des enseignants ou au Régime de retraite des fonctionnaires de
demander d'être assujetti au régime de retraite des
employés du gouvernement et des organismes publics et, enfin, de
prolonger jusqu'au 31 juin 1982 la possibilité pour un employé
assujetti au régime de retraite des employés du gouvernement et
des organismes publics de racheter du service antérieur non
contribué.
Le Président: Merci. Est-ce que cette motion de
première lecture sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je voudrais solliciter le
consentement pour avoir la permission de déposer deux projets de loi qui
figurent en appendice actuellement, celui qui est au nom du ministre du Travail
et de la Main-d'Oeuvre, ainsi que celui qui est au nom du ministre des Affaires
municipales.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. le leader
parlementaire de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, avant
d'aborder la question du consentement, puis-je demander au leader parlementaire
du gouvernement quelles sont les intentions du gouvernement relativement au
projet de loi que vient de déposer en première lecture le
ministre de la Fonction publique?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Bien sûr, M. le Président. Ce que je
souhaite, c'est que l'Opposition puisse, dans les heures à venir,
prendre connaissance de ce projet de loi et je m'engage, à ce
moment-là seulement et je ne peux pas le faire tant que le projet
de loi n'est pas public à m'entendre avec elle pour ou obtenir
son consentement pour l'adopter
avant la fin de la présente session ou alors le laisser tout
simplement au feuilleton. Mais, comme le député en conviendra, il
s'agit d'un projet de loi très technique et qui en modifie d'autres. Je
crois qu'il faut le temps de le regarder et mesurer la conséquence des
modifications qui sont annoncées à cet endroit.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je n'ai aucune
objection à ce que nous déposions, afin d'en prendre
connaissance, certains projets de loi qui sont prêts. Par contre, je suis
un peu étonné, pour dire le moins, que lors de la réunion
des leaders, la semaine dernière, c'était jeudi dernier, on n'ait
pas indiqué les intentions du gouvernement par rapport à certains
projets de loi qui nous arrivent un peu par surprise aujourd'hui. C'est le cas
du projet de loi que je viens d'évoquer, comme c'est le cas d'au moins
un des deux projets de loi que l'on retrouve en appendice.
Alors, pour résumer, nous désirons offrir notre
collaboration dans le sens suivant: nous allons permettre au gouvernement de
déposer les projets de loi mais on comprendra qu'à ce moment-ci
nous ne voudrions pas disposer de ces projets de loi à la vapeur,
à la toute dernière minute. Nous devrions cependant être en
mesure de communiquer avec le leader parlementaire du gouvernement une fois que
nous aurons pris connaissance de ces projets de loi.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: C'est aussi ce que je souhaite, M. le
Président. C'est pour cette raison qu'avant de nous rendre une
décision finale, mieux vaut prendre connaissance des projets de loi
eux-mêmes. Je remercie l'Opposition de consentir qu'on dépose ces
projets de loi. Alors, le projet de loi au nom du ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, M. le Président.
Projet de loi no 109
Première
lecture
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre propose la première lecture du projet de loi no 109, Loi
modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction et concernant la représentativité de certaines
associations représentatives.
M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson: M. le Président, le projet de loi 109 vise
à ajouter une nouvelle association à celles qui ont droit de se
faire reconnaître comme associations représentatives lors d'un
vote d'allégeance syndicale des salariés tenu conformément
à la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction.
Ce projet prévoit en outre, comme mesure transitoire, la tenue d'un
scrutin secret parmi les salariés actuellement représentés
par des associations affiliées au Conseil provincial du Québec
des métiers de la construction, en vue de déterminer, jusqu'au
prochain vote d'adhésion syndicale prévu à la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction, la
représentativité du Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction et de la Fédération des
travailleurs du Québec, la FTQ-Construction. Ce scrutin sera tenu par
les associations affiliées sous la surveillance de l'Office de la
construction du Québec.
L'Office de la construction du Québec établira ensuite la
représentativité du Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction et la Fédération des
travailleurs du Québec, FTQ-Construction, en répartissant le
degré de représentativité actuellement attribué au
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction sur
la base de la majorité obtenue au sein de chacune des associations
affiliées lors de ce scrutin. L'office délivrera ensuite, sur la
même base, à chaque salarié concerné, une carte
indiquant son adhésion syndicale.
Le Président: Cette motion de première lecture
sera-t-elle adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Le projet de loi au nom du ministre des Affaires
municipales, M. le Président.
Projet de loi no 112
Première
lecture
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales
propose la première lecture du projet de loi no 112, Loi concernant la
Communauté urbaine de Montréal.
M. le ministre des Affaires municipales.
M. Guy Tardif
M. Tardif: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le projet de loi 112, Loi concernant la Communauté
urbaine de Montréal.
En résumé, ce projet de loi précise le pouvoir que
possède actuellement la Commission de transport de la Communauté
urbaine de Montréal d'acquérir le capital-actions ou les biens
des compagnies Métropolitain Provincial (1967) Inc. et Autobus
Trans-Urbain Inc., en lui permettant notamment de n'acquérir qu'une
partie des biens de cette dernière. Il prévoit également
les modalités d'intégration à la Commission de transports
de la
Communauté urbaine de Montréal des employés de ces
compagnies qui pourraient être touchés par l'acquisition
éventuelle de celles-ci par la commission.
Par ailleurs, ce projet de loi remplace l'actuel Conseil des arts de la
région métropolitaine de Montréal par un nouveau Conseil
des arts qui relèvera, cette fois, de l'autorité de la
Communauté urbaine de Montréal plutôt que de la ville de
Montréal. Ce nouveau conseil aura essentiellement les mêmes
pouvoirs et attributions que son prédécesseur. (15 h 30)
Ce projet accorde à la communauté urbaine le pouvoir de
constituer une compagnie en vertu de la nouvelle partie IA de la Loi sur les
compagnies. L'activité principale de cette compagnie sera de fournir
à autrui des services que la communauté est elle-même
autorisée à fournir en matière de construction,
d'opération, de surveillance et d'administration de système de
transport en commun.
Enfin, ce projet de loi propose de clarifier certains pouvoirs du
secrétaire de la Communauté urbaine de Montréal à
l'égard d'une municipalité sise sur le territoire de la
communauté.
Le Président: Est-ce que cette motion de première
lecture sera adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Les projets de loi au nom des députés,
M. le Président.
Le Président: Présentation de projets de loi au nom
des députés.
M. Charron: L'article e) du feuilleton.
Projet de loi no 208
Première
lecture
Le Président: M. le député de Dubuc propose
la première lecture du projet de loi privé no 268, Loi concernant
la ville de Chicoutimi.
Des Voix: BravoI
Le Président: Est-ce que cette motion de première
lecture sera adoptée?
Des Voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: L'article f) du feuilleton, M. le Président,
s'il vous plaît!
Le Président: Puis-je vous suggérer une motion de
renvoi?
Renvoi à la commission des affaires
municipales
M. Charron: Oui, M. le Président. Le projet de loi qu'on
vient d'adopter en première lecture, puis-je faire motion pour en
déférer l'étude à la commission des affaires
municipales, s'il vous plaît?
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président:
Adopté. M. Charron: L'article f) du feuilleton.
Projet de loi no 187
Première
lecture
Le Président: M. le député de Laprairie
propose la première lecture du projet de loi no 187, Loi concernant BNP
Canada Ltd. Est-ce que cette motion de première lecture sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Renvoi à la commission des consommateurs,
coopératives et institutions financières
M. Charron: Ce projet de loi pourrait-il être
déféré à la commission parlementaire des
consommateurs, coopératives et institutions financières, M. le
Président?
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Président: Adopté.
Temps des questions orales.
M. le chef de l'Opposition officielle.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
La politique constitutionnelle du gouvernement
M. Ryan: M. le Président, ma question fait suite à
la réunion du Conseil national du Parti québécois qui a eu
lieu samedi dernier. Depuis que le référendum a clairement
établi qu'une solide majorité de la population
québécoise veut que le
Québec continue à se développer à
l'intérieur du cadre fédéral, nous essayons de savoir ce
que sera la politique du chef du gouvernement, suite à ce
référendum. On pensait qu'à l'occasion du conseil national
de son parti, tenu en fin de semaine, on obtiendrait certaines
précisions. Tout ce qu'on constate, en prenant connaissance d'une
déclaration qui a été soumise au conseil national du Parti
québécois par l'exécutif du parti et adoptée par le
conseil national, est que dans le texte, à huit endroits
différents, le conseil national réaffirme, avec force, que la
voie de la souveraineté-association est la seule que ce parti-là
soit intéressé à rechercher comme voie d'avenir pour le
Québec.
On dit, par exemple, dès le début: "Nous entendons donc
poursuivre notre action, en tant que parti, dans la voie unique de cette
perspective." Plus loin: "La démocratie commande que nous
persévérions avec toutes nos énergies dans la voie de la
souveraineté-association qui nous est essentielle et si chère."
Plus loin: "Le conseil national proclame et reste convaincu, à la
lumière, d'ailleurs, de la campagne référendaire
c'est étonnant, mais ça ne fait rien qu'il n'y a d'avenir
réel pour le Québec et pour le Canada que dans une formule
politique conforme à la souveraineté-association." On continue
comme ça. Il y en a quatre ou cinq autres du même genre.
Cela crée un climat d'ambiguïté et d'équivoque
politique au Québec, qui commence à laisser beaucoup de monde
perplexe. Je voudrais demander au premier ministre aujourd'hui s'il entend
continuer à se promener avec deux chapeaux différents: le chapeau
du souverainiste plus ou moins repentant ou résigné qui accepte,
suite à un référendum qu'on recherche loyalement et
activement, le renouvellement du fédéralisme canadien, et celui
du chef de parti qui, lorsqu'il va retrouver ses troupes, leur présente
un texte comme celui-ci, l'endosse avec elles, et s'engage lui-même,
comme les autres personnes présentes, j'imagine, puisque ceci a
été adopté à l'unanimité, à
poursuivre avec toutes ses énergies, dans la voie unique de cette
perspective péquiste, l'avenir politique du Québec.
Je ne sais pas combien de temps le premier ministre entend essayer
d'installer le Québec dans un climat de contradictions et
d'ambiguïté comme celui-là.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je ferais
remarquer au chef de l'Opposition, d'abord, que si j'ai bien suivi les comptes
rendus de sa conférence de presse, reportée pendant deux jours,
la semaine dernière, il y a une certaine incertitude dans la
démarche politique, un peu partout, y compris chez nos amis d'en face,
de ce temps-ci. Tout ce que je voudrais ajouter, c'est ceci: si le chef de
l'Opposition, qui a déjà été victime des citations
tronquées, s'était donné la peine je pense qu'il a
dû se donner la peine de lire toute cette déclaration qui
était celle de notre conseil national de parti, il aurait vu que cette
dé- claration, comme il dit, adoptée à l'unanimité,
appuie également la démarche du gouvernement que j'ai
annoncée, c'est-à-dire de poursuivre de bonne foi...
Avec le livre beige vous avez deux, trois chapeaux incertains aussi et
vous ne savez pas exactement où vous allez avec cela. Ce que je veux
dire, c'est ceci: C'est qu'on a annoncé à plusieurs reprises, et
c'est ratifié également par cette décision qui a
été votée à notre conseil national, qu'on
poursuivrait les négociations de bonne foi dans le cadre que les
électeurs nous ont imposé le 20 mai dernier. D'autre part, cela
répète peut-être aussi ce que j'ai déjà dit,
c'est que l'option politique de notre parti est une option légitime qui
n'a pas de raison de se cacher nulle part et qu'il n'y a pas de raison non plus
d'en changer.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Le premier ministre dit que dans la déclaration
adoptée en fin de semaine on fait aussi mention de cette volonté
du gouvernement de chercher, tant qu'on est dans le régime
fédéral à négocier. Inutile de dire que cela passe
vite dans la déclaration comme une petite remarque de passage pour
souligner écoutez l'expression, M. le Président
qu'une fraction importante de l'électorat a tenu à donner au
fédéralisme canadien une chance supplémentaire. Une
fraction importante, c'est une majorité importante, pas une fraction, M.
le Président.
Plus loin, il y a une chose qui est bien claire dans tout ce qu'a dit le
premier ministre en fin de semaine, c'est son attachement au pouvoir. Cela il
l'a dit bien clairement. Il a dit qu'il était pour se battre. Le
goût du pouvoir, il a dit qu'il était pour le donner à ses
troupes. Je demande une chose au premier ministre, qui a affirmé
également qu'il est convaincu que son parti est le seul capable de
défendre une option à laquelle il ne croit pas. Je lui demande de
nous dire quand il va donner au public du Québec, aux citoyens de cette
société la chance de se prononcer sur le parti qui est le plus
apte à agir conformément à la volonté
exprimée par la population le 20 mai.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, j'ai parlé du
goût du pouvoir, M. le Président, c'est vrai, en évoquant
ce qui est au fond la règle de la démocratie, c'est que tout
parti sérieux qui fait de l'action politique et qui a les assises d'un
parti reconnu, à plus forte raison s'il est un parti ministériel,
doit non pas avoir spécialement, passionnément le goût du
pouvoir, mais il doit avoir en tout cas très fort le goût de la
lutte démocratique pour voir si on peut donner des choix convenables aux
citoyens. Pour ce qui est du goût du pouvoir passionné, la
façon dont le chef de l'Opposition a terminé sa question donne
l'impression qu'il devrait se regarder un petit peu parce que c'était
vraiment quelque chose de presque
passionnel. Je comprends cette nostalgie et je crois aussi qu'en temps
et lieu on aura l'occasion de voir qui peut le mieux, soit les gens de ce
côté-ci, soit les gens d'en face, soit d'autres formations de
l'Opposition, dans le jugement des citoyens décider de la
défense, enfin, encadrer la défense des intérêts du
Québec et le progrès de la société. Pour ce qui est
de la date, puisque la question avec laquelle le chef de l'Opposition a
terminé sa dernière intervention, était extrêmement
émotive, j'ai été obligé de redire en fin de
semaine ce que j'ai dit déjà à quelques reprises, qu'il
est impossible de dire quant à moi, en tout cas, pour l'instant, si ces
élections générales viendront en 1980 ou en 1981. De toute
façon, ce que j'ai simplement souligné, c'est qu'en fonction de
cette règle démocratique qui est de se préparer le mieux
possible pour aller porter aux citoyens les meilleures options possible, il
faut commencer à se préparer le plus vite possible. Je
n'apprendrai rien à personne en cette Chambre.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Je signalerai d'abord au premier ministre que depuis le
référendum l'Opposition officielle a fait preuve d'une grande
modération et d'une grande retenue dans l'interprétation des
résultats. Je ferai un aveu au premier ministre, c'est vrai que je suis
passionné quand je vois que dans un comté comme celui de Johnson
il y a une vacance depuis six mois. Le premier ministre nous a promis à
combien de reprises au cours des dernières années qu'on ne
traînerait pas pour combler ces vacances? Cela traîne encore. Nous
n'avons aucune espèce d'indication quant au délai qui devra
continuer d'intervenir avant que ces gens soient représentés. Je
pense que si nous n'avions pas un peu de passion quand nous évoquons des
situations comme celle-là qui font voir le gouvernement en pleine
contradiction avec les déclarations antérieures de son chef, ce
serait qu'on n'a pas de conscience. (15 h 40)
Maintenant, je reviens au premier ministre avec ma première
question à laquelle il n'a pas du tout répondu: Combien de temps
va-t-il continuer à se promener dans la province de Québec et
à travers le pays, éventuellement, avec deux chapeaux sur la
tête? Lequel utilisera-t-il, quand, et dans quelle situation?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Pour ce qui est du comté de
Johnson et aussi des autres qui sont vacants depuis quatre à six mois,
je croyais que l'Opposition avec la modération et la retenue que le chef
de l'Opposition vient de souligner avait quand même accepté la
logique fondamentale de la raison pour laquelle on veut attendre un peu. C'est
qu'après trois élections ou trois consultations
générales en moins d'un an, il nous a paru logique de ne pas
précipiter des élections au mois de juin ou au mois de juillet,
mais cette fois-ci d'attendre avec la garantie que j'ai donnée au chef
de l'Opposition qui est que ces comtés et peut-être d'autres si on
dégarnit d'autres banquettes en face, ces comtés et d'autres
éventuellement auront des représentants à
l'Assemblée nationale pour la prochaine session de l'Assemblée
nationale.
Maintenant, pour ce qui est du retour du chef de l'Opposition sur sa
première question, je dois dire ceci, et je me contenterai de le
répéter: L'option que véhicule notre parti depuis treize
ans est une option légitime qui n'a pas été
acceptée ni sous forme de mandat, ni sur le fond, je crois bien,
jusqu'à nouvel ordre en tout cas, par l'électorat
québécois majoritairement. Partant de là, elle demeure
légitime, elle peut demeurer et, quant à moi, elle va demeurer,
si tout le monde est d'accord on était d'accord en fin de semaine
l'option fondamentale de notre action politique comme parti.
D'autre part je l'ai déjà dit des gens qui
demandent le plus ont peut-être des chances de mieux défendre les
intérêts du Québec dans le contexte actuel que des gens qui
commencent par en demander moins. Je ne vous ferai pas de dessin.
Pour ce qui est des négociations qui s'engagent à nouveau,
non seulement en commission parlementaire, mais aussi avec tous les rapports
qu'on fera périodiquement de ce qui se passe, l'Opposition, comme
d'ailleurs tous les citoyens, pourront juger de notre bonne foi; on s'est
engagé à les faire de bonne foi et on va les faire de bonne
foi.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre vient de dire
qu'il demande le plus. C'est justement, est-ce que le premier ministre se rend
compte que la décision rendue par le peuple le 20 mai dernier, c'est
justement non à ce plus-là? Deuxièmement, c'est un non
à la souveraineté-association.
Est-ce que le premier ministre se rend compte dans quelle situation il
se trouve, lui et son gouvernement présentement? Est-ce qu'il se rend
compte que dans un autre Parlement, simplement pour avoir voulu augmenter de
$0.18 le gallon le pétrole, le gouvernement a été
renversé par la Chambre et il a dû aller aux élections.
Présentement, on a devant nous un gouvernement qui n'a pas
été renversé par la Chambre, il a été
renversé par la population du Québec qui lui a donné un
vote de non-confiance sur l'élément essentiel de sa politique.
Comment peut-il aujourd'hui, le premier ministre de ce gouvernement, se
prétendre le chef négociateur d'une option qu'on a rejetée
et qu'on continue de rejeter?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je dois dire d'abord que je
regrette, pour le député de Bonaventure, que sa passion à
lui aussi, dont je connais d'ail-
leurs l'intensité depuis longtemps, l'ait amené à
oublier la règle fondamentale d'un gouvernement ou d'un Parlement dans
un régime parlementaire qui est que tant que la confiance de la Chambre
existe, la confiance de la Chambre existe.
Deuxièmement, je rappellerai aussi à nos amis d'en
face...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon):... à commencer par le
député d'Argenteuil lui-même, Dieu sait à quel point
ils se sont acharnés tant qu'ils n'étaient pas sûrs
à dire: Ce qui compte, ce n'est pas le référendum, ce sont
les élections. Le jupon a dépassé pendant si longtemps.
Troisièmement, je dirai ceci. C'est vrai que dans un
référendum, si on n'obtient pas le mandat qu'on demandait, on n'a
pas le droit de poursuivre, comme gouvernement, dans cette ligne-là,
mais je répète pour la nième fois je peux bien le
répéter souvent parce que cela vient de la plus profonde
conviction et de l'action politique que j'ai faite et de notre parti
qu'on va maintenir notre option légitime qui, peut-être un jour,
deviendra pour tout le monde une branche du choix à laquelle on
reviendra, mais entre-temps, on va faire de bonne foi le travail que les
électeurs, au référendum, nous ont confié
jusqu'à nouvel ordre.
Le Président: M. le député de Saint-Laurent.
Les travaux de la commission Keable
M. Forget: Ma question s'adresse au ministre de la Justice.
Vendredi matin, la commission parlementaire de la Justice a débattu,
pendant près de deux heures, ce qu'il faut appeler l'affaire Keable. La
discussion qui s'est déroulée en commission parlementaire a fait
ressortir des oublis, à moins qu'il ne s'agisse d'omissions volontaires,
troublants de la commission d'enquête dans la poursuite de son mandat et,
en outre, elle a fait ressortir également des comportements sans
précédent et il faut bien le dire scandaleux de la
part de son président.
Est-ce que le ministre de la Justice n'est pas d'avis que le temps est
venu pour lui de réviser non pas surtout le mandat de cette commission
mais l'opportunité de laisser M. Keable continuer à en assumer la
présidence?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le président, tout d'abord, il n'y a
pas d'affaire Keable. Il y a une commission Keable qui est une commission
indépendante, qui a toute latitude pour la poursuite de ses travaux et
des règlements qui doivent être suivis dans la poursuite
même de ces travaux et qui, à un moment donné, aura
à tirer les conclusions.
Ce qu'a évoqué le député de Saint-Laurent en
commission parlementaire n'était en aucune façon des oublis
troublants. Le député s'est interrogé sur certains des
aspects des travaux de la com- mission Keable qui, à l'heure actuelle,
on le sait, est paralysée par des procédures, judiciaires qui
sont devant la Cour d'appel. Lorsque ces procédures judiciaires seront
terminées, à ce moment-là, la commission Keable pourra
continuer ses travaux.
Les interrogations du député de Saint-Laurent... Je
l'inviterais peut-être à un respect un peu plus grand de ce qu'est
le processus judiciaire que représentent les commissions
d'enquête, ce qui fait que celles-ci ont toute la latitude et doivent
avoir les possibilités de mener à bien leur enquête...
Lorsque cette commission d'enquête tirera ses conclusions, à ce
moment-là, tant du côté gouvernemental que du
côté de l'Opposition, chacun pourra y aller de son
appréciation concernant les travaux ou les conclusions de cette
commission.
Pour ce qui est de ce que qualifiait tout à l'heure le
député de Saint-Laurent de conduite inacceptable du commissaire
Keable, M. le Président, encore là, c'est vraiment y aller
d'insinuations qui, à mon sens, sont inacceptables puisque l'essentiel
des questions du député de Saint-Laurent tournait autour de
certaines dépenses qui ont été effectuées dans le
cours des travaux de cette commission aux fins d'interrogatoires d'un
témoin principal dans le cours du huis clos normal de cette commission.
Les détails il n'y a tellement rien de secret là-dedans,
M. le Président ces dépenses auxquelles se
référait le député de Saint-Laurent ont
été dûment approuvées par le Conseil du
trésor et sont conformes aux règles de la fonction publique et la
demande de renseignements additionnels qui m'a été faite par le
député de Saint-Laurent vendredi, je m'en suis occupé et
dès aujourd'hui nous sommes en mesure de déposer en cette Chambre
les renseignements ou les détails additionnels qui étaient
demandés concernant ces dépenses qui, on sera à même
de le constater, sont tout à fait justifiées dans le cadre d'une
commission d'enquête telle que la commission Keable ou toute autre
commission. Il n'y a aucune cachette là-dedans et je dépose les
renseignements demandés. S'il y a d'autres interrogations
additionnelles, c'est avec grand plaisir que je répondrai, M. le
Président. (15 h 50)
Le Président: Y a-t-il consentement au
dépôt?
M. Forget: Consentement.
Le Président: II y a consentement. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, tant mieux si le ministre a
enfin, à la suite de deux heures de questions et de débats,
consenti à être plus candide et à présenter tous les
faits. Nous examinerons avec soin...
M. Bédard: Question de privilège, M. le
Président!
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: II me semble, M. le Président, qu'il y a
dans notre règlement un article 168, je crois, qui ne permet pas
à un collègue d'y aller d'imputation de motifs. Je sais que c'est
un article que ne connaît pas ou qu'ignore continuellement le
député de Saint-Laurent. Je ne lui en ferai grief en aucune
façon, mais il vient de le faire encore une fois, M. le
Président. Puisque le député de Saint-Laurent parle
d'attitude candide, en aucune façon il n'y a quelque attitude candide
que ce soit. On nous a demandé des renseignements qui étaient, je
pense, suffisamment détaillés et il nous fallait au moins un
certain délai pour les fournir. Je les fournis à la
première occasion, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je parcours rapidement ces
données et ce que l'on peut remarquer de ces données, c'est
qu'elles sont très concises. Elles ne contiennent guère autre
chose que ce que nous avons nous-même souligné à
l'attention du ministre à partir des ordres de paiement qu'il a
signés, mais dont il avait eu garde de nous parler avant qu'on ne les
découvre nous-mêmes.
M. Bédard: M. le Président, une autre question de
privilège!
M. Lavoie: Qu'y a-t-il? Un instant! M. Forget: M. le
Président... Le Président: Bon, bon!
M. Bédard: Je n'accepte pas que le député de
Saint-Laurent fasse toutes sortes d'allusions...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il s'agit
d'une période de questions.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre de la Justice! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de la
Justice, vous aurez votre temps pour répondre à M. le
député de Saint-Laurent. Je vous suggère de vous conformer
aux dispositions de notre règlement. Je vous signale que la
présidence a toujours été généreuse avec les
préambules, notamment pour la première question, mais quand on
est à la deuxième et à la troisième, c'est
différent.
M. Bédard: M. le Président, je tiens à ma
question de privilège parce que le député de Saint-Laurent
laisse entendre, encore une fois, dans son préambule à sa
sous-question, que le ministre de la Justice a caché quelque chose. Il
n'en est pas question. Nous n'avons absolument rien caché concernant les
interrogations que pouvaient se faire les membres de l'Opposition. Au
contraire. Je l'ai dit, toute la procédure a été faite
selon les règles de la fonction publique. Des explications nous ont
été demandées en commission parlementaire et je les
fournis à la première occasion. J'ai dit tout à l'heure
que si le député de
Saint-Laurent voulait d'autres renseignements additionnels, c'est avec
plaisir que je lui répondrais.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je sais que le ministre va
probablement faire d'autres questions de privilège, mais j'espère
avoir au moins le loisir de compléter mes questions. Vous aurez
l'occasion de répondre.
J'ai des raisons sérieuses de croire, M. le Président, que
les données que le ministre vient de déposer sont concises au
point de déguiser la vérité et je me demande si le
ministre qui a signé des ordres de paiement, qui a autorisé ces
dépenses à titre de responsable du ministère de la
Justice, n'accepterait pas de se raviser et de nous donner, comme nous l'avons
demandé en commission parlementaire, le tableau complet de ce qui s'est
fait, le tableau complet des dépenses qui ont été
encourues relativement au témoignage de Mme Devault.
Le tableau qu'on vient de nous remettre n'est pas un tableau complet. Je
crois que le ministre de la Justice, au lieu de se réfugier
derrière la prétention d'indépendance de cette commission
d'enquête une commission qu'il prolonge de trois mois en trois
mois lorsqu'il reçoit les rapports d'étape devrait
plutôt se rendre compte que sa responsabilité et celle de ses
collègues sont liées par le comportement inacceptable auquel le
président de la commission se livre et auquel lui-même se livre en
signant ces ordres de paiement. Le ministre n'est-il pas prêt à
faire toute la lumière sur une situation inacceptable et
scandaleuse?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, le député
de Saint-Laurent sait très bien qu'il fait une utilisation abusive des
adjectifs concernant l'ensemble de sa question, parce qu'il n'y a absolument
rien d'inacceptable ou de scandaleux concernant les ordres de dépenses
qui ont été signés par moi concernant la commission
Keable, des dépenses effectuées soit par le commissaire Keable ou
encore par le témoin ou le procureur qui assistait toujours le
commissaire Keable lors des rencontres qu'ils ont eues avec le témoin
important. Au contraire, ces dépenses ont été
signées comme cela va de soi. J'espère que le
député de Saint-Laurent ne veut pas aller jusqu'à insinuer
qu'un ministre de la Justice pourrait, à partir de l'acceptation ou de
la non-acceptation des dépenses, essayer d'influencer directement ou
indirectement le comportement d'une commission, tant au niveau des
méthodes de travail qu'au niveau des conclusions auxquelles cette
commission pourrait en venir, à un moment donné. Alors, ces
ordres de paiement ont été dûment acceptés par le
Conseil du trésor parce qu'ils représentaient des dépenses
qui ont été effectivement faites et qui devaient être
payées selon les règles de la fonction publique.
Le Président: M. le député de Saint-Laurent,
une dernière question.
M. Forget: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre de
la Justice n'est pas d'accord que, de toute manière, qu'il signe ou
qu'il ne signe pas des ordres de paiement, chaque fois, il doit porter un
jugement sur la façon dont la commission exerce ses
responsabilités et qu'en choisissant, comme il le fait maintenant,
d'accepter sans condition toutes les dépenses et toutes les
façons de procéder de la commission, de se prêter à
toutes les manoeuvres de cette commission, y compris, dans un autre ordre
d'idées, le chantage auquel la commission s'est livrée face
à certains témoins, en refusant à certains la protection
de la police et en donnant à d'autres la protection policière, le
ministre de la Justice ne se rend-il pas compte qu'il devient, à ce
moment-là, le complice de méthodes d'activité et de
méthodes d'enquête absolument inacceptables?
M. Bédard: M. le Président.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Cela n'a aucun sens, ce que dit le
député de Saint-Laurent. Il me semble, M. le Président,
qu'il y a quand même un article dans notre règlement qui fait
qu'il faut traiter des sujets concernant les commissions d'enquête ou des
sujets qui sont sous enquête avec... Cela ne veut pas dire de ne pas en
parler. Je suis très à l'aise, que le député de
Saint-Laurent en parle et je suis toujours là pour répondre aux
questions, mais il faut quand même le faire avec une certaine
déférence par rapport aux enquêtes qui sont en cours, par
rapport aux tribunaux ou par rapport aux commissaires qui ont à
effectuer un travail d'enquête qui n'est pas facile. On sait que le
travail d'enquête de la commission Keable, qui a justement à
enquêter sur des actes criminels prétendument commis par des
policiers, est un travail extrêmement difficile parce que la commission
d'enquête, son commissaire et ses procureurs ne peuvent compter sur la
collaboration constante de tous les policiers, de tous les corps policiers au
niveau de cette enquête.
C'est une enquête de toute première importance, M. le
Président, puisque les actions policières constituent un des
éléments importants lorsqu'il s'agit de parler, mais
véritablement, de la défense des droits et libertés
individuels. Alors, les travaux de la commission Keable et de son commissaire
sont extrêmement difficiles. Le député de Saint-Laurent
sait cela. A l'heure actuelle, je ne comprends vraiment pas son comportement
inacceptable de se faire, d'une certaine façon, l'écho je
ne dirais pas le complice de personnes qui non seulement n'ont pas
aidé les travaux de la commission Keable, mais qui ont tout fait pour
essayer d'entraver les travaux de la commission Keable, entre autres, les deux
personnes auxquelles se réfère le député de
Saint-Laurent.
Si ces personnes n'ont pas eu la protection, c'est qu'elles n'ont jamais
accepté de collaborer avec la commission Keable aux fins de savoir la
vérité. La société a le droit de savoir la
vérité sur des agissements de ces policiers, surtout lorsqu'on
parle, à un moment donné, d'actes criminels prétendument
commis. Ces personnes n'ont pas eu la protection policière,
premièrement, parce qu'elles n'ont pas voulu collaborer avec la
commission Keable et, deuxièmement, parce qu'elles ne l'ont
demandée en aucune façon. Lorsque la protection a
été accordée au témoin Devault, c'est à la
suite de la demande faite par la commission et les commissaires. Cette
protection s'imposait.
Je rappelle le député de Saint-Laurent a un minimum de
sens des responsabilités. Il devrait savoir qu'un témoin, pas
seulement à la commission Keable, mais également quand il s'agit
du crime organisé à toute occasion, lorsqu'il s'agit
d'aller au fond des choses qui décide de se mettre à table
est un témoin qui risque gros et qui est en butte à bien des
chantages auxquels se réfère le député de
Saint-Laurent et à bien des risques souvent même pour sa
sécurité, la sécurité de sa vie. Le
député de Saint-Laurent devrait être un peu plus
respectueux de ce processus et un peu plus responsable.
Des Voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Charbonneau: Question additionnelle, M. le
Président.
M. Forget: M. le Président.
Une Voix: Consentement. (16 heures)
M. Forget: M. le Président, le ministre de la Justice
m'impute abondamment ça fait peut-être cinq ou six fois,
mais, finalement, je vais intervenir parce que c'est un procédé
qui est disgracieux et qui se répète toutes sortes de
sentiments ou une absence de sens des responsabilités. Or, M. le
Président, je crois qu'il n'est pas irresponsable, soit pour le ministre
de la Justice ou pour le critique de l'Opposition, de soulever un
problème, le problème qui se pose lorsque, de propos
délibéré, le président d'une commission
d'enquête, en prenant l'initiative de dévoiler ce qu'il assume
être le statut d'informateur de police d'un témoin non
coopératif, le prive de protection policière. A ce moment, il le
condamne effectivement, sans l'entendre et sans lui permettre de se
défendre.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Bédard: M. le député de Saint-Laurent
sait très bien qu'il n'est pas question, en aucune façon...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: M. le Président, je peux
répondre?
Le Président: Très brièvement, s'il vous
plaît, M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Le député de Saint-Laurent sait
très bien, tout en essayant de se justifier que le témoin auquel
il se réfère ne fait l'objet d'aucune menace à l'heure
actuelle. S'il avait voulu demander la protection policière, il n'avait
qu'à le faire et, à ce moment, elle lui aurait été
accordée. Mais, M. le Président, de là à ce qu'une
commission d'enquête prenne l'initiative pour accorder une protection
policière à des gens qui non seulement ne veulent pas collaborer
avec la justice, mais qui veulent entraver le cours de la justice, je pense que
le député de Saint-Laurent devrait être assez responsable
pour ne pas cautionner une telle attitude.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
Le rapatriement de la constitution
M. Le Moignan: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires intergouvernementales. On peut lire dans les journaux de
fin de semaine un titre comme celui-ci: "Le "brouillon" peut être
amélioré, reconnaît Trudeau". M. Trudeau ajoute: "C'est
pourquoi nous nous sommes donné plusieurs semaines au cours desquelles
le ministre de la Justice et ses collègues vont essayer
d'améliorer ce brouillon." La question que je voudrais poser au ministre
étant donné qu'il doit agir, comme il l'a prétendu, lui,
et ses collègues, en bon gouvernement soucieux de défendre
l'autonomie du Québec, comme tous les gouvernements antérieurs
l'ont fait, surtout l'Union Nationale, est la suivante: Est-il dans son
intention de prendre l'offensive et cela, dès demain, le 17 juin, pour
exiger comme une des premières modifications à faire qu'on
enlève de la liste des points soumis par le premier ministre du Canada
la question du rapatriement de la constitution, qui, de l'avis de tous les
partis politiques en cette Chambre, devrait être la dernière des
choses à discuter, pour la raison que ça implique, dans son
essence même, une formule de rapatriement? Il ne s'agit pas de l'enlever;
il s'agirait peut-être de la placer la dernière sur la liste parce
que je pense qu'il y a d'autres choses plus importantes. Je voudrais savoir si
c'est l'intention ferme du ministre de travailler dans ce sens-là.
Le Président: M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Effectivement, demain, nous
aurons, à Ottawa, la première d'une série de
réunions qui vont se continuer une bonne partie de l'été.
Au cours de cette réunion, le travail va surtout consister à
établir, justement, l'échéancier et les séries de
sujets qui vont être abordés d'une fois à l'autre. C'est
donc dire qu'au moment où je vous parle je ne sais pas à quel
moment pendant l'été viendra tel ou tel point qui a
été retenu à l'ordre du jour suggéré la
semaine dernière par le premier ministre du Canada.
Effectivement, il y a un de ces points à l'ordre du jour qui
s'appelle rapatriement. En ce qui concerne le rapatriement, je connais
l'opinion de l'Union Nationale et, bien sûr, je connais celle du
gouvernement. Je connais maintenant aussi celle du Parti libéral, telle
qu'elle a été exprimée la semaine dernière et j'en
ai déduit j'aimerais, si je me trompe, qu'on me corrige, parce
que j'ai l'intention d'en faire état que pour personne ici, dans
cette Chambre, il ne s'agissait d'une priorité telle qu'elle doive venir
avant que d'autres sujets aient été clarifiés et avant
qu'il y ait eu entente sur d'autres sujets. Donc, j'en ai conclu que le
rapatriement est une question qui doit venir après les autres, en
dernier lieu. J'avais l'intention de le signaler demain, au cours de cette
réunion, ne serait-ce qu'en passant, puisqu'encore une fois, demain, ce
n'est pas chacun des sujets qui sont pris les uns après les autres;
c'est simplement la liste des sujets qui viendront au cours de
l'été. Mais j'avais l'intention de le faire, ayant compris qu'il
n'y a personne ici qui était d'accord pour qu'on mette comme
priorité le rapatriement de la constitution; pas parce que le
rapatriement cause en soi un problème, mais à cause du symbole
que cela représente et à cause aussi des conséquences que
cela pouvait avoir sur l'ensemble de la révision constitutionnelle, si
on commençait, en quelque sorte, par la queue.
J'avais l'intention, j'espère ne pas me tromper, de m'appuyer sur
ce qui m'a paru être, jusqu'à maintenant, une sorte de
façon unanime de voir les choses, au moins quant à cette
question, pour en faire état demain. De la même façon, si
vous me permettez de compléter, que j'ai compris qu'il n'y avait
personne qui s'opposait ici, à l'Assemblée nationale du
Québec, au fait qu'il existe au Québec une société
ou une communauté nationale distincte qui a son droit à
l'autodétermination, j'ai l'intention, l'occasion s'en
présentant, d'ailleurs je pense qu'il s'en doute un peu, il en a
été fait mention dans les journaux et autrement j'ai
l'intention, en passant, de mentionner que, pour nous, il s'agit là
cependant d'une priorité qui doit, s'il doit être
amélioré, faire partie des corrections que M. Trudeau peut
apporter à son brouillon.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Le Moignan: Question additionnelle, M. le Président. A
la suite d'une entrevue ou à une émission radiophonique
donnée par le premier ministre du Canada à une station
française, je voudrais savoir du ministre s'il croit, lui, ce
n'est pas une question d'opinion, quand on analyse les gestes du gouvernement
du Canada que le gouvernement fédéral semble avoir
l'intention de se servir de cette question du rapatriement pour créer
cet affrontement majeur entre le gouvernement fédéral et aussi
entre les partis politiques du Québec, à un tel point qu'avant
même les discussions on fasse brandir la menace d'un
référendum canadien si on ne réussit pas à
s'entendre entre le Québec et le fédéral?
Le Président: M. le ministre des Affaires
intergouvemementales.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je n'ai
pas entendu cette émission de télévision ou de radio du
premier ministre du Canada. J'ai vu des titres de journaux qui, je pense, y
réfèrent. J'ai aussi remarqué, dans les éditoriaux
qui ont été publiés depuis trois ou quatre jours, la
semaine dernière notamment, que beaucoup d'éditorialistes, qui ne
sont pas nécessairement des souverainistes, bien au contraire,
s'interrogent sur le sens, la portée et les intentions précises
de M. Trudeau en ce qui concerne l'opération qui va commencer demain.
Par conséquent, on a même pu découvrir dans ces
éditoriaux que certaines personnes se demandaient si, au fond, ce qui
était l'intention fédérale n'était pas d'en arriver
à une sorte de situation d'affrontement pour permettre des gestes
fédéraux unilatéraux. C'est ce que j'ai vu dans les
journaux. Au moment où je vous parle, je n'ai aucune preuve que ce soit
le cas puisque je n'ai pas encore eu de rencontre avec les
fédéraux et j'en aurai demain. Mais s'il s'avérait que
l'intention du gouvernement central est de provoquer un affrontement pour
ensuite s'en servir comme un double prétexte, d'abord prétendre
que nous sommes de mauvaise foi et, deuxièmement, s'en servir aussi pour
engager un processus d'action unilatérale, je pense, comme nous avons
dit que toute la population du Québec serait constamment informée
de ce qui se passe, je pense que les citoyens verraient qu'il s'agit
derrière tout cela d'une manoeuvre et prendraient leur décision
en conséquence.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale,
dernière question.
M. Le Moignan: Dernière question, M. le Président.
A la suite de certaines questions que j'ai déjà posées en
cette Chambre et aussi de certaines discussions que nous avons tenues en
commission parlementaire, est-ce que le ministre des Affaires
intergouvernementales peut nous rassurer sur le fait qu'au cours de toutes ces
discussions qui auront lieu au cours de l'été, le ministre va
apporter une attention très particulière au partage des pouvoirs?
Je crois que ceci est très important, évidemment, sans entrer
dans rénumération de la liste. Il en manque peut-être,
c'est peut-être à compléter, mais je crois que c'est
fondamental pour le Québec avant de réussir une entente.
J'aimerais savoir si le ministre va tenir à cette idée du partage
des pouvoirs qui va nous aider à nous acheminer de façon vraiment
constructive dans les négociations?
Le Président: M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je vais
accorder une attention prioritaire à deux séries de sujets. La
première, c'est celles qui sont déjà mentionnées
dans le projet de déclaration de principe que le premier ministre du
Canada avait présenté à l'ensemble des premiers ministres
des provinces, la semaine dernière, et qui a été
rejeté par plusieurs d'entre eux. Donc, première priorité,
le texte de cette déclaration de principe que le chef de l'Opposition a
qualifié de brouillon. Deuxième priorité, c'est justement
le partage du pouvoir parce que le partage du pouvoir a été, au
cours des années, au fond, la question qui a intéressé
davantage le Québec pour une raison très simple, c'est que le
partage des pouvoirs, tel qu'il se présente dans le système
constitutionnel actuel, permet le chevauchement entre gouvernements, par
exemple, entre Québec et Ottawa, et permet aussi au gouvernement
fédéral, lorsqu'il le juge opportun, d'intervenir dans des champs
de compétence provinciaux. (16 h 10)
C'est le plus ancien problème fédéral-provincial ou
le plus ancien problème Québec-Ottawa, celui du partage des
pouvoirs. Je pense aussi bien à la fiscalité qu'à tout le
reste. Par conséquent, ce sera aussi ma deuxième priorité.
Il n'y a aucun doute que, de ce côté, cela me permet d'être
d'accord avec le chef intérimaire de l'Union Nationale lorsqu'il
considère que le rapatriement de la constitution c'est une chose qui
vient après ces questions fondamentales que je viens de mentionner,
c'est-à-dire la déclaration de principe que M. Trudeau a
proposée et toute la question du partage des pouvoirs.
Cependant dans la liste qui nous est soumise, il faut bien se rendre
compte que le partage des pouvoirs n'est pas terriblement
développé. Il y a bien des sujets, comme le disait d'ailleurs la
semaine dernière avec raison le chef de l'Opposition, qui ne sont pas
là. Il faudra juger en cours de route, pendant l'été,
peut-être au cours de la commission parlementaire dont on a
déjà parlé, s'il faut de notre part, c'est-à-dire
du côté du Québec appuyé par tout le monde, ajouter
des sujets importants de sorte que ce soit résolu pour la
conférence du mois de septembre. Mais cela demandera qu'on s'entende
ensemble, parce que ce n'est surtout pas le moment actuellement, devant
certaines appréhensions qu'on peut nourrir face aux intentions
fédérales, de se montrer divisés. Je pense que
l'époque qu'on commence à vivre exige que les partis ici au
Québec, quels qu'ils soient, s'entendent sur un minimum vital que nous
aurons tous ensemble à défendre.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Industrie et du Commerce, qui était ici tantôt mais
qui est absent. Je peux l'adresser aussi au ministre de la Justice qui
était ici, mais qui est absent, au premier ministre, qui est absent ou
au ministre de l'Agriculture, qui est absent. Avez-vous des...
Le Président: Le ministre de l'Industrie et du Commerce et
du Tourisme est revenu.
L'industrie du cidre
M. Scowen: M. le Président, les deux plus grandes
cidreries du Québec, Cidrobec et Lubec, risquent d'être
obligées de fermer leurs portes
d'ici quelques mois à cause d'une chute énorme de la vente
causée par la vente des vins dans les épiceries. Elles ont
proposé un programme de relance au gouvernement qui est, en effet, un
programme du développement de nouveaux produits, les apéritifs,
qui pourraient être vendus dans les épiceries. Ce projet
nécessite un amendement à la Loi de la Société des
alcools pour permettre la vente des vins de pomme avec un pourcentage d'alcool
au-dessus de 13%, ce qui est maintenant permis dans la loi. Si cet amendement,
d'après les compagnies, n'est pas apporté à la loi d'ici
la fin de la session, elles ne seront pas en mesure de faire ces apéros
avec la récolte des pomiculteurs de cette année, ce qui peut
mettre en danger, non seulement les compagnies, mais la récolte de
pommes.
La question est de savoir au nom de ces compagnies et des pomiculteurs
si le gouvernement a l'intention d'ici la fin de la session de proposer un
amendement à la loi pour permettre la production et la vente de ce
nouveau produit dans les épiceries.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce
et du Tourisme.
M. Duhaime: M. le Président, je vais répondre
très clairement à la question. Je ne crois pas qu'il soit
nécessaire que nous ayons à amender la loi actuelle pour donner
suite aux demandes des deux grands producteurs de cidre et de vins de pomme au
Québec. Je crois plutôt que nous pouvons régler cette
situation en modifiant la réglementation et nous pourrons le faire par
arrêté en conseil. Je soumettrai un projet d'arrêté
en conseil au Conseil des ministres probablement cette semaine. Je suis
très heureux que le député attire l'attention de
l'Assemblée nationale sur cette question, parce que nous avons fait le
suivi de ce dossier depuis plusieurs semaines. Sa question vient à point
nommé, puisque c'est probablement dans quelques jours que nous serons en
mesure d'annoncer une modification à la réglementation qui ne
satisfera pas à toutes les exigences des deux producteurs, mais qui
devrait leur permettre à tout le moins de faire leur mise en
marché de ce nouveau produit comme apéritif.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Est-ce que le ministre peut décrire
brièvement les demandes de ces compagnies qui ne seront pas
acceptées par le gouvernement? Est-ce qu'il peut dire à
l'Assemblée s'il a reçu des représentations de la part de
la Société des alcools ou des représentants ou du
personnel qui vont à rencontre des demandes de ces compagnies? Est-ce
que les représentations faites par la société avaient pour
effet de demander au gouvernement de ne pas accepter toutes les demandes faites
par les compagnies? Avant tout, quelles sont les demandes des compagnies que
vous n'avez pas l'intention d'accepter?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Duhaime: Les consultations normales ont été
faites avec les autorités de la Société des alcools du
Québec de même qu'avec mon sous-ministre adjoint et responsable de
cette société d'Etat d'une façon particulière. Des
fonctionnaires de mon ministère ont rencontré également M.
Jean-Denis Côté, de Cidrobec, et M. Lussier, de Lubec; des gens de
mon cabinet ont également fait le point sur tout ce dossier.
Je disais tout à l'heure que si nous modifiions la loi pour faire
en sorte que le taux d'alcool de 13% soit haussé à 20%, nous
ferions de cette catégorie d'apéritif une catégorie
privilégiée. L'arrêté en conseil signifierait que
cet apéro continuerait d'être vendu chez les épiciers et
dans les présentoirs tels que faits actuellement par la
Société des alcools du Québec. Il est possible
également que la taxe de vente d'applique à ce nouvel
apéro; cependant, le taux d'escompte de 16 1/2% actuellement en vigueur
serait maintenu. Je pense que nous devrions retenir cette proposition pour
l'instant, d'autant plus que le calendrier des travaux parlementaires ne nous
permettrait pas d'aller de façon réaliste au-delà. Nous
sommes convaincus, après analyse au ministère, que cet
arrêté en conseil devrait permettre non seulement la mise en
marché, mais le succès des ventes de ce nouvel
apéritif.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je veux que le ministre vérifie auprès
de l'Assemblée parce que l'article 2.7 de la Loi sur la Commission de
contrôle des permis d'alcool donne une définition très
claire du cidre: boisson de fermentation alcoolique faite avec des pommes. Il
est certain que l'arrêté en conseil peut accorder le droit
nécessaire à ces compagnies et qu'un amendement à cette
loi n'est pas indispensable.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Duhaime: J'ai des avis de mon contentieux et diverses opinions
nous indiquent que nous pouvons procéder par arrêté en
conseil.
Le Président: M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Une question additionnelle parce que cela
concerne également des producteurs de pomme, ceux de mon comté.
Est-ce que vous pouvez nous indiquer si les appellations kir et vermouth, qui
pourraient être utilisées dans le cas de ces deux nouveaux
produits à base de cidre, seraient autorisées par la
réglementation que vous prévoyez?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme.
M. Duhaime: Ma première réaction à la
question du député de Verchères serait une réponse
affirmative, mais j'aimerais quand même vérifier tant
auprès des gens de la SAQ qu'au contentieux de mon ministère
parce que nous sommes vraiment dans la plomberie, c'est hautement
technique.
Motions non annoncées Le Président: Aux motions non
annoncées. M. Marcoux: M. le Président... Le
Président: M. le député de Rimouski.
M. Marcoux: ... j'aurais à faire la motion non
annoncée suivante: Que l'Assemblée nationale demande au chef de
l'Opposition officielle de remettre au trésor public...
Des Voix: Non, non, non!
M. Marcoux:... les sommes d'argent obtenues pour sa caisse
électorale...
Des Voix: Non, non! A l'ordre!
M. Marcoux: ... à même des contrats
réalisés par certaines firmes lors des Jeux olympiques de 1976.
Je suis convaincu, M. le Président...
Le Président: M. le député de Rimouski, il
n'y a pas consentement. Vous n'avez pas le droit de plaider.
DesVoix:Oh,oh!
Le Président: A l'ordre! Enregistrement des noms sur les
votes en suspens.
M. Gratton: M. le Président, j'ai une motion non
annoncée.
Le Président: M. le député de Gatineau, aux
motions non annoncées.
M. Gratton: J'aurais une motion non annoncée qui touche de
beaucoup plus près les vrais intérêts des citoyens que
celle du député de Rimouski.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: Au moment où on se parle, les autorités
du centre hospitalier de Saint-Joseph-de-Maniwaki sont en conférence de
presse pour annoncer qu'à compter du 1er juillet les services d'urgence
devront être suspendus la nuit faute de médecins. Je sollicite
donc le consentement unanime de l'Assemblée nationale pour que cette
motion soit adoptée sans débat: "Que cette Assemblée
invite le ministre des Affaires sociales à prendre immédiatement
toutes les mesures nécessaires pour éviter que les
autorités du centre hos- pitalier de Saint-Joseph-de-Maniwaki ne soient
forcées de discontinuer les services d'urgence la nuit à compter
du 1er juillet prochain, comme annoncé cet après-midi à
Maniwaki."
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la
présentation de la motion?
Alors il n'y a pas consentement à la présentation de la
motion.
Nous en sommes à l'enregistrement des noms sur les votes en
suspens.
Recours à l'article 34
M. Forget: En vertu de l'article 34, M. le Président.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Nous en
sommes aux avis à la Chambre. M. le député de
Saint-Laurent voudrait poser une question en vertu de l'article 34. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, l'Assemblée nationale
va étudier cet après-midi la deuxième lecture du projet de
loi no 183. Je sais que les délais, d'ici la suspension ou l'abrogation
de nos travaux, ne sont pas longs mais, malgré tout, avec un peu de
collaboration de part et d'autre, ne serait-il pas possible au leader du
gouvernement de prévoir une séance, soit ce soir ou demain
après-midi, pour entendre différents groupes féminins qui
ont peut-être des propos à tenir aux députés de
cette Assemblée relativement à ce projet de loi?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je consens à discuter
de nouveau, au cours des minutes qui vont suivre. Cela ne devrait pas
empêcher toutefois que ce projet de loi soit adopté en
deuxième lecture puisque, s'il devait y avoir comparution, ce serait
juste avant l'étude article par article, j'imagine, demain. Alors, s'il
y a des représentations nouvelles à faire, je m'en enquerrai tout
à l'heure, M. le Président.
Le Président: M. le député de Laval.
M. Lavoie: La commission parlementaire des Affaires municipales
doit étudier, demain, le projet de loi no 105 article par article. Nous
avons pris connaissance d'un télégramme envoyé par l'Union
des municipalités du Québec qui se déclare
déçue du projet de loi, mais qui sollicite une mesure
exceptionnelle, soit d'être entendue par la commission parlementaire
avant que cette commission n'aborde le projet de loi article par article,
procédure d'ailleurs qui se produit au niveau du projet de loi no 92, je
crois. Est-ce que le gouvernement serait d'accord pour permettre une telle
audition?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Pendant tout le week-end, M. le Président,
comme on m'en a informé, le signataire de ce télégramme
que j'ai également reçu et le ministre des Affaires municipales
ont été en contact et, encore cet après-midi, me dit-on.
On ne pourra me faire savoir que vers la fin de l'après-midi si,
à la suite des explications données par le ministre des Affaires
municipales au président de l'Union des municipalités du
Québec, celle-ci sollicite encore de comparaître avant
l'étude article par article.
Si tel est le cas et si le gouvernement décide d'y donner suite,
j'en informerai la Chambre vers la suspension des travaux, à 18
heures.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, jeudi dernier, en commission
parlementaire, le directeur général des élections
s'était engagé à déposer pour les membres de la
commission copie de l'avis juridique qu'il avait reçu et de la directive
qu'il avait lui-même émise aux directeurs de scrutin locaux au
cours du référendum, quant à la preuve de
citoyenneté qui serait exigée ou non pour certaines personnes qui
se voyaient refuser le droit de vote. Est-ce que le leader du gouvernement peut
nous indiquer à quel moment on déposera ces documents?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, nous avons espoir d'avoir ces
documents qui émaneraient du directeur général des
élections ce soir. Je les déposerai donc demain matin.
Le Président: Aux avis à la Chambre, M. le leader
parlementaire du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Charron: M. le Président, c'est aujourd'hui que nous
mettons fin à l'étude des crédits des différents
ministères. Donc, les avis que je donne à cet égard
devraient nous permettre de recevoir, dès demain, le rapport de toutes
ces commissions réunies et de suivre le processus que prévoit
notre règlement afin de l'adopter.
Avec la collaboration de l'Opposition en ce qui concerne
particulièrement les séances de la commission de la
présidence du conseil et de la constitution, à cause du grand
nombre de porte-parole, de part et d'autre, nous pouvons organiser plusieurs
semi-séances à la fois de cette commission.
Je donne donc les avis suivants: Cet après-midi, tout de suite,
jusqu'à 18 h 30, je voudrais faire motion puisque la Chambre va
siéger cet après-midi. Ma motion est la suivante, M. le
Président, et toutes les heures indiquées je le signale
tout de suite pour que chacun les prenne en note sont le résultat
d'une négociation entre les bureaux des leaders des différents
partis re- connus qui accommodait tout le monde. De 16 h 30 à 18 h 30,
au salon rouge, présidence du conseil et de la constitution; c'est le
ministre d'Etat au Développement économique qui défendra
ses crédits. De 16 h 30 à 17 h 30, à la salle 81-A, c'est
votre serviteur, M. le Président, qui défendra les crédits
de la Régie des installations olympiques. Et de même
succédera, de 17 h 30 à 18 heures, la même commission pour
entendre les crédits de l'aménagement et, de 18 heures à
18 h 30, les crédits de la réforme électorale.
Ma motion est aussi pour que ce soir, de 18 h 30 à 19 h 30, au
salon rouge, se réunisse la commission du développement pour
étudier les crédits du développement social et que, de 20
heures à 24 heures, ce soient les crédits du premier ministre. En
même temps, ce soir, à la salle 81-A, de 20 heures à 21 h
30, la commission de l'agriculture se réunira pour mettre fin à
l'étude des crédits en ce qui concerne les pêcheries, en
particulier, donc, de 20 heures à 21 h 30, et lui succédera
à 21 h 30, à 81-A, la commission des corporations
professionnelles afin d'étudier article par article le petit projet de
loi de trois articles portant le numéro 98 qui a déjà
été déféré à cette commission.
Le Président: En faites-vous motion? M. Charron:
Oui, M. le Président.
Le Président: Je tiens pour acquis qu'il y a consentement
unanime pour permettre l'adoption de cette motion.
M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Le leader parlementaire du
gouvernement pourrait-il me dire ce qui se passe exactement à la salle
81-A? On a parlé d'agriculture. De quelle heure à quelle
heure?
M. Charron: De 20 heures à 21 h 30, une heure trente sur
les pêcheries.
M. Levesque (Bonaventure): Bon! Et à 21 h 30?
M. Charron: Lui succède la commission des corporations
professionnelles pour l'étude article par article de la loi 98. C'est
une loi de trois articles...
M. Levesque (Bonaventure): Et que fait-on...
M. Charron: ... qui a déjà été
adoptée par l'Assemblée.
M. Levesque (Bonaventure): ... du revenu? M. Charron:
Demain.
M. Levesque (Bonaventure): Les quatre projets de loi demain?
M. Charron: Demain.
M. Levesque (Bonaventure): On semble avoir rempli les commissions
pour mardi matin.
M. Charron: Oui.
M. Levesque (Bonaventure): Ce ne serait pas demain dans la
matinée, dans ce cas.
M. Charron: Ce ne serait pas quoi, demain dans la
matinée?
M. Levesque (Bonaventure): L'étude article par article des
lois du revenu.
M. Charron; Oui, ce serait pour demain dans la matinée
parce que, lors de la réunion à laquelle faisait allusion le
député de Bonaventure jeudi dernier, nous avions convenu de faire
démarrer les trois commissions parlementaires quand même demain
dont le revenu tout de suite après la période des questions,
consentant à ce que la Chambre étudie la deuxième lecture
du projet de loi sur la Communauté urbaine de Montréal qui ne
devrait prendre que quelques minutes.
M. Levesque (Bonaventure): Au programme je m'excuse
auprès du leader parlementaire du gouvernement qui nous a
été remis, à partir de 11 heures, aux trois endroits,
salon rouge, 81-A et 91-A, il y aurait c'est vrai trois
commissions, mais cela toucherait uniquement aux projets de loi privés,
d'après les renseignements qui nous ont été fournis.
Comment pourrait-on ajouter encore une quatrième commission si la
Chambre siège?
M. Charron: Non... Je comprends que c'est toujours un peu
compliqué, M. le Président... Au salon rouge, demain matin
je vous en donne avis tout de suite pour que chacun puisse organiser son
travail même si, évidemment, je le répéterai demain
il y aurait d'abord les projets de loi privés de la justice, puis
l'étude article par article des projets de loi qui vont être
déférés dès aujourd'hui. Donc, en
conséquence, la commission de la justice va travailler toute la
journée au salon rouge demain. De même, la salle 81-A va
être réservée à la commission des affaires
municipales puisqu'il y aura à ce moment-là les projets de loi
privés et l'étude article par article du projet de loi 105 et du
projet de loi 112 de la Communauté urbaine de Montréal. C'est
à la salle 91-A que deux commissions vont se succéder, d'abord,
consommateurs, coopératives et institutions financières demain
pour les projets de loi privés qui lui ont été
déférés et dès que celle-ci aura fini son travail
on prévoit 15 heures ce sera la commission du revenu pour
l'étude article par article de ses projets de loi. Cela va? Ma motion
est-elle adoptée?
Le Président: Sur la base du consentement unanime pour
diviser la commission de la prési- dence, je demande si la motion du
leader parlementaire du gouvernement sera adoptée.
Des Voix: Adopté. (16 h 30)
Le Président: Adopté. Aux affaires du jour
maintenant.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Ici, M. le Président, à
l'Assemblée, ce sont trois projets de loi au nom du ministre de la
Justice, qui seront successivement appelés aujourd'hui et possiblement
le projet de loi au nom du ministre de la Fonction publique, qui a
été déposé aujourd'hui, si nous avons le
consentement de l'Assemblée, s'ajouterait au menu. Pour le moment,
j'appelle uniquement les trois projets de loi au nom du ministre de la Justice
en vous demandant, M. le Président, d'appeler d'abord l'article 10 du
feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi no 183
Deuxième
lecture
Le Président: Aux affaires du jour, j'appelle maintenant
la deuxième lecture du projet de loi no 183, Loi pour favoriser la
perception des pensions alimentaires. Pour votre discours de deuxième
lecture, M. le ministre de la Justice, vous avez maintenant la parole.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, il me fait plaisir de
procéder à la deuxième lecture de ce projet de loi pour
favoriser la perception des pensions alimentaires.
Comme vous le savez, M. le Président, à l'heure actuelle,
très nombreux sont les créanciers de pensions alimentaires qui
éprouvent des difficultés à percevoir ces pensions. On
doit le dire, parce que c'est la réalité, cette situation
représente d'énormes difficultés pour un très grand
nombre de femmes au Québec.
Dans son rapport sur le tribunal de la famille publié en 1975,
l'Office de révision du Code civil évaluait à 25%
seulement la proportion des créanciers alimentaires qui percevaient
régulièrement la pension fixée par le tribunal. Par
ailleurs, une évaluation faite en 1979 au ministère des Affaires
sociales, à partir d'études de population, dès
déclarations de revenus et du fichier de l'aide sociale, indique qu'au
maximum 41,5% des personnes qui se déclarent divorcées ou
mariées et séparées, de fait ou légalement, et qui,
par ailleurs, reconnaissent directement ou indirectement être
débitrices d'une pension alimentaire, déclaraient acquitter leur
pension.
De plus, M. le Président, le problème ne peut qu'augmenter
en raison du nombre toujours plus élevé de divorces et de
séparations de corps au Québec. En effet, le nombre de jugements
en divorce est passé de 6400 en 1971 à 15 200 en 1976, alors que
celui des séparations de corps passait, durant la même
période, de 2900 à 3500.
Nous pouvons également souligner, M. le Président, le fait
suivant. Selon une autre analyse effectuée par le ministère des
Affaires sociales en 1975, dans la région 03, 35,5% des jugements
prononçant un divorce ou une séparation comportaient des
dispositions relatives au paiement d'une pension alimentaire, alors qu'un autre
tiers des jugements réservaient les droits des parties à cet
égard. Dans la très grande majorité des cas, 86%, la
pension est accordée au bénéfice de la femme et des
enfants alors que, dans 13% des cas, elle est octroyée directement aux
enfants. C'est pour cela, M. le Président, que nous pouvions dire tout
à l'heure que ce projet de loi va surtout dans le sens d'apporter un
correctif à des difficultés énormes qui sont subies
surtout par un très grand nombre de femmes au Québec.
M. le Président, les causes de ce non-paiement de pensions
alimentaires sont variées et nombreuses. Certaines sont dues à
des facteurs psychologiques et sont souvent liées à la
procédure entourant l'établissement des pensions. Elles feront
l'objet d'une attention particulière dans le cadre d'autres dossiers
relatifs à la réforme du droit de la famille.
Le non-paiement des pensions alimentaires a également pour cause
les difficultés juridiques entourant la perception elle-même de
ces pensions. Les principaux problèmes soulevés, reliés au
domaine juridique, concernent notamment le fait que les saisies exercées
ne sont effectives que pour les arrérages dûs et non pour les
termes de la pension à venir; deuxièmement, que le recours
à l'avocat pour obtenir les brefs de saisie est très
coûteux; troisièmement, que les recours actuels entraînent
de nombreux délais, que certains revenus sont insaisissables, dont
plusieurs pensions de retraite, ou encore que les règles relatives
à la prescription des recours ne sont pas certaines.
A cause de ces obstacles judiriques les principaux que je viens
d'énoncer, M. le Président de nombreuses personnes
renoncent tout simplement à faire exécuter leur jugement et vont
même jusqu'à renoncer carrément à leurs droits
à une pension. Par ailleurs, ces difficultés incitent certains
débiteurs à ne pas respecter leur engagement, puisqu'ils savent
que leur créancier, dans certains cas, préférera
abandonner son droit à la pension plutôt que de s'engager dans des
procédures coûteuses, incertaines et très longues, dans
bien des cas.
La non-perception des pensions alimentaires a aussi des
conséquences importantes en matière d'aide sociale. Elle a pour
effet d'augmenter considérablement la clientèle de l'aide
sociale. Celle-ci devient, pour le créancier alimentaire, un bon
substitut à la pension qu'il ne reçoit pas. Plusieurs
bénéficiaires ne le deviennent que parce qu'ils ont dû
renoncer à percevoir une pension alimentaire, en raison des
difficultés liées à la perception, lesquelles
présentent trop d'inconvénients en regard des
bénéfices espérés par la perception de cette
pension. Ainsi, le budget de ce ministère des Affaires sociales se
trouve grevé en conséquence, alors qu'il ne dispose pas des
moyens juridiques et administratifs qui lui permettraient de diminuer ses
coûts. Les chiffres compilés par le ministère des Affaires
sociales indiquent qu'en 1979, environ 27% des ménages
bénéficiant de l'aide sociale étaient
séparés, de fait ou légalement, ou divorcés et que
90% de cette clientèle déclarait ne recevoir aucune pension
alimentaire, soit parce qu'il n'y avait aucune ordonnance à cet effet ou
soit parce qu'elle n'était pas exécutée.
Or, les prestations versées à ces personnes pour juin 1979
représentaient 30,8% du budget total de l'aide sociale pour ce mois de
juin que je mentionne, ce qui est, on peut le constater, très
considérable. Une telle situation est aussi injuste, puisqu'elle fait
porter sur tous les contribuables un fardeau que, dans de nombreux cas, le
débiteur est en mesure d'assurer, sinon en totalité, du moins en
partie.
M. le Président, la Loi sur l'aide sociale contient
également certaines dispositions qui amènent des situations
difficiles. Dès que les prestations sont versées, en vertu des
articles 13 ou 26 de cette loi, selon le cas, le gouvernement, comme on le
sait, est subrogé dans les droits du créancier alimentaire,
lequel perd alors tous ses recours contre son débiteur. On ne peut donc
l'inciter à exercer ses droits sans refuser ou discontinuer l'aide
sociale, ce qui, pour des raisons humanitaires, paraît difficilement
acceptable, étant donné les difficultés que
présente la perception des pensions alimentaires et également la
situation toujours très pénible, du point de vue financier comme
à d'autres points de vue, dans laquelle se trouvent les personnes qui
sont frappées par le fait qu'elles ne peuvent percevoir les pensions
alimentaires qui leur sont dues. (16 h 40)
L'augmentation des cas de désunion et l'appauvrissement qui en
résulte, à partir du moment où l'aide sociale sera
obligée d'abandonner le versement de ces prestations à la suite
du fait que le débiteur veut percevoir cette pension, les
difficultés qui résultent de la procédure de perception
actuelle et de ses conséquences pour les créanciers alimentaires,
ainsi que les coûts afférents à l'utilisation de l'aide
sociale comme substitut à la pension alimentaire, eh bien, tout cela
justifie, à mon avis, l'intervention du législateur dans ce
domaine.
Dans le but d'assurer un meilleur équilibre entre les parties et,
également, se fondant sur une liberté plus responsable, il est
proposé dans ce projet de loi que l'exercice de ce principe soit assorti
de contraintes nouvelles lorsque le débiteur refuse ou néglige de
remplir les obligations qui sont dues.
Enfin, l'Etat et c'est un principe important dans ce projet de
loi n'interviendrait que s'il est sollicité, respectant ainsi la
bonne foi et la volonté des parties et respectant également les
situations qui s'arrangent d'elles-mêmes où les deux conjoints en
sont venus à une entente concernant la pension alimentaire et où
les obligations de part et d'autre sont respectées. A ce moment, je
pense que l'Etat ne doit pas intervenir.
Le projet, M. le Président, que je soumets à cette
Assemblée repose sur ces principes. En premier lieu, il prévoit
la simplification de certaines règles de droit et de procédure
civile, causes des difficultés juridiques actuelles. Il prévoit
également la mise en place d'un mécanisme de perception par une
tierce personne, en l'occurrence le protonotaire de la Cour supérieure,
et il apporte, enfin, des modifications à la Loi sur l'aide sociale de
façon à s'assurer du remboursement par les débiteurs en
défaut des prestations versées aux créanciers
alimentaires.
En ce qui concerne la procédure et le droit civil, je propose,
premièrement, de modifier le Code de procédure civile de
façon à ce qu'il soit clairement indiqué que,
malgré toute disposition incompatible d'une autre loi, les pensions de
retraite accordées à des employés soient saisissa-bles
à 50% pour dette alimentaire. Je propose également de modifier le
Code de procédure civile de façon à prévoir que les
saisies-arrêts de traitement demeurent tenantes pour les versements
à échoir que pour les arrérages jusqu'à ce que
mainlevée soit accordée par le protonotaire.
Cette mainlevée ne pourra pas être accordée avant
que les arrérages n'aient été payés. Ceci
éviterait, Mme la Présidente, de recommencer les
procédures à chaque défaut du débiteur, soit
souvent à chaque semaine ou, dans certains cas, tous les quinze jours.
La mainlevée de la saisie-arrêt serait accordée à la
demande du débiteur ou du créancier un an après que les
arrérages auront été payés. Afin de mettre un terme
aux problèmes découlant du principe qui veut que les aliments ne
"s'arréragent" pas, je propose de modifier le Code civil afin que soit
fixée à trois ans la perception des arrérages de pension
alimentaire. Je propose également que ce code soit modifié de
façon que soit prévu explicitement le droit à l'indexation
des pensions alimentaires. Ainsi, le tribunal qui décide d'une pension
alimentaire pourra, même en l'absence d'une demande à cet effet au
niveau des procédures, ordonner l'indexation de la pension alimentaire
selon un indice préétabli par décret, à moins que
la situation des parties ne justifie la fixation d'un autre indice.
Le projet de loi prévoit également que le débiteur
pourra opposer à une demande alimentaire des changements survenus depuis
le jugement dans sa condition ou celle de son créancier afin
d'être libéré du paiement. Il devra, cependant,
démontrer qu'il ne pouvait exercer ses recours en révision au
moment où ceci lui était indiqué. Ces propositions
concordent avec les propositions déjà comprises dans le projet de
loi no 89 portant réforme du droit de la famille, que j'ai d'ailleurs
déposé au début de cette année.
Mme la Présidente, en troisième lieu, pour faciliter la
recherche des débiteurs alimentaires, problème qu'il me
paraît essentiel de régler, je propose que le Code de
procédure civile soit modifié de façon à accorder
à un juge de la Cour supérieure, dans certaines circonstances, le
pouvoir d'autoriser la divulgation d'informations sur la résidence ou le
lieu de travail d'un débiteur, afin de permettre de le retracer et,
effectivement, de recouvrer la pension alimentaire due.
Enfin, le présent projet et c'est là sa
réforme essentielle, je crois met à la disposition des
créanciers alimentaires une procédure simplifiée
d'exécution forcée des jugements qui remplacerait en cette
matière la procédure habituelle. Ces procédures seront
exécutées à la demande du créancier, lorsque le
débiteur fera défaut de remplir son obligation. Ces
procédures seront exécutées par le protonotaire de la Cour
supérieure qui agira en qualité de saisissant pour le
créancier, comme le fait le greffier pour le bénéficiaire
d'un jugement de la Cour provinciale en matière de petites
créances.
Le créancier, directement ou par son procureur, fera sa demande
au protonotaire du district où le jugement a été rendu ou
à celui du district où il réside. Le protonotaire pourra
procéder à la saisie des meubles ou des immeubles, et notamment
aux saisies-arrêts de salaire. Il pourra également servir
d'intermédiaire pour l'application de la loi sur l'exécution
réciproque d'ordonnance alimentaire. La saisie de salaire ainsi que les
arrérages de pension auront été payés.
Cependant, afin d'atténuer la rigueur de cette procédure
pour le débiteur, celui-ci pourra, en fournissant certaines garanties,
obtenir de la part du protonotaire qu'il suspende la saisie pour un certain
temps. Le débiteur fera alors lui-même les paiements au
protonotaire qui se chargera de les faire parvenir au créancier de la
pension alimentaire.
Si le débiteur ne respecte pas son engagement, la saisie
redeviendra exécutoire et l'employeur devra recommander à envoyer
au protonotaire la partie saisissable du salaire du débiteur. La
décision du protonotaire...
M. Forget: Mme la Présidente, je m'excuse auprès du
ministre, mais je ne suis pas sûr que nous ayons quorum.
La Vice-Présidente: Nous allons vérifier
immédiatement, M. le député de Saint-Laurent.
Nous avons quorum M. le député de Saint-Laurent.
M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Mme la Présidente, la décision du
protonotaire de suspendre ou non la saisie pourra être
révisée par un juge à la demande du débiteur ou du
créancier qui ne serait pas satisfait de la décision
initiale.
Mentionnons aussi que le projet de loi prévoit qu'une opposition
à une saisie en matière d'aliments sera instruite et jugée
d'urgence de façon à éviter que les oppositions ne soient
employées pour des fins dilatoires seulement, ce qui est le cas
présentement.
Enfin, autres points importants concernant les saisies, le Code de
procédure sera modifié afin d'accroître, dans les cas
où plusieurs réclamants sont au dossier, la part du
créancier alimentaire dans la saisie à 50%. La recherche des
débiteurs,
le cas échéant, sera effectuée par le Service des
réclamations du ministère de la Justice qui exerce à
l'occasion des fonctions similaires pour les différents
ministères du gouvernement et qui possède, je crois, on peut le
dire, une certaine expérience dans ce domaine.
Enfin, en ce qui touche la loi sur l'aide sociale, il me semble
nécessaire d'assouplir les règles relatives à l'exercice
de la subrogation qui est prévu en faveur du ministre des Affaires
sociales. (16 h 50)
Le présent projet de loi prévoit donc qu'une aide peut
être accordée à un créancier, dont un
créancier alimentaire, en attendant le versement d'une somme qui doit
lui provenir de la réalisation d'un droit, y compris de
l'exécution d'un jugement, mais sans que ceci entraîne une
subrogation automatique en faveur du ministre des Affaires sociales. On nous a,
en effet, souligné que cette subrogation pouvait entraîner la
perte de certains recours pour le créancier.
Le projet prévoit également une disposition
spécifique dans les cas où une personne qui reçoit de
l'aide sociale reçoit aussi une pension alimentaire. Le texte actuel du
projet de loi prévoyait que dans ces cas le ministre pouvait, là
aussi, choisir d'être subrogé; toutefois, des
représentations nous ont été faites récemment
à l'effet que cette manière de procéder pouvait
entraîner des difficultés pour les créanciers. Aussi, ai-je
l'intention d'apporter un amendement à cet article pour y prévoir
une subrogation de plein droit, sauf au créancier à choisir
d'exercer ses propres recours.
Enfin, il est également prévu que, dans les cas où
le ministre est subrogé à un créancier alimentaire, il
puisse utiliser la nouvelle procédure d'exécution et s'adresser
au protonotaire; ceci devrait faciliter l'exercice de ces subrogations et
permettre la récupération des sommes versées à la
suite du défaut d'un débiteur alimentaire, puis le
créancier, lorsqu'il n'y aura pas de subrogation en faveur du ministre,
pourra autoriser le protonotaire à verser directement au ministre une
partie des sommes qui seront perçues par ce créancier.
En résumé, ce projet de loi offre donc aux
créanciers de pension alimentaire des moyens efficaces et peu
coûteux de percevoir leur créance et il donne au ministre des
Affaires sociales la possibilité de récupérer une partie
des sommes qui ont été versées en remplacement de cette
pension alimentaire. Pour toutes ces raisons, je crois que ce projet de loi
doit être accepté, j'espère à l'unanimité. En
terminant, Mme la Présidente, avec votre permission, tout au long de
l'élaboration de ce projet de loi, qui est extrêmement complexe
quand même, je voudrais souligner d'une façon tout à fait
particulière l'aide continue qu'il m'a été donné de
recevoir du ministre d'Etat à la Condition féminine qui, du
début à la fin, a travaillé dans ce dossier et qui a eu
l'occasion, comme moi, de rencontrer des groupes afin que ce projet de loi
puisse représenter vraiment un correctif, sinon parfait, une
amélioration très importante à une situation qui devait
être corrigée depuis fort longtemps. Pour toutes ces raisons, je
crois que le projet de loi devrait être adopté en deuxième
lecture. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: Mes remarques sur ce projet de loi se divisent en deux
parties. J'aimerais m'attarder en particulier aux principes qui sous-tendent ce
projet de loi pour bien faire ressortir l'importance mais aussi le sens de la
décision qu'a prise le gouvernement et que le gouvernement demande
maintenant à l'Assemblée nationale de ratifier. En
deuxième lieu, j'aimerais prendre quelques minutes pour faire quelques
observations quant au cheminement de cette question à la fois au niveau
du gouvernement et à l'Assemblée nationale.
Pour ce qui est des principes en jeu, je crois qu'il y en a
essentiellement deux dont il faut tenir compte aujourd'hui. Le premier est
celui de réaffirmer dans le contexte de 1980 le caractère
obligatoire, le caractère absolu de la notion d'obligation alimentaire
qui lie les conjoints. Dans le contexte de la société moderne
dans laquelle le Québec évolue, il faut bien se rendre compte que
par cette loi nous affirmons à nouveau que le mariage crée des
liens économiques permanents entre les conjoints et cette affirmation va
à rencontre d'une conception qui est probablement de plus en plus
généralisée, à savoir que le mariage est une
espèce d'épisode temporaire auquel, malheureusement, de plus en
plus de ménages peuvent choisir de mettre fin pour se replacer, en
quelque sorte, dans la situation antérieure au mariage. Mais il n'en est
pas ainsi tout à fait.
Cette conception, même si elle est générale,
même si la séparation et de plus en plus le divorce constitue une
issue pour un nombre malheureusement élevé, trop
élevé, de mariages, cette notion du mariage comme épisode
temporaire qui ne laisse pas de trace est une notion fausse et ce projet de loi
vient réaffirmer l'obligation alimentaire reconnue par le Code civil il
y a 100 ans. Cette affirmation renouvelée que nous faisons aujourd'hui
montre qu'il y a quelque chose d'erroné dans cette conception
générale. Il est d'autant plus important de faire cette
affirmation que, depuis le Code civil de 1866 sous lequel nous vivons encore,
la sécurité sociale a fait irruption dans nos vies et a permis
à un certain nombre de personnes de croire qu'effectivement la
société dans son ensemble pourrait un jour, si elles
décidaient de rompre les liens du mariage, se substituer à elles
dans les obligations alimentaires qu'elles contractent face à l'autre
conjoint. A moins d'apporter des modifications législatives dans le sens
de celles apportées par le ministre de la Justice aujourd'hui ou dans un
sens un peu différent, des modalités un peu différentes
mais qui vont dans la même direction, qui ont la même orientation,
il est évident que cette façon de considérer le mariage
comme un lien temporaire qui ne laisse pas de trace et cette présomption
que la société va en assumer les con-
séquences, quelles qu'elles soient, par l'aide sociale, par
exemple, ce sont deux hypothèses qu'il faut mettre en doute et que nous
mettons en doute effectivement par ce projet de loi. C'est à cause du
principe que nous y retrouvons, c'est-à-dire la réaffirmation du
caractère absolu de ce lien économique qui lie les conjoints de
façon définitive, de façon permanente, c'est à
cause de la réaffirmation de ce principe que nous allons, bien
sûr, souscrire à l'adoption de ce projet de loi.
En effet, même si le Code civil a toujours reconnu l'obligation
alimentaire, il faut bien se rendre compte, particulièrement de nos
jours alors que le problème résulte le plus souvent soit de la
séparation, soit du divorce, que les difficultés de
procédure semblent avoir fait trop souvent échec aux tentatives
des créanciers, c'est-à-dire de l'un des conjoints, pour obtenir
satisfaction et pour obtenir l'exécution de cette obligation alimentaire
dont il est, en théorie au moins, le bénéficiaire.
Même si le droit demeure absolu, son exercice étant devenu en
quelque sorte un peu capricieux, un peu imprécis, erratique, le droit
lui-même a fini par revêtir aussi un caractère faussement
facultatif, faussement secondaire ou relatif.
Mme la Présidente, le ministre a fait allusion à
l'importance que cette mesure aura pour soulager le budget de l'Etat d'une
obligation qu'il assume maintenant au lieu et à la place des
débiteurs de l'obligation alimentaire. Il a mentionné le chiffre
de 30% du budget de l'aide sociale qui, dans un mois donné, le mois de
juin 1979, a été versé à des personnes qui,
normalement, auraient dû bénéficier d'une partie ou de
toute cette somme par le biais de la pension alimentaire. C'est donc dire, si
l'on parle de 30% du budget de l'aide sociale il n'y a pas de raison de
soupçonner que le mois de juin soit particulier à cet
égard que peut-être 30%, jusqu'à 30% du budget total
de l'aide sociale, c'est-à-dire une somme d'environ $300 000 000,
représente effectivement la prise en charge par l'ensemble des
contribuables d'obligations qui sont celles de certains particuliers, de
certains individus. (17 heures)
II est donc impératif, non seulement sur le plan des principes,
mais également sur un plan strictement de bonne gestion de l'Etat, de
s'assurer que ceux qui sont débiteurs de cette obligation s'acquittent
effectivement de cette obligation et cessent d'utiliser les subterfuges de la
procédure pour se dérober à ce qui est en droit et ce qui
est aussi, quant à la réalité des choses, une obligation
morale et juridique qui ne devrait souffrir absolument aucune exception. Si
l'on peut être d'accord avec l'affirmation renouvelée et plus
efficace du principe que l'obligation alimentaire est un lien économique
permanent entre les conjoints, quels que soient les aléas de leur vie
conjugale, le deuxième principe que l'on retrace dans ce projet de loi
est évidemment un principe dont l'acceptation sera beaucoup moins
unanime, du moins peut-on le croire.
En effet, ce deuxième principe, à mon avis, consiste dans
le choix qu'a fait le gouvernement d'emprunter la voie d'une procédure
élective, d'une procédure facultative pour l'exécution ou
la mise en vigueur de l'obligation alimentaire. Que veut-on dire par une voie
ou une route facultative? C'est tout simplement la démarche qui est
choisie dans ce projet de loi de présumer que, dans l'ensemble, les
débiteurs des obligations alimentaires s'acquittent volontairement et
régulièrement de leurs obligations envers leur créancier
ou leur créancière, dans la plupart des cas, et on doit donc
présumer que, dans la plupart des cas, tout va pour le mieux dans le
meilleur des mondes, si on peut dire, et que l'Etat ou que les
mécanismes administratifs du gouvernement, du ministère de la
Justice ou des cours n'ont pas besoin d'intervenir, sauf dans les cas
d'exception et à la demande des créanciers alimentaires qui
constatent que les obligations qu'on a à leur égard ne sont pas
respectées. C'est donc un choix que le gouvernement fait de dire: Nous
allons mettre sur pied une procédure, mais la procédure ne
s'enclenchera pas automatiquement, par exemple, dès qu'il y a un
jugement en Cour supérieure octroyant ou déterminant le montant
d'une pension alimentaire. Cela ne s'enclenchera pas automatiquement. Il n'y
aura pas un mécanisme ou une régie, comme certains groupes
l'avaient demandé, qui va automatiquement se charger de voir à ce
que cela s'applique sans autre forme de procès je pense que
l'expression est tout à fait appropriée dans ce cas mais,
au contraire, on va présumer que tout va bien aller et c'est seulement
à la demande de la créancière que l'on va intervenir.
C'est le deuxième principe que l'on nous invite à approuver dans
ce projet de loi. C'est une différence substantielle, Mme la
Présidente, avec ce que certains groupes ont demandé.
Effectivement, je crois que tous les groupes féminins ont pris
l'habitude, dans leurs représentations auprès du ministre de la
Condition féminine et du gouvernement dans son ensemble quant à
cela, qui était de dire: En principe, nous voulons une application
universelle, obligatoire des obligations alimentaires. Dès que la cour a
rendu son jugement, il faut que cela entre dans un processus administratif de
perception et que la femme puisque c'est à 99,9% des cas d'une
femme dont il s'agit la créancière de l'obligation
alimentaire n'ait aucune démarche à faire, aucune requête
à présenter, aucune dépense à encourir pour
s'assurer que ce droit lui soit reconnu.
Le gouvernement en décide autrement. Il décide autrement
pour des raisons que le ministre n'a pas vraiment longuement expliquées,
si ce n'est qu'on doit conclure que selon les données qui sont à
sa disposition, il est satisfait que, dans l'ensemble, les pensions
alimentaires sont effectivement versées conformément au jugement
de la Cour supérieure, etc. Ce sont des données que nous
aimerions bien partager avec le gouvernement parce que des groupes qui ont
demandé que le principe contraire soit adopté, ont
prétendu, par exemple, que jusqu'à 75% des pensions alimentaires
n'étaient pas versées régulièrement.
Je ne sais pas et je ne crois pas qu'il existe un relevé
administratif ou que le greffe de la Cour supérieure ait fait quelque
relevé que ce soit de ces
statistiques. C'est une affirmation qui vient de je ne sais trop
où, mais si elle est vraie sûrement que le gouvernement est
en position de savoir si elle est vraie ou si elle est fausse il
faudrait bien conclure que l'hypothèse de base que fait le gouvernement,
en choisissant la route d'une procédure élective, d'une
procédure facultative, doit être sérieusement remise en
question. Nous n'avons malheureusement pas accès à ces
données du côté de l'Opposition. Nous avons noté
l'affirmation des groupes féminins et nous aimerions bien savoir, du
côté gouvernemental, quelle est la version officielle des faits,
s'il y en a une.
De toute façon, Mme la Présidente, la différence
est substantielle entre cette voie qu'a choisie le gouvernement et la voie de
principe que choisissaient les regroupements féminins, y compris le
Conseil consultatif sur le statut de la femme. Pourquoi dis-je que c'est une
différence substantielle? Il me semble qu'il est assez évident
que si nous devions constater que l'hypothèse de base que fait le
gouvernement, à savoir que la plupart des pensions alimentaires sont
payées volontairement et régulièrement, était
fausse et que, dans l'immense majorité des cas, 75% ou 80% ou même
65% seulement des jugements accordant une pension alimentaire, il fallait
enclencher le mécanisme prévu par cette loi, même s'il
représente une amélioration par rapport au Code de
procédure civile nous reviendrons à cela un peu plus tard
si on devait se rendre compte que dans presque tous les cas on y a
recours, ce ne serait même pas utile d'avoir développé
l'approche actuelle que propose le gouvernement. C'est-à-dire que s'il
fallait adopter, au contraire, la voie d'une régie administrative, il
est bien clair qu'on n'aurait absolument plus besoin du mécanisme qu'on
est sur le point de mettre sur pied par l'entremise du protonotaire, du bureau
du protonotaire des Cours supérieures, et par l'entremise du
ministère de la Justice. C'est une solution administrative plutôt
qu'une solution judiciaire qui s'imposerait à ce moment-là et il
faudrait, par une nouvelle loi, instaurer ce nouveau processus, cette question
de régie à laquelle on a fait allusion, et démanteler le
mécanisme que le projet de loi no 183 s'apprête à
créer.
Ce n'est donc pas une première étape que l'on pourra
poursuivre ou que l'on pourra améliorer si on en constate la
nécessité; c'est un essai que l'on fait basé sur une
hypothèse que cela sera suffisant et que cela sera, en
définitive, ce qui contentera tout le monde. Mais si c'était
vrai, alors il faudra démolir ce qu'on est en train de mettre sur pied
et partir dans l'autre direction, celle qui correspond à ce qu'un
certain nombre d'organismes féminins avaient envisagé.
Mme la Présidente, je ne sais pas si, sur le plan des principes,
si on adoptait cette demande de plusieurs organismes féminins,
l'établissement d'un mécanisme administratif universel et
obligatoire, il serait nécessaire de mettre sur pied pour cette seule
fin une régie qui n'aurait que cette fin-là, que cette
justification-là. On peut imaginer que des mécanismes
administratifs existants pour- raient, avec une addition fort modeste de leur
effectif, mais aussi de leurs pouvoirs, assumer une telle
responsabilité. On envisage, par exemple, assez facilement que par
certaines modifications à sa loi constitutive la Régie des
rentes, qui a déjà des relations avec tous les employeurs du
Québec, pourrait se voir impartir l'obligation d'appliquer les jugements
accordant des pensions alimentaires et que ceci pourrait se faire d'ailleurs en
collaboration avec le ministère du Revenu de manière qu'il n'y
ait absolument aucune espèce de possibilité d'y échapper,
mais le tout à un coût fort modeste, fort raisonnable, par rapport
à la création d'une régie entièrement autonome.
C'est, de toute façon, une hypothèse qui mériterait
d'être retenue, si jamais on en venait à la conclusion que la voie
sur laquelle on s'engage aujourd'hui n'est pas la meilleure, n'est pas la plus
efficace, ne sera pas satisfaisante malgré tout.
Je voudrais signaler, Mme la Présidente, que même si le
mécanisme pris en lui-même, le mécanisme que le projet de
loi no 183 aménage par des modifications au Code de procédure
civile était satisfaisant, devait s'avérer satisfaisant dans les
cas où on y a recours, il faudra quand même
réévaluer cette loi avec un peu de recul pour voir si,
effectivement, on y a recours dans tous les cas ou dans presque tous les cas de
pension alimentaire. A ce moment-là, je pense qu'on essaierait de faire
indirectement ce qu'il serait beaucoup plus simple et moins coûteux de
faire directement. (17 h 10)
J'espère encore une fois que, dans sa réplique, le
ministre de la Justice ou son collègue, la ministre responsable de la
Condition féminine pourra nous donner des indications, à savoir
si cette hypothèse est véritablement justifiée ou non.
Mme la Présidente, pour ce qui est de ce deuxième
principe, nous allons y souscrire, puisqu'on ne peut pas souscrire au projet de
loi sans souscrire aussi à ce principe d'emprunter la voie du processus
électif, facultatif, sur demande. Cependant, c'est avec une certaine
réserve quant aux hypothèses qui l'ont justifié, et c'est
de toute manière un pas dans la bonne direction, même s'il fallait
un jour recommencer avec une autre procédure, je pense qu'on aura
inévitablement, à la suite de l'application de ce projet de loi,
énormément plus de données du Québec, relativement
aux problèmes des pensions alimentaires et qu'il sera possible, dans une
deuxième étape, de faire beaucoup mieux en se basant sur une
connaissance beaucoup plus concrète du problème, plutôt que
sur une connaissance disons un peu vague, impressionniste ou
générale de la question des pensions alimentaires au
Québec.
J'aimerais maintenant faire quelques commentaires sur des
problèmes pratiques, seulement deux problèmes pratiques, que le
projet de loi soulève au moins dans mon esprit. Il y en a probablement
d'autres de caractère un peu plus spécialisé. Il y a en
particulier des problèmes que soulèvent certaines dispositions de
la loi eu égard à la constitution actuelle, etc., mais ce sont
des problèmes très spécialisés que je pourrais
laisser
à certains de mes collègues. Il reste qu'il y a des
problèmes pratiques qui vont toucher les gens et qu'il me semble
important de souligner à ce moment. Le premier de ces problèmes
pratiques a trait à la conservation dans la Loi de l'aide sociale du
pouvoir discrétionnaire qu'a le ministre des Affaires sociales d'exiger
la subrogation ou de ne pas l'exiger. Le ministre a dit qu'il nous
amènerait certaines modifications, mais je pense que ça ne vise
pas tellement cet aspect, cela vise surtout le cas où un
bénéficiaire reçoit à la fois l'aide sociale et une
pension alimentaire, il y a un cumul de revenus et il veut permettre si
je comprends bien que l'on fasse la distinction entre les deux et que la
subrogation relativement à l'aide sociale n'entraîne pas
nécessairement, si j'ai bien compris, la prise en charge de la
perception de la pension alimentaire quant à l'excédent.
Il demeure que, quoi qu'il en soit là-dessus, le gouvernement
propose de conserver au ministre des Affaires sociales la décision de se
substituer ou non au créancier alimentaire, à qui il verse par
ailleurs des prestations d'aide sociale. C'est la situation actuelle et,
là-dessus, le projet de loi ne change rien de fondamental. Cela continue
d'être un pouvoir que le ministre des Affaires sociales peut exercer,
mais qu'il peut aussi choisir de ne pas exercer.
Or, dans le passé je pense que c'est un secret de
polichinelle on sait que le ministre des Affaires sociales a largement
choisi de ne pas exercer le recours en subrogation. En ce faisant il
avait pour ça des raisons fort valables, puisque lorsqu'il s'agit d'une
discrétion administrative, la décision de se subroger doit
être prise dans chacun des cas et dans chacun des cas, on peut
toujours faire objection au ministre qui se propose de se substituer au
créancier alimentaire qu'il intervient ainsi dans la qualité de
la relation entre les conjoints ou les ex-conjoints, qu'il force la femme, par
exemple, à poursuivre son mari, qu'il porte ainsi atteinte aux
perspectives de réconciliation, qu'il précipite ce couple un peu
plus loin, à un cran plus loin dans sa séparation, en rendant, si
vous voulez, irrémédiable ce qui pourrait ne pas l'être.
Autrement dit, et pour cette raison, la discrétion administrative
laissée au ministre a toujours été exercée avec une
discrétion fort louable, mais une discrétion presque absolue,
tellement de discrétion que, finalement, le pouvoir de subrogation n'a
pas été exercé.
Il me semble que, si la loi ne fait pas obligation au ministre de le
faire dans tous les cas, au moins dans une très grande catégorie
de cas, à l'exception de certains cas types, de certaines situations
bien caractérisées pour lesquelles il pourrait y avoir des
préoccupations d'intérêt public fort
générales, il me semble qu'on va encore perpétuer la
situation où le ministère des Affaires sociales, le ministre des
Affaires sociales va s'abstenir d'exercer un recours parce qu'à ce
moment, il va devoir en utiliser, en justifier l'utilisation dans chacun des
cas. L'aide sociale va continuer à fournir cette raison aux couples qui
songent à une séparation, celle de croire que la
société peut effectivement se substituer aux obligations du
débiteur alimentaire. Je pense qu'il y a là une
responsabilité sociale à exercer, mais une responsabilité
qu'il est difficile d'exercer dans des cas précis parce que, finalement,
le ministre ne veut pas devenir une espèce de tierce partie dans chaque
couple et être obligé de prendre cette décision
basée sur une évaluation forcément sommaire des
circonstances propres à chacun des couples. Ou il y a une règle
générale appliquée à tout le monde ou, en pratique,
on verra que la subrogation ne s'exerce pas.
Deuxième problème pratique, Mme la Présidente,
relativement à cela, c'est la disposition relative à
l'indexation. Nous sommes, je m'empresse de le dire, entièrement
d'accord avec la notion que le pension alimentaire une fois fixée soit
majorée en fonction de l'évolution normale des choses, sans
obliger le créancier ou la créancière alimentaire à
se représenter devant les cours pour des requêtes en
révision. Ce principe est tout à fait acceptable. Il faut
cependant prendre garde. La précision avec laquelle on veut faire
l'indexation peut produire des situations exactement à l'inverse de
celles que l'on veut corriger. En effet, un certain nombre de débiteurs
alimentaires, un certain nombre de maris divorcés, si vous voulez, qui
ont à payer une pension alimentaire bénéficient
eux-mêmes de l'indexation de leurs revenus. A ce moment, l'indexation de
la pension alimentaire ne fait que perpétuer à travers le temps
le partage initial des revenus.
Il n'y a aucune objection, aucune difficulté, mais il y a
probablement, dans notre société, malheureusement, des cas assez
nombreux où il y a, non pas indexation des revenus, mais quand
même un retard qui s'accumule, qui peut s'accumuler pendant plusieurs
années, attribuable à toutes sortes de raisons. Je pense que, si
l'on précise l'indexation en fonction du coût de la vie de la
pension alimentaire, on peut ainsi créer une situation qui est contraire
à celle qui était voulue à l'origine. On sait qu'avec les
taux d'inflation actuels, il ne s'agit pas d'attendre 20 ans pour que cela se
produise; après quelques années, on peut se trouver dans une
situation difficile qui va forcer les parties à revenir devant la
cour.
Il me semble, Mme la Présidente, qu'il y a une solution plus
facile qui s'offrirait, qui est d'indexer les pensions alimentaires, bien
sûr, mais à un des deux taux suivants et au moins
élevé des deux, soit l'indexation en fonction du coût de la
vie ou l'indexation égale au taux d'accroissement du revenu à
même lequel est prélevée la pension alimentaire. Dans ces
cas, je pense qu'on aurait à la fois un minimum et un maximum à
l'intérieur desquels le quantum de la pension alimentaire pourrait
varier sans entraîner de difficultés ni pour l'une ni pour l'autre
des parties.
Pour terminer, Mme la Présidente, j'aimerais dire quelques mots
relativement au cheminement de cette loi et de cette question des pensions
alimentaires. J'ai dans mes notes ici, qui faisaient partie de mon dossier
personnel sur le sujet, une note de service échangée entre le
ministère de la
Justice et le ministère des Affaires sociales relativement aux
pensions alimentaires en 1975, puisque les deux ministères
étaient déjà à cette époque en discussion au
niveau des fonctionnaires pour élaborer un avant-projet de loi.
D'ailleurs, au début de 1976, une consultation fut entreprise par
la direction de la recherche du ministère de la Justice à la
demande conjointe du ministère des Affaires sociales et du
ministère de la Justice de l'époque. On se situe, Mme la
Présidente, sous l'ancien gouvernement. L'on remarque que les
commentaires qu'a faits le Barreau, à la fin d'octobre ou début
de novembre 1976, sur cette première esquisse d'un document de travail
de la direction de la recherche du ministère de la Justice, on se rend
compte que les commentaires du Barreau, qui datent de la fin d'octobre, du
début de novembre 1976, se traduisent essentiellement, dans un ensemble
de recommandations que le projet de loi no 83, le projet original qui a
été déposé le 15 mars 1980 contient presque sans
exception. (17 h 20)
On avait donc à la fin de 1976 essentiellement toutes les
idées que le gouvernement a utilisées dans la rédaction de
ce projet de loi. Il est assez curieux de constater qu'il a été
nécessaire d'attendre trois ans et demi pour rédiger sous forme
de projet de loi et le déposer à l'Assemblée nationale un
ensemble de sept ou huit concepts qui étaient déjà dans le
dossier au tout début, à la fin de novembre ou la mi-novembre
1976.
Je m'empresse de dire que ce projet initial était sans aucun
doute insatisfaisant quant à ses modalités, mais qu'il
était au moins valable par la reconnaissance qu'il constituait de
l'existence du problème et de la nécessité d'y trouver des
solutions. Encore une fois, je m'empresse de dire que les suggestions, les
recommandations et les commentaires formulés par certains groupes sur ce
premier projet de 1975 ou 1976 se retrouvent presque en entier dans le projet
de loi déposé en mars 1980.
Ce qu'on a pu constater, c'est que, même après ce
délai de trois ans et demi, les groupes féminins sans exception
qui, depuis des années, réclamaient la préparation et
l'adoption d'un tel projet de loi n'ont pas été d'un enthousiasme
délirant. C'est le moins qu'on puisse dire. Après le 15 mars
dernier, on a vu des articles dans les journaux et des mémoires
préparés par différents groupes qui disaient: II y a
là un effort qui n'est décidément pas à la hauteur
de nos espoirs. J'ai mentionné tout à l'heure la notion d'un
service de perception universelle et automatique que ces groupes
défendaient, mais que le projet de loi laissait de côté.
Même sur le plan technique, il y a eu un bon nombre de commentaires et de
suggestions, de critiques, si l'on veut, du projet de loi initial.
Les façons de procéder du gouvernement je regrette
d'avoir à le mentionner tenant compte de ces consultations de
dernière heure, comme si les trois ans et demi qui avaient
précédé le dépôt du projet de loi en 1980
n'avaient pas suffi, ont permis au gouvernement de déposer seulement
jeudi dernier un projet de loi révisé qui porte le numéro
183, puisqu'il incorpore certaines dispositions entièrement nouvelles,
au moins sur le plan de la procédure.
Les consultations qui ont été faites durant le week-end
sur ce deuxième projet révisé ne permettent pas d'affirmer
que tous les groupes sont entièrement satisfaits, que toutes les
questions ont trouvé des réponses. Dans ce contexte, contexte
d'un long retard dans la préparation du projet de loi et d'une
précipitation soudaine pour arriver à la dernière minute,
selon une méthode qui est bien connue du gouvernement du Québec
actuel, avec des choses qui sont mal digérées, mal connues
même des groupes auxquels elles s'adressent et qui sont
présentées tellement tard que l'on ne sait pas très bien
s'il sera possible, avant même l'adoption en troisième lecture, de
prendre connaissance en public des différentes réserves, des
'différents commentaires de ces différents groupes, il me semble
qu'on est en face d'un procédé qui est probablement volontaire de
la part du gouvernement. On nous arrive à la dernière minute en
voulant en quelque sorte nous indiquer que, comme il reste deux jours ou deux
jours et demi de séances à l'Assemblée nationale, si on a
le malheur de soulever la moindre objection ou de demander la moindre
expression d'opinion de la part des groupes intéressés, l'on va
compromettre irrémédiablement l'adoption de ce projet de loi qui,
autrement, entrerait en vigueur, du moins le croit-on probablement dans
certains milieux, le 1er juillet ou le 1er août.
Mais il n'en est rien. Le projet de loi je pense important de le
signaler n'entrera en vigueur que le 1er janvier 1981. Ce délai
de deux jours ou d'à peine 48 heures que nous avons avant la
levée ou la fin de nos travaux, c'est un délai
complètement artificiel. Effectivement, le gouvernement, lui, va se
laisser à peu près sept mois pour engager une quarantaine de
personnes et mettre en route des modifications au Code de procédure qui
pourraient, si on le voulait absolument, se mettre en route dans un
délai beaucoup plus court de quelques mois, de quelques semaines
même.
Evidemment, la hâte dans l'adoption de ce projet, je pense qu'elle
obéit visiblement à une intention politique, à un objectif
politique. On voudrait bien sortir d'ici, dans quelques jours, en disant:
Voyez, nous avons adopté, sans que personne ne puisse en public dire
quoi que ce soit contre ce projet de loi, quelque chose pour régler le
problème des pensions alimentaires. Et peut-être avoir cela
à se mettre sous la dent au moment d'une campagne électorale
qu'on nous annonce, dans certains milieux, pour l'automne. Mais il ne faudrait
pas croire pour autant que le gouvernement va mettre cela en vigueur tout de
suite; ce n'est pas pressé, la mise en vigueur, on a beaucoup de temps
pour cela, on se donne la moitié d'une année et même un peu
plus.
Il me semble que, sans mettre en danger l'application du projet de loi,
le ministre aurait très bien pu prévoir des commissions
parlementaires pour permettre aux différents groupes de venir
nous dire si elles ont abandonné ce principe qu'elles ont
défendu d'une perception universelle et obligatoire des pensions
alimentaires par une régie gouvernementale. Il serait intéressant
de savoir si le Conseil du statut de la femme a abandonné cette
prétention et si les différents groupes l'ont abandonnée
également, et de le dire non pas dans le bureau du ministre, entre
quatre murs et entre quatre yeux, mais de le dire en public pour savoir si oui
ou non le gouvernement est à la hauteur des attentes des groupes les
plus directement intéressés.
Le ministre pourrait accepter une consultation publique en commission
parlementaire là-dessus sans mettre en danger sa date d'application
parce qu'il a amplement le temps, d'ici l'automne, de faire une commission
parlementaire qui durera, au plus, une journée et, au moment de la
session d'automne, de revenir pour adopter le rapport de la commission
c'est une question de quelques minutes et faire la troisième
lecture. Mais, évidemment, le gouvernement n'est pas sûr de ses
intentions quant au fait de savoir si nous allons siéger une
deuxième fois durant 1980 ou pas. Voulant présumément
aller en campagne électorale, si jamais c'est ce qui se passe, avec
cette réalisation sous le bras, il nous invite à approuver sans
aucun délai une mesure que, par ailleurs, il n'a pas l'intention
d'appliquer avant l'an prochain.
Bon, il est le maître du jeu, ce gouvernement décide
à la fois de la date des élections et du moment où
l'Assemblée nationale est saisie d'un projet de loi et, finalement, du
moment où le projet de loi entre en application; nous n'avons rien
à dire là-dedans, sauf d'observer ces étranges
coïncidences de calendrier. Mais au moins allons-nous demander au
ministre, en lui offrant d'avance notre collaboration pour franchir toutes les
étapes, au mépris même de notre règlement qui
prévoit que jamais plus d'une étape ne peut être franchie
chaque journée de séance, en lui promettant que nous serons
d'accord, à l'avance, pour franchir toutes les étapes le
même jour s'il le veut, nous allons malgré tout demander au
ministre un délai de 48 heures afin que, d'ici là, nous puissions
entendre, en commission parlementaire, les différents groupes
intéressés. Cela pourrait se faire, par exemple, ce soir, mais le
délai est peut-être un peu court; cela pourrait se faire demain
après-midi ou demain soir, ce qui, je pense, serait suffisant pour
convoquer tous les groupes intéressés qui, après tout, ne
demeurent pas au Kamtchatka ou à Tombouctou, mais à
Montréal ou à Québec. Par téléphone, on peut
sans aucun doute leur demander d'être ici, c'est une question de quelques
heures, après quoi il serait possible à la commission de
siéger aussi tard qu'on le veut bien pour faire l'étude article
par article et, mercredi, on pourrait adopter, de consentement, à la
fois le rapport de la commission, la prise en considération du rapport
et la troisième lecture, ce qui ne sera qu'une affaire de quelques
minutes.
(17 h 30)
Motion de report
Mme la Présidente, j'aimerais présenter une motion de
report à 48 heures pour amener le gouvernement à nous donner une
réponse sans équivoque sur l'opportunité que nous voyons,
nous, de faire siéger une commission parlementaire pour avoir, en
direct, sans tamisage, l'expression d'opinions des différents groupes
féminins, motion de 48 heures qui, évidemment, se lirait comme
nos collègues le savent très bien, en remplaçant
"maintenant" dans la motion de deuxième lecture par "dans 48 heures".
Ceci nous permettrait, encore une fois, de consentement, de franchir toutes les
étapes et s'en aller en vacances aussi heureux qu'on puisse
l'espérer avec, sous le bras du ministre d'Etat à la Condition
féminine ou du ministre de la Justice je ne sais pas lequel des
deux va réclamer la paternité morale et politique de ce projet
le même projet avec peut-être quelques modifications si
jamais cette discussion devait nous faire réaliser l'importance et la
nécessité même de certaines modifications mais, surtout,
après avoir entendu les intéressés de manière que
tout le monde soit bien conscient que, tout en reconnaissant un principe,
c'est-à-dire le caractère absolu de l'obligation alimentaire, le
gouvernement tourne malgré tout le dos à un autre principe auquel
la plupart de ces groupes tenaient beaucoup, c'est-à-dire la perception
obligatoire et universelle des pensions alimentaires.
Ayant appris ce que tout le monde en pense, nous pourrions adopter le
projet de loi comme étant soit une première étape ou comme
un essai de règlement de ce problème. Nous verrons, dans quelques
années, si à l'expérience soit les propos rassurants du
ministre se vérifient ou si les inquiétudes et la
déception de certains groupes se vérifient plutôt que les
hypothèses du gouvernement. Et il sera temps, dans quelques
années, à ce moment-là, de faire le point et de modifier
ces mesures. Mais, au moins, tout le monde serait publiquement "on the record",
en quelque sorte, serait mis à contribution dans l'étude du
projet de loi que, encore une fois, nous n'avons reçu que jeudi dernier.
Il me semble que ce n'est pas uVi délai déraisonnable que de
demander 48 heures pour entendre tous les intéressés. Je suis
presque sûr que le ministre de la Justice voudra appuyer cette motion de
report de 48 heures. S'il le fait, encore une fois, je lui dis d'avance, au nom
de mes collègues de ce côté de l'Assemblée
nationale, que nous allons oublier toutes les autres dispositions de notre
règlement et collaborer avec le gouvernement dès après
cette commission parlementaire pour l'adoption, avant la fin de nos travaux de
cet été, du projet, dans l'état où le ministre
voudra bien le faire adopter suite à cette commission parlementaire.
La Vice-Présidente: En vertu de l'article 121 de notre
règlement, je me verrai dans l'obligation d'entendre les intervenants
maintenant sur la motion d'amendement de M. le député de
Saint-
Laurent à la motion du ministre de la Justice, visant à
changer le mot "maintenant" pour "dans 48 heures".
M. Forget: Je m'excuse, Mme la Présidente. De
consentement, si personne n'a d'objection, il serait peut-être
approprié que le présent porte-parole de l'Union Nationale puisse
faire son intervention de deuxième lecture avant d'aborder le
débat de cette motion. Cela s'est très fréquemment fait,
je pense.
M. Bédard: Je n'ai pas d'objection.
La Vice-Présidente: Y a-t-il consentement?
M. Bertrand: Oui, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Consentement. M. le
député de Nicolet-Yamaska, sur la motion de deuxième
lecture, après quoi nous entendrons les interventions sur la motion
d'amendement. Alors, c'est bien sur la motion de deuxième lecture, M. le
député de Nicolet-Yamaska. Consentement.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente. Je remercie mes
collègues des autres formations politiques qui ont bien voulu accepter
de faire une petite entorse à notre règlement pour me permettre
de parler sur le fond du problème, peut-être même ajouter un
petit mot sur la motion d'amendement si...
La Vice-Présidente: M. le député, vous
pourrez toujours intervenir sur la motion d'amendement, mais...
M. Fontaine: Merci.
La Vice-Présidente: ... pas sur la motion de
deuxième lecture.
M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente. Alors, ce projet de
loi, bien que peu volumineux dans sa composition, est quand même un
projet de loi majeur. Le fait qu'il soit présenté à ce
stade-ci de nos travaux peut être déploré du fait que nous
ne puissions avoir tout le loisir qui nous serait laissé normalement
pour l'étudier de façon plus approfondie. Ce projet de loi donne
suite aux travaux de comité interministériel chargé
d'étudier la question et veut répondre, entre autres, aux
demandes d'associations féminines et aux recommandations, bien sur, du
conseil du statut de la femme.
Rappelons quelques données au sujet des problèmes
reliés à la perception des pensions alimentaires. Parmi
l'ensemble des couples obtenant un jugement de divorce ou de séparation,
une minorité seulement, soit 37,5%, utilise son droit à une
pension alimentaire. Les ordonnances prévoyaient en moyenne $316.98 par
mois en 1975 et cela, sans indexation. Pour la très forte
majorité des cas, soit 86%, l'épouse et les enfants sous sa garde
en sont les bénéficiaires. Des pensions ordonnées par la
cour, seulement 41,5% sont payées en tout ou en partie
régulièrement ou occasionnellement. On constate donc par ces
données que la perception d'une pension alimentaire constitue en soi
l'une des plus mauvaises créances qu'il nous soit donné de
rencontrer dans notre société; les chiffres que je viens de
mentionner font suite à une étude qui a été
réalisée par le ministère des Affaires sociales de la
région de Québec. Actuellement, le recours en cas de non-paiement
est la procédure habituelle, soit la saisie sur les biens mobiliers et
immobiliers ainsi que les poursuites en refus de pourvoir qui doivent
être reprises à chaque défaut du débiteur de se
conformer au jugement. Si ces procédures sont coûteuses en temps,
démarches et frais d'avocat, elles ne sont pas non plus assurées
de succès. Les créanciers je parle des
créancières parce que dans la grande majorité des cas il
s'agit de femmes doivent en effet s'assurer de posséder certains
renseignements au sujet du débiteur. Les revenus de ce dernier doivent
également être saisissables et, si le débiteur a
accumulé d'autres dettes, la pension alimentaire n'est pas prioritaire
dans le remboursement.
Les pensions sont en général payables au domicile de la
créancière, de personne à personne ou par courrier.
L'attente de la visite de l'ex-mari, le retard apporté mois après
mois au paiement rendent souvent cela humiliant et même frustrant. Les
enfants, leur garde ainsi que les droits de visite de l'ex-conjoint sont autant
de prétextes aux coupures et aux menaces. La fréquence des
ruptures légales s'accentue et, malheureusement, les femmes en assument
en grande partie les frais. D'une part, l'éloignement du marché
du travail durant le mariage les obligent à accepter des emplois
à plus faible rémunération, à vivre de l'aide
sociale et des pensions versées par l'ex-époux. D'autre part,
elles ont généralement, après la séparation, la
garde des enfants et doivent en assumer la charge. Enfin, elles assument aussi
le coût du recouvrement des pensions alimentaires auxquelles elles ont
droit.
Le Conseil du statut de la femme a formulé plusieurs
recommandations au chapitre des pensions alimentaires ainsi que pour l'ensemble
du droit familial. Le service de perception des pensions alimentaires se
rattache à divers autres services comme la conciliation, l'accueil,
etc., gravitant autour d'un éventuel tribunal de la famille. Cette
réforme vise d'abord l'assainissement et la déjudiciarisation du
processus de l'éclatement du mariage. Toutefois, malgré l'urgence
de la situation, il faut souligner la lenteur du gouvernement à agir
dans ce dossier puisque l'Union Nationale, en décembre 1978, par la voix
de son chef, réclamait une telle réforme. Le ministre de la
Justice avait alors répondu qu'il étudiait, en collaboration avec
le ministère des Affaires sociales et le Conseil du statut de la femme,
l'ensemble du problème de la perception des pensions alimentaires. Le
gouvernement a donc pris 18 mois pour accoucher de
son projet de loi en toute fin de session. Je pense que cela
démontre le peu de sérieux que le gouvernement y a mis, surtout
sur un sujet aussi vital et aussi important pour les femmes dans le besoin. (17
h 40)
C'est encore moins sérieux quand on sait que le juge en chef de
la Cour supérieure, l'honorable juge Jules Deschênes, avait
suggéré la création d'une caisse de recouvrement des
pensions alimentaires lors d'un colloque sur la justice et la famille qui
s'était tenu plusieurs mois avant l'intervention du chef de l'Union
Nationale devant cette Assemblée.
Enfin, si l'on tient compte que nous approchons du niveau de 33%
d'échecs dans les unions matrimoniales, que des milliers d'enfants sont
affectés par cette situation, que les problèmes familiaux
constituent une des plus importantes crises de la santé mentale pour les
années prochaines, on ne peut qu'être heureux de constater que le
gouvernement ait décidé de procéder, enfin, à
l'adoption de ce projet de loi avant la période estivale et
malgré l'horaire chargé de cette fin de session.
Par ailleurs, on s'étonne du fait que les projets de loi nos 183
sur la perception des pensions alimentaires et 89 qui porte sur la
réforme du droit de la famille n'aient pas été
présentés en même temps. En déposant à
l'Assemblée nationale, au début de mars, le projet de loi no 89
qui modifiera éventuellement le Code civil du Québec, le ministre
de la Justice a déclaré que le Conseil du statut de la femme
avait réagi de façon prématurée au projet de loi no
183 sur la perception des pensions alimentaires déposé le 18
décembre 1979. Il ajoutait que ce projet de loi avait fait l'objet
d'interprétations fausses, sans toutefois préciser lesquelles, et
que sa complexité appelait des explications additionnelles. Le ministre
n'a cependant pas fourni ces explications réservant ses arguments dans
des discussions privées qu'il aurait eues avec le Conseil du statut de
la femme. Mais les citoyens et les citoyennes ne sont pas nécessairement
tous et toutes branchés sur le Conseil du statut de la femme. Les
premières concernées, par exemple, les associations de familles
monoparentales et les créancières qu'on dit vouloir aider,
profiteraient assurément d'explications sur la place publique, non point
en coulisse ou en vase clos. C'est pour cette raison, M. le Président,
que je disais tout à l'heure à Mme la Présidente qui
était au fauteuil avant vous, que j'aborderais probablement la motion de
report qui a été présentée par le
député de Saint-Laurent, puisque je disais que l'Assemblée
nationale y gagnerait à entendre les femmes intéressées au
projet de loi en question.
Je profite donc de l'occasion, aujourd'hui, pour demander des
éclaircissements à ce sujet au ministre de la Justice et aussi,
je pense qu'il est nécessaire que le ministre de la Justice nous indique
clairement quels sont les amendements qui font suite à ces discussions,
à la suite des représentations qu'il a eues avec le Conseil du
statut de la femme.
Le projet de loi no 183 réglera donc en bonne partie les
problèmes des créancières alimentaires. Dans certains cas,
les délais seront allongés par les démarches judiciaires
pour l'obtention de renseignements, par la possibilité nouvelle qu'a le
débiteur de remettre en cause les montants dus et par la subrogation
facultative du ministère des Affaires sociales à l'égard
des bénéficiaires de l'aide sociale. Cependant, je pense que,
dans l'ensemble, les propositions qui sont faites sont des améliorations
notables sur la situation que les femmes ont à vivre actuellement.
Cette dernière mesure législative est d'autant plus
insidieuse qu'il s'agit de femmes et d'enfants fort démunis
financièrement. De plus, le chantage exercé par le mari sera
amplifié par celui du ministère des Affaires sociales, cependant,
qui, selon toute apparence, pourra également faire pression
auprès des créancières pour recouvrer les pensions. Alors,
si on améliore la situation d'un côté, il faudrait
peut-être repenser la solution qui est proposée en ce qui a trait
à l'implication du ministère des Affaires sociales dans le
dossier, afin de faire les recouvrements.
Les femmes auront donc encore la responsabilité de l'application
de leur droit à une pension alimentaire et continueront de recourir aux
avocats pour les défendre en maintes occasions. Elles ne sortiront pas
de la dépendance de l'aide sociale, ni encore de l'état de
pauvreté dans lequel elles se trouvent. Les mesures introduites sont
également peu coûteuses pour l'administration publique, puisqu'on
prévoit le remboursement des services du protonotaire et que les
bénéficiaires de l'aide sociale feront eux-mêmes
exécuter l'ordonnance des pensions alimentaires.
L'ampleur des difficultés vécues par les
créancières n'aura pas réussi à délier un
tant soit peu les cordons de la bourse du ministère de la Justice et,
par conséquent, du ministre responsable du don de l'argent que nous
payons en taxes.
Enfin, ce projet de loi modifie le Code civil, afin de permettre
l'indexation des pensions alimentaires. Cette modification a une importance
capitale et il était nécessaire qu'elle soit adoptée avant
la fin de la présente session. Il s'agit là d'une demande majeure
du Conseil du statut de la femme et nous ne pouvons que nous réjouir de
voir que le gouvernement en a tenu compte. En définitive, le projet de
loi no 183 est satisfaisant dans sa version actuelle, mais nous nous
inquiétons au sujet du projet de loi no 89 sur la réforme du
droit de la famille. Je m'explique, Mme la Présidente. Ainsi, pour avoir
modifié le projet de loi sur la perception des pensions alimentaires de
façon à le rendre satisfaisant pour l'ensemble des intervenants,
nous constatons que le gouvernement n'a pas l'intention de procéder avec
célérité à l'adoption du projet de loi no 89. Nous
soupçonnons aussi le gouvernement de ne pas vouloir entendre de nouveau
en commission parlementaire les intéressés à ce sujet et
j'aimerais vous faire remarquer qu'en fin de semaine, Mme Claire Bo-nenfant a
réclamé une nouvelle étude du projet de
loi sur la réforme du droit de la famille en commission
parlementaire.
Le projet de loi sur la réforme du droit de la famille a une
importance telle qu'on doit procéder à son adoption le
plutôt possible, mais, en pratique, cela irait à l'automne.
Toutefois, vu son ampleur, il est souhaitable que ce projet de loi fasse
l'objet d'une rencontre en commission parlementaire, comme le demandait Mme
Bonenfant. Je pense que tous les intéressés, dans ce domaine,
seraient heureux de pouvoir se prononcer à nouveau sur ce sujet. A ce
chapitre, l'Union Nationale s'engage à tout mettre en oeuvre, afin
d'améliorer ce projet de loi qui est le premier résultat tangible
de l'oeuvre entreprise, il y a déjà plusieurs années sous
le gouvernement Duplessis, soit la réforme du Code civil.
Mme la Présidente, j'aimerais, en terminant, ajouter quelques
mots concernant la mise en vigueur de ce projet de loi. Si on regarde la fin du
projet de loi, on s'aperçoit que le projet de loi entre en vigueur sur
proclamation, c'est-à-dire que certains articles pourront entrer en
vigueur lors d'une première proclamation et d'autres articles pourraient
entrer en vigueur lors d'une proclamation ultérieure, ce qui veut dire
que nous ne savons pas quand le projet de loi sera effectivement en
vigueur.
Je pense que les organismes qui ont consulté le projet de loi et
qui n'ont pas eu l'occasion de manifester leur point de vue quant à
l'application de cette loi seraient fort intéressés à
venir demander au ministre de la Justice pourquoi il ne met pas le projet de
loi en vigueur à compter du 1er août, par exemple, ou à
compter du 1er septembre. Si on ne met pas de délai fixe dans la loi,
nous avons bien peur que le projet de loi, bien qu'acceptable par la grande
majorité des citoyens concernés, reste lettre morte comme l'a
été par exemple le projet de loi sur la réforme
électorale, le projet de loi no 9, qui est déjà
adopté depuis plusieurs mois, mais que le ministre en question, le
même ministre d'ailleurs, n'a pas demandé de faire proclamer et
qui n'est pas en vigueur, ce qui fait en sorte que les amendements qui sont
adoptés par l'Assemblée nationale, les lois qui sont
adoptées par l'Assemblée nationale, quand tout le monde y
concourt, que tout le monde trouve que c'est valable, que cela peut
améliorer la situation des citoyens, ces projets de loi sont
adoptés mais restent sur les tablettes et ne sont pas mis en
application. (17 h 50)
Si les personnes concernées, les mouvements concernés, les
femmes concernées, les hommes également, ne demandent pas au
ministre de la Justice de mettre une date précise dans la loi afin de
savoir quand elle sera mise en vigueur, tous ces groupes sont en train de se
faire passer un sapin. On va arriver à l'automne, à l'hiver, et
le projet de loi ne sera pas mis en application. Il y a des élections
générales dans l'air, on ne sait pas si le gouvernement actuel
pourra être encore là pour appliquer son projet de loi. On ne sait
pas non plus si le prochain gouvernement a l'intention de le conserver comme
tel. Cela veut dire que le projet de loi en question peut demeurer lettre morte
et on ne verrait pas d'application avant peut-être quelques années
alors qu'on y ferait d'autres modifications. Si les mouvements concernés
sont intéressés à ce que le projet de loi entre en vigueur
à une date précise, je pense qu'il serait important que la motion
que le député de Saint-Laurent a présentée tout
à l'heure, soit adoptée pour que les groupes concernés
fassent des pressions auprès du ministre de la Justice et que le projet
de loi soit applicable à une date fixe. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Saint-Louis, sur la motion d'amendement.
Sur la motion de report M. Harry Blank
M. Blank: Mme la Présidente, je vais appuyer la motion du
député de Saint-Laurent pour retarder l'étude de ce projet
de loi en deuxième lecture pour 48 heures pour presque la même
raison qu'il a donnée, mais je veux dire quelques mots de plus. On
arrive maintenant à la fin d'une session et le public, je vais dire
comme on dit en anglais, le "public at large", ne sait même pas qu'on
siège. Il n'y a pas autant de publicité sur la session qu'il y en
a maintenant sur une foule d'autres choses. Les femmes de Québec qui
sont les plus intéressées par cette loi ne sont même pas au
courant de la nouvelle loi qui a été déposée pour
remplacer le projet de loi no 83 par le projet de loi no 183.
Quand le projet de loi no 83 a été déposé,
il y a eu une publicité; elles ont su qu'il y avait un projet de loi
devant la Chambre, mais elles attendent des nouvelles. Maintenant, qu'est-ce
qu'on va faire avec ce projet de loi? Est-ce qu'on va avoir une discussion, on
va regarder cela à la télévision, on va voir nos
députés discuter de la loi et on va avoir une idée de quoi
il s'agit?
Maintenant, on arrive avec ce nouveau projet de loi, avec des articles
qui sont peut-être améliorés. Je peux dire cela, il y a des
articles qui sont améliorés, mais le projet de loi ne va pas
assez loin et des groupements de femmes ont déjà envoyé un
message au gouvernement, je suis certain, et aux membres de l'Opposition. Ces
femmes n'ont jamais eu la chance de discuter de ce projet de loi avec nous.
Peut-être ont-elles eu la chance d'en discuter avec le gouvernement,
parce que Mme la ministre est responsable de la condition féminine, ou
le ministre de la Justice, je ne le sais pas, je le présume,
j'espère au moins qu'il y a eu des discussions.
Mais nous, du côté de l'Opposition, on n'a jamais eu la
chance de rencontrer ces femmes en présence du ministre. Oui, on a eu
des discussions et les discussions ont mal tourné pour le gouvernement.
Le groupement des femmes n'était pas satisfait du projet de loi no 83.
Peut-être qu'elles seront satisfaites de ce projet de loi no 183. Je ne
le sais pas, mais, au moins, donnez une chance à
ces femmes de venir ici et donnez la chance à tous les membres de
cette Chambre de discuter avec elles de leurs problèmes et des
problèmes de ce projet de loi.
Le fait qu'on doit l'adopter immédiatement, à toute
vitesse, je ne comprends pas. Je vais vous dire franchement, j'ai
été bien impressionné par les dernières paroles du
député de Nicolet-Yamaska qui a dit que le fait qu'il n'y ait
aucune date dans ce projet de loi, cela veut dire que ce projet de loi peut
demeurer sur les tablettes jusqu'à on ne sait jamais. Cela dépend
quand le gouvernement aura l'argent pour mettre en place toutes ces structures,
cela dépend s'il y a une élection, cela dépend si le
même parti revient, si un autre parti viendra. On ne le sait pas. Au
moins, les femmes du Québec qui ont besoin de ce projet de loi ou d'un
projet semblable peuvent nous dire si elles veulent l'avoir
immédiatement, ou si elles n'en veulent pas, ou si elles veulent l'avoir
dans deux ans. Au moins, on serait au courant, on saurait quand ce projet de
loi viendra en vigueur.
As I was saying, this bill is a new bill which was deposited just the
other day, last Thursday to be exact, to replace a bill 83. When bill 83 was
deposited in this House, there was a certain publicity and people had an idea
or knew that the government was putting forth a bill to assist women in trying
to collect their alimentary pension from husbands who would rather run off and
not pay. They had all kind of notions about this bill, but when the bill was
explained in the newspapers and explained to women's group, they were rather
disappointed and disappointment was shown by the various briefs that were
submitted both to the government and to the Members of the Opposition.
Bill 183 came along just the other day with amendments; some of them are
good, some of them modify the bill, but some of them do not go far enough, and
I am sure that they do not go far enough. When I get the chance to speak on the
motion of second reading, I will give you my reasons why I think this bill does
not go far enough, why this bill is just superficial. It does not solve the
problem at all; it just shifts the collection from one place to another but
does nothing really to help women collect these debts or men in some cases. It
happens occasionally that men are the recipients of alimentary pensions.
But what I am getting at is that there are many women's group in this
province who are doing a great job in protecting women's right and in seing
that women have all the rights that a law can give them, that they can be
looked after by the society to look after themselves and their children in
particular in maintenance because it becomes the job of the State to maintain
these wives and children if their husbands do not. Nobody wants to be award of
the State and if they cannot collect from their husbands. This bill is a start
of a method of perhaps aiding these women, but let us hear from them, let us
see if they are happy with the way it is done. Perhaps they have other ideas,
perhaps they have other messages, perhaps they are satisfied with the bill.
We, on the Opposition side, are prepared to cooperate with the
government. We have enough time, even if the session is to finish on Wednesday.
Normally, according to our regulations, we can go right until the end of the
week. But let us take for granted that we are going to finish Wednesday, which
is quite possible, there is still enough time to have these women's groups come
before the National Assembly committee on justice and be heard and we can have
an open and frank discussion. We are not here to block this bill; it is quite
the contrary. The basic overall principle, everybody is in agreement with it.
Nobody is against motherhoodandnobodyisforsin. lt is the same thing with this
bill.
We are not against the fact that it is a method of looking after women
and children whose husband do not want to look after them, but we would like to
do it properly. And the only way to do it properly is to find out from the
customer, what does the customer want. The customer here is, in most cases, the
women and children. Let them come here and tell us what they want. It is not up
to us to impose a system that is not going to work, that is going to cause more
aggravation, more headaches. As I say, I am fort the principle of this bill
although I am not supposed to be talking about it, Madam Speaker
but I am telling the reasons why I think that we should put this bill off for
30 to 48 hours, have these ladies come to us. It would be a pleasant end of a
session to have a group of ladies appear before us. I think it would be very
pleasant. Sexist?
Une Voix: Yes, sexist. Mme Payette: ... est sexiste.
M. Blank: Well, I think that women are beautiful; that is sexist?
I with you tell that to my wife.
Mme Payette: Oui, Mme la Présidente, on m'a posé
une question et je vais y répondre. Quand on fait allusion à une
fin de session agréable parce qu'il y aurait des groupes de femmes qui
viendraient ici, oui, c'est sexiste.
M. Blank: Mon Dieu! Mon Dieu! On va loin, on ne veut pas voir de
belles femmes ici, en Chambre; on a de belles fleurs aussi. Si je dis que les
fleurs sont belles, vous m'accuserez de quoi, à ce moment-là?
Une Voix: Sexiste.
M. Blank: Mme la ministre veut donner une récompense
à ses fameuses Yvettes, elle fait tout. Mais cela n'aidera pas. Mme la
Présidente, je vois qu'il est 18 heures, mais je veux seulement dire que
c'est dans l'intérêt des femmes du Québec, et si parler
dans l'intérêt des femmes du Québec, c'est d'être
sexiste, d'accord, je suis sexiste. Mais, dans l'intérêt des
femmes du Québec, on doit reporter ce projet de loi à 48 heures
pour donner la chance à ces femmes de venir ici et discuter de ces
problèmes qui sont couverts par ce projet de loi, devant la commission
de la justice. (18 heures)
La Vice-Présidente:
M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bertrand: Je demande l'ajournement du débat, Mme la
Présidente, mais je voudrais, si vous me permettez...
La Vice-Présidente: Vous demandez l'ajournement ou la
suspension, M. le leader adjoint du gouvernement?
M. Bertrand: La suspension, Mme la Présidente. Mais il y a
un avis que je voudrais vous donner avant que nous ne suspendions nos travaux.
La commission parlementaire de la présidence du conseil et de la
constitution, qui devait siéger à 20 heures pour entendre les
crédits du premier ministre, siégera plutôt à 20 h
30 parce que les députés intéressés par le sujet
des pêcheries, le député de Bonaventure et le
député de Gaspé, veulent participer aux travaux de cette
commission, à 20 heures. Alors la commission pour étudier les
crédits du premier ministre siégera à 20 h 30.
La Vice-Présidente: Cette Assemblée suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 1
Reprise de la séance à 20 h 14
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Cette Assemblée en était au débat sur la motion de
M. le ministre de la Justice proposant que soit maintenant lu la
deuxième fois le projet de loi no 183. A cette motion, M. le
député de Saint-Laurent avait proposé une motion
d'amendement visant à changer le mot "maintenant" pour "dans 48 heures".
Sur la motion d'amendement, M. le leader adjoint du gouvernement et
député de Vanier, vous avez la parole.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: Mme la Présidente, nous ne sommes
guère surpris de ce côté-ci d'avoir à
débattre une motion d'amendement de l'Opposition officielle pour
surseoir à l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi no
183 sur la perception des pensions alimentaires.
Il y a plus de 100 000 femmes au Québec, Mme la
Présidente, qui attendent de l'Assemblée nationale l'adoption
d'une loi que l'Opposition officielle, lorsqu'elle était au
gouvernement, aurait pu déposer à cette Assemblée
nationale pour ainsi rétablir la justice pour des femmes qui n'ont pas
obtenu satisfaction avec des jugements de cour et qui sont obligées
d'attendre des mesures administratives que seul un gouvernement peut mettre en
place pour corriger de telles injustices. Voilà qu'après
plusieurs années d'attente l'Opposition officielle libérale, qui
aurait pu, pendant ses six années de gouvernement, donner suite à
ces demandes, nous dit tout à coup: Vous, le gouvernement du
Québec qui enfin passez à l'action, on vous demande maintenant de
prendre 48 heures de plus pour refaire un travail que, de toute façon,
vous avez déjà mené au cours des derniers mois. Je veux
bien, Mme la Présidente, que l'Opposition officielle cherche à se
faire une image auprès de la clientèle féminine en
particulier...
Mme Lavoie-Roux: Ah, ah!
M. Bertrand:... celle qui est affectée par cette mesure
administrative. On veut bien qu'elle se refasse une crédibilité
après avoir échappé à ses responsabilités
pendant plus de six ans comme gouvernement, mais le gouvernement actuel, qui a
rempli son mandat de répondre aux attentes de cet important secteur de
la population, passe enfin, aujourd'hui, aux actes, remplit ses promesses
électorales, redonne justice à plus de 100 000 femmes qui
attendent de nous ces mesures administratives, et voilà que tout
à coup, on nous dit: Prenez 48 heures de plus.
Une Voix: C'est trop vite.
M. Bertrand: Mme la Présidente, il faut se rappeler que
déjà sous le gouvernement libéral de M. Bourassa où
le ministre Jérôme Choquette présentait un livre blanc sur
la justice contemporaine, un document imposant, important, qui faisait le tour
d'à peu près toutes les questions où le ministère
de la Justice et l'ensemble de la justice québécoise pouvaient
apporter des améliorations à la qualité de vie des
Québécois. Dans ce document, à la page 236, il y a un
chapitre spécial consacré à l'instauration d'un service de
perception des pensions alimentaires. C'était en 1975 au moment
où les gens d'en face avaient la possibilité comme gouvernement
de prendre leurs responsabilités dans le domaine de la perception des
pensions alimentaires. Nous sommes en 1980, cinq ans après. Le travail
de réflexion a été fait depuis longtemps. Un gouvernement
a eu la possibilité d'agir, il ne l'a pas fait. Il nous dira pourquoi,
mais aujourd'hui, après de très nombreuses consultations, le
gouvernement prend ses responsabilités et a l'intention de les prendre
aujourd'hui même. Le dossier a déjà trop
traîné, les femmes du Québec attendent de ce gouvernement
des décisions et les femmes du Québec sont contentes dans
l'ensemble des mesures que prend aujourd'hui le gouvernement au moyen du projet
de loi no 183.
Mme la Présidente, on nous dit qu'il n'y a pas eu de
consultation. Je voudrais rappeler aux députés libéraux
que c'est le printemps dernier, au moment de l'étude du rapport de
l'Office de révision du Code civil sur le droit de la famille, qu'une
commission parlementaire de l'Assemblée nationale, avec des
représentants de toutes les formations politiques, entendait des groupes
sur plu-
sieurs questions dont celle de la perception des pensions alimentaires.
Devons-nous leur dire aussi que depuis qu'un front commun s'est
constitué regroupant plus de 30 organismes féminins du
Québec, un groupe a réussi à faire valoir auprès du
ministre de la Justice et du ministre d'Etat à la Condition
féminine un certain nombre de représentations pour
améliorer ce qui était jusqu'à maintenant le projet de loi
qui proposait un certain nombre de mesures administratives pour percevoir les
pensions alimentaires. (20 h 20)
II faut se rappeler, Mme la Présidente, que le projet de loi est
déjà connu depuis décembre 1979, que des groupes se sont
réunis dans un front commun pour faire valoir leurs droits, leurs
intérêts, qu'ils ont été entendus, reçus par
le ministre de la Justice, par le ministre d'Etat à la Condition
féminine et que sur l'ensemble des demandes et des revendications
formulées par ce front commun, aujourd'hui, on retrouve les
réponses attendues à l'intérieur de la loi 183.
Est-il besoin de souligner simplement quelques exemples qui sont
révélateurs, Mme la Présidente, de l'écoute
attentive qu'ont eue les interlocuteurs gouvernementaux aux demandes du front
commun? Par exemple, on disait: II n'y a aucun mécanisme de recherche du
débiteur qui a été prévu dans ce projet de loi.
Maintenant, Mme la Présidente, avec les modifications apportées,
c'est fait.
On parlait de la gratuité du service, qui n'était pas
assurée pour les créancières. Maintenant, avec ce projet
de loi, c'est fait. On parlait du droit de subrogation du ministère des
Affaires sociales, qui pouvait être plutôt facultatif
qu'obligatoire. Le ministre de la Justice a déjà annoncé
qu'il apporterait des amendements en commission parlementaire; donc, c'est
fait. On disait que ce projet de loi ignorait tout des recommandations visant
l'indexation. Suite à la rencontre, des améliorations
étaient apportées. C'est fait.
Je ne cite que quelques exemples. Je pourrais en citer bien d'autres qui
étaient autant de revendications apportées par le front commun
d'une trentaine d'organismes féminins du Québec auxquels le
ministre de la Justice a donné raison positivement, de telle sorte
qu'aujourd'hui, le projet de loi no 183, dans l'ensemble, est la bonne
réponse aux demandes formulées par les représentantes du
front commun.
Donc, Mme la Présidente, dans un tel contexte, nous avons le
sentiment d'avoir fait notre travail. Nous avons écouté, nous
avons consulté, mais nous avons décidé. Puisque les femmes
du Québec attendent depuis des années qu'un gouvernement, enfin,
décide, aujourd'hui, je ne pense pas qu'elles feront le jeu d'une
Opposition qui, tentant de se refaire une crédibilité
auprès d'une population féminine du Québec qui, depuis des
années, demande à son gouvernement d'agir, quand elle sait que
cette Opposition, avait, elle, l'occasion, il y a plus de cinq ans, de poser
les gestes qui s'imposaient, quand aujourd'hui, cette population
féminine voit son gouvernement capa- ble, enfin, de prendre des
décisions qui s'imposent, je pense qu'elle est justifiée de nous
demander, à nous, le gouvernement, de refuser la motion dilatoire de
l'Opposition, de refuser de prendre 48 heures de plus pour prendre des
décisions qui auraient dû être prises depuis des
années. Elle nous demande et c'est justement pour répondre
à cette demande que nous dirons non à l'amendement formulé
par l'Opposition officielle.
Que cette Opposition officielle, plutôt que de nous inviter
à surseoir encore de quelques jours à une décision
attendue depuis des années, accepte donc de dire clairement qu'elle
favorise le principe que nous devons voter en deuxième lecture sur la
perception des pensions alimentaires et qu'avec nous, en commission
parlementaire, à l'étude article par article, elle accepte de
contribuer positivement à l'amélioration de la loi, si telle
amélioration est nécessaire, et que sur l'essentiel elle dise
donc aujourd'hui ce qu'elle aurait dû dire il y a cinq ans: Nous sommes
favorables à ce principe, nous l'appuyons, nous encourageons le
gouvernement à aller de l'avant. Les femmes du Québec ont trop
attendu. Nous allons agir pour donner une réponse qui convienne à
leurs aspirations et à leurs besoins. Merci, Mme la
Présidente.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Sur la motion d'amendement, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, je voudrais dire
simplement quelques mots sur cette motion d'amendement qui sollicite du
gouvernement la tenue d'une commission parlementaire qui serait très
brève et nous lui donnons à l'avance l'assurance que nous
travaillerons avec diligence pour que le projet de loi soit adopté avant
la fin de la session.
Je trouvais fort amusant d'entendre le cheminement que décrivait
le député de Vanier. Il dit: Vous savez, cela fait
déjà un an qu'on en parle et nous en avons fait de la
consultation. Nous avons eu des auditions parlementaires touchant à la
révision du Code civil et, à la suite de ceci, nous avons produit
le projet de loi no 83 en décembre dernier. Mais si c'est le genre de
consultations qu'ils ont faites, cela a produit un tel résultat, un
résultat si piètre, Mme la Présidente, que vous avez vu
une liste de groupes et organismes signataires du front commun, et il y en a au
moins de 20 à 25, qui ont dit: La loi 83, c'est du pareil au même,
c'est comme si rien se passait et ils ont protesté énergiquement.
Ils ont demandé une commission parlementaire et comme le
député de Vanier disait: On connaissait le projet de loi au mois
de décembre, il a été déposé au début
de mars, on aurait eu amplement le temps, à ce moment, de tenir une
commission parlementaire.
Toujours est-il que le gouvernement a décidé qu'il n'en
tiendrait pas de commission parlemen-
taire. Il aime mieux procéder en catimini avec quelques groupes
et faire cela sans que les membres de l'Assemblée nationale en aient
connaissance. C'est un peu la façon dont ils procèdent trop
fréquemment, malheureusement. Toutefois, à la suite de ces
rencontres en catimini avec quelques personnes, on arrive avec le projet de loi
183, qui fait suite à cette consultation. On doit dire qu'il est mieux
que le projet de loi no 83. Mais, encore une fois, au moment du discours de
deuxième lecture, le ministre de la Justice nous apporte
immédiatement des amendements, comme si cette deuxième
consultation n'avait pas encore été suffisante. Pourquoi cette
dernière consultation que nous proposons ne contribuerait-elle pas
à apporter d'autres amendements qui amélioreraient encore le
projet de loi?
Il ne faut pas oublier qu'en dépit du fait nous sommes
bien prêts à l'admettre que le projet de loi no 183 soit
amélioré par rapport au projet de loi no 83, il reste que les
principes fondamentaux que demandaient les femmes, à savoir qu'il y ait
un régime de perception universelle et automatique n'ont pas
été retenus. Pas plus tard que vendredi matin, alors que
j'étais à la commission parlementaire qui étudiait les
crédits et vous y étiez, Mme la Présidente du
Conseil du statut de la femme, j'ai demandé à la
présidente si elle était d'accord avec le nouveau projet de loi.
Elle a répondu: "J'ai pris connaissance hier soir très rapidement
du projet de loi no 183. J'y ai trouvé une nette amélioration. La
position du conseil au sujet de l'automatisme demeure toujours la même,
mais c'est évident que, lorsque cette nouvelle loi est assortie de
beaucoup plus de facilité pour les femmes... Oui, c'est sûr que
c'est une question de principe pour nous, mais cela devient moins important,
par exemple, si, par contre, beaucoup de démarches sont
facilitées. Si cela demeure la seule chose, cela devient moins
important, mais la position du conseil est toujours la même. Nous avons
encore réclamé que ce soit une mesure automatique."
Ce que les femmes réclamaient avant qu'elles ne rencontrent le
ministre d'Etat à la Condition féminine entre autres je ne
sais pas si elles ont rencontré de nouveau le ministre de la Justice
c'était également un véritable régime de
perception des pensions alimentaires simple, efficace, gratuit et
universel.
Mme la Présidente, si nous demandons aujourd'hui cette commission
parlementaire qui ne retardera pas l'adoption de la loi et
là-dessus, je suis d'accord avec le député de Vanier, les
femmes ont assez attendu qu'il ne faudrait pas retarder l'adoption de ce projet
de loi même si comme le signalait le député de
Nicolet-Yamaska, on peut se demander quand l'application en viendra, surtout
à un moment où on parle d'élections à l'automne, de
toute façon, la loi sera adoptée et ce ne sera certainement pas
nous qui en retarderons l'adoption c'est que nous pensons qu'à la
suite de cette commission parlementaire... Il y a d'ailleurs des gens qui se
sont adressés au ministre de la Justice pas plus tard que le 16 juin: Je
lis: "M. le ministre, suite au redépôt du projet de loi
destiné à favoriser la perception des pensions alimentaires,
projet de loi 183, le Réseau d'action et d'information pour les femmes
désirerait qu'une commission parlementaire rapide, sans lourdes
formalités, soit convoquée pour exposer nos réclamations
qui ne sont certes pas uniques à notre mouvement."
J'ai eu d'autres appels téléphoniques et les gens m'ont
demandé: Est-ce qu'il y aura une commission parlementaire? Parce que
nous croyons qu'en dépit des améliorations qui ont
été apportées à la loi 83, nous pensons qu'il y
aurait lieu d'examiner de nouveau. On pourrait peut-être penser à
un mécanisme qui soit plus universel et plus automatique que celui que
nous propose la loi 183. (20 h 30)
Je voudrais bien dire, comme le député de Vanier, que le
problème des 100 000 femmes auquel il faisait allusion serait
résolu par le projet de loi no 183; je pense que nous aurions pu
l'adopter, un, deux, trois nous en aurions été fort heureux, mais
c'est justement parce qu'il sera loin de résoudre le problème des
100 000 femmes auquel il faisait allusion que nous réclamons du
gouvernement, dans un esprit de collaboration, que nous entendions ces
personnes qui veulent venir faire valoir certains points de vue. Je suis
certaine que toute autre amélioration apportée à ce projet
de loi serait véritablement dans l'intérêt non seulement
des femmes, mais de plus en plus dans celui de certains hommes qui devront se
réclamer de telles dispositions pour faire valoir leurs droits.
Je regrette, Mme la Présidente, que le Conseil du statut de la
femme, qui nous avait dit en commission parlementaire: "pour nous, c'est encore
un principe, nous voulons que ce soit une mesure automatique", reste coi sur
une question aussi importante que celle-ci. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Sur la motion d'amendement, Mme la
ministre d'Etat à la Condition féminine.
Mme Lise Payette
Mme Payette: Sur la motion d'amendement, Mme la
Présidente. Je m'opposerai à ce rapport de 48 heures de
l'adoption du projet de loi no 183 et je vais vous expliquer pourquoi. C'est en
effet un projet de loi qui a été déposé le 18
décembre dernier dans son premier jet, sa première formule et,
effectivement, il n'était pas, à mon avis, satisfaisant, ce qui
nous a empêchés de l'adopter avant les vacances de Noël. Il
fallait d'autres consultations, d'autres explications et nous avons fait ces
consultations.
Je pense que tous les groupes sont d'accord pour dire que le projet de
loi no 183 qui est devant nous est un projet de loi aussi complet qu'un projet
de loi sur la perception de pensions alimentaires puisse l'être à
l'heure actuelle. J'ai eu l'occasion de rencontrer le front commun il y a
quelques jours seulement. Les chiffres dont nous disposons ne sont pas des
chiffres officiels. On a
souligné tout à l'heure, du côté de
l'Opposition, qu'il était extrêmement difficile de savoir quel
pourcentage, par exemple, de ces pensions alimentaires était payé
de façon régulière et quel pourcentage ne l'était
pas. C'est le député de Saint-Laurent qui y a fait allusion.
C'est, en effet, vrai, nous disposons de peu de données dans ce domaine,
mais les chiffres que nous avons, sans être officiels, nous permettent
cependant d'en arriver à ceci. Il semble qu'il y ait actuellement au
Québec environ 51% des pensions alimentaires qui soient payées de
façon régulière, sans qu'il n'y ait aucun problème
entre les ex-conjoints. Il y a donc 49% des pensions alimentaires qui ne sont
pas payées de façon régulière ou qui ne sont pas
payées du tout.
Il nous apparaissait que dans le mot "universelle" qu'utilisaient les
groupes au début, lorsqu'ils ont commencé à faire des
représentations, il y avait quelque chose d'odieux à penser que
nous allions appliquer automatiquement une mesure comme celle qui est
préconisée dans le projet de loi no 183 à 51%
permettez-moi de les appeler ainsi de bons ex-maris. 51% des hommes, en
effet, se comportent comme de bons citoyens, de bons ex-maris, de bons
pères de famille et paient de façon régulière leurs
pensions alimentaires. Donc, ce qu'on appelait la perception universelle des
pensions alimentaires aurait placé, selon les conseillers juridiques,
ces 51% d'hommes parce que c'est évidemment une majorité
d'hommes sous une sorte de saisie permanente, ce qui n'était pas
souhaitable parce que c'était véritablement une injustice
à leur égard.
Ce que nous avons cherché à faire, c'est un moyen de
perception des pensions alimentaires qui soit universel pour celles qui en ont
besoin. Et celles qui en ont besoin, c'est bien ces 49% dont je vous ai
parlé. Dans ce sens, je peux dire qu'au moment où nous nous
parlons, avec l'amendement qui a été annoncé aujourd'hui
par le ministre de la Justice et qui concerne particulièrement le droit
de subrogation du ministre des Affaires sociales, je crois que toutes les
demandes du front commun et du Conseil du statut de la femme ont
été remplies et que nous pouvons annoncer que nous avons entre
les mains un moyen, un outil de perception qui soit facile, qui soit rapide,
qui soit efficace, qui soit gratuit et qui est universel pour celles qui en ont
besoin. Je pense que c'était important de retenir cet aspect, que ce
soit universel, mais que ce ne soit pas automatique au point où 51% des
maris qui sont de bons maris étaient pénalisés comme les
autres.
Nous avons été très prudents dans cette action pour
ne pas pénaliser de bons citoyens et ne pas non plus ternir la
réputation de ces 51% de la population mâle parce qu'elle
est en majorité mâle qui paient des pensions alimentaires
de façon régulière. Donc, la demande qui était
faite par les organismes de femmes au Québec et par le Conseil du statut
de la femme, avec les amendements qui ont été apportés du
projet de loi 83 au projet de loi 183 plus l'amendement présenté
aujourd'hui par le ministre de la Justice donnent comme résultat, Mme la
Présidente, que le ministre des Affaires sociales sera automatiquement
subrogé aux droits de la créancière vis-à-vis du
débiteur, à moins que la créancière elle-même
n'en décide autrement. Nous avons, là aussi, respecté la
liberté de choix des individus, pensant que certaines femmes voudraient
exercer elles-mêmes leur droit de recours et ne souhaiteraient pas
être subrogées dans leur droit par le ministre des Affaires
sociales. C'est dans ce sens que nous avons permis non pas une situation
inverse, mais permis que des femmes qui voudraient elles-mêmes exercer
leur droit de recours puissent le faire, mais si elles ne désirent pas
le faire, le ministre des Affaires sociales exercera automatiquement ces droits
à leur place. Avec cet amendement, les demandes qui avaient
été faites par tous les organismes de femmes du Québec
sont remplies, si bien qu'il n'y a aucune raison de recommencer les
consultations qui ont eu lieu.
Je m'étonne que la députée de L'Acadie nous dit que
ce serait une commission parlementaire qui pourrait aller très vite,
parce que je ne vois pas comment elle fait pour annoncer cela, Mme la
Présidente. Quand on fait une commission parlementaire de façon
démocratique, on ouvre cette commission à tous les groupes qui
voudraient s'exprimer, et il peut bien s'agir d'une commission parlementaire
qui durerait dix, douze ou quinze jours, qu'en sait-on? Dans ce sens, cela me
paraît être une mesure absolument dilatoire que de demander un
report de 48 heures, et cela me paraît, en plus, presque
antidémocratique que d'annoncer que cette commission parlementaire
pourrait durer quelques minutes ou quelques heures. S'il y a une commission
parlementaire, ce sera une vraie commission parlementaire avec tout ce que cela
représente et, à mon avis, ce serait faire perdre le temps de
cette Chambre parce que les consultations ont eu lieu et, à ma
connaissance, le front commun, Mme la Présidente, attend que nous ayons
adopté cette loi en deuxième lecture pour émettre son
communiqué pour demander aux membres de cette Assemblée de
procéder à la troisième lecture.
La Vice-Présidente: Sur la motion de report à 48
heures, M. le député de Maisonneuve.
M. Georges Lalande
M. Lalande: Mme la Présidente, ce projet de loi
intitulé "Loi pour favoriser la perception des pensions alimentaires"
s'inscrit à l'intérieur de modifications au Code de
procédure civile. C'est grosso modo, mais si nous allons un peu plus
loin que le titre, Mme la Présidente... Oui?
La Vice-Présidente: Parlez-vous sur la deuxième
lecture du projet de loi...
M. Lalande: Non, non.
La Vice-Présidente: ... ou sur la motion de report?
M. Lalande: Non, je parle sur le report, Mme la
Présidente.
Une Voix: Alors, parlez sur le report.
M. Lalande: Je parle sur la motion de report, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Sur la motion de report visant
à remplacer "maintenant" par "dans 48 heures", M. le
député de Maisonneuve.
M. Lalande: Oui. Je disais que si nous allons un peu plus loin
que le titre, Mme la Présidente, nous devons constater que ce projet de
loi, dans sa structure, fait appel à la procédure mais, au fond,
il touche à la substance d'une réalité sociale à
laquelle le ministre d'Etat à la Condition féminine a fait appel
tout à l'heure. Le député de Vanier en a aussi
parlé. Il nous a dit: Comment se fait-il que vous ne soyez pas d'accord
pour procéder immédiatement à l'étude de ce projet
de loi, alors qu'on vous offre, à l'heure actuelle, un véritable
service de perception? Il nous a même cité la page 236 du livre
blanc de M. Choquette, à savoir que l'on préconisait alors un
service de perception. Mais c'est justement le fond du problème, Mme la
Présidente. Il n'y a pas de véritable service de perception
à l'heure actuelle. On essaie de fonctionner par le même service,
de la même façon qu'au niveau de la structure judiciaire. (20 h
30)
C'est pour cette raison que nous croyons qu'à l'heure actuelle
les principaux intervenants, les créanciers les
créancières, de façon plus précise devraient
avoir le droit d'être entendus avant qu'un projet aussi important
c'est pour cette raison que je faisais référence à la
substance de ce projet de loi soit adopté. C'est statuer sur des
biens sur lesquels les femmes, en grande majorité, ont des droits parce
que c'est à la suite d'un jugement de la Cour supérieure se
prononçant sur des pensions alimentaires que ces droits seraient
réalisés par un véritable service de perception des
pensions alimentaires. Mais ce n'est pas le cas, à l'heure actuelle. Je
pense que nous aurions intérêt à entendre, encore une fois,
toutes les parties puisque quand même, dans sa réimpression, le
projet de loi no 83 a été changé pour le projet de loi no
183. On inclut, à l'intérieur de ce projet de loi, l'indexation
des pensions alimentaires.
Ne serait-ce qu'à ce seul niveau, il y aurait
nécessité d'entendre tous les intervenants et les intervenantes
à l'extérieur de cette Chambre qui auraient à se prononcer
sur ce projet de loi.
Mme la Présidente, ce projet de loi touche à la substance
non seulement parce qu'il modifie le Code civil on l'a dit dans
l'indexation des pensions alimentaires mais parce qu'il touche, encore
une fois, à la réalisation d'un droit fondamental concernant des
biens nécessaires à la vie. En effet, à quoi sert d'avoir
sa chambre ou sa maison complète tapissée de jugements si on
n'est pas capables de réaliser ces jugements, si on n'est pas capables
de les exécuter? Comment peut-on faire davantage confiance? Comment
pouvons-nous rendre l'officier de justice plus habile à exécuter
ces jugements qu'un avocat à l'heure actuelle et même dans la
nouvelle éventualité du nouveau projet de loi? C'est le fond de
la question sur lequel nous devons avoir l'occasion d'entendre encore tous les
intervenants et les intervenantes qui auront à se prononcer sur ce
projet de loi puisque ce sont eux et elles qui auront à vivre avec les
effets sur lesquels nous allons nous prononcer aujourd'hui en toute
précipitation.
Le député de Vanier a dit qu'il était
pénible de constater qu'on puisse faire obstruction et objection
à ce qu'on adopte, à toute vitesse et en toute
précipitation, après bientôt quatre ans de participation de
ce gouvernement à la gestion des affaires de l'Etat, ce projet de loi.
Je pense que j'ai la réponse à ceci; quand on est sérieux,
quand on veut véritablement corriger un problème qui est avant
tout social et qui n'est pas judiciaire, plutôt qu'on essaie de le
corriger par un processus qui demeure encore judiciaire, cela vaut la peine
d'écouter tous les intervenants qui ont à se prononcer sur une
réalité sociale. C'est pour cette raison qu'après quatre
ans il est fort curieux de constater qu'on décide de débouler, en
fin de session, à la dernière minute, sous l'effet de la
pression, encore une fois, un projet de loi qui est susceptible de toucher,
comme nous l'a démontré un des députés, plus de 100
000 femmes au Québec. C'est pour ça que nous croyons que nous
devons reporter ce projet de loi au moins à 48 heures pour permettre aux
principales intervenantes d'intervenir à ce moment-ci du
débat.
Mme la Présidente, il faut le répéter, cette
histoire, cette affaire qui est traitée devant nous, c'est un
problème social que nous essayons d'attaquer de façon juridique.
Je pense que le problème est social et qu'il doit être
résolu de façon sociale. Encore une fois, pour répondre
aux arguments du député de Vanier, je lui dirai qu'on est
très loin d'être dans un service de perception à l'heure
actuelle. C'est la même organisation qui continue de fonctionner, et plus
que ça, on enlève en partie du décor les services d'un
avocat pour permettre au protonotaire d'agir seul. Or, je me demande, Mme la
Présidente, à ce stade, comment on pourrait en arriver à
croire que le protonotaire et l'avocat qui agissent dans un nouveau
système... Comment, si le protonotaire agit seul, peut-on
améliorer la situation?
Là-dessus, il faudrait prendre le temps d'entendre ceux qui
auront à penser, qui auront à vivre avec ça, les
créanciers actuels et les créanciers éventuels qui devront
vivre avec les conséquences d'un projet de loi que nous adopterions
à toute vapeur à ce moment-ci. C'est pour ça qu'il ne faut
pas s'énerver et prendre le temps. Ça fait déjà
près
de quatre ans que nous attendons, nous sommes bien capables d'attendre
encore 48 heures pour entendre les principaux intervenants et intervenantes
à l'intérieur de ce dossier. Ce n'est sûrement pas par
l'adoption de ce projet de loi dans la précipitation que nous allons
régler un problème qui est véritable et difficile à
résoudre. Comment pourrait-on, dans une espèce de projet de loi
qu'on nous lance comme ça, ramener à la raison les maris
récalcitrants, pour nommer une bonne partie de ceux qui sont
débiteurs des créances alimentaires, les maris
récalcitrants ou ceux qui essaient de se soustraire volontairement et
systématiquement à leurs obligations?
Mme la Présidente, après quatre ans d'inaction dans ce
domaine, je trouve que le gouvernement est bien pressé de nous passer
à l'anglaise si vous me permettez l'expression un projet
de loi qui touche aux nécessités de la vie de plusieurs personnes
dans notre société. Si le gouvernement-La
Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît
M. Lalande: ... veut faire preuve de limpidité, s'il veut
faire preuve de transparence, comme il le proclame très souvent, il doit
surseoir à l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture et
permettre sans précipation, sans énervement, à tous les
intéressés de se faire entendre.
C'est pour ce motif principal, Mme la Présidente, que je suis
d'accord avec la motion du député de Saint-Laurent, d'autant plus
qu'il faut se rappeler que la législation dans ce domaine, notamment,
doit s'ajuster à la réalité sociale. Cette
réalité sociale est susceptible, Mme la Présidente, de se
révéler en partie par l'apport d'informations additionnelles qui
nous seraient données par les gens du milieu, soit les créanciers
et les créancières actuels et éventuels. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Je voudrais ajouter seulement un mot, Mme la
Présidente, sur la motion d'amendement. Les groupements
intéressés plus particulièrement Mme Claire
Bonenfant qui prenait la parole en fin de semaine concernant ces amendements
disaient qu'après un premier regard sur la loi 183 qui venait
d'être déposée à l'Assemblée nationale, ils
pouvaient dire que le projet de loi dans l'ensemble leur paraissait
satisfaisant. Je pense qu'à ce moment, Mme Bonenfant notamment n'avait
peut-être pas jeté l'oeil attentif qu'on lui connaît sur ce
projet de loi, puisque si on se reporte au dernier article du projet de loi, on
s'aperçoit que la loi qu'on nous demande d'adopter ce soir est
peut-être valable dans son ensemble, mais on ne sait pas quand elle
entrera en vigueur. Je pense qu'on veut tout simplement faire un maquillage de
l'inaction du gouvernement, comme on l'a vu dans d'autres domaines. On nous
fait adopter un projet de loi à l'Assemblée nationale, alors
qu'on sait fort bien qu'il ne sera pas mis en application avant plusieurs mois,
parce que le ministre qui le présente n'a pas l'intention de le mettre
en application, il n'a même pas les fonds nécessaires pour le
faire.
On a eu un exemple frappant lorsqu'on a adopté la loi 9, la Loi
électorale, qui a été sanctionnée le 13
décembre 1979. Cette loi doit entrer en vigueur à la proclamation
du gouvernement, parrainée par le même ministre de la Justice. Mme
la Présidente, cette loi n'est pas encore en vigueur six mois
après son adoption.
Si on se reporte au projet de loi no 183, je demanderais aux
intéressés dans ce domaine de bien vérifier si le
gouvernement n'est pas en train de nous faire la même chose, si le
ministre de la Justice n'est pas en train de leur passer le même sapin
qu'au sujet de la loi 9. La loi ne sera probablement pas mise en vigueur avant
nombre de mois. Si le ministre de la Justice veut se lever tout à
l'heure et me dire, à moi, et en faire un engagement du gouvernement,
qu'il a l'intention de mettre ce projet de loi en application à une date
précise, 1er juillet, 1er août, 1er septembre même, je serai
contre la motion proposée par le Parti libéral. Mais si le
ministre ne se lève pas et ne donne pas une date précise
d'application, j'appuierai la motion d'amendement. (20 h 50)
Rejet de la motion
La Vice-Présidente: La motion d'amendement de M. le
député de Saint-Laurent sera-t-elle adoptée?
Des Voix: Rejeté.
Mme Lavoie-Roux: Vote enregistré.
M. Bertrand: Mme la Présidente, s'il vous plaît.
Question de règlement, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'on me demande le vote
enregistré?
M. Bertrand: Non.
La Vice-Présidente: La motion est-elle adoptée?
Des Voix: Rejeté.
La Vice-Présidente: Rejeté. Sur la motion
principale de M. le ministre de la Justice, soit la loi 183, Loi pour favoriser
la perception des pensions alimentaires. Sur la motion principale...
M. Lalande: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Maisonneuve, sur la motion principale.
M. Lalande: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Maisonneuve a demandé la parole sur la motion
principale.
M. le député.
Reprise du débat sur la deuxième lecture
M. Georges Lalande
M. Lalande: Soyez respectueux.
Mme la Présidente, ce projet de loi évidemment
procède de bonne foi, c'est un problème grave que celui de la
perception des pensions alimentaires. Il suffit d'avoir été dans
le milieu judiciaire pour le constater à sa face même. Cependant,
force nous est de constater que ce projet de loi manque de rigueur et manque de
lucidité aussi. En fait, ce projet de loi qui est bien intitulé
pour favoriser la perception des pensions alimentaires ne favorise pas beaucoup
la perception de ces pensions alimentaires. C'est simplement un
réaménagement mineur dans la façon de percevoir une
pension alimentaire. Chose curieuse, il complique même, sous certains
aspects, davantage cette perception en instaurant une espèce de
chevauchement ou de dédoublement de deux ministères, celui des
Affaires sociales et celui de la Justice, dans l'organisation à traiter
de cette affaire. Il alourdit davantage le processus qu'il ne l'est à
l'heure actuelle.
En plus de cela, dans ce projet de loi, on alourdit la perception en
demandant à la créancière... Dans la majorité des
cas, c'est la femme qui doit avoir la garde des enfants et qui doit, pour
subvenir au besoin de la famille, bénéficier d'une pension
alimentaire qui lui est d'ailleurs octroyée par un jugement de la Cour
supérieure. Dans les conditions qu'on nous propose dans le projet de
loi, on demande à la créancière de préparer
elle-même son dossier, de se présenter devant le protonotaire de
la Cour supérieure pour demander la réalisation et la
constatation de son droit. Or, dans la préparation du dossier, il y a
une technicité qui est évidente. Qu'arrivera-t-il dans les cas
où justement le mari, le débiteur est absent, voyage, change
d'endroit et d'adresse à tous les six mois? Qu'arrivera-t-il dans les
cas de ces maris récalcitrants qui veulent absolument se pousser de
leurs obligations, s'en éloigner? En quoi le problème sera-t-il
réglé véritablement pour les femmes qui sont
bénéficiaires de ces pensions alimentaires? En quoi l'aura-t-on
changé?
Je reviens encore à l'argument bien superficiel du
député de Vanier tout à l'heure qui nous disait qu'on a
mis en place un véritable service de perception, tel que décrit
par M. Choquette, à la page 236 de son livre blanc. Mais il n'y en a pas
de service de perception. C'est cela le drame de ce projet de loi, à
l'heure actuelle. On n'aura rien changé au lendemain de l'adoption de ce
projet de loi, sinon que compliquer davantage, sinon qu'alourdir davantage la
tâche que la créancière aura à assumer.
Si le ministre et le ministère de la Justice ont la
responsabilité de la perception des pensions alimentaires en vertu de ce
projet de loi, il n'en demeure pas moins et c'est là un
côté qui n'est véritablement pas clair à
l'intérieur de ce projet de loi et que le ministre devra nous expliquer
davantage. Ce n'est pas véritablement le ministère de la Justice
ou le ministre de la Justice qui aura à faire les frais, à
assumer le fardeau, c'est plutôt l'officier de justice qui émane
du pouvoir judiciaire qui aura à assumer cette
responsabilité.
Me semble-t-il, on devrait comprendre qu'il y a une distinction
importante à faire entre un membre de l'exécutif, un
fonctionnaire de l'exécutif et un officier de justice qui doit constater
et établir le droit. Ce n'est pas le travail, la tâche d'un
officier de justice d'être le prolongement du bras de l'exécutif;
il devrait respecter les règles de l'impartialité, constater le
droit, émettre des brefs de saisie, s'il le faut, mais, de là
à exécuter, c'est là un précédent dangereux.
C'est un précédent dangereux, quand on joue avec les droits
fondamentaux, avec les nécessités de la vie que constitue au fond
une pension alimentaire. Peut-être le ministre de la Justice nous
dira-t-il: Mais ceci existe à l'heure actuelle en ce qui a trait au
dépôt volontaire. Mais non, cela n'existe pas en ce qui a trait au
dépôt volontaire, puisque le dépôt volontaire
n'oblige le protonotaire, ne lui crée l'obligation que d'administrer des
entrées d'argent et de les redistribuer; il ne lui est pas
demandé d'avoir un rôle actif au niveau administratif et au niveau
de l'exécutif. Au contraire, le protonotaire ou le greffier de la Cour
provinciale, dans le cas du dépôt volontaire, n'a qu'à
rendre, qu'à exécuter des décisions judiciaires et il ne
s'implique pas à l'intérieur du processus exécutif.
Le ministre parlera peut-être aussi des petites créances
où, justement, le greffier de la Cour provinciale, qui est un officier
de justice, doit agir, doit prendre part pour le mandat et exécuter,
mais il me semble que ce ne devrait pas être un exemple à nous
proposer à l'heure actuelle quand on sait que, dans l'exécution
forcée des jugements aux petites créances, plus de 60% ne sont
justement pas réalisés, ne sont justement pas faits. On peut
toujours jongler avec $500, $400 ou $300, mais il me semble que c'est
drôlement plus important, quand on est rendu à la Cour
supérieure, dans le domaine des pensions alimentaires, de ne pas se fier
à un mécanisme qui, à ce jour, n'a pas fait ses preuves
d'être sérieux et d'être adéquat.
Comment, dans ce projet de loi, le protonotaire pourra-t-il rechercher
le débiteur qui déménage de six mois en six mois, encore
une fois, alors qu'il n'a même pas le droit, en vertu du projet de loi
il n'a pas de pouvoir, rien n'est dit dans la loi d'ordonner une
enquête par le service d'enquête qu'à la dernière
minute le ministre de la Justice est venu nous proposer en annexe? Comment
pourra-t-il saisir judiciairement et officiellement? Comment pourra-t-il faire
les recherches de domicile, de nom du débiteur dans des endroits? Ceci
n'est pas prévu à l'heure actuelle. On reste encore une fois dans
le labyrinthe des procédures judiciaires où seulement, dans bien
des cas, les avocats sont
capables de se démêler à l'intérieur de cela.
On va essayer de nous faire croire qu'une créancière qui a un
problème social, qui ne devrait pas avoir besoin de s'adresser à
la justice, devra, elle, constituer son dossier, le préparer, faire des
recherches pour savoir où son mari est rendu, calculer les
arrérages, établir tout cela, monter un dossier, le
présenter à l'officier de justice qui, lui, refusera d'agir si le
dossier n'est pas complet. Comment penser régler véritablement un
problème de cette façon-là?
Ce n'est pas encore dans cette direction qu'il faille aller. Je
comprends, encore une fois, que le ministre est de bonne foi, qu'il pense
pouvoir régler certains problèmes, mais c'est jusqu'à un
certain point embarquer dans un carrousel. On nous dit: Essayons, on verra
comment cela se passera un peu plus tard! Il faudrait démontrer un peu
plus de sérieux dans un problème de fond comme celui-là.
Je comprends très mal la ministre d'Etat à la Condition
féminine de laisser débouler ce projet de loi à l'heure
actuelle. Si elle a le problème des femmes à coeur, comment
peut-elle embarquer dans un processus qui donne très peu? Comme le
dirait Cyrano de Bergerac: "Voilà qui est bien petit, monsieur." C'est
la souris qui accouche de la montagne. Mais oui, c'est une souris, c'est
déjà quelque chose, mais ce n'est donc pas beaucoup! On aurait
été en droit de s'attendre, si on s'était fié au
programme du Parti québécois de 1976, à beaucoup plus que
ce qu'on nous donne. En fin de session, à la dernière minute, il
me semble que c'est manquer de respect, c'est manquer à ses obligations
que de nous débouler un projet de loi de cette nature aux
dernières minutes, aux dernières heures d'une session.
Une enquête du ministère des Affaires sociales
démontre que 59% des pensions alimentaires accordées par les
tribunaux restent impayées, parce que le débiteur celui ou
celle qui doit payer, c'est la définition du débiteur
reste introuvable ou est insolvable. Comment va-t-on régler ce
problème? Comment ceci est-il expliqué, quel article du projet de
loi nous explique comment régler ce problème? (21 heures)
Un service d'enquête nous arrive en annexe et on nous dit: II y
aura tant de personnes qui agiront. Mais, le protonotaire aura-t-il le pouvoir
de signer? Un enquêteur? Rien n'est prévu à
l'intérieur du projet de loi. On laisse cela un petit peu à la
va-comme-je-te-pousse et on pense que, peut-être, le protonotaire va
communiquer avec l'exécutif, lui qui est un officier de justice va
communiquer avec un fonctionnaire de l'exécutif pour demander:
Voudrais-tu faire une enquête pour essayer de trouver monsieur, à
tel endroit et tel endroit? Rien n'est dit là-dedans et ce n'est
sûrement pas seulement une mesure administrative à l'heure
actuelle qui va nous aider à répondre à ce problème
et à le résoudre véritablement.
Par quel mécanisme ceci n'est pas précisé
dans le projet de loi prévoit-on rechercher le débiteur
qui déménage régulièrement? On crée un
fardeau sur les épaules du protonotaire à l'heure actuelle; on le
rend responsable de ce dossier. Mais, aucun pouvoir, véritablement, ne
lui est donné pour assumer la nouvelle tâche qu'on lui propose.
C'est dangereux il faut le souligner à ce stade-ci quand
on crée une obligation sur les épaules du protonotaire, quand on
essaie de faire accroire aux femmes qu'elles pourront maintenant facilement
récupérer d'un mari qui essaie de se soustraire à ses
obligations. C'est là créer des attentes qui se
réaliseront difficilement dans l'avenir, si on prend le projet de loi
dans son esprit et sa rédaction actuels.
Ceci ne répond pas véritablement; il eût
été beaucoup plus clair, beaucoup plus facile de créer ce
fameux mécanisme, ce fameux service de perception, de le faire
préparer par des spécialistes du milieu qui auraient fait des
recherches et auraient finalement présenté le dossier complet au
protonotaire qui aurait vu à le faire exécuter. Voilà qui
aurait été beaucoup plus logique, qui aurait répondu
davantage aux attentes des créanciers et créancières qui
ont eu à vivre dans ces milieux, avec ces problèmes, depuis
plusieurs années. On a mis cela de côté; on a dit, encore
une fois, que les cours de justice se débloquent avec cela. Si cela ne
va pas, c'est parce que les juges, les officiers de justice ne font
peut-être pas leur travail comme ils devraient le faire. C'est le danger
actuel de ce projet de loi qu'on nous propose.
Je pense qu'il faut souligner, il faut rappeler aux membres de cette
Assemblée, comme au public de façon générale, qu'il
n'y aura pas grand-chose à sortir de cela. Ce n'est pas
nécessairement mauvais; in se, comme disent les juristes, encore une
fois, en soi, ce n'est pas mauvais; mais, en pratique, cela ne donne pas
grand-chose, Mme la Présidente.
Je pense qu'un projet de loi concernant la perception des pensions
alimentaires doit s'inscrire beaucoup plus dans le sens d'une action sociale,
d'une action curative, d'une action de remède plutôt que dans le
processus de sanction et dans le processus judiciaire. On n'a pas encore
compris cela, de l'autre côté de la Chambre. Les problèmes
sociaux, on ne les règle pas en changeant des projets de loi, en faisant
des lois, en menaçant tout le monde; on les change plutôt avec des
mesures sociales. On n'apporte pas véritablement de mesure sociale
à l'intérieur de ce projet de loi.
Encore une fois, ce projet de loi, qui est beaucoup plus une affaire
sociale, n'est pas traité selon sa valeur, il n'est pas traité au
mérite ou dans l'espèce. On impose à la
créancière, en pratique, l'obligation de s'adresser, encore une
fois, aux officiers de justice, dans un palais de justice, avec toute la
technicité et même l'austérité qui
caractérisent bien souvent l'administration de la justice. Ce n'est
sûrement pas là une approche sociologique du problème. On
va demander, encore une fois, on va laisser seule une créancière
se présenter devant le protonotaire et se débattre dans les
dédales de la justice, devant les lenteurs normales,
à part cela, parce qu'on est dans une procédure
judiciaire, parce que les règles de la preuve doivent être...
Je comprends que, de l'autre côté de la Chambre, souvent,
on fait fi de la règle de l'audi alteram partem, que les deux parties
doivent être entendues avant d'exécuter, mais qu'arrivera-t-il
dans les cas de contestations de saisie? Qui saisira, qui viendra plaider pour
défendre l'opposition, si elle est bien fondée? Encore une fois,
on le voit très bien, on est à l'intérieur du processus
judiciaire le plus pur et le plus procédural possible. Pourquoi ne pas
avoir pensé à un organisme spécial ou même à
la suggestion de coller cette réalité au bureau d'aide sociale?
Me semble-t-il, ces bureaux collent de beaucoup plus près à la
réalité sociologique d'une femme seule qui souhaite se
prévaloir des nécessités de la vie que lui donne une
pension alimentaire évaluée par le tribunal. Elle se retrouvera,
encore une fois, seule devant l'appareil judiciaire pour essayer de faire
exécuter un jugement auquel elle a droit.
C'est là, Mme la Présidente, encore une fois, une affaire
beaucoup plus sociale que judiciaire et je terminerai là-dessus
le gouvernement, encore une fois, récidive mais oui, le
terme n'est pas trop fort puisqu'on est en plein processus judiciaire, Mme la
Présidente en négligeant d'opérer une division
essentielle entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif.
Ce projet de loi confie le poids de l'exécution de la tâche
de perception au ministère de la Justice, donc, à
l'exécutif, mais de façon plus précise et c'est la
façon obscure de ce projet de loi au tribunal,
c'est-à-dire au judiciaire. On demande au protonotaire, le premier
officier de la Cour supérieure, un officier de justice qui, dans le
cours normal de ses fonctions, agit comme arbitre, ne doit pas prendre parti
ce serait contre son éthique professionnelle et contre le sens de
la loi celui qui, en termes absolus, prend 75% des actions qui sont
prises devant la Cour supérieure au cours de l'année, on demande
à cet officier de justice d'agir comme agent percepteur du gouvernement.
Mme la Présidente, c'est là un danger, un précédent
qu'il faut rappeler au ministre de la Justice. Il devrait comprendre ce danger.
Au moment où le pouvoir judiciaire est de plus en plus
érodé, de plus en plus contesté, pourquoi faudrait-il
l'affaiblir davantage en confiant au premier officier de la Cour
supérieure la tâche de percevoir et d'agir comme agent percepteur
du gouvernement? Encore une fois, au niveau du dépôt volontaire,
Mme la Présidente, le protonotaire ou le greffier de la Cour provinciale
n'a pas ce rôle actif. Il rend le droit, il dit le droit, il émet
des brefs d'exécution, mais, à partir de là, c'est le
travail d'autres, de la police, le travail du huissier, le travail du
shérif. Dans les ventes où il doit administrer les sommes
d'argent, par exemple, dans les ventes immobilières ou dans les ventes
mobilières où le shérif ou le huissier agit, encore une
fois, le protonotaire ne fait qu'administrer ces biens, cet argent. Il ne fait
que les administrer. Il ne prend jamais parti. C'est une tradition dans nos
institu- tions démocratiques de ne pas demander à l'officier de
justice, à l'officier de droit ou au juge de prendre parti à
l'intérieur pour l'une ou l'autre partie. C'est ce que demande, à
l'heure actuelle, sans s'en rendre compte le projet de loi. J'y reviens. La
bonne foi m'apparaît assez évidente à sa face même
dans ce projet de loi, mais il y a tellement de lacunes vers le fond que cela
nous rend un peu sceptiques quant à la façon de penser de ce
gouvernement.
Encore une fois, aux petites créances où on demande au
greffier de la Cour provinciale, à un officier de justice d'agir comme
saisissant, j'en mentionnais un mot tout à l'heure, les résultats
ne sont vraiment pas conciliables avec ce qu'on essaie de faire à
l'heure actuelle, alors que plus de 60% de ces jugements ne sont justement pas
exécutés.
Il me semble, Mme la Présidente, que le rôle du pouvoir
judiciaire, de l'officier de justice comme du juge, c'est de constater, de dire
le droit et non pas d'agir comme un agent du pouvoir exécutif. Qu'on
s'adresse au tribunal pour exécuter un jugement, fort bien, mais qu'on
ne demande pas à l'officier de justice ou au tribunal de prendre parti
dans l'exécution du jugement ou même de jouer un rôle actif
dans la recherche du débiteur. C'est demander au protonotaire, à
l'officier de justice de se départir de son rôle d'arbitre. C'est
là, encore une fois, Mme la Présidente, éroder la fonction
judiciaire. Le rôle fondamental de l'officier de justice est d'être
impartial, juge et non pas juge et partie en même temps dans une
même cause. Cette façon de voir les choses est absolument
incompatible avec l'esprit d'un Etat démocratique.
Pourtant, Mme la Présidente c'est ce que je ne comprends
pas à l'heure actuelle après quatre ans, le programme du
Parti québécois, même dans l'édition de 1980,
à la page 32, nous parle de créer un organisme public de
perception et de distribution. Qu'en est-il de cela? Je voudrais que le
ministre de la Justice nous explique où en est son organisme public de
perception et de distribution. (21 h 10)
Donc, pour ces motifs, Mme la Présidente, à cause de
l'enchevêtrement, de la lourdeur qui sera provoquée, notamment par
le chevauchement entre deux ministères, le ministère des Affaires
sociales et le ministère de la Justice, par le manque de dispositions
véritables susceptibles d'amoindrir la lourdeur et le fardeau qu'a
à assumer la créancière dans l'exécution des
pensions alimentaires, par le fait que ce projet de loi devrait plutôt
s'inscrire dans une mission sociale que dans une mission judiciaire. Ce projet
de loi, insidieusement, Mme la Présidente, confond le pouvoir judiciaire
et le pouvoir exécutif, encore une fois, et confirme l'officier de
justice dans un rôle qui n'est véritablement pas le sien.
Cependant encore une fois, j'y reviens du fait que l'esprit dans
lequel ce projet de loi a été rédigé et le fait de
faire un essai qui, à mon avis, n'apportera pas grand-chose, mais tout
de même de faire un essai en vue d'améliorer un peu la perception
sans véritablement aller au fond des choses, c'est
véritablement, Mme la Présidente moi qui n'ai pas
beaucoup d'expérience m'apparaît-il, un projet de loi de
fin de régime, un genre de testament de "on n'est pas capable de faire
mieux, mais on va essayer de vous faire cela à la dernière minute
et on va essayer de vous lancer cela." Avec l'expérience,
peut-être aurais-je d'autres jugements à ce sujet, mais dans ces
conditions-ci, je serai d'accord sur le principe de ce projet de loi, mais en
réservant...
Des Voix: Ah!
M. Lalande: Sur le principe, sûrement. Mais lors de
l'étude du projet de loi article par article, nous aurons l'occasion de
converser avec le ministre de la Justice, sinon de l'informer de certaines
lacunes dangereuses que comporte ce projet de loi.
La Vice-Présidente: M. le ministre de la Justice
exercera-t-il son droit de réplique? Alors, cette motion de
deuxième lecture...
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais dire seulement quelques mots sur le
projet de loi lui-même. Tout à l'heure, Mme la
députée de Dorion nous est tout à coup arrivée avec
un chiffre de 51% de personnes qui s'acquittent de leur obligation de payer des
pensions alimentaires à leur conjoint et à leurs enfants, dans
d'autres cas. Je trouve assez étonnant que, tout à coup, on nous
sorte du chapeau 51% alors que, d'après les études du
ministère des Affaires sociales, on dit que seulement 37,5% des ruptures
légales font l'objet d'une ordonnance de pension alimentaire. Mais ce
qu'il y a encore de plus incroyable, c'est qu'on estime que 59% des pensions
alimentaires accordées par les tribunaux restent impayés.
Je veux bien croire, Mme la Présidente, que 40% des personnes
s'acquittent de leur obligation quant au paiement des pensions alimentaires,
qu'elles le fassent d'une façon régulière et qu'on n'ait
pas de question à se poser à leur sujet. J'imagine qu'il y a une
proportion de personnes responsables qui s'acquittent de leur obligation d'une
façon responsable. Je pense cependant qu'on ne peut pas déduire
que du fait qu'on retrouve 40% des personnes qui, soi-disant, s'en acquittent,
ceci se fait dans les meilleures conditions possible. Il faut avoir
travaillé un peu dans le domaine pour comprendre toutes les tracasseries
dont sont souvent victimes même les conjoints qui reçoivent des
pensions alimentaires. Tous les prétextes sont bons pour les donner une
semaine, ne pas les donner l'autre semaine, les payer pendant un mois, pendant
deux mois, arrêter de les payer le mois suivant. Pourtant, je pense que
ces personnes tombent dans ces 40%. Au dire de Mme la députée de
Dorion, ce serait même 49% de ces heureuses personnes qui
reçoivent sans problème leurs pensions alimentaires.
C'est dans ce sens-là que les réclamations des femmes ont
été faites, à savoir qu'on établisse un organisme
de perception des pensions alimentaires qui garantisse pour tous la perception
de la pension alimentaire et que, de plus, l'indexation soit automatique.
Je vais revenir au chiffre du ministre d'Etat à la Condition
féminine. Des 51% qui recevraient fidèlement leur pension
alimentaire, combien reçoivent une indexation automatique? Je suis
certaine que, pour un certain nombre, c'est le cas. Le conjoint est
suffisamment responsable. Sa situation économique évolue et lui
permet d'avoir une vue d'ensemble et peut-être d'accorder cette
indexation. Mais on n'a pas de statistiques là-dessus. La seule
certitude que nous ayons, c'est qu'il y a des femmes qui reçoivent des
pensions alimentaires qui n'ont jamais été indexées depuis
plusieurs années. Je pense que tout le monde, ici, autour de la Chambre,
en est fort conscient.
Le ministre de la Justice, ce matin ou cet après-midi, disait:
Comment se fait-il qu'il y a si peu de femmes qui ne reçoivent pas leurs
pensions alimentaires? Il a parlé de facteurs juridiques et
psychologiques. Pourquoi les femmes n'ont-elles pas davantage recours,
même dans l'état de chose actuel, aux tribunaux ou à des
avocats pour faire valoir leurs droits? Les effets juridiques, j'en laisse le
soin à ceux qui, peut-être, sont plus versés dans le
domaine que je ne le suis. Mais, au plan psychologique, Mme la
Présidente, vous savez fort bien que, quand il ne s'agit pas d'une
perception automatique, ceci crée beaucoup d'appréhension et de
résistance chez le conjoint qui veut se prévaloir de son droit
d'intervenir devant un tribunal quelconque ou par les moyens judiciaires pour
faire valoir ses droits. Très souvent, les enfants se trouvent en
quelque sorte l'espèce de tampon entre le père et la mère.
Pour la mère, par exemple, de tenter de faire valoir ses droits, ceci
est vu, par l'enfant, comme une espèce d'injustice envers le
père. On sait fort bien tous les conflits familiaux que ceci
crée. C'est là une raison fondamentale, peut-être, pour que
le régime soit automatique et ne soit pas laissé simplement
à la bonne volonté ou à la possibilité et aux
ressources personnelles des gens de se prévaloir eux-mêmes.
Je pense que le projet de loi qui est devant nous va sans doute
permettre le paiement d'un nombre passablement plus considérable de
pensions alimentaires. Je pense que personne, ici, de ce côté, n'a
contredit ça ou n'a tenté de mettre ceci en doute. Mais dans
quelle mesure corrigera-t-on, pour la majorité, la situation difficile
dans laquelle ils se trouvent présentement? C'est vraiment ça le
point d'interrogation qui reste chez les membres de l'Opposition cela a
peut-être moins d'importance et chez la population en
général. Dans quelle mesure, même avec les
mécanismes que l'on met en place, qui demeurent
des mécanismes non automatiques qui dépendront de
l'initiative de chacun de s'en prévaloir? Le fardeau de la preuve, de la
démarche incombe encore au conjoint qui veut se prévaloir du
service qui sera mis en place. C'est dans ce sens, Mme la Présidente,
que je dis encore une fois au ministre de la Justice: Vous n'êtes pas
allé vraiment jusqu'au bout des principes que vous défendiez, que
ce soit dans votre programme politique, ou que ce soit selon les revendications
des conjoints concernés, et, comme tout le monde l'a dit dans cette
Chambre, particulièrement des femmes.
Il y a un autre point que les organisations féminines ou
quelques-unes d'entre elles ont fait valoir. C'est la question de la
revalorisation des pensions alimentaires qui sont présentement
payées. On sait fort bien qu'un grand nombre n'ont jamais
été revalorisées, même si elles ont obtenu un
jugement de cours, il y a trois, quatre, cinq, six ans et peut-être
même davantage. Elles savent fort bien que si ces personnes avaient
tenté de faire une démarche supplémentaire, en plus de
créer tous les conflits familiaux auxquels je faisais allusion tout
à l'heure, les enfants pensant que le père est injuste envers la
mère ou inversement, ces démarches risqueraient fort, d'abord, de
ne pas atteindre leur objectif. Sans compter les appréhensions qu'ont
ces personnes de perdre le peu qu'elles ont obtenu, la petite pension qu'elles
ont obtenue il y a quatre ou cinq ans, que peut-être elles
reçoivent plus ou moins fidèlement. (21 h 20)
II y a toutes ces choses qui ne sont pas dites, que ne voient
peut-être pas les membres de l'Assemblée nationale, mais que les
gens vivent quotidiennement. C'est, je pense, l'esprit de la demande des
associations, particulièrement des associations féminines, que ce
mécanisme d'abord d'indexation, de revalorisation et de
prélèvement ou de paiement des pensions alimentaires soit
universel et automatique. Il y a une foule d'exemples que l'on pourrait donner
d'abus. Par exemple, il y a des conjoints qui exhortent leur conjoint à
se prévaloir de l'aide sociale. En retour, il ou elle promet de payer un
petit supplément à la condition que tout ceci se passe en
silence.
Est-ce que le ministre de la Justice peut nous garantir que ces
situations vraiment anormales vont être corrigées? Peut-être
en partie. Je le souhaite, mais je pense qu'il sera intéressant de voir
dans quelques mois et peut-être même dans un an, parce que,
apparemment, tout ceci ne sera pas mis en oeuvre avant 1981, peut-être
que dans un an on pourra voir que c'était largement insuffisant comme
correctif à apporter à ce grand problème de la perception
des pensions alimentaires.
Mme la Présidente, si j'insiste sur ce point, c'est simplement
pour rappeler qu'on ne saurait aller trop loin quand on réalise que le
problème de la pauvreté touche particulièrement les femmes
non seulement au Québec, mais au Canada. Les études
récentes qui ont été faites par le Conseil de
développement social canadien indiquent que la majorité des
femmes qui sont divorcées sont pauvres et que dans la majorité
des cas elles ne perçoivent pas leurs pensions alimentaires d'une
façon adéquate. La plupart doivent se replier sur l'aide sociale,
surtout quand on sait que les prestations d'aide sociale les plus basses au
Canada sont celles du Québec. Le gouvernement qui est devant nous crie
pourtant très fort sur tous les toits ses préoccupations
sociales, mais il n'a jamais trouvé l'occasion de corriger ou de relever
les barèmes de l'aide sociale en dépit des recommandations du
Conseil des affaires sociales, en dépit des recommandations du Conseil
du statut de la femme et d'un grand nombre d'autres organismes. Tout ce qu'il a
fait, et il l'a fait avec parcimonie, on se le rappellera, l'an dernier, il a
indexé, tel que le lui ordonnait la loi, les prestations de l'aide
sociale.
Mme la Présidente, au moment où chacun dit qu'il veut
vraiment améliorer la condition des personnes les plus démunies
de notre société, des personnes qui dépendent de la bonne
volonté d'un autre ou d'une autre pour satisfaire à leurs
obligations familiales, ou même pour ne pas vivre elles-mêmes dans
un état de complète pauvreté, je pense qu'on ne peut aller
trop loin. S'il n'est pas trop tard, je fais appel au désir
sincère du ministre de la Justice de tenter de corriger au moins en
incluant dans son projet de loi une indexation automatique des prestations de
l'aide sociale. Qu'il tente au moins de corriger un peu plus que ne le fait le
projet de loi qui est devant nous.
Je voudrais relever un tout dernier point qui est en relation avec ce
projet de loi. Le projet de loi est silencieux là-dessus. Cela est
peut-être normal, nous aurons probablement l'occasion de le voir en
commission parlementaire, mais je voudrais quand même le soulever au
niveau du principe. C'est la question de la fixation des pensions alimentaires,
Mme la Présidente. Je ne vois pas dans le projet de loi...
peut-être ceci viendra-t-il dans les règlements, je l'ignore, j'en
doute toutefois.
A l'heure actuelle, comment sont fixées les pensions
alimentaires? Il me semble que ceci est laissé à la soi-disant
bonne volonté et bonne foi de tout le monde. De plus en plus, au fur et
à mesure qu'on assiste à une augmentation du taux de divorces, de
séparations, etc., il y a des gens qui font appel et qui tentent
d'obtenir des pensions alimentaires. Je pense que ce n'est accuser personne de
quoi que ce soit, mais on sait fort bien qu'il y a beaucoup de facteurs
subjectifs qui interviennent dans cette fixation des pensions alimentaires.
Peut-être que le ministre de la Justice, en réplique,
pourra nous répondre. Pourra-t-il nous dire s'il a l'intention
d'examiner cette question pour établir ce que j'appellerais une
série de critères objectifs selon lesquels les pensions
alimentaires pourraient être fixées? Cela me paraît une
autre dimension de tout le problème dont nous traitons à
l'occasion de la présentation de ce projet de loi.
En terminant, je voudrais ajouter ce dernier élément. Le
projet de loi qui est devant nous touche strictement tout ce problème de
la perception des pensions alimentaires. Peut-être devrait-on songer
aussi à y ajouter un service connexe qui serait celui d'une assistance
quelconque aux familles ou aux individus qui doivent avoir recours à ce
service de pension alimentaire, peut-être à l'occasion d'aide plus
personnelle qui serait accordée à ces bénéficiaires
ou à ces demandeurs; on pourrait peut-être diminuer le nombre de
personnes qui, dans notre société, doivent se prévaloir de
ce type de service et peut-être à plus long terme travailler
davantage pour le mieux-être, non seulement physique, mais aussi
psychologique et moral des familles du Québec. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
Mme Payette: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Mme la ministre d'Etat à la
Condition féminine.
Mme Lise Payette
Mme Payette: II y a longtemps que la question de la perception
des pensions alimentaires préoccupe les groupes de femmes au
Québec. Au cours des dernières années, elles ont
été confrontées avec tout ce qu'il y a de concret dans ce
problème, tout ce qu'il y a de quotidien et c'est bien des femmes qu'il
s'agit.
Elles ont réclamé l'appui de l'Etat dans leurs
démarches, à plusieurs reprises, c'est-à-dire elles ont
essayé de faire reconnaître une fois pour toutes la
priorité de la créance alimentaire et la particularité de
cette obligation par rapport aux autres, et obtenir la mise sur pied d'un
service dispensé par l'Etat qui assurerait la perception des pensions
alimentaires plus facilement, plus efficacement et à moindre coût
pour le créancier, la créancière en l'occurrence, que la
procédure actuelle, qui est d'ailleurs la même pour toutes les
créances.
Le secrétariat à la Condition féminine a
collaboré étroitement avec les ministres de la Justice et des
Affaires sociales à améliorer un projet de loi qui comporte
l'adoption de mécanismes rapides, efficaces et simples pour la
perception des pensions alimentaires. D'autres avant nous ont fait des
tentatives en ce sens. L'Ontario, par exemple, est allé vers un
système dit universel, système qui n'a tellement pas donné
de bons résultats que l'Ontario s'apprête à reculer. La
France également a fait une expérience dite universelle pour
constater l'échec de cette loi et être obligée maintenant
de faire un retour en arrière. Je pense que nous avons agi avec
prudence. Il vaut mieux commencer par une chose que nous savons être en
mesure de contrôler, quitte à l'améliorer par la suite, que
de commencer par l'idéal et de devoir y renoncer un peu plus tard.
Il importait pour les femmes que cessent ces démarches
répétées, coûteuses et souvent inutiles auxquelles
elles étaient acculées trop souvent pour percevoir des sommes
minimes dont elles ont besoin pour leur subsistance à elles et celles de
leurs enfants. Il nous a semblé que c'est à celles-là,
celles qui sont vraiment les plus démunies, celles qui doivent
littéralement courir après des montants presque ridicules qu'il
fallait penser et que, même s'il ne faut pas arrêter aujourd'hui de
se poser des questions sur l'obligation alimentaire et sur ses
modalités, ce qui importe d'abord, c'est de faire en sorte que les
pensions qui ne sont pas payées actuellement le soient. (21 h 30)
Pour parvenir à cette fin, les dispositions du projet de loi no
183 me semblent répondre à presque toutes les revendications des
groupes qui se sont exprimés sur le sujet. On a soulevé à
maintes reprises, et beaucoup de femmes m'en ont parlé, la lourdeur et
la lenteur du processus de mise en branle des mécanismes actuels de
perception, ce qui avait pour effet d'inciter les femmes à attendre
aussi longtemps que possible, à s'adresser à l'aide sociale
plutôt que d'exercer leurs propres recours. Il fallait contacter un
avocat, attendre son rendez-vous pour qu'il fasse faire la saisie; celle-ci
devait d'ailleurs être reprise chaque fois que des montants devenaient
dûs parce que la loi ne permettait pas une continuation de la saisie
jusqu'à complet paiement des arrérages de pension.
On se serait découragé à moins, Mme la
Présidente, d'autant plus que ce processus, on l'imagine,
entraînait des coûts importants pour les créanciers
alimentaires qui ne pouvaient bénéficier de l'aide juridique. Si
on ajoute à cela tout l'odieux que comporte l'obligation de
quémander sans cesse son dû auprès d'un débiteur qui
a toujours de bonnes raisons pour ne pas payer ou pour verser des montants
moindres que ceux prévus au jugement, il ne faut plus se surprendre du
fait que beaucoup de créanciers alimentaires préféraient
laisser tomber et s'adresser à l'Etat pour les aider à subvenir
à leurs besoins.
Que fait le projet de loi no 183 pour améliorer la situation?
D'abord, il met sur pied un mécanisme auquel la créancière
alimentaire, en majorité des femmes, a directement accès sans
aucun intermédiaire. En effet, le protonotaire aura les pouvoirs, sur
simple demande, de mettre en branle les procédures de saisie; plus
d'attente, plus d'intermédiaires. De plus, un simple retard dans le
paiement d'un versement suffira pour permettre au créancier le recours
immédiat; plus d'avis, plus de délai, mais une saisie
immédiate par le protonotaire. Celui-ci aura également tous les
pouvoirs qu'a le créancier et il pourra, à la place de ce
dernier, exercer toutes les mesures utiles pour favoriser la perception:
interrogatoire, recherches et tout ce qu'il faudra d'autres. Ces pouvoirs
s'étendront, sans qu'il soit nécessaire de faire quelque
démarche que ce soit, à tous les biens saisissables du
débiteur, tant meubles qu'immeubles.
A ce chapitre, il faut souligner que le projet de loi rend saisissables
tous les biens et sommes d'argent antérieurement déclarés
insaisissables par une loi québécoise spéciale. Je pense
qu'il est essentiel de dire que sont spécifiquement visées
par cette disposition les pensions des fonctionnaires provinciaux et des
travailleurs du secteur parapublic. Toutes ces améliorations seraient
peut-être inutiles ou au moins atténuées si elles
n'étaient accompagnées de la disparition complète de toute
forme de coût ou de frais pour le créancier alimentaire. Mais la
plus importante de toutes les améliorations apportées à la
procédure actuelle me semble celle qui vise à faire continuer la
saisie tant que la totalité des arrérages n'a pas
été payée et même seulement lorsque le protonotaire
en vient à la conclusion, au bout d'un an à peu près, que
le débiteur alimentaire a laissé des motifs sérieux de
croire qu'il s'acquittera, à l'avenir, de son obligation de façon
normale. Voilà le changement important et tellement attendu. Le
débiteur ne pourra se sauver du mécanisme, à toutes fins
utiles, que lorsque la saisie aura duré environ un an. Cette disposition
me semble également exhorter les débiteurs à des paiements
réguliers. Il est fini le temps où on payait ses arrérages
d'une semaine ou deux alors que les créancières, les femmes, se
retrouvaient après dans la même situation, aux prises avec la
seule solution possible: recommencer!
Il me semble important pour les femmes qu'on souligne également
l'importante modification faite à la Loi de l'aide sociale. On sait en
effet, et on me l'a suffisamment souligné dans les nombreuses rencontres
que j'ai eues avec des groupes de femmes, qu'un grand nombre de
bénéficiaires de l'aide sociale sont justement des femmes chefs
de famille monoparentale qui doivent faire face sans arrêt à ce
problème de perception de la pension alimentaire. Le projet fera en
sorte que celles-ci n'aient plus à multiplier leurs démarches
pour recevoir ce à quoi elles ont droit puisque le ministre des Affaires
sociales se chargera automatiquement de percevoir lui-même la
totalité de la pension impayée, à moins, bien entendu, que
la créancière ne préfère exercer elle-même
son recours et s'adresser elle-même au protonotaire.
Avec ce dernier amendement, il me semble que le projet comporte les
dispositions qui devraient en faire un service efficace, simple, rapide et
gratuit, dans la perspective du projet de loi no 89, le projet de loi qui
amende le Code civil, le chapitre II du Code civil, où la pension
alimentaire au conjoint est perçue comme une mesure transitoire
c'est le député de Saint-Laurent qui y faisait allusion cet
après-midi, en nous accusant d'incohérence. Il n'y a pas
là d'incohérence. Dans le projet de loi no 89, la pension
alimentaire au conjoint est perçue comme une mesure transitoire pour
permettre au créancier de se rendre autonome le plus rapidement
possible. Il m'apparaît d'autant plus important que les pensions qui sont
et qui seront octroyées par jugement soient versées de
façon assidue. Ce sera le rôle du nouveau service de perception;
il faudra évidemment faire par la suite les évaluations qui
s'imposent pour s'assurer qu'il le remplit vraiment. Mais j'ai pour ma part la
certitude que le projet de loi no 183 tel que devant cette Chambre sera un
outil de justice pour les femmes et surtout les plus démunies de notre
société, ainsi que pour leurs enfants. C'est pourquoi j'ai
hâte qu'on puisse dire que cette loi est adoptée.
La Vice-Présidente: Cette motion... exercerez-vous votre
droit de réplique, M. le ministre de la Justice?
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: Je veux simplement ajouter quelque chose, Mme
la Présidente, avec votre permission, pour constater avec plaisir que
l'Opposition officielle est d'accord avec la question de principe qui est
à la base du projet de loi. J'ai pris bonne note des remarques et des
suggestions d'amélioration possible; nous aurons amplement l'occasion,
je pense, lors de l'étude du projet de loi article par article d'en
discuter et de voir les décisions les plus adéquates que nous
aurons à prendre à ce moment-là.
La Vice-Présidente: Cette motion de deuxième
lecture du projet de loi no 183, Loi pour favoriser la perception des pensions
alimentaires, sera-t-elle adoptée?
Des Voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
M. Bédard: Mme la Présidente, je fais motion pour
que ce soit déféré à la... c'est-à-dire que
nous voulons un vote enregistré sur ce projet de loi, quitte à le
prendre demain matin. Nous demandons la déférence du projet de
loi en commission parlementaire pour étude article par article. Ce vote
enregistré, Mme la Présidente, nous le demandons.
M. Forget: Mme la Présidente, question de
règlement. Vous avez demandé si la motion a été
adoptée; il y a eu consentement pour qu'elle soit adoptée. Je
pense qu'on ne peut pas revenir là-dessus.
M. Bédard: Mme la Présidente, s'il fallait employer
cette méthode, je pense qu'il y aurait de longues discussions à
chaque occasion. Nous demandons un vote enregistré; nous sommes
prêts à ce que ce vote soit pris demain...
M. Forget: Mme la Présidente, je regrette mais...
M. Bédard: ... et nous demanderons de
déférer le projet de loi en commission parlementaire.
M. Forget: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: A l'ordre!
M. Forget: M. le ministre soulève une question qui a
déjà été tranchée par l'Assemblée
nationale; il n'y a plus lieu de demander un vote enregistré.
M. Lamontagne: Vous le demanderez en troisième
lecture.
M. Forget: D'ailleurs, on pourrait consulter le
procès-verbal. On a demandé, de votre chaise, si c'était
adopté; ç'a été adopté, la motion n'a donc
plus besoin d'être votée.
M. Fontaine: Mme la Présidente, si le ministre de la
Justice demande un vote enregistré, cela veut dire qu'on reporte le tout
à demain et le ministre aura sans doute besoin de notre consentement
pour faire adopter son projet de loi parce qu'on va arriver à la fin de
la session et il ne sera pas adopté.
M. Bédard: Vous prendrez vos responsabilités.
La Vice-Présidente: M. le ministre, je pense que vous ne
vous êtes pas levé suffisamment rapidement. On m'avait
déjà dit et j'avais compris que le projet de loi
était adopté; je l'avais d'ailleurs dit avant que vous ne
souleviez la question. Vous auriez pu me demander un vote enregistré,
vous aviez suffisamment de temps. Je pense que votre réplique avait
été trop courte, vous n'avez pas eu le temps de vous asseoir.
M. Bédard: Mme la Présidente, je n'en ferai quand
même pas un débat. Je...
La Vice-Présidente: Alors, cette motion est quand
même adoptée.
M. Bédard: ... respecte la décision de la
présidence. Je regrette également que les Oppositions ne
désirent pas s'exprimer dans un vote enregistré, je le
déplore.
La Vice-Présidente: Alors, la motion est
adoptée.
M. Bédard: Elles trouvent le moyen de critiquer deux
heures mais elles ne sont pas capables de faire un vote enregistré.
La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire du
gouvernement. Ah! nous avions une motion à l'effet de
déférer cette...
M. Duhaime: Avant la motion de déférence, Mme la
Présidente...
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Duhaime: ... j'étais présent à
l'Assemblée nationale tout à l'heure et je voudrais revenir sur
la question de règlement que vient d'évoquer le
député de l'Opposition et vous dire honnêtement qu'il est
dans l'habitude de nos travaux parlementaires, des deux côtés de
l'Assemblée nationale, après un débat de fond de
deuxième lecture sur un projet de loi aussi important et... comme vient
de le suggérer le député de Nicolet-Yamaska, chaque
député en cette Chambre pourra prendre ses
responsabilités, mais je pense que mon collègue de la Justice, un
peu comme moi d'ailleurs, ne pourrait être accusé d'être
parmi les plus familiers avec les débats de procédure... (21 h
40)
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente!
M. Duhaime: ... et je vous demanderais, Mme la
Présidente...
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du
gouvernement...
M. Duhaime: Oui.
La Vice-Présidente:... nous avons déjà
disposé de la question.
M. Duhaime: Je vais essayer d'être bien clair.
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente!
M. Duhaime: J'ai moi-même soulevé une question de
règlement, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: La question était
déjà réglée.
M. Duhaime: Non, non.
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente.
M. Bédard: II soulève une question de
règlement.
M. Gratton: J'en soulève une autre, Mme la
Présidente.
M. Duhaime: J'ai moi-même soulevé une question de
règlement, Mme la Présidente et ce que je vous demande...
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente.
M. Chevrette: II a déjà soulevé une question
de règlement.
La Vice-Présidente: A moins que je ne m'abuse, M. le
leader du gouvernement...
M. Lamontagne: Adjoint, leader adjoint. M. Chevrette: Tam-tam,
tais-toi!
La Vice-Présidente: ... vous intervenez sur une
question... A moins que votre question de
règlement ne s'applique à quelque chose d'autre que la
question dont nous venons de disposer, je vous demanderais de passer à
la motion de déférence à la commission parlementaire, M.
le leader adjoint.
M. Duhaime: Mme la Présidente, je vous rappellerais tout
simplement que vous ne vous abusez pas, effectivement. Je suis exactement sur
la question de règlement qui vient d'être soulevée pour
vous dire tout simplement...
Une Voix: ...
M. Duhaime: Me permettez-vous de terminer mon intervention? Je
voudrais dire tout simplement, Mme la Présidente, qu'on ne devrait pas
profiter en cette Chambre d'une espèce de temps de suspense
quelconque...
Une Voix:... Michèle Tisseyre! M. Duhaime: ... et je
voudrais...
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente! Question de règlement, Mme la Présidente!
Question de règlement!
M. Duhaime: Mme la Présidente, si vous me permettez de
terminer, je voudrais demander le consentement...
Une Voix: Vous...
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint, je vous
demandais de faire votre motion de déférence, mais j'ai une
question de règlement de la part de M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Mme la Présidente, j'aimerais indiquer au
leader adjoint qu'il est en train d'invoquer une question de règlement
que vous avez déjà tranchée. Vous avez déjà
décidé que la deuxième lecture est terminée.
D'ailleurs, le secrétaire adjoint de l'Assemblée nationale
était debout et a dit: "Deuxième lecture de ce projet de loi,
second reading...
La Vice-Présidente: M. le député de
Gatineau, s'il vous plaît!
M. Gratton: Mon Dieu, que vous êtes rapide!
La Vice-Présidente: Oui, un peu plus rapide que M. le
ministre de la Justice, M. le député de Gatineau. M. le
député de Gatineau, je me devrai de vous faire remarquer que je
rappelais au leader adjoint du gouvernement que nous avions déjà
disposé de la question. Vous soulevez la même question de
règlement, à mon avis, M. le député. De toute
façon, j'avais déjà demandé à M. le leader
parlementaire adjoint du gouvernement de proposer sa motion.
M. Duhaime: Avant de vous faire...
La Vice-Présidente: Votre motion de
déférence à la commission, M. le leader adjoint.
M. Duhaime: Oui, oui. Si vous me permettez, Mme la
Présidente, avant de formuler...
Une Voix: ...
M. Duhaime: Non, non.
Une Voix: Mon doux!
M. Duhaime: Avant de formuler la motion de
déférence à la commission permanente de la justice, Mme la
Présidente, je voudrais simplement solliciter de l'Assemblée
nationale un consentement qui va être accordé j'en suis
convaincu pour que nous puissions enregistrer nos voix sur la
deuxième lecture du projet de loi no 183.
Des Voix: Non, non!
M. Duhaime: Vous ne voulez pas?
M. Chevrette: ...
Une Voix: No, thank you.
M. Duhaime: Non, merci?
M. Chevrette: La vraie voix de Michèle Tisseyre!
M. Duhaime: Continuez comme cela et vous allez rester assis
exactement là où vous êtes pendant de longues
années. C'est ce qu'on vous souhaite.
Renvoi à la commission de la justice
Mme la Présidente, je ferais motion pour que le projet de loi no
183 soit déféré à la commission permanente de la
justice.
La Vice-Présidente: Cette motion sera-t-elle
adoptée?
Une Voix: Vous voulez un vote enregistré? Vous en aurez
un!
La Vice-Présidente: Cette motion sera-t-elle
adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
Une Voix: ... enregistré à la troisième
lecture. La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Duhaime: Mme la Présidente, je voudrais vous demander
d'appeler l'article 7) de notre feuilleton.
M. Lamontagne: ... un congé pour...
La Vice-Présidente: M. le député de
Roberval, s'il vous plaît, vous aussi! S'il vous plaît!
Projet de loi no 96
Deuxième
lecture
M. le ministre de la Justice propose que soit maintenant lu la
deuxième fois le projet de loi no 96, Loi modifiant diverses
dispositions législatives.
M. Bédard: Mme la Présidente, concernant ce projet
de loi qui a pour but d'apporter des modifications d'ordre purement technique
à des lois déjà existantes, je crois qu'il y a une entente
ou un consentement de la part de mes collègues de l'Opposition, à
savoir que la deuxième lecture soit adoptée et que le tout soit
déféré à la commission parlementaire pour
l'étude article par article du projet de loi.
C'est le propre même d'un projet de loi omnibus, puisque ce sont
seulement des amendements techniques.
La Vice-Présidente: Cette motion de deuxième
lecture du projet de loi...
M. Fontaine: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je pense qu'en vertu de l'article 118 de notre
règlement le leader du gouvernement devrait faire une motion pour
l'application de cet article et déférer le projet de loi en
commission parlementaire.
La Vice-Présidente: Et sans débat. Deuxième
lecture, M. le député?
Une Voix: II faut que tu l'adoptes.
M. Duhaime: II faut adopter la deuxième lecture avant.
Une Voix: Vote enregistré. Non? Une Voix:
Adopté.
La Vice-Présidente: Cette motion de deuxième
lecture du projet de loi no 96 est-elle adoptée?
Des Voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
La Vice-Présidente: Commission de la justice.
Renvoi à la commission de la justice
M. Duhaime: Je fais motion, Mme la Présidente, pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission
permanente de la réforme électorale.
Une Voix: La justice.
M. Duhaime: Je m'excuse, Mme la Présidente. On m'avait
indiqué que c'était la réforme électorale. Devant
la commission permanente de la justice.
La Vice-Présidente: Cette motion est-elle
adoptée?
Des Voix: Adopté.
La Vice-Présidente: II s'agit de l'autre projet de
loi.
M. Duhaime: Je vous demanderais d'appeler l'article 9), Mme la
Présidente.
Projet de loi no 111
Deuxième
lecture
La Vice-Présidente: Celui-ci est un projet de loi
émanant de M. le ministre d'Etat à la Réforme
électorale. Il s'agit de la deuxième lecture du projet de loi no
111, Loi modifiant diverses dispositions électorales. Cette motion
sera-t-elle adoptée?
M. Bédard: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le ministre, votre
intervention.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: ... avec votre permission, seulement quelques
remarques puisque ce projet de loi contient seulement trois articles qui ont
quand même leur importance. Entre autres, le premier article de ce projet
de loi a pour effet de modifier l'article 7 de la Loi électorale qui
établit qu'un électeur, pour avoir le droit de voter, doit
être inscrit sur la liste électorale du bureau de vote de la
section de vote où est situé son domicile le jour où se
termine la révision des listes. Etant donné qu'il peut être
difficile de vérifier le lieu du domicile d'un électeur le jour
où se termine la révision de la liste, la modification
proposée prévoit de reporter au jour de l'émission du
décret le moment fixé pour inscrire l'électeur sur la
liste électorale. Je pense que cette disposition sera de nature à
favoriser encore de plus en plus l'expression du vote lors d'élections
générales.
Concernant l'article 2, on sait que la Loi sur la représentation
électorale prévoit la tenue d'un recensement pour
l'établissement de nouvelles listes électorales pour les
circonscriptions électorales qui ont été établies
par la Commission de la représentation. Cette loi a également
prévu l'annulation de ce recensement si des élections partielles
étaient décrétées dans la circonscription
électorale. Alors, en conséquence, et également afin de
remédier à un problème semblable en vertu des
articles 93 et 126 de la Loi sur les listes électorales, la
modification que nous proposons donne la possibilité au directeur
général des élections de tenir un recensement
aussitôt qu'il sera possible de le faire après qu'une
élection partielle aurait pu avoir lieu.
L'article 3 propose de tenir toute élection partielle d'ici la
dissolution de la présente Législature en se servant des listes
électorales du 20 mai dernier. Cet article permettra de faire de telles
élections sans être obligé de faire un nouveau recensement
dans les circonscriptions électorales qui sont concernées. (21 h
50)
II me semble qu'à partir du moment où des élections
partielles sont déclenchées, il y a lieu de faciliter le travail
du directeur général des élections et je dirais même
d'accepter cet amendement qui permettra au directeur général des
élections de se servir du dernier recensement, celui qui a
été fait lors du référendum, comme base aux fins
des élections partielles. Alors, ce sont les trois modifications que
nous proposons, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Gatineau. M. Michel Gratton
M. Gratton: Mme la Présidente, il serait peut-être
utile de rappeler très brièvement que ce projet de loi no 111 qui
vient modifier notre loi électorale modifie, en fait, une loi
électorale qui n'est pas encore en vigueur. On se rappellera qu'en
décembre 1979, l'Assemblée nationale adoptait unanimement le
projet de loi no 9, qui constituait un nouveau code électoral pour le
Québec. Ce nouveau code électoral s'inspirait
généralement du désir des législateurs de
l'Assemblée nationale de faciliter, autant que possible, l'accession et
l'exercice du droit de vote à l'ensemble des citoyens
québécois.
Mme la Présidente, étant donné que nous devions
tenir un référendum le 20 mai dernier, étant donné
également que certaines élections partielles étaient
déjà prévues au moment de l'adoption de ce projet de loi
no 9, le gouvernement, à juste titre, à notre avis, a cru bon de
ne pas promulguer l'entrée en vigueur de la nouvelle loi
électorale avant la tenue de la prochaine élection
générale, sauf pour quelques articles que, de consentement avec
l'Opposition, le gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale
pour qu'ils s'appliquent au moment du référendum. M. le
Président, ce référendum aura servi, en quelque sorte,
à roder certains des articles de ce nouveau projet de loi ou de ce
nouveau code électoral. Il en est ainsi, par exemple, de la façon
de marquer le bulletin, qui, de l'avis de tous, devait éliminer le trop
grand nombre de bulletins rejetés à chaque élection,
bulletins qui étaient rejetés parce que la façon de
marquer le bulletin pouvait prêter à interprétation ou
à conclure à la possibilité de violer le secret du
vote.
M. le Président, il est assez intéressant de constater que
le nombre de bulletins rejetés au référendum du 20 mai
dernier a été à peu près le même qu'à
l'élection de 1976, alors que cette facilité n'existait pas. On
peut donc conclure une de deux choses: soit que les améliorations
contenues dans le projet de loi no 9 n'ont pas atteint l'objectif visé,
ou soit que le zèle de certains officiers d'élection, au moment
du référendum, ont fait qu'on a fait la contrepartie des
améliorations, en étant un peu trop sévère quant
à l'interprétation des directives émanant du bureau du
directeur général des élections. Quoiqu'il en soit, nous
sommes toujours, au moment où nous nous parlons, dans une espèce
de limbes, puisque le ministre d'Etat à la Réforme
électorale ne nous a pas encore indiqué à quel moment
entrera en vigueur ce nouveau code électoral. Il nous a bien dit, autant
ici, à l'Assemblée nationale, qu'en commission parlementaire, que
les élections générales de l'automne ou du printemps
prochain seront tenues à partir de la nouvelle loi électorale.
Mais, ni le ministre d'Etat à la Réforme électorale, ni le
leader du gouvernement, ni le premier ministre n'ont réussi encore
à nous dire à quel moment le gouvernement promulguera
l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi et pour quel moment elle
entrera en vigueur.
M. le Président, l'on constate que l'article 314 de ce nouveau
code électoral dit ce qui suit: "La présente loi entrera en
vigueur à la date qui sera fixée par proclamation du
gouvernement, à l'exception des dispositions exclues par cette
proclamation, lesquelles entreront en vigueur en tout ou en partie à
toute date ultérieure qui pourra être fixée par
proclamation du gouvernement".
On se rend compte à la lecture de cet article, M. le
Président, que le gouvernement peut promulguer ce qu'il veut, au moment
où il le veut bien. C'est pourquoi j'insiste encore une nième
fois auprès du ministre d'Etat à la Réforme
électorale pour qu'il saisisse l'occasion que nous fournit
l'étude en deuxième lecture de ce projet de loi no 111 pour nous
donner les meilleures indications possible sur la date de proclamation et aussi
la date d'entrée en vigueur de cette nouvelle Loi électorale de
façon que les partis politiques, bien entendu, et surtout les citoyens
sachent tout de suite à partir de quels articles de quelle loi les
élections autant partielles dans quatre comtés privés de
députés présentement que la prochaine élection
générale seront tenues.
Quant à nous, M. le Président, le projet de loi no 111 est
tout à fait acceptable dans ce qu'il contient car, comme l'a
indiqué le ministre d'Etat, il s'agit d'amendements tout à fait
techniques qui ne viendront changer rien au fond, c'est-à-dire à
la substance de la nouvelle Loi électorale. Ce qui nous inquiète,
M. le Président, c'est bien plus ce que l'on ne retrouve pas dans le
projet de loi no 111. Nous aurions voulu, par exemple, que l'on facilite
l'accession des électeurs à la liste électorale. On sait
que toute personne qui a la qualité d'électeur ne peut exercer
son droit de vote à moins d'être inscrite sur une liste
électorale. Or, la campagne référendaire qui s'est
terminée le mois dernier nous a permis de constater que des centaines de
personnes, sinon des milliers, qui ont
demandé, soit d'être inscrites sur des listes
électorales durant la période de révision, soit de radier
d'autres personnes d'une liste électorale quelconque, n'ont pas eu gain
de cause.
J'en prends à témoin une lettre qui a paru dans le journal
La Presse du 10 juin qui est signée d'une Mme Marie-Marthe
Prévost, de Hull, qui dit essentiellement: "J'entends exprimer ici ma
vive indignation suite à l'expérience quelque peu pénible
que j'ai vécue le jour du référendum. Malgré mon
obstination à me prévaloir de ces droits supposément
essentiels au bon fonctionnement de notre démocratie, je n'ai pu voter
et voici pourquoi". Elle nous explique qu'elle a quitté un comté
pour aller s'inscrire dans une autre circonscription électorale, celle
de Hull, qu'elle a selon les dispositions de la loi fait une demande en
inscription durant la période d'ouverture du bureau de
dépôt, qu'elle a reçu le reçu officiel du bureau de
dépôt à savoir qu'elle avait fait sa demande d'inscription,
et le jour du scrutin elle s'est présentée au bureau de votation
de sa section de vote pour se faire dire que son nom n'était pas inscrit
sur la liste. M. le Président, c'est ce à quoi nous tenterons de
remédier par un amendement que nous proposerons à la commission
parlementaire qui étudiera ce projet de loi no 111 article par
article.
Nous proposerons que toute personne qui fait une demande d'inscription
ou qui fait l'objet d'une demande de radiation au moment de la révision
soit avisée par écrit par les officiers d'élection,
concernés de la demande soit d'inscription ou de radiation et qu'elle
ait à sa disposition une période de 48 heures au cours de
laquelle elle pourra aller se faire entendre devant la commission de
révision. Il est tout à fait inacceptable, M. le
Président, qu'une personne qui a la qualité d'électeur,
qui a le droit de vote, qui prend la peine, conformément aux
dispositions de la loi, d'aller faire une demande en inscription se retrouve,
pour des raisons inexplicables, privée de pouvoir exercer son droit de
vote pour des raisons qu'on peut difficilement s'expliquer, mais que, dans
certains cas, on peut deviner. (22 heures)
On voudrait également, en commission parlementaire, faire
certaines autres suggestions. Par exemple, on a encore un trop grand nombre de
bulletins qui sont rejetés à cause de la façon dont la
croix ou la marque indiquant le vote est faite, si on dépasse, par
exemple, le cercle prévu pour voter.
Le directeur général des élections en commission
parlementaire, la semaine dernière, a admis qu'il sera nécessaire
d'émettre des directives très claires aux directeurs de scrutin
locaux afin que ceux-ci avisent les scrutateurs responsables de chaque section
de vote de la nécessité de ne jamais exclure, de ne jamais
rejeter un bulletin de vote parce qu'il y a un léger dépassement.
D'ailleurs, je pense que le député de Laval fera lui-même
une motion d'amendement demain en commission parlementaire de façon
à ne laisser aucun doute sur ces dispositions, de façon à
s'assurer qu'il n'y ait plus possibilité de rejeter un bulletin de vote
pour un simple dépassement.
Quant aux constables qui, de par la loi, sont prévus pour chaque
bureau... il est prévu, dans chaque endroit où il y a un certain
nombre de bureaux de scrutin, que le parti au pouvoir peut désigner un
constable. Nous avons eu là aussi une expérience, au cours de la
campagne référendaire, qui nous a convaincus de la
nécessité d'améliorer notre projet de loi no 9. Trop
souvent, et c'était le cas à l'école où j'ai
moi-même voté, le constable prenait sur lui-même de faire en
sorte que les gens ne puissent s'aligner à la table du bureau de scrutin
où ils devaient voter. On les faisait plutôt languir dans les
corridors qui menaient à un gymnase où étaient
situés une dizaine de bureaux de scrutin. Cela avait pour effet que,
lorsqu'un électeur venait voter, il se retrouvait en ligne
derrière une centaine de personnes. Il devait au préalable
s'enquérir du numéro de son bureau de scrutin et le charivari qui
en résultait faisait que plusieurs personnes quittaient les lieux, se
disant: On reviendra plus tard alors qu'il y aura moins de monde, alors qu'en
définitive il y avait peut-être seulement deux ou trois personnes
qui devaient voter au même bureau de scrutin. Mais parce qu'on a
laissé tout le monde s'entasser dans les corridors, il en est
résulté une situation qui m'a fait dire que, quant à moi,
trop d'officiers d'élection partent de la prémisse que le droit
de vote est un privilège qu'on accorde à l'électeur.
Je dois dire que c'est malheureusement un peu typique de ce gouvernement
de considérer que l'on doit contrôler la façon dont les
électeurs exercent leur droit de vote. On parle continuellement de
télégraphes, de la nécessité de faire en sorte que
les gens qui n'ont pas le droit de vote ne puissent pas voter, alors
qu'à notre avis c'est du contraire qu'il faudrait parler. Il faudrait
parler de la nécessité de faire en sorte que toute personne qui a
le droit de vote ne soit pas brimée, ne soit pas privée de
pouvoir l'exercer. C'est un peu ce qui s'est produit trop souvent au cours du
référendum. C'est d'ailleurs cette même philosophie qui
fait qu'on voit un si grand nombre de bulletins rejetés depuis quelques
années, en tout cas aux élections partielles qu'on a connues
depuis 1976 et au référendum. Des bulletins sont rejetés
souvent je le dis en connaissance de cause
délibérément par un scrutateur, par exemple, qui va
trouver le moyen de faire une marque sur le bulletin pour ensuite le rejeter le
soir au moment du recomptage sous prétexte qu'on pourrait identifier ou
violer le secret du vote.
Par exemple, des scrutateurs, sachant que la loi prévoit qu'on ne
peut voter avec autre chose qu'un crayon à mine, vont remettre à
l'électeur un crayon à l'encre, sachant fort bien que le soir
même ils pourront rejeter ce bulletin.
On peut se demander pourquoi un officier d'élection
procède ainsi? C'est assez facile. Certains officiers d'élection,
connaissant les allégeances politiques ou les intentions de vote des
personnes qui se présentent, en profitent pour utiliser ce
stratagème et pour invalider leur vote. Encore là, on proposera
en commission parlementaire, demain, qu'il soit possible de voter aussi bien
avec un crayon à bille qu'avec un crayon à
mine. L'argument qui avait prévalu à la commission
parlementaire voulant qu'on pourrait utiliser des crayons à l'encre de
toutes les couleurs, à notre avis, ne justifie pas que l'on prive de
leur droit de vote des centaines sinon des milliers de citoyens
québécois.
Les amendements que nous proposerons en commission parlementaire demain,
je suppose, seront tous dans le but de faciliter l'exercice du droit de vote
des électeurs québécois. Il n'est pas dans notre intention
de faire quelque amendement que ce soit qui viendrait permettre à
quiconque n'a pas le droit de vote de l'exercer. Mais je me dois de faire
remarquer à cette Assemblée que lors d'élections
fédérales, la plus grande latitude possible existe, on peut
même voter à une élection fédérale sans
être inscrit sur la liste, moyennant certaines dispositions. On peut
voter par procuration aux élections fédérales, alors
qu'ici, lors d'élections provinciales du Québec, cela devient
presque un privilège pour un citoyen de pouvoir voter.
Quant à nous, ce n'est pas la façon d'envisager la
réforme de notre droit électoral et nous profiterons de cette
occasion que nous fournit l'étude du projet de loi no 111 pour faire des
propositions d'amendement en conséquence à la commission
parlementaire.
M. Serge Fontaine
Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Pour ceux qui
doutaient encore que l'élection puisse venir cet automne, je pense
qu'ils seront rassurés immédiatement étant donné
que nous savons que le recensement électoral, cette année, a
été quelque peu devancé et aura lieu les 3, 4 et 5
septembre, et qu'il doit se terminer pour le 4 octobre 1980. Ce fait nous donne
une bonne indication que le gouvernement a bien l'intention d'appeler le vote
général dès cet automne. Le projet de loi no 111, que nous
sommes en train d'étudier présentement, nous donne une autre
indication que le gouvernement se prépare à la période
électorale, dès cet automne.
Je voudrais également souscrire aux arguments du
député de Gatineau, surtout en ce qui concerne le vote des
personnes qui ne sont pas inscrites sur la liste électorale. Nous avons
eu différentes expériences au cours de la campagne
référendaire qui nous ont permis de constater que beaucoup de
citoyens du Québec, qui avaient la qualité d'électeurs,
n'ont pu exercer leur droit de vote, parce qu'ils n'étaient pas inscrits
sur la liste électorale. Parce que la révision a
été tellement mal faite, des personnes en quantité
innombrable ont été ignorées. J'ai vu, par exemple, dans
une paroisse de mon comté, une rue au complet qui avait
été omise de la liste électorale. Or, ces gens n'ont pas
pu voter lors du référendum. C'est quand même important. Si
on applique un principe voulant faciliter le plus possible, à tous les
citoyens du Québec, leur droit de vote ce n'est pas un
privilège, c'est un droit qu'on amende la Loi électorale
pour que des oublis du genre puissent être corrigés afin que tout
le monde qui a la qualité d'électeur le jour de l'élection
puisse, par un procédé ou par un autre, exercer son droit de
vote.
On sait que dans les campagnes, par exemple, dans les milieux ruraux,
les gens sont connus, les gens demeurent au même endroit depuis nombre
d'années; ils se présentent au bureau de votation et ils
s'aperçoivent que leur nom n'est pas sur la liste électorale et
qu'ils ne peuvent pas exercer leur droit de vote. Ce n'est pas agréable
pour un citoyen de se voir refuser un tel droit. A cet égard, je pense
qu'on devra apporter des amendements. (22 h 10)
J'aimerais également attirer l'attention du ministre sur
l'amendement qu'il propose à l'article 7 de la loi de 1979. En passant,
je vous ferai remarquer qu'on amende la Loi électorale de 1979 alors que
la loi 9 qu'on a adoptée à l'Assemblée nationale n'est
même pas encore proclamée. Je pense que c'est un peu ridicule de
voir la façon avec laquelle le ministre dirige son dossier dans cette
affaire. La Loi électorale a été adoptée à
l'unanimité, si je ne me trompe la loi 9 et il aurait
été intéressant de voir ces articles mis en vigueur bien
avant aujourd'hui. Encore aujourd'hui, on ne sait même pas si le ministre
va les faire proclamer par le Conseil des ministres; on ne sait pas non plus
dans quel délai il va le faire.
Je vous ferai remarquer qu'à l'article 7 qu'on veut amender, on
nous dit qu'une personne doit posséder la qualité
d'électeur le jour du scrutin et être inscrite sur la liste
électorale de la section de vote où elle a son domicile le jour
de l'émission du décret. C'est donc dire, à moins que je
ne me trompe, qu'une personne qui ne serait pas inscrite sur une liste
électorale le jour de l'émission du décret ne pourrait
plus se faire inscrire sur la liste électorale et perdrait son droit de
vote. Ce qui veut dire que la période de révision qu'on retrouve
normalement après l'émission du décret n'aurait aucun
effet. Je ne sais pas si j'interprète mal l'article en question, je
pense que le ministre pourra nous éclairer là-dessus et nous
expliquer quelle gymnastique intellectuelle il fait pour réussir
à expliquer cet article.
J'aimerais également que le ministre nous dise pourquoi l'article
1 en question, qui modifie l'article 7, n'entrera en vigueur que sur
proclamation alors que les deux autres articles entrent en vigueur le jour de
la sanction du projet de loi.
Ce sont les quelques remarques que j'avais à faire concernant le
projet de loi no 111. Bien sûr, lors de l'étude article par
article en commission parlementaire, j'aurai l'occasion, avec mes autres
collègues de l'Union Nationale, de proposer divers amendements à
ce projet de loi, qui nous permettront de bonifier la Loi électorale que
nous avons adoptée à l'unanimité à
l'Assemblée nationale.
Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le
député de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: M. le Président, je veux ajouter quelques
remarques à propos du principe de ce "bill" qui est d'amender la Loi
électorale. Comme le député de Gatineau l'a dit, les
amendements qu'on a ici règlent en plus un peu la situation
électorale qu'on a connue durant la période
référendaire.
Franchement, je ne suis pas un amateur quand il s'agit de parler
d'élections. Cela fait six élections que je fais, durant des
périodes vivantes et durant des périodes tranquilles. J'ai fait
ma première élection et la deuxième avec la machine
"duplessiste", si on peut dire. C'était le temps des
réfrigérateurs à ce moment-là, maintenant c'est le
temps des tables de billard. Cela n'a pas tellement changé. Mais je vais
vous dire franchement, ce qui s'est passé dans mon comté la
journée et la période précédant la journée
du scrutin, du référendum. Je n'ai pas vu cela depuis cette
période de Duplessis. C'étaient des tactiques électorales
pour empêcher les gens de voter librement. C'était
écoeurant! C'est le seul mot que je peux utiliser.
Je donne des exemples. C'est une des raisons pour lesquelles le
député de Gatineau suggérait cet amendement. Dans mon
comté, environ 1400 personnes ont été privées de
leur droit de vote par des tactiques électorales, politiques,
partisanes. J'ai vu environ 6500 personnes aller au bureau de
dépôt pour se faire inscrire sur la liste. C'est-à-dire que
la liste électorale n'était pas la meilleure, pour commencer.
C'est un comté très difficile parce qu'il y a beaucoup de gens en
transit, des maisons d'appartements, des maisons de chambres, ainsi de suite.
Cela explique pourquoi il y a 6500 personnes qui ont dû se faire inscrire
sur la liste, qui ont changé d'adresse, des raisons semblables.
On a trou vé sur la Iiste électorale seulement 5035 de ces
personnes. Il y a environ 1400 à 1500 personnes qui ont perdu leur droit
de vote. Vous vous demandez comment? C'est très facile.
Ces gens ont rempli les formules 16 et 17, c'est-à-dire
consistant à demander de se faire inscrire sur la liste, ou par un
parent, par la formule 17. Un grand nombre de ces formules ont
été remplies au bureau de dépôt avec un reçu
aux personnes qui ont fait l'inscription mais ne sont jamais parvenues au
bureau du président, au bureau de révision. On les a perdues en
route. C'est très facile de faire perdre le droit de vote à ces
gens, peut-être à la moitié ou peut-être même
à la majorité de ces personnes. La liste est arrivée au
bureau de révision. Savez-vous ce qui s'est passé dans deux des
six bureaux de révision de mon comté? Dans quatre bureaux, cela a
très bien marché mais, par hasard, dans deux bureaux où le
parti au pouvoir avait deux réviseurs et l'Opposition un seul, on
attendait que celle-ci aille manger parce qu'elle ne pouvait pas
siéger toute la journée, cela commence à 8 heures du matin
jusqu'à 22 heures le soir. Elle devait donc aller manger à un
moment donné. Pendant ce temps, on étudiait les demandes
d'inscription et on les rejetait sans avis.
Oui, c'est dans la loi. Elles sont rejetées sans avis. Quand il
s'agit de radiation, au moins, on doit envoyer un avis de 24 heures à la
personne pour lui dire qu'il y a une demande de radiation. Mais ces pauvres
gens, les 1400 personnes qui ont fait une demande d'inscription, se sont
trouvées rejetées sans raison, sans cause. Tous leurs droits
d'électeurs ont été rejetés sans avis. Si vous
aviez vu le bureau du président des élections le jour du scrutin,
c'était une "mob scene". Il y avait des centaines et des centaines de
personnes qui s'étaient rendues là avec leurs formules 16 et 17.
Oh oui! On regarde cela et on dit: Vous êtes rejeté. Pourquoi?
Cela est arrivé même dans la même famille. Madame a eu le
droit de voter, monsieur n'a pas eu le droit ou l'enfant, oui, la mère,
non. Toute la famille avait demandé d'être inscrite sur la liste
électorale. Cela a été fait comme par hasard à
environ 1400 personnes. Et c'est la raison pour laquelle on demande cet
amendement pour qu'on donne au moins la chance à ces gens d'être
avisés qu'on veut rejeter leur nom. Et je vais aller plus loin, en
demandant même qu'on leur donne un avis de 48 heures.
Le système qu'on utilise à l'heure actuelle, c'est
d'envoyer une lettre recommandée, mais la lettre recommandée
arrive trop tard. On envoie un messager livrer une lettre à une
personne. Il arrive et frappe à la porte. Si la personne n'est pas
là, que fait-il? Il laisse la lettre sur le plancher ou dans le lobby de
l'édifice. Ces personnes ne savent jamais que quelqu'un a demandé
un avis de radiation à leur sujet ou, si cet amendement est
accepté, une demande du rejet de l'inscription. Il y a une façon
très facile d'éviter cela et on a proposé cet amendement,
à savoir qu'on avise tous les candidats qu'on veut radier ou rejeter
cette personne, c'est-à-dire qu'à ce moment-là, cela
devienne, pour le parti politique, c'est-à-dire le gouvernement,
l'Opposition, les tiers partis ou le parti indépendant, la tâche
d'aller aviser ces personnes par un autre moyen, un coup de
téléphone ou même de frapper à la porte
jusqu'à ce que la personne réponde, pour lui expliquer qu'elle
perdra son vote à moins d'aller au bureau de révision. Avec le
système qu'on a actuellement, du moment qu'il y a une demande de
radiation ou de rejet, il y a 75% à 90% de risques que la personne ne
soit pas sur la liste électorale. Quand on revient au système qui
a déjà été employé dans certains
comtés où il y a beaucoup de gens de groupes ethniques ou des
gens qui viennent pour signer des affidavits "at large", pour radier 10
à 15 noms d'un coup parce qu'ils sont d'origine étrangère,
on leur dit qu'ils ne sont pas des citoyens et que ce n'est pas vrai.
Même si ces gens reçoivent un avis officiel, ils ont peur d'aller
au bureau du président, ils ont peur. Voilà la machine
gouvernementale. On va faire quelque chose. Ces personnes ont besoin de cet
avis au candidat qui peut leur expliquer dans leur propre langue de quoi il
s'agit et leur donner une chance de se faire inscrire sur la liste
électorale.
C'est une partie de la tactique qui a été employée
dans mon comté. Quand je dis que 1400
personnes ont été privées de leur droit de vote, je
suis très conservateur quand je donne ce chiffre. Tout est arrivé
comme par hasard dans mon comté, quand on a fait la nouvelle liste
électorale pour le 20 mai, on a copié la liste qu'on avait
préparée au mois d'octobre ou novembre. (22 h 20)
Comme par hasard, 80% des noms anglophones et ethniques étaient
mal écrits. Les noms francophones étaient bien écrits, pas
de problème. Je ne sais pas si c'est parce que les gens ne savent pas
écrire les noms étrangers et les noms anglophones, mais il est
difficile de faire une erreur quand le monsieur s'appelle Brown et qu'on
retrouve Bront ou une autre façon de l'écrire. Si c'est un
monsieur Hykenberg, je comprends qu'il peut y avoir des erreurs. Mais un nom
comme Brown, Smith ou Jones, où on trouve des erreurs, je trouve qu'il y
avait un peu d'organisation dans cette affaire. Je dis que, dans mon
comté de Saint-Louis, je n'ai jamais vu une affaire comme
celle-là. Même en 1960, la pire élection que j'ai
vécue durant ma vie politique... Cette fois-ci, le 20 mai était
la pire que j'ai jamais vue. Nonobstant cela, cela a été 73% de
votes pour le non.
M. Ciaccia: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Je voudrais ajouter aussi quelques remarques au sujet
du projet de loi no 111, spécifiquement quand il se réfère
à la liste électorale qui a été utilisée
pour le scrutin du 20 mai. On se propose maintenant, par ce projet de loi,
d'utiliser la même liste pour les comtés où il y aura des
élections partielles.
C'est une chose de rédiger un projet de loi, mais c'est une autre
chose de l'appliquer et de l'appliquer d'une façon juste,
équitable et démocratique. Les pratiques que mon collègue,
le député de Saint-Louis, vient de décrire se sont
produites aussi dans le comté de Mont-Royal. Je voudrais vous
mentionner, Mme la Présidente, le genre de pratiques qu'on a subies dans
le comté de Mont-Royal lors du référendum du 20 mai.
Vous vous souviendrez, Mme la Présidente, qu'il y a eu une liste
électorale préparée l'automne dernier. Voici
l'expérience que nous avons vécue dans le comté de
Mont-Royal. Depuis que ce gouvernement est au pouvoir, dans les comtés
où le gouvernement juge que ce n'est pas un comté où les
gens vont voter pour les propositions du gouvernement, on a des omissions, on a
des noms de rues qui ne sont pas inclus, on a des erreurs dans la liste quant
aux noms qui sont à consonnance ethnique ou anglophone. L'automne
dernier, nous nous sommes assurés, avec les bénévoles que
nous avions, de faire le tour du comté et d'ajouter, sur la liste
électorale, les noms qui avaient été omis à la
compilation de la première liste. Durant la période de
révision, nous avons aussi apporté des amendements, des
changements et des demandes pour corriger des erreurs.
Quand la liste a été rendue publique pour le
référendum, cela aurait dû être seulement une copie
de la liste avec les révisions de l'automne dernier. Ce qui est
arrivé, c'est qu'il manquait des milliers de noms dans le comté
de Mont-Royal. Le gouvernement peut-il nous expliquer comment le fait de copier
une liste qui a déjà été préparée
peut résulter en une erreur pour des milliers de noms omis de la liste?
Nous, qui avons déjà eu l'expérience de l'automne dernier,
nous nous sommes préparés et nous avons, avec l'aide des
bénévoles du comté, parcouru le comté. Nous avons
littéralement frappé de porte en porte dans tout le comté
de Mont-Royal pour nous assurer que les gens sur la liste étaient tous
inclus et que les gens qui habitaient le comté étaient tous
inscrits sur la liste.
Mme la Présidente, vous seriez surprise d'apprendre que nous
avons ajouté à la liste électorale, soit par des
omissions, des erreurs flagrantes dans l'épellation des noms, 5309 noms
qui n'étaient pas inscrits sur la liste électorale. Je voudrais
savoir du gouvernement comment il explique cela. Nous avions, dans le
comté de Mont-Royal, un président d'élection
jusqu'à tout dernièrement. Cela faisait des années et des
années qu'il occupait cette fonction. Il avait l'expérience de la
Loi électorale et on a jugé bon de le remplacer. Je voudrais
savoir du gouvernement comment un officier c'est un officier public, un
officier du gouvernement qui a été nommé par le
gouvernement pouvait permettre le genre de pratiques qui se sont
produites dans le comté de Mont-Royal.
Je vais vous donner un autre exemple. Il ne s'agit pas seulement de la
liste électorale. C'est honteux, Mme la Présidente, de dire qu'on
a été obligé d'ajouter 5309 noms. Il y a seulement 36 000
électeurs dans tout le comté; c'est presque 20% du
comté.
Une autre pratique qu'on a constatée et on voudrait avoir
des réponses du ministre sur ce qui va se produire aux prochaines
élections c'est le choix des lieux de votation. C'est bien
facile, Mme la Présidente, d'identifier les comtés où les
gens vont voter majoritairement contre le gouvernement. Mais, vous le savez,
nous sommes dans une démocratie. Le droit de vote est un droit
individuel. Ici, nous voyons l'importance des droits individuels. On ne parle
pas de droits collectifs. Une collectivité ne vote pas. Les individus
votent et le total de tous les individus dans la province, au Québec,
ça fait partie de toute la société
québécoise. Mme la Présidente, il faut admettre que chaque
individu a le même droit qu'un autre individu, sans égard à
ses vues politiques, à ses origines ethniques ou linguistiques.
Mais, quand on veut faire de l'obstruction, il y a beaucoup de pratiques
qu'on peut adopter. Une des pratiques qu'on peut adopter c'est la
première fois que je l'ai vue c'est le choix des lieux de
votation. Dans plusieurs endroits, on a choisi des lieux où
c'était impossible, presque,
d'entrer. Il y avait une porte pour entrer. Il fallait monter une
trentaine de marches. Pour descendre au sous-sol de cet édifice, il
fallait descendre une autre trentaine de marches. Pour ressortir, il n'y avait
pas une porte de sortie. Imaginez-vous, Mme la Présidente, s'il y avait
eu un feu ou quelque malheur à cet endroit ce qui serait arrivé.
Alors, il fallait que les gens montent l'escalier; il fallait qu'ils le
redescendent. Après avoir voté, il fallait qu'ils remontent du
sous-sol, presque au deuxième étage, et ressortir. A cet endroit
le gouvernement le sait, parce que ça se voit par la liste
électorale; l'âge des personnes est inscrit
majoritairement, c'étaient des personnes âgées.
Mme la Présidente, je vous dis que, le matin, à 10 h 30,
quand je suis arrivé on m'avait appelé pour aller voir ce
qui se passait à ce lieu de votation sur la rue Barclay,
c'était pitoyable de voir les gens qui avaient attendu là depuis
une heure ou une heure et demie, des personnes âgées qui ne
pouvaient pas entrer, qui étaient toutes bloquées à
l'entrée. Les quelques-unes qui étaient en dedans ne pouvaient
pas sortir, parce que les personnes qui voulaient aller voter étaient
toutes bloquées à l'entrée. C'était vraiment
quelque chose d'incompréhensible, quelque chose d'injuste et quelque
chose dont on pourrait dire que, si on avait voulu mettre des obstacles pour
empêcher les gens de voter, pour causer de l'obstruction
systématique, on n'aurait pas pu faire pire que ce qui s'est produit
à Mont-Royal, le 20 mai 1980. On ne voit pas ça dans la loi,
ici.
Malheureusement, l'impression que ce gouvernement nous donne, c'est
qu'il y a l'apparence et la réalité. L'apparence, c'est qu'on
veut donner le droit de vote à tous les gens. On dit: Tout le monde est
important. Mais, dans la réalité, Mme la Présidente, avec
les pratiques qui se sont produites le 20 mai, malheureusement, on a
essayé systématiquement d'empêcher un grand pourcentage de
la population de certains comtés je ne dis pas de tous les
comtés de voter. J'ai eu aussi l'expérience d'autres
comtés où il y avait beaucoup de gens de groupes ethniques. Les
histoires que ces gens me contaient, franchement, c'étaient des choses
qui ne devraient jamais se produire dans une démocratie dans
l'Amérique du Nord ou dans n'importe quelle autre démocratie. Des
gens qui avaient obtenu leur feuille rose la feuille rose quand on
faisait l'application pour être révisé et qui
n'étaient pas sur la liste électorale, des gens qui avaient
déjà fait une application l'automne dernier pour s'inscrire sur
la liste ou pour corriger les erreurs dans leur nom qui avaient
été mal inscrits. Encore, la nouvelle liste du mois de mai avait
complètement changé ça ou les avait omis. C'était
systématique dans les comtés du nord de la ville de
Montréal. Dans les comtés de l'ouest de la ville de
Montréal. Je n'ai pas eu de plaintes, je n'ai pas entendu dire que ces
choses-là s'étaient produites ailleurs. (22 h 30)
Mme la Présidente, c'est très sérieux. Les
affirmations que je fais sont très sérieuses et je ne les fais
pas sans avoir eu personnellement connaissance de causes, sans avoir vu
moi-même personnellement ce qui s'est produit. Je ne voudrais pas que ces
choses se répètent, que ce soit dans des élections
partielles ou des élections générales. Je pense que ces
moeurs, si elles ont déjà existé au Québec, ce sont
les moeurs du passé. Elles ne devraient pas se répéter.
Nous avons tous le droit de voter, c'est un droit sacré. Ce n'est pas un
privilège, c'est un droit. Et de viser certains comtés,
d'empêcher les gens d'exercer leur droit le plus fondamental dans une
société démocratique, le droit de vote, je pense, Mme la
Présidente, que ce n'est pas pardonnable.
Je voudrais demander au ministre s'il va s'assurer que les
présidents d'élection, dans chaque comté, vont respecter
le processus démocratique parce que je vous dis, Mme la
Présidente, que le président d'élection du comté de
Mont-Royal ne l'a pas respecté. Nous avons fait des plaintes maintes et
maintes fois durant la période de révision, durant la
journée nous avions un comité juridique, Mme la
Présidente, à peu près une quarantaine de personnes, pour
tous les bureaux de vote, et les plaintes que nous avons eues, les plaintes que
nous avons faites au président, cela ne devrait pas se produire dans une
démocratie. Je voudrais demander au ministre de nous dire, dans sa
réplique, s'il va s'assurer que les présidents d'élection
qui sont nommés par le gouvernement vont s'assurer que le processus
démocratique sera respecté. Je voudrais aussi demander au
ministre s'il va nous assurer que le droit de vote de tous les
Québécois sera respecté et protégé et
quelles mesures concrètes il va prendre pour s'assurer que les abus que
nous avons connus le 20 mai ne se reproduiront pas.
Ce sont des abus qui ne sont pas acceptables. Quel que soit le
gouvernement au pouvoir, nous avons tous le droit de voter, d'exercer notre
droit de vote. Cela se peut bien qu'on ait des différences d'opinions.
Peut-être que je ne suis pas du même avis que les membres du Parti
québécois, mais je vais toujours respecter leur droit de
s'exprimer, que ce soit dans cette Chambre, que ce soit en dehors de cette
Chambre ou que ce soit par le droit de vote. C'est quelque chose de
sacré. C'est la seule façon dont nous allons garantir une
démocratie saine. Je voudrais, Mme la Présidente, que le ministre
nous assure, assure cette Chambre, assure la population et spécialement
si on parle de la liste du 20 mai, assure les comtés dans lesquels cette
liste va être utilisée peut-être pour les élections
partielles, nous assure que toutes les mesures seront prises pour que le droit
de vote de tous les Québécois soit respecté et
protégé. Merci, Mme la Présidente.
M. Lavoie: Mme la Présidente, j'aimerais ajouter quelques
mots.
La Vice-Présidente: M. le député de Laval.
M. Jean-Noël Lavoie
M. Lavoie: Avant la réplique du ministre responsable de la
réforme électorale, dont l'absence est très
remarquée, Mme la Présidente,
parce qu'on s'attendait normalement à ce qu'il soit ici durant
les interventions des députés de l'Opposition, je remarque que le
député de Gatineau, le député de Nicolet-Yamaska,
le député de Saint-Louis et le député de Mont-Royal
sont intervenus sur cette question durant l'absence du ministre d'Etat à
la Réforme... Je remarque son arrivée.
M. Bédard: Le député de Laval, comme
à son habitude, essaie de laisser planer l'idée qu'on est absent
des débats et qu'on ne peut entendre ce que disent les
députés. On sait très bien qu'il y a une habitude, en
cette Chambre et qu'un député, tout en n'étant pas
à son banc, peut suivre les débats. C'est ce que nous faisons. Je
demanderais au député de Laval d'être au moins correct.
M. Lavoie: Ce n'était pas mon intention d'insulter le
ministre, d'ailleurs, je venais de souligner sa présence il y a quelques
instants alors qu'il était quand même absent durant les quatre
interventions de l'Opposition. Mme la Présidente, j'espère
également, et je voudrais garder ce débat au-dessus de la
partisanerie politique le plus possible même si, avec les exemples que
nous avons vécus lors du dernier référendum, il s'agit
d'un défi assez difficile de garder cela au-dessus de la partisanerie
politique.
Parce que nous avons des choses à faire connaître au
ministre. C'est quand même le ministre responsable de l'application de la
loi 9, la Loi électorale, et du projet de loi qu'il nous soumet
actuellement, qui modifie partiellement cette loi. C'est le ministre
responsable de la réforme électorale, et je pense que c'est notre
rôle, comme députés de l'Opposition et même comme
députés ministériels, d'apporter toutes les
lumières voulues pour que le droit de vote et la démocratie
s'exercent le plus normalement au Québec.
Ce n'est pas une insulte, le député de Châteauguay a
présidé pendant un an ou deux un comité de travail dont
faisaient partie des députés ministériels et des
députés de l'Opposition, tant de l'Opposition officielle que de
l'Union Nationale; il a travaillé et je l'en félicite
d'ailleurs au-delà d'un an ou un an et demi à la refonte
de la Loi électorale, qui a suscité d'ailleurs la loi 9. Je crois
que sa contribution à l'étude du projet de loi que nous
étudions est tout à fait profitable aux travaux de cette
Assemblée.
Mes remarques seront assez brèves, ce n'est pas sur les deux
articles qui se retrouvent dans le projet de loi actuel; mais je pense bien
qu'en vertu de la coutume parlementaire, si on présente un projet de loi
qui modifie entre autres la Loi électorale, c'est l'endroit tout
à fait désirable pour apporter d'autres améliorations
à cette Loi électorale. Je pense que cela a été une
bonne chose que nous ayons eu cette pratique générale, lors du
référendum, où, à la suite de la proclamation
partielle de certains articles de la loi 9, on rodait pour la première
fois la nouvelle Loi électorale, du moins tout à fait
partiellement.
Je ne reviendrai pas sur les remarques qui ont été faites
par le député de Saint-Louis, notamment sur les lacunes dans le
processus de la révision des listes électorales que j'ai
expérimentées moi-même dans le comté de Laval. Dans
le courant de la journée du référendum je ne vous
dis pas qu'il y en a eu des milliers comme dans le cas de Saint-Louis ou dans
le comté de Mont-Royal j'ai eu l'expérience du cas d'une
dizaine de personnes qui avaient leur formule rose qu'on appelle, formule 16 ou
17. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de la voir, c'est comme un reçu. Une
personne s'était déplacée pour aller au bureau de
dépôt faire une demande pour ajouter son nom; on lui remet un
genre de récépissé, une formule rose. La personne, de
bonne foi, croyant que... Il était d'ailleurs citoyen canadien depuis de
nombreuses années, il occupait cette maison depuis une quinzaine
d'années et il était assuré qu'en ayant ce
récépissé son nom serait sur la liste électorale,
mais à sa surprise, lors de l'élection, son nom n'était
pas du tout sur la liste électorale. Je l'ai rencontré au bureau
du président d'élection; le président d'élection a
sorti les dossiers, les délibérations de la commission de
révision et on ne trouvait même pas de décision dans son
cas, si sa demande avait été acceptée ou rejetée,
aucune décision de la commission de révision. Cette personne,
comme une dizaine d'autres que j'ai rencontrées la journée du
référendum, était privée de son droit de vote. Je
trouve que cela est complètement inacceptable; des gens qui ignoraient
que leur nom n'était pas là allaient faire une demande et se
retrouvaient non inscrites sur les listes électorales.
Le point sur lequel je voudrais vraiment insister pour sensibiliser le
ministre, député de Chicoutimi, c'est le rejet des bulletins le
soir, lors du décompte. On avait vécu déjà cette
expérience partiellement lors de deux élections partielles et je
l'avais soulevé ici à l'Assemblée nationale; dans
Jean-Talon, au-delà de 3% des bulletins de vote avaient
été rejetés et dans le comté d'Argenteuil, lors de
l'élection du chef de l'Opposition officielle, au-delà de 5% des
bulletins avaient été rejetés. Cela avait fait l'objet de
représentations à l'Assemblée nationale et même,
lors de la loi 9, il y a eu une tentative du ministre, on a modifié la
loi 9 à la suite de la suggestion du directeur général des
élections. Au lieu de limiter l'expression du vote par un X, ce qui est
une coutume centenaire au Québec, cette fois-ci, justement dans le but
d'éliminer des rejets de vote, on permettait des marques: soit le X,
soit un crochet, soit une barre ou quoi que ce soit.
Même en apportant cette amélioration, il est quand
même étrange et incompréhensible de voir que lors du
dernier référendum j'ai eu le résultat aujourd'hui
il y a eu 65 012 bulletins rejetés, ce qui fait en pourcentage
d'ailleurs, je vais l'expliquer 1,75% alors que
l'expérience, depuis une trentaine d'années au Québec, il
est vrai, est d'environ 2%. Cela veut dire qu'il y a eu une
légère amélioration.
Mais il faut continuer cette analyse, et j'ai eu l'occasion de faire une
analyse. Si on prend la grande moyenne des 110 circonscriptions
électorales lors du dernier référendum, je dirais 85% des
circonscriptions électorales, c'est à peu près 1% de
bulletins rejetés, uniquement mais, chose
étrange, dans 10 ou 15 circonscriptions électorales, ce
taux moyen d'environ 1%, on le retrouve au-delà de 2 1/2%, 3%, 4% et
jusqu'à 4,6%. Près de 5% dans le comté de
Notre-Dame-de-Grâce, 4,6%! J'ai quatre exemples ici. Dans le comté
de Bourassa, 3,2%, 1100 bulletins rejetés sur 34 000 bulletins
exprimés. C'était deux pour un en faveur du non. On remarque
cela, c'est constant dans les exemples que je vais vous donner. Dans ces
comtés, il y a une majorité énorme en faveur du non. Dans
le comté de Hull, 1087 bulletins rejetés sur 32 000, soit 3,3%.
Dans le comté de Mont-Royal, 1208 bulletins rejetés sur 35 000,
soit 3,4%. Dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce, là, c'est
vraiment le gros lot, le bouquet, comme dit le député de
Laviolette, 1534 bulletins rejetés sur 33 000 votes exprimés,
soit 4,6%. Je vous dis et je prends la responsabilité de mes
déclarations qu'une machination a exité dans certains
comtés. Des directives ont été données à des
scrutateurs nommés par le Parti québécois, ils ont eu des
instructions de rejeter délibérément, sciemment des
bulletins fort valides, tout à fait valides, qui auraient
été reconnus tout à fait valides devant les tribunaux.
D'ailleurs, je vais vous donner un exemple, un cas où on poursuit
l'enquête. Dans le poil 74, dans le comté de Mille-Iles, dans la
ville de Laval, dans une seule boîte il y a eu 78 bulletins
rejetés, 78!
Une Voix: Sur combien?
M. Lavoie: II y a eu 50 oui, 30 non, 78 bulletins rejetés
et je prends la responsabilité de mes déclarations
au moins 78 bulletins étaient pour le non. Cela va aller plus loin,
d'ailleurs, et probablement que cela va se ramasser devant les tribunaux parce
que le scrutateur lui-même maculait les bulletins, il faisait des marques
sciemment. En donnant le crayon et le bulletin, il s'arrangeait pour faire une
petite marque à l'endos du bulletin. Il s'est vanté qu'il
connaissait très bien son bureau de scrutin pour avoir fait trois fois
le porte-à-porte dans ce comté-là; il connaissait tout
à fait le pointage de liste. Je pense, mes chers amis, que cela ne
devrait plus exister. Je vois des députés ici qui ont connu les
années soixante. J'ai connu les années soixante où, pour
se faire élire je sais qu'il y en a qui ont écrit des
volumes à ce moment-là il fallait avoir 60% ou 65% de
l'appui de la population pour se retrouver avec 51% le soir du scrutin. Il y
avait toutes sortes de machinations, les bureaux de scrutin changeaient de
place, c'était incroyable! Est-ce qu'on va revenir, vingt ans
après, à ces stratagèmes scandaleux et honteux?
Je suis sûr que le premier ministre et la plupart des
députés et des ministres qui siègent devant nous, s'ils
connaissaient ce qui s'est passé, n'accepteraient pas cela aujourd'hui
au Québec. Mais à des zélés et à des
fanatiques qui existent dans des comtés, on devrait mettre le
holà. C'est malheureux, je dois le dire, on retrouve cela depuis trois
ou quatre ans. Je ne sais pas si c'est parce que nous avons devant nous un
parti qui soulève l'émotivité des gens, un genre de parti
doctrinaire ou dogmatique, mais cela se transmet parmi les militants et ces
derniers deviennent des fanatiques enragés.
Une Voix: C'est vrai.
M. Lavoie: On a fait une semence pour cela et on la
récolte; voilà l'expérience qu'on a retrouvée dans
certains comtés. Toutes sortes de petits trucs je l'ai
vécu dans ma propre circonscription le scrutateur, pour certains
bulletins majoritairement pour le non, on le sait, dans certains secteurs
peut-être où les électeurs ne sont pas des francophones,
les 20 premiers bulletins du matin étaient marqués au stylo
à bille au lieu du crayon à mine; maculer des bulletins, le rejet
des bulletins cela a été systématique dans
plusieurs comtés les manques et les faiblesses qu'il y a eu dans
la révision des listes électorales... C'est bien beau, on va
parler de la moralité publique, on va en parler des substitutions de
personne, parlez-en de tout cela. Il y a 20 ans que c'est pas mal
terminé au Québec, ce système qu'on a connu jadis. Et si
vous avez des preuves de substitution de personne, prenez les procédures
voulues et corrigez la loi; nous serons entièrement en faveur de cela.
On n'a pas besoin de cela. Je pense bien que quelqu'un qui est en politique ces
années-ci n'a pas besoin de stratagèmes qui datent du
début du siècle pour se faire élire.
Par contre, on ne permettra pas, c'est 100 fois pire, de priver
quelqu'un du droit de vote, d'un vote valide de citoyens à cause d'un
scrutateur qui a le dernier mot le soir du scrutin et qui est sans appel. C'est
lui qui a le dernier mot, il dit: C'est moi qui suis le patron dans le bureau
de vote et, selon mon jugement, le bulletin n'est pas bon. Or, personne n'a
d'appel sur cela. Vous allez me dire: même dans ces cas, même dans
Notre-Dame-de-Grâce... on ne peut même pas aller devant les
tribunaux, parce que si vous avez étudié la loi 92, il est dit
qu'on peut demander un décompte judiciaire uniquement si cela peut
changer substantiellement le résultat du référendum.
Ecoutez, ce n'est pas parce que... je suis convaincu, j'ai eu le
résultat final aujourd'hui du directeur général des
élections. Je vais vous donner en primeur, si vous voulez, le dernier
calcul officiel. C'est 40,44% pour le oui et 59,56% pour le non, avec 1,74% de
bulletins rejetés. Pensez-vous qu'on va demander un décompte
judiciaire à l'échelle du Québec, même si on est
assuré que le oui n'a pas c'est facile de faire un calcul avec
les bulletins rejetés eu 40% lors du dernier
référendum? On n'a qu'à changer 18 000 voix et 65 000
bulletins rejetés et cela place le Parti québécois en bas
de 40%.
Mme la Présidente, cela mériterait une enquête
publique et, d'ailleurs, nous allons nous pencher sur cette question, parce que
je pense bien que ceux qui... je vous inviterais à ne pas intervenir,
parce que j'ai confiance que les députés qui m'écoutent
actuellement sont contre de telles manoeuvres. Mais, quand même, il va
falloir que cela arrête. On ne retournera pas 25 ans en
arrière
pour ranimer des moeurs électorales pires que celles qu'on avait
à ce moment-là. La moralité publique, parlez-en. La vertu,
on va en parler. Mais, les expériences qu'on a depuis quatre ans sont
vraiment honteuses. Si vous avez quelque chose à dire, à nous
reprocher, levez-vous et intervenez dans le débat comme je le fais ici
actuellement. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Chauveau.
M. Louis O'Neill
M. O'Neill: Mme la Présidente, j'ai écouté
avec beaucoup d'attention ce que vient de dire M. le député de
Laval et je crois qu'il ne faut pas prendre à la légère
ses propos. On pourrait peut-être s'interroger sur
l'interprétation qu'il donne ou laisse entendre, à savoir qu'il y
aurait eu telle ou telle proportion de bulletins rejetés qui auraient
été plutôt pour telle tendance que telle autre. Mais,
enfin, globalement, je pense qu'il a indiqué là des proportions
qui ont quelque chose d'étonnant. Je voudrais simplement lui dire ceci,
c'est qu'il y a aussi des plaintes qui peuvent venir d'autres gens. (22 h
50)
J'ai travaillé de près, comme tous ceux qui sont ici, avec
les militants de la base, avec les gens qui ont fait la journée et il y
a d'autres genres de doléances, évidemment, qui existent. Je vais
vous donner deux cas. Nous avons pu constater, par exemple, que la
méthode consistant à ce qu'on appelle passer des
télégraphes sans faire allusion à qui que ce soit
n'est pas révolue. Je ne dis pas que cela atteint une proportion
catastrophique. Ce que l'on peut quand même relever comme nombre
prouvé de gens qui sont venus, par exemple, pour voter et quelqu'un
était venu à leur place, etc., c'est quand même quelque
chose d'encore assez significatif et même assez étonnant. J'avoue,
pour ma part, mon étonnement en ce sens que dans les directives qui sont
données aux représentants dans les bureaux de scrutin, on essaie
de faire en sorte qu'ils puissent bloquer la mécanique le plus possible
et ils ne réussissent pas entièrement. Ce n'est pas
général dans tous les coins d'un comté. Cela peut, par
exemple, être plus facile chez des militaires, pour que les choses se
comprennent bien. Il nous est arrivé des cas où les gens
étaient à Chypre et ont voté. Je trouve que c'est un peu
loin pour venir voter la journée du référendum et je ne
dis pas non plus que c'est nécessairement à la suite d'une sorte
de stratégie. Il y a le zèle individuel qui entre en jeu dans
cela. Il y a des gens qui le font aussi parce que cela représente pour
eux un défi ou des choses comme cela, mais cela existe à ce point
de vue. Je pense que tous ceux qui sont ici pourraient peut-être se poser
des questions concernant la carte d'électeur ou reprendre ce
débat pour s'assurer que les droits de chacun soient
respectés.
Il y a aussi une autre chose qui a été
déplorée, un autre cas. C'est une certaine façon de se
comporter à l'égard de catégories d'électeurs plus
dépendants que les autres. Je pense, pour ma part, inacceptable que dans
les bureaux de scrutin où on vote par anticipation, on aille, par
exemple, chercher en autobus scolaire 30 ou 40 personnes âgées
dont certaines ne savaient même pas exactement pourquoi elles votaient
cette journée-là, qu'on les garde dans un autobus en pleine
chaleur durant trois heures de temps dans des conditions pénibles que je
n'oserais même pas vous décrire ici pour en arriver, d'ailleurs,
à un moment donné, à être forcé de demander
à un certain nombre de ces personnes de retourner chez elles pour
revenir le lundi suivant parce que c'est très clair qu'elles n'avaient
pas le droit de voter. L'autobus en question a été nolisé
par une organisation électorale en collaboration très directe,
d'ailleurs, avec la direction d'une institution. J'ai raconté cette
histoire à certains de mes collègues qui m'ont dit qu'ils avaient
constaté des phénomènes similaires dans leur coin.
Je dis simplement, Mme la Présidente, d'une part, qu'il faut
réfléchir sur les remarques de M. le député de
Laval et sur des excès de zèle ou certaines méthodes qui
pourraient être employées, comme il nous le décrit, ce qui
semble bien porter au moins à discussion et au moins à
réflexion. Encore une fois, je ne dis pas qu'il n'y a rien de
fondé dans cela. Au contraire. Il est sûr que les proportions
comme celles qu'il nous mentionne sont des proportions pour le moins
étonnantes, mais je voudrais simplement signaler que le problème
ne se pose pas simplement là. Ce qui me frappe, c'est qu'une grande
partie de l'énergie dépensée dans la préparation de
nos représentants, par exemple, dans les bureaux de scrutin dans les
jours qui précèdent une élection ou un
référendum, consiste à les aider à dépister
les cas et faire en sorte que les gens qui votent sont vraiment les gens qui
ont le droit de voter. C'est pour vous dire qu'il n'y a pas qu'un volet au
problème. Il y en a plusieurs.
Je pense que M. le député de Laval a parfaitement raison
de souligner ce volet et, encore une fois, certains chiffres qu'il nous donne
ne peuvent pas je dirais ne pas attirer notre attention. Je
voudrais simplement signaler qu'il y a aussi des méthodes, des
techniques d'autre nature qui occupent encore une place assez surprenante dans
notre vie électorale. Encore une fois, je déplore qu'une grande
partie du temps qui est dépensé à former nos
représentants porte, justement, sur une série de conseils qu'on
doit leur donner en leur disant, par exemple: Surveillez le début, le
matin, c'est la période un peu plus stratégique à partir
de 9 h 30 jusqu'à 11 heures; surveillez la fin de l'après-midi
avec beaucoup plus d'attention.
Malgré toutes ces précautions, on apprend, à un
moment donné, qu'il y a des gens non existants, par exemple, qui ont
voté. Je pense que nous pourrions là-dessus peut-être
mettre ensemble nos expériences. M. le député de Laval a
sûrement vécu une expérience particulière. Il a eu
les rapports d'autres députés. Nous avons aussi des
expériences. De toute façon, nous avons tous intérêt
à ce que la mécanique électorale fonc-
tionne de la façon la plus objective et la plus rigoureuse
possible. Pour ma part, encore une fois, je suis loin de rejeter du revers de
la main ce que nous dit le député de Laval, mais je voudrais
simplement porter à son attention le fait que des doléances
d'autres sources et portant sur d'autres types de méthodes ou de
tactiques nous sont communiquées et j'aimerais qu'il accorde aussi de
l'attention à celles-là. A ce point de vue, je pense que M. le
député de Laval sera sûrement d'accord avec moi et que nous
aurions tous intérêt désormais à nous dire que le
temps est venu d'en arriver à une Loi électorale, d'en arriver
à aborder des problèmes comme la carte de l'électeur, d'en
arriver, si vous voulez, à un système perfectionné,
à des méthodes nettement meilleures qui feront en sorte que le
principe un homme un vote ou un citoyen un vote soit vraiment respecté
si vous voulez que les droits de chacun des citoyens soient bien
respectés dans le processus électoral. Merci, Mme la
Présidente.
M. Gratton: Mme la Présidente, est-ce que le
député de Chauveau me permettrait une question, car je voudrais
élucider un point qu'il a touché et que je n'ai pas bien
compris?
La Vice-Présidente: Est-ce que vous permettez la question,
M. le député de Chauveau?
M. O'Neill: Oui, Mme la Présidente, oui.
M. Gratton: Le député de Chauveau a
mentionné que, dans certains cas, des personnes âgées ou
pas cela a peu d'importance s'étaient
présentées au bureau de scrutin spécial,
c'est-à-dire ce qu'on peut appeler le bureau avancé, pour voter
et qu'on avait dû leur demander de retourner chez eux et de revenir la
journée du scrutin. Dois-je comprendre des propos du
député de Chauveau... D'abord, est-ce que le député
sait qu'il y avait une disposition qui permettait justement, maintenant,
à toute personne qui désirait voter par anticipation de le
faire?
M. O'Neill: A certaines conditions.
M. Gratton: J'aimerais que le député nous explique
cela, parce que...
M. O'Neill: C'est-à-dire que le texte de la loi
prévoit que les personnes handicapées, d'une part, pouvaient
profiter du vote par anticipation, et les personnes qui ne seraient pas
à leur résidence cette journée-là. C'étaient
les deux exigences de la loi. Ce sont les deux qui ont été
appliquées. Ce n'est pas n'importe qui, autrement dit, qui pouvait voter
de cette façon. Il fallait y avoir des raisons ou certaines fonctions
qu'elles devaient remplir. Mais il n'était pas dit que tous ceux qui
avaient envie de voter le vendredi et le samedi pouvaient dire: Nous votons,
nous, de préférence, vendredi et samedi, plutôt que mardi,
parce que cela nous fait plaisir. Ce n'est pas le sens du texte de la loi.
M. Gratton: Mme la Présidente, je me permets de vous
donner mon interprétation, qui est celle...
La Vice-Présidente: M. le député.
M. Gratton: Je pense bien que je peux m'adresser au
député de Chauveau. Merci, M. le...
La Vice-Présidente: M. le député, vous avez
déjà posé une question à M. le député
de Chauveau. Je pense que vous êtes déjà intervenu dans le
débat et il ne faudrait pas que votre intervention prenne l'allure d'une
nouvelle intervention. S'il vous plaît, M. le député.
M. Gratton: II n'y a pas...
La Vice-Présidente: Est-ce que c'est une nouvelle
question?
M. Gratton: Mme la Présidente, si vous me permettez une
phrase à peine pour dire au député de Chauveau que, quant
à moi, l'interprétation que je fais de la phrase "toute personne
qui considère et qui a des raisons de croire qu'elle ne pourra voter le
jour du scrutin", c'est une décision personnelle que l'électeur
fait. Il peut craindre de ne pas être-La Vice-Présidente:
M. le député.
M. Gratton: ... en état de santé la journée
du scrutin-La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: ... et c'est la façon, en tout cas...
La Vice-Présidente: A l'ordre, M. le député!
S'il vous plaît, M. le député! Je pense que vous faites une
intervention. Il y a une protestation. Vous seriez en dehors du
règlement, M. le député, à moins que nous n'ayons
un consentement. Il me ferait plaisir, M. le député, de vous
donner la parole si nous avions un consentement unanime de cette
Assemblée.
Une Voix: II ne l'a pas.
M. O'Neill: Est-ce que je pourrais répondre. Ah bon! Il y
a une réponse à cela, mais, enfin.
Une Voix: Mme la Présidente est pressée. La
Vice-Présidente: M. le ministre... M. Lamontagne: Mme la
Présidente. La Vice-Présidente: M. le député
de Roberval. M. Robert Lamontagne
M. Lamontagne: Quelques mots seulement, Mme la Présidente,
pour rappeler à la bonne
attention du ministre certains propos qui ont été tenus
par le député de Laval tout à l'heure et qui prennent une
signification considérable dans le cadre du dernier scrutin, à
l'occasion du référendum du 20 mai dernier. (23 heures)
Au cours des dernières années, je pense qu'on a
essayé, tant avec le rapport Dussault qu'avec le bon travail de la
majorité des parlementaires ici, d'améliorer, d'une façon
substantielle, la Loi électorale au Québec.
Or, comme le député de Laval l'a dit tout à
l'heure, lorsqu'on a l'occasion, la chance d'avoir des données bien
concrètes devant nous, il nous paraît, quant à nous du
moins, que nous devrions prendre certaines dispositions pour aller scruter
véritablement ce qui s'est produit dans certains cas
spécifiques.
Comme le député de Laval le rappelait, la loi
référendaire ne permettait pas de recomptage judiciaire, à
moins que cela n'ait une signification appréciable sur le
résultat du référendum lui-même. C'est pour cela
que, du côté des tenants du non, il n'a pas été
demandé de recomptage judiciaire, mais je pense que c'est notre devoir
le plus strict, tant individuellement que collectivement, de nous interroger.
Comment peut-on arriver, dans des comtés comme Mont-Royal,
Notre-Dame-de-Grâce, avec des bulletins rejetés de 4,6% et de
3,4%; 3,3% et 3,2%?
Il me paraît que les parlementaires, soucieux comme ils l'ont
prouvé de l'amélioration de nos lois électorales,
devraient demander au président des élections d'aller
lui-même faire enquête dans quatre comtés pour constater,
pour lui et pour nous, ce qui a bien pu se produire pour qu'autant de bulletins
puissent être rejetés dans ces comtés.
Il faut se rappeler que, cette année, au
référendum, on pouvait voter de quatre manières
différentes. L'expérience que vous avez, et celle que nous avons
tous ici, même si cela ne fait pas cinq ou six élections que nous
faisons, le nombre d'élections auxquelles nous avons pu participer nous
convainc très facilement que c'est impossible qu'il y ait autant de
bulletins rejetés dans un comté sans qu'il y ait eu une
détermination d'un scrutateur ou de scrutateurs donnés qui ont
malheureusement, à mon avis du moins, trop de pouvoir pour l'annulation
d'un bulletin.
Mme la Présidente, savez-vous que, ni vous ni moi ne savons si
notre bulletin de vote personnel n'a pas été rejeté? Dans
un bureau chez moi, à Saint-Félicien le comté n'a
pas voté non dans le comté de Roberval, mais on savait que
c'était non dans ma ville; je le sais, parce que les deux partis en ont
convenu j'ai 26 bulletins "non " qui ont été
rejetés d'un bloc. Je pense qu'on doit faire quelque chose pour
améliorer une telle situation. Il me paraîtrait logique et je me
demande pourquoi on n'y souscrirait pas on ne changera pas le
résultat du référendum, mais on pourrait améliorer
grandement nos moeurs électorales pour l'avenir de demander au
président général des élections voeu unanime
de l'Assemblée nationale que, dans quatre comtés seulement
ce soir, à 18 heures, nous apprenions que le
référendum allait nous coûter, à nous
Québécois, $15 000 000, $16 000 000, $17 000 000 ou $18 000 000
ne pensez-vous pas qu'il serait sage et sain à la fois qu'avec
peut-être quelques milliers de dollars de plus, et avec le personnel des
gens en place, nous apprenions ce qui s'est véritablement passé
dans ces quatre comtés?
Je ne le demande pas pour le mien, ni pour celui de Saint-Louis, mais
nous présentons à la bonne attention du président des
élections quatre comtés: Notre-Dame-de-Grâce, Mont-Royal,
Hull et Bourassa, deux comtés du parti ministériel et deux
comtés du parti de l'Opposition. Dans ces quatre comtés et
je les répète, parce que c'est bien important:
Notre-Dame-de-Grâce: 1534 bulletins annulés pour 4,6%; Mont-Royal:
1208 bulletins annulés pour 3,4%; Hull: 1087 bulletins annulés
pour 3,3%; Bourassa: 1100 bulletins annulés pour 3,2% il est
évident que cela n'a pas de maudit bon sens! Il s'agit de le
reconnaître collectivement et de dire au ministre responsable de la
réforme électorale: M. le ministre, nous vous chargeons ce soir
de demander au président général des élections de
nous faire rapport dans un certain délai parce que ces gens ont
toutes les boîtes en main de bien vouloir faire l'inventaire et de
nous expliquer comment il se fait que, dans ces quatre comtés, autant de
bulletins ont pu être annulés.
Cela ne changera pas le résultat du référendum. Le
résultat officiel paraît le 19 juin prochain, jeudi de cette
semaine, après qu'on sera parti, évidemment, il va paraître
officiellement. Je pense que notre discussion serait considérablement
enrichie pour l'avenir. Mme la Présidente, cela ne me fait pas...
Evidemment, je n'ai pas été maire de Laval, de Chomedey, etc., je
n'ai pas connu les moeurs électorales de 1960, mais j'ai
participé activement, par exemple, à plusieurs des
élections partielles. Je me souviens comment dans Jean-Talon, ici, parce
que j'étais passablement lié à cette élection,
c'était compliqué de faire voter le monde le matin, et plus les
personnes étaient âgées, plus on ralentissait
considérablement le vote. Ce n'est pas des inventions. Tout le monde a
vécu cela, on le sait bien. Pourquoi se cacher la vérité?
Ici, par la télévision, on s'adresse directement à des
gens de Jean-Talon. Eux et elles savent la difficulté qu'elles ont eue
ou qu'ils ont eue à aller voter dans les différentes
écoles le matin de l'élection partielle dans Jean-Talon.
Pourquoi ne pas essayer ensemble... On dit: Parlons de la vertu,
envoyons et faisons de longs discours, mais à l'occasion on pourrait
peut-être également la pratiquer. Ce serait le plus simple. Mme la
Présidente, le ministre député de Chicoutimi, sait, lui,
plus que tout autre, les pouvoirs considérables et même
exorbitants qui sont entre les mains d'un scrutateur. Vous savez de part et
d'autre comment le vote du référendum prenait une signification
considérable. Il y a 65 000 personnes au Québec qui sont
sûres que leur vote était très important pour elles, et il
n'a pas été bon leur vote. Aimeriez-vous cela vous autres
vous
faire dire que votre vote n'était pas valide, le soir du
référendum? Moi, je n'aimerais pas cela. 65 000
Québécois et Québécoises ont vu leur vote
annulé au référendum. Il y a certainement quelque chose
dans notre système... Il paraît qu'on est, en tout cas, soi-disant
intelligents, collectivement. Il doit y avoir quelque chose qu'on devrait faire
d'une façon additionnelle. Mais est-ce que c'est partisan de dire cela
de part et d'autre? Est-ce que c'est parce que c'est vous autres qui nommez les
scrutateurs que vous ne voulez pas que cela change? Si vous n'avez pas peur
parce que vous nommez les scrutateurs, faites-en donc la preuve ce soir.
Demandez, avec nous, collectivement, d'aller scruter quatre comtés au
Québec, pas les 110, mais quatre comtés pour voir pourquoi ces
bulletins ont été rejetés.
En tout cas, il me semble que c'est tellement pétant de
clarté qu'on ne devrait pas avoir de problème à avoir un
tel assentiment. Mme la Présidente, si on laisse passer cela et qu'on se
quitte comme cela cette semaine, j'aurai des doutes sur la vertu dont ils
parlent, de l'autre côté, Si vous voulez véritablement
parler de la vertu, on va la pratiquer ensemble.
Mme la Présidente, je souhaite que le ministre responsable
demande au nom de ses collègues, au président des
élections et je répète en terminant au
président général des élections que dans quatre
comtés, Notre-Dame-de-Grâce, Mont-Royal, Hull, Bourassa, où
le nombre de bulletins rejetés est en haut de 3%, soit 3,2%, 3,3%, 3,4%
et 4,6% totalisant à eux seuls dans les quatre comtés près
de 5000 bulletins rejetés, nous, comme bons législateurs, nous
demandions d'ici un mois de faire rapport à l'Assemblée nationale
ou publiquement sur ce qui a bien pu se passer, de manière à
apporter les corrections nécessaires en vue de la prochaine
élection, les élections partielles ou l'élection
générale. Il me semble que c'est une demande raisonnable. Si on
apprend des choses à l'occasion d'un scrutin, également il faut
apprendre à corriger des choses qui n'ont pas bien
fonctionné.
Mme la Présidente, on est là encore à passer des
amendements, mais cela en est un tout cuit qui pourrait apporter des
changements considérables dans nos moeurs électorales au
Québec. Je voudrais appuyer le voeu qui a été
proposé par le député de Laval et le faire d'une
façon plus officielle en souhaitant qu'un député
parlementaire ministériel seconde il y a deux
ministériels, deux députés de l'Opposition afin que
nous sachions tous ensemble la vérité et que nous apportions
ensemble par la suite tous ensemble les corrections nécessaires.
La Vice-Présidente: M. le ministre d'Etat à la
Réforme électorale exercera-t-il son droit de
réplique?
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: Vous me permettrez, Mme la Présidente,
quelques observations. (23 h 10)
J'essaierai de garder le débat au-dessus de la partisanerie que
nous avons remarquée un peu trop du côté de l'Opposition,
malgré les précautions oratoires prises par les membres de
l'Opposition disant qu'ils garderaient ce débat au-dessus de la
partisanerie politique.
Aux exemples qui ont été évoqués par les
membres de l'Opposition se sont ajoutés beaucoup d'autres exemples qui
ont été portés à mon attention par tous les membres
de l'Assemblée nationale, que ce soit d'un côté ou de
l'autre de cette Chambre. Il est clair que l'intention de tous les
parlementaires c'est d'essayer de faire en sorte que le droit de vote, et non
pas le privilège de voter, du citoyen soit respecté et soit le
plus favorisé possible.
Je pense que le gouvernement actuel s'est conduit dans ce sens avec
cette philosophie en faisant adopter la Loi électorale qui, on le sait,
je l'ai dit et je le redis, sera en vigueur lors des prochaines
élections partielles, pour toute élection partielle à
venir, comme toute élection générale à venir, qui
aura effectivement et qui a effectivement comme but de favoriser le droit de
vote et de respecter encore mieux l'électeur et le droit de vote de
l'électeur que ce n'était le cas auparavant.
Cette loi sera en vigueur. Le gouvernement actuel... Je pense que les
accusations fortuites de la part de l'Opposition par rapport au gouvernement
actuel n'ont pas grand fondement puisque c'est ce gouvernement qui a
trouvé le moyen de mettre en place et qui mettra en vigueur pour toute
élection partielle à venir ou élection
générale à venir une nouvelle loi électorale qui a
justement pour but de favoriser le droit de vote et non de le contraindre de
quelque façon que ce soit. Je pense que le directeur
général des élections, si on veut garder le débat
au-dessus de la partisanerie politique, je suis convaincu, prendra note et
portera une grande attention de la même façon que moi
nous porterons une grande attention à toutes les
représentations qui ont été faites ici par les membres de
l'Assemblée nationale qui se sont exprimés pour voir les
améliorations qu'il y aurait lieu d'apporter.
Déjà, nous avons des indications de la part du directeur
général des élections dans ce sens. Par exemple, on a
parlé du nombre de bulletins de vote qui ont été
rejetés lors du référendum. L'Opposition crie d'une
façon partisane au scandale, essaie d'une façon partisane
d'imputer au gouvernement actuel la responsabilité des bulletins de vote
rejetés et en même temps cette même Opposition admet que
lors du référendum il y a eu moins de bulletins de vote
rejetés que lors des dernières élections
générales, alors que vous étiez le gouvernement et que
vous nommiez tous les scrutateurs.
M. Blank: Dans les comtés anglophones...
M. Bédard: Vous venez justement de faire la preuve dans
vos propos...
M. Blank: Faites l'enquête comme on le demande.
Une Voix: Faites donc une enquête. La
Vice-Présidente: A l'ordre! A l'ordre!
M. Bédard: M. le député de Saint-Louis, on
vous a laissé parler. Avez-vous peur que les autres parlent à
leur tour.
M. Blank: ...
M. Bédard: De vos propos mêmes, sans aller plus
loin, on peut conclure c'est vous-même qui l'avez fait
qu'il y a déjà une amélioration, pas assez sensible, qu'il
faut peut-être encore essayer de trouver les moyens d'y aller d'une
amélioration encore plus grande je suis parfaitement d'accord
avec vous mais par rapport à ce qui existait lors des
dernières élections générales, alors que
c'était le gouvernement libéral qui nommait tous les scrutateurs,
on s'aperçoit que lors du référendum la situation s'est
quand même améliorée. Ceci ne veut pas dire que nous ne
ferons pas les efforts. Je pense que cela est une préoccupation
au-dessus de la partisanerie que doivent avoir chacun des membres de
l'Assemblée nationale, faire en sorte que cette situation
s'améliore. Nous allons faire en sorte qu'il en soit ainsi.
Par exemple, on a mentionné, tout à l'heure, le nombre de
bulletins de vote rejetés parce que des scrutateurs ont cru bon,
à la suite de directives qui leur avaient été
données en ce sens, d'annuler des votes alors que la croix
dépassait un peu l'endroit où on doit apposer son intention de
vote. Cet élément a déjà été
porté à l'attention du directeur général des
élections, vous le savez, en commission parlementaire et le directeur
général des élections s'est engagé à donner
des directives à ces présidents d'élection afin que cette
situation ne se répète pas, de manière qu'on n'annule pas
un vote parce qu'il y a un léger dépassement de la croix au
niveau du bulletin de vote. Je pense que là-dessus tous les membres de
la commission parlementaire étaient unanimes, nous avons même fait
une recommandation, dans un consensus, au président
général des élections pour qu'il nous donne l'assurance
qu'une directive en ce sens serait donnée à l'occasion des
prochaines élections partielles ou lors de toute élection
à venir. Le président général des élections
s'est engagé à le faire.
Non seulement les députés de l'Opposition, mais
également les députés de ce côté-ci de la
Chambre ont évoqué plusieurs situations qui méritent une
attention particulière de manière que les citoyens ne soient pas
privés de leur droit de vote ou que des tactiques ou des moyens ne
soient pas employés pour annuler une intention clairement
exprimée par un électeur. Je pense que cela fait partie de nos
préoccupations fondamentales.
Il y a également l'ensemble je ne veux pas être trop
long non plus des difficultés; pas toutes les difficultés
qu'on a soulignées ce soir, mais une grande partie des
difficultés qu'on retrouve, que ce soit au niveau du recensement, que ce
soit au niveau de la révision, tout cela pourrait être
corrigé en grande partie par l'adoption, une fois pour toutes, d'un
registre qui permettrait d'avoir un numéro par électeur...
Des Voix: Un numéro!
M. Bédard: ... pour permettre le traitement informatique.
Je pense qu'il va falloir trouver le moyen, tout en utilisant
l'informatique...
Des Voix: ...
M. Bédard: J'entends les députés de
l'Opposition protester. Ce soir même il y a de l'hypocrisie de
l'autre côté de la Chambre de la part de l'Opposition nous
étions à étudier les crédits du ministère
d'Etat à la Réforme électorale et le président
général des élections nous a dit, d'une façon
claire, je pense, qu'il n'était pas en mesure de promettre un registre
qui soit de nature à corriger beaucoup des problèmes que vous
avez mentionnés si nous n'acceptons pas qu'il y ait un traitement
informatique, par exemple, où il faudrait naturellement prendre garde
à certaines difficultés de manière que les droits et
libertés individuels des citoyens soient respectés. Nous allons
continuer je l'ai dit ce soir en commission parlementaire notre
recherche, notre réflexion pour en arriver à
l'établissement d'un seul moyen, de l'un des seuls moyens qui est
à notre disposition pour corriger ces problèmes que nous
rencontrons au niveau de la confection des listes électorales, à
savoir en arriver à des listes permanentes et à un système
de registre tel que nous le préconisons dans la loi 3, auquel se sont
opposés les membres de l'Opposition.
Des Voix: Oui, oui!
M. Bédard: A un moment donné, vous prendrez vos
responsabilités.
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre! Me permettez-vous... M. le député de Saint-Louis, s'il
vous plaît! M. le député de Laval, M. le
député de Gatineau! M. le député de Duplessis! A
l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! M. le député! M. le
député de Gatineau, s'il vous plaît! (23 h 20)
Puis-je demander aux membres de cette Assemblée leur
collaboration? Je vous ferai remarquer que les interventions se font beaucoup
plus nombreuses pendant la réplique de M. le ministre de la Justice que
pendant les interventions précédentes. Je vous demanderais... Je
vous demanderais votre collaboration, M. le député de Laval, s'il
vous plaît!...
M. Bédard: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le ministre de la Justice,
j'étais déjà debout au moment où j'ai entendu M. le
député de Laval. Alors, je crois que ses commentaires ne seront
pas inscrits au journal des Débats. Si cela peut suffire à vous
permettre
de continuer votre intervention, M. le ministre de la Justice.
M. Perron: ... de son parti.
La Vice-Présidente: M. le député de
Duplessis, s'il vous plaît!
M. Bédard: Avec cette assurance de votre part, Mme la
Présidente, je vais continuer. Je ne m'étonne pas des
interruptions que vous avez mentionnées de la part des membres de
l'Opposition depuis que j'essaie d'intervenir en mettant de côté
la partisanerie. Mais les députés de l'Opposition, justement,
vous avez été à même de le constater, ne sont pas
capables d'accepter de régler une fois pour toutes la plupart de ces
problèmes par la mise en place d'un registre qui permettrait, avec un
numéro d'électeur, le traitement informatique qui
réglerait ces problèmes.
C'est bien beau, comme l'ont fait les députés de
l'Opposition, de crier au scandale, d'accuser, de faire n'importe quelle
insinuation envers le parti gouvernemental. Mais une fois cela fait, quand on
en vient au niveau des solutions, on s'aperçoit que l'Opposition n'est
jamais capable de prendre ses responsabilités et d'accepter les
véritables moyens qui sont mis à notre disposition pour en finir
une fois pour toutes avec ces problèmes auxquels nous faisons face et
qui sont de nature, comme on l'a mentionné, à ne pas favoriser le
droit de l'électeur, son droit de voter, son droit de s'exprimer. Soyez
donc logiques avec vos critiques et acceptez donc de réfléchir
avec nous, en mettant votre orgueil de côté, sur la
possibilité d'en arriver à une solution pratique dans ce
domaine.
Quand vous aurez fait ce travail non partisan, quand vous aurez fait
cette réflexion non partisane, quand vous aurez fait des efforts,
justement, pour mettre de côté votre partisanerie, à ce
moment-là, je croirai, je commencerai à croire à certaines
des critiques et des insinuations que vous avez faites tout au long de vos
interventions. Mais, au moins, posez les premiers gestes. Vous parlez de
problèmes, vous parlez de situations à corriger, mais, dès
qu'on en vient au domaine des solutions, on ne vous voit plus, vous
n'êtes plus dans le décor. Quand cela fait votre affaire, vous
parlez des droits et libertés individuels et quand cela ne fait pas
votre affaire, vous passez outre aux droits et libertés individuels.
Deux manières de voir les choses.
Alors, M. le Président, je pense que s'il y a un gouvernement qui
a fait quelque chose, pas seulement des critiques comme fait l'Opposition, pas
seulement des insinuations comme l'a fait l'Opposition tout au cours de ce
débat, mais qui a posé des gestes pratiques pour essayer de
favoriser le vote de l'électeur, c'est bien le gouvernement actuel avec
l'adoption de la loi électorale.
Le Président: S'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Saint-Louis, puis-je solliciter
votre collaboration? Merci de me l'accorder aussi gentiment, aussi
courtoisement.
M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: On voit l'objectivité des membres de
l'Opposition qui demandent que cette Chambre se penche simplement sur trois,
quatre ou cinq exemples qu'ils ont portés à notre attention. Je
vais plus loin qu'eux. Je pense qu'à partir de toutes les remarques qui
ont été faites ici, que ce soit du côté de
l'Opposition ou du côté du gouvernement, tant le directeur
général des élections que nous, comme membres de
l'Assemblée nationale, devons y porter une attention tout à fait
particulière, de manière que nous puissions atteindre notre but,
à savoir favoriser véritablement le vote des électeurs et
le respect de l'intention de vote des électeurs. Merci, M. le
Président.
Le Président: J'appelle maintenant le vote de
deuxième lecture du projet de loi no 111, Loi modifiant diverses
dispositions électorales. Je demande si cette motion de deuxième
sera adoptée.
Des Voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Renvoi à la commission de la présidence
du conseil et de la constitution
M. Duhaime: M. le Président, je ferais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission
permanente de la présidence du conseil et de la constitution.
Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Des Voix: Oui, adopté.
Le Président: Adopté, M. le ministre.
M. Duhaime: Je propose l'ajournement de nos travaux, M. le
Président, à demain, 10 heures.
Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux
à demain, le 17 juin, 10 heures.
Fin de la séance à 23 h 26